Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 28 août 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire et dans les pièces adjacentes.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  9   les Juges.

 10   Affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Les parties peuvent-elles se présenter, l'Accusation pour commencer.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 14   Douglas Stringer, Thomas Laugel et Jaclyn Fortini pour le bureau du

 15   Procureur.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Pour la Défense.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 19   les Juges.

 20   Pour la Défense de Goran Hadzic, Zoran Zivanovic, Christopher Gosnell

 21   et notre stagiaire, Jolana Makraiova.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Un petit

 24   point technique avant que le témoin n'entre dans le prétoire.

 25   [Le témoin vient à la barre]

 26   M. STRINGER : [interprétation] L'on me rappelle que l'Accusation doit

 27   redemander le versement au dossier du document 00079.1 de la liste 65 ter.

 28   Cela constitue partie intégrante du livre qui a été réduit désormais à

 


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  1   l'extrait qui a été montré au témoin.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en remercie. Le document est

  3   admis au dossier et reçoit une cote.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P2890.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  6   Bonjour, Excellence. Je tiens à vous rappeler que votre déclaration

  7   solennelle s'applique toujours.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, le contre-

 10   interrogatoire.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 12   Juges. Merci.

 13   LE TÉMOIN : GEERT AHRENS [Reprise]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   Contre-interrogatoire par M. Gosnell : 

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Excellence.

 17   R.  Bonjour.

 18   Q.  Je me présente : je suis Christopher Gosnell et je défends M. Hadzic en

 19   l'espèce. Je vais vous poser quelques questions aujourd'hui. Je tiens à

 20   vous dire que si jamais vous ne trouviez pas claire l'une de mes questions,

 21   n'hésitez pas à me demander de la préciser et je ferai de mon mieux.

 22   R.  Je vous remercie.

 23   Q.  Hier, plusieurs questions vous ont été posées au sujet des Croates et

 24   des Serbes en tant que groupes ethniques. Les Slovènes constituaient-ils

 25   également un groupe ethnique ?

 26   R.  Dans la terminologie yougoslave, les Slovènes étaient une nation tout

 27   comme les Serbes et les Croates. Mais les Slovènes parlaient une langue qui

 28   était distincte de manière nette de ce qui était appelé à l'époque le


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  1   serbo-croate.

  2   L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que le témoin est très loin du

  3   microphone, pourrait-il se rapprocher.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en excuse.

  5   M. GOSNELL : [interprétation]

  6   Q.  Autrement dit, ils seraient bien différents des autres groupes qui

  7   constituaient l'ex-Yougoslavie ou qui y vivaient ?

  8   R.  Oui, c'est ce que je dirais.

  9   Q.  Et ils ont souhaité opérer une sécession de la RSFY ?

 10   R.  Ecoutez, c'est une question qui porte sur l'histoire récente, entre

 11   autres, de la Yougoslavie. Vous savez peut-être que Milosevic a orchestré

 12   des modifications de gouvernement, d'abord, dans les deux provinces

 13   autonomes, en Vojvodine et au Kosovo, et qu'il y a dépêché des personnes

 14   qui le représentaient et qui ont remplacé les autorités en place. C'est à

 15   ce moment-là que les Slovènes ont fermé la frontière et que la Serbie a

 16   coupé ses relations avec la Slovénie. Donc le processus était en cours, le

 17   processus de la séparation de la Slovénie, donc je ne peux que vous

 18   recommander mon livre de 500 pages qui pourrait apporter une bonne réponse

 19   à votre question.

 20   Q.  Diriez-vous que ce processus qui a précédé la sécession de la Slovénie

 21   de la Yougoslavie a été un mouvement d'autodétermination nationale ?

 22   R.  C'est quelque chose qui a déjà été dit, mais cela faisait partie du

 23   droit international public, cette différence entre l'autodétermination

 24   d'une part et l'unité des Etats de l'autre, et c'était l'une des grandes

 25   questions auxquelles il a fallu répondre relativement à la crise

 26   yougoslave. Mais, en fin de compte, je pense que l'évolution de la

 27   situation sur le terrain était telle que la séparation est devenue

 28   inévitable. Je veux dire, à partir de Vukovar, il n'était plus possible de


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  1   sauver la Yougoslavie. C'était difficile avant cela, peut-être même

  2   impossible, mais après c'était certainement impossible…

  3   Q.  Alors, laissons de côté le droit international public. Ma question

  4   porte effectivement sur ce qui a entraîné ce processus menant au

  5   démantèlement de l'Etat. Donc, maintenant nous parlons de la Slovénie,

  6   était-ce un sentiment d'identité collective des personnes qui vivaient dans

  7   cette zone qui a été la force motrice de ce processus ?

  8   R.  Ecoutez, les Slovènes ont une identité distincte d'une certaine

  9   manière. Et je me souviens qu'à un moment donné, j'étais en compagnie de

 10   quelques amis serbes à Belgrade et l'un d'eux a dit : Je n'aime pas les

 11   Slovènes. Nous étions en train de parler serbe. Et il a dit qu'il n'aimait

 12   pas les Slovènes parce qu'ils ressemblaient aux Allemands. Donc il ne

 13   pensait pas au fait que j'étais Allemand à ce moment-là. Donc c'était cette

 14   nature différente de la Slovénie. Ils ont essayé de préserver leur identité

 15   face à la germanisation et à l'italianisation, et c'est dans le cas de ce

 16   processus-là qu'ils se sont rapprochés de la Yougoslavie après la Première

 17   Guerre mondiale.

 18   Q.  Alors, très brièvement, ils ont voulu créer un Etat séparé, distinct,

 19   pour affirmer leur sens d'identité nationale ? Est-ce que cela n'est pas

 20   vrai ?

 21   R.  Ils voulaient préserver leur identité nationale. Ils avaient

 22   l'impression qu'en se rapprochant de la Yougoslavie, c'était la meilleure

 23   façon de le faire à ce moment-là. C'était après la Première Guerre

 24   mondiale.

 25   Q.  Et était-ce quelque chose qu'on pourrait qualifier en termes habituels

 26   de mouvement d'autodétermination ?

 27   R.  Oui, d'une certaine façon.

 28   Q.  Et est-ce que ce n'est pas le même mouvement qui entraînerait la


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  1   dissolution de la Tchécoslovaquie également ?

  2   R.  Je ne voudrais pas que l'on bloque cette affirmation-là, parce que j'ai

  3   une idée légèrement différente. J'espère que nous sommes encore dans ce

  4   processus de convergence vers plus d'unité sur le plan européen, et je

  5   pense que le fait d'insister sur l'étaticité [phon] de chaque nation n'est

  6   pas quelque chose de très intelligent, en particulier lorsque vous voyez

  7   ces Etats qui sont tellement mixtes que cela risque d'entraîner un bain de

  8   sang. Vous avez ce livre où le principe est discuté ainsi que les

  9   conséquences de ce processus, un livre qui a été publié en 1991 [comme

 10   interprété], de Margaret MacMillan. Si vous voyez ces Etats qui ont été

 11   constitués à l'époque, dans le temps, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie,

 12   voire même l'Union soviétique, eh bien, ils étaient fondés sur des options

 13   politiques qui reposaient sur des convictions politiques individuelles.

 14   Q.  Je n'essaye pas d'entrer dans des discussions normatives sur les

 15   avantages et les inconvénients de ces mouvements. Est-ce que vous êtes

 16   d'accord, simplement, pour dire que l'effondrement de la Tchécoslovaquie

 17   correspond aussi au fait qu'il y a eu un mouvement d'autodétermination et

 18   qu'il y a eu séparation entre les Slovaques et les Tchèques ?

 19   R.  Il y a une différence entre eux. Et là encore, vous avez les Slovaques

 20   qui, après la Première Guerre mondiale, s'étaient trouvés sous le joug

 21   hongrois et ont souhaité rejoindre l'Etat slave pour s'affirmer. Et c'est

 22   la même chose que vous voyez par analogie en Yougoslavie.

 23   Q.  Mais vous répondez par l'affirmative à ma question, n'est-ce pas ?

 24   C'était un produit des mouvements d'affirmation d'identité nationale qui

 25   souhaitait s'articuler sous forme de l'Etat ?

 26   R.  Mais cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec vous.

 27   Effectivement, c'était la conséquence de cela.

 28   Q.  Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec moi. Mais d'autre part,


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  1   nous avons la Catalogne, nous avons le Kosovo, est-ce que cela aussi

  2   correspond à ces exemples de recherche d'autodétermination nationale ?

  3   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous parler des zones que je ne connais pas

  4   très bien. Pour ce qui est du Kosovo, c'est une longue histoire, et elle ne

  5   concerne pas uniquement les années 1990.

  6   Q.  Et le souhait de la Croatie de se séparer de la Yougoslavie, est-ce que

  7   cela a été aussi l'expression de leur volonté d'autodétermination ?

  8   R.  Est-ce que cela a produit cela ? Produit quoi ?

  9   Q.  Est-ce que c'était le résultat de ce souhait d'affirmer leur autonomie

 10   ? Est-ce que c'était le résultat de ce sentiment d'identité ethnique

 11   collective ?

 12   R.  Oui, c'était certainement le cas de la Croatie. Mais il y a eu des cas

 13   avant cela. Vous vous rappellerez peut-être qu'après la Première Guerre

 14   mondiale, les électeurs croates ont voté contre la constitution yougoslave

 15   de Vidovdan, et les paysans croates emmenés par Radic, qui allait être

 16   assassiné d'ailleurs au parlement à Belgrade, étaient favorables à une

 17   Croatie indépendante. Et puis après, vous avez eu la séparation avant la

 18   Deuxième Guerre mondiale. Et puis --

 19   L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent.

 20   M. GOSNELL : [interprétation]

 21   Q.  Excusez-moi, je vais vous interrompre. Nous allons y venir, mais avant

 22   de faire cela, je vais vous soumettre une affirmation. Il n'y a pas

 23   nécessairement de lien, n'est-ce pas, entre un mouvement

 24   d'autodétermination et le fait que l'ensemble de la population de ceux qui

 25   n'appartiennent pas à ce groupe ethnique soit emmené au sein de ce

 26   mouvement ? Il n'y a pas de lien indispensable ?

 27   R.  Non. Bien sûr que non.

 28   Q.  Alors, vous étiez en train d'évoquer l'Etat indépendant croate.


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  1   Pourriez-vous nous le situer dans le temps, s'il vous plaît ? Laissons de

  2   côté les détails.

  3   R.  Cet Etat a existé depuis le mois d'avril 1941 jusqu'à la fin de la

  4   Seconde Guerre mondiale.

  5   Q.  Hier, à 6 678 [comme interprété], vous avez dit que : "Cet Etat s'était

  6   doté d'un régime fasciste extrêmement néfaste."

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourquoi avez-vous dit cela ?

  9   R.  C'était le système fasciste qui était mené par Pavelic, qui s'était

 10   donné le titre de Poglavnik, qui a commis -- donc ce régime a commis le

 11   génocide contre les Serbes, les Rom et les Juifs en premier lieu. Et, en

 12   particulier en Herzégovine de l'Ouest, ils ont commis des crimes contre les

 13   Serbes. Et c'était encore très net dans la mémoire des Serbes en 1991

 14   qu'ils fallaient se méfier de cela.

 15   Q.  Lorsque vous parlez d'"actes de génocide", est-ce que vous estimez que

 16   les Serbes ont fait l'objet d'un génocide qui a été commis contre eux par

 17   ce régime ?

 18   R.  Ecoutez, la définition du génocide est une définition difficile. Mais

 19   on a tué les Serbes en masse, des civils serbes, et tout simplement parce

 20   qu'ils étaient Serbes, y compris des femmes et des enfants. En Herzégovine,

 21   il y en a eu qui ont été abandonnés à mourir enfermés dans des grottes dans

 22   les montagnes. Et il y a eu beaucoup d'histoires. J'avais sept ans à

 23   l'époque. Donc, ce que je sais, c'est un savoir livresque et je l'ai appris

 24   de la part des personnes qui l'ont vécu.

 25   Q.  Est-ce qu'ils ont été des alliés proches de l'Allemagne nazie ?

 26   R.  Ecoutez, on n'a pas dû particulièrement inciter les Croates à

 27   persécuter les Juifs, parce qu'ils l'ont fait par eux-mêmes. C'est

 28   différent des pays où les Nazis avaient imposé leur politique atroce à


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  1   l'encontre d'autres nations. Et, dans cette mesure-là, je dois dire que

  2   Pavelic a été pire que bien d'autres.

  3   Q.  Vous dites qu'ils l'ont fait par enthousiasme et de leur plein gré ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et l'échiquier, est-ce qu'il constitue un symbole de cet Etat, ainsi

  6   que la swastika, la croix gammée ?

  7   R.  L'échiquier, c'est un symbole très ancien qui date du Moyen Age croate.

  8   J'ai vu des représentations de ce symbole datant de cette époque-là. Mais

  9   il a été utilisé par l'Etat indépendant croate, c'est exact. Et, bien

 10   entendu, il y a une autre origine pour la croix gammée, parce qu'il n'y a

 11   absolument pas de tradition précédente d'utilisation de la croix gammée

 12   avant l'utilisation par les Nazis.

 13   Q.  Oui, bien sûr, c'est un symbole qui vient de là. Mais ma question était

 14   de savoir si l'échiquier était utilisé, de même que la croix gammée, en

 15   tant que symbole représentant ce régime et cet Etat indépendant de Croatie

 16   ?

 17   R.  Je ne sais pas si Pavelic a utilisé la croix gammée, je ne suis pas au

 18   courant.

 19   Q.  Et à la fin de la Seconde Guerre mondiale, est-ce que Tito a interdit

 20   l'utilisation de ce symbole de l'échiquier ?

 21   R.  Je ne sais pas si cela a été fait de manière expresse, mais ça aurait

 22   été naturel.

 23   Q.  Pourquoi ?

 24   R.  Parce que c'était un symbole de l'Etat fasciste à l'époque, et Tito a

 25   fait tout pour se débarrasser de cela, pour éradiquer cela. Il n'a pas

 26   critiqué les Croates de manière générale pour avoir été fascistes. Lui-même

 27   était Croate avec une mère slovène.

 28   Q.  Vous avez déjà mentionné cela brièvement, mais vous avez été parmi les


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  1   rares qui seraient en mesure de répondre objectivement à cette question, à

  2   savoir : ce retour de ce symbole, le fait que Tudjman le remette en

  3   circulation, comment les Serbes l'auraient-ils perçu ?

  4   R.  De manière très négative.

  5   Q.  Et Tudjman a-t-il essayé de faire en sorte que ce symbole soit adopté

  6   même dans les zones où les Serbes étaient largement majoritaires ?

  7   R.  Oui. Il a essayé d'introduire de nouveaux uniformes de la police avec

  8   la croix gammée au niveau du bras, et on a demandé que Knin porte ces

  9   uniformes, et Milan Martic n'était pas prêt à le faire.

 10   Q.  Je vois que vous avez parlé de "croix gammée" en ligne 14, et, en fait,

 11   vous vouliez dire l'échiquier ?

 12   R.  Ligne 14 ? Ah oui, bien sûr, l'échiquier.

 13   Q.  Vous dites que les Serbes auraient très mal perçu cela, de manière très

 14   négative. Autrement dit, compte tenu de ce que vous savez du régime de

 15   l'Etat indépendant croate, quelles ont été leurs craintes ?

 16   R.  L'Etat indépendant croate a été atroce pour les Serbes, et maintenant,

 17   avec l'indépendance de la Croatie, on a vu réapparaître partiellement les

 18   symboles de cet Etat. D'un côté, l'échiquier. Et puis, d'autre part, les

 19   unités du groupe armé d'un certain Paraga qui a décidé d'utiliser les

 20   uniformes qui se rapprochaient beaucoup des uniformes d'Oustacha. Et 50 ans

 21   plus tard, les Serbes auraient certainement eu beaucoup de préoccupations

 22   sur ce qui risquait de se produire à l'avenir.

 23   Q.  Et ce groupe armé de Paraga, quand est-ce qu'il a vu le jour ?

 24   R.  Je pense que c'est au début des années 1990. Je pense qu'il y a eu une

 25   scission sur le flan politique croate. Je pense que ces forces ont d'abord

 26   été appelées HOS ou quelque chose de comparable.

 27   Q.  Je voudrais que l'on revoie quelques documents qui vous ont été montrés

 28   hier.


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Commençons par le document 448 de la liste 65

  2   ter. Il comporte une cote P qui est très longue. Il se situe à

  3   l'intercalaire 5 de l'Accusation.

  4   Q.  Monsieur l'Ambassadeur Ahrens, ce document reflète le projet de texte

  5   de la convention de Carrington.

  6   Est-ce que nous pouvons, s'il vous plaît, afficher la page 2.

  7   Ou plutôt, ce que nous voyons ici, c'est qu'il s'agit de la soi-

  8   disant convention de Carrington dans sa version provisoire. Est-ce que vous

  9   savez si ce texte a été adopté ?

 10   R.  Il n'a pas été adopté par la conférence parce que Milosevic s'y est

 11   opposé. Mais, d'une certaine façon, il a été accepté par les ministres des

 12   Affaires étrangères de la Communauté européenne lorsqu'ils ont fait des

 13   observations sur le chapitre 2 de ce document, en faisant une condition

 14   préalable à la reconnaissance de l'indépendance des républiques

 15   yougoslaves.

 16   Q.  Je vais donner lecture du point 1.1, avec le préambule, et voilà ce qui

 17   se lit ici :

 18   "Les dispositions prises pour une solution générale de la crise yougoslave

 19   se comporteront comme suit :

 20   "Du cadre d'un règlement général, la reconnaissance de l'indépendance, au

 21   sein… des frontières existantes, à moins qu'un accord ne soit passé en

 22   disposant autrement, des républiques qui le souhaitent."

 23   Alors, hier, on vous a donné lecture de ce texte, mais on n'a pas

 24   attiré votre attention sur les mots "à moins qu'il n'en soit convenu

 25   autrement."

 26   Qu'est-ce que cela signifie à vos yeux, "à moins qu'il n'en soit

 27   convenu autrement" ? Qu'est-ce que cela signifiait à l'époque ?

 28   R.  Ecoutez, c'était une proposition, et si vous vous penchez sur cet


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  1   article, vous verrez qu'il comporte quelques options contradictoires qui

  2   s'excluent mutuellement. Nous avons d'un côté la confédération, puis la

  3   fédération ou l'indépendance totale. Et puis, dans ce paragraphe où il est

  4   question des frontières -- je pense qu'il n'a jamais été exclu que ces

  5   frontières puissent faire l'objet de modifications à condition qu'un accord

  6   soit passé entre les parties intéressées, mais à l'époque tout le monde

  7   était focalisé sur l'Union soviétique et non pas sur la Yougoslavie.

  8   Q.  Et ces premiers termes où il est question du "cadre du règlement

  9   général", d'après vous, cette condition préalable à la création des Etats

 10   sur les territoires des républiques, c'était un accord général pour

 11   l'ensemble du problème yougoslave ?

 12   R.  Ecoutez, c'était l'idée du ministre néerlandais des Affaires

 13   étrangères, Van den Broek. Il voulait cela pour pouvoir terminer la

 14   conférence avant Noël et obtenir un accord final avant la fin de l'année

 15   1991. C'est à cause de cela que ce texte figure ici.

 16   Q.  Mais est-ce qu'on ne peut pas dire que la condition au préalable de

 17   donner la possibilité aux républiques de créer leurs Etats sur les

 18   territoires était un accord général sur l'ensemble de la question

 19   yougoslave ?

 20   R.  Ecoutez, ce n'était pas la politique de la Communauté européenne de

 21   l'époque, et je ne le lis pas de cette manière-là. Comme nous avons déjà

 22   dit, ce texte n'a jamais été adopté.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Alors, prenons le document 1D713, s'il vous

 24   plaît. Intercalaire 35 de la Défense.

 25   Q.  Nous semblons avoir ici une lettre qui émane des représentants

 26   permanents de la Belgique, la France et du Royaume-Uni. Cette lettre

 27   s'adresse au président du Conseil de sécurité. Et en pièce jointe, nous

 28   avons une déclaration sur la Yougoslavie qui a été adoptée par la


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  1   Communauté européenne en date du 8 novembre 1991.

  2   Est-ce que nous pouvons, s'il vous plaît, prendre la page suivante où nous

  3   avons en annexe : "Une déclaration sur la Yougoslavie. Réunion

  4   extraordinaire ministérielle de l'EPC."

  5   Qu'est l'EPC ?

  6   R.  Il s'agit la corporation politique européenne.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Tournons la page, s'il vous plaît.

  8   Q.  Au quatrième paragraphe :

  9   "A cet égard, ils rappellent que la perspective de la reconnaissance de

 10   l'indépendance des républiques qui souhaitent l'indépendance ne peut être

 11   envisagée que dans le cadre d'un règlement général qui comporte les

 12   garanties appropriées sur le plan de la protection des droits de l'homme et

 13   des droits des groupes nationaux ethniques. Ils encouragent les parties

 14   intéressées à prévoir des dispositions juridiques dans cette optique-là."

 15   Alors, est-ce que cela vous rappelle que la position adoptée par la

 16   Commission européenne à ce stade, au moins à cette date-là, était que la

 17   condition de la reconnaissance était le règlement général de la crise

 18   yougoslave ?

 19   R.  Non, ce n'était pas une condition, puisque si on en avait fait une

 20   condition préalable au règlement général, chacune des parties,

 21   individuellement, aurait pu empêcher toute évolution positive. Et c'est

 22   exactement ce qui s'est produit.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que je peux demander que ce document

 24   soit versé au dossier.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier et

 26   reçoit une cote.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote D95.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Je vais demander l'affichage du document L2,


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  1   s'il vous plaît. Il se situe à l'onglet 17 de la Défense.

  2   Q.  Excellence, nous avons ici la résolution en annexe de laquelle figure

  3   le plan Vance. Excusez-moi, c'est plutôt le rapport, et le plan Vance

  4   figure en pièce jointe de ce rapport. Et je vais demander que l'on nous

  5   affiche la page 8 dans le prétoire électronique. Nous avons ici, de

  6   nouveau, les mêmes termes que nous venons de lire dans la déclaration.

  7   Paragraphe 25, à peu près au milieu du paragraphe. Et je précise que la

  8   date est celle du 11 décembre, donc c'est à peu près un mois depuis la

  9   déclaration que nous venons d'examiner.

 10   Et le texte se lit comme suit, à peu près au milieu du paragraphe 25 :

 11   "La conférence" - et il s'agit de la conférence sur la Yougoslavie, la

 12   Conférence Carrington - "on le rappelle, a pour lignes directrices un

 13   certain nombre de considérations, y compris celles qui ont été exprimées

 14   dans la déclaration adoptée par les 12 Etats membres de la Communauté

 15   européenne à Rome le 8 novembre 1991."

 16   Et il est rappelé plus loin :

 17   "La conférence a exclu tout changement de frontières externes ou internes

 18   par un recours à la force. Je pense que tout écart non coordonné de ces

 19   principes pourrait entraîner un danger très grave non seulement pour les

 20   républiques yougoslaves mais aussi pour l'ensemble de ses peuples, et y

 21   compris pour la préservation de la paix et de la sécurité dans la région."

 22   Vous rappelez-vous que ces termes, "sélectif et non coordonné", ont jamais

 23   été utilisés pour décrire les pires conséquences que risquait d'entraîner

 24   la sécession de certaines républiques de la Yougoslavie ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Et, que vous vous en souveniez ou non, d'après votre interprétation de

 27   cette disposition, faut-il la comprendre comme disant qu'il ne doit pas y

 28   avoir d'autres déclarations unilatérales d'indépendance au sein de la


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  1   Yougoslavie, à moins qu'on arrive à un accord à négocier ?

  2   R.  Quelle est la date de ce document ?

  3   Q.  C'est un document du 11 décembre 1991.

  4   R.  Eh bien, c'est une lettre qui est envoyée par trois ambassadeurs de

  5   trois pays qui sont des pays membres de la Communauté européenne. Mais

  6   cette même Communauté européenne avait adopté quelque cinq jours plus tôt

  7   une déclaration par laquelle elle avait présenté les principes qu'il

  8   fallait respecter pour se faire reconnaître, pour que les Etats

  9   nouvellement créés puissent se faire reconnaître. Et il y avait, entre

 10   autres, une déclaration portant sur la Yougoslavie et quelques autres pour

 11   l'Union soviétique et les cas de figure similaires.

 12   Q.  Excusez-moi, Monsieur l'Ambassadeur, mais pour préciser les choses, le

 13   document que nous avons sous les yeux en ce moment est un rapport du

 14   secrétaire général et il porte en pièce jointe le plan Vance. Et le

 15   document précédent était une lettre qui l'accompagnait et qui émanait de

 16   trois représentants du Conseil de sécurité.

 17   Donc je le précise tout simplement -- et je sais que dans votre réponse

 18   vous avez fait référence aux trois représentants. Souhaitez-vous modifier

 19   votre réponse compte tenu des éléments d'information que je viens de vous

 20   communiquer ?

 21   R.  Non. Je ne vois pas pour quelle raison il était nécessaire d'en

 22   discuter. Toute une série d'arguments ont été présentés; notamment, on

 23   disait qu'on ne pouvait rien faire en Croatie pour endiguer ce qui s'y

 24   passait tant que cette question, qu'on appelait la question interne de

 25   Yougoslavie, était écartée. Et les pays de la Communauté européenne ont

 26   adopté une décision très claire le 18 [comme interprété] décembre, ils ont

 27   décidé de reconnaître les différentes républiques. Et je pense que je dois

 28   me contenter de limiter ma réponse à ce point parce que je n'ai pas


Page 7765

  1   participé à ce processus. Moi, j'ai participé à la Conférence Carrington.

  2   Mon supérieur hiérarchique, c'était Carrington. Et j'ai été loyal à cette

  3   conférence et ses principes.

  4   Q.  Très bien.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, je viens de lire le

  6   texte que vous avez présenté. Il concerne la reconnaissance d'un Etat par

  7   d'autres Etats. Et dans votre question, vous semblez interpréter le texte

  8   comme s'il s'agissait d'une déclaration, d'une proclamation de

  9   l'indépendance par différentes républiques. Est-ce là votre point de vue ?

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Vous avez raison d'établir cette distinction,

 11   Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, j'aurais dû être plus précis quant à la teneur

 13   de ce rapport. Donc on n'interdit pas des proclamations unilatérales de

 14   l'indépendance, mais, en revanche, le document semble établir une politique

 15   quant à la reconnaissance des pays qui proclament leur indépendance.

 16   Souhaitez-vous ajouter quelque chose à votre réponse 

 17   précédente ? Je souhaite vous donner l'occasion de vous exprimer

 18   pleinement.

 19   R.  Cinq jours plus tôt, une déclaration a été faite au sujet de la

 20   reconnaissance de l'indépendance. Et cela n'a pas été fait par les pays de

 21   la Communauté européenne parce que ces pays étaient satisfaits de l'état

 22   des choses; c'est la situation qui exigeait une telle décision.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant à la

 24   page 11 du document. Nous y trouverons le plan Vance lui-même. Et puis,

 25   dans ce texte, on se réfère encore une fois à un accord de nature générale,

 26   à un règlement d'ensemble.

 27   Q.  Au paragraphe 8, il est indiqué, dans la définition des zones de

 28   protection de l'ONU :


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  1   "Les zones protégées de l'ONU seront des régions de Croatie dans

  2   lesquelles, d'après l'avis du secrétaire général, il est nécessaire de

  3   procéder à des arrangements spéciaux pendant la période transitoire pour

  4   s'assurer qu'un cessez-le-feu permanent soit maintenu…

  5   "Comme il a déjà été indiqué, cet arrangement spécial qui s'appliquera dans

  6   ces zones sera de nature temporaire ou provisoire et n'aura aucun impact

  7   sur l'issue des négociations politiques pour un règlement d'ensemble de la

  8   crise yougoslave."

  9   Alors, je vous propose de ne pas nous attarder sur la signification précise

 10   des propos que je viens de vous lire, mais de façon générale, est-ce qu'il

 11   faut comprendre ces propos comme disant que la partie serbe offre des

 12   garanties ou faut-il lire que le statut de ces zones protégées n'a pas

 13   d'impact ou n'est pas prédéterminé dans le cadre du plan Vance ?

 14   R.  Il s'agissait de définir les responsabilités de la conférence d'une

 15   part, et je parle de la Conférence Carrington, et les responsabilités de la

 16   FORPRONU qui était censée être déployée sur le terrain d'autre part. Donc

 17   il s'agissait de définir les conditions préalables pour qu'on puisse

 18   entamer des négociations dans le cadre de la conférence, des négociations

 19   sur un règlement final, sur une solution finale. Ça, c'est le véritable

 20   contexte dans lequel cet article a été rédigé.

 21   En même temps, il est vrai qu'apparemment la plupart des Serbes

 22   croyaient que ceci ouvrait la possibilité pour l'indépendance dans une

 23   solution finale, et cela représentait une erreur tragique, d'autant plus

 24   que je pense que cette idée a aussi été promue par les médias occidentaux

 25   qui souhaitaient que les Serbes signent le plan Vance. Ils souhaitaient

 26   exercer une pression sur eux. Et finalement, à la fin, quand tout a été

 27   signé, à mon avis, les Serbes croyaient que ce plan ouvrait toutes sortes

 28   de possibilités. 


Page 7767

  1   Q.  Et quels sont ces "médias occidentaux" que vous venez d'évoquer ?

  2   R.  Je parle de Marrack Goulding. C'était le sous-secrétaire général des

  3   Nations Unies et il était à la tête des opérations du maintien de la paix.

  4   Q.  Pensez-vous à quelqu'un d'autre ?

  5   R.  Je ne me trouvais pas sur place à l'époque. Je vous cite tout

  6   simplement mes conjectures.

  7   Je ne sais pas si Vance et Okun se pliaient à cette politique eux-

  8   mêmes. Cela ne veut pas dire qu'on cherchait à miner les principes sur

  9   lesquels un accord avait été passé de façon consciente. Mais je pense que

 10   dans le feu du combat, on a pu dire aux Serbes 

 11   que : Voilà, cela ne bloque pas nécessairement des choses à l'avenir si,

 12   maintenant, vous signez ce document. Voilà, ce n'est qu'un règlement

 13   préliminaire, on ne fait que définir les conditions préalables.

 14   Il me semble que je parle beaucoup trop vite.

 15   Q.  Passons maintenant à votre déclaration préalable, s'il vous plaît --

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Qui porte la cote 06476 de la liste 65 ter.

 17   Intercalaire 58 de l'Accusation.

 18   Q.  Et j'aimerais que l'on présente ce que je crois être la page 65 dans le

 19   système du prétoire électronique, c'est votre réponse au numéro 12(a).

 20   R.  Je n'arrive pas à déchiffrer le texte, on ne le voit pas très

 21   clairement.

 22   Q.  Dans la version anglaise, c'est censé être la page 65 dans le système

 23   du prétoire électronique.

 24   R.  Ce que nous avons sous les yeux, c'est la version allemande du texte.

 25   Mais il est question d'un autre sujet dans cette partie du texte ?

 26   Q.  Je pense que la partie du texte qui nous intéresse est sur le point de

 27   s'afficher.

 28   Sur cette page, dans l'avant-dernière phrase, nous lisons :


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  1   "Malheureusement, Vance, Okun et Goulding ont fait des déclarations

  2   ambiguës quant à l'acceptation du plan Vance, et ces déclarations ont été

  3   interprétées par les Serbes comme signifiant qu'il pouvait arriver que les

  4   frontières soient modifiées et cela en leur faveur."

  5   R.  C'est ce que je viens de vous dire, plus ou moins. Le terme "ambiguës"

  6   est peut-être quelque peu exagéré, mais c'est une question qui touche à la

  7   traduction du texte. Donc il ne s'agissait pas d'une ambiguïté délibérée de

  8   la part des personnes citées. Tout simplement, leurs déclarations pouvaient

  9   être interprétées de façon différente.

 10   Q.  Ils ont laissé entendre des choses qui étaient, d'une façon ou d'une

 11   autre, liées à la modification des frontières; ai-je raison de le dire ?

 12   R.  Je pense que, tout simplement, ils ont laissé entendre qu'une solution

 13   pouvait être trouvée en dehors des frontières de la Croatie. On n'utilisait

 14   pas vraiment les termes de "modification de frontière" à l'époque.

 15   Q.  Et est-ce qu'ils ont laissé entendre, est-ce qu'ils ont fait savoir aux

 16   Serbes, à leurs interlocuteurs serbes, que cette question pouvait faire

 17   l'objet de négociations ?

 18   R.  Je ne le crois pas. Je n'irais pas aussi loin dans mes conjectures,

 19   hein. Pour commencer, je connais très bien le secrétaire Vance et M. Okun.

 20   Ils ne se seraient jamais prêtés à un double jeu. Et je pense que les

 21   explications qu'ils ont fournies étaient de nature plus générale et que

 22   c'était les Serbes qui les avaient mal interprétées.

 23   Quant à Goulding, je n'en sais rien. Je ne l'ai jamais rencontré

 24   personnellement, mais j'ai lu son ouvrage où il présente des commentaires

 25   de nature très positive au sujet de Milosevic et de ses consorts.

 26   Q.  Et quelle est la conclusion que vous en tirez ?

 27   R.  Eh bien, je dirais que les Serbes étudiaient ses propos de très près

 28   puisque c'était lui la personne en charge au sein de l'ONU, et c'était donc


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  1   pour eux quelqu'un de particulièrement important.

  2   Q.  Pour changer de sujet, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez rencontré

  3   Goran Hadzic le 6 septembre 1991, et vous indiquez que l'objectif visé lors

  4   de votre déplacement était de :

  5   "Encourager M. Hadzic à signer l'accord qui devait rendre le cessez-le-feu

  6   existant opérationnel. Ceci s'est produit à la veille de la Conférence

  7   Carrington."

  8   Ceci figure à la page 7 674 du compte rendu d'audience. Je le cite pour mon

  9   confrère.

 10   R.  Exact.

 11   Q.  Alors, qui a eu l'idée de solliciter la signature de M. Hadzic ?

 12   R.  Je ne sais pas qui avait dit à l'Ambassadeur Wijnaendts qui il devait

 13   voir. Mais à l'époque, il était, bien sûr, tout à fait clair que c'était M.

 14   Hadzic que les Serbes considéraient comme la personne qui les dirigeait à

 15   titre officiel.

 16   Comme je n'ai pas personnellement participé à ces négociations, je ne

 17   sais pas tous les détails. Dans le cadre de ces négociations, je n'ai servi

 18   que de conseiller technique. Donc ils sont venus me chercher à Zagreb, et

 19   c'est là que je les ai rejoints.

 20   Q.  Vous dites que les Serbes considéraient M. Hadzic comme étant la

 21   personne qui les dirigeait à titre officiel.

 22   Pour commencer, à quels Serbes faites-vous référence; et

 23   deuxièmement, qu'est-ce qu'ils étaient censés diriger ?

 24   R.  Les Serbes avec lesquels il engageait des personnes étaient les

 25   personnes qui tenaient le pouvoir entre leurs mains dans la zone qui est

 26   devenue par la suite le secteur est. Quand je dis que c'était lui qui était

 27   la tête des Serbes, je veux dire tout simplement qu'il était le dirigeant

 28   des Serbes qui habitaient dans cette région. C'est lui qui pouvait décider


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  1   si le cessez-le-feu serait respecté ou non.

  2   Q.  Est-ce que vous êtes en train de suggérer qu'il avait un rôle de

  3   commandement et de contrôle au niveau des forces armées qui s'y trouvaient

  4   ?

  5   R.  Non, ce n'est pas ce que je suis en train de suggérer. Je sais que M.

  6   Hadzic n'a pas été impliqué au sein de l'armée. Mais nous avons eu beaucoup

  7   de présidents civils dans le monde qui, en même temps, agissaient comme des

  8   commandants suprêmes des forces armées.

  9   Q.  Avez-vous compris quelles ont été les compétences de M. Hadzic vis-à-

 10   vis des commandants de la JNA qui étaient présents sur le territoire, le

 11   territoire qui est devenu par la suite celui du secteur est ?

 12   R.  Non, je ne le sais pas.

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le

 14   document 1D702, s'il vous plaît.

 15   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez utilisé des termes fort précis

 16   lorsque vous avez décrit ce que vous cherchiez à obtenir de M. Hadzic. Vous

 17   avez indiqué que vous souhaitiez rendre opérationnel un cessez-le-feu qui

 18   était déjà existant, qui était déjà mis en place.

 19   Alors, ce que nous avons sous les yeux, c'est l'accord sur cessez-le-feu

 20   qui date du 1er septembre 1991. Est-ce là le cessez-le-feu que vous et M.

 21   Wijnaendts cherchiez à rendre opérationnel ?

 22   R.  Eh bien, il ne s'agissait pas de rendre opérationnel le cessez-le-feu

 23   pour moi personnellement, puisque je n'étais pas impliqué personnellement

 24   dans la question. A l'époque, j'étais un membre de la Mission de

 25   vérification de la Communauté européenne et mon mandat dans la région

 26   venait d'être entamé. Mais je pense qu'il s'agissait, en effet, du cessez-

 27   le-feu du 1er septembre.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Passons à la page suivante. C'est le bas de


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  1   la page qui nous intéresse, et notamment les signataires de ce cessez-le-

  2   feu.

  3   Q.  Donc l'accord a été signé à Belgrade le 1er septembre 1991. Dix

  4   exemplaires ont été signés. Nous voyons la signature de Hans Van den Broek,

  5   représentant de la Communauté européenne et de ses Etats membres. Nous

  6   voyons la signature de Stipe Mesic, le président de la présidence de RSFY

  7   et, à ce titre, commandant en chef des forces armées. Nous voyons le

  8   président du Conseil exécutif fédéral, M. Ante Markovic. Nous voyons Alija

  9   Izetbegovic, le président de la présidence en Bosnie-Herzégovine. Nous

 10   voyons la signature de Momir Bulatovic du Monténégro. La signature de

 11   Tudjman de Croatie. La signature de Kucan pour la Slovénie. Et Milosevic a

 12   signé pour la Serbie.

 13   Ce que nous semblons avoir sous les yeux, ce sont les signatures de tous

 14   les présidents de toutes les républiques, et nous avons aussi, par

 15   ailleurs, les signatures des représentants de la RSFY. Ai-je raison de

 16   l'affirmer ?

 17   R.  Oui. Ce sont les participants à la conférence qui devait être organisée

 18   une semaine plus tard.

 19   Q.  Parmi ces différents dirigeants, nous voyons, par exemple, la signature

 20   de Milan Kucan, qui, lui, n'avait pas de soldats impliqués dans les

 21   conflits en cours à l'époque, n'est-ce pas ?

 22   R.  Eh bien, il y a eu des combats en Slovénie, et je pense que l'objectif

 23   visé par ces signatures sur le document était justement de s'assurer que le

 24   conflit ne se rouvrirait pas en Slovénie. Parce qu'en Slovénie, des rumeurs

 25   circulaient quant aux manœuvres qu'on était en train de planifier à leur

 26   encontre.

 27   Q.  Voyez-vous un lien entre le fait que la Conférence Carrington était

 28   censée être inaugurée le lendemain et le fait que vous avez sollicité la


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  1   signature de M. Hadzic ?

  2   R.  Voilà ce que m'en dit l'ambassadeur Wijnaendts. Il m'a dit qu'il

  3   souhaitait que le cessez-le-feu soit mis en place et qu'il soit en vigueur

  4   au moment où la conférence serait inaugurée. Parce que Lord Carrington, qui

  5   était censé présider la conférence, a déclaré qu'il négocierait la paix ou

  6   qu'il négocierait un règlement final, une solution finale, seulement à

  7   condition qu'il n'y ait pas de combats sur le terrain. Et Carrington avait

  8   l'habitude de dire très souvent : Ce n'est pas mon rôle, ce n'est pas ma

  9   tâche de négocier des cessez-le-feu.

 10   Q.  Et outre tout ce que vous venez de dire, est-ce que, pour ainsi dire,

 11   il fallait signer cet accord pour pouvoir être présent à la Conférence

 12   Carrington ?

 13   R.  Ce n'est pas la manière dont j'envisage la chose. Nous voyons ici les

 14   présidents des six républiques et les représentants des autorités que nous

 15   appelions les autorités fédérales. Mais, en grande partie, les combats se

 16   passaient sur le terrain, et c'est la raison pour laquelle Wijnaendts a

 17   souhaité obtenir la signature des personnes qui avaient le pouvoir à un

 18   niveau local. D'abord, je pense à M. Hadzic, et puis aussi à M. Hadzic

 19   [comme interprété].

 20   Q.  Et là, cette signature, n'était-elle pas un prix d'admission ? Etait-il

 21   nécessaire de signer ce document pour être admis à la Conférence Carrington

 22   de jure ?

 23   R.  Non. Parce que ces personnes-là n'ont pas participé à la conférence.

 24   Q.  Mais par la suite, des entretiens ont été engagés avec vous et avec

 25   d'autres personnes dans le cadre de la Conférence Carrington, n'est-ce pas

 26   ?

 27   R.  Les entretiens que j'ai eus avec ces personnes se sont déroulés à

 28   Paris, à l'ambassade néerlandaise. Wijnaendts les a rencontrés plus tard,


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  1   ainsi que les deux vice-présidents, tout au début de la conférence qui

  2   s'est tenue ici à La Haye. Mais à ce moment-là, je ne faisais pas partie

  3   des personnes présentes.

  4   Q.  Et savez-vous si on avait demandé à M. Hadzic de signer des cessez-le-

  5   feu précédents ou conséquents, qui ont été signés par la suite ?

  6   R.  Je n'ai pas de connaissance sur ce sujet.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite demander

  8   le versement au dossier de ce document.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D96. Merci.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 12   M. GOSNELL : [interprétation] Je signale pour les fins du compte rendu

 13   d'audience que c'est le document 1D702.

 14   Alors, peut-on afficher, s'il vous plaît, la pièce P1345.1325, qui porte la

 15   cote 861 de la liste 65 ter. Intercalaire 6 de la Défense.

 16   Il nous faut la page 2.

 17   Q.  Alors, ce que nous avons ici est un accord qui permet de mettre en

 18   œuvre l'accord du cessez-le-feu du 23 novembre 1991. Il est signé à

 19   Sarajevo le 2 janvier 1992. Ici, nous avons donc un cessez-le-feu qui a été

 20   mis en œuvre et qui a été intégré, en quelque sorte, dans le plan Vance.

 21   En bas de la page, nous voyons que le document a été signé par A.

 22   Raseta, général du corps d'armée de la JNA --

 23   R.  Oui, il s'agit d'Andrija Raseta.

 24   Q.  -- et puis, nous voyons aussi la signature de M. Susak. Et à la

 25   page suivante, M. Vance apparaît en tant que témoin.

 26   Alors, est-ce que ce document vous permet de vous rappeler que ce

 27   cessez-le-feu ainsi que d'autres avaient été signés par les commandants de

 28   la JNA lorsqu'il s'agissait de zones qui allaient devenir par la suite des


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  1   zones protégées en Croatie ?

  2   R.  La JNA a été directement impliquée dans toutes ces questions. Ils

  3   s'étaient placés d'un côté lors des combats qui ont été menés en Slovénie.

  4   Et comme je l'ai décrit hier, moi-même j'ai vu leurs chars et leurs canons

  5   déployés autour de Vukovar et d'Osijek et je les ai vus ouvrir le feu sur

  6   ces villes. Donc ils ont représenté un acteur important dans la guerre qui

  7   a été menée par les Serbes contre les Croates.

  8   Il est donc tout à fait naturel qu'ils aient dû signer cet accord. Andrija

  9   Raseta était un officier de la JNA, et en quelque sorte il représente la

 10   partie serbe. Je le connaissais très bien, puisque nous avons participé à

 11   des négociations ensemble. C'est une personne d'une disposition

 12   particulièrement nerveuse. C'était un Serbe de Croatie dont la famille

 13   avait souffert à cause des activités entreprises par les Oustachi.

 14    Q.  Après votre départ de Borovo Selo le 6 septembre, vous avez traversé

 15   la frontière, vous êtes passé en Vojvodine, vous êtes monté à bord d'un

 16   hélicoptère et vous êtes parti d'abord à Osijek, où vous avez atterri, et

 17   vous avez découvert que la personne que vous étiez censé rencontrer ne se

 18   trouvait pas sur place, et ensuite vous avez repris votre vol pour vous

 19   déplacer d'Osijek vers Zagreb. Ai-je raison de l'affirmer ?

 20   R.  En effet.

 21   Q.  Et lors que votre déplacement d'Osijek vers Zagreb, votre hélicoptère a

 22   essuyé des tirs de l'artillerie antiaérienne ?

 23   R.  Nous avions deux hélicoptères de la Mission de vérification de la

 24   Communauté européenne. C'étaient des hélicoptères Alouette de très petite

 25   taille, de couleur blanche. Et, en effet, nous avons essuyé des tirs de

 26   l'artillerie antiaérienne très lourds. Et, manifestement, ils avaient

 27   l'intention de nous toucher.

 28   Q.  Et cela s'est passé lorsque vous surveilliez le territoire croate ?


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  1   R.  Je ne sais pas qui se trouvait sur le terrain. Nous étions en train de

  2   survoler les montagnes en Croatie. Mais après, j'ai entendu dire que

  3   c'était un territoire contrôlé par les Croates, mais je ne sais pas si cela

  4   est vrai ou non.

  5   Q.  Vous parlez couramment le serbo-croate.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et quels sont les termes que vous utilisiez en serbo-croate pour

  8   décrire la police ?

  9   R.  Il en a été question avant-hier. On utilisait le terme "milicija". Mais

 10   ce terme, le terme de "milicija", "militia" en anglais, peut avoir une

 11   signification toute autre dans d'autres pays. En Mauritanie, par exemple,

 12   ce terme peut être utilisé pour désigner des groupes paramilitaires, voire

 13   la pègre. Et c'est, en effet, ce que nous avons connu en Yougoslavie dans

 14   certaines régions.

 15   Q.  Et quels sont les termes que vous utiliseriez en serbo-croate pour

 16   désigner ce qu'en anglais on appelle "militia" ?

 17   R.  C'est une espèce de groupe paramilitaire. Mais vous pouvez peut-être

 18   consulter des personnes qui parlent serbo-croate plus couramment que moi.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, mais je suis en train

 20   d'examiner le compte rendu d'audience. Je sais que c'est une question d'une

 21   certaine importance, donc il me semble bon de s'attarder sur la question et

 22   de demander au témoin d'épeler le mot qu'il vient de prononcer ou de

 23   vérifier si tout a été bien consigné dans le compte rendu d'audience. Est-

 24   ce qu'on parle, en effet, du terme anglais "militia" par opposition au

 25   terme en B/C/S "milicija" ? Il faut éviter toute confusion qui risque

 26   d'être semée par la suite.

 27   M. GOSNELL : [interprétation]

 28   Q.  Bon, pour commencer, je vais vous poser la question suivante : est-ce


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  1   qu'on peut traduire de façon exacte le terme anglais "militia" en serbo-

  2   croate ?

  3   R.  Je ne suis pas un linguiste, je ne peux pas me prononcer sur l'origine

  4   de ces mots, mais je ne connais aucun pays anglophone où le terme "militia"

  5   est utilisé pour décrire la police. Or, en serbe, le terme "milicija" veut

  6   très souvent dire justement la "police".

  7   Q.  Je reviendrai à cette question plus tard, comment épelle-t-on ceci,

  8   mais compte tenu du fait que le terme serbe "milicija" sonne pratiquement

  9   de la même façon comme le mot anglais "militia", n'y a-t-il pas un risque

 10   de confusion pour ceux qui, en tout cas, s'expriment en anglais ?

 11   R.  J'ai dit que l'utilisation différait en fonction de si l'on retenait le

 12   singulier ou le pluriel. En allemand, par exemple, le terme correspondant

 13   au singulier continue de se référer à la police du secteur. Mais si je dis

 14   des "Milizen" au pluriel en allemand, cela se réfère à des groupes d'une

 15   autre nature.

 16   Q.  Est-il également possible que quelqu'un déclare, par exemple,

 17   "j'appartiens à la 'milicija'" et que cela soit consigné de façon erronée

 18   comme "militia" en supposant qu'il s'agit là de synonymes ?

 19   R.  En serbo-croate, il y a un terme qui signifie "individu appartenant à

 20   la milicija", et donc la traduction de ce terme, c'est policier. Et c'est

 21   ce que je retiendrais si je traduisais du serbo-croate à l'anglais.

 22   Q.  Alors, on vous a déjà demandé d'épeler ce terme en serbo-croate. Est-ce

 23   que vous pourriez le faire ?

 24   R.  "Milicija", m-i-l-i-c-i-j-a. "Milicija", qui correspond au singulier à

 25   "militia" en anglais. Alors que pour le terme anglais au pluriel,

 26   "militias", la meilleure traduction en B/C/S serait d'utiliser l'adjectif

 27   "paravojne", p-a-r-a-v-o-j-n-e, ou j-n-a au singulier. Paravojne jedinice,

 28   unités paramilitaires.


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  1   Q.  Je voudrais maintenant vous poser quelques questions quant à la mise en

  2   œuvre du plan Vance. Vous en avez déjà parlé lors de l'interrogatoire

  3   principal.

  4   Est-ce que vous pourriez nous donner votre point de vue quant à la

  5   question de savoir si, au terme du plan Vance, la FORPRONU était censée

  6   recourir, si nécessaire, à la force pour défendre les zones de protection

  7   contre d'éventuelles attaques croates ?

  8   R.  C'est ce que dit le mandat. En fait, ce n'est pas ce que dit le mandat,

  9   mais il faudrait vérifier les termes de celui-ci. Ce n'est pas un mandat au

 10   terme du chapitre 7; mais, bien entendu, ils avaient la possibilité de se

 11   défendre. Puisque lors de cette attaque de janvier 1993, il y a eu deux ou

 12   trois soldats français qui ont été tués, je crois qu'ils auraient pu

 13   riposter au titre de la légitime défense.

 14   Q.  Est-il juste de dire que la seule façon pour les forces de la FORPRONU

 15   de se trouver dans une situation où ils auraient été en mesure de recourir

 16   à la force au titre du mandat en vertu du chapitre pour défendre les zones

 17   de protection aurait consisté, pour eux, à se trouver physiquement sur les

 18   lignes, sur les délimitations de ces zones de protection ?

 19   R.  C'est un autre point de controverse entre les deux parties, parce que

 20   les Serbes, en effet, voulaient que les éléments de la FORPRONU ne se

 21   trouvent que sur les lignes de confrontation et non pas à l'intérieur de

 22   ces zones.

 23   Q.  Nous y reviendrons. Mais juste pour nous concentrer dans un premier

 24   temps sur la question préliminaire, est-ce que ceci cadre avec la légitime

 25   défense.

 26   N'est-il pas exact que la seule occasion à laquelle la FORPRONU allait

 27   pouvoir recourir à la force pour défendre les autres protégés aurait été

 28   cette situation où elle se serait trouvée à la limite même des zones en


Page 7779

  1   question ?

  2   R.  Si l'on parle des zones de protection des Nations Unies, dans

  3   l'hypothèse où la FORPRONU aurait recouru à la force, cela n'aurait pas été

  4   pour résister à une attaque d'ensemble parce qu'ils ne pouvaient pas le

  5   faire. Ils n'avaient pas les effectifs ni la force suffisante pour cela.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] Pouvons-nous afficher la pièce P2882. Onglet

  7   numéro 84 de l'Accusation, s'il vous plaît.

  8   Q.  C'est un document qu'on vous a présenté hier qui émane qui ministère de

  9   l'Intérieur de la RSK. C'est daté du 30 avril 1992. Le sujet est une

 10   conversation entre la présidence de la RSK et des représentants de l'Union

 11   européenne. C'est adressé au comité d'Etat pour la coopération avec les

 12   Nations Unies, en mains propres à un certain B. Jovic; à Jovica Stanisic en

 13   personne au sein du SDB de la république de Serbie; et également au

 14   secrétariat fédéral à la Défense nationale, le SSNO, administration de la

 15   sécurité, à un certain A. Vasiljevic.

 16   Avant d'en venir à la teneur, pourquoi cette lettre est-elle adressée

 17   personnellement à chacune de ces personnes, lettre rédigée, par ailleurs,

 18   par Milan Martic et signée par lui ?

 19   R.  Quel est le contenu de cette lettre ? Parce qu'avant de pouvoir dire

 20   quoi que ce soit de ses destinataires, j'aurais besoin d'en avoir une

 21   notion également.

 22   M. GOSNELL : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page 2 dans un

 23   premier temps. Nous allons voir ce qu'il en est.

 24   Q.  D'ailleurs, ce document reprend manifestement une conversation

 25   intervenue le 29 avril 1992 entre Goran Hadzic et les adjoints de Lord

 26   Carrington, à savoir M. Wijnaendts et Thierry De Beauce, ainsi que

 27   quelqu'un répondant au nom de Guy Yelda, qui était un autre assistant.

 28   R.  L'adjoint était M. Thierry De Beauce à l'époque. L'organisateur à


Page 7780

  1   l'époque de la conférence était M. Wijnaendts. Et l'assistant français du

  2   cabinet de M. Mitterrand, M. Guy Yelda, qui travaillait pour De Beauce.

  3   Q.  Au deuxième paragraphe. vers le bas :

  4   "Hadzic a estimé que les victimes et les pertes de vies enregistrées

  5   quotidiennement étaient causées également par le déploiement inadéquat des

  6   forces de la FORPRONU qui, donc, s'étaient déployées à une vingtaine de

  7   kilomètres à peu près vers l'intérieur des limites des zones concernées,

  8   laissant non couvertes les zones peuplées par la population serbe dans les

  9   zones frontalières de ces secteurs vers la Croatie."

 10   Sur la base de ce que vous savez, est-ce qu'il est exact de dire que les

 11   forces de la FORPRONU étaient déployées bien à l'intérieur des limites et

 12   des lignes de confrontation précédentes ?

 13   R.  Je n'avais pas moi-même à traiter du déploiement des effectifs de la

 14   FORPRONU. Je me rappelle que les Serbes voulaient voir ce déploiement se

 15   faire sur les lignes de confrontation et que les Croates ainsi que la

 16   communauté internationale souhaitaient qu'ils soient à l'intérieur des

 17   zones de protection parce qu'il y avait toute une série d'événements

 18   néfastes qui se déroulaient à l'intérieur de ces zones de protection.

 19   Q.  Est-ce que vous savez quelle était la situation sur le terrain sur la

 20   base des rapports qui vous sont parvenus ? Et la situation également au

 21   niveau de ces lignes de confrontation était-elle instable ? La sécurité

 22   était-elle insuffisante ?

 23   R.  La situation était telle à la fin de 1991 et au début de 1991 [comme

 24   interprété] qu'il y avait une véritable confrontation et ensuite un cessez-

 25   le-feu.

 26   Comme je l'ai dit hier, le président Tudjman souhaitait éviter à tout prix

 27   une situation de type chypriote, et c'est la raison pour laquelle les

 28   Croates se sont lancés dans des attaques ici et là. La première incursion


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  1   de cette nature s'est déroulée sur le plateau appelé Miljevacki Visoravan

  2   [phon], et la deuxième, c'est dans la poche de Medak, où les Croates ont

  3   commis des crimes particulièrement graves.

  4   Q.  Juste pour donne une vision d'ensemble : les Serbes étaient satisfaits

  5   du statu quo, alors que les Croates, eux, exerçaient des pressions, n'est-

  6   ce pas, afin de récupérer les territoires qui, de leur point de vue,

  7   étaient critiques ?

  8   R.  En principe, c'est une affirmation juste. Bien entendu, les Croates --

  9   je veux dire, les Serbes ont poursuivi le nettoyage ethnique dans ce qu'ils

 10   considéraient comme leurs secteurs, leurs zones. Tudjman, quant à lui, ne

 11   voulait pas perdre ces territoires, il ne voulait pas que la situation se

 12   pérennise comme cela avait été à Chypre. C'était la situation. C'est exact.

 13   Q.  Nous reviendrons au nettoyage ethnique. Mais pour le moment, n'est-il

 14   pas exact - et je ne suis pas sûr d'avoir obtenu une réponse à la question

 15   - que les zones qui entouraient les lignes de confrontation, y compris les

 16   zones roses, étaient des zones instables et dangereuses même ?

 17   R.  Je crois que c'est un fait, effectivement. Je les ai souvent

 18   traversées.

 19   Q.  Pouvons-nous examiner le dernier paragraphe de cette page :

 20   "Le colonel Stojan Spanovic, ministre de la Défense de la RSK, a souligné

 21   qu'ils disposaient d'informations selon lesquelles l'état-major de la

 22   République de Croatie avait planifié des opérations aux fins de prendre par

 23   la force des portions de territoire de la RSK qui ne se trouvaient pas sous

 24   la protection de la FORPRONU. Par conséquent, nous doutons que le

 25   déploiement inadéquat et le cantonnement inadéquat des unités de la

 26   FORPRONU puisse être une forme de pression exercée sur la RSK dans des

 27   circonstances où les relations avec la RSFY se sont modifiées depuis le

 28   moment où le plan de paix et le plan Vance ont été acceptés."


Page 7782

  1   Ce document date du 30 avril. Pendant combien de temps après ceci

  2   intervient l'attaque visant le plateau de Miljevacki ?

  3   R.  Je ne me rappelle pas la date, mais je peux vérifier dans l'ouvrage en

  4   question, nous l'avons ici. Seulement, je ne peux pas vous le dire de tête.

  5   Q.  Et, à votre connaissance, ces soupçons de Spanovic correspondent-ils à

  6   la réalité, à savoir que la FORPRONU s'était déployée de telle façon

  7   qu'elle exerçait une pression sur les Serbes par peur qu'une attaque par

  8   les Croates ne puisse être couronnée de succès et que le territoire ne

  9   puisse être repris ?

 10   R.  Non. C'est ce que M. Spanovic pense, mais je crois que c'est inexact.

 11   Il faut examiner le document élaboré par la Conférence Carrington. De

 12   l'autre côté, il y a le déploiement de la FORPRONU. Et à l'époque, il

 13   s'agit de deux institutions complètement différentes, puisque la Conférence

 14   internationale sur l'ex-Yougoslavie était une initiative qui venait

 15   principalement des Nations Unies.

 16   Q.  Si je comprends bien les informations qui viennent de vous au sujet des

 17   violations des droits de l'homme dans les zones de protection -- en fait,

 18   les informations que vous receviez, je veux dire, provenaient avant tout

 19   des rapports de la Mission de vérification de la Communauté européenne, et

 20   nous avons ce document unique de l'ambassade de Tchécoslovaquie. Est-ce que

 21   cela résume vos sources d'information au sujet des violations de droits de

 22   l'homme dans les zones de protection ?

 23   R.  Non. Je veux dire, j'avais des contacts également avec les veuves de

 24   Vukovar et avec d'autres Croates qui avaient fui ces secteurs. J'avais

 25   également acquis cette impression sur la base de mes échanges avec les

 26   prisonniers le 6 septembre. Nous avons vu des destructions quasiment

 27   systématiques des églises et des maisons dans les secteurs en question. Il

 28   y avait des rapports écrits, des rapports très véhéments de la part des


Page 7783

  1   observateurs de la MOCE également. Il y avait des informations du

  2   gouvernement croate qui dans une large mesure étaient fiables. Tudjman met

  3   ceci en avant également dans ses lettres adressées aux Nations Unies. Donc

  4   il y avait beaucoup de choses, mais évidemment, ceux qui se livraient à ces

  5   violations des droits de l'homme avaient intérêt à ne pas le faire au vu et

  6   au su des observateurs internationaux. J'ai lu des rapports indiquant que

  7   le nettoyage ethnique était en cours sous les yeux des soldats de la

  8   FORPRONU. Et Ilok a fait l'objet d'une opération en plein jour où à la fois

  9   la FORPRONU et la MOCE ont participé, et il n'y a pas le moindre doute

 10   quant à ces violations des droits de l'homme.

 11   Q.  Les événements d'Ilok, c'est en octobre 1991, n'est-ce 

 12   pas ?

 13   R.  Je crois.

 14   Q.  C'était avant la création des zones de protection, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. Mais les effectifs de la MOCE étaient déjà déployés.

 16   Q.  Et l'information qui vient des veuves de Vukovar concernait les crimes

 17   commis en novembre 1991, dans la période entourant la chute de Vukovar,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Je ne sais pas, parce que je ne sais pas qui étaient les individus

 20   correspondant aux noms en question, mais je penserais certainement à la

 21   période s'étendant entre avril et novembre 1991.

 22   Q.  Donc, une partie des informations que vous venez de décrire concernait

 23   les crimes commis en 1991; est-ce exact ?

 24   R.  Oui, j'ai parlé de la FORPRONU à cet égard, mais si je l'ai fait,

 25   c'était par erreur.

 26   Q.  Avez-vous appris ou avez-vous eu l'impression ou vous a-t-on jamais dit

 27   qu'il y ait jamais un terme, une fin, à ces incidents de violation des

 28   droits de l'homme, et notamment après la mise en place des zones de


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  1   protection ?

  2   R.  Eh bien, je veux dire, le pire s'était passé en 1991 lorsque ces

  3   secteurs ont été conquis, mais j'ai été surpris lorsque la FORPRONU a fait

  4   état de la poursuite du nettoyage ethnique sous ses propres yeux. Parce que

  5   les combats, à proprement parler, s'étaient arrêtés. Je veux dire qu'il y

  6   avait eu un cessez-le-feu et il y avait des incursions des Croates, mais la

  7   situation en 1991 était complètement différente. Et il faut également

  8   garder à l'esprit que le nettoyage ethnique pouvait également avoir lieu

  9   dans des secteurs où les Serbes ne représentaient que 37 %, comme à

 10   Vukovar. Excusez-moi pour les expressions en question, je voulais dire un

 11   grand nombre de personnes.

 12   Q.  Est-il exact de dire qu'à l'époque où les zones de protection ont été

 13   mises en place, et notamment le secteur est, la grande partie des non-

 14   Serbes était déjà partie, avait fui les combats ou avait été contrainte de

 15   partir pour quelque raison que ce soit ?

 16   R.  Je n'ai pas une connaissance personnelle de ceci, ni des chiffres

 17   correspondant aux Croates expulsés ou aux réfugiés croates. Je sais

 18   simplement que les chiffres avancés par Tudjman à l'époque étaient assez

 19   élevés.

 20   Q.  Quant aux violations des droits de l'homme, vous avez soulevé la

 21   question avec M. Hadzic, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  C'était lors de votre réunion avec M. Hadzic à la date du 23 septembre

 24   1991 à Belgrade ?

 25   R.  Nous l'avons fait à de nombreuses occasions parce que j'étais à la tête

 26   du groupe de travail chargé des minorités. Les Serbes de la Krajina n'ont

 27   jamais remis en question le fait que les non-Serbes vivant dans ces

 28   secteurs relevaient également de ma compétence, donc j'avais le droit de


Page 7785

  1   soulever ces questions.

  2   Q.  Je voudrais que nous revenions à votre déclaration, la pièce numéro

  3   06476, encore une fois.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous commencer par la page numéro

  5   14 dans le prétoire électronique, s'il vous plaît. Je voudrais la réponse à

  6   la question numéro 20. Passons donc à la page suivante.

  7   Q.  Nous trouvons ici mention -- ou plutôt, on vous interroge au sujet de

  8   la réunion du 23 septembre 1992 avec Goran Hadzic. La question : "Où la

  9   réunion a-t-elle été tenue ?" Passons à la page suivante, s'il vous plaît.

 10   La réponse était… à Belgrade, je crois.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et pouvons-nous maintenant avancer jusqu'à la partie correspondant au

 13   petit (f). La question :

 14   "Vous rappelez-vous quelque autre occasion que ce soit où l'on ait soulevé

 15   la question du nettoyage ethnique ou des violations des droits de l'homme

 16   en présence de Goran Hadzic ? Et si oui, veuillez donner des détails."

 17   Nous avons la réponse en allemand.

 18   Mais pouvons-nous passer à la page suivante.

 19   R.  Quelle est la question ?

 20   Q.  Simplement pour le compte rendu d'audience, je souhaite m'assurer que

 21   nous ayons bien l'affichage de ceci en anglais.

 22   R.  Je n'ai jamais entendu qui que ce soit d'autre soulever ces questions

 23   en présence de M. Hadzic. Il y a eu des occasions où je me suis entretenu

 24   de ces sujets avec M. Hadzic, et ceci est repris quasi exhaustivement dans

 25   ce document. Mais cela faisait tout simplement partie de mon mandat que de

 26   m'intéresser au sort des non-Serbes en RSK. Et, bien entendu, ceci s'est

 27   présenté lors de mes rencontres avec les dirigeants.

 28   Q.  Et les participants aux travaux de votre groupe de travail lors de ces


Page 7786

  1   réunions étaient uniquement des représentants des républiques, n'est-ce pas

  2   ?

  3   R.  C'est vrai pour la Conférence Carrington. Mais ensuite, dans le cadre

  4   de la Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie, il n'y avait plus de

  5   sessions plénières parce que ces sessions ne nous menaient nulle part. Donc

  6   nous avons travaillé avec chacune des républiques et nous avons essayé

  7   d'avancer dans la direction de ce que nous appelions des pourparlers

  8   trilatéraux, avec le gouvernement notamment, parfois également avec la

  9   Serbie et le Kosovo. Mais pendant un certain temps, cela n'a pas pu être

 10   fait en Croatie. Je parle de ce processus trilatéral.

 11   Q.  Vous nous dites qu'en fait, la première fois où les représentants de la

 12   minorité serbe étaient impliqués dans le contexte du groupe de travail,

 13   cela s'est produit en novembre 1993 ?

 14   R.  Non. Parce que nous avons, par exemple, eu des réunions, il y a eu la

 15   réunion de Paris, mais il est exact que notamment après janvier 1992,

 16   Carrington, et après lui, à partir d'avril, De Beauce, se sont plutôt

 17   occupés eux-mêmes de ces questions. Cependant, la dernière réunion que j'ai

 18   eue avec les Serbes de Krajina dans le cadre de la Conférence Carrington

 19   s'est tenue au mois de juillet 1992 à Belgrade, et ceci a été enregistré.

 20   Q.  Donc ceci est distinct, n'est-ce pas, du travail du groupe du travail

 21   sur les minorités ?

 22   R.  Eh bien, cela dépend. Lorsque je m'entretiens des non-Serbes de la RSK

 23   avec Goran Hadzic, j'ai ma casquette de président du groupe de travail sur

 24   les minorités. Mais lorsque nous discutons des relations entre Zagreb et

 25   Knin, nous avons eu ces arrangements spéciaux.

 26   Q.  Donc votre point de vue est que vous avez soulevé ces questions des

 27   violations des droits de l'homme en présence de M. Hadzic à d'autres

 28   occasions que cette réunion de septembre 1992 à Belgrade, n'est-ce pas ?


Page 7787

  1   R.  Eh bien, la réunion de septembre 1992 à Belgrade était la première

  2   réunion tenue après la mise en place de la Conférence internationale sur

  3   l'ex-Yougoslavie. J'ai rencontré M. Hadzic à Londres le mois précédent et -

  4   je devrais vérifier - mais je crois que c'était là ma première session

  5   plénière à Genève. Et après cela, je me suis rendu à Belgrade pour cette

  6   nouvelle conférence avec les représentants des Serbes de la RSK et c'est

  7   alors que j'ai rencontré Hadzic.

  8   Q.  Donc, si je vous comprends bien, c'était la première fois où vous

  9   auriez pu soulever ces questions ? La première fois, la première occasion

 10   où vous aviez la possibilité de le faire, c'était le 23 septembre 1992 ?

 11   R.  Non. Je veux dire, j'aurais dire soulever la question en octobre 1991.

 12   Nous aurions pu le faire le 6 septembre 1991. Et, en fait, Wijnaendts l'a

 13   fait, par exemple, à Knin, la semaine après, au moment où nous avons

 14   souhaité obtenir la signature de Babic pour le cessez-le-feu et pour que

 15   ces six prisonniers soient relâchés par Babic.

 16   Q.  J'aurais peut-être dû poser ma question de façon un peu plus précise,

 17   excusez-moi. Je veux dire, la première occasion où vous aviez la

 18   possibilité de soulever ces questions de façon très claire dans le cadre de

 19   votre mandat était le 23 septembre 1992 lors de cette réunion à Belgrade ?

 20   R.  Non. J'avais ce mandat dans le cadre de la Conférence Carrington, déjà.

 21   Q.  Oui, mais vous étiez présent, n'est-ce pas, avec M. Hadzic dans le

 22   contexte d'une réunion du groupe de travail, n'est-ce pas ?

 23   R.  Non. Parce que le groupe de travail tenait toujours ces réunions

 24   plénières, ces séances plénières, auxquelles étaient présents uniquement

 25   les représentants des six républiques. Et deux représentants des Serbes --

 26   et Avramov, ont refusé de parler de cette situation en Krajina parce qu'ils

 27   disaient que cela n'avait rien à voir avec eux.

 28   Q.  Nous y reviendrons. Mais la première fois que ceci a véritablement


Page 7788

  1   relevé de votre mandat, le fait de soulever cette question en présence de

  2   M. Hadzic, c'était bien le 23 septembre 1992 à Belgrade, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non, ce n'était pas parce que c'était dans le cadre de mon mandat.

  4   J'aurais pu, dans le cadre de mon mandat, le faire plus tôt, en octobre

  5   1991, à Paris, par exemple. Mais les circonstances n'étaient pas telles que

  6   j'aurais pu souhaiter le faire puisque nous avions cette discussion avec M.

  7   Babic, qui s'opposait à ma présence lors de cette réunion, et je ne voulais

  8   pas soulever ces questions dans ce contexte-là. Mais l'occasion aurait pu

  9   être utilisée à cette fin aussi.

 10   Q.  Lorsque vous avez soulevé la question avec M. Hadzic le 23 septembre

 11   1992 à Belgrade, ai-je raison de dire qu'il a reconnu que de telles

 12   violations avaient été commises ?

 13   R.  Il a reconnu que dans des circonstances qui étaient celles de la

 14   guerre, de tels événements s'étaient produits, oui.

 15   Q.  Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'est-ce que cela nous dit du lien entre

 16   la violence et les conditions de guerre -- excusez-moi, je vais reformuler

 17   ma question. Qu'est-ce que cela nous dit du lien entre des violations des

 18   droits de l'homme d'une part et la situation de guerre d'autre part ?

 19   R.  Normalement, la réponse est triple.

 20   Premièrement, il y a des lois et une constitution en vigueur dans l'Etat où

 21   nous nous trouvons qui garantissent ces droits.

 22   Deuxièmement, il y a un système judiciaire qui fonctionne et qui veille à

 23   ce que ces textes législatifs soient appliqués.

 24   Troisièmement, je ne nie pas que des violations de cette nature se soient

 25   produites. C'est quelque chose de compréhensible en situation de guerre.

 26   Voilà, c'était les trois points de sa réponse. Je ne connais pas davantage

 27   de détails.

 28   Q.  Est-ce qu'il vous a parlé des obstacles rencontrés sur le terrain en


Page 7789

  1   matière de lutte contre les violations des droits de l'homme ou de

  2   tentatives d'y remédier ?

  3   R.  Non. J'ai demandé s'il y avait des liens entre ces actes et des

  4   individus tels qu'Arkan ou Frenki. Mais, en fait, nous n'en avons pas

  5   discuté.

  6   Q.  Il n'a jamais dit, par exemple, qu'un pourcentage important de la

  7   population du secteur était armé, y compris de fusils ?

  8   R.  Je ne me rappelle pas cela.

  9   Q.  A-t-il jamais dit qu'il y avait un problème de démobilisation d'un

 10   grand nombre d'individus qui se trouvaient hors du cadre de la police

 11   spéciale ?

 12   R.  Pas dans les discussions que j'ai eues avec lui.

 13   Q.  Vous a-t-il jamais parlé de la police régulière qui, aux termes du plan

 14   Vance, ne possédait que des armes de poing et des entraves qu'elles

 15   rencontraient, également de ce fait, dans ses tentatives d'empêcher les

 16   violations des droits de l'homme ou la commission de ces crimes ? Vous a-t-

 17   il jamais parlé, donc, de ces contraintes que rencontrait la police ?

 18   R.  Non, et nous n'avons pas discuté de ces trois éléments que vous

 19   mentionnez.

 20   Q.  Vous n'avez pas à chercher à obtenir de lui davantage d'information

 21   quant à la question de savoir comment ces violations avaient pu se produire

 22   ?

 23   R.  Pas vraiment. En fait, nous avons discuté de la nécessité d'une

 24   protection, et c'était plutôt l'orientation de notre discussion.

 25   Q.  Comment compareriez-vous la nature de la réaction qui a été celle de M.

 26   Hadzic à la nature des réactions que vous avez pu observer de la part

 27   d'autres interlocuteurs serbes ?

 28   R.  M. Hadzic était beaucoup plus accessible que la plupart des autres. Par


Page 7790

  1   exemple, en une occasion, il m'a demandé de lui fournir le texte d'une loi

  2   croate. En d'autres occasions, il m'a demandé de l'aide pour le système de

  3   protection des droits de l'homme en RSK. Et puis, à Plitvice, où je crois

  4   que nous avons passé le plus de temps, à savoir nous avons eu notre

  5   conversation privée la plus long puisque nous étions seul à seul, il a dit

  6   qu'il ne pouvait pas exclure à jamais une solution dans le cadre de la

  7   Croatie mais que tout homme politique serbe qui déclarerait cela en public

  8   se mettrait en danger. C'est sa position la plus avancée, c'est le plus

  9   loin qu'il aille été en ma présence.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Je vois l'heure. Merci, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 13   Nous allons donc faire notre première pause de 30 minutes, comme hier. Et

 14   nous reprendrons à 11 heures. M. l'Huissier va maintenant vous accompagner

 15   hors de la salle d'audience.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître

 22   Gosnell.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Dans cette situation de guerre qui a été évoquée par M. Hadzic, et vous

 25   l'avez mentionnée avant la pause, vous souvenez-vous si, entre autres

 26   éléments, il aurait aussi parlé d'un nombre important de personnes qui

 27   avaient été déplacées, donc des Serbes qui se trouvaient dans certaines

 28   parties de zones protégées ?


Page 7791

  1   R.  Je ne me souviens pas qu'il ait dit cela, mais en public il s'est

  2   exprimé plusieurs fois sur la question des réfugiés et il a également

  3   invité les Serbes résidant dans d'autres régions d'ex-Yougoslavie de

  4   s'installer dans le secteur est.

  5   Q.  Par rapport aux parties du territoire croate qui avaient été occupées

  6   par les forces croates, il y avait là beaucoup de Serbes qui s'étaient

  7   installés dans les zones protégées, et on n'avait pas besoin tout

  8   particulièrement d'en parler, n'est-ce pas ? Enfin, je veux dire, c'était

  9   quelque chose qui était connu.

 10   R.  C'est exact. Mais il y a eu aussi des pressions qui ont été exercées,

 11   et du côté croate également. C'était, effectivement, plus fort du côté

 12   croate que du côté serbe.

 13   Q.  Vous savez peut-être combien de maisons ont été détruites, maisons

 14   serbes à Zadar ?

 15   R.  Non, je ne sais pas. D'après M. Pupovac, il y en a eu un nombre assez

 16   important. Pupovac était un Serbe qui était assez actif à Zadar.

 17   Q.  Vous vous rappelez-vous si on vous a dit qu'il s'agissait d'à peu près

 18   1 000 maisons ?

 19   R.  Ça aurait pu être de cet ordre de grandeur.

 20   Q.  Et les occupants de ces maisons qui étaient partis, est-ce qu'ils

 21   savaient que leurs maisons avaient été détruites ?

 22   R.  Oui, je le pense.

 23   Q.  Les représentants internationaux, est-ce qu'ils évitaient de soulever

 24   la question des droits de l'homme auprès de leurs interlocuteurs serbes ?

 25   R.  Ecoutez, il me semble - c'est du moins mon sentiment - qu'on aurait dû

 26   en parler bien plus. Vance-Owen était une solution pour le problème

 27   bosniaque, qui était immense. Ils se sont, avant tout, focalisés sur le

 28   plan de paix pour la Bosnie, mais il me semble que pour moi, ma tâche était


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  1   avant tout de m'occuper de ces pauvres victimes de la folie ethnique qui

  2   s'était emparée de la Yougoslavie. Quelle que soit leur appartenance

  3   ethnique, croate, serbe, albanaise ou autre.

  4   Q.  Et le Procureur vous a interrogé hier sur les mesures qui auraient été

  5   prises par M. Hadzic pour résoudre la situation que vous lui aviez

  6   présentée. Est-ce que vous savez s'il a pris des mesures; et si oui,

  7   lesquelles ?

  8   R.  J'imagine qu'il aurait pu me dire qu'il a pris des mesures s'il en

  9   avait prises, parce que cela aurait résolu une partie du problème.

 10   Q.  Et vous lui avez posé la question s'il a pris des mesures ?

 11   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne pense pas.

 12   Q.  Et après la réunion de septembre de Belgrade, est-ce que vous avez

 13   soulevé la question de la violation des droits de l'homme auprès de M.

 14   Hadzic ?

 15   R.  Ecoutez, on en a certainement parlé également à Plitvice. Nous avons eu

 16   une longue conversation à ce moment-là où nous avons parlé de tous les

 17   points d'intérêt ou qui suscitaient notre préoccupation.

 18   Q.  Mis à part la liste présentée par les veuves de Vukovar, est-ce que

 19   vous avez parlé avec M. Hadzic à cette occasion-là de la question des

 20   droits de l'homme ?

 21   R.  Je ne m'en souviens pas concrètement. Je suis quasiment sûr que cela a

 22   eu lieu, mais comme je vous l'ai dit avant la pause, on a parlé également

 23   de la situation sur le plan général du problème de la Krajina et de la

 24   solution à apporter à ce problème. Je vous ai dit qu'il n'excluait pas

 25   totalement la possibilité de trouver une solution à l'intérieur de la

 26   Croatie. Et si son opinion l'avait emporté, les Serbes seraient encore là.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Je demande l'affichage du document D73, s'il

 28   vous plaît. Et il s'agira de l'onglet de la Défense numéro 15.


Page 7793

  1   Q.  C'est un télégramme crypté qui porte la date du 30 novembre 1992. Il

  2   porte la signature de Cedric Thornberry et il est envoyé au nom de Nambiar

  3   à Goulding. Et l'objet de la dépêche est les discussions avec les autorités

  4   de Knin.

  5   Est-ce que vous vous souvenez si vous avez vu ce document à l'époque ou

  6   l'avez-vous vu récemment ?

  7   R.  Je l'ai vu récemment.

  8   Q.  Je demande que l'on nous montre le paragraphe 6. Nous ne savons pas si

  9   M. Hadzic est présent. Il y a un entretien avec Stojan Spanovic et avec le

 10   ministre chargé de l'Energie, M. Bjegovic.

 11   R.  Vous parlez du numéro 6 ?

 12   Q.  Non, non, j'y viens. Mais je voulais juste vous informer que cela

 13   figurait en première page.

 14   R.  Oui, Spanovic --

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   R.  -- et Bjegovic était ministre.

 17   Q.  Nous devrions peut-être reprendre à la première page pour que cela

 18   devienne clair.

 19   L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que les voix se chevauchent

 20   occasionnellement.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Pardon.

 22   Donc, nous voyons qu'un entretien a eu lieu avec Stojan Spanovic, qui est

 23   ministre de la Défense à l'époque, ainsi qu'avec Bjegovic, ministre de

 24   l'Energie.

 25   Page 2, s'il vous plaît.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. GOSNELL : [interprétation]

 28   Q.  "Nous n'avons pas abordé les questions relatives aux personnes


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  1   déplacées à cette occasion et nous avons peu parlé du désarmement. Mais

  2   Spanovic a dit qu'ils avaient fait un très grand effort afin d'arrêter les

  3   gangsters et afin de rendre la vie impossible à leurs gangsters (en

  4   particulier dans le secteur est). De toute évidence, très sensible à cette

  5   question, il a accepté très précisément notre analyse et il a dit qu'il a

  6   estimé que cette ligne que nous avions adoptée publiquement de 'déclin vers

  7   l'anarchie' aurait pu détruire ce qui leur restait de crédibilité."

  8   Est-ce que vous avez remarqué que M. Hadzic, dans ses entretiens avec vous,

  9   était préoccupé par cette perte de crédibilité qui était la conséquence des

 10   allégations de violation des droits de l'homme dans les zones protégées ?

 11   R.  Je ne me rappelle pas que M. Hadzic ait fait d'observations par rapport

 12   à cela. Peut-être qu'il l'a fait, mais je pense que je l'aurais noté.

 13   Q.  Et puis, la dernière phrase se lit comme suit :

 14   "Des collègues confirment qu'effectivement, ils essayent d'éliminer au

 15   moins quelques-uns de leurs bandits et que le taux de criminalité est tombé

 16   de manière considérable."

 17   Est-ce que vous vous rappelez - et je rappelle que nous sommes, là, en

 18   novembre 1992 - s'il y a eu des rapports faisant état de ce déclin

 19   considérable du taux de criminalité, en particulier dans le secteur est ?

 20   R.  Non, pas véritablement. Exemple, lorsque nous nous sommes déplacés vers

 21   le secteur est, les soldats belges qui étaient déployés sur place nous ont

 22   montré des tout-terrains qui avaient été volés dans leur parc et qui

 23   avaient été repeints. Et je leur ai demandé s'ils les avaient repris et ils

 24   ont dit qu'ils étaient très pauvres. Et je me souviens que M. Thornberry, à

 25   chaque fois que nous allions rencontrer les autorités locales, disait que

 26   nous allions voir des bandits locaux. Et c'était une situation qui était en

 27   place en permanence, enfin, qui s'est poursuivie.

 28   Q.  C'était des crimes qui étaient commis contre la FORPRONU.


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  1   R.  Oui, celui-là est contre FORPRONU. Ils ont volé leurs jeeps. Mais

  2   c'était simplement un signe de l'anarchie généralisée, qu'ils aient osé

  3   prendre ces jeeps. Et je ne me souviens pas qu'ils aient pris des jeeps

  4   russes; c'était des jeeps belges.

  5   Q.  Vous parlez russe ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et cette différence entre "milicija", milice, groupe armé, est-ce que

  8   cette confusion existe également dans la langue russe ?

  9   R.  Je ne suis pas au courant. Et mon russe n'est pas aussi bon que mon

 10   serbe.

 11   Q.  Hier, pages 7 741 à 42, vous avez parlé de cette liste de 50 à 150 noms

 12   --

 13   R.  Hm-hm.

 14   Q.  -- qui avait été dressée par le groupe qui porte le nom de veuves de

 15   Vukovar. Vous avez remis cette liste à M. Hadzic qui l'a regardée. Il a dit

 16   que toutes ces personnes étaient mortes. Et je vous cite, page 7 742 :

 17   "Nous n'avons pas parlé de ceux qui les avaient tuées ni pour quelle raison

 18   ces personnes étaient mortes, et il a simplement dit que c'était comme ça."

 19   Quelques questions à ce sujet --

 20   R.  Ecoutez, je vais juste préciser cela. M. Hadzic n'a pas dit que c'était

 21   comme ça. Je voulais dire que nous avons simplement discuté de la

 22   situation, des faits, et pas des causes.

 23   Q.  Est-ce que vous vous souvenez s'il a dit s'il reconnaissait des noms de

 24   personnes qu'il aurait connues personnellement ?

 25   R.  Non, il n'a pas dit ça. Il a regardé très attentivement la liste et

 26   cela m'a permis de conclure qu'il savait qui étaient les personnes dont les

 27   noms figuraient sur la liste. Autrement, il n'aurait pas pu me dire qu'ils

 28   étaient tous morts.


Page 7797

  1   Q.  Et est-ce qu'il a dit s'il connaissait les circonstances dans

  2   lesquelles ils ont été tués ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Est-ce qu'il a dit s'il pensait qu'ils avaient été tués au combat --

  5   R.  Non.

  6   Q.  Ecoutez, je voulais terminer ma phrase. Est-ce qu'il a dit s'ils

  7   avaient été tués au combat ou s'ils avaient été tués dans d'autres

  8   circonstances ?

  9   R.  Non, il ne l'a pas dit. Généralement, lorsqu'on soumettait ce type de

 10   questions aux Serbes de la RSK, généralement, l'excuse qu'ils présentaient

 11   était qu'ils étaient tués au combat. Mais cette fois-là, M. Hadzic n'a rien

 12   dit dans ce sens.

 13   Q.  Vous ne pouvez pas savoir si c'était une excuse ou pas, n'est-ce pas,

 14   au sujet de ces noms ?

 15   R.  Oui. Je ne sais pas qui étaient ces gens. Je veux dire, ce groupe de

 16   veuves de Vukovar a dressé cette liste qui m'aurait normalement fait penser

 17   qu'elles savaient que ces gens étaient morts parce que : Je suis veuve et

 18   mon mari n'est plus en vie, il n'est plus là. Donc je pense qu'il ne

 19   faudrait pas se livrer à des exercices sémantiques. Tout simplement, il

 20   s'agissait d'un groupe de femmes qui étaient inquiètes au sujet de ce qu'il

 21   était advenu de leurs maris et de leurs fils.

 22   Q.  J'aimerais vous interroger au sujet des négociations portant sur la

 23   Résolution 802, suite à l'incursion opérée par les forces croates dans le

 24   secteur du pont de Maslenica. Vous en avez parlé hier, et je vais essayer

 25   de ne pas me répéter.

 26   Alors, premièrement, votre sentiment général était-il que M. Hadzic était

 27   l'interlocuteur-clé dans ces négociations ?

 28   R.  Ecoutez, dans les entretiens que nous avons eus à New York et à Genève,


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  1   oui. Mais comme je l'ai peut-être déjà fait remarquer, je ne sais pas qui

  2   il devait consulter avant de prendre une décision et je ne savais pas s'il

  3   devait consulter qui que ce soit. Mais parmi les représentants de la RSK

  4   qui étaient là avec lui, tels Paspalj et le ministre des Affaires

  5   étrangères, c'était lui qui était le numéro un, c'était clair.

  6   Q.  Alors, M. Hadzic était du secteur est, est-ce que cela avait à voir

  7   avec votre perception de son niveau d'autorité dans ces négociations ?

  8   R.  Ecoutez, il n'était pas engagé de manière aussi importante parce qu'il

  9   était du secteur est, qui était loin du théâtre de l'opération relative à

 10   la Résolution 802, et de ce point de vue-là, il aurait pu ne pas être aussi

 11   présent.

 12   D'autre part, à partir de février 1992, il était président de la RSK, et en

 13   tant que tel, il fallait qu'il s'en occupe. Autrement, ça aurait été Babic

 14   qui aurait négocié.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] Prenons le document 06476, s'il vous plaît.

 16   Q.  C'est votre déclaration, encore une fois.

 17   M. GOSNELL : [interprétation] Ce serait la page 21 dans le système du

 18   prétoire électronique qu'il nous faudrait, je pense, question 22(g).

 19   Oui, j'ai l'impression que c'est la bonne page.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez 

 21   l'agrandir ?

 22   M. GOSNELL : [interprétation] Agrandissez, s'il vous plaît, le dernier

 23   paragraphe de la page.

 24   Q.  "Hadzic était le chef de la délégation de négociateurs serbe de fait de

 25   par sa position. Mais de deux manières, il n'a pas véritablement participé.

 26   D'une part, il venait de la zone de protection secteur est, qui était très

 27   loin du pont de Maslenica. En outre, il n'avait pas de formation militaire,

 28   même si de temps à autre il portait un uniforme paramilitaire serbe."


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  1   Donc c'était en mars 1993, ces négociations ?

  2   R.  Je pense que cela a commencé en février. Il faudrait que je vérifie. En

  3   février, il était président de la RSK depuis un an à l'époque.

  4   Q.  Et c'est ce qui m'intéresse. Parce que d'un côté, comme vous le savez,

  5   il est le président de la RSK, et vous dites ici qu'il vient du secteur

  6   est, qui se trouve loin du pont de Maslenica, et que c'est pour cette

  7   raison-là qu'il ne participe pas véritablement aux négociations.

  8   Donc j'aimerais que vous nous aidiez à comprendre pourquoi vous avez dit

  9   cela.

 10   R.  Ecoutez, je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit. Parce qu'il

 11   n'était pas directement concerné. Il venait d'une zone qui se situait loin

 12   de ce théâtre d'opérations. Et un deuxième point, il semblait ne pas avoir

 13   de formation militaire. Il s'est acquitté vraisemblablement de son

 14   obligation de service militaire en Yougoslavie. Ils avaient cette

 15   obligation qui les concernait tous. Mais autrement, il n'était pas versé

 16   dans les affaires militaires…

 17   Q.  Et nous voyons dans les documents qu'il est présent lors de nombreuses

 18   négociations, n'est-ce pas exact ?

 19   R.  Si.

 20   Q.  Et qu'il est à la tête des délégations lors de ces négociations; exact

 21   ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et ici, vous dites qu'il n'y participe pas véritablement. Alors,

 24   comment est-ce qu'on peut comprendre que les deux 

 25   s'appliquent ?

 26   R.  Il faudrait peut-être remplacer "participer" par "être véritablement

 27   intéressé". Bien sûr, il a participé, il était à la tête de la délégation,

 28   mais peut-être qu'il était moins intéressé que Babic ou Martic qui venaient


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  1   de Knin.

  2   Q.  Etaient-ils ceux qui ont pris les décisions sur la stratégie qui a été

  3   adoptée dans le cadre de ces négociations ?

  4   R.  Non, je ne pense pas. Babic avait été marginalisé un an plus tôt. Il

  5   avait beau être maire de Knin, il a joué un rôle, mais de toute évidence,

  6   ce n'était pas lui qui faisait partie de la ligne principale. Et Martic

  7   était encore loin. Enfin, il montait.

  8   Q.  Et si M. Hadzic n'était pas si intéressé que ça, qui était

  9   principalement intéressé à cette question ?

 10   R.  Enfin, ce qui l'intéressait, M. Hadzic, c'était la situation générale

 11   de la RSK et ses relations vis-à-vis de la Croatie. Mais d'autre part, la

 12   zone que nous avons abordée ici dans le cas de ces négociations 802,

 13   c'était un territoire au sud de Knin, quasiment sur la mer Adriatique, donc

 14   c'était un théâtre d'opérations complètement différent. Ici, il ne

 15   connaissait pas les gens, tandis qu'ailleurs il était connu et il les

 16   connaissait. Mais je ne pense pas que Knin s'opposait à la ligne générale

 17   de direction que représentait Hadzic.

 18   Q.  Alors, le même document, page 24 dans le système du prétoire

 19   électronique. Au (e), on vous a demandé juste sur vos préoccupations

 20   relatives aux négociations de Norvège en 1993. Et puis, la question

 21   suivante :

 22   "Quels arguments économiques avez-vous avancés pour convaincre Hadzic et le

 23   gouvernement de la RSK d'accepter un accord ? Comment Hadzic et les

 24   dirigeants serbes ont-ils réagi à ces arguments ?"

 25   Vous dites :

 26   "Hadzic s'est montré très peu intéressé par les questions économiques. Le

 27   secteur est, qui a une frontière avec la Serbie, n'avait pas besoin de

 28   concessions croates. C'était très différent du secteur sud, qui était coupé


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  1   de la côte."

  2   N'est-il pas vrai que le secteur sud est coupé également de la Serbie ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela ?

  5   R.  Ecoutez, Knin était un carrefour ferroviaire très important de l'ex-

  6   Yougoslavie. Et maintenant, depuis que la circulation ferroviaire était

  7   coupée, il y avait énormément de travailleurs qui se sont retrouvés sans

  8   emploi. Knin et ces zones à l'arrière de la côte qui étaient à majorité

  9   serbe -- elles ne se trouvent pas directement sur la côte mais sont très

 10   près. Et nombre de ces Serbes avaient trouvé du travail sur la côte, et

 11   leurs revenus venaient de là. Donc il faut savoir que ce territoire, ce

 12   secteur autour de Knin, est aride et pas développé. C'est une région très

 13   aride avec très peu de végétation. Donc ils se sont retrouvés dans une très

 14   mauvaise posture. Ils avaient besoin des choses de base pour faire

 15   fonctionner leur économie. Et, d'autre part, vous avez la Bosnie et des

 16   parties de la Bosnie qui ne sont pas peuplées de Serbes, mais de Croates et

 17   de Musulmans. Ils étaient hostiles, donc, à cette région de l'autre côté de

 18   la frontière. Et on se trouvait dans une situation très difficile.

 19   Et puis, vous avez le secteur est avec des puits de pétrole qui se

 20   trouvent près de Belgrade, avec une agriculture prospère. Bien entendu, ils

 21   ont perdu pas mal d'habitants. La situation, c'était le désarroi, mais les

 22   problèmes n'étaient pas les mêmes. Et le secteur est n'avait pas besoin de

 23   Croates. Le secteur sud et le secteur nord en avaient besoin, en revanche.

 24   Et les Croates, pour leur part, avaient aussi besoin de concessions serbes

 25   pour faire fonctionner leurs chemins de fer. Leurs lignes à haute tension

 26   de distribution électrique. Le barrage et la centrale au niveau de Peruca.

 27   Tout cela était nécessaire pour que les Croates de la côte dalmate puissent

 28   prospérer et que le tourisme continue.


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  1   Q.  Il y avait le problème d'emploi et la situation était très difficile

  2   dans le secteur sud. Est-ce que cela a eu une incidence sur la politique

  3   menée par la région de la Krajina, et là je pense au secteur sud et secteur

  4   nord ?

  5   R.  Oui. Comme je vous ai déjà dit, il y avait cette volonté politique de

  6   créer un Etat indépendant croate qui était bien plus forte. Cette volonté

  7   était bien plus forte que le souhait de rétablir les relations économiques

  8   au sein de la Croatie, ce qui aurait amélioré le niveau de vie dans le

  9   secteur, et cetera. Même Babic et Martic n'ont pas été sensibles aux

 10   arguments économiques.

 11   Q.  Alors, sur la base des contacts que vous avez eus avec les

 12   interlocuteurs serbes, est-ce que vous avez constaté qu'il y a eu une

 13   distinction au niveau des instances de pouvoir entre la Krajina et le

 14   secteur est ?

 15   R.  Je pense qu'ils étaient tous unifiés sous l'égide de Belgrade.

 16   Q.  Mais vous n'avez pas répondu à ma question.

 17   R.  Ecoutez, je pense qu'ils étaient unifiés sous l'égide de la RSK

 18   politiquement. Et économiquement, il y a eu des différences. Et, bien sûr,

 19   l'influence directe de la Serbie était bien plus importante dans le secteur

 20   est que la Serbie jouxte.

 21   Q.  Je vous pose cette question de manière très générale : donc, qui a

 22   exercé le contrôle sur le processus décisionnel dans cette zone ?

 23   R.  Les gens avec qui nous avions des entretiens parlaient toujours au nom

 24   de l'ensemble de la RSK et ne s'exprimaient pas au nom de différentes

 25   parties de la RSK, différents secteurs.

 26   Q.  Mais est-ce que vous vous êtes rendu compte à un moment donné qu'il y a

 27   eu un schisme, une scission, au sein de la RSK - c'est ce que je vous

 28   soumets - et qu'il y a eu une différence entre la Krajina et le secteur est


Page 7803

  1   ?

  2   R.  Ce n'est pas ainsi que je décrirais la situation. Le premier schisme

  3   qui s'est manifesté clairement est survenu au moment où il fallait accepter

  4   le plan Vance. Parce que Babic, décidément, ne souhaitait pas accepter le

  5   plan Vance, et ensuite il y a eu un développement de la situation

  6   politique, à savoir Hadzic est devenu le président de tout le pays et il a

  7   accepté le plan Vance par suite des efforts qui ont été investis par

  8   Belgrade.

  9   Q.  Nous allons voir maintenant si tout ceci peut devenir un peu plus clair

 10   en examinant quelques documents.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Pour commencer, la pièce P45. Elle concerne

 12   la question de l'accord qui a été soumis à l'assemblée de la RSK, je parle

 13   de l'accord lié à la Résolution 802.

 14   Q.  Alors, vous avez déjà vu ce document qui va être affiché dans quelques

 15   instants. C'est un document qui est envoyé par Wahlgren à Annan le 22

 16   avril. L'objet du document : la session parlementaire du parlement de la

 17   RSK qui s'est tenue à Okucani le 20 avril 1993.

 18   Alors, si nous passons à la page suivante, nous voyons toute la

 19   correspondance qui est citée sur la page de garde. Il s'agit d'une autre

 20   page de garde qui émane de Jusuf Khalaf, le chef des affaires civiles.

 21   Savez-vous de qui il s'agit ?

 22   R.  Il s'agit de la section de la FORPRONU chargée des affaires civiles à

 23   la tête de laquelle se trouvait M. Thornberry. Ils avaient leurs postes sur

 24   le terrain, et un poste de ce type se trouvait dans le secteur ouest. Cette

 25   personne était le chef de ce poste. Je ne sais pas si j'ai fait sa

 26   connaissance. Et un poste correspondant existait aussi dans le secteur est

 27   [comme interprété], nous avons vu un document qui le concerne hier.

 28   Q.  Il est indiqué que la personne ayant rédigé le document s'appelle Jusuf


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  1   Khalaf, et dans le message on peut lire :

  2   "Veuillez trouver ci-joint le procès-verbal de la session du parlement

  3   décrite plus haut. D'autres éléments d'information vous seront transmis en

  4   temps voulu."

  5   Passons maintenant à la page suivante.

  6   Cette page porte le titre : Notes portant sur la session du parlement de la

  7   RSK qui s'est tenue à Okucani le 20 avril 1993.

  8   Et si on laisse de côté les deux premiers mots, il semblerait que le type

  9   de caractères est différent par rapport à ce que nous avons pu voir sur la

 10   page précédente.

 11   Alors, compte tenu du fait que sur la page de garde il est indiqué que la

 12   personne ayant rédigé le document est Jusuf Khalaf, et compte tenu de tout

 13   ce que vous savez au sujet des protocoles en vigueur au sein de l'ONU,

 14   pouvez-vous nous dire si c'est bien M. Khalaf qui a rédigé la page que nous

 15   avons sous les yeux ?

 16   R.  Eh bien, ces postes de la FORPRONU qui se trouvaient sur le terrain ne

 17   comprenaient pas une seule personne parmi le personnel, donc ce document a

 18   très bien pu être rédigé par un collègue du monsieur. Par exemple, nous

 19   avons -- parfois, c'est Sancho Coutinho qui a signé les documents qui

 20   émanent de moi et que normalement j'aurais dû signer.

 21   Alors, c'est une explication possible pour le changement de caractères

 22   utilisés pour taper le document. Une autre possibilité, c'est qu'il y avait

 23   une personne, un interprète, qui maîtrisait le serbo-croate qui se trouvait

 24   sur place et qui a en fait tout noté.

 25   Q.  Et je souhaite vous poser la question suivante -- donc je tiens compte

 26   de ce que vous venez de dire au sujet de M. Khalaf. Mais si vous saviez si

 27   M. Khalaf parlait serbo-croate, est-ce que cela vous permettrait de tirer

 28   une conclusion plus sûre quant à ce qui s'est passé ?


Page 7805

  1   R.  Aucune idée. Normalement, le personnel étranger ne maîtrisait pas le

  2   serbo-croate. Moi, j'étais quelqu'un de plutôt exceptionnel à l'époque.

  3   Q.  Très bien.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Je n'ai plus besoin de ce document. Passons

  5   maintenant au document 01681, qui se trouve à l'intercalaire 24 de

  6   l'Accusation.

  7   En fait, toutes mes excuses, j'ai cité le mauvais numéro. Il nous faut le

  8   document 05639, s'il vous plaît. Intercalaire 43 dans le classeur de

  9   l'Accusation.

 10   Q.  Et une autre question relative au dernier document que nous avons vu.

 11   Il est indiqué que la session du parlement s'est tenue le 20 avril.

 12   R.  Hm-hm.

 13   Q.  Est-ce que cela concorde avec vos souvenirs de la date où l'accord a

 14   été rejeté ?

 15   R.  Eh bien, l'accord a été rejeté sur la base de la décision adoptée par

 16   l'assemblée.

 17   Q.  Et vous souvenez-vous d'avoir indiqué dans votre ouvrage - et aux fins

 18   du compte rendu d'audience, je cite que cela figure à la page 143 de votre

 19   ouvrage - donc, vous souvenez-vous d'y avoir indiqué que l'assemblée de la

 20   RSK a enterré cet accord le 24 avril ?

 21   R.  J'ai pu me tromper.

 22   Q.  Je ne dis pas que vous vous êtes trompé. Je vous signale tout

 23   simplement qu'il y a un désaccord entre ce que vous dites dans votre

 24   ouvrage et entre ce qui est indiqué dans le document que nous avons sous

 25   les yeux.

 26   R.  Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, je pense que cela n'a aucune

 27   incidence sur le développement de la situation. Donc, au cours des

 28   négociations, nous avons élaboré un projet d'accord, ou plutôt, nous avons


Page 7806

  1   élaboré 22 projets de texte différents, et le texte qui finalement a été

  2   accepté par les négociateurs a été enterré par l'assemblée quelque deux

  3   semaines plus tard.

  4   Q.  Au paragraphe 2 de ce document que vous avez rédigé, semble-t-il, cela

  5   figure, n'est-ce pas ?

  6   R.  Je l'ai probablement rédigé moi-même, en effet. Mais il se peut aussi

  7   qu'il ait été rédigé par Coutinho.

  8   Q.  La date du document est le 30 avril 1993. Vous y décrivez une réunion

  9   qui s'est tenue avec M. Hadzic et M. Misa Milosevic le même jour, donc le

 10   30 avril 1993.

 11   Et cinq lignes à compter du bas de la page, vous indiquez :

 12   "M. Hadzic a répondu qu'il souhaitait l'accord du 6 avril. Quand il a

 13   demandé de nouveau qu'on revoie le statut de la police serbe dans la zone

 14   définie en vertu de la Résolution 802, j'ai indiqué catégoriquement que je

 15   n'avais pas l'intention de transmettre une telle proposition à la partie

 16   croate. Il pouvait accepter l'accord seulement s'il pouvait fournir au co-

 17   président de la Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie les

 18   assurances prévues par l'annexe…"

 19   Page suivante, s'il vous plaît.

 20   "… par l'annexe de l'accord. Après quelques débats, Hadzic a pris ses

 21   distances par rapport aux points de vue défendus par son assemblée en

 22   disant qu'il ne demandera pas que des amendements soient apportés au texte

 23   de l'accord et qu'il déclarera publiquement que ses forces de police ne

 24   pénétreront pas dans la zone prévue par 802.

 25   "Si la réunion d'Athènes se montrait comme un succès au niveau de la

 26   Bosnie. Sinon, les choses deviendraient très difficiles pour lui. Après

 27   cela, nous nous sommes mis d'accord pour poursuivre nos débats. Hadzic a

 28   ajouté que si la réunion d'Athènes s'est terminée de façon positive, il


Page 7807

  1   serait reconnaissant si la FORPRONU ou la Conférence internationale pour

  2   l'ex-Yougoslavie lui donnait des assurances relatives à la sécurité des

  3   Serbes, qu'il les protégerait contre de nouvelles attaques croates, et

  4   aussi des assurances au niveau des structures de la FORPRONU qui devaient

  5   être présentes dans la zone prévue par 802. Il avait besoin de quelque

  6   chose qui lui permettrait de justifier son acceptation de l'accord devant

  7   son assemblée, alors que l'accord avait été rejeté par l'assemblée elle-

  8   même."

  9   Alors, ce qui m'intéresse en ce moment, ce ne sont pas nécessairement tous

 10   les détails qu'il vous a présentés en expliquant son point de vue. Mais

 11   vous souvenez-vous si, au cours de cette réunion, M. Hadzic a dit quelque

 12   chose au niveau des pressions qui auraient été exercées par des éléments au

 13   sein de l'assemblée et qui ne lui permettaient pas de conclure l'accord ?

 14   R.  C'est l'impression que j'ai eue.

 15   Q.  Et savez-vous quels étaient ces éléments qui exerçaient des pressions ?

 16   R.  Eh bien, bien sûr, nous connaissions Mile Paspalj. Nous savions qu'il

 17   avait été le porte-parole du parlement et nous savions qu'il défendait une

 18   ligne politique très dure. Par ailleurs, il y avait d'autres durs, pour

 19   ainsi dire, au sein de ce parlement. Je me souviens, par exemple, que

 20   Dzakula avait signé l'accord de Daruvar et puis quelqu'un au sein de

 21   l'assemblée l'a traité de traître. Donc il y avait au sein de l'assemblée

 22   des personnes de cette trempe, et je pense qu'elles étaient plutôt

 23   nombreuses.

 24   Q.  Et M. Hadzic vous a-t-il dit qu'on l'accusait d'être un traître à cause

 25   de ces négociations auxquelles il a participé ?

 26   R.  Non. Mais il est intéressant que dans le rapport relatif à cette séance

 27   de l'assemblée, M. Hadzic a dit plus ou moins que l'accord était de bonne

 28   qualité. Donc, ça, il le dit dans sa première phrase, lorsqu'il soumet le


Page 7808

  1   rapport à l'assemblée. Et puis, dans sa deuxième phrase, il dit qu'en fait,

  2   cet accord n'est pas bon, qu'il n'est pas acceptable.

  3   Q.  Et, à votre avis, qu'est-ce que cela indique ?

  4   R.  Cela indique qu'il aurait bien aimé que l'accord soit accepté et qu'il

  5   soit signé, mais qu'il était préoccupé par la sécurité des Serbes dans les

  6   zones où la police serbe n'avait plus le droit d'aller, notamment à Grcki

  7   Islam. Sa préoccupation est compréhensible.

  8   Q.  Veuillez examiner le second paragraphe, le point numéro 3 : 

  9   "Hadzic a alors répété que les Serbes de Krajina souhaitaient mener

 10   une existence séparée de la diaspora serbe en Croatie."

 11   Est-ce que cela reflète une certaine retenue manifestée par M. Hadzic

 12   lorsqu'il insiste que le territoire de la RSK ne sera pas réintégré en

 13   Croatie ?

 14   R.  Oui. Quand j'ai parlé, par exemple, à M. Hadzic de cette loi

 15   constitutionnelle et des négociations que nous avons menées à ce sujet, il

 16   me répondait toujours que les Serbes qui décident de vivre sous les

 17   Croates, il disait : Je leur présente mes meilleurs vœux, mais ils ne nous

 18   concernent pas. Nous n'avons rien à voir avec eux.

 19   Q.  Et comme vous parlez serbo-croate, et en parlant anglais ici vous

 20   avez parlé d'une existence séparée, est-ce que c'est exactement le terme

 21   qu'il a utilisé ?

 22   R.  J'ai utilisé ces termes sans raison particulière. Il a peut-être parlé

 23   d'un Etat indépendant ou d'une existence en dehors du territoire de la

 24   Croatie. Il a peut-être utilisé d'autres termes.

 25   Q.  Mais est-il possible que vous ayez repris mot à mot les termes utilisés

 26   par M. Hadzic ?

 27   R.  Je ne le crois pas.

 28   Q.  Pourquoi pas ?


Page 7809

  1   R.  Normalement, je ne cite pas mot à mot les termes de cette existence

  2   séparée". "L'existence à part" est tout simplement une des expressions que

  3   nous utilisions à l'époque.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

  5   de ce document, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D97. Merci.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  9   M. GOSNELL : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant le

 10   document 01681, s'il vous plaît. Intercalaire 24 dans le classeur de

 11   l'Accusation.

 12   Q.  Le dernier document que nous avions vu portait la date du 30 avril, et

 13   ce document porte la date du 14 juin 1993. C'est un document qui émane de

 14   M. Stoltenberg. Il est adressé à Annan et signé par M. Thornberry.

 15   Paragraphe 2 -- objet : Réunions relatives à la Krajina de Croatie à Genève

 16   le 16 juin. Je cite :

 17   "Après que les militaires serbes ne se soient pas présentés à Topusko le 20

 18   mai pour signer un cessez-le-feu provisoire, nous avons reçu des messages

 19   indiquant qu'ils souhaitaient s'adresser à des analogues militaires à ce

 20   sujet, qu'ils ne souhaitaient pas mener des débats avec des civils ou avec

 21   des hommes politiques. Suite à des réunions avec FC et le commandant de la

 22   force, il a été confirmé que c'était une fausse perspective et qu'en

 23   réalité, le général Novakovic souhaitait s'emparer du contrôle quant à la

 24   mise en œuvre de la Résolution 802. Il voulait la prendre des mains des

 25   hommes politiques et des représentants désignés de la RSK à Genève pour

 26   prendre leur place, lui-même et les personnes qu'il favorisait."

 27   Vous souvenez-vous de cet incident qui est décrit ?

 28   R.  Oui, je crois avoir vu ce document à l'époque où il a été rédigé. Mile


Page 7810

  1   Novakovic est la personne qui a, en fait, mené à leur terme les

  2   négociations relatives à 802. Je pense que c'est lui qui a écrit la lettre

  3   disant que la lettre adressée par Stoltenberg à Owen au sujet des Serbes

  4   n'était qu'une blague. Cela montre qu'un certain schisme existait dans les

  5   rangs des Serbes. Les militaires n'étaient pas satisfaits du fait que ce

  6   soit les civils, et notamment M. Hadzic, et ils n'étaient pas satisfaits de

  7   ce que le gouvernement et M. Hadzic voulaient faire.

  8   Q.  Vous ai-je bien compris, le général Novakovic a essayé d'entamer des

  9   négociations directes avec la partie croate sous l'égide des médiateurs

 10   internationaux ? C'est ce qu'il souhaitait, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui. Mais sous l'égide des médiateurs internationaux, il -- oui, il

 12   voulait d'une certaine façon jouer un rôle au sein de la Conférence

 13   internationale pour l'ex-Yougoslavie. Mais en tant que général et en tant

 14   que chef militaire, normalement, ses contacts se situaient uniquement au

 15   niveau de la FORPRONU. Mais plus tard, par exemple, en Norvège, M.

 16   Novakovic a accompagné M. Hadzic au sein de la délégation serbe où M.

 17   Hadzic était le chef.

 18   Q.  Ai-je bien compris votre dernière réponse, Novakovic est entré en

 19   contact direct avec les représentants de la Conférence internationale pour

 20   l'ex-Yougoslavie sans se servir de Hadzic en tant qu'intermédiaire ?

 21   R.  Je ne sais pas si c'est une question qu'il a débattue avec Hadzic, mais

 22   le document montre que Novakovic souhaitait aller personnellement à Genève.

 23   Q.  Et, par conséquent, en fait, il souhaitait s'emparer du contrôle, il

 24   voulait prendre le contrôle entre ses mains et l'enlever des mains des

 25   hommes politiques, je parle de tout ce qui concernait la Résolution 802 ?

 26   R.  Eh bien, c'est bien ce qui est indiqué dans ce document. En tout cas,

 27   tous les deux sont allés en Norvège.

 28   Q.  Et vous n'avez pas vu personnellement ces --


Page 7811

  1   R.  Non.

  2   Q.  -- ces tentatives de s'emparer du contrôle ?

  3   R.  Mais il faut dire aussi qu'à la fin de cette même année, M. Hadzic a

  4   doucement commencé à perdre de -- enfin, je veux dire, des élections ont

  5   été organisées en RSK et il a été remplacé par Martic.

  6   Q.  Est-il possible de Thornberry et Stoltenberg aient su des choses au

  7   sujet du général Novakovic dans le cadre de ces négociations qui ont été

  8   menées, des choses que vous ne saviez pas ?

  9   R.  Je ne le crois pas. Nous étions en contact de façon permanente, et

 10   c'est Stoltenberg qui a présidé notre conférence.

 11   Q.  Et étiez-vous en contact avec Thornberry pour discuter de ces choses-là

 12   ?

 13   R.  Oui, très souvent.

 14   Q.  Dans la suite du texte, nous pouvons lire, je cite :

 15   "Ainsi, au cours des négociations relatives au cessez-le-feu provisoire,

 16   Novakovic et ses collègues, en fait, essayaient de trouver une nouvelle

 17   façon de mettre en œuvre la Résolution 802, une nouvelle méthode qui leur

 18   conviendrait davantage, qui serait plus compatible avec leurs intérêts."

 19   Savez-vous à qui on pense ici quand on parle de "Novakovic et ses

 20   collègues" qui ont des intérêts personnels ou des intérêts différents ou

 21   des intérêts de quelque type que ce soit ?

 22   R.  Eh bien, on pense à d'autres militaires serbes. Et, par ailleurs, quand

 23   on parle de ses collègues, on pense en partie aussi à la Serbie elle-même.

 24   Q.  Et est-ce qu'on fait référence à Martic ici, à votre avis ?

 25   R.  Normalement, on pourrait dire que Martic était un collègue de

 26   Novakovic. Mais comme Martic était un policier plutôt qu'un militaire, il

 27   n'était pas un collègue dans le sens strict de ce mot. Mais on peut bien

 28   penser à lui aussi. D'autant plus que par la suite il est devenu président.


Page 7812

  1   Q.  Dans la suite du texte, nous pouvons lire :

  2   "Toutes les personnes qui sont liées avec l'accord du 6 avril sont tenues

  3   pour personnes suspectes par l'armée de la RSK, y compris le président

  4   Hadzic, et chaque fois qu'on mentionne Misa Milosevic auprès des

  5   militaires, cela provoque des observations de caractère malveillant et

  6   méprisant."

  7   Vous souvenez-vous si M. Hadzic a évoqué le fait que l'armée combattait ses

  8   positions ou s'opposait ou bloquait ses tentatives de négocier conformément

  9   à ce qui était prévu par la Résolution 802 ?

 10   R.  Non, il ne l'a jamais évoqué devant nous.

 11   Q.  Et vous a-t-il dit qu'il était considéré comme une personne suspecte

 12   par l'armée de la RSK à cause de sa participation aux négociations ?

 13   R.  Non. Les Serbes de la RSK ne parlaient jamais de leurs schismes ou de

 14   leurs différends internes avec nous, avec les médiateurs étrangers. On

 15   pouvait entendre Babic en dire quelque chose après qu'il ait été démis de

 16   ses fonctions, mais il ne disait pas grand-chose lui non plus.

 17   Q.  Au cours des discussions qui ont été menées avec vous à Plitvice, vous

 18   a-t-il dit à quelles conséquences il devrait peut-être faire face, non pas

 19   à cause de l'accord 802, mais si tout simplement il présentait son point de

 20   vue ouvertement, en disant ouvertement et publiquement qu'une solution pour

 21   la RSK à l'intérieur de la Croatie pouvait, d'après lui, être trouvée ?

 22   R.  Il était superflu de le dire puisque, de toute manière, je le

 23   comprenais très clairement. Et cela montrait un certain niveau de confiance

 24   de la part de M. Hadzic, parce que s'il l'avait dit publiquement, cela

 25   l'aurait mis en danger.

 26   Q.  Qu'est-ce que vous voulez dire par là, "cela l'aurait mis en danger" ?

 27   R.  Eh bien, il se serait fait arrêter en tant que traître.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite demander


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  1   le versement au dossier de ce document, 01681.

  2   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, on me dit que sous

  4   cette cote nous avons plusieurs télégrammes. Avez-vous l'intention de

  5   demander le versement au dossier de tous ces télégrammes ?

  6   M. GOSNELL : [interprétation] En principe, je préfère ne pas le demander.

  7   Il serait bon de ne verser au dossier que ces quelques premières pages, ces

  8   trois premières pages…

  9   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, si je vous ai bien compris,

 11   vous allez travailler sur la question et puis vous allez nous présenter une

 12   solution finale ?

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] Nous avons toujours le même document affiché

 16   à l'écran. Est-il possible de passer à la page suivante -- ou, non. Plutôt,

 17   ce qui nous intéresse, c'est le bas de cette page-ci :

 18   "Après une longue réunion avec le Conseil de la Défense suprême qui a eu

 19   lieu ce matin et lors de laquelle Bjegovic, Novakovic et Martic ont figuré

 20   parmi les personnes présentes, ils sont tombés d'accord avec ce qui a été

 21   décidé lors des réunions de Genève, et maintenant nous avons la composition

 22   des délégations provisoires…," et cetera.

 23   Q.  Permettez-moi de m'interrompre ici. M. Hadzic n'est pas présent,

 24   semble-t-il, à cette réunion du Conseil suprême de la Défense ?

 25   R.  Manifestement, il ne l'était pas. Enfin, je ne sais pas. On évoque

 26   Bjegovic, Novakovic, Martic. Mais je ne suis pas au courant de cela.

 27   Q.  Et savez-vous pourquoi Thornberry ou Stoltenberg évoquent ces trois

 28   noms sans évoquer le nom de Hadzic s'il était parmi les personnes présentes


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  1   ?

  2   R.  Eh bien, parce que c'était les personnes avec lesquelles ils ont mené

  3   des discussions à ce moment précis.

  4   Q.  Et qu'est-ce que vous savez au sujet du Conseil suprême de la Défense ?

  5   R.  Je n'en sais pas grand-chose. Je pense qu'il concernait la totalité du

  6   territoire de la RSK.

  7   Q.  Et savez-vous si les décisions prises par le Conseil de la Défense

  8   suprême pouvaient être prises uniquement par les trois personnes citées ici

  9   comme figurant parmi les personnes présentes ?

 10   R.  Si c'est Milosevic qui le dit, oui. Je ne parle pas de Misa Milosevic

 11   cette fois-ci, je parle de Slobodan Milosevic.

 12   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le

 13   document 1686, s'il vous plaît.

 14   Q.  Ce document est envoyé par S. Coutinho à Wahlgren. La date est le 18

 15   juin 1993. Encore une fois, M. Coutinho, c'était votre assistant personnel,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Passons à la page suivante, s'il vous plaît. Votre nom est évoqué dans

 19   le document, mais il n'est pas indiqué explicitement que c'est vous qui

 20   avez rédigé le document. Est-ce un document que vous avez rédigé ?

 21   R.  Probablement.

 22   Q.  Le point numéro 1 a déjà été évoqué au cours de l'interrogatoire

 23   principal, il s'agit du cadre temporel au cours duquel les négociations ont

 24   été menées.

 25   Au paragraphe 1, vous dites :

 26   "Hadzic avait probablement raison de dire que les négociations entre le

 27   gouvernement croate et son régime devaient commencer par des mesures visant

 28   à renforcer la confiance. Il a parlé d'un cessez-le-feu comme d'un premier


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  1   pas, comme d'une première étape sur le plan d'une coopération pratique."

  2   Vous souvenez-vous si c'était votre point de vue au mois de juin 1993

  3   qu'en effet, il était nécessaire de prendre des mesures visant à renforcer

  4   la confiance ?

  5   R.  Oui. Pour commencer, les Serbes nous disaient tout le temps qu'ils ne

  6   faisaient absolument pas confiance aux Croates; et deuxièmement, tant que

  7   les combats pouvaient être engagés, il n'était pas facile d'envisager une

  8   coopération sur le plan pratique. Donc nous avions ce modèle à trois tiers,

  9   mais pour le mettre en œuvre, il fallait d'abord assurer un cessez-le-feu.

 10   Ensuite, il fallait passer un accord sur des mesures pratiques à prendre,

 11   par exemple, pour réactiver les lignes de distribution de l'électricité et

 12   pour rouvrir les routes. Et puis, en troisième lieu seulement, il fallait

 13   trouver une solution politique. Et c'est l'approche qui avait été adoptée

 14   et qu'on avait essayé de faire fonctionner pendant des années. Finalement,

 15   elle s'est avérée être un échec, et par la suite nous avons plutôt adopté

 16   une approche globale, en essayant de faire les trois choses à la fois, en

 17   brûlant les étapes.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

 19   de ce document, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D98. Merci.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le

 24   document 01797, s'il vous plaît. Intercalaire 28 dans le classeur de

 25   l'Accusation.

 26   Q.  Le document émane de Vollebaek et Ahrens. Il est adressé à Stoltenberg

 27   et Owen à Genève. Le 23 septembre 1993. Objet : rencontres avec M. Hadzic

 28   et M. Jarcevic à Erdut et avec le ministre des Affaires étrangères


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  1   Jovanovic à Belgrade le 23 septembre 1993.

  2   Avez-vous rédigé ce document; vous en souvenez-vous ?

  3   R.  Eh bien, Vollebaek était très actif dans les négociations sur l'accord

  4   Erdut 1, donc cela aurait pu être plutôt lui. Mais je n'en suis pas sûr.

  5   Q.  Au paragraphe 1, en effet, il est indiqué : "Je me suis déplacé

  6   ensemble avec l'ambassadeur Ahrens à Erdut." Ai-je raison de l'affirmer ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourquoi le ministre des Affaires étrangères Jovanovic est-il présent,

  9   et de quoi était-il ministre des Affaires étrangères ?

 10   R.  Il était le ministre des Affaires étrangères de la troisième

 11   Yougoslavie qui avait été mise en place au printemps 1992 entre la Serbie

 12   et le Monténégro. Et puisque la situation était très dangereuse, Milosevic

 13   souhaitait qu'on fasse quelque chose au niveau du pont, et les Serbes nous

 14   ont fait savoir que le pont se trouvait à la portée de leur artillerie. Ce

 15   qui aurait pu entraîner des conséquences très graves. Et puisque nous le

 16   savions, et comme nous savions aussi que Belgrade exerçait - pour

 17   m'exprimer en termes très euphémistes [phon] - que Belgrade exerçait une

 18   certaine influence sur Knin, nous nous sommes adressés au ministre des

 19   Affaires étrangères yougoslave.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Passons à la page suivante, s'il vous plaît.

 21   Q.  Je vais lire le paragraphe dans sa totalité parce qu'il est important

 22   que nous sachions le contexte. Je cite :

 23   "M. Hadzic a indiqué qu'il acceptait totalement l'idée présentée et qu'il

 24   serait très heureux de participer aux négociations parce qu'il était clair

 25   que la seule autre alternative était la guerre. En fait, il a insisté pour

 26   que le processus soit entamé dès que possible parce qu'il avait peur de

 27   nouvelles attaques croates dans un avenir très proche."

 28   Alors, je vais m'arrêter ici. Est-ce que les Croates ont lancé une attaque


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  1   avant le 23 septembre 1993 ?

  2   R.  Je ne me rappelle pas quand a eu lieu l'attaque de la poche de Medak.

  3   Du point de vue des violations des droits de l'homme et des crimes de

  4   guerre, c'était le pire de tout. Mais c'était certainement en 1993.

  5   Q.  Pourquoi dites-vous "le pire de tout" ?

  6   R.  Parce qu'il y a eu des civils tués et des violations délibérées des

  7   droits de l'homme, non pas uniquement des violations des droits de l'homme

  8   découlant de tirs accidentels.

  9   Q.  Est-ce que vous nous dites que les forces qui ont participé à cette

 10   attaque ont commis ces actes de façon délibérée ?

 11   R.  C'est ainsi que cela semblait s'être produit, oui.

 12   Q.  D'après vous, est-ce que cela a été fait en application d'ordres reçus

 13   de quelqu'un ?

 14   R.  Je ne crois pas, parce que Tudjman considérait que c'était là la

 15   position de son Etat. Et il y avait, bien entendu, par ailleurs, une ligne

 16   officielle consistant à ne pas encourager les Serbes à rester en Croatie.

 17   Q.  "Concernant la question du retour des personnes déplacées, Ahrens a

 18   mentionné ceci à New York, qu'il avait été obtenu un accord au sujet du

 19   retour de tous, y compris le retour des Serbes dans les territoires

 20   contrôlés par les Croates. Paspalj avait dit qu'aucun Serbe ne souhaitait

 21   revenir, aucun Serbe. Hadzic disait que le principe était juste, mais il a

 22   continué en affirmant de façon assez catégorique que les Serbes et les

 23   Croates ne pourraient plus jamais vivre ensemble. Il pourrait être possible

 24   pour les Croates de revenir en Krajina, mais il était inconcevable pour les

 25   Serbes qu'ils puissent souhaiter revenir en Croatie."

 26   Alors, ce que M. Hadzic déclare ici au sujet de "l'impossibilité de jamais

 27   vivre de nouveau ensemble", est-ce qu'il s'agit ici d'une référence au

 28   désir de ne pas voir la RSK, ou quelque territoire que ce soit contrôlé par


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  1   les Serbes, réintégrer la Croatie ?

  2   R.  Je crois que c'était là l'un des principes de l'aile nationaliste de la

  3   vie politique chez les Serbes. A l'époque, ils représentaient une très

  4   grande majorité. Et je me souviens que je me suis rendu à Belgrade juste

  5   après l'opération Tempête, qui a eu lieu au mois d'août 1995, et j'ai parlé

  6   à un grand nombre de réfugiés serbes en territoire serbe, à Obrenovac, et

  7   je leur ai demandé s'ils étaient prêts à rentrer en Croatie. Et ils m'ont

  8   répondu : Nous ne rentrerons jamais si les secteurs où nous vivions sont

  9   sous contrôle croate parce que les Croates sont une nation génocidaire.

 10   C'était le sentiment général qui résultait d'une propagande

 11   généralisée en l'absence de toute autre source d'information.

 12   Q.  Donc M. Hadzic décrit de façon exacte les sentiments qui dominaient

 13   parmi ces Serbes qui étaient partis ou qui avaient été contraints au départ

 14   de ces secteurs --

 15   R.  Je ne sais pas s'il décrit ici ceci. Il affirme, en réalité, cette

 16   politique.

 17   Q.  Eh bien, ce qui est dit ici, c'est que :

 18   "Il pourrait être possible pour les Croates de revenir en Krajina, mais il

 19   est inconcevable que les Serbes souhaitent revenir en Croatie."

 20   La distinction qu'il établit ici n'est-elle pas la suivante : les Croates,

 21   de leur côté, peuvent revenir en Serbie ou en RSK, alors que du côté des

 22   Serbes, il était inconcevable que ceux-ci puissent désirer revenir dans les

 23   secteurs contrôlés par les Croates ?

 24   R.  Eh bien, pour commencer, au terme du plan Vance, il y avait une

 25   obligation de permettre le retour des réfugiés croates dans les secteurs de

 26   la RSK, et cette obligation n'avait pas du tout été remplie. Lorsque j'ai

 27   repris en charge ceci avec mes interlocuteurs serbes, on m'a toujours dit

 28   que ceci était beaucoup trop dangereux pour la RSK parce que les Croates


Page 7820

  1   enverraient des soldats déguisés.

  2   Deuxièmement, même en Croatie, personne n'était disposé à revenir en RSK

  3   tant que celle-ci était sous le contrôle du gouvernement qui était le sien.

  4   Q.  Mais il y avait un grand nombre de personnes appartenant au groupe

  5   ethnique serbe qui elles-mêmes avaient été déplacées de certaines parties

  6   de la Croatie et qui étaient hostiles à l'égard des non-Serbes, notamment

  7   envers les Croates. N'était-ce pas une des raisons ?

  8   R.  Un certain nombre de choses se sont passées dans le secteur de Zadar,

  9   et également dans un certain nombre d'îles où il y avait une population

 10   serbe. J'en ai parlé hier. Des Serbes y vivaient toujours, mais pendant la

 11   nuit, ils étaient menacés dans les villages où ils vivaient. Par exemple,

 12   dans le Gorski Kotar. Donc c'était cela la perspective des Serbes dans la

 13   Croatie de Tudjman.

 14   Q.  Et en raison d'expériences de cette nature, ces personnes,

 15   malheureusement, ne souhaitaient pas revenir en Croatie, n'est-ce 

 16   pas ?

 17   R.  Eh bien, je ne sais pas. Parce que le nombre de réfugiés a

 18   considérablement augmenté après l'opération Tempête. Nous parlons d'un

 19   ordre de grandeur de 200 000. Et, en fait, la partie serbe avait préparé

 20   une évacuation de la population dans l'éventualité d'une attaque croate.

 21   C'est quelque chose que vous pouvez retrouver dans le rapport de l'ancien

 22   premier ministre polonais Mazowiecki, qui était chargé de la commission des

 23   Nations Unies chargée des droits de l'homme en ce qui concernait la

 24   situation dans l'ex-Yougoslavie. Il a dit qu'après l'opération Eclair, au

 25   cours de laquelle les Croates se sont emparés du secteur ouest, certaines

 26   personnes avaient été contraintes au départ.

 27   Q.  Je présume que ma question n'était pas tout à fait claire. Elle

 28   consistait à vous demander si ceux-là parmi les Serbes qui avaient été


Page 7821

  1   visés par des actes d'intimidation, tels que vous les avez décrits

  2   précédemment, n'avaient pas tendance à être réticents et tout sauf disposés

  3   à revenir en territoire contrôlé par les Croates en 1992 et 1993, après

  4   leur départ ?

  5   R.  C'est certainement exact.

  6   Q.  Donc, en ce sens, la description de M. Hadzic est exacte, n'est-ce pas

  7   ?

  8   R.  Mais je ne crois pas qu'on puisse considérer ceci comme une simple

  9   description. Je crois qu'il était également convaincu que les Serbes et les

 10   Croates ne pouvaient plus vivre ensemble. Et c'est quelque chose que je ne

 11   pouvais pas tout simplement admettre tel quel.

 12   Je me rappelle qu'à Osijek et Vukovar, notamment à Vukovar, il y avait une

 13   population qui était pratiquement à 50 % croate, 50 % serbe. Il y avait un

 14   nombre de mariages mixtes entre les Serbes et les Croates qui atteignaient

 15   un tel niveau que cela relativisait les statistiques et vous montrait que

 16   l'appartenance nationale ne jouait pas véritablement de rôle. J'ai parlé à

 17   des statisticiens sur cette question. C'est quelque chose qu'on m'a

 18   expliqué, non pas quelque chose dont j'aie été moi-même témoin. Et j'ai,

 19   par ailleurs, été témoin de la rupture de certains mariages dans le cours

 20   de la guerre, dans ce que j'ai appelé cette folie ethnique.

 21   Q.  En page 7 773 [comme interprété], à partir de la ligne 20, je vous ai

 22   demandé -- ou plutôt, c'était hier. On vous a demandé si M. Hadzic a jamais

 23   exprimé la position que quel que soit le territoire considéré, les Serbes

 24   et les Croates ne pourraient purement et simplement plus jamais vivre

 25   ensemble.

 26   Votre réponse a consisté à dire :

 27   "Je ne me rappelle pas que M. Hadzic m'ait dit cela. D'autres l'ont fait."

 28   R.  Exact.


Page 7822

  1   Q.  C'est exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Donc ce n'est pas exact que vous vous rappeliez que M. Hadzic vous ait

  4   dit que les Serbes et les Croates ne pouvaient plus jamais vivre ensemble ?

  5   R.  Non, non, non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'à mon avis, c'était

  6   également sa conviction. Parce que tous ceux dans son entourage et à

  7   Belgrade également, y compris les évêques, tenaient ce genre de propos.

  8   Q.  Pendant vos réunions, et pendant vos réunions avec M. Hadzic que vous

  9   avez déjà déposé -- alors, je vais d'abord vous poser une autre question.

 10   Combien de fois l'avez-vous rencontré à titre privé ?

 11   R.  Nous ne nous sommes jamais rencontrés à titre privé, au sens où nous

 12   aurions organisé une réunion seul à seul. Mais dans le cadre de ces

 13   réunions que j'avais, j'ai fréquemment profité de la possibilité de parler

 14   seul à seul à certains interlocuteurs, et je l'ai notamment fait avec M.

 15   Hadzic parce que nous avions développé une relation de travail qui

 16   facilitait nos discussions.

 17   Q.  Et vous avez constaté qu'il faisait preuve de franchise à votre égard

 18   en ces occasions, n'est-ce pas ?

 19   R.  A certaines occasions, cela ne fait pas de doute, oui.

 20   Q.  Hier, vous avez indiqué en page 7 722 du compte rendu d'audience qu'à

 21   votre avis, il était "remarquable qu'il n'ait pas soulevé d'objection au

 22   fait que je sois Allemand," et ceci concernait votre responsabilité de

 23   médiateur.

 24   R.  Je ne sais pas jusqu'à quel point ceci -- je ne sais pas si ceci est

 25   "remarquable", si c'est le terme juste. En tout cas, il ne l'a pas fait. Il

 26   a sans doute considéré que je n'étais pas particulièrement "serbophobe".

 27   J'avais des rapports très proches avec certaines personnes à Belgrade et

 28   j'avais l'habitude aussi de me rendre au club des écrivains de Belgrade,


Page 7823

  1   j'y rencontrais des écrivains, y compris celui qui est devenu le président

  2   de la troisième Yougoslavie. Je connaissais à peu près tout le monde. J'ai

  3   également eu des entretiens avec Karadzic et Mladic, ainsi que Koljevic.

  4   Q.  Pendant ces discussions seul à seul que vous avez eues avec lui, à

  5   quelque moment que ce soit M. Hadzic vous a-t-il dit que les non-Serbes

  6   devaient être séparés des Serbes au sein des zones de protection ?

  7   R.  Il n'a pas dit cela. Je veux dire, il était assez clair que nous étions

  8   contre le nettoyage ethnique, et lorsque je soulevais des questions de

  9   défense des droits de l'homme, il donnait généralement son accord aux

 10   normes qui étaient adoptées dans leurs textes législatifs et leur

 11   constitution. Mais cela n'était pas mis en œuvre.

 12   Q.  A-t-il jamais exprimé la position que les non-Serbes devaient être

 13   harcelés ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  A-t-il jamais suggéré que les non-Serbes devaient être expulsés, qu'on

 16   devait les contraindre au départ des zones de protection ?

 17   R.  Non, mais cela s'est produit pendant qu'il était président.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, j'en encore une série

 19   de questions, mais je souhaiterais commencer avec cette nouvelle série de

 20   questions après la pause si c'est possible.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien entendu.

 22   Excellence, ceci est la seconde des pauses que nous avons prévues ce matin.

 23   Comme d'habitude, elle durera 30 minutes, ce qui signifie que nous

 24   reprendrons nos débats à 12 heures 45. Et M. l'Huissier va maintenant vous

 25   accompagner. Je vous remercie.

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

 28   --- L'audience est suspendue à 12 heures 13.


Page 7824

  1   --- L'audience est reprise à 12 heures 48.

  2   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, pendant que nous

  3   attendons, je voudrais peut-être revenir sur les trois pages de la pièce

  4   1681 de la liste 65 ter qui, à présent, ont été téléchargées dans le

  5   système sous la référence 1D00732.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci est versé au dossier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote D99.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître.

 11   M. GOSNELL : [interprétation]

 12   Q.  Excellence, hier, au sujet des négociations qui se sont déroulées en

 13   Norvège, vous avez indiqué que d'après vous, M. Hadzic était à l'origine

 14   d'une fuite quant à l'existence de ces négociations, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. Ceci a été dit à la conférence, et c'était la conviction de la

 16   plupart des gens. Je crois que c'est un fait, je crois qu'il y a des

 17   documents à cet effet, mais je ne sais pas lesquels.

 18   Q.  Quand vous dites que vous ne savez pas, qu'est-ce que vous ne savez pas

 19   exactement ?

 20   R.  Je ne sais pas quels médias il a informés à un moment donné et ce qu'il

 21   leur a dit.

 22   Q.  Et vos informations quant à cette fuite proviennent-elles exclusivement

 23   de Sarinic pendant cette session à huis clos ?

 24   R.  Non. Je crois que Vollebaek, qui était principalement en charge de ce

 25   qui s'est déroulé en Norvège, l'a également vérifié, mais je ne peux pas

 26   vous l'affirmer catégoriquement. J'ai même eu l'impression que la partie

 27   serbe n'a pas contesté ceci, qu'elle a convenu que M. Hadzic était à

 28   l'origine de cette fuite. Mais je vous affirme ceci avec beaucoup de


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  1   réserve, parce que c'était il y a 20 ans et je ne m'en souviens plus très

  2   bien.

  3   L'INTERPRÈTE : Il est demandé au témoin de se rapprocher du micro.

  4   M. GOSNELL : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce qu'une question ou un problème qui se soit posé de façon

  6   permanente pendant les négociations n'a pas été le fait que les Croates

  7   dépêchaient leur représentant du niveau le plus bas possible au sein du

  8   gouvernement, alors que la partie serbe était souvent représentée par son

  9   président en personne ?

 10   R.  Eh bien, c'était l'un des aspects qui jouaient un rôle de façon

 11   constante. J'ai dit hier qu'à Borovo Selo, le problème principal était de

 12   savoir en quelle qualité ou comment M. Hadzic était censé signer. La

 13   communauté internationale ne reconnaissait pas sa qualité de président d'un

 14   Etat existant parce que celui-ci n'avait pas été reconnu. Et M. Sarinic

 15   était un représentant plutôt haut placé au sein de la hiérarchie croate,

 16   donc je crois qu'on pouvait être un peu plus impressionné d'avoir affaire à

 17   lui, alors que nous, nous l'appréciions par rapport à d'autres qui

 18   n'étaient pas toujours aussi professionnels que lui dans les négociations.

 19   Mais il est exact que, si vous tenez compte de la position de M. Hadzic en

 20   qualité de président, M. Sarinic n'était pas à son niveau, n'était pas son

 21   homologue, mais Tudjman ne se serait jamais assis en face de M. Hadzic. Et,

 22   dans ce cas-là, vous n'auriez pas eu de pourparlers du tout.

 23   Q.  Vous rappelez-vous quelle était la position de Sarinic ?

 24   R.  Il était une sorte de conseiller du président ou il était à la tête de

 25   l'administration du cabinet de la présidence. Je ne me rappelle pas

 26   exactement. Il avait un poste au sein des autorités. Il avait plus de

 27   pouvoir qu'un ministre, en tout cas.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Pouvons-nous passer à la pièce P2889. Onglet


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  1   numéro 56 de l'Accusation.

  2   Q.  C'est le document que vous avez déjà examiné pendant l'interrogatoire

  3   principal au sujet de cette réunion, Excellence.

  4   Passons à la page suivante. Et au point numéro 4, Sarinic dit que si ses

  5   informations sont justes, le chef de la délégation serbe était en train de

  6   donner une interview à la télévision, donc il avait donné à ceci la

  7   priorité par rapport à la session plénière.

  8   R.  Où cela se trouve-t-il ?

  9   Q.  C'est l'avant-dernière phrase.

 10   R.  Du point numéro 4 ?

 11   Q.  Oui.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  Donc, c'est là la fuite en question ?

 14   R.  Je ne crois pas. Je crois que c'était là la seconde étape. D'abord, il

 15   y a eu la fuite, et ensuite l'interview qu'il a donnée, si je m'en souviens

 16   bien.

 17   Q.  Et ce dont vous vous souvenez, c'est donc que dans un premier temps,

 18   Hadzic a été à l'origine d'une fuite, puis ensuite il a donné une interview

 19   au sujet des négociations quelque part ?

 20   R.  Il est possible qu'il y ait d'abord eu cette fuite. Peut-être un jour

 21   avant. Et ensuite, les négociations ont échoué. Tout ceci était devenu

 22   public, et à partir de là il était logique que Hadzic, qui était à la tête

 23   de sa délégation, donne cet entretien. Il n'y avait plus de secret. Pour

 24   autant que je puisse m'en souvenir.

 25   Q.  Alors, je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais au mieux que vous

 26   vous en souveniez, cet entretien, cette interview qu'il a donnée, l'a-t-il

 27   donnée en Norvège ?

 28   R.  Pour autant que je m'en souvienne, je crois qu'il a eu une conversation


Page 7827

  1   téléphonique avec un journaliste qui est devenue publique, et c'était de

  2   façon tout à fait certaine avec l'un des médias serbes, et non pas les

  3   médias norvégiens.

  4   Q.  Mais ce qu'affirme M. Sarinic, c'est que M. Hadzic donne un entretien

  5   ou une interview à télévision.

  6   R.  Oui, c'est le second point -- la seconde phase. Parce que Sarinic s'est

  7   plaint de façon assez véhémente concernant l'absence de M. Hadzic de la

  8   dernière séance plénière du groupe de négociation, et je crois qu'il a dit

  9   ceci à une conférence de presse en rapport avec l'absence de M. Hadzic.

 10   J'ai dit hier qu'il était peut-être allé faire des courses.

 11   Q.  Tenons-nous-en à ce qui est écrit, à l'allégation qui y figure. Est-ce

 12   que ce qui est affirmé ici, c'est bien que M. Hadzic était en train de

 13   donner une interview à la télévision, aux médias serbes, en Norvège ?

 14   R.  C'est la manière dont je comprends ce passage. Vollebaek est toujours

 15   vivant. Il serait en mesure de vous répondre plus précisément. Mais je

 16   crois qu'il serait prudent de ne pas aller au-delà de ce que nous avons

 17   ici, parce que je n'en sais pas davantage.

 18   Q.  Alors, compte tenu de la position de M. Hadzic, et nous l'avons vue

 19   dans plusieurs documents précédents, ainsi que les allégations qui ont été

 20   proférées à son sujet, comment pensez-vous que ceci se serait répercuté

 21   dans l'auditoire national, dans le public serbe, parmi les membres de

 22   l'assemblée de la RSK, le fait que Goran Hadzic se soit engagé dans des

 23   négociations et des réunions en face-à-face avec les Croates et ce, en

 24   secret ? Est-ce que cela aurait joué en sa faveur ?

 25   R.  Eh bien, je m'attendrais plutôt à ce que la direction serbe, notamment

 26   à Belgrade, ait été au courant de cette rencontre, malgré son caractère

 27   secret. Il était toujours bien vu de dire qu'une réunion avec les Croates

 28   avait capoté.


Page 7828

  1   Q.  Etait-il possible de dire que quelqu'un participait à des entretiens

  2   secrets avec les Croates ?

  3   R.  Eh bien, les gens faisaient de leur mieux. Et Mile Novakovic ainsi

  4   qu'un certain nombre d'autres étaient présents, donc il n'y avait pas que

  5   M. Hadzic.

  6   Q.  Je ne suis pas sûr que cela réponde à la question. Je vais la

  7   reformuler.

  8   Quelles conséquences cela aurait-il eues parmi les membres de l'assemblée

  9   de la RSK qui n'avaient pas été informés de la tenue de négociations

 10   secrètes ?

 11   R.  Eh bien, les partisans de la ligne dure n'auraient certainement pas été

 12   heureux de l'apprendre. D'un autre côté, les objectifs poursuivis par les

 13   Serbes lors de ces pourparlers étaient : premièrement, à ce qu'ils

 14   disaient, la paix, en tout cas des relations pacifiques aux frontières;

 15   deuxièmement, la facilitation d'un certain nombre d'activités et des

 16   mesures économiques susceptibles d'aider grandement la population; et

 17   troisièmement, l'insistance quant au fait de ne jamais voir la RSK

 18   rejoindre le giron de la Croatie.

 19   C'était là les trois points qui, s'ils étaient présentés correctement,

 20   auraient dû convaincre l'auditoire.

 21   Q.  Les partisans de la ligne dure, bien entendu, n'avaient pas intérêt à

 22   formuler ceci de façon claire, n'est-ce pas ?

 23   R.  A formuler quoi ?

 24   Q.  L'aspect bénéfique de la participation à de telles négociations.

 25   R.  Eh bien, je ne sais pas. Il y avait sans doute une certaine usure en

 26   raison de la tension et de l'insécurité qui aurait pu convaincre un grand

 27   nombre de Serbes de la nécessité de finalement trouver un règlement avec

 28   les Croates et que c'était le bon moment pour le faire. Notamment, on leur

 


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  1   avait fait croire qu'il y avait la possibilité d'un avenir en dehors de la

  2   Croatie, et c'est ce qu'ils souhaitaient.

  3   Q.  Merci beaucoup, Excellence.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, ceci conclut mon

  5   contre-interrogatoire.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Maître.

  7   Y a-t-il des questions supplémentaires ?

  8   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  9   Nouvel interrogatoire par M. Stringer :

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur Ahrens. Je n'ai que

 11   quelques questions à vous poser suite à l'interrogatoire mené par mon

 12   confrère, Me Gosnell.

 13   Au début de ce contre-interrogatoire, on vous a posé plusieurs questions au

 14   sujet des différents mouvements nationaux d'autodétermination. Des

 15   Slovènes, et on vous a cité la Slovaquie, la Tchécoslovaquie, d'autres pays

 16   également. Vous vous en souvenez ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous savez quel était le pourcentage de Slovènes en Slovénie

 19   ?

 20   R.  Je ne connais pas le pourcentage exact, mais il s'agit d'un pourcentage

 21   très élevé, 90 % ou plus.

 22   Q.  Et le pourcentage de Slovaques au moment où la Slovaquie est devenue un

 23   Etat distinct ?

 24   R.  Non, mais c'était aussi plutôt élevé. Et je pense qu'ils n'étaient pas

 25   aussi enchevêtrés avec les Tchèques qu'avec des Hongrois.

 26   Q.  Est-ce que vous avez une idée générale du pourcentage de Serbes qui

 27   vivaient en Croatie à l'époque ?

 28   R.  11,5 %.


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  1   Q.  Et, là encore, nous avons différents chiffres pour les pourcentages

  2   dans le secteur est.

  3   R.  Oui. En particulier, 37 % de Serbes à Vukovar et 44 % de Croates. Je

  4   pense que c'était le pourcentage le plus élevé dans le secteur est.

  5   Q.  Et lorsque nous parlons de ces mouvements d'autodétermination, est-ce

  6   qu'il convient de faire une distinction entre ceux qui se sont produits

  7   dans des endroits tels que la Slovénie vis-à-vis de la situation des Serbes

  8   en Croatie ?

  9   R.  Oui, absolument. Lorsqu'il est question de la Croatie, le secteur est

 10   n'avait absolument pas de majorité serbe. Et c'est la raison pour laquelle

 11   il a été prévu au titre du plan Z-4 que la Krajina bénéficie d'une

 12   autonomie. Et ce n'était pas prévu pour le secteur est, juste quelques

 13   éléments, mais non pas l'autonomie large qui était prévue pour Knin.

 14   Q.  Alors, vous êtes d'accord avec ce qui vous a été soumis par Me Gosnell,

 15   à savoir que les crimes ne sont pas nécessairement partie intégrante de

 16   tout mouvement national visant à l'autodétermination. Mais quelle est la

 17   probabilité que des crimes se produisent dans le cadre d'un tel mouvement

 18   s'il est porté par une minorité importante dans un pays ?

 19   R.  Ecoutez, il est difficile de vous répondre. Il est difficile de parler

 20   de légitimité lorsque le mouvement n'est porté que par une minorité. Et

 21   lorsqu'elle souhaite imposer sa volonté à la majorité, bien entendu, la

 22   question des moyens se pose.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Pièce de la Défense 1D713. Lettre envoyée de

 24   Rome, de la conférence qui se tenait à Rome en date du 8 novembre 1991.

 25   Q.  Monsieur l'Ambassadeur Ahrens, l'on vous a invité à formuler un

 26   commentaire sur cette lettre pendant votre contre-interrogatoire, et je

 27   vais vous inviter rapidement d'y revenir. Page 3, paragraphe 25.

 28   Je vous invite à vous concentrer sur le paragraphe 5. Je pense que le


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  1   conseil de la Défense en a déjà parlé. A cet égard, il rappelle que :

  2   "… la perspective de la reconnaissance de l'indépendance des

  3   républiques qui souhaitent l'indépendance ne peut être envisagée que dans

  4   le cadre d'un règlement général. Cela entraîne des garanties appropriées

  5   sur le plan de la protection des droits de l'homme et les droits des

  6   groupes ethniques ou nationaux. Ils enjoignent les parties intéressées à

  7   rédiger des dispositions juridiques à cet égard."

  8   Et j'aimerais savoir si, dans le cadre de ce que nous avons évoqué, à

  9   savoir la loi constitutionnelle sur les minorités en Croatie, c'est quelque

 10   chose qui était envisagé dans ce paragraphe ?

 11   R.  Oui, c'est un des points de départ et c'est aussi une des raisons pour

 12   lesquelles nous avons été aussi actifs sur la question de la loi

 13   constitutionnelle, même si les Serbes de la Krajina n'étaient pas prêts à

 14   envisager cette solution.

 15   Q.  Alors, nous avons ici la date du 8 novembre 1991. Mais dans le contre-

 16   interrogatoire, vous avez mentionné l'incidence qu'a eue Vukovar sur la

 17   situation. La chute de Vukovar, est-ce que cela a eu une incidence sur la

 18   perspective du règlement général pour la Yougoslavie ?

 19   R.  Ecoutez, il a été envisage à un moment donné que la Yougoslavie soit

 20   une confédération, mais ce n'était pas acceptable pour les Serbes. Donc les

 21   problèmes qui se sont posés en Croatie et en Bosnie-Herzégovine se seraient

 22   posés de toute manière. Même avant les combats, et de manière générale je

 23   dois dire qu'il y a eu ce sentiment de regret que la Yougoslavie se

 24   décompose, mais c'est quelque chose que l'on n'aurait plus pu empêcher à

 25   partir de Vukovar. Vukovar a consolidé la situation de telle manière que

 26   c'était un point de non-retour. Les médias, y compris les médias

 27   occidentaux, en ont énormément parlé, et à partir de ce moment-là, a

 28   posteriori, ça a donné l'argument aux hommes politiques pour défendre leurs


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  1   positions, donc les hommes politiques qui cherchaient à consolider leur

  2   popularité dans leurs pays. Mais il est également vrai que Lord Carrington

  3   a, plus tard, dit que cette reconnaissance a ruiné l'espoir de réussite

  4   pour sa conférence, que nous avions besoin des concessions serbes et pas de

  5   concessions croates. Et c'est ce que j'ai vu tout particulièrement dans le

  6   contexte bosniaque, on a exercé des pressions là aussi sur la partie faible

  7   parce qu'on s'attendait à ce que cette partie-là fasse des concessions, et

  8   non pas la partie plus forte. Et c'est comme ça que Milosevic a pu obtenir

  9   pas mal de choses.

 10   Q.  Alors, nous avons parlé de la situation de Vukovar en novembre 1991, et

 11   aujourd'hui on a parlé de la Slovénie. On a parlé de la Slovénie, donc la

 12   JNA qui est intervenue et le statut de la Slovénie par rapport à une

 13   Yougoslavie unifiée. Est-ce que vous étiez au courant de l'ensemble de ces

 14   événements en novembre 1991 ?

 15   R.  Ecoutez, la Slovénie a connu des combats fin juin jusqu'au 3 juillet,

 16   me semble-t-il. A la mi-juillet, il y a eu l'accord de Brioni, on l'a

 17   appelé ainsi, par lequel la Slovénie et la Croatie ont reporté de trois

 18   mois leur déclaration d'indépendance. Il y a eu un accord avec la

 19   Communauté européenne. Le mandat de la MOCE, qui a consisté dans un premier

 20   temps à demander aux observateurs de surveiller la remise à plus tard de

 21   cette indépendance. Donc je me souviens, effectivement, qu'on s'est rendu

 22   aux postes-frontières de la Yougoslavie vis-à-vis de la Hongrie et

 23   l'Italie, et qu'en fait ça n'a pas eu véritablement beaucoup de sens, pour

 24   vérifier s'il n'y avait pas de violations de l'accord de Brioni. Et, entre-

 25   temps, nous étions à Zagreb et nous envoyions ce personnel vêtu de blanc à

 26   ces postes-frontières où ils prenaient leur café, alors que vous aviez des

 27   gens qui étaient en train de se faire tuer dans les zones de conflit --

 28   Q.  Alors, donc, c'était le 3 juillet 1991 ?


Page 7833

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et je ne sais pas comment vous allez caractériser cela, mais de fait,

  3   est-ce que la Slovénie était déjà sortie de la Yougoslavie ?

  4   R.  Oui. Le 3 juillet, les combats se sont arrêtés, je pense. A la mi-

  5   juillet, il y a eu les accords de Brioni et le report de l'indépendance de

  6   trois mois. Et puis, trois mois plus tard, tant Tudjman que Kucan ont

  7   proclamé l'indépendance. Et - je ne sais pas la date exacte - à un moment

  8   donné, Belgrade a décidé de retirer la JNA de la Slovénie --

  9   Q.  Très bien.

 10   R.  -- et cela a eu lieu, mais ils sont restés en Croatie, où il y a eu à

 11   partir de ce moment-là le siège des casernes de la JNA par les forces

 12   croates.

 13   Q.  Très bien. Alors, parlons maintenant de novembre 1991, c'est la date de

 14   ce document. La référence est faite au règlement général. Est-ce que cela

 15   entraînerait le changement de frontières ?

 16   R.  Ecoutez, ce n'était pas prévu, et la communauté internationale

 17   n'envisageait pas cela. Parce qu'à ce moment-là, c'était le démantèlement

 18   et l'effondrement de l'Union soviétique, et les Russes insistaient sur le

 19   maintien des frontières. Et je me souviens qu'à l'époque, mon confrère et

 20   ami, l'ambassadeur de Russie à Zagreb, n'était pas bienvenu à Knin parce

 21   qu'il était vu comme quelqu'un qui était hostile à la RSK à l'époque.

 22   Q.  Très bien. Alors, maintenant - page 16 du compte rendu d'audience

 23   d'aujourd'hui, ligne 14 à peu près - il a été question du plan Vance et on

 24   a parlé d'arrangements spécifiques ou de dispositions à prendre spécifiques

 25   dans ces zones de nature temporaire qui ne préjugeraient pas de l'issue de

 26   négociations politiques visant à obtenir un règlement général de la crise

 27   yougoslave. Et on vous a demandé si on pouvait interpréter cela comme

 28   envisageant une possibilité de statut final.


Page 7834

  1   Et en réponse, vous avez dit qu'il s'agissait de définir les

  2   responsabilités de la conférence d'un côté, la Conférence Carrington, et

  3   que la FORPRONU devait être déployée. Donc il s'agissait de créer des

  4   conditions qui permettraient à la conférence de négocier le règlement

  5   final.

  6   Et donc, ce qui m'intéresse ici, c'est lorsque vous dites que c'est à la

  7   FORPRONU de créer des conditions qui permettraient d'atteindre le règlement

  8   final.

  9   Et je vais vous demander, Monsieur l'Ambassadeur : quelle était la

 10   probabilité -- ou plutôt, la FORPRONU a-t-elle jamais pu réunir ces

 11   conditions, et en particulier sur le plan de la démobilisation ?

 12   R.  Je pense que c'est une situation qui se présente souvent lorsque les

 13   forces sont envoyées à l'étranger, lorsqu'on demande des forces et

 14   lorsqu'on ne les obtient pas en nombre suffisant. Et Lord Owen dit dans son

 15   livre que c'est une erreur qui a été commise à Srebrenica et qui a eu des

 16   conséquences tragiques.

 17   Oui, c'était l'idée de Vance et de l'ambassadeur Okun et de

 18   l'administration onusienne que cela pouvait se traduire dans les faits.

 19   La conférence sur la Yougoslavie, la conférence de la Communauté

 20   européenne, était l'instance où le ministre néerlandais, Van den Broek,

 21   avait souhaité que la solution finale soit trouvée avant la fin de l'année

 22   1991. Ils voulaient faire cela avant Noël. Et lors d'une des conférences de

 23   presse en novembre, on a même dit que s'il n'y avait pas de solution en

 24   novembre, eh bien, on n'envisagerait pas de reconnaître les indépendances.

 25   Q.  Page 20 du compte rendu d'audience, on vous a demandé si vous étiez au

 26   courant de l'autorité qu'avait M. Hadzic vis-à-vis des commandants de la

 27   JNA qui étaient présents sur son territoire.

 28   Et vous avez dit que vous ne saviez pas ce qu'il en était.


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  1   Il n'empêche que vous avez dit que vous avez rencontré M. Hadzic à Borovo

  2   Selo en septembre 1991. Et si je me souviens bien, un officier de la JNA

  3   était présent à ce moment-là ?

  4   R.  Oui, si je me souviens bien, cet officier est venu avec nous à Borovo

  5   Selo en traversant le Danube. Ce n'est pas quelque chose dont je me suis

  6   souvenu, mais c'est quelque chose que j'ai vu, en fait, dans les images qui

  7   m'ont été montrées, les images d'extraits vidéo. Et donc, il serait venu

  8   avec nous de Belgrade, de l'autre côté du Danube de Serbie. Mais on voit

  9   que ce militaire salue Hadzic et qu'il était présent pendant nos

 10   négociations.

 11   Q.  A-t-il joué un rôle ? Qui a signé à ce moment-là ? Est-ce que c'est M.

 12   Hadzic qui a signé ?

 13   R.  Non. Je pense qu'il a très peu parlé. Il était juste là. Et nous avions

 14   besoin de la signature de M. Hadzic. Pas la signature de ce général.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P2889.

 16   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous avons examiné cela il y a quelques

 17   instants, vous avez regardé cela avec mon éminent confrère. Cela porte sur

 18   le mois de novembre 1993, les négociations de Norvège.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Les paragraphes 4 et 5, s'il vous plaît, en

 20   page suivante.

 21   Q.  On vous a interrogé au sujet de cette fuite alléguée de la

 22   confidentialité.

 23   Au paragraphe 5, il est question d'un dénommé Rakic qui parle au nom de la

 24   délégation serbe.

 25   R.  C'est un militaire de la RSK.

 26   Q.  Il a dit qu'il pensait que le fait que le président de la RSK était

 27   absent, que c'était justifié parce qu'il y aurait eu une confusion sur les

 28   horaires. Et un autre point qui a déjà été annoncé, que le président


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  1   n'avait pas d'homologue en face qui aurait été du même rang que lui.

  2   Alors, c'est le troisième et dernier jour de négociations. M. Hadzic avait-

  3   il été présent les jours précédents ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que vous savez si le reste de cette délégation était informée de

  6   l'horaire, du moment où la session plénière allait être tenue le dernier

  7   jour ?

  8   R.  Ecoutez, je ne sais pas comment on a informé la délégation serbe. Mais

  9   lorsque les Serbes ont dit que leur président n'avait pas d'homologue sur

 10   un pied d'égalité en face, leur intention a toujours été de saboter les

 11   négociations, parce qu'il était à 100 % sûr que les Croates n'enverraient

 12   pas Tudjman pour négocier avec les Serbes de Krajina.

 13   Q.  Alors, peut-être que vous avez déjà répondu, mais ma dernière question

 14   : quelle aurait été l'incidence de l'absence du chef de la délégation sur

 15   une réunion plénière le dernier jour des négociations ?

 16   R.  Ecoutez, les négociations avaient déjà échoué, donc c'est juste une

 17   question d'incidence politique.

 18   C'était le dernier mois de la présidence de Hadzic, et je ne sais pas

 19   dans quelle mesure il était déjà au courant du fait qu'il allait être

 20   remplacé par Martic, quelqu'un que je considérais comme étant plus radical.

 21   Q.  Très bien.

 22   R.  Donc, deux ou trois mois plus tard.

 23   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur Ahrens.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai simplement deux

 27   questions supplémentaires qui découlent des questions supplémentaires de

 28   l'Accusation.

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y.

  2   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Gosnell : 

  3   Q.  [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, on vient de vous poser la

  4   question sur l'homme qui vous accompagnait à Borovo Selo le 6 septembre, et

  5   il s'agit de l'officier militaire de la JNA. Vous dites : Il a dû venir

  6   avec nous depuis Belgrade, ou alors il se trouvait déjà sur l'autre rive du

  7   Danube, c'est-à-dire en Serbie.

  8   Vous ai-je bien compris, est-ce qu'il assurait votre escorte soit depuis

  9   Belgrade, soit depuis la Serbie vers Borovo Selo ?

 10   R.  Je ne le crois pas. Et je dois vous dire que personnellement, je ne

 11   m'en souviens pas. C'était simplement quelque chose que j'ai vu en

 12   visionnant ces extraits qui m'ont été présentés. J'ai vu qu'il a serré la

 13   main de M. Hadzic en arrivant de quelque part. Mais je ne suis même pas sûr

 14   s'il est venu avec nous, s'il a traversé le Danube avec nous, ou s'il est

 15   venu d'ailleurs. En tout cas, il n'était pas cantonné à l'endroit où les

 16   négociations ont été menées.

 17   Q.  Donc vous ne savez pas s'il s'agissait d'un commandant de la JNA qui

 18   était actif dans la région, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons rencontré le commandant de la JNA

 22   dans la zone. Celui qui était responsable pour Osijek. Je ne pense pas

 23   qu'il s'agit en fait de la même région, mais c'était lié aux événements du

 24   5 octobre, donc du jour précédent.

 25   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excellence, votre déposition vient de

 28   toucher à sa fin. Nous vous remercions cordialement d'être venu à La Haye


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  1   pour assister le Tribunal dans ses travaux. Je parle en mon nom personnel

  2   puisque je n'ai pas consulté mes collègues sur ce point, mais je pense que

  3   votre déposition sera très utile. Merci infiniment.

  4   Vous n'êtes plus un témoin devant ce Tribunal. Nous vous souhaitons un bon

  5   retour chez vous. L'huissier vous escortera en dehors de la salle

  6   d'audience. Merci beaucoup.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Si vous

  8   me le permettez, un point qui concerne la procédure. Dans deux cas de

  9   figure, la Défense et vous-même m'avez dit qu'on pouvait relever une erreur

 10   manifeste. Il se peut qu'il y ait d'autres erreurs de ce type. C'est la

 11   raison pour laquelle je ne peux pas donner mon autorisation au niveau du

 12   compte rendu d'audience.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce n'est pas à vous d'autoriser le

 14   compte rendu d'audience ou de ne pas le faire. De toute façon, je vous

 15   signale qu'il s'agit d'une première version du compte rendu d'audience qui

 16   est ensuite revue et corrigée par les personnes responsables. Donc nous

 17   aurons une version meilleure.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de me l'avoir signalé.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   [Le témoin se retire]

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, serait-il utile de

 23   faire venir le témoin suivant s'il -- il ou elle est déjà là ?

 24   M. STRINGER : [interprétation] Il s'agit d'un lui.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est un homme.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Il est arrivé hier soir après avoir voyagé

 27   toute la nuit, Monsieur le Président, et avec l'autorisation des Juges de

 28   la Chambre, nous préfèrerions entamer sa déposition demain. Sa déposition

 


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  1   sera relativement courte puisqu'il témoigne en vertu de l'article 92 ter.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela ne pose pas de problème.

  3   Donc l'audience est levée.

  4   --- L'audience est levée à 13 heures 25 et reprendra le jeudi 29 août

  5   2013, à 9 heures 00.

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