Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 15 juillet 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-04-75-T, le Procureur contre

  8   Goran Hadzic.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Les parties peuvent-elles se présenter, l'Accusation pour commencer.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 12   Douglas Stringer, Sarah Clanton, Thomas Laugel, et notre stagiaire Kai Hong

 13   Leung. Nous représentons le bureau du Procureur.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Pour la Défense.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour la

 17   Défense de Goran Hadzic, Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell. Je vous

 18   remercie.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, notre témoin

 20   suivant, c'est le témoin GH-145, c'est bien cela, ou M. Olmsted ?

 21   M. STRINGER : [interprétation] Oui, c'est exact.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Faites entrer le

 23   témoin, s'il vous plaît.

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous déposez en anglais je suppose.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ça.

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous invite à décliner votre

  2   identité, à donner votre date de naissance.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Aernout van Lynden. Je suis né le 31

  4   décembre 1954.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous allez

  6   prononcer une déclaration solennelle par laquelle les témoins s'engagent à

  7   dire la vérité. Je dois vous mettre en garde contre tout faux témoignage

  8   puisque cela vous exposerait à des poursuites pour outrage au Tribunal.

  9   Je vous invite à prononcer la déclaration solennelle.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : AERNOUT VAN LYNDEN [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

 15   asseoir.

 16   Madame Clanton, vous pouvez poursuivre.

 17   Mme CLANTON : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Interrogatoire principal par Mme Clanton : 

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur van Lynden.

 20   R.  Bonjour.

 21   Q.  Vous souvenez-vous d'avoir donné une déclaration en mai dernier aux

 22   représentants du bureau du Procureur ?

 23   R.  Oui.

 24   Mme CLANTON : [interprétation] Document 65 ter 06425, s'il vous plaît, il

 25   s'agit de la déclaration qui porte la date du 24 mai 2013, à l'intercalaire

 26   1. C'est la déclaration du témoin.

 27   Q.  Monsieur van Lynden, reconnaissez-vous ce document comme étant la

 28   déclaration que vous avez donnée au bureau du Procureur ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  En bas à droite, une signature a été apposée sur ce document. La

  3   reconnaissez-vous ?

  4   R.  En bas à droite, ce serait votre signature.

  5   Q.  Et en bas à gauche, excusez-moi.

  6   R.  Oui, ma signature.

  7   Q.  Est-ce que nous pouvons, s'il vous plaît, afficher la dernière page de

  8   cette déclaration dans le système du prétoire électronique.

  9   Reconnaissez-vous la signature qui figure en bas à droite sur cette page ?

 10   R.  Oui, c'est ma signature.

 11   Q.  Depuis que vous avez signé cette déclaration en mai, est-ce que vous

 12   avez eu l'occasion de la relire ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et si je vous posais aujourd'hui les mêmes questions que celles que je

 15   vous ai posées au moment où vous l'avez donnée, est-ce que vos réponses

 16   seraient les mêmes ?

 17   R.  Oui, j'espère que oui.

 18   Q.  Et maintenant que vous avez prononcé votre déclaration solennelle, est-

 19   ce que vous confirmez que cette déclaration est exacte et véridique ?

 20   R.  Oui.

 21   Mme CLANTON : [interprétation] Je demande le versement au dossier de

 22   l'espèce du document 06422 [comme interprété] de la liste 65 ter, de même

 23   que des pièces connexes en application de l'article 92 ter.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Admises au dossier et reçoivent pour

 25   cote P2333.

 26   Mme CLANTON : [interprétation] Je souhaite faire remettre une version

 27   papier au témoin. Et si la Défense souhaite y jeter un coup d'œil, je n'y

 28   vois pas d'opposition.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, faites-le.

  2   Mme CLANTON : [interprétation]

  3   Q.  Je voudrais vous poser quelques questions sur votre parcours

  4   professionnel.

  5   Dans votre déclaration, page 7, vous précisez que vous êtes devenu

  6   journaliste.

  7   R.  Oui. Avant de devenir journaliste, j'ai été dans la marine en tant que

  8   officier de réserve et j'ai suivi un entraînement d'une année avant de

  9   servir en tant que lieutenant pendant une année dans l'infanterie. J'ai été

 10   chef de section et j'ai pu servir en tant que chef de section à partir du

 11   moment où je suis devenu lieutenant.

 12   Q.  D'après ce que je vois au paragraphe 8, vous avez travaillé en tant que

 13   correspondant de guerre.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et aujourd'hui ?

 16   R.  Je suis à Leiden. Je suis à l'Université de Leiden.

 17   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que les orateurs ménagent des

 18   pauses et qu'ils ralentissent le débit.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je présente mes excuses.

 20   Mme CLANTON : [interprétation] De même.

 21   Q.  Quels sont les domaines que vous enseignez à l'Université de Leiden ?

 22   R.  J'enseigne le journalisme dans des situations de guerre.

 23   Q.  Quelques questions préliminaires au sujet des extraits vidéo qui

 24   constituent partie intégrante de votre déclaration. Alors, est-ce que vous

 25   pouvez dire, s'il vous plaît, aux Juges de la Chambre qui est la personne

 26   dont la voix peut être entendue dans les enregistrements de Sky News du

 27   mois d'août que nous avons revus ensemble et qui font partie intégrante de

 28   votre déclaration ?


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  1   R.  Il s'agit de mes commentaires, c'est ma voix.

  2   Q.  Alors, revenons maintenant en année 1991, paragraphe 24 de votre

  3   déclaration. Vous avez dit que fin été, début automne, vous vous êtes

  4   régulièrement déplacé de Belgrade aux lignes de front en Croatie de l'est.

  5   Alors, vous avez dit que vous avez emprunté deux itinéraires différents.

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Je vais avoir besoin de l'aide de la

  7   greffière pour afficher la pièce 01927 de la liste 65 ter, ERN 07066872, il

  8   s'agit d'une carte qui nous montre la Serbie du nord-ouest et la Croatie

  9   orientale, et cela figure à l'intercalaire 44.

 10   Nous aurons besoin que M. Lynden annote la carte. Est-ce que vous pourriez

 11   lui fournir le stylet, s'il vous plaît.

 12   Q.  Monsieur van Lynden, nous ne voyons pas Belgrade sur cette carte, mais

 13   est-ce que vous pouvez nous montrer quel est l'itinéraire du sud que vous

 14   empruntiez pour vous rendre en Croatie ?

 15   R.  Oui. On prenait cette route-ci jusqu'à Sid, et ensuite on continuait

 16   jusqu'à Orolik, et puis, en pensant par Negoslavci, on se rendait à

 17   Vukovar.

 18   Q.  Je vous remercie. Pendant que cette carte s'affiche encore, est-ce que

 19   vous pourriez parler de votre itinéraire qui se situe plus au nord,

 20   l'itinéraire que vous empruntiez pour aller en Croatie ?

 21   R.  Alors, je suppose que c'est cette route qui part de Belgrade. Plus

 22   précisément, comment est-ce qu'on s'est déplacé, je pense qu'on prenait la

 23   route jusque-là, jusqu'à un pont sur le Danube, jusqu'à la localité qui

 24   s'appelle Erdut.

 25   Mme CLANTON : [interprétation] Je souhaiterais demander que cette carte

 26   soit versée au dossier. Il s'agit du document 01927 de la liste 65 ter.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Admise au dossier et reçoit une cote.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P2334.


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  1   Mme CLANTON : [interprétation] Je vous remercie. Nous n'avons plus besoin

  2   de la carte.

  3   Q.  Au paragraphe 9 de votre déclaration, vous dites que vous reveniez à

  4   Belgrade tous les jours après avoir fait vos reportages de la Croatie de

  5   l'est. Alors, quelle a été la fréquence de vos reportages vers Londres ?

  6   R.  Eh bien, en principe, je faisais une correspondance tous les jours. Sky

  7   News est un canal qui émet 24 heures sur 24 et, en principe, je pense que

  8   j'ai fourni un reportage tous les jours.

  9   Q.  Et pendant que vous travailliez en Croatie pendant la guerre, vous

 10   étiez basé à Belgrade, qu'est-ce que vous avez pu constater sur la

 11   couverture fournie par les chaînes de télévision locale ?

 12   R.  En 1991, à Belgrade, il y avait une télévision de l'Etat, et en fait,

 13   on était basés chez eux. Et j'ai pu voir comment ils travaillaient et ce

 14   qu'ils diffusaient. Bien entendu, j'avais besoin de traductions puisque je

 15   ne parle le serbo-croate. Mais j'avais un producteur à Belgrade et aussi un

 16   producteur qui se déplaçait avec nous sur le terrain, les deux étaient des

 17   Yougoslaves. Et ils me traduisaient ce qui, au fond, étaient des

 18   invitations, incitations à la haine en continu, en disant que les Serbes

 19   faisaient l'objet de menaces. Généralement, on disait que la menace venait

 20   des Oustachas, une référence à l'Etat fasciste croate de la Seconde Guerre

 21   mondiale. Et il y s'agissait donc de ces menaces, des images qui étaient

 22   souvent montrées, des images qui venaient des événements du passé, des

 23   combats et des massacres qui s'étaient produits pendant la Seconde Guerre

 24   mondiale.

 25   Et plus tard, lorsque le conflit a effectivement éclaté en Croatie, ils

 26   montraient des images de combat qui étaient en cours, mais ils précisaient

 27   toujours qu'ils avaient la sensation qu'ils se battaient contre des

 28   fascistes du côté croate.


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  1   Q.  Je vous remercie.

  2   Ensuite, je voudrais que l'on parle de ce que vous avez vu pendant que vous

  3   vous déplaciez en empruntant cet itinéraire du sud que vous venez

  4   d'indiquer aux Juges.

  5   Paragraphe 26, vous décrivez que tous les jours il vous fallait deux

  6   autorisations de passer pour entrer en Croatie en passant l'autoroute de

  7   Belgrade, et ensuite du ministère de la Défense de Belgrade, et puis à Sid.

  8   Alors, qui rencontriez-vous à Sid ?

  9   R.  Il y avait là un petit bureau qui avait été organisé. Il y avait trois

 10   ou quatre personnes qui y travaillaient, c'étaient des employés du

 11   ministère de la Défense. Deux hommes, deux femmes, et ce qui se passait --

 12   en fait, je ne sais pas exactement si on avait besoin d'un deuxième

 13   laissez-passer ou si on nous passait un tampon sur le laissez-passer qu'on

 14   avait reçu à Belgrade, mais en fait, ce qui est sûr, c'est qu'on devait

 15   passer par ce bureau et qu'il fallait qu'on montre qu'on avait eu le

 16   laissez-passer la veille du ministère de la Défense de Belgrade.

 17   Q.  Alors, en plus de ce que vous venez de qui -- pour lesquels vous venez

 18   de nous dire qu'ils travaillaient là-bas dans ce bureau, est-ce que vous

 19   vous rappelez d'autres personnes que vous voyez à Sid ?

 20   R.  Non, pas vraiment. Pas à Sid même. A l'extérieur de Sid, plusieurs fois

 21   on nous a emmenés voir un général de la JNA, général Arandjelovic, mais

 22   lui, il n'était pas à Sid même.

 23   Q.  Je vous remercie de cette précision.

 24   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais demander à M. Laugel de nous

 25   faire visionner un extrait vidéo 65 ter 05030.6. Il s'agit d'un extrait de

 26   l'ERN V000-4590 de 34 minutes 3 secondes jusqu'à 36 minutes 23 secondes au

 27   compteur. Il s'agit d'un reportage de Sky News, et la pièce connexe figure

 28   à l'intercalaire 35. Je vais demander qu'on arrête à 34:16, s'il vous


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  1   plaît.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Général Arandjelovic est le commandant sur le terrain au front de

  5   Vukovar. Il explique comment et où le convoi pourra passer par ses lignes

  6   jusqu'aux lignes croates."

  7   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  8   Mme CLANTON : [interprétation]

  9   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire si vous

 10   reconnaissez les personnes que l'on voit à l'image 34:16 ?

 11   R.  Moi-même légèrement plus jeune, et le général Arandjelovic.

 12   Q.  Et le général Arandjelovic vient de dire qu'un convoi d'aide passera.

 13   Alors, en plus des convois d'aide, de quoi d'autre avez-vous parlé avec le

 14   général Arandjelovic ?

 15   R.  De la situation qui prévalait sur le terrain pour ce qui est des

 16   combats, et en ce qui nous concernait personnellement, d'avoir accès aux

 17   lignes de front. Ce n'est pas la première fois que nous avons vu le

 18   général, là, ces images que nous venons de voir. La première fois que nous

 19   l'avons vu, nous lui avons demandé comment étaient déployées les forces

 20   croates, et nous lui avons demandé s'il pouvait nous accorder l'accès aux

 21   lignes de front.

 22   Dès la première fois où nous l'avons rencontré, il a fait en sorte

 23   que nous puissions y aller en voiture blindée. Il a mis à notre disposition

 24   un de ses véhicules blindés qui nous a emmenés à la ligne de front où il y

 25   a eu des combats. A ce moment-là, les maisons étaient encore en flammes

 26   quand on nous y a emmenés, et à d'autres occasions, y compris celle que

 27   l'on voit ici et plus tard, il nous a dit qu'on allait avoir accès aux

 28   lignes de front et qu'on allait pouvoir voir la colonne d'aide entrer dans


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  1   Vukovar, et nous avons été arrêtés à Negoslavci par un officier qui n'était

  2   pas du même rang, et qui a dit qu'on ne pouvait pas continuer.

  3   Q.  Continuons à 34:45, s'il vous plaît.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   "L'armée respecte le cessez-le-feu et souhaite mettre en œuvre ce qui

  6   a fait l'objet d'un accord avec les Croates, c'est comme ça que nous allons

  7   leur permettre de faire entrer la nourriture, les médicaments à Vukovar,

  8   ainsi que le carburant.

  9   A une très grande vitesse sous une escorte militaire, on nous emmène

 10   à un village qui se situe à la ligne de front, où le convoi doit traverser

 11   les lignes tenues par l'armée."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   Mme CLANTON : [interprétation]

 14   Q.  Je viens d'expliquer à la Chambre à quel moment le général

 15   Arandjelovic vous a dit cela et à quel moment on vous a arrêté. Est-ce que

 16   vous pouvez confirmer le nom du village ?

 17   R.  Nous étions à Negoslavci.

 18   Q.  Et quelle a été la fréquence de ces événements lorsque vous veniez du

 19   ministère de la Défense de Belgrade et lorsqu'on confirmait votre laissez-

 20   passer à Sid, mais qu'on vous arrêtait néanmoins sur la route ?

 21   R.  Eh bien, on nous a toujours arrêté parce qu'il y avait des postes de

 22   contrôle, et nous ne savions pas si nous allions pouvoir par les postes de

 23   contrôle. Même avec l'autorisation du général, il nous est arrivé d'être

 24   arrêtés, et à d'autres endroits on nous laissait passer. Donc, on n'était

 25   jamais certain de pouvoir passer, et on ne donnait pas la raison pour

 26   laquelle on nous arrêtait.

 27   Q.  Alors, ici nous avons vu que vous avez avancé sous escorte militaire.

 28   Alors, j'aimerais savoir si vous saviez s'il y a eu d'autres journalistes


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  1   qui se sont déplacés vers les lignes de front avec d'autres groupes armés ?

  2   R.  Oui. D'autres journalistes de Belgrade se sont rendus aux lignes de

  3   front à proximité de Vukovar avec des unités paramilitaires, et non pas

  4   avec la JNA.

  5   Q.  Je vous remercie. Il y a un instant, vous nous avez parlé d'Ilaca, vous

  6   avez parlé de cela également aux paragraphes 27 et 28 de votre déclaration,

  7   vous y dites que vous êtes passé par Ilaca, et vous parlez de Tovarnik

  8   également. J'aimerais savoir ce que vous avez pu constater dans ces

  9   villages ?

 10   R.  Qu'il y avait eu des combats intenses à ces endroits-là, que des dégâts

 11   considérables ont été infligés à quasiment toutes les maisons. Certaines

 12   maisons avaient été complètement détruites par le feu. D'autres, détruites

 13   par un feu d'armes de plus gros calibre, probablement des chars, que plus

 14   personne n'y vivait. Il n'y avait plus de civils. Comme j'ai déjà dit, à

 15   Ilaca il y avait des maisons qui étaient encore en flammes.

 16   Mme CLANTON : [interprétation] Je vais avoir besoin, à présent, de l'aide

 17   de M. Laugel pour visionner l'extrait vidéo 05030.5 de la liste 65 ter.

 18   C'est un extrait, le compteur où on regardera est 15:37 jusqu'à 18 minutes.

 19   C'est une pièce connexe à l'intercalaire 34.

 20   Q.  On nous a demandé de faire une petite pause après la fin du visionnage,

 21   avant de vous poser ma question.

 22   Mme CLANTON : [interprétation] Donc, nous allons faire un arrêt à 16

 23   minutes 02.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Certains d'entre eux avancent directement en ligne de front. Des

 27   transporteurs blindés, des colonnes de camions civils qui apportent des

 28   moyens logistiques pour l'armée qui est en train de fortifier ses forces


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  1   aux lignes de front en Croatie de l'est. Ils passent par les ruines de

  2   Tovarnik, un village mixte qui est tombé entre les mains serbes il y a une

  3   semaine."

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   Mme CLANTON : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur van Lynden, dans cet extrait que nous venons de voir, vous

  7   dites que le village était en ruines et qu'il est tombé entre les mains

  8   serbes une semaine avant cela. Alors, à partir du moment où vous vous êtes

  9   trouvé dans ce village, est-ce que vous pouvez nous dire qui, d'après ce

 10   qu'on vous a dit, était responsable de l'attaque sur Tovarnik ?

 11   R.  On nous a dit que le village a été attaqué par la JNA et la Défense

 12   territoriale serbe.

 13   Q.  Est-ce que vous savez depuis où a été lancé l'attaque ?

 14   R.  Je suppose que c'était depuis la Serbie.

 15   Q.  Au paragraphe 27 de votre déclaration, vous dites que vous avez vu des

 16   traces de destruction à Ilaca. Nous avons vu cela à l'image dans l'extrait

 17   vidéo, et vous parlez également de Negoslavci. Est-ce que vous pouvez nous

 18   décrire le degré de destruction à Negoslavci par rapport à ce que vous avez

 19   pu voir dans d'autres villes ?

 20   R.  A Tovarnik il y a eu beaucoup de dégâts. Là où vous avez fait un arrêt

 21   sur image, l'on voit l'un des deux églises, Messieurs les Juges, de

 22   Tovarnik. Les deux églises ont été détruites et les maisons ont subi

 23   énormément de dégâts.

 24   Puis dans le village à côté, Ilaca, donc en direction de Vukovar,

 25   comme je l'ai déjà dit, toutes les maisons ou la plupart des maisons

 26   étaient en flammes au moment où nous y sommes arrivés. Le village venait de

 27   tomber entre les mains de la JNA. Ça faisait un jour ou deux que cela s'est

 28   passé.


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  1   Plus près de Vukovar, l'échelle de destruction n'était pas aussi

  2   importante. A Orolik, Negoslavci, de mémoire, oui, il y avait des traces de

  3   combat, mais pas de traces de destruction comparables à ce que nous avions

  4   vu à Tovarnik et Ilaca.

  5   Q.  Je vous remercie.

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais maintenant continuer le

  7   visionnage de ce même extrait, mais je voudrais qu'on commence à 16:30

  8   jusqu'à 16:45 au compteur, s'il vous plaît.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Plus loin à partir du front, les derniers réservistes serbes qui ont

 12   été mobilisés, qui ont été déchargés d'un autocar. Un groupe qui n'a pas

 13   l'air très heureux, et ils se rendent compte de la nature de la guerre à

 14   laquelle ils vont participer."

 15   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 16   Mme CLANTON : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur van Lynden, dans cet extrait, vous avez dit que vous étiez en

 18   train d'enregistrer ces images à une distance plus grande du front, et nous

 19   voyons des bus avec des réservistes, et vous dites qu'ils sont arrivés de

 20   Serbie. Alors, est-ce que vous pouvez dire où est-ce que cela a été

 21   enregistré ?

 22   R.  Près de Sid, en Serbie, de mémoire.

 23   Q.  Et vous avez dit que le général qui commande ces hommes vous a parlé au

 24   sujet des combats auxquels ils allaient participer. Qui est-ce ?

 25   R.  Oui, c'est le même général, c'est le général Arandjelovic, c'est la

 26   première fois que nous l'avons rencontré.

 27   Q.  Merci. Au paragraphe 25 de votre déclaration, vous nous dites que vous

 28   avez traversé pour vous rendre en Croatie à Erdut et que vous êtes passé


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  1   par un silo de céréales qui avait été capturé près du village de

  2   Brtacatuken [phon]. Est-ce que vous pourriez nous décrire comment vous êtes

  3   arrivé d'Erdut à ce silo ?

  4   R.  En fait, oui, nous avons traversé le pont, le Danube, nous étions en

  5   Serbie, nous sommes passés en Croatie à la ville d'Erdut. Et de là, nous

  6   sommes passés par le bureau de la partie défenderesse, j'ai présenté mon

  7   producteur, et nous avons rencontré des journalistes locaux. Aujourd'hui,

  8   je ne peux pas vous dire précisément qui nous avait informé du fait que ce

  9   silo de céréales était tombé entre les mains des Serbes, mais quelqu'un l'a

 10   fait et on nous a dit qu'on nous emmènerait là-bas, et donc nous sommes

 11   partis avec quelques journalistes locaux et, si ma mémoire est bonne, les

 12   membres qui se trouvaient là-bas étaient des forces de la Défense

 13   territoriale, et on nous a emmenés au silo et nous avons tourné des images

 14   là-bas.

 15   Q.  Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre quelle était

 16   l'importance de la prise de ce silo pour les Serbes ?

 17   R.  La Slavonie orientale, Messieurs les Juges, est un terrain plat, et,

 18   donc un silo à céréales de cette taille-là voulait dire que l'on pouvait

 19   être en hauteur, et c'est particulièrement important pour des observateurs

 20   de l'artillerie qui, dès lors, pouvaient tirer sur plusieurs cibles qui

 21   n'auraient pas pu être visibles d'autres positions.

 22   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que M. Laugel nous aide à

 23   nouveau, s'il vous plaît, pour jouer la séquence vidéo qui porte la cote 65

 24   ter 05030.4. Il s'agit encore là d'un extrait d'une séquence vidéo portant

 25   la cote ERN V000-4590. Et j'aimerais que l'on passe la séquence à partir de

 26   6 minutes, 29 secondes à 8 minutes et 38 secondes. Il s'agit là encore d'un

 27   reportage Sky News, et il y a une pièce connexe qui se trouve à l'onglet

 28   33. Et j'aimerais que M. Laugel commence la vidéo dès son début, 6 minutes


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  1   29, et s'arrête à 7 minutes, 7 secondes, s'il vous plaît.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Le silo à céréales géant au bord de la ville de Borovo Naselje.

  5   Cessez-le-feu ou pas cessez-le-feu, c'est la dernière conquête en date des

  6   Serbes, une conquête cruciale. Le silo forme une élévation sur le terrain

  7   de la Croatie orientale. Lundi, il était toujours entre les mains des

  8   Croates, et aujourd'hui, après quelques brefs combats, ce sont les tireurs

  9   embusqués serbes qui, de leur vue perçante, balayent le terrain de leurs

 10   ennemis à présent assiégés de tous côtés. Comme les deux côtés jettent la

 11   pierre à l'autre camp pour cette dernière violation de la trêve de

 12   dimanche…"

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   Mme CLANTON : [interprétation]

 15   Q.  Nous sommes à 7 minutes et 7 secondes, Monsieur, est-ce que vous

 16   pourriez identifier la ville qui se trouve sur cette image arrêtée ?

 17   R.  Et bien, c'est la ville de Borovo Naselje.

 18   Mme CLANTON : [interprétation] Est-ce que M. Laugel pourrait à présent

 19   jouer la séquence jusqu'à la fin ?

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "… les violations continuent, comme les préparations pour des combats

 23   ultérieurs dans les jours à venir.

 24   Ces hommes de la milice appartenant au village ont, grâce à la capture de

 25   ce point stratégique, dit clairement qu'ils ne croient plus dans le cessez-

 26   le-feu actuel et qu'ils ne veulent pas le respecter. Pour eux, la chute de

 27   Borovo Naselje a été reportée, mais d'après eux, ce n'est que temporaire.

 28   La plupart des miliciens sont des locaux, et il s'agit d'un mélange


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  1   d'habitants âgés et plus jeunes du village avoisinant de Brsadin qui, une

  2   fois leur devoir effectué sur la ligne de front, rentrent chez eux avec

  3   plusieurs acquisitions. D'autres balayent le terrain pour retrouver des

  4   pièges et des mines, plusieurs les ont disposés de façon très minutieuse,

  5   dès câbles sont attachés à de la dynamite et sont allumés au moyen

  6   d'allumettes.

  7   A Brsadin, l'ambiance est de façon surprenante très détendue. Ces

  8   agriculteurs transformés en miliciens attendent que les combats

  9   recommencent, aucun d'entre eux ne doute que cela sera le cas. Et avec la

 10   capture du silo autour des Croates de Borovo Naselje, un autre point

 11   crucial a été pris, et le sort de la ville va certainement être mortel."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   Mme CLANTON : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur van Lynden, dans cette dernière partie de la séquence vidéo,

 15   vous avez parlé des membres de la milice du village qui se composaient de

 16   personnes de plusieurs âges et qui avaient plusieurs fonctions. Alors est-

 17   ce que cela est arrivé souvent que vous retrouviez des groupes d'hommes

 18   serbes armés dans des villages par lesquels vous étiez passé ?

 19   R.  Eh bien, de par mon expérience, je pouvais établir une différence entre

 20   les hommes que je rencontrais sur la route nord et qui ont participé aux

 21   combats à Borovo Naselje et Vukovar et sur la route sud. Sur la route sud,

 22   c'était principalement des membres de la JNA, mais il y avait également des

 23   unités paramilitaires.

 24   Par contre, sur la route nord, c'était plus panaché. Il y avait des

 25   officiers de la JNA, des soldats de la JNA, mais il y avait également la

 26   Défense territoriale et des unités paramilitaires. Donc c'était beaucoup

 27   plus mélangé.

 28   Q.  Alors j'aimerais vous poser une question sur le genre d'armes lourdes


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  1   que vous avez vues être utilisées à Borovo Naselje et à Vukovar.

  2   R.  Alors, dans une séquence vidéo précédente, nous avons vu un char qui se

  3   rendait à Tovarnik et qui allait vers Vukovar et il y avait différents

  4   chars qui étaient déployés autour de Vukovar et Borovo Naselje.

  5   Outre cela, il y avait des armes lourdes de plusieurs calibres que

  6   nous avons également filmées, des lance-roquettes multiples, des mortiers

  7   lourds, des mortiers de 122 [comme interprété] millimètres, mais pendant

  8   les combats à Vukovar nous avons également vu des mortiers de type léger de

  9   62 [comme interprété] millimètres. Et donc, pour le déploiement et du type

 10   d'armes de l'armée, je dirais qu'il y avait vraiment tout l'attirail qui a

 11   été déployé pendant le siège et les combats à Vukovar.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] Alors j'aimerais que M. Laugel  nous aide

 13   encore et nous passe la séquence vidéo portant la cote ERN 05030.8, même

 14   cote ERN V000-4590. 19 minutes 56 à 21 minutes, 12 secondes. Il s'agit

 15   également d'un reportage de Sky News, pièce connexe qui se retrouve à

 16   l'intercalaire numéro 37. Et j'aimerais que M. Laugel joue cette séquence

 17   vidéo et fasse une pause à 20 minutes et 29 secondes, s'il vous plaît.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] ---

 20    "Des armes strient le ciel en direction des lignes de front croates en

 21   Slavonie, une autre preuve du cessez-le-feu qui n'est pas respecté en

 22   Yougoslavie. La pluie d'armes et de projectiles ne s'est pas arrêtée de la

 23   part de l'armée fédérale autour des villes croates de Vukovar et de

 24   Vinkovci. Sur les routes, qui deviennent rapidement couvertes de boue, les

 25   colonnes de Jeep et de chars ne discontinuent pas et elles ne se rendent

 26   que dans une seule direction, le front."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   Mme CLANTON : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur van Lynden, au début de cette partie, nous avons vu des tirs

  2   répétés, et vous nous dites qu'il s'agit d'armes, de projectiles qui

  3   visaient les lignes de front en Slavonie. J'aimerais savoir quel type

  4   d'armes était utilisé ?

  5   R.  Eh bien, il s'agit de projectiles tirés à partir de canons qui se

  6   trouvaient à l'arrière de chars, et ils peuvent tirer de façon nourrie, si

  7   pas très précise.

  8   Q.  Alors, vous venez de dire que ce genre de tirs n'était pas très précis

  9   pour ce genre d'armes. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de détails

 10   et nous dire en fonction de votre expérience quel a été l'impact provoqué

 11   par ce genre d'armes ?

 12   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent de ménager des pauses entre les

 13   questions et les réponses.

 14   Mme CLANTON : [interprétation] Désolée.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce genre d'obus ne peut pas cibler très

 16   précisément. Il ratisse une zone, on a une zone imprécise. Et, en fait, il

 17   est efficace si des troupes sont attaquées d'un autre camp au moyen

 18   d'infanterie. Les tirs d'artillerie peuvent être beaucoup plus précis s'il

 19   y a des observateurs d'artillerie qui peuvent voir où les obus

 20   atterrissent. Et donc, ils peuvent vraiment déterminer une cible précise.

 21   Et cela n'est pas possible avec des lance-roquettes multiples.

 22   Mme CLANTON : [interprétation]

 23   Q.  Et Monsieur van Lynden, qu'avez-vous vu et que vous a-t-on dit des tirs

 24   de riposte qui étaient effectués du côté croate ?

 25   R.  Alors, on m'a dit et je l'ai vu également que les seuls tirs de riposte

 26   se faisaient à partir d'armes de petit calibre uniquement. Lorsque nous

 27   étions à Vukovar, plus tard pendant la bataille, les troupes yougoslaves

 28   avec lesquelles nous étions ont dit que l'un des plus gros problèmes était


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  1   les pièges, des mines, mais qu'à chaque fois que nous étions allés à

  2   Vukovar, il est ressorti clairement que les Croates ne disposaient pas de

  3   ce genre d'armes lourdes. Ils n'avaient pas d'artillerie, et on pouvait

  4   circuler assez librement et se rapprocher très près des lignes de front. Et

  5   cela est également un signe montrant que le camp opposé n'avait pas ce

  6   genre d'armes lourdes, contrairement aux Serbes.

  7   Q.  Merci. J'aimerais parler à présent de la première fois que vous êtes

  8   entré à Vukovar en octobre 1991.

  9   Je fais référence au paragraphe 33 de votre déclaration, vous avez

 10   décrit dans ce paragraphe que vous êtes entré à Vukovar et que vous êtes

 11   allé à la caserne à partir de la route sud et qu'on vous avait transporté

 12   dans un véhicule de transport blindé de troupes. Alors, est-ce que vous

 13   vous souvenez qui avait organisé votre arrivée à la caserne ce jour-là ?

 14   R.  Oui. C'était encore le général Arandjelovic.

 15   Q.  Et comment décririez-vous les conditions qui prévalaient dans les

 16   bâtiments de la caserne ?

 17   R.  La caserne, Messieurs les Juges, avait été assiégée. Il s'agissait

 18   d'une tactique croate que d'assiéger la caserne de la JNA pour pouvoir

 19   arrêter l'armée et l'empêcher de se déplacer. Et cela a également eu lieu à

 20   Vukovar. Alors, nous n'étions pas en position, parce que cela se faisait à

 21   la ligne de front et des tirs faisaient rage à partir d'armes de petit

 22   calibre. Nous n'avons pas pu tout voir. Mais lorsque nous sommes arrivés

 23   là-bas, en fait, la caserne n'avait pas été détruite. Il y avait des traces

 24   de tirs, mais rien d'autres, pas d'armes plus lourdes.

 25   Q.  Merci.

 26   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais demander à M. Laugel, à présent,

 27   de nous passer la séquence vidéo 05030.9 de la liste 65 ter. Il s'agit de

 28   la même séquence vidéo, donc même cote ERN V000-4590. Il s'agit là du code


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  1   temps 29 minutes 44 jusqu'à 31 minutes 36. C'est encore un reportage de Sky

  2   News, et j'aimerais que l'on passe la séquence de 29 minutes 59 à 30

  3   minutes 14. Il s'agit de l'onglet 38.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Après cinq jour de combats féroces, l'armée a pu contrôler

  7   uniquement la partie sud-ouest de la ville. Ces casernes, une fois

  8   assiégées, ont été vidées."

  9   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 10   Mme CLANTON : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur van Lynden, au paragraphe 37 de votre déclaration, vous nous

 12   dites que certaines personnes que vous aviez interviewées avaient déclaré

 13   que les combats à Vukovar faisaient rage afin de libérer la caserne, et je

 14   parle là du mois d'octobre de 1991. Mais après ce moment-là, vous n'étiez

 15   plus convaincu que c'était la raison effectivement justifiant les combats ?

 16   Alors, ma question est la suivante, est-ce que vous pourriez

 17   confirmer aux Juges de la Chambre ce qui vous a mené à modifier cette

 18   conclusion ?

 19   R.  En fait, les combats continuaient tout simplement. Et le blocus de la

 20   caserne avait été interrompu, mais le bombardement de Vukovar, les combats

 21   à Vukovar, le bombardement lourd de Vukovar avait continué jusqu'à sa chute

 22   un mois plus tard.

 23   Q.  J'aimerais vous demander, à présent, de nous parler de la nuit que vous

 24   avez passée à Vukovar du 12 au 13 novembre 1991. Je me réfère au paragraphe

 25   36 de votre déclaration.

 26   Dans ce paragraphe, vous nous dites que l'atmosphère et l'ambiance de

 27   nuit étaient étranges et un petit peu fantasmagorique, car les Serbes

 28   jouaient à volume très fort de la musique pour impressionner l'autre camp.


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  1   Alors, que disaient les paroles de ces chansons ?

  2   R.  Alors, si je me souviens bien, oui, il y avait de la musique, et il

  3   habituel en zone de guerre qu'un camp passe de la musique pour

  4   impressionner l'autre camp. Je dirais que c'était plutôt la bande-son d'un

  5   film. Le film n'était pas de très bonne qualité, et mon producteur qui

  6   était avec moi sur le terrain m'a dit qu'il s'agissait de Serbes

  7   nationalistes et que ces chansons étaient des chansons nationalistes serbes

  8   qui étaient jouées pour impressionner les défenseurs croates de Vukovar. Et

  9   nous étions avec une unité de garde de l'armée yougoslave. Ils nous ont dit

 10   que ces chansons étaient jouées par des paramilitaires et pas par l'armée.

 11   Q.  Alors, le prochain sujet que j'aimerais aborder avec vous porte sur les

 12   événements au matin du 18 novembre 1991, lorsque vous avez participé à une

 13   conférence de presse à Negoslavci.

 14   Je parle du paragraphe 38 de votre déclaration.

 15   M. LE JUGE MINDUA : [interprétation] Oui, Madame le Procureur, excusez-moi.

 16   Monsieur le Témoin van Lynden, avant de passer au prochain sujet,

 17   comme le suggère Mme le Procureur, j'aimerais revenir un peu sur ce que

 18   vous avez décrit tout à l'heure. Nous avons vu les différents clips vidéo,

 19   les destructions à Tovarnik, à Ilaca, et même à Vukovar.

 20   Mais s'agissant de Tovarnik et Ilaca, au transcript à la page 12, nous

 21   avons vu que des maisons ont été brûlées et détruites, et même des églises.

 22   Mais, en même temps, vous avez dit qu'il y avait de violents combats à

 23   l'artillerie lourde.

 24   Selon votre expérience, cette destruction de maisons et des églises, était-

 25   elle due à ces violents combats ou pas ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Les combats lourds à Tovarnik et Ilaca avaient

 27   eu lieu avant que je n'y sois. Mais si vous regardez bien les choses, vous

 28   voyez que les maisons sont détruites et qu'elles sont toujours en train de


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  1   brûler, on peut arriver donc à la conclusion que les combats étaient

  2   lourds.

  3   Alors, tout ce que j'ai vu en Slavonie orientale a été la chose

  4   suivante; les armes lourdes, l'artillerie lourde, les chars,

  5   n'appartenaient qu'à un seul camp, et l'autre camp de disposait pas de ce

  6   genre d'armes.

  7   Donc, si je vois une maison qui a été détruite à cause de tirs de

  8   char, j'en conclu relativement simplement que cette destruction a été

  9   effectuée par la JNA, plutôt que par les Croates.

 10   Est-ce que cela répond à votre question, Monsieur le Juge ?

 11   M. LE JUGE MINDUA : [interprétation] Oui, merci beaucoup. Pour l'instant,

 12   ça me suffit. Merci.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le Juge ?

 14   M. LE JUGE MINDUA : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 16   Mme CLANTON : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur van Lynden, nous parlions du paragraphe 38 de votre

 18   déclaration et de la conférence de presse à laquelle vous avez participé le

 19   18 novembre 1991, et c'est M. Sljivancanin qui l'a donnée. J'aimerais vous

 20   demander quels sont vos souvenirs en termes de langue que M. Sljivancanin

 21   parlait à ce moment-là.

 22   R.  Nous sommes arrivés à Negoslavci. Nous devions aller à Vukovar. Nous ne

 23   savions pas avant d'y arriver qu'il y aurait cette réunion d'information,

 24   et effectivement, on nous a annoncé que les forces croates allaient se

 25   rendre, mais nous avons été arrêtés à Negoslavci. Nous connaissions M.

 26   Sljivancanin et nous avons été invités à cette conférence. Il nous a

 27   expliqué ce qu'il allait se passer, et puis ce qui nous a frappé, c'est

 28   qu'il n'avait parlé que des Oustachi. Il n'avait jamais parlé des Croates.


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  1   Et je me souviens que cela nous avait frappé, vraiment.

  2   Q.  Et, Monsieur van Lynden, est-ce que vous vous souvenez s'il a parlé

  3   pendant la réunion de la durée des combats qui allaient continuer ou pas ?

  4   R.  Pour autant que je m'en souvienne, ce qu'il a dit, c'était soit ils se

  5   rendent maintenant ou nous les détruirons en quelques heures.

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Alors, j'aimerais que M. Laugel, à présent,

  7   nous passe la séquence vidéo 04775.1 de la liste 65 ter. Il s'agit de la

  8   cote ERN V000-0625. Nous commencerons au début de la séquence vidéo, à 16

  9   minutes 9 secondes. Ce n'est pas un reportage de Sky News. Il ne s'agit pas

 10   d'une pièce connexe. Elle se retrouve sous l'onglet numéro 5, et nous

 11   allons en passer à un bref extrait en commençant à 4 minutes, 10 secondes,

 12   jusqu'à 5 minutes 59 secondes.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   Mme CLANTON : [interprétation] Séquence video.

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 16   "Nous fournirons tous les véhicules, l'aide médicale et tout ce qui

 17   est nécessaire."

 18   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 19   Mme CLANTON : [interprétation] Alors pour aider les interprètes, je vais

 20   répéter la cote 65 ter. Il s'agit de la cote 04775.1.

 21   Reprenons au début, Monsieur Laugel, s'il vous plaît. Donc à partir du même

 22   code 4 minutes 10 secondes jusqu'à 5 minutes 59 secondes.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Nous fournirons tous les véhicules, toute l'aide médicale et tout ce

 26   qui est nécessaire à l'hôpital afin d'assurer l'évacuation de Vukovar et

 27   pour nous assurer que tous les autres civils bénéficient d'une aide, ceux

 28   qui sont retenus en otage par -- dans l'abri et dans la zone de l'hôpital


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  1   au nord du fleuve Vuka. Il nous a répondu qu'il était possible que de tels

  2   extrémistes existent qui essayeraient de nous tirer dessus et de tirer sur

  3   nos soldats. Nous avons prévenu M. Vidic et lui avons dit que nous

  4   n'attaquerons pas ni n'ouvririons le feu s'il pouvait nous garantir que

  5   l'on n'ouvrirait pas le feu sur nos soldats. S'ils ont recours à des pièges

  6   ou s'ils sortent du cadre de l'accord, nous lui avons également dit que

  7   nous pointerions 100 armes d'artillerie directement sur eux, et que nous

  8   n'épargnerions personne.

  9   Question : Vous n'épargneriez personne ?

 10   Réponse : Non, nous épargnerions la population et les citoyens, mais pas

 11   les Oustachi. A ce stade-ci, nous avons des forces à disposition, et cela

 12   veut dire qu'en deux heures nous pourrions terminer ce travail-là."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   Mme CLANTON : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous reconnaissez la personne qui parle

 16   dans cette séquence vidéo ?

 17   R.  Oui, c'est M. Sljivancanin.

 18   Q.  Et où étiez-vous lorsqu'il a fait ce discours ?

 19   R.  Dans la salle.

 20   Q.  Et on vient d'entendre M. Sljivancanin nous dire qu'il pouvait terminer

 21   ce travail en deux heures.

 22   Quelle a été votre impression de ce discours ?

 23   R.  Plutôt déjà, lorsque nous avions passé la nuit à Vukovar sur les lignes

 24   de front, il nous était ressorti clairement que le combat arrivait à son

 25   terme. Et ses propos, en l'essence, voulaient dire qu'en fait, trois mois

 26   après le siège de la ville, l'armée était en mesure à présent de terminer

 27   et de boucler tout le travail, aussi d'un point de vue militaire, en deux

 28   heures, vu les armes et vu les effectifs à sa disposition. Je ne doutais


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  1   pas que s'il avait eu recours à tout cela, tout cela se serait terminé dans

  2   un bain de sang.

  3   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, nous aimerions demander

  4   le versement de la pièce 04775.1 de la liste 65 ter.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cette pièce est admise. Quelle sera

  6   sa cote ?

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P2335.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourrais-je avoir un petit peu d'eau, s'il

 10   vous plaît ?

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien sûr, Monsieur.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 13   Mme CLANTON : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur van Lynden, plus tard ce même jour le 18 novembre 1991, au

 15   paragraphe 41 de votre déclaration, vous déclarez que vous avez constaté le

 16   départ de plusieurs centaines de personnes, y compris des hommes, des

 17   femmes et des enfants, et que vous l'avez vu de vos yeux.

 18   Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre de quelle

 19   partie, de quel quartier de Vukovar ces personnes venaient ?

 20   R.  Je me souviens qu'on m'avait dit qu'ils venaient de la région de

 21   Mitnica de Vukovar.

 22   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que l'on passe à présent une

 23   séquence vidéo portant la cote 65 ter 05030.2 [comme interprété]. Il s'agit

 24   d'une partie de la vidéo portant la cote ERN V000-6475, et j'aimerais que

 25   l'on passe la vidéo de 12 minutes 1 seconde à 14 minutes 10 secondes. Il

 26   s'agit d'un reportage de Sky News, une pièce connexe sous l'onglet 24.

 27   Commençons par jouer la séquence vidéo à 13 minutes 12 secondes jusqu'à 13

 28   minutes 22 secondes, s'il vous plaît.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Plusieurs Croates avaient eu peur d'un massacre, mais cette

  4   opération est bien gérée. Les soldats fédéraux --"

  5   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  6   Mme CLANTON : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur van Lynden, quel jour avez-vous rendu ce reportage ?

  8   R.  Le même jour.

  9   Q.  Et dans votre reportage, vous dites que l'on craignait un massacre.

 10   Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi vous avez déclaré cela ?

 11   R.  Alors, pour deux raisons différentes : premièrement, comme on vient de

 12   l'entendre, l'un des commandants de l'armée à Vukovar avait menacé

 13   d'utiliser toutes ces armes lourdes contre les combattants qui restaient,

 14   mais aussi contre la population qui restait à Vukovar; et deuxièmement,

 15   cette guerre était une guerre entre voisins, entre personnes qui

 16   n'appartenaient qu'à un seul et même pays, et où il y avait déjà eu des

 17   massacres perpétrés. Et je pense que la panique régnait de tous côtés. Mais

 18   si une ville telle que Vukovar venait à tomber et donc qu'un massacre

 19   serait perpétré, en tant qu'observateur extérieur, nous étions des

 20   journalistes, nous espérions que notre présence pourrait arrêter ce genre

 21   de choses.

 22   Q.  Merci. Alors, j'aimerais vous demander à présent quel était le genre de

 23   personnes que vous avez rencontrées au centre de Vukovar le 19 novembre

 24   1991, je parle du paragraphe 44 de votre déclaration.

 25   Dans ce paragraphe, vous avez indiqué qu'au centre de la ville vous

 26   aviez vu des personnes qui s'étaient identifiées comme étant des hommes de

 27   Seselj ou des Chetniks, qui fêtaient quelque chose dans la ville. Et vous

 28   avez dit qu'autour de l'hôtel il y avait des cadavres qui venaient d'être


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  1   tués.

  2   Comme vous avez pu le voir, comment ces cadavres étaient habillés ?

  3   R.  Ils portaient des vêtements de civils.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Et je voudrais demander à M. Laugel de nous

  5   aider en nous montrant la séquence vidéo du 65 ter, qu'il s'agit du

  6   05033.3. Il s'agit donc de la vidéo portant le numéro ERN V000-4593 et la

  7   séquence vidéo va de 12 secondes à 6 minutes à 6 minutes 38 secondes. Il

  8   s'agit donc d'un rapport de Sky News qui a été préparé par M. van Lynden,

  9   et les pièces connexes qui se trouvent à l'onglet 39. Et je voudrais

 10   maintenant vous demander de démarrer cette séquence vidéo à 4 minutes 14

 11   secondes et aller jusqu'à 5 minutes 29 secondes, s'il vous plaît.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Et parmi toute cette horreur, il y avait cette incongruité tout à

 15   fait surréelle et irréelle de célébration, les hommes et femmes des milices

 16   extrémistes serbes posaient de manière triomphante pour une photo de fin de

 17   bataille avant de retourner à la fête, la musique et aux rires, tout ceci

 18   dans une atmosphère baignée par l'alcool.

 19   Le slogan sur leur drapeau était "liberté ou mort", ils étaient prêts à se

 20   battre.

 21   Non, ce n'est pas fini.

 22   Pour vous, qu'est-ce que les Serbes doivent faire avant que la guerre ne

 23   prenne fin ?

 24   La guerre sera finie lorsque nous aurons atteint les limites de Karlobag,

 25   Karlovac, Ogulin, Virovitica. Tous les endroits où vivent des Serbes

 26   doivent être libres. Vous voyez, nous devons les nettoyer des Croates.

 27   Au centre-ville, d'autres miliciens se réjouissaient de manière incontrôlée

 28   dans le même état d'esprit."


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  1   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  2   Mme CLANTON : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur van Lynden, dans votre déclaration au paragraphe 44, vous avez

  4   dit que vous pensiez que les miliciens étaient dangereux. Envers qui

  5   représentaient-ils une menace à votre idée ?

  6   R.  Eh bien, envers tout le monde. Il s'agissait de combattants sans

  7   discipline qui avaient bu un peu plus tôt dans la matinée. Nous avions

  8   gardé nos distances par rapport à ces unités, et en allant à Vukovar, nous

  9   nous étions toujours rendus avec l'armée yougoslave et l'unité avec

 10   laquelle nous avions des liens était la plus professionnelle de la

 11   Yougoslavie, il s'agissait des gardes, et c'était également une unité avec

 12   laquelle nous avions passé la nuit et qu'ils nous ont dit que nous étions à

 13   40 ou 50 mètres des lignes croates, que nous dormions à 40 ou 50 mètres des

 14   lignes croates. Et il s'agissait de soldats disciplinés avec une hiérarchie

 15   et un commandement. Et ces personnes que nous avons vues courir le matin du

 16   19e -- du 19, pardon, avec l'unité des gardes et qui ont pris la ville, eh

 17   bien, nous avons vu ces gens. Ils tiraient en l'air. Nous avons pu le voir.

 18   Et c'étaient des personnes qui buvaient. Lorsque des gens armés commencent

 19   à boire, vous ne savez pas très bien ce qu'ils peuvent faire ensuite.

 20   Donc, c'est pourquoi je pensais qu'ils représentaient une menace et

 21   étaient dangereux.

 22   Q.  Je pense que vous avez déjà abordé cela dans votre réponse précédente.

 23   Mais je voulais vous demander par rapport au même jour, au paragraphe 45 de

 24   votre déclaration, vous avez dit que vous aviez un accord informel avec

 25   Martin Bell de la BBC, à savoir que vous n'alliez pas assurer la couverture

 26   des mêmes endroits ce jour-là et que vous alliez vous déplacer de manière

 27   séparée. Pourriez-vous décrire à la Chambre quels sont les facteurs qui

 28   vous ont amené à conclure cet accord informel avec M. Bell ?


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  1   R.  Oui. Je peux le faire. Je connaissais Martin Bell depuis un certain

  2   temps déjà, et le jour précédent, c'est-à-dire le 18 novembre, nous étions

  3   au même endroit en train de filmer la capitulation des forces croates, et

  4   de ces 4 000 civils qui venaient de la région de Mitnica de Vukovar.

  5   Lorsque nous nous sommes parlés à la fin, nous nous sommes dits qu'en

  6   allant dans la ville le lendemain, il vaudrait mieux que nous ne soyons pas

  7   au moment endroit. Il n'y avait pas beaucoup de journalistes étrangers se

  8   rendant à Vukovar et cela nous semblait censé d'être dans des lieux

  9   différents. Et si il y avait des civils qui sortaient de leurs cachettes,

 10   notre présence aurait peut-être pu empêcher qu'on leur tire dessus. Donc,

 11   nous n'étions pas des les mêmes lieux, et je me souviens d'un cas où, comme

 12   Martin était dans un endroit avec son équipe dans un endroit, ils ont pu

 13   intervenir et éviter qu'un civil ne soit tué. Et de même, à un certain

 14   moment, nous avons rencontré un homme au centre de Vukovar qui portait des

 15   vêtements civils et qui a été pris par les hommes de la milice, qui

 16   disaient travailler avec M. Seselj et nous avons pu dire aux soldats de

 17   l'armée yougoslave qu'ils devraient intervenir, ce qu'ils ont fait, et ils

 18   ont pu prendre cet homme et l'emmener. Et comme je l'ai dit, nous avons

 19   également vu des cadavres dans les rues. Donc c'est qu'il y a des gens qui

 20   ont été tués ce jour-là après la chute de la ville.

 21   Q.  Et, Monsieur van Lynden, maintenant, si passions au 20 novembre 1991,

 22   au paragraphe 49 de votre déclaration, vous avez décrit M. Sljivancanin et

 23   les représentants de la CICR se disputant à l'extérieur de l'hôpital de

 24   Vukovar. Et vous avez également dit que le représentant de la CICR a décidé

 25   de manière inhabituelle de vous parler de l'accord de la JNA.

 26   Mme CLANTON : [interprétation] Et je voudrais demander à M. Laugel de nous

 27   montrer le 04799.1 de la liste 65 ter. Il s'agit de la pièce qui a été

 28   versée au dossier, la P1653.1645.


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  1   Et il ne s'agit pas d'un rapport de Sky News mais d'une pièce connexe à

  2   l'onglet 21. Et je voudrais que vous puissiez nous passer cette séquence

  3   vidéo qui vient de la vidéo qui porte la cote ERN V0000-1131 à partir de 2

  4   heures, 26 minutes et 56 secondes à 2 heures, 27 minutes et 4 secondes.

  5   Dans cette séquence, les locuteurs parlent en serbe mais l'on peut encore

  6   entendre l'anglais en arrière-fond, si vous faites vraiment attention. Et

  7   je voudrais demander à ce que la cabine anglaise ne lise pas le transcript

  8   de manière à ce que le témoin puisse entendre l'enregistrement d'origine,

  9   s'il vous plaît.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   Mme CLANTON : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur van Lynden, dans séquence extrêmement courte, est-ce que vous

 13   avez pu reconnaître la voix qui pose une question en anglais ?

 14   R.  Je pense qu'il s'agissait de ma voix.

 15   Q.  Et, outre cela, dans votre déclaration, vous avez indiqué que vous

 16   étiez présent lorsque M. Sljivancanin a parlé devant les caméras concernant

 17   son désaccord avec le représentant du CICR. Comment décririez-vous les

 18   relations entre les deux hommes à ce moment-là ?

 19   R.  Ils étaient très fâchés l'un contre l'autre. M. Sljivancanin a dit que

 20   le représentant du CICR ne pouvait pas comprendre qu'il s'agissait d'une

 21   situation de guerre, et du côté du CICR, M. - je pense que c'était

 22   Borsinger - M. Borsinger a dit qu'il y avait eu un accord avec les diverses

 23   parties mais que le comportement de l'armée yougoslave à Vukovar même

 24   faisait qu'il lui était impossible de faire son travail et que le CICR ne

 25   pouvait faire son travail.

 26   Q.  Merci. Et lorsque vous avez observé l'évacuation éventuelle des

 27   personnes hospitalisées à l'hôpital de Vukovar dans des cars, est-ce que

 28   vous pourriez nous décrire donc la composition démographique de ces groupes


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  1   évacués ?

  2   R.  Eh bien, il y avait des personnes blessées, il s'agissait

  3   essentiellement de femmes et d'enfants, certaines personnes âgées

  4   également. Mais je pense que ce que vous voulez savoir c'est s'il y avait

  5   de jeunes hommes, et ma réponse est non, il n'y en avait pas.

  6   Q.  Et les personnes que vous avez vues, les femmes et les enfants, et

  7   certaines personnes plus âgées, comme vous l'avez dit, quelle était votre

  8   impression concernant donc leur bien-être à l'époque ?

  9   R.  Eh bien, cela arrive à la fin d'un siège de trois mois de leur ville.

 10   Ces personnes étaient encore extrêmement effrayées, traumatisées. Beaucoup

 11   avaient vécu dans des conditions inhumaines dans le sous-sol de l'hôpital.

 12   Nous avions visité ce sous-sol le jour précédent, et les conditions

 13   sanitaires étaient vraiment extrêmement mauvaises. Ils étaient probablement

 14   très mal nourris pendant toute cette période, même s'ils ne mourraient pas

 15   de faim. Et ils savaient qu'ils quittaient leur ville, et à ce moment-là,

 16   ils pensaient qu'ils quittaient cette ville, qui était la ville où ils

 17   étaient nés, pour toujours.

 18   Q.  J'aimerais vous poser une question concernant les bâtiments et la ville

 19   elle-même.

 20   Lorsque vous êtes entré dans Vukovar un peu avant - c'est-à-dire les 12 et

 21   13 novembre 1991 - vous avez dit que c'était une ville qui avait été

 22   décimée, cela figure au paragraphe 36 de votre déclaration.

 23   Mme CLANTON : [interprétation] Et je voudrais demander à M. Laugel de

 24   passer la séquence vidéo du 65 ter 04775.3. Cela fait partie de la vidéo

 25   V000-0625, et c'est là donc un reportage qui n'est pas un reportage de Sky

 26   News et qui n'est pas donc une pièce connexe. Elle figure à l'onglet 39.

 27   Et, Messieurs les Juges, nous passons cette séquence uniquement pour les

 28   images. Donc il n'y aura pas de son. Mais nous allons commencer cette


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  1   séquence vidéo à 1 minute, 14 secondes et aller jusqu'à 2 minutes, 40

  2   secondes, s'il vous plaît.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   Mme CLANTON : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous reconnaissez les rues et les

  6   bâtiments que l'on voit dans cette séquence ?

  7   R.  Oui, je ne pourrais pas vous donner le nom de ces rues, mais, oui, bien

  8   sûr, il s'agit du centre de Vukovar que j'ai vu les arbres qui ont été

  9   complètement détruits par les obus et par le pilonnage. On ne peut pas

 10   faire cela avec des armes simplement, des fusils. Et ce sont des arbres qui

 11   ont été détruits par de l'artillerie lourde. Les maisons -- pratiquement

 12   tout a été détruit. J'ai vécu à Beyrouth pendant cinq ans, c'est une ville

 13   qui a connu 15 années de guerre, et devant les lignes de front la

 14   destruction était très importante, la destruction était très importante,

 15   mais voir toute une ville comme celle-ci détruite, c'est la première fois

 16   que je voyais cela. Mais il a fallu beaucoup de temps pour prendre la ville

 17   de Vukovar, près de trois mois. Et comme je l'ai dit un petit peu plus tôt,

 18   jour après jour, la ville était pilonnée lourdement, et c'est ce qui a créé

 19   cela. Et le 19 novembre, j'ai pris contact avec l'unité des gardes et je

 20   suis allé avec deux officiers jusqu'à la tour d'eau qui était un petit peu

 21   en élévation dans la ville de Vukovar, et nous sommes montés dans cette

 22   tour d'eau, et je me souviens les avoir entendus me dire, non pas moi leur

 23   dire, mais eux me dire : Regarde, nous n'avons pris que des pierres et rien

 24   d'autre que des pierres.

 25   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est le moment, je

 26   pense, pour l'Accusation de demander le versement au dossier de la pièce

 27   04775.3 du 65 ter.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Admis et la pièce reçoit une cote.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P2336.

  2   Mme CLANTON : [interprétation]

  3   Q.  Maintenant, Monsieur van Lynden, je voudrais vous poser une question

  4   concernant une réunion que vous avez eue à Belgrade avec Arkan et Goran

  5   Hadzic.

  6   Aux paragraphes 61 à 63 de votre déclaration, vous dites avoir eu une

  7   réunion avec Arkan et Goran Hadzic. Vous souvenez-vous à peu près combien

  8   de temps cette réunion a duré ?

  9   R.  Il est difficile pour moi de le dire de manière précise, mais

 10   probablement 45 minutes, ou à peu près.

 11   Q.  Et dans votre déclaration, vous avez dit qu'Arkan avait dit que tous

 12   les Serbes devraient se trouver dans un même Etat. Avez-vous entendu ce

 13   genre d'idée exprimée par d'autres à Belgrade ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Avez-vous entendu cette idée exprimée par quelqu'un que vous auriez

 16   interviewé à Belgrade ?

 17   R.  Nous nous sommes rendus à une conférence de presse de M. Seselj dans

 18   laquelle il a exprimé cette idée. Nous avions rencontré diverses personnes

 19   que nous n'avons pas toujours interviewé et filmé, mais à qui nous avons

 20   parlé et qui exprimaient les mêmes idées, et nous avons également

 21   interviewé Slobodan Milosevic qui, à l'époque, était le président de la

 22   Serbie, et lors de cet entretien il a également dit que si d'autres

 23   républiques de l'ancienne République fédérale de Yougoslavie devaient

 24   prendre leur indépendance, alors les Serbes vivant dans ces républiques

 25   avaient également le droit de rallier la Serbie, et que donc tous les

 26   Serbes devaient vivre dans un même Etat.

 27   Q.  Au paragraphe 62 de votre déclaration, vous avez dit qu'après avoir

 28   entendu l'offre qui vous avait été fait par Arkan et Goran Hadzic, vous


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  1   leur avez expliqué un petit peu votre contexte, votre formation. Qu'est-ce

  2   que vous leur avez exactement dit sur votre passé ?

  3   R.  Peut-être devrais-je expliquer aux Juges quelle offre, quelle est

  4   l'offre qui m'a été faite.

  5   Q.  Nous avons, Monsieur van Lynden, peu de temps. C'est au paragraphe 62

  6   de votre déclaration.

  7   R.  Très bien.

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, objection, parce que

  9   si je regarde la déclaration, il n'est pas dit exactement quel est l'offre

 10   qui leur a été faite. Elle a été faite par Arkan. Le reste, c'est

 11   simplement des suppositions.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] Je vais donc reformuler ma question,

 13   Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] S'il vous plaît.

 15   Mme CLANTON : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur van Lynden, lorsque vous avez entendu l'offre qui vous a été

 17   faite, lorsque vous avez eu cette réunion avec Arkan et Goran Hadzic, vous

 18   leur avez à ce moment-là expliqué un petit peu votre formation et votre

 19   passé. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous leur avez dit et ce que

 20   vous avez partagé avec eux ?

 21   R.  Eh bien, c'est ce que j'ai fait parce que j'étais conscient de qui

 22   était Arkan avant cette réunion, qu'il avait sa propre milice, et je

 23   considérais que dans cette situation il était plus intelligent d'être tout

 24   à fait ouvert par rapport à moi-même pour qu'il n'y ait pas de malentendus.

 25   Mon père était un diplomate. J'étais marié à un diplomate à l'époque.

 26   J'avais servi également dans le Corps de la Marine néerlandaise, et j'étais

 27   dans un environnement dans lequel tous les gens pensaient que les étrangers

 28   n'étaient pas fiables, et que tout journaliste étranger était un espion, et


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  1   je pensais donc que c'est simplement intelligent d'expliquer ce qui était

  2   mon contexte personnel, quels étaient les guerres que j'avais couvertes, le

  3   fait que j'avais une expérience militaire de façon à ce que par la suite,

  4   Arkan ne me dise pas : Bien, vous ne m'aviez pas dit, et maintenant nous

  5   avons appris, que X et Y, ou A, B, C."

  6   C'est la raison pour laquelle je leur ai expliqué d'où je venais.

  7   Q.  Il y a un instant, vous avez dit que vous ne souhaitiez pas vous

  8   retrouver dans une situation où par la suite Arkan vous aurait dit : Vous

  9   ne m'avez pas dit A, B ou C. Qu'est-ce qui aurait pu arriver si cela avait

 10   été le cas ?"

 11   R.  Tout aurait pu arriver. J'aurais pu être menacé. J'aurais même pu être

 12   tué, ou cela aurait pu être le sort réservé à mon équipe. Et en tant que

 13   correspondant, j'étais responsable de mon groupe, de mon équipe.

 14   Q.  Je voudrais maintenant vous demander ce que vous avez pu observer en

 15   Croatie orientale après la chute de Vukovar, donc après le 20 novembre

 16   1991.

 17   Au paragraphe 59 de votre déclaration, vous avez dit que vous vous êtes

 18   rendu en Croatie orientale pour couvrir la visite de M. Cyrus Vance sur la

 19   ligne de front. Si vous vous souvenez, avec qui M. Cyrus Vance voyageait-il

 20   ?

 21   R.  Eh bien, il voyageait avec Herb Okun, qui était son chef d'état-major.

 22   Il est venu également avec des officiers de la JNA, pour autant que je m'en

 23   souvienne.

 24   Mme CLANTON : [interprétation] Si je pouvais demander l'aide de M. Laugel

 25   pour nous passer la séquence du 65 ter 05033.5, qui porte le numéro ERN

 26   V000-4593, et cela commence à 17 minutes 12 secondes à 20 minutes 12

 27   secondes. Il s'agit donc d'un rapport Sky News, et on voit cela donc à

 28   l'onglet 43. Je voudrais commencer cette séquence à 19 minutes 10 secondes,


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  1   et passer à 19 minutes 27 secondes, s'il vous plaît.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "M. Vance a traversé les lignes à nouveau, et a été extrêmement

  5   étonné par ce qu'il a vu.

  6   J'ai parlé à plusieurs personnes qui avaient été frappées par des fragments

  7   et touchées par des fragments d'obus ou d'autres munitions…"

  8   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  9   Mme CLANTON : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous pouvez nous identifier la personne

 11   qui parle ?

 12   R.  Il s'agit de Cyrus Vance, qui est l'ancien secrétaire d'Etat américain,

 13   et juste derrière lui, vous avez donc son chef d'état-major, Herb Okun.

 14   Mme CLANTON : [interprétation] Est-ce que je pourrais maintenant demander à

 15   M. Laugel de nous montrer le reste de cette séquence vidéo.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "D'après ce que vous pouvez voir, s'agit-il d'un cessez-le-feu ?

 19   Pas vraiment. Et c'est ce qui me perturbe tant, parce que nous devons

 20   obtenir un cessez-le-feu avant que l'on puisse réellement et sérieusement

 21   parler du déploiement de l'opération du maintien de la paix en

 22   Yougoslavie."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   Mme CLANTON : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur van Lynden, nous venons d'entendre M. Vance décrire certains

 26   endroits qui avaient donc été pilonnés ces derniers jours à Osijek. Etiez-

 27   vous présent lorsqu'il a dit cela ?

 28   R.  Oui, je l'étais.


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  1   Q.  Et pendant cette période, y compris pendant la couverture de la visite

  2   de M. Vance sur la ligne de front par vous-même, qu'est-ce que vous avez

  3   observé concernant donc l'adhésion des Serbes à cet accord de cessez-le-

  4   feu, en particulier à Osijek, dont M. Vance revenait ?

  5   R.  Eh bien, il y avait une journée particulière au cours de laquelle nous

  6   avions obtenu la permission de nous rendre sur la ligne de front à

  7   l'extérieur de Osijek, et nous avons été arrêté à un moment donné par un

  8   officier yougoslave, et il ne voulait pas nous laisser filmer. Et j'étais

  9   là, Martin Bell y était également avec son équipe, et nous n'avons pas donc

 10   pas filmé, mais nous avons entendu le pilonnage d'Osijek.

 11   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, je vois l'heure.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, tout à fait, Madame Clanton.

 13   Merci.

 14   Monsieur van Lynden, le moment est venu de faire notre première pause. Nous

 15   allons faire une pause de 30 minutes, et nous reviendrons à 11 heures. Le

 16   greffier d'audience va vous aider à sortir du prétoire. Merci.

 17   [Le témoin quitte la barre]

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La séance est suspendue.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, je vous en prie,

 22   poursuivez.

 23   Mme CLANTON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il vous reste dix minutes.

 25   Mme CLANTON : [interprétation] Oui, merci.

 26   Q.  Monsieur van Lynden, au paragraphe 53 de votre déclaration, vous

 27   décrivez qu'après votre séjour à Vukovar les 18, 19 et 20 novembre,

 28   quelques jours plus tard vous avez constitué une compilation vidéo qui


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  1   représente ce que vous avez vu pendant votre séjour à Vukovar; exact ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Mme CLANTON : [interprétation] A présent, nous souhaiterions faire

  4   visionner un autre extrait vidéo qui dure à peu près six [comme interprété]

  5   minutes et qui comporte une minute, 10 secondes de ce que nous avons déjà

  6   vu ce matin. Mais cela fait partie de la compilation produite par M. van

  7   Lynden et qui concerne les événements qui nous intéressent. Donc, je

  8   voudrais que nous voyions cela. Il s'agit du document 05033.3 de la liste

  9   65 ter. Je précise qu'il s'agit du document qui porte la cote ERN V000-4593

 10   et que la qualité de la bande-son n'est pas excellente pendant les 20

 11   premières secondes, mais cela reprend.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : La première partie inaudible qui suit les mots.

 14   [voix sur voix]

 15   "Le dernier des centaines de milliers d'obus, des centaines de

 16   milliers de mortiers, des millions de balles. Pour les Croates, lundi, le

 17   combat qui a duré trois mois, combat de Vukovar, a été perdu, mais il n'est

 18   pas tout à fait terminé. Les membres de la garde croate très persévérants

 19   ne renoncent pas, même si des centaines de leurs camarades combattants et

 20   des milliers de civils sont en train de se rendre à l'armée fédérale. Une

 21   colonne très longue de personnes exténuées quitte à jamais cette ville. De

 22   nombreux sont en larmes ou ont subi un choc, ou tout simplement, ils sont

 23   désespérés.

 24   La scène de la défaite ferme la bouche à ceux qui sont victorieux et

 25   qui sont en train d'observer cela, peut-être à cause de l'honneur avec

 26   lequel les combattants croates rendent leurs armes.

 27   Allons-y, le groupe suivant.

 28   Pour certains seulement, cette humiliation est trop dure à supporter. Dans


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  1   les yeux de la plupart, on lit l'honneur, la fierté pour avoir tenu aussi

  2   longtemps. Et le lendemain, le combat est terminé. Il y a d'autres

  3   habitants qui sortent des ruines au centre-ville de Vukovar. Ils ont

  4   survécu. Ils partent, ils emportent ce qui leur reste vers une nouvelle

  5   vie, une vie de réfugiés, une vie morne de réfugiés. Pratiquement comme

  6   tous les autres bâtiments de la ville, l'hôpital a été détruit à jamais,

  7   mais il n'a pas fermé. Des centaines de blessés y ont trouvé un abri. Et

  8   c'est là qu'ils sont restés, sans eau courante, sans électricité, et très

  9   peu de médicaments. Plus de 30 bébés y ont vu le jour.

 10   Elle a six mois, elle a été grièvement blessée à la jambe. Il lui

 11   reste un petit éclat d'obus dans son estomac. Il lui faut de toute urgence

 12   -- je ne sais pas comment le dire. Il lui faut une opération, une opération

 13   qui lui sauverait la vie. Nous faisons tout ce que nous pouvons, mais je

 14   pense que si elle n'est pas transportée dans un plus grand centre où les

 15   conditions sont meilleures, je pense qu'elle va mourir. C'est ce que je

 16   pense.

 17   Dans les parages de l'hôpital, c'est l'odeur de la mort. Et les

 18   soldats commencent à découvrir pourquoi.

 19   La morgue en plein air où se retrouvent les restes de ceux que le

 20   personnel de l'hôpital n'a pas eu le temps d'ensevelir.

 21   Et après la chute, Vukovar révèle les secrets sombres de cette

 22   guerre. Ses chemins, les morts qui n'ont jamais trouvé le chemin de

 23   l'hôpital où le sang est encore récent, frais. Les gens qui ont de toute

 24   évidence été tués. Si les ruines de Vukovar constituent un symbole, alors

 25   c'est le symbole de la haine qui existe encore entre les Serbes et les

 26   Croates qui a été en veille pendant les 45 années de paix, mais qui

 27   maintenant se manifeste sous forme de cette persévérance dans la violence,

 28   la guerre qui, semble, n'a pas été assouvie au bout de trois mois de


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  1   combats. Et parmi ces atrocités, quelque chose de complètement surréaliste,

  2   une contradiction, à savoir la fête. Les membres des formations extrémistes

  3   serbes, hommes et femmes, posent pour se faire prendre en photographie en

  4   guise de la fin des combats, et puis ils reviennent à leur fête, à leur

  5   célébration, la musique, les rires, et tout cela nourri à l'alcool.

  6   Sur leur drapeau, on lit 'liberté ou mort', et ils prêtent serment de

  7   continuer le combat.

  8   Non, ce n'est pas terminé.

  9   Et d'après toi, qu'est-ce qu'ils doivent conquérir, les Serbes, avant la

 10   fin de la guerre ?

 11   La guerre sera terminée quand nous serons à la frontière. Karlobag,

 12   Karlovac, Ogulin, Virovitica. Toutes les localités où vit la population

 13   serbe doivent être libres. Vous savez, il nous faut régler leur compte aux

 14   Croates.

 15   Et au centre-ville, on voit des paramilitaires qui fêtent de manière

 16   qui échappe à tout contrôle et leur état d'esprit est comparable.

 17   Mais le génie de l'armée ne se livre pas à la fête, en fait, ils sont

 18   en train de faire enlever tous les explosifs qui n'ont pas explosés. Ils

 19   cherchent les mines antipersonnel ou des pièges laissés par les défenseurs

 20   sur place, et c'est très délicat de les repérer, les faire sauter n'est pas

 21   aussi délicat.

 22   Et puis, une journée sera nécessaire avant que les blessés de Vukovar

 23   ne puissent être évacués, ce sera très pénible. Il a fallu plusieurs heures

 24   que l'ambulance ne soit remplie. Les blessés qui pouvaient partir à pied

 25   ont atteint les autocars bondés. La nuit commence à tomber au moment où le

 26   convoi s'ébranle finalement et il emporte ses passagers pour visiter pour

 27   la dernière fois les ruines avant qu'ils ne quittent cette ville jadis si

 28   belle sur les rives du Danube et qui est maintenant rendue silencieuse par


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  1   ceux qui ont essuyé la défaite et par ceux qui sont sortis victorieux,

  2   perdue pour ses habitants, un monument à la haine détruit.

  3   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  4   Mme CLANTON : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous pouvez nous dire où ces dernières

  6   images que nous avons vues ont été filmées ?

  7   R.  Depuis le château d'eau, depuis le haut de ce château d'eau.

  8   Q.  Et c'est ce même événement dont vous avez parlé aujourd'hui au compte

  9   rendu d'audience ? Page 32, à commencer par la ligne 9, vous avez dit que

 10   vous y êtes allé avec des membres de la garde, que vous êtes monté en haut

 11   du château d'eau ou de la tour d'eau, et qu'ils ont fait des commentaires

 12   sur les destructions que l'on voyait en bas ?

 13   R.  Oui. J'y suis allé avec deux officiers en haut du château d'eau.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   Mme CLANTON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour le

 16   témoin.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Clanton.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gosnell, le contre-

 20   interrogatoire. C'est à vous.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 22   Contre-interrogatoire par M. Gosnell

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur van Lynden.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  Je représente ici M. Hadzic et je m'appelle Christopher Gosnell, et je

 26   vais vous poser quelques questions aujourd'hui. Fin août, début septembre

 27   1991, d'après ce que vous avez dit, vous êtes allé en Slavonie orientale ?

 28   R.  Oui, vous avez raison.

 


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  1   Q.  Et vous avez décrit aujourd'hui ainsi que dans votre déclaration écrite

  2   la distinction que vous avez faite entre les deux itinéraires, celui du

  3   nord et celui du sud. Alors est-il vrai de dire que vous vous êtes rendu

  4   sur l'itinéraire nord ou dans la région nord, deux fois ou au maximum trois

  5   fois ?

  6   R.  Trois fois, si mes souvenirs sont bons.

  7   Q.  Vous rappelez-vous les dates ?

  8   R.  Non, pas de manière précise. Mais, normalement, cela s'est passé en

  9   septembre et octobre. Parce que, par la suite, nous n'avons plus emprunté

 10   que l'itinéraire du sud.

 11   Q.  Donc les deux ou trois fois où vous êtes allé dans la partie nord, cela

 12   se situe au début de vos déplacements vers la Slavonie de l'est, et puis

 13   par la suite vous êtes toujours allé vers le sud ?

 14   R.  Non, non. La première fois que nous sommes allés à Tovarnik et Ilaca,

 15   c'était en septembre, nous avons fait les deux. Cela a été montré ici. Et

 16   puis lorsque nous sommes allés à Brsadin, par exemple, c'était par la

 17   suite, si mes souvenirs sont bons. Donc il y a eu des deux, un mélange.

 18   Q.  Au paragraphe 24 de votre déclaration, vous dites qu'il vous a fallu

 19   obtenir des autorisations de vous déplacer, et cela pour chacune des

 20   journées de votre déplacement, des autorisations de la part du ministère

 21   fédéral de la Défense, et ce, pour aller en Slavonie orientale. Est-ce que

 22   vous pourriez nous expliquer comment cela se passait, quel a été le procédé

 23   appliqué ?

 24   R.  Oui. Cela n'a pas commencé immédiatement à mon arrivée à Belgrade,

 25   parce qu'il nous a fallu aller à Banja et à Knin, mais par la suite, en

 26   août, j'ai demandé d'avoir une accréditation permanente à Belgrade, et

 27   c'est ce que j'ai obtenu en tant que correspondant. Et nous sommes allés au

 28   ministère de la Défense, nous nous sommes adressés à la personne qui était


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  1   responsable de la presse, et cette personne nous a dit que si nous

  2   souhaitions nous rendre à la ligne de front, il nous fallait une

  3   autorisation pour cela. Il n'a pas été nécessaire que je me présente en

  4   personne. Mon producteur, qui travaillait avec moi sur le terrain, Zoran

  5   Kusovac, c'est lui qui s'en chargeait et il obtenait ce document, ce

  6   papier.

  7   Q.  Est-ce que vous dites dans votre dernière réponse que vous n'aviez pas

  8   besoin de ce document de la part du ministère de la Défense pour vous

  9   rendre dans la Banja et à Knin, mais que vous en aviez besoin pour vous

 10   rendre en Slavonie de l'est ?

 11   R.  En fait, dans un premier temps, nous sommes allés à Bihac, c'était là

 12   qu'on était basé, et je travaillais avec Zoran Kusovac, donc mon

 13   producteur, mais avec une équipe qui venait de Belgrade, et à ce moment-là

 14   nous avions besoin d'un laissez-passer pour entrer dans Dvor Na Uni, Dvor

 15   sur Una, cette localité-là, et le problème c'est qu'il fallait séjourner

 16   pendant 24 heures dans la ville pour avoir ce laissez-passer, mais le

 17   laissez-passer on ne pouvait pas l'avoir sans -- on ne pouvait pas s'y

 18   rendre sans laissez-passer dans un premier temps, donc à l'époque c'étaient

 19   les forces de la Défense territoriale qui imposaient cela, l'exigence ne

 20   venait pas de l'armée yougoslave.

 21   Q.  Et alors pour reparler maintenant de la Slavonie de l'est, à partir du

 22   moment où vous avez obtenu ce document du ministère fédéral de la Défense,

 23   comment est-ce qu'on le vérifiait au poste de contrôle ?

 24   R.  Eh bien on le présentait, je le présentais, je présentais mon

 25   accréditation de journaliste. Et le long de l'itinéraire du sud, ça, j'en

 26   ai déjà parlé, on passait tout d'abord par Sid, il y avait là un bureau, et

 27   cela dépendait de ceux qui travaillaient à ce poste de contrôle, ils nous

 28   donnaient ou non l'autorisation de continuer.


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  1   Q.  Et il y avait un poste de contrôle de la JNA sur ce pont à Erdut; exact

  2   ?

  3   R.  Oui, de mémoire, oui.

  4   Q.  Et est-ce que eux aussi vérifiaient ces laissez-passer que vous avez

  5   obtenus au ministère fédéral de la Défense de Belgrade ?

  6   R.  Si mes souvenirs sont bons, oui.

  7   Q.  Et c'est à chaque fois que vous passiez par le poste de contrôle sur le

  8   pont d'Erdut ou par le poste de contrôle au nord de Sid, c'est à chaque que

  9   l'on vous demandait de le présenter ?

 10   R.  Oui, si mes souvenirs sont bons, oui. Mais il y avait plusieurs postes

 11   de contrôle au nord de Sid. Il y en avait un avant Tovarnik, mais il y en

 12   avait d'autres sur les différentes routes, et on pouvait être arrêtés à

 13   chacun d'entre eux et forcés à rebrousser chemin.

 14   Q.  Et tous ces postes de contrôle étaient des postes de contrôle de la

 15   JNA, lorsque vous voyagiez au nord à partir de Sid, donc vers la Slavonie

 16   orientale ?

 17   R.  De mémoire, oui.

 18   Q.  Et vous n'êtes jamais tombé sur des postes de contrôle à l'intérieur

 19   après avoir traversé le pont sur Erdut dans le secteur nord ?

 20   R.  Là, non, je ne m'en souviens pas.

 21   Q.  Mais à partir du moment où vous étiez de l'autre côté, que ce soit dans

 22   le sud ou dans le nord, est-ce que vous, vous étiez obligés d'être escortés

 23   par la JNA ou est-ce que vous pouviez vous déplacer tout seul ?

 24   R.  Non, on n'était pas tenus d'avoir une escorte de la JNA. Il y a eu des

 25   moments, et on en a évoqués deux ce matin dans le prétoire, les deux

 26   lorsqu'on nous a emmenés à Ilaca et puis lorsqu'on nous a emmenés à la

 27   caserne de la JNA au sud de Vukovar. Il y a eu deux moments où on nous a

 28   dit que la seule manière de procéder en sécurité serait donc de se déplacer


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  1   à bord d'un véhicule blindé, et le général Arandjelovic a mis ce véhicule à

  2   notre disposition. Mais le reste du temps, on se déplaçait tout seul.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Je demande l'affichage du document 04677,

  4   l'onglet 15 de la Défense.

  5   Q.  Dans l'affaire Mrksic, vous êtes déjà venu déposer en tant que témoin,

  6   et je voudrais vous montrer un extrait de votre déposition.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Il s'agit de la page du compte rendu

  8   d'audience 3152, s'il vous plaît. C'est à partir de la ligne 11 que le

  9   texte m'intéresse.

 10   Q.  Ici, vous parlez de la brigade de la garde, et vous dites :

 11   "Je n'ai pas eu l'impression que leur conduite était quoi que ce soit

 12   d'autre qu'une conduite de soldats de métier. D'après ce que j'ai vu, ils

 13   étaient assez différents des autres unités de la JNA que j'avais eu

 14   l'occasion de croiser ainsi que des différentes milices, en particulier des

 15   hommes à M. Seselj qui avaient eux aussi pu avoir accès aux lignes de front

 16   de Vukovar. Et cette autorisation, leur a été donné par la JNA."

 17   Alors, je voudrais justement que l'on commente cette dernière phrase.

 18   Pour quelle raison dites-vous que les hommes de Seselj ont été autorisés

 19   d'accéder aux lignes de front par la JNA ?

 20   R.  C'est l'impression que j'ai eue à ce moment-là. Il m'a semblé que si la

 21   JNA avait décidé de mener ce combat toute seule, sans recourir à aucune

 22   aide, à aucune milice, eh bien, ils auraient été en mesure de le faire. Et,

 23   en conséquence, que la présence de ces groupes paramilitaires signifiait

 24   que la JNA les avait autorisés à venir.

 25   Q.  Et pour quelle raison dites-vous que la JNA était en mesure de le faire

 26   ?

 27   R.  Mais c'était une armée digne de ce nom, elle avait l'armement d'une

 28   armée. Et si je ne me trompe pas, c'était une des armées les plus grandes


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  1   et, par conséquent, du moins c'est mon sentiment, s'ils l'avaient souhaité,

  2   ils auraient pu empêcher les unités paramilitaires de se déployer dans ces

  3   zones, donc je ne sais pas si la décision est venue d'eux ou des hommes

  4   politiques, ça, évidemment, je ne le sais pas.

  5   Q.  Mais vous aviez le sentiment que la JNA contrôlait les deux points, les

  6   deux postes de contrôle qui permettaient d'accéder à la Slavonie orientale,

  7   et là, vous avez rencontré des hommes à Seselj, entre autres membres de

  8   groupes paramilitaires ?

  9   R.  Oui, tout à fait. Et ils étaient déployés aux postes de contrôle.

 10   Q.  Et vous êtes passé par ces postes de contrôle, est-ce que vous avez vu

 11   d'autres membres des milices passer par ces postes ?

 12   R.  Ça, c'est une question difficile vu qu'il s'est passé 22 ans depuis. Je

 13   ne sais pas si cela s'est passé, mais cela ne s'est pas gravé dans ma

 14   mémoire.

 15   Q.  Oui, je comprends, Monsieur van Lynden. Je vous comprends.

 16   Et vous avez fait ce commentaire au sujet des hommes à Seselj, comme quoi

 17   donc on leur a donné la possibilité de se rendre sur les lignes de front,

 18   que la JNA les a autorisés à le faire; est-ce que vous diriez la même chose

 19   des hommes à Arkan ?

 20   R.  Est-ce que je peux juste corriger ce oui qui apparaît dans le compte

 21   rendu d'audience ? En fait, il ne doit pas être là. C'était juste avant

 22   votre dernière question.

 23   Q.  Je vous remercie. Cela sera corrigé.

 24   R.  Oui. C'est dans Erdut ou dans les parages d'Erdut que j'ai pu voir les

 25   hommes à Arkan, ces paramilitaires-là. Et du moment qu'ils avaient une base

 26   là et qu'ils étaient là, la JNA a nécessairement dû leur donner la

 27   possibilité de traverser le pont. Mais là, c'est une hypothèse, puisque je

 28   ne les ai pas vus traverser ce pont.


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  1   Q.  Vous rappelez-vous quel est le nombre de postes de contrôle que vous

  2   avez dû traverser entre la frontière croate au nord de Sid et votre arrivée

  3   à Negoslavci ?

  4   R.  Je ne pourrais pas vous donner le nombre exact de ces postes de

  5   contrôle. Mais je me souviens d'une chose, à savoir la situation évoluait

  6   d'un jour à l'autre. Donc, il se pouvait qu'un poste de contrôle

  7   disparaisse du jour au lendemain. Mais il y en a eu certainement deux au

  8   moins, il y en avait un dans un village à partir duquel il fallait tourner

  9   à droite pour continuer vers Negoslavci et Vukovar.

 10   Q.  Je voudrais que l'on reprenne maintenant la page 3 148, s'il vous

 11   plaît.

 12   Et je vais commencer en bas de la page qui s'affiche. Là encore, c'est

 13   votre déposition dans l'affaire Mrksic, Monsieur van Lynden. Ligne 22, une

 14   question vous est posée :

 15   "S'agissant de vos déplacements de Belgrade pour Vukovar et retour,

 16   aujourd'hui vous avez dit que vous avez besoin de vous faire délivrer une

 17   autorisation à Belgrade, mais que malgré cela, il est arrivé parfois que

 18   l'on ne vous autorise pas d'accéder au secteur de Vukovar. Alors, est-ce

 19   que vous vous souvenez précisément qui vous a refusé accès lorsque cela

 20   s'est produit et est-ce que vous avez eu l'occasion d'évoquer cela avec des

 21   échelons supérieurs de l'armée, et si c'était l'armée qui était l'instance

 22   en question ?"

 23   Et puis, vous répondez :

 24   "C'étaient les postes de contrôle de l'armée, c'était là qu'on nous

 25   arrêtait, et sans nous donner la raison précise de cela, on nous disait

 26   qu'on ne pouvait pas continuer notre chemin."

 27   Et puis, plus loin, dans ce paragraphe, vous dites à une autre occasion :

 28   "Le général m'a dit qu'un convoi allait passer. On nous a arrêtés à


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  1   Negoslavci et puis, un officier d'un rang inférieur de la JNA nous a dit

  2   que ce convoi n'allait pas avoir lieu et que nous ne pouvions pas avancer

  3   ce jour-là.

  4   Et puis, à d'autres occasions, d'autres jours où on nous arrêtait,

  5   c'était généralement aux postes de contrôle, et généralement, ce n'était

  6   pas les officiers, ça pouvait être un sergent de l'armée. Et on nous disait

  7   simplement que nous ne pouvions pas continuer, bien que nous ayons une

  8   permission, que nous ayons obtenu une permission précédemment…"

  9   Donc, je voulais savoir une chose. Est-ce que vous vous souvenez s'il

 10   vous est jamais arrivé de vous faire arrêter et empêcher de continuer à un

 11   poste de contrôle qui n'était pas un poste de contrôle de la JNA ?

 12   R.  Non, de mémoire, non.

 13   Q.  Les forces de la JNA, est-ce qu'elles avaient très peur de se faire

 14   infiltrer par les forces croates ?

 15   R.  Ecoutez, je ne sais pas si cette question devrait m'être posée à moi.

 16   Il faudrait plutôt s'adresser à quelqu'un de la JNA, je pense.

 17   Le seul commentaire que je puisse vous faire à ce sujet, eh bien,

 18   c'est que nous avons été surpris pendant toute la durée de notre séjour à

 19   Vukovar. Donc, si on empruntait cet itinéraire du sud en passant par Ilaca,

 20   Orolik, Negoslavci, Vukovar, à commencer par Tovarnik, eh bien, qu'entre

 21   Tovarnik et Orolik vous aviez ces champs de maïs des deux côtés de la

 22   route, et ce qui nous est arrivé et ce qui est arrivé à la JNA paraît-il,

 23   c'est que des tireurs embusqués croates se cachaient dans ces champs de

 24   maïs. Ils montaient un escabeau ou une petite échelle, puis ils tiraient

 25   sur les voitures qui passaient, et puis redescendaient et puis partaient.

 26   C'était étrange que les forces serbes n'aient pas nettoyé ces bas-côtés ou

 27   ces deux côtés de la route, puisque c'était si important pour eux et que ce

 28   genre d'attaques ait pu se produire.


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  1   Mais c'est la réponse qu'on nous a donnée.

  2   Q.  Vous venez de dire qu'ils avaient des espèces d'escabeau, d'échelle, et

  3   qu'ils tiraient en tant que tireurs embusqués sur la route ?

  4   R.  Oui, c'est ce qu'on nous a dit. De toute évidence je n'en ai jamais vu

  5   et je n'ai jamais vu d'escabeau ou d'échelle qui aurait été pris. Mais

  6   c'est ce qu'on nous a dit.

  7   Q.  Est-ce qu'on vous a jamais arrivé à vous qu'on vous tire dessus, que

  8   ces tireurs embusqués vous ciblent ?

  9   R.  Oui. Il s'est produit plusieurs occasions où on nous a tiré dessus.

 10   Nous, on se déplaçait à bord de deux Golfs Volkswagen qui n'étaient pas

 11   blindés, et il nous a semblé qu'on nous prenait pour cible, il nous est

 12   arrivé d'entendre des balles passer relativement près, mais jamais nos

 13   voitures n'ont été touchées.

 14   Q.  Est-ce que vous souvenez - je sais que cela fait longtemps - mais vous

 15   souvenez-vous de quelle direction venaient les tirs ? Venaient-ils

 16   uniquement de Vukovar ou y avait-il une infiltration dans l'autre

 17   direction, c'est-à-dire depuis l'ouest ?

 18   R.  L'incident auquel je fais référence s'est déroulé au sud de Vukovar, et

 19   je n'ai pas la carte sous les yeux, mais oui, c'est ce que vous

 20   appelleriez, disons, l'ouest.

 21   Q.  Est-ce que l'on pourrait peut-être afficher la carte ?

 22   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous donc afficher le D38, s'il

 23   vous plaît.

 24   Mme CLANTON : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges. Est-ce que

 25   l'on peut préciser la dernière question, à savoir y avait-il une

 26   infiltration venant de l'autre côté ? Et vous vous souvenez peut-être que

 27   vous avez dit ou vous lui avez demandé s'il pouvait se rappeler de quelle

 28   direction venaient les tirs ? Est-ce que vous pourriez préciser pour le


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  1   témoin ce que vous entendez par infiltration ? Est-ce que infiltration et

  2   tir, c'est la même chose dans la question du conseil ?

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Nous reprenons donc cette phrase en disant

  4   qu'il s'agissait de tir.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Merci.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] Je me rappelle qu'il s'agit donc de l'onglet

  7   25, document de la Défense.

  8   Q.  Tout d'abord, je voudrais vous demander, Monsieur van Lynden, en

  9   regardant cette carte, est-ce que ceci vous rappelle et, en fait, je vous

 10   demande donc de regarder cette carte qui affiche une certaine date. La

 11   région du nord n'est pas accessible depuis le sud, et vice versa. Est-ce

 12   que cela vous rappelle quelque chose par rapport donc à cette période de

 13   septembre 1991, c'est-à-dire que vous ne pouviez pas passer pour aller du

 14   nord vers le sud et vice versa ?

 15   R.  Non, on ne pouvait pas.

 16   Q.  Et je comprends que ce n'est pas une carte parfaite, mais nous pouvons

 17   voir d'une manière générale la direction entre Sid et Vukovar, et la

 18   question que je vous posais est la suivante. Alors que vous vous rendiez

 19   dans le nord-ouest, le long de la route de Sid vers Vukovar, vous souvenez-

 20   vous si les tirs embusqués, dont vous avez soit entendu parler et soit que

 21   vous avez pu voir, venaient de l'ouest de cette route ?

 22   R.  Vous souhaitez que j'annote cette carte ?

 23   Q.  Non, il n'est pas nécessaire de le faire.

 24   R.  Du sud-ouest, j'entendais par là.

 25   Q.  Est-ce que les tirs venaient du sud-ouest ?

 26   R.  Oui. Pour autant que je m'en souvienne, c'est ce dont je me souviens,

 27   oui.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir 05030.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'aimerais une précision, là.

  2   Monsieur van Lynden, est-ce que cela signifie qu'en vous déplaçant vers --

  3   en fait, vous avez dit que vous alliez vers Vukovar, en direction de

  4   Vukovar ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] En direction de Vukovar.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En direction de Vukovar. Et que les

  7   tirs embusqués venaient des champs de maïs sur les côtés de la route.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] De très près de la route.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très près de la route. Vous dites à

 10   nouveau du sud-ouest ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends par là --

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est-à-dire, c'est à gauche.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Gauche lorsque l'on va à Vukovar; à droite

 14   lorsque l'on revient. Vous pouvez également se faire tirer dessus sur le

 15   chemin de retour.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, bien entendu. Mais maintenant

 17   nous savons de quel côté de la route.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Monsieur van Lynden, si je pouvais donc poursuivre sur la même

 20   question, en tant que militaire, vous seriez-vous attendu -- en fait, vous

 21   avez dit que vous étiez surpris que ces champs de maïs n'aient pas été

 22   rasés. Est-ce que vous pensez qu'il aurait été normal et légitime dans le

 23   cadre des pratiques militaires de brûler ces champs de maïs et de les raser

 24   pour que la zone soit ainsi plus sûre pour les militaires ?

 25   R.  Je ne suis pas sûr que je me serais attendu à ce que cela soit brûlé,

 26   mais je me serais attendu à ce que la récolte ait été faite, ou en tous les

 27   cas qu'il y ait des unités sur les talus de la route pour s'assurer que

 28   c'était assez sécurisée, ce qui était vital pour la JNA, et que la JNA ne


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  1   faisait pas l'objet de tirs sporadiques de la part de ces tireurs

  2   embusqués. Ce n'était jamais des attaques importantes, mais il y avait donc

  3   des attaques de tireurs embusqués, ce qui rendaient des gens très mal à

  4   l'aise, et cela nous mettait mal à l'aise en tous les cas.

  5   Q.  Le terme que vous avez utilisé au paragraphe 26 de votre déclaration,

  6   et je vais le resituer dans le contexte, c'est la suivante :

  7   "J'ai été surpris de voir que la JNA, qui était une armée professionnelle,

  8   n'avait pas protégé les talus de la route en rasant les champs de maïs."

  9   R.  Ce que j'ai voulu dire donc, c'est un nettoyage. Ce que je peux vous

 10   dire en tant qu'exemple concernant mon passé, c'est que lorsque l'armée

 11   israélienne a envahi le Liban, ils faisaient attention que notamment dans

 12   la partie sud du Liban, que sur les côtés de la route, les talus, il y

 13   avait souvent des bananiers, mais tout ceci avait été nettoyé de façon à ce

 14   qu'il y ait moins de possibilités que leurs forces puissent être attaquées

 15   le long de la route, et je me serais attendu à ce que la JNA fasse quelque

 16   chose de même nature.

 17   Q.  Vous avez dit que vous attendiez à cela. Est-ce que c'est un fait de

 18   votre formation en tant qu'officier militaire ?

 19   R.  Non. Cela est plutôt basé sur mon expérience dans des périodes de

 20   guerre. J'ai passé beaucoup de temps au Liban. J'étais en Irak, en Iran.

 21   J'étais également avec les forces américaines pendant la guerre du Golfe,

 22   et c'est ce que j'ai vu. J'ai vu les forces militaires professionnelles

 23   agir ainsi, et j'étais surpris que cela ne soit pas le cas en Slavonie

 24   orientale.

 25   Q.  Lorsque vous utilisiez le terme "professionnel", vous voulez dire des

 26   forces armées agissant tant sur le plan stratégique que dans le respect des

 27   lois de la guerre, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne pense pas que l'on puisse parler de "perspective stratégique".


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  1   C'est simplement pour essayer d'assurer dans la mesure du possible la

  2   sécurité de ses forces.

  3   Pour ce qui est du droit de la guerre ou des lois de la guerre, je ne suis

  4   pas tout à fait sûr que raser les champs de maïs constitue donc un crime de

  5   guerre. J'en doute.

  6   Q.  Disons les choses autrement : si vous aviez été militaire dans cette

  7   situation, c'est ce que vous auriez fait. Vous auriez rasé les champs de

  8   maïs; est-ce exact ?

  9   R.  Je ne me suis jamais retrouvé dans cette situation. Lorsque j'étais

 10   dans le Corps de la Marine, je n'ai jamais participé à une guerre, et

 11   j'imagine que l'on aurait eu des ordres, que l'on aurait reçu des ordres.

 12   J'étais, comme je l'ai dit, dans l'infanterie et ce n'est pas le genre

 13   d'unité qui aurait dû entreprendre cela. Cela aurait été probablement fait

 14   par des ingénieurs, je suppose. Mais personnellement, je ne me suis jamais

 15   retrouvé dans une situation comme celle-ci lorsque j'étais dans le corps de

 16   la marine.

 17   M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais maintenant passer une vidéo qui

 18   est la 05030. Il s'agit de l'onglet de la Défense 28, et nous commençons

 19   donc à 16 minutes 45.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Nous avons compris quel était le type de guerre dans lequel nous

 23   nous étions engagés.

 24   C'est une guerre mortelle avec beaucoup d'obus et d'embuscades le long des

 25   routes.

 26   Et les hommes…"

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. GOSNELL : [interprétation]


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  1   Q.  Vous nous avez dit qu'il s'agissait du général Arandjelovic. Est-ce

  2   exact que l'essentiel des attaques se faisait grâce par des tireurs

  3   embusqués et des obus ?

  4   R.  C'est ce qu'il nous a dit lors de cette interview.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Pourriez-nous passer à 17 minutes 5 secondes,

  6   s'il vous plaît.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Pour arriver à une des lignes de front du général, un transporteur

 10   blindé est mis à notre disposition avec des hommes qui sont prêts à se

 11   battre contre ces embuscades qui sont courantes en fin d'après-midi."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   M. GOSNELL : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que l'on vous a dit que ces embuscades étaient très habituelles

 15   et que cela faisait partie de ce à quoi on pouvait s'attendre au cours de

 16   ces après-midi ?

 17   R.  C'est exactement ce que j'ai dit. Donc, c'est ce qu'on m'a probablement

 18   dit.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Les maisons brûlaient encore et il y avait tentative de prise de

 22   contrôle par l'armée. Le village de Nijemci et les pilons électriques

 23   délimitaient les lignes de front près de un mile de là."

 24   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 25   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait s'arrêter un

 26   instant.

 27   Q.  La personne derrière vous, pouvez-vous nous dire à quelle force il

 28   appartenait ?


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  1   R.  Il est membre de la JNA. Maintenant, je ne sais pas s'il était

  2   réserviste ou membre à part entière. Probablement réserviste.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Aucune guerre dans lesquelles nous avions les mains liées par un

  6   cessez-le-feu sur les lignes de front. Ils n'avaient pas eu le temps de

  7   creuser et on l'on utilisait des armes antiaériennes comme défense primaire

  8   contre les tireurs embusqués et qui pouvaient agir alors que la nuit

  9   tombait."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 11   M. GOSNELL : [interprétation]

 12   Q.  Quelque part dans le rapport, vous avez dit que l'armée tentait de

 13   reprendre le contrôle. Mais pourquoi est-ce que vous avez dit cela ?

 14   R.  Eh bien, parce que cela concernait Ilaca qu'ils venaient juste de

 15   prendre. Et il y avait encore des maisons qui brûlaient et ils essayaient

 16   donc de reprendre le contrôle de ces lieux. Cela sortait clairement du fait

 17   du comportement de ces hommes qui craignaient une contre-attaque. Cela

 18   n'est jamais arrivé, pour autant que je le sache, mais ils n'en étaient pas

 19   très sûrs.

 20   Q.  Et est-ce que vous avez dit que les forces croates se déplaçaient dans

 21   cette région en essayant donc de réapprovisionner Vukovar, en particulier

 22   en utilisant comme couverture les champs de maïs ?

 23   R.  Non, ce n'est pas quelque chose que je me souviens avoir entendu. Je me

 24   souviens que l'on m'a dit qu'il y avait eu des épisodes de tirs embusqués,

 25   d'embuscades, mais je ne me souviens pas que cela ait été un itinéraire

 26   premier pour réapprovisionner les forces croates à Vukovar.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant avoir le

 28   05033, s'il vous plaît.


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  1   Mme CLANTON : [interprétation] Excusez-moi, mais pour les archives, le

  2   document précédent, il s'agissait du document 05030.5 de la liste du 65

  3   ter.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Je remercie ma collègue pour cela. Et je

  5   pense que ma collègue a bien confirmé que la totalité de cette vidéo a été

  6   versée au dossier et admise.

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Chaque 65 ter, c'est-à-dire chaque séquence

  8   vidéo, a été versé au dossier et ainsi que toutes les pièces connexes. Il

  9   est possible que pour les vidéos les plus longues, les V000 plus les quatre

 10   chiffres, qui ne se rapportent pas à ces événements en Croatie orientale.

 11   Et tout ce qui figurait dans la déclaration maintenant avait été versé au

 12   dossier.

 13   M. GOSNELL : [interprétation] J'aimerais que l'on puisse verser au dossier

 14   la totalité de cette vidéo.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton.

 16   Mme CLANTON : [interprétation] Il faudra que je vérifie, mais pour chaque

 17   vidéo, je ne suis pas sûre si pour l'instant tout ce qui concerne la

 18   Slavonie orientale, la Bosnie et quelquefois c'est un petit peu mélangé.

 19   Peut-être que pendant la pause, je pourrais être autorisée à vérifier cela

 20   pour voir s'il y a une partie de cette vidéo ou la totalité de la vidéo qui

 21   ne se rapporte par totalement à cela, et cela nous permettrait, Messieurs

 22   les Juges, de ne pas avoir des éléments de preuve qui ne couvrent pas la

 23   totalité des conflits.

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Je viens de revoir la vidéo et je me souviens

 25   qu'il n'y avait pas de couverture de la Bosnie.

 26   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais simplement regarder. Ayant revu

 27   beaucoup de ces vidéos, certaines comportaient des parties différentes et

 28   concernaient des parties différentes du conflit. C'est la raison pour


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  1   laquelle nous avons corrigé les sous-documents de la liste du 65 ter pour

  2   que chaque rapport soit un rapport différent que l'on soumet aux Juges.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, vous reviendrez vers nous sur

  4   ce point après la pause.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Oui, c'est ce que je ferai, Messieurs les

  6   Juges.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir le document

  8   050233, à 6 minutes 40 secondes. Il s'agit de l'onglet de la Défense,

  9   l'onglet 49.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 12   "Les armes en Slavonie occidentale étaient silencieuses, déployées

 13   dans les champs qui étaient devenus de véritables marécages."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. GOSNELL : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur, vous souvenez-vous être allé en Slavonie occidentale vous-

 17   même ?

 18   R.  Oui. Oui, je me souviens.

 19   Q.  Vous souvenez-vous à quel moment ?

 20   R.  A l'automne de 1991.

 21   Q.  Est-ce que cela était inclus dans vos deux ou trois visites qui se sont

 22   produites dans le nord ? En d'autres termes, est-ce que vous vous êtes

 23   rendu dans la région du nord pour y aller, ou est-ce que vous avez suivi un

 24   itinéraire différent ?

 25   R.  Non, nous sommes passés par la Bosnie.

 26   Q.  Merci.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons continuer la séquence

 28   vidéo.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "La guerre en Slavonie occidentale a soit été menée avec des armes de

  4   courte portée, des tireurs embusqués ayant infiltré chacune des lignes, ou

  5   par des tirs de longue portée avec une artillerie lourde. Et c'est le

  6   premier jour que depuis des mois que les troupes ont reçu l'ordre de tirer

  7   sur les villages en Slavonie occidentale, les maisons, les restaurants qui

  8   ont été détruits par des tirs d'obus et de balles, ou qui a simplement

  9   brûlé une fois que l'armée les a reprises, une infiltration presque

 10   quotidienne dans les forêts très répandues dans cette région."

 11   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 12   M. GOSNELL : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que cela vous rappelle qu'en Slavonie occidentale il y avait

 14   infiltration des forces croates qui avaient traversé les lignes serbes ?

 15   R.  C'était la guerre et c'est ce que l'on peut voir pendant les période de

 16   guerre, et c'est ce qui nous a été dit par la JNA dans cette région.

 17   M. GOSNELL : [interprétation] Nous voulons donc verser au dossier cette

 18   vidéo, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Accepté. Et cette pièce reçoit une

 20   cote.

 21   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est la totalité de la vidéo que

 23   vous souhaitez verser au dossier, Maître Gosnell ?

 24   M. GOSNELL : [interprétation] C'est ce que je souhaite, Monsieur le

 25   Président.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton ?

 27   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous demanderais un

 28   moment, s'il vous plaît, parce que je souhaiterais confirmer cela pendant


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  1   la pause et voir ce qu'il y avait d'autre dans cette vidéo. Comme nous

  2   l'avons déjà dit, nous l'avons séquencée, et c'est ainsi que nous l'avons

  3   déposée.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela en fait deux.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Pourriez-nous revenir à la pièce 05030, il

  6   s'agit là encore de l'onglet 28 de la Défense. Nous allons donc commencer à

  7   11 minutes, 49 secondes.

  8   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : Les interprètes

  9   n'ont pas reçu la transcription de cette vidéo, ce qui rend

 10   l'interprétation extrêmement difficile.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Merci. Je suis désolé. Effectivement, je n'ai

 12   pas la version B/C/S.

 13   L'INTERPRÈTE : La cabine française indique également qu'elle n'a pas le

 14   document.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "…le cessez-le-feu en Yougoslavie ne tient pas. Des postes d'aide

 18   continuent de recevoir des blessés. La trêve aurait pu arrêter les

 19   offensives, mais les soldats fédéraux étaient blessés par leurs propres

 20   tirs plutôt que par ceux de leurs ennemis. Et cela s'est produit sur les

 21   hauteurs, les lignes de front en hauteur, autour de la ville d'Osijek en

 22   Croatie orientale. Et le commandant de la brigade qui devait mener des

 23   enquêtes…"

 24   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 25   M. GOSNELL : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cette personne ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  De qui s'agit-il ?


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  1   R.  Du commandant de la brigade. Je ne peux pas me souvenir de son nom.

  2   Nous l'avons rencontré un jour, comme nous l'avons entendu, juste à

  3   l'extérieur donc du front en dehors d'Osijek.

  4   Q.  Et là, encore, je sais que cela fait très longtemps, mais est-ce que

  5   vous vous souvenez où est-ce que vous l'avez rencontré ? Est-ce qu'il y

  6   avait un village aux alentours ?

  7   R.  Oui, parce que c'est là où étaient ces deux hommes qui -- il y a eu un

  8   incident. Je me souviens qu'ils ont été amenés dans ce village, mais

  9   honnêtement je ne me souviens pas aujourd'hui du nom de ce village. Et de

 10   là à l'hôpital, ils ont emmené, je suppose, en ambulance à l'hôpital et,

 11   j'imagine par les Serbes.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "L'absence de discipline dans les tirs et le mélange un peu curieux

 15   d'hommes qui composaient l'armée, certains étaient des professionnels,

 16   d'autres des volontaires depuis peu de temps…"

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. GOSNELL : [interprétation]

 19   Q.  Reconnaissez-vous le symbole sur ce casque ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  De quoi s'agit-il ?

 22   R.  Eh bien, il s'agit d'une sorte de symbole national de la Serbie.

 23   Q.  Est-ce que cela vous dit quelque chose concernant l'appartenance ou

 24   l'affiliation de ce soldat ?

 25   R.  Cela semble indiquer qu'il est affilié au camp nationaliste.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Il y avait également des conscrits à peine formés et instruits. Bien


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  1   que les fortifications comprennent -- il y avait également un Américain de

  2   50 ans. Et ceux qui restaient dans le village depuis les cessez-le-feu

  3   disent avoir été attaqués à 56 reprises. Pour ces hommes et les mortiers

  4   sur les tranchées de la ligne de front, les tirs n'avaient jamais cessé, et

  5   cela amenait les gens à croire que le cessez-le-feu était sur le point

  6   d'être rompu."

  7   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  8   M. GOSNELL : [interprétation]

  9   Q.  Ces hommes que vous voyez à droite, est-ce que vous pouvez identifier

 10   leur affiliation à une unité ?

 11   R.  Non, mais c'était la JNA.

 12   Q.  Et sur leur épaule gauche, il y a également une unité différente, et

 13   c'est beaucoup plus un camp. Est-ce que c'est un uniforme que vous pouvez

 14   associer à la JNA ?

 15   R.  Oui. Cette personne était le garde du corps personnel du commandant de

 16   la brigade. Nous l'avons vu un petit peu plus tôt lorsque je parlais à un

 17   professionnel. Donc j'imagine que d'un côté vous avez les réservistes et,

 18   de l'autre côté, les soldats professionnels au sein des forces de la JNA.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Si l'on regarde les vignes et les maisons, ceci est une opinion très

 22   courante. Pour l'instant, ils ont le temps de se faire couper les cheveux,

 23   de prendre une douche, et même de discuter à l'ombre, mais beaucoup ont des

 24   doutes.

 25   Et, à mon sens, la guerre n'est pas finie.

 26   Un autre dit : Et si ce n'est pas le cas, ces chars à 89 kilomètres

 27   d'Osijek ne resteront pas silencieux, et cetera."

 28   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le reste.

  2   M. GOSNELL : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que cela est mélangé, là où se trouve l'infanterie ?

  4   R.  Non. Non pas l'artillerie, non pas les chars non plus. C'étaient des

  5   chars qui étaient assez loin derrière les lignes de front. Ce que nous

  6   avons vu, nous avons vu qu'il y avait quelques pièces d'artillerie

  7   autopropulsées sur la ligne de front, mais la plupart des chars que j'ai pu

  8   voir et en tous les cas la plupart des pièces d'artillerie étaient gardés

  9   un peu plus loin.

 10   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de ce commandant de brigade inspectant

 11   les tranchées là où il dit qu'il y avait une variété d'uniformes ?

 12   R.  Oui, il y était.

 13   Q.  Est-ce que vous diriez qu'il commandait toutes ces personnes, d'après

 14   ce que vous avez pu observer ?

 15   R.  Nous ne nous sommes trouvés là que pendant quelques heures, mais je

 16   dirais que oui, notre impression c'est qu'il était le commandant.

 17   M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 18   document. Je sais que cette vidéo fera l'objet d'un examen par

 19   l'Accusation, mais, pour moi, j'en ai terminé avec ce document, cette

 20   vidéo. Merci.

 21   Q.  Maintenant, Monsieur van Lynden, je voudrais vous poser quelques

 22   questions concernant la réunion que vous dites avoir eue. Et je suppose que

 23   vous avez besoin d'un petit peu d'eau et je demanderais donc à l'huissier

 24   de bien vouloir vous servir de l'eau.

 25   Concernant cette réunion maintenant que vous dites avoir eue avec M. Arkan

 26   et M. Hadzic, je voudrais d'abord vous demander si vous vous souvenez si

 27   cette réunion s'est déroulée avant ou après votre premier voyage en

 28   Slavonie orientale ?


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  1   R.  Après, pour autant que je m'en souvienne.

  2   Maintenant, vous dire précisément quand, cela m'est difficile. Et j'y

  3   ai, bien entendu, réfléchi lors de ma préparation avant de venir ici. J'ai

  4   toujours cette réunion à l'esprit parce que cela était très différent de

  5   tout ce que j'avais pu connaître dans ma vie. Mais vous donner un moment

  6   précis, je ne sais pas, mais je pense que c'était en tous les cas au mois

  7   de septembre 1991, mais je ne pourrais pas vous donner de date.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire comment cette réunion a commencé ? Comment se

  9   fait-il que vous vous soyez retrouvés à la pâtisserie puisque vous avez

 10   commencé par être à l'hôtel ?

 11   R.  Eh bien, je pense que cela est décrit dans ma déclaration. Mon

 12   producteur sur le terrain et moi-même, nous avions rencontré à Belgrade une

 13   personne que nous considérions comme étant un peu curieuse mais qui disait

 14   qu'il avait les bonnes relations et qui parlait anglais. Et ce soir-là, je

 15   m'étais mis au lit et je me souviens que vers 1 heure et demie du matin, on

 16   m'a appelé. La réception m'a appelé pour me dire qu'il y avait quelqu'un en

 17   bas à la réception et qui souhaitait me rencontrer ou me parler. Et il m'a

 18   parlé et m'a dit que je devais descendre pour ce qu'il a dit être une

 19   réunion importante.

 20   Et à ce moment-là on se trouve face à une décision bizarre. Mon

 21   producteur avait son propre appartement à Belgrade, donc je devais y aller

 22   seul, et c'est une de ces situations où on se retrouve dans un pays

 23   étranger où il y a des combats et où l'on doit prendre une décision.

 24   Devrais-je ou ne devrais-je pas ? Et j'ai fini par décider d'y aller. Je

 25   suis descendu et il m'attendait, pour autant que je m'en souvienne, vêtu

 26   d'une tenue de camouflage, et j'avais déjà vu cet homme auparavant, mais en

 27   tenue civile. Et il portait une Heckler Koch, qui était donc une

 28   mitraillette avec un silencieux, et il m'a demandé de le suivre. A


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  1   l'extérieur de l'hôtel il y avait une BMW avec un conducteur qui portait

  2   également une tenue de camouflage. Et je me souviens que cette BMW avait

  3   une plaque de Francfort.

  4   Q.  Est-ce que l'on pourrait s'arrêter là.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir une pièce de la

  6   Défense, le 04678, à l'onglet 167 [comme interprété].

  7   Si nous pouvions avoir la page 3 210 du compte rendu d'audience.

  8   Q.  Si nous pourrions voir la ligne 21, elle dit -- et c'est votre

  9   déposition dans le cadre de l'affaire Mrksic.

 10   R.  Hm-hm.

 11   Q.  "Et l'homme que nous avons rencontré avec mon producteur cette semaine

 12   et qui parlait anglais m'a demandé de descendre parce qu'il y avait une

 13   réunion importante à laquelle il souhaitait me conduire."

 14   Vous souvenez-vous, est-ce que c'était juste producteur qui avait rencontré

 15   cet homme ou aviez-vous également rencontré cet homme ?

 16   R.  J'avais également rencontré cet homme auparavant, une fois.

 17   Q.  Vous avez dit que vous étiez déjà au lit. Combien de temps il vous a

 18   fallu pour descendre dans le hall de l'hôtel, approximativement ?

 19   R.  Deux minutes, le temps de m'habiller, et je n'ai pas pris de douche, je

 20   ne me suis pas rasé ni rien du tout.

 21   Q.  Et est-ce que vous avez pu arriver dans le lobby à la réception de

 22   l'hôtel habillé de façon présentable ?

 23   R.  Oui, je portais une chemise, des chaussures, voilà. Le temps que ça a

 24   pris pour faire cela.

 25   Q.  Vous dites que vous êtes ensuite allé dans la voiture et que le

 26   chauffeur portait un uniforme de camouflage ?

 27   R.  Oui, c'est ce dont je me souviens.

 28   Q.  Etait-il armé ?


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  1   R.  Il y avait un fusil sur le siège passager.

  2   Q.  Vous vous êtes assis à l'arrière ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et l'homme qui est venu vous chercher à l'hôtel, est-ce qu'il s'est

  5   aussi assis à l'arrière ?

  6    R.  Pour autant que je m'en souvienne, il s'est assis à l'avant.

  7   Q.  Et combien de temps cela vous a pris de vous rendre en voiture de

  8   l'hôtel à la pâtisserie ?

  9   R.  Je ne m'en souviens pas précisément, non. Nous étions dans la nouvelle

 10   Belgrade. Ça a dû prendre un peu de temps, mais je ne peux pas vous dire

 11   combien de temps exactement.

 12   Q.  Vous souvenez-vous que la pâtisserie d'Arkan se trouvait près du stade

 13   de football ?

 14   R.  Je ne me souviens pas avoir vu le stade sur ce chemin-là, et je ne

 15   m'étais jamais rendu à la pâtisserie avant cela ni après. J'avais entendu

 16   parler de son existence, mais c'est tout. Et il faisait nuit.

 17   Q.  Serait-il juste de dire qu'il fallait au moins dix minutes pour se

 18   rendre à la pâtisserie depuis l'hôtel ?

 19   R.  Je pense, oui.

 20   Q.  Au paragraphe 61, vous nous dites :

 21   "Lorsque nous sommes sortis, j'ai vu environ 40 hommes habillés également

 22   en tenue de camouflage qui portaient des mitrailleuses, des fusils et des

 23   bazookas antichar."

 24   Je voudrais d'abord vous poser des questions sur leur habillement. Est-ce

 25   que ces hommes étaient présentables d'un point de vue professionnel ou

 26   étaient-ils négligés ?

 27   R.  Ils me semblaient bien habillés, certainement pas négligés. Il faisait

 28   sombre. J'étais surpris et à ce moment-là, j'ai réagi en disant que j'avais


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  1   commis une erreur monstrueuse en n'amenant pas mon caméraman pour filmer ce

  2   que j'étais en train de voir, et cela me semblait être une sorte de coup

  3   d'Etat en quelque sorte à ce moment-là. Mais ces hommes me semblaient être

  4   à l'aise avec leurs armes.

  5   Q.  Alors, est-ce que vous pourriez nous décrire cette scène ? Que

  6   faisaient-ils ? Est-ce qu'il y avait un véhicule dans les alentours qui les

  7   attendait ou est-ce qu'ils étaient juste là, debout, sans rien faire ?

  8   R.  Alors, je me posais la même question. Je me demandais ce qu'ils

  9   faisaient là. Mais je n'ai pas eu le temps de le demander. On m'a fait

 10   descendre directement de la voiture. Je suis passé devant ces hommes qui

 11   étaient dans la rue et je ne me souviens pas avoir vu des camions qui les

 12   attendaient. Je ne me souviens pas. S'il y en a eu, je ne m'en souviens

 13   pas. Et puis, on m'a fait entrer dans la pâtisserie.

 14   Q.  Vous nous dites ensuite :

 15   "Après quelques instants, Arkan est entré avec Goran Hadzic."

 16   D'un point de vue chronologique, combien de temps s'est écoulé pour vous

 17   lorsque vous dites "auprès un moment" ?

 18   R.  Je dirais deux, trois minutes. On m'a proposé à boire. J'ai demandé de

 19   l'eau et un café. Je pense qu'on ma donné du café et l'eau aussi avant leur

 20   arrivée.

 21   Q.  Alors, au paragraphe 61, vous dites que vous ne connaissiez pas Goran

 22   Hadzic à l'époque.

 23   Est-ce que cela veut dire que vous n'aviez jamais entendu parler de lui

 24   avant cette réunion ou est-ce que cela veut dire que vous n'aviez jamais

 25   fait sa connaissance, mais que vous aviez entendu parler de lui ?

 26   R.  Je n'avais jamais fait sa connaissance, ni avec lui ni avec l'autre.

 27   Mais j'avais entendu parler d'Arkan. Je savais qu'il s'appelait réellement

 28   Zeljko Raznjatovic. Et je n'avais jamais entendu parler de M. Hadzic.


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  1   Q.  Vous avez déclaré qu'avant cette réunion vous vous étiez rendu pour la

  2   première fois en Slavonie orientale. Est-ce que je comprends bien vos

  3   propos en concluant que cela a eu lieu après votre visite sur l'itinéraire

  4   nord ?

  5   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas si c'était avant ou après.

  6   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que dans les comptes rendus précédents,

  7   vous avez déclaré que vous vous étiez rendu dans la zone nord de Slavonie

  8   orientale ?

  9   R.  Non. Nous avons fait un voyage vers le nord et plusieurs dans le sud.

 10   Je pense que je me suis rendu deux fois dans la zone nord après cette

 11   réunion. Donc, j'ai pu en faire une avant, une seule avant.

 12   Q.  Ensuite, au paragraphe 61, vous nous dites :

 13   "Arkan a déclaré qu'il m'octroierait à moi et à mon réseau les droits

 14   exclusifs pour couvrir la guerre en Slavonie orientale."

 15   Vous nous avez décrit le processus par lequel vous avez reçu l'autorisation

 16   pour vous rendre en Slavonie orientale. Mais si je comprends bien, alors,

 17   Arkan n'a pas participé à ce processus, ou est-ce que je vous ai mal

 18   compris ?

 19   R.  Non, non, vous avez compris. Et comme je le dis également dans ma

 20   déclaration :

 21   "J'ai été très surpris."

 22   Et là, je cite mes propres propos. Je pense que c'était la dernière

 23   chose à laquelle je me serais attendu. Cela ne m'était jamais arrivé

 24   auparavant dans quelle que guerre que ce soit. J'ai vraiment été abasourdi

 25   d'entendre une telle offre faite à un journaliste occidental, et aucun

 26   journaliste occidental n'aurait accepté une telle offre.

 27   Q.  A ce moment-là, Arkan -- non, je vais vous poser la question

 28   différemment. De votre contact avec Arkan, est-ce qu'il est ressorti qu'il


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  1   s'avait que vous vous étiez déjà rendu en Slavonie orientale à cette date-

  2   là ou à la date de la réunion ?

  3   R.  Je ne me souviens pas que l'un des deux m'ait parlé de mes reportages

  4   en Slavonie orientale. Je me souviens qu'ils aient parlé de ce que j'avais

  5   fait auparavant dans la région de Banja, dans les villes de Glina, dans la

  6   ville de Glina Dvor, près de Uni, et j'en ai parlé tout à l'heure. Donc,

  7   ils ont évoqué cela. Peut-être qu'ils ont parlé d'autres reportages que

  8   j'avais filmés, mais je ne m'en souviens pas à ce stade-ci.

  9   Q.  Alors, ce que je voudrais savoir, Monsieur, c'est si vous avez eu

 10   l'impression qu'Arkan pensait que vous étiez extrêmement naïf ? Je vous

 11   pose cette question parce qu'il devait se dire que vous deviez savoir

 12   comment pouvoir passer en Slavonie orientale, et il essaie d'utiliser cela

 13   comme un moyen de transaction pour obtenir du matériel infrarouge.

 14   R.  J'ai toujours eu l'impression, même quand je repense à cet événement-

 15   là, qu'il n'était pas là uniquement pour obtenir du matériel infrarouge. Je

 16   pense que M. Hadzic et lui-même -- et je dis M. Hadzic aussi parce qu'il

 17   était avec lui à cette réunion, était là pour que je fasse des reportages

 18   sur la guerre depuis leur perspective à eux. Et ils avaient l'impression

 19   que je soutiendrais dans une certaine mesure leurs activités.

 20   Et je pense que c'était plus des relations de presse que l'obtention de

 21   matériel.

 22   Q.  Est-ce que quelqu'un d'autre était présent à part M. Hadzic et Arkan ?

 23   R.  Peut-être qu'il y avait un serveur, mais personne d'autre, si ma

 24   mémoire est bonne. Et aussi l'homme qui m'a emmené là-bas.

 25   Q.  Est-ce que M. Hadzic a parlé, a pris la parole pendant la réunion ?

 26   R.  Je ne me souviens pas qu'il se soit exprimé en anglais, qu'il m'ait

 27   parlé en anglais directement. Ils se sont parlés entre eux, en serbo-

 28   croate, et je ne comprends pas cette langue. Je ne me souviens pas que M.


Page 7016

  1   Hadzic m'ait posé de questions directement. C'est Arkan qui a mené la

  2   conversation, et il parlait anglais.

  3   Q.  Est-ce que M. Hadzic était présent pendant cette réunion de 45 minutes,

  4   comme vous l'avez décrit tout à l'heure ? Est-ce qu'il a été présent

  5   pendant l'intégralité de la réunion ?

  6   R.  Oui, d'après mes souvenirs, oui. Ils sont partis ensemble.

  7   Q.  Merci.

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Pouvons-nous passer au document 04678, onglet

  9   16 de la Défense, s'il vous plaît. Page 3 211, s'il vous plaît.

 10   Q.  Voici vos propos, Monsieur van Lynden, dans votre déposition dans

 11   l'affaire Mrksic, et je commence à la ligne 12 :

 12   "On m'a offert une tasse de café et ensuite M. Raznjatovic, avec M. Goran

 13   Hadzic, sont entrés dans la pièce, et nous nous sommes réunis, je ne sais

 14   pas, je ne m'en souviens pas précisément, mais durant 30 à 40 minutes. M.

 15   Raznjatovic parlait. Il parlait plutôt bien l'anglais. Et, d'après mes

 16   souvenirs, M. Hadzic parle anglais du tout."

 17   Est-ce qu'il ne semble pas qu'un mot manque là, Monsieur dans votre

 18   déposition dans l'affaire Mrksic ?

 19   R.  Il ne parle pas anglais du tout. La négation manque.

 20   Q.  Et à la phrase suivante, vous dites :

 21   "Donc la conversation a essentiellement lieu entre M. Raznjatovic et moi-

 22   même, et c'était la première réunion que j'ai tenue avec ces deux hommes."

 23   L'INTERPRÈTE : Le témoin acquiesce.

 24   M. GOSNELL : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que tout cela est vrai ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Dans votre déposition qui a été versée auprès du Tribunal comme

 28   déposition officielle, rien de cela transparaît.


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  1   R.  Qu'est-ce que vous entendez par rien de cela transparaît ?

  2   Q.  Eh bien, vous ne parlez pas dans votre déposition de la conversation

  3   qui s'est tenue pour l'essentiel entre vous et M. Raznjatovic, et que M.

  4   Hadzic ne parlait pas anglais.

  5   R.  Monsieur Hadzic --

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton.

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Oui, je voudrais attirer l'attention de mon

  8   confrère sur le fait que le témoin a déclaré au paragraphe 61 que "M.

  9   Hadzic ne parle pas beaucoup. Il n'y a pas mention de l'anglais". Et je

 10   pense que cela porte sur ce que l'on vient de poser comme question au

 11   témoin.

 12   Q.  Est-ce que vous avez le paragraphe 61 sous les yeux, Monsieur ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Seriez-vous d'accord pour dire qu'il y a certains éléments de vos

 15   souvenirs qui ne sont pas repris dans cette déclaration ?

 16   R.  Je ne me souviens pas que M. Hadzic ait beaucoup parlé. Je ne me

 17   souviens pas qu'il m'ait adressé la parole. Je ne me souviens pas l'avoir

 18   entendu parler anglais. Je me souviens qu'Arkan a pris la parole la plupart

 19   du temps et qu'il parlait plutôt bien l'anglais, couramment serait exagéré.

 20   Je me souviens qu'il a déclaré que eux deux aimaient mon travail. Je me

 21   souviens qu'il m'a fait cette offre, donc je ne vois pas de quoi vous

 22   parlez.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Alors peut-être que nous aborderons cela

 24   après la pause.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est l'heure de faire notre deuxième

 26   pause, Monsieur van Lynden, 30 minutes. Nous vous invitons à revenir à 12

 27   heures 45.

 28   [Le témoin quitte la barre]

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

  2   --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous avez terminé de

  7   revoir les deux vidéos ?

  8   Mme CLANTON : [interprétation] Oui, nous avons pu re-visionner les deux

  9   vidéos et nous avons pu déterminer quels morceaux ont été déjà utilisés et

 10   quels morceaux ne sont peut-être pas liés directement aux éléments de

 11   preuve apportés par ce témoin en l'espèce.

 12   D'un point de vue général, nous ne nous opposons pas à l'admission de

 13   ces séquences vidéo parce qu'il s'agit de reportages de M. van Lynden. Le

 14   témoin n'a pas eu l'occasion de voir toutes les séquences vidéo qui sont

 15   reprises dans les séquences vidéo que la Défense a demandé d'être versées,

 16   et nous devrions passer en revue ces séquences vidéo bien particulières

 17   avant de ne pas soulever d'objection sur leur versement.

 18   De plus, l'Accusation n'a pas eu la possibilité de revoir toutes les

 19   personnes qui ne sont pas identifiées dans les séquences vidéo. Etant donné

 20   que ces personnes font partie des éléments de preuve, j'ai regardé en

 21   particulier deux séquences vidéo. Pour l'intégralité d'une séquence vidéo,

 22   il s'agit des reportages qui ont été montrés et qui font partie des

 23   éléments de preuve. Une autre partie est intégrée dans sa déclaration en

 24   vertu de l'article 92 ter et comporte une cote 65 ter. Donc, pour celle-ci,

 25   si la Défense décide demander le versement de cette séquence vidéo sur la

 26   Slavonie orientale, elle peut le faire, mais pour ce qu'au temps qui a une

 27   cote 65 ter pour qu'il n'y ait pas de chevauchement.

 28   Quant aux autres documents admis, l'autre vidéo est la vidéo 05030 et


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  1   il y a plusieurs --

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, vous parlez de la deuxième ou

  3   de la première séquence vidéo ?

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Je pense que c'est la deuxième.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La deuxième, d'accord.

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Donc, la deuxième, qui a été montrée au

  7   témoin, pour la partie qui a été montrée, elle n'a pas fait de visionnages

  8   antérieurs et donc ne porte pas sur les éléments de preuve du témoin. Il y

  9   a d'autres reportages dans cette vidéo intégrale qui dure 40 minutes et qui

 10   couvre des sujets dont le témoin n'a pas parlé. Le conseil de la Défense ne

 11   lui a pas montré non plus certaines parties de cette vidéo intégrale, et

 12   donc nous nous opposons à son admission. Il s'agit d'événements dans

 13   d'autres parties de la Croatie et d'autres questions liées aux évolutions à

 14   cette période-là.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Alors, pour la vidéo 05030 --

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La première ?

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Je pense que c'est la deuxième. Je pense que

 19   c'est celle pour laquelle l'Accusation a un problème. Alors, d'après ce que

 20   j'ai compris, et corrigez-moi si je me trompe, j'ai compris que

 21   l'intégralité de cette séquence avait été préparée du moins avec

 22   l'assistance de M. van Lynden ou entrait dans le cadre de son travail. Je

 23   ne sais pas pourquoi il y a eu fusionnage [phon] de plusieurs séquences

 24   vidéo différentes, mais la raison pour laquelle j'aimerais demander le

 25   versement dans son intégralité c'est parce qu'il y a une séquence

 26   temporelle qui est reprise dans cette vidéo intégrale. Je ne sais pas si M.

 27   van Lynden a participé au montage de cette vidéo. Mais nous maintenons

 28   notre demande de verser l'intégralité de la vidéo.

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors pour l'instant, je vous propose

  2   de lui attribuer une cote provisoire. Les parties peuvent en discuter, et

  3   voyons s'ils arrivent à résoudre le problème de leur côté, et si ce n'est

  4   pas le cas ils pourront revenir vers nous.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La vidéo 05030 de la liste 65 ter

  6   reçoit la cote provisoire D86.

  7   Et la 05033 reçoit la cote provisoire D87.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

  9   Mme CLANTON : [interprétation] Pour que les choses soient claires, les

 10   parties de ces vidéos sont des pièces connexes ne seront pas touchées par

 11   la décision des Juges de la Chambre quant à la cote provisoire --

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est exact.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] Merci.

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur van Lynden, désolé de ce

 16   petit retard. Nous devions discuter de question technique.

 17   Maître Gosnell, veuillez continuer.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Monsieur van Lynden, au paragraphe 63 de votre déclaration vous nous

 20   dites :

 21   "Pour garantir un accès exclusif il fallait qu'il," c'est-à-dire Arkan,

 22   "puise contrôler l'accès à la région et supposément empêcher des

 23   journalistes d'y entrer. Ce genre de contrôle nécessitait l'aval de l'armée

 24   et des autorités locales."

 25   J'aimerais d'abord vous demander ce que vous entendez par "autorités

 26   locales" ici, Monsieur ?

 27   R.  Bien, les autorités locales sont pour moi, et je vous parle de mon

 28   expérience, sur l'itinéraire nord, il y avait là-bas des forces de la


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  1   Défense territoriale, donc celles qui m'avaient emmené à Brdasin et comme

  2   nous l'avons vu aujourd'hui. Donc je parlais de cela, donc d'une entité à

  3   part de la JNA.

  4   Q.  Et de par vos observations, est-ce que ces autorités locales étaient

  5   sous le commandement de la JNA ?

  6   R.  Lors de cette visite à Brsadin je n'ai pas pu constater de contrôle de

  7   la JNA. Peut-être que oui, mais d'après ce que j'ai vu lors de ma visite,

  8   non.

  9   Q.  Et lors de l'autre visite, nous avons vu des images de cela, vous étiez

 10   sur la ligne de front et nous avons vu plusieurs uniformes, est-ce que vous

 11   diriez qu'à ce moment-là la Défense territoriale était sous le contrôle de

 12   la JNA ?

 13   R.  Je ne suis pas sûr qu'à cet endroit-là - je pense que vous faites

 14   référence à l'extérieur d'Osijek - j'ai vu des soldats de la Défense

 15   territoriale. Mais que je sache, c'étaient des réservistes et ils étaient

 16   des officiers de carrière et ils étaient sous le commandement et le

 17   contrôle du commandant de brigade que nous avons vu dans ces images.

 18   Q.  Et comment établiriez-vous une différence entre les réservistes de la

 19   Défense territoriale et des membres de milice, par exemple ?

 20   R.  Il y a plusieurs différences. Tout d'abord, le type de vêtements qu'ils

 21   portent. Si vous regardez les images de Brsadin, vous verrez que certains

 22   portent des jeans. Donc il y a les vêtements. Les réservistes portent

 23   souvent les vêtements de la JNA mais ils avaient les cheveux plus longs, on

 24   venait de les mobiliser, pour la milice, eh bien, ces milices, les membres

 25   des milices portaient plusieurs insignes différentes, en tout cas c'est ce

 26   que Zoran m'a dit parce qu'il parlait à ces personnes-là et il a pu me

 27   donner ces informations.

 28   Q.  Donc pour les uniformes vous avez eu l'impression que ceux qui


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  1   portaient des vêtements de couleur gris kaki étaient des réservistes, et

  2   ils ne faisaient pas partie de la Défense territoriale ?

  3   R.  Peut-être, mais sur le terrain on nous disait souvent à qui

  4   appartenaient ces personnes-là. Et lors de ma visite à Brsadin, on nous a

  5   dit, si ma mémoire est bonne, que ces personnes étaient des membres de la

  6   Défense territoriale.

  7   Q.  Alors au paragraphe 63 plus loin, vous nous dites :

  8   "Vu que c'est ce qu'avait proposé Arkan et Hadzic, Hadzic étant un

  9   dirigeant politique, j'ai supposé qu'ils coopéraient et qu'ils avaient

 10   convenu qu'ils allaient mettre cela en place. Arkan et Hadzic étaient à

 11   l'aise l'un avec l'autre et je dirais qu'ils travaillaient comme des alliés

 12   proches."

 13   Est-il exact que votre observation se fonde sur ce que vous avez vu à cette

 14   réunion ?

 15   R.  Oui. Nous les avons revus, mais moins longtemps. Mais lors de cette

 16   réunion à Belgrade c'était mon impression, oui.

 17   Q.  Vous avez dit que vous les aviez revus ?

 18   R.  A Erdut.

 19   Q.  Quand et où cela a-t-il eu lieu ?

 20   R.  Eh bien, après cette réunion-là. J'y étais seul et je voulais présenter

 21   le producteur local à ces deux messieurs, je ne voulais pas être le seul à

 22   couvrir la guerre, être le seul correspondant à couvrir la guerre,

 23   quelqu'un d'autre devait venir de Londres, en général on restait en poste

 24   pendant 60 jours et puis quelqu'un prenait le relais, donc je trouve que

 25   c'était important que Zoran l'ait rencontrés et il l'a fait. Et d'après ce

 26   que je me souviens, ce que je me rappelle, nous sommes passés à côté des

 27   bureaux et avons rencontré M. Hadzic là-bas et c'est là qu'on nous a

 28   récupéré au bureau d'Arkan et puis on nous a emmenés dans ce camp de


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  1   formation, ou ces bâtiments de formation, je ne sais plus à quel endroit

  2   exactement, et nous n'y sommes pas restés longtemps. A ce camp, je dirais,

  3   pendant 30 minutes nous sommes restés, puis nous avons passé notre chemin.

  4   Q.  Donc au moment où vous avez vu Arkan et M. Hadzic ensemble en plus de

  5   cette réunion-là, c'est lorsque Arkan est allé au bureau de Hadzic. Est-ce

  6   que j'ai bien compris ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et combien de temps sont-ils restés ensemble et combien de temps êtes-

  9   vous resté avec eux ?

 10   R.  Je ne me souviens pas précisément de la durée, mais pas très longtemps

 11   probablement.

 12   Q.  Vous souvenez-vous des propos tenus, s'il y en a eu, pouviez-vous les

 13   comprendre ?

 14   R.  Ils parlaient serbo-croate, et je ne me souviens pas exactement de ce

 15   qui a été dit à ce moment-là, non.

 16   Q.  Donc lorsque vous dites dans votre déclaration que c'étaient des alliés

 17   proches, vous fondez cette allégation sur la réunion à la pâtisserie et sur

 18   le moment où Arkan est allé au bureau de Hadzic; exact ?

 19   R.  Oui. Oui, ils semblaient bien s'entendre lorsque je les ai vus. Je

 20   n'avais aucune raison de douter de cela -- et puis c'est eux qui ont

 21   convoqué cette réunion, et pas le contraire. Je n'avais pas demandé à les

 22   voir, ils avaient demandé à me voir. Et ils voulaient me voir ensemble.

 23   Donc j'en ai conclu qu'ils étaient proches l'un de l'autre, oui.

 24   Q.  Mais vous avez utilisé le mot alliés.

 25   R.  Oui, oui. Oui. Qu'est-ce qu'il y a de mal à dire alliés ? Ils

 26   représentaient le même camp. Pour moi c'étaient des alliés, oui.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document

 28   04678, s'il vous plaît, l'onglet de la Défense 16, page 3 212.


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  1   Q.  Monsieur van Lynden, ce passage découle de votre contre-interrogatoire

  2   dans l'affaire Mrksic, contre-interrogatoire de la Défense.

  3   Et j'aimerais remettre en contexte votre réponse par rapport à la question

  4   et je commencerai à citer la ligne 3 :

  5   "Question : Vous avez roulé votre bosse, vous vous êtes rendu sur beaucoup

  6   de lignes de front. Vous avez rencontré beaucoup de guerriers. Nous parlons

  7   à présent de Goran Hadzic et de Zeljko Raznjatovic, Arkan. J'aimerais

  8   savoir quel était d'après vous leurs liens, leur lien mutuel, leur

  9   relation. Est-ce qu'ils se faisaient confiance ? Existait-il quelques

 10   divergences, peut-être, entre eux ? J'aimerais avoir votre impression,

 11   l'impression que vous avez eue suite à leur comportement en votre présence.

 12   "Réponse : Ce n'est qu'une impression, mais il m'a semblé que ces deux

 13   hommes, du moins sur le plan politique, partageaient les mêmes avis. Ils

 14   semblaient être plutôt différents. D'un côté, il y avait l'homme qui ne

 15   cachait pas le fait qu'il était à la tête d'une milice et il était dans son

 16   bain avec les armes et lorsqu'il y avait des morts. Et puis l'autre, du

 17   moins c'est encore mon impression, était plutôt un homme politique, pas une

 18   figure militaire. Alors, à quel point étaient-ils proches ou pas, il

 19   m'était difficile de le dire suite à une seule rencontre. Et il faut savoir

 20   que la plupart du temps de parole a été occupé par l'un seul des deux

 21   pendant cette rencontre puisque nous ne pouvions pas nous parler avec

 22   l'autre, nous n'avions pas de langue que nous connaîtrions tous les deux,

 23   enfin de langue commune."

 24   Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit pendant cette déposition ?

 25   R.  Ecoutez, bien sûr, cette impression se fondait sur une seule réunion,

 26   une seule rencontre. Et ces deux hommes étaient différents. Il y avait d'un

 27   côté quelqu'un qui était à la tête d'une milice et puis, l'autre m'a semblé

 28   être un chef de file politique, mais mon sentiment a été qu'ils se


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  1   sentaient très à l'aise l'un avec l'autre et que ces deux hommes étaient

  2   des alliés politiques.

  3   Q.  M. Hadzic, est-ce qu'il a fait part de points de vue politiques, de

  4   positions politiques pendant cette réunion ?

  5   R.  Non, pas pour autant que je m'en souvienne. Je me souviens cependant

  6   d'une chose de réunion, mis à part leur offre et puis l'échange qui a eu

  7   lieu au sujet de mon passé, et M. Raznjatovic m'a dit qu'il ne prenait pas

  8   de prisonniers, et que s'il m'accordait la possibilité de l'accompagner, eh

  9   bien qu'il ne me permettrait pas de filmer des meurtres de prisonniers

 10   capturés par lui. On m'a dit à ce moment-là qu'une nouvelle armée serbe

 11   serait créée, et à la différence de la JNA, que ce serait une armée serbe à

 12   proprement parler. Et les deux hommes étaient d'accord sur le fait que cela

 13   devrait se produire.

 14   Et puis, je suis parti, on m'a conduit, je n'ai pas été emmené à

 15   l'hôtel et je me suis retrouvé avec un homme âgé qui lui parlait anglais et

 16   qui m'a parlé de nouveau de cette mise sur pied d'une nouvelle armée serbe.

 17   Et comme ils m'ont envoyé voir cet homme, je suppose qu'il partageait cette

 18   opinion. Autrement, pourquoi est-ce qu'il m'aurait emmené à cette villa, à

 19   cet homme. Mais c'était assez tard la nuit que j'ai eu la rencontre avec

 20   cet homme.

 21   Donc c'était la seule chose que je pourrais ajouter sur leurs

 22   opinions politiques.

 23   Q.  Dans Mrksic, vous dites :

 24   "Nous ne partagions pas la même langue." Et là, vous pensiez à vous-

 25   même et à M. Hadzic ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et est-ce que vous avez pu comprendre dans quelle mesure M. Hadzic a

 28   suivi votre conservation avec Arkan ?


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  1   R.  Ça, il faudrait lui poser à lui la question. Mais il semblait

  2   complètement à l'aise, tout à fait à l'aise avec ce qu'Arkan me disait et

  3   ce que je répondais. Je ne me souviens pas si Arkan a tout traduit. Je

  4   pense que non. Et je ne peux pas vous dire combien il a compris de

  5   l'ensemble des choses qui se sont dites.

  6   Q.  Alors, je voudrais maintenant que l'on jette un coup d'œil sur le

  7   paragraphe 65 de votre déclaration.

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

  9   Q.  Ici, vous relatez le moment où vous vous êtes rendu dans le centre

 10   d'instruction d'entraînement d'Arkan ou sa caserne. Et puis vous dites :

 11   "C'est uniquement à partir du moment où je me suis rendu à sa caserne

 12   d'Erdut que je me suis rendu compte que ces hommes étaient tous des

 13   criminels. C'était la série la plus extraordinaire de physionomies. Ils

 14   portaient tous des cicatrices et des traces de blessures et tous ces

 15   visages étaient marqués par un passé criminel. De toute évidence, ils

 16   n'étaient pas aptes pour un service militaire. Je dirais que c'étaient des

 17   gens qui venaient après que le plus gros du travail était ait été fait par

 18   l'armée. C'était eux qui faisaient du nettoyage et ils se livraient au

 19   pillage."

 20   Q.  Alors, est-ce que tout cela se forme sur votre analyse de leur faciès ?

 21   R.  Au fond, oui. On n'a pas passé beaucoup de temps là-bas et j'avais vu

 22   pour ma part de nombreuses unités militaires dans ma vie. J'ai vu des

 23   milices autant que des armes régulières et je n'ai jamais rencontré un

 24   échantillon de ce type-là de ma vie.

 25   Tout comme à Beyrouth, j'ai connu de nombreuses milices. Il était

 26   clair qu'à certains endroits, il y avait plus de criminels que de

 27   militaires. Et j'ai comparé ces hommes-ci à cela. J'avais le sentiment que

 28   c'était plutôt une unité criminelle et pas militaire.


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  1   Q.  Vous nous avez dit précédemment que vous avez vu 40 hommes dans la

  2   milice d'Arkan à Belgrade, devant la pâtisserie, et qu'en fait ils se

  3   présentaient bien. Est-ce que vous avez remarqué la même chose à Erdut, si

  4   on laisse de côté leurs visages ?

  5   R.  Ecoutez, je peux difficilement laisser de côté leurs visages. Je ne

  6   pouvais pas voir leurs visages à Belgrade parce qu'ils étaient en tenue de

  7   camouflage, et je dois dire que ce sont leurs visages qui m'ont beaucoup

  8   marqué quand je me suis rendu à Erdut.

  9   Et aussi, il y avait quelque chose d'étrange dans la manière dont ils

 10   portaient leurs uniformes. Ça donnait l'impression d'une attitude

 11   professionnelle.

 12   Mais de la manière dont ils portaient leurs armes, ils semblaient

 13   vraiment à l'aise. Tout cela avait l'air normal, sauf les visages que je

 14   n'ai jamais vus à Belgrade cette nuit-là et que j'ai découverts à Erdut.

 15   C'est ça qui m'a frappé.

 16   Q.  Est-ce qu'il y avait d'autres signes qui vous auraient permis de penser

 17   qu'ils avaient commis des crimes, est-ce qu'il y avait d'autres signes que

 18   vous avez remarqués lorsque vous vous êtes rendu à la caserne ? Est-ce

 19   qu'il y avait quelque chose qui correspondait aussi à ce que vous

 20   appelleriez "discipline professionnelle militaire" ?

 21   R.  Eh bien, écoutez, il y avait des commandants. Je veux dire, il y avait

 22   Arkan et puis les subalternes. Nous n'avons pas filmé là-bas.

 23   Q.  Est-ce que vous avez entendu dire qu'au lieu de venir après l'armée,

 24   c'était plutôt l'unité d'Arkan qui devançait l'armée dans le nombre

 25   d'attaques lancées par l'infanterie ?

 26   R.  Est-ce que j'ai jamais entendu dire cela ? Oui. L'ai-je jamais vu ?

 27   Personnellement, non. Et puis, il y a eu d'autres situations, plus

 28   précisément en Bosnie, à Bijeljina. Et puis, vers la fin de la guerre, en


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  1   Bosnie, à Sanski Most, là-bas aussi, ses forces ont pris part.

  2   Q.  Alors, est-ce qu'au sein de la JNA quelqu'un vous a parlé des liens

  3   entre la JNA et la milice d'Arkan ?

  4   R.  Que dirais-je ? Du côté de ceux avec qui nous avons essayé de parler

  5   des liens, non seulement de la JNA avec Arkan, mais également avec les

  6   hommes de Seselj, les gens réagissaient mal. Donc, lorsque nous demandions

  7   quels étaient les liens, plus précisément qui commandait, eh bien,

  8   c'étaient des questions gênantes. Et le plus souvent, on ne répondait pas à

  9   cela. Donc, ce n'était pas des échelons supérieurs de la JNA qui nous

 10   apportaient une réponse, ce que nous avons vu à Belgrade.

 11   Q.  Est-ce que cela veut dire que vous avez eu le sentiment qu'ils ne

 12   voulaient pas reconnaître le fait qu'Arkan était avec eux ?R.  Oh, il

 13   savait certainement qu'Arkan était là. Tout le monde savait qu'Arkan était

 14   là. Il était à la télévision. Deux ou trois de ces hommes ont été capturés

 15   et tués par les Croates et cela a fait beaucoup de bruit. De toute

 16   évidence, ils ont été torturés avant d'être rendus. Donc, j'ai vu des

 17   images de cela, et puis ça a été diffusé à la télévision de Belgrade.

 18   Donc ils savaient pertinemment qu'Arkan existait. Mais tout

 19   simplement, ils ne voulaient pas donner de détails sur des relations de

 20   supériorité, de commandement, qui commandait qui, et ils ne voulaient pas

 21   dire si l'armée le commandait ni de quelle manière ses forces étaient

 22   utilisées.

 23   Q.  Je vous ai mal posé ma question.

 24   Je voulais vous demander la chose suivante : ces officiers de la JNA

 25   que vous avez rencontrés à Belgrade, ce sont eux qui l'ont déployé en

 26   Slavonie de l'est, c'est eux qui le contrôlaient, qu'il l'utilisaient dans

 27   les opérations, et ils ne voulaient simplement pas reconnaître cela devant

 28   vous.


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  1   R.  Oui, cela se peut bien. Mais toujours est-il qu'ils ne l'ont jamais

  2   reconnu devant moi.

  3   Cependant, je dirais que sa simple présence là-bas signifiait qu'ils

  4   devaient savoir, qu'il y avait une complicité entre lui et la JNA. Et cela

  5   n'aurait pas pu se produire si la JNA ne l'avait pas autorisé d'accès.

  6   Q.  Est-ce que vous savez qu'il y a eu une conférence de presse qui a eu

  7   lieu en décembre 1991, janvier 1992, et que à ce moment-là un général de la

  8   JNA s'est félicité du rôle joué par Arkan dans plusieurs opérations de la

  9   JNA ?

 10   R.  Ecoutez, je n'étais pas présent à cette conférence de presse, donc non.

 11   Mais pour revenir à la question que vous avez initialement posée, lorsque

 12   nous avions des interlocuteurs qui étaient plutôt haut placés, eh bien,

 13   personne ne nous a dit concrètement qu'Arkan était placé sous leurs ordres.

 14   Une personne nous a dit que c'était eux qui le contrôlaient. On n'a jamais

 15   entendu cela.

 16   Q.  Et basé sur ce que vous avez pu remarquer, sur l'équipement, les armes,

 17   les véhicules, leurs uniformes, et cetera, est-ce qu'il y avait quoi que ce

 18   soit d'après ce que vous avez vu au centre d'instruction qui vous aurait

 19   permis de penser qu'il y avait un lien entre Arkan et la JNA ?

 20   R.  Mais je vous l'ai déjà dit, ils n'auraient pas pu être là sans lien

 21   avec la JNA. La simple présence de ces hommes-là signifiait qu'il y avait

 22   nécessairement un lien avec la JNA.

 23   Q.  Oui, ça, j'ai compris. Mais je vous demande, vous êtes quelqu'un qui a

 24   une expérience militaire, sur la base des armes que vous avez vues, de

 25   l'équipement, des uniformes, les véhicules, est-ce que cela vous a permis

 26   de penser qu'il y avait un lien entre la milice d'Arkan et la JNA ?

 27   R.  Ecoutez, je pense que oui, parce que autrement pourquoi est-ce qu'on

 28   l'aurait autorisé à se doter de l'ensemble de ce matériel ? Il y avait


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  1   nécessairement un lien direct entre les deux, même si beaucoup de cet

  2   armement venait de l'Europe de l'ouest.

  3   Q.  Vous-même, vous avez servi dans la Marine royale néerlandaise pendant

  4   deux années et demi; exact ?

  5   R.  Exact.

  6   Q.  Alors, est-ce qu'il existe une unité antiterroriste dans la marine

  7   néerlandaise ?

  8   R.  Ce n'est pas l'appellation, mais oui, l'unité de ce type existe.

  9   Q.  Alors, ai-je raison de dire que cette unité agit de concert avec la

 10   police dans le cadre de différentes actions qu'elle lance ?

 11   R.  Dans le cadre des opérations antiterroristes, du moins pendant que j'en

 12   étais - et la situation a pu changer depuis - oui, ce sont des forces qui

 13   sont composées tant de policiers que de marines.

 14   Q.  Est-ce que vous diriez que cette unité fait partie des forces spéciales

 15   ?

 16   R.  Non. Je dirais que c'est une unité antiterroriste. Et vous y avez,

 17   comment dirais-je, différentes compétences. Par exemple, vous avez des

 18   tireurs embusqués. Ça, ce n'est pas quelque chose qu'on nous enseigne dans

 19   la marine néerlandaise, mais dans la police, vous avez des tireurs d'élite.

 20   Et puis, dans son ensemble, la marine néerlandaise pourrait être considérée

 21   comme force spéciale néerlandaise. C'est une petite unité de commandos.

 22   Q.  Et quel est l'équipement dont ils disposent ? Est-ce qu'elle dispose de

 23   balaclaves [phon] ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et quand est-ce qu'ils les utiliseraient ?

 26   R.  Pour des opérations de nuit.

 27   Q.  Vous voulez dire pour se dissimuler ?

 28   R.  Oui.


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D576 à

  2   l'onglet 27 de la Défense.

  3   Q.  Monsieur van Lynden, pendant combien de temps avez-vous couvert la

  4   guerre du Golfe ? Je veux dire la première guerre du Golfe ?

  5   R.  A partir de mois d'août 1990 jusqu'à fin mars 1992 -- 1991, excusez-

  6   moi.

  7   Q.  Est-ce que vous avez vu des commandants de la marine des Etats-Unis

  8   déployés dans des opérations ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Est-ce que vous savez si les balaclaves faisaient partie de leur

 11   équipement régulier ?

 12   R.  Cela est possible, mais je n'ai jamais rencontré de commandos de la

 13   marine américaine.

 14   Q.  Sur la base de cette photo qui s'affiche, est-ce que vous reconnaîtriez

 15   quoi que ce soit ?

 16   R.  Non, pas particulièrement.

 17   Q.  Et les forces spéciales françaises, est-ce que vous savez si elles

 18   aussi reçoivent des balaclaves ?

 19   R.  Je ne peux pas parler de forces spéciales françaises parce que je n'ai

 20   jamais travaillé avec elles.

 21   Q.  Monsieur van Lynden, je vous prie.

 22   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec

 23   mon contre-interrogatoire.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Gosnell.

 25   Madame Clanton, est-ce que vous avez des questions supplémentaires ?

 26   Mme CLANTON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur van Lynden, votre témoignage

 28   est terminé. Nous vous remercions d'avoir apporté votre assistance à ce


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  1   Tribunal. Vous êtes maintenant libéré, vous n'êtes plus témoin et vous

  2   pouvez vous faire accompagner par M. l'Huissier.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  4   [Le témoin se retire]

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Y a-t-il autre chose à discuter ? Je

  6   suppose que nous n'avons pas d'autre témoin.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Il est arrivé cette fin de semaine pour

  8   récolement, Monsieur le Juge, et nous préférerions qu'il commence à déposer

  9   demain matin.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela nous semble raisonnable étant

 11   donné qu'il est tard, et donc nous en tenons compte.

 12   S'il n'y a rien d'autre, l'audience est levée.

 13   --- L'audience est levée à 13 heures 21 et reprendra le mardi, 16 juillet

 14   2013, à 9 heures 00.

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