Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 4 juin 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans la

  6   salle d'audience.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez annoncer la cote de l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci est l'affaire

  9   IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. J'aimerais maintenant que les

 11   parties au procès se présentent, à commencer par l'Accusation.

 12   Mme CLANTON : [hors micro]

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez brancher votre micro, s'il

 14   vous plaît.

 15   Mme CLANTON : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Sarah Clanton

 16   et Matthew Olmsted, accompagnés de notre stagiaire, Maria Bukovac.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Et pour la Défense.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. La Défense de

 19   M. Hadzic est représentée par Goran Hadzic [comme interprété] et

 20   Christopher Gosnell.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. On peut faire entrer le témoin

 22   dans la salle d'audience.

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Est-ce

 25   que vous pouvez m'entendre dans une langue que vous comprenez ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je vous entends très bien en croate.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci d'être venu à La Haye pour

 28   porter votre assistance au Tribunal. Veuillez indiquer, s'il vous plaît,

 


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  1   votre nom, prénom et date de naissance.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Stipan Kraljevic. Je suis né le 8 janvier --

  3   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi l'année de la naissance du

  4   témoin.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  6   L'INTERPRÈTE : Il s'agit de l'année 1938.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Kraljevic, vous êtes sur le

  8   point de prononcer la déclaration solennelle. Par le biais de cette

  9   déclaration, vous vous engagez à dire la vérité. Je suis tenu de vous

 10   avertir qu'en cas de parjure ou en cas de déposition erronée ou fausse,

 11   vous vous exposez au risque de poursuite pénale par ce Tribunal. Veuillez

 12   maintenant lire la déclaration solennelle qui vous sera remise par

 13   l'huissier.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   LE TÉMOIN : STIPAN KRALJEVIC [Assermenté]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

 19   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, à vous.

 21   Mme CLANTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Interrogatoire principal par Mme Clanton : 

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 24   R.  Bonjour.

 25   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, avec votre permission,

 26   j'aimerais poser quelques questions au témoin au sujet de son parcours

 27   professionnel et de sa biographie en général.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y.


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  1   Mme CLANTON : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Kraljevic, est-il vrai que vous êtes né en Bosnie et que vous

  3   avez déménagé en Croatie au début des années 1940 ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et est-il vrai que vous avez terminé vos études secondaires à Backa ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et avez-vous fait votre service militaire obligatoire au sein de la JNA

  8   au Monténégro de 1961 à 1962 ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Monsieur Kraljevic, est-il vrai que vous avez par la suite étudié

 11   l'agriculture à l'Université de Zagreb ?

 12   R.  Oui, j'ai fait les études d'agriculture et j'ai obtenu mon diplôme

 13   avant de faire mon service militaire obligatoire.

 14   Q.  Merci de cette précision.

 15   R.  Je vous en prie.

 16   Q.  Vos études, vous les avez faites à Zagreb, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et est-il vrai que vous avez suivi une formation supplémentaire qui

 19   vous a qualifié pour devenir enseignant ?

 20   R.  J'ai travaillé dans une école et il m'a fallu réussir un examen

 21   supplémentaire en matière de pédagogie, et cet examen, je l'ai réussi.

 22   Q.  Est-il vrai qu'en 1990, vous étiez chargé de cours et vous enseigniez

 23   l'agriculture ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Monsieur Kraljevic, pouvez-vous confirmer que vous avez exercé les

 26   fonctions du maire d'Ilok à partir de 1993 ?

 27   R.  Oui, de 1993 à 2001.

 28   Q.  En 1990, la ville d'Ilok faisait partie de la municipalité de Vukovar;


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  1   ai-je raison de l'affirmer ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et les villes de Sarengrad, de Bapska et d'Orahovo --

  4   L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien compris la prononciation.

  5   Mme CLANTON : [interprétation]

  6   Q.  -- constituaient des communautés locales qui faisaient partie d'Ilok ?

  7   R.  Toutes ces localités se trouvaient sur le territoire de la municipalité

  8   de Vukovar. Donc, sur le territoire d'une seule et même municipalité, on

  9   avait ces différentes communautés locales.

 10   Q.  Monsieur Kraljevic, quelle est la distance qui sépare la ville d'Ilok

 11   de Vukovar ?

 12   R.  Une trentaine de kilomètres, 35 kilomètres.

 13   Q.  Et pourriez-vous nous dire quel était le nombre d'habitants à Ilok au

 14   mois de mars 1991 ?

 15   R.  Dans la ville elle-même, il y avait 6 774 habitants conformément au

 16   recensement de population qui a été effectué en 1991. Et dans les villages

 17   qui entourent la ville d'Ilok, par exemple, à Bapska, il y avait 1 600

 18   habitants; à Sarengrad, il y en avait 1 100; et à Orahovo, ils étaient au

 19   nombre de 430.

 20   Q.  Monsieur Kraljevic, quel était le groupe ethnique dominant dans la

 21   ville d'Ilok ?

 22   R.  La structure de la population à Ilok était assez diversifiée, mais les

 23   Croates constituaient la majorité de la population. Leur pourcentage

 24   s'élève à 60 %. Il y avait aussi 7 % de Serbes et 17 % de Slovaques, qui

 25   représentaient la minorité la plus représentée dans la ville d'Ilok, mais

 26   aussi dans la Croatie dans son ensemble. Quant aux autres minorités

 27   ethniques, leurs nombres étaient relativement petits.

 28   Q.  Monsieur Kraljevic, les villages que vous venez de décrire comme


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  1   faisant partie de la zone élargie d'Ilok, à savoir Sarengrad, Bapska,

  2   Mohovo, quel était le groupe ethnique majoritaire dans ces villages ?

  3   R.  A Sarengrad et à Bapska, les Croates constituent plus de 

  4   90 % de la population. Les Serbes sont au nombre de 4 %. A Mohovo, 

  5   64 % sont des Croates et 3 % sont des Serbes.

  6   Q.  Et, Monsieur Kraljevic, pour faire suite à la question précédente,

  7   pourriez-vous nous dire quel était le pourcentage des Croates dans village

  8   de Sarengrad, s'il vous plaît ?

  9   R.  Leur pourcentage était supérieur à 90 %.

 10   Q.  Et quand est-il de Bapska ?

 11   R.  Pareil. Supérieur à 90 %.

 12   Q.  Merci. Vous nous avez dit tout à l'heure que vous avez fait vos études

 13   secondaires à Backa Palanka. J'aimerais savoir s'il était habituel pour les

 14   habitants d'Ilok et de Backa Palanka de procéder à toutes sortes d'échanges

 15   ou de communications des deux côtés du fleuve Danube ?

 16   R.  J'ai fait mes études secondaires à Backa Palanka à partir de 1956

 17   jusqu'à 1961. A l'époque, à Ilok, on ne trouvait qu'une école secondaire

 18   spécialisée en agriculture. Alors qu'à Backa Palanka, il y avait un lycée.

 19   Et les enfants fréquentaient l'une ou l'autre école en fonction de leur

 20   préférence. Donc, à l'époque, à Ilok, il n'y avait pas de lycée, et vice

 21   versa, à Palanka, il n'y avait pas d'école secondaire spécialisée en

 22   matière d'agriculture.

 23   Q.  Et quels sont les liens qui unissent ces deux villes sur le plan

 24   géographique ?

 25   R.  Les deux villes se trouvent sur les rives du Danube, Ilok sur la rive

 26   droite et Palanka sur la rive gauche, et à l'époque on se servait d'une

 27   barge pour passer d'une rive à l'autre. Et puis, plus tard, en 1974, un

 28   pont a été érigé relayant Backa Palanka avec Ilok. Il s'agit d'un pont qui


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  1   est très important puisqu'il relie Vojvodina avec toute la région

  2   occidentale.

  3   Q.  Est-ce que ce pont portait un nom ?

  4   R.  C'était le pont du 25 mai. Ce nom lui avait été donné pour marquer

  5   l'anniversaire du président Tito.

  6   Q.  Monsieur Kraljevic, vous nous avez expliqué que vous avez fréquenté un

  7   lycée à Backa Palanka et qu'il était habituel pour les habitants de

  8   traverser d'une rive à l'autre dans leurs activités quotidiennes. Pourriez-

  9   vous nous décrire les relations que vous aviez avec vos voisins serbes en

 10   1990 ?

 11   R.  La population circulait normalement des deux côtés. Je n'y voyais pas

 12   de problème.

 13   Q.  En 1990 ou dans la période qui a suivi, avez-vous été membre d'un parti

 14   politique quelconque ?

 15   R.  Avant 1990, 1991, je n'avais pas été membre d'un parti politique. Puis

 16   j'ai rejoint le Parti chrétien croate, mais ce parti n'a pas fonctionné

 17   pendant très longtemps. Il a disparu en 1993.

 18   Q.  Merci, Monsieur Kraljevic. Maintenant j'aimerais changer de sujet pour

 19   passer aux choses que vous avez pu observer en 1991, et notamment les

 20   changements au sein de votre communauté que vous avez pu relever.

 21   Alors, j'aimerais savoir si vous avez relevé une altération dans le

 22   comportement des différents groupes ethniques qui habitaient dans votre

 23   région ?

 24   R.  Ce n'est pas quelque chose qui est arrivé en 1990. Les modifications se

 25   sont étalées sur une période plus longue. Déjà au sein des comités centraux

 26   de différentes républiques, un changement s'est fait sentir. Puis il y a eu

 27   des altérations au niveau de l'autogouvernement, tant sur le plan local que

 28   sur le plan des républiques.


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  1   Q.  Monsieur Kraljevic, nous n'avons que très peu de temps à notre

  2   disposition, donc j'aimerais que vous vous concentriez sur les événements

  3   que vous avez pu observer en 1991. Dans votre région, est-ce que vous avez

  4   remarqué que quelque chose avait changé ?

  5   R.  Eh bien, les autorités locales avaient été changées de fond en comble

  6   lors des élections multipartites, si bien que les autorités avaient une

  7   nouvelle composition. En 1991, à la veille des élections multipartites, un

  8   incident s'est produit au cimetière orthodoxe d'Ilok, plusieurs pierres

  9   tombales ont été désacrées [phon] ou détruites. Et cela s'est produit au

 10   cimetière orthodoxe.

 11   Q.  Monsieur Kraljevic, pourriez-vous nous dire ce que vous avez appris par

 12   la suite au sujet de cet incident et de la manière dont il s'est produit ?

 13   R.  Nous n'avons rien appris du tout. Le poste de police n'était éloigné

 14   que quelque 200 mètres, pourtant la police n'a pas réagi. En revanche, les

 15   journalistes d'une chaîne de télévision de Novi Sad sont arrivés sur les

 16   lieux dans la matinée même et ils ont diffusé un reportage sur cet

 17   incident. Mais quant aux organisateurs qui se trouvaient derrière cet

 18   incident, on ne peut que se livrer à des conjectures quant à leur identité.

 19   Q.  Et le fait que cette chaîne de télévision provenant de Novi Sad ait

 20   diffusé un reportage sur l'incident avant que la police ne se présente sur

 21   les lieux, comment la population l'a-t-elle interprété ?

 22   R.  La plupart des habitants et moi-même avons compris qu'il s'agissait

 23   d'un acte de manipulation et d'une tentative de provoquer un sentiment de

 24   méfiance vis-à-vis de certains groupes ethniques. Mais comme je l'ai déjà

 25   indiqué, quant aux auteurs de cet acte, on ne peut que se livrer à des

 26   conjectures quant à leur identité.

 27   Q.  Et, Monsieur Kraljevic, étiez-vous au courant d'un événement qui s'est

 28   produit à Borovo Selo au mois de mai 1991 ?


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  1   R.  Oui. Nous l'avons appris parce que dans toutes les informations on

  2   pouvait apprendre qu'un crime grave s'était produit, que 11 agents de

  3   police avaient trouvé la mort, et, bien sûr, cela a suscité d'immenses

  4   tensions parmi la population.

  5   Q.  Et que s'est-il passé dans la région d'Ilok suite à cet incident qui

  6   s'est produit à Borovo Selo ? Vous dites que cet incident de Borovo Selo

  7   avait suscité d'immenses tensions parmi les habitants.

  8   R.  Des rumeurs ont commencé à circuler, des rumeurs de toutes sortes. On

  9   racontait toutes sortes d'histoires, mais le fait qu'un nombre aussi

 10   important d'agents de police aient trouvé la mort a, bien sûr, suscité des

 11   tensions. Mais en même temps, l'incident était accompagné de toutes sortes

 12   d'histoires qui circulaient. Les gens disaient que la même chose pouvait se

 13   produire à Ilok. Par conséquent, un certain nombre d'individus, de concert

 14   avec la police, ont commencé à monter la garde sur le pourtour d'Ilok, du

 15   côté de Bapska, et la même chose valait pour les autres localités de la

 16   région. On a également commencé à monter la garde sur le pont. Les

 17   effectifs étaient composés des membres de la protection civile. Il

 18   s'agissait tout simplement de quelques personnes. Voilà, c'est tout.

 19   Q.  Monsieur Kraljevic, lorsque les habitants d'Ilok ont appris que cet

 20   incident s'était produit et lorsqu'on a monté la garde sur le pont, quelle

 21   a été la réaction des habitants de l'autre côté du Danube ?

 22   R.  Vous savez, lorsque les gardiens de permanence se sont présentés sur le

 23   pont, cela revenait à dire, bien sûr, qu'ils effectuaient un contrôle de la

 24   population, qu'ils relevaient qui allait où, sans toutefois bloquer la

 25   circulation. Toutefois, le 7 mai, des chars ont franchi le pont en arrivant

 26   de Backa Palanka et ils ont pris des positions devant le pont, bloquant

 27   l'accès au pont, et ils ont établi leur propre poste de contrôle.

 28   L'explication qu'ils ont fournie, c'était qu'ils voulaient surveiller la


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  1   circulation pour s'assurer qu'il n'y ait pas de blocage.

  2   Q.  Monsieur Kraljevic, ces chars que vous venez d'évoquer, à quelle armée

  3   appartenaient-ils ?

  4   R.  A l'armée yougoslave populaire, la JNA.

  5   Q.  Et vous dites que cet incident s'est produit le 10 mai; ai-je raison de

  6   l'affirmer ?

  7   R.  Je crois qu'il s'agissait plutôt du 7, mais je ne saurais l'affirmer

  8   avec certitude.

  9   Q.  Merci. Donc cet événement s'est produit au mois de mai. Et lorsque la

 10   Croatie a proclamé son indépendance au mois de juin 1991, est-ce que vous

 11   avez remarqué que le comportement des Serbes à Ilok a subi des

 12   modifications ?

 13   R.  Non, je ne peux pas dire que j'ai remarqué quelque chose de changé. Les

 14   gens conversaient normalement entre eux, et je pense qu'ils vivaient en

 15   bons voisins. Toutefois, un certain nombre de représentants de la

 16   population serbe se rendaient à Backa Palanka pour y passer la nuit et pour

 17   revenir le lendemain, et ils le faisaient sous prétexte de sécurité. Ils ne

 18   se sentaient pas en sécurité, donc ils se croyaient obligés de passer la

 19   nuit à Backa Palanka, mais ceci ne nous a jamais paru nécessaire.

 20   Q.  Merci, Monsieur Kraljevic. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire aux

 21   Juges de la Chambre qu'est-ce qui s'est passé au sein de la police suite à

 22   la proclamation d'indépendance au mois de juin 1991 ?

 23   R.  La composition des forces de police, compte tenu de la composition

 24   ethnique de Croatie, n'était pas juste vis-à-vis des Croates. Quelque 50 %

 25   de la population de Croatie étaient des Croates. Je parle de certaines

 26   régions. Dans certaines régions, les Serbes constituaient plus de 30 % de

 27   la population, et les autres se déclaraient comme Yougoslaves. Je ne sais

 28   pas trop ce que cela veut dire, mais voilà. Parce qu'à l'époque, en fait,


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  1   les Yougoslaves en tant que tels, en tant que groupe ethnique, n'existaient

  2   pas vraiment.

  3   Puis-je continuer ?

  4   Q.  Oui, Monsieur Kraljevic, mais j'aimerais que vous vous concentriez dans

  5   vos réponses. Moi, ce qui m'intéresse, ce sont les changements qui sont

  6   survenus au sein de la police au mois de juin 1991.

  7   R.  C'est ce que je viens de vous expliquer. Le nombre des agents de police

  8   croates a augmenté. Lorsque l'indépendance de la République de Croatie a

  9   été proclamée, il y a eu une série de changements. Une nouvelle

 10   constitution a été adoptée, des élections multipartites ont eu lieu et, par

 11   ailleurs, la Croatie s'est dotée d'un certain nombre de symboles nationaux.

 12   Et, entre autres, les agents de police étaient censés porter l'emblème

 13   croate sur leurs couvre-chefs. Cependant, un certain nombre de policiers

 14   ont refusé de porter un tel couvre-chef et ils sont partis pour Backa

 15   Palanka. Je pense qu'il s'agit de cinq policiers qui ont présenté ce refus.

 16   Q.  Merci. Tout à l'heure vous avez dit que Vukovar se trouve à environ 35

 17   kilomètres par rapport à Ilok. J'aimerais vous demander si, en été 1991,

 18   vous avez entendu parler d'une attaque lancée contre Vukovar ?

 19   R.  J'ai travaillé à Ilok à l'école secondaire. C'était un centre éducatif

 20   pour toute la municipalité, et nous avions souvent des réunions à Vukovar.

 21   Et donc, en été, j'ai pu me rendre à Vukovar et j'ai pu observer quelle

 22   était la situation prévalant à Vukovar.

 23   La situation a été complexe parce que les barrages étaient érigés de toutes

 24   parts, et la route vers Vinkovci était bloquée. De même que vers Osijek,

 25   Dalj, Borovo Selo, entre autres. Bien sûr que la population ne pouvait pas

 26   se déplacer normalement, et, bien entendu, cela a créé des tensions.

 27   Q.  Et depuis Ilok, qu'est-ce que vous pouviez entendre s'agissant de

 28   l'autre région ?


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  1   R.  On pouvait écouter la radio, regarder la télévision. Les gens se

  2   déplaçaient à Vukovar et rentraient de Vukovar. On pouvait suivre les

  3   événements qui se déroulaient ailleurs.

  4   Q.  Et depuis Ilok, est-ce que vous pouviez entendre les combats qui

  5   avaient lieu ?

  6   R.  Ce n'est pas que nous pouvions entendre le bruit des combats. Mais le

  7   24 août, une attaque générale a été lancée contre Vukovar, et nous l'avons

  8   bien entendue à Ilok même parce que les avions ne cessaient de survoler

  9   Ilok. Et nous pouvions entendre le pilonnage également. Néanmoins, nous

 10   avons pu entendre ce pilonnage à Ilok même. Et si vous me permettez,

 11   j'aimerais énumérer plusieurs événements qui sont bien caractéristiques

 12   pour Ilok, où certains incidents avaient eu lieu.

 13   Q.  Juste pour préciser quelque chose : à qui appartenaient ces avions ?

 14   R.  Il n'y avait qu'une armée qui était organisée et c'était la JNA.

 15   Q.  Merci. J'aimerais vous poser des questions portant sur les événements

 16   survenus à Ilok. Vous avez dit qu'il y avait des chars de la JNA qui

 17   étaient sur le pont, et d'autre part, il y avait les effectifs appartenant

 18   à la protection civile d'Ilok. Dites-nous, que s'est-il passé en juillet

 19   1991 ?

 20   R.  En juillet 1991, plus précisément le 8 juillet, un incident est survenu

 21   dans la soirée. Comme je vous ai déjà dit, près du pont il y avait une

 22   unité motorisée avec des chars appartenant à la JNA. A une distance

 23   d'environ 100 mètres, la police du ministère de l'Intérieur de Croatie

 24   avait son point de contrôle. Donc, je vous dis, c'était à une distance

 25   d'une centaine de mètres. Et tout d'un coup, on a tiré depuis un char, on a

 26   ouvert le feu à l'aide d'une mitrailleuse et on a utilisé un véhicule

 27   appartenant au poste de police d'Ilok. Quatre personnes se trouvaient dans

 28   ce véhicule. Une personne a trouvé la mort tout de suite sur place et trois


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  1   personnes ont été blessées. Elles ont été transportées à l'hôpital à

  2   Slavonski Brod.

  3   Q.  Monsieur Kraljevic, s'agissant de cette personne qui a été tuée,

  4   pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quel âge cette personne avait et

  5   d'où elle était ?

  6   R.  Cette personne était originaire de Sarengrad. C'était un jeune homme

  7   qui venait de commencer à travailler au sein du poste de police d'Ilok. Il

  8   avait une vingtaine d'années, peut-être un peu plus, je ne suis pas tout à

  9   fait sûr.

 10   Q.  Monsieur Kraljevic, quelle a été la réponse de la police qui se

 11   trouvait au point de contrôle et contre laquelle on avait tiré depuis ce

 12   char à l'aide d'une mitrailleuse ?

 13   R.  Je ne suis pas tout à fait sûr, mais à proximité se trouvait une

 14   personne du ZNG et elle a détruit ce char à l'aide d'un obus.

 15   Q.  Et suite à cet événement, lorsque le char a été endommagé à l'aide de

 16   cet obus, quelle a été la réponse de la JNA ?

 17   R.  Bien sûr, les représentants de la JNA ont émis des protestations, et le

 18   lendemain, dans l'après-midi, à Principovci [phon], un événement est

 19   survenu. Là-bas se trouvait un groupe des membres du ZNG qui s'étaient

 20   rendus à Ilok auparavant. Et à ce moment-là, les membres du ZNG jouaient au

 21   foot, et depuis deux avions, l'on a tiré contre eux. Un membre de ce groupe

 22   a été tué et je pense que deux personnes ont été blessées.

 23   Q.  A quelle distance se trouve Principovac par rapport à 

 24   Ilok ?

 25   R.  Si vous me permettez, j'aimerais dire que cela s'est passé au mois de

 26   juillet. Et à la lisière d'Ilok, de l'autre côté, du côté de Sid, les

 27   représentants de la JNA s'y étaient rendus avec les soldats et les chars et

 28   ils ont pris position là-bas. Ainsi, Ilok était complètement encerclée.


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  1   Voilà, c'est tout ce que je voulais dire brièvement au sujet de ces

  2   incidents. Mais si vous me permettez, je peux poursuivre. Le ZNG, qui s'y

  3   trouvait, et vous devez savoir que les membres du ZNG se trouvaient au sein

  4   d'un bâtiment agricole, et suite à cet événement ils se sont déplacés au

  5   centre-ville pour des raisons de sécurité, parce qu'à proximité se

  6   trouvaient également les effectifs de la JNA. Et suite à cet incident, les

  7   membres du ZNG se sont déplacés dans la ville.

  8   Q.  Merci. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre à quelle distance se

  9   trouve Principovac par rapport à Ilok ?

 10   R.  Ilok se trouve sur un plateau par rapport au Danube. Et par rapport au

 11   centre d'Ilok, à une distance de 2 kilomètres, se trouve un autre plateau

 12   où se trouve Principovac. Et depuis Principovac, on avait une très bonne

 13   vue sur Ilok.

 14   Q.  Vous avez dit que la JNA a réagi et qu'elle a utilisé des avions contre

 15   les positions à Principovac et que les avions ont tiré contre ce bâtiment

 16   agricole où se trouvaient les membres du ZNG. J'aimerais vous demander,

 17   est-ce qu'il y a eu d'autres bâtiments à Ilok qui ont été bombardés à

 18   l'époque ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Quels étaient ces bâtiments, s'il vous plaît ?

 21   R.  Cela s'est passé le 20 juillet à côté du pont du côté d'Ilok. Il y a un

 22   magasin qui s'appelle Zec. C'est un magasin, un atelier privé. Et cet

 23   atelier a fait l'objet d'une attaque et a été endommagé. De même, à

 24   l'époque, l'on a pilonné la tour de l'église catholique à Ilok, puis

 25   plusieurs maisons privées ont été endommagées également. Mais heureusement,

 26   il n'y a pas eu de victimes. Juste une personne, d'après mes connaissances,

 27   a été blessée lors de ces événements.

 28   Q.  Monsieur Kraljevic, j'aimerais que nous parlions maintenant des


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  1   événements survenus dans d'autres villages à proximité d'Ilok en été et en

  2   automne 1991. Pourriez-vous nous dire quand vous avez entendu pour la

  3   première fois que les équipements et les avions de la JNA ont été utilisés

  4   dans les villes ou dans les villages du Srem occidental ?

  5   R.  J'entends l'interprétation en anglais. Je n'ai pas eu la bonne

  6   interprétation. Maintenant je vous entends.

  7   Q.  Je vais répéter ma question.

  8   Je voulais vous demander la chose suivante : quand est-ce que vous avez

  9   entendu parler pour la première fois des événements survenus dans certaines

 10   villes et villages du Srem occidental, incidents dans lesquels était

 11   impliquée la JNA ?

 12   R.  Il faut que je me concentre, parce qu'il y a eu un grand nombre de

 13   villages. J'aimerais présenter les choses dans un ordre chronologique.

 14   Sur la frontière quand on va vers Sid se trouve Tovarnik, quand on va de

 15   Sid vers Vinkovci. Cependant, même avant cela, il y a eu des incidents à

 16   Sotin.

 17   Q.  Monsieur Kraljevic, peut-être que je pourrais préciser ma question.

 18   Avant les événements survenus à Sotin et Tovarnik, est-ce que vous avez

 19   appris qu'il y a eu des attaques lancées par la JNA contre une ville ou un

 20   village dans cette zone ? La période qui m'intéresse est la période vers la

 21   fin de l'été 1991.

 22   R.  Oui. Vers la fin de l'été 1991, et c'était probablement le 24 août, à

 23   partir de ce moment-là on peut dire que la JNA a lancé une véritable

 24   attaque contre Vukovar. Le 25 août, il y a eu des frappes aériennes, et à

 25   ce moment-là quatre personnes ont été tuées à bord d'une voiture. Deux

 26   d'entre elles étaient originaires d'Ilok qui s'étaient trouvées par hasard

 27   à Vukovar à ce moment-là. Bien sûr, cela a créé beaucoup d'inquiétude

 28   auprès de la population.


Page 5324

  1   Et à partir du 24, il y a eu des activités de combat quotidiennes à

  2   Vukovar, et c'était très inquiétant. Les avions frappaient contre Sotin. Et

  3   je pense que cette attaque a été lancée, en fait, le 28 août. Et à ce

  4   moment-là, il y a eu en fait un enterrement à Sotin et les frappes

  5   aériennes ont, bien entendu, semé beaucoup d'inquiétude auprès de la

  6   population de Sotin. Peu de temps après, la JNA a réagi de manière très

  7   concrète à Sotin. Et dès le 5 septembre, tout contact entre Ilok et Vukovar

  8   a été coupé.

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, tout à l'heure vous avez mentionné Tovarnik.

 10   Pourriez-vous nous dire ce qui s'était passé à Tovarnik et pourriez-vous

 11   nous dire à quel moment cela s'était passé ?

 12   R.  On a lancé un ultimatum à Tovarnik. On a dit aux autorités de Tovarnik

 13   que la ville devait se rendre à la JNA, sinon l'armée allait entrer dans la

 14   ville par la force. D'après mes connaissances, le prêtre Burik s'est rendu

 15   en négociation à Sid, mais ces négociations n'ont pas abouti. Entre le 20

 16   et le 22 septembre, il y a eu des altercations entre les habitants de

 17   Tovarnik et il y a eu un grand nombre de réfugiés depuis Tovarnik qui

 18   s'étaient rendus depuis Lovas à Ilok, et un autre groupe, via Nijemci, est

 19   allé ailleurs. Ainsi, la majorité de la population de Tovarnik n'était plus

 20   à Tovarnik.

 21   Q.  Monsieur Kraljevic, vous avez dit qu'il y a eu une attaque contre

 22   Tovarnik après cet ultimatum et qu'il y a eu des négociations qui n'ont pas

 23   abouti. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que vous savez au

 24   sujet de cette attaque, de quelle manière cette attaque a été menée,

 25   quelles étaient les étapes par lesquelles on a procédé et qui a lancé cette

 26   attaque ?

 27   R.  Je n'étais pas sur place et je ne pourrais pas vous décrire les

 28   événements de manière exacte. A l'aide des chars et de l'infanterie,


Page 5325

  1   accompagnée des forces paramilitaires, l'armée est entrée dans le village.

  2   Et je sais qu'il y a eu grand nombre de victimes à Tovarnik. Je ne pourrais

  3   pas vous dire quel était leur nombre, mais je sais qu'il y a eu entre 60 et

  4   80 personnes tuées à Tovarnik à l'époque. Donc ces personnes ont trouvé la

  5   mort pendant ces quelques jours.

  6   Q.  Et ce qui s'est passé à Tovarnik, est-ce que la même chose s'est

  7   produite dans d'autres villages dans le Srem occidental ?

  8   R.  Bien entendu, Vukovar était l'objectif principal, et, étape par étape,

  9   l'armée visait Vukovar. Ilaca était le premier village qui a été touché, et

 10   en quelques jours des événements similaires s'y sont produits. Puis

 11   d'autres villages ont été touchés, entre autres, Lovas, qui est à proximité

 12   d'Ilok. Là-bas, un ultimatum a été donné afin que les habitants de la ville

 13   se rendent. Chaque fois, il y a eu des bombardements à l'aide des armes

 14   lourdes. A Tovarnik, par exemple, un grand nombre de maisons ont été

 15   gravement endommagées. L'église catholique a été détruite. La même chose

 16   s'est produite à Lovas et dans d'autres villages à proximité de Vukovar.

 17   Q.  S'agissant de ces villages, Lovas, et cetera, pourriez-vous nous dire

 18   quelle était la composition ethnique dans ces villages ?

 19   R.  D'après le recensement de population, à Tovarnik il y avait plus de 60

 20   % des Croates et environ 30 % des Serbes. A Lovas, je pense que plus de 90

 21   % des personnes étaient d'origine croate et puis 7 % des personnes étaient

 22   d'origine serbe, plus ou moins.

 23   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que le greffier présente le

 24   document de la liste 65 ter 06329.1. C'est la pièce de l'Accusation 1723.

 25   J'aimerais que ce soit affiché à l'écran. Il s'agit de la carte de la

 26   Croatie orientale qui figure à l'intercalaire 58.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu

 28   d'audience, j'aimerais préciser qu'il s'agit de la pièce P1723. Merci.


Page 5326

  1   Mme CLANTON : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous voyez une carte à l'écran ?

  3   R.  Oui.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que le greffier donne un stylet

  5   au témoin pour qu'il puisse apporter des annotations sur la carte.

  6   Q.  Monsieur Kraljevic, j'aimerais que vous encercliez les villages qui ont

  7   été attaqués et dont vous avez parlé tout à l'heure.

  8   Mme CLANTON : [interprétation] Peut-être que nous pourrions faire un

  9   agrandissement, s'il vous plaît. J'aimerais que nous voyions la région qui

 10   se trouve au sud et à l'est de Vukovar. Un petit peu plus à droite.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que nous voyions la frontière

 13   croate. Voilà, c'est très bien. Merci.

 14   Q.  Monsieur Kraljevic, pourriez-vous encercler les villages dans lesquels

 15   les événements se sont produits, les événements dont vous nous avez parlé ?

 16   R.  Voilà. Tovarnik, Ilaca, Lovas, et avant, Sotin.

 17   Q.  Est-ce qu'il y a eu d'autres villages qui ont été attaqués à l'automne

 18   de 1991 ?

 19   R.  C'était un petit peu plus loin par rapport à où nous étions. Nous

 20   avions du mal à apprendre ce qui se passait, mais je sais que cela s'est

 21   produit à Berak, puis à Cakovci, Tompojevci et Miklusevci. Je n'aimerais

 22   pas parler davantage des villages qui sont plus à l'ouest. Je sais que

 23   s'agissant de Miklusevci, Tompojevci et Cakovci, qu'un groupe ethnique

 24   minoritaire s'y trouve. Je ne sais pas combien il y a d'Ukrainiens et de

 25   Ruthènes.

 26   Q.  Monsieur Kraljevic, vous nous avez parlé des villages qui se trouvaient

 27   un petit peu éloignés par rapport à Ilok. Est-ce qu'il y avait des villages

 28   qui étaient plus près d'Ilok qui ont été également attaqués ?


Page 5327

  1   R.  Nous pourrions parler de Sarengrad et de Bapska tout d'abord. Plus

  2   précisément -- un instant, s'il vous plaît. Le 4 octobre, vers midi, de

  3   manière tout à fait inattendue, Sarengrad a été attaquée depuis les canons

  4   et les bateaux qui se trouvaient du côté gauche du Danube, où se trouvaient

  5   positionnées les forces mécanisées, où se trouvaient des canons de la JNA.

  6   Cette partie de Sarengrad est très visible depuis l'autre rive du Danube

  7   parce que Sarengrad est étendue le long de la rive du Danube. Et suite à

  8   cette attaque un grand nombre de maisons ont été endommagées, y compris

  9   l'église orthodoxe, qui est très visible depuis le Danube. Puis, en ce qui

 10   concerne l'église catholique, elle n'a pas été endommagée parce qu'on ne la

 11   voit pas très bien depuis l'autre rive.

 12   Un civil a été tué, et à bord d'une voiture, deux membres de la protection

 13   civile ont trouvé la mort.

 14   Q.  Monsieur Kraljevic, je vais vous arrêter un instant. Je vois que vous

 15   avez encerclé le village de Lovas. Pourriez-vous nous dire combien de

 16   personnes ont trouvé la mort lorsque l'attaque a été lancée contre Lovas ?

 17   R.  J'aimerais juste en terminer avec Sarengrad, parce que le même jour, le

 18   4, Bapska a été attaquée également. Les représentants de la JNA étaient

 19   campés du côté sud par rapport à Sid, et un grand nombre de maisons ont été

 20   endommagées et plusieurs personnes ont été blessées. Voilà, c'est tout ce

 21   que je voulais dire là-dessus.

 22   Mais s'agissant de Lovas, ces événements ont survenu une semaine plus tard.

 23   Donc le 10, Lovas a été attaquée, et d'après les informations que j'ai

 24   reçues des observateurs, 22 personnes ont trouvé la mort. C'étaient tous

 25   des civils.

 26   Q.  Monsieur Kraljevic, vous nous avez déjà montré où se trouvaient ces

 27   villages attaqués. Est-ce que vous pourriez nous dire, sans porter

 28   d'annotation à la carte, dans quelle direction la majorité des personnes se


Page 5328

  1   sont enfuies après le début de l'attaque visant leurs villages ?

  2   R.  Eh bien, si on parle de Lovas et d'Opatovac, qui est sur la rive du

  3   Danube, ici, ainsi que de Mohovo, ici, la seule possibilité de fuite pour

  4   la population était de prendre la direction d'Ilok. Il n'y avait pas

  5   d'autre possibilité. De la même façon, la population de Sarengrad et celle

  6   de Bapska s'est également retirée en direction d'Ilok. C'est pourquoi il y

  7   avait à l'époque à Ilok une très nombreuse population civile, alors que les

  8   capacités pour répondre aux besoins élémentaires étaient de plus en plus

  9   réduites par rapport à cette population, ce qui posait beaucoup de

 10   problèmes à la population d'Ilok.

 11   Q.  Je vais vous interrompre à ce stade, Monsieur Kraljevic, pour que nous

 12   puissions verser au dossier cette carte. Vous avez entouré les villages de

 13   Mohovo et Opatovac. Juste pour le compte rendu d'audience, est-ce que vous

 14   pourriez préciser si ces villages ont également été attaqués, et si c'est

 15   pour ça que vous les avez entourés, parce qu'ils ont également été attaqués

 16   et que leur population s'en est enfuie ?

 17   R.  Non, ils n'ont pas été attaqués.

 18   Q.  Très bien. Pour que nous puissions consigner les informations que vous

 19   venez de nous donner, je vous prie que vous utilisiez la lettre N à côté

 20   des villes d'Opatovac et Mohovo afin que nous comprenions bien que ces

 21   villages n'ont pas été attaqués.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Je crains qu'il ne soit assez difficile d'utiliser ce stylet. Est-ce

 24   que vous pourriez refaire une tentative et écrire une lettre N majuscule

 25   juste à côté des cercles indiquant les villages d'Opatovac et Mohovo.

 26   R.  [Le témoin s'exécute]. Je n'avais pas d'expérience avec l'utilisation

 27   de ce stylet, excusez-moi.

 28   Q.  C'est très bien. Merci.


Page 5329

  1   Mme CLANTON : [interprétation] L'Accusation souhaite demander le versement

  2   de cette pièce.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P2017. Il

  5   s'agit de la pièce à conviction numéro P1723 telle qu'annotée par le

  6   témoin.

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Nous pouvons retirer maintenant cette carte

  8   de l'affichage.

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, il y a quelques instants vous nous décriviez les

 10   événements survenus à Bapska. Avant cela, vous nous avez parlé d'ultimatums

 11   adressés aux habitants de ces localités. Est-ce que vous avez jamais eu

 12   l'occasion de voir un exemplaire d'un tel ultimatum ?

 13   R.  Oui.

 14   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais demander au greffier d'afficher

 15   le document numéro 00418 de la liste 65 ter. Il s'agit de la pièce P316.

 16   Intercalaire 11.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois bien.

 18   Mme CLANTON : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous reconnaissez là un document que

 20   vous avez fourni aux enquêteurs du bureau du Procureur ?

 21   R.  Oui, je le reconnais.

 22   Q.  Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre le nom de la

 23   personne qui est l'auteur de ce document ?

 24   R.  L'auteur de ce document est un certain Barjaktarevic, Slobodan peut-

 25   être, je ne suis pas sûr de son prénom. Son nom est Barjaktarevic, ça, oui,

 26   commandant Barjaktarevic. Il a adressé ce document par l'intermédiaire de

 27   Boro Tomic, un employé de la boucherie de Sid, qui habitait, par ailleurs,

 28   à Sid, mais il avait vécu auparavant à Bapska, dans le passé donc. Et il


Page 5330

  1   s'est chargé d'apporter ce document aux représentants de la commune locale.

  2   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous vous rappelez le nom de ces

  3   représentants de la commune locale qui ont reçu ce document ?

  4   R.  Ils s'appelaient Bozinovic et Rukavina. Je pense qu'il s'agissait en

  5   fait des frères Rukavina, Tomislav et -- je ne sais plus quel était le nom

  6   de l'autre personne. De l'autre Rukavina.

  7   Q.  Après que cet ultimatum ait été remis à ces personnes qui

  8   représentaient Bapska, que s'est-il passé à Bapska ?

  9   R.  Ce document a un caractère de menace, et il était très difficile pour

 10   la population de prendre une décision. Il n'était pas possible de remplir

 11   les conditions posées. Un grand nombre des habitants ont alors pris la

 12   direction d'Ilok.

 13   Q.  Vous nous avez dit plus tôt qu'il y avait une attaque sur Ilok. Mais

 14   quand avez-vous pour la première fois entendu parler de ce document --

 15   alors, excusez-moi, une attaque sur Bapska, c'est ce que je voulais dire.

 16   R.  Oui. Ce document, je l'ai reçu d'un bureau de Zagreb. Un représentant

 17   de l'institut d'histoire me l'a apporté. Cet institut l'avait lui-même reçu

 18   de la part de la radiotélévision. Parce que des habitants avaient remis ce

 19   document à des journalistes de la télévision, et c'est ainsi qu'il a fini

 20   par parvenir à l'institut d'histoire et à la ville d'Ilok. Il est parvenu à

 21   moi également.

 22   Q.  A peu près au moment où ce document a été adressé, puis ensuite de

 23   l'attaque visant Bapska, comment avez-vous reçu des informations quant au

 24   fait qu'un tel document avait été remis ? Je ne dis pas que vous avez vu ce

 25   document, mais simplement entendu dire qu'il existait un tel document,

 26   qu'il avait été adressé à quelqu'un ?

 27   R.  J'ai reçu des informations au quartier général de la protection civile.

 28   J'étais également membre du QG de la protection civile, mais je ne savais


Page 5331

  1   rien à ce sujet à l'époque. J'ai appris ceci quelques jours plus tard

  2   seulement, et cela venait en fait du quartier général de la protection

  3   civile. Parce qu'à partir de Bapska, en fait, ils sont allés directement au

  4   quartier général de la protection civile pour obtenir des informations,

  5   l'attaque visant Bapska ayant démarrée, et des membres des forces de la

  6   protection civile ont rejoint les effectifs de la défense de Bapska.

  7   Q.  Monsieur Kraljevic, vous nous avez dit déjà qu'après l'attaque lancée

  8   sur ces localités, y compris Bapska, la plupart des habitants des localités

  9   en question ont fui en prenant la direction d'Ilok. Est-ce que vous

 10   pourriez brièvement nous décrire les conditions qui prévalaient à Ilok avec

 11   cet afflux de réfugiés ?

 12   R.  A Ilok même, se trouvaient un très grand nombre de civils qu'on avait

 13   installés et hébergés. La Croix-Rouge d'Ilok s'occupait de l'organisation

 14   de cet hébergement dans des maisons de particuliers, dans des immeubles qui

 15   appartenaient à la collectivité, dans différentes salles ou halls, si bien

 16   qu'il y avait un très grand nombre de personnes sur place. Dans ma propre

 17   maison, il y avait six personnes originaires de Lovas que nous avions

 18   accueillies. Ils se déplaçaient généralement en centre-ville. C'était le

 19   périmètre dans lequel ils se déplaçaient. Ils ne venaient que le soir pour

 20   dormir, pour passer la nuit. C'était une situation tendue, difficile. Nous

 21   n'avions que quatre médecins généralistes. Il n'y avait pas de médicaments

 22   et c'était vraiment très dur.

 23   Au fil de toutes ces journées, je peux vous dire que les choses ont

 24   fonctionné plus ou moins normalement, malgré tout. Il y avait même une

 25   ligne d'autobus qui a été maintenue aussi longtemps que cela était possible

 26   entre Backa Palanka et Ilok. C'est la compagnie Cazmatrans qui affrétait

 27   ces autocars à partir d'Ilok, une entreprise croate, et c'était une

 28   entreprise croate qui affrétait des autocars au départ de Backa Palanka.


Page 5332

  1   Cependant, un autocar de Cazmatrans qui se trouvait un jour à Backa Palanka

  2   a vu un certain nombre d'individus faire irruption à bord. Ils se sont

  3   présentés comme faisant partie de la Défense territoriale. Ils ont

  4   confisqué l'autocar. Ils l'ont tout simplement réquisitionné et c'était

  5   terminé. On ne l'a plus jamais revu, cet autocar.

  6   A Ilok, nous avions de très grandes difficultés avec

  7   l'approvisionnement en vivres, et notamment en médicaments. Zurica [phon]

  8   Matkovic était le seul qui osait passer la frontière pour aller à Sid. On

  9   l'a laissé passer. Il a rempli la remorque d'un camion de vivres et de

 10   médicaments, mais ensuite il a été arrêté à Sid. Ils ont confisqué ce

 11   chargement, et lui, ils l'ont mis en prison. Voilà, c'est ainsi que la vie

 12   fonctionnait et qu'on communiquait.

 13   Je crois qu'on était déjà le 6 octobre. Ilok recevait son

 14   approvisionnement en électricité de Backa Palanka parce que toutes les

 15   lignes reliant Ilok au réseau électrique croate avaient été coupées. Et ce

 16   jour-là, l'approvisionnement a tout simplement été coupé. Il n'y avait plus

 17   d'électricité. Les réfrigérateurs ne fonctionnaient plus, donc les aliments

 18   ne pouvaient plus être conservés. Il n'y avait pas de radio ni de

 19   télévision. Eventuellement, quelqu'un pouvait avoir un transistor, mais on

 20   ne pouvait plus rien entendre parce que les postes émetteurs avaient été

 21   détruits. C'est ainsi qu'on ne pouvait pratiquement pas avoir accès à la

 22   radio de Zagreb. On ne pouvait entendre que des stations d'Osijek. En

 23   revanche, on pouvait très bien entendre les stations radio de Belgrade.

 24   Q.  Monsieur Kraljevic, je vais vous interrompre. A ce stade, je

 25   crois que vous avez donné aux Juges de la Chambre --

 26   R.  [aucune interprétation]

 27   Q.  -- une idée assez précise des conditions qui régnaient à l'époque en

 28   présence de ces réfugiés pour ce qui est de l'approvisionnement en


Page 5333

  1   électricité, en vivres, et cetera.

  2   Il y a quelques instants vous avez évoqué des personnes de la Croix-Rouge

  3   qui étaient sur place et qui essayaient de faire face à la situation à

  4   Ilok. Pendant cette période, est-ce que vous pourriez nous dire s'il y

  5   avait quelque autre représentant que ce soit d'une autre organisation,

  6   donc, sur place à Ilok ?

  7   R.  Jusqu'au 8 octobre, il n'y avait personne d'autre qui aurait été en

  8   mesure de fournir une aide humanitaire. Les habitants se sont donc

  9   organisés eux-mêmes.

 10   Lorsque j'ai parlé de la Croix-Rouge, j'avais en tête la Croix-Rouge

 11   de la ville d'Ilok aussi. Et lorsque j'ai expliqué tout ce que j'ai dit,

 12   j'avais à l'esprit la population -- les habitants de la ville d'Ilok qui

 13   s'entraidaient. La situation avait beau être très difficile. Les

 14   communications fonctionnaient, malgré tout, d'une façon ou d'une autre;

 15   mais Ilok était manifestement encerclée. C'est ainsi que deux représentants

 16   de ce groupe d'observateurs sont arrivés à Ilok en provenance de Backa

 17   Palanka en empruntant le pont. Il s'agissait d'un Canadien, Hugh

 18   Cunningham, et de Petr Kypr, un observateur tchèque, originaire de Prague.

 19   Q.  Un instant, Monsieur Kraljevic, s'il vous plaît. Quelle organisation

 20   exactement ces deux observateurs représentaient-ils ?

 21   R.  Je crois que c'étaient des observateurs de l'Union européenne. Je ne

 22   sais pas exactement. Des observateurs européens. Mais je ne m'arrive pas à

 23   rappeler le nom précis.

 24   Q.  Très bien. Lorsque ces observateurs sont arrivés à Ilok, que leur avez-

 25   vous dit au sujet de la situation, du nombre des personnes présentes et de

 26   toutes les difficultés que vous rencontriez dont vous avez déjà parlé ?

 27   R.  Nous étions trois ou quatre personnes à les renseigner sur cette

 28   situation; cependant, ils n'en ont pas été satisfaits. Ils ont parcouru la


Page 5334

  1   totalité de la ville d'Ilok, ont discuté avec les habitants et ont pu se

  2   convaincre eux-mêmes des conditions qui y régnaient. Comme je viens de vous

  3   l'expliquer maintenant, je leur ai expliqué à eux aussi. Je ne veux pas

  4   prendre plus de temps que nécessaire. J'ai procédé donc de la même manière,

  5   et c'est ainsi qu'ils ont pris connaissance des conditions qui régnaient à

  6   Ilok et dans les environs.

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais demander l'assistance du

  8   greffier d'audience pour demander l'affichage du document numéro 00381 de

  9   la liste 65 ter. Intercalaire numéro 3. Il s'agit d'un rapport des

 10   observateurs de la Commission européenne daté du 9 octobre 1991.

 11   Pourrions-nous également avoir à l'affichage la traduction en B/C/S, s'il

 12   vous plaît. J'aimerais qu'on fasse défiler vers la gauche la page en B/C/S

 13   pour qu'on voie mieux la marge.

 14   Q.  Monsieur Kraljevic, veuillez lire le texte en B/C/S qui apparaît sur la

 15   moitié gauche de l'écran, les points 1 à 5, et faites-moi savoir lorsque

 16   vous en aurez terminé, s'il vous plaît.

 17   R.  J'ai fini. Je peux le lire ? Ah, excusez-moi. Ilok n'a pas été attaqué,

 18   au point numéro 1.

 19   Q.  Je vous inviterais à lire pour vous-même et à me le faire savoir

 20   lorsque vous aurez terminé. Merci.

 21   R.  J'ai fini.

 22   Q.  Monsieur Kraljevic, nous voyons dans ce rapport qu'une équipe

 23   d'observateurs, et vous avez dit qu'il s'agissait de M. Cunningham et M.

 24   Kypr, se sont rendus en visite à Ilok. Le rapport décrit la situation à

 25   Ilok. Et au point 5, est-ce que vous voyez l'endroit où il est écrit :

 26   "En raison des facteurs énumérés ci-dessus, l'ensemble de la communauté

 27   connaît un niveau de stress très intense, extrême."

 28   R.  Oui.


Page 5335

  1   Q.  Est-ce une déclaration exacte que nous avons là quant à la situation

  2   qui régnait à Ilok au moment de l'arrivée de ces observateurs ?

  3   R.  Oui, et comment. En bref, on a ici un résumé très condensé de la

  4   situation qui prévalait à Ilok.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Nous souhaitons demander le versement de ce

  6   document.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P2018,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Mme CLANTON : [interprétation] Nous pouvons maintenant retirer ce document

 11   de l'affichage, s'il vous plaît.

 12   Q.  Monsieur Kraljevic, je vais maintenant passer à un autre sujet. Je

 13   voudrais vous poser des questions au sujet des négociations -- puis-je

 14   poursuivre ?

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  Monsieur le Témoin, je voudrais vous poser quelques questions au sujet

 17   des négociations de 1991 qui ont eu lieu entre d'une part les représentants

 18   de la commission chargée de négocier à Ilok et la JNA d'autre part.

 19   Première question : comment avez-vous été impliqué dans les négociations

 20   avec la JNA ?

 21   R.  Personnellement, j'ai commencé à participer le 7 octobre; mais les

 22   négociations avec les représentants de l'armée yougoslave ont duré pendant

 23   tout l'été parce que les représentants des autorités locales, le président,

 24   son adjoint, sont restés en contact. L'une des raisons en était également

 25   qu'il fallait continuer à travailler dans les champs et au labo. Et puisque

 26   l'armée était déployée dans ce secteur, il fallait continuellement passer

 27   par des postes de contrôle. C'est pourquoi les négociations ont duré si

 28   longtemps.


Page 5336

  1   Ensuite, une commission composée de plusieurs personnes et de

  2   représentants des habitants, ainsi que de tous les groupes ethniques, a été

  3   mise en place afin de pouvoir mettre en place une approche plus ciblée et

  4   plus cohérente de ces négociations, pour éviter d'avoir une personne dans

  5   une phase puis une autre qui viennent négocier. Nous avions en face de nous

  6   le colonel Grahovac, cela a donc permis d'assurer la continuité des

  7   négociations, et les unités du colonel Grahovac étaient déployées en

  8   Vojvodine, mais également près du pont dans le secteur de la ville d'Ilok.

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, pourriez-vous nous dire quel était le poste que

 10   vous occupiez au sein de cette commission ? Quelle était votre fonction ?

 11   R.  Eh bien, c'est à l'occasion d'une assemblée municipale dont l'ordre du

 12   jour avait été étendu que les membres de la commission ont été élus. Parmi

 13   eux, il y avait, par exemple, Sulejman Salihovic. Il y avait également

 14   Josip Cermak, qui était Slovaque. Il y avait donc Sulejman Salihovic qui

 15   était Musulman. Il y avait également Lazar Kuljancic, qui était Serbe;

 16   Slobodan Savic, Serbe lui aussi; la représentante des femmes était Maja

 17   Samsalovic. Ensuite, il y avait Ivan Mrsic, il était le président de

 18   l'assemblée d'Ilok. Pour les villages, il y avait Plazonic pour Bapska;

 19   Rendulic pour Lovas; puis, pour Sarengrad, il y avait le Dr Holoker. Voilà,

 20   c'était cette commission.

 21   Après sa mise en place, nous avons eu un échange à leur quartier général à

 22   Backa Palanka. Nous avons discuté longtemps, et je crois que c'était --

 23   Q.  Je vais vous demander de vous interrompre brièvement, Monsieur

 24   Kraljevic.

 25   La question précise à laquelle je souhaiterais que vous répondiez

 26   dans un premier temps est la suivante : quelle était votre fonction au sein

 27   de cette commission ?

 28   R.  En fait, moi, ils m'ont alors nommé président de cette commission en


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  1   tant que personne plus expérimentée et plus âgée. J'étais enseignant à

  2   l'école secondaire, et ils ont probablement considéré que j'étais quelqu'un

  3   de posé, qui pouvait négocier de façon satisfaisante.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, je remarque l'heure.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Clanton.

  6   Monsieur Kraljevic, il est temps à présent de faire notre première pause de

  7   30 minutes. Nous reviendrons en salle d'audience à 11 heures. L'huissier va

  8   maintenant vous accompagner hors de la salle d'audience. Je vous remercie.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

 12   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 13   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 14   Mme CLANTON : [interprétation] Avec votre permission, Messieurs les Juges.

 15   Pendant la pause, j'ai eu des échanges avec Me Zivanovic et il m'a appris

 16   que la Défense ne soulevait pas d'objection à ce que l'on ajoute deux

 17   documents qui ont été remis par M. Kraljevic hier. Ces documents ont déjà

 18   été communiqués à la Défense et ils ont été envoyés par un e-mail isolé, et

 19   nous aimerions les ajouter sur notre liste 65 ter.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que les documents figurent

 21   déjà sur votre liste de documents ?

 22   Mme CLANTON : [interprétation] Oui, ils figurent sur la liste que nous

 23   avons envoyée hier.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quelles sont les cotes de ces

 25   documents ?

 26   Mme CLANTON : [interprétation] 59. Il y a un autre document 59 qui, en

 27   fait, devrait porter la cote 60.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Deux documents portant la cote 59.


Page 5338

  1   Très bien.

  2   Mme CLANTON : [interprétation] Les cote 65 ter sont 06442 et 06443.

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous pouvez ajouter ces deux

  5   documents à votre liste de documents en vertu de l'article 65 ter, Madame

  6   Clanton.

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Merci.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous pouvez reprendre votre

  9   interrogatoire, Madame Clanton.

 10   Mme CLANTON : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Kraljevic, à la veille de la pause, nous avons parlé d'une

 12   commission qui a été mise en place et de la fonction du président de cette

 13   commission que vous avez exercée. J'aimerais maintenant vous poser la

 14   question suivante : est-ce que vous saviez -- en fait, je vais reformuler.

 15   Vous nous avez déjà dit que vous étiez au courant des négociations qui se

 16   déroulaient avant la mise en place de cette commission au mois d'octobre

 17   1991, et j'aimerais savoir ce que vous en avez appris ? Qui a participé aux

 18   négociations avant le mois d'octobre 1991 ?

 19   R.  Ce sont Petar Cobankovic, adjoint du président de l'assemblée de la

 20   communauté locale d'Ilok; ensuite Ivan Mrsic, le président de l'assemblée

 21   de la communauté d'Ilok; Borislav Magovac, professeur qui enseignait à

 22   Backa Palanka et qui, par conséquent, connaissait de nombreuses

 23   personnalités de Backa Palanka, y compris le maire et quelques autres

 24   notables. Toutes ces personnes ont participé aux négociations, y compris

 25   Ivan Uros, député à l'assemblée nationale.

 26   Donc toutes sortes de sujets ont été traités, comment il fallait labourer

 27   les champs, quels sont les problèmes qui se présentaient. Et puis,

 28   finalement, les problèmes les plus sensibles ont été abordés eux aussi, à


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  1   savoir l'expulsion de la population, la pénétration de l'armée dans

  2   différentes agglomérations. Et, bien sûr, compte tenu du nombre élevé de

  3   réfugiés à Ilok, il fallait aborder cette question aussi. Et surtout --

  4   Q.  Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur Kraljevic. Vous avez

  5   énuméré tous les représentants d'Ilok qui ont participé aux négociations.

  6   Mais pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre qui étaient les

  7   représentants de l'autre partie dans cette première étape des négociations

  8   ?

  9   R.  L'autre partie était représentée dans les négociations par Petar

 10   Grahovac, colonel de la JNA. Puis il y avait aussi les représentants de

 11   Backa Palanka, entre autres, le président de la municipalité de Backa

 12   Palanka. Et lorsque les négociations ont été menées dans la ville de Sid,

 13   l'adjoint du maire de Sid y a assisté.

 14   Mais parmi les personnes présentes, il y avait aussi l'adjoint du

 15   président de l'assemblée municipale de Vukovar. Je ne suis pas sûr, en

 16   fait, si c'était vraiment là le poste qu'il occupait. Mais en tout cas, il

 17   s'appelait M. Gojic. Et les conversations étaient toujours dirigées vers --

 18   Q.  Permettez-moi de vous interrompre encore une fois, Monsieur Kraljevic.

 19   Ces négociations de départ, vous en avez entendu parler, mais vous n'y avez

 20   pas participé personnellement. A votre avis, qu'est-ce que la JNA

 21   souhaitait obtenir lors de ces négociations ?

 22   R.  La JNA souhaitait que plusieurs conditions de base soient remplies. En

 23   premier lieu, la protection civile devait rendre ses armes, toutes ses

 24   armes. Deuxièmement, il fallait permettre à l'armée de pénétrer dans de

 25   différentes localités et de procéder à des fouilles. Et la JNA souhaitait

 26   aussi que toute personne ayant provoqué des tensions soit sanctionnée, et

 27   la même chose valait pour les personnes ayant commis des crimes sur le

 28   territoire. Donc ils voulaient tout simplement pouvoir s'installer dans les


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  1   différentes localités et imposer l'autorité militaire à la place des

  2   autorités locales qui étaient en place.

  3   Q.  Monsieur Kraljevic, au cours de quel mois ces négociations ont-elles eu

  4   lieu, les négociations auxquelles vous n'avez pas participé personnellement

  5   ?

  6   R.  Les pourparlers de Sid se sont déroulés le 30 septembre et d'autres

  7   pourparlers ont été organisés au début du mois d'octobre. En bref. Même si

  8   des échanges avaient eu lieu même avant le début de cette étape des

  9   négociations.

 10   Q.  Très bien. Maintenant j'aimerais vous poser des questions au sujet des

 11   pourparlers auxquels vous avez participé personnellement. Vous avez indiqué

 12   que des échanges ont eu lieu à Backa Palanka et qu'un officier de la JNA,

 13   le colonel Grahovac, y a participé. Pourriez-vous nous dire qu'est-ce qui

 14   devait se passer si les conditions imposées par la JNA n'étaient pas

 15   respectées d'après ce que le colonel Grahovac vous en a dit ?

 16   R.  J'ai décrit tout à l'heure les exigences de la JNA. Si les conditions

 17   imposées par la JNA n'étaient pas remplies, à savoir si les armes

 18   d'infanterie n'étaient pas rendues par la protection civile. Et ces armes,

 19   on était censé les rendre non loin du pont dans un atelier qui portait le

 20   nom de Zec. Donc ça, c'était le premier point de la JNA. Et deuxièmement,

 21   la JNA exigeait qu'on lui permette de pénétrer dans les villages. Et si ces

 22   conditions n'étaient pas remplies, la JNA se servirait de son artillerie,

 23   de ses armes, pour y parvenir.

 24   Q.  Et d'après ce que le colonel Grahovac vous a dit, en quoi les

 25   événements qui pouvaient arriver à Ilok seraient-ils comparables à ceux qui

 26   s'étaient déjà produits à Vukovar ?

 27   R.  Eh bien, il s'est servi d'une expression imagée. Il a dit que leurs

 28   actions militaires seront telles qu'il ne permettra pas que Vukovar se


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  1   reproduise, dans le sens où les combats ne s'étaleraient pendant plusieurs

  2   jours. Il nous disait que les combats seraient terminés dans l'espace de

  3   quelques heures ou au bout d'une journée. Et compte tenu du rapport des

  4   forces entre la population civile et la JNA, on pouvait en effet s'attendre

  5   à ce que cela arrive.

  6   Q.  Mis à part le colonel Grahovac, qui d'autre avez-vous rencontré des

  7   rangs de la JNA ?

  8   R.  Le colonel Tomic assistait lui aussi à nos réunions, et cela, de façon

  9   régulière. Notre comité de négociation, le comité de négociation de la

 10   ville d'Ilok, a fourni la réponse suivante : nous avons indiqué que nous ne

 11   pouvions pas accepter leurs termes parce que nous n'étions pas autorisés à

 12   le faire. Nous avons accepté de procéder au désarmement total de la

 13   protection civile, mais à condition que les armes soient rendues au poste

 14   de police d'Ilok, qu'elles soient déposées là. Et deuxièmement,

 15   conformément aux législations et à la constitution en vigueur, l'armée

 16   n'avait absolument pas le droit d'entrer dans la ville d'Ilok et d'assumer

 17   les fonctions des autorités civiles. A savoir, la police.

 18   Q.  Monsieur Kraljevic, je vais devoir vous interrompre de nouveau. Vous

 19   avez cité les noms des colonels Grahovac et Tomic. Vous souvenez-vous

 20   d'avoir rencontrer d'autres officiers des rangs de la JNA ?

 21   R.  Pas avant le 11 octobre. Mais comme le colonel Grahovac avait ses

 22   supérieurs hiérarchiques, à savoir le général Dragoljub Arandjelovic, il a

 23   indiqué que celui-ci était la seule personne avec qui on pouvait

 24   éventuellement négocier les termes pour trouver une solution à cette

 25   situation de crise. Et c'est la raison pour laquelle il a suggéré que nous

 26   devions nous rendre à Sid pour entamer des négociations avec le général

 27   Arandjelovic.

 28   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que le greffier affiche le


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  1   document 05030.6 de la liste 65 ter. Il s'agit d'un extrait qui est tiré

  2   d'un enregistrement vidéo portant la cote V0004590. Le document figure à

  3   l'intercalaire 29. Il s'agit d'un extrait d'un journal diffusé dans les

  4   médias. J'aimerais que nous le visionnions sans écouter la bande sonore. Il

  5   y a un court extrait qui m'intéresse. Et puis après, nous allons repasser

  6   la vidéo encore une fois.

  7   Alors, nous allons commencer à partir de la 34e minute, 3 secondes, jusqu'à

  8   la 34e minute, 30 secondes.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   Mme CLANTON : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous avez pu voir cet extrait vidéo qui

 12   vous a été montré ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que vous avez pu reconnaître l'un des deux hommes qui vous ont

 15   été montrés ?

 16   R.  Je ne vois qu'une seule personne dans cet arrêt sur image, le général

 17   Arandjelovic.

 18   Mme CLANTON : [interprétation] Nous souhaitons demander le versement au

 19   dossier de cet extrait vidéo. Il porte une cote 65 ter individuelle,

 20   05030.10.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, est-ce que vous

 22   parlez de l'extrait vidéo ou de l'arrêt sur image où nous voyons cet homme

 23   ?

 24   Mme CLANTON : [interprétation] Il s'agit de l'arrêt sur image dont je

 25   souhaite demander le versement au dossier.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2019. Merci.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et j'ai remarqué que le témoin avait


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  1   changé de lunettes; par conséquent, il n'a peut-être pas vu le début de

  2   l'extrait vidéo et le moment où l'autre homme était visible. Je ne sais pas

  3   si c'est important pour vous.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Eh bien, comme il a identifié la personne

  5   que nous voyons dans cet arrêt sur image, je n'ai plus rien à lui demander

  6   au niveau de l'identification.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci.

  8   Mme CLANTON : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, tout à l'heure vous nous avez exposé les exigences

 10   formulées par la JNA et vous avez également décrit la position adoptée par

 11   votre comité, à savoir que vous ne pouviez pas tomber d'accord avec eux

 12   pour rendre les armes. J'aimerais savoir si vous avez avancé une

 13   proposition de paix alternative et si vous l'avez soumise à la JNA ?

 14   R.  Oui. J'allais aborder le sujet tout à l'heure, justement. Nous avons

 15   donc avancé une proposition alternative que la protection civile soit

 16   désarmée et que toutes ses armes soient déposées au poste de police. De

 17   façon similaire, nous avons suggéré que la police devait continuer à

 18   exercer ses fonctions habituelles. La raison en était la suivante : aucun

 19   conflit n'avait été relevé parmi les habitants de la ville ou des villages

 20   environnants. Il n'y a jamais eu un seul incident qui justifierait une

 21   intervention de l'extérieur. Et c'était notre argument principal.

 22   Q.  Permettez-moi de vous demander ceci, Monsieur Kraljevic : est-ce qu'il

 23   vous a été permis de présenter votre proposition alternative au général

 24   Arandjelovic ?

 25   R.  Oui. Nous avons remis notre proposition entre ses mains, mais ils ont

 26   refusé de l'examiner. Le général Arandjelovic a préféré avancer sa propre

 27   proposition, ou plutôt, nous imposer son ultimatum relatif à la reddition

 28   des armes. Cet ultimatum comprenait plusieurs articles, et il a exigé que


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  1   nous le signions immédiatement. Nous avons expliqué que nous ne pouvions

  2   pas signer ce document. Seuls les citoyens avaient le droit de décider ce

  3   qui était à faire par le biais d'un référendum, mais notre comité ne

  4   pouvait pas assumer la responsabilité de décider de ces questions-là.

  5   Q.  Monsieur Kraljevic, cet ultimatum qui vous a été imposé par le général

  6   Arandjelovic, quels étaient ses termes au niveau de la reddition des armes

  7   ?

  8   R.  L'article relatif à la reddition des armes précisait que toutes les

  9   armes devaient être rendues le lendemain avant midi et toutes les armes

 10   devaient être apportées à l'atelier d'Ivan Zec, qui avait été placé sous le

 11   contrôle de la JNA. Si les armes n'étaient pas rendues au moment indiqué et

 12   à l'endroit indiqué, l'armée pénétrerait dans la ville et exécuterait la

 13   tâche qui lui avait été confiée.

 14   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant le

 15   document 0043 [comme interprété] de la liste 65 ter. C'est la pièce 318 de

 16   l'Accusation. Elle figure à l'intercalaire 6.

 17   Q.  Monsieur Kraljevic, reconnaissez-vous ce document ? Est-ce bien le

 18   document que vous avez remis au bureau du Procureur du TPIY ?

 19   R.  Je ne reconnais pas le document qui figure à droite de l'écran, mais

 20   sur la gauche je vois l'accord qui nous a été remis par la JNA. Ah, oui, le

 21   document à droite doit être la traduction anglaise. Ce document est

 22   l'accord qui nous a été remis par Arandjelovic le 12 octobre.

 23   Q.  J'aimerais que vous examiniez l'article 1. Il est indiqué que toutes

 24   les armes doivent être remises entre les mains de la JNA, et notamment aux

 25   membres du 1er District militaire.

 26   R.  Oui. Il est précisé que toutes les armes, les munitions, doivent être

 27   rendues, quelle que soit la manière dont ils avaient été acquis, et il est

 28   indiqué que l'armée pénétrera à Ilok et procédera à la fouille de tous les


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  1   locaux --

  2   Q.  Excusez-moi, Monsieur Kraljevic, je dois vous interrompre. Je n'avais

  3   pas l'intention de vous faire lire ce passage.

  4   Veuillez examiner maintenant l'article 7, s'il vous plaît. Il est

  5   indiqué qu'en cas de recours aux armes ou de menace contre la sécurité des

  6   membres de la JNA, des mesures de représailles peuvent être prises. Alors,

  7   j'aimerais savoir de quelles mesures de représailles il s'agissait ?

  8   R.  Pour commencer, personne n'a jamais menacé la sécurité des

  9   membres de la JNA, comme indiqué dans ce texte. En fait, il nous était

 10   impossible de le faire, de toute façon. Quant aux mesures de représailles,

 11   on entendait par là toutes les mesures qui avaient déjà été prises dans les

 12   autres villages; donc on faisait irruption dans des maisons, des habitants

 13   étaient tués, la loi et l'ordre ne régnaient plus, différents individus

 14   commettaient des crimes, des atrocités, des sévices. Voilà à quoi nous

 15   pouvions nous attendre. Puisque des incidents similaires s'étaient produits

 16   déjà à Bapska, à Tovarnik, à Lovas. En fait, dans tous les villages où les

 17   unités de la JNA étaient entrées.

 18   Q.  Monsieur Kraljevic, au moment où cet ultimatum vous a été présenté, les

 19   membres du comité chargé des négociations ont déclaré ne pas pouvoir

 20   l'accepter avant de s'adresser à la population. Avant la fin de cette

 21   réunion que vous avez eue avec le général Arandjelovic, est-ce que les

 22   membres du comité lui ont posé des questions; vous en souvenez-vous ?

 23   R.  Notre conversation a été longue puisque les participants comprenaient

 24   un grand nombre de personnes. Toutes les personnes dont j'ai cité les noms

 25   ont été présentes. Et, par exemple, M. Mato Brletic, commandant du poste de

 26   police à Ilok, a dit au général qu'il a compté plus de 10 000 habitants.

 27   N'avait-il pas peur que quelqu'un ne soit tué, n'avait-il pas peur de

 28   toutes les victimes, d'une éventuelle attaque, et à cela il a répondu qu'il


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  1   agirait conformément à la mission qui lui a été confiée. En d'autres mots,

  2   il a indiqué qu'il allait s'emparer du territoire.

  3   Le 10 octobre, à Lovas justement, plus de 20 personnes ont été assassinées,

  4   22 personnes. Comme je l'avais appris, cet assassinat avait eu lieu la

  5   veille, et c'est ce que j'ai appris par l'intermédiaire des représentants

  6   de la Commission européenne, par les observateurs européens. Alors, M.

  7   Rendulic a justement posé la question de savoir pourquoi toutes ces

  8   personnes avaient été tuées à Lovas, et le général a répondu qu'il

  9   s'agissait d'une mesure de représailles parce que le corps d'un soldat

 10   avait été retrouvé dans un champs de maïs. Mais en fait, il avait indiqué

 11   cela pour dire quelque chose. Parce qu'en fait, jamais un corps de soldat

 12   n'a été retrouvé nulle part. Voilà, c'est à cela que nous pouvions nous

 13   attendre lorsque les unités armées entraient dans les différents villages.

 14   Q.  Maintenant j'aimerais vous demander ce qui s'était passé parmi les

 15   dirigeants de la communauté à Ilok à cette époque-là. Après avoir fini la

 16   réunion avec le général Arandjelovic pendant laquelle il vous a remis cet

 17   ultimatum, est-ce que vous vous rappelez les discussions que les

 18   représentants de la communauté ont eues entre eux au sujet de ce qui

 19   s'était passé lors de ces négociations ?

 20   R.  Les représentants de Sarengrad -- non, excusez-moi, de Bapska, ont

 21   demandé, étant donné que la plupart des habitants de Bapska se trouvaient à

 22   Ilok, donc ils ont demandé qu'Arandjelovic leur permette de se rendre à

 23   Bapska afin de chercher certaines choses qui leur appartenaient --

 24   Q.  J'aimerais vous arrêter un instant. Ma question portait sur ce qui

 25   s'était passé à Ilok à l'époque, s'il y avait des rencontres à Ilok entre

 26   les gens et si ces réunions portaient sur les négociations qui venaient

 27   d'avoir lieu.

 28   R.  Je voulais tout simplement vous dire ce qui s'était passé à ce moment-


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  1   là, le 11. Donc le général Arandjelovic a donné plusieurs permis afin que

  2   les citoyens puissent se rendre à Bapska pour chercher leurs biens, les

  3   choses de base dont ils avaient besoin. Voilà, je m'arrête.

  4   Q.  Je vous demande de vous arrêter là. Nous allons parler de ces

  5   événements plus en détail.

  6   Mais lorsque vous êtes rentré à Ilok, est-ce qu'il y a eu des

  7   rencontres avec les représentants de la communauté, des rencontres portant

  8   sur les négociations qui venaient d'avoir lieu ?

  9   R.  Le comité a informé les citoyens de tout ce qui s'est passé. Cela s'est

 10   passé dans un bâtiment où se trouvait le foyer culturel, où il y avait

 11   beaucoup de citoyens. Il n'y avait pas seulement les représentants des

 12   autorités de Bapska, Lovas et d'autres endroits. Mais toutes les personnes

 13   qui voulaient venir pouvaient y venir. Donc nous les avons informés des

 14   négociations parce que la majorité des citoyens souhaitait protéger leur

 15   propre vie. Et, du coup, l'on a parlé de l'évacuation des citoyens pour

 16   que, au moins pendant une certaine période, on se mette à l'abri le temps

 17   que les choses se calment. Et en même temps, il y avait des négociations

 18   intenses entre les gouvernements de Serbie et de Croatie. MM. Tudjman et

 19   Milosevic étaient en contact, menaient des négociations. Et vous savez, à

 20   l'époque, nous pensions qu'un accord allait être conclu et que la situation

 21   allait se calmer. Il y avait des accords de cessez-le-feu qui ne cessaient

 22   d'être signés, mais néanmoins ce cessez-le-feu n'arrivait jamais. Et il y

 23   avait des pourparlers quotidiens, et, vous savez, en fait, les gens y

 24   croyaient. Personne ne voulait quitter son lieu de résidence.

 25   Donc nous avons informé les citoyens de ce qui s'était passé et --

 26   Q.  Vous avez dit que vous faisiez partie d'un groupe qui en avait parlé

 27   avec les citoyens et vous avez dit qu'il y avait des questions portant sur

 28   les solutions au niveau national qui étaient abordées, mais que vous


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  1   parliez également de ce qui allait se passer à Ilok.

  2   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais maintenant que le greffier

  3   affiche le document 65 ter 00214, et c'est la pièce de l'Accusation 321,

  4   qui figure à l'intercalaire 23. Il s'agit du compte rendu d'audience

  5   relatif à la réunion tenue à l'assemblée de la communauté d'Ilok de cette

  6   période de 1991.

  7   Q.  Monsieur Kraljevic, depuis votre arrivée à La Haye, est-ce que vous

  8   avez eu l'occasion de lire ce compte rendu de la réunion de l'assemblée de

  9   la communauté d'Ilok qui figure à l'écran à gauche ?

 10   R.  Oui.

 11   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la dernière

 12   page, à savoir la page 5.

 13   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous reconnaissez la signature qui

 14   figure en bas de la page à droite ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Qui a signé ce document ?

 17   R.  C'est ma signature.

 18   Q.  Est-ce que vous reconnaissez le nom ou la signature qui figure à gauche

 19   en bas de la page ?

 20   R.  Oui, Nevenka Brkic, qui était la sténotypiste pour le gouvernement

 21   local d'Ilok. Je reconnais sa signature.

 22   Q.  Etant donné que vous avez eu l'occasion de lire le compte rendu

 23   d'audience, est-il exact que ce compte rendu d'audience reflète de manière

 24   précise et exacte les discussions qui avaient été menées à Ilok à l'époque

 25   ?

 26   R.  [aucune interprétation]

 27   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]


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  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on précise à quoi pense-t-

  2   on lorsqu'on dit "à cette époque-là" ?

  3   Mme CLANTON : [interprétation] Je pensais aux dates qui figurent dans ce

  4   compte rendu d'audience qui couvre la période du 6 octobre au 16 octobre

  5   1991.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes satisfait de

  7   cette réponse, Maître Zivanovic ?

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 10   Mme CLANTON : [interprétation] 

 11   Q.  Monsieur Kraljevic, j'aimerais revenir maintenant aux événements dont

 12   vous avez parlé il y a un instant, à savoir l'organisation d'un référendum

 13   du 13 octobre 1991. Vous avez dit qu'il y avait un référendum relatif à

 14   l'ultimatum dont vous nous avez déjà parlé.

 15   Tout d'abord, s'agissant de ce référendum, combien de questions se

 16   trouvaient dans ce référendum qui était présenté aux citoyens d'Ilok ?

 17   R.  Le référendum devait avoir lieu un dimanche, et il y avait deux

 18   feuilles. Sur l'une se trouvait la question suivante : êtes-vous d'accord

 19   pour qu'on remette les armes à la JNA et -- donc, que l'on remette les

 20   armes à la JNA ?

 21   Et, attaché à cette feuille, se trouvait l'ultimatum présenté par la

 22   JNA et qu'elle nous avait donné le 11/10, lors des pourparlers à Sid, et

 23   puis il y avait une deuxième feuille où l'on demandait aux citoyens la

 24   chose suivante : êtes-vous d'accord pour que l'on procède à l'évacuation de

 25   la population si la situation de crise se développe, à savoir si l'armée

 26   attaque et pénètre dans la ville d'Ilok. Parce que les représentants de

 27   l'armée nous ont dit : Soit vous allez remettre les armes et nous permettre

 28   d'entrer dans la ville, soit il n'y aura pas d'autres négociations.


Page 5350

  1   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant le

  2   document de la liste 65 ter 00404. C'est la pièce de l'Accusation 319, qui

  3   figure à l'intercalaire 7.

  4   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous reconnaissez le document qui figure

  5   à gauche et est-ce que c'est le document que vous avez donné aux enquêteurs

  6   du bureau du Procureur ?

  7   R.  Je suis l'auteur de ce document, moi, et il y avait d'autres personnes,

  8   mes collègues, qui l'ont rédigé. Donc nous voyons le texte qui figurait sur

  9   la première feuille, sur le premier bulletin de vote.

 10   Q.  D'accord. Donc, est-ce que c'est le document que vous avez remis aux

 11   enquêteurs du bureau d Procureur ?

 12   R.  Oui.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant le

 14   document de la liste 65 ter 06442.

 15   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous reconnaissez le document qui figure

 16   à l'écran et est-ce que c'est un document que vous avez remis au bureau du

 17   Procureur hier ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Dans la première ligne où l'on lit "vétérinaire", de quoi s'agit-il ?

 20   R.  Il s'agit d'un dispensaire vétérinaire qui était à Ilok, dans la rue de

 21   Radiceva, quand on va sur la route qui va depuis le centre d'Ilok vers Sid.

 22   Il y avait cinq postes tels que celui-ci, et les citoyens pouvaient se

 23   rendre dans ces endroits pour voter.

 24   Q.  Est-il exact que les noms des bureaux de vote apparaissent sur les

 25   pages que vous nous avez données hier, que ces noms figurent en haut de la

 26   page ?

 27   Mme CLANTON : [aucune interprétation]

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


Page 5351

  1   Mme CLANTON : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Kraljevic, vous avez dit que dans ces documents nous pouvons

  3   lire où se trouvaient les bureaux de vote. Est-ce que les numéros que l'on

  4   peut lire dans ce document reflètent le nombre de votes ?

  5   R.  Les signatures des membres du comité le confirment. Et nous avons le

  6   chiffre total portant sur tous les bureaux de vote.

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   R.  Donc nos signatures le garantissent. Ce n'est pas à moi d'être le seul

  9   garant.

 10   Q.  Avant de passer au document où l'on peut lire le chiffre total, j'ai

 11   une question pour vous. S'agissant de la page qui est affichée à l'écran,

 12   il est dit que 508 votes reflètent le souhait des 1 059 citoyens. Pourriez-

 13   vous expliquer aux Juges de la Chambre pourquoi ces deux chiffres ne sont

 14   pas identiques ?

 15   R.  Donc il y avait 500 bulletins de vote où le citoyen avait encerclé la

 16   réponse "oui". Il y avait 48 bulletins où la réponse était "non". Et en

 17   bas, nous avons le chiffre le 1059.

 18    Q.  Les interprètes vous prient de répéter les chiffres, s'il vous plaît.

 19   R.  S'agissant des 508 personnes qui ont encerclé la réponse "oui", en bas

 20   nous voyons le chiffre de 1059 citoyens, donc ce sont les membres de leur

 21   famille, leurs enfants, qui sont prêts à être évacués, à partir. Donc ces

 22   personnes ont voté pour leurs membres de famille, parce que ne pouvions pas

 23   organiser le vote pour les enfants et pour toutes les personnes d'ailleurs.

 24   C'était une situation de crise où, par exemple, nous avions une épouse qui

 25   était partie voter pour son époux également, et elle a voté au nom de ses

 26   enfants aussi.

 27   J'espère que j'ai été suffisamment clair.

 28   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que ce document, 06442, soit


Page 5352

  1   versé au dossier.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2020. Merci.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Et j'aimerais que l'on affiche maintenant le

  5   document 06443. C'est le deuxième document que le témoin nous a donné hier,

  6   et c'est le deuxième document qui figure après l'intercalaire 59, plutôt,

  7   qui figure à l'intercalaire 60.

  8   Q.  Monsieur Kraljevic, tout à l'heure vous avez dit qu'il existe un

  9   tableau où l'on voit le chiffre global de tous les votes. Est-ce le tableau

 10   auquel vous vous référiez tout à l'heure ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Nous voyons les chiffres romains I et II. A quoi se réfèrent le chiffre

 13   I et le chiffre II ?

 14   R.  Au point I, nous voyons les bulletins de vote où la réponse était

 15   affirmative, qu'il fallait remettre les armes et signer l'accord. Donc

 16   71 %, autrement dit, 2 519 personnes ont voté ainsi.

 17   Tandis que le deuxième point correspond au chiffre total. Si je vois bien,

 18   il s'agit de 2 577 personnes. Ce qui veut dire que 73 % étaient pour, alors

 19   que 11 % des citoyens étaient contre.

 20   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais maintenant que ce document de la

 21   liste 65 ter 06443 soit versé au dossier.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça sera la pièce P2021.

 24   Mme CLANTON : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Kraljevic, vous nous avez présenté le résultat du référendum

 26   tenu le 13 octobre 1991. J'aimerais savoir maintenant de quelle manière

 27   vous avez présenté le résultat de ce référendum à la JNA ?

 28   R.  Le référendum s'est tenu le dimanche 13 octobre. Et au préalable, lors


Page 5353

  1   de l'entretien avec le général Arandjelovic qui s'est tenu le 11, nous nous

  2   sommes mis d'accord qu'on allait lui présenter le résultat du vote lundi,

  3   le 14, avant 12 heures. Avant de ce faire, nous avons organisé une réunion

  4   du conseil de la ville, et lors de la réunion nous avons informé tous les

  5   citoyens qui étaient présents du résultat de ce référendum. Cela s'est

  6   déroulé à 9 heures au foyer culturel. Et à midi, nous nous sommes rendus à

  7   Sid, au bureau du général Arandjelovic, et nous lui avons communiqué le

  8   résultat du référendum.

  9   Q.  Est-ce qu'il y avait d'autres personnes présentes aux négociations,

 10   outre les membres de votre comité de négociation et le général Arandjelovic

 11   ?

 12   R.  Lors de cet entretien, il y avait également deux représentants des

 13   observateurs européens, à savoir Hugh Cunningham et Petr Kypr. Ils sont

 14   venus avec un peu de retard, mais ils étaient pratiquement présents tout au

 15   long de cette réunion.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire comment s'est déroulée cette réunion ?

 17   R.  En tant que président du comité, j'ai dit au général quelle était la

 18   décision prise par l'assemblée et quel était le résultat du référendum. Sur

 19   ce, il a dit, "Telle est votre décision," et il a proposé qu'on conclue un

 20   accord relatif à l'évacuation de la ville.

 21   Q.  Et que se trouvait-il dans cet accord ?

 22   R.  Je pense que cet accord comporte plusieurs articles, une dizaine à mon

 23   avis. Et l'on y dit la chose suivante : sur demande des citoyens relative à

 24   l'évacuation -- mais je dois dire que cet accord a été dicté par le

 25   secrétaire de l'assemblée municipale de Sid. Il a dicté cet accord à une

 26   secrétaire qui était présente à la réunion. Et M. Brletic et moi, nous

 27   étions tout simplement présents lorsque cet accord a été dicté, mais nous

 28   n'avons pas pu avoir une influence suivant la teneur de cet accord.


Page 5354

  1   Dès l'entretien, et nous l'avons dit devant les observateurs

  2   internationaux, nous avons dit que nous ne souhaitions pas quitter Ilok.

  3   Cela voulait dire que nous allions tout abandonner. Et on se demandait

  4   comment on allait y retourner un jour. Et nous ne savions pas où partir. Il

  5   est difficile de quitter sa maison pour aller quelque part où vous n'avez

  6   rien, où vous n'avez personne. Donc les observateurs souhaitaient également

  7   l'entendre de notre part. Mais la seule demande qui a été présentée était

  8   que la JNA devait y pénétrer, que les armes devaient être remises et que

  9   tous les bâtiments devaient être fouillés et toutes les personnes qui

 10   cachaient les armes devaient être punies.

 11   Donc il n'y avait pas d'autre solution; nous avons signé, par

 12   conséquent, cet accord.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que le greffier affiche

 14   maintenant la pièce P1419. C'est le document 5057 de la liste 65 ter, qui

 15   figure à l'intercalaire 36.

 16   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous reconnaissez ce document ?

 17   R.  Oui.

 18   Mme CLANTON : [interprétation] Passons à la dernière page, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 20   Mme CLANTON : [interprétation]

 21   Q.  A gauche, à qui appartient la signature que nous y voyons ?

 22   R.  A M. Ivan Mrsic.

 23   Q.  Et à droite ?

 24   R.  C'est la signature de M. Dragoljub Arandjelovic, c'est le général.

 25   C'était lui le commandant chargé de la région au nom de la JNA.

 26   Q.  Est-ce que vous reconnaissez le document qui a été signé le 14 octobre

 27   1991 dont nous avons parlé tout à l'heure ?

 28   R.  Oui.


Page 5355

  1   Q.  Une fois que cet accord a été signé, est-ce que les représentants

  2   d'Ilok -- est-ce qu'ils ont eu des demandes ou des déclarations à faire au

  3   sujet de leur départ ?

  4   R.  Tout le monde disait qu'il ne voulait pas partir. Ils disaient qu'il

  5   faudrait que l'armée soit bienveillante vis-à-vis des citoyens et qu'elle

  6   permette aux citoyens de rester chez eux. Mais néanmoins, la position de

  7   l'autre partie était très ferme et l'on ne pouvait pas la changer.

  8   Néanmoins, les citoyens ont demandé qu'on leur permette de prendre

  9   leurs biens les plus nécessaires et qu'on leur garantisse leur sécurité. En

 10   bref, cela a été accordé, je pense.

 11   Q.  Tout à l'heure, lorsque nous avons parlé des négociations, vous avez

 12   dit qu'il y avait des membres de cette commission qui étaient originaires

 13   de Bapska et qu'ils souhaitaient qu'on leur permette de prendre leurs

 14   biens. Est-ce que vous vous souvenez qu'il y avait des gens de Bapska qui

 15   avaient présenté une telle demande pendant la réunion ?

 16   R.  Oui. M. Sablic, Ivan a demandé qu'on lui autorise cela. Le général lui

 17   a donné cette autorisation. Et il y a eu plusieurs citoyens qui ont obtenu

 18   cette autorisation et qui se sont rendus d'Ilok à Bapska pour chercher

 19   leurs biens. Et une fois arrivés à Bapska, ils ont pris un raccourci pour

 20   aller à Sid. Mais même s'ils avaient leurs permis, on les arrêtés. Certains

 21   ont fini dans un camp, d'autres ont été détenus à Sid et certains ont été

 22   détenus dans le camp de Begejci. Et Sablic, lui-même, a été détenu dans un

 23   camp et il a été échangé le 15 décembre 1991.

 24   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais demander l'affichage du document

 25   numéro 00438 de la liste 65 ter, intercalaire numéro 14, s'il vous plaît.

 26   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que vous reconnaissez cette liste ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Reconnaissez-vous la signature ?


Page 5356

  1   R.  Oui.

  2   Q.  A qui appartient cette signature ?

  3   R.  C'est ma signature.

  4   Q.  Je voudrais que vous examiniez cette liste et que vous me disiez si

  5   l'une quelconque des personnes apparaissant dans cette liste faisait partie

  6   du groupe que vous avez décrit qui a bénéficié de laissez-passer pour

  7   retourner à Bapska et rassembler certaines de leurs affaires.

  8   R.  Il s'agissait de Miroslav Kolak, Nada Vrbanic, Ivan Mijic; donc, au

  9   numéro 11, numéro 7 et numéro 3. C'est dans un véhicule privé, dans leur

 10   véhicule personnel, qu'ils s'y sont rendus. Il y avait encore une personne

 11   qui les accompagnait. A la sortie de Bapska, sans aucun avertissement, on a

 12   ouvert le feu sur eux, donc ils ont été tués. Et une personne a été

 13   blessée, Mijic. Il a survécu.

 14   Q.  Est-ce que, Monsieur Kraljevic, vous dites que l'information que nous

 15   lisons ici est incorrecte, à savoir que Mijic a été tué à Bapska dans la

 16   rue Bracka Radic le 14 octobre 1991 ? Il apparaît au numéro 11.

 17   R.  Oui. Oui, il a été tué le 14 octobre à Bapska par la JNA, rue des

 18   frères Radic, rue Bracka Radic. Je crois que c'est le nom de cette rue. On

 19   le voit ici.

 20   Q.  Est-il exact qu'il a été tué de cette façon, donc, le 14 octobre 1991,

 21   rue Bracka Radic ?

 22   R.  Oui.

 23   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 24   document numéro 00438 de la liste 65 ter.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça reçoit le numéro de pièce P2022.

 27   Mme CLANTON : [interprétation]

 28   Q.  Je voudrais maintenant passer au 17 octobre et à votre départ d'Ilok.


Page 5357

  1   Lorsque vous vous prépariez à partir ce jour-là, est-ce que vous pourriez

  2   nous dire, en fait, quel était le climat qui régnait à Ilok ce jour-là ?

  3   R.  Avant tout, après la signature de cet accord, nous avons pris nos

  4   dispositions pour que la population soit bien informée de cet accord et des

  5   possibilités que nous avions.

  6   Les habitants étaient au courant, ils avaient compris qu'il n'était

  7   pas nécessaire de leur donner beaucoup d'explications quant à la situation

  8   à Ilok. Ils ont pu la constater eux-mêmes. Nous leur avons simplement dit

  9   qu'ils pouvaient eux-mêmes décider ce qu'ils allaient faire. La date avait

 10   été convenue conjointement avec les représentants de la JNA, et de la même

 11   façon on s'était mis d'accord aussi sur la possibilité d'une évacuation de

 12   la population selon différentes modalités possibles. Ils avaient donc la

 13   possibilité de choisir entre un départ vers Backa Palanka et vers Nestin,

 14   en Vojvodine, en Serbie donc, ou encore, la possibilité de partir via Sot,

 15   Sid, Adasevci [phon], Lipovac, vers la Croatie donc. Ils avaient la

 16   possibilité soit de rester, soit de partir, selon ces différentes

 17   possibilités. Quant à la situation en elle-même, je ne sais pas ce que je

 18   pourrais vous dire. Les habitants étaient tout à fait lucides quant à ce

 19   qui se passait. Cela les concernait directement. Ils pouvaient décider de

 20   ce qu'ils allaient faire. Nous ne souhaitions rien de tout cela. Nous ne

 21   pouvions pas davantage leur garantir que leur sort allait être meilleur

 22   s'ils restaient ou qu'il serait meilleur s'ils partaient pour devenir des

 23   réfugiés.

 24   Nous ne pourrions rien leur garantir quant à ce qui leur arriverait

 25   éventuellement en voyage, si quelqu'un allait les arrêter, si leur colonne

 26   allait être arrêtée dans son parcours. Nous ne pouvions rien leur dire à ce

 27   sujet. Les garanties, en fait, étaient données par l'armée, selon les

 28   termes de l'accord. C'est ce que je pourrais vous dire, en bref.


Page 5358

  1   Q.  Pendant cette période, quels types de bruits pouviez-vous entendre à

  2   Ilok ?

  3   R.  A ce moment-là, il y avait encore des bombardements lourds en cours à

  4   Vukovar. On entendait sans cesse des explosions qui retentissaient. Le

  5   secteur de la ville d'Ilok était sans cesse survolé par des avions. Et là

  6   où les unités de la JNA étaient déployées à Principovac, il y avait des

  7   mégaphones de très forte puissance qui étaient branchés sur lesquels il

  8   passait des chants populaires assez souvent. Ces chants populaires,

  9   souvent, avaient des paroles particulièrement déplaisantes. Et souvent,

 10   également, des tirs de mitrailleuses prenaient pour axe les rues de la

 11   ville d'Ilok. C'était la situation.

 12   Q.  Et à cette époque, quels préparatifs ont-ils été faits au regard de

 13   certains éléments du patrimoine culturel de la vie d'Ilok ?

 14   R.  Nous avons eu un entretien à ce sujet avec M. le Colonel Grahovac. Nous

 15   souhaitions procéder à l'évacuation du musée de la ville, ou au moins une

 16   partie de son fond. Nous souhaitions pouvoir évacuer les pièces les plus

 17   importantes. C'était là le désir des habitants de la ville, à qui

 18   appartenait en définitive ce musée, et qui souhaitaient sauvegarder les

 19   pièces les plus importantes. Mais un ordre est arrivé disant qu'on ne

 20   pouvait rien emporter de tout cela. Au dernier moment, il est arrivé, si je

 21   peux l'indiquer. Déjà à ce stade, je peux dire que la plupart des pièces de

 22   ce musée ont été sauvegardées et que pendant l'occupation, une employée de

 23   ce musée est restée sur place pendant cette période. En revanche, les 22

 24   tableaux de plus grande valeur qui faisaient partie de la collection de ce

 25   musée ont été emportés. Ils ont disparu. On les a découpés pour les sortir

 26   de leurs cadres.

 27   Q.  Monsieur Kraljevic, je voudrais que nous revenions un petit peu en

 28   arrière. Vous avez répondu à ma question, vous avez parlé de chants qui


Page 5359

  1   étaient diffusés au moyen de mégaphones depuis Principovac, où se trouvait

  2   la JNA. Vous avez dit que les paroles de ces chants étaient

  3   particulièrement déplaisantes ou insultantes. Est-ce que vous pourriez nous

  4   dire de quoi il s'agissait ?

  5   R.  Il y avait toutes sortes de paroles. Je préfère ne pas en parler. On

  6   sait de quoi il s'agit. Certains chants disaient encore trois jours et il y

  7   aura telles et telles choses. Je préférerais ne pas en parler. Tout le

  8   monde comprenait de quoi il s'agissait. De plus, vous savez, il y avait

  9   déjà eu toutes sortes d'événements avant. Des personnes avaient été

 10   arrêtées et emmenées. Par exemple, quatre jeunes gens qui étaient emmenés -

 11   -

 12   Q.  Monsieur Kraljevic, je comprends que pour vous le caractère de ces

 13   chants est tout à fait clair, mais pour les Juges de cette Chambre, est-ce

 14   que vous pourriez nous dire pour qui ces chants étaient insultants et de

 15   quelle façon ?

 16   R.  Eh bien, s'il s'agissait d'égorger des gens, je crois que c'est tout à

 17   fait clair. On sait bien qu'il y a des gens qui parlent de cela, qui ne

 18   sont pas là pour souhaiter quoi que ce soit d'enviable à la population.

 19   Q.  Dans les chants que vous évoquez, Monsieur Kraljevic, où il est

 20   question de massacrer ou d'égorger des gens, de qui s'agit-il ? Qui doit-il

 21   être égorgé ?

 22   R.  Vous savez, il ne s'agit pas de ça. C'est simplement une façon de

 23   terroriser les gens. Cela peut se passer. Cela ne doit pas nécessairement

 24   avoir lieu, mais c'est un moyen pour terroriser les gens. Qu'il y ait, en

 25   revanche, eu toutes sortes de choses qui se sont passées pendant la guerre,

 26   ça, oui.

 27   Q.  Monsieur Kraljevic, vous venez de dire que ces paroles avaient pour

 28   effet d'instiller la peur, même si ce qui y était décrit n'était pas suivi


Page 5360

  1   des faits, même s'il n'y avait pas de massacre. Mais j'aimerais savoir, qui

  2   a ressenti cette peur et qui a été terrorisé ?

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une

  5   précision. S'agissait-il de poèmes, de paroles, de chants ?

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Je crois d'après la traduction qu'il

  7   s'agissait des paroles de chants. Peut-être que je peux obtenir la

  8   précision du témoin.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agissait de chants et les paroles de

 10   ceux-ci.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci figure déjà dans les réponses

 12   données par le témoin en page 49, ligne 22, ou 49, ligne 21.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] Très bien.

 14   Q.  Monsieur Kraljevic, je reviens à mes questions. Vous avez dit que les

 15   paroles de ces chants avaient pour effet d'instiller la peur à la

 16   population. Y avait-il un groupe de personnes en particulier à qui ces

 17   chants inspiraient de la peur ?

 18   R.  Ceux qui avaient tout particulièrement peur, c'étaient les membres de

 19   la protection civile et ceux du HDZ, parce que dans ces chants il y avait

 20   toujours une forme ou une autre de menace adressée aux membres du HDZ et

 21   également aux représentants de la protection civile, à toute personne qui

 22   détenait une arme, et cetera.

 23   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président, je note l'heure.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Clanton.

 25   Monsieur Kraljevic, il est temps pour nous de ménager une seconde pause

 26   d'une demi-heure également. Nous reviendrons donc à 

 27   12 heures 45. Et M. l'Huissier va vous accompagner. Merci.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.


Page 5361

  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

  3   --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

  4   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A vous, Madame le Procureur.

  7   Mme CLANTON : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Kraljevic, avant de faire la pause, nous parlions du départ

  9   des habitants d'Ilok le 17 octobre 1991. Pourriez-vous dire rapidement aux

 10   Juges de la Chambre à quelle heure le convoi était supposé se mettre en

 11   route ?

 12   R.  Eh bien, le 17 octobre, à partir de 7 heures et jusqu'à ce que les

 13   derniers soient partis, de ceux qui souhaitaient partir. Ceci signifie

 14   concrètement que ceux qui souhaitaient partir à bord de leurs véhicules,

 15   automobiles, fourgonnettes et autres, avec leurs affaires à bord, se sont

 16   alignés en colonne pour sortir, et cette colonne s'est donc mise en route.

 17   Avant cela, conformément à l'accord, la police devait rassembler les armes

 18   et les remettre à proximité du pont aux représentants de la JNA. Ceci a été

 19   fait, pour autant que je le sache, à 7 heures. Et c'est la police qui s'en

 20   chargeait. Je ne sais absolument pas comment ça a été fait.

 21   Q.  Monsieur Kraljevic, un instant, s'il vous plaît. J'aimerais maintenant

 22   savoir où les personnes qui souhaitaient quitter Ilok étaient censées se

 23   rassembler ?

 24   R.  Elles se sont rassemblées en formant une colonne près du pont. Je ne

 25   sais pas comment vous l'expliquer. C'est la rue principale d'Ilok qui mène

 26   dans la direction de Backa Palanka et de Nestin. Cette rue était bondée.

 27   Mais les rues latérales également, elles étaient bondées de réfugiés.

 28   Parfois les personnes étaient tout simplement devant leurs maisons, et


Page 5362

  1   c'est ainsi que cette colonne a pris quasiment toute une journée pour se

  2   mettre en mouvement.

  3   Q.  Qui avait la responsabilité de procéder aux vérifications de toutes ces

  4   personnes qui étaient dans la colonne et de leurs véhicules ?

  5   R.  Il avait été dit et communiqué qu'il fallait sortir en direction du

  6   pont. Les gens le savaient, et ils se sont mis en route. Il y a eu

  7   également des représentants des observateurs, il y en avait quatre à ce

  8   moment-là, et ils parcouraient la colonne. Il y avait également la police,

  9   bien sûr, qui est sortie avec la colonne. Les policiers, donc,

 10   l'accompagnaient. Mais il y avait également des habitants, des citoyens

 11   ordinaires. En tout cas, il a fallu toute une journée pour aller d'Ilok

 12   jusqu'à ce poste de contrôle dans la direction de Backa Palanka. Et c'est

 13   quelque chose qui a été organisé en bon ordre.

 14   Q.  Lorsque vous êtes arrivé au poste de contrôle, qui s'y trouvait ?

 15   R.  Des représentants en uniforme de la JNA. Je ne connais pas ces gens. On

 16   pouvait voir quelques personnes en uniforme qui étaient originaires d'Ilok,

 17   mais ce n'est pas important.

 18   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais demander à M. Laugel maintenant

 19   de visionner deux séquences vidéo. Je voudrais que nous les visionnions

 20   l'une après l'autre. La première est très brève. 04929 de la liste 65 ter.

 21   04929.4. Numéro V0003949 dans la pagination ERN.

 22   Nous allons démarrer le visionnage à 7 minutes, 5 secondes, jusqu'à 7

 23   minutes 58.

 24   Q.  Et, Monsieur Kraljevic, je me demandais si vous pouviez simplement --

 25   voilà. On va faire basculer votre affichage. Est-ce que vous voyez bien la

 26   vidéo ?

 27   R.  Oui, je vois bien. Je n'ai pas besoin de lire, donc tout va bien.

 28   Mme CLANTON : [interprétation] Nous n'allons pas diffuser la bande-son.


Page 5363

  1   Seules les images nous intéressent. Je voudrais simplement indiquer aux

  2   Juges de la Chambre que la qualité n'est pas très bonne. Nous allons donc

  3   visionner seulement certains extraits.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais maintenant demander que l'on

  6   visionne le document numéro 05016.2 de la liste 65 ter, c'est une séquence

  7   vidéo, en commençant à 31 minutes, 15 secondes, jusqu'à 32 minutes, 20

  8   secondes. Encore une fois sans la bande-son. Juste une précision, la

  9   séquence vidéo précédente figurait à l'intercalaire 56. Et celle que nous

 10   allons voir est à l'intercalaire 57.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   Mme CLANTON : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Kraljevic, reconnaissez-vous la ville où ces images ont été

 14   tournées ?

 15   R.  Oui. Il y a deux situations différentes. Une partie se déroule à Ilok,

 16   avec cette colonne. Et on voit bien cela grâce aux postes de contrôle qui

 17   se trouvaient aux points de sortie du convoi. On y reconnaît un grand

 18   nombre de sacs de sable, et il y avait effectivement un grand nombre de

 19   soldats qui suivaient la sortie du convoi d'Ilok. On reconnaît aussi ce

 20   moment où cela se passe à Ilok même, dans la ville, avec le convoi qui se

 21   met en route. Il y a d'autres images, je ne peux pas nécessairement tout

 22   reconnaître. Mais il y a une scène qui se déroule à Sarengrad. On voit

 23   l'église orthodoxe de Sarengrad. Et le reste était --

 24   Q.  Un instant, Monsieur Kraljevic, s'il vous plaît.

 25   Mme CLANTON : [interprétation] Je crois que c'est la partie de

 26   l'enregistrement que nous n'avions pas l'intention de présenter, mais si

 27   cela assiste les Juges de la Chambre, nous pouvons demander au témoin de

 28   l'identifier également. C'est qui m'intéressait, c'était la séquence vidéo


Page 5364

  1   qui avait déjà été décrite. A savoir, c'est pour une raison technique que

  2   nous avons démarré le visionnage un peu plus tôt.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Eh bien, c'est à vous qu'il revient

  4   d'en décider, Madame Clanton.

  5   Mme CLANTON : [interprétation]

  6   Q.  La séquence où l'on voit ces gens et le convoi avec des soldats aux

  7   postes de contrôle, est-ce que vous nous dites, comme vous le semblez le

  8   faire dans votre réponse précédente, que toutes ces images ont été tournées

  9   à Ilok ?

 10   R.  A l'exception de ce que j'ai indiqué comme ayant eu lieu à Sarengrad,

 11   oui. Même si pour une partie je ne peux pas être vraiment affirmatif. Il

 12   m'a semblé que certaines images ne venaient pas d'Ilok. Mais ceci, c'est

 13   bien le cas, oui.

 14   Q.  Monsieur Kraljevic, les images que vous avez décrites qui nous

 15   montraient le convoi au poste de contrôle et les soldats, ainsi que les

 16   routes qui ont été empruntées, vous avez dit que cela s'était passé à Ilok.

 17   Est-ce que ces images, notamment, cette vidéo, cadrent avec ce que vous

 18   avez vu et l'expérience que vous avez de ce qui s'est passé à la date du 17

 19   octobre 1991 ?

 20   R.  Oui. J'étais au sein de la colonne pendant assez longtemps -- c'était

 21   une colonne vraiment immense. Et j'étais à l'intérieur. Donc je sais

 22   comment tout cela se présentait, à quoi cela ressemblait. La journée était

 23   belle. Les gens se déplaçaient, discutaient les uns avec les autres.

 24   Certaines personnes qui étaient restées --

 25   Q.  Monsieur Kraljevic, excusez-moi, mais nous avons peu de temps.

 26   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais demander le versement des

 27   séquences vidéo 04929.4 et 05016.2 au dossier. Il n'y a pas de

 28   transcription, il ne s'agit que des images.


Page 5365

  1   Monsieur le Président, j'ai simplement demandé le versement au dossier de

  2   ces deux séquences vidéo.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excusez-moi, cela m'a échappé, Madame

  4   Clanton. Très bien. Les séquences vidéo sont donc versées.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Les séquences vidéo reçoivent les numéros

  6   pièces à conviction P2023 et P2024, respectivement. Merci.

  7   Mme CLANTON : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que toutes les personnes qui ont souhaité

  9   partir avec le convoi le 17 octobre ont réussi à le faire ?

 10   R.  Oui. Tout le monde était censé partir parce que c'était l'ordre que

 11   nous avions reçu le dernier jour. Comme l'a indiqué M. Grahovac, même les

 12   pires criminels pouvaient partir tranquillement au sein de la colonne s'ils

 13   le souhaitaient. C'était une décision apparemment prise à un niveau

 14   supérieur, mais ce n'est pas ce qui nous intéressait. Ce qui compte, c'est

 15   que 17 personnes ont été isolées du convoi. Lors des contrôles qui ont été

 16   effectués, on examinait toujours les pièces d'identité. Les personnes

 17   chargées de procéder à des vérifications ont examiné toutes les pièces

 18   d'identité, et comme cela arrive le plus souvent, plusieurs personnes ont

 19   été isolées. Je ne l'ai pas vu personnellement. Je me trouvais peut-être à

 20   la tête de la colonne ou à l'arrière, mais toujours est-il que j'ai appris

 21   que 17 personnes ont été séparées de la colonne. A quelques exceptions

 22   près, et je pense surtout aux personnes blessées qui ont été envoyées à

 23   l'hôpital, la plupart des personnes séparées du convoi ont abouti au camp

 24   de Begatevci [phon] --

 25   L'INTERPRÈTE : -- si l'interprète a bien saisi le nom.

 26   Mme CLANTON : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Kraljevic, vous dites que vous ne l'avez pas vu

 28   personnellement puisque cela ne s'est pas passé dans la partie du convoi où


Page 5366

  1   vous vous trouviez. Mais savez-vous qui avait séparé ces 17 personnes, qui

  2   les avait isolées ?

  3   R.  Eh bien, ce sont les représentants de l'armée qu'on retrouvait aux

  4   postes de contrôle. Je ne sais pas si des paramilitaires les

  5   accompagnaient. Certains disent en avoir vu, mais ça n'a pas de pertinence.

  6   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document

  7   00215 [comme interprété] de la liste 65 ter, s'il vous plaît. C'est une

  8   liste de personnes qui ont été séparées du convoi. Et le document figure à

  9   l'intercalaire 14 [comme interprété].

 10   Q.  Monsieur Kraljevic, reconnaissez-vous cette liste ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Qui a compilé cette liste ?

 13   R.  Sur la base des informations que j'ai reçues de différentes sources

 14   lorsque je me trouvais à Zagreb, en fait, c'était surtout les gens qui se

 15   présentaient en fournissant des éléments d'information, et puis j'ai dû en

 16   recevoir d'autres sources aussi, je ne le sais plus précisément.

 17   Mais toujours est-il que j'ai pu constater que ces 17 personnes ont

 18   été isolées du convoi.

 19   Q.  Monsieur Kraljevic, tout à l'heure vous avez indiqué que mis à part

 20   deux ou trois personnes qui avaient été blessées, la plupart des personnes

 21   qui figurent sur cette liste ont été emmenées au camp de Begejci. Quand

 22   vous parliez de la plupart des personnes isolées, pensiez-vous aux

 23   personnes qui figurent sur la liste ?

 24   R.  A qui pensez-vous exactement ? Aux personnes qui sont allées à

 25   l'hôpital ou aux autres ?

 26   Q.  Tout à l'heure vous avez dit que les personnes qui ont été isolées du

 27   convoi ont été emmenées au camp de Begejci, alors je me demande si on

 28   retrouve les noms de quelques-unes de ces personnes figurer sur cette liste


Page 5367

  1   ?

  2   R.  Mis à part deux personnes, tous les noms sont représentés sur la liste.

  3   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le

  4   versement au dossier du document 00215 [comme interprété] de la liste 65

  5   ter.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2025. Merci.

  8   Mme CLANTON : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, j'aimerais maintenant passer à un autre sujet. Je

 10   voudrais savoir ce que vous avez appris au sujet de la situation qui

 11   prévalait à Ilok après votre départ de cette ville.

 12   Pendant que vous exerciez les fonctions du maire de la ville et que vous

 13   vous trouviez en exil à Zagreb, comment avez-vous procédé à la collecte des

 14   informations relatives à Ilok, notamment des informations qui concernaient

 15   les habitants qui sont restés sur 

 16   place ?

 17   R.  Ce que je peux vous dire, c'est qu'environ 1 300 habitants étaient

 18   restés à Ilok. Je parle des représentants du groupe ethnique croate. La

 19   plupart des habitants slovaques étaient partis pour Backa Palanka. C'est

 20   parfaitement compréhensible parce que de nombreux habitants avaient des

 21   parents en Vojvodine. Et ces personnes-là sont retournées très rapidement.

 22   Q.  Excusez-moi, Monsieur Kraljevic, un instant, s'il vous plaît. La

 23   question que je vous ai posée était la suivante : pendant que vous étiez

 24   maire de la ville, comment avez-vous appris ce qui était arrivé aux

 25   personnes qui sont restées sur place ?

 26   R.  Oui, je vous demande pardon. Je voulais simplement préciser qu'un

 27   certain nombre d'habitants sont restés à Ilok pour se voir expulsés par la

 28   suite. Mais d'autres personnes sont venues nous voir, même les personnes


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  1   qui n'avaient pas été expulsées, souvent en passant par Hongrie, ils

  2   venaient en Vojvodine, et puis de là ils partaient pour Zagreb. En tout

  3   cas, c'est par ces méthodes-là que nous nous sommes efforcés à apprendre

  4   tout ce que nous avons pu. Certains nous ont donné des coups de fil par le

  5   biais d'organisations internationales. Il y avait différents canaux de

  6   communication, mais le plus souvent c'était les citoyens eux-mêmes qui

  7   venaient nous voir, d'autant plus qu'un certain nombre d'entre eux ont été

  8   expulsés à une date ultérieure.

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, vous dites que des expulsions ont eu lieu à Ilok

 10   après votre départ. Savez-vous pour quelle raison les habitants ont été

 11   expulsés d'Ilok ?

 12   R.  A en juger par les témoignages des personnes qui sont venues nous voir,

 13   la situation était plutôt paisible tant que le colonel Grahovac est resté à

 14   Ilok. D'une certaine façon, il avait la mission de maintenir la paix et

 15   l'ordre dans le village, et tout fonctionnait d'une façon plus ou moins

 16   ordonnée pendant son séjour. Cependant, il a quitté la région vers la fin

 17   du mois de janvier, ou plutôt, il a quitté le poste qu'il occupait, et

 18   c'est alors que la police et les autorités locales ont pris les rênes de la

 19   ville. C'est alors que les moments particulièrement difficiles sont

 20   survenus. Par ailleurs, la situation était difficile aussi immédiatement

 21   après notre départ. Il y a eu de nombreux actes de violence, de nombreuses

 22   mises en état d'arrestation, des interrogatoires, et un grand nombre de

 23   personnes ont été expulsées.

 24   Q.  Monsieur Kraljevic, vous êtes en train de nous parler de deux

 25   différentes périodes. Donc vous parlez d'un côté de la période qui a suivi

 26   immédiatement votre départ, et puis vous parlez de la période qui est

 27   survenue quelques mois après votre départ lorsque les gens étaient emmenés

 28   aux postes de police pour y subir de mauvais traitements. Donc vous nous


Page 5369

  1   dites que la situation s'est empirée après le départ du colonel Grahovac.

  2   Pourriez-vous nous en dire davantage ? Qu'est-ce que vous savez au sujet de

  3   cette situation difficile qui prévalait ?

  4   R.  Dans les maisons qui étaient restées vides, on a procédé avant tout à

  5   des pillages. D'après ce que nous avons appris, toutes sortes d'individus

  6   venaient de l'extérieur pour piller la ville. Cependant, en peu de temps,

  7   on a commencé aussi à s'installer dans les maisons abandonnées. A Backa

  8   Palanka, on avait hébergé les réfugiés de la Croatie occidentale, et leurs

  9   maisons ont commencé à être habilitées de façon organisée. Dans la plupart

 10   des cas, ces gens-là avaient laissé leurs clés chez des voisins. Mais si on

 11   ne retrouvait pas les clés, alors on cassait la porte pour entrer. Mais

 12   toujours est-il qu'on a commencé à s'installer dans ces maisons

 13   abandonnées, et cela, de façon organisée.

 14   Certains n'étaient pas contents des maisons qu'ils avaient trouvées

 15   et ils en cherchaient de meilleures. Si, par exemple, dans un foyer on ne

 16   trouvait que des personnes âgées, alors on leur faisait subir de mauvais

 17   traitements pour qu'ils partent et pour que quelqu'un d'autre puisse

 18   s'installer dans leurs maisons.

 19   Q.  Monsieur Kraljevic, vous venez de nous dire que la population avait

 20   subi de mauvais traitements infligés par la police, mais vous dites aussi

 21   que c'est un système organisé mis en place pour faire sortir les gens de

 22   leurs maisons. J'aimerais savoir qui se trouvait à Ilok à cette époque, qui

 23   a participé à la commission de toutes ces infractions pénales, d'après ce

 24   que vous avez entendu ?

 25   R.  Mais à quoi faites-vous référence ? Pensez-vous aux autorités locales ?

 26   Q.  J'aimerais savoir qui était responsable des crimes commis à l'encontre

 27   de la population civile qui est restée à Ilok, d'après ce que vous avez

 28   entendu ?


Page 5370

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Puis-je avoir la référence ? J'aimerais

  3   savoir où le témoin a indiqué que la population a subi de mauvais

  4   traitements infligés par la police.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Messieurs les

  6   Juges.

  7   Messieurs les Juges, à la page 31 -- non, un instant, s'il vous plaît. Je

  8   vous demande pardon. Page 31 du compte rendu d'audience provisoire, lignes

  9   11 à 13.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Toutes mes excuses, mais ce qu'on peut y

 11   lire à cet endroit, c'est que les gens étaient emmenés au poste de police.

 12   Il n'est pas indiqué qu'ils subissaient de mauvais traitements.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] Moi, ce que je peux lire dans le compte

 14   rendu d'audience, c'est qu'on les faisait venir au poste de police, qu'on

 15   leur faisait subir un interrogatoire et qu'un grand nombre de personnes ont

 16   été expulsées.

 17   Faut-il peut-être reformuler la question que j'ai posée au témoin ?

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'essentiel c'est que vous n'ajoutiez

 19   pas "les mauvais traitements" puisque le témoin ne les a pas évoqués.

 20   Mme CLANTON : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Kraljevic, il y a quelques instants vous avez dit, et je vais

 22   vous citer exactement ce qui est consigné dans le compte rendu d'audience

 23   parce que c'est important. Vous avez dit, donc, 

 24   que :

 25   "On faisait venir les gens aux postes de police, qu'on leur faisait

 26   subir un interrogatoire et qu'un grand nombre de personnes ont été

 27   expulsées."

 28   Pourriez-vous nous dire ce que vous avez entendu quant aux méthodes qu'on


Page 5371

  1   employait pour les interroger ?

  2   R.  Vous savez, il est difficile pour moi d'émettre des affirmations avec

  3   une certitude totale. Pour cela, il faut s'adresser aux personnes qui

  4   avaient vécu tout ce qui s'y est passé. Nous avons pu entendre les

  5   témoignages de nombreuses personnes. Je n'ai pas procédé à leur collecte,

  6   mais si nécessaire, il est possible de retrouver ce que les personnes

  7   concernées ont dit.

  8   Moi je n'aimerais pas m'exprimer à leur place.

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, d'après ce que vous avez entendu de la part de ces

 10   personnes, pourriez-vous répondre à ma question : qui leur faisait subir

 11   des interrogatoires et qu'est-ce que vous avez entendu dire au sujet de ces

 12   interrogatoires ?

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] La question a déjà été posée et une réponse

 14   a déjà été fournie.

 15   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président --

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous,

 17   Maître Zivanovic. La question a été posée, mais la réponse -- il n'y a pas

 18   répondu.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Dans le compte rendu d'audience, il est

 20   indiqué qu'on leur faisait subir un interrogatoire au poste de police, dans

 21   les locaux de la police.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, mais cela ne constitue pas une

 23   réponse à la question posée. Vous pouvez poursuivre, Madame Clanton.

 24   Mme CLANTON : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Kraljevic, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'aimerais que

 26   vous vous concentriez sur la question que je vous pose. Sur la base de ce

 27   que vous avez entendu dire, qui a procédé aux interrogatoires dans les

 28   locaux du poste de police et qu'est-ce que vous avez entendu dire au sujet


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  1   de ces interrogatoires et des méthodes employées ?

  2   R.  Il est vrai que les interrogatoires ont eu lieu au poste de police. On

  3   enfermait les gens dans le sous-sol et ils y subissaient de mauvais

  4   traitements. Il y a un grand nombre de personnes qui peuvent le confirmer,

  5   si nécessaire. Mais il serait quelque peu difficile pour moi de réunir un

  6   groupe important de personnes qui pourraient déposer sur la question, mais

  7   il n'y a aucun doute quant au fait qu'on les avait fait venir au poste de

  8   police et qu'ils y ont subi de mauvais traitements.

  9   Q.  Monsieur Kraljevic, savez-vous de la part de qui ils avaient subi ces

 10   mauvais traitements pendant qu'ils se trouvaient en détention provisoire ou

 11   pendant qu'ils étaient capturés, pendant qu'ils étaient en captivité dans

 12   le sous-sol du poste de police ?

 13   R.  Eh bien, les agents de police. Qui d'autre ? Que voulez-vous que je

 14   vous dise ? Si quelqu'un d'autre a pu pénétrer dans les locaux du poste de

 15   police, alors c'est la police qui avait tort de le permettre. Je ne sais

 16   pas, moi.

 17   Q.  Monsieur Kraljevic, j'aimerais revenir à la question que je vous ai

 18   posée tout à l'heure, et il me semble nécessaire de la poser de nouveau.

 19   D'après ce que vous avez entendu, qui avait engagé des opérations à

 20   proximité d'Ilok ? Qui était responsable de la commission des crimes dans

 21   la région après votre départ ?

 22   R.  Toutes sortes d'individus, qu'ils soient originaires d'Ilok ou qu'ils

 23   soient venus de l'extérieur, ils débarquaient au cours de la nuit, ils

 24   faisaient irruption dans leurs maisons, ils les rouaient de coups, ils les

 25   jetaient dehors. Il y a de nombreux cas de figure de ce type, mais d'après

 26   ce que les gens en disaient, ces incidents se produisaient le plus souvent

 27   à Sarengrad et à Bapska parce que les observateurs y étaient moins

 28   présents, et c'est dans ces villages-là que ce type d'incidents se


Page 5373

  1   produisaient très souvent.

  2   Q.  Monsieur Kraljevic, vous dites qu'il y avait toutes sortes de personnes

  3   qui s'étaient prêtées à ces activités. Lorsque vous étiez le maire en exil,

  4   avez-vous entendu parler de certains groupes qui s'étaient lancés dans de

  5   telles activités ? Avez-vous entendu parler des membres de certains groupes

  6   ?

  7   R.  Eh bien, à Ilok, il y avait des gens qui portaient des uniformes

  8   militaires. L'on parlait des Bérets rouges, des membres des Seseljevci.

  9   Parfois ces gens se présentaient de manière différente et disaient qu'ils

 10   étaient membres de la police en faisant irruption dans une maison, par

 11   exemple, alors qu'ils n'étaient pas membres de la police.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document 65

 13   ter 04107 [comme interprété], qui figure à l'intercalaire 17.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, on me dit que vous

 15   n'avez plus de temps à votre disposition --

 16   Mme CLANTON : [interprétation] J'aurais besoin d'encore cinq ou dix

 17   minutes. C'est la dernière série de questions que je souhaite poser.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 19   Mme CLANTON : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Monsieur Kraljevic, est-ce que c'est un document que vous avez remis

 21   aux enquêteurs du bureau du Procureur ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Comme dans la version en anglais il est indiqué qu'il y a une partie

 24   qui n'est pas lisible, pourriez-vous nous dire quel est l'intitulé du

 25   document qui se trouve devant vous ?

 26   R.  Il est dit qu'il s'agit de la liste des personnes expulsées entre le

 27   1er janvier 1973, et je ne vois pas la date exacte qui suit. Et puis, il

 28   s'agit du moins de novembre de la même année. Ensuite, nous avons le nom,


Page 5374

  1   la date de naissance et puis la date à laquelle l'expulsion a eu lieu.

  2   Q.  Monsieur Kraljevic, j'aimerais vous arrêter un instant. Tout à l'heure

  3   je vous ai demandé quel était l'intitulé, et vous avez dit qu'il s'agissait

  4   de personnes qui étaient expulsées en 1973. Est-ce bien ce que vous avez

  5   dit ?

  6   R.  Ah, excusez-moi, il s'agit de l'année 1993.

  7   Q.  Merci. Vous avez dit qu'il est difficile de lire la date. Vous avez dit

  8   qu'il s'agissait du 20 novembre 1993 ?

  9   R.  Oui, je vois qu'il s'agit du 20. Oui. Tout à l'heure je n'ai pas pu le

 10   lire. Maintenant c'est plus lisible, oui.

 11   Q.  Merci.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la dernière

 13   page. C'est la page 5, si je ne m'abuse.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la même année, et c'est la suite,

 15   couvrant la période du 20 novembre jusqu'au 31 décembre 1993.

 16   Mme CLANTON : [interprétation]

 17   Q.  J'aimerais que nous revenions à ce que vous avez dit tout à l'heure au

 18   sujet de cette liste. J'aimerais que vous confirmiez qu'il s'agissait d'une

 19   liste de personnes -- un instant, s'il vous plaît. Une liste de personnes

 20   qui vivaient à Ilok, et nous voyons la liste de leurs noms, les dates de

 21   naissance. Quelles sont d'autres informations que l'on y trouve ?

 22   R.  La date à laquelle les personnes ont été expulsées. Puis l'on voit la

 23   rue, donc, et la date à laquelle ces personnes ont été expulsées.

 24   Q.  Monsieur Kraljevic, s'agissait de cette liste, par exemple, à la

 25   première ligne que nous voyons à l'écran, l'on voit le nom Marijan

 26   Solakovic et il est indiqué que cette personne vivait à Ilok --

 27   R.  Non, Bapska.

 28   Q.  Oui, excusez-moi, Bapska. Dites-moi, est-ce que cette liste comporte


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  1   également les localités avoisinantes d'Ilok ?

  2   R.  Ici sont énumérées uniquement les personnes qui habitaient dans la

  3   région pour laquelle j'étais -- de la région où j'étais le maire. Donc ce

  4   sont les villes d'Ilok, Sarengrad, Bapska et Mohovo. Donc Ilok, Sarengrad,

  5   Bapska et Mohovo. En tout, il y avait presque 10 000 personnes qui

  6   habitaient dans cette région.

  7   Q.  Et pour préciser votre dernière réponse, vous dites que sur cette liste

  8   nous trouvons la liste des personnes qui ont été expulsées d'Ilok,

  9   Sarengrad, Bapska et Mohovo. Est-ce que sur cette liste se trouvaient

 10   également les personnes qui ont été chassées d'Ilok même ?

 11   R.  Oui.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 13   versement au dossier de ce document, 65 ter 00417.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2026 [comme

 16   interprété].

 17   Mme CLANTON : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Le contre-interrogatoire.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic

 22   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Kraljevic. Je m'appelle Zoran

 23   Zivanovic et je suis le conseil de la Défense de Goran Hadzic.

 24   A la page 31, vous avez dit qu'il était paisible tant que Grahovac était

 25   présent et qu'il était chargé du maintien de l'ordre à Ilok, et que la

 26   situation était telle jusqu'au mois de janvier. Pourriez-vous nous dire de

 27   quelle année s'agissait-il ?

 28   R.  1992. Je ne pourrais pas vous donner la date exacte.

 


Page 5376

  1   Q.  Et d'après les informations dont vous disposiez, même si je sais que

  2   vous n'étiez pas présents sur place, est-ce que cette région était

  3   toujours, par la suite donc, sous le contrôle de la JNA ?

  4   R.  J'ai dit qu'il était relativement paisible, mais qu'il y avait des cas

  5   où des personnes ont été tuées à Ilok. Mais que la situation était

  6   toutefois relativement paisible.

  7   Excusez-moi. Je pense que l'armée n'avait plus une influence sur les

  8   événements sur place.

  9   Q.  Moi je dispose d'une autre information.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Et j'aimerais que nous examinions

 11   maintenant le document émanant d'une organisation internationale qui a été

 12   présente sur le terrain en mission et qui a établi un rapport relatif au

 13   respect des droits de l'homme. Il s'agit de la pièce 1D404.

 14   Je pense que ce rapport n'a pas été traduit en B/C/S. Il est plutôt

 15   volumineux, mais je vous donnerai lecture d'une partie qui porte sur Ilok,

 16   et cette partie se trouve à la page 5.

 17   C'est le dernier paragraphe. Je ne vais pas donner lecture de tout le

 18   paragraphe parce que ce sont des faits notoires que nous connaissons tous

 19   dont on fait état ici. Mais le dernier paragraphe se lit comme suit :

 20   "La mission dispose des éléments de preuve selon lesquels Ilok n'est pas

 21   sous l'autorité des organes civils, mais sous le gouvernement direct de la

 22   JNA et des forces paramilitaires."

 23   Q.  Si l'on examine la première page, vous pouvez voir que ce rapport a été

 24   établi au mois de mai 1992. Etes-vous sûr qu'à partir du mois de janvier

 25   1992, la JNA n'avait plus le contrôle sur cette région ?

 26   R.  D'après mes connaissances, le colonel Grahovac n'était plus présent sur

 27   le terrain. Quant à savoir s'il y avait des unités de la JNA là-bas, je

 28   pense qu'il y avait des unités de la JNA partout dans cette zone occupée.


Page 5377

  1   Mais aux dires de ce que tout le monde déclare, aux dires de ce que tout le

  2   monde pense, ce sont surtout les forces paramilitaires qui avaient le plus

  3   d'influence. Mais cela n'exclut pas que la JNA avait eu un rôle à jouer sur

  4   place.

  5   Q.  J'aimerais vous poser une autre question. Est-ce que vous savez qu'à

  6   l'époque, dans cette zone, qu'il y avait des postes de commandement locaux

  7   ?

  8   R.  Je n'y ai pas pris part personnellement, mais je vous répondrai au

  9   sujet des choses que je connais.

 10   Q.  Peut-être que je n'ai pas été suffisamment précis. Une fois que vous

 11   êtes parti de cette région, est-ce que vous disposiez des informations

 12   selon lesquelles la JNA avait mis en place des commandements locaux, des

 13   commandements dans les villages pris par la JNA ?

 14   R.  Oui, il y avait des informations selon lesquelles il y avait toujours

 15   des postes de commandement sur place, mais je ne pourrais pas vous dire qui

 16   était au sein de ces commandements et quelle était l'influence des

 17   différents groupes.

 18   Q.  Vous avez parlé du processus de négociation avec le colonel Grahovac,

 19   puis avec Arandjelovic et toutes les autres personnes qui étaient

 20   impliquées. Ce qui m'intéresse, c'est la chose suivante : lors de ces

 21   négociations, est-ce que vous avez eu des contacts avec le gouvernement de

 22   Zagreb ? Est-ce que vous avez reçu certaines instructions quant aux

 23   requêtes présentées par la JNA ?

 24   R.  Personnellement, je n'ai pas eu de contact, mais d'autres personnes en

 25   ont eu. Par exemple, Uros, Ivan a quitté Ilok. Il était le député. Il est

 26   parti le 30 septembre, et ensuite il s'est rendu à Zagreb. Et je pense

 27   qu'il était en contact par le téléphone ou d'une autre manière, je ne

 28   saurais pas vous le dire.


Page 5378

  1   Q.  Vous avez dit que s'agissant de lui, il s'est rendu à Zagreb le 30

  2   septembre, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non. Il s'est rendu à Belgrade puis à Skopje, et ensuite il est arrivé

  4   à Zagreb.

  5   Q.  Mais s'agissant de vous, des personnes qui étaient restées à Ilok et

  6   qui étaient présentes lors des négociations avec la JNA, est-ce qu'il y

  7   avait des gens qui étaient en contact avec le gouvernement de Zagreb ? Est-

  8   ce que quelqu'un a informé le gouvernement quelles étaient les exigences de

  9   la JNA, et cetera ?

 10   R.  Je l'ignore. Mais je pense que deux ou trois représentants du

 11   gouvernement croate, quatre jours plus tard, se sont rendus à Ilok et ces

 12   gens ont eu des pourparlers avec les représentants de la JNA. Donc ça s'est

 13   passé une fois que le convoi était parti. Ces gens s'étaient rendus à Ilok

 14   et ils ont eu des pourparlers à Dvorac. Les négociations, les pourparlers

 15   portaient sur le retour des personnes expulsées. Peut-être que vous ne

 16   disposez pas de telles informations, mais moi j'en ai.

 17   Q.  Est-ce que vous savez si avant que vous ne partiez, est-ce que ces

 18   représentants étaient en contact avec la JNA et est-ce qu'ils cherchaient à

 19   faire comprendre à la JNA qu'il ne fallait pas que vous partiez ?

 20   R.  Je vous dis que les représentants qui étaient présents au QG de la

 21   protection civile étaient en contact, mais je ne pourrais pas vous dire

 22   quelle était la teneur de leur conversation. Ils nous ont dit, Vous savez

 23   quelle était la situation et vous pouvez décider vous-même si vous

 24   souhaitez partir et quitter Ilok ou pas, vous êtes à même de prendre de

 25   telles décisions. Vous savez, eux ne pouvaient pas -- une influence

 26   importante. Et nous étions à même de prendre des décisions au sujet de la

 27   situation à Ilok et que faire.

 28   Q.  J'aimerais que nous nous penchions sur un document présenté par


Page 5379

  1   l'Accusation.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] A savoir, P2020.

  3   Q.  Il s'agit d'un compte rendu d'audience établi au bureau de vote à Ilok,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, ça a été établi à l'un des cinq bureaux de vote à Ilok.

  6   Q.  Est-ce que c'était un bureau de votre le plus important sur place ?

  7   R.  Non, c'était un bureau de vote moyen.

  8   Q.  Pourriez-vous nous expliquer le dernier paragraphe où l'on parle des

  9   508 votes, et vous avez dit que cela représentait, en fait, le vote de plus

 10   de 1 000 personnes. Donc ces personnes n'ont pas voté uniquement pour

 11   elles-mêmes, mais pour d'autres personnes aussi ?

 12   R.  Oui, ils votaient également pour leurs époux ou épouses et leurs

 13   enfants. Vous savez, à l'époque, il n'était pas très facile de se déplacer.

 14   Et la situation était telle que les gens n'avaient pas très envie de

 15   s'intéresser particulièrement à ce référendum.

 16   Q.  Vous avez dit qu'il y avait eu une réunion, puis que le 13 octobre le

 17   référendum a été organisé et que le 14 il y a une réunion à Sid. Je crois

 18   que c'est dans ce contexte que vous avez évoqué un représentant de la

 19   Commission européenne, je crois, ou plutôt --

 20   R.  Les observateurs.

 21   Q.  Oui, des observateurs, c'est exact. Il s'agit de Kypr et de Cunningham,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous pourriez me dire à présent quand ils sont venus, quand

 25   est-ce qu'ils étaient présents et à quelle réunion ? Est-ce que c'était

 26   celle du 14 octobre, après le référendum ?

 27   R.  Oui. C'était après le référendum, lorsqu'il y a eu signature de

 28   l'accord portant sur l'évacuation, la sortie des habitants d'Ilok.


Page 5380

  1   Q.  Ont-ils eu l'occasion de consulter le texte de cet accord ?

  2   R.  Oui. Il y avait une interprète, un professeur d'anglais, que nous avons

  3   emmenée avec nous, et elle a traduit le texte dans son intégralité et elle

  4   a également interprété l'ensemble des conversations et des discussions qui

  5   ont eu lieu lors de cette réunion.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, je suppose que vous

  7   n'aviez pas particulièrement l'intention d'introduire une confusion dans

  8   l'esprit du témoin quant aux dates, mais je vois cependant dans votre

  9   question que : "Vous avez dit que le 30 octobre, le référendum a été

 10   organisé…"

 11   Vous voyez le problème ? Et ensuite, vous demandez si c'était après le

 12   référendum du 14.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est une erreur dans le compte rendu. J'ai

 14   parlé du 13 octobre.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 17   Q.  Le compte rendu mentionne de façon erronée la date du 30 octobre alors

 18   que j'ai parlé du 13.

 19   R.  J'avais compris.

 20   Q.  Voici donc ce qui m'intéresse : à cette occasion, lorsque cette réunion

 21   s'est tenue, y a-t-il eu le moindre commentaire de la part des observateurs

 22   de la Communauté européenne au sujet de ce qui se passait, au sujet des

 23   propositions qui étaient avancées par la JNA ou au sujet de ce que vous

 24   demandiez de votre côté, et cetera ?

 25   R.  Ils se contentaient de poser des questions. Ils ne faisaient pas de

 26   commentaires. Ils souhaitaient simplement entendre quel était le point de

 27   vue des uns et des autres. Et ils ne le faisaient pas très souvent, ils

 28   l'ont peut-être fait à deux ou trois reprises. Donc, pas de commentaires de


Page 5381

  1   leur part.

  2   Q.  Vous souvenez-vous des sujets sur lesquels portait la négociation à ce

  3   moment-là ?

  4   R.  Ils souhaitaient savoir pour quelle raison les gens quittaient la ville

  5   parce que, pour eux, il était étrange que quelqu'un souhaite partir,

  6   souhaite quitter son domicile.

  7   Q.  A qui ont-ils posé la question ? A vous-même ? Alors, je ne pense pas à

  8   vous personnellement, mais…

  9   R.  Eh bien, c'est à nous qu'ils l'ont demandé. Ils s'intéressaient à la

 10   raison pour laquelle il fallait que ces gens partent. Ils se sont

 11   renseignés également auprès de la JNA.

 12   Q.  Quelle était la réponse qui leur a été alors fournie ?

 13   R.  Par qui ? Par nous ou par eux ?

 14   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la question.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que j'ai expliqué pourquoi nous avons

 16   quitté nos foyers, et le général a dit qu'ils devaient entrer dans la ville

 17   pour maintenir l'ordre. C'est tout à fait clair et bref.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 19   Q.  Et ils n'ont fait aucun commentaire ?

 20   R.  Non, aucun.

 21   Q.  Vous avez dit qu'une réunion a été tenue le 11 octobre 1991 avec des

 22   représentants de la JNA également ?

 23   R.  Oui, et avec le général Arandjelovic, à Sid.

 24   Q.  A cette occasion, on a évoqué Lovas, une opération de la JNA à Lovas

 25   qui s'était déroulée la veille, le 10, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et lors de cette réunion, Rendulic était présent, n'est-ce pas, Adam

 28   Rendulic ?


Page 5382

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Il est de Lovas, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, il était le directeur de la ferme d'Etat.

  4   Q.  Savez-vous quand il est arrivé à Ilok ?

  5   R.  Je ne sais pas, mais c'est à plusieurs reprises qu'il venait à Ilok de

  6   Lovas. Est-ce qu'il est resté sur place ou est-ce qu'il est revenu, je ne

  7   sais pas.

  8   Q.  Savez-vous s'il se trouvait à Ilok ou à Lovas au moment où la JNA a

  9   lancé son attaque ?

 10   R.  Je ne saurais pas vous le dire. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous

 11   répondre.

 12   Q.  Je vais vous expliquer pourquoi je vous pose cette question. Parce que

 13   je vois que lors de cette réunion, il a été dit que 22 personnes avaient

 14   été tuées à Lovas.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Ce qui m'intéresse, donc, c'est d'en apprendre davantage au sujet de la

 17   façon dont vous, vous avez appris que ces gens avaient été tués ?

 18   R.  Lors de l'attaque visant Lovas, une partie de la population avait pris

 19   la fuite dans notre direction. Je n'ai pas dit que nous avons su

 20   immédiatement combien ils étaient. Nous avons simplement entendu dire qu'il

 21   y avait beaucoup de victimes, environ une vingtaine. Le chiffre exact est

 22   cependant de 22, parce que c'est le nombre de corps qu'on a retrouvés dans

 23   le charnier à l'exhumation. Et ça a été établi. Cependant, l'observateur

 24   Cunningham est allé le 15 à Lovas, il s'est entretenu avec M. Devetak et il

 25   a obtenu la confirmation de la même chose. Il a obtenu une liste de ceux

 26   qui avaient été tués, et j'ai vu cette liste.

 27   Q.  Je souhaitais simplement vérifier si à cette date-là, le 11 octobre,

 28   vous disposiez déjà de cette information indiquant combien il y avait eu de


Page 5383

  1   victimes ou bien si vous saviez simplement qu'il y avait des victimes mais

  2   n'en connaissiez pas le nombre exact ?

  3   R.  Je savais qu'il y avait vingtaine de victimes.

  4   Q.  Vous avez dit également qu'à ce moment-là, le général Arandjelovic vous

  5   avait dit que c'était par vengeance, suite au décès d'un soldat qui avait

  6   été tué, que ces gens avaient été à leur tour tués. Mais vous, vous avez

  7   dit qu'aucun soldat n'avait été tué à Lovas, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui. Et d'ailleurs, rien de tel n'a jamais été publié. On n'a jamais

  9   fait circuler l'information selon laquelle ce soldat avait été tué. Je

 10   pense que pour un crime aussi grave, c'était tout simplement une sorte

 11   d'excuse qui a été trouvée.

 12   Q.  En d'autres termes, vous n'avez jamais vu cela publié où que ce soit,

 13   et, sur cette base, vous estimez que cela n'a jamais eu lieu, que ça a été

 14   utilisé comme une forme d'excuse ?

 15   R.  En fait, ils n'en ont plus jamais reparlé par la suite non plus. Et on

 16   n'a jamais donné le nom de cette personne, pas plus qu'on n'a jamais dit à

 17   nouveau que quelqu'un avait été tué.

 18   Q.  Le Procureur vous a également présenté le document P316.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je voudrais que nous l'examinions encore

 20   une fois. Je crois que c'est la première lettre qui a été envoyée à Bapska.

 21   Q.  Je vois que dans cette lettre il souligne que Bapska est une localité

 22   calme. On demande que les habitants remettent leurs armes. Est-ce que vous

 23   savez s'il y avait seulement des armes à Bapska ?

 24   R.  Il y avait la protection civile qui disposait de fusils.

 25   Q.  Quand vous dites "protection civile", est-ce que cela veut dire la même

 26   chose --

 27   R.  Les habitants de Bapska.

 28   Q.  Donc il ne s'agit pas de membres de la Garde nationale ni du MUP ?


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  1   R.  Il y avait également des membres du MUP, évidemment.

  2   Q.  Et ils ont décidé de ne pas accepter cela mais de se retirer à Ilok ?

  3   R.  Les habitants fuyaient. Oui, ils sont partis, mais ils ne voulaient pas

  4   accepter l'ultimatum.

  5   Q.  Ils ne voulaient pas remettre leurs armes ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Une précision, s'il vous plaît, encore. Vous avez dit qu'avant le début

  8   de tous ces conflits, certains Serbes se rendaient à Backa Palanka pour y

  9   passer la nuit.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous avez appris cela ?

 12   Comment savez-vous qu'ils y allaient simplement pour passer la nuit ?

 13   R.  Eh bien, c'était quelque chose qui était notoirement connu. On pouvait

 14   le lire dans les journaux aussi. Mais pas seulement cela. On pouvait lire

 15   aussi, on savait que ces gens allaient là-bas pour y passer la nuit sans

 16   doute pour créer un climat de psychose. On entendait dire que tout ceci

 17   avait été organisé pour donner l'impression que ces gens-là n'étaient pas

 18   en sécurité dans le secteur d'Ilok. Je pense que c'est uniquement pour

 19   cette raison. Non pas parce qu'ils avaient peur de quoi que ce soit, mais

 20   dans le but de créer un climat de peur.

 21   Q.  Mais je ne comprends pas comment ce climat de peur peut être créé si

 22   ces gens reviennent ensuite passer la journée à Ilok. Parce que si quelque

 23   chose de grave doit vraiment leur arriver, cela peut également leur arriver

 24   pendant la journée.

 25   R.  Eh bien, je ne sais pas. Mais par exemple, le journal "Politika" a

 26   publié à l'époque que 11 personnes avaient été tuées à Ilok et qu'on les

 27   avait exposées en place publique pour que le peuple voie comment ils

 28   avaient été tués. C'était une élucubration complète sans la moindre raison.


Page 5385

  1   Parce qu'il n'y avait absolument aucun affrontement de cette nature, il n'y

  2   avait pas de conflit.

  3   Q.  Une question encore. Vous avez dit qu'environ cinq policiers d'Ilok

  4   avaient refusé de porter les nouveaux insignes croates avec l'échiquier.

  5   C'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas, de l'échiquier ?

  6   R.  Eh bien, nous appelons cela les symboles nationaux, mais c'est bien

  7   d'un échiquier qu'il s'agit.

  8   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi ils ont refusé de le 

  9   porter ?

 10   R.  Eux-mêmes le savent certainement. On créait un climat de peur à Ilok,

 11   et ça consistait également à dire que ceci était un symbole oustachi et non

 12   pas un symbole croate.

 13   Q.  Je n'ai pas d'autres questions à vous poser. Monsieur Kraljevic, je

 14   vous remercie.

 15   R.  Merci.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je n'ai pas

 17   d'autres questions à poser au témoin.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, avez-vous des

 19   questions supplémentaires ?

 20   Mme CLANTON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pas de questions supplémentaires ?

 22   Très bien.

 23   Monsieur Kraljevic, ceci conclut votre déposition. Vous êtes donc libre de

 24   repartir à présent. Je vous remercie vivement de vous être rendu à La Haye

 25   pour nous apporter votre concours. Nous vous souhaitons un bon voyage de

 26   retour.

 27   M. l'Huissier va maintenant vous accompagner. Merci encore une fois.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous aussi, Messieurs les Juges. Je

 


Page 5386

  1   suis heureux d'avoir pu déposer.

  2   [Le témoin se retire]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Olmsted.

  4   M. OLMSTED : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis chargé

  5   de la tâche ingrate de vous informer que nous n'avons pas d'autres témoins

  6   à citer à la barre cette semaine. Ceci est la conséquence d'un certain

  7   nombre de facteurs. Premièrement, la question du laissez-passer pour ce

  8   témoin et des mesures de protection qui étaient prévues --

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 10   M. OLMSTED : [interprétation] -- donc nous n'avons pas été en mesure de

 11   trouver d'autres témoins en remplacement. Nous avons véritablement fait de

 12   notre mieux. Nous avons essayé à quatre ou cinq reprises de revoir

 13   l'ensemble du calendrier et nous n'avons pu trouver aucun témoin à citer au

 14   pied levé.

 15   Deuxièmement, les contre-interrogatoires se sont également avérés

 16   bien plus courts que ce qui avait prévu. Par conséquent, nous serions

 17   reconnaissant à la Défense si elle pouvait nous donner au moins une à deux

 18   semaines à l'avance l'information indiquant la durée du contre-

 19   interrogatoire à prévoir ainsi que les sujets qui -- manifestement, la

 20   Défense ne peut pas savoir à l'avance les questions qu'elle posera au

 21   contre-interrogatoire, mais en se fondant uniquement sur les estimations,

 22   sur les prévisions qu'elle peut faire, cela nous viendrait en aide en

 23   matière de planification et pour éviter ce genre de lacune dans le

 24   calendrier.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Dans l'intervalle,

 26   j'espère qu'au lieu de passer le temps qui était prévu dans le prétoire,

 27   vous pourrez profiter au moins du beau temps.

 28   M. OLMSTED : [interprétation] Merci. Nous le ferrons.


Page 5387

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

  2   --- L'audience est levée à 13 heures 59 et reprendra le lundi 10 juin

  3   2013, à 9 heures 00.

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