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1 Le mercredi 11 septembre 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le
6 prétoire et à l'extérieur du prétoire, de part et d'autre.
7 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
9 Il s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
11 La présentation des parties, s'il vous plaît, à commencer par l'Accusation.
12 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
13 les Juges.
14 Douglas Stringer; Thomas Laugel, notre commis à l'affaire; et Kusbu
15 Shahdadpuri, notre stagiaire; ainsi que Sarah Clanton.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
17 Du côté de la Défense.
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Représentant les intérêts de Goran Hadzic,
19 Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell. Merci.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
21 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame la Greffière. Le
23 témoin est-il prêt ?
24 Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
26 Bonjour, Monsieur le Témoin. M'entendez-vous dans une langue que vous
27 comprenez ? M'entendez-vous ? M'entendez-vous dans une langue que vous
28 comprenez ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez nous donner votre nom ainsi
3 que votre date de naissance, s'il vous plaît.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ivan Gasparovic, né le 2 avril 1942.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous êtes sur le
6 point de prononcer la déclaration solennelle en vertu de laquelle les
7 témoins s'engagent à dire la vérité. Je dois vous signaler qu'en prononçant
8 cette déclaration, vous vous exposez aux sanctions de faux témoignage dans
9 le cas où vous fourniriez de fausses informations ou un faux témoignage au
10 Tribunal.
11 Je vais maintenant vous demander de prononcer la déclaration solennelle.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 LE TÉMOIN : IVAN GASPAROVIC [Assermenté]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 [Le témoin dépose par vidéoconférence]
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
18 Gasparovic. Vous pouvez vous asseoir.
19 Madame Clanton, c'est à vous.
20 Mme CLANTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et bonjour à
21 vous.
22 Interrogatoire principal par Mme Clanton :
23 Q. [interprétation] Monsieur Gasparovic, bonjour à vous. Est-ce que vous
24 m'entendez ?
25 R. Je vous entends.
26 Mme CLANTON : [interprétation] Pardonnez-moi, je n'entends pas
27 l'interprétation anglaise. Est-ce que nous pourrions faire une toute petite
28 pause, s'il vous plaît.
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1 Q. Monsieur Gasparovic, vous souvenez-vous avoir remis une déclaration de
2 témoin aux représentants du TPIY au mois de mai cette année ?
3 R. Oui.
4 Q. Je souhaite demander l'aide de Mme l'Huissier [comme interprété], je
5 souhaite qu'elle vous remette le document 65 ter 06439. A l'onglet numéro
6 1. Déclaration du témoin datée du 8 mai 2013.
7 Je souhaite que nous regardions en premier lieu la version anglaise,
8 s'il vous plaît. Veuillez regarder la partie qui se trouve en bas à gauche
9 de la version anglaise. Et je vais vous demander si vous reconnaissez la
10 signature qui se trouve sur cette page ?
11 R. Oui, c'est ma signature.
12 Q. Merci. Je souhaite maintenant que nous passions à la page 16, donc
13 l'avant-dernière page. Et je vais vous demander si vous reconnaissez la
14 signature qui se trouve sur cette page, qui se trouve vers le milieu à
15 droite ?
16 R. Oui, je la reconnais. C'est la mienne.
17 Q. Monsieur Gasparovic, depuis le moment où vous avez signé cette
18 déclaration au mois de mai, avez-vous eu l'occasion de relire cette
19 déclaration ?
20 R. Oui.
21 Q. Si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui que les
22 questions qu'on vous a posées au moment où vous avez fourni cette
23 déclaration, vos réponses seraient-elles les mêmes ?
24 R. Oui.
25 Q. Monsieur Gasparovic, maintenant que vous avez prononcé la déclaration
26 solennelle, affirmez-vous que votre déclaration est véridique et exacte ?
27 R. Je le confirme.
28 Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
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1 l'Accusation demande le versement au dossier du numéro 65 ter 06439, s'il
2 vous plaît.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera versé au dossier et recevra
4 une cote.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce document
6 recevra la cote P2990.
7 Mme CLANTON : [interprétation]
8 Q. Monsieur Gasparovic, nous nous entretenons par le biais d'une
9 visioconférence; si vous ne m'entendez pas, veuillez me demander de
10 répéter.
11 Votre déclaration a maintenant été versée au dossier et les Juges
12 sont en possession de votre déclaration. J'ai juste quelques questions à
13 vous poser aujourd'hui sur des sujets bien précis. Est-ce que vous me
14 comprenez ?
15 R. Je comprends.
16 Q. Je vais demander l'aide de la greffière, je vais lui demander de bien
17 vouloir vous remettre votre déclaration en B/C/S. Le paragraphe 14.
18 Au paragraphe 14, vous parlez de l'enlèvement des bottes que vous portiez
19 parce que vous aviez appris quelque chose qui était arrivé dans la ville de
20 Lovas. Veuillez dire aux Juges de la Chambre ce que vous avez appris de ce
21 qui était arrivé à Lovas ?
22 R. Nous avons entendu dire que les membres de la soi-disant Défense
23 territoriale avaient tué un certain nombre de civils et que ces civils
24 avaient dû marcher sur un champ de mines.
25 Q. Monsieur Gasparovic, s'agissant de ce champ de mines, quand avez-vous
26 reçu cette information ?
27 R. Il ne s'agissait pas d'information à proprement parler. Les gens
28 avaient des Motorola, ils nous avertissaient de ce qui allait arriver dans
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1 le cas où Vukovar tomberait entre les mains de l'ennemi.
2 Mme CLANTON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
3 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je demande à ce que l'interprète
5 anglais dise quelques mots, s'il vous plaît.
6 L'INTERPRÈTE : Test, en anglais.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Encore une fois, s'il vous plaît.
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise : Test.
9 M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
11 Mme CLANTON : [interprétation]
12 Q. Monsieur Gasparovic, vous venez de parler de ce qui est arrivé à des
13 civils à Lovas. Outre l'événement du champ de mines, quelles sont les
14 autres choses dont vous avez entendu parler s'agissant du sort de ces
15 personnes ?
16 R. Eh bien, ce n'est pas qu'il y avait plus que ça, que quelque chose
17 était en train de se produire à Lovas. Nous étions inquiets et nous avions
18 peur.
19 Q. Merci. Monsieur Gasparovic, je souhaite maintenant changer de sujet et
20 je vais vous poser des questions sur les gens qui étaient à Vukovar les 17
21 et 18 novembre 1991. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre combien de
22 civils il y avait approximativement dans la ville les 17 et 18 novembre
23 1991 ?
24 R. Je -- ce n'est pas un chiffre exact, mais que c'était de l'ordre de 10
25 000.
26 Q. Et ces jours-là, pourriez-vous nous dire quel était le climat qui
27 régnait à Vukovar, les 17 et 18 novembre ?
28 R. Le climat était un climat d'inquiétude. Les gens avaient peur. Ils
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1 étaient dans les caves, sans eau et sans électricité. Ils avaient entendu
2 parler de ce qui était arrivé à des gens au moment où les soi-disant
3 libérateurs étaient arrivés. Il y avait beaucoup de troubles. Les gens
4 disaient qu'il y avait un bâteau hongrois qui allait descendre le Danube;
5 et d'autres, qu'ils allaient se rendre à l'hôpital. Les gens étaient
6 terrifiés.
7 Q. Alors, au paragraphe 28 de votre votre déclaration, vous avez parlé de
8 votre voyage dans un véhicule entre Brsadin et Dalj dans la soirée du 18
9 novembre 1991.
10 Dans ce paragraphe, vous avez dit que la JNA avait organisé votre transport
11 à bord de camions. Et la question que j'ai à vous posez est celle-ci :
12 lorsque vous étiez dans ces camions, qu'est-ce que vous avez pu voir ou
13 observer, pour autant que vous ayez pu observer quelque chose ?
14 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Nous avons du mal à comprendre le
15 témoin, à entendre le témoin.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Par la suite, ils nous ont amenés à bord de
17 camions.
18 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Le son est meilleur maintenant.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il y a eu un problème technique.
20 Veuillez répéter votre réponse, s'il vous plaît.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi ainsi que d'autres personnes de Vukovar,
22 nous avons été emmenés à bord de véhicules blindés de transport de troupes
23 militaires de la JNA. Ils nous ont emmenés dans un village près de Vukovar
24 et ensuite ils nous ont emmenés à Dalj à bord de camions. Les camions
25 étaient recouverts de bâches. D'après ce que je pouvais voir, il y avait
26 beaucoup d'armes lourdes, de chars, de canons le long de la route. Tout
27 cela appartenait à la JNA.
28 Mme CLANTON : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Gasparovic, vous étiez-vous rendu à Dalj avant cette date du
2 18 novembre 1991 ?
3 R. Non, je n'y suis pas allé une fois seulement. J'y suis allé plusieurs
4 fois. J'avais l'habitude de passer par Dalj. Je ne m'arrêtais pas. En
5 général, je traversais tout simplement Dalj.
6 Q. Merci. Alors, le sujet suivant que je souhaite aborder avec vous est
7 celui de votre interrogatoire dans le bâtiment de la Croix-Rouge à Dalj.
8 Dans votre déclaration, vous dites que lorsque vous êtes arrivé le 18
9 novembre, on vous a emmené dans une cour et vous avez été frappé à cet
10 endroit. Pourriez-vous dire aux Juges dans la Chambre dans quel état
11 physique vous étiez après ce passage à tabac ?
12 R. C'était très désagréable. Cette Croix-Rouge avait une cour qui était
13 pavée de briques ordinaires, et nous devions garder les mains sur la tête.
14 On faisait sortir les gens. Ils étaient frappés à tel point qu'ils
15 perdaient connaissance. Les gens étaient torturés. Les personnes qui
16 avaient été frappées ont été contraintes à chanter leurs chants. Donc
17 c'était des mauvais traitements non seulement sur un plan physique, mais
18 sur un plan psychologique également.
19 Q. Monsieur Gasparovic, les mauvais traitements dont vous venez de parler
20 ainsi que les blessures que vous avez subies, s'agissait-il de choses
21 visibles ?
22 R. Bien sûr que l'on pouvait le voir. Ils m'ont frappé et j'ai perdu
23 certaines de mes dents. Il y avait une autre personne que l'on a attaquée
24 avec une baïonnette. Donc ils disaient : Faisons venir un parmi nous qui
25 avait été frappé. Cette personne, à ce moment-là, devait dire si, oui ou
26 non, quelqu'un appartenait à la ZNG. Et cela se faisait au risque de notre
27 vie.
28 Q. Monsieur Gasparovic, dans votre déclaration, on dit que vous avez été
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1 interrogé par des personnes qui étaient des juges, des avocats et des
2 officiers de la JNA. Et au paragraphe 39 de votre déclaration, vous dites
3 qu'il y avait un avocat qui s'appelait Grujo Amidzicp8 et qu'il a été le
4 témoin de ces passages à tabac dans la cour. Au paragraphe 39.
5 La question que j'ai à vous poser est celle-ci : comment savez-vous que
6 Grujo Amidzic a été le témoin de ces passages à tabac dans la cour ?
7 R. Grujo Amidzic avait son cabinet d'avocat dans le quartier où
8 j'habitais. Nous nous voyions souvent. Nous avons été détenus dans cet
9 endroit que nous avons appelé lieu de torture. Il est venu, il m'a même
10 serré la main, mais il n'a rien fait. Il n'a pas dit qu'il me connaissait
11 et que je devais être relâché. Je ne sais pas s'il a participé à cela. Je
12 sais que je l'ai vu venir à cet endroit, mais je ne sais pas s'il était là
13 au moment où ces gens ont été tués. Je ne peux pas vous dire cela.
14 Q. Monsieur Gasparovic, je souhaite changer le sujet, je souhaite passer à
15 ce que vous avez vécu le lendemain dans le bâtiment de la commune de Dalj.
16 Dans votre déclaration, cela se trouve au paragraphe 48. Le 19 novembre
17 1991. Vous dites que des prisonniers ont été tués dans l'après-midi ce
18 jour-là.
19 Et lorsque ceci est arrivé, où étiez-vous ?
20 R. Cet après-midi-là, il y avait environ sept d'entre nous que l'on a fait
21 descendre de ce lieu de torture, comme nous l'avions appelé, et…
22 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez ?
24 Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Oui, on vous
25 entend, mais on ne voit pas l'image du prétoire.
26 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
27 Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Monsieur le
28 Président, est-il possible de prendre la pause ?
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Il ne faut pas vous lever,
2 parce qu'on ne vous voit pas.
3 L'INTERPRÈTE : Plusieurs personnes parlent à la fois. L'interprète ne peut
4 pas interpréter.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons lever la séance et vous
6 nous informerez.
7 Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Nous vous
8 informerons à partir du moment où il sera possible de recommencer.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Nous allons lever la
10 séance et nous allons attendre de vos nouvelles.
11 --- La pause est prise à 9 heures 58.
12 --- La pause est terminée à 10 heures 30.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame la Greffière à Osijek, est-ce
14 que vous nous voyez, est-ce que vous nous entendez ?
15 Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence]: [interprétation] Oui. Avec votre
16 permission, je ne me lèverai plus. Je resterai assise. La connexion
17 fonctionne. On vous voit et on vous entend.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Nous avons besoin de prendre
19 des pauses à cause des bandes d'enregistrement. Il nous reste encore une
20 heure, donc moi, je propose que l'on prenne la pause à 11 heures 30.
21 Madame Clanton.
22 Et puis, si le témoin a besoin de prendre une pause, il suffit de
23 nous le dire et on va lui accorder cette pause.
24 Mme CLANTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur Gasparovic, est-ce que vous m'entendez ?
26 R. Oui.
27 Q. Bien. Avant d'éprouver ces difficultés techniques, je vous ai posé une
28 question que je vais répéter.
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1 J'ai voulu parler du paragraphe 48 de votre déclaration. Dans le
2 paragraphe 48, vous avez dit que vous étiez, le 19 novembre, dans le
3 bâtiment communal de Dalj. Je vous ai demandé où vous étiez pendant que les
4 prisonniers ont été tués cet après-midi et vous avez dit que vous étiez là
5 avec un groupe, mais vous n'avez pas pu terminer la réponse à cause des
6 problèmes techniques. Est-ce que vous pouvez le faire à présent ? Donc, où
7 étiez-vous au moment où les prisonniers ont été tués dans la cour ?
8 R. La veille, on nous a fait descendre au rez-de-chaussée, donc on avait
9 la vue sur la cour. On était sept ou huit. On avait donc la vue sur la
10 cour, on pouvait voir ce qui s'y passait. C'est là qu'ils étaient en train
11 de torturer et de tuer nos concitoyens.
12 Q. Et pour que les choses soient claires au compte rendu d'audience, vous
13 avez dit qu'on vous a fait descendre au rez-de-chaussée. Est-ce que vous
14 étiez dans une pièce ou bien dans une pièce fermée ou une chambre ?
15 R. Oui, c'était une pièce. Il y en avait deux, en réalité. Nous étions
16 gardés par un soldat. Je ne sais pas pourquoi. On était à peu près sept,
17 huit. Et à partir de cette pièce, vous pouviez monter à l'étage.
18 Q. Bien. Monsieur Gasparovic, dans votre déclaration, vous dites que vous
19 étiez responsable de charger les corps des gens tués, de les charger à bord
20 d'un camion. Vous avez fait cela tard dans la soirée.
21 Voici la question que j'ai à vous poser : est-ce que vous pourriez
22 expliquer aux Juges dans quel état, physiquement, vous étiez au moment où
23 on vous a confié cette mission ?
24 R. Pendant la nuit, à 1 heure, 2 heures dans la nuit, quatre ou cinq
25 personnes vêtues d'uniformes sont arrivées et nous ont fait sortir. Moi, je
26 me sentais mal physiquement parce que je ne recevais pas suffisamment de
27 nourriture, j'étais battu, torturé. Mais dans un tel état, nous étions tout
28 de même obligés de les charger, ces personnes tuées, dans un camion de
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1 marque FAP dont la benne était abaissée. Et je n'ai pas pu reconnaître de
2 nombreuses personnes parce que ces corps étaient entièrement défigurés.
3 Donc je n'en ai reconnus quelques-uns seulement.
4 Q. Après avoir fini ce travail, est-ce que vous êtes monté dans le camion
5 avec les corps, ou bien est-ce que vous êtes resté là où vous étiez ?
6 R. Ils ont essayé de nous forcer, parce qu'ils étaient quatre ou cinq. Ils
7 étaient armés. Ils nous ont dit qu'il fallait qu'on monte dans le camion.
8 Mais deux personnes parmi eux, un commandant - je ne sais pas qui c'était -
9 il a dit : Non, non, il faut les faire revenir. La pluie a commencé à
10 tomber. Mes mains étaient ensanglantées. Et donc, on nous a fait revenir.
11 Je ne sais pas dans quelle direction est parti le camion.
12 Q. Maintenant, je voudrais vous poser quelques questions au sujet de cette
13 personne qui s'appelle Jutro. Vous l'avez décrit dans la déclaration.
14 Vous avez dit que Jutro connaissait votre fille. Pourriez-vous nous
15 dire comment la connaissait-il ?
16 R. Je ne savais pas quel était le sort réservé à mon épouse jusqu'à ce
17 moment-là. Au moment où nous nous sommes séparés à Luzac, je ne savais plus
18 où elle était. Et ils l'ont emmenée dans le cinéma. Ma fille avait le
19 surnom Gaso, et il m'a dit qu'il connaissait -- il lui a dit qu'il
20 connaissait sa fille. Il lui a dit à ma femme que moi, j'étais dans ses
21 lieux de torture, elle lui a confié des médicaments que je devais prendre.
22 Donc il m'a apporté tout cela. Et par la suite, ma fille m'a dit qu'elle
23 les connaissait parce qu'ils avaient pour l'habitude de fréquenter une
24 discothèque, et c'est comme cela qu'elle connaissait Jutro.
25 Q. Vous avez dit qu'on vous a donné les médicaments. Qu'avez-vous dit par
26 la suite ? Parce que l'interprète de la cabine anglaise ne l'a pas entendu.
27 R. C'est lui qui m'a dit que mon épouse m'a envoyé ses médicaments, qu'il
28 ne fallait pas que je m'inquiète, qu'elle était là. Et par la suite, ai-je
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1 appris en parlant avec ma fille - mais plusieurs années plus tard - je lui
2 ai demandé qui était Jutro, et elle m'a dit qu'avant la guerre elle
3 fréquentait une discothèque de Dalj où elle a fait la connaissance de
4 Jutro. Comme elle avait le même surnom que moi, Gaso, un surnom donné à
5 cause de mon nom de famille, il a tout de suite compris que j'étais son
6 père. Parce qu'on portait le même surnom tous les deux.
7 Q. Monsieur Gasparovic, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que
8 Jutro a dit à votre fille quand à l'endroit où vous vous trouviez à Dalj ?
9 R. Mais non. Elle n'était pas à Dalj. Elle était ailleurs. C'est juste que
10 M. Jutro et mon épouse ont parlé. Donc mon épouse lui a dit que son époux
11 avait le surnom de Gaso. Il a tout de suite compris que j'étais le père de
12 ma fille, qui avait le même surnom que moi. Ils se connaissaient avant la
13 guerre, ce Jutro et ma fille. Et donc, il a dit à mon épouse que j'étais
14 dans le lieu de torture à Dalj, et c'est de cela qu'il s'agit.
15 Q. Merci. Monsieur Gasparovic, est-ce que vous savez à quel groupe ou
16 unité ou organisation appartenait ce Jutro ?
17 R. Ils parlaient sans arrêt de la Défense territoriale. Mais il fallait
18 qu'ils se défendent de quoi ? Ils n'étaient pas attaqués par les Croates.
19 Ils avaient une Défense territoriale en Croatie, eux, en tant que Serbes.
20 Donc ils faisaient partie de la TO, de la Défense territoriale. C'est comme
21 cela qu'ils disaient tous, ils appartenaient tous à la TO. Et puis,
22 d'ailleurs, il portait un uniforme, bien sûr.
23 Q. Monsieur Gasparovic, dans votre déclaration, vous avez dit que
24 certaines personnes qui ont été tuées à Dalj ont été retrouvées dans une
25 ferme, la ferme de Lovas. Pourriez-vous nous dire où se trouve la ferme de
26 Lovas ?
27 R. Vous avez un village qui s'appelle Lovas, qui est à 30 kilomètres de
28 Vukovar, derrière Borovo Selo. Vous avez une exploitation agricole qui est
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1 juste derrière Vukovar, à 2 ou 3 kilomètres de Dalj, le long du Danube.
2 Donc c'est une exploitation agricole.
3 Q. Merci, Monsieur Gasparovic. Je n'ai pas d'autres questions.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
5 Contre-interrogatoire, Maître Zivanovic.
6 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Gasparovic. Je m'appelle Zoran
9 Zivanovic et je représente les intérêts de M. Hadzic en l'espèce.
10 Je voudrais tout d'abord vous demander de nous donner plus d'explications
11 par rapport à votre déclaration préalable et son paragraphe 57. On va vous
12 montrer ce paragraphe. Est-ce que vous le voyez ?
13 R. Oui.
14 Q. Voici ce qui m'intéresse, la partie qui concerne Dragutin Susto. Vous
15 avez dit que c'était une personne qui était manutentionnaire dans un hangar
16 à Vupik et qu'il était aussi le chef de Goran Hadzic.
17 R. C'est ce que l'on disait. Susto était mon voisin. Il habitait dans
18 l'immeuble en face de chez moi. Il travaillait dans le hangar de Vupik. Par
19 la suite, ai-je appris que Hadzic aussi avait travaillé dans le hangar de
20 Vupik et que Susto avait été son boss à l'époque, son patron.
21 Q. Vu que vous connaissiez Susto, vous dites que vous saviez qu'il
22 travaillait à Vupik, est-ce que vous savez quel était le nombre d'employés
23 qui travaillaient à Vupik ?
24 R. C'était une grande entreprise qui avait plusieurs départements.
25 Q. Est-ce que vous savez comment s'appelait le département pour lequel
26 travaillait M. Susto ?
27 R. Je ne sais pas. C'était peut-être Bogota [phon]. Une espèce de hangar.
28 C'est vrai que j'étais de Vukovar, mais je n'étais pas au courant.
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1 Q. Je vais essayer de vous rafraîchir votre mémoire. En fonction des
2 informations dont je dispose, il travaillait dans le OOUR, comme on
3 l'appelait à l'époque, commerce. Il était dans le commerce. Il s'occupait
4 de deux types de produits, la farine et le vin. Est-ce qu'il vous en a
5 parlé ?
6 R. Non. Moi, j'ai entendu dire qu'il avait des problèmes avec les
7 transporteurs, les chauffeurs de camion qui devaient transporter, donc, ces
8 biens. En tout cas, j'ai entendu dire qu'il a été le patron de M. Hadzic.
9 Q. Est-ce que vous avez entendu dire que M. Hadzic a travaillé pour un
10 autre département, qu'il s'est occupé d'autre chose ?
11 R. Non, je ne le sais pas. Je sais qu'il a travaillé pour Vupik. Mais je
12 ne sais pas quel a été son poste.
13 Q. D'après les informations que je possède, tous les patrons de Goran
14 Hadzic, tous les dirigeants qui lui étaient -- enfin, parmi ces directeurs,
15 il n'y avait pas de Dragutin Susto. Ils ne se connaissaient même pas.
16 R. Ecoutez, c'est ce que l'on disait. On disait qu'ils se connaissaient.
17 Mais je ne sais pas si M. Hadzic a ordonné cela. En tout cas, moi, je ne
18 l'ai pas vu à Dalj. Pas du tout.
19 Q. Pour que les choses soient encore plus précises pour le compte rendu
20 d'audience.
21 Vous avez dit que cela faisait l'objet de rumeurs, que l'on disait
22 qu'il était le chef de Hadzic et que c'est peut-être pour cela que Susto a
23 été tué. Est-ce bien cela que vous avez dit ?
24 R. Oui, c'est exactement ce que l'on disait, que Susto avait été à un
25 moment donné le patron de Hadzic et qu'il y avait un différend peut-être
26 entre eux. Mais il faudrait leur poser la question directement, parce que
27 moi, je ne sais pas exactement ce qu'il en est.
28 Q. A partir du moment où vous êtes arrivés à Dalj, vous avez été hébergés
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1 où ?
2 R. Quand nous sommes arrivés à Dalj à bord de ces camions, ils nous ont
3 fait sortir devant la Croix-Rouge. Ensuite, nous avons continué à pied en
4 direction de la gare ferroviaire jusqu'au hangar. Mais les policiers qui
5 étaient là nous ont dit qu'ils n'avaient plus de place, et on nous a fait
6 revenir sur nos pas. Alors, je ne sais pas combien d'entre nous sont entrés
7 dans le hangar de la Croix-Rouge.
8 Q. Pourriez-vous répéter la dernière phrase.
9 R. Donc on est arrivé jusqu'au hangar près de la gare ferroviaire. On nous
10 a dit qu'ils ne pouvaient pas nous accueillir, donc on a fait demi-tour. On
11 était nombreux. On est arrivé jusqu'à l'immeuble de la Croix-Rouge. Un
12 certain nombre d'entre nous est entré dans le hangar de la Croix-Rouge,
13 mais je ne sais pas si tout le monde a réussi d'y entrer.
14 Q. Cette cour du bâtiment de la Croix-Rouge, vous étiez hébergés dans un
15 bâtiment, non ?
16 R. Non, non. On était dans la cour. Autour, vous aviez des murs. Et puis,
17 au bout de la cour, il y avait un petit bâtiment, et c'est là qu'ils nous
18 ont interrogés, ils nous ont menacés. Ils ont dit que si jamais ils
19 trouvaient un objet suspect, un objet tel qu'un couteau, une lame de
20 rasoir, et cetera, qu'on allait perdre la tête immédiatement à cause de
21 cela.
22 Q. Autrement dit, vous avez passé la nuit à l'extérieur ?
23 R. Pas toute la nuit, mais une partie de la nuit. Mais ils nous ont
24 infligé de mauvais traitements et nous ont forcés à chanter les chansons
25 patriotiques serbes. Moi, je ne connais même pas les chansons patriotiques
26 croates, alors comment voulez-vous que je chante leurs chansons ? Donc ils
27 nous ont infligé de mauvais traitements, et de nombreuses personnes ont été
28 blessées.
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1 Q. Est-ce qu'on vous a placé dans une pièce fermée ?
2 R. Mais "placé", que voulez-vous dire par là ?
3 Après la Croix-Rouge, on nous a emmenés dans une espèce de commune locale,
4 et c'est après que j'ai appris qu'il s'agissait du bâtiment de la commune
5 locale. On nous emmenés là-bas, on était au nombre de 100 ou plus. Ecoutez,
6 je ne pouvais pas compter les gens qui étaient là, mais on était nombreux.
7 Et c'est un endroit qui est tout près de la Croix-Rouge.
8 Q. Mais on vous a emmenés là-bas quand exactement ?
9 R. La nuit entre le 18 et le 19 du mois de novembre.
10 Q. A quel moment avez-vous vu le meurtre de Dragutin Susto, qui, donc, a
11 sauté par la fenêtre ? Pourriez-vous nous dire à quel moment cela s'est-il
12 produit ? Parce que moi, j'ai l'impression que cela se produit le 19
13 novembre vers midi.
14 R. Oui. Ils l'ont battu, ils lui ont infligé de mauvais traitements, et
15 après ils l'ont fait entrer. Et lui, il s'est levé tout simplement et il a
16 sauté par la fenêtre. Alors, les soldats se sont mis à lui tirer dessus. Je
17 ne sais pas si ce sont eux qui l'ont tué ou non, les soldats qui étaient à
18 l'extérieur.
19 Q. Vous dites qu'il a sauté par la fenêtre. A-t-il sauté d'une fenêtre du
20 bâtiment de la commune locale ?
21 R. Oui. Il s'agissait du bâtiment de la commune locale. Mais ce n'est
22 qu'après que j'ai appris que c'était le bâtiment de la commune locale,
23 alors que je suis passé par là des milliers de fois. Mais je ne savais pas
24 ce que c'était et je ne me suis jamais arrêté pour voir ce que c'était.
25 Donc c'est la commune locale ou bien le foyer culturel. Je ne sais pas ce
26 que c'est.
27 Q. Mais est-ce qu'il a sauté par la fenêtre pour atterrir dans la rue ?
28 R. Je n'en sais rien. Nous étions tout en haut. Je ne sais pas si ces
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1 fenêtres donnaient sur la rue ou autre chose. Ecoutez, on n'avait pas la
2 liberté de circulation. Je sais qu'il y avait une espèce de toilette à
3 l'extérieur.
4 Q. Mais est-ce que vous l'avez vu en train de sauter par la fenêtre ? Donc
5 il était dans un bureau ?
6 R. Mais ce n'était pas un bureau. C'était une espèce de pièce. Vous aviez
7 une table, et M. Grolic [phon] était assis à la table. Il s'est vanté des
8 meurtres qu'il a commis, il nous a dit qu'il avait tué un journaliste
9 croate. Et ils nous ont menacés, ils nous regardaient comme si on était des
10 bêtes dans un zoo. Et vous savez, les mauvais traitements physiques, je
11 pouvais très bien les endurer; mais le psychique, ce n'était pas facile.
12 Q. Je n'ai pas beaucoup de temps.
13 Est-ce que vous l'avez vu en train de sauter par la fenêtre, oui ou non ?
14 R. Au moment où il a sauté, non, je ne l'ai pas vu. On était beaucoup trop
15 nombreux. Moi, je suis pas très grand. Mais j'ai entendu le bruit et les
16 tirs, et j'ai entendu dire qu'il a sauté par la fenêtre, et on a tiré
17 ensuite.
18 Q. Avez-vous vu des traces de passage à tabac sur lui ?
19 R. Oui, cela, je l'ai bien vu.
20 Q. Où a-t-il été passé à tabac ?
21 R. Eh bien, dans la cour. Dans la cour. Au moment où il a sauté par la
22 fenêtre - je l'ai appris par la suite, ça encore - M. Pajic, Petar Pajic,
23 est venu avec ses fils et il montrait les personnes qu'il voulait que l'on
24 emmène. A un moment donné, j'ai été dans une pièce en bas au rez-de-
25 chaussée - enfin, pas au rez-de-chaussée, en tout cas un étage en dessous -
26 au moment où il a sauté par la fenêtre. Mais en tout cas, nous, on n'avait
27 pas le droit de nous déplacer parce qu'on était gardés par un soldat.
28 Q. Donc vous étiez dans le même immeuble, l'immeuble à partir duquel il a
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1 sauté ?
2 R. Oui, le même immeuble. Sauf qu'il était à un étage supérieur.
3 Q. Et vous n'étiez pas en mesure d'établir si la fenêtre donnait sur la
4 cour ou sur la rue, la fenêtre à partir de laquelle il est tombé ?
5 R. Mais non. Tout cela se déroulait durant la nuit. On nous a fait venir
6 pendant la nuit, d'ailleurs.
7 Q. Je vous pose cette question parce que nous disposons d'une information
8 indiquant que tout cela a lieu le matin.
9 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demanderais à voir la pièce 1D783. Il ne
10 faudrait pas montrer cela au témoin. Il ne faudrait pas le montrer au
11 public non plus. Page 3, quatrième paragraphe.
12 Q. Donc, ici, on voit bien que tout cela se produit le matin, d'après ce
13 document.
14 Dites-moi, admettez-vous cette possibilité-là ?
15 R. Non. Parce que le matin, j'étais encore dans la pièce en haut.
16 Q. Merci. Ici, dans ce document, on voit à la dernière page qu'il a sauté
17 à travers une fenêtre qui donnait sur la rue et pas sur la cour. Mais de
18 toute façon, vous avez bien confirmé que vous ne saviez pas sur quoi
19 donnait la fenêtre par laquelle il a sauté.
20 Mais je voulais vous poser une autre question au sujet de votre déclaration
21 préalable. Vous avez dit, entre autres, que vous avez reconnu au moment de
22 l'interrogatoire dans le bâtiment de la Croix-Rouge - c'est quelque chose
23 qui figure dans le paragraphe 37 de votre déclaration - que là-bas, vous
24 avez reconnu un certain nombre de juges de Vukovar dont les visages étaient
25 couverts par des bonnets. Je suppose que les bonnets étaient placés de
26 sorte que l'on ne puisse pas les reconnaître.
27 R. [aucune interprétation]
28 Q. Et vous avez dit que vous avez reconnu la voix de Slavoljub Sremac.
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1 R. Il y avait des gens, des officiers peut-être, dans cette pièce. J'ai
2 reconnu la voix de Slavoljub Sremac. Parce que pendant de nombreuses années
3 il gardait sa voiture dans le garage de mon père à Vukovar, donc j'ai parlé
4 souvent avec lui. Gojic état aussi avec eux. Il avait un uniforme. Il avait
5 le grade d'un commandant, je pense.
6 Q. Vous avez dit qu'il avait la même voix ?
7 R. Mais j'ai reconnu sa voix. Je me suis dit que c'était peut-être
8 Slavoljub Sremac.
9 Q. Là encore, d'après les informations dont nous disposons -- M. ZIVANOVIC
10 : [interprétation] Et je demande l'affichage du document 1D786. A ne pas
11 afficher publiquement ni à l'attention du témoin. C'est le dernier
12 paragraphe du document qui m'intéresse.
13 Q. Ce jour-là, le 18 novembre, du 18 ou 19 novembre, il n'était pas à Dalj
14 du tout. Vous nous dites que c'était peut-être Slavoljub Sremac. Est-ce que
15 vous pouvez le confirmer ?
16 R. J'ai dit peut-être que c'était lui. Je l'aurais reconnu s'il n'y avait
17 pas eu ces bonnets. Maintenant, je ne peux pas vous assurer à 100 % si
18 c'était lui ou pas.
19 Q. Merci. Il y a encore un autre point que je voulais aborder avec vous.
20 Après votre départ de Dalj - vous avez dit que cela avait eu lieu le 20
21 novembre - vous vous êtes rendu en Croatie. Dites-moi, quand êtes-vous
22 entré en contact avec les autorités croates, s'il y a eu contact pour
23 savoir ce qui vous était arrivé à Dalj et à Vukovar, et cetera, pendant ces
24 jours-là ?
25 R. Tout d'abord, je ne suis pas parti de Dalj le 20. C'était plus tard. On
26 nous a emmenés à Novi Sad.
27 Deuxièment, lorsque je suis arrivé, il n'y a eu aucun contact avec les
28 autorités croates parce que ces contacts étaient tout simplement
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1 impossibles. Nous sommes arrivés en Croatie par la Bosnie, Bosanski Brod ou
2 Bosanski Samac, et ensuite nous nous sommes rendus à Slavonski Brod. Et
3 c'était le 22.
4 Q. Peut-être que ma question n'était pas claire. Je ne voulais pas savoir
5 si vous êtes entré en contact avec les autorités croates le 20 ou le 22. Je
6 parlais d'un point de vue plus général. Après votre arrivée en Croatie,
7 est-ce que vous vous souvenez de la période à laquelle vous êtes entré en
8 contact pour la première fois avec la police, avec les tribunaux, avec
9 l'armée, avec quiconque ? Est-ce que l'on vous a demandé de faire une
10 déclaration sur ce qu'il s'était passé à Vukovar et à Dalj ?
11 R. Non, non. Lorsque nous sommes arrivés de Slavonski Brod à Zagreb, des
12 volontaires étaient là, des étudiants. Ils savaient que nous avions été à
13 Dalj, et à notre arrivée, ils nous ont demandé ce que nous avions vu et ce
14 que nous avions entendu à Dalj et à Vukovar. Pour le reste, je n'ai aucune
15 idée de ce qui s'est passé. Donc c'est les étudiants qui nous ont posé ces
16 questions.
17 Q. Est-ce que la police, par exemple, vous a posé des questions à un
18 moment ou à un autre ? Est-ce que la police vous a demandé de faire une
19 déclaration à ce sujet ?
20 R. Ah, c'est cela que vous vouliez savoir. Je crois que cela a eu a lieu
21 en 1993, mais je ne suis plus sûr. Plus ou moins en 1993. Lorsque je suis
22 allé à Istria, la police m'a demandé ce qui m'était arrivé à Vukovar et ce
23 qui m'était arrivé lorsque j'étais emprisonné.
24 Q. Je suppose qu'alors, vous avez déclaré à la police la même chose que ce
25 que vous nous avez dit aujourd'hui et ce que vous avez repris dans votre
26 déclaration faite au bureau du Procureur ?
27 R. En fait, plus tard, c'est le commandant Grujic qui m'a demandé ce que
28 portaient les personnes - mais moi-même, je ne savais pas ce que je portais
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1 à l'époque; c'était il y a des années - donc, pour pouvoir identifier les
2 victimes. Lorsqu'on m'a posé la question, j'ai dit que je ne savais pas. Je
3 n'avais pas d'information à donner. Je n'avais aucune façon de le savoir.
4 Et je n'aurais pu que deviner où ces victimes avaient été enterrées.
5 Q. Regardez le paragraphe 20 de votre déclaration à présent, s'il vous
6 plaît.
7 R. Oui.
8 Q. Vous dites là que vous étiez présent lorsqu'un membre du corps --
9 R. Oui, du Corps de Garde nationale.
10 Q. -- oui, du Corps de Garde nationale, effectivement, a été tué. Est-ce
11 que vous avez parlé de cela aux policiers ou est-ce que vous l'avez plutôt
12 dit à M. Gruic lorsqu'il vous a interrogé ?
13 R. Nous avons parlé aux inspecteurs. Je ne peux pas vous donner de noms.
14 Nous avons dit que là où l'entrepôt se trouvait à Vukovar, un officier
15 n'avait cessé de demander où se trouvaient les membres du ZNG, du HDZ et du
16 MUP. Moi, je sais qu'une femme est allée voir un officier, c'était un
17 capitaine, et l'a emmené voir Djuro Begovic. Mais je ne peux pas vous
18 affirmer que c'était le capitaine Radic, parce que je ne le connaissais
19 pas. Quoi qu'il en soit, l'un des soldats lui a parlé et l'a appelé
20 capitaine Radic. Il a tué l'homme d'un coup à la tête…
21 Q. Après cette conversation en 1993, est-ce que vous avez fait d'autres
22 déclarations à la police, aux tribunaux ou au bureau du Procureur ?
23 R. Oui. Oui, des inspecteurs sont venus. Ils se sont présentés. Je ne sais
24 plus en quelle année. Mais à Osijek, il y avait un certain M. Rozac [phon]
25 au tribunal au niveau du juge de paix. Je crois que j'ai fait deux
26 déclarations là. Et puis, j'ai fait cette déclaration à M. Gojic à Vukovar.
27 Je ne sais pas s'il y a eu un suivi, je ne peux pas vous le dire.
28 Mais je suppose que les enquêteurs de La Haye ont retrouvé mes
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1 déclarations, et c'est pour cela que l'on m'a demandé de venir déposer ici.
2 Je vous le répète, plusieurs années se sont écoulées depuis cet événement.
3 Q. Merci, Monsieur Gasparovic. Je n'ai plus de questions à vous poser. Je
4 vous remercie.
5 R. Je vous en prie.
6 M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Maître Zivanovic.
8 Madame Clanton, est-ce que vous avez --
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux aller aux toilettes, s'il
10 vous plaît ?
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience pour
12 quelques instants.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ça ne me prendrait qu'une minute.
14 Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Messieurs les
15 Juges, le témoin est de retour.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
17 Madame Clanton, est-ce que vous avez des questions supplémentaires ?
18 Mme CLANTON : [interprétation] Une question seulement.
19 Nouvel interrogatoire par Mme Clanton :
20 Q. [interprétation] Monsieur Gasparovic, j'aimerais éclaircir un point que
21 vous avez soulevé lors du contre-interrogatoire avec le conseil de la
22 Défense. Je fais référence à la page du compte rendu 21 du compte rendu
23 temporel, ligne 1.
24 Vous avez parlé d'un juge, le Juge Sremac, Slavoljub Sremac, et vous
25 avez dit qu'un membre de votre famille était propriétaire d'un garage où il
26 laissait sa voiture. Qui était propriétaire du garage exactement ?
27 R. Ivan Kamrla était le propriétaire. Je m'entendais bien avec Sremac.
28 Q. Est-ce qu'il y a un lien de parenté entre vous et Ivan Kamrla ?
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1 R. Oui. J'ai épousé sa fille. Sa fille est ma femme.
2 Q. Merci, Monsieur Gasparovic.
3 Mme CLANTON : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Messieurs les
4 Juges.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gasparovic, ceci conclut
7 votre déposition. Vous êtes libéré de vos obligations de témoin. Nous
8 aimerions vous remercier de vous être rendu à Osijek pour prêter votre aide
9 au Tribunal. Et nous vous souhaitons un bon retour chez vous. Merci
10 beaucoup.
11 [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause et nous
13 reprendrons l'audience pour entendre la déposition du Témoin GH-168.
14 L'audience est suspendue.
15 --- L'audience est suspendue à 11 heures 12.
16 --- L'audience est reprise à 11 heures 45.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame la Greffière, passons à huis
18 clos, s'il vous plaît.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis
20 clos.
21 [Audience à huis clos]
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.
3 La séance est levée.
4 --- L'audience est levée à 14 heures 11 et reprendra le jeudi 12 septembre
5 2013, à 9 heures 00.
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