Affaire n° : IT-01-47-AR73.3

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Theodor Meron, Président

M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
11 mars 2005

LE PROCUREUR

c/

ENVER HADZIHASANOVIC et AMIR KUBURA

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DÉCISION RELATIVE À L’APPEL INTERLOCUTOIRE CONJOINT INTERJETÉ PAR LA DEFENSE CONTRE LA DECISION DE LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE RELATIVE AUX DEMANDES D’ACQUITTEMENT INTRODUITES EN VERTU DE L’ARTICLE 98 BIS DU REGLEMENT

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Le Bureau du Procureur :

M. Daryl Mundis
Mme Tecla Henry-Benjamin
M. Matthias Neuner
M. William J. Fenrick
M. Nobuo Hayashi

Les Conseils de la Défense :

Mme Edina Residovic et M. Stéphane Bourgon pour Enver Hadzihasanovic
MM. Fahrudin Ibrisimovic et Rodney Dixon pour Amir Kubura

 

1. La Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (respectivement la « Chambre d’appel  » et le « Tribunal international ») est saisie d’un appel interlocutoire interjeté contre la décision de la Chambre de première instance relative aux demandes d’acquittement introduites par Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura en vertu de l’article 98  bis du Règlement (« l’Appel de la Défense »).

I. RAPPEL DE LA PROCÉDURE

2. Le 27 septembre 2004, la Chambre de première instance saisie de l’affaire Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura (les « Appelants ») a rendu sa Décision relative aux demandes d’acquittement introduites en vertu de l’article 98 bis du Règlement (la « Décision attaquée »)1. Suite à une demande de certification présentée par les Appelants, la Chambre de première instance a certifié trois moyens d’appel2.

3. Les trois moyens d’appel certifiés par la Chambre de première instance sont les suivants :

a. La Chambre de première instance a commis une erreur de droit en concluant qu’elle avait compétence pour se prononcer sur le chef 5 du troisième acte d’accusation modifié (« l’Acte d’accusation »),

b. La Chambre de première instance a commis une erreur de droit en concluant qu’elle avait compétence pour se prononcer sur le chef 6 de l’Acte d’accusation,

c. La Chambre de première instance a commis une erreur de droit en concluant qu’elle avait compétence pour se prononcer sur le chef 7 de l’Acte d’accusation3.

4. La Chambre de première instance a considéré que ces questions pouvaient faire l’objet d’un appel interlocutoire et a certifié ces moyens aux motifs que 1) à ce stade de la procédure, elle ne pouvait déterminer si le conflit armé était interne ou international ; 2) « l’Accusation a fait savoir qu’elle ne comptait pas caractériser la nature du conflit armé »4 ; et 3 ) dans l’hypothèse où elle conclurait que le conflit était de nature interne, la question de compétence posée par les Appelants serait essentielle.

II. ARGUMENTS DES PARTIES

5. Dans le cadre de leur recours, les Appelants ne font état d’aucune erreur de raisonnement de la part de la Chambre de première instance mais reprennent dans leur intégralité les arguments apparemment avancés en première instance et rejetés par la Chambre. Tel n’est pas le but de l’appel. L’appel ne donne pas lieu à un examen de novo des arguments rejetés après examen par la Chambre de première instance. Dans le cadre de leur recours, les Appelants doivent relever précisément une erreur de raisonnement de la part de la Chambre de première instance5.

6. S’ils ne font mention d’aucune erreur de raisonnement à proprement parler de la part de la Chambre de première instance, les Appelants affirment au premier chef que la Chambre de première instance a eu tort de conclure qu’elle avait compétence pour se prononcer sur les chefs 5, 6 et 7 de l’Acte d’accusation, puisque les infractions visées dans ces chefs, réprimées par l’article 3 du Statut, trouvent leur origine dans le régime de l’occupation, qui s’applique uniquement en cas de conflits armés internationaux. Or les Appelants affirment que l’Accusation n’a pas fait état d’un conflit armé international ni n’en a établi l’existence6. Ils soutiennent aussi que l’Accusation était tenue d’indiquer précisément la règle de droit conventionnel ou de droit coutumier transgressée en cas d’infraction tombant sous le coup de l’article 3 et que, faute pour l’Accusation de s’être acquittée de cette obligation, ils n’ont pas été informés de la nature des accusations portées à leur encontre. À ce propos, les Appelants avancent que l’Arrêt Tadic relatif à la compétence précise que quatre conditions doivent être remplies pour que l’article  3 du Statut du Tribunal international s’applique et qu’un crime puisse faire l’objet de poursuites sur la base de cet article :

i) la violation doit constituer une transgression d’une règle du droit international humanitaire ;

ii) la règle doit être de caractère coutumier ou, si elle relève du droit conventionnel, les conditions requises doivent être remplies ;

iii) la violation doit être grave ;

iv) la violation de la règle doit engager, en droit international coutumier ou conventionnel, la responsabilité pénale individuelle de son auteur7.

Les Appelants affirment que l’Accusation n’ayant pas clairement indiqué la règle de droit conventionnel ou de droit coutumier qui aurait été enfreinte, il est impossible d’établir si les conditions posées par cette règle de droit international ont été remplies8. Ils ajoutent que si l’Accusation aurait pu retenir contre eux une violation du droit international coutumier, l’invocation de l’article 3 du Statut a exclu cette possibilité9.

7. En substance, les Appelants se plaignent du mode de présentation adopté par l’Accusation pour l’Acte d’accusation. Ils affirment que s’ils n’ont pas soulevé d’exception préjudicielle pour vices de forme de l’Acte d’accusation avant le procès, comme l’article 72 du Règlement le leur permet, c’est parce que l’Arrêt Tadic relatif à la compétence a confirmé que l’article 3 du Statut était applicable en cas de conflit armé tant international qu’interne10. Cependant, les Appelants soutiennent maintenant qu’il n’a pas été jugé, dans l’Arrêt Tadic relatif à la compétence, que toutes les dispositions de l’article 3 étaient applicables quel que soit le type de conflit armé puisqu’aucune atteinte aux biens de caractère civil n’a été reprochée à Dusko Tadic sur la base de cet article. Les Appelants affirment avoir de bonnes raisons de soulever cette question à ce stade car les accusations portées aux chefs 5, 6 et 7 de l’Acte d’accusation ne peuvent l’être qu’en cas de conflit armé international. Or, l’Accusation n’a pas établi l’existence d’un conflit armé international au procès en première instance 11.

8. En réponse, l’Accusation affirme que les griefs soulevés par les Appelants auraient dû faire l’objet d’une exception préjudicielle pour vices de forme de l’Acte d’accusation et d’une exception d’incompétence en application de l’article 72 du Règlement12. À défaut, elle soutient qu’elle n’est pas tenue d’indiquer la règle de droit conventionnel ou la norme de droit coutumier transgressée par le fait des infractions visées aux chefs 5, 6 et 7 et sanctionnées par l’article 3. Elle déclare qu’en précisant les alinéas de l’article 3 sur lesquels elle se fondait, elle a suffisamment informé les Appelants de la nature des accusations portées à leur encontre13. Elle ajoute que, peu après l’ouverture des débats, elle a indiqué clairement que selon elle, les infractions visées aux chefs 5, 6 et 7 et sanctionnées par l’article  3 étaient prohibées dans les conflits armés tant internationaux qu’internes14. En tout état de cause, l’Accusation soutient qu’elle a rapporté au procès la preuve du caractère international du conflit, et elle affirme qu’il s’agit d’une question sur laquelle la Chambre de première instance se prononcera dans le jugement15.

III. ANALYSE

A. Mode de présentation adopté par l’Accusation pour l’Acte d’accusation

9. L’appel interlocutoire interjeté par les Appelants porte sur des questions qui auraient dû faire l’objet d’une exception préjudicielle en application de l’article  72 du Règlement. Le premier grief concerne le mode de présentation adopté par l’Accusation pour l’Acte d’accusation. Pour chacun des chefs d’accusation contestés dans le présent appel, les Appelants affirment que l’Accusation n’a pas rempli la première condition posée dans l’Arrêt Tadic relatif à la compétence puisqu’elle n’a pas précisé quelle règle du droit international humanitaire aurait été enfreinte ni si c’étaient les lois de la guerre (conventionnel) ou le droit international coutumier (coutumes de la guerre) qui étaient au fondement du chef d’accusation en question16.

10. Si la Chambre d’appel convient qu’un accusé est en droit de connaître le fondement juridique des accusations portées contre lui, les Appelants en l’espèce n’ont formulé aucun grief concernant la présentation de l’Acte d’accusation avant l’ouverture du procès, comme l’article 72 du Règlement le leur permettait17. Étant donné qu’il était clair, à ce moment-là, que l’Accusation ne disait mot de la nature du conflit armé et qu’elle partait de l’idée que l’article 3 du Statut s’appliquait aux conflits armés tant internationaux qu’internes, on peut en déduire que les Appelants ont vu un avantage tactique à attendre. S’ils affirment que durant la phase préalable au procès, ils n’ont pas contesté la présentation de l’Acte d’accusation en raison des remarques faites dans l’Arrêt Tadic relatif à la compétence concernant l’application de l’article 3 aux deux types de conflits armés, ils font aussi remarquer que ce même Arrêt n’a pas établi l’applicabilité de toutes les dispositions de l’article 3 aux conflits armés internes puisqu’aucune atteinte aux biens n’a été reprochée à Dusko Tadic sur la base de cet article18. Dès lors, les Appelants ne peuvent de manière convaincante invoquer l’Arrêt Tadic relatif à la compétence pour expliquer pourquoi ils n’ont pas soulevé d’exception préjudicielle pour vices de forme de l’Acte d’accusation. Les Appelants savaient, lorsque l’Acte d’accusation a été dressé, qu’ils tireraient argument de ce que l’Arrêt Tadic relatif à la compétence n’a pas établi l’application des dispositions de l’article 3 du Statut concernant les infractions visées aux chefs 5, 6 et 7 en cas de conflits armés internes. Ils auraient donc dû formuler ce grief durant la phase préalable au procès.

11. Les Appelants font aussi valoir que l’Accusation n’a pas précisé sur quelle base juridique reposaient les chefs d’accusation car elle ne souhaitait pas s’engager à établir la nature internationale ou interne du conflit19. Il s’agit là aussi d’un grief concernant la présentation de l’Acte d’accusation que les Appelants auraient dû formuler durant la phase préalable au procès. S’étant abstenue de préciser la nature du conflit armé dans l’Acte d’accusation, l’Accusation a laissé à la Chambre de première instance le soin de se prononcer sur cette question. Elle a également indiqué clairement aux Appelants que selon elle, le Tribunal international avait compétence pour se prononcer sur les chefs 5, 6 et 7, que le conflit armé soit international ou non. Si les Appelants souhaitaient davantage de précisions, ils auraient dû soulever une exception préjudicielle en application de l’article 72 du Règlement.

B. Compétence du Tribunal pour juger les crimes relevant de l’article 3 du Statut

12. Le deuxième grief des Appelants concerne la compétence du Tribunal pour juger les crimes allégués aux chefs 5, 6 et 7 dans le cadre de conflits armés internes. Les Appelants auraient également dû soulever ce grief durant la phase préalable au procès en application de l’article 72 du Règlement. Toutefois, en statuant sur cette question, la Chambre d’appel aidera les Appelants et l’Accusation pour la suite des débats, et la Chambre de première instance pour le jugement. Elle a donc décidé d’examiner la question.

1. Champ d’application de l’article 3

13. La mise en cause par les Appelants de la compétence du Tribunal pour les chefs 5, 6 et 7 de l’Acte d’accusation découle de l’interprétation qu’ils font de l’Arrêt Tadic relatif à la compétence à propos de l’étendue des pouvoirs qu’il tient de l’article 3 du Statut. Dans cet Arrêt, la Chambre d’appel a jugé que l’article 3 permettait au Tribunal de connaître de toute infraction grave au droit international humanitaire commise dans le cadre d’un conflit armé interne ou international et ne relevant pas des articles 2, 4 et 5 du Statut20. La Chambre d’appel a énoncé un critère en quatre points pour vérifier que les infractions alléguées en application de l’article 3 du Statut ressortissaient au domaine de compétence du Tribunal international21. Les Appelants soutiennent que les dispositions de l’article 3 qui donnent compétence au Tribunal ne font que renvoyer au droit conventionnel dont elles sont inspirées. Ils affirment que, puisque les règles du droit conventionnel sous-tendant les articles 3 b), d) et e), au fondement respectivement des chefs 5, 6 et 7 de l’Acte d’accusation, portent sur les conflits armés internationaux et les situations de territoire occupé, le Tribunal n’est pas compétent pour juger ces infractions en cas de conflits armés internes22.

14. La position des Appelants constitue une interprétation exagérément restrictive de la jurisprudence de la Chambre d’appel concernant la portée des dispositions de l’article 3 du Statut. Dans l’Arrêt Tadic relatif à la compétence, la Chambre d’appel a déclaré, à propos de l’énumération des violations, que « cette liste peut être interprétée comme incluant d’autres infractions au droit international humanitaire23 », indiquant par là qu’il fallait considérer que les crimes énumérés englobent aussi les violations d’autres règles que celles du droit conventionnel que le texte prend pour base24. Par conséquent, l’article 3 donne, si on l’interprète bien, compétence au Tribunal pour connaître des violations des règles qu’il édicte, sans que celle-ci soit limitée par les conditions d’application des instruments conventionnels, lesquels ne s’appliquent qu’aux conflits armés internationaux25.

15. La Chambre de première instance a examiné, dans la Décision attaquée, les arguments avancés par les Appelants pour contester sa compétence pour juger les crimes sanctionnés par les articles 3 b), d) et e) en cas de conflits armés internes. Les Appelants n’ayant pas précisé en quoi consistait l’erreur de la Chambre de première instance ainsi qu’ils sont tenus de le faire pour interjeter appel, la Chambre d’appel ne procédera pas à un examen de novo de leur argumentation. Elle examinera le raisonnement de la Chambre de première instance afin de déterminer si celle-ci a commis une erreur en se déclarant compétente pour juger les crimes sanctionnés par les articles 3 b), d) et e) et visés aux chefs 5, 6 et 7 de l’Acte d’accusation qui ont été commis dans le cadre d’un conflit armé interne.

2. Chef 5

16. Au chef 5 de l’Acte d’accusation, l’Accusation met en cause, en application de l’article 3 b) du Statut du Tribunal, les Appelants pour « [d]estruction sans motif de villes et de villages que ne justifient pas les exigences militaires » dans les municipalités de Zenica, Travnik et Vares26.

a) Conclusions de la Chambre de première instance

17. Pour se déclarer compétente pour juger les infractions alléguées au chef 5 de l’Acte d’accusation qui ont été commises dans le cadre d’un conflit armé interne, la Chambre de première instance a invoqué le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (le « Protocole additionnel II »)27. L’article 4 de ce Protocole proscrit le pillage, l’article 16 interdit l’endommagement de lieux consacrés à la religion et à d’autres usages spécifiques, et l’article  13 prévoit la protection générale de la population civile et des personnes civiles contre les opérations militaires. S’agissant de la protection générale prévue à l’article 13, la Chambre de première instance s’est reportée au Commentaire du Comité international de la Croix-Rouge (le « CICR »), selon lequel l’article 13 « se fond[e] sur les principes généraux de protection de la population civile, qui valent indépendamment du caractère international ou interne du conflit », principes parmi lesquels figurent celui de distinction et celui de proportionnalité. Selon la Chambre de première instance, ces principes signifient « qu’une attaque dirigée contre des maisons, écoles et autres bâtiments occupés par des civils est prohibée sauf si ces bâtiments sont devenus des objectifs militaires légitimes » et qu’ « [u]ne protection des biens de caractère civil peut donc dans certains cas être le corollaire nécessaire de la protection de la population civile »28. La Chambre de première instance a également évoqué la référence, faite dans le préambule du Protocole additionnel II, à la Clause Martens, et au principe fondamental selon lequel « pour les cas non prévus par le droit en vigueur, la personne humaine reste sous la sauvegarde des principes de l’humanité et des exigences de la conscience publique29 ».

18. Après avoir examiné ces dispositions du Protocole additionnel II, la Chambre de première instance s’est penchée sur les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale des Nations Unies. Dans la résolution 2444 (XXIII) du 19 décembre 1968 sur le respect des droits de l’homme dans le cadre des conflits armés et la résolution 2675 (XXV) du 9 décembre 1970 sur les principes fondamentaux touchant la protection des populations civiles en période de conflit armé, l’Assemblée générale des Nations Unies a affirmé l’applicabilité du principe de distinction à tous les conflits armés, qu’ils soient internationaux ou non internationaux. La Chambre de première instance a noté en particulier que le paragraphe 2 de la résolution 2675 (XXV) reconnaissait que « dans la conduite d’opérations militaires en période de conflit armé, une distinction doit toujours être faite entre les personnes qui prennent part activement aux hostilités et les populations civiles » et que le paragraphe 5 de ladite résolution posait en principe que « les habitations et autres installations qui ne sont utilisées que par les populations civiles ne seront pas l’objet d’opérations militaires »30.

19. La Chambre de première instance a également tenu compte de l’adoption par l’ex -Yougoslavie, en 1988, de règles sur l’application des lois internationales de la guerre par les forces armées de la RSFY31. Elle a fait observer que l’article 7 de ces règles indiquait expressément que les opérations de guerre doivent être dirigées exclusivement contre les forces armées et les installations militaires de l’ennemi, et que leurs articles 4 et 6 indiquaient que ce principe s’appliquait aux conflits armés internationaux et internes. De même, l’article 142 du code pénal de l’ex-Yougoslavie, énumérant les crimes de guerre contre la population civile, ne fait aucune distinction entre conflits armés internationaux et internes, et vise notamment « la confiscation et le pillage des biens de la population  » et les « destructions de biens sur une grande échelle que ne justifient pas les exigences militaires32 ».

20. La Chambre de première instance a également tenu compte de la position que le CICR a adoptée concernant l’applicabilité du droit international humanitaire dans un conflit armé interne en demandant aux parties au conflit armé en Angola, en juin 1944, de respecter ce corpus juridique et son interdiction d’attaquer les biens de caractère civil33.

21. Vu ces textes, la Chambre de première instance a conclu que les principes proclamés par l’Assemblée générale dans les résolutions susmentionnées constituaient des règles établies du droit international coutumier à cette date et qu’ils étaient plus généralement considérés comme une affirmation du droit coutumier34. Elle a également noté que la Cour internationale de Justice (la « CIJ ») avait, dans son Avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires du 8 juillet 1996, confirmé « l’existence de principes cardinaux contenus dans les textes formant le tissu du droit humanitaire, dont le premier, concernant la distinction entre les combattants et les non-combattants, vise à protéger la population civile et les biens de caractère civil » et confirmé que ces principes s’appliquaient aux conflits armés internationaux aussi bien qu’aux conflits armés non internationaux35. Elle a conclu que cet Avis de la CIJ entérinait aussi que la destruction sans motif de villes et de villages dans le cadre d’un conflit armé non international était prohibée par le droit international coutumier pendant la période visée par l’Acte d’accusation dressé contre les Appelants36.

22. Ayant conclu que l’article 3 b) du Statut du Tribunal reflétait le droit international coutumier applicable aux conflits armés internes, la Chambre de première instance a examiné si une violation de l’interdiction découlant de l’article 3 b) pouvait à l’époque des faits engager la responsabilité pénale individuelle d’une personne en cas de conflit armé interne. Au vu des décisions rendues précédemment par la Chambre d’appel, elle a répondu par l’affirmative37.

23. Enfin, la Chambre de première instance a conclu que, selon la jurisprudence du Tribunal, les éléments constitutifs de l’infraction visée à l’article 3 b), destruction sans motif opérée dans le cadre de conflits armés internationaux, étaient réunis lorsque : il y a destruction de biens sur une grande échelle ; la destruction n’est pas justifiée pas des exigences militaires ; et son auteur a agi avec l’intention de détruire les biens en question ou dans une indifférence totale aux conséquences de ses actes. La Chambre de première instance a aussi estimé « à titre provisoire  » que cela valait tant pour les conflits armés internationaux qu’internes38.

b) Arguments des Appelants

24. Les Appelants affirment que l’article 3 b) du Statut prend appui sur la Convention (IV) de La Haye de 1907, qui ne s’applique qu’aux situations de conflit armé international. Ils ajoutent que l’article 3 b) du Statut est inspiré de l’article 6 b) du Statut de Nuremberg et qu’en tant que tel, il renvoie aux violations commises dans des territoires occupés. Ils soutiennent que, la notion de territoire occupé étant étrangère aux conflits armés internes, l’interdiction qui sous-tend l’article 3 b) du Statut ne peut constituer une norme de droit international coutumier applicable aux situations de conflit armé interne, et que le Tribunal n’est donc pas compétent pour statuer sur le chef 5 de l’Acte d’accusation39.

25. Les Appelants affirment en outre qu’il ressort du paragraphe 44 de l’Acte d’accusation que la thèse de l’Accusation concernant le chef 5 était qu’il s’agissait d’un crime commis dans le cadre d’une attaque, ainsi que l’indique l’expression « durant leurs activités de combat40 ». Ils soutiennent qu’aucune règle de droit international humanitaire n’interdit un tel comportement en cas de conflit armé interne et que cette conclusion est étayée par le Commentaire du CICR sur l’article 14 du Protocole additionnel II, selon lequel « l’importance que revêt la protection juridique spécifique des biens indispensables à la survie de la population civile est d’autant plus grande que le Protocole II, à la différence du Protocole I, n’établit pas de protection générale des biens de caractère civil 41 ».

c) Analyse

26. Le texte de l’article 3 b) du Statut trouve son origine dans l’article 23 de la Convention (IV) de La Haye de 1907 et le Règlement qui y est annexé, et il est incontestable que ces deux instruments font partie intégrante du droit international coutumier42. Les notes de bas de page de la partie pertinente de la Décision attaquée indiquent que la Chambre de première instance a reconnu que ces conventions sont à l’origine, en droit coutumier, de l’interdiction de la destruction des villes et villages que ne justifient pas les exigences militaires dans le cadre de conflits armés internationaux43. Bien que cette interdiction trouve son origine dans les règles du droit international conventionnel applicables aux conflits armés internationaux, son affirmation en droit international coutumier et conventionnel montre qu’elle s’appliquait en droit international coutumier à l’époque des faits.

27. En concluant que l’interdiction qui sous-tend l’article 3 b) s’est imposée comme une règle de droit international coutumier dans le cadre des conflits armés internes, la Chambre de première instance a fait référence aux dispositions du Protocole additionnel II et aux résolutions de l’Assemblée générale interdisant les attaques contre les biens de caractère civil durant les conflits armés internes44. L’analyse de la Chambre de première instance est conforme à la jurisprudence du Tribunal international, qui a établi que la compétence découlant de l’article 3 du Statut incluait le droit international coutumier tel qu’il est consacré par le Règlement de La Haye, les Conventions de Genève et les parties des Protocoles additionnels dont il a été jugé qu’elles s’appliquaient aux situations de conflit armé international et interne45. L’analyse de la Chambre de première instance reflète la jurisprudence du Tribunal international pour qui la protection des civils et des biens de caractère civil contre les conséquences d’un conflit armé ne dépend pas du lieu où ceux-ci se trouvent ni du fait qu’ils se trouvent en territoire occupé46. La Chambre d’appel estime que la question qu’il convient de se poser est de savoir si les biens de caractère civil en cause bénéficiaient, à l’époque des faits, du statut de biens protégés selon les règles du droit coutumier applicables aux conflits armés.

28. Les biens de caractère civil bénéficient d’une protection générale qui impose de les distinguer des objectifs militaires et interdit de les attaquer. Il s’agit là de principes fondamentaux du droit humanitaire qui s’appliquent aux conflits armés tant internationaux qu’internes. Ces règles sont codifiées aux articles 48 et 52 2) du Protocole additionnel I, qui s’appliquent au conflit armé international et ont été adoptées par consensus47. Selon la CIJ, il s’agit de « principes cardinaux » du droit international humanitaire et de « principes intransgressibles » du droit international humanitaire coutumier 48. Le Tribunal international a examiné précédemment l’application de certains articles des Protocoles additionnels en tant que règles du droit international coutumier. Dans Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, la Chambre de première instance a jugé que les articles 51 et 52 du Protocole additionnel I et l’article 13 2) du Protocole additionnel II constituaient des règles du droit coutumier à l’époque des faits49. Dans Le Procureur c/ Strugar, la Chambre de première instance a confirmé le statut de règles du droit coutumier des principes interdisant les attaques contre des civils et les attaques illicites contre des biens de caractère civil énoncés aux articles 51 et 52 du Protocole additionnel I. Dans cette affaire, la Chambre d’appel a également rappelé les principes énoncés à l’article 13 du Protocole additionnel II qui s’appliquent au conflit armé interne, déclarant que ces articles des Protocoles additionnels étaient une « réaffirmation et une reformulation » des « normes du droit international coutumier qui proscrivent les attaques contre des civils et des biens de caractère civil50 ». En tant que tels, ces articles n’énoncent pas de nouveaux principes mais consacrent des principes anciens51. La Chambre d’appel a confirmé le statut de règles du droit coutumier des principes sous-jacents interdisant les attaques contre les civils et les attaques illicites contre les biens de caractère civil énoncés aux articles susmentionnés, et jugé que ces principes permettaient au Tribunal de connaître des infractions visées à l’article 3 du Statut52.

29. La destruction sans motif de villes et de villages sanctionnée par l’article 3 b) du Statut fait écho à l’interdiction en droit international coutumier des attaques illicites contre les biens de caractère civil, qui figure dans les règles du droit international conventionnel et coutumier applicables aux situations de conflit armé international et interne. Ce comportement étant proscrit par des règles du droit international coutumier applicables aux conflits armés internationaux et internes, la preuve d’une occupation de territoire n’est pas exigée. Les éléments constitutifs de ce crime ont été énoncés par les Chambres de première instance dans plusieurs affaires mais aucune n’a estimé que le caractère international du conflit armé constituait un de ces éléments53. La dévastation que ne justifient pas les exigences militaires sanctionnée par l’article b) du Statut fait écho à l’interdiction en droit international coutumier de détruire les biens de l’ennemi, sauf en cas de nécessité militaire impérieuse. Cette règle s’applique aux conflits armés internationaux et internes54.

30. La Chambre d’appel estime que l’interdiction conventionnelle de s’en prendre aux biens de caractère civil dans le cadre des conflits armés internes a acquis le statut de règle du droit international coutumier et qu’elle englobe « la destruction sans motif des villes et des villages que ne justifient pas les exigences militaires  » commise dans le cadre des conflits armés internationaux et internes. La Chambre d’appel estime en outre que les violations de cette disposition engagent, en droit international coutumier, la responsabilité pénale individuelle de leur auteur. Le CICR fait observer que cette interdiction figure dans de nombreux manuels militaires qui sont applicables ou ont été appliqués dans le cadre de conflits armés internationaux et internes55, et que de nombreux États ont adopté des lois incriminant toute attaque contre des biens de caractère civil, indépendamment de la nature du conflit56.

3. Chef 6

31. Au chef 6 de l’Acte d’accusation, il est reproché aux Appelants de s’être rendus coupables de « pillage de biens publics ou privés, une violation des lois ou coutumes de la guerre », punissable aux termes de l’article 3 e) du Statut57.

a) Conclusions de la Chambre de première instance

32. Pour déterminer si l’article 3 e) est une règle coutumière applicable aux conflits armés non internationaux, la Chambre de première instance s’est fondée sur la jurisprudence de ce Tribunal qui a établi que cette règle est de caractère coutumier et s’applique aux conflits armés internes. La Chambre de première instance s’est appuyée sur l’Arrêt Tadic relatif à la compétence dans lequel la Chambre d’appel a posé comme principe général le fait que les règles coutumières régissent les conflits non internationaux et garantissent la protection des biens de caractère civil. La Chambre de première instance a également renvoyé à des décisions antérieures rendues par le Tribunal dans lesquelles il est dit que le pillage enfreignait diverses normes du droit international humanitaire, y compris le Protocole additionnel II applicable aux conflits non internationaux, et que de telles normes relevaient du droit international coutumier. Sur la base de cette jurisprudence, la Chambre de première instance a conclu qu’à l’époque des faits, le pillage de biens publics ou privés constituait un crime en droit international coutumier58.

33. La Chambre de première instance a ensuite examiné si à l’époque des faits, cette infraction engageait en droit international coutumier la responsabilité pénale individuelle d’un accusé dans le cadre d’un conflit armé interne. La Chambre de première instance a estimé que tel était le cas vu les remarques générales formulées par la Chambre d’appel sur ce point59.

34. Enfin, la Chambre de première instance a examiné la jurisprudence du Tribunal dont il ressort que, dans le cadre de conflits armés internationaux, le pillage recouvre toutes les formes d’appropriation illégale de biens. Dès lors que l’article  3 e) interdit les actes de pillage commis par des soldats isolés dans leur propre intérêt et la confiscation organisée de biens opérée dans le cadre d’une exploitation systématique du territoire occupé, la Chambre de première instance a conclu, « à titre provisoire », que l’interdiction de ces actes était un principe applicable aux conflits armés tant internationaux qu’internes60.

b) Arguments des Appelants

35. Les Appelants font valoir que l’article 3 e) du Statut se fonde clairement sur la Convention de La Haye (IV) de 1907 et qu’il ne s’applique qu’en cas de conflit armés internationaux61. Ils soutiennent en outre que cet article s’inspire de l’article 6 b) du Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg et vise ainsi les infractions commises en territoire occupé. Les Appelants avancent que dans la mesure où la notion de territoire occupé est étrangère aux conflits armés internes, l’interdiction du « pillage de biens publics ou privés » visé à l’article 3 e) du Statut ne saurait être une norme du droit international coutumier applicable aux conflits armés internes. Aussi, concluent les Appelants, le Tribunal n’est-il pas compétent pour juger cette violation si elle est commise dans le cadre d’un conflit armé interne62.

36. De plus, les Appelants font valoir qu’au vu de l’expression « au cours de leurs activités de combat63 » figurant au paragraphe 44 de l’Acte d’accusation, l’Accusation considère le pillage comme un crime s’inscrivant dans le cadre d’une attaque. Ils ajoutent que l’article 4 2)  g) du Protocole additionnel II est la seule règle conventionnelle de droit international humanitaire qui interdit ce crime dans le cadre d’un conflit armé interne64.

c) Analyse

37. La Chambre d’appel rappelle qu’il ressort de la jurisprudence du Tribunal international que l’article 3 e) du Statut sanctionnant le pillage s’applique aux conflits armés internationaux et internes. Comme elle l’a dit précédemment, le pillage au sens de l’article 3 e) englobe « toutes les formes d’appropriation illégale de biens lors d’un conflit armé qui, en droit international, font naître la responsabilité pénale, y compris les actes traditionnellement décrits comme des actes de “pillage65». L’interdiction de l’appropriation illégale de biens trouve notamment son origine dans le droit conventionnel applicable aux conflits armés internationaux66 et internes67. Plusieurs règles de droit conventionnel considérées comme faisant partie du droit international coutumier proscrivent l’appropriation de biens. Les articles 28 et 47 du Règlement de La Haye interdisent le pillage en toutes circonstances dans le cadre d’un conflit armé international 68. L’article 4 du Protocole additionnel  II interdit en toutes circonstances les actes de pillage visant les personnes ne participant pas aux hostilités dans le cadre d’un conflit armé non international 69. Cet article reprend les garanties fondamentales consacrées par l’article 3 commun aux Conventions de Genève70. Ces garanties fondamentales sont de nature coutumière71 et s’appliquent dans le cas d’un conflit armé international et interne72. En conséquence, la Chambre d’appel estime que l’article 3 e) du Statut consacre une règle coutumière applicable à tous les conflits armés et ne se limitant pas à un territoire occupé73.

38. La Chambre d’appel est convaincue que la violation de l’interdiction du « pillage de biens publics ou privés » visé à l’article 3 e) du Statut engage, en droit coutumier, la responsabilité pénale individuelle de son auteur. Le CICR fait remarquer que l’interdiction du pillage est inscrite dans de nombreux manuels militaires et constitue une infraction dans la législation d’un grand nombre d’États74. Il ressort clairement de la jurisprudence du Tribunal international que le pillage engage la responsabilité pénale individuelle de son auteur. Ainsi, la Chambre de première instance Jelisic a déclaré l’accusé coupable, sur la base de l’article  3 e), d’avoir, de concert avec d’autres personnes, « volé de l’argent, des montres, [...] et d’autres objets de valeur appartenant aux détenus [...] [du] camp de Luka », et a considéré que « les actes individuels de pillage commis par des personnes mues par la cupidité pouvait engager la responsabilité pénale individuelle de [leurs] auteurs75 ». Dans l’affaire Celebici, la Chambre de première instance a conclu que « l’interdiction de l’appropriation arbitraire de biens ennemis, publics ou privés, est de portée générale et s’étend à la fois aux actes de pillage commis par des soldats isolés dans leur propre intérêt et à la saisie organisée de biens [...] [en] territoire occupé76  ». La même Chambre a également estimé que les actes de pillage pouvaient, sur la base de l’article 3 e), engager la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs 77. Dans l’affaire Blaskic et l’affaire Kordic et Cerkez, les accusés étaient mis en cause, sur la base de l’article 3 e) du Statut, pour avoir violé l’interdiction de se livrer à des pillages78. Si dans l’Arrêt Blaskic, la Chambre d’appel a annulé plusieurs déclarations de culpabilité prononcées à l’encontre de l’accusé pour pillage, c’est parce que les preuves présentées étaient insuffisantes et non parce que cette violation, si elle avait été établie, n’aurait pas engagé la responsabilité pénale individuelle de son auteur79. Dans l’Arrêt Kordic, la Chambre d’appel a confirmé la déclaration de culpabilité pour « pillage de biens publics ou privés, une violation des lois ou coutumes de la guerre » sanctionnée par l’article 3 e)80. La Chambre d’appel fait également observer que le Règlement portant application du droit international de la guerre aux forces armées adopté en 1988 par la République socialiste fédérative de Yougoslavie dispose que « [c]haque individu [...] est individuellement responsable de violations du droit de la guerre s’il commet lui-même une telle violation ou s’il donne l’ordre de le faire81  ». En vertu de ce Règlement, les règles internationales conventionnelles applicables englobent l’interdiction du pillage consacrée par le Règlement de La Haye, les Conventions de Genève et le Protocole additionnel II82.

4. Chef 7

39. Au chef 7 de l’Acte d’accusation, il est reproché aux Appelants de s’être rendus coupables de « destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, une violation des lois ou coutumes de la guerre sanctionnée par l’article 3 d) du Statut83.

a) Conclusions de la Chambre de première instance

40. Pour conclure qu’elle avait compétence pour se prononcer sur le chef 7 de l’Acte d’accusation, la Chambre de première instance s’est fondée sur l’Arrêt Tadic relatif à la compétence qui a reconnu que s’étaient imposées en droit coutumier des règles régissant les conflits armés internes qui garantissaient la protection des biens civils, et « en particulier les biens culturels84  ». Elle a à nouveau cité cet Arrêt, qui fait observer – sur la base de l’article 19 de la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (la « Convention de La Haye de 1954 ») – qu’« en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international […] chacune des parties au conflit sera tenue d’appliquer au moins les dispositions de la […] Convention qui ont trait au respect des biens culturels »85. La Chambre de première instance a considéré que, dans l’Arrêt Tadic relatif à la compétence, la Chambre d’appel avait établi que l’article 19 avait valeur de règle coutumière régissant les conflits armés internes86.

41. Se fondant sur l’Arrêt Tadic relatif à la compétence, la Chambre de première instance s’est dite convaincue que la violation de l’interdiction consacrée par l’article 3 d) du Statut engageait la responsabilité pénale individuelle de son auteur durant la période visée par l’Acte d’accusation en cas de conflit armé interne 87.

42. La Chambre de première instance a estimé que l’infraction visée à l’article  3 d) du Statut était constituée en cas de conflit armé international lorsque l’acte a été commis délibérément par l’accusé avec l’intention de détruire ou d’endommager des édifices consacrés à la religion qui ne sont pas utilisés à des fins militaires. La Chambre de première instance a ensuite conclu « à titre provisoire » que cette définition valait pour les conflits armés tant internationaux qu’internes88.

b) Arguments des Appelants

43. Les Appelants affirment que l’article 3 d) du Statut est inspiré de l’article  56 du Règlement de La Haye de 1907, qui porte sur des infractions commises en territoire occupé dans le cadre de conflits armés internationaux89. Les Appelants affirment par conséquent que l’article 3 d) du Statut ne peut être une norme du droit international coutumier applicable aux conflits armés internes et que le Tribunal international n’est pas compétent pour se prononcer sur ce chef d’accusation en cas de conflit armé interne90.

c) Analyse

44. La Chambre d’appel est convaincue que la Chambre de première instance a eu raison de conclure que sa compétence pour juger les infractions visées à l’article 3 d) du Statut s’étendait aux violations des règles du droit international coutumier garantissant la protection des biens culturels en cas de conflits armés tant internationaux qu’internes. Selon la jurisprudence du Tribunal international, la protection des biens culturels en droit international coutumier doit être assurée quelle que soit la nature du conflit armé.

45. La protection des biens culturels consacrée à l’article 3 d) du Statut trouve son origine dans les règles du droit international conventionnel et coutumier applicable aux conflits armés tant internationaux qu’internes. Comme les Appelants le font remarquer, l’article 3 reprend l’essentiel des articles 27 et 56 du Règlement de La Haye91. Cependant, comme on l’a noté plus haut, la portée des dispositions de l’article 3 du Statut susmentionnées n’est pas limitée par les conditions d’application de la convention dont elles sont tirées. Par conséquent, afin de déterminer l’étendue de la compétence du Tribunal international en ce qui concerne les infractions visées par l’article 3 d), il faut prendre en considération l’ensemble des protections offertes aux biens culturels dans cet article. La Chambre d’appel a fait remarquer que l’article 3 d) prévoyait deux types de protection pour les monuments culturels, historiques et religieux  : une générale et une spéciale92. La protection générale découle, entre autres, de l’article 52 du Protocole additionnel  I, et elle est offerte aux édifices et aux monuments, notamment aux écoles et aux lieux de culte, qui ne peuvent être détruits à moins qu’ils ne se soient transformés en un objectif militaire parce qu’ils offrent à l’assaillant un « avantage militaire précis » au moment de l’attaque93. La Chambre d’appel saisie de l’affaire Strugar a considéré que les principes énoncés à l’article 52 du Protocole additionnel I relevaient sans aucun doute du droit international coutumier94. Le CICR fait remarquer que la protection générale accordée aux biens culturels est consacrée dans de nombreux manuels militaires et qu’elle est réaffirmée par un grand nombre d’États dans leur législation95.

46. Une protection spéciale est accordée aux biens qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples. Cette protection découle de l’article 53 du Protocole additionnel I, aux termes duquel il est interdit de commettre tout acte d’hostilité contre trois catégories de biens : les monuments historiques, les œuvres d’art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples96. L’évolution du droit laisse penser que les biens culturels bénéficient d’une protection spéciale quelle que soit la nature du conflit armé. Fait important, la Convention de La Haye de 1954 garantit expressément la protection des biens culturels dans les conflits tant internationaux qu’internes97. La Chambre d’appel Tadic a fait remarquer quant à elle que l’article 19 de la Convention de La Haye de 1954, qui garantit la protection des biens culturels dans le cadre des conflits armés internes, relevait du droit international coutumier98. Le CICR fait observer que l’obligation de respecter et de protéger les biens culturels est inscrite dans quantité de manuels militaires, et que l’attaque dirigée contre les biens culturels est désormais incriminée dans la législation d’un grand nombre d’États99. Étant donné que la protection des biens culturels consacrée à l’article 3 d) du Statut est une règle coutumière dérivée du droit conventionnel, qui s’applique dans les conflits armés tant internationaux qu’internes, l’article 3 d) du Statut s’applique donc quel que soit le type de conflit armé. En outre, les infractions visées à l’article 3 d) ne doivent pas nécessairement avoir été commises en territoire occupé, le droit international coutumier en la matière s’appliquant en cas de conflit armé interne. Il convient aussi de noter que la Convention de La Haye de 1954 a été ratifiée par la Yougoslavie en 1956, et que la République de Croatie et la République de Bosnie-Herzégovine continuent de l’appliquer depuis leur déclaration d’indépendance100.

47. Dans l’Arrêt Tadic relatif à la compétence, la Chambre d’appel a conclu que l’interdiction de la destruction ou de l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, que sanctionne l’article 3 d) du Statut, s’appliquait aux conflits armés tant internationaux qu’internes101. La présente Chambre d’appel confirme cette conclusion.

48. La Chambre d’appel est convaincue que la violation de l’interdiction de « la destruction ou [de] l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion  » visée à l’article 3 d) du Statut engage, en droit coutumier, la responsabilité pénale individuelle de son auteur. Le Tribunal international a jugé des individus pénalement responsables d’infractions visées à l’article 3 d) en privilégiant des règles conventionnelles sous-jacentes qui s’appliquent aux conflits armés tant internationaux qu’internes102. La Chambre d’appel Strugar a jugé que ces règles conventionnelles sanctionnaient un principe fondamental du droit international humanitaire coutumier qui protège les biens culturels en temps de conflit armé et sur la base duquel la responsabilité pénale d’individus peut être mise en cause en cas de conflits armés tant internationaux qu’internes 103.

C. Caractère suffisant des éléments de preuve

49. Enfin, les Appelants affirment que la Chambre de première instance aurait dû conclure à l’insuffisance des preuves pour chaque chef et acquitter les Appelants sur cette base104. Le caractère suffisant ou non des éléments de preuve présentés par l’Accusation pour établir ces chefs n’est pas une question pour laquelle l’appel a été certifié.

IV. DISPOSITIF

50. Par ces motifs, la Chambre d’appel REJETTE l’Appel de la Défense.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre d’appel
_____________
Theodor Meron

Le 11 mars 2005
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Décision relative aux demandes d’acquittement introduites en vertu de l’article 98 bis du Règlement, 27 septembre 2004.
2. Décision relative à la demande de certification de l’appel de la Décision rendue en vertu de l’article 98 bis du Règlement, 26 octobre 2004 (la « Décision relative à la certification »).
3. Appel interlocutoire conjoint interjeté par la Défense contre la Décision de la Chambre de première instance relative aux demandes d’acquittement introduites par Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura en vertu de l’article 98 bis du Règlement, 2 novembre 2004, par. 1.
4. Décision relative à la certification, p. 8.
5. Le Procureur c/ Milorad Krnojelac, affaire n° IT-97-25-A, Arrêt, 17 septembre 2003, par. 10 à 18.
6. L’article 3, intitulé « Violations des lois ou coutumes de la guerre », est ainsi libellé :
Le Tribunal international est compétent pour poursuivre les personnes qui commettent des violations des lois ou coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées :
a) l’emploi d’armes toxiques ou d’autres armes conçues pour causer des souffrances inutiles ; b) la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires ; c) l’attaque ou le bombardement, par quelque moyen que ce soit, de villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus ; d) la saisie, la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à la bienfaisance et à l’enseignement, aux arts et aux sciences, à des monuments historiques, à des œuvres d’art et à des œuvres de caractère scientifique  ; e) le pillage de biens publics ou privés.
7. Appel de la Défense, par. 5, citant Le Procureur c/ Tadic, affaire n° IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995 («  l’Arrêt Tadic relatif à la compétence »), par. 94.
8. Appel de la Défense, par. 18 et 19.
9. Ibidem, par. 55.
10. Ibid., par. 56.
11. Ibid., par. 14.
12. Prosecution Response to Joint Defence Interlocutory Appeal of Trial Chamber Decision on Enver Hadzihasanovic and Amir Kubura’s Rule 98 bis Motions for Acquittal, 15 novembre 2004, par. 4.
13. Ibidem, par. 29.
14. Ibid., par. 30.
15. Ibid., par. 5.
16. Appel de la Défense, par. 45.
17. Le Procureur c/ Pavle Strugar et consorts, affaire n° IT-01-42-AR72, 22 novembre 2002, par. 13.
18. Appel de la Défense, par. 56.
19. Ibid., par. 50, 66, 72 et  78.
20. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 89 à 91 (évoquant le Rapport du Secrétaire général : « L’article 3 est considéré comme couvrant toutes les violations du droit international humanitaire autres que [celles qui sont couvertes par d’autres dispositions du Statut]. »)
21. Voir par. 5, supra.
22. Appel de la Défense, par. 25 à 29.
23. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 87 [non souligné dans l’original].
24. Règlement annexé à la Convention (IV) de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, 18 octobre 1907, 36 Stat. 2277, RT n° 539 (le « Règlement de La Haye »).
25. Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l’Axe, Annexe contenant le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, article 6, 8 août 1945, 59 Stat. 154, 82 UNTS 279 (le « Statut de Nuremberg »).
26. Le Procureur c/ Hadzihasanovic et Kubura, affaire n° IT-01-47-PT, Troisième Acte d’accusation modifié, 26 septembre 2003, par. 45.
27. UNTS n° 17513, vol. 1125, p. 609.
28. Décision attaquée, par. 98.
29. Ibidem.
30. Ibid., par. 99.
31. Ibid., par. 100.
32. Ibid., par. 100.
33. Ibid., par. 102.
34. Ibid., par. 103.
35. Ibid., par. 104 (citant l’Avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, CIJ, 8 juillet 1996, par. 78).
36. Ibid., par. 104.
37. Ibid., par. 105.
38. Ibid., par. 107.
39. Décision attaquée, par. 46 à 49.
40. Ibidem, par. 26 et 54.
41. Ibid., par. 53.
42. Voir Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 86.
43. Décision attaquée, par. 96, voir notes 179 et 180.
44. Ibidem, par. 98.
45. Le Procureur c/ Dario Kordic et Mario Cerkez, affaire n° IT-95-14/2-PT, Decision on the Joint Defense Motion to Dismiss the Amended Indictment for Lack of Jurisdiction Based on the Limited Jurisdictional Reach of Articles 2 and 3, 2 mars 1999 ; Le Procureur c/ Pavle Strugar, Miodrag Jokic et consorts, affaire n° IT0142PT, Décision relative à l’exception préjudicielle d’incompétence déposée par la Défense (première instance ), 7 juin 2002, par. 17 à 22 ; Le Procureur c/ Dragoljub Kunarac, affaires nos IT-96-23, IT-96-23/1, Jugement, 22 février 2001 ; Le Procureur c/ Pavle Strugar, Miodrag Jokic et consorts, affaire n° IT-01-42-PT, Décision relative à l’appel interlocutoire, 22 novembre 2002 (la « Décision Strugar relative à l’appel interlocutoire »).
46. Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-T, Jugement, 7 mai 1997, par. 615.
47. CDDH, Official Records, Vol. VI, CDDH/SR.41, 26 mai 1977, p. 161 (l’article 48 dispose qu’« en vue d’assurer le respect et la protection de la population civile et des biens de caractère civil, les Parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre [...] les biens de caractère civil et les objectifs militaires »).
48. Avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, CIJ, 8 juillet 1996, par. 78.
49. Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, affaire n° IT-95-14/2-PT, Decision on the Joint Defence Motion to Dismiss the Amended Indictment for Lack of Jurisdiction Based on the Limited Jurisdictional Reach of Articles 2 and 3, 2 mars 1999, par. 31 (disant : « Il suffit d’examiner ici [...] les articles 51 2) et 52 1) du Protocole additionnel I et l’article 13 2) du Protocole additionnel II. Ces dispositions visent les attaques illicites contre les civils et les biens de caractère civil et se fondent sur le droit de La Haye relatif à la conduite des hostilités, qui est considéré comme faisant partie intégrante du droit coutumier. Dans la mesure où ces dispositions des Protocoles additionnels font écho au Règlement de La Haye, on peut considérer qu’elles rendent compte du droit coutumier. Il est indéniable que l’interdiction générale de toute attaque contre la population civile et l’interdiction des attaques sans discrimination ou des attaques contre des biens de caractère civil constituent des obligations généralement acceptées. En conséquence, le caractère coutumier de ces dispositions spécifiques ne fait aucun doute, puisqu’elles rendent compte de principes fondamentaux du droit humanitaire qui peuvent être considérées comme s’appliquant à tous les conflits armés, que l’intention ait été de les appliquer aux conflits internationaux ou non internationaux. ») [Non souligné dans l’original.]
50. Le Procureur c/ Pavle Strugar, Miodrag Jokic et consorts, affaire n° IT-01-42-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle d’incompétence déposée par la Défense, 7 juillet 2002, par. 17 à 22 (la « Décision Strugar en première instance »).
51. Décision Strugar en première instance, par. 17 à 19. L’interdiction de diriger des attaques contre des biens de caractère civil figure dans d’autres instruments visant aussi les conflits armés non internationaux. Voir par exemple le Protocole d’accord sur l’application du droit international humanitaire entre la Croatie et la RSFY (27 novembre 1991) ( exigeant que les hostilités soient menées conformément aux articles 48 et 52 du Protocole additionnel I) et l’Accord d’application du droit international humanitaire entre les parties au conflit en Bosnie-Herzégovine (22 mai 1992) (idem).
52. Décision Strugar relative à l’appel interlocutoire, par. 9 et 13.
53. Voir, par exemple, Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, affaire n° IT-95-14-T, Jugement, 26 février 2001 (le «  Jugement Kordic »), par. 346 (déclarant que ces éléments sont réunis lorsque  : i) la destruction de biens est exécutée sur une grande échelle, ii) la destruction n’est pas justifiée par des exigences militaires, et iii) l’auteur a commis cet acte dans l’intention de détruire les biens en question, ou que ces biens ont été détruits par l’effet de son imprudence et du peu de cas qu’il faisait de leur destruction probable) ; confirmé par Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, affaire n° IT- 95-14/2-A, Arrêt, 17 décembre 2004 (l’« Arrêt Kordic »), par. 74 à 76.
54. Il s’agit d’une règle déjà ancienne du droit des conflits armés internationaux. Voir le Règlement de La Haye, article 23 g) (« Outre les prohibitions établies par des conventions spéciales, il est notamment interdit [...] de détruire ou de saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre »). L’étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier relève que « [c]ette règle figure dans des manuels militaires applicables ou appliqués dans le cadre de conflits armés non internationaux ». Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck (sous la dir. de), Customary International Humanitarian Law (Cambridge University Press, 2005), vol. 1, p. 28. Il existe une interdiction absolue de diriger des attaques contre des biens de caractère civil, à laquelle il ne peut être dérogé en raison d’exigences militaires. Voir, par exemple, Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, IT-95-14/2-A, Corrigendum à l’Arrêt du 17 décembre 2004, p. 2.
55. Customary International Humanitarian Law, vol. 1, p. 26, nos 6 à 8, p. 28, nos 21 et 22, p. 176, nos 25 et 26, p.  177, nos 30 et 31.
56. Ibid., p. 28.
57. Acte d’accusation, par. 45.
58. Décision attaquée, par. 125.
59. Ibidem, par. 126.
60. Décision attaquée, par. 128.
61. Appel de la Défense, par. 28.
62. Ibidem, par. 62.
63. Ibid., par. 67.
64. Ibid.
65. Arrêt Kordic, par. 79 [note de bas de page non reproduite] (renvoyant au Jugement Kordic, par. 352) ; voir aussi ibidem, par. 77 (où il est dit que « [l]es actes de pillage ( plunder), qui englobent selon la jurisprudence du Tribunal les actes de «  pillage », enfreignent diverses normes du droit international humanitaire ») (citant l’Arrêt Blaskic, par. 147 qui renvoyait au Jugement Celebici, par. 591).
66. Voir Arrêt Kordic, par.  77.
67. Voir article 4 2) g) du Protocole additionnel II.
68. L’article 28 dispose: « Il est interdit de livrer au pillage une ville ou localité même prise d’assaut. » ; l’article  47 dispose que « [l]e pillage est formellement interdit » en territoire occupé.
69. L’article 4 prévoit : « Toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu’elles soient ou non privées de liberté [...] 2) Sans préjudice du caractère général des dispositions qui précèdent, sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu à l’égard des personnes visées au paragraphe 1 : [...] g) le pillage. »
70. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 98.
71. Le Procureur c/ Kunarac et consorts, affaire n° IT-96-23 & IT-96-23/1-A, Arrêt, 12 juin 2002, par. 187 (« Il ressort clairement des débats relatifs au Statut qui ont eu lieu au Conseil de sécurité [...] [et de la] jurisprudence constante du Tribunal, que l’article 3 du Statut incorpore le droit international coutumier, et en particulier l’article 3 commun aux Conventions de Genève » [note de bas de page non reproduite]).
72. Le Procureur c/ Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-A, Arrêt, 20 février 2001, par. 420, note de bas de page  651 (citant la CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique) (fond), Arrêt du 27 juin  1986, Recueil 1986, vol. 14, par. 218 : « L’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 énonce certaines règles devant être appliquées dans les conflits armés ne présentant pas un caractère international. Il ne fait pas de doute que ces règles constituent aussi, en cas de conflits armés internationaux, un minimum indépendamment de celles, plus élaborées, qui viennent s’y ajouter pour de tels conflits ; il s’agit de règles, qui de l’avis de la Cour, correspondent à ce qu’elle a appelé en 1949 des “considérations élémentaires d’humanité”. »)
73. Arrêt Kordic, par. 78 selon lequel l’interdiction du pillage est générale et ne se limite pas aux seuls territoires occupés.
74. Customary International Humanitarian Law, vol. 1, p. 182.
75. Le Procureur c/ Jelisic, affaire n° IT-95-10-T, Jugement, 14 décembre 1999, par. 48 et 49.
76. Ibidem, par. 590.
77. Ibid., par. 590 à 594 ; voir aussi article 44 des Instructions de 1863 pour les armées en campagne des États -Unis d’Amérique, élaborées par Francis Lieber et intitulées à l’origine General Orders N° 100 Adjutant General’s Office 1863 (« [T]ous vol, pillage ou mise à sac [...] sont interdits sous peine de mort ou de toute autre peine grave proportionnée à la gravité de l’offense »).
78. Le Procureur c/ Blaskic, affaire n° IT-95-14-I, Deuxième acte d’accusation modifié, 25 avril 1997 ; Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, affaire n° IT-95-14/2-I, Acte d’accusation modifié, 30 septembre 1998.
79. Comparer Arrêt Blaskic, par. 304 et ibid., par. 573.
80. Arrêt Kordic, Dispositif.
81. Voir version originale et traduction anglaise dans M. Cherif Bassiouni et Peter Manikas, The Law of the International Criminal Tribunal For the Former Yugoslavia (Irvington-on-Hudson, New York, Transnational Publishers Inc., 1996), p. 658 et 659.
82. Ibidem, par. 652 à 657.
83. Acte d’accusation, par. 46.
84. Décision attaquée, par. 147.
85. Ibidem.
86. Ibid.
87. Ibid., par. 148.
88. Ibid., par. 149.
89. Appel de la Défense, par. 27.
90. Ibidem, par. 73 et 74.
91. Ibid., par. 27.
92. Arrêt Kordic, par. 89 et  90.
93. Ibidem, par. 89.
94. Décision Strugar relative à l’appel interlocutoire, par. 10 (« les principes qui proscrivent […] les attaques illégales contre des biens de caractère civil énoncés aux articles 51 et 52 du Protocole additionnel I et à l’article 13 du Protocole additionnel II relèvent du droit international coutumier »).
95. Customary International Humanitarian Law, vol. 1, p. 127 et 128.
96. Ibidem, par. 90.
97. Convention de La Haye de 1954, signée le 14 mai 1954, 249 UNTS 240. L’article 18.1 prévoit notamment que la Convention « s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes » ; l’article 19.1 est ainsi libellé : « En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes, chacune des parties au conflit sera tenue d’appliquer au moins les dispositions de la présente Convention qui ont trait au respect des biens culturels ».
98. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 98.
99. Customary International Humanitarian Law, vol. 1, p. 129.
100. Voir Jugement Kordic, par. 359.
101. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 86 (selon lequel « cette disposition est fondée sur la Convention de la Haye de 1907 (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, le Règlement d’application annexé à ladite Convention et l’interprétation de ce Règlement par le Tribunal de Nuremberg) ; ibidem, par. 87 (indiquant que « la Convention de La Haye [est] considérée comme du droit coutumier » applicable aux conflits armés internationaux) ; ibid., par. 98 (remarquant qu’une disposition du droit international coutumier qui s’applique dans les conflits armés non internationaux est l’article 19 de la Convention de La Haye de 1954, qui dispose qu’« [e]n cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes, chacune des parties au conflit sera tenue d’appliquer au moins les dispositions de la présente Convention qui ont trait au respect des biens culturels », respect qui s’entend de la protection et la sauvegarde des « biens […] immeubles, qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples, tels que les monuments d’architecture […], religieux ou laïques ». Voir articles 1, 2, 3, 4 et 19 de la Convention de La Haye de 1954 ) ; ibid., par. 127 (indiquant que la protection des biens culturels est l’une « des règles coutumières [qui] sont apparues pour régir les conflits internes  »).
102. Voir, par exemple, Jugement Kordic, par. 359 (qui fait une large place à la Convention de La Haye de 1954 ) ; Arrêt Kordic, par. 89 et 90 (qui se fonde sur les articles 52 et 53 du Protocole additionnel I).
103. Décision Strugar relative à l’appel interlocutoire, par. 10 et 14.
104. Arrêt Kordic, par. 29.