Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 27 août 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire et dans les pièces adjacentes.

  7   Monsieur le Greffier, soyez le bienvenu de retour. Veuillez citer

  8   l'affaire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 10   les Juges.

 11   Affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Les parties peuvent-elles se présenter.

 14   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 15   Douglas Stringer pour l'Accusation, avec Thomas Laugel et notre commise à

 16   l'affaire, Jaclyn Fortini.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Maître Zivanovic.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour.

 20   Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell pour la Défense de Goran

 21   Hadzic. Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 23   Monsieur Stringer, est-ce que votre témoin est prêt ?

 24   M. STRINGER : [interprétation] Oui, je pense, Monsieur le Président. C'est

 25   l'ambassadeur Geert Ahrens.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Faites entrer le témoin, s'il vous plaît.

 28   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Excellence. Je vous remercie

  2   d'être venu à La Haye pour apporter votre assistance au Tribunal.

  3   Dans un premier temps, je vais vous inviter à décliner votre identité.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Geert Ahrens. Ma date de naissance est

  5   celle du 29 juillet 1934. Je suis né à Berlin. Et de nationalité, je suis

  6   Allemand.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous allez

  8   prononcer une déclaration solennelle par laquelle on invite les témoins à

  9   s'engager à dire la vérité. Et je tiens à préciser qu'à partir du moment où

 10   vous allez prononcer cette déclaration solennelle, vous vous exposez à des

 11   sanctions pour faux témoignage si les informations que vous fournissiez au

 12   Tribunal ne seraient pas exactes et ne seraient pas véridiques.

 13   Je vous invite à prononcer la déclaration solennelle.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   LE TÉMOIN : GEERT AHRENS [Assermenté]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

 19   installer.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, c'est à vous.

 22   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Interrogatoire principal par M. Stringer : 

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Ambassadeur Ahrens. M'entendez-vous bien ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Nous pouvons ajuster votre chaise, si cela était nécessaire, pour que

 27   vous soyez plus confortablement assis.

 28   R.  C'est très bien. Merci.


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  1   Q.  Ambassadeur, nous venons d'être mis en garde contre notre manière de

  2   procéder. Nous ne pouvons pas parler en même temps. Les interprètes qui

  3   travaillent ici interprètent notre échange dans différentes langues, et il

  4   est très important pour tous les deux de ménager une pause entre les

  5   questions et les réponses.

  6   L'INTERPRÈTE : La cabine française signale que la cabine anglaise venait de

  7   remarquer qu'il n'y avait pas de pause.

  8   M. STRINGER : [interprétation]

  9   Q.  Donc, Ambassadeur, pourriez-vous nous esquisser votre parcours

 10   académique et professionnel.

 11   R.  Je suis juriste et diplomate de carrière. Je suis devenu employé du

 12   ministère des Affaires étrangères allemand en avril 1965, et j'ai pris ma

 13   retraite à l'âge requis en août 1999.

 14   J'ai été chargé de l'ex-Yougoslavie de 1972 à 1975 à l'ambassade de

 15   l'Allemagne à Belgrade. Et de 1991 à 1996, j'ai été ambassadeur chargé des

 16   différents efforts de médiation dans l'ex-Yougoslavie.

 17   Après mon retrait, je me suis rendu aux Etats-Unis et j'ai rédigé un livre

 18   de mémoires. J'ai toujours des liens avec l'ex-Yougoslavie puisque j'ai été

 19   actif en Serbie en 2007 et en Croatie en 2011, ainsi qu'au Monténégro en

 20   2012, et cette année en Macédoine dans le cadre de la mission de l'OSCE

 21   chargée de superviser les élections.

 22   Et je tiens à ajouter que je me suis rendu en Yougoslavie pour la

 23   première fois en 1956. J'ai appris la langue, le serbo-croate, comme on

 24   l'appelait à l'époque. J'ai beaucoup d'amis, notamment en Serbie et au

 25   Monténégro [comme interprété], et ces amitiés se sont prolongées jusqu'à

 26   aujourd'hui. Donc je dois dire que, compte tenu de tout cela, je me sens

 27   chez moi en Yougoslavie.

 28   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je vous remercie. Vous avez dit que vous


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  1   avez été employé de l'ambassade de l'Allemagne à Belgrade dans les années

  2   1970. Pouvez-vous nous dire quel a été votre rôle à ce moment-là ?

  3   R.  J'étais chargé des relations culturelles et scientifiques entre

  4   nos deux pays, et puisque je parlais couramment la langue, j'ai pu

  5   travailler dans une ambiance de travail très constructive là-bas.

  6   Q.  Vous venez de mentionner un livre que vous avez rédigé et je voudrais

  7   vous poser quelques questions là-dessus. Nous allons, bien entendu, aborder

  8   cela dans le détail de manière plus précise pendant votre déposition, mais

  9   juste pour introduire le sujet : à l'été 1991, étiez-vous à la tête du

 10   contingent allemand, qui était à l'époque connu sous le nom de la Mission

 11   d'observation de la communauté internationale [comme interprété], ou la

 12   MOCE ?

 13   R.  Oui, c'est exact. En Croatie, j'ai assumé cinq fonctions différentes.

 14   Il serait peut-être utile d'expliquer de quoi il s'est agi.

 15   Q.  Oui, tout à fait. Nous allons parcourir cela. Nous allons parler de

 16   chacune de vos fonctions de manière plus détaillée.

 17   Mais vous avez été nommé dans le cadre de la Mission de la Communauté

 18   européenne, la MOCE, à quel moment et pendant combien de temps ?

 19   R.  A partir du 15 juillet 1991 jusqu'à la fin du mois de septembre.

 20   Q.  Et où étiez-vous basé ? Où était basée la MOCE à ce moment-là ?

 21   R.  C'était à Zagreb. Mais notre activité était rigoureusement limitée par

 22   notre mandat. Nous ne nous sommes occupés que de l'issue du conflit en

 23   Slovénie. Nous ne nous sommes pas occupés des zones de conflit en Croatie.

 24   Cela ne devait intervenir que bien plus tard, parce que Milosevic s'est

 25   opposé à tout mandat qui nous amènerait dans ces zones.

 26   Q.  Très bien. Et à partir du moment où vous avez quitté la MOCE, en 1991

 27   et 1992, est-ce que vous avez participé à l'initiative européenne qui a eu

 28   pour objectif de négocier un règlement de la crise en Yougoslavie, à savoir


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  1   la conférence connue sous le nom de Carrington ?

  2   R.  Oui. Je dois dire que tout d'abord, je me suis trouvé encore à Zagreb

  3   et j'ai accompagné l'ambassadeur néerlandais, Henry Wijnaendts, dans le

  4   cadre de certains déplacements plutôt dangereux dans les zones de conflit

  5   en Croatie. Et l'ambassadeur Wijnaendts est celui qui m'a fait venir à la

  6   conférence Carrington pour être à la tête du groupe chargé des droits de

  7   l'homme et des minorités, ce groupe de travail où j'ai travaillé jusqu'à la

  8   fin de la conférence Carrington en août 1992.

  9   Q.  Très bien. Et à la fin de la conférence Carrington, est-ce que vous

 10   avez commencé à travailler au sein d'une autre instance, à savoir la

 11   Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie ?

 12   R.  Oui. Cette conférence a été l'enchaînement direct de la conférence

 13   Carrington. Nous l'avons appelée par l'abréviation l'ICFY. Et donc, j'en

 14   parlerai en utilisant cette abréviation-là. J'y suis devenu tête d'un des

 15   six groupes de travail.

 16   Q.  Sur la base de vos expériences au sein de la Mission de MOCE, la

 17   conférence Carrington et la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie,

 18   c'est sur cette base-là que vous avez rédigé un livre ?

 19   R.  Oui, j'ai rédigé un livre. Je dois dire que dans le cadre du groupe de

 20   travail sur les minorités dans le cadre de la conférence, je me suis

 21   occupé, non seulement de la Croatie, mais aussi du Kosovo, de la Macédoine

 22   et du Monténégro, ainsi que du Sandzak et de la Vojvodine. Donc nous avons

 23   été extrêmement occupés.

 24   Q.  Et nous allons voir cela de plus près pendant votre déposition.

 25   R.  Oui. Le livre décrit tout cela.

 26   Q.  Comme vous venez de le dire, vous avez écrit ce livre par la suite.

 27   Pendant quelles années ?

 28   R.  J'ai eu une bourse de la part du Centre international Woodrow Wilson de


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  1   Washington, et donc je m'y suis trouvé une fois puis pendant deux mois par

  2   la suite. Et j'ai continué à travailler au Centre de recherche scientifique

  3   européen de Bonn. Et le livre a été terminé en été 2004.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Juste pour votre information, Monsieur le

  5   Président, Messieurs les Juges, nous n'allons pas demander que ce livre

  6   soit versé au dossier, mais il a été téléchargé dans le système du prétoire

  7   électronique et les parties pourront s'y référer pendant la déposition du

  8   témoin.

  9   Q.  Ambassadeur Ahrens, une autre question préliminaire encore. Est-ce que

 10   vous êtes venu comparaître devant un juge d'un tribunal de Bonn, en

 11   Allemagne, en décembre 2012, puis ensuite en janvier de cette année, pour

 12   donner une déclaration pour répondre aux questions qui avaient été fournies

 13   par le bureau du Procureur du TPIY ?

 14   R.  Oui, c'est exact. Le procès-verbal de ces deux sessions du tribunal de

 15   district de Bonn existe.

 16   M. STRINGER : [interprétation] L'Accusation ne demandera pas le versement

 17   de ces déclarations. Nous avons l'intention de poser les questions là-

 18   dessus viva voce et sur le même contenu. Mais encore une fois, je précise

 19   que cela a été téléchargé dans le système e-court, si les parties devaient

 20   s'y référer.

 21   Q.  Si vous avez besoin de vous référer à votre livre ou à la déposition

 22   que vous avez faite à Bonn pour vous rafraîchir la mémoire, je vous invite

 23   à nous le faire savoir et nous allons prendre les dispositions nécessaires.

 24   R.  Je l'ai ici sur moi.

 25   Q.  Comme vous venez de le dire, Ambassadeur, en été 1991, vous avez

 26   participé à la Mission d'observation de la Communauté européenne. Encore

 27   une fois, quelle a été votre fonction très précisément au sein de cette

 28   mission ?


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  1   R.  J'étais le chef. Ce n'était pas le titre officiel, mais j'étais le chef

  2   du contingent allemand. Et, bien entendu, à la tête de l'ensemble de cette

  3   mission était l'ambassadeur néerlandais de l'époque, Van der Valk. C'était

  4   pendant la présidence néerlandaise de la Communauté européenne.

  5   Q.  Et puis, vous nous avez dit que vous êtes passé à la Conférence

  6   Carrington. Alors, très brièvement, pouvez-vous décrire aux Juges de la

  7   Chambre quels étaient les objectifs de la Conférence Carrington ?

  8   R.  La Communauté européenne a pensé en 1991 qu'elle devait jouer un rôle

  9   dans la recherche de la solution au problème yougoslave, et afin de faire

 10   cela, plusieurs réunions ont été convoquées, puis un accord a été trouvé

 11   d'organiser une conférence avec les participants yougoslaves, une

 12   conférence sur l'avenir du pays. La mission de la conférence était de

 13   trouver une solution durable au problème yougoslave. A l'époque, c'était

 14   encore un seul et même Etat.

 15   Q.  Pouvez-vous nous dire qui était en charge de cette conférence à

 16   l'époque ?

 17   R.  A la tête de la conférence, son président était Lord Peter Carrington

 18   de Grande-Bretagne, et puisque c'était pendant la présidence néerlandaise

 19   de la Communauté européenne, le ministre néerlandais Van den Broek a assumé

 20   ce rôle par la suite, mais c'est Henry Wijnaendts, l'ambassadeur

 21   néerlandais, qui a été véritablement la force motrice de cette conférence.

 22   Et puis, il y avait trois groupes de travail. Moi, j'étais à la tête de

 23   l'un des trois. Il y avait le groupe de travail sur les affaires

 24   économiques et un autre sur les institutions, avec des responsables belge

 25   et britannique à leur tête respectivement.

 26   Q.  Et vous, vous étiez à la tête de quel groupe ?

 27   R.  C'était le groupe de travail sur les droits de l'homme et les

 28   minorités.


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  1   Q.  Où était basée la Conférence Carrington ?

  2   R.  Nous avons commencé ici à La Haye, et j'avais un bureau au ministère

  3   des Affaires étrangères ici. Et c'était du temps de la présidence

  4   néerlandaise de la Communauté européenne. Pendant ce temps-là, nous sommes

  5   restés à La Haye. Tout était basé ici. Puis ensuite, comme nous n'avons pas

  6   trouvé de solution pendant la présidence néerlandaise, ce qui a été une

  7   grande déception pour M. Van den Broek, après nous avons déménagé et nous

  8   nous sommes installés à Bruxelles.

  9   Q.  La Conférence Carrington, est-ce qu'il était envisagé qu'elle soit une

 10   instance qui engage des entretiens permanents avec les participants ?

 11   R.  Non. C'était une conférence où tout un chacun a gardé en fait son poste

 12   régulier ailleurs. Donc, par exemple, moi j'ai continué d'être directeur

 13   chargé de l'Asie du sud-est et du Pacifique en 1992, mais je n'ai pas pu

 14   véritablement m'occuper de cela pendant le travail de la conférence. Et

 15   Lord Carrington a continué de travailler pour Christies à Londres, et nous

 16   nous sommes souvent rencontrés à Londres. Donc la conférence n'avait pas

 17   une géométrie rigide. Personne ne s'est installé à La Haye, si ce n'est les

 18   Néerlandais qui travaillaient avec nous.

 19   Q.  Pendant quelque temps pendant le temps où vous avez participé à la

 20   Conférence Carrington, pouvez-vous nous dire comment cela a fonctionné ?

 21   Qui ont été les protagonistes ex-yougoslaves avec qui vous avez travaillé ?

 22   R.  Ce qui était le plus important, c'étaient les réunions plénières. On

 23   les appelait les réunions plénières. Et ça a commencé le 7 septembre 1991.

 24   Mais à partir de ce moment-là, les réunions plénières étaient présidées par

 25   Lord Carrington, et les six présidents yougoslaves étaient sur place. Et

 26   aussi, pendant les premiers mois de 1992, ceux que nous appelions les

 27   fédéraux, à savoir le ministre fédéral. Souvent, nous avions aussi la

 28   présence du ministre fédéral de la Défense, M. Kadijevic.


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  1   Alors, les représentants des six républiques étaient présents, pas les

  2   minorités. Les groupes de travail avaient aussi leurs réunions plénières.

  3   Et moi, par exemple, je convoquais la réunion plénière de mon groupe de

  4   travail.

  5   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons examiner ce qui figure à

  6   l'intercalaire 5. Pièce P1346.1325, s'il vous plaît.

  7   Avec l'aide de M. l'Huissier, page 357, s'il vous plaît, de ce document. Je

  8   pense que c'est la page 2 dans l'e-court. Page suivante. Merci. Voyons la

  9   partie droite de l'écran.

 10   Q.  Est-ce que vous êtes en mesure de lire cela, Monsieur l'Ambassadeur ?

 11   Nous pouvons l'agrandir.

 12   R.  Oui, c'est mieux maintenant.

 13   Q.  Reconnaissez-vous ce document ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de quoi il s'agit.

 16   R.  C'étaient les dispositions du traité pour la convention. Ça a été une

 17   proposition aux fins de trouver une solution au problème yougoslave,

 18   proposition formulée par la conférence et adressée aux présidents. Chaque

 19   président du groupe de travail devait fournir la partie de ce document qui

 20   le concernait en l'espace de trois jours, et moi-même, je suis l'auteur du

 21   chapitre 2, avec les dispositions concernant les minorités.

 22   Q.  Nous allons prendre le chapitre 2 dans un instant en page suivante.

 23   Mais pour l'instant, je voudrais que l'on examine le point 1.1,

 24   dispositions aux fins d'un règlement général. C'est (a) jusqu'au (e). Est-

 25   ce que vous pourriez nous les commenter, s'il vous plaît, et en particulier

 26   le 1.1 (a), qui concerne les républiques souveraines et indépendantes.

 27   R.  Lorsque la Conférence Carrington a commencé, Lord Carrington et M.

 28   Wijnaendts étaient convaincus que la fédération yougoslave ne pouvait plus


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  1   être sauvée. Les deux ont pensé cela. Il s'agissait de sauver une forme de

  2   la Yougoslavie, et c'est ce que vous avez ici. Cette possibilité d'avoir

  3   des Etats tout à fait indépendants et souverains; puis une autre

  4   possibilité d'avoir une confédération; et une troisième option était

  5   d'avoir une fédération entre ces républiques qui voulaient rester membres

  6   de la fédération, à savoir seuls la Serbie et le Monténégro à la fin. Mais

  7   personne n'a véritablement cherché à ou essayé de préserver la Yougoslavie.

  8   C'était une des choses de base. Il était trop tard pour cela.

  9   Q.  Alors, 1.1 (e). Il est fait référence à la reconnaissance de

 10   l'indépendance au sein des frontières existantes des républiques qui le

 11   souhaitent.

 12   Qu'est-ce que cela signifie, frontières qui existent ?

 13   R.  C'était extrêmement important. C'est plus ou moins le deuxième principe

 14   de base sur lequel a été fondée la médiation jusqu'à ce moment-là, à savoir

 15   qu'on ne pouvait pas changer les frontières internes entre les six

 16   républiques yougoslaves et qu'il fallait considérer que ces frontières

 17   avaient le statut, en fait, de frontières internationales.

 18   La Conférence Carrington et la commission menée par M. Badinter en France

 19   ont formulé leurs opinions, leurs opinions juridiques sur ces questions, et

 20   ils sont arrivés à la conclusion que la Yougoslavie n'existait plus, qu'il

 21   ne s'agissait plus d'un Etat qui allait être préservé avec sa capitale,

 22   Belgrade, et qu'il y avait quatre républiques qui étaient en état de

 23   sécession et que l'Etat s'était démantelé.

 24   Et puis, il y avait une autre opinion que les frontières internes

 25   yougoslaves devaient être considérées comme frontières internationales.

 26   C'était le principe uti posi detis. Il y avait en principe ces deux règles,

 27   mais les Serbes n'étaient pas d'accord avec aucun de ces principes.

 28   Q.  Vous avez fait une référence à une commission qui est intervenue --


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  1   R.  C'était le président du Conseil de l'Etat, M. Badinter. Et la

  2   commission a été appelée la commission d'arbitrage.

  3   Q.  Le principe de base de la Conférence Carrington était le démantèlement

  4   de la Yougoslavie et il s'agissait de gérer les frontières des républiques

  5   à partir de ce moment-là. Mais concrètement, sur les minorités, quelle

  6   incidence cela avait ?

  7   R.  C'était le troisième principe que nous avions adopté, à savoir qu'en

  8   reconnaissant autant d'Etats successeurs, le problème qui allait se poser,

  9   tant chez les Serbes que chez les Croates, était le problème des minorités.

 10   Parce que tant Milosevic que Tudjman pensaient que les Croates devaient

 11   vivre en Croatie et les Serbes en Serbie.

 12   Q.  Très bien. Vous nous avez dit que vous vous êtes penché essentiellement

 13   sur les événements en Croatie à ce moment-là. Pour que la Chambre sache

 14   exactement quelles sont les minorités qui ont subi les effets, qu'est-ce

 15   qui s'est passé sur ce plan-là au niveau des républiques ?

 16   R.  Dans l'ensemble de la Yougoslavie ?

 17   Q.  Dans l'ensemble de la Yougoslavie.

 18   R.  Eh bien, en Croatie, il y avait les Slovaques et les Hongrois et une

 19   petite minorité italienne. En Serbie, vous aviez beaucoup de minorités,

 20   avant tout une très importante minorité albanaise au Kosovo et dans le sud

 21   de la Serbie. Ensuite, des Musulmans dans la région de Sandzak. Puis, des

 22   Hongrois et des Croates en Vojvodine. En Macédoine, un quart de la

 23   population était albanais, puis vous aviez des Musulmans et puis aussi des

 24   Serbes. Nous avons beaucoup négocié au nom des Serbes de Macédoine. Et au

 25   Monténégro aussi, une importante minorité serbe. Il était très difficile

 26   d'opérer une distinction entre les Serbes et les Monténégrins à ce moment-

 27   là. Et puis, il y avait aussi les Musulmans et les Albanais là-bas.

 28   Q.  Et donc, l'ensemble de ces groupes, de ces minorités, étaient sous


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  1   votre coupe ?

  2   R.  Oui --

  3   Q.  Très bien.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Je voudrais maintenant demander à M.

  5   l'Huissier de passer à la page suivante, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, je voudrais poser

  7   une question au témoin au sujet des minorités.

  8   Monsieur l'Ambassadeur, si je prends les trois groupes ethniques les plus

  9   importants, les Bosniaques, les Croates et les Serbes, à votre avis, sur

 10   quoi repose la différence entre eux, en quoi consiste-t-elle ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question particulièrement

 12   controversée. En effet, lorsque les premiers ouvrages d'histoire nationale

 13   ont paru, Vuk Karadzic a, par exemple, écrit que les Bosniaques étaient

 14   appelés les Musulmans et que c'étaient en fait des Serbes d'une autre

 15   confession. Le fondateur du Mouvement national croate a dit la même chose

 16   au sujet des Musulmans, mais disant que c'étaient des Croates. Donc,

 17   lorsque les Musulmans ont été reconnus dans leur identité ethnique et que

 18   leur nom a ensuite été modifié en celui de Bosniaques, tout ceci a pris, en

 19   fait, du temps. Et il y a une différence linguistique aussi, je crois. Il y

 20   a également cette façon de désigner sa langue selon son propre sentiment,

 21   et c'est un droit sur le plan politique. Mais il y avait une

 22   intercompréhension parfaite entre ceux qui appartiennent à ces différents

 23   groupes. Par exemple, le Serbe est typiquement considéré comme appartenant

 24   au dialecte ékavien; en croate, c'est l'ijkavien. Les Croates diront

 25   "rijeka", alors que les Serbes diront "reka" pour le même mot.

 26   J'ai trouvé ceci assez ridicule parfois lorsque j'ai entendu des Serbes de

 27   Bosnie dont le dialecte naturel était un dialecte ijkavien s'efforcer de

 28   parler en ékavien.


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  1   Ceci dit, pendant ces années-là, il y avait un sentiment tout à fait clair

  2   au sein de chacun de ces groupes ethniques quant à l'identité des autres,

  3   qui étaient les autres. Il y avait également une différence, par exemple,

  4   dans la façon de se signer, de faire le signe de croix, qui n'est pas la

  5   même chez les Orthodoxes que chez les autres. Dans certaines circonstances,

  6   cela pouvait signer votre arrêt de mort.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci beaucoup.

  8   A vous, Monsieur le Procureur.

  9   M. STRINGER : [interprétation]

 10   Q.  Juste une question de suivi, Excellence.

 11   Vous avez eu affaire à de très nombreuses parties différentes et groupes

 12   ethniques différents qui faisaient partie de la Yougoslavie. Est-ce que

 13   vous pouvez nous dire quoi que ce soit quant à la façon dont ils se

 14   distinguaient eux-mêmes les uns des autres ? Par exemple, un groupe de

 15   Serbes avec lequel vous vous entreteniez, comment ces Serbes percevaient-

 16   ils la différence entre eux-mêmes et les Croates ou les Musulmans ?

 17   Comment se distinguaient-ils les uns des autres ?

 18   R.  Evidemment, les Croates sont des Catholiques romains. Il ne s'agit pas

 19   uniquement d'un pur débat théologique, mais il y a également des

 20   conséquences pratiques dans le style de vie quant à cette question de

 21   savoir si vous êtes Catholique romain ou Orthodoxe. Il y a de nombreuses

 22   divisions entre les habitants des Balkans. La première, celle qui

 23   correspond au schisme entre l'église d'orient et l'église d'occident, avec

 24   les Croates d'un côté, et de l'autre côté, les Bulgares, les Macédoniens et

 25   les Serbes.

 26   L'autre ligne de fracture est celle qui a séparé les Croates qui étaient

 27   sous la domination de l'Europe occidentale et l'Orient qui était sous

 28   domination ottomane. Donc nous avions des Serbes et des Croates - ou disons


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  1   des Slaves, par ailleurs - en Bosnie qui sont devenus Musulmans sous ce

  2   régime et qui ont été considérés comme des traîtres.

  3   Q.  Mais est-ce que, dans le temps, les distinctions religieuses entre ces

  4   différents groupes ont eu des conséquences culturelles ? Est-ce qu'elles

  5   ont affecté la culture de ces différents groupes et leur mode de vie ?

  6   R.  Ce qui est assez étrange, c'est que tant que la Yougoslavie a continué

  7   d'exister et n'a pas commencé à se démanteler, il n'y a pas eu tant de

  8   différence que cela à cet égard. Lorsque vous étiez en Bosnie, si vous

  9   aviez à faire à un Musulman, il vous offrait également de l'eau-de-vie de

 10   prune, de la slivovitz. C'est quasiment impossible aujourd'hui. Et

 11   impossible également de trouver de la bière dans les villes

 12   correspondantes. On a particulièrement mis l'accent sur toutes ces

 13   différences.

 14   Le Catholicisme croate a également fait preuve d'un grand militantisme,

 15   notamment parmi les Croates de Bosnie-Herzégovine, puisque c'était là la

 16   référence principale à ce qu'il avait préservé leur identité pendant le

 17   règne des Ottomans. Par exemple, il y a cette question religieuse très

 18   spécifique qui concerne la Vierge Marie qui n'a toujours pas été avalisée

 19   par le Vatican mais qui est considérée par de très nombreux Croates comme

 20   un élément fédérateur.

 21   Par ailleurs, les Serbes ont beaucoup plus mis l'accent sur leur

 22   appartenance à l'orthodoxie et leur pratique religieuse à l'église. Et ce

 23   qui est malheureux, c'est que les églises croates ont pratiquement été

 24   détruites.

 25   Q.  Excellence, je vais vous demander de bien vouloir ralentir un petit peu

 26   pour que vos propos puissent être correctement consignés.

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Je crois que


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  1   l'avant-dernier mot de la réponse de l'ambassadeur n'a pas été correctement

  2   traduit ou consigné.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous voulez dire "pratiquement",

  4   "virtually" en anglais.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Je crois qu'il a dit autre chose.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En effet.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit réciproquement.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Réciproquement. Elles ont été

  9   réciproquement détruites. Très bien. C'est au compte rendu.

 10   M. STRINGER : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante du

 11   document qui est affiché à l'écran devant nous.

 12   Q.  Juste quelques mots au sujet de ce second chapitre, "Droits de l'homme

 13   et droits des groupes ethniques et nationaux." D'où ce chapitre venait-il ?

 14   R.  Eh bien, j'ai rédigé ceci et je l'ai soumis à Lord Carrington. C'est

 15   Henry Darwin, un avocat britannique, qui a rédigé ceci et qui l'a formulé

 16   de façon correcte sur le plan juridique, mais le contenu vient de moi.

 17   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur quelques passages, et

 18   notamment, pour commencer, le bas de la page qui s'affiche à gauche de

 19   l'écran, le paragraphe 2.3. Il s'agit ici de personnes appartenant à un

 20   groupe national ou ethnique ne constituant pas une majorité dans le secteur

 21   où elles résident.

 22   Avant de vous interroger à ce sujet, je voudrais que nous passions au

 23   passage 2.4 pour voir quelle est la différence, avant de vous demander de

 24   nous commenter cette différence.

 25   M. STRINGER : [interprétation] 2.4, c'est un paragraphe qui est à la page

 26   suivante.

 27   Q.  Dans ce paragraphe, il est question de personnes appartenant à un

 28   groupe national ou ethnique constituant une part importante de la


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  1   population dans le secteur.

  2   Et si nous poursuivons et passons au paragraphe 2.5, il y est question de

  3   personnes se trouvant dans des secteurs où leur groupe national ou ethnique

  4   constitue une majorité. 

  5   Alors, quelle était l'intention sous-jacente, Monsieur l'Ambassadeur ?

  6   Quelle était l'intention sous-jacente à ces distinctions et à qui

  7   s'appliquaient-elles en Croatie ?

  8   R.  C'était un système à trois tiers. Alors, je pourrais peut-être vous

  9   l'expliquer au moyen d'un exemple.

 10   Le premier groupe, les minorités en général, devait bénéficier des

 11   droits généralement dévolus aux minorités. Il pouvait, par exemple, être

 12   constitué par les 50 000 Serbes vivant dans la capitale croate, Zagreb,

 13   parce qu'il ne s'agissait pas d'un groupe numériquement très important, ni

 14   même en termes de pourcentage. C'était, néanmoins, un groupe qui devait

 15   être protégé.

 16   Le deuxième tiers de cet édifice, il correspondait aux zones où les Serbes

 17   constituaient 20 à 25 % de la population. Alors, la marge correspondait

 18   avant tout à la façon dont on définissait l'appartenance ou la population.

 19   Par exemple, le fait d'avoir une carte électorale dans leur langue, et

 20   cetera. C'est le cas, par exemple, de la région du Gorski Kotar, qui était

 21   administrée par les autorités croates. Je me suis rendu sur place à

 22   plusieurs reprises. Mais également l'ensemble du secteur est, parce qu'il

 23   n'y avait pas là une seule municipalité qui ait une majorité serbe. Les

 24   majorités de population serbe se trouvaient dans le secteur est [comme

 25   interprété], le secteur nord et le secteur ouest --

 26   Q.  Excusez-moi. Quand vous parlez du secteur est, est-ce que vous pouvez

 27   donner plus de détails --

 28   R.  Je me réfère peut-être à la phase un peu plus tardive du déploiement de


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  1   la FORPRONU. Il y avait quatre secteurs. Le secteur nord et le secteur

  2   ouest étaient adjacents l'un à l'autre et présentaient de très grandes

  3   majorités de population serbe. Le secteur ouest était à quelque distance du

  4   secteur nord, mais le secteur est était à une plus grande distance. Il

  5   longeait le Danube, et de l'autre côté se trouvait la Serbie.

  6   Q.  A la section 2.4 - nous pouvons peut-être faire défiler la page un

  7   petit peu vers le haut - il s'agit des zones auxquelles les groupes

  8   ethniques appartiennent. Ces personnes forment un groupe numériquement

  9   important, une part importante de la population. Alors, à quel secteur ceci

 10   correspondrait-il ?

 11   R.  Par exemple, Vukovar.

 12   Q.  Le secteur est ?

 13   R.  Oui, le secteur est.

 14   Q.  Passons maintenant au point 2.5, il s'agit de secteurs dans lesquels un

 15   groupe ethnique représente une majorité et, à ce titre, bénéficieraient

 16   donc d'un statut d'autonomie spécial. Encore une fois, en Croatie, par

 17   rapport aux zones que vous venez d'évoquer, à quoi cela correspondrait-il ?

 18   R.  Alors, c'est un domaine d'activité assez délicat. D'après la

 19   connaissance que j'en ai, l'expression même de "statut spécial" a surgi

 20   dans les négociations entre Lord Carrington et Milosevic, et c'était l'idée

 21   qu'il convenait d'avoir de larges secteurs dans lesquels certains groupes

 22   ethniques représentant une majorité devaient bénéficier d'une forme ou une

 23   autre d'autonomie. Lorsque j'ai rédigé ceci pour la première fois, j'ai

 24   indiqué également quels secteurs je considérais comme pouvant tomber sous

 25   ce régime. Il ne s'agissait pas uniquement de ceux peuplés de Croates, mais

 26   il y avait également les Albanais du Kosovo, les Albanais en Macédoine, et

 27   la question qui se posait était celle de savoir, par exemple, s'il fallait

 28   également inclure les Hongrois de Vojvodine et ceux qu'à l'époque nous


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  1   appelions toujours les Musulmans du Sandzak. C'est immédiatement devenu

  2   quelque chose qui s'est trouvé au cœur de la controverse parce que

  3   Milosevic ne voulait rien entendre au sujet du Kosovo dans de tels

  4   documents, et cette notion de "statut spécial" est devenue une expression

  5   qui était principalement utilisée pour se référer aux Serbes en Croatie. Ce

  6   qui est intéressant, cependant, par rapport à ce document, c'est qu'il se

  7   serait agi d'un statut spécial au sein de la Croatie.

  8   Les Serbes comprenaient ceci comme un statut spécial au sein de ce

  9   qui aurait continué à être la Yougoslavie et existé en tant que tel. Ceci a

 10   entraîné toute une série de problèmes, parce qu'il semblerait que lorsque

 11   le plan Vance a été présenté aux Serbes, certains négociateurs

 12   internationaux ont fait des déclarations ambiguës qui ont amené les Serbes

 13   à comprendre ceci de cette façon.

 14   Q.  Nous allons parler du plan Vance dans quelques instants.

 15   Mais ce document, ou une version ultérieure de celui-ci, a-t-il fini

 16   par être présenté à la direction des six républiques 

 17   yougoslaves ?

 18   R.  Oui. C'était en session plénière, je crois que c'était le 18 octobre

 19   1991, dans la matinée précédant la session. Lord Carrington n'était pas

 20   présent. Je crois que c'était le ministre des Affaires étrangères, Van den

 21   Broek. Il y avait les quatre [comme interprété] présidents, j'étais présent

 22   aussi. Il a été dit que ce document serait présenté en plénière et que l'on

 23   demanderait à chaque président de dire s'il acceptait les dispositions en

 24   question ou non. Et il a été dit également que le refus serait considéré

 25   comme une renonciation à la conférence.

 26   Q.  Très bien.

 27   R.  Ceci a été fait le 18 octobre. Cinq des présidents ont répondu

 28   affirmativement, y compris le président Bulatovic du Monténégro. Mais


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  1   Milosevic n'a en fait jamais dit clairement non. Il a dit : Pas sous cette

  2   forme. Il a dit : Je n'accepte pas -- mais je ne me rappelle pas exactement

  3   quelle difficulté il a eue avec ce texte, ni ce qu'il a dit très

  4   précisément, mais il a dit quelque chose consistant pratiquement à dire que

  5   cette proposition revenait à dissoudre, démanteler un Etat qui était un

  6   membre particulièrement estimé des Nations Unies.

  7   Q.  Très bien. Pendant que vous étiez actif dans le cadre de la Conférence

  8   Carrington, est-ce que vous avez eu le moindre entretien avec M. Hadzic ou

  9   d'autres membres de la direction des Serbes de Croatie au sujet de ces

 10   dispositions particulières ? Je suis notamment très intéressé par les

 11   discussions que vous pouvez avoir eues au sujet de la protection des

 12   minorités, la sauvegarde des frontières internes de Yougoslavie, et cetera.

 13   R.  Eh bien, j'ai rencontré M. Hadzic le 6 septembre 1991, et c'était la

 14   première fois d'ailleurs. J'étais accompagné d'un interprète, mais je

 15   n'intervenais pas en qualité de négociateur.

 16   Q.  Nous y reviendrons dans quelques instants, mais juste en termes très

 17   généraux, parce que nous allons analyser plus en détail ces réunions que

 18   vous avez eues avec M. Hadzic et d'autres, est-ce que vous pourriez donner

 19   aux Juges de la Chambre une idée générale quant à ce qui était l'attitude

 20   de la Croatie à l'égard des Serbes quant au respect de ces différents

 21   principes relatifs au maintien des frontières, au démantèlement de la

 22   Yougoslavie, et cetera ? Alors, vous avez parlé de la position de

 23   Milosevic. Est-ce que vous pourriez parler de la position des Serbes de

 24   Croatie ?

 25   R.  Non seulement les Serbes de Croatie, mais tous les Serbes ont déclaré

 26   que la Yougoslavie continuait d'exister et que les républiques qui

 27   déclaraient leur indépendance étaient des républiques sécessionnistes.

 28   Pour autant que les Serbes de Croatie soient concernés dans le


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  1   secteur qu'ils ont proclamé comme étant la RSK plus tard, ils ont dit que

  2   ceci ne faisait plus partie de la Croatie. Ils ont proclamé leur

  3   indépendance de la Croatie. Lorsque la Communauté européenne, le 16

  4   décembre 1991, a adopté sa décision relative à la reconnaissance

  5   diplomatique des républiques yougoslaves qui souhaitaient être reconnues,

  6   disant qu'elles devaient en faire la demande, M. Babic s'est également

  7   adressé à la Communauté européenne en disant que ce qui à l'époque n'était

  8   pas encore toute la Krajina mais uniquement le secteur est devait également

  9   faire l'objet d'une reconnaissance.

 10   Donc, du début à la fin, très clairement, les Serbes de la RSK ont

 11   purement et simplement refusé d'accepter un règlement qui se serait fait à

 12   l'intérieur de la Croatie. 

 13   Q.  Merci. Et suite à cela, quel a été l'impact sur la Conférence

 14   Carrington ?

 15   R.  C'était une situation sans espoir, parce que la Conférence Carrington

 16   n'était pas en mesure d'accorder ce type d'indépendance à une partie, un

 17   fragment de l'Etat croate, et c'était déjà un signe de l'échec de la

 18   conférence qui a fini par se produire. Elle a échoué.

 19   Q.  Très bien.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Passons à l'intercalaire numéro 3. Numéro

 21   00079.1 dans la liste 65 ter.

 22   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je souhaiterais attirer votre attention sur --

 23   M. STRINGER : [interprétation] La page 3 dans le prétoire électronique. En

 24   fait, c'est la troisième page de cet ouvrage. Une page plus loin, s'il vous

 25   plaît. 

 26   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, dans la partie droite de l'écran, nous avons

 27   ici les décisions principales de la conférence, session de Londres, 1992.

 28   Puis ensuite, dans l'introduction, on fait référence à la Conférence


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  1   internationale sur l'ex-Yougoslavie. Est-ce que vous pourriez nous décrire

  2   brièvement ce que représente ce document ?

  3   R.  Ceci fait en fait partie d'un volumineux ouvrage en deux tomes qui a

  4   été publié par le secrétaire de l'ICFY, Bertie --

  5   L'INTERPRÈTE : Nom inaudible pour l'interprète.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] -- qui faisait partie de l'administration des

  7   Nations Unies, et cet ouvrage contient tous les documents publiés ou soumis

  8   par la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie au cours des années.

  9   M. STRINGER : [interprétation]

 10   Q.  Et le document qui s'affiche devant nous, au point numéro 1, décisions

 11   principales, août 1992 -- nous pourrions avancer à la page suivante. Et

 12   pourriez-vous simplement indiquer aux Juges de la Chambre ce qu'est ce

 13   document et quel est l'objectif poursuivi ? Que se propose-t-on de traiter

 14   ?

 15   R.  Est-ce que c'est une partie de l'ouvrage de Ramcharan ?

 16   Q.  Oui.

 17   R.  Vous voulez un commentaire ?

 18   M. STRINGER : [interprétation] Oui, nous pouvons peut-être faire défiler

 19   vers le bas. Poursuivez, s'il vous plaît. Voilà.

 20   Q.  Première question, Monsieur l'Ambassadeur : est-ce que vous

 21   reconnaissez, dans un premier temps, ce document affiché devant 

 22   vous ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  De quoi s'agit-il ?

 25   R.  C'est l'un des documents adoptés par la Conférence de Londres en août

 26   1992.

 27   Q.  Donc il s'agit maintenant de la Conférence internationale sur l'ex-

 28   Yougoslavie ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Alors, au point (b), nous voyons qu'il est fait référence aux groupes

  3   de travail, et au point (c), et notamment aux communautés nationales ou

  4   groupes nationaux et ethniques.

  5   R.  Oui, c'est exact. C'était un peu délicat parce que le terme de

  6   "minorité" n'était pas reconnu par de nombreux groupes ethniques en

  7   Yougoslavie.

  8   Q.  Avez-vous participé à ce groupe de travail particulier ?

  9   R.  J'ai été à la tête du groupe de travail pendant quatre ans. Ou trois

 10   ans et demi.

 11   Q.  Quant à la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie, est-ce que

 12   vous pourriez nous donner un aperçu général de la façon dont elle est

 13   organisée par comparaison à la Conférence Carrington ?

 14   R.  Elle siégeait en permanence. C'était en quelque sorte une entreprise

 15   conjointe entre la Communauté européenne - plus tard l'Union européenne -

 16   et les Nations Unies. Elle avait son siège au Palais des nations à Genève.

 17   Tout le personnel ainsi que le cadre réglementaire étaient fournis par les

 18   Nations Unies, si bien que c'était pour une large part une entreprise des

 19   Nations Unies. La conférence, comme je l'ai dit, fonctionnait sans

 20   interruption. Les deux co-présidents étaient Lord David Owen du Royaume-Uni

 21   et Cyrus Vance qui était Américain. A cette époque-là, le conflit en Bosnie

 22   était devenu particulièrement violent et c'est sur lui que se concentraient

 23   tout particulièrement les Etats-Unis. Tout le reste était plus ou moins

 24   entre les mains de mon groupe de travail, y compris la Croatie. Elle

 25   relevait de notre compétence.

 26   Q.  Vous avez parlé des groupes ethniques et des minorités. Vous avez

 27   poursuivi votre travail en la matière dans le cadre de la Conférence sur

 28   l'ex-Yougoslavie, mais quels en étaient les principes de base ? C'est-à-


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  1   dire que la Conférence Carrington a recouru à des principes relatifs à la

  2   dissolution, au respect des minorités et des frontières entre les

  3   républiques, est-ce que ceci a été abandonné ou maintenu ?

  4   R.  Si vous examiniez les documents dans le temps, vous verriez qu'il a

  5   également été affirmé que la Yougoslavie était dans un processus de

  6   démantèlement, mais que les frontières ne devaient pas être modifiées. Et

  7   la première résolution des Nations Unies en la matière disait cela très

  8   clairement, à savoir que le territoire de la RSK faisait partie de la

  9   Croatie. J'ai alors reçu une lettre très véhémente de la part du premier

 10   ministre yougoslave adressée aux Nations Unies, c'était M. Kontic à

 11   l'époque, et il disait que ceci n'état pas ce qui avait été convenu dans le

 12   cadre du plan Vance. Mais je crois que c'est quelque chose que nous

 13   reverrons plus tard. Nous y reviendrons, n'est-ce pas ?

 14   Q.  En effet. Alors, nous essayons d'avancer pour avoir plutôt un aperçu,

 15   Monsieur l'Ambassadeur. En votre qualité de président de ce groupe de

 16   travail, avez-vous eu toute une série de réunions avec M. Hadzic pendant

 17   les années 1992 et 1993 ?

 18   R.  En fait, les Serbes de Krajina avaient des difficultés à interagir avec

 19   le groupe de travail sur les minorités, parce qu'ils disaient : Nous sommes

 20   une nation en Yougoslavie, et non pas une minorité.

 21   Il y avait une concession qui avait été faite dans le cadre de la

 22   conférence Carrington, parce que lorsque je négociais avec eux en RSK, je

 23   venais toujours accompagné d'un autre ambassadeur. C'était d'abord Herbert

 24   Okun des Nations Unies, qui était le bras droit de M. Vance, et puis

 25   ensuite l'ambassadeur norvégien Knut Vollebaek. Ensuite, il y a eu le M.

 26   Wijnaendts et le secrétaire d'Etat français De Beauce. L'accent était

 27   particulièrement mis sur la Krajina. Et moi je n'ai pas beaucoup participé

 28   pendant la conférence Carrington dans ce domaine.


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  1   Q.  Alors, la question portait sur votre participation, ou plutôt, sur les

  2   réunions que vous avez peut-être eues avec M. Hadzic. En avez-vous eu de

  3   nombreuses ?

  4   R.  Oui, j'ai eu pas mal de réunions avec lui. Mais encore une fois, pas au

  5   titre de ce groupe de travail, en tant que chef de celui-ci, mais en tant

  6   que membre de ce groupe de négociateurs.

  7   Q.  Et quelle était la finalité, l'objectif, de ces négociations ?

  8   R.  Eh bien, tout d'abord, obtenir un cessez-le-feu. Ceci n'a cessé de se

  9   prolonger, a duré indéfiniment.

 10   Et deuxièmement, si un cessez-le-feu était obtenu, essayer de mettre en

 11   place une forme ou une autre de coopération pratique, parce que la RSK

 12   était un Etat dans une situation économique particulièrement difficile,

 13   notamment le secteur de Knin qui était coupé de la côte, qui était son

 14   débouché naturel. Les Croates également avaient des difficultés, notamment

 15   dans ce goulot d'étranglement à proximité de Zadar, et j'y reviendrai peut-

 16   être un peu plus tard.

 17   M. STRINGER : [interprétation] A ce stade, Monsieur le Président,

 18   l'Accusation souhaiterait demander le versement au dossier du document que

 19   nous examinons présentement, qui fait partie du document numéro 00079.1 de

 20   la liste 65 ter. Nous ne souhaitons pas demander le versement de l'ouvrage

 21   dans son intégralité, mais uniquement le document intitulé -- ou, plutôt,

 22   commençant à la page numéro 3 de l'ouvrage, avec introduction, se

 23   poursuivant avec ces décisions principales de la conférence à partir d'août

 24   1992.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

 27   d'objection au versement du document examiné par le témoin, mais je relève

 28   qu'à partir de la page 9 dans le prétoire électronique et au-delà, nous


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  1   avons affaire à un autre document extrait de cet ouvrage.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Oui, c'est exactement ce que j'ai dit. Nous

  3   ne demandons que le versement de ce document particulier.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais je me demande ce dont on demande

  5   le versement. Vous avez dit "une partie de l'ouvrage". Mais comment la

  6   définissons-nous ?

  7   M. STRINGER : [interprétation] Nous la définissons comme celle qui se

  8   trouve entre la page 3, puis se poursuit aux pages 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11

  9   et 12 de l'ouvrage. En fait -- oui, la page 12 est incluse, mais pas la

 10   numéro 13.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Page 49 [comme interprété] dans l'e-court du

 12   document que nous avons sous les yeux. Donc je demanderais à l'Accusation

 13   de charger dans le système ces pages séparément et trouver un numéro de

 14   remplacement pour ce numéro.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc ce serait la meilleure solution,

 16   me semble-t-il. Vous allez télécharger cela, vous nous en informerez. Et

 17   puis, nous pouvons admettre le document sous un numéro à part 65 ter.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Oui. Nous allons proposer un nouveau numéro

 19   65 ter ou, tout simplement, remplacer par celui-ci.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

 21   M. STRINGER : [interprétation]

 22   Q.  Donc, Ambassadeur, nous avons mentionné plusieurs fois le plan Vance,

 23   et les Juges de la Chambre ont déjà beaucoup entendu parler du plan Vance

 24   dans le cadre des dépositions, donc nous n'avons pas besoin de nous

 25   attarder là-dessus.

 26   Mais à quel moment l'adoption et la mise en œuvre du plan Vance a-t-elle

 27   été portée à votre connaissance ?

 28   R.  La Communauté européenne la négociait en septembre. Donc j'avais déjà


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  1   demandé un rôle de la part des Nations Unies, et le secrétaire général des

  2   Nations Unies a nommé à ce moment-là le secrétaire Vance, et, de concert

  3   avec Herbert Okun, ils ont commencé à travailler en ex-Yougoslavie. Et

  4   donc, il y a eu un cessez-le-feu qui a pu être respecté dans une certaine

  5   mesure parce que le déploiement des forces onusiennes ne s'est pas passé au

  6   titre du chapitre 7, et il dépendait du maintien du cessez-le-feu --

  7   Q.  Très bien. Je vais vous interrompre là.

  8   Vous avez mentionné plusieurs fois Herbert Okun. Qui était-il et à

  9   quelle fréquence avez-vous travaillé avec lui ?

 10   R.  Herbert Okun était un diplomate de carrière américain, et il a été donc

 11   un collègue. Et c'est avec le secrétaire Vance qu'il a travaillé, et il a

 12   continué après l'échec du plan Vance-Owen.

 13   Q.  Alors, j'aimerais savoir laquelle des instances, la conférence

 14   Carrington ou la conférence internationale, était responsable de la mise en

 15   œuvre du plan Vance ?

 16   R.  La mise en œuvre du plan Vance-Owen relevait de la FORPRONU, qui avait

 17   un volet civil, bien sûr, et un volet très important militaire. D'autre

 18   part, nous avions les institutions onusiennes et moi-même, et nous avions

 19   des contacts avec le général Nambiar, qui a été le premier commandant de la

 20   force, et nous avons eu des contacts avec M. Hadzic. Et, très souvent, M.

 21   Cedric Thornberry a eu des contacts avec M. Hadzic. Cedric Thornberry qui

 22   était le responsable civil de la FORPRONU.

 23   Q.  Et vous avez présidé le groupe de travail sur les groupes ethniques et

 24   les minorités. Est-ce que vous vous êtes intéressé aux personnes résidant

 25   sur le territoire des zones de protection des Nations Unies nouvellement

 26   créées ?

 27   R.  Ça a été quelque chose de très difficile puisque nous n'avons jamais

 28   rencontré ces gens-là. Et la MOCE et la FORPRONU, leurs composantes


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  1   devaient se charger de ces zones-là. La situation dans la RSK était très

  2   mauvaise sur le plan des droits de l'homme. Je m'y suis rendu par

  3   hélicoptère et en voiture à plusieurs reprises, mais nous n'avions pas de

  4   contacts là-bas, pas de contacts avec les non-Serbes. Lorsque vous

  5   traversiez la frontière, vous pouviez voir qu'on avait détruit les maisons

  6   appartenant aux Croates du côté serbe et l'inverse de l'autre côté, il y

  7   avait des maisons serbes qui étaient détruites. Et, à certains endroits, il

  8   y avait une population croate qui était sur place, mais on n'a pas

  9   véritablement pu les voir --

 10   Q.  Ambassadeur, la question de la démobilisation au titre du plan Vance-

 11   Owen, était-ce également quelque chose qui a eu un impact sur votre travail

 12   au sein de la conférence et sur vos négociations ?

 13   R.  Pas de manière prioritaire. Mais en janvier 1993, Tudjman a attaqué le

 14   secteur du pont de Maslenica, à côté de Zadar. Ils se sont emparés du pont

 15   et de la centrale électrique et d'un terrain -- d'un aéroport. Ceci a

 16   entraîné des protestations serbes, a entraîné la Résolution 802 du Conseil

 17   de sécurité, qui a demandé le respect de certains aspects du plan Vance.

 18   Et au titre du plan Vance, les Serbes auraient dû placer sous le contrôle

 19   des Nations Unies leurs armes lourdes. Et lorsque Tudjman a attaqué le pont

 20   de Maslenica, ils se sont emparés de leurs armes, et donc cela a été

 21   également intégré à la Résolution 802. Nous avons négocié pour la

 22   Résolution 802, et ça a été un exercice extrêmement pénible. Je me souviens

 23   de 22 projets de l'accord --

 24   Q.  Nous allons en parler, mais nous allons progresser dans l'ordre

 25   chronologique. Et nous allons examiner tous [comme interprété] les projets

 26   du texte.

 27   Mais vous avez déjà mentionné votre première réunion avec M. Goran

 28   Hadzic. Est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment cela a eu lieu et où


Page 7673

  1   ?

  2   R.  Le 8 [comme interprété] septembre 1991, à Borovo Selo. J'accompagnais

  3   l'ambassadeur Wijnaendts, j'étais son conseiller spécial. Je n'ai pas pris

  4   part en tant qu'interlocuteur aux pourparlers. C'est l'ambassadeur qui s'en

  5   est chargé.

  6   Q.  Et quel a été l'objectif de la réunion ?

  7   R.  C'était d'obtenir la signature de M. Hadzic pour rendre opérationnel un

  8   cessez-le-feu qui était déjà en place, et c'était à la veille de la

  9   conférence Carrington, qui allait être inaugurée le lendemain. Et

 10   Carrington avait insisté sur le fait qu'il serait prêt uniquement à

 11   présider la conférence si la paix était rétablie sur le terrain.

 12   Q.  Vous avez mentionné l'ambassadeur Wijnaendts. Vous vous rappelez s'il y

 13   avait d'autres personnes qui vous ont accompagné pendant ce déplacement à

 14   Borovo Selo ?

 15   R.  L'ambassadeur Wijnaendts avait à ses côtés son assistant néerlandais,

 16   Hugo Siblesz.

 17   M. STRINGER : [interprétation] Nous pouvons fournir la manière exacte

 18   d'épeler ce nom à la sténotypiste, de ce nom et du reste des noms.

 19   Q.  Ambassadeur --

 20   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons jeter un coup d'œil sur le

 21   document 6477 de la liste 65 ter. Il s'agit de l'intercalaire 59.

 22   Q.  Nous avons environ trois pages qui comportent des photographies,

 23   Ambassadeur. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit pour que

 24   nous ayons un aperçu de votre déplacement. Nous voyons la date, celle du 5

 25   septembre 1991.

 26   Est-ce que vous pouvez commencer par photographie numéro 1.

 27   R.  Ce sont les photographies que j'ai remises au bureau du Procureur. Nous

 28   voyons mon écriture sur les pages. Ces photographies correspondent aux deux


Page 7674

  1   jours. Nous nous sommes trouvés à Osijek le 5 septembre 1991, et la

  2   première photographie nous montre des avis de décès pour les personnes qui

  3   avaient été tuées par le bombardement d'Osijek.

  4   Q.  Et la photographie numéro 2.

  5   R.  Nous voyons l'ambassadeur Wijnaendts, que l'on montre à un endroit où

  6   nous voyons des taches de sang récentes. Ils ont juste mis quelques pierres

  7   dessus. Une personne a été tuée à cet endroit.

  8   Q.  Est-ce qu'on vous a dit d'où est venu ce tir ?

  9   R.  Nous voyons sur l'une des photographies très clairement que c'était

 10   l'armée yougoslave.

 11   Q.  Passons à la page suivante. Je pense que nous pouvons passer la

 12   photographie numéro 3. Parlons des photographies 4 et 5, s'il vous plaît.

 13   R.  Le 3 nous montre ces affiches contre l'armée.

 14   Et ensuite, nous avons les photographies 4 et 5, les hélicoptères le

 15   lendemain, le 6 septembre.

 16   Q.  Est-ce que l'on vous voit sur ces photographies ?

 17   R.  Oui, en bas à droite.

 18   Q.  Page suivante.

 19   Les photographies 7 et 8, que nous montrent-elles ?

 20   R.  Que nous nous sommes déplacés pour Borovo Selo le 6 septembre. Nous

 21   sommes partis de Belgrade, et un grand hélicoptère de l'armée yougoslave

 22   nous a amenés en face de Borovo Selo, sur la rive du Danube, que nous avons

 23   traversée sur un navire de la marine. Les soldats étaient en équipement de

 24   guerre avec des gilets pare-balles et des casques. Ce sont eux qui nous ont

 25   amenés à Borovo Selo pour rencontrer M. Hadzic.

 26   Q.  Et qui est la personne sur la photographie 7 ?

 27   R.  C'est moi.

 28   Q.  Et est-ce que vous pouvez nous décrire les personnes que nous voyons à


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  1   la photographie 8.

  2   R.  En bleu, c'est Hugo Siblesz -- et l'officier de l'armée yougoslave dont

  3   je ne me souviens pas le nom à côté.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Je pense que les photographies n'ont pas

  5   besoin d'être accompagnées de plus d'explication.

  6   J'en demande le versement au dossier.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Elles sont admises au dossier et

  8   reçoivent une cote.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote P2878.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Avant de parler plus en détail de la

 12   rencontre avec M. Hadzic, il serait peut-être utile de voir un bref extrait

 13   vidéo. Intercalaire 36. Pièce P00254, s'il vous plaît.

 14   Avant de commencer, je précise que la qualité n'est pas vraiment optimale,

 15   mais c'est ce que nous avons pu obtenir.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "La Mission de la Communauté européenne, avec M. Wijnaendts à sa

 19   tête, est arrivée vers 2 heures. Le vol de l'hélicoptère a été annulé,

 20   probablement pour garantir la sécurité de la mission. Des membres de la

 21   mission sont arrivés en Slavonie, en Baranja et Srem occidental,

 22   accompagnés par la garde côtière. L'accord a été signé au bout de quatre

 23   heures de négociations avec deux pauses. L'ambassadeur Wijnaendts s'est

 24   déplacé dans Borovo Selo et a trouvé que la situation était plutôt calme" -

 25   -

 26   L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que nous n'avons pas de transcription

 27   de cette bande.

 28   M. STRINGER : [interprétation] En fait, nous pensons qu'ils ont reçu la


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  1   transcription, mais nous pouvons aussi cesser d'écouter la bande audio, qui

  2   ne nous est pas importante. Nous pouvons juste continuer de visionner les

  3   images.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. STRINGER : [interprétation]

  6   Q.  Ambassadeur, reconnaissez-vous ces images que nous sommes en

  7   train de visionner ?

  8   R.  Oui. Je ne me souvenais pas d'avoir circulé dans Borovo Selo. Et je me

  9   demande si c'était le même jour ou si Wijnaendts s'y est trouvé un autre

 10   jour, parce que normalement je devrais être là. Mais je vois aussi que

 11   j'étais présent dans la salle de réunions, et on ne m'y voit pas, donc.

 12   C'est peut-être dû au fait que les Serbes ne voulaient pas montrer de

 13   ressortissants allemands dans cet enregistrement.

 14   Q.  Oui.

 15   R.  Milosevic a insisté, par exemple, au moment où on a créé la Mission

 16   d'observation de la Communauté européenne, qu'elle ne comporte pas

 17   d'Allemands ni d'Italiens en son sein.

 18   Q.  Et pour quelle raison ?

 19   R.  A cause de la Seconde Guerre mondiale, bien entendu. C'était à ce

 20   moment-là que les Italiens et les Allemands sont venus en Croatie -- enfin,

 21   ils ne l'ont pas vraiment occupée, ils ont été bien accueillis par les

 22   Croates. C'était du temps de l'existence de l'Etat indépendant croate, qui

 23   était le satellite du régime fasciste.

 24   Q.  Hm-hm. Vous étiez dans cette salle de négociations. J'aimerais savoir

 25   si, à un moment donné, vous êtes sorti ? Est-ce que vous vous êtes déplacé

 26   dans cette base où cela a eu lieu ?

 27   R.  Je me souviens que c'est Wijnaendts qui a parlé en notre nom. Et à un

 28   moment donné, Hugo Siblesz m'a dit tout bas qu'il pensait qu'ils avaient


Page 7677

  1   des prisonniers là-bas. Et ce que j'ai vu, c'était une porte avec une

  2   petite fenêtre, peut-être une grange ou quelque chose de cet ordre, et il

  3   semblait qu'il y avait des ombres qui se déplaçaient derrière.

  4   Q.  Et est-ce que vous y êtes allé --

  5   R.  C'est ce que nous avons vu depuis la table de négociations. Et pendant

  6   la pause - je pense que Hugo est venu avec moi - nous sommes passés par

  7   cette porte avec des grilles, et j'ai dit très fort en serbo-croate : "Nous

  8   sommes une délégation de la Communauté européenne. Nous sommes en

  9   négociation ici. Est-ce que je peux m'adresser à ces personnes ?" J'ai dit

 10   ça lorsque j'ai vu des membres de la "milicija" serbe. Et ce policier m'a

 11   dit qu'il avait besoin que son commandant l'approuve, qu'il se trouvait à

 12   10 kilomètres. Donc on n'a pas pu leur parler. Mais à partir du moment où

 13   je m'étais exprimé très fort en serbo-croate, ils sont venus coller leurs

 14   visages contre la porte et nous voyions qu'ils avaient subi des passages à

 15   tabac.

 16   Q.  Est-ce que vous avez pu vous adresser à l'un quelconque d'entre eux ?

 17   R.  Non. Nous avons informé Wijnaendts de cela et il a dit que ça avait été

 18   tellement difficile d'obtenir la signature de Hadzic qu'il ne fallait pas

 19   aggraver la situation et ne pas en parler à Hadzic.

 20   Q.  Et quelles ont été les difficultés ? Pourquoi est-ce qu'il a été

 21   difficile d'obtenir cette signature de Hadzic sur le cessez-le-feu ?

 22   R.  Il voulait signer en tant que président de la Région autonome de la

 23   Slavonie, Baranja et Srem occidental, et Widnaendts n'acceptait pas cela --

 24   n'acceptait pas son titre. Cela s'est éternisé. C'était ça le problème-clé.

 25   Puis, Hadzic a dit qu'il voulait consulter quelqu'un, je ne sais pas si

 26   c'étaient des ministres ou des combattants, mais quelqu'un. Il est parti.

 27   Il est revenu au bout de quelque temps, faisant des gestes d'allégresse et

 28   disant qu'il pouvait signer désormais, et il a signé.

 


Page 7678

  1   M. STRINGER : [interprétation] Je vais maintenant demander l'intercalaire

  2   73. A huis clos partiel, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Huis clos partiel.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Intercalaire 73, s'il vous plaît.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 7679-7680 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 18   [Audience publique]

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait d'un côté le président Hadzic, le

 20   président de la Baranja, Slavonie et Srem, et puis d'autre part, il y avait

 21   Babic, qui était le président de la Krajina. Et c'est Babic qui s'est

 22   surtout exprimé pendant cette réunion. Mais il y avait aussi Misa

 23   Milosevic, un interlocuteur plutôt âgé, un juriste basé à Genève et qui a

 24   été le secrétaire général, le président de la Fédération mondiale des

 25   Serbes. Et, surtout au début, c'est lui qui est intervenu en tant que

 26   porte-parole des Serbes de Croatie.

 27   M. STRINGER : [interprétation]

 28   Q.  Ambassadeur, donc cela s'est passé en octobre 1991. Vous avez dit que

 


Page 7682

  1   cela se passait sous l'égide de la Conférence Carrington.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce qu'on a discuté à Paris des dispositions du traité ?

  4   R.  Je ne me souviens pas d'entretiens très précisément, mais il est à 100

  5   % sûr que M. Wijnaendts a mentionné les dispositions du traité et que les

  6   Serbes les ont rejetées à 100 %.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire quelle a été, d'après vous, la

  8   position adoptée par les Serbes à ce moment-là par rapport à leur statut en

  9   Croatie et ailleurs et par rapport aux frontières des républiques ?

 10   R.  Les Serbes estimaient que ces frontières des républiques n'étaient que

 11   des frontières administratives qui étaient là pour des raisons pratiques et

 12   qu'elles n'avaient aucun statut international et que c'étaient simplement

 13   des frontières administratives, rien d'autre.

 14   Et puis, un deuxième point, les Serbes ont fait clairement comprendre

 15   qu'ils étaient une nation yougoslave et que, en tant que tel, ils voulaient

 16   rester au sein de la Yougoslavie et qu'ils allaient rejoindre l'Etat serbe.

 17   Et à un moment donné, je ne sais pas exactement à quel moment, lorsque le

 18   parlement des Serbes de Croatie avait adopté la décision qui n'avait pas

 19   été adoptée par le parlement de Serbie, il a été question de rejoindre

 20   l'Etat bosniaque. Et à un moment donné, ça a été tout à fait clair qu'il

 21   n'allait pas y avoir de solution à l'intérieur de la Croatie.

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 24   M. STRINGER : [aucune interprétation] 

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le moment est venu, si cela vous

 26   convient.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Très bien.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ambassadeur, nous allons faire notre


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  1   première pause. Et nous reviendrons dans 30 minutes, à 11 heures.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  4   [Le témoin quitte la barre]

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A vous, Monsieur Stringer.

 10   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, avant la pause, vous avez présenté quelle a été

 12   la position des Serbes quant aux frontières de la république et quant à

 13   l'existence de la Croatie à l'intérieur de la Yougoslavie. Vous en

 14   souvenez-vous ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Lorsque vous avez décrit la politique menée par les Serbes, ou plutôt,

 17   la position qui a été adoptée par la partie serbe lors des négociations,

 18   est-ce que vous pensez que ces positions-là étaient celles de Goran Hadzic

 19   ?

 20   R.  Eh bien, certainement, il n'a pas été le créateur de la politique menée

 21   par les Serbes au cours de cette période, parce que c'était une politique

 22   qui a été défendue aussi par Belgrade et par les Serbes de Bosnie. Il y

 23   avait même des personnalités qui avaient des points de vue plus radicaux,

 24   par exemple, Seselj. Sur ce plan, sa position a été quelque peu différente.

 25   Q.  Et lorsque vous décrivez la politique qui a été menée par les Serbes,

 26   est-ce que vous pensez que M. Hadzic fait partie de ceux qui défendaient

 27   ces positions ?

 28   R.  Oui.


Page 7684

  1   Q.  Vous avez déjà évoqué deux régions autonomes, deux districts autonomes,

  2   et vous avez dit que M. Hadzic représentait l'une de ces régions lors des

  3   négociations menées à Paris, il s'agit de la SBSO, tandis que l'autre

  4   région, la région de Krajina, était représentée par M. Babic.

  5   Ma question serait la suivante : pourriez-vous nous dire quel était

  6   le lien entre ces deux territoires et quelle a été la structure

  7   démographique de ces deux régions ?

  8   R.  Il y avait de grandes différences sur le point démographique entre ces

  9   deux régions, parce que dans la région présidée par M. Babic, il y avait

 10   une grande majorité serbe; tandis que dans la région présidée par M.

 11   Hadzic, il n'y avait pas de majorité serbe absolue. Plutôt, ils

 12   représentaient la majorité dans quelques grandes municipalités.

 13   Q.  Très bien. Et lors de vos débats avec les Serbes de Bosnie ou avec

 14   d'autres Serbes, est-ce qu'on vous a présenté une explication des positions

 15   qui défendent des contenus de cette structure démographique que vous venez

 16   de décrire ?

 17   R.  Pour commencer, il y a eu le recensement qui a été effectué au niveau

 18   yougoslave, et il avait été fait de façon à présenter un nombre de Serbes

 19   plus importants. Moi-même, j'ai contacté des institutions qui s'occupaient

 20   des statistiques en Allemagne pour découvrir quelle était la réputation

 21   dont bénéficiait le Bureau de statistiques yougoslave, parce que lors des

 22   conférences de l'ONU il était toujours question des statistiques. Je pense

 23   que les statistiques avancées par les autorités yougoslaves étaient tout à

 24   fait acceptables, et donc l'argument présenté par M. Hadzic, qui s'appuyait

 25   sur les statistiques, n'était pas très convaincant.

 26   Il y avait aussi une autre question, la question des tombes serbes.

 27   C'est un argument disant que les Serbes avaient été en majorité dans la

 28   région auparavant, et à cause de tous les crimes commis par les Oustachi,


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  1   ils ont perdu cette majorité et cela justifiait leur retour de ce

  2   territoire. Mais je ne le voyais pas dans le secteur est, parce que, de

  3   toute façon, tout ceci s'était produit à la fin de la Deuxième Guerre

  4   mondiale, et à cette époque il y avait, par exemple, aussi une grande

  5   majorité allemande. Vukovar avait 20 % des Allemands. Et, par conséquent,

  6   le nombre des Serbes ne pouvait pas être aussi élevé pour qu'ils

  7   représentent une majorité aussi importante.

  8   Q.  Très bien.

  9   R.  Mais des villages purement serbes ont existé, en effet.

 10   Q.  Alors, vous avez dit avoir rencontré MM. Hadzic et Babic à Paris au

 11   mois d'octobre.

 12   M. STRINGER : [interprétation] J'aimerais vous présenter un enregistrement

 13   vidéo. Intercalaire 29 [comme interprété]. Le document 4878.3 de la liste

 14   65 ter. J'espère que nous avons toutes les transcriptions nécessaires.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Bonsoir. Nous commençons notre journal par un rapport de La Haye.

 18   Une réunion au sommet commence ce soir. Les représentants des gouvernements

 19   de la SAO Krajina, de la SBSO, M. Bilan Babic et M. Goran Hadzic, ont

 20   participé à ces négociations lors de la Conférence sur l'ex-Yougoslavie.

 21   La journaliste : Monsieur Babic, êtes-vous satisfait du cours des

 22   négociations aujourd'hui ?

 23   Babic : Eh bien, notre partie et la Communauté européenne ont montré la

 24   bonne volonté pour continuer la recherche d'une solution satisfaisante. Je

 25   suis satisfait surtout parce que les représentants fédéraux ne seront pas

 26   laissés de côté lors de la conférence de demain. D'après mes connaissances,

 27   les membres de la présidence seront présents, ce qui veut dire que la

 28   participation des organes fédéraux est toujours importante pour trouver une


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  1   solution à la crise yougoslave, et c'est un point sur lequel nous

  2   insistons.

  3   La journaliste : Est-ce que vous trouvez que la question du statut spécial

  4   est un facteur important dans cette phase des négociations ?

  5   Babic : Eh bien, notre point concernant le statut spécial concerne un

  6   statut spécial à l'intérieur de l'union yougoslave. Toute autre solution ne

  7   serait pas acceptable pour nous. Certaines solutions d'après lesquelles le

  8   statut spécial pour les régions serbes serait un statut pour accorder un

  9   statut spécial aux régions serbes à l'intérieur de la République de

 10   Croatie, cette solution-là, pour nous, est inacceptable. Une question qui

 11   est très difficile est la question des frontières de la journaliste [comme

 12   interprété]. Vous savez que la Communauté européenne a insisté pour que les

 13   frontières ne soient pas modifiées. Par ailleurs, le critère n'a pas été le

 14   même lorsqu'il a été appliqué aux frontières à l'intérieur du pays et à

 15   l'extérieur du pays, comme s'il était beaucoup plus facile de changer les

 16   frontières à l'extérieur du pays.

 17   La journaliste : Est-ce que vous avez mené des négociations sur ce point ?

 18   Bien sûr, nous n'insistons pas pour que vous nous disiez des choses qu'il

 19   n'est pas possible de dire pour des raisons diplomatiques.

 20   Babic : Oui, il existe des points qui ne sont pas logiques. Mais la

 21   Communauté européenne accepte que les frontières de Yougoslavie externes

 22   soient modifiées sans qu'elle insiste pour que les frontières internes

 23   soient gardées, alors qu'il ne s'agissait pas vraiment de frontières,

 24   proprement dit.

 25   La journaliste : Une dernière question. Vous êtes à La Haye pour la

 26   première fois. Jusqu'à présent, vous avez négocié à Paris. Pensez-vous que

 27   ceci représente un pas en avant ? Pensez-vous que vous avez été reconnu en

 28   tant que peuple, finalement, plutôt que d'être traité comme une minorité ?


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  1   Babic : Oui, en effet. Nous n'avons jamais accepté d'être traités comme une

  2   minorité ethnique. Je pense que nous nous rapprochons d'une solution.

  3   La journaliste : Donc vous avez réussi d'être traité comme vous l'êtes en

  4   ce moment, de venir à La Haye comme vous l'avez souhaité ?

  5   Babic : En effet. C'est la position que nous défendons."

  6   M. STRINGER : [interprétation]

  7   Q.  Vous avez décrit la position adoptée par les Serbes telle que vous

  8   l'avez comprise. Alors, en examinant cet enregistrement vidéo, nous

  9   comprenons qu'on évoque Paris, et maintenant on évoque un peu plus tard La

 10   Haye. Est-ce que vous pouvez nous dire à peu près à quel moment ces

 11   discussions ont eu lieu ?

 12   R.  Au mois de novembre 1991.

 13   L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent.

 14   M. STRINGER : [interprétation]

 15   Q.  Et les différentes positions qui sont expliquées ici par M. Babic, est-

 16   ce qu'elles concordent avec qu'est-ce que vous avez pu entendre lors des

 17   discussions avec lui et lors de la conférence ?

 18   R.  Oui.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Alors, nous allons poursuivre le

 20   visionnement de l'enregistrement vidéo. Il faudrait revenir un petit peu en

 21   arrière.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "La journaliste : Monsieur Hadzic, quel est votre point de vue sur

 25   cette deuxième rencontre que vous avez eue avec M. Wijnaendts, compte tenu

 26   du fait que votre problème -- c'est-à-dire, le problème du peuple serbe en

 27   Croatie représente la clé pour trouver une solution à la situation en

 28   général, au problème yougoslave en 


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  1   général ?

  2   Hadzic : A Paris, nous avons présenté notre point de vue sur la façon dont

  3   il faut résoudre la crise de Yougoslavie. Nous sommes venus ici pour, pour

  4   ainsi dire, recevoir des informations de la part de M. Wijnaendts et pour

  5   nous familiariser avec le point de vue de la Communauté européenne.

  6   Personnellement, je suis très satisfait de l'ambiance qui prévalait et qui

  7   était, on peut même dire, amicale. Nous avons tout à fait accepté les

  8   points de vue des uns des autres ainsi que leurs arguments. Il n'y a pas eu

  9   de points de contestés. J'espère qu'une solution favorable sera proposée

 10   par la Communauté européenne, même si M. Babic et moi, nous n'avons pas

 11   beaucoup de possibilités pour être flexibles. Parce qu'avant tout, notre

 12   rôle est d'exprimer la volonté du peuple serbe dans les deux Krajinas, et

 13   le peuple serbe a exprimé son point de vue d'une façon très claire. Par

 14   conséquent, nous avons très peu d'espace de manœuvre et il nous est

 15   difficile d'être très flexibles, mais j'espère que les représentants de la

 16   Communauté européenne l'ont compris. Mis à part M. Wijnaendts, deux vice-

 17   présidents et un ambassadeur ont participé à des négociations, et cela me

 18   paraît être un point important. Je pense que nos négociations auront une

 19   incidence importante sur la conférence sur la Yougoslavie de demain.

 20   La journaliste : Dans le cadre de la Conférence de La Haye, on évoque le

 21   statut spécial pour le peuple serbe de Croatie. Est-ce que ce statut

 22   spécial est acceptable pour vous, et qu'est-ce que cela veut dire au juste

 23   ?

 24   Hadzic : Eh bien, de notre côté, le statut spécial veut dire que nous

 25   serons séparés dans le cadre d'un plan spécial. En fait, nous sommes déjà

 26   séparés de la République de Croatie, et ce statut spécial est un statut que

 27   nous souhaitons détenir à l'intérieur de la Yougoslavie. C'est là le point

 28   que nous essayons de faire lors de ces négociations, et c'est un point que


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  1   l'autre partie est probablement prête à accepter. Mais il est difficile

  2   pour la Communauté européenne d'accepter notre point de vue. Mais j'espère

  3   qu'une solution sera trouvée. Nous ne pouvons pas abandonner notre point de

  4   vue. L'Europe doit comprendre que le peuple serbe peut accepter le statut

  5   spécial seulement à l'extérieur de la République de Croatie."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. STRINGER : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur, ici, encore, on fait de nombreuses références différenciées

  9   que vous avez évoquées lors de votre déposition. Et à cette question du

 10   statut spécial, est-ce que ce statut spécial doit être accordé à

 11   l'intérieur de la Yougoslavie ou à l'intérieur de la Croatie, pouvez-vous

 12   nous dire si les points de vue présentés ici par M. Hadzic concordent avec

 13   les positions que, d'après ce que vous avez compris, il avait présentées

 14   lors des négociations ?

 15   R.  C'était certainement la position, non seulement défendue par M. Hadzic,

 16   mais par la partie serbe en général. M. Hadzic l'a exprimée, mais il faut

 17   dire que l'ambassadeur Wijnaendts n'a dit à aucun moment qu'il était prêt à

 18   faire des concessions ou qu'il serait possible pour la RSK de sortir de la

 19   Croatie pour intégrer un autre Etat ou pour obtenir l'indépendance. Donc,

 20   ce que M. Hadzic indique ici est un malentendu de nature plutôt tragique.

 21   Q.  Ces positions exprimées par MM. Babic et Hadzic ici, alors comment

 22   faut-il les comprendre ?

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   M. STRINGER : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il semblerait que le compte rendu

 26   d'audience ne fonctionne plus. S'agit-il d'un problème purement technique ?

 27   Apparemment il y a aussi un problème au niveau du prétoire électronique.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Oui, le compte rendu d'audience ne semble


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  1   plus fonctionner non plus.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon, très bien. Nous allons trouver

  3   une solution et procéder étape par étape. Monsieur le Greffier, le système

  4   du prétoire électronique semble quand même fonctionner ?

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] En effet.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, nous allons attribuer une cote

  7   à cet enregistrement vidéo.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 4878.3 de la liste 65 ter

  9   recevra la cote P2880.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais moi je

 11   ne vois pas défiler de compte rendu d'audience à l'écran.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais nous non plus. Il semblerait que

 13   le système ne fonctionne pas. Pouvons-nous repartir et reprendre nos

 14   travaux, Monsieur le Greffier ?

 15   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il me semble préférable de faire une

 17   pause en ce moment puisqu'il est impossible de voir quoi que ce soit sur

 18   nos écrans. Nous allons attendre.

 19   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous pouvons reprendre nos travaux.

 21   Vous avez la parole, Monsieur Stringer.

 22   M. STRINGER : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, comme vous le voyez, nous avons dû faire face à

 24   quelques problèmes techniques. Donc j'aimerais revenir à la dernière

 25   question que je vous ai posée tout à l'heure et qui n'a pas été enregistrée

 26   dans le compte rendu d'audience.

 27   Nous avons visionné l'enregistrement vidéo. Vous nous avez décrit quelle a

 28   été la position adoptée par la partie serbe quant aux dispositions du


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  1   traité. Alors, ma question est la suivante : les points de vue présentés

  2   par MM. Hadzic et Babic dans cet enregistrement vidéo sont-ils compatibles

  3   avec les dispositions du traité explicitées dans le document que vous avez

  4   examiné tout à l'heure ?

  5   R.  Non, elles n'étaient -- il n'y avait pas de compatibilité avec les

  6   dispositions du traité. Mais aussi, il n'y avait pas de compatibilité avec

  7   les principes de base que nous avons appliqués lorsque nous avons défini

  8   ces dispositions du traité.

  9   Q.  Et pour que tout soit clair dans le compte rendu d'audience. Donc, est-

 10   ce que ces points de vue étaient compatibles avec les dispositions du

 11   traité ou non ?

 12   R.  Non, elles étaient incompatibles.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous souhaitons

 14   demander le versement au dossier de l'enregistrement vidéo 4879.3 [comme

 15   interprété].

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En fait, nous l'avons déjà fait, mais

 19   cela n'a pas été enregistré dans le compte rendu d'audience.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document recevra la cote P2880. Merci.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci à vous.

 22   M. STRINGER : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, ceci nous amène à la fin du printemps. Et

 24   j'aimerais savoir si, au début de l'année 1992, vous avez eu des

 25   discussions avec les représentants des autorités croates pour débattre des

 26   mesures à prendre pour trouver un cadre réglementaire pour le statut de

 27   Serbes en Croatie ?

 28   R.  Lorsque la Croatie a proclamé son indépendance, ils avaient déjà fait


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  1   des efforts pour protéger les droits des minorités. Par la suite, ils ont

  2   travaillé sur une loi constitutionnelle qui portait sur les droits des

  3   minorités, et cette loi s'appliquait aux Serbes au niveau de la Croatie. Et

  4   lorsque la Communauté européenne a décidé de reconnaître ces républiques-

  5   là, elle a demandé pour que tous les documents juridiques soient harmonisés

  6   avec le chapitre 2 du traité. C'est un point qui est devenu très important,

  7   mais la Commission Badinter n'a pas immédiatement accepté la solution

  8   proposée par les Croates.

  9   Tudjman a rédigé deux lettres, et après deux lettres il a été

 10   reconnu. Mais lors de la conférence, le sentiment qui prévalait était que

 11   la loi constitutionnelle croate ne suffisait pas, et c'est pourquoi un

 12   avocat britannique, Henry Darwin, et moi-même, nous avons entamé toute une

 13   série de négociations très pénibles avec la partie croate, et seulement la

 14   partie croate, pour essayer d'améliorer cette loi. Ces négociations se sont

 15   prolongées jusque, je crois, au mois de mai et c'est alors que le parlement

 16   croate a adopté une autre version de la loi. Et, par ailleurs, nous avons

 17   dû mener des discussions au niveau du parlement aussi. C'est un exercice

 18   quelque peu futile parce qu'il accordait l'autonomie aux Serbes à

 19   l'intérieur de la Croatie et nous savions pertinemment que ceci ne serait

 20   jamais accepté.

 21   M. STRINGER : [interprétation] J'aimerais que nous passions à

 22   l'intercalaire 87 [comme interprété]. Document 8480 [comme interprété] de

 23   la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 24   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous pouvez consulter la version que vous

 25   préférez, puisque vous êtes capable de les lire toutes les deux. Mais

 26   dites-moi, s'il vous plaît, reconnaissez-vous le document affiché à l'écran

 27   ?

 28   R.  Oui, c'est bien la loi que j'ai évoquée tout à l'heure, dans sa version


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  1   du mois de mai 1992.

  2   Q.  Et dites-nous encore une fois, très brièvement, quel était l'objectif

  3   visé par cette loi ?

  4   R.  D'assurer le respect des droits des Serbes en Croatie. Enfin, pas

  5   seulement des Serbes, mais les Serbes présentaient le problème le plus

  6   important. Mais en Croatie, il y avait 22 minorités différentes. Mais, en

  7   fait, le problème se ramenait à une seule minorité qui était la plus

  8   importante.

  9   Q.  Et est-ce que vous avez participé aux discussions qui ont été menées

 10   avec les Croates ? Lors de ces discussions, avez-vous eu l'occasion de

 11   commenter cette loi ?

 12   R.  Oui. C'étaient des véritables négociations que nous avons menées.

 13   Q.  J'aimerais que vous vous concentriez sur l'article 2, donc, sur le

 14   deuxième paragraphe. Et puis, il y est indiqué que : "Les paragraphes 4 et

 15   5 seront ajoutés." Puis le texte se poursuit à la page suivante.

 16   M. STRINGER : [interprétation] On peut peut-être agrandir un peu le haut de

 17   la page pour que vous puissiez déchiffrer.

 18   Q.  "Dans les villes et les agglomérations en dehors du district et qui

 19   bénéficient d'un statut spécial afin de protéger les droits collectifs des

 20   communautés ethniques et nationales sur place… ou des minorités." Ici, il

 21   est question des mesures de protection.

 22   R.  Oui. Il s'agit des mesures de protection spéciales, mais il s'agissait

 23   tout simplement d'avoir un agent de police qui est devant votre maison.

 24   C'est, bien sûr, un point important, mais il y en avait d'autres aussi. Par

 25   exemple, la possibilité d'aller à l'église, et il y avait tout cet aspect

 26   aussi culturel dont il fallait tenir compte aussi.

 27   Q.  Et j'aimerais que nous passions maintenant à l'article 5 pour

 28   l'examiner.


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  1   M. STRINGER : [interprétation] Peut-être qu'on peut agrandir un petit peu

  2   cette partie du texte.

  3   Q.  Dans l'article 5, Monsieur l'Ambassadeur, il est question des

  4   districts, des régions, où les gouvernements locaux bénéficient d'un statut

  5   spécial et autonome, et il s'agit des régions où des communautés ethniques

  6   ou nationales ou des minorité constituent une majorité supérieure à 50 %

  7   d'après le chiffre recueilli lors du recensement de 1991 [comme

  8   interprété]. Et donc, ces districts-là ou ces régions-là bénéficient d'un

  9   statut spécial.

 10   Alors, en examinant ces dispositions, la première qui figure dans

 11   l'article 2, et maintenant celle qui figure dans l'article 5, on évoque des

 12   agglomérations et des villes où il existe une majorité. De quoi s'agit-il ?

 13   R.  Eh bien, il s'agit des deux tiers. C'est la question que j'ai évoquée

 14   tout à l'heure. Donc, avant, il était question du deuxième tiers du

 15   territoire; et ici, il est question du troisième tiers du territoire, de la

 16   région qui bénéficie d'un statut spécial.

 17   Q.  Et ces notions qui sont évoquées ici dans cette loi, dans quelle mesure

 18   étaient-elles basées sur les travaux que vous avez effectués auparavant en

 19   travaillant sur les différents tiers du territoire ? Est-ce que c'était

 20   quelque chose qui figurait déjà dans les provisions du traité précédent que

 21   nous avons pu voir ?

 22   R.  Lorsque j'ai rédigé ce chapitre du traité ici à La Haye, je l'ai fait

 23   dans l'espace de trois jours, et j'ai contacté toutes sortes de

 24   spécialistes par téléphone pour savoir quels étaient les derniers

 25   développements sur ce plan. Donc c'était un travail important à effectuer.

 26   Mais vous avez ici cette disposition qui concerne le troisième tiers, et

 27   c'est quelque chose qui aura des conséquences importantes.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Passons à la page suivante en version


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  1   anglaise, s'il vous plaît. Le haut de la page.

  2   Q.  Est-ce qu'ici on indique tous les endroits en Croatie qui se qualifient

  3   pour bénéficier de ce statut spécial, de ce statut autonome ?

  4   R.  Oui, nous avons une liste de toutes les agglomérations et de toutes les

  5   villes qui en bénéficient conformément au recensement de 1991 [comme

  6   interprété]. Ce sont les endroits où les Serbes sont en majorité.

  7   Q.  Et pour la zone de SBSO, elle n'est pas comprise dans cette liste ?

  8   R.  Non, parce qu'il n'y avait pas une seule municipalité qui avait une

  9   majorité serbe. Le pourcentage le plus élevé des Serbes était dans la ville

 10   de Vukovar, et là les Serbes représentaient 37 % de la population.

 11   Q.  Et savez-vous si cette loi a été adoptée et si elle a été intégrée à la

 12   constitution croate ?

 13   R.  Oui. Mais ce qui est dit au niveau du statut spécial à accorder à

 14   certaines régions n'a jamais été mis en œuvre. La première chose qui s'est

 15   produite après la conquête de ces zones au mois d'août 1995 était de

 16   rejeter ces dispositions.

 17   Q.  Très bien. Mais à l'époque, c'est-à-dire en 1992, lorsque cette loi a

 18   été adoptée, de votre point de vue, quelle a été sa qualité ? Etiez-vous

 19   satisfait des dispositions de cette loi ?

 20   R.  Je dois avouer que j'étais déjà un peu fatigué de tous les débats que

 21   nous avons menés à de nombreuses reprises sur le même sujet, parce que

 22   finalement il y avait -- nous étions arrivés à un accord avec les Serbes

 23   qui devait être acceptable aux deux parties, et puis il fallait tout

 24   renégocier parce que les négociations que nous avons menées au niveau de

 25   cette loi, nous les avons menées seulement avec les Croates. Et tout ceci

 26   s'est produit avant le plan suivant qui a représenté le deuxième projet de

 27   la communauté internationale pour la Krajina.

 28   Q.  Mais la loi elle-même, le texte de la loi était-il acceptable de votre


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  1   point de vue ?

  2   R.  Oui. C'était un document juridique d'un très haut niveau et d'une très

  3   bonne qualité. Mais le problème, c'était de le mettre en œuvre.

  4   Q.  Et lors de vos contacts avec les autorités croates au sujet de cette

  5   loi, est-ce que les Serbes, M. Hadzic et les autres membres des Serbes de

  6   Croatie ont participé à des négociations ?

  7   R.  Non, pas du tout. Seulement lors d'une réunion avec M. Hadzic, je pense

  8   qu'il m'a demandé de lui donner un exemplaire de cette loi, mais il l'a

  9   fait parce qu'il voulait savoir ce qu'il y avait dans cette loi.

 10   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande

 11   le versement du document numéro 6480 de la liste 65 ter.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2881.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Pourrions-nous avoir maintenant le document

 16   numéro 1058 de la liste 65 ter. Intercalaire 84. Et nous devrions agrandir

 17   l'anglais, s'il vous plaît.

 18   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, avez-vous déjà eu l'occasion d'examiner ce

 19   document pendant le week-end ? Nous pouvons peut-être avancer parmi ces

 20   pages afin que vous puissiez vous familiariser avec lui.

 21   R.  Je crois que c'était là une des occasions où je n'étais pas présent.

 22   Parce que dans le cadre de la Conférence Carrington, notamment après la

 23   reconnaissance de la Croatie, Lord Carrington s'est appuyé principalement

 24   sur De Beauce pour ces questions, et je ne l'accompagnais pas.

 25   Q.  Pourquoi ne nous dites-vous pas qui était présent. Nous savons qui

 26   était Lord Carrington. Qui était De Beauce ?

 27   R.  Eh bien, Lord Owen avait de très bonnes relations avec le Quai d'Orsay

 28   et avec Mitterrand. Lord Carrington, quant à lui, considérait que la


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  1   reconnaissance de la Croatie et de la Slovénie, telle qu'elle avait été

  2   défendue par l'Allemagne, avait fait capoter sa conférence, donc il ne

  3   voulait pas mettre l'accent sur la coopération, que ce soit avec les

  4   Français ou les Allemands.

  5   Q.  Ceci consigne les conversations tenues le 29 avril 1992. Est-ce que

  6   vous étiez au courant de la tenue de cette réunion ?

  7   R.  Oui. J'avais un très bon rapport avec Thierry De Beauce.

  8   Q.  Alors, je voudrais d'abord vous demander si vous avez eu l'occasion

  9   d'examiner ceci et si cela cadre avec votre compréhension de ce qui s'est

 10   passé lors de cette réunion et si cela cadre avec les différentes positions

 11   exprimées par les parties.

 12   R.  Ce document ?

 13   Q.  Oui.

 14   R.  Je crois que c'est bien le cas.

 15   Q.  Très bien. Je voudrais attirer votre attention sur certains passages

 16   spécifiques.

 17   Passons à la page numéro 3 en anglais. Au paragraphe 2, qui commence

 18   par les termes : "Deputy of Lord Carrington…", "L'adjoint de Lord

 19   Carrington…"

 20   Dans ce paragraphe, Monsieur l'Ambassadeur, Lord Carrington fait

 21   référence au fait que de nouveaux Etats ont été constitués sur le

 22   territoire de la RSFY. Il met l'accent sur cela et dit que ces Etats ont

 23   été reconnus par plusieurs Etats. Il dit qu'à ce stade-là, la Serbie et le

 24   Monténégro ont même constitué ensemble un Etat fédéral.

 25   Alors, première question : la constitution de cet Etat fédéral de la

 26   Serbie-et-Monténégro est-elle en accord avec les dispositions du traité et

 27   les principes fondamentaux que nous avons déjà évoqués ?

 28   R.  Eh bien, cette phrase ou ce paragraphe concernant la possibilité d'être


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  1   complètement indépendant ou de faire partie d'une fédération, ou encore

  2   d'une confédération, ne sont pas enfreints de cette façon. Mais cela

  3   n'était pas compatible avec le fait que la Yougoslavie prétendait être

  4   l'Etat successeur sur le plan juridique de la RSFY. Et ceci a également été

  5   en contradiction claire avec ce que disait la Commission Badinter, qui

  6   considérait que la Yougoslavie avait été découpée en Etats distincts.

  7   Q.  Très bien. Alors, la dernière phrase de ce que dit Lord Carrington ici

  8   fait allusion au fait que la Croatie aurait à établir ou rétablir sa

  9   souveraineté à l'intérieur de ses frontières administratives. Les

 10   déclarations de Lord Carrington lors de cette conférence reflètent, n'est-

 11   ce pas, l'état de celle-ci quant au statut de la Yougoslavie et de ses

 12   nouveaux Etats ?

 13   R.  Eh bien, peut-être que ceci aurait pu être exprimé de façon plus

 14   claire. Cela aurait été peut-être plus constructif et plus utile si les

 15   Serbes avaient entendu tous leurs interlocuteurs leur dire que les

 16   frontières n'allaient pas être modifiées. Peut-être qu'on aurait pu éviter

 17   cette tragédie.

 18   Q.  Très bien. Le paragraphe suivant --

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, juste un instant.

 20   Pour le compte rendu d'audience, vous dites que dans ce paragraphe c'est

 21   Lord Carrington qui s'exprime. Mais si je lis ce qui est écrit, il s'agit

 22   de l'adjoint de Lord Carrington. Au tout début du paragraphe.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Peut-être que je me trompe, Monsieur le

 24   Président. Mais je m'intéresse au paragraphe débutant par les mots :

 25    "The deputy of Lord Carrington…", "L'adjoint de Lord Carrington, en

 26   principe…"

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais qui parle ? A qui attribue-t-on

 28   ici ces propos ? Peut-être que c'est moi qui ai mal compris.


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  1   M. STRINGER : [interprétation] D'après moi, c'est ici Carrington lui-même

  2   qui s'exprime.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Si c'est votre lecture.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Et je crois que les Juges de la Chambre

  5   pourront s'en rendre comte eux-mêmes. Mais justement, je m'apprêtais à

  6   passer au paragraphe suivant où on fait référence à M. De Beauce qui a

  7   déclaré que le gouvernement croate travaillait à une nouvelle constitution

  8   et de nouvelles lois qui prendraient en considération dans son intégralité

  9   la question de la liberté des groupes ethniques.

 10   Ensuite, dans le paragraphe suivant, au président de la RSK, Hadzic, est

 11   proposée cette nouvelle proposition pour étude. Et ils ont proposé à la RSK

 12   de prendre connaissance en détail de la législation croate.

 13   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez quelle loi nouvelle

 14   constitutionnelle croate est ici évoquée par M. De Beauce ?

 15   R.  Eh bien, je crois que --

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Excusez-moi, j'ai une objection. Parce qu'ici

 17   il n'est pas dit "loi constitutionnelle", et je pense que la question était

 18   donc directrice.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Je vais reformuler.

 20   Q.  Ici, M. De Beauce dit que le gouvernement croate œuvre à une nouvelle

 21   constitution et à des lois qui incluraient, et cetera, et cetera. Est-ce

 22   que vous savez de quoi il s'agit ?

 23   R.  Il y avait une loi constitutionnelle adoptée en mai, mais le

 24   gouvernement avait toujours des difficultés avec ce texte et s'efforçait de

 25   continuer de l'améliorer. Je n'ai cependant pas eu connaissance d'une

 26   nouvelle constitution à laquelle on aurait travaillé. Peut-être des

 27   amendements.

 28   Q.  Juste pour le compte rendu d'audience, la loi que nous examinions


Page 7701

  1   précédemment, est-ce qu'en fait, elle est devenue partie intégrante de la

  2   constitution croate au mois de mai 1992 ?

  3   R.  Eh bien, la loi constitutionnelle fait partie de l'ordre

  4   constitutionnel. Ce qui signifie qu'on ne peut pas l'amender par une

  5   majorité simple au parlement.

  6   Q.  Passons à la page suivante, qui est le numéro 4, premier paragraphe,

  7   débutant par les mots : "Le président Hadzic…"

  8   Il est fait référence aussi à des frontières administratives inexistantes.

  9   Est-ce que ceci cadre avec la position des Serbes quant aux frontières de

 10   la république ?

 11   R.  Où cela se trouve-t-il ?

 12   Q.  Dans le premier paragraphe intégral, qui commence par les termes : "Le

 13   président Hadzic…"

 14   Est-ce que les caractères sont suffisamment grands pour que vous puissiez

 15   lire ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Il dit, je cite : "Vous et l'Europe avez fait le pire choix possible, à

 18   savoir décider de reconnaître le choix des républiques et la reconnaissance

 19   de frontières administratives inexistantes, plutôt que de retenir le

 20   critère selon lequel c'est le peuple qui," et cetera.

 21   R.  C'est la position serbe à l'époque, oui, dans son ensemble.

 22   Q.  Alors, passons à la suite. Au point numéro 3, plus bas sur cette page,

 23   il s'agit donc des conclusions de M. Hadzic dans le cadre de cette réunion.

 24   Il y est dit que :

 25   "D'après Hadzic, et dans ses termes propres, le plan Vance devait être mis

 26   en œuvre inconditionnellement, ce qui n'impliquait pas de solution

 27   politique et ne garantissait pas la protection des Serbes, promise pourtant

 28   par l'Union européenne."


Page 7702

  1   Alors, nous sommes à la fin du mois d'avril. Savez-vous si à ce moment-là

  2   les Serbes eux-mêmes mettaient en œuvre de façon inconditionnelle les

  3   dispositions du plan Vance ?

  4   R.  Non, ils ne le faisaient pas.

  5   Q.  Et de quelle façon pouvait-on constater qu'ils ne le faisaient pas ?

  6   R.  Eh bien, le plan Vance, avant tout, prévoyait une démilitarisation.

  7   Alors, ce qui se passait, c'était qu'il devait y avoir une retraite de la

  8   JNA. Et cela a eu lieu. Ce qui n'a pas eu lieu, en revanche, c'est le

  9   retrait de leurs armes et d'une partie des effectifs puisque des forces

 10   spéciales de la police ont été créées dans la Krajina. Par conséquent, ceci

 11   a contrecarré le processus de démilitarisation.

 12   Et deuxièmement, le plan Vance prévoyait le retour des réfugiés. Au mieux

 13   de ce que j'en sais, aucun réfugié ne s'est vu autoriser un retour.

 14   Q.  Très bien. Passons maintenant à la page suivante, point numéro 7 des

 15   remarques de M. Hadzic, il y est dit que la RSK a établi un état de droit

 16   et que les droits de l'homme et les libertés humaines seront garantis pour

 17   tous les citoyens y résidant, conformément aux solutions démocratiques en

 18   place.

 19   Est-ce que M. Hadzic a jamais fait référence à ces notions dans ses

 20   discussions avec vous au sujet d'un état de droit et des droits de l'homme

 21   au sein de la RSK ?

 22   R.  Oui, nous avons évidemment soulevé la question des droits de l'homme

 23   avec M. Hadzic, qui répondait, par exemple, qu'il y avait un état de droit

 24   et un système juridique qui fonctionnait, un système judiciaire également,

 25   qui se composait de tribunaux ayant à connaître de certaines violations

 26   commises dans la situation de guerre qui prévalait toujours entre les

 27   Croates et les Serbes.

 28   Je crois qu'à un moment donné, à l'été 1992 il me semble, M. Hadzic m'a


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  1   même demandé mon aide dans la reconnaissance des principes de ce type aux

  2   fins de la protection de minorités. Alors, bien entendu, dans ce contexte,

  3   les minorités ce sont les Croates, les Slovaques et les autres non-Serbes

  4   vivant sur le territoire de la RSK.

  5   Q.  Savez-vous si M. Hadzic a jamais donné suite à ces efforts visant à

  6   garantir ou protéger les droits de l'homme en RSK, s'il a persisté ?

  7   R.  Pas à ma connaissance.

  8   Q.  Et savez-vous s'il a jamais parlé publiquement ou condamné publiquement

  9   des violations des droits de l'homme ou des crimes qui étaient en train de

 10   se produire ?

 11   R.  Pas à ma connaissance.

 12   M. STRINGER : [interprétation] L'Accusation demande le versement au dossier

 13   de la pièce numéro 1058 de la liste 65 ter.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P2882.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 17   M. STRINGER : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous rappelez-vous avoir rencontré M. Hadzic à

 19   Belgrade à l'été 1992 ?

 20   R.  Oui. Il y a eu, en fait, deux réunions. L'une était la dernière tenue

 21   dans le cadre de la Conférence Carrington. D'abord, c'est Lord Carrington,

 22   De Beauce et moi-même qui avons rencontré la délégation serbe; et ensuite,

 23   j'ai rencontré seul la délégation serbe.

 24   La deuxième réunion a été la première tenue après la mise en place de la

 25   Conférence sur l'ex-Yougoslavie en présence de M. Hadzic. Et lors de l'une

 26   de ces deux réunions, il a dit qu'il serait utile pour lui que nous lui

 27   expliquions peut-être un peu mieux ce qu'il en était des droits de l'homme

 28   et des droits des minorités au sujet desquels nous estimions qu'il fallait


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  1   qu'ils soient respectés.

  2   Q.  Que saviez-vous de la situation en termes des droits de l'homme en RSK

  3   et quelles étaient vos sources d'information en la matière ?

  4   R.  Eh bien, la situation des droits de l'homme était mauvaise, d'après

  5   toutes les informations que je pouvais recevoir. J'ai été personnellement

  6   le témoin uniquement de ce qui concernait ces prisonniers dont j'ai parlé.

  7   Peut-être que nous reviendrons à cette liste de personnes de Vukovar.

  8   Mais j'ai pu consulter un grand nombre de rapports de la MOCE qui étaient

  9   très critiques, et davantage de rapports de la FORPRONU ensuite. Et j'ai

 10   reçu une lettre de l'ambassade tchécoslovaque qui était très critique au

 11   sujet de la situation de la minorité slovaque. Les Serbes ne faisaient pas

 12   vraiment de distinction entre les Croates, les Slovaques, les Hongrois;

 13   tous les non-Serbes étaient en fait indésirables.

 14   Q.  Pour le compte rendu, Monsieur l'Ambassadeur, nous avons au compte

 15   rendu que les Serbes faisaient une distinction entre les Croates, les

 16   Slovaques et les Hongrois. Est-ce exact ?

 17   R.  Non. Ça doit être une erreur ou un lapsus. Ils ne faisaient pas de

 18   distinction.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir la pièce

 20   P2410.2398. Intercalaire numéro 68.

 21   Alors, Monsieur le Président, je crois qu'il nous faut passer à huis clos

 22   partiel pour cette partie de l'interrogatoire.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il

 24   vous plaît.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 26   Messieurs les Juges.

 27   [Audience à huis clos partiel]

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 16   [Audience publique]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 18   M. STRINGER : [interprétation] C'est l'onglet numéro 9.

 19   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous pouvez voir le document qui s'affiche à

 20   l'écran devant vous. La date est celle du 11 novembre 1992. Rapport du

 21   secrétaire général relatif à la Conférence internationale sur l'ex-

 22   Yougoslavie.

 23   Avec l'aide de M. l'Huissier, je souhaite que vous vous reportiez à

 24   la page numéro 25 de ce document, paragraphe numéro 82, et le tiers

 25   inférieur de la page en question.

 26   Alors, Monsieur l'Ambassadeur, ce chapitre concerne le groupe de travail

 27   chargé des groupes et des minorités ethniques et nationales, juste au-

 28   dessus du paragraphe numéro 82, n'est-ce pas ?

 


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que vous-même et votre personnel étiez à la source des

  3   informations figurant dans ce chapitre ?

  4   R.  Oui, nous avons rédigé cette section. Cela a pu faire l'objet de

  5   modifications, mais nous en étions les auteurs, oui.

  6   Q.  Pourrions-nous, dans ce cas, passer à la page suivante, paragraphe

  7   numéro 89. Comme nous pouvons le voir, chaque paragraphe porte sur un lieu

  8   ou un secteur ou, encore, un groupe de minorités différent qui faisait

  9   l'objet de votre préoccupation, de vos travaux. Donc, paragraphe 89,

 10   concernant les Serbes en Croatie.

 11   Ici, il est question d'une réunion avec M. Hadzic tenue à Belgrade le

 12   25 septembre.

 13   R.  C'est la réunion évoquée précédemment, en disant qu'il y avait deux

 14   réunions : la première toujours dans le cadre de la Conférence Carrington,

 15   et la seconde sous l'égide de la Conférence sur l'ex-Yougoslavie.

 16   Q.  Très bien. Alors, ici, il est indiqué que la Krajina recourrait bien

 17   plus volontiers à de nouvelles opérations de guerre plutôt que de redevenir

 18   une partie de la Croatie. On attribue à M. Hadzic ces propos.

 19   R.  Eh bien, je ne me rappelle pas ceci sous cette forme exacte, mais il

 20   est possible que cela ait été le cas. Cela met en avant la position serbe.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Je voudrais demander le versement du

 22   document 1361.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P2883.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous passions à

 27   l'intercalaire numéro 82. Pièce P02848.

 28   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, ceci est un nouveau rapport du secrétaire


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  1   général relatif à la résolution -- ou, plutôt, aux Résolutions 743 et 762

  2   du Conseil de sécurité. C'est daté du 28 septembre 1992.

  3   Donc, trois jours après la date de cette réunion que vous venez juste de

  4   décrire et qui s'est tenue avec M. Hadzic.

  5   Alors, je voudrais attirer votre attention sur la seconde page de ce

  6   document. Tout d'abord, avez-vous eu la possibilité d'examiner ce document

  7   ?

  8   R.  Oui, je l'ai vu.

  9   Q.  Nous n'avons pas besoin de l'examiner en détail, mais au bas de la

 10   seconde page, il est fait référence à la démilitarisation, et nous trouvons

 11   également une référence à de nouvelles forces de la "milicija", de la

 12   police serbe. Leur ignorance quasi totale des tâches et du travail de la

 13   police ainsi que le niveau de leur armement indique qu'il s'agit plutôt de

 14   forces paramilitaires, c'est ce que considère le commandant de la force.

 15   Alors, ces informations que vous receviez dans le cadre de votre travail ne

 16   concernaient pas que M. Hadzic, mais également toutes les parties dans le

 17   cadre de la conférence, n'est-ce pas ?

 18   R.  C'était visible. Nous avons voyagé sur le territoire de la RSK et vous

 19   pouviez voir ces postes militaires aux frontières, et cela plaçait les

 20   dispositions du plan Vance sous un point d'interrogation quant à leur mise

 21   en œuvre.

 22   Q.  Et la position de la conférence internationale sur ces forces serbes, à

 23   savoir paramilitaire ou police, est-ce qu'à vos yeux, c'étaient des forces

 24   légitimes au titre du plan Vance ?

 25   R.  Non. Mais c'était quelque chose qui relevait de la FORPRONU.

 26   Q.  Très bien. Abordons le paragraphe 10 à présent de la page 4, si vous

 27   voulez bien.

 28   Paragraphe 10. Le chapitre porte le titre : Actes terroristes, et il est


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  1   question du secteur est. Le texte se lit comme suit :

  2   "A l'opposé, l'état de droit ne fonctionne pas. Pas de système judiciaire

  3   qui fonctionnerait."

  4   R.  Est-ce que je peux le voir ?

  5   Q.  C'est la deuxième phrase du paragraphe 10.

  6   Donc la question est la suivante, Monsieur l'Ambassadeur : pourriez-vous

  7   faire un commentaire sur cela à la lumière des observations de M. Hadzic

  8   sur le fait que les droits de l'homme étaient protégés sur le territoire de

  9   la RSK et que l'état de droit régnait en RSK ?

 10   R.  Je l'ai déjà dit, c'étaient des dispositions juridiques. J'avais le

 11   texte noir sur blanc, mais ce n'était pas correctement mis en œuvre.

 12   M. STRINGER : [interprétation] L'intercalaire 8, s'il vous plaît. Il

 13   s'agira du document 1349.1 de la liste 65 ter. Il s'agit également d'une

 14   pièce à conviction déjà versée au dossier, P2870, excusez-moi.

 15   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, avez-vous eu l'occasion de lire ce texte le

 16   week-end dernier ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous nous avez dit que vous avez eu des contacts avec le commandant de

 19   la FORPRONU, M. Nambiar, pendant que vous travailliez pour la Conférence

 20   internationale sur l'ex-Yougoslavie.

 21   R.  Je l'avais connu en tant que diplomate indien. Mais normalement, on

 22   avait des contacts avec Thornberry.

 23   Q.  Alors -- ce document est déjà versé au dossier. Il dit qu'il estime que

 24   les autorités serbes dans les zones protégées par les Nations Unies ont mis

 25   en œuvre uniquement les volets du plan qui leur convenaient et qu'en fait,

 26   ils ont empêché toute mise en œuvre du reste pour poursuivre leurs propres

 27   objectifs politiques et militaires.

 28   Est-ce que vous partagez ce point de vue ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et plus loin, une phrase dans ce paragraphe se lit comme suit :

  3   "Ils se sont servi de notre présence pour consolider leur pouvoir dans les

  4   zones roses et ont terrorisé et cherché à chasser les résidents croates qui

  5   s'y trouvaient encore…"

  6   Alors, d'après vous, qu'étaient les zones roses dont il est question ici ?

  7   R.  C'était défini au terme du plan Vance. Mais la ligne du cessez-le-feu

  8   n'était pas toujours quelque chose qui correspondait aux zones de

  9   protection des Nations Unies. Il y a eu des chevauchements, et ces

 10   chevauchements ont été appelés les zones roses. Il n'y en avait quasiment

 11   pas dans le secteur est, mais il y en avait qui étaient plutôt de grande

 12   taille dans d'autres secteurs. Il y en avait une petite entre le secteur

 13   nord et le secteur ouest qui établissait quasiment un lien physique entre

 14   les deux.

 15   Q.  Donc la zone rose aurait été contrôlée par quelle partie ?

 16   R.  Ah, ça toujours été un problème. Vous avez la Résolution 762 des

 17   Nations Unies qui se réfère aux zones roses. Donc la question était de

 18   savoir quelle police avait le droit d'opérer sur le territoire des zones

 19   roses. La proposition qui a été formulée était que la FORPRONU y reste et

 20   qu'elle soit la seule à y être déployée. Mais ça a été un éternel problème,

 21   et je ne sais pas comment ça s'est terminé.

 22   Q.  Nous allons parler de la Résolution 802 dans un instant.

 23   Donc nous sommes maintenant le 8 novembre 1992, donc en fin 1992, et la

 24   question est de savoir si vous savez quelle était la partie qui contrôlait

 25   les zones roses à ce moment-là ? Les Croates ou les Serbes ?

 26   R.  Pour autant que je puisse en parler, c'étaient les Serbes.

 27   Q.  Et dans les entretiens qui ont porté sur la police, par la suite, à

 28   déployer dans les zones roses, est-ce que, d'après vous, la police serbe


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  1   qu'on a proposée s'est conformée aux termes du plan Vance-Owen ?

  2   R.  Non, absolument pas. Parce que l'idée était d'avoir du personnel en

  3   armes dans ces zones pour se charger de la circulation ou de l'ordre public

  4   parmi les résidents qui étaient sur place.

  5   Q.  Parlons maintenant, si vous voulez bien, de janvier 1993. La question

  6   est de savoir si vous pourriez brièvement décrire aux Juges de la Chambre

  7   l'opération Maslenica. Que s'est-il passé dans le cadre de cette opération

  8   ?

  9   R.  Est-ce que nous avons la 802 --

 10   Q.  Nous allons afficher cela.

 11   R.  [aucune interprétation]

 12   M. STRINGER : [interprétation] Affichons, s'il vous plaît, l'intercalaire

 13   40. La pièce P01333.1325. Merci.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je demanderais au conseil de bien vouloir

 15   répéter la cote.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1333.1325.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci.

 18   M. STRINGER : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous avons le texte sous les yeux à présent -

 20   est-ce qu'on pourrait agrandir, s'il vous plaît, le haut de la page en

 21   anglais, merci - donc vous l'avez sous les yeux. Peut-être que cela vous

 22   suffira pour nous parler de Maslenica et du lien entre Maslenica et cette

 23   résolution du Conseil de sécurité.

 24   R.  Pendant les hostilités entre les Serbes et les Croates, les Serbes ont

 25   essayé de s'emparer de la partie sud, donc au sud de Zadar. Et les Croates

 26   avaient très peur de cela. Les Serbes ont quasiment atteint ce point, et il

 27   y avait un pont au niveau de Maslenica qui reliait la partie continentale

 28   de la Croatie à la Dalmatie, Split et les autres villes croates de la côte.


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  1   Les lignes du cessez-le-feu comportaient aussi beaucoup de zones roses dans

  2   le secteur et la communication entre Zagreb et Split était quasiment rendue

  3   impossible à cause de cela. Donc, compte tenu de cette situation, Tudjman a

  4   lancé une attaque et s'est emparé de ce pont, du barrage au niveau du lac

  5   Peruca et de l'aéroport de Zemunik. Dans cette opération, il y a deux

  6   soldats de la FORPRONU qui ont été tués, et le Conseil de sécurité a adopté

  7   par la suite, le 25 janvier, la Résolution 802 que nous avons ici.

  8   Il a été très difficile de traduire dans les faits cette résolution. D'un

  9   côté, Tudjman a dit qu'il n'était absolument pas prêt à se retirer de

 10   quelque partie que ce soit du territoire croate, et les Serbes disaient

 11   qu'il fallait que le retrait se produise tout d'abord et qu'ensuite ils

 12   allaient négocier.

 13   Il est question de cette résolution aussi du regret que le plan Vance-Owen

 14   ne soit pas mis en œuvre. Donc les Croates avaient adopté la position

 15   suivante, ils disaient qu'ils ne voulaient pas se retirer; et les Serbes

 16   disaient qu'il fallait que le retrait précède tout pourparler. Donc la

 17   situation a été extrêmement difficile. Nous avons commencé en février à New

 18   York. M. Hadzic était à la tête de sa délégation. Slobodan Jarcevic, le

 19   ministre des Affaires étrangères, était à ses côtés et Mile Paspalj, qui

 20   était le porte-parole de l'assemblée.

 21   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, avant que vous ne poursuiviez, et nous allons

 22   en parler, peut-être que nous pourrions utiliser les quelques minutes qui

 23   nous restent avant la pause pour reparler du texte de la Résolution 802

 24   pour qu'il soit tout à fait clair de quoi nous sommes en train de parler.

 25   Le troisième paragraphe, ici, parle de "Préoccupations graves suite à

 26   l'information fournie… en tant que résultat des attaques militaires lancées

 27   par les forces armées croates." Est-ce que cela correspond à ce que vous

 28   disiez au sujet de l'attaque --


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et puis ensuite : "Préoccupations graves face à l'absence de

  3   coopération de la part des autorités locales serbes dans les zones placées

  4   sous la protection de la FORPRONU." Alors, cette absence de coopération, à

  5   quoi cela correspond-il ?

  6   R.  Il s'agit surtout de ce que dit Nambiar dans son rapport, à savoir

  7   qu'ils ont mis au niveau uniquement les aspects qui leur convenaient, qui

  8   correspondaient à leurs intérêts.

  9   Q.  Et dans ce même paragraphe, il est question de "Préoccupations graves

 10   face au fait qu'ils se sont saisis de leurs armes lourdes placées sous le

 11   contrôle de la FORPRONU et de préoccupations face aux menaces d'élargir le

 12   conflit."

 13   De quoi est-il question ici ?

 14   R.  J'en ai déjà parlé. J'ai dit que les armes lourdes devaient être

 15   placées, soit sous le contrôle de la FORPRONU, soit sorties des zones

 16   protégées, et ce, au titre du plan Vance. Et lorsque les Croates ont

 17   attaqué, les Serbes se sont emparés de leurs armes lourdes dans ces

 18   entrepôts, et on leur demande donc de les ramener dans ces entrepôts.

 19   Q.  Très bien. Et puis vous avez évoqué les négociations qui s'ensuivirent.

 20   Et ces négociations portent sur les différents points qui sont mentionnés

 21   ici. Au paragraphe 1, arrêt immédiat de toute activité hostile de la part

 22   des forces armées croates.

 23   R.  Oui, cela s'était produit entre-temps, mais c'était le retrait des

 24   forces armées croates qui faisait l'objet des négociations. Parce que

 25   Tudjman a dit qu'il n'allait pas se retirer du territoire croate.

 26   Q.  Et est-ce que par la suite on a également négocié le retrait de ces

 27   armes lourdes, ou plutôt, le fait de les placer sous le contrôle de la

 28   FORPRONU --


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  1   R.  Oui, c'était quelque chose qui relevait de la FORPRONU, mais nous avons

  2   négocié cela également.

  3   Q.  Et puis la suite, le point 4. On exige que toutes les parties

  4   respectent les termes du cessez-le-feu et coopèrent inconditionnellement

  5   avec la mise en œuvre du plan des Nations Unies, y compris que la partie

  6   serbe démantèle et démobilise ses unités.

  7   Est-ce que cela a jamais pris effet ?

  8   R.  Non.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Je pense que le moment se prête à une pause,

 10   Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui. Monsieur l'Ambassadeur, nous

 12   allons faire notre deuxième pause. Nous reprendrons dans 30 minutes. Vous

 13   allez suivre M. l'Huissier, s'il vous plaît. Nous reprendrons à 12 heures

 14   45.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

 17   --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

 18   --- L'audience est reprise à 12 heures 44.

 19   [Le témoin vient à la barre]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A vous, Monsieur Stringer.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, avant la pause, vous avez parlé de l'opération

 23   Maslenica qui a eu lieu au mois de janvier 1992 [comme interprété] et qui a

 24   mené à l'adoption de la Résolution du Conseil de sécurité 802.

 25   Lorsque cette résolution est entrée en vigueur, avez-vous participé aux

 26   négociations avec les parties, à savoir la partie serbe et la partie croate

 27   ?

 28   R.  Oui, c'est moi qui ai été à la tête de ces négociations, mais comme les


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  1   Serbes ne souhaitaient pas qu'une personne qui était en charge des

  2   minorités mène les négociations, soit le chef de l'équipe chargée des

  3   négociations, alors Herbert Okun s'est joint à moi, et parfois un co-

  4   président également était présent lors des négociations. Je vous ai déjà

  5   dit qui faisait partie de la délégation serbe. Je les ai rencontrés à

  6   l'aéroport à cause des problèmes de visa qui pouvaient éventuellement se

  7   présenter. Et du côté croate, il y avait le ministre de la Défense, M.

  8   Susak, et quelques autres membres de la délégation dont je ne me souviens

  9   plus. De notre côté, il y avait les deux ambassadeurs, M. Okun et moi-même,

 10   et aussi MM. Wilson et Thornberry pour la FORPRONU.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Penchons-nous sur l'intercalaire numéro 10,

 12   qui porte la cote 1495 de la liste 65 ter.

 13   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous voyons que ce texte a été rédigé en

 14   cyrillique dans sa version originale, et puis nous avons la traduction

 15   anglaise qui figure sur le côté droit de l'écran. Donc ce n'est pas quelque

 16   chose que vous avez pu recevoir au sein de la Conférence internationale

 17   pour l'ex-Yougoslavie. Toutefois, ce document porte le titre "procès-

 18   verbal" de la réunion qui s'est tenue mardi 18 [comme interprété] février

 19   1993, et nous y voyons une liste des personnes présentes.

 20   Avez-vous eu l'occasion d'examiner ce document pendant le week-end ?

 21   R.  Oui, je l'ai examiné.

 22   Q.  Il n'est pas indiqué où cette réunion a eu lieu. Pourriez-vous dire aux

 23   Juges de la Chambre où la réunion s'est déroulée ?

 24   R.  Dans les locaux de l'ONU sur la rive est.

 25   Q.  Vous parlez de New York ?

 26   R.  Oui, de New York.

 27   Q.  Et comme il est indiqué ici, M. Hadzic était présent en tant que

 28   président, et puis aussi M. Slobodan Jarcevic dont vous avez évoqué le nom


Page 7718

  1   tout à l'heure --

  2   R.  Et Mile Paspalj aussi.

  3   Q.  Et qui était Mile Paspalj ?

  4   R.  Il était le représentant de l'assemblée de la RSK.

  5   Q.  Et puis, à la page suivante de la version anglaise, nous voyons que

  6   Vance et Owen figuraient parmi les personnes présentes, ainsi que vous-même

  7   et M. Okun.

  8   R.  Seulement en partie.

  9   Q.  Ma première question : après avoir examiné ce document, vous semble-t-

 10   il que le document reflète avec exactitude les débats qui ont eu lieu ce

 11   jour-là.

 12   R.  Le document n'est pas mal rédigé. Enfin, c'est un document rédigé par

 13   la délégation de la Krajina. Mais sur les points principaux, je pense qu'il

 14   est précis.

 15   Q.  Très bien. Alors, j'aimerais que nous nous concentrions maintenant sur

 16   quelques extraits de ce document.

 17   La première partie qui m'intéresse, nous l'avons sous les yeux, c'est

 18   quelque cinq lignes après le début des commentaires émanant de M. Hadzic,

 19   où il dit : "Lorsque l'accord a été passé concernant le plan Vance, nous

 20   envisagions les choses à long terme."

 21   Voilà la question que je souhaite vous poser : pouvez-vous comparer les

 22   positions adoptées par la délégation serbe avec celles qui ont été adoptées

 23   par la délégation croate quant au cadre temporel pour la mise en œuvre du

 24   plan Vance ? Que s'est-il finalement passé avec ces projets de long terme ?

 25   R.  Voilà les positions des deux parties. Tudjman a dit qu'il allait

 26   prévenir à tout prix la situation telle qu'elle prévalait à Chypre. Il

 27   voulait prévenir qu'une telle situation se reproduise dans son pays. A

 28   Chypre, les unités de l'ONU se trouvaient sur place pendant des décennies


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  1   dans un pays divisé. D'autre part, les Serbes de la RSK souhaitaient que la

  2   FORPRONU se trouve derrière des lignes sécurisées et ils souhaitaient

  3   fonctionner de façon indépendante aussi longtemps que possible. Il y avait

  4   aussi des problèmes incontestés au niveau des mandats. Tudjman souhaitait

  5   que le mandat de la FORPRONU soit de brève durée.

  6   La conférence était là pour résoudre les problèmes, et non pas pour

  7   les laisser pour qu'ils s'éternisent. Quant à la position des représentants

  8   internationaux, elle était plus proche de celle des Croates que de celle

  9   des Serbes.

 10   Q.  Quelque huit lignes plus loin -- vous avez déjà évoqué ce qui s'est

 11   passé avec le pont de Maslenica et aussi avec l'aéroport de Zemunik.

 12   Quelques lignes plus loin, M. Hadzic ajoute quelque chose en disant :

 13   "J'ai donné personnellement l'ordre par téléphone qu'on se mette d'accord

 14   sur la construction du pont de Maslenica."

 15   Est-ce que vous pourriez avancer un commentaire sur ce point ? A quoi

 16   pense-t-on quand on parle de la construction du pont ? Et plus

 17   généralement, dites-nous quelle était l'attitude affichée par M. Hadzic,

 18   est-ce qu'il était en contrôle ou est-ce qu'il n'était pas la personne en

 19   contrôle d'après l'impression que vous avez pu avoir ?

 20   R.  Quand il dit "j'ai donné l'ordre", à qui pense-t-il ?

 21   Q.  Ce sont les propos attribués à M. Hadzic. Le voyez-vous ?

 22   R.  Oui.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite soulever

 24   une objection quant aux derniers deux mots qui ont été utilisés. Il me

 25   semble quelque peu vagues. Est-ce que M. Hadzic a été en contrôle de quoi ?

 26   Cela n'a pas été précisé dans la question.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Je vous présente mes excuses. Je vais

 28   reformuler ma question.


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  1   Q.  Est-ce que M. Hadzic a démontré qu'il exerçait un certain niveau de

  2   contrôle sur la délégation serbe lors des négociations ?

  3   R.  Il était clair que c'était lui le chef de la délégation. C'était lui

  4   qui menait les négociations. Les personnes qui l'accompagnaient --

  5   Jarcevic, clairement, avait une position hiérarchique inférieure à lui; et

  6   quant à Mile Paspalj, il était considéré comme un dur. Il était le

  7   représentant du parlement, mais ce n'était pas quelqu'un de très éloquent.

  8   Donc Hadzic, manifestement, était le numéro un lors de ces négociations.

  9   Q.  Quand on évoque ici la construction du pont de Maslenica, pourriez-vous

 10   nous expliquer de quoi il s'agit ?

 11   R.  J'ai pu voir, entre autres, un enregistrement vidéo où M. Hadzic

 12   indique qu'il comprend les raisons pour lesquelles il est nécessaire aux

 13   Croates d'avoir un lien qui lie Zagreb à Split, et il a présenté ça dans le

 14   cadre des exigences présentées par les Serbes, mais il a dit aussi qu'il

 15   comprenait les besoins ressentis par les Croates sur ce point. Voilà ce

 16   qu'il a dit, et je pense que cette phrase est en concordance avec

 17   l'observation qui est attribuée ici dans ce texte à M. Hadzic.

 18   Q.  Et au cours de ces négociations, avez-vous appris quelles étaient les

 19   positions des Serbes et de leurs armes lourdes par rapport au pont ?

 20   R.  Nous savions, grâce à la FORPRONU et au général de brigade Wilson, que

 21   ce pont se trouvait à la portée de l'artillerie serbe.

 22   Q.  Et cela a-t-il suscité des inquiétudes de votre part ?

 23   R.  Plus tard, une fois qu'on est arrivés à un accord au sujet de la

 24   Résolution 802, M. Tudjman a annoncé solennellement que le 18 juillet, il

 25   allait ouvrir un pont improvisé, un pont mobile, non loin du pont de

 26   Maslenica. Il a invité tous les ambassadeurs ou toutes les personnes qui se

 27   trouvaient déjà à Zagreb à l'époque à assister à cette cérémonie

 28   solennelle. Cela aurait pu provoquer des combats très intenses et entraîner


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  1   d'autres conséquences, et c'est pourquoi nous avons fait de notre mieux

  2   pour rendre cette situation quelque peu moins dangereuse. Et le résultat de

  3   nos efforts a été l'accord d'Erdut.

  4   Q.  Vous avez fait référence --

  5   R.  Excusez-moi, j'ai parlé de l'accord d'Erdut et non pas d'un désaccord.

  6   Cela a été mal consigné. Toutes mes excuses.

  7   M. STRINGER : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 6 de

  8   la version anglaise.

  9   Q.  En haut de la page, Vance dit : "Alors, comment procéder avec notre

 10   travail ? Il va falloir aussi négocier au sujet de la BH."

 11   Pense-t-on à la Bosnie-Herzégovine --

 12   R.  Oui, en effet.

 13   Q.  "Ahrens va continuer à travailler de pair avec Okun, ils vont reprendre

 14   mon rôle et celui d'Owen."

 15   Et puis, un peu plus loin, M. Hadzic dit que : "Ahrens est chargé du

 16   groupe qui s'intéresse aux minorités, et nous, nous refusons de négocier

 17   avec ce groupe-là."

 18   S'agit-il là des objections qui avaient déjà été soulevées quant à votre

 19   participation et dont vous nous avez déjà parlé ?

 20   R.  Oui. Je vous l'ai déjà indiqué un peu plus tôt. Mais ce qui est

 21   intéressant ici, c'est qu'ici il ne soulève pas d'objections quant au fait

 22   que je sois Allemand.

 23   Q.  Et est-ce que cette question a finalement été résolue; et si oui, de

 24   quelle façon ?

 25   R.  Nous l'avons résolue de façon suivante. Ce n'était pas moi qui étais le

 26   chef de l'équipe chargée des négociations. Je me trouvais à la tête de ce

 27   groupe de travail qui s'occupait des minorités, mais un autre groupe

 28   spécial chargé des négociations a été mis sur pied, d'abord par Knut et


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  1   ensuite par Vollebaek.

  2   Q.  Et au cours de cette réunion, M. Hadzic a-t-il finalement accepté que

  3   vous participiez aux négociations à ce titre-là ?

  4   R.  Oui. Je ne sais pas s'il l'a dit explicitement, mais c'est ainsi que

  5   nous avons procédé et nous n'avons pas rencontré de tels problèmes par la

  6   suite.

  7   Q.  Alors, passons à la deuxième moitié de la page. On y évoque M. Owen qui

  8   invite M. Hadzic à sortir de la pièce, puis ils reviennent ensemble et

  9   annoncent qu'ils sont arrivés à un accord.

 10   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande

 11   le versement au dossier du document 1495 de la liste 65 ter.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote P2884. Merci.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci à vous.

 15   M. STRINGER : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous avons examiné le procès-verbal de la

 17   réunion qui s'est tenue le 16 février. Le document suivant, qui se trouve à

 18   l'intercalaire 60, porte la cote 6478 de la liste 65 ter - et j'aimerais

 19   qu'il soit affiché - comme vous pouvez le voir, il n'est pas facile de

 20   déchiffrer l'original, il est de mauvaise qualité. Mais, Monsieur

 21   l'Ambassadeur, ce document semble-t-il être lié à une réunion qui s'est

 22   tenue deux jours plus tard, à savoir le 18 février ?

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   Q.  Pouvez-vous le voir ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Cette réunion a-t-elle eu lieu à New York elle aussi ?

 27   R.  Si elle a eu lieu le 18 février, alors oui. Et plus tard, nous nous

 28   sommes déplacés à Genève.


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  1   Q.  Alors, d'après ce que nous pouvons voir dans le document, les mêmes

  2   personnes sont listées parmi les personnes présentes. Vous pourriez, en

  3   revanche, préciser qui est ce Milosevic qui est évoqué ici.

  4   R.  Il s'agit de Misa Milosevic. C'est ce monsieur de Genève dont je vous

  5   ai parlé.

  6   Q.  Et ici, au numéro 1, il est question d'une extension de mandat. De quoi

  7   s'agit-il ?

  8   R.  Eh bien, je vous ai déjà dit que les Croates souhaitaient que le plan

  9   Vance définisse des mandats de très courte durée, tandis que les Serbes

 10   souhaitaient que le statut quo soit prorogé aussi longtemps que possible

 11   pour qu'ils puissent développer leur propre Etat qu'ils considéraient quand

 12   même indépendant par rapport à la Croatie.

 13   Q.  Très bien. Il n'est pas nécessaire d'étudier en détail toutes les

 14   étapes de ces négociations --

 15   R.  Il y a un point qui est particulièrement intéressant à relever. J'ai eu

 16   des discussions avec M. Hadzic au sujet du plan Vance dans sa totalité.

 17   Nous l'avons débattu point par point, étape par étape, et il a donné son

 18   accord.

 19   Q.  Pourriez-vous être un peu plus précis ? Pourquoi avez-vous procédé de

 20   la sorte ?

 21   R.  Parce que nous savions, grâce à l'ONU, grâce à la FORPRONU et grâce à

 22   ce que nous pouvions voir nous-mêmes, que les Serbes avaient mis en œuvre

 23   seulement les parties de l'accord qui leur étaient particulièrement

 24   favorables, et nous souhaitions que le plan Vance soit mis en œuvre dans sa

 25   totalité.

 26   Q.  Et à quel moment ces débats relatifs au plan Vance ont-ils eu lieu ?

 27   R.  Pendant ces quelques jours que nous avons passés à New York. Peut-être

 28   lors de la première réunion, celle qui a eu lieu avant celle-ci, que nous


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  1   sommes en train d'étudier.

  2   Q.  J'aimerais que vous vous penchiez sur la fin de cette transcription,

  3   sur le tout dernier passage, qui figure à la page 9 de la version anglaise.

  4   Au moment où cette réunion s'approche de sa conclusion, Monsieur

  5   l'Ambassadeur, vous dites à M. Hadzic que le sort du peuple serbe ne dépend

  6   pas du point 2 de ce projet. Vous dites : "C'est vous qui êtes responsable

  7   pour le peuple serbe."

  8   Et M. Hadzic le reconnaît.

  9   Vous souvenez-vous d'avoir prononcé ces propos en vous adressant à

 10   lui ?

 11   R.  Permettez-moi de réexaminer le document.

 12   C'est un peu vague, la manière dont les propos ont été transcrits. Je ne

 13   comprends pas trop ce que je suis censé avoir dit.

 14   Q.  Quoi qu'il en soit, vous pouvez confirmer qu'une réunion a eu lieu avec

 15   M. Hadzic le 18 février à New York --

 16   R.  En effet.

 17   Q.  Très bien. Et Paspalj, Jarcevic et les autres y ont assisté --

 18   R.  D'après mes souvenirs.

 19   Q.  Il faut que nous fassions attention pour que nos voix ne se chevauchent

 20   pas. Voilà, très bien.

 21   Vous avez indiqué que les négociations se sont alors poursuivies, mais à

 22   Genève.

 23   M. STRINGER : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions

 24   maintenant sur le document 964 de la liste 65 ter.

 25   Et nous ne demandons pas le versement au dossier du document

 26   précédent.

 27   C'est le document 964 de la liste 65 ter. Il se trouve à l'intercalaire 7.

 28   Q.  Ce que nous avons sous les yeux, Monsieur l'Ambassadeur, c'est une


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  1   lettre qui porte l'en-tête de la Conférence internationale sur l'ex-

  2   Yougoslavie avec siège à Genève. La date est le 2 mars 1993. Et la lettre

  3   est envoyée à M. Bertie Ramcharan. De qui s'agit-il ?

  4   R.  Il est le secrétaire de la Conférence internationale sur l'ex-

  5   Yougoslavie, et c'est lui qui a publié les deux grands tomes que nous avons

  6   examinés tout à l'heure.

  7   Q.  Mais c'est vous qui avez souhaité la publication de cet ouvrage

  8   volumineux que nous avons évoqué un peu plus tôt dans le cadre de votre

  9   déposition ?

 10   R.  Et Janet Commins était ma secrétaire. Elle était originaire

 11   d'Australie.

 12   Q.  Très bien. Passons maintenant à la page suivante. La date est le 1er

 13   mars.

 14   Et si nous regardons le bas de la page, nous y voyons des initiales, S et

 15   C. Les reconnaissez-vous ? De qui s'agit-il ?

 16   R.  A ce moment-là, les Serbes souhaitaient avoir leur propre police, leur

 17   force de police, dans les zones roses. Et dans ces zones-là, une fois que

 18   les Croates s'étaient repliés, un tel souhait n'était plus acceptable. Mais

 19   permettez-moi de vous préciser que nous avons eu 22 projets de cet accord,

 20   et chaque projet était différent du précédent. C'était suffisant pour

 21   perdre la tête. Je ne peux pas vous dire avec exactitude de quelle façon

 22   l'accord a évolué d'un projet à l'autre.

 23   Q.  C'est tout à fait compréhensible. Ambassadeur, voyez-vous ce qui figure

 24   tout en bas de la page, les initiales qui y figurent ?

 25   R.  SC. Sancho Coutinho.

 26   Q.  [aucune interprétation]

 27   R.  C'était Sancho Coutinho. C'était un Portugais, qui était mon bras

 28   droit, pour ainsi dire.


Page 7726

  1   Q.  Et pour préciser, au premier paragraphe, on évoque une réunion qui se

  2   serait tenue avec M. Hadzic et quelques autres participants, et on évoque

  3   encore une fois le nom Milosevic.

  4   R.  Il s'agit toujours de Misa Milosevic.

  5   Q.  Misa Milosevic.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. Penchez-vous sur le bas de la page, s'il vous plaît. Comme vous

  8   l'avez déjà suggéré, le point sur lequel il s'agit d'arriver à un accord

  9   ici est de savoir si la police serbe peut revenir dans les zones définies

 10   par la Résolution 802.

 11   Alors, ma première question serait la suivante : pour commencer, quelle

 12   était la position adoptée par les autorités croates sur ce point ?

 13   R.  Ils ne souhaitaient surtout pas que des Serbes reviennent dans ces

 14   zones-là, des zones qui, d'après les Croates, avaient été libérées. Le

 15   deuxième point sur lequel ils insistaient, il y avait trois villages serbes

 16   avec la population serbe dans la zone. L'un de ces villages avait un nom un

 17   peu bizarre qui veut dire Islam grec en traduction. C'est l'un des

 18   arguments pour lesquels il fallait que la police revienne dans ce secteur,

 19   d'après les Serbes. Mais la position des représentants internationaux,

 20   c'était que la FORPRONU devait assurer les travaux de la police dans le

 21   secteur.

 22   Q.  Pour préciser, lorsque nous parlons de ces zones dans lesquelles la

 23   police serbe pouvait ou ne pouvait pas être présente et desquelles les

 24   Croates pouvaient ou ne pouvaient pas se retirer, vous parlez des secteurs

 25   qui se trouvent à l'intérieur des zones protégées de l'ONU ou parlez-vous

 26   des secteurs qui se trouvent en dehors de ces zones protégées ?

 27   R.  Je pense qu'il est question ici de quelques parties des zones roses,

 28   mais je n'en suis pas tout à fait sûr.


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  1   Q.  Très bien.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande

  3   le versement au dossier du document 964 de la liste 65 ter.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2885. Merci.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Le document suivant se trouve à

  7   l'intercalaire 77, Monsieur le Président. C'est un enregistrement vidéo qui

  8   porte la cote 4809.1 de la liste 65 ter.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Journaliste : Notre délégation de la République de Krajina serbe

 12   vient de revenir de Genève. Quels sont les résultats ?

 13   Hadzic : Malheureusement, les résultats ne sont pas des meilleurs. La

 14   partie croate ne souhaite pas arriver à un accord qui serait réaliste. Ils

 15   insistent sur leur point de vue. Mais nous avons changé notre façon de

 16   penser à Genève, et au cours des négociations, tout le monde a compris que

 17   la République de Krajina serbe est une réalité. Aujourd'hui, j'ai eu des

 18   discussions avec notre délégation et j'ai avancé une nouvelle proposition.

 19   Au cours de la semaine courante, nous devrions avancer une proposition à

 20   l'intention de la partie croate qui correspond à ce que nous avons proposé

 21   avant. Mais il y a une différence importante : nous comprenons que nous ne

 22   pourrons jamais arriver à une paix avec la Croatie si les Croates tirent

 23   sur notre territoire, d'un côté, et si, d'autre part, nous ne permettons

 24   pas à la Croatie d'établir une communication entre ses différents

 25   territoires. Donc il faut permettre à la Croatie d'établir des

 26   communications par le biais du pont de Maslenica. Mais, en même temps,

 27   après le repli de l'armée croate, notre police doit revenir dans les

 28   villages serbes dans cette région, donc les trois serbes qui se trouvaient


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  1   là-bas, les villages de Kasici, Smokovici et Islam grec. Ce serait la

  2   condition préalable pour permettre à la Croatie d'assurer une communication

  3   entre ces territoires par le biais de Maslenica, parce que maintenant nous

  4   nous trouvons à une distance de 4 à 5 kilomètres. Nous pouvons voir le pont

  5   et nous pouvons agir avec notre artillerie pour rendre toute sorte de

  6   reconstruction impossible, sans parler de la circulation dans la région.

  7   Journaliste : Nous nous sommes toujours engagés en faveur de la paix.

  8   Quelle est leur réaction à cela ?

  9   Hadzic : Nous nous sommes toujours engagés en faveur de la paix, et non

 10   seulement l'avons-nous fait, nous le faisons toujours et nous le ferons de

 11   façon définitive. Et sur le point pratique, nous allons permettre à la

 12   Croatie d'établir des liens entre ses différents territoires, non seulement

 13   pas le biais de Maslenica, mais aussi par le biais de toutes les autres

 14   routes, une fois l'accord conclu."

 15   M. STRINGER : [interprétation]

 16   Q.  Une question de suivi avant de poursuivre. Monsieur l'Ambassadeur, il

 17   semblerait que cet extrait soit lié à ce que vous avez déjà dit au sujet de

 18   ces trois villages et au sujet du retour des forces de police.

 19   R.  Oui, cela confirme ce que je vous ai déjà dit à ce sujet.

 20   Q.  Lors des négociations que vous avez menées, vous ou les membres de

 21   votre équipe, M. Hadzic et les autres ont-ils suggéré ou proposé ou indiqué

 22   que leur artillerie est dirigée vers le pont et qu'ils pourraient agir si

 23   les choses ne vont pas conformément à leur projet ?

 24   R.  Je ne m'en souviens pas, mais tout le monde était manifestement

 25   conscient de ce fait.

 26   Q.  Très bien.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons maintenant poursuivre.

 28   [Diffusion de la casette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Hadzic : Nous nous sommes toujours engagés en faveur de la paix et

  3   nous le ferons toujours de façon définitive. Nous allons montrer au monde

  4   entier que nous nous engageons en faveur de la paix. Mais, en même temps,

  5   nous n'allons pas permettre de mettre en danger la souveraineté de notre

  6   république. Nous n'allons pas permettre que son statut soit modifié. Je

  7   pense que le monde en tiendra compte, ainsi que le peuple croate. Je pense

  8   que les dirigeants croates ont fait de nombreuses erreurs, qu'il y a eu des

  9   tragédies qui n'étaient pas nécessaires. Il ne fallait pas permettre que

 10   les jeunes gens perdent leurs vies sur ce pont de Maslenica alors que nous

 11   avions dit dès le début que nous allions permettre la communication. Et

 12   lorsque le peuple croate s'aperçoit de l'erreur qui avait été faite, je

 13   pense qu'il va falloir arriver tranquillement à un accord en bons voisins.

 14   Journaliste : Monsieur le Président, la République de Croatie a perpétré

 15   une agression le 22 janvier contre le territoire de notre république.

 16   Compte-t-elle se replier de notre territoire ?

 17   Hadzic : Conformément à la Résolution 802, ils sont obligés de se retirer.

 18   Et d'après cet accord, si au cours de la semaine courante nous n'arrivons

 19   pas à un accord, ils vont certainement se retirer. On va leur permettre

 20   d'établir une communication entre leurs différents territoires. On va leur

 21   permettre de se servir du barrage à Peruca et de l'aéroport à Zemunik, et

 22   notre police reviendrait dans les villages serbes. De toute manière, nous

 23   n'étions jamais intéressés à nous emparer du territoire croate. Le

 24   territoire croate, qui appartient vraiment à eux, est à eux. Ça ne nous

 25   intéresse pas.

 26   Journaliste : Et comment interprétez-vous les menaces avancées par la

 27   République de Croatie concernant une nouvelle agression ?

 28   Hadzic : Ces menaces sont réalistes, parce que la Croatie ne peut pas vivre


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  1   normalement et ne peut pas établir des communications. Ils vont nous

  2   attaquer si nous n'arrivons pas à un accord. Mais il n'est pas réaliste

  3   qu'ils arrivent à quoi que ce soit, parce que la Croatie n'a pas la force

  4   nécessaire pour lancer une attaque importante. Tous les hommes valides ont

  5   déjà trouvé la mort au cours de la première partie de la guerre qui a été

  6   menée chez nous et en Republika Srpska. Toutes les forces dont ils

  7   disposaient et qui ont été particulièrement agressives, je pense à ceux qui

  8   étaient venus de la Croatie occidentale et de Dalmatie -- donc, je ne pense

  9   pas que leurs menaces soient réalistes. Cela ne causerait qu'une grande

 10   tragédie pour le peuple croate et il y aurait très peu de décès de notre

 11   côté. Mais, bien sûr, il est logique d'arriver à un accord et nous sommes

 12   en faveur d'un accord. J'espère que le peuple croate le comprendra.

 13   Journaliste : Vous avez évoqué la Republika Srpska tout à l'heure. Quelle

 14   coopération avez-vous avec elle ?

 15   Hadzic : La population serbe de cette région doit vivre ensemble. Elle doit

 16   vivre, pratiquement parlant, dans un seul Etat. Aucune importance de savoir

 17   quel sera le nom officiel de cet Etat. Après un référendum qui sera mis sur

 18   pied en Republika Srpska et aussi chez nous, il deviendra clair que nous

 19   allons vivre ensemble. Avec la Republika Srpska, il faut arriver à un

 20   accord pratique concernant cette unité et ensuite arriver à un accord sur

 21   les choses purement formelles. Je pense que les premiers pas sont déjà

 22   faits par les parties qui se sont unies et nous nous attendons à ce que le

 23   Parti démocratique serbe de la République de Krajina serbe et de la

 24   Republika Srpska se rejoignent prochainement.

 25   Journaliste : Vous avez assisté à une réunion du comité régional du Parti

 26   démocratique serbe aujourd'hui. Quelle impression avez-vous eue ?

 27   Hadzic : Je suis très content du travail de ce parti et de ses activités

 28   dans la région, surtout en Baranja, en Slavonie et dans le Srem occidental.


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  1   Par contre, je ne suis pas content de ses activités dans les autres parties

  2   de la Krajina. Il y a eu des erreurs individuelles. Des factions se sont

  3   formées. Mais nous sommes sur un bon chemin pour rassembler toutes les

  4   factions différentes et pour arriver de nouveau à un parti du peuple serbe

  5   qui serait fort. Je peux le dire en toute responsabilité, je suis sûr que

  6   nous allons y parvenir parce que tous les dirigeants n'ont pas changé de

  7   leur objectif politique, de leur objectif final. Et finalement, cet

  8   objectif, c'est que les peuples croate et serbe n'habitent plus ensemble.

  9   Et je pense que tous les autres différends entre nous sont une question

 10   interne qui ne devrait pas préoccuper la population générale. Mais, bien

 11   sûr, la population est préoccupée alors qu'il n'y a pas de quoi. Enfin,

 12   nous sommes très unis quant au chemin qui doit être adopté par les Serbes."

 13   M. STRINGER : [interprétation]

 14   Q.  Permettez-moi de vous poser quelques questions de suivi, Monsieur

 15   l'Ambassadeur.

 16   L'idée que la Krajina serbe doit s'unifier maintenant avec la Republika

 17   Srpska, est-ce que c'est quelque chose qui a été mentionné lors des

 18   négociations ?

 19   R.  Je ne sais pas -- ou je ne me souviens pas s'il en a été question lors

 20   des négociations, mais cette idée avait déjà été rendue publique par les

 21   Serbes de la Krajina. Dès le début, je leur ai fait savoir que d'après

 22   nous, c'était une mauvaise idée.

 23   Q.  Et son commentaire d'après lequel le peuple serbe dans la région doit

 24   vivre dans un seul Etat. Il s'agit de l'année 1993. Lors de vos discussions

 25   avec M. Hadzic, est-ce qu'il vous a dit que la position serbe pouvait être

 26   différente ?

 27   R.  A un moment donné au cours de l'année 1992, M. Hadzic m'a dit qu'il

 28   aurait été possible pour les Serbes d'arriver à un accord qui consisterait


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  1   à leur octroyer une autonomie à l'intérieur de la Croatie, mais je pense

  2   qu'à ce moment-là il était déjà beaucoup trop tard pour cela.

  3   Q.  Et pour quelle raison pensez-vous qu'il était trop tard ?

  4   R.  A cause de l'antagonisme entre les Croates et les Serbes sur de

  5   nombreux territoires, et cet antagonisme s'était intensifié au point où il

  6   était impossible d'arriver à un accord de ce type.

  7   Q.  Très bien.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons maintenant poursuivre.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Journaliste : Monsieur le Président, vous êtes le président de la

 12   RSK. Est-ce que vous avez quelque chose à adresser à votre 

 13   peuple ?

 14   Hadzic : Je peux dire que nous avons déjà parcouru une bonne partie du

 15   chemin. Le peuple serbe vivra ensemble, unifié dans un seul Etat, ce que

 16   nous souhaitons également aux autres peuples. Nous leur souhaitons de vivre

 17   ensemble. Et nous oeuvrerons à ce que le peuple croate aussi puisse vivre

 18   unifié, que les Slovènes également, les Musulmans reçoivent leur petit Etat

 19   et que tous soient contents.

 20   Journaliste : Et en cas d'agression visant nos territoires, qu'est-ce qui

 21   les attend ?

 22   Hadzic : En cas d'agression visant notre territoire, il est clair que la

 23   Croatie ne peut pas faire la guerre à la RSK, et nous avons avec nous la

 24   Republika Srpska à nos côtés. Je pense que dans ce cas, les Croates

 25   devraient, à Zagreb également, bien réfléchir à l'endroit où ils pourront

 26   s'évacuer.

 27   Journaliste : Est-ce un fait ou une menace --"

 28   M. STRINGER : [interprétation]


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  1   Q.  Alors, ce qui est dit ici, à savoir que les Croates et les Serbes ne

  2   peuvent pas vivre ensemble, est-ce que c'est d'un Etat qu'il s'agit ou est-

  3   ce que qu'il s'agit de la Yougoslavie, de la Croatie ou d'une autre entité

  4   par rapport à laquelle M. Hadzic aurait jamais pris cette position, à

  5   savoir que quel que soit le territoire concerné, les peuples serbe et

  6   croate, simplement, ne peuvent pas vivre ensemble ?

  7   R.  Je ne me rappelle pas que M. Hadzic m'ait jamais dit ceci. D'autres

  8   l'ont fait.

  9   Q.  Vous rappelez-vous qui ?

 10   R.  Entre l'opération Eclair en mai 1995, lorsque les Croates ont repris le

 11   secteur ouest, et l'opération Tempête en août 1995, lorsqu'ils ont repris

 12   les autres secteurs, je me suis rendu à Belgrade et je savais que j'étais

 13   toujours le bienvenu là-bas. J'ai rencontré --

 14   L'INTERPRÈTE : Inaudible pour l'interprète.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et je lui ai dit de façon assez véhémente

 16   que j'avais toujours défendu cette position et que maintenant ils ne

 17   voulaient pas négocier après toutes ces défaites militaires qu'ils avaient

 18   essuyées en Bosnie sur 200 kilomètres vers l'est sans possibilité de

 19   retour. Et Pavle a dit que les gens devraient vivre en paix ensemble. Il y

 20   avait également un évêque orthodoxe qui a dit que les Serbes et les

 21   Croates, c'était comme de l'eau et de l'huile, qu'ils ne pouvaient pas

 22   vivre ensemble.

 23   Et peu de temps après, la population serbe de la Krajina s'est retrouvée

 24   dans des camps en Serbie comme réfugiée.

 25   M. STRINGER : [interprétation]

 26   Q.  Très bien. Alors, juste pour le compte rendu, ceci se produit plus

 27   tard, en 1995, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, en 1995. Mais ces propos sont tenus plus tard.


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  1   Q.  Très bien. Poursuivons.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Et je voudrais que nous revenions --

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Hadzic : Tous seront satisfaits.

  6   Journaliste : Et qu'en sera-t-il en cas d'agression visant nos territoires

  7   ?

  8   Hadzic : Eh bien, s'il y a agression contre nos territoires, il est clair

  9   que la Croatie ne peut pas faire la guerre avec la RSK. Et à nos côtés,

 10   nous avons également la Republika Srpska. Dans ce cas, les Croates de

 11   Zagreb devraient bien réfléchir à l'endroit où ils pourront s'évacuer.

 12   Journaliste : Est-ce que c'est un fait ou une menace ?

 13   Hadzic : C'est la vérité, d'autant que nous savons bien que nous

 14   n'attaquerons pas les premiers. Nous savons combien il faut d'effectifs

 15   pour lancer une attaque. Il faut que ce soit un rapport de force de quatre

 16   à cinq fois plus en faveur de l'attaquant. Les Croates, dans ce cas,

 17   connaîtront une débâcle, et nous serons en mesure d'atteindre facilement

 18   Zagreb. Ce que nous pouvons faire dès maintenant, d'ailleurs.

 19   Journaliste : Merci beaucoup."

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   M. STRINGER : [interprétation]

 22   Q.  Revenons à ce dernier extrait, Monsieur l'Ambassadeur. M. Hadzic a

 23   exprimé l'idée selon laquelle le peuple serbe vivrait au sein d'un Etat, le

 24   peuple croate au sein d'un Etat, les Slovène dans un autre et que les

 25   Musulmans recevraient leur petit Etat, et que tous seraient contents.

 26   A votre avis - vous qui avez rencontré les nombreux représentants de toutes

 27   ces différentes minorités de Yougoslavie - partagez-vous l'opinion exprimée

 28   par M. Hadzic selon laquelle tous seraient heureux d'un tel résultat ?


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  1   R.  Certainement pas.

  2   Q.  Et la possibilité que Zagreb soit visée par une attaque ou que ses

  3   habitants soient amenés à évacuer la ville de Zagreb, est-ce que de telles

  4   remarques vous ont été adressées pendant les négociations, que ce soit par

  5   M. Hadzic ou par d'autres membres de sa délégation ?

  6   R.  La puissance militaire et les prouesses militaires des Serbes faisaient

  7   l'objet d'exagérations parfois assez grossières. Par exemple, Wijnaendts

  8   parle dans son ouvrage de la tradition militaire de la Krajina serbe des

  9   confins à l'époque de l'Empire ottoman et il dit que ceci aurait été

 10   préservé jusqu'à nos jours, et je crois qu'il fait référence pour appuyer

 11   ceci aux féroces guerriers du commandant Martic, cette légende qui, en

 12   fait, a été élaborée, construite; et moi, je suis un civil qui a plutôt

 13   tendance à croire que les Serbes sont dans une position plus forte que les

 14   Croates, même Holbrooke a fait ce genre de remarques à cause des rapports

 15   de renseignements sur lesquels il s'appuyait qui étaient tout simplement

 16   faux. Et encore une fois --

 17   Je me rappelle ce que disaient les Serbes dans le contexte de la

 18   prise des secteurs nord et sud par les Croates. Je me suis rendu dans le

 19   secteur est où les Serbes étaient encore présents. J'ai parlé aux soldats

 20   serbes là-bas, cinq ou six d'entre eux, et ils m'ont dit qu'en fait, Knin

 21   avait été conquise par l'armée britannique. Parce que les Croates, eux,

 22   n'auraient jamais été en mesure de réussir cela. C'est la conséquence de ce

 23   genre de propagande.

 24   Q.  Très bien.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande

 26   le versement de ce dernier document.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2886.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  2   Monsieur Stringer, juste un instant.

  3   Monsieur l'Ambassadeur, au compte rendu, vous avez parlé d'une légende en

  4   disant qu'elle avait été construite. Et puis après, vous dites : "Je suis

  5   un civil" -- c'est ce qui est consigné. "Je suis un civil… et je crois que

  6   les Serbes sont plus forts que les Croates."

  7   Est-ce que c'est ce que vous avez dit ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez corriger dans ce cas.

 10   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est à la page numéro --

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] J'essaie de retrouver --

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Page 41, ligne 14.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, est-ce que c'est le moment où il est

 15   question de l'armée britannique ?

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est au-dessus.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire défiler vers le haut ?

 18   Excusez-moi, mais je ne le retrouve pas. Ah : "… je suis un civil et je

 19   crois que les Serbes sont plus forts que les Croate, et même Holbrooke a

 20   fait une remarque de ce type…"

 21   Eh bien, non --

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Qu'aviez-vous à l'esprit ? En tant

 23   que civil, que croyiez-vous ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je croyais en tant que civil, oui, parce qu'il

 25   s'agissait de propagande, et je croyais que les Serbes étaient plus forts

 26   que les Croates. Et donc, j'ai été surpris lorsque Tudjman a pris la

 27   Krajina en trois jours à peine au lieu de cinq.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Donc il s'agissait pour


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  1   vous de dire "je croyais", au passé.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est au passé.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci beaucoup.

  4   M. STRINGER : [interprétation]

  5   Q.  Très bien. Monsieur l'Ambassadeur, nous avons parlé des différentes

  6   négociations relatives à la mise en application de la Résolution numéro

  7   802. Est-ce qu'un accord a été obtenu à un moment ou un autre en la matière

  8   entre les deux parties ?

  9   R.  Oui. Et, en fait, je ne sais pas si cela a bien été signé par toutes

 10   les parties aux négociations, par les négociateurs, mais j'ai tendance à

 11   croire que oui, parce qu'Okun et moi-même avons tenu une conférence de

 12   presse à Genève où nous avons présenté tout ceci comme un grand succès de

 13   la Conférence sur l'ex-Yougoslavie.

 14   Q.  A quelle date l'accord a-t-il été obtenu ?

 15   R.  Eh bien, la conférence de presse a dû se tenir au début du mois d'avril

 16   1993.

 17   Q.  Très bien. Alors, je vais avancer un peu plus vite. L'accord en

 18   question a-t-il jamais été appliqué ?

 19   R.  Non, parce que l'assemblée de la RSK a coupé l'herbe sous le pied de

 20   son application.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Pouvons-vous avoir maintenant l'onglet

 22   numéro 69. Pièce P00045 de la liste 65 ter.

 23   Q.  Pendant que nous en attendons l'affichage, Monsieur l'Ambassadeur,

 24   voici ce que je voudrais vous demander : que l'accord ait ou non été signé,

 25   vous nous avez dit qu'il y avait eu une conférence de presse, soit; mais

 26   est-ce que M. Hadzic, d'une façon ou d'une autre, vous avait exprimé un

 27   soutien qu'il apporterait à ce cessez-le-feu convenu le 6 avril ?

 28   R.  Okun et moi-même n'aurions jamais donné de conférence de presse sans


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  1   l'accord des deux parties au texte dont il était question. La seule chose

  2   dont je ne suis plus absolument sûr, c'est si nous avions vraiment une

  3   signature apposée au bas du document par les deux parties.

  4   Q.  Très bien. Alors, dans le document que nous avons sous les yeux -- est-

  5   ce que vous pourriez vous reporter à la première page avant que nous ne

  6   passions à la suivante.

  7   R.  Oui, c'est la séance de l'assemblée où ils ont exclu toute application

  8   de cet accord.

  9   Q.  Oui. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'examiner ceci pendant le

 10   week-end ?

 11   M. STRINGER : [interprétation] Passons à la page 2 en anglais, s'il vous

 12   plaît.

 13   Q.  Il s'agit de la séance du parlement de la RSK à Okucani tenue le 20

 14   avril.

 15   R.  Oui, c'est la séance pendant laquelle le parlement en question a

 16   refusé, rejeté l'accord au terme de la Résolution numéro 802.

 17   Q.  Très bien. Alors, passons à la page suivante maintenant.

 18   En haut, nous avons une référence à séance de l'assemblée de la RSK.

 19   Et au point 2 des points-clé de l'ordre du jour, nous trouvons un rapport

 20   de la délégation de la RSK qui avait participé aux pourparlers de Genève et

 21   aux débats relatifs au règlement proposé au sujet de la mise en application

 22   de la Résolution numéro 802 du Conseil de sécurité.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Alors, avec l'aide de M. l'Huissier, je

 24   voudrais que nous passions à la page suivante. Excusez-moi, deux pages en

 25   avant. C'est celle qui porte le numéro 3 dans le coin supérieur droit.

 26   Q.  Alors, vers le haut, nous voyons le paragraphe qui commence par Goran

 27   Hadzic qui fait une référence, en fait, à l'opération de Maslenica. Il dit

 28   qu'en principe, la Résolution 802 était favorable aux Serbes, mais qu'en


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  1   réalité, il s'est avéré que ce n'était pas le cas. "Par conséquent,

  2   l'option militaire est le seul moyen de libération puisque les négociations

  3   ne mènent les Serbes nulle part."

  4   Ensuite, il exprime son soutien à l'unification des deux secteurs

  5   contrôlés par les Serbes.

  6   Alors, Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ces remarques faites par M.

  7   Hadzic devant ce parlement cadrent avec le soutien à l'accord qu'il vous

  8   avait affirmé être le sien ?

  9   R.  Eh bien, je crois que c'est là la raison pour laquelle il dit d'abord

 10   que l'accord était bon et que, ensuite, que ce n'était pas un bon accord.

 11   Mais peut-être qu'il serait possible d'analyser cela un peu plus, ou

 12   plutôt, de le formuler un peu différemment pour que cela ne paraisse pas si

 13   contradictoire.

 14   Q.  Alors, descendons de quelques lignes. Il y a une référence à une

 15   personne répondant au nom de Jakula dans le cadre de l'accord de Daruva.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que vous connaissiez ce M. Jakula dans le contexte de l'accord

 18   de Daruva ?

 19   R.  C'était quelqu'un de la FORPRONU qui avait confirmé cet accord. Et

 20   c'était sous la direction de ce M. Jakula, qui était considéré comme un

 21   modéré. Il s'agissait d'un accord sur des modalités pratiques, telles que

 22   le versement des retraites, et cetera. L'accord n'était pas si mauvais,

 23   mais il avait été obtenu par la FORPRONU sans consultation de la

 24   conférence, et puis, par ailleurs, il semblerait que Jakula n'ait pas

 25   consulté les personnes de son propre camp sur un certain nombre de

 26   principes. Donc je crois que pendant cette séance il a été accusé d'être un

 27   traître et qu'il a été arrêté. Mais il a survécu car je l'ai revu en

 28   septembre 2011 [comme interprété].


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  1   M. STRINGER : [interprétation] Pouvons-nous avoir l'onglet numéro 50. Pièce

  2   numéro 5416 de la liste 65 ter.

  3   Q.  Pendant que ceci s'affiche, Monsieur l'Ambassadeur, vous rappelez-vous

  4   avoir eu une réunion avec M. Hadzic au mois d'août 1993 en un lieu nommé

  5   Plitvice ?

  6   R.  Oui. C'est un parc naturel et également le site des tous premiers

  7   combats, où sont tombées les toutes premières victimes.

  8   Q.  Etes-vous familier de ce document ? Le reconnaissez-vous ?

  9   R.  C'est un document interne de la FORPRONU. Ce n'est pas un document de

 10   la conférence.

 11   Q.  Savez-vous qui était Jeannie Peterson ?

 12   R.  Elle travaillait au sein de l'administration des affaires civiles de la

 13   FORPRONU, secteur sud, qui était cantonnée à Knin.

 14   Q.  Et ceci porte la date du 19 août. Il est question d'une réunion

 15   d'aujourd'hui à Plivice, c'est ce qui figure dans le sujet.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Ensuite, au paragraphe 2, nous voyons que vous-même, M. Vollebaek et le

 18   général Pellnas êtes identifiés comme y ayant participé.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Ce jour-là, Monsieur l'Ambassadeur, vous rappelez-vous avoir eu une

 21   conversation avec M. Hadzic qui n'aurait pas été consignée dans ce document

 22   ?

 23   R.  Eh bien, nous sommes allés marcher ensemble, et je suis sûr pour cette

 24   raison que c'était ce jour-là à Plitvice, où il y a de nombreux lacs, et

 25   nous avons parlé seul à seul des différents problèmes que nous

 26   rencontrions. C'est à cette occasion que j'ai demandé à M. Hadzic

 27   d'examiner une liste de noms dressée par une association répondant au nom

 28   des Veuves de Vukovar. Là, je ne me rappelle plus si c'était une ou deux


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  1   feuilles de papier, je ne me rappelle plus combien il y avait de noms

  2   exactement, peut-être une cinquantaine, ou plutôt, entre 100 et 150 hommes

  3   appartenant au groupe ethnique croate. Et l'association des veuves de

  4   Vukovar et des responsables croates dont je ne me rappelle pas les noms

  5   m'ont demandé si je ne pouvais pas découvrir quoi que ce soit au sujet de

  6   ces personnes, si elles étaient toujours en vie et quel avait été leur

  7   sort. Hadzic s'est déclaré disposé à examiner cette liste. Il l'a regardée

  8   très attentivement, il a déclaré qu'ils étaient tous morts et il m'a rendu

  9   la liste de ces Croates. Malheureusement, je n'en ai pas conservé une

 10   copie. Alors, il ne m'a pas dit comment tout ceci s'était passé ni pour

 11   quelle raison ils étaient morts. Il m'a dit que c'était simplement l'état

 12   de la situation.

 13   Q.  Et c'était juste entre vous deux ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Dans quelle langue avez-vous discuté ?

 16   R.  En serbe. Je me suis rendu compte qu'il était parfois possible d'avoir

 17   une discussion seul à seul avec M. Hadzic au sujet de problèmes ou de

 18   questions qu'il n'aurait pas abordés en présence de ses collaborateurs.

 19   Q.  Alors -- --

 20   R.  Cette liste, par exemple. Eh bien, lorsqu'il me demandait, par exemple,

 21   un exemplaire d'un texte de législation croate, c'était ce type de choses.

 22   Q.  Très bien.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 24   versement de ce document numéro 5416 de la liste 65 ter.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P2887. Merci.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 28   M. STRINGER : [interprétation]


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  1   Q.  Pendant que le document s'affiche encore à l'écran - en bas du

  2   paragraphe 6, s'il vous plaît - il est fait mention de M. Bjegovic.

  3   Vous souvenez-vous qui était-ce ?

  4   R.  C'était le premier ministre à ce moment-là.

  5   Q.  De quelle entité ?

  6   R.  De la RSK. Et il y a eu beaucoup de changements au poste de premier

  7   ministre là-bas.

  8   M. STRINGER : [interprétation] L'intercalaire 29 à présent, Monsieur le

  9   Président. Il s'agit du document 1801 de la liste 65 ter. Est-ce qu'on

 10   pourrait nous montrer le haut du document, s'il vous plaît, l'en-tête, pour

 11   qu'on puisse le voir.

 12   Q.  D'où vient ce document ?

 13   R.  C'est de Knin. Maintenant, elle se trouve à Belgrade, Jeannie Peterson.

 14   Q.  Très bien. Et si vous regardez en haut à droite, nous voyons un texte

 15   en cyrillique.

 16   R.  Oui, il se lit "République serbe de la Krajina".

 17   Q.  Très bien. Et tournons la page. Le texte semble avoir été envoyé à

 18   vous-même et à M. Vollebaek.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  La date est celle du 27 septembre 1993. Vous souvenez-vous de ce

 21   document ?

 22   R.  Est-ce que je peux, s'il vous plaît, le voir un peu 

 23   agrandi ?

 24   Q.  Oui.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Montrez-nous la suite du texte, s'il vous

 26   plaît.

 27   Q.  Vous avez déjà parlé de l'accord d'Erdut. Pourriez-vous nous rappeler

 28   de quoi il s'agit ?


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  1   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine : Le témoin pourrait-il se rapprocher du

  2   microphone.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du secteur est en 1995 ou 1996.

  4   M. STRINGER : [interprétation]

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   R.  Donc c'était l'accord Erdut 2, qui a résolu la question du secteur est

  7   à partir du moment où les Croates s'étaient emparé du reste de la RSK.

  8   Tandis que l'accord Erdut 1 était un accord très bref. Les Croates,

  9   en fait, ont utilisé une ruse parce que Tudjman n'avait jamais eu

 10   l'intention d'appliquer cet accord. Il avait simplement pour but

 11   d'inaugurer de manière solennelle le pont de Maslenica le 18 juillet, e il

 12   a dit cela à Vollebaek plus tard, au moment où il s'est rendu à Brioni, il

 13   lui a dit que cette lettre était pour lui.

 14   Q.  Donc l'accord d'Erdut, que vous venez de mentionner, est-ce qu'il était

 15   lié à toute cette question de Maslenica --

 16   R.  Oui, tout à fait. C'était au sujet de l'inauguration du pont du 18

 17   juillet. Nous subissions des pressions. Donc c'est pour cela qu'il a été

 18   négocié surtout par Vollebaek. Moi, j'étais pris au Kosovo à ce moment-là.

 19   Q.  Et alors, en bas de la page, le dernier paragraphe, il est question de

 20   la Deuxième Guerre mondiale et de la dernière confrontation.

 21   Et puis, nous voyons qu'il y ait question de Bjegovic --

 22   R.  Le premier ministre. Il est dit premier ministre de la république…

 23   Q.  Et le texte se lit comme suit :

 24   "Il n'y a pas d'autre solution que de garder la présence des Serbes et des

 25   Croates dans les différents Etats. C'est ce qui est prévu par le plan

 26   Vance. Ce plan est explicite et dit précisément qu'une solution politique

 27   sera atteinte par la voie des négociations entre les deux communautés."

 28   Donc la question est de savoir si cette interprétation du plan Vance


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  1   correspond à la vôtre.

  2   R.  Non. Non, parce que le plan Vance constituait une régularisation d'une

  3   situation provisoire jusqu'à ce que la conférence ne négocie une solution

  4   et la séparation des Serbes et des Croates. Tudjman pensait de la même

  5   manière.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Je demande le versement du document 1801 de

  7   la liste 65 ter.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis et reçoit une

  9   cote.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] P2887.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Ce serait un bon moment pour faire la pause.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, Monsieur Stringer. Il nous faut

 13   respecter notre calendrier habituel.

 14   M. STRINGER : [interprétation] Oh, excusez-moi. J'étais absent. Je pensais

 15   que je devais terminer mon interrogatoire avant 14 heures.

 16   Alors, intercalaire 56. Document 5478 de la liste 65 ter.

 17   Q.  Ambassadeur, c'est une lettre de M. Bjegovic du 27 septembre --

 18   R.  C'est le document que j'ai ? Parce que là, c'est un autre document.

 19   Q.  Il est question de négociations où vous avez pris part vous-même, M.

 20   Hadzic, ses collaborateurs, ainsi que des Croates. Est-ce que cela a

 21   continué jusqu'en novembre 1993 ?

 22   R.  Oui. Il y a eu l'initiative lancée par les Allemands et les Français

 23   qui correspondait à ce qui avait été demandé par la conférence. Et plus

 24   tard en 1993, nous nous sommes réunis en Norvège, dans une localité qui

 25   s'appelle Voganess [phon], et nous avons effectivement tout fait pour

 26   essayer de résoudre les problèmes des cessez-le-feu et au-delà de ça.

 27   Q.  Il est question ici de la troisième journée de la réunion, c'est le 4

 28   novembre -- de la dernière réunion --


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  1   R.  Oui, c'est ce qui s'est déroulé en Norvège.

  2   Q.  Et la première question que je vais vous poser est de savoir si vous

  3   avez pris part à ces négociations --

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Nous allons maintenant examiner la page suivante du document. Puisque

  6   nous ne nous intéressons pas véritablement aux menus détails des

  7   négociations elles-mêmes.

  8   Les différentes parties prononcent leurs remarques finales, et au

  9   paragraphe 4, il est question de M. Sarinic --

 10   R.  C'est M. Sarinic. Ça a été le négociateur principal du côté croate

 11   pendant deux années à peu près.

 12   Q.  Et ici, ce qu'il dit, c'est que le fait que le siège devant le sien

 13   soit vide montre très bien quelle est l'attitude de la délégation serbe

 14   face à la signature de cet accord. Et puis, plus loin, il dit que le chef

 15   de la délégation serbe aurait accordé un entretien à la télévision.

 16   Est-ce que vous pouvez formuler un commentaire suite à ces

 17   observations ?

 18   R.  Il avait été prévu que ces négociations soient confidentielles, ces

 19   pourparlers en Norvège. Et il semblerait qu'en fait, l'information a filtré

 20   et les médias serbes en ont parlé. Je ne peux pas vous dire comment cela

 21   s'est passé. Je pense qu'on n'a même pas contesté cela parce que les Serbes

 22   s'étaient plaints de certaines déclarations prononcées en public par M.

 23   Tudjman où il y avait des choses inacceptables à ses yeux.

 24   Et la chaise du chef de la délégation serbe était vide.

 25   Q.  Mais à qui devait-elle revenir ? A qui devait revenir cette place ?

 26   R.  C'était la place de M. Hadzic. M. Hadzic aussi a abordé ces choses de

 27   manière plutôt inélégante. Il serait parti faire des courses, des achats en

 28   Norvège. Je ne sais pas --


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  1   Q.  Et la violation du caractère confidentiel, quelle incidence cela a eu

  2   sur les négociations ?

  3   R.  Les Croates ont très mal pris cela. Ça signifiait la fin des

  4   négociations. Je ne sais pas. Après cela, il y a eu un entretien à

  5   Dobanovci, mais cela n'a mené nulle part. Et, finalement, il y a eu un

  6   accord de part et d'autre de ne pas ouvrir le feu. Et Vollebaek et moi-même

  7   avons envoyé une lettre en faisant part de nos regrets, disant qu'on aurait

  8   espéré obtenir plus. Et puis, Vollebaek a quitté la conférence.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Nous demandons le versement du document 5478

 10   de la liste 65 ter.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation]  Le document est admis et reçoit une

 12   cote.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cote P2889.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Correction, si je puis. Le document 1801

 16   de la liste 65 ter devrait se voir attribuer la cote P2888, et non pas

 17   2887, comme cela a été dit précédemment.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 19   M. STRINGER : [interprétation]

 20   Q.  Ambassadeur Ahrens, cela nous amène à la fin de l'année 1993. Et vous

 21   nous avez déjà dit que vous saviez qu'au début de l'année 1994, M. Hadzic a

 22   été remplacé par M. Martic. Nous n'allons pas nous occuper, donc, de

 23   l'année 1994.

 24   De mémoire, la Norvège, est-ce le dernier moment où vous avez rencontré M.

 25   Hadzic, ou est-ce que vous l'avez revu par la suite ?

 26   R.  Je ne saurais pas vous le dire maintenant. Puisque après l'opération

 27   Tempête, il ne restait plus entre les mains des Serbes que le secteur est.

 28   Stoltenberg et moi-même, nous nous sommes déplacés à Belgrade et à Zagreb,


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  1   et Misa Milosevic m'a dit à ce moment-là que des négociations devraient

  2   avoir lieu pour chercher une solution de paix et il m'a dit que M. Hadzic

  3   ferait partie des négociateurs. Et, en fait, ce sont Stoltenberg et

  4   l'ambassadeur américain basé à Zagreb qui ont géré ces négociations.

  5   C'était Peter Galbraith du côté américain. Et je pense que Hadzic y a

  6   participé, mais je n'en suis pas tout à fait certain. J'étais là, mais je

  7   n'étais pas là en permanence. Et, au moins, ce n'était pas lui qui a signé

  8   l'accord.

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   R.  L'accord Erdut 2.

 11   Q.  Erdut 2. Donc c'était fin 1995 ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je vous remercie d'avoir répondu à mes

 14   questions.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

 16   questions pour l'instant.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Stringer.

 18   Nous commencerons le contre-interrogatoire demain matin.

 19   Maître Gosnell, je suppose que vous serez d'accord avec moi ?

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, votre

 22   déposition vient de toucher à sa fin. Nous vous attendons demain à 9 heures

 23   dans la même salle d'audience pour que vous soyez contre-interrogé par la

 24   Défense. Cela veut dire que la déclaration solennelle que vous avez

 25   prononcée est toujours en vigueur. Par conséquent, vous n'avez pas le droit

 26   de discuter de votre déposition avec qui que ce soit, et vous n'avez pas

 27   non plus le droit de contacter les parties au procès. Si cela est clair, je

 28   vous remercie d'être venu aujourd'hui, et l'huissier vous raccompagnera

 


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  1   hors du prétoire.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   [Le témoin quitte la barre]

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

  5   --- L'audience est levée à 13 heures 55 et reprendra le mercredi 28 août

  6   2013, à 9 heures 00.

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