Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 12 décembre 2001.)

2 (Audience sur requête.)

3 (L'audience est ouverte à 15 heures 06, sous la présidence de M. le Juge

4 Schomburg.)

5 (Audience publique.)

6 M. le Président (interprétation): Je demande que l'on fasse entrer les

7 accusés.

8 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

9 Veuillez prendre place.

10 (Les accusés s'assoient.)

11 Mesdames, Messieurs, Bonjour. Je demande que l'on annonce l'affaire.

12 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Affaire IT-01-47-

13 PT, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic, Mehmed Alagic et Amir

14 Kubura.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

16 Avant tout, je souhaite vous présenter nos excuses à cause de ce report du

17 début de l'audience. Il y a eu un malentendu, mais heureusement nous

18 sommes réunis enfin ici. Pour ce qui est du fait que les parties se

19 trouvent face à la Chambre de première instance dans sa nouvelle

20 composition, permettez-moi de vous apporter les raisons pour lesquelles il

21 y a eu changement de composition.

22 Le 14 mars, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, de nouveaux

23 Juges ont été nommés à l'unanimité afin de commencer leur travail en tant

24 que Juges permanents sur la base d'un nouveau mandat, et ceci devait

25 commencer le 17 novembre de l'an 2002.

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1 Le Président, conformément au Règlement, a confié cette affaire à la

2 Chambre de première instance n°2. Les trois Juges de cette Chambre ont été

3 donc nommés comme Juges permanents de la Chambre de première instance n°2.

4 Madame la Juge Mumba restera Juge de la mise en état dans cette affaire.

5 Les deux nouveaux Juges sont, à ma gauche, le Juge Agius et, moi-même. Je

6 m'appelle Schomburg.

7 J'espère qu'il ne sera pas trop difficile pour les parties de s'habituer à

8 ces nouveaux noms et j'espère aussi que vous apprendrez à travailler avec

9 la Chambre dans sa nouvelle composition.

10 Je saisis l'occasion afin de vous inviter tous, bien que nos intérêts ne

11 soient pas les mêmes, que vos intérêts vous séparent par la nature des

12 choses, je vous invite donc à travailler dans un esprit de bonne

13 coopération et de confiance.

14 Ceci étant dit, je demanderai aux parties de se présenter, s'il vous

15 plaît? L'accusation?

16 M. Withopf (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, la

17 défense.

18 Devant l'accusation: Mme Jocelyne Bodson, Mme Cynthia Fairweather et moi-

19 même: Ekkehard Withopf.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

21 La défense peut-elle se présenter, s'il vous plaît? Je demanderai d'abord

22 aux conseils de M. Hadzihasanovic de se présenter.

23 Mme Residovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

24 les Juges, je suis Edina Residovic, avocate de Sarajevo. Je suis le

25 conseil du général Enver Hadzihasanovic. Je vous remercie.

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1 Mme Vidovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

2 les Juges, je suis Vasvija Vidovic, avocate de Sarajevo. Avec M. John

3 Jones, je représente ici le général Mehmed Alagic.

4 M. Ibrisimovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

5 les Juges, je suis Fahrudin Ibrisimovic, avocat de Sarajevo. Je représente

6 ici M. Kubura, ensemble avec M. Dixon qui est le deuxième conseil de la

7 défense pour M. Kubura.

8 M. le Président (interprétation): Merci.

9 C'est la première audience où les accusés sont tous présents. J'aimerais

10 identifier les accusés. Je vous prie d'excuser les erreurs de

11 prononciation dans vos noms.

12 Monsieur Hadzihasanovic, pourriez-vous, s'il vous plaît, vous mettre

13 debout? Je vous remercie.

14 (L'accusé, le général Enver Hadzihasanovic se lève.)

15 Monsieur Alagic, je vous remercie.

16 (L'accusé, le général Mehmed Alagic se lève.)

17 Monsieur Kubura, je vous remercie.

18 (L'accusé, le colonel Amir Kubura se lève.)

19 Monsieur Hadzihasanovic, Monsieur Alagic, Monsieur Kubura, il s'agit d'un

20 procès qui vous concerne. Vous n'êtes pas des objets de ce procès, vous

21 êtes des sujets à part entière de ces procédures. A tout moment,

22 conformément au Règlement, vous avez la possibilité de vous adresser

23 directement à la Chambre. Bien entendu, votre droit est également de

24 garder le silence si tel est votre choix. Il est de mon devoir de vous

25 informer que, compte tenu de ce droit qui est le vôtre, je dois vous

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1 mettre en garde en vous disant que toute déclaration de votre part peut

2 être utilisée à votre charge. L'avez-vous compris?

3 M. Hadzihasanovic (interprétation): Oui.

4 M. Alagic (interprétation): Oui.

5 M. Kubura (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Très bien.

7 Qui plus est, je me sens obligé de vous informer, pour ce qui est de

8 l'autre volet de ce point, que la pratique des tribunaux pénaux de par le

9 monde est que toute coopération de votre part avec la Chambre jouera en

10 votre faveur.

11 Cela est vrai également pour ce qui est de la décision au sujet de votre

12 mise en liberté provisoire. Je me réfère ici à une requête de M.

13 Krajisnik, requête de mise en liberté provisoire. Le paragraphe a été cité

14 par le Juge. Vos conseils vous indiqueront quelle est la meilleure

15 attitude à adopter afin de défendre de la meilleure façon qui soit vos

16 intérêts.

17 Je m'adresse à présent aux représentants de la Bosnie-Herzégovine.

18 Pourriez-vous vous présenter, s'il vous plaît?

19 L'interprète: les représentants de Bosnie-Herzégovine sont hors micro.

20 M. Dzihanovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

21 les Juges, Shabaz Dzihanovic, adjoint du ministre fédéral de la Justice,

22 représentant officiel du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, chargé de

23 répondre à la demande du Tribunal pénal international de La Haye afin

24 d'assister à la présente audience.

25 M. Limov (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

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1 Juges, Tomislav Limov, adjoint du ministre des Affaires intérieures de la

2 Fédération de Bosnie-Herzégovine, représentant officiel du gouvernement de

3 la Fédération, chargé d'assister à l'audience d'aujourd'hui.

4 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

5 Je tiens à souligner à quel point la Chambre vous sait gré d'avoir accepté

6 de vous rendre présents ici, bien qu'ayant été prévenus tardivement. Et je

7 vous remercie de vous montrer prêts à coopérer avec le TPI sur la base de

8 vos engagements face aux Nations Unies.

9 Nous avons été saisis de nombreuses requêtes qui s'accompagnent d'annexes.

10 Je vous prie de considérer que les trois Juges ont étudié de manière

11 approfondie ces documents et en ont pris connaissance de manière

12 détaillée.

13 Par conséquent, je vous demanderai de ne pas répéter lors de vos arguments

14 oraux ce qui a déjà été exposé dans vos mémoires.

15 Ce qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont uniquement les requêtes au

16 sujet de la mise en liberté provisoire, à savoir la demande conformément à

17 l'Article 65. Je demanderai aux parties de se limiter à cela dans leurs

18 prises de parole. Nous nous situons ici dans le cadre de l'application de

19 l'Article 65, bien entendu.

20 Essayons d'aborder le vif du sujet dès le début. Je demanderai aux parties

21 de tenir compte du fait que la Chambre n'a toujours pas pris sa décision

22 et que nous prendrons en considération vos arguments qui n'ont pas encore

23 été exposés. Je vous demanderai de nous présenter vos arguments de manière

24 structurée.

25 Tout d'abord, la question qui se pose est la question de la base

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1 factuelle, donc de la remise volontaire des accusés au Tribunal. Ceci est

2 contesté ou a été contesté par l'accusation.

3 Je demanderai aux deux parties de prendre la parole de la manière la plus

4 concrète qui soit.

5 S'agit-il d'une extradition ou d'un acte délibéré, volontaire par exemple,

6 conformément à l'Article 66, ou s'agit-il d'une arrestation volontaire où

7 la force n'a pas dû être utilisée, où les accusés se sont rendus de leur

8 propre gré à l'Unité de détention? J'aimerais entendre des exposés

9 factuels sur ce point.

10 Nous devons également nous pencher sur le principe de la proportionnalité.

11 Bien entendu, toute mesure juridique doit être proportionnelle. Il s'agit

12 d'une mesure connue dans le droit international. Ces mesures doivent être

13 prises compte tenu de l'objectif recherché. Lorsqu'une mesure plus souple

14 peut être appliquée, c'est celle-là qui s'impose.

15 Concrètement, nous ne devrions pas nous demander si la détention est

16 adéquate, mais nous devons passer à l'étape suivante, à savoir est-il

17 nécessaire que les trois accusés demeurent à La Haye ou, au contraire,

18 avons-nous des garanties suffisantes pour que ces accusés puissent partir

19 et qu'ils se rendront à La Haye immédiatement sur demande du Tribunal?

20 Donc avons-nous des garanties de la part des accusés, du Gouvernement, de

21 l'Etat de Bosnie-Herzégovine? Ici, nous devrons aborder les détails de

22 l'affaire. Et quelles seraient les mesures nécessaires afin de protéger

23 les moyens de preuve? Donc nous avons ici la proportionnalité au sens

24 strict du terme.

25 Puis une question qui appelle une réponse, qui est que nous devrions

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1 entendre vos arguments, vos arguments à l'appui et s'opposant à la prise

2 de cette mesure par la Chambre.

3 Je demanderai donc aux parties d'aborder la question des garanties, ce qui

4 est dans l'intérêt de cette Chambre, à savoir d'étudier les mesures qui

5 seraient plus favorables que la détention, la détention qui se

6 poursuivrait à La Haye. Je demanderai donc en particulier aux conseils de

7 la défense de se prononcer là-dessus.

8 Permettez-moi d'aborder de manière très brève aussi quelques autres

9 aspects, à savoir l'assignation à domicile pour éviter qu'il y ait une

10 menace quelle qu'elle soit qui pèserait sur les moyens de preuve? Comment

11 peut-on garantir que les accusés n'auront pas la possibilité d'endommager,

12 d'une manière quelle qu'elle soit, les documents officiels qui ont déjà

13 été identifiés comme moyens de preuve probants dans cette affaire?

14 Nous avons prévu un ordre du jour très bref pour le déroulé de cette

15 audience. Je demanderai aux conseils de ne pas prendre la parole pendant

16 plus d'un quart d'heure. Je demanderai aussi au Bureau du Procureur de ne

17 pas parler pendant plus de 30 minutes, les représentants de la Bosnie-

18 Herzégovine 15 minutes, les conseils de la défense 5 minutes chacun pour

19 répondre.

20 A la fin de cette première période, je suis prêt à entendre les accusés

21 puisqu'il n'y a aucun doute que leur droit veut qu'ils prennent la parole,

22 que je leur donnerai pendant 10 minutes chacun. Bien entendu, vous n'êtes

23 pas obligés d'utiliser tout le temps qui vous est imparti.

24 Enfin, permettez-moi de souligner, et ceci en m'adressant tout

25 particulièrement à nos amis venus de Bosnie-Herzégovine, de souligner donc

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1 qu'à tout moment, nous pouvons passer à huis clos sur demande de chacune

2 des parties. Mais le huis clos doit constituer une exception et non pas la

3 règle. C'est la raison pour laquelle la Chambre de première instance vous

4 invite à argumenter votre requête.

5 Un tout dernier point: nombre de documents ont été déposés en tant que

6 documents confidentiels afin de faciliter nos travaux. La Chambre abordera

7 toutes les requêtes dont elle a été saisie jusqu'à présent au sujet de la

8 mise en liberté provisoire en tant que documents qui ne sont plus

9 confidentiels.

10 L'accusation a-t-elle une objection?

11 M. Withopf (interprétation): L'accusation n'a pas d'objection.

12 M. le Président (interprétation): La défense?

13 Mme Residovic (interprétation): Oui.

14 M. le Président (interprétation): Merci.

15 Nous sommes donc d'accord sur le fait qu'à partir de maintenant, toutes

16 les requêtes dont nous avons été saisis au sujet de la mise en liberté

17 provisoire ne seront plus considérées comme documents confidentiels.

18 Essayons d'aborder à présent notre ordre du jour comme cela a été prévu.

19 Je demanderai à la défense de prendre la parole. Peut-être que le mieux

20 serait de procéder par ordre alphabétique.

21 Le conseil pour M. Alagic, je vous prie de prendre la parole.

22 Mme Vidovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

23 les Juges, en essayant d'économiser le temps qui est à notre disposition,

24 j'essaierai de ne pas m'étendre. Nous avons déjà souligné un certain

25 nombre de points dans nos mémoires écrits. Très brièvement, j'essaierai

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1 d'argumenter mon point de vue, à savoir que je considère que les

2 dispositions prévues à l'Article 65 du Règlement sont réunies, donc nous

3 permettant de mettre en liberté provisoire M. Alagic. Je considère que

4 nous avons présenté suffisamment d'arguments à la faveur de cette mise en

5 liberté provisoire.

6 J'estime, à l'opposé, que le Procureur n'a présenté aucune raison valable

7 empêchant la Chambre de faire droit à notre demande. Permettez-moi de

8 commencer par citer votre suggestion, à savoir qu'il nous faut aborder les

9 circonstances entourant la remise volontaire de l'accusé au Tribunal.

10 Puisque le Procureur conteste cela, conteste sa remise à la disposition du

11 Tribunal, conteste la nature volontaire de cela, nous nous sommes penchés

12 de manière très attentive sur les circonstances qui entourent cette mise à

13 la disposition du Tribunal, et vous avez pu voir dans la réponse du

14 Procureur à notre requête une lettre rédigée par M. Graham Blewitt

15 adressée au Dr Lagumdzija, à savoir le Président du Conseil des ministres

16 de Bosnie-Herzégovine. Ceci figure à l'annexe 2 de la réponse du

17 Procureur. Il découle de cette lettre que le Procureur n'a pas rappelé au

18 gouvernement la possibilité que nos clients pouvaient se remettre à la

19 disposition du Tribunal de leur plein gré. Seul le délai de huit jours

20 pour leur arrestation a été l'élément communiqué au gouvernement. C'est la

21 raison pour laquelle le gouvernement ignorait toute autre possibilité.

22 Mon client s'est donc retrouvé privé de toute possibilité de se remettre

23 de son plein gré au Tribunal, ce qui ressort de la déclaration de Rifat

24 Culjevic qui figure à l'annexe 8 de nos écritures, où il est déclaré de

25 manière tout à fait claire que, puisque c'était la personne qui est la

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1 première entrée en contact avec le général Alagic afin que son

2 transfèrement à La Haye ait lieu, il ressort donc, disais-je, très

3 clairement que le général Alagic en estimant qu'il devait prendre contact

4 avec la cour suprême de Bosnie-Herzégovine, très clairement qu'il a

5 exprimé dans l'immédiat ses regrets de ne pas avoir été informé autrement

6 de ces possibilités ou plutôt de la possibilité de se remettre de son

7 plein gré au Tribunal.

8 Et cela ressort de manière encore plus précise d'une note officielle du

9 Président de la Cour suprême, à savoir de M. Adamovic, d'où il ressort que

10 M. Alagic s'est adressé à lui avec une déclaration écrite dans laquelle il

11 demande de se remettre de son plein gré au Tribunal, et où il dit

12 également qu'il ne souhaite pas être arrêté.

13 La Cour suprême de Bosnie-Herzégovine a accepté cela, a annulé la mise en

14 détention provisoire aux fins d'extradition et a considéré à partir de ce

15 moment-là que M. Alagic se remettait de son plein gré au Tribunal.

16 La question des circonstances de l'arrestation se pose, quant à elle,

17 l'arrestation conduite par le Procureur du Tribunal. Là encore, mon client

18 n'avait aucun moyen d'agir de quelque manière que ce soit.

19 Je vais tout simplement faire brièvement un appel qui est le suivant: le

20 Procureur dit que celui qui s'est remis bénévolement, c'est tout

21 simplement celui à l'égard duquel il n'y avait pas une menace qui existait

22 ou une pression exercée selon laquelle il allait être arrêté.

23 Par conséquent, si le Procureur considère la chose de cette manière-là, à

24 ce moment-là, il n'y a aucune personne qui ait été accusée par le Tribunal

25 qui se serait remise volontairement, car il y a toujours un mandat

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1 d'arrestation avec l'Acte d'accusation. Et si un tel mandat existe, et si

2 on met l'Acte d'accusation à la connaissance de la personne en question,

3 ceci est une pression également déjà exercée. C'est la raison pour

4 laquelle je considère que le Procureur…, par conséquent, cette attitude ne

5 tient pas debout.

6 D'un autre côté, je voudrais également dire quelque chose au sujet des

7 garanties du gouvernement. Je ne pense pas qu'il est indispensable

8 également de vous lire la conclusion du gouvernement, parce que c'est

9 l'annexe n°14 de notre réponse à l'attitude exprimée par le Procureur.

10 Le gouvernement, donc, a énuméré toutes les mesures qu'il va pouvoir

11 entreprendre. Il a également soumis une garantie par écrit et il va

12 respecter toutes les ordonnances qui vont être délivrées par le Tribunal à

13 son égard, ceci pour assurer la présence de l'accusé et toute autre

14 condition également et pour respecter l'ordonnance du Président du

15 Tribunal.

16 Ensuite, j'aimerais souligner, tout particulièrement en ce qui concerne la

17 coopération de la Fédération… du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, que

18 ce cas également doit être séparé de toute autre coopération d'autres

19 gouvernements avec le Tribunal. Car depuis la mise en place du Tribunal de

20 La Haye en 1994, le Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine -à

21 cette époque-là, c'était la République et ensuite la Fédération de Bosnie-

22 Herzégovine- a coopéré depuis le début avec le Tribunal. Et toujours, il a

23 respecté toute requête, toute ordonnance du Tribunal.

24 A la fin de 1995 et début 1996, il a arrêté les personnes qui se

25 trouvaient sur son territoire et sur l'ordonnance de ce Tribunal. Il a

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1 permis également au Procureur, et dans le cas concret également, d'avoir

2 un accès libre aux archives, y compris des archives du Président de

3 Bosnie-Herzégovine de l'époque. C'est la raison pour laquelle il ne faut

4 certainement pas mettre en doute la volonté du gouvernement de Bosnie-

5 Herzégovine de se conformer à toute ordonnance délivrée par le Tribunal

6 et, par conséquent, si cette ordonnance est envoyée par différence au

7 Gouvernement de la Republika Srpska et de Yougoslavie, etc.

8 Par ailleurs, Alagic également a prêté serment. Il se porte garant

9 également qu'il allait apparaître devant ce Tribunal. Il a également dit

10 sa disposition d'accepter toutes les conditions concernant la garantie et

11 de coopérer avec le gouvernement.

12 Par ailleurs, j'aimerais rajouter également que M. Alagic est un homme qui

13 a un âge avancé; sa santé est assez détériorée, ce que nous avons

14 également prouvé dans les annexes. Il a un appartement à Sanski Most. Il

15 n'a strictement rien. Et même s'il voulait, il ne pourrait partir nulle

16 part. Il n'a que son nom, et que ce qu'il souhaite défendre. Dans Bosanska

17 Krajina, son nom signifie quelque chose, et c'est la raison pour laquelle

18 il veut apparaître ici et défendre son nom.

19 Il s'agit d'une personne dont la garantie pourrait être acceptée, car je

20 pense effectivement que ceci peut être accepté. Il se porte garant

21 également de ne pas constituer un danger pour les victimes, si jamais il

22 est remis en liberté.

23 Par ailleurs, je tiens à souligner que dans le cas où il est remis en

24 liberté, il va habiter à Sanski Most, c'est Bosanska Krajina, c'est assez

25 éloigné de Bosnie centrale où des crimes ont eu lieu.

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1 Son séjour à Bosanska Krajina ne peut aucunement, en aucune manière

2 provoquer l'inquiétude auprès des victimes ou des témoins éventuels, étant

3 donné qu'il n'y a pas de crime qui ont été commis dans cet endroit-là. Il

4 a été déjà limité dans sa circulation en Bosnie-Herzégovine, à l'époque.

5 En d'autres termes, M. Alagic, au cours de l'appel qui a été interjeté

6 auprès de la cour de Bosnie-Herzégovine, et ceci à propos d'un autre

7 crime, son passeport lui a été confisqué. Même s'il voulait quitter le

8 territoire en ce moment, ceci ne lui serait pas possible. C'est la raison

9 pour laquelle je suis d'avis que le général Alagic, même s'il le voulait,

10 ne pourrait pas quitter le territoire et c'est la raison pour laquelle on

11 peut accepter sa garantie qu'il nous offre.

12 Par ailleurs, j'aimerais également faire un autre commentaire au sujet de

13 l'attitude du Procureur.

14 Le Procureur, dans sa réponse à notre requête de remise en liberté

15 provisoire, a exprimé l'attitude que, vu la position qu'Alagic occupait

16 -il a été le maire de Sanski Most-, il a une très grande influence, il

17 peut influencer les témoins, et on pourrait en conclure qu'il pourrait

18 également avoir accès de manière beaucoup plus facile aux documents,

19 documents qui éventuellement pourraient être utilisés dans notre affaire.

20 Ce que je tiens à dire, c'est qu'en Bosnie-Herzégovine, il y a un an à peu

21 près, il y a eu des élections qui ont eu lieu et que le parti dont M.

22 Alagic était membre a perdu les élections, que ce parti n'a aucune

23 influence politique en Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, un tel argument

24 du Procureur ne tient pas debout, n'est pas justifié.

25 Même s'il avait une certaine influence, son influence est limitée

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1 uniquement à la région de Sanski Most où il a été maire, donc ceci

2 concerne également Bosanska Krajina.

3 Je voudrais maintenant me référer à un autre fait qui a été exprimé par le

4 Procureur.

5 Le Procureur prétend que M. Alagic a été incriminé pour les actes

6 criminels très graves. Mais lui, d'après moi, il n'a pas été incriminé

7 pour le génocide, ni pour les crimes contre l'humanité, ni parce qu'il

8 avait ordonné, planifié, encouragé ou incité à commettre des actes

9 criminels. Par ailleurs, il a été incriminé pour des lacunes et défauts,

10 omissions donc de sanctionner les crimes, ce qui est le niveau le plus bas

11 au point de vue de la gravité des actes criminels connus.

12 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, Madame. Je ne voudrais pas

13 vous interrompre. Nous avons lu toutes les annexes, c'est tout ce que vous

14 nous avez soumis. Il s'agit donc d'une question théorique.

15 Mais moi, j'aimerais vous poser une question tout à fait concrète, si vous

16 me le permettez: c'est au sujet de quelque chose que vous venez de dire.

17 Vous avez dit que son passeport a été confisqué. Nous l'avons également

18 trouvé dans votre annexe datée du 10 octobre 2001 et dans cette annexe, il

19 est marqué justement que le passeport a été confisqué en octobre 1999 et

20 que ceci a été fait par la direction de la police à Sanski Most, sur la

21 base du rapport du Tribunal municipal de Sanski Most.

22 Auriez-vous l'amabilité de nous donner des motifs et des raisons de cela?

23 Mme Vidovic (interprétation): Il y a une procédure pénale qui est intentée

24 à l'encontre de M. Alagic à cause de l'abus de sa position officielle et

25 de son autorité, c'est la raison pour laquelle on lui a confisqué le

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1 passeport en Bosnie-Herzégovine; il doit donc rester en Bosnie-

2 Herzégovine.

3 M. le Président (interprétation): Mais est-ce que je vous comprends

4 parfaitement bien, Maître? Est-ce que vous voulez dire que cette procédure

5 pénale est encore en cours? Est-ce que vous voulez dire que, de votre

6 point de vue, c'est le Tribunal qui a la priorité dans de tels cas?

7 Mme Vidovic (interprétation): Oui. Dans de tels cas, on accorde la

8 priorité au Tribunal mais la procédure pénale est encore en cours.

9 (Les Juges se concertent sur le siège.)

10 M. le Président (interprétation): Entendu. Nous allons examiner de manière

11 détaillée cette annexe et je ne peux que vous remercier très sincèrement

12 d'avoir attiré notre attention là-dessus.

13 Donc le passeport diplomatique également lui a été retiré temporairement

14 en 1991. Est-ce que vous pouvez nous dire également quelque chose de plus

15 à ce sujet-là?

16 Mme Vidovic (interprétation): Mais vous pensez donc à l'affaire qui est en

17 cours en Bosnie-Herzégovine? Eh bien, le général Alagic, au cours de la

18 période qui s'est écoulée, je pense, entre 1995 et 1996 -je ne suis pas

19 tout à fait sûr, sur ces faits-, il a donc exercé la fonction de maire à

20 Sanski Most. Donc, en se référant à cette fonction qu'il avait exercée, il

21 y avait une enquête qui avait été menée et puis un premier jugement a été

22 rendu parce qu'il avait abusé de son autorité et de sa position de maire.

23 M. le Président (interprétation): Pourrais-je vous demander, s'il vous

24 plaît, de poursuivre et surtout de nous dire où on est dans cette affaire?

25 Est-ce qu'il y avait eu le jugement, est-ce qu'il y a eu un appel?

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1 Mme Vidovic (interprétation): Par conséquent, il y a un jugement qui a été

2 rendu -quatre ans de peine- et il y a l'appel qui a été interjeté. Nous

3 attendons très rapidement, également, l'audience en appel.

4 M. le Président (interprétation): En d'autres termes, si je vous

5 comprends, Maître, il s'agit d'un jugement par contumace, non?

6 Mme Vidovic (interprétation): Oui. Ce premier jugement a été rendu pendant

7 que le général Alagic était encore en liberté. Et notre code pénal permet

8 que l'arrêt soit rendu par contumace avec la présence, bien évidemment, du

9 conseil de la défense.

10 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez éventuellement des

11 arguments quelque peu plus concrets en ce qui concerne la situation

12 actuelle de votre client, par exemple quand il s'agit d'assignation à

13 domicile, quand il s'agit de caution? Est-ce que vous pourriez nous donner

14 un peu plus de précisions? Quelle est la situation familiale de votre

15 client aujourd'hui même, par exemple? Vous nous avez déjà dit qu'il serait

16 à notre disposition, qu'il allait donc vivre chez lui; il s'agit de la

17 maison ou de l'appartement, peu importe. Il a déjà vécu pendant un certain

18 moment, je pense, dans son appartement?

19 Mme Vidovic (interprétation): Oui, effectivement, c'est un appartement.

20 C'est avec son épouse Viska et avec leur fils adoptif qui fait des études

21 économiques à Sarajevo, avec lesquels il vit dans cet appartement. Il a la

22 responsabilité de sa famille, et il continuerait à vivre avec sa famille.

23 Il était en cours, justement, de demander la retraite au moment où il a

24 été envoyé au Tribunal et normalement, il resterait dans l'appartement

25 avec sa famille.

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1 Et je pense qu'il accepterait, justement, de continuer à vivre dans son

2 appartement, donc d'être assigné à domicile. Il n'a pas d'autres moyens

3 pour aller ailleurs, il n'a pas d'argent pour payer la caution.

4 M. le Président (interprétation): Maintenant, je vais demander au conseil

5 de Hadzihasanovic de bien vouloir nous présenter ses commentaires.

6 Mme Residovic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur

7 et Madame les Juges.

8 Je vais également m'en tenir, comme ma consœur Vidovic, à quelques

9 arguments concernant notre requête de la remise en liberté qui a été

10 soumise sous forme écrite le 16 novembre, et sur la base également de la

11 réponse du Procureur du 11 décembre.

12 Nous avons remis à la Chambre de nombreux documents, et c'est la raison

13 pour laquelle je ne vais pas commenter les documents que nous avons déjà

14 remis à la Chambre d'instance.

15 En revanche, j'aimerais attirer l'attention des Juges sur un certain

16 nombre d'autres points. Et là, je me réfère à ce que vous avez dit,

17 Monsieur le Président, c'est que nous devions avoir à l'esprit notamment,

18 dans le cas concret, la nécessité d'assurer des mesures appropriées et en

19 vertu de l'Article 65, à savoir que le général Hadzihasanovic allait

20 répondre à chaque appel du Tribunal et que s'il est mis en liberté

21 provisoire, il ne représentera pas un danger pour les victimes, pour les

22 témoins ou pour toute autre personne.

23 Je suis d'avis que ce Tribunal dans ses décisions, et que cette Chambre le

24 fera également, par des normes internationales du droit de l'accusé -le

25 Statut du Tribunal également le stipule-, et notre position que nous avons

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1 présentée sous forme écrite, c'est que la détention avant le début de

2 l'affaire devrait être une mesure exceptionnelle, et que le Tribunal

3 devrait donner la possibilité à l'accusé de présenter les arguments qui

4 allaient convaincre la Chambre que même s'il est remis en liberté, ceci ne

5 représentera pas un empêchement ou un obstacle pour l'application de la

6 justice.

7 Par la suite, en ce qui concerne les arguments complémentaires, nous

8 allons y procéder mais il faudrait également attirer l'attention sur le

9 rapport du général Hadzihasanovic devant ce Tribunal.

10 Le général Hadzihasanovic s'est remis à la disposition du Tribunal

11 volontairement, et au moment où il a appris pour la première fois, auprès

12 de l'organe compétent, qu'il y avait un Acte d'accusation qui avait été

13 établie par ce Tribunal. Le Procureur, en revanche, a une position

14 totalement différente.

15 Ma consœur Vidovic avait présenté comment M. Alagic avait appris que

16 l'Acte d'accusation existait. Et dans le dossier, il y a une déclaration

17 officielle du ministère de l'Intérieur qui a été en charge d'apprendre au

18 général Hadzihasanovic l'existence de l'Acte d'accusation. Et cette

19 déclaration a donc été donnée le 2 août 1992 par la personne qui, pour la

20 première fois en civil, pas comme policier, s'est approchée du général

21 Hadzihasanovic; et vous pouvez constater que c'est à l'instant même que le

22 général Hadzihasanovic a dit à cette personne qu'il n'avait absolument pas

23 besoin que la police l'en informe, que de toute façon il avait toujours

24 répondu à chaque appel du Tribunal et que si on lui avait donné la chance,

25 une heure ou une journée, que lui-même il serait venu tout seul à La Haye.

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1 Je pense que la Chambre d'instance doit effectivement tenir compte de

2 cette attitude. On peut en conclure, de ce fait, que dès qu'il avait donc

3 accueilli ces gens-là qui lui ont appris l'existence de l'Acte

4 d'accusation, il est tout de suite allé en détention, à l'Unité de

5 détention, d'extradition.

6 C'est la raison pour laquelle nous contestons l'attitude du Procureur qui

7 dit que le général Hadzihasanovic a attendu le 3 août, et qu'une fois

8 qu'il avait donc été mis en unité de détention, d'extradition, avait

9 exprimé le souhait de se remettre volontairement.

10 Je pense qu'il avait montré une volonté d'une manière tout à fait claire,

11 explicite, et ceci auprès des autorités du Gouvernement de Bosnie-

12 Herzégovine.

13 Par la suite, je tiens également à souligner la lettre du Procureur

14 adjoint qui n'a pas laissé la possibilité au gouvernement de la Fédération

15 de donner une seule journée à mon client pour se rendre à La Haye. Ceci a

16 rendu possible au gouvernement tout simplement d'arrêter les accusés, de

17 les remettre ou, s'ils ne le faisaient pas en huit jours, à ce moment-là

18 c'est la Sfor qui aurait entrepris cette arrestation.

19 Il n'est peut-être pas tout à fait approprié que de le dire, Monsieur le

20 Président, mais je vais le dire quand même: quand, la première fois, mon

21 client est apparu devant la Chambre, j'ai soulevé ce fait au Procureur

22 Carla Del Ponte. Car je considérais qu'à partir du moment où un Etat

23 coopère de manière excellente avec le Tribunal, et mon client également

24 qui à plusieurs reprises avait coopéré avec le Tribunal, a mérité donc

25 qu'il se rende tout seul ici à La Haye, que qui que ce soit ne devait pas

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1 véritablement le remettre.

2 Par ailleurs, je tiens à souligner également que notre client a rencontré,

3 donc, les représentants de la Cour suprême; ils ont compris qu'il voulait

4 se rendre volontairement à La Haye et c'est accompagnés de leur client

5 qu'ils sont arrivés pour se remettre au Tribunal. Ce sont les faits, et je

6 les souligne.

7 Pourquoi faut-il donc faire confiance au gouvernement de la Fédération et

8 que le gouvernement de la Fédération mette en application toutes les

9 ordonnances du Tribunal? Je pense que j'en ai parlé dans mes documents

10 écrits et il ne faut pas que je les répète. Je pense que mon confrère

11 Vidovic en a parlé suffisamment.

12 Mais je considère qu'il est indispensable, véritablement, de faire

13 confiance à la garantie, à la garantie de mon client le général

14 Hadzihasanovic car il s'agit d'une personne qui, depuis 1996, quand

15 beaucoup ne voulaient même pas reconnaître ce Tribunal et encore moins

16 coopérer, il avait été en contact à plusieurs reprises et il a donné deux

17 déclarations. Même s'il a eu un accident de circulation et il a été blessé

18 grièvement, il a été cité dans l'affaire Blaskic. Il a donc été cité en

19 tant que témoin et ensuite, il avait également été cité dans l'affaire

20 Krstic.

21 Par conséquent, quelqu'un qui, de cette manière-là, avait exprimé son

22 attitude qui était très claire à l'égard du Tribunal, n'avait aucune

23 chance véritablement de se porter volontaire et d'exprimer cette volonté

24 que de venir devant le Tribunal à la première personne officielle qui est

25 apparue devant lui. C'est la raison pour laquelle je considère que le

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1 général Hadzihasanovic s'est remis, par conséquent, volontairement et il

2 n'y avait pas une autre chance d'agir autrement que de la manière dont il

3 a réagi.

4 Pour ce qui concerne donc maintenant le poids accordé aux garanties qui

5 éventuellement peuvent être données, je pense que vous pouvez les chercher

6 dans tous les éléments que nous avons cités dans nos documents. Et d'un

7 autre côté, vous devez avoir en compte également que la Cour européenne

8 pour les Droits de l'homme avait constaté que s'il y a une seule raison

9 pour laquelle on maintiendrait en détention quelqu'un parce qu'il y a une

10 crainte qu'éventuellement il partirait, à ce moment-là il est

11 indispensable que de le remettre en liberté.

12 Donc c'est M. Letellier que j'ai cité. C'est la raison pour laquelle il

13 est indispensable, à mon avis, de faire confiance à ce que le gouvernement

14 de la Fédération de Bosnie-Herzégovine avait déjà précisé.

15 Ma collègue Vidovic a mentionné également comment l'arrestation a été

16 organisée; en ce qui concerne donc les conditions des enquêtes en Bosnie-

17 Herzégovine, la documentation également du Tribunal et les généraux

18 égarements qui ont témoigné par sub poena. Tout ceci sont les faits donc

19 et les arguments qu'il faut prendre en considération.

20 C'est la raison pour laquelle, une fois de plus, je considère qu'il est

21 indispensable de faire confiance au général. Sa famille, son épouse, ses

22 enfants également vous ont donné des garanties sous serment. Il n'est pas

23 facile que d'envoyer son époux et son père au Tribunal mais, de toute

24 façon, ils ont dit qu'il allait l'appuyer chaque fois qu'il allait être

25 appelé par le Tribunal pour apparaître.

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1 Dans les annexes que nous vous avons remises, nous avons également signalé

2 que le général Hadzihasanovic est à la retraite et que sa retraite

3 représente 533 deutschemarks. Par conséquent, avec ces moyens il ne peut

4 pas véritablement permettre la vie normale à sa famille, encore moins

5 quitter le pays. C'est la raison pour laquelle nous considérons que c'est

6 une garantie pure et simple. Il a un appartement de 78 mètres carrés; il

7 habite cet appartement depuis bien longtemps avec sa famille à Sarajevo,

8 et depuis des années il n'a pas quitté cet appartement, il n'a même pas

9 l'intention d'ailleurs de le quitter. Je considère, par ailleurs, que ceci

10 est également un argument, un argument qui doit vous convaincre que ce

11 sont les garanties qui sont suffisantes et qu'elles corroborent notre

12 proposition d'apporter la décision de la mise en liberté de mon client.

13 En guise de conclusion, vous avez dit que nous pourrions dire également,

14 éventuellement, quelques autres avancées, quelques autres éléments

15 complémentaires.

16 En ce qui concerne la résidence, assignation à domicile, moi je n'en ai

17 pas parlé avec mon client mais de toute façon, il habiterait dans son

18 appartement de 78 mètres carrés avec les membres de sa famille; c'est

19 probablement le lieu où il peut rester.

20 En ce qui concerne la deuxième condition, la deuxième condition pour

21 laquelle également nous avons donné suffisamment d'arguments -si mon

22 client allait ou non influencer les victimes, s'il constituerait un danger

23 pour qui que ce soit-, je pense que ce que le Procureur nous suggère qu'il

24 y a la possibilité, ça ne suffit pas, ça ne justifie donc pas la demande.

25 Le Tribunal, par conséquent, peut également…. La jurisprudence du TPI est

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1 claire, par conséquent, et je pense que ma collègue Vidovic également en a

2 déjà parlé. Il y a des victimes d'un côté, et qui ne parlent pas du tout

3 du général Hadzihasanovic; ils ne le connaissent même pas. Par conséquent,

4 il ne peut pas influencer d'une manière ou d'une autre les victimes. D'un

5 autre côté, il y a des hommes officiels qui se trouvent dans le monde; il

6 n'a aucune possibilité de les influencer. Même s'il le voulait,

7 d'ailleurs, il ne le pourrait pas parce qu'il s'agit de personnes sur

8 lesquelles on ne peut pas influencer une influence. D'un autre côté, il

9 habite Sarajevo et loin de Bosnie centrale où les événements ont eu lieu.

10 D'un autre côté, même, d'ailleurs la position du Tribunal dans l'affaire

11 Brdjanin voulait dire que même si on habitait à côté, ça ne pouvait pas

12 être une raison pour garder quelqu'un en prison.

13 Et enfin, pour ce qui concerne les droits de mon client, je me dois de

14 dire que les préparatifs seront beaucoup plus rapides. L'économie

15 également sera plus importante pour le Tribunal, et puis les allées et

16 venues également des conseils n'auront pas lieu. Nous serons beaucoup plus

17 efficaces également dans nos préparatifs, comme je l'ai dit, du procès.

18 Monsieur le Président, tous les faits que je viens d'évoquer sont une base

19 suffisante pour que vous puissiez prendre une décision et satisfaire à

20 notre demande.

21 M. le Président (interprétation): Une question supplémentaire, Maître: y

22 a-t-il un procès en cours en Bosnie-Herzégovine au sujet de votre client?

23 Mme Residovic (interprétation): Non. Mon client n'a jamais été condamné

24 pour quelque acte que ce soit. Aucune procédure n'est en cours à son

25 encontre.

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1 M. le Président (interprétation): Jusqu'à une certaine mesure, je

2 m'associe à ce que vous venez de dire, à votre point de vue. Pour ce qui

3 est de la question des intérêts des témoins et des victimes, il s'agit des

4 droits et des intérêts concrets et ils ne devraient pas être considérés

5 sous un aspect abstrait. Mais qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que

6 votre client n'aura pas accès aux documents officiels et que ceci ne

7 pourrait pas porter préjudice à l'exercice de la justice, puisque votre

8 client est un général à la retraite?

9 Mme Residovic (interprétation): Vous venez de dire que mon client est un

10 général à la retraite, et l'accès aux documents ne lui est pas aussi

11 facile qu'on pourrait l'imaginer. Comme vous le savez très bien,

12 l'ensemble des archives de Bosnie-Herzégovine ont été accessibles au

13 Procureur, donc je ne vois pas un seul document qui pourrait se retrouver

14 en la possession de mon client sans qu'il ait été communiqué à la défense

15 comme élément de preuve afin que nous nous préparions pour défendre notre

16 client. Je dois néanmoins vous assurer que mon client ne cherchera

17 absolument pas à se procurer ces documents, que le gouvernement ne lui

18 permettra pas d'accéder à ces documents, et je pense que ces deux

19 affirmations sont des garanties suffisantes.

20 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous formuler ces

21 garanties par écrit?

22 Mme Residovic (interprétation): Mon client peut vous communiquer une

23 garantie supplémentaire par écrit affirmant qu'il n'aura aucun accès aux

24 documents intéressant cette affaire mis à part, bien entendu, les

25 documents qu'il peut étudier en ma compagnie, en ma compagnie en tant que

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1 son conseil, et qui sont nécessaires à sa défense.

2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de m'avoir répondu de

3 manière aussi claire.

4 Nous savons, bien entendu, que votre client a coopéré d'une manière que je

5 qualifierais d'excellente avec le Bureau du Procureur. Qu'en est-il de son

6 attitude future au sujet de la coopération? Il faut tenir compte du fait

7 qu'il se trouve aujourd'hui dans une position qui est totalement

8 différente, puisqu'il est amené à défendre en tant qu'accusé devant ce

9 Tribunal.

10 Mme Residovic (interprétation): Nous avons informé par écrit le Procureur

11 que mon client ne souhaite pas utiliser aujourd'hui son droit de faire une

12 déclaration au Procureur. Aujourd'hui, il est prématuré pour que je puisse

13 vous donner une réponse plus ample à ce sujet, donc au sujet de la

14 préparation de la défense. Je ne voudrais pas préjuger de ses droits.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

16 Puis-je à présent m'adresser aux représentants de l'Etat de Bosnie-

17 Herzégovine?

18 Comme prévu, nous devons continuer à entendre les conseils de la défense;

19 veuillez m'excuser.

20 M. Ibrisimovic (interprétation): Monsieur le Président, la défense de M.

21 Kubura maintient dans sa totalité sa requête aux fins de la mise en

22 liberté provisoire; nous maintenons également les arguments qui sont

23 exposés dans nos écritures.

24 La question qui se pose, à notre avis, est de savoir si M. Kubura s'est

25 remis de son plein gré au Tribunal ou non.

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1 D'après l'accusation, M. Kubura a été arrêté par les autorités de Bosnie-

2 Herzégovine et par la suite, conformément au Règlement, il a été transféré

3 au Tribunal. Néanmoins, la défense de M. Kubura ne peut appuyer ni

4 approuver cette position, à savoir: tout ce que M. Kubura a entrepris à

5 partir du moment où il a appris qu'il faisait l'objet d'un Acte

6 d'accusation devant ce Tribunal, tous ses actes montrent qu'il souhaitait

7 se rendre volontairement au Tribunal.

8 Un fait important à citer: il se trouvait en vacances dans un état voisin

9 avec sa famille, mais il a interrompu sur-le-champ ses vacances et il est

10 revenu de Croatie, donc, à l'invitation des autorités de Bosnie-

11 Herzégovine; il est revenu dans son pays. C'est là qu'il a été mis au

12 courant de la situation, à savoir du fait qu'une procédure a été lancé

13 contre lui par ce Tribunal. On lui a remis un document par la Cour suprême

14 de Bosnie-Herzégovine, et par la suite il a été mis en détention aux fins

15 d'extradition. Dès le lendemain, il a fait part de son intention de se

16 remettre de son plein gré au Tribunal et de partir à La Haye.

17 Permettez-moi d'ajouter que, d'aucune manière, M. Kubura ne s'est vu

18 offrir la possibilité -que ce soit de la part autorités de Bosnie-

19 Herzégovine ou de la part du Tribunal- de s'exprimer sur ce point, à

20 savoir d'exprimer sa volonté de se rendre de son plein gré au Tribunal.

21 En fait, l'arrestation s'est produite conformément au code pénal de la

22 Fédération de Bosnie-Herzégovine, conformément aux dispositions des

23 articles 69 à 72 du code pénal. Donc au moment où cette détention a été

24 arrêtée conformément au code pénal de la fédération de Bosnie-Herzégovine,

25 le fait de nommer des conseils est devenu obligatoire pour M. Kubura,

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1 comme cela aurait été le cas à l'intention de quelque individu que ce

2 soit.

3 Cependant, ses droits n'ont pas été communiqués à M. Kubura. Il n'a pas pu

4 entrer en contact avec des conseils de son choix ou nommés d'office, qui

5 lui auraient indiqué la possibilité de se rendre de son plein gré au

6 Tribunal. Donc ses droits fondamentaux ont été violés.

7 Ses premiers contacts avec ses conseils ont eu lieu par la suite, et c'est

8 dès le premier instant qu'il leur a indiqué sa volonté de se rendre de son

9 plein gré au Tribunal de La Haye. Donc tout laisse entendre, et tout les

10 faits concordent pour nous montrer que M. Kubura était prêt à se rendre de

11 son plein gré à La Haye; aucun de ses actes ne nous montre le contraire,

12 donc une obstruction, que ce soient des demandes des autorités de Bosnie-

13 Herzégovine ou des instructions du Bureau du Procureur.

14 Le représentant du ministère des Affaires intérieures de la Fédération,

15 d'ailleurs, peut confirmer qu'il s'agit d'une remise de son plein gré de

16 la part de M. Kubura et que la position du Procureur est donc infondée.

17 Monsieur Kubura a donc été arrêté deux fois par les autorités de Bosnie-

18 Herzégovine donc la deuxième arrestation a été rendue superflue par ce

19 fait, et cela est exprimé de manière tout à fait claire dans la réponse

20 fournie par l'accusation.

21 Je tiens à souligner tout particulièrement que des omissions éventuelles

22 de la part des autorités bosniaques ayant donc négligé la possibilité

23 d'informer M. Kubura de la possibilité de se rendre volontairement au

24 Tribunal ne peuvent pas aggraver la position de M. Kubura puisqu'il

25 n'avait pas la possibilité de faire part de sa volonté. Dès qu'il a eu

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1 cette possibilité, il s'est exprimé de manière tout à fait claire sans

2 qu'il y ait une pression quelle qu'elle soit aux fins d'arrestation, et il

3 s'est montré prêt à comparaître de son plein gré devant ce Tribunal.

4 Nous demandons par conséquent à la Chambre de reconnaître que notre client

5 s'est rendu de son plein gré au Tribunal et qu'il n'y a pas lieu

6 d'accepter la position de l'accusation.

7 Pour ce qui est des mesures de mise en liberté provisoire de M. Kubura,

8 nous ne sommes pas en position de savoir si le gouvernement remplira ses

9 obligations ou non –nous avons ici les représentants du gouvernement qui

10 pourront s'exprimer là-dessus-, mais M. Kubura a signé sa déclaration et

11 il déclare qu'il respectera toutes les mesures qui seront demandées par le

12 gouvernement en cas de sa mise en liberté provisoire, ainsi que toutes les

13 instructions du Tribunal en ce sens.

14 Je ne voudrais pas répéter ce qu'ont déjà déclaré mes collègues Me

15 Residovic et Me Vidovic. L'attitude des autorités de Bosnie-Herzégovine

16 est tout à fait claire. Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine coopère avec

17 ce Tribunal depuis le tout début, je pense que le gouvernement respectera

18 ses obligations. Et si le gouvernement s'est comporté de manière adéquate

19 pendant l'arrestation de M. Kubura, il n'y a aucune raison de croire qu'il

20 ne respectera pas toutes les garanties qu'il a émises.

21 Pour ce qui est de la situation familiale de M Kubura, il a trois enfants

22 de 5, 10 et 11 ans, trois enfants mineurs. Son épouse n'a pas de travail,

23 est au chômage. Il n'a même pas un appartement, il n'a donc même pas

24 résolu ses problèmes de logement. Je dois dire que sa détention à La Haye

25 rend sa situation encore plus difficile.

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1 S'agissant de son influence éventuelle sur les victimes et les témoins, ce

2 qui a été mentionné ici, je m'associe à ce que vient de dire Me Residovic:

3 cette menace devrait être concrète et non pas abstraite.

4 Notre client a séjourné jusqu'à présent dans cette zone, mais rien ne

5 laisse entendre qu'il ait cherché un contact quel qu'il soit avec qui que

6 ce soit parmi les témoins, donc rien ne nous permet de penser qu'il

7 chercherait à influer sur les témoins qui comparaîtront éventuellement au

8 cours de ce procès. D'ailleurs, je pense que le Tribunal et le Bureau du

9 Procureur sont en contact permanent avec les témoins et il me semble que

10 des mesures appropriées peuvent être prises, que ce soit de la part du

11 gouvernement ou de la part du Tribunal, le cas échéant, si le besoin été.

12 D'ailleurs, comme pour tout accusé, M. Kubura peut être soumis à une

13 période d'épreuve et nous verrons bien, nous jugerons d'après le

14 comportement de l'accusé s'il est prêt à se conformer à toutes les

15 décisions du Tribunal et à toutes les mesures des autorités prévues par

16 les garanties.

17 Je vous remercie.

18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je vous poserai la

19 même question au sujet de votre client, à savoir: fait-il l'objet d'un

20 procès?

21 M. Ibrisimovic (interprétation): Aucun procès n'a été en cours à

22 l'encontre de mon client jusqu'à présent en Bosnie-Herzégovine. Il n'a

23 jamais fait l'objet d'aucune procédure quelle qu'elle soit; c'est la

24 première fois qu'il se trouve dans la position de l'accusé.

25 M. le Président (interprétation): Bien entendu, la situation concernant

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1 son logement ne devrait pas porter préjudice à sa mise en liberté

2 provisoire mais vous nous avez dit dans votre requête qu'il ne pourrait

3 plus rester dans son appartement, qu'il cherchait un autre appartement.

4 Est-ce que cela a été résolu?

5 M. Ibrisimovic (interprétation): Il me semble que sa nouvelle adresse

6 figure déjà dans nos requêtes; je peux la fournir à la Chambre si cela est

7 nécessaire. Mais il n'a pas pu racheter le nouvel appartement, donc il ne

8 s'agit pas d'une solution définitive.

9 M. le Président (interprétation): Un point supplémentaire: quelle est

10 votre position au sujet de l'assignation à résidence et au sujet d'une

11 caution?

12 Il y a une certaine garantie. Y a-t-il des garanties que votre client ne

13 cherchera pas à se procurer des documents officiels concernant cette

14 affaire?

15 M. Ibrisimovic (interprétation): Mon client fera une déclaration affirmant

16 qu'il ne cherchera pas à consulter des documents ou à avoir accès aux

17 documents d'une manière qui pourrait entraver les intérêts de la justice

18 et la conduite de cette procédure. Il a une fonction au sein de l'armée de

19 Bosnie-Herzégovine; il a été suspendu de ses fonctions; il n'a aucun accès

20 aux archives, il n'a même plus la possibilité de se rendre à son lieu de

21 travail, même si la mise en liberté provisoire lui était accordée.

22 M. le Président (interprétation): Merci. Il me semble que le moment est

23 venu de m'adresser aux représentants de la Bosnie-Herzégovine. Je vous

24 prie de venir un petit peu plus près pour que nous puissions communiquer

25 directement. Vous agissez ici en tant qu'amici curiae. Qui souhaite

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1 prendre la parole le premier?

2 Monsieur Limov? Je vous en prie.

3 M. Dzihanovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

4 les Juges, au sujet des généraux Hadzihasanovic, Alagic et du colonel

5 Kubura, en tant que représentant du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,

6 et en tant qu'adjoint du ministre fédéral de la Justice, permettez-moi de

7 faire la déclaration suivante.

8 La coopération du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine et la coopération du

9 Gouvernement de la Fédération sont nécessaires. Les deux gouvernements

10 jusqu'à présent, ainsi que dans cette affaire, ont confirmé leur volonté

11 de coopérer avec le Tribunal pénal international, en particulier pour ce

12 qui est de la partie de la tâche qui leur incombe, ainsi que la partie de

13 la tâche qui incombe à la cour suprême de Bosnie-Herzégovine. Ces

14 instances se sont acquittées de leur devoir sans hésitation aucune. Nous

15 l'avons fait afin d'assurer que ce procès puisse se dérouler devant le

16 Tribunal de La Haye.

17 Par la suite, conformément aux demandes des conseils de la défense des

18 trois co-accusés, le 8 octobre de l'an 2001, le Gouvernement de la

19 Fédération a adopté la conclusion suivante, à savoir que, dans un esprit

20 de coopération avec le Tribunal de La Haye, le gouvernement est prêt à

21 répondre à toute demande de comparution devant lui et de s'acquitter de

22 toute tâche qui lui incombe dans ce cadre-là.

23 Le Gouvernement de la Fédération a montré sa volonté de faire une

24 déclaration devant le Tribunal au sujet des garanties à fournir au sujet

25 des conditions demandées par le TPI pour des personnes accusées de crime

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1 de guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, et nous avons ici les

2 trois accusés.

3 Les conseils de la défense se sont de nouveau adressé au Gouvernement de

4 la Fédération le 6 décembre dernier afin de demander des mesures

5 détaillées que le Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine

6 prendrait ou serait prêt à prendre. Et cela concerne les trois coaccusés.

7 Lors d'une réunion du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, en date du 10

8 décembre de l'an 2001, il a été pris la conclusion suivante:

9 -premièrement, le Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, au

10 cas où une décision serait prise aux fins de la mise en liberté provisoire

11 des coaccusés, accorderait des garanties pour chacun des coaccusés. Elle

12 s'assurerait que les représentants des ministères compétents escorteraient

13 l'accusé jusqu'à Sarajevo et que, de la même manière, une escorte serait

14 prévue pour son arrivée au Tribunal. Les individus concernés seraient donc

15 remis entre les mains des autorités locales;

16 -deuxièmement, pendant le séjour des coaccusés sur le territoire de

17 Bosnie-Herzégovine, les instances compétentes prendront les mesures et les

18 activités suivantes: assureront pendant la durée du procès que Mehmed

19 Alagic, Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura séjournent sur le territoire

20 de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. A leur arrivée à Sarajevo, ils

21 remettront leurs passeports au Tribunal compétent de Sarajevo. Une fois

22 par mois, ils se présenteront à la police dans leur lieu de résidence. Le

23 ministère de l'Intérieur, en collaboration avec les autorités du canton,

24 les autorités compétentes du canton, ainsi que du lieu de résidence de

25 l'accusé, vérifieront les conditions du séjour des coaccusés. En cas de

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1 tentative de fuite, en cas d'une éventuelle tentative de fuite, les

2 organes compétents du ministère de l'Intérieur interpelleront les

3 coaccusés. Ils séjourneront à des adresses dont sera informé le Tribunal.

4 En cas de changement d'adresse, le Tribunal en sera informé également.

5 Nous nous assurerons qu'il n'y ait aucun contact avec les témoins de

6 l'accusation ou des victimes. Nous nous assurerons qu'ils ne prennent pas

7 la parole publiquement ou par l'intermédiaire des médias au sujet de leurs

8 Actes d'accusation.

9 Les organes compétents du gouvernement se conformeront à toutes les

10 ordonnances éventuelles délivrées par ce Tribunal.

11 Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine s'engage à faire, au moins une fois

12 par mois, rédaction d'un rapport qui sera communiqué à ce Tribunal pour

13 que les coaccusés en affirmant que les co-accusés respectent les mesures

14 prises.

15 Nous nous engageons à communiquer à la Chambre de première instance toute

16 infraction de ces règles ou de ces obligations de la part des coaccusés,

17 ainsi que leur conformation à ces mesures.

18 J'en ai terminé. Je vous remercie.

19 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

20 Puis-je entendre à présent les commentaires de la part de votre collègue?

21 M. Limov (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

22 Juges, je vous remercie de m'avoir accordé la parole.

23 Permettez-moi de compléter les propos de mon collègue pour ce qui concerne

24 la police. Il ressort des mesures, qui sont au nombre de 13, que la police

25 joue un rôle tout particulier, à savoir qu'elle assume les responsabilités

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1 toutes particulières dans la mise en oeuvre de ces mesures si le Tribunal

2 faisait droit à la requête de mise en liberté provisoire de ces coaccusés.

3 Je ne me permettrais pas de revenir encore une fois sur ces mesures mais,

4 conformément à la décision du Premier ministre de la Fédération, qui a

5 organisé une réunion de travail hier avec les ministres compétents du

6 canton de Sarajevo, de Zenica-Doboj et du troisième canton concerné, nous

7 avons procédé à toutes les consultations nécessaires, conformément aux

8 instructions du Gouvernement de la Fédération.

9 Si le Tribunal devait décider la mise en liberté provisoire des généraux

10 Hadzihasanovic, Alagic ainsi que du colonel Kubura, le ministère de

11 l'Intérieur de la Fédération est prêt à exécuter toutes les ordonnances du

12 Tribunal qui relève de ses compétentes.

13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

14 Le premier point qui doit être soulevé est: au cas où la Chambre de

15 première instance décidait d'accorder cette mise en liberté provisoire,

16 mais demanderait des mesures et des garanties encore plus importantes, le

17 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine serait-il disposé à exécuter des ordres

18 qui seraient, par exemple, de nature à restreindre le séjour, le lieu de

19 séjour, de résidence des coaccusés, en demandant que les co-accusés

20 restent à Sarajevo? Est-ce que cela serait faisable à votre avis, même si

21 on en viendrait à envisager l'assignation à résidence?

22 M. Limov (interprétation): Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

23 autrement dit les ministères compétents, serait tout à fait disposé à

24 exécuter ou à mettre en oeuvre toutes les demandes du Tribunal.

25 M. le Président (interprétation): Je suppose que vous seriez prêt à nous

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1 fournir cette réponse par écrit?

2 M. Limov (interprétation): Oui.

3 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

4 Je souhaite à présent m'adresser au représentant du ministère de la

5 Justice en lui posant la question clef à mon sens.

6 Nous sommes au courant du fait que l'un des coaccusés fait l'objet d'une

7 procédure, d'un procès. Quelle est votre position à ce sujet, donc au

8 sujet de la relation entre ces procès en cours? Pourriez-vous nous

9 répondre de manière un peu plus précise au sujet des allégations ou des

10 chefs d'accusation dans cette affaire.

11 M. Dzihanovic (interprétation): En ce qui concerne le procès qui est en

12 cours devant le Tribunal national -nous l'avons déjà appris par les

13 avocats de la défense-, le Gouvernement de la Fédération ainsi que les

14 tribunaux de Bosnie-Herzégovine accordent la priorité à ce Tribunal.

15 En ce qui concerne le contenu également de l'Acte d'accusation, je me dois

16 de vous avouer ici que je ne suis pas tout à fait au courant des chefs

17 d'accusation, étant donné que le ministère de la Justice n'a pas

18 d'ingérence en ce qui concerne les procédures qui sont devant les

19 tribunaux, qui sont totalement indépendantes. Mais si c'est indispensable,

20 bien évidemment, nous pouvons demander que le Tribunal compétent informe

21 ce Tribunal de tous les détails de la procédure en cours.

22 M. le Président (interprétation): Eh bien, malheureusement, quand on parle

23 des garanties et quand il y a cette éventualité de faire droit aux

24 garanties, à ce moment-là, il nous faut être très précis. Moi, je

25 considère effectivement que ce serait la responsabilité de l'Etat de

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1 Bosnie-Herzégovine, dans le sens de mettre en application les ordres, les

2 ordonnances du Tribunal international. Le Tribunal n'est pas intéressé à

3 être au courant des affaires intérieures, notamment quand il s'agit de la

4 responsabilité des cantons. Ce n'est pas ce qui intéresse le Tribunal

5 international.

6 Mais il y a également quelques autres questions que nous devrions mettre

7 au point: premièrement, concernant les frais de transfert jusqu'en Bosnie-

8 Herzégovine et ensuite, depuis la Bosnie-Herzégovine jusqu'à La Haye. Est-

9 ce que l'Etat de Bosnie-Herzégovine est prêt à prendre les frais de

10 voyage?

11 M. Dzihanovic (interprétation): En ce qui concerne les frais de voyage,

12 c'est une question qui n'a pas été encore résolue en Bosnie-Herzégovine.

13 Mais dans le cas concret, nous allons bien évidemment être obligés de vous

14 donner une réponse, si le Tribunal fait droit à la requête concernant la

15 mise en liberté provisoire.

16 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous dire, s'il vous

17 plaît, de combien de temps vous auriez besoin pour nous informer de ces

18 garanties complémentaires?

19 M. Dzihanovic (interprétation): En ce qui concerne les détails, nous

20 pouvons bien évidemment accepter qu'éventuellement on vous répondrait

21 d'ici quelques jours.

22 M. le Président (interprétation): Je vois qu'il n'y a pas d'autre

23 question. Je vous remercie.

24 Je vous remercie d'être venus et je vais vous demander, au cas où

25 véritablement il y a d'autres questions, de bien vouloir rester dans le

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1 prétoire jusqu'à la fin, si jamais on a des questions supplémentaires à

2 vous poser. Merci.

3 Nous allons maintenant suspendre les travaux pour 20 minutes. Nous

4 reprenons à 16 heures 50.

5 (L'audience, suspendue à 16 heures 32, est reprise à 16 heures 56.)

6 M. le Président (interprétation): L'audience au sujet de la mise en

7 liberté provisoire reprend.

8 J'ai été informé du fait que le représentant de la Bosnie-Herzégovine

9 souhaite reprendre la parole. Est-ce exact?

10 M. Dzihanovic (interprétation): Oui, tout à fait. Monsieur le Président,

11 si vous me le permettez, je souhaite ajouter quelque chose.

12 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous répéter ce que vous venez

13 de dire, puisque les accusés n'étaient pas présents dans le prétoire?

14 (Les accusés sont introduits à nouveau dans le prétoire.)

15 M. Dzihanovic (interprétation): Je voudrais, à la demande du Gouvernement

16 de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, avoir l'autorisation d'ajouter

17 quelques mots, s'il vous plaît.

18 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

19 M. Dzihanovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,

20 Madame et Monsieur les Juges.

21 Permettez-moi de compléter mes propos. La question qui a été posée était

22 de savoir comment on allait assurer les fonds nécessaires, couvrir les

23 frais d'un éventuel déplacement des coaccusés en cas de leur mise en

24 liberté provisoire. Je viens de téléphoner et d'entrer en contact avec le

25 Premier ministre du Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine;

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1 je l'ai informé de cette question et sa réponse a été la suivante: il m'a

2 autorisé à déclarer ici que le gouvernement de la Fédération assurera les

3 moyens nécessaires à recueillir les fonds pour que les coaccusés puissent

4 être présents à tout moment où cela s'avérerait nécessaire, donc qu'ils

5 puissent assister à toutes les audiences auxquelles ils seraient cités

6 devant ce Tribunal.

7 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de nous avoir apporté

8 ces éclaircissements.

9 A présent, je m'adresse au Bureau du Procureur. Vous avez entendu les

10 conseils de la défense. A présent, la Chambre vous invite à aborder tout

11 d'abord la question de la remise volontaire des coaccusés, si elle a eu

12 lieu ou non, si vous vous seriez attendu à ce qu'ils fassent plus qu'ils

13 n'ont fait dans leurs cas précis, puis d'aborder la question des mesures

14 additionnelles. Seraient-elles suffisantes pour vous, pour que vous

15 considériez que les circonstances sont réunies pour que vous ayez toutes

16 les garanties nécessaires vous assurant de la comparution des coaccusés

17 lorsqu'ils seront invités à le faire? Et je vous demanderai enfin de

18 fournir des informations complémentaires à la Chambre au sujet du

19 caractère grave de leurs crimes.

20 Il va sans dire que les arguments de la défense, lorsque la défense

21 affirme -et je cite-: "… est une affaire qui ne se déroule que dans le

22 cadre de l'Article 7-3), n'est pas pertinente puisqu'une affaire qui se

23 déroule dans le cadre de l'Article 7-3) peut être même plus grave, donc

24 peut concerner un crime plus grave qu'une affaire qui se situerait dans le

25 cadre de l'Article 7-1), comme l'a affirmé la défense".

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1 Je souhaite donc vous entendre un peu plus en détail à ce sujet.

2 Mme Bodson (interprétation): Je passe donc la parole à mon collègue, M.

3 Withopf. Si nécessaire, je ferai quelques remarques complémentaires.

4 M. Withopf (interprétation): Suite à votre suggestion, Monsieur le

5 Président, Madame et Monsieur les Juges, je ne me focaliserai que sur des

6 questions clés. J'aborderai également la question des mesures

7 supplémentaires, et je répondrai aussi à ce qui a été abordé par la

8 défense.

9 L'Article 65 prévoit deux conditions à la mise en liberté provisoire. La

10 Chambre doit considérer que les deux conditions sont réunies, à savoir que

11 l'accusé comparaîtra devant le Tribunal et qu'il ne constituera pas un

12 danger, une menace aux victimes, aux témoins ou à une tierce personne.

13 Mais même si ces conditions sont réunies, cela ne signifie pas que la mise

14 en liberté provisoire doit être automatiquement garantie, accordée. Il n'y

15 a pas d'automatisme là-dedans.

16 L'Article 65 dit expressément que cette mise en liberté provisoire peut

17 être accordée et c'est l'aspect auquel ne s'est pas attachée en détail la

18 défense, ce que nous pouvons tout à fait comprendre.

19 Alors pour ce qui est de la question clé, à savoir s'il y avait une remise

20 volontaire des accusés au Tribunal ou s'il s'est agi de l'arrestation, de

21 leur arrestation, j'aborderai ce point pour ce qui est des trois

22 coaccusés: Alagic, Kubura et Hadzihasanovic. Pour ce qui est de leur

23 remise volontaire au Tribunal, je dois insister sur le fait que pour les

24 trois coaccusés il y a eu mise en détention aux fins d'extradition, et

25 ceci est important. Donc après qu'il y ait eu arrestation, on ne peut pas

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1 parler de leur remise de leur plein gré au Tribunal.

2 Permettez-moi d'aborder maintenant la question des affidavits des

3 coaccusés. Nous avons ici l'histoire nous racontant que le général

4 Hadzihasanovic a été arrêté suite à une décision de la Cour suprême, et la

5 même situation s'applique au général Alagic ainsi qu'à l'accusé Kubura.

6 Alors, la première impression est qu'il est revenu de la côte croate de

7 son congé en apprenant qu'il devait revenir. Mais si vous lisez

8 l'affidavit à son sujet, il devient tout à fait clair que sur la côte

9 croate il n'a jamais appris qu'il a fait l'objet d'un Acte d'accusation

10 dressé à son encontre. Donc l'individu qui a signé l'affidavit, M. Lusija

11 Faik, déclare que Kubura a immédiatement déclaré qu'il n'y avait aucun

12 problème, que cela aurait dû lui être communiqué immédiatement. Et je

13 pense que sur la base de cela, une seule conclusion s'impose, à savoir: il

14 n'y a pas eu de sa part de remise à la disposition du Tribunal de son

15 plein gré. Il s'agissait d'une arrestation, mais il n'a opposé aucune

16 résistance à cette arrestation.

17 Pour ce qui est de Kubura, il est tout à fait normal, en sa qualité

18 d'officier, qu'il se présente. Donc la situation n'est pas très différente

19 en comparaison des deux autres coaccusés.

20 Le fait que les trois coaccusés ont renoncé à leurs droits n'a pas de

21 pertinence, donc, au sujet de la procédure d'extradition. En fait, les

22 accusés étaient déjà emprisonnés au moment où ils l'ont fait, et cela se

23 reflète dans le communiqué de presse officiel du gouvernement de Bosnie-

24 Herzégovine.

25 Qui plus est, le chef du bureau du TPI de Sarajevo, M. Van Hecke, a

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1 déclaré le 2 août 2001 que les trois coaccusés avaient été arrêtés -et je

2 cite-: "chez eux, à peu près à 7 heures du matin, suite à une opération du

3 ministère de l'Intérieur".

4 Deuxièmement, une réflexion juridique à ce sujet: l'Article 58 prévoit

5 donc une prééminence du TPI sur toute loi nationale ou interne sur

6 l'extradition, et il est fait référence ici à des juridictions nationales.

7 Donc cette référence a été faite par la défense ainsi que par les accusés,

8 mais ceci ne nous aide pas vraiment.

9 Donc notre position est toujours la même: les coaccusés ne se sont pas

10 remis volontairement au Tribunal.

11 Permettez-moi d'aborder maintenant la question des garanties.

12 Le Procureur a entendu que le gouvernement de la Fédération de Bosnie-

13 Herzégovine est prêt à fournir des garanties; cela a été présenté en

14 détail aujourd'hui.

15 L'accusation considère que ceci est pertinent en pratique, est suffisant

16 en pratique. Toutefois, le Procureur souhaite attirer l'attention de la

17 Chambre de première instance sur le fait que les autorités bosniaques ont

18 essayé de mettre en oeuvre leur procédure d'extradition interne, ce qui

19 est contraire à l'Article 58 de notre Règlement.

20 Le résultat est le suivant: nous avons toujours un certain nombre de

21 doutes quant à la valeur de ces garanties.

22 Pour ce qui est du premier point, donc dans le cadre de l'Article 65B), le

23 Procureur estime qu'il n'y a pas eu de remise volontaire au Tribunal et

24 que nous avons quelques doutes au sujet des garanties qui nous sont

25 proposées.

Page 81

1 Permettez-moi d'aborder maintenant le deuxième point dans le cadre de

2 l'Article 65B), donc le fait que l'accusé ne constitue pas un danger pour

3 les victimes, les témoins ou une tierce personne. Le Procureur estime

4 qu'il n'y a pas eu d'intimidation concrète faite, effectuée par les

5 coaccusés.

6 Cependant, il y a eu un certain nombre d'incidents. Lorsque les accusés

7 ont été arrêtés et transférés à La Haye, les autorités bosniaques ont fait

8 des commentaires publics en disant qu'elles allaient faire tout leur

9 possible afin d'aider les accusés. Ce genre de déclaration publique de la

10 bouche des hauts responsables bosniaques était interprété sur-le-champ par

11 les témoins de l'accusation en tant qu'une menace à leur encontre.

12 Qui plus est, les accusés commandaient des Moudjahidine et il est connu

13 qu'il y en a un grand nombre qui vivent toujours sur le territoire de la

14 Bosnie-Herzégovine, en particulier en Bosnie centrale, et je suppose que

15 ces Moudjahidine seraient prêts à aider leurs anciens supérieurs.

16 Je souhaite fournir un certain nombre d'exemples à la Chambre de première

17 instance au sujet des événements qui se sont produits au cours de ces

18 dernières années. Le 25 août 1998, une bombe a été placée à l'extérieur de

19 la porte d'entrée de la maison d'un individu, Ivo Mirzo(?), qui est un

20 témoin du Procureur dans cette affaire; il s'agit d'un membre important,

21 reconnu et connu de la communauté croate de Bugojno, et il est un homme

22 politique du HDZ.

23 M. le Président (interprétation): Excusez-moi. Avant de citer d'autres

24 exemples de ce type, pourriez-vous montrer à la Chambre le lien qui existe

25 entre ces événements et les crimes commis par les accusés dans cette

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1 affaire?

2 M. Withopf (interprétation): Ceci devrait montrer à la Chambre quelle est

3 la situation qui prévaut en Bosnie centrale et lui indiquer ce qui

4 pourrait éventuellement se produire. Nous ne pouvons pas démontrer qu'il y

5 a un lien entre ces événements et les accusés, mais je reviendrai à cela

6 plus tard. Il n'empêche que cela me semble être d'importance.

7 M. Jones (interprétation): Puis-je demander pour quelle raison

8 l'accusation n'a pas soulevé ce genre d'objection de par le passé? Nous

9 nous sommes adressés à eux pour demander s'ils avaient des objections au

10 sujet de la mise en liberté provisoire, nous avons déposé nos requêtes et

11 nous avons demandé, à ce moment, si l'accusation avait des objections

12 spécifiques. Or, nous n'avons eu strictement rien jusqu'à aujourd'hui à ce

13 sujet, et il me semble tout à fait inacceptable que l'on nous tende ce

14 genre de piège, donc que l'on aborde aujourd'hui ce genre de menace que

15 les coaccusés constitueraient par rapport aux victimes alors que nous

16 n'avons absolument pas été prévenus de cela.

17 (Les Juges se concertent sur le siège.)

18 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance estime

19 que le représentant du Procureur devrait focaliser sur les points centraux

20 de cette audience, qu'il ne devrait pas nous apporter des éléments

21 additionnels ou des informations supplémentaires dont nous ne voyons pas

22 la pertinence quant à la décision que nous sommes amenés à prendre

23 aujourd'hui.

24 M. Withopf (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Permettez-moi

25 d'aborder des questions différentes.

Page 83

1 Pour ce qui est de l'accusé Alagic, permettez-moi de mentionner le

2 contexte criminel de l'individu. Même s'il ne s'agissait de d'un abus de

3 fonction, cela nous montre que cet individu avait un casier judiciaire.

4 Pour ce qui est donc du deuxième sujet, nous devons dire qu'il n'y a pas

5 eu d'incident, d'intimidation, que ceci n'a pas pu être prouvé mais qu'il

6 y a une potentialité importante concernant des intimidations futures

7 éventuelles.

8 Permettez-moi d'aborder maintenant la question dont devra décider la

9 Chambre de première instance. Avant tout, pour ce qui est de la mise en

10 liberté provisoire et de la situation qui prévaut en Bosnie centrale, on

11 peut s'attendre à ce que cette mise en liberté provisoire agisse de

12 manière négative, néfaste, sur les relations entre les Musulmans et les

13 Croates dans cette région. Une influence très négative, d'ailleurs, sur la

14 volonté des témoins à venir comparaître ici.

15 Le Procureur pourrait se trouver confronté à des problèmes sérieux avec

16 des témoins de l'accusation et des témoins potentiels de l'accusation. Du

17 point de vue des témoins, la mise en liberté provisoire pourrait affaiblir

18 leur position et pourrait donc agir de manière négative sur la volonté de

19 venir déposer ici ainsi qu'à donner leur déclaration.

20 Le troisième point au sujet de la proportionnalité donc. Ces coaccusés ont

21 été transférés à La Haye au début du mois d'août. On prévoit le début du

22 procès au fond pour le mois d'avril 2002. Donc, comparé aux autres accusés

23 du Tribunal, on ne peut pas considérer que les coaccusés qui nous

24 intéressent ici ont passé un temps substantiel en prison.

25 A présent, permettez-moi d'aborder le quatrième point, à savoir la

Page 84

1 question de la coopération.

2 Il est vrai que l'accusé Hadzihasanovic ainsi que l'accusé Alagic ont

3 comparu dans l'affaire Blaskic en tant que témoins cités à la barre par la

4 Chambre. Mais je dois dire, donc, que les accusés Hadzihasanovic et Kubura

5 ont été cités comme témoins dans l'affaire Blaskic. Pendant leur

6 déposition, ils ont été appelés à répondre aux questions de la défense

7 concernant les crimes qui constituent une partie de l'Acte d'accusation

8 dressé à leur encontre. Ils ont soit nié les crimes qui ont eu lieu, ou

9 leur connaissance de ces crimes. L'accusation considère donc que leur

10 coopération est limitée. Qui plus est, puisqu'ils ont été arrêtés, les

11 trois coaccusés ont profité de leur droit de garder le silence; il n'y a

12 plus de coopération de leur part.

13 Pour ce qui est des difficultés que connaissent leurs familles, le

14 Procureur maintient sa position telle qu'elle a été exprimée dans son

15 mémoire écrit. Je ne voudrais pas répéter nos arguments, je souhaite

16 simplement mentionner le fait que l'accusé Hadzihasanovic n'a pas montré

17 qu'il a exercé des travaux autres avant son arrestation, et que l'accusé

18 Kubura ne fait aucune déclaration au sujet du fait qu'il a toujours un

19 salaire, qu'il perçoit toujours un salaire de la part du gouvernement

20 bosniaque.

21 Pour ce qui est de leur situation de santé, l'avis de l'accusation est que

22 cela est un facteur pertinent pour ce qui est de l'accusé Alagic

23 seulement. Il y a eu demande de procéder à un examen médical qui n'a pas

24 encore été satisfaite.

25 La conclusion de l'accusation serait donc la suivante: nous demandons que

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1 les requêtes au sujet de Hadzihasanovic et Kubura soient rejetées. Pour ce

2 qui est de l'accusé Alagic, l'accusation réserve sa position jusqu'à ce

3 que l'examen médical ait eu lieu.

4 Si la Chambre de première instance a l'intention d'accorder la mise en

5 liberté provisoire, l'accusation souhaite des mesures supplémentaires, à

6 savoir qu'il y ait une garantie qu'un officier nommé de la part de la

7 Fédération de Bosnie-Herzégovine escorte l'accusé ou les accusés pendant

8 toute la durée de leurs déplacements jusqu'à la Fédération de Bosnie-

9 Herzégovine, depuis l'aéroport de Schiphol, le jour et à l'heure qui

10 seront indiqués par la Chambre.

11 Qui plus est, que la police locale garantisse que les accusés se

12 présentent à la station de police quotidiennement, qu'il y ait un rapport

13 écrit tous les mois au sujet du respect, de la part des accusés, de cela,

14 et qu'il y ait sur-le-champ un rapport si les accusés ne se présentaient

15 pas au Tribunal.

16 Qui plus est, les accusés devraient être détenus immédiatement s'ils

17 cherchaient à fuir ou à violer l'une quelconque des règles ou des termes

18 de leur mise en liberté provisoire.

19 Qui plus est, pendant la mise en liberté provisoire, les accusés doivent

20 rester sur le territoire de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Pendant

21 qu'ils sont en liberté provisoire, ils devraient remettre leurs passeports

22 à la police internationale ou à un représentant officiel du Bureau du

23 Procureur à Sarajevo.

24 Je demanderai également qu'ils se présentent tous les jours à la police

25 locale, que pendant la liberté provisoire ils acceptent qu'il y ait des

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1 vérifications par la police internationale ou par la police locale de leur

2 présence, qu'il y ait des visites non annoncées, des vérifications de la

3 part de la police.

4 Pendant la liberté provisoire, les accusés ne devraient prendre aucun

5 contact ni interférer d'aucune manière avec les personnes susceptibles de

6 déposer pendant le procès.

7 Pendant la mise en liberté provisoire, les accusés devraient s'engager à

8 ne pas prendre la parole publiquement par l'intermédiaire des médias, ou

9 prendre la parole publiquement de quelque manière que cela soit.

10 M. le Président (interprétation): Au sujet de la question qui est de

11 savoir si la suggestion est mûre pour accorder la mise en liberté

12 provisoire, cela concerne à titre individuel chacun des coaccusés. Nous

13 devons examiner des situations prises individuellement.

14 Je remercie la défense de nous avoir fait part, de manière tout à fait

15 franche, des problèmes du passeport et du procès qui est en cours en

16 Bosnie.

17 Je demanderai au Procureur de fournir à la Chambre la position de

18 l'accusation au sujet du lien qui existe entre le procès qui est en cours

19 en Bosnie et notre affaire ici. Avez-vous des informations supplémentaires

20 au sujet des fondements factuels? Et j'aimerais savoir également, à votre

21 sens, quel est l'impact de la question de la mise en liberté provisoire

22 sur le procès qui est en cours, d'un point de vue de l'accusation non bis

23 in idem pourrait-elle se poser? Quelle serait la situation si la détention

24 était maintenue et si M. Alagic devait purger sa peine en Bosnie-

25 Herzégovine?

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1 M. Withopf (interprétation): En réponse, je dois vois dire que nous

2 n'avons pas d'information concrète au sujet du procès qui est en cours en

3 Bosnie-Herzégovine.

4 Toutefois, il semblerait que M. Alagic est accusé d'un abus de fonction,

5 et l'accusation estime que la question du non bis idem ne se posera pas.

6 Pour ce qui est de votre troisième question, l'accusation estime que les

7 procès internationaux ont la prééminence sur les procès dans le cadre du

8 droit interne.

9 M. le Président (interprétation): Si je ne m'abuse, il n'y a pas d'autres

10 arguments. Dans ce cas-là, nous allons donner la parole une fois de plus

11 aux conseils de la défense.

12 Je vous en prie, Maître Residovic.

13 Mme Residovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

14 Je vais reprendre point par point en réponse au Procureur.

15 Tout premièrement, le Procureur vient de dire que les affidavits n'étaient

16 pas en accord avec l'Article 58. Moi, j'aimerais attirer l'attention sur

17 le fait que l'Article 58 conserve(?) [Cf. transcript anglais, page 86,

18 ligne 24] donc les obligations énoncées à l'Article 29 du Statut,

19 prévale(?) [Cf. transcript anglais, page 86, ligne 25] sur tout obstacle

20 juridique de la législation nationale ou les requêtes d'extradition à

21 laquelle l'Etat intéressé pourrait s'opposer, à la remise ou au transfert

22 de l'accusé ou d'un témoin au Tribunal. Par conséquent, toutes les

23 déclarations des officiels de Bosnie-Herzégovine correspondent tout à fait

24 à l'Article 29 du Statut, et c'est la raison pour laquelle je pense que

25 nous ne pouvons pas être d'accord avec cette observation.

Page 88

1 Par la suite, nos conseils ont dit que les arrestations ont été prêtes, et

2 qu'ils ne se sont pas portés véritablement volontaires, les accusés, cela

3 ne correspond pas à la réalité. Au contraire, les clients viennent

4 d'expliquer que les accusés sont arrivés avec leur conseil ici à La Haye

5 et qu'ils n'ont pas opposé résistance au fait de se porter volontaire ici.

6 Monsieur le Président, je pense que je devrais vous remercier également

7 d'avoir attiré l'attention au Procureur qu'il n'est pas indispensable

8 d'énumérer un certain nombre d'éléments qui n'ont rien à faire et qui ne

9 sont pas pertinents à notre affaire. Ensuite le Procureur essaie également

10 de mettre en question la coopération de mon client avec le Tribunal et le

11 Procureur. A mon avis, ceci n'est pas conforme au Règlement de ce Tribunal

12 et de ces Articles.

13 Je considère que, d'ailleurs, il y en a des preuves dans le dossier et le

14 Procureur également en dispose. Par conséquent, il s'agit des éléments qui

15 sont pertinents. Je pense que le Tribunal ne peut pas véritablement

16 accepter l'interprétation qui porte préjudice à l'accusé, si l'accusé se

17 réfère à ses droits en vertu de l'Article 21. On ne peut pas donc donner

18 une interprétation différente à cet Article par des circonstances toutes

19 particulières.

20 Ensuite, pour ce qui concerne les garanties, moi, je pense que ceci est

21 contenu également dans la requête du gouvernement et mon client, il les

22 accepte.

23 Enfin, Monsieur le Président, je voudrais attirer votre attention sur la

24 Cour européenne des Droits de l'Homme et le jugement dans "l'affaire Jacob

25 contre la Bulgarie" où, à plusieurs reprises, on avait justement souligné

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1 le fait que le poids du jugement ne peut pas justifier une détention de

2 longue durée avant l'ouverture du procès. Par conséquent, même s'il

3 s'agissait des actes tels qu'on reproche à mon client, cela ne

4 justifierait pas la requête du Procureur.

5 Et enfin, en ce qui concerne les victimes et les témoins, je voudrais

6 attirer l'attention de la Chambre sur la décision de la mise en liberté

7 provisoire dans l'affaire Brdjanin. Ce Tribunal se réfère à cette

8 décision, cette décision a été explicite.

9 Il est dit que: "même dans les cas où un accusé retourne dans le

10 territoire où vivent les victimes ou témoins potentiels, il n'existe pas

11 de fondement juridique pour ne pas le laisser en liberté provisoire,

12 compte tenu du fait qu'il est présumé innocent avant le prononcé de la

13 sentence." Et ceci en vertu de l'Article 65.

14 Monsieur le Président, je voudrais également mettre à votre connaissance

15 une déclaration de mon client qu'il est prêt à signer aujourd'hui même. Il

16 est prêt par conséquent à mettre en application toutes les mesures

17 demandées par la Chambre de première instance ainsi que les mesures qui

18 concernent la restriction de sa circulation. C'est la raison pour laquelle

19 mon client voudrait éventuellement signer cette déclaration et nous

20 pourrions également la verser au dossier avec tous les autres documents

21 qui figurent actuellement au dossier. Je vous remercie.

22 M. le Président (interprétation): Maître Jones?

23 M. Jones (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

24 Juges, je vais dire quelque chose très brièvement au sujet du général

25 Alagic. Mais si éventuellement je parle un peu plus longuement que vous ne

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1 me l'avez permis, à ce moment-là je vais vous demander de ne pas m'en

2 tenir rigueur. Il faut que je soulève un certain nombre de questions. Je

3 sais que le Procureur n'a pas donné la réponse à la question que vous avez

4 posée et qui concerne ce que d'autres accusés auraient pu éventuellement

5 entreprendre, étant donné qu'ils avaient été arrêtés. Ils ont été

6 disponibles et donc disposés à se remettre à ce Tribunal.

7 Il y avait la lettre du Procureur qui avait été envoyée aux autorités de

8 Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait par conséquent du fait que l'accusé

9 s'est rendu volontairement, alors que le Procureur le conteste

10 actuellement.

11 D'un autre côté, le Procureur affirme également que la Fédération de

12 Bosnie-Herzégovine a commencé à déjà mettre en application la procédure

13 d'extradition, alors que ceci soi-disant jette un doute sur ce que les

14 autorités auraient pu entreprendre: d'être efficaces et de transférer les

15 accusés à La Haye. Ils fondent leur affirmation sur le fait que ces

16 accusés, en effet, ont renoncé à leur droit à cette procédure qui aurait

17 pu être menée en Bosnie-Herzégovine, mais ceci a en effet rendu beaucoup

18 plus rapide leur transfert à La Haye. Et le Procureur ne peut d'ailleurs

19 pas le nier.

20 C'est la raison pour laquelle je considère que tous les accusés ont fait

21 tout ce qu'ils ont pu faire pour se rendre au Tribunal, et c'est la raison

22 pour laquelle le Procureur doit reconnaître que c'était fait de manière

23 tout à fait efficace.

24 Par ailleurs, le Procureur a également dit en ce qui concerne le général

25 Alagic: qu'il n'est plus coopératif, qu'il s'est arrêté de coopérer avec

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1 le Tribunal. Mais, en effet, le Procureur voulait interviewer M. Alagic au

2 moment où il a déjà été incriminé, par conséquent, il ne peut pas déclarer

3 quelque chose à partir du moment où il y a un Acte d'accusation. Il n'y a

4 aucun système juridique qui aurait permis au Procureur d'insister pour que

5 l'accusé donne une déclaration après l'établissement de l'Acte

6 d'accusation parce qu'il peut s'accuser lui-même. C'est la raison pour

7 laquelle je ne pense pas du tout que ce soit raisonnable d'interpréter

8 ceci comme un manque de coopération de la part d'Alagic, étant donné qu'il

9 n'a pas donné la déclaration au Bureau du Procureur.

10 M. le Président (interprétation): Maître Jones, est-ce que je peux vous

11 poser la question suivante? N'est-il pas vrai que le droit de se défendre

12 par le silence est un droit qui se maintient quand même? Et ce droit de

13 silence peut également être interprété comme une disposition de volonté de

14 l'accusé de coopérer. Quel est votre point de vue à ce sujet-là?

15 M. Jones (interprétation): Mais si le Procureur par exemple souhaite se

16 mettre en contact avec M. Alagic, parlait d'autres affaires, à ce moment-

17 là ça sera tout à fait correct et bien. Mais s'il veut s'entretenir avec

18 M. Alagic sur sa propre affaire, ceci ne peut pas être véritablement fait

19 sans qu'il se mette en danger lui-même. C'est un premier point.

20 Si le Procureur, par exemple, également offre au général Alagic

21 l'immunité, à ce moment-là certes, il s'obligerait à ne pas utiliser quoi

22 que ce soit contre lui, qui serait dit par lui. Et, dans ce cas-là, peut-

23 être que nous pourrions bien évidemment l'accepter, accepter ce type de

24 coopération.

25 M. le Président (interprétation): Mais il y a bien évidemment une raison

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1 pour cela et vous le savez certainement parce que la Chambre d'instance

2 doit également connaître toutes les raisons, et savoir si éventuellement

3 il y a une différence entre cette situation et la situation qui a été le

4 cas avec l'affaire Plavsic. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il s'agissait

5 du fait qu'elle s'était rendue au Tribunal volontairement, qu'elle a

6 coopéré également avec le Procureur. Moi, je n'ai pas l'intention de

7 demander à l'avenir à votre client s'il veut ou non coopérer avec le

8 Tribunal, ce que je veux apprendre c'est ce que vous pouvez nous dire et

9 quelle est votre approche à ce moment-là à ce sujet-là.

10 M. Jones (interprétation): Monsieur le Président, mais il est un fait que,

11 s'il y a un danger, si jamais l'accusé coopère et si c'est une condition

12 sine qua non, et que dans ce cas-là le Procureur s'oppose à sa mise en

13 liberté provisoire, automatiquement il y a une pression sur mon client de

14 faire quelque chose qu'il ne souhaite pas. C'est de ça que je voulais

15 parler éventuellement, mais quelque peu plus loin.

16 Mais en ce qui concerne également les témoins potentiels en Bosnie, je

17 voudrais dire que c'est à peu près la même situation dans laquelle s'est

18 trouvé Sefer Halilovic. Je pense que ceci véritablement n'a pas été à

19 l'origine de sa remise en liberté provisoire. Il coopère avec le Tribunal

20 et avec le Procureur. Mais ceci est effectivement un grand danger quand le

21 Procureur dit: "Vous devez coopérer avec nous ou bien vous restez en

22 détention et en détention longuement avant que le procès soit ouvert". Je

23 pense que la Chambre de première instance doit véritablement se pencher

24 sur cette question et surtout ne pas permettre de tel type de pression.

25 Et maintenant en ce qui concerne les Moudjahidine, le Procureur suggère

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1 que dans cette affaire éventuellement les accusés avaient un contrôle sur

2 les Moudjahidine; et il prétendait également qu'il y a des hordes de

3 Moudjahidine qui vont intimider les témoins, qui vont donc s'impliquer

4 également dans le procès alors que le général Alagic est encore innocent,

5 il est présumé innocent. Par conséquent, nous ne pouvons pas dire que tout

6 ce qui a été dans l'Acte d'accusation est quelque chose qui se justifie.

7 Et le général Alagic d'ailleurs dans l'Acte d'accusation ne le dit pas, a

8 ordonné aux Moudjahidine de faire quelque chose, mais qu'il n'a pas

9 empêché qu'ils agissent comme ils ont agi.

10 Et enfin, Monsieur le Président, il me semble que ceci également serait en

11 quelque sorte la réponse à ce qui a été dit par le Procureur et essayer de

12 parler généralement de cette question, je ne veux pas passer donc en revue

13 tous les éléments qui ont été avancés par le Procureur, mais tout à

14 l'heure vous avez parlé de la question de proportionnalité. Moi, il me

15 semble qu'il n'est pas proportionnel que de maintenir en détention mon

16 client, alors qu'il y a beaucoup moins de chance qu'il ne soit pas présent

17 à l'ouverture du procès. Par conséquent, il y a l'assignation à résidence,

18 ensuite il y a également le couvre-feu, il y a également le fait qu'il

19 peut aller à la police tous les jours pour se présenter là-bas, il y a

20 d'autres méthodes également pour garantir son séjour sur place.

21 Et enfin, depuis longtemps on maintient devant ce Tribunal que le Tribunal

22 ne dispose pas de la police internationale, c'est la raison pour laquelle

23 il doit s'appuyer sur les autorités internes quand on parle avec Republika

24 Srpska, avec la Croatie, il s'agissait des pays qui ne voulaient pas agir

25 en conséquence à des ordonnances. Alors que la Bosnie-Herzégovine la

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1 fédération au contraire, elle, coopère, et même s'il n'y a pas de police

2 sur le terrain, il existe quand même les possibilités pour traiter de tel

3 type de mesures. C'est la raison pour laquelle il faut prendre en

4 considération également ces arguments et les arguments des deux parties.

5 Et par conséquent, la défense ne doit pas véritablement se décharger de

6 tout cela. Mais ne pensez-vous pas que l'accusé allait comparaître de

7 nouveau devant le Tribunal? En ce qui me concerne, je suis sûr que le

8 Procureur et la défense peuvent maintenir que les accusés comparaîtront

9 quand ils seront convoqués. Par conséquent, les accusés vont donner des

10 garanties. D'un autre côté, il y a également la déclaration du général

11 Alagic qui va se conformer à tout ce qui lui est demandé, y compris les

12 restrictions de circulation.

13 M. le Président (interprétation): Mais on aimerait bien disposer également

14 de cette déclaration, ceci facilitera bien évidemment notre tâche. Et puis

15 j'ai une autre question, une question pour tirer au clair tout ce qui a

16 été dit jusqu'à maintenant. En effet, le Procureur a cité donc les

17 affidavits et l'affidavit dans le cas concret selon lequel le retour de

18 Croatie n'était pas volontaire. Auriez-vous l'amabilité de nous dire un

19 peu plus là-dessus?

20 M. Jones (interprétation): C'est une question qui concerne M. Kubura.

21 M. le Président (interprétation): Maintenant, c'est l'avocat de M. Kubura

22 qui a la parole.

23 M. Dixon (interprétation): Au nom de M. Kubura, c'est bien la première

24 chose dont je voulais parler. Est-ce qu'il était au courant ou non au

25 moment où il était en Croatie, de l'Acte d'accusation? Mais il avait

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1 déclaré de manière tout à fait claire que pendant qu'il était en vacances

2 en Croatie, on lui avait dit qu'il y avait un Acte d'accusation. Il

3 n'avait pas bien évidemment un exemplaire de l'Acte d'accusation, mais il

4 était au courant; il savait que le Tribunal, par conséquent, avait établi

5 l'Acte d'accusation.

6 C'est la raison pour laquelle il est retourné à Sarajevo de Croatie, pour

7 essayer de résoudre cette question. Il n'a pas ramené sa famille, parce

8 qu'il n'a pas pensé que c'était indispensable que les membres de sa

9 famille soient sur place pendant qu'il était en train de résoudre cette

10 question. Il avait été donc par la suite amené à ramener sa famille de

11 Croatie à Sarajevo. Eh bien, il y a donc l'affidavit de M. Lusija, et

12 c'est marqué qu'il aurait fallu dire à M. Kubura, tout de suite, qu'il y

13 avait cet Acte d'accusation. D'un autre côté également, il a parlé de

14 l'ordonnance de la Cour suprême. Il n'était pas au courant que la Cour

15 suprême avait fait un mandat d'arrestation.

16 Par la suite, lui, il avait souffert également à cause de cette situation-

17 là parce qu'il avait dit que si jamais il avait été incriminé pour une

18 raison ou une autre, qu'il allait se rendre de son plein gré au Tribunal.

19 C'est la raison pour laquelle il a dit: "Mais pourquoi êtes-vous passé par

20 la Cour suprême, pourquoi avez-vous délivré un mandat au lieu de me le

21 dire tout de suite? Parce que -comme il l'a dit- si j'avais été au courant

22 que j'allais être arrêté, à ce moment-là je serais allé tout seul à La

23 Haye, j'aurais ramené ma famille également tout de suite avec moi".

24 Et c'est la raison pour laquelle, par conséquent, nous sommes d'avis que

25 ceci prouve qu'il a été conscient de ce qui se passait, il n'a pas fait

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1 semblant, il ne pensait pas du tout qu'il allait être indispensable que de

2 l'arrêter.

3 Ensuite, Monsieur le Président, premièrement, en ce qui concerne son

4 arrestation, nous sommes d'avis que l'argument du Procureur selon lequel

5 il ne s'était pas rendu volontairement parce qu'il était également en

6 détention aux fins d'extradition, avant qu'il ait pris la décision de se

7 rendre lui-même donc, c'est chercher midi à 14 heures. Et M. Kubura est

8 revenu de Croatie à cause de cet Acte d'accusation. Il avait l'intention

9 de se rendre, il a été arrêté justement parce qu'il voulait être transféré

10 à La Haye, c'était une procédure qu'on avait suivie. Mais il n'a aucune

11 raison de se rendre aux autorités en Bosnie s'il n'avait pas voulu se

12 rendre au Tribunal.

13 Et enfin, nous considérons également qu'il est très important que le

14 Procureur accepte que les garanties du gouvernement sont suffisantes pour

15 être mises en pratique. Moi, je pense que c'est pour la première fois que

16 le Procureur accepte les garanties d'un gouvernement en ce qui concerne la

17 remise en liberté provisoire. Je pense que ceci est également important à

18 avoir à l'esprit.

19 Par ailleurs, le Procureur a mentionné également qu'éventuellement il

20 n'aurait pas pu développer les activités de manière aussi efficace, que ce

21 serait également pas bon vis-à-vis des Musulmans si on remet en liberté

22 provisoire ces accusés. Nous ne pensons pas du tout que ceci est justifié.

23 Nous pensons que, dans beaucoup de juridictions, si la présentation des

24 éléments de preuve n'est pas véritablement convaincante, à ce moment-là,

25 pour d'autres raisons, ce n'est pas parce que quelqu'un a été remis en

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1 liberté provisoire.

2 Deuxièmement, en ce qui concerne les témoins également, nous ne

3 considérons pas que ceci est quelque chose qui se justifie.

4 Et troisièmement, le début qui va commencer, le début du procès qui va

5 s'ouvrir en avril 2002, ce n'est pas vrai non plus. Pour le moment, c'est

6 en suspens encore. Les deux parties, M. Kubura bien évidemment,

7 souhaiteraient que le procès soit ouvert le plus tôt possible. L'objectif

8 de nous tous est que le procès soit ouvert l'année prochaine, mais ceci

9 n'a pas encore été décidé. Par conséquent, s'ils sont remis en liberté

10 provisoire, ils vont passer en liberté provisoire certainement assez

11 longtemps.

12 Ensuite, le Procureur dit que M. Kubura n'a pas coopéré complètement au

13 moment où il est arrivé pour témoigner dans l'affaire Blaskic. Eh bien, si

14 vous examinez son témoignage vous allez voir qu'il avait donné des

15 réponses à de nombreuses questions.

16 En ce qui concerne les questions qui lui ont été posées et en ce qui

17 concerne cette affaire, et même en qui concerne d'autres questions qui lui

18 ont été posées, il a été tout à fait franc, il a complètement coopéré. Il

19 s'est rendu à La Haye. Il a répondu aux questions qui lui ont été posées

20 et puis il est retourné chez lui.

21 Et enfin, il y a une question de son salaire qui s'était posée, s'il

22 reçoit encore le salaire du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

23 Monsieur le Président, vous voyez, il en ressort tout à fait clairement

24 qu'il n'a aucun salaire du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, étant donné

25 qu'il n'a aucune position officielle actuellement. C'est la raison pour

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1 laquelle il se trouve dans une situation financière extrêmement difficile.

2 C'est la raison pour laquelle nous disons qu'éventuellement il a été dit

3 soi-disant qu'il pourrait trouver du travail une fois rentré, qu'il

4 pourrait prendre en charge sa famille. Voilà, Monsieur le Président.

5 Une fois de plus, je tiens à souligner que M. Kubura a été de retour de

6 Croatie à cause de l'Acte d'accusation qui existait, c'est une situation

7 totalement unique. Ceci lui permettait de s'évader si jamais il avait en

8 vue cela. Mais lui, il est retourné. C'est tout à fait unique et je ne

9 peux pas véritablement vous dire plus.

10 M. le Président (interprétation): Merci.

11 Je vais vous demander maintenant… Je m'adresse au Bureau du Procureur. Je

12 vais vous demander maintenant de vous pencher sur les questions qui vont

13 être posées par la Chambre d'instance. Dites-nous maintenant quel est le

14 facteur de distinction et quels sont les faits qui justifient un

15 traitement donc que vous voudrez différent par rapport à l'affaire

16 Plavsic?

17 M. Withopf (interprétation): Avant de répondre à cette question,

18 j'aimerais rajouter quelque chose.

19 Premièrement, nous nous opposons vivement à ce qu'on rappelle l'affaire

20 Halilovic. Dans cette affaire, il s'agit d'autres choses non seulement sur

21 le plan coopération, sur le plan également d'autres questions qui ont été

22 soulevées et qui sont pertinentes en ce qui concerne la remise en liberté

23 provisoire. Ensuite concernant l'explication au sujet des affidavits qui

24 ont été donnés par Kubura, pour moi, ce n'est pas encore convaincant. Moi,

25 je ne suis pas encore… Je suis surpris de voir que M. Kubura n'a pas pris

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1 les membres de sa famille à Sarajevo.

2 M. le Président (interprétation): Oui, d'accord, mais nous avons mis au

3 clair cette question-là.

4 M. Withopf (interprétation): Bon, mais il y a quand même des facteurs que

5 je voudrais signaler. Pour ce qui est de Mme Plavsic et pour ce qui est de

6 sa coopération avec le Tribunal, la situation est très différente et sa

7 position est très différente par rapport à celle de notre client.

8 La question des garanties supplémentaires, l'accusation demande qu'au cas

9 de la mise en liberté provisoire, il n'y ait aucun contact entre les

10 coaccusés eux-mêmes. Je vous remercie.

11 M. le Président (interprétation): Afin d'assurer un procès juste et

12 équitable, vous devriez avoir la possibilité de m'adresser. Mais je vous

13 demande de vous limiter à une seule phrase.

14 M. Dixon (interprétation): Oui, nous avons également la déclaration de M.

15 Kubura. La déclaration qu'il souhaite signer au sujet de son accès aux

16 documents et au sujet de sa conformation à toutes les mesures limitant ses

17 déplacements.

18 M. le Président (interprétation): Y a-t-il d'autres observations de la

19 part de la défense? Apparemment non.

20 Je m'adresse aux accusés à présent. S'ils le souhaitent, ils peuvent faire

21 une déclaration. Bien entendu, cette déclaration se situera dans le cadre

22 de l'Article 84bis. Il ne s'agit pas d'une déclaration comparable aux

23 déclarations des témoins. Il s'agit du respect du droit de l'accusé à

24 s'adresser directement à la Chambre.

25 Monsieur Kubura, souhaitez-vous vous adresser à la Chambre?

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1 Je vous prie de venir plus près, Monsieur M. Kubura. Pourriez-vous, s'il

2 vous plaît, prendre la place des témoins?

3 Je vous remercie.

4 M. Kubura (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

5 Juges, permettez-moi de citer quelques éléments qui concernent ma requête

6 de mise en liberté provisoire: à savoir avant tout, compte tenu de

7 l'ensemble de l'espace ex-yougoslave, à commencer par la République de

8 Croatie en passant par la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la Republika

9 Srpska, la République de Serbie, la République fédérale de Yougoslavie,

10 nous serons certainement d'accord sur un reproche à formuler, ou plutôt

11 sur l'analyse suivante de la situation.

12 Le gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a été celui qui a

13 le mieux coopéré avec ce Tribunal jusqu'à présent. Ceci est illustré

14 également par le fait que sur le territoire de la Fédération de Bosnie-

15 Herzégovine, il n'y a pas un seul individu, disais-je, un seul individu

16 faisant l'objet d'un Acte d'accusation dressé par ce Tribunal, sans que

17 cet individu ne se remette de son propre gré à ce Tribunal.

18 Pour ce qui est des autres territoires ou portions de cet espace, cela

19 n'est pas le cas. Aujourd'hui, l'adjoint du ministre de l'Intérieur,

20 l'adjoint du ministre de la Justice ont pris la parole il y a quelques

21 instants et ils ont souligné ces mêmes points. De même, ils ont souligné

22 que nous nous sommes remis de notre plein gré au Tribunal de La Haye.

23 Et permettez-moi de m'exprimer en mon propre nom. A cette occasion, eux,

24 en tant que représentants officiels du gouvernement, ont mis en avant, à

25 travers leurs prises de parole, que nous nous sommes remis volontairement

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1 au Tribunal.

2 En tant que gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine donc, ils

3 ont coopéré d'une manière tout à fait exemplaire avec le Tribunal, et je

4 ne vois pas pour quelles raisons on ne ferait pas confiance à ces

5 instances et à ce gouvernement.

6 J'estime, par conséquent, que si on ne leur faisait pas confiance on sous-

7 estimerait leur valeur comme s'ils ne s'étaient pas acquittés comme il se

8 doit de leur obligation envers ce Tribunal.

9 Très concrètement, s'agissant de mon cas personnel, en date du 2 août

10 dernier, j'étais au bord de la mer avec mon épouse et mes trois enfants. A

11 10 heures du matin, à 10 heures 05 minutes du matin, j'ai été appelé de la

12 part de mon commandant pour faire rapport au commandement. Je répète qu'à

13 ce moment-là, je me trouvais dans un autre Etat, dans un Etat voisin, en

14 République de Croatie, au bord de la mer. J'avais mon passeport sur moi,

15 ainsi que mon épouse et mes enfants.

16 Une conversation par téléphone, qui a duré peut-être une dizaine, une

17 quinzaine de minutes, m'a permis de comprendre de quoi il s'agissait. Mais

18 les communications par téléphone ne me permettaient pas de m'informer plus

19 en détail de mon cas concret, donc telle a été mon estimation personnelle.

20 Alors, j'ai pris la décision de rentrer sur-le-champ à Sarajevo, en disant

21 à mon épouse de rester avec les enfants au bord de la mer, et en lui

22 disant que j'allais l'informer par la suite de mes intentions; donc soit

23 j'allais retourner la chercher, soit j'enverrai quelqu'un la chercher.

24 Vers 16 heures 20, je suis arrivé à Sarajevo, le jour même. Je me suis

25 changé et je me suis rendu au commandement. Je me suis tout de suite

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1 adressé à mon commandant. Et je lui ai dit que je souhaitais partir

2 aussitôt à La Haye pour me défendre, défendre mon nom.

3 J'ai téléphoné à mon oncle pour qu'il vienne chercher ma famille en

4 voiture et c'est ce qu'il a fait dans le courant de l'après-midi ou de la

5 nuit. Alors, je suis rentré chez moi, j'ai pris quelques effets personnels

6 et je me suis rendu au ministère de l'Intérieur. Donc à aucun moment, je

7 n'ai eu de contact avec la police et je n'ai pas été interpellé. Je n'ai

8 pas eu de menottes non plus, à aucun moment.

9 Je pense que c'était entre 19 heures et 20 heures que je suis entré au

10 ministère de l'Intérieur et je suis resté à cet endroit jusqu'au lendemain

11 matin.

12 Le lendemain matin, au ministère de la Justice, j'ai signé une déclaration

13 en mon nom personnel, en demandant que l'on me transfère à La Haye.

14 C'était donc le 3 août.

15 Et ce matin, le matin en question, mon épouse et mes enfants ont été

16 amenés devant le bâtiment du ministère de la Justice. C'est là que j'ai

17 passé une trentaine de minutes avec eux pour faire mes adieux et je suis

18 parti pour La Haye.

19 Je tiens à ajouter, puisque j'en ai l'occasion, que ma famille a été

20 expulsée de l'appartement qu'elle occupait. Elle se trouve aujourd'hui

21 dans un autre appartement. Je peux dire que je ne sais même pas très

22 concrètement où ils habitent puisque je ne suis jamais allé à ce logement.

23 Je connais l'adresse, la rue et le numéro de la rue à Sarajevo. Mon épouse

24 est au chômage.

25 Pour ce qui est de mon témoignage dans l'affaire Blaskic, ce n'est pas le

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1 Procureur qui m'a cité; ce n'est pas non plus la défense. J'ai été cité

2 comme témoin de la Chambre et à ce moment-là, c'était en 1999, j'avais le

3 loisir de l'accepter ou de le refuser, donc de témoigner dans cette

4 affaire. Le simple fait que j'aie accepté de témoigner montre que j'étais

5 prêt à coopérer avec le Tribunal. J'ai accepté, je suis venu et j'ai

6 déposé. Et cet exemple à lui seul montre que je suis prêt à coopérer avec

7 le Tribunal.

8 Je tiens à ajouter également que, jusqu'à présent, dans le cadre d'aucune

9 affaire d'aucune sorte je n'ai fait l'objet de procédure, quelle qu'elle

10 soit, portée à mon encontre.

11 Monsieur le Président, je connais les dispositions de l'Article 65 du

12 Règlement, et je tiens à dire qu'en cas de ma mise en liberté provisoire,

13 je m'engage à me conformer entièrement aux dispositions de l'Article 65.

14 Je m'engage à me conformer à toute décision que vous aurez prise, quelle

15 qu'elle soit. Et je m'engage à respecter les garanties fournies par le

16 gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

17 Ce sera tout, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je suis

18 à votre disposition pour répondre à des questions éventuelles.

19 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez reprendre votre place.

20 Nous allons nous adresser à M. Hadzihasanovic.

21 Je vous prie de venir plus près. Je vous en prie.

22 M. Hadzihasanovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et

23 Monsieur les Juges, je vous remercie de m'avoir offert la possibilité de

24 m'exprimer ici. Je ne serai pas long.

25 Permettez-moi de commencer en disant que je ne peux pas échapper à une

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1 certaine déception et à l'impression d'avoir été vexé, offensé. Pour

2 quelle raison n'ai-je pas reçu l'invitation officielle de me rendre au

3 Tribunal, même si c'était au sujet d'un Acte d'accusation dressé à mon

4 encontre?

5 J'étais l'un des rares à avoir coopéré avec le Procureur vers la fin de

6 l'année 1996 et au début de l'année 1997. Il s'agissait non seulement du

7 territoire couvert par le 3e Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais

8 il s'agissait aussi du reste des territoires de Bosnie-Herzégovine. Je ne

9 souhaite pas apporter d'observations supplémentaires à ce sens. Je suis

10 tout à fait prêt à coopérer avec ce Tribunal à l'avenir, si besoin était.

11 Je tiens à ajouter également que je suis prêt à défendre mon honneur et ma

12 liberté. Et je souhaite défendre les intérêts de ma famille. Mon épouse ne

13 travaille pas. J'ai des enfants, j'ai deux enfants qui sont tous les deux

14 en train de faire leurs études universitaires. Tous les deux font leur

15 première année à l'université. Ma fille fait des études de droit et mon

16 fils fait des études de sciences économiques. Je suis tenu d'assurer leur

17 avenir.

18 Je m'engage aujourd'hui, et je donne ma parole que je viendrai ici, que je

19 serai disponible pour le Tribunal dès que cela sera nécessaire.

20 Je tiens à déclarer également que je ne constituerai pas une menace et que

21 je ne chercherai pas à influencer les victimes et les témoins.

22 Je déclare également que je mettrai en oeuvre tous les ordres

23 supplémentaires, toutes les décisions prises par la Chambre de première

24 instance, et que je respecterai toutes les garanties du gouvernement de la

25 Fédération de Bosnie-Herzégovine.

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1 M. le Président (interprétation): Je vous prie, Monsieur Alagic, de

2 prendre la parole.

3 M. Alagic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie de

4 m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.

5 Je profite de cette occasion pour saluer les représentants du Bureau du

6 Procureur, ainsi que les représentants du gouvernement de l'Etat dont je

7 viens, et notamment les représentants de la Fédération de Bosnie-

8 Herzégovine.

9 En écoutant les raisons qui ont été avancées d'un certain nombre de

10 problèmes qui pourraient également apparaître si on est remis en liberté

11 provisoire, cela ne se justifie pas. Moi, j'ai toujours coopéré avec les

12 représentants du Tribunal, avec les enquêteurs du Tribunal, et non

13 seulement pour donner des déclarations, mais j'ai coopéré sur le terrain

14 également. J'ai aidé sur le terrain pour justement déceler un certain

15 nombre d'éléments, notamment pour découvrir des endroits où,

16 éventuellement, il y a des fosses communes.

17 Quelqu'un qui a traversé la guerre avait éventuellement une occasion de

18 partir, de quitter son pays.

19 Monsieur le Président, Président de la Chambre, mon seul pays et l'unique

20 pays pour moi, c'est l'Etat de Bosnie-Herzégovine, en ce moment la

21 Fédération de Bosnie-Herzégovine.

22 Je suis d'origine de Sanski Most, Bosanska Krajina et la rue Kljucka,

23 n°42. Moi j'ai été démobilisé. Je ne suis pas parti à la retraite tout de

24 suite. Je n'ai aucune possibilité d'avoir accès à une documentation

25 quelconque. Je ne peux pas d'ailleurs, même si je le voulais.

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1 L'époque où les représentants du Bureau du Procureur m'incriminent pour

2 avoir commis des crimes, même cette période-là, à mon avis, d'après moi,

3 ne sera pas une période incriminée. La Chambre d'instance de ce Tribunal

4 va apporter des décisions justes. Malgré les temps très durs que nous

5 avons traversés, j'ai essayé de me conduire le mieux possible et même,

6 comme vous le voyez, plusieurs années après la guerre, il y a des pierres

7 d'achoppement. Moi, j'ai toujours été franc et toujours honnête. J'ai

8 essayé d'être intègre.

9 Mais les personnes qui ont donné des déclarations à mon encontre sont mes

10 collègues et ce sont des soldats qui ont combattu ensemble avec moi. Par

11 conséquent, il y avait également des missions différentes.

12 En ce qui me concerne, on m'a accusé en Bosnie-Herzégovine d'avoir abusé

13 de mes pouvoirs s'agissant du budget et des ressources budgétaires. Une

14 partie des dépositions jusqu'à présent ont montré que la somme concernée

15 se montait à 1.250 marks allemands. En première instance, le Tribunal n'a

16 pas reconnu les décisions au sujet du rééquilibrage du budget pendant

17 cette période.

18 Je ne voudrais pas entrer dans un débat au sujet de ces décisions; je

19 pense que cela fait toujours l'objet de procédures similaires, à savoir si

20 l'objet sera adopté ou non.

21 A l'époque, je considérais qu'en prenant une décision qui était celle de

22 rééquilibrer le budget, j'agissais de manière appropriée.

23 Pour ce qui est des questions supplémentaires au sujet des rapports

24 d'expert, la cour cantonale, donc le tribunal cantonal qui constitue la

25 première instance, n'a pas accepté ces raisons, et j'ai interjeté appel

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1 devant la Cour suprême de la Fédération.

2 A cette époque-là, pas plus qu'à un autre moment, même si un certain

3 nombre de personnes auraient pu arriver à une conclusion erronée, même pas

4 à ce moment-là, y a-t-il eu des pressions exercées sur des témoins

5 potentiels, à quelque moment que ce soit? Je ne suis pas un individu qui

6 chercherait à exercer des pressions sur qui que ce soit. Je pense que

7 c'est en avançant des éléments vrais qu'on peut démontrer la vérité.

8 Quant à savoir si je me suis rendu de mon plein gré au Tribunal, si je

9 suis venu de mon plein gré ou, au contraire, s'il s'agit d'une arrestation

10 sans qu'il y ait eu d'éléments coercitifs comme l'a avancé le Procureur,

11 je dois dire que je ne suis pas d'accord avec l'avis du Procureur.

12 Messieurs qui font partie du Fouvernement auraient pu me téléphoner de

13 Sarajevo à Sanski Most. Ils n'étaient pas obligés de m'envoyer une voiture

14 avec chauffeur, je serais venu tout seul, de mon plein gré.

15 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, j'aimerais savoir que

16 je suis venu ici en tant que citoyen de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

17 J'aurais aimé arriver ici en avion, directement, à La Haye. J'aurais

18 préféré ne pas avoir fait l'objet d'un transfèrement d'une base militaire

19 située en Bosnie-Herzégovine par un transporteur militaire jusqu'à ma

20 destination finale à La Haye.

21 Je tiens à dire également que je n'ai rien à redouter et que je n'ai rien

22 à cacher. Je souhaite que la vérité et seule la vérité soit prouvée devant

23 cette Chambre.

24 Il y avait un cas qui a été traité ici, devant le Tribunal, et moi j'ai

25 été convoqué à La Haye. Je me suis rendu justement pour témoigner dans

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1 cette affaire. J'y ai séjourné quelques jours et je pense que, même à ce

2 moment-là, j'avais donné une déclaration. Mais en ce qui concerne un

3 certain nombre de questions qui m'ont été posées, j'avoue que, pour moi,

4 ce n'était pas tout à fait clair, l'affaire non plus. C'est la raison pour

5 laquelle je n'ai pas pu donner probablement des réponses tout à fait

6 précises. Mais je suis à la disposition maintenant du Tribunal et

7 j'accepte toute décision qui sera la vôtre, toutes les mesures également

8 qui seront les vôtres. Je vais m'y conformer. Je suis prêt, bien

9 évidemment, à comparaître ici, à La Haye, au Tribunal.

10 La seule chose que je voudrais vous demander de ne pas me reprocher, c'est

11 de ne pas pouvoir venir, parce que je ne viendrai pas uniquement si je ne

12 suis plus de ce monde. Ceci peut arriver, bien évidemment; on peut mourir.

13 Moi, je suis un être humain et vivant.

14 M. le Président (interprétation): Merci.

15 M. Alagic (interprétation): Est-ce que vous avez encore d'autres

16 questions?

17 (Les Juges se concertent sur le siège.)

18 M. le Président (interprétation): Comme vous l'avez peut-être remarqué,

19 nous avons cherché à voir comment nous procéderons à l'avenir et notre

20 décision est la suivante.

21 Nous ne pouvons pas prendre notre décision aujourd'hui, nous devons

22 examiner en profondeur les arguments exposés. Le moment n'est pas encore

23 venu pour nous d'arrêter notre position. Nous suggérons de reprendre nos

24 travaux demain à 15 heures.

25 Nous allons donc suspendre notre travail et reprendre demain à 15 heures.

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1 Y a-t-il un problème pour les parties au sujet de ce programme de travail

2 prévu?

3 M. Withopf (interprétation): Pas de problème.

4 La défense (interprétation): Pas de problème.

5 M. le Président (interprétation): Comme je ne vois pas d'objection de

6 quelque partie que ce soit, nous reprendrons demain à 15 heures.

7 (L'audience est levée à 18 heures 17.)

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