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1 Le lundi 12 janvier 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
6 d'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est l'affaire IT-01-47-T, le Procureur
8 contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à l'Accusation de se présenter aux termes de
10 cette nouvelle année.
11 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. Le conseil
12 pour l'Accusation, M. Mundis, Mme Benjamin, et moi-même, Ekkehard Withopf.
13 Et J'use de cette occasion pour présenter Mme Tecla Benjamin.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donc demander à la défense de se présenter.
15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
16 Monsieur le Juge. M. Enver Hadzihasanovic est représenté par Edina
17 Residovic et Stéphane Bourgon, co-conseil et Mme Mirna Milanovic,
18 assistante juridique. Je vous remercie.
19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
20 Monsieur le Juge. M. Kubura est représenté par Fahrudin Ibrisimovic, par M.
21 Rodny Dixon, et par M. Mulalic, notre assistant juridique.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, nous commençons donc cette année cette
23 audience, la Chambre salut toutes les personnes présentes, l'Accusation, la
24 Défense et les Accusés. Nous allons continuer donc nos travaux par
25 l'audition du témoin avant donc de faire entrer ce témoin, je voudrais
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1 faire le point de plusieurs requêtes pendantes et du planning de nos
2 travaux. Comme vous le savez, l'Accusation nous a adressé ainsi qu'à la
3 Défense un planning prévisionnel pour la semaine du 12 au 16 janvier, puis
4 le semaine du 19 au 23 janvier et du 26 au 30 janvier avec donc une liste
5 de témoins. Vous avez noté avec intérêt que dans cette nouvelle liste qui
6 émane du 12 janvier 2004, n'apparaît plus le 26 janvier, l'audition qui
7 avait été prévue du général Reinhold, donc s'est reportée ultérieurement.
8 Concernant la requête de l'Accusation aux fins de modifier ces listes de
9 témoin, de pièces à convictions, la Défense a donc répondu le 18 décembre
10 et nous allons rendre incessamment donc notre décision sur cette requête,
11 étant précisé que la Défense dans son mémoire a fait part de certains
12 éléments, et notamment a abordé la question de l'expert militaire de
13 l'Accusation, tout autant ne se penchons pas à [imperceptible] sur la dite
14 audition, mais j'y reviendrais tout à l'heure.
15 Donc, nous rendrons prochainement notre décision concernant donc cette
16 requête.
17 Nous avez été saisi pendant la période des locations judiciaires, d'une
18 requête de la Défense sur l'étendu du contre-interrogatoire, notamment la
19 porté de l'Article 90(H). Cette requête est du 17 décembre, l'Accusation
20 nous a adressés sa réponse le 5 janvier. Donc là aussi, nous allons rendre
21 donc très prochainement notre décision.
22 Je rappelle qu'en mémoire également que l'Accusation avait demandé une
23 prorogation des délais pour répondre à la dite requête et la réponse de
24 l'Accusation étant intervenue le 5 janvier.
25 Nous avions également été saisi d'une requête aux fins d'exclusions [sic]
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1 de témoignages des accusés dans d'autres affaires. Comme, vous le savez
2 cette question avait fait déjà l'objet d'une discussion devant cette
3 Chambre. La Défense par requête en date du 19 décembre 2003 a demandé donc
4 à la Chambre de statuer sur cette question et l'Accusation nous a répondu
5 le 9 janvier. La question qui se pose est de savoir si la Défense maintient
6 sa requête dans la mesure où l'Accusation a fait droit à la demande de la
7 Défense. Alors il y a deux solutions où vous ne dites rien et nous allons
8 rendre une décision mentionnant le cas échéant que votre requête est
9 devenue sans objet compte tenu de la position prise par l'Accusation, ou
10 bien vous nous adressez incessamment une nouvelle requête disant que votre
11 requête du 19 décembre 2003 est abandonnée.
12 Bon, donc je ne sais pas quelle est la position de la Défense étant précisé
13 que dans les documents donc émanant de l'Accusation, celui-ci, nous a
14 indiqué que la nouvelle version du général Reinhold ne fera état d'aucune
15 déclaration ultérieure et qu'il n'y aura aucune question à poser sur cet
16 aspect.
17 Voilà, est-ce que brièvement la Défense peut nous dire si elle a une
18 position nouvelle aujourd'hui.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons reçu le
20 document de l'Accusation en ce qui concerne cette question. Le 12 janvier
21 nous avons répondu à la question que vous nous avez posée aujourd'hui. Très
22 brièvement, nous avons accepté la position de l'Accusation en ce qui
23 concerne le fait qu'ils ne feront pas usage du témoignage de l'accusé dans
24 la déposition de l'accusé dans l'affaire Blaskic, du sorte que toutes les
25 parties de la déposition des experts seront annulées, qu'il n'y sera pas
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1 fait référence. Donc, nous sommes également d'accord avec le fait que c'est
2 quelque chose que l'Accusation a fait ressortir, qu'il est trop pour
3 décider aujourd'hui si cette déposition pourrait être utilisée et si
4 l'accusé décidait de témoigner, comme nous avons fourni une réponse écrite
5 sur la question, je pense la Chambre de première instance sera en mesure de
6 rendre une décision appropriée. Je vous remercie.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois comprendre donc que vous avez fait une
8 réponse écrite suite à la position prise par l'Accusation. Je n'ai pas
9 encore cette réponse là. Donc nous prendrons une décision.
10 Nous avons été également saisis de mesures de protections concernant deux
11 témoins, l'un qui devrait venir donc dans le courant de ce mois et le
12 second au mois de février. La Défense nous a également adressés son mémoire
13 sur cette question. Donc, nous prendrons une décision. Et au mémoire je
14 rappelle que vous avez également demandé communication de pièces dans le
15 cadre donc de l'affaire Blaskic et que ceci est devant la Chambre d'appel.
16 Bien, donc il faudra attendre donc la décision de la Chambre d'appel afin
17 de savoir si vous aurez satisfaction sur l'ensemble des demandes faites.
18 Comme tout le monde a travaillé pendant ces vacances, l'Accusation nous a
19 également adressés une requête pour l'Article 92 bis, pour donc des
20 témoins qui pourraient être produits devant cette juridiction dans le cadre
21 de l'Article 92 bis. L'Accusation donc nous a adressés donc cette liste de
22 témoins, la Défense nous a répondu en indiquant dans son mémoire qu'elle
23 s'opposait à la liste pour les témoins 15, 21, 82, 115, 125, et 131. Voilà,
24 donc nous prendrons notre décision dans les meilleurs délais, autant
25 précisé qu'il n'y a pas une urgence particulière pour cette question, mais
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1 nous allons très rapidement puisque nous avons tous les éléments de la
2 question.
3 Enfin l'Accusation nous a adressé, mais a adressé également à la Défense un
4 corrigendum de l'Accusation, car ils ont constaté qu'il y avait des
5 "footnotes" et des mentions qui était entachés d'erreur et donc ce document
6 vient corriger les erreurs qui avaient été notées.
7 Donc vous avez eu le document de l'Accusation le 19 décembre. Donc il y a
8 des changements de "footnotes" concernant les échéances.
9 De la donc, j'ai brièvement fait le point des requêtes pendante et je
10 pense n'avoir oublié aucun élément. Ces requêtes font donc le point.
11 Est-ce que la Défense veut intervenir étant précisé que concernant les
12 archives de l'Union européenne, je n'ai aucun élément d'information suite
13 à la décision que vous avez rendu, mais peut-être que la Défense a eu
14 depuis lors d'autre éléments. Vous avez la parole.
15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais tout
16 d'abord dire que dans votre décision vous avez amenée la Défense a exprimer
17 sa position pour le 12 janvier, en ce qui concerne les conclusions de
18 l'expert militaire conformément à votre décision, nous avons également
19 fournie un réponse écrite ce jour. C'était l'une des demandes qui
20 restaient pendantes, mais nous avons déjà discuté de cette question avant
21 les vacances judiciaires.
22 En ce concerne les documents, je voudrais -- En ce qui concerne les
23 documents du conseil de l'Europe je voudrais brièvement vous informer des
24 mesures que la Défense a prise jusqu'à présent de façon a examiner ses
25 documents, puisque la Défense estime que ils sont d'une extrême importance
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1 pour la Défense de notre client et également pour le procès. Conformément
2 à votre décision du 15 décembre nous avons pris certaines mesures, à
3 plusieurs reprise nous nous sommes mit en rapport avec le secrétaire
4 général du conseil de l'Europe et avec la mission des observateurs
5 européens à Sarajevo de façon a pouvoir discuter avec eux et voir de quel
6 façon il serait possible de pouvoir aller voir accès a ses archives.
7 Le 5 janvier nous avons été Informés par les observateurs européens de la
8 mission de Sarajevo, qu'ils n'étaient absolument pas au courant des
9 décisions prises par la Chambre de première instance et à leur demande nous
10 leur avons fourni un exemplaire de ceci par télécopie et en ce qui concerne
11 cette réponse nous avons également pris la tâche du bureau de M. Solana,
12 secrétaire générale de façon a pouvoir parler aux responsables en ce qui
13 concerne cette question. M. Miller était absent, mais nous avons également
14 été informé du fait qu'il nous téléphonerait plus tard. A cette date nous
15 n'avons pas encore reçu la réponse de M. Miller, mais nous avons eu un
16 contact avec d'autre personne qui ont des postes de responsabilité.
17 Le 6 janvier, nous avons contacté le Greffe de façon a nous assuré que la
18 décision de la Chambre de première instance avait bien été transmise au
19 secrétaire générale, M. Solana, conformément à l'ordonnance prise par la
20 Chambre de première instance. Le 7 janvier, le Greffe nous a informé
21 qu'effectivement cette décision avait bien été transmise le 23 décembre
22 2003.
23 Nous avons continué à nous mettre en rapport avec tous les responsables
24 pour tenter d'obtenir une décision dès que possible. En ce qui concerne
25 votre décision de pouvoir justement accéder à ses archives, nous avons donc
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1 achevé ce que nous pouvions faire au début de janvier de cette année.
2 Ce matin, lorsque nous parlions à une personne, le responsable à Brussels,
3 nous avons été informés du fait qu'il avait reçu la décision, seulement
4 hier et que nous n'avion pas pu contacter l'ambassadeur à Sarajevo. On
5 nous a dis que nous recevions bientôt une réponse, nous avons été informés
6 de la Chambre --- de la décision de la Chambre de première instance a
7 savoir que nous aurions accès a ses archives a la fin de janvier. Nous
8 avons donc, nous allons donc continuer à insister avec notre contact, mais
9 voilà quelle est la situation aujourd'hui, telle qu'elle est exprimée dans
10 la réponse écrite que nous avons reçu de Bruxelles ce matin. Je vous
11 remercie.
12 En ce qui concerne cette question Monsieur le Président, Si on voulait bien
13 me donner la possibilité d'examiner ces archives, afin de pouvoir voir
14 rapidement efficacement tous les documents qui s'y trouvent, il s'agit
15 d'une dizaines ou de centaines de milliers documents, il faudra
16 probablement que nous demandions à la Chambre de première instance d'avoir
17 une suspension du procès d'environs deux jours afin que les types puissent
18 se rendre sur place et examiner les documents dès que possible.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : L'éventuelle suspension du procès pour une durée de
20 deux jours, j'ai noté dans le cahier qu'il y avait une journée où il n'y
21 aura pas d'audience en raison donc de la maintenance technique de la salle
22 d'audience. Alors il y aura peut-être donc déjà une journée qui pourra
23 être utilement consacrée. Mais comme vous êtes trois, enfin vous êtes six
24 avocats de la Défense. Il suffit que parmi les six, deux s'y rendre et que
25 les quatre autres reste ici.
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1 Il est possible à ce moment là. En tout cas comme vous le savez dans notre
2 décision, nous avions fixé une date limite pour que l'Union européenne nous
3 réponde. Si jamais, mais c, est une hypothèse que je laisse envisagé, il
4 n'avait pas de réponse, nous passerions donc a la phase suivante qui serait
5 l'injonction. Bon, mais je pense que la solution sera trouvée dans les
6 meilleures délais.
7 En tout cas je -- la Chambre vous remercie pour toute indulgence que vous
8 avez fait pour enfin trouver une solution plus rapide afin que vous soyez
9 en possession donc de ses pièces et que le procès puisse continué dans les
10 meilleurs conditions possible tant pour l'accusation que pour la Défense et
11 bien entendu, ce tribunal.
12 Est-ce que l'Accusation veut intervenir avant qu'on fasse entrer le premier
13 témoin ?
14 M. WITHOPF : [interprétation] Oui. Monsieur le Président,
15 Très brièvement, deux observations la première concerne, la réponse de la
16 Défense à la requête de l'Accusation pour ce qui était de modifier la liste
17 de témoin et des pièces a convictions, l'accusation entre temps fournit au
18 conseil de la Défense une liste complète de tous les documents qui avait
19 été remis à l'expert militaire et l'Accusation a également fournie au
20 conseil de la Défense copie de tous les documents a l'expert militaire. Le
21 deuxième point concerne la requête pour obtenir des mesures de protections,
22 pour témoins qui a été déposé le 7 janvier 2004. Il y a une légère
23 correction a apporté au paragraphe 9(A) de cette requête, l'accusation se
24 réfère au fait que le témoin était un Bosniaque en fait le témoin est un
25 Bosniaque -- en fait le témoin est d'origine ethnique croates. Toutefois
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1 ce fait ne change rien à la requête demandons des mesures de protection.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, donc a la page 3 du dit document,
3 paragraphe 9 "Thé witness is a Bosniak" il faut le remplacer par : "The
4 witness is a person." C'est bien sa.
5 M. WITHOPF : [interprétation] C'est bien sa, Monsieur le Président,
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, donc, ceci a été précisé pour la suite de nos
7 travaux, nous allons donc introduire le premier témoin, et je demande a
8 Monsieur l'Huissier, d'aller chercher le témoin.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, Madame le Témoin, est-ce que vous nous
11 entendez ?
12 LE TÉMOIN : [Hors micro]
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous entendez la traduction ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, un peu.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc comme vous avez déjà témoigné lors
16 de la dernière audition, nous n'allons pas vous faire à nouveau décliner
17 votre identité ni prêter serment. Donc nous allons continuer donc
18 l'audition.
19 Bien. Alors donc les questions.
20 M. WITHOPF : [interprétation] Oui.
21 LE TÉMOIN: KATICA KOVACEVIC [Reprise]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 Interrogatoire principal par M. Withopf : [Suite]
24 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Kovacevic.
25 R. [aucune interprétation]
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1 Q. Madame Kovacevic, le 10 décembre de l'année dernière juste avant les
2 vacances de fin d'année, vous avez informé la Chambre de première instance
3 notamment du fait des détails concernant l'attaque contre Miletici le 24
4 avril 1993 et la manière dont vous aviez été traitée ainsi que d'autres
5 habitants du village au cours de l'attaque par les soldats qui
6 investissaient. Et vous avez également informé la Chambre de première
7 instance du choix de Franjo Tihomir et de votre frère Vlado Pavlovic qui
8 ont dû s'agenouiller.
9 Vous avez également identifié quelles étaient les maisons de Stipo, Zveko
10 et Ivo Pavlovic.
11 Madame Kovacevic, aujourd'hui je voudrais reprendre les choses où nous les
12 avons laissées et poursuivre par rapport à ce qui a été dit le 10 décembre
13 de l'an dernier, juste avant de déterminer ce que vous disiez dans votre
14 déposition le 10 décembre, vous aviez dit que vous-même et d'autres
15 habitants du village, à l'exception de Franjo Tihomir et de votre frère
16 Vlado Pavlovic, avez été mis en rang pour se rendre deux par deux à
17 Mehurici. La question que je vous pose est la suivante : Est-ce que vous
18 êtes effectivement allés à Mehurici ?
19 R. Oui, nous l'avons fait. Nous sommes allés à Mehurici.
20 Q. Quelle est la distance entre Mehurici et Miletici, en gros ?
21 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas exactement en mètres ou en kilomètres,
22 mais ça n'est pas si près que ça. Je ne sais pas, mais ce n'est pas tout
23 près. Ça prend plus d'une demi-heure à pied.
24 Q. Très bien. Est-ce que vous êtes allés volontairement à Mehurici, vous
25 et les autres habitants du village ?
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1 R. Ils nous avaient attaché les mains et ils nous avaient mis en rang, en
2 colonne, deux par deux, et ils nous y ont emmenés. Personne ne nous a
3 demandé si nous voulions y aller ou pas. Ils nous ont tout simplement mis
4 en rang et ils nous ont emmené à Mehurici.
5 Q. Quand vous dites : "ils nous ont mis en rang", vous voulez parlez de
6 qui ?
7 R. Je parle de l'armée musulmane, de ceux qui étaient venus attaquer notre
8 village.
9 Q. Est-ce que des soldats de la ABiH vous ont escortés alors que vous
10 étiez en route vers Mehurici ?
11 R. Oui. Certains d'entre eux nous ont accompagnés, d'autres sont restés en
12 arrière.
13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, en réponse à la
14 question du Substitut, le témoin a répondu : "que ça s'appliquait à l'armée
15 musulmane qui se trouvait là", mais plus tard dans la question, le
16 Substitut a employé des mots que le témoin n'avait pas employés, de sorte
17 que nous avons une objection à formuler. Est-ce que le libellé de la
18 question pourrait être reformulé ?
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf.
20 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, si je ne me trompe
21 dans mes souvenirs, le témoin, le 10 décembre, a identifié l'armée
22 musulmane, l'armée à laquelle elle se réfère aujourd'hui, comme étant la
23 BiH. Toutefois, je suis prêt à modifier les termes employés dans la
24 question.
25 Q. Je vais donc reprendre ma question, Madame Kovacevic. Les soldats
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1 musulmans, vous ont-ils escortés pendant que vous vous déplaciez vers
2 Mehurici ?
3 R. Et bien, il y avait derrière nous des gens qui étaient vêtus comme ça.
4 Ils marchaient derrière nous. Et bien, nous, on ne pouvait pas se retourner
5 et vu l'état de choc dans lequel on se trouvait. Mais ils y sont allés,
6 derrière nous et ils nous ont escortés.
7 Q. Les soldats de l'armée qui a attaqué sont-ils restés à Miletici ?
8 R. Et bien, ça je ne le sais pas. Il y avait des gens qui sont restés là
9 haut à Miletici, quant à savoir, bien moi, je ne le sais pas. Il y en avait
10 qui sont allés avec nous, il y en avait d'autres qui sont restés. Nous, on
11 ne pouvait pas se retourner pour regarder ce qui se passait.
12 Q. Les soldats qui sont restés, sont-ils restés sur place avec les
13 Pavlovic, avec Franjo et Tihomir Pavlovic et avec votre frère, Vlado
14 Pavlovic ?
15 R. Moi, je me suis retournée et j'ai vu mon frère et ces trois gars, et
16 une partie est restée là-haut. Vous savez, je n'ai pas pu regarder partout
17 autour. J'ai vu mon frère et j'ai vu qu'ils partait et donc moi j'ai repris
18 mon chemin. J'ai vu qu'ils étaient agenouillés.
19 Q. Une autre question, Madame Kovacevic : Franjo Pavlovic, avait-il une
20 voiture ?
21 R. Oui, il avait une petite Fiat.
22 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre ce qui est advenu de cette voiture à la
23 date qui nous intéresse, le 24 avril 1993 ?
24 R. Cette voiture, elle a été emmenée pendant que nous étions là-haut.
25 Cette voiture a été emmenée et je ne sais pas ce qui lui est advenue par la
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1 suite.
2 Q. Savez-vous qui a pris la voiture ? Avez-vous une idée quelconque de --
3 quant aux personnes qui ont pris cette voiture ? Vous n'êtes pas obligé de
4 nous donner de noms.
5 R. Et bien, je ne sais pas précisément, mais je sais qu'il y a un homme
6 qui est venu et il est arrivé, il a demandé à Franjo : "A qui était cette
7 voiture." Et il lui a répondu : "C'est ma voiture." Il lui a apporté les
8 clés et il a emmené la voiture.
9 Q. Cet homme dont vous parlez était-ce un soldat musulman ?
10 R. Je n'ai pas vu d'insigne. Je n'ai pas vu d'insigne sur lui. Je ne peux
11 pas me rappeler. Je ne sais pas si c'était un soldat. Ça, je ne peux pas
12 vous le dire. Je ne sais pas.
13 Q. Dit Madame Kovacevic, que vous est-il arrivé à partir du moment où vous
14 étiez arrivée à Mehurici ?
15 R. Quand on est arrivé à Mehurici, ils nous ont emmenés dans une maison.
16 Les femmes ont été placées à part et les hommes, est bien ils avaient été
17 séparés de nous.
18 Q. Et après cette séparation, que vous est-il arrivé à vous et à d'autres
19 femmes ?
20 R. Nous étions donc dans cette maison, les femmes et on attendait pour voir
21 ce qui allait se passer avec nous et on ne savait pas ce qui était en train
22 d'arriver à nos hommes. Et après…
23 Q. Et après ?
24 R. On attendait là-bas, puis Ribo Suljo est arrivé et lui, il a négocié
25 avec eux pour qu'ils nous relâchent. Il a négocié et un car est arrivé, il
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1 est venu nous chercher, ils nous ont emmenés dans le village qui était
2 appelé Luka.
3 Q. Après le 24 avril 1993, lorsque vous avez été obligé à quitter
4 Miletici, et bien après, pourriez-vous dire à la Chambre de première
5 instance à quel moment vous avez pu revenir à Miletici ?
6 R. Oui, nous sommes revenus à Miletici, mais je ne sais pas si c'était un
7 dimanche ou un lundi, toujours est-il qu'on est revenu là-bas. On est
8 arrivé et on a vu nos morts et la FORPRONU est arrivée.
9 Q. Puis-je vous interrompre, Madame Kovacevic. Vous n'êtes par sûr si
10 c'était un dimanche ou un lundi. Mais pour ce qui est de la date, était-ce
11 le lendemain, le 25 avril 1993 ou le 26 avril 1993 ou était-ce une autre
12 date ?
13 R. Non, je ne sais pas exactement quel jour c'était. Je savais si c'était
14 un dimanche ou un lundi mais ce n'était pas une autre date, une autre date
15 que ces deux là. Tout simplement, je n'arrive pas à me rappeler précisément
16 si c'était un dimanche ou un lundi.
17 Q. Le 24 avril 1993, le jour de l'attaque, c'était quel jour de la
18 semaine ?
19 R. C'était un samedi.
20 Q. Donc le dimanche ou le lundi auquel vous vous référez, étaient-ce bien
21 les jours qui ont suivi le samedi où l'attaque a eu lieu ?
22 R. Et bien, nous on était en bas à Luka, et on est parti là haut, en fait
23 nous. Je ne sais pas si on a passé la nuit à Luka mais on est allé au
24 village, je ne sais pas si c'était le dimanche ou lundi, je n'arrive pas à
25 me souvenir lequel de ces deux jours c'était. Je ne sais pas, mais on y est
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1 allé, on est allé là haut au village, moi, ma mère, mon père, ma sœur et
2 puis d'autres gens du village.
3 Q. Tout simplement, il faut préciser, Madame Kovacevic, il ne s'est pas
4 écoulé une semaine entière entre le jour de l'attaque et le jour où vous
5 êtes allés à Miletici. Était-ce bien soit le lendemain, soit le jour
6 d'après ?
7 R. Il me semble que c'était le lendemain puisque le samedi on nous a
8 emmené à Mehurici, on était à Luka et il me semble que c'était le
9 lendemain, le dimanche mais je ne sais pas comment dire, je ne suis pas
10 sûr, c'était soit le lendemain, soit le jour d'après le lundi, je n'arrive
11 pas à me souvenir exactement du jour. Je crois que c'était ce dimanche
12 qu'on est allé là haut au village.
13 Q. Très bien. Avant de retourner là-bas, Madame Kovacevic, avez-vous
14 appris quoi que ce soit entre le moment où vous êtes partis et le moment où
15 vous êtes revenus ?
16 R. La FORPRONU nous a dit : "En bas à Luka, après avoir entendu nos
17 questions puisqu'on leur a demandé ce qui était advenu de nos autres
18 villageois ?" Ils nous ont dit qu'ils avaient été tués.
19 Q. Au moment de votre retour à Miletici, que ce soit le 25 ou le 26 avril
20 1993, y avait-il encore des soldats musulmans à Miletici ?
21 R. Et bien quand on est arrivé de Luka, quand on est arrivé dans le
22 village, il y avait un soldat musulman, au début du village par la route
23 par laquelle on est arrivé. Et après on en a vu quelques uns qui sont
24 arrivés dans le village mais nous on était encore sous le choc, on voyait
25 nos morts. Mais au début, j'en ai vu un, il était là au début de mon
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1 village au moment où on arrivait dans le village.
2 Q. Ce premier soldat que vous avez vu et puis les autres que vous avez
3 également vus à Miletici le jour de votre retour, étaient-ce des soldats
4 musulmans du coin ou étaient-ce des soldats étrangers ?
5 R. Ça, je ne saurais pas vous le dire, ça je ne sais pas, étaient-ce des
6 gens du coin, étaient-ce des étrangers. Je ne le sais pas, je ne sais pas.
7 Q. Ces soldats d'après leur apparence, étaient-ce des Moudjahiddines, des
8 Moudjahiddines comme vous les avez décrits dans votre déclaration du 10
9 décembre de l'année dernière ?
10 R. Non, non, ils n'avaient pas cette apparence-là.
11 Q. Et qu'avez-vous fait après votre arrivée à Miletici ?
12 R. Et bien, qu'on est arrivé à Miletici, tout d'abord on est allé dans
13 cette maison, dans cette maison où étaient nos morts. Ensuite, on est allé
14 dans notre maison, et donc on était là, on se tenait là au milieu du
15 village, en attendait pour voir ce qui allait advenir de nous, ce qu'ils
16 allaient faire de nous, ce qui allait se produire, on ne faisait rien
17 d'autre.
18 Q. Tout d'abord, vous êtes allés dans la maison où se trouvaient les corps
19 de vos morts. Il s'agit de quelle maison, Madame Kovacevic ?
20 R. C'était la maison d'Ivo Pavlovic.
21 M. WITHOPF : [interprétation] Puis-je demander au Greffier d'audience de
22 reprendre la pièce à conviction correspondante, la pièce P22. Je souhaite
23 qu'on la montre au témoin.
24 Q. Madame Kovacevic, pourriez-vous s'il vous plaît dire à la Chambre de
25 première instance si cette photo montre bien la photo d'Ivo Pavlovic, la
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1 maison dont vous parlez il y a un instant ? Nous voyons cette photo à
2 l'écran.
3 R. Oui, c'est ça.
4 M. WITHOPF : [interprétation] Je vous remercie.
5 Q. A l'intérieur de cette maison qui apparaît sur cette photo, la maison
6 d'Ivo Pavlovic, alors qu'avez-vous vu à l'intérieur ?
7 R. A l'intérieur de cette maison, j'ai vu nos morts, en bas dans cette
8 pièce où ils gisaient. Ils étaient recouverts de couvertures.
9 Q. De qui parlez-vous lorsque vous dites : "nos morts" ?
10 R. Je parle de Tihomir Pavlovic, Vlado Pavlovic, Franjo Pavlovic. Moi-
11 même, je n'ai pas cherché à voir plus loin. J'ai vu simplement mon frère et
12 Tihomir, et je n'osais pas regarder plus loin. Ils étaient au début, à côté
13 de la fenêtre.
14 Q. A quelle distance se trouvaient les corps de Tihomir Pavlovic, Vlado
15 Pavlovic et Franjo Pavlovic lorsque vous avez pu les voir depuis la
16 fenêtre ?
17 R. Depuis la fenêtre, peut-être à deux ou trois mètres. Je ne sais pas
18 exactement. J'ai simplement vu ça de cette fenêtre ici, que l'on voit.
19 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre de première instance si les visages des
20 corps, donc des morts dont vous parlez, si ces visages étaient visibles ?
21 R. Oui, j'ai vu le visage de Tihomir et de Vlado Pavlovic. Mais je n'ai
22 pas vu d'autres visages. J'ai vu ces deux-là.
23 Q. Madame Kovacevic, je m'apprête à vous présenter un certain nombre de
24 photographies. Je souhaiterais que vous précisiez à l'attention de la
25 Chambre de première instance si vous pouvez identifier les individus qui
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1 apparaissent sur ces photos.
2 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons déjà versé
3 au dossier, sous pli scellé ces photos pendant la déposition du témoin qui
4 est venu déposer à huis clos. Par conséquent, je propose au versement
5 encore une fois ces mêmes photos puisque le Greffe m'a dit que dans ce
6 genre de situation, les photos doivent être versées sur la même cote avec
7 .1 à la fin de la cote. Si vous m'y autorisez, je m'apprête à le faire.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur le Greffier, rappelez donc à la
9 Chambre et à la Défense et aux Accusés que ces photos avaient été
10 enregistrées sous quelle cote ?
11 M. WITHOPF : [interprétation] En fait, nous les avons sur nous. Nous
12 pouvons vous montrer ces photos soit par l'intermédiaire de Sanction [sic]
13 pas de notre logiciel, mais nous avons aussi des impressions de ces mêmes
14 photos. Et il s'agit des pièces à conviction P23 jusqu'à P27.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc ça a été enregistré sous P23 et P27.
16 Bien, donc l'Accusation va montrer donc les photos P23 et P27 au témoin. Et
17 donc les photos qui vont être présentées au témoin vont garder la même
18 cote.
19 M. WITHOPF : [interprétation] Je souhaite tout d'abord présenter au témoin
20 la pièce P27 au témoin.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc l'Huissier va mettre sous l'appareil la
22 P27.
23 La Défense.
24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
25 les Juges, avant que l'on lui montre les photos, la Défense ne voit pas de
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1 raison d'être de cette intention du Substitut, à savoir de montrer ces
2 photos au témoin. Même si nous n'allons pas objecter, mais ces photos,
3 elles ont déjà été identifiées, elles ont déjà été versées au dossier. Ça
4 c'est un premier point.
5 Deuxième point, ces photos ont été prises sept jours après l'évènement lui-
6 même, et elles se trouvent dans le -- Madame le Témoin vient de dire
7 qu'elle a vu par la fenêtre le visage de son frère. C'est le frère du
8 témoin. Nous ne savons -- nous ne voyons pas pour quelle raison il faille
9 rouvrir les plaies de ce témoin et lui poser ces questions et lui
10 représenter ces photos.
11 Donc nous estimons qu'il n'y a pas lieu de les présenter encore une fois.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais comme la Défense le sait, il importe à
13 l'Accusation de rapporter la charge de la preuve et donc l'Accusation par
14 ces photos, combien douloureuse vont tendre d'après la question de
15 l'Accusation d'une part à ce que le témoin reconnaisse formellement son
16 frère et puis les autres victimes. Je pense que c'était la volonté de
17 l'Accusation de faire confirmer par ce dit témoin la réalité de
18 l'identification des victimes dont son frère. Bien. Alors donc la P27.
19 Bien donc l'Huissier va lui présenter la photo P27. Encore faut-il que
20 l'Huissier l'ait dans ses mains.
21 Bien donc on a la P27 à l'écran. Posez votre question.
22 M. WITHOPF : [interprétation]
23 Q. Madame Kovacevic, pouvez-vous, s'il vous plaît, dire à la Chambre de
24 première instance qui voit-on sur cette photo ? Ce corps appartient à qui ?
25 R. Je vois ici, sur cette photo, le corps de Stipo Pavlovic.
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1 M. WITHOPF : [interprétation] Peut-on présenter au témoin s'il vous plaît
2 la pièce P24 ?
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors il faudrait que sur la photo qu'il lui
4 est présentée, l'intéressé identifie de manière manuscrite le nom de la
5 personne puisque dans le transcript, elle a donc dit qu'elle a vu le corps
6 de Vito Pavlovic. Donc, il faudrait qu'elle marque Vito Pavlovic.
7 Donc, Madame le Témoin, vous marquez sur la photo qu'il s'agit de M. Vito
8 Pavlovic.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai dit que j'ai vu le corps de M. Stipo
10 Pavlovic.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, parce que sur le transcript, il est marqué
12 "Vito," Donc il y a une erreur de transcript. Donc c'est Stipo Pavlovic.
13 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien qu'elle marque la date donc d'aujourd'hui le 12
15 janvier 2004. Bien, M. l'Huissier va présenter ce document à la Défense et
16 aux accusés.
17 Bien donc j'en conclus que l'Accusation souhaite donc verser ce document
18 authentifié par le témoin et ce document restera sous la cote P27.
19 M. WITHOPF : [interprétation] P27.1 si je puis, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la pièce sera
22 enregistrée sous la cote P27.1.
23 M. WITHOPF : [interprétation] Peut-on à présent, s'il vous plaît présenter
24 au témoin la pièce à conviction P24.
25 Q. Madame Kovacevic, pourrez-vous s'il vous plaît dire à la Chambre de
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1 première instance qui vous voyez sur cette photo ?
2 R. Sur cette photo, je vois le corps de Tihomir Pavlovic.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, donc, Madame le Témoin, sur la dite photo,
4 marquez donc le nom de Tihomir Pavlovic,
5 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et marquez également la date d'aujourd'hui le 12
7 janvier 2004.
8 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : M. l'Huissier va présenter ce document aux
10 défenseurs ainsi qu'aux accusés.
11 Monsieur le Greffier, vous allez donc me donner un numéro qui va être P24,
12 je suppose ?
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce à conviction portera la cote
14 P24.1.
15 M. WITHOPF : [interprétation] Peut-on à présent montrer au témoin encore
16 une fois la même pièce, la pièce P24.1.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, donc, Monsieur l'Huissier, venez reprendre le
18 document, vous présentez ce document une nouvelle fois au témoin.
19 M. WITHOPF : [interprétation]
20 Q. Madame Kovacevic, vous venez de dire que vous avez vu le visage de
21 Tihomir Pavlovic. Sur la photo que vous avez devant vous, vous voyez une
22 blessure dans le dessous du visage de la personne que vous avez identifiée
23 comme étant Tihomir Pavlovic. Le jour où vous êtes retournés à Miletici,
24 Tihomir Pavlovic portait-il sur son visage la même blessure ?
25 R. Non, je ne l'ai pas vu par la fenêtre, moi j'ai vu l'autre côté mais
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1 j'ai entendu de la bouche des nôtres et d'autres personnes peuvent le
2 confirmer, j'ai entendu dire que Tihomir Pavlovic portait cette blessure
3 sur son visage, moi je ne l'ai pas vu de mes propres yeux mais d'autres
4 personnes l'ont vue et en ont parlé, l'ont dit.
5 M. WITHOPF : [interprétation] Maintenant je demanderais que l'on montre au
6 témoin la pièce P25, c'est également une photo.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais avant de montrer, il faudrait que M. l'Huissier
8 redonne à M. le Greffier la P24.1.
9 Bien, donc on va montrer au témoin la P25.
10 M. WITHOPF : [interprétation]
11 Q. Madame Kovacevic, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que vous
12 voyez sur cette photographie, c'est le corps de qui ?
13 R. Sur cette photographie, c'est le corps de Franjo Pavlovic que l'on
14 voit.
15 Q. Pouvez-vous encore une fois apposer la date de ce jour sur cette
16 photographie ainsi que votre signature.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Et le nom de la personne que vous avez reconnue.
18 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document va être monter aux défenseurs, aux
20 accusés.
21 Bien, Monsieur le Greffier, donnez donc un numéro.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote sera P25.1.
23 M. WITHOPF : [interprétation] Merci, je souhaiterais que l'on présente
24 maintenant au témoin la pièce P26, qui porte le numéro ERN 02032398.
25 Q. Madame Kovacevic, pouvez-vous une fois encore identifier le corps que
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1 l'on voit sur cette photographie.
2 R. Sur cette photo, c'est le corps d'Ante Petrovic que je vois.
3 Q. Merci beaucoup. Pouvez-vous encore une fois apposer le nom de la
4 personne que l'on voit sur la photographie ainsi que la date de ce jour et
5 votre signature.
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur l'Huissier va présenter ce document
8 aux défenseurs et aux accusés.
9 Monsieur le Greffier, donnez donc un numéro.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
11 pièce à conviction P26.1.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, poursuivez.
13 M. WITHOPF : [interprétation] Peut-on présenter au témoin la pièce P23. Il
14 s'agit encore d'une photographie.
15 Q. Madame Kovacevic, nous savons que ceci est très pénible pour vous. Mais
16 je souhaiterais cependant vous demander de bien vouloir identifier la
17 personne que l'on voit sur cette photographie.
18 R. Sur cette photographie, c'est Vlado Pavlovic que l'on voit.
19 Q. Madame Kovacevic, vous dites, Madame, vous avez dit que vous avez vu le
20 visage de votre frère, Vlado Pavlovic, le 24 avril.
21 R. Oui. J'ai vu le visage de Vlado Pavlovic depuis la fenêtre, mais
22 c'était à une certaine distance. Je n'ai pas vu son visage distinctement.
23 Je l'ai vu par la fenêtre. Ensuite, je suis partie. Je ne l'ai pas regardé
24 plus longtemps.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur l'Huissier, donc dans la mesure où
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1 elle a indiqué le nom et la date, présentez donc ce document.
2 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit d'un document qui portera la
5 cote P23.1.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.
7 Monsieur Withopf.
8 M. WITHOPF : [interprétation]
9 Q. A quelle distance vous trouviez-vous quand vous aviez vu le visage de
10 votre frère Vlado, et pendant combien de temps l'avez-vous vu, ce visage ?
11 R. J'ai vu mon frère depuis la fenêtre de la maison. Je ne suis pas entrée
12 du tout. Je l'ai vu depuis la fenêtre. Il y a quelques instants, je vous ai
13 dit qu'elle était à la distance de trois mètres. Mais je vous ai dit que je
14 l'ai vu par la fenêtre.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : A ce stade, est-ce que nous pourrions revenir à la
16 première photo de la maison. Parce qu'il me semble qu'il y a plusieurs
17 fenêtres, et on parle d'une fenêtre. La Chambre souhaiterait savoir quelle
18 fenêtre exactement. Car le bâtiment est à plusieurs étages. Et donc il
19 serait souhaitable de localiser exactement ladite fenêtre.
20 Est-ce que, Madame le Témoin, à partir de la photo de la maison, vous
21 pourriez nous indiquer de quelle fenêtre il s'agissait ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cette fenêtre-ci, celle-ci qui se trouve
23 derrière ce pilier.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, quand vous avez vu donc les victimes par la
25 fenêtre, vous étiez donc debout sur l'emplacement qui est situé entre les
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1 deux poteaux apparemment ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, oui. Je me tenais là entre ces deux
3 piliers. Je l'ai vu par la fenêtre.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : On a constaté qu'il y a deux piliers. Et donc le
5 témoin nous dit qu'elle se trouvait entre les deux piliers. Et
6 effectivement, il y a une fenêtre derrière les piliers. Et donc, c'est de
7 cette position qu'elle a vu donc les corps. C'est bien ça ?
8 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien donc, nous y voyons beaucoup plus clair.
10 Poursuivez, Monsieur le Procureur.
11 M. WITHOPF : [interprétation]
12 Q. Pendant combien de temps avez-vous regardé, avez-vous vu le visage de
13 votre frère Vlado ?
14 R. Je l'ai seulement vu par cette fenêtre. Ensuite, je suis retournée là
15 où se tenaient ma sœur et ma mère. Je n'ai pas regardé très longtemps,
16 parce que j'en étais incapable.
17 Q. Bien. Passons maintenant à un autre sujet, Madame Kovacevic. Et en ce
18 qui me concerne, il ne me faudra pas beaucoup de temps pour en terminer de
19 mon interrogatoire. Après votre retour à Miletici, le 25 ou le 26 avril
20 1993, est-ce que les maisons de Miletici étaient intactes ?
21 R. Non. Non, ils étaient entrés dans nos maisons par infraction. C'est ce
22 qui s'était passé dans ma maison. On avait cassé la porte. Nous, nous
23 sommes entrés dans la maison.
24 Q. Mais, mais -- Poursuivez, s'il vous plaît.
25 R. Nous sommes entrés dans la maison, ma mère, ma sœur, moi-même, mon père
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1 aussi était là. Et comme la FORPRONU nous avait dit que l'on ne resterait
2 pas sur place, nous sommes entrés dans la maison pour prendre ce dont nous
3 avions besoin. Nous avons pris des photographies, des habits, puis nous
4 sommes revenus au village.
5 Q. Vous venez de faire savoir aux Juges de la Chambre que l'on était entré
6 par infraction dans votre maison. Quelle était la situation des autres
7 maisons de Miletici ?
8 R. Je n'ai pas tellement regardé autour. Mais d'autres habitants du
9 village m'ont dit qu'ils étaient entrés dans les maisons. Mais je ne suis
10 pas allée de maison en maison, parce que nous avions tous peur. Moi, je
11 suis entrée dans ma maison pour prendre des affaires. Et puis ensuite, je
12 suis retournée au village.
13 Q. Quand avez-vous finalement quitté Miletici ?
14 R. Le même jour, comme je l'ai dit il y a quelques instants. Je ne me
15 souviens pas exactement s'il s'agissait du 25 ou du 26. Mais en tout cas,
16 nous sommes partis avec la FORPRONU ce même jour.
17 Q. Depuis lors, êtes-vous retournée à Miletici ?
18 R. Non. Je ne suis jamais retournée à Miletici.
19 Q. Merci, Madame Kovacevic.
20 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, pour l'instant je n'ai
21 plus de questions à poser au témoin.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, Monsieur Withopf, votre interrogatoire
23 principal est donc terminé pour ce témoin. C'est bien ce que je comprends.
24 M. WITHOPF : [interprétation] C'est exact. Effectivement, Monsieur le
25 Président.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons donc passer au contre-interrogatoire.
2 Mais nous allons faire avant une pause. Puisque, afin de permettre au
3 témoin de se reposer.
4 Et, Madame le Témoin, après la pause qui va être d'une durée du 25 minutes,
5 la Défense des accusés ici représentés, vous posera tout à l'heure donc des
6 questions auxquelles vous aurez à répondre. Et le cas échant, le
7 représentant de l'Accusation pourra à nouveau vous reposer des questions.
8 Mais avant de suspendre l'audience, la Chambre aura une question à vous
9 poser.
10 Questions de la Cour :
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez indiqué que vous êtes repartis avec la
12 FORPRONU. Quand vous avez regardé les victimes par la fenêtre, est-ce que
13 les éléments de la FORPRONU étaient présents à ce moment-là ?
14 R. Non. La FORPRONU n'était pas là quand nous sommes arrivés, et quand
15 j'ai vu ces corps au début, la FORPRONU n'était pas là à ce moment-là.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Elle est arrivée à combien du temps après ?
17 R. Je ne m'en souviens pas au bout de combien du temps la FORPRONU est
18 arrivée. Je ne sais pas exactement. Tout ce que je sais, c'est qu'on est
19 resté au village un certain temps avant qu'ils n'arrivent.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, il est donc 15 heures 30, nous allons
21 suspendre pour 25 minutes. Nous reprendrons donc l'audience à 4 heures
22 moins cinq.
23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 32.
24 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Encore faut-il que le témoin soit là.
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1 [Le Témoin est introduit dans le prétoire]
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, je donne donc la parole à la Défense.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :
5 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Kovacevic.
6 R. Bonjour.
7 Q. Je m'appelle Edina Residovic. Je représente les intérêts du général
8 Enver Hadzihasanovic. J'ai un certain nombre de questions à vous poser. Je
9 vous demande d'essayer d'y répondre dans la mesure de vos possibilités.
10 J'aimerais vous demander cependant d'observer une pause avant de répondre à
11 mes questions. Attendez que l'interprète de la cabine anglaise en ait
12 terminé. Ensuite vous pourrez répondre. De cette façon, tout le monde dans
13 cette salle d'audience, et en particulier les Juges de la Chambre seront en
14 mesure de suivre nos échanges et de comprendre ce que nous disons. Avez-
15 vous compris ?
16 R. Oui.
17 Q. Merci.
18 Est-il exact, Madame Kovacevic, de dire que votre village se trouve dans la
19 municipalité de Travnik, se trouvait dans la municipalité de Travnik ?
20 Est-ce que vous m'avez compris ?
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Madame le Témoin, est-ce que vous avez entendu
22 la question de l'avocat de la Défense ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai entendu la question. Je n'étais pas
24 sûre, je ne suis pas sûre, je ne savais pas si je devais immédiatement
25 répondre à la question.
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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
2 Q. Est-ce que votre village se trouve dans la municipalité de Travnik ?
3 R. Oui, il se trouve dans la municipalité de Travnik.
4 Q. Est-il exact de dire que le village de Miletici est constitué de deux
5 hameaux Gornji et Donji Miletici ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Est-il exact qu'avant la guerre, il y avait environ 40 Croates dans le
8 village, et qu'ils étaient de 25 à 30 en avril 1993. Est-ce exact ?
9 R. Je crois qu'au moment de l'attaque du village, ils étaient de 25 à 30,
10 mais pour vous dire combien ils étaient -- combien il y avait d'habitants
11 avant l'attaque très franchement, je ne sais pas.
12 Q. Est-il exact que dans l'autre hameau, il y avait quatre familles qui
13 s'appelaient Suljic de leur nom de famille ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-il exact de dire que ces deux hameaux se trouvaient sur les pentes
16 de Mont Vlasic dans un terrain montagneux ?
17 R. Je ne peux pas répondre à cette question. Je sais que le village de
18 Miletici où habitaient ces frères, le village -- la partie basse du
19 village, était en dessous de notre village. Eux, ils étaient en dessous. Et
20 nous, on était placé plus haut sur les pentes de la colline.
21 Q. Et le Mont Vlasic domine votre village, n'est-ce pas ?
22 R. Je ne sais pas s'il domine. Le Mont Vlasic est de l'autre côté de notre
23 village.
24 Q. Bien, cela importe peu. En décembre, en réponse à une question de
25 l'Accusation, vous avez dit que jusqu'à ce moment-là, les relations que
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1 vous entreteniez avec vos voisins musulmans étaient exceptionnellement
2 bonnes ?
3 R. Oui, c'est exact, nous n'avons eu aucun problème jusqu'à ce jour-là.
4 Q. Cependant, vous conviendrez qu'au début mars, et en particulier après
5 le massacre d'Ahmici, on a mis en place des gardes dans les villages,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Oui. Les gens montaient la garde dans le village. Mais je ne sais pas
8 exactement ce que vous voulez dire. Je ne sais pas si c'était à cause de
9 ça, s'il y avait une relation de cause à effet. Mais en tout cas, les gens
10 montaient la garde dans le village.
11 Q. Cependant en plus de cela, ou plutôt en dépit de cela, vos bonnes
12 relations avec vos voisins de Donji Miletici ne se sont pas détériorées,
13 n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est exact. Ces relations ne se sont pas détériorées.
15 Q. Vous savez que les frères Suljic étaient membres de l'armée de Bosnie-
16 Herzégovine, n'est-ce pas ?
17 R. Je ne sais pas s'ils appartenaient à l'armée de Bosnie-Herzégovine, je
18 ne saurais vous le dire. Tout ce que je sais, c'est qu'ils sont montés au
19 village, dans notre village. Mais je ne peux pas répondre à votre question.
20 Je ne sais pas.
21 Q. Merci. Mais les hommes aptes au service militaire dans votre village
22 étaient membres du HVO. Ils faisaient partis de la Brigade Frankopan dont
23 le commandement se trouvait à Guca Gora, n'est-ce pas ?
24 R. Pour vous dire la vérité, je ne saurais le dire. Je sais que mon frère
25 n'est allé nulle part. Il n'est allé sur aucun champ de bataille. Je sais
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1 qu'il montait la garde au village. Mais il n'est pas allé sur un champ de
2 bataille quel qu'il soit.
3 Q. En réponse à une question de l'Accusation en décembre, vous avez dit
4 que le 24 avril Pero Suljic était venu au village pour vous mettre en garde
5 contre la menace que faisaient poser les Moudjahiddines qu'on avait aperçus
6 aux alentours du village. Est-ce que bien exact ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Quand il vous a dit que d'après ses informations, les Moudjahiddines
9 étaient allés au village de Skradno, village proche, ou plutôt au village
10 qui se trouvait à une heure de marche de votre village, il a dit qu'il
11 espérait qu'ils n'attaqueraient pas votre village, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Il a dit que les Moudjahiddines étaient allés au village de
13 Skomorje pas Skradno, mais le village de Skomorje. Et il a dit que si
14 quelque chose nous arrivait, il nous protégerait.
15 Q. Vous avez parlé de l'arrivée potentielle des Moudjahiddines. L'un des
16 frères Suljic, avec Franjo Pavlovic, est allé informer le commandement du
17 village de Mehurici de la possibilité de l'arrivée des Moudjahiddines,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Je ne sais pas. J'étais au village, mais on était tous complètement
20 paniqués. Je ne sais pas. Je ne sais pas s'il est allé là-bas avec lui.
21 Q. Vous avez également déclaré que peu après leur arrivée, il y a eu des
22 tirs qui ont retenti autour du village. Vous vous êtes réfugiés dans la
23 maison de Stipo Pavlovic, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Stipo Pavlovic, c'est le seul qui a riposté depuis sa maison, n'est-ce
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1 pas ? Qui a riposté à ces tirs ?
2 R. Oui.
3 Q. Quand les assaillants ont lancé des grenades, Stipo est mort et sa
4 femme Lucija, quant à elle, a été blessée. Est-ce exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Au moment où vous quittiez cette maison, vous avez vu que l'un des
7 assaillants avait également été tué, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, c'est exact.
9 Q. Vous avez ensuite vu qu'il y avait des étrangers dénommés
10 Moudjahiddines parmi les assaillants. Ils parlaient une langue que vous ne
11 connaissiez pas, et ils portaient la barbe, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Il y avait également des Musulmans de la région avec eux et vous saviez
14 qu'ils avaient rejoint les rangs des Moudjahiddines, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'est exact.
16 Q. Les Musulmans du cru portaient des cagoules de ski. Ils avaient des
17 peintures de camouflage sur le visage.
18 R. Je ne sais pas s'ils avaient des cagoules, des passe-montagnes. Mais en
19 tout cas, ils avaient de la peinture sur le visage. Ça c'est vrai pour le
20 visage. Mais je n'ai pas fait très attention à tout ça, parce que j'étais
21 complètement tétanisée par le choc.
22 Q. Donc, en dehors de ces hommes qui avaient les visages peints, vous
23 n'avez vu aucun insigne sur leur personne, n'est-ce pas ? C'est exact ?
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. L'assaillant qui a été tué, il portait un uniforme de camouflage aussi.
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1 Mais vous avez reconnu l'un des jeunes hommes de la région qui avait
2 rejoint les rangs des Moudjahiddines. C'est exact ?
3 R. Je ne crois pas que cet assaillant-là, il avait des peintures sur la
4 figure. Nous avons quitté la maison et nous sommes passés à proximité de
5 son corps. C'était en plein centre du village. Je ne sais pas si vous
6 arrivez à comprendre ce que je veux essayer dire, mais on était
7 complètement tétanisés par le choc. Je ne sais pas vraiment.
8 Q. Merci. Je ne vais pas insister pour que vous nous disiez des choses
9 dont vous ne vous souvenez pas vraiment bien. Ce jour-là, les frères
10 Suljic, Dedo, Akif et Avdo qui étaient avec vous, ils portaient des
11 vêtements civils et ils étaient armés, n'est-ce pas ? -- ou plutôt ils
12 n'étaient pas armés, n'est-ce pas ?
13 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne crois pas qu'ils étaient armés, et je
14 crois c'est vrai qu'ils étaient en civil. Mais pour vous dire la vérité, je
15 ne me rappelle pas vraiment quelle était leur tenue vestimentaire. Je ne
16 pense pas qu'ils étaient en uniforme. Je pense qu'ils étaient en civil.
17 Q. A un moment, un des Moudjahiddines a frappé l'un des habitants du
18 village, un Croate, et Akif Suljic est intervenu, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, c'est exact.
20 Q. A ce stade, à ce moment-là, un Moudjahiddines a frappé Akif Suljic à la
21 tête avec la crosse de son fusil. Est-ce exact ?
22 R. Oui, c'est ce qu'il a fait. Je ne sais pas quelle était la personne
23 qu'il a frappée, mais je sais qu'il l'a effectivement frappé.
24 Q. Et est-ce que cela l'a fait saigner ?
25 R. Oui, c'est exact. Je crois.
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1 Q. En réponse à la question qui vous a été posée par l'Accusation, à la
2 fois en décembre et aujourd'hui, vous avez dit que vous aviez les mains
3 liées et qu'on vous avait emmené dans la direction de Mehurici. En même
4 temps, Dedo et Akif Suljic ont été emmenés en direction de Mehurici. Et
5 leurs mains également avaient été liées. Est-ce exact ?
6 R. Oui. Je ne pense pas avoir dit qu'ils avaient été attachés. Je ne me
7 rappelle pas exactement si j'ai dit cela, mais je ne crois pas l'avoir dit.
8 Q. Et voilà ma question maintenant. Ils ont été emmenés à Mehurici avec
9 vous. Est-ce exact ?
10 R. Oui. Mais je ne parviens pas à me rappeler même ce détail-là. Je
11 n'arrive pas à me rappeler s'ils ont été emmenés là-bas avec nous. Il est
12 difficile pour moi de me rappeler tous les détails. Je crois que vous me
13 comprenez. Ça s'est passé il y a longtemps.
14 Q. Oui, bien entendu. Je suis désolée de vous -- de devoir vous causer une
15 telle détresse, mon devoir est de vous poser ces questions, si vous
16 connaissez les réponses. Lorsque vous vous trouviez dans le village, est-ce
17 que vous vous rappelez, ou est-ce que vous savez s'ils ont appelé l'un des
18 Moudjahiddines Ramadan ?
19 R. Je ne me souviens pas. Je ne sais pas.
20 Q. Lorsque vous êtes arrivés à Mehurici, on vous a emmenés dans une maison
21 où des Serbes vivaient précédemment, et qui étaient également sous le
22 contrôle des Moudjahiddines. Est-ce exact ?
23 R. Je ne sais pas si les Moudjahiddines les contrôlaient. Mais oui, nous
24 avons été emmenés à cette maison. Quant à savoir qui en exerçait le
25 contrôle, je l'ignore.
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1 Q. C'est là qu'ils ont séparé les hommes des femmes comme vous l'aviez
2 dit ? Et ça n'est que quelques heures plus tard, vers minuit, que vous avez
3 été relâchés ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Lorsque vous avez été relâchés, je pense que vous pouvez répondre à
6 cette question-ci, et j'espère que vous allez le faire. Est-ce qu'il y
7 avait eu deux Serbes qui avaient été en même temps relâchés, ainsi qu'un
8 Musulman qui était détenu dans ces maisons par les Moudjahiddines ? Vous
9 vous rappelez cet événement ?
10 R. Pour vous dire la vérité, je ne sais rien de tout cela. Et très
11 franchement, je n'ai aucune connaissance de ces faits.
12 M. WITHOPF : [interprétation] Donc, ma collègue vient de poser une
13 question en disant que la maison a été gardée par des Moudjahiddines. Le
14 témoin a répondu à la question en lui disant au contraire, qu'elle ne
15 savait pas si cette maison était gardée par des Moudjahiddines.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Défense, reposez la question sur ceux qui gardaient
17 la maison.
18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il
19 n'est pas nécessaire que je repose cette question, parce que le témoin, a
20 dit qu'il ne savait pas. Ce qui veut dire qu'elle ne peut pas dire qui
21 gardait cette maison. Donc répéter la question je crois, serait superflu,
22 serait inutile. Je ne veux pas ennuyer le témoin en la lassant, en
23 insistant sur des questions auxquelles elle ne peut pas répondre, pour
24 condamner tout le monde.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour informer également les Juges, est-ce qu'à votre
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1 avis dans un sens, vous saviez qui gardait la maison.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas qui gardait cette maison. Nous
3 y avons été emmenés pendant la nuit, nous nous trouvions à l'intérieur et
4 comme je l'ai dit un instant et que le redit maintenant, je ne sais pas qui
5 gardait cette maison.
6 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
7 Q. Lorsque vous avez été relâchée, vous avez vu Ribo Suljo, votre
8 professeur de géographie d'avant la guerre à l'école élémentaire de
9 Mehurici. C'est bien cela ?
10 R. Oui.
11 Q. Ribo Suljo portait là un uniforme de l'armée et il faisait partie de
12 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
13 R. Je ne sais pas, je ne sais pas cela, je ne sais pas s'il était en
14 uniforme et s'il était membre de cette armée, mais il a négocié avec eux
15 notre liberté, pour qu'on nous relâche.
16 Q. Mais c'est précisément la question que j'allais vous poser. Ribo Suljo
17 était l'une des personnes qui a négocié avec les Moudjahiddines afin qu'ils
18 vous relâchent. Est-ce bien cela ?
19 R. Oui, c'est cela.
20 Q. Ribo Suljo est d'autres membres de l'armée ont obtenu un bus, un car
21 avec lequel on vous a transporté au village de Luka. Est-ce exact ?
22 R. Oui.
23 Q. En fait Ribo Suljo et d'autres souhaitaient vous donner le meilleur
24 abri, vous seriez mieux protégés ailleurs. Et donc, il vous a logé dans une
25 maison proche de la sienne qui était la maison de ces grands-parents dans
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1 le village de Luka. Est-ce exact ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Cette nuit, vous étiez gardés par des membres de l'armée. N'est-ce pas ?
4 R. Je ne sais pas qui nous gardait, je sais que nous étions dans cette
5 maison, quant à savoir qui était à l'extérieur et qui nous gardait, je ne
6 sais pas. Je ne sais tout simplement pas, je sais simplement que nous
7 étions dans cette maison.
8 Q. Voilà, Madame Kovacic, je n'ai pas d'autres questions à vous poser. Je
9 vous remercie.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que la Défense de M. Kubura, veut procéder à
11 des questions ?
12 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
13 le Juge, la Défense de M. Kubura n'a pas de questions à poser.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que l'Accusation veut poser des questions
15 supplémentaires compte tenu des questions qui ont été posées par la
16 Défense.
17 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur le
18 Juge, l'Accusation n'a pas de questions supplémentaires à poser.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.
20 Madame le Témoin, vous êtes donc venue à La Haye à la demande donc de
21 l'Accusation. Vous avez répondu tant aux questions de l'Accusation que de
22 la Défense. La Chambre a constaté que les questions ravivaient en vous des
23 événements douloureux et nous avons bien entendu pris conscience que
24 l'interrogatoire et par les questions, vous ont secoués. Donc, ça était une
25 épreuve pour vous mais il fallait que dans le cadre de ce dossier, vous
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1 veniez témoigner. Donc la Chambre vous remercie pour votre venue et nous
2 vous souhaitons un bon voyage de retour étant précisé que vous étiez déjà
3 venue en décembre et que donc nous invitons M. l'Huissier à vous
4 accompagner et nous vous témoignons à nouveau de nos condoléances pour
5 cette épreuve familiale.
6 Monsieur l'Huissier, vous pourriez raccompagner donc Mme le témoin.
7 [Le Témoin se retire]
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de poursuivre avec le prochain, je voudrais
9 revenir sur un petit problème de procédure. Nous avons constaté tout à
10 l'heure que l'Accusation produisait donc au témoin des photos qui avaient
11 déjà été versées. Vous avez constaté comme moi que la procédure est assez
12 longue puisqu'il faut authentifier par le dit témoin la photo, l'identité
13 de la personne, mettre ses initiales, présenter cette pièce à la Défense et
14 aux accusés. Donc tout cela peut prendre du temps, surtout si l'opération
15 se renouvelle avec d'autres témoins.
16 Si la Défense en est d'accord, nous pourrions procéder de la manière
17 suivante à partir du système informatique, le témoin pourrait donc regarder
18 l'écran, authentifier à partir de l'écran, de l'écran donc la photo et à ce
19 moment-là c'est le transcript qui fera foi de la reconnaissance. Bien cette
20 procédure valent évidemment pour les témoins de l'Accusation voudra
21 également pour les témoins de la Défense lorsque le cas échant, la Défense
22 citera ses témoins, et comme ça tout le monde y gagnera du temps. Etant
23 précisé que lorsque les photos ont déjà été versées, la référence est la
24 référence ancienne. Donc on n'aura pas à donner un nouveau numéro comme on
25 l'a fait tout à l'heure.
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1 Y a-t-il des objections de la part de la Défense ?
2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, au commencement de
3 l'audience, nous avions rappelé l'attention sur ce point, les pièces à
4 convictions ont déjà été admises et versées au dossier. Donc probablement
5 pas besoin d'être à nouveau admises et versées au dossier.
6 Deuxièmement, ce fait du décès de cette mort a été admise par la Défense
7 avant le commencement de la procédure du sens qu'il n'est pas nécessaire de
8 reconfirmer certains faits au cours de l'audience proprement dite.
9 Troisièmement, si nous avons une procédure dans le sens que vous avez
10 proposée, à ce moment-là la Défense peut immédiatement dire que nous
11 pourrons confirmer ce que le témoin identifiera ou les personnes qui
12 seront identifiées par le témoin de façon à économiser le temps, il n'est
13 pas nécessaire de perdre du temps en les montrant à nouveau. Je pense que
14 nous pensons tous que nous devons évidement tous tenir compte des émotions
15 du témoin qui a certainement été troublée par l'ensemble de cette procédure
16 et c'est pour cette raison que la Défense est pleinement d'accord avec
17 votre suggestion. Je vous remercie.
18 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation est tout
19 à fait en faveur d'une telle procédure, mais la déclaration qui a été faite
20 par mon confrère n'est pas tout à fait exacte. Il ne s'agit pas de question
21 d'identification seulement, il s'agit également du fait que le témoin a la
22 possibilité de donner une description de certaines blessures que porte le
23 corps de la victime. La Défense a seulement accepté le fait que les
24 personnes nommées dans l'acte d'accusation avaient été décédées et à rien
25 d'autres. Tandis que les pièces de l'Accusation vont au-delà de cela, et
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1 tout au moins il y a une question qui se posera à un stade ultérieure de la
2 procédure lorsqu'il s'agira de prononcer une sentence. Par conséquent, ces
3 photographies doivent être montrées au témoin mais elles peuvent être
4 montrées de la manière que je vous ai -- que vous avez suggérée vous-même,
5 Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc nous ferons comme ça. Je tiens au moins à
7 préciser à l'Accusation que nous avons eu le cas tout à l'heure mais ça
8 peut se reproduire, des témoins qui ont été choqués par le drame et j'ose
9 espérer qu'on a prévu au moins un support psychologique si jamais ce témoin
10 avait besoin du soutien psychologique ultérieurement à l'audience car là
11 c'est une donnée à prendre en compte pour tous, car nous voyons bien,
12 certains peuvent être très choqués notamment par la production de pièces a
13 conviction nous rappelons [imperceptible] les drames auxquels ils ont été
14 confrontés.
15 Nous allons donc continuer les interrogatoires en faisant venir, donc le
16 nouveau témoin de l'Accusation.
17 Monsieur l'Huissier, Faite entrer donc ce témoin.
18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Bonjour Madame, est-ce que vous entendez la
20 traduction ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc dite a la chambre votre nom et prénom.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Andja Pavlovic
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre date de naissance.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 2 juin 1963.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle ville ou village ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] A Cukle, Travnik.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre profession actuelle.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre domicile ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Grubisno Polje.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez donc été cité par l'Accusation pour
8 témoigner des faits dont certains sont reprochés aux accusés. Comme vous
9 témoignez donc en justice vous devez prêter serment et je vous demande de
10 lire le texte qui est rédiger dans votre langue natale que M. L'huissier va
11 vous présenter.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la
13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 LE TÉMOIN: ANDJA PAVLOVIC [Assermenté]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : je vous remercie, vous pouvez vous asseoir.
17 Madame, dans un premier temps, l'Accusation qui situé à votre droite, va
18 vous poser des questions à la suite de cet interrogatoire mené par
19 l'Accusation, les Défendeurs de l'accusé qui sont situés à votre gauche
20 vous poserons des questions. Le cas échéant le procureur vous reposera
21 d'autre question, les juges qui sont devant vous, pourront à tout moment
22 s'il le souhaite vous poser également des questions. C'est donc dans ses
23 conditions que votre témoignage va se dérouler. Sans perdre de temps, je
24 vais donc demander à l'Accusation de commencer l'interrogatoire.
25 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Interrogatoire principal par M. Mundis :
2 Q. [interprétation] Bonjour.
3 R. Bonjour.
4 Q. Avez-vous jamais été marié ?
5 R. Oui.
6 Q. Pourriez vous nous dire la date a laquelle vous vous êtes marié et avec
7 qui vous vous êtes marié ?
8 R. Je ne me rappelle pas la date exacte, à laquelle que je me suis
9 officiellement mariée. C'était le 25 décembre, 1992 et j'ai épousée Franjo
10 Pavlovic.
11 Q. Madame le témoin une fois marié avec Franjo Pavlovic, où avez vous
12 résidez ?
13 R. A Miletici.
14 Q. Pendant combien de temps avez-vous résidez à Miletici ?
15 R. Dix ans.
16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il y a
17 une erreur dans la transcription, je crois que le témoin avait dit qu'elle
18 s'est marié en 1982 et ici il est dit 1992. Quand est-il ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1982.
20 M. MUNDIS : [interprétation] Merci de cette précision.
21 Q. Madame le témoin lorsque la guerre a éclaté en Bosnie vous viviez a
22 Miletici à l'époque est-ce exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Pourriez vous s'il vous plaît décrire à la Chambre de première instance
25 les évènements qui ont conduits au début de la guerre en Bosnie pour ce qui
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1 est en tout les cas de votre vie quotidienne à Miletici.
2 R. Que voulez-vous dire ?
3 Q. Commençant par la situation juste avant la guerre. Pourriez- vous s'il
4 vous plaît, décrire à la Chambre de première instance la composition
5 ethnique de la population du village de Miletici.
6 R. Je vivais dans le quartier qui était habités par des croates et un peu
7 plus loin environ un kilomètre et demi se trouvaient les Musulmans.
8 Q. Est-ce que le cartier vivait les Musulmans portait un nom ?
9 R. Miletici oui.
10 Q. Pourriez-vous s'il vous plaît me dire brièvement quel était l'état des
11 relations entre les croates et les Musulmans à Miletici, avant le début de
12 la guerre ?
13 R. Les relations étaient bonnes.
14 Q. Est-ce qu'à un moment est venu Madame le témoin où ses relations ont
15 commencés à changer ?
16 R. Pas avant qu'ils n'attaquent Miletici, mais jusqu'a ce moment là, tout
17 allait très bien.
18 Q. Avant l'attaque lancé sur Miletici est-ce que vous avez remarqué quoi
19 que se soi d'inhabituelle, dans le secteur entourant Miletici ?
20 R. Oui. Lorsque je suis allée à Cukle, a Jezerce, pour aller voire ma
21 famille. A Jezerce j'ai vu des Moudjahiddines qui étaient assis devant une
22 maison et si [imperceptible] j'en voyais près de l'école à Miletici de
23 Moudjahiddines.
24 Q. Madame le témoin, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous entendez
25 lorsque vous parlé de Moudjahiddines, qu'est-ce que ce terme désigne pour
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1 vous?
2 R. Moudjahiddines ce sont des soldats étrangers, des soldats Musulmans
3 étranger qui étaient venus là.
4 Q. Comment ce que vous saviez que s'est personnes étaient des soldats
5 venus de l'étranger ?
6 R. Ils avaient un accent différent, ils parlaient d'une façon différente
7 et leurs apparences étaient différentes des musulmans de chez-nous.
8 Q. Pouvez-vous s'il vous plaît précisez ce que vous entendez par ils
9 avaient une apparence différente ?
10 R. Ils étaient beaucoup plus foncé, beaucoup plus foncé leur visages,
11 la couleur de leur peau était beaucoup plus foncé des Musulmans de chez-
12 nous.
13 Q. Madame le témoin, est-ce que vous vous rappelez la première fois que
14 vous avez vu le -- de ses Moudjahiddines, vous nous avez dit où, mais est-
15 ce que vous vous rappelez approximativement le mois de l'année pendant
16 laquelle vous avez pour la première fois vu ses personnes?
17 R. C'était vers la fin de 1992.
18 Q. Je voudrais appeler votre attention plus particulièrement sur le
19 printemps 1993, Madame le témoin, à l'époque, est-ce que vous viviez encore
20 avec Franjo Pavlovic à Miletici ?
21 R. Oui.
22 Q. Et il y avait-il quelqu'un d'autre comme membre de votre famille qui
23 résidait avec vous dans votre maison à l'époque ?
24 R. Oui, oui. Il y avait le frère de mon mari, la mère de mon mari et la
25 sœur. Et il y a également nos enfants qui étaient avec nous.
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1 Q. Est-ce qu'un moment est venu où vos enfants ont été relogés ailleurs,
2 Madame le Témoin ?
3 R. Oui.
4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire à la Chambre de première instance
5 où sont allés vos enfants et approximativement à quelle époque ils s'y sont
6 rendus ?
7 R. Nous avons emmené les enfants une semaine avant cela à Cukle pour
8 qu'ils restent auprès de la sœur de mon mari.
9 Q. Madame le Témoin, lorsque que vous dites : "Une semaine avant cela," à
10 quoi pensez-vous en disant : "Cela" ?
11 R. Environ sept jours plus tôt, je les ai emmenés chez la sœur de mon mari
12 à Cukle.
13 Q. Je vais essayer de préciser ma question. Vous avez dit : "Sept jours
14 plus tôt," vous voulez dire plus tôt que quoi ?
15 R. Avant l'attaque lancée contre Miletici lorsqu'ils ont tué des
16 habitants.
17 Q. Est-ce que vous vous rappelez la date de l'attaque contre Miletici ?
18 R. C'était le 24 avril 1993.
19 Q. C'était donc sept jours avant le 24 avril 1993 que vos enfants ont été
20 emmenés à Cukle. C'est bien cela ?
21 R. Oui.
22 Q. Je voudrais appeler votre attention plus particulièrement sur le 24
23 avril 1993. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire à la Chambre de première
24 instance où vous vous trouviez dans la matinée de cette journée et ce que
25 vous faisiez.
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1 R. J'étais à la maison. C'était un samedi. J'étais en train de faire le
2 ménage dans la maison comme j'ai l'habitude de le faire.
3 Q. Est-ce que vous savez où se trouvait votre mari dans la matinée du 24
4 avril 1993 ?
5 R. Mon mari était allé labourer le champ. C'était la saison pour semer et
6 planter.
7 Q. Est-ce qu'il labourait des champs qui étaient sa propriété, la vôtre,
8 ou est-ce qu'il labourait des champs appartenant à une autre personne ?
9 R. Il labourait pour le compte de nos voisins.
10 Q. Quel était le nom des voisins dont votre mari labourait le champ dans
11 la matinée du 24 avril 1993 ?
12 R. Mande [phon] Pavlovic et Sreco Pavlovic. Et il devait terminer en
13 labourant le champ de Sreco Pavlovic.
14 Q. Est-ce que votre mari, lorsqu'il a eu fini de labourer le champ de
15 Sreco Pavlovic, où est-ce qu'il s'est rendu après avoir fini ?
16 R. Il est rentré à la maison, il a pris un bain, et ensuite il est
17 retourné à Sreco pour le dîner.
18 Q. Est-ce que vous vous rappelez approximativement à quelle heure il était
19 entré pour prendre un bain ce jour-là ?
20 R. C'était à peu près à six heures moins dix.
21 Q. Vous avez dit qu'il était -- en fait qu'il allait ensuite se rendre
22 chez Sreco pour dîner. Pourquoi allait-il dîner chez Sreco ?
23 R. Oui, c'est parce que c'est habituel, lorsque l'on aide quelqu'un à
24 labourer son champ, alors à ce moment-là, on va dîner chez lui à la fin des
25 travaux.
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1 Q. Est-ce que votre mari s'est effectivement rendu à la maison de Sreco
2 pour dîner le 24 avril 1993 ?
3 R. Non.
4 Q. Et pourquoi pas ?
5 R. Et bien, parce qu'il est entré à la maison pour prendre un bain et
6 quand il a regardé par la fenêtre il a vu qu'il se passait quelque chose
7 d'étrange.
8 Q. Et pouvez-vous nous dire ce que c'était, cette chose étrange qui se
9 passait dehors ?
10 R. Il a vu Ana Petrovic en train de pleurer dehors. Et il a vu Dedo Suljic
11 là derrière la maison d'Ivo Pavlovic.
12 Q. Pouvez-vous décrire à la Chambre de première instance l'endroit où il a
13 vu ces individus, ces individus-là, à quel endroit dans le village se
14 trouvaient-ils ?
15 R. Devant la maison d'Ivo Pavlovic, et Ana Petrovic, quant à elle, elle
16 était derrière la maison d'Ivo Pavlovic.
17 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite présenter
18 au témoin une photo. Il s'agit d'une photo sur laquelle le témoin devait
19 apporter des mentions.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
21 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons un
22 exemplaire informatisé contrairement à ce que je viens de dire. Et nous
23 avons déjà eu identification d'un certain nombre de choses représentées sur
24 cette photo par un autre témoin qui est déjà venu déposer. Cependant, je
25 demanderais à ce témoin de porter quelques autres mentions sur la photo.
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1 Donc je pense qu'il vaudrait mieux avoir une nouvelle copie -- un nouvel
2 exemplaire de la photo.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, continuez.
4 M. MUNDIS : [interprétation] Je demanderais à l'Huissier de bien vouloir
5 placer cette pièce sur le rétroprojecteur et je demanderais que l'on donne
6 au témoin un feutre fin.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Apparemment, on n'a pas de stylo à donner au témoin.
8 Voilà.
9 M. MUNDIS : [interprétation]
10 Q. Madame le Témoin, je vous prie d'examiner cette photo que vous voyez à
11 l'écran devant vous ou bien de la regarder sur votre droite et j'aimerais
12 savoir si vous êtes en mesure d'identifier ce que représente cette photo.
13 R. C'est le village Miletici.
14 Q. Tout d'abord, voyez-vous, où que ce soit sur cette photo, la maison où
15 vous vous viviez avec votre époux, Franjo Pavlovic, la maison où vous vous
16 résidiez le 24 avril 1993 ?
17 R. Oui.
18 Q. Madame le Témoin, je vous demanderais donc à présent de prendre ce
19 feutre noir que l'on vous a donné et de tracer un cercle sur la photo qui
20 est sur votre droite, un cercle autour de votre maison.
21 R. [Le témoin s'exécute]
22 Q. A présent, [imperceptible] une ligne, une ligne vers le haut, vers la
23 zone verte, et pouvez-vous inscrire le chiffre 1 à côté de la maison que
24 vous venez d'encercler, à savoir votre maison.
25 R. [Le témoin s'exécute]
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1 Q. Je vous remercie. Madame le Témoin, vous nous avez dit que votre époux
2 a vu des personnes par la fenêtre, il les a vus à l'extérieur. Est-ce que
3 vous voyez cet endroit sur la photo, l'endroit où étaient ces personnes que
4 votre époux a vues par la fenêtre ?
5 R. Oui.
6 Q. S'il vous plait, pourriez-vous nous indiquer cet endroit, l'endroit où
7 vous voyez ces gens, ces gens étaient réunis à cet endroit-là où votre mari
8 les a vus ?
9 R. Il a vu Ana Petrovic ici, quant à cet endroit, c'est là que se
10 trouvaient les autres.
11 Q. Très bien. Monsieur le Témoin --
12 M. MUNDIS : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le témoin a
13 tracé deux "X", deux petites crois.
14 Q. Pouvez-vous s'il vous plaît inscrire "AP" à l'endroit où se trouvait
15 Ana Petrovic, donc à côté du "X" où elle se tenait.
16 R. [Le témoin s'exécute]
17 Q. Je vous remercie, témoin.
18 M. MUNDIS : [interprétation] Il faudrait peut-être pour le moment laisser
19 la photo où elle se trouve puisque je demanderais d'autres éléments
20 d'informations au témoin plus tard pendant la déposition.
21 Q. Votre mari a-t-il dit quelque chose lorsqu'il a vu ces personnes
22 rassemblées dehors en fin d'après-midi au début de la soirée du 24 avril
23 1993 ?
24 R. Oui, il a dit que ça n'augurait de rien de bien puisque apparemment il
25 se passait quelque chose d'étrange.
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1 Q. Votre mari a-t-il fait quelque chose après avoir proféré ce
2 commentaire ?
3 R. Oui, nous nous sommes rendus, moi et mon époux à l'endroit où ces gens
4 se trouvaient.
5 Q. Et c'était à peu près à quelle heure ? A quel moment êtes vous sortis
6 avec votre mari pour rejoindre les gens qui se tenaient à cet endroit,
7 dehors ?
8 R. C'était vers 18 heures.
9 Q. Vous rappelez-vous si à ce moment-là on voyait encore était-ce de jour,
10 de nuit ce jour-là ?
11 R. C'était une belle journée ensoleillée, vraiment une belle journée.
12 Q. Lorsque vous avez rejoint ce petit groupe des personnes avec votre mari
13 à l'endroit où vous avez inscrit le X sur la photo. Que s'est-il passé ?
14 R. Lorsque nous sommes arrivés, Franjo a demandé à Ana Petrovic, Ce qui
15 était en train de se passer, que se passe-t-il ? Elle a répondu en disant
16 que Dedo Suljic était arrivé et qu'il a dit que les Moudjahiddines
17 c'étaient déployés autour du village.
18 Q. Un moment, Madame le Témoin, est-ce qu'il y a eu d'autres personnes qui
19 sont venues vous rejoindre à cet endroit dans le village ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous-même et votre mari vous êtes pendant à peu près combien du temps à
22 cet endroit dans le village ?
23 R. Nous y sommes arrivés, moi je suis restée, Franjo et mon mari, il a
24 demandé Dedo qui se trouvait là également, il lui a demandé : "Ce qui est
25 en train de se passer ?" Et Dedo lui a dit que les Moudjahiddines étaient
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1 partis derrière le village.
2 Q. Votre mari est-il resté à cet endroit où vous avez inscrit un X sur la
3 photo ?
4 R. Oui, mais le frère de Dedo, Avdo est arrivé, et il a dit à mon mari et
5 à Franjo qu'il fallait qu'ils partent à Mehurici pour se renseigner, pour
6 savoir au commandement s'ils avaient d'autres informations, s'ils savaient
7 où étaient partis ces Moudjahiddines.
8 Q. Et quelle est la distance approximative de Mehurici à Miletici ?
9 R. Je crois que c'est à peu près trois kilomètres.
10 Q. Madame le Témoin, vous venez de nous dire qu'ils allaient voir au
11 commandement pour se renseigner, pour savoir si au commandement on savait
12 où étaient partis ces Moudjahiddines. Et savez-vous de quel commandement il
13 s'agissait ? Au quel commandement il se référait ?
14 R. C'était le commandement musulman.
15 Q. Votre mari est-il parti pour Mehurici en ce moment-là ?
16 R. Oui.
17 Q. Lorsque votre mari est parti, à ce moment-là il y avait déjà combien
18 de personnes rassemblées à l'endroit où vous avez tracé un X sur la photo ?
19 R. Quand il est parti vers Mehurici, on était une trentaine de personnes
20 rassemblées.
21 Q. Le 24 avril 1993, savez-vous quel était le nombre approximatif
22 d'habitants de Miletici ?
23 R. On était à peu près une trentaine, deux ou trois de plus peut-être mais
24 c'était à peu près le nombre de personnes qui s'étaient rassemblées à cet
25 endroit.
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1 Q. Par conséquent, Madame le Témoin, peut-on dire que pratiquement que
2 tous les habitants de Miletici étaient rassemblés à cet endroit le 24 avril
3 1993 ?
4 R. Oui.
5 Q. S'il vous plaît, pourrez-vous nous dire ce qui s'est passé après le
6 départ de votre mari, lorsque votre mari est parti pour Mehurici ?
7 R. Lorsque mon mari est parti avec Avdo Suljic, et bien il s'est passé à
8 peine cinq minutes et on a entendu des coups de feu en provenance de toute
9 part et dirigés sur nous.
10 Q. Témoin, savez-vous qui vous tirait dessus ?
11 R. C'est l'armée musulmane qui tirait. Se sont les Musulmans qui tiraient
12 sur nous.
13 Q. Et comment savez-vous que c'était l'armée musulmane ?
14 R. Et bien, je le sais puisque lorsqu'ils ont commencé à tirer, Dedo est
15 allé grimper sur une étable, enfin sur un mur d'une étable qui était
16 détruite pour dire qu'il ne fallait pas tirer, parce que c'était Dedo
17 Suljic. Il nous a dits de nous mettre à l'abri dans la maison de Stipo et
18 il a dit à d'autres d'aller se mettre à l'abri dans une autre maison.
19 Q. Savez-vous à qui parlait Dedo Suljic à ce moment-là lorsqu'il a grimpé
20 sur ce mur, et lorsqu'il a crié ?
21 R. Avec un Moudjahiddine.
22 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise l'autre maison a été la maison de Divo.
23 Q. Alors vous rappelez-vous si à ce moment-là Dedo Suljic a prononcé des
24 noms ou des prénoms de Moudjahiddines ?
25 R. Oui, il a dit à Ramadani de ne pas tirer, en disant c'est Dedo Suljic
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1 qui se trouve ici et il a prononcé donc le nom de cette personne.
2 Q. A un moment quelconque plus tard, avez-vous vu l'individu qui se
3 faisait appelé par le nom de Ramadani ?
4 R. Oui, je l'ai vu.
5 Q. Vous nous avez dit que Dedo Suljic vous a dit qu'il fallait vous mettre
6 à l'abri dans la maison de Stipo, l'avez-vous fait ?
7 R. Oui.
8 Q. Sur cette photo qui se trouve à votre droite, pouvez-vous voir la
9 maison de Stipo Pavlovic ?
10 R. Oui.
11 Q. Je vous prie de prendre le stylo et d'encercler la maison de Stipo
12 Pavlovic.
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. Je vous prie de tracer une ligne tout droit, vers le haut de la photo,
15 vers la zone verte et je vous prie d'inscrire le chiffre 2 à côté de cette
16 ligne qui pointe vers la maison de Stipo Pavlovic.
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 Q. Monsieur le Témoin, vous avez également dit que Dedo Suljic avait dit
19 que d'autres personnes devaient se mettre à l'abri dans la maison d'Ivo.
20 Encore une fois, pouvez-vous, s'il vous plaît, voir sur la photo qui se
21 trouve à votre droite, la maison d'Ivo Pavlovic ?
22 R. Oui.
23 Q. S'il vous plaît, encerclez la maison d'Ivo Pavlovic.
24 R. [Le témoin s'exécute]
25 Q. Je vous prie de tracer une ligne vers le bas, vers la zone verte. Je
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1 vous prie d'inscrire le chiffre "3" à côté de la maison, la maison que vous
2 avez marquée comme étant la maison d'Ivo Pavlovic.
3 R. [Le témoin s'exécute]
4 Q. Très bien.
5 M. MUNDIS : [interprétation] Alors, à présent, je demanderais que l'on
6 présente au témoin deux pièces à conviction informatiques qui avaient déjà
7 été versées au dossier. Alors la première pièce porte un numéro ERN, le
8 numéro 01247883, elle a été marquée comme étant la pièce portant la cote
9 20.
10 Q. Pouvez-vous voir cette photo à l'écran devant vous ?
11 R. Oui.
12 Q. Alors pouvez-vous nous dire ce que représente la photo qui constitue la
13 pièce 20 ?
14 R. C'est la maison de Stipo Pavlovic.
15 Q. Je vous remercie.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai plus la photo sur l'écran. Non la photo
17 précédente, le P20.
18 Témoin, vous avez la photo sous les yeux. On voit donc une maison avec une
19 porte d'entrée au rez-de-chaussée, et au-dessus, il y a, semble-t-il, tracé
20 sur le mur deux épées avec, en dessous, "Jajce." Ça signifie quoi cet
21 emblème ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne savez pas ce que signifie donc l'inscription
24 ni ce que l'on voit. Il y a semble-t-il deux épées avec une un trait blanc
25 qui recouvre du bleu. Vous ne savez pas ce que ça veut dire ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Ça c'est quelque chose qui a été
2 inscrit plus tard. Ça ne figurait pas avant sur cette maison.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous nous dites que cette inscription a été
4 faite plus tard et au moment où vous vous habitiez sur place et notamment
5 le 14 avril ça n'y était pas.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
8 Oui, Maître Bourgon.
9 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Simplement pour attirer votre
10 attention. Il y a peut-être une confusion concernant le numéro de la pièce.
11 La pièce que nous voyons à l'écran porte le symbole P20 alors que sur la
12 liste qui nous a été remise, selon nos dossiers, la pièce serait plutôt la
13 pièce P21. Il faudrait absolument vérifier, Monsieur le Président, si
14 possible. Merci.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Greffier.
16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, cette pièce, dans les archives donc
18 du Greffe, porte pièce P21. Donc je demande à l'Accusation lorsqu'elle
19 présente une photo qui a déjà été versée qu'elle marque la bonne
20 numérotation sinon ça peut faire de la confusion.
21 Je remercie la Défense pour l'œil exercé qu'elle a porté sur cette pièce.
22 Bien, poursuivez.
23 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Je souhaite présenter au témoin, à présent, la pièce P22.
25 M. MUNDIS : [interprétation]
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1 Q. Nous voyons à présent à l'écran la pièce P22. Madame le Témoin --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la P22.
3 Bien. Allez-y.
4 M. MUNDIS : [interprétation]
5 Q. Il s'agit de la pièce P22. Nous voyons, à présent, Madame le Témoin,
6 cette photo à l'écran. Vous l'avez sous vos yeux. Pouvez-vous nous dire ce
7 que représente la pièce P22.
8 R. Oui, c'est la maison d'Ivo Pavlovic.
9 Q. Merci. Témoin, vous nous avez dit que vous, vous êtes allé dans la
10 maison de Stipo Pavlovic. Pouvez-vous nous dire ou savez-vous si il y a eu
11 d'autres villageois qui se sont mis à l'abri dans la maison de Stipo
12 Pavlovic le 24 avril 1993 ?
13 R. Oui. Katica Pavlovic, Marija Pavlovic, Tihomir Pavlovic, Vlado
14 Pavlovic, Lucija Pavlovic, Stipo Pavlovic et Ana Pavlovic, la sœur de
15 Tihomir.
16 Q. A quel endroit dans la maison de Stipo Pavlovic ces personnes se sont-
17 elles rendues ?
18 R. Nous sommes entrés dans le couloir, puis dans une pièce adjacente.
19 Quant à Stipo, il est resté dans le couloir avec Lucija Pavlovic.
20 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé peu après votre arrivée dans
21 la maison de Stipo Pavlovic.
22 R. Nous sommes entrés dans la maison et Stipo a fermé la porte à clé. Il
23 nous a dit que les Musulmans allaient nous tuer. Et nous, nous disions que
24 non, parce que Dedo a dit qu'ils ne savaient pas où étaient partis les
25 Moudjahiddines. Il nous a dit qu'ils n'allaient rien nous faire. Et lui, il
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1 a fermé à clé, il a pris un fusil et il a dit qu'ils allaient nous tuer.
2 Q. Et que s'est-il passé par la suite ?
3 R. Lorsqu'ils ont fermé la porte à clé, les Musulmans sont arrivés à la
4 porte et ils ont commencé à donner des coups, à cogner la porte. Et ils ont
5 commencé à tirer.
6 Q. Pendant combien de temps ces coups de feu ont-ils duré ?
7 R. Ça a duré peu de temps.
8 Q. Et que s'est-il passé lorsque les tirs sont arrêtés ?
9 R. Stipo, il a commencé à tirer sur la porte, lui aussi.
10 Q. A ce moment-là, Stipo était-il à l'intérieur de la maison ou à
11 l'extérieur de la maison lorsqu'il a ouvert le feu ?
12 R. Il était dans le couloir. Stipo se trouvait dans le couloir de sa
13 maison.
14 Q. Pendant combien de temps Stipo a-t-il tiré depuis le couloir de sa
15 maison ?
16 R. Pendant très peu de temps et il s'est arrêté.
17 Q. Et que s'est-il passé une fois que Stipo a arrêté de tirer ?
18 R. Lorsque Stipo a arrêté de tirer, les Musulmans ont percé la porte et
19 ils ont lancé une grenade dans le couloir. C'était certainement une grenade
20 puisque quelque chose a explosée et puis il y avait de la fumée là où on se
21 trouvait à l'intérieur.
22 Q. Quelle a été la réaction des gens qui se trouvaient à l'intérieur de la
23 maison de Stipo Pavlovic lorsque cette explosion s'est produite ?
24 R. Nous avons crié et hurlé et pleuré. Lucija s'est mis à pleurer, à crier
25 en disant qu'on a tué Stipo et qu'elle même venait d'être blessée.
Page 1321
1 Q. Et que s'est-il passé après que Lucija a dit cela ?
2 R. Lorsque Lucija a dit ça, nous on pleurait, deux soldats musulmans sont
3 entrés dans la pièce où on se trouvait.
4 Q. Vous souveniez-vous des habits que portaient ces soldats ?
5 R. Je sais que l'un d'entre eux portait un tee-shirt noir à manche courte
6 et un autre avait une inscription sur son bras, et c'était marqué police,
7 "Politia".
8 Q. L'un quelconque de ces individus portait-il des insignes que vous
9 sauriez en mesure d'identifier, de nous préciser quelle est l'organisation,
10 l'Unité militaire à laquelle ils appartenaient ?
11 R. Non, seulement lorsque je suis sortie, j'ai vu qu'il y en avait un qui
12 portait un brassard et je voyais des lettres, trois lettres sur ce
13 brassard, "BiH", et puis je n'ai pas vraiment cherché à voir et je n'ai pas
14 vu d'autres insignes.
15 Q. Ces deux soldats qui sont rentrés dans la maison de Stipo Pavlovic.
16 Savez-vous si c'étaient des gens du coin, si c'étaient des Musulmans ou si
17 c'étaient des étrangers ?
18 R. L'un d'entre eux, était certainement un Moudjahiddine parce qu'il ne
19 savait pas parler comme nous, il ne savait pas parler notre langue et il a
20 commencé à tirer sur une personne et il a crié, sortez, sortez.
21 Q. Lorsque ces soldats sont rentrés dans la maison de Stipo Pavlovic,
22 qu'en fait les gens qui se trouvaient à l'intérieur ?
23 R. Et bien, ils les ont sortis à l'extérieur, on s'enfuyait parce que lui
24 il tirait dans la pièce, il nous a dits de sortir et nous sommes sortis
25 dans le couloir, nous avons Stipo qui était -- qui gisait par terre et
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1 Lucija était à côté de lui, elle pleurait et nous avons sorti par-dessus
2 Stipo, mais nous sommes sortis.
3 Q. Et à quel endroit vous êtes-vous rendu dans le village puisque vous
4 dites que vous êtes sortis dehors ?
5 R. On est passé entre les maisons de Stipo et Ivo.
6 M. MUNDIS : [interprétation] Je demanderais à présent que l'Huissier qu'il
7 reprenne la photo aérienne sur laquelle le témoin portait des mentions
8 précédemment.
9 Q. Madame le Témoin, vous avez une photo sur votre droite, et voyez-vous
10 l'endroit où vous vous êtes retrouvés lorsque vous êtes sortis de la maison
11 de Stipo Pavlovic ?
12 R. Oui.
13 Q. Je demanderais que le témoin prenne le pointeur et qu'elle montre
14 l'endroit où se sont rassemblés les personnes qui avaient été précédemment
15 dans la maison de Stipo Pavlovic.
16 R. [Le Témoin s'exécute]
17 Q. Pouvez-vous s'il vous plaît prendre le stylo noir et inscrire un X et
18 tracer également un cercle autour de cet endroit où vous vous êtes rendus,
19 où vous êtes rassemblés après avoir quittés la maison de Stipo Pavlovic.
20 R. [Le Témoin s'exécute]
21 Q. Madame le Témoin, une fois que les gens se sont assemblés à l'endroit
22 où vous avez tracé un X. Que s'est-il passé ?
23 R. Lorsque nous sommes sortis à cet endroit, il y avait là déjà des gens
24 qui étaient sortis de la maison d'Ivo Pavlovic et ils ont commencé à nous
25 injurier parce que nous avons tué un Musulman.
Page 1323
1 Q. Vous dites, ils ont commencé à vous insulter mais qui vous insulter à
2 ce moment-là ?
3 R. Les Musulmans.
4 Q. Les gens qui étaient dans la maison de Ivo Pavlovic où sont-ils allés
5 quant ils sont sortis de cette maison ?
6 R. Ils se sont rendu au point où nous même qui étions dans la maison de
7 Stipo, nous étions réunis après être sortis de cette maison-là.
8 Q. Il y avait à peu près combien de personnes réunies à l'endroit que vous
9 avez identifié au moyen d'un X, encerclé d'un cercle. Combien y avait-il
10 d'habitants de village dans cet endroit-là à ce moment-là environ ?
11 R. Nous étions 29 ou 30 environ parce que mon époux n'était pas avec moi à
12 ce moment-là.
13 Q. A ce moment-là, Madame, saviez-vous où se trouvait votre mari ?
14 R. Il était avec Avdo Suljic parce qu'il avait dit qu'ils allaient aller à
15 Mehurici.
16 Q. Pouvez-vous nous dire ce qu'il est arrivé au groupe auquel vous
17 apparteniez, vous étiez donc environ 29. Qu'a-t-il arrivé à ce groupe qui
18 se trouvait au point marqué par X ?
19 R. Les soldats musulmans nous ont dits qu'il fallait que nous allions dans
20 nos maisons pour y chercher les armes et les ramener. Ils ont dit que ceux
21 qui ne ramèneraient pas d'armes seraient exécutés sur le champ.
22 Q. Combien de soldats musulmans environ avez-vous à ce moment-là ?
23 R. Je ne sais pas, je ne peux pas vous le dire avec certitude, ni
24 exactitude, mais il y en avait peut-être une quinzaine ou une vingtaine, je
25 ne sais pas.
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1 Q. Savez-vous si parmi ces 15 ou 20 hommes il y avait soit des Musulmans
2 étrangers, des Musulmans de la région, bien s'il y avait à la fois des
3 Musulmans étrangers et des Musulmans de la région ?
4 R. Il y avait aussi bien les uns que les autres.
5 Q. Pouvez-vous décrire la tenue vestimentaire de cette quinzaine ou cette
6 vingtaine de soldats ?
7 R. Et bien, ils avaient des uniformes de camouflages militaires, mais pas
8 tous. Ils n'étaient pas tous en uniforme militaire, certains étaient en
9 civil.
10 Q. Vous nous avez déclaré que les soldats musulmans, vous avaient dit que
11 vous deviez aller dans vos maisons. Et est-ce que ce que c'est
12 effectivement produit ?
13 R. Oui.
14 Q. Pouvez-vous nous relater dans quelles circonstances vous êtes rendus
15 dans vos maisons ?
16 R. Moi, j'ai pris la direction de ma maison et Ramadani aussi avec moi. Et
17 quand je suis arrivé à un point se trouvant entre la maison de Ivo et la
18 mienne, je me suis trouvée à côté d'un petit ruisseau, il y avait un
19 ruisseau à cet endroit, j'étais terrorisé, au moyen de son fusil il m'a
20 poussée, et il m'a dit je ne vais pas te tuer, je ne vais pas te tuer, mais
21 il ne parlait pas correctement, il ne parlait pas notre langue.
22 Q. Est-ce que vous êtes allé effectivement dans votre maison accompagnée
23 de l'homme dont vous nous dites qu'il s'appelait Ramadani?
24 R. Oui.
25 Q. Et dans votre maison, qu'avez-vous fait, combien de temps êtes-vous
Page 1325
1 restés à l'intérieur de la maison ?
2 R. Je suis arrivé à la maison avec Ramadani, il se tenait derrière moi.
3 J'ai trouvé le fusil qui nous avait été remis. Et je lui ai demandé s'il
4 fallait que je donne aussi les munitions, et il a dit qu'il n'avait pas
5 besoin des munitions, uniquement du fusil.
6 Q. Combien de temps êtes-vous restés à l'intérieur de votre maison ?
7 R. Quelques minutes, juste le temps de prendre l'arme et de sortir.
8 Q. En sortant de votre maison où vous êtes-vous rendus ?
9 R. J'étais entre la maison d'Ivo et celle de Stipo. C'est là qu'ils
10 avaient étendu des toiles par terre une étoile de type militaire et ils
11 nous ont dit de mettre les armes et les fusils sur ces toiles -- sur ces
12 bâches.
13 Q. Est-ce qu'au bout d'un certain temps, les habitants de Miletici se sont
14 réunis une fois encore à l'endroit que vous avez identifié sur la
15 photographie au moyen d'un "X" entouré d'un cercle ?
16 R. Oui. Parce que ceux qui avaient des armes sont retournés dans leur
17 maison pour chercher les armes et ils sont revenus munis de ces armes à ce
18 point.
19 Q. Vous souvenez-vous de l'heure approximative de votre retour à cet
20 endroit et du moment où vous avez posé l'arme sur cette bâche, qui se
21 trouvait entre la maison de Stipo et la maison d'Ivo ?
22 R. Je ne peux pas vous répondre avec précision. Disons qu'il s'était
23 écoulé une heure ou deux, disons une heure. Je crois que c'est le temps
24 qu'il a fallu pour que tout cela se déroule. Il était à peu près 7 heures.
25 Q. Combien de temps êtes-vous restés à cet endroit ?
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1 R. Pas longtemps. Ils ont commencé à nous invectiver parce qu'on avait,
2 soi-disant, tué quelqu'un. Et celui qui était venu dans la maison et qui
3 avait hurlé qu'il fallait sortir, il a dit qu'il fallait tous nous
4 massacrer.
5 Q. Est-ce qu'ensuite on vous a emmenés à un autre endroit ?
6 R. Oui. A ce moment-là, ils nous ont attachés. Ils ont attachés nos -- ils
7 nous ont attachés les mains derrière le dos. Et à ce moment-là, Avdo a
8 ramené mon mari au village.
9 Q. Est-ce que votre mari a été emmené à un endroit où vous-même et les
10 autres habitants du village vous étiez rassemblés ?
11 R. Oui, parce que Avdo est arrivé et il a dit : "Moi, je suis Avdo
12 Suljic". Et ensuite, un Musulman s'est approché de lui et lui a dit de
13 retourner, de repartir. Mon mari l'a suivi et à ce moment-là, celui-là lui
14 a dit : "Non, toi Franjo, tu retournes, tu rentres parce que toi tu n'es
15 pas musulman".
16 Q. Et que s'est-il passé ensuite ?
17 R. Avdo est rentré chez lui et Franjo est resté avec nous. Ensuite, ils
18 nous ont attachés puis ils ont séparés les hommes de nous autres.
19 Q. Vous souvenez-vous du nombre d'hommes, environ, qui ont été séparés du
20 reste du groupe ?
21 R. Oui. Ils ont emmené mon mari, Franjo, Tihomir, Vlado ainsi qu'Anto,
22 quand on a amené les armes. Ensuite, l'un d'eux a levé la main et il a dit
23 qu'il faillait qu'il y en ait cinq. Et ensuite, l'autre -- un autre a
24 indiqué a indiqué la maison où Stipo avait été tué et il a dit que ce
25 c'était bien, que ça allait.
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1 Q. Les quatre hommes, Franjo, Tihomir, Vlado et Anto, ces quatre hommes
2 dont vous nous avez donné les noms, vous nous dites qu'ils les ont emmenés.
3 Où les ont-ils emmenés ?
4 R. Ils les emmenés à l'écart de nous-mêmes, nous autres du groupe, et ils
5 ont ordonné à Franjo, Tihomir et Vlado de s'agenouiller devant la maison
6 d'Ivo. Mais Anto on lui a emmené à ailleurs. Je ne sais pas où ils l'ont
7 emmené.
8 Q. Combien de temps êtes-vous restés à cet endroit après avoir vu ces
9 hommes être mis un peu à l'écart et être contraints à s'agenouiller ?
10 R. Cinq ou dix minutes peut-être. On les a mis à l'écart. On leur a
11 ordonné de s'agenouiller alors que nous autres, nous avons reçu l'ordre de
12 prendre la direction de Mehurici.
13 Q. Et est-ce que effectivement vous avez alors pris la direction de
14 Mehurici ?
15 R. Oui. Mais Dedo Suljic et Akif sont venus avec nous, mais eux, ils
16 n'étaient pas attachés.
17 Q. Ce groupe comptait combien de personnes ? Ce groupe de personnes qui
18 avaient les mains attachées et qu'on a emmené vers Mehurici ?
19 R. Je ne sais pas. Environ 25 peut-être, je crois.
20 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure. Je
21 m'approche -- je m'apprête à aborder une autre série de questions et il
22 semble que nous ne sommes pas loin de l'heure habituelle de la pause.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez tout à fait raison. Et nous allons donc
24 interrompre pour donc cause technique pendant 25 minutes. Donc nous
25 reprendrons à 6 heures moins cinq.
Page 1328
1 Bon. Est-ce que l'Accusation peut me préciser combien il faudra à nouveau
2 pour [imperceptible] l'interrogatoire.
3 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, pendant la pause, je
4 vais passer en revue les questions, mais je pense que j'aurai besoin
5 d'environ 10 à 15 minutes.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Trois-quarts d'heures, est-ce que ça sera suffisant
7 pour le contre-interrogatoire ?
8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pour ce qui est de la Défense du général
9 Hadzihasanovic, cela sera suffisant.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
11 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.
12 --- L'audience est reprise à 18 heures 01.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Nous allons faire introduire
14 le témoin.
15 [Le Témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais donc donner la parole à nouveau à
17 l'Accusation pour l'achèvement de son interrogatoire.
18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Madame le Témoin, juste avant la pause, vous nous avez expliqué que le
20 groupe de 25 personnes environ de Miletici a été emmené manu militari en
21 direction de Mehurici. Est-ce qu'effectivement vous vous êtes rendus là-bas
22 à Mehurici ?
23 R. Oui.
24 Q. Qu'avez-vous fait, qu'a fait ce groupe lorsqu'il est arrivé à
25 Mehurici ?
Page 1329
1 R. Quand nous sommes arrivés à Mehurici, certains ont hurlé en disant
2 qu'il fallait nous emmener à l'école, dans l'école. Et d'autres ont dit
3 qu'il fallait nous emmener à Poljanice.
4 Q. Vous dites certaines personnes criaient, hurlaient. Qui étaient-ce ?
5 R. Des Musulmans.
6 Q. Quelle était la tenue vestimentaire de ces personnes ?
7 R. Ils hurlaient qu'on devait nous emmener à Poljanice, et d'autres
8 disaient qu'il fallait nous emmener dans l'école. Parce qu'on avait
9 l'impression qu'il y avait une sorte de manifestation. Il y avait tellement
10 de monde à Mehurici. Et certains ont dit : "Mais laissez-les partir, ils
11 n'ont rien fait." Et d'autres nous insultaient. Enfin, je n'ai pas vraiment
12 fait attention à ce qu'ils disaient exactement.
13 Q. Vous parlez de l'école, de quelle école s'agit-il ? Savez-vous à quelle
14 école ils pensaient ?
15 R. L'école de Mehurici, l'école pour les enfants.
16 Q. Savez-vous si -- quel était l'emploi de cette école le 24 avril 1993 ?
17 A quoi elle servait à ce moment-là ?
18 R. Quand les enfants allaient encore à l'école, ils allaient dans ces
19 bâtiments. Et puis quand l'école s'est arrêtée, les soldats, les Musulmans
20 s'en sont servis.
21 Q. Est-ce que vous êtes allés à l'école de Mehurici, ou bien est-ce que
22 vous êtes allés à Poljanice ?
23 R. Non. On est allé à Poljanice dans une maison serbe. On nous a emmenés à
24 cet endroit. On a emmené les hommes dans l'étable. Et nous, on nous a
25 installé au sous-sol de la maison.
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1 Q. Vous parlez du sous-sol de la maison. Est-ce qu'il y avait déjà des
2 gens au sous-sol quand vous y êtes arrivés ?
3 R. Il y avait deux femmes serbes.
4 Q. Combien de temps êtes-vous restés dans cette maison ?
5 R. Nous y sommes restés trois heures, quatre heures, ou cinq heures. Je ne
6 sais pas exactement. Peut-être jusqu'à minuit ou après minuit.
7 Q. En quittant cette maison, où vous êtes-vous rendus ?
8 R. On est allé à Luka, là où se trouvait les Musulmans. Parce que Ribo
9 Suljo est venu, et il a dit que soit disant il nous avait libérés de
10 l'armée musulmane. Il nous a emmenés à Luka dans des maisons musulmanes.
11 Q. Combien de temps êtes-vous restés à Luka dans les maisons musulmanes ?
12 Dans les maisons des Musulmans ?
13 R. Quand on est arrivé aux maisons musulmanes à Luka, c'était dimanche. Et
14 le lundi, on est retourné chez nous à Miletici.
15 Q. De quelle manière êtes-vous retournés à Miletici ?
16 R. On est parti parce que les Musulmans de Luka disaient qu'on ne devait
17 pas aller à Miletici, parce qu'il y avait des soldats musulmans à Miletici.
18 Mais on a malgré tout décidé par nous-mêmes de rentrer à Miletici, dans
19 notre village.
20 Q. Et combien d'entre vous ont décidé de vous rendre au village de
21 Miletici ?
22 R. On est tous parti, on était environ 25 ou 26.
23 Q. Et comment êtes-vous allés de Luka à Miletici ?
24 R. On y est allé à pied.
25 Q. Quelle est la distance approximative qui sépare Luka de Miletici ? Et
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1 combien du temps vous a-t-il fallu pour parcourir cette distance à pied ce
2 jour-là ?
3 R. Environ 15 minutes.
4 Q. Et à quelle distance Miletici se trouve de Luka ?
5 R. En prenant le raccourci, ce n'est pas très loin. C'est une distance
6 d'environ deux kilomètres.
7 Q. A quelle heure environ, le matin du lundi 26 avril 1993, à quelle heure
8 environ donc, êtes-vous arrivés au village de Miletici ?
9 R. C'était à peu près vers 10 ou 11 heures du matin.
10 Q. A votre arrivée à Miletici, avez-vous vu des gens que vous connaissiez,
11 lorsque vous êtes arrivé ?
12 R. J'ai vu Dedo Suljic.
13 Q. Avez-vous dit quelque chose à Dedo Suljic à ce moment-là ?
14 R. Il nous a demandé pourquoi on était venu au village, et qu'ils nous
15 avait laissés venir. Et moi, je lui ai demandé ce qu'il faisait là.
16 Q. Avez-vous expliqué à Dedo Suljic pourquoi vous étiez revenus au
17 village ?
18 R. Oui. On lui a dit qu'on était venu voir où se trouvaient les nôtres,
19 ceux qui avaient été tués, ceux qui étaient encore à Miletici.
20 Q. A ce moment-là, saviez-vous que des gens avaient été tués à Miletici ?
21 R. Oui.
22 Q. Comment se fait-il que vous l'ayez su ?
23 R. Parce que les gens de la FORPRONU sont allés à Miletici le dimanche. Et
24 en revenant, ils nous ont dit que ceux qui étaient restés à Miletici, ceux
25 d'entre nous qui étaient restés à Miletici avaient été tués.
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1 Q. A votre arrivés ce matin-là à Miletici, à votre arrivée dans le
2 village, où êtes-vous allés ?
3 R. Quand on est arrivé à Miletici, j'ai demandé à Sreco Pavlovic où
4 étaient nos morts. Il m'a dit qu'ils se trouvaient dans la maison de Ivo et
5 pas dans la maison de Stipo. Parce qu'on les avait transportés dans la
6 maison de Ivo Pavlovic.
7 Q. Et ce matin-là, est-ce que vous êtes allée jusqu'à la maison de Ivo
8 Pavlovic ?
9 R. Oui, oui.
10 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu lorsque
11 vous êtes entrée dans la maison de Ivo Pavlovic ?
12 R. Quand je suis entrée dans la maison, j'ai vu cinq cadavres enveloppés
13 dans des couvertures. Je les ai découverts. Le premier, c'était Tihomir.
14 J'ai vu que ce n'était pas mon mari, donc j'ai continué. Le deuxième,
15 c'était Stipo Pavlovic. Et quand je suis arrivée au troisième cadavre,
16 quand j'ai enlevé la couverture, j'ai vu que c'était mon mari. Et puis je
17 n'ai pas continué.
18 Q. Madame le Témoin, je sais que ceci risque d'être très pénible pour
19 vous, mais je vous demande cependant de bien vouloir dire aux juges de la
20 Chambre de première instance quel était l'état du corps du votre époux
21 lorsque vous avez enlevé la couverture ?
22 R. Mon mari était sur le ventre, mais il n'avait pas la tête vers le bas.
23 Il avait la tête tournée vers la gauche. En tout cas, je n'ai pas bien vu
24 son visage. J'ai vu du sang autour de son cou et une blessure dans son dos.
25 Il avait les mains liées dans le dos. Je lui ai pris sa montre. Je voulais
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1 retourner son corps, mais Sreco entré et il m'a dit de sortir. Il m'a
2 demandé ce que je cherchais.
3 Q. Avez-vous observé d'autres éléments inhabituels, ou d'autres -- sur le
4 corps de votre mari, des marques, des blessures particulières?
5 R. Pas à ce moment-là. Mais plus tard, mon frère est allé à Nova Bila.
6 J'ai vu les photographies. Et j'ai vu sur les photographies, qu'il portait
7 d'autres blessures. Parce que moi, j'avais voulu retourner son corps. Mais
8 je n'ai pas pu le faire, parce que je n'étais pas assez forte physiquement
9 à ce moment-là pour tourner le corps.
10 Q. Pouvez-vous nous dire quelles autres blessures vous avez pu observer
11 sur ces photographies ?
12 R. J'ai pu voir qu'on lui avait tiré à côté de l'œil. Son œil était sorti
13 de son orbite. Il avait également une blessure au niveau de la cage
14 thoracique. Et au niveau des jambes, il y avait des traces de coup de
15 couteau.
16 Q. Madame le Témoin, je souhaiterais maintenant vous demander une fois
17 encore d'examiner la photographie qui se trouve à votre droite sur le
18 rétroprojecteur.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation, a-t-elle l'intention de montrer la
20 photo de son mari au témoin. Dans la mesure où il n'y a pas de contestation
21 sur le décès de son mari, la Chambre estime que ce n'est pas le moment de
22 raviver à nouveau des drames personnels par la vision de la photo de son
23 époux. Dans la mesure où il est acquis par ce qu'elle a dit. Et ce n'est
24 pas contesté par la Défense que son mari est bien décédé. Est-ce que
25 l'Accusation voulait à ce moment-là mettre sous les yeux de la victime,
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1 enfin de la dame qui est quand même victime indirecte du décès de son mari,
2 la photo de son époux ?
3 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation, à
4 l'origine, avait eu l'intention de le faire. Mais à la lumière des
5 événements en ce qui concerne lorsqu'il a été dit par un témoin précédent,
6 nous n'allons pas le montrer. Nous allons passer à une série de dernières
7 questions qui ont trait à des photos aériennes qui seront présentées au
8 rétroprojecteur, des photographies de Miletici qui ---
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Photos aériennes, très bien.
10 M. MUNDIS : [interprétation] C'est la même photographie que celle sur
11 laquelle elle avait apporté un certain signe.
12 Q. Madame le Témoin, sur la photographie qui se trouve à votre droite,
13 est-ce que vous voyez la maison où Tihomir Pavlovic se trouvait ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous pourriez prendre s'il vous plaît le marqueur noir, et
16 mettre un rond sur la maison où Tihomir Pavlovic vivait ?
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 Q. Pourriez-vous maintenant placer le numéro -- inscrire le numéro quatre
19 à côté du cercle que vous venez de tracer sur la photographie.
20 R. [Le témoin s'exécute]
21 Q. Madame le Témoin, sur la photographie, est-ce que vous voyez la maison
22 de Anto Pavlovic ?
23 R. Oui.
24 Q. Pourriez-vous s'il vous plaît faire un rond sur la maison de Anto
25 Pavlovic ?
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1 R. [Le témoin s'exécute]
2 Q. Madame le Témoin, veuillez écrire le numéro "5" à côté du cercle que
3 vous avez mis sur la maison de Anto Pavlovic ?
4 R. [Le témoin s'exécute]
5 Q. Est-ce que vous voyez la maison où vivait Vlado Pavlovic sur cette
6 photographie ?
7 R. Oui.
8 Q. Pourriez-vous s'il vous plaît mettre un cercle à l'endroit de cette
9 maison ?
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. Et veuillez s'il vous plaît inscrire le chiffre "6" à côté de la maison
12 où vivait Vlado Pavlovic ?
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. Madame le Témoin, pourriez-vous nous dire s'il vous plaît qui d'autre
15 vivait dans cette maison qui porte le chiffre "6", et où vivait Vlado
16 Pavlovic ?
17 R. Ses parents, sa sœur Marija et sa sœur Katica et son frère Filip qui se
18 trouvait en Suisse à l'époque.
19 Q. Est-ce que sa sœur Katica s'est mariée par la suite ? Elle ne porte
20 plus le nom de Katica Pavlovic. Est-ce exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Pourriez-vous dire aux membres de la Chambre quel est son nom de femme
23 mariée ?
24 R. Kovacevic.
25 Q. Madame le Témoin, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre qui était
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1 le plus âgé, Vlado Pavlovic ou Katica Kovacevic ?
2 R. C'étaient des jumeaux.
3 Q. Je vous remercie, Madame le Témoin.
4 M. MUNDIS : [interprétation] L'Accusation n'a pas d'autres questions à
5 poser pour le moment.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je pense que l'Accusation veut donc verser
7 dans la procédure cette photo aérienne qui a été donc authentifiée donc.
8 Madame le Témoin, pouvez marquer sur donc cette photo, votre nom et votre
9 prénom, la date d'aujourd'hui et signer ce document. Nous sommes le 12
10 janvier 2004.
11 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mettez votre signature sur le document, ou
13 vous mettez votre nom comme vous voulez. Vous signez ou vous mettez votre
14 nom.
15 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors Monsieur l'Huissier, présentez ce
17 document aux Défenseurs ainsi qu'aux Accusés. Monsieur le Greffier,
18 donnez-moi donc un numéro ?
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ce sera la
20 pièce numéro P32.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document est donc versé dans la procédure sous
22 l'identification P32. Avant de donner la parole a la Défense pour le contre
23 interrogatoire je souhaiterais poser deux courtes questions aux témoins.
24 Questions de la Cour :
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le témoin, vous avez fait état de deux
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1 personnes que vous avez rencontré, lorsque vous avez été arrêtée et
2 transférée de villages en villages. Maintenant vous avez parlez d'un nommé
3 Ribo Suljo, qui d'après ce que j'ai pu comprendre de vos réponses à
4 l'Accusation est la personne qui est intervenue pour vous faire libérer en
5 quelque sorte. D'après vous M. Ribo Suljo, quelle fonction ou qualité
6 avait -- avait-il ? C'était un militaire, c'était un civile, il était
7 investi de quelle fonction ?
8 R. Je ne sais pas exactement ce qu'il était, je crois que c'était un
9 enseignement a l'école, mais tant qu'a savoir s'il était quelqu'un dans
10 l'armée sa je ne le sais pas. C'est quelque chose que je ne sais pas.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Il avait une tenue civile ou une tenue militaire ?
12 R. Je ne sais pas, je ne l'ai pas vu parce qu'il faisait sombre il faisait
13 nuit, c'était la nuit, je ne pouvais pas bien le voir. Je l'ai vu, mais en
14 fait je n'ai pas fait attention à sa tenue vestimentaire.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Le -- La deuxième personne que vous avez cité quand
16 vous retournez à Miletici et cette personne a semblé surprise de vous voir.
17 Vous avez parlez de M. Dedo Suljic. La même question concernant cette
18 personne, est-ce qu'elle avait une fonction officielle ?
19 R. Non. C'était un homme âgé, il n'avait pas de fonction particulière.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, il était habillé en civile ou en militaire ?
21 R. Il était habillé en civile.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, merci Madame le témoin. Je vais donc --
23 il nous reste 35 minutes pour le contre-interrogatoire. Je vais donc
24 donner la parole à la Défense pour le contre-interrogatoire.
25 Contre-interrogatoire par Mme Residovic:
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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Bonjour.
3 R. Bonjour.
4 Q. Mon nom est Edina Residovic, et je représente le général
5 Hadzihasanovic. Je vais poser plusieurs questions dans le cas où vous
6 connaîtriez les réponses à ses questions. Lorsque l'Accusation vous a
7 demandé cela. Vous avez dit vous étiez arrivé au village de Miletici en
8 1982 après votre mariage. Est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. A partir de ce moment la jusqu'à aujourd'hui 24 janvier -- jusqu'au 24
11 avril 1993, vous avez vécu a Gornji Miletici sans interruption. Est-ce
12 exact ?
13 R. Oui.
14 Q. Les habitants de Gornji Miletici étaient dans l'ensemble d'origine ou
15 de nationalité croates. Est-ce exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Le deuxième hameau du village de Miletici qui se trouve la, il y avait
18 quatre familles, qui se trouvaient là. Le frère Suljic, y vivait, Dedo,
19 Avdo et Akif Suljic. Etaient-ce des Musulmans.
20 R. Oui.
21 Q. Madame Pavlovic, a plusieurs reprises, jusqu'a maintenant vous avez
22 parlé de l'évènement au poste de police de Busovaca et de la dernière
23 déclaration que vous avez faite au bureau du procureur. Est-ce exact ?
24 R. Je me trouvais à Zagreb, et j'avais répondu donc aux enquêteurs. Oui.
25 Q. Je vous remercie. En 1992, l'attaque des forces Serbes depuis le Mont
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1 Vlasic dans la direction des villages Mehring et Miletici a commencé mais
2 votre village n'a jamais été touché n'est-ce pas, n'a jamais été affecté ?
3 R. C'est exact.
4 Q. En plus de ses incidents, ses hostilités, vos relations en dépit de ses
5 conflits vos relations avec les Musulmans de Donji Miletici étaient très
6 bonnes, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Le jour mentionné lorsque votre village a été attaqué, vous avez dit
9 que votre mari a passé toute la journée à labourer dans les champs. Est-ce
10 exact ?
11 R. Oui.
12 Q. Tout au long de cette période, pendant toute la durée du temps qu'il
13 s'y trouvait dans le champs, il se trouvait avec Avdo Suljic, qui était un
14 de ses ami.
15 R. Oui.
16 Q. En réponse a une question de l'Accusation vous aviez dit qu'a un moment
17 donné vers la fin 1992 et au début 1993 vous avez remarqué qu'il a des
18 étrangers dans ce secteur, que vous appeliez Moudjahiddines, Est-ce exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Ils étaient très différents des habitants local, ils parlaient une
21 langue étrangère et ceux qui parlaient notre langue ou connaissaient un peu
22 notre langue avait un accent donc tout le monde savaient que s'était des
23 étrangers. C'est bien cela ?
24 R. Oui.
25 Q. Certain d'entre eux, avait des foulards du type de celui de Arafat.
Page 1340
1 C'est bien cela ? Ils avaient des foulards et une barbe n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Et vous aviez une bonne relation avec vos voisins, mais a cause de --
4 du conflit dans les zones plus vastes entre l'armé --la l'armée BH et de le
5 HVO, vers les débuts 1993 les gens ont commencés a monter la garde dans
6 votre village, Est-ce exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Et vos voisins Musulmans étaient membre de l'armée de BH et les hommes
9 qui étaient aptes aux services militaires de votre village se trouvaient
10 dans le HVO. Est-ce exact ?
11 R. Oui
12 Q. Il faisait parti de la Brigade de Frankland dont le commandement se
13 trouvait à Guca Gora. Est-ce exact ?
14 R. Oui. Guca Gora.
15 Q. En réponse a une question de l'Accusation vous avez également dit que
16 ce jour la, le 24 avril 1993 vers six heures du soir, Akif et Avdo Suljic
17 sont venu au village pour vous avertir de la présence de Moudjahiddines
18 dans le voisinage immédiat du village. Est-ce exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Toute fois, ils espéraient que les Moudjahiddines n'attaqueraient pas le
21 village et ils vous ont dit qu'il n'y avait pas de raison d'avoir peur.
22 R. Bien si n'est pas dans la déposition en tout les cas c'est comme ça
23 qu'était les choses.
24 Q. A ce moment la ils ont dit qu'ils étaient prêt à vous défendre. C'est
25 bien cela ?
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1 R. Oui. Ils avaient dit cela, ils ont dit que si quelque chose leur
2 arrivait, sa nous arriverait a nous aussi, et ce jour la que nous devrions
3 pas propager la panique et ils ont dit qu'ils ne nous ferraient rien.
4 Q. A ce moment la vous avez également dit, je vous demande de le
5 confirmer, vous avez dit que votre mari et son ami Avdo Suljic, S'étaient
6 rendus auprès du commandement de l'armée BH a Mehurici de façon a les
7 informés de se qui se passaient. Est-ce exact ?
8 R. Oui. Il a appelé mon mari pour aller a Mehurici pour voir s'il savait
9 quoi que se soi en ce qui concernait les Moudjahiddines,
10 savoir s'ils étaient partis.
11 Q. Toutefois, avant qu'ils ne reviennent, vous avez déjà décrit ceci de
12 façon détaillée, on a commencé à tirer. C'est bien cela ?
13 R. Oui, ils ont commencé à tirer.
14 Q. Dedo Suljic, comme vous l'avez dit, a appelé Ramadani par son nom et il
15 lui a demandé d'arrêter les tirs. C'est exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Et ses cris, ils n'ont eu aucun résultat. Il n'y a pas eu de réponse et
18 on a continué à tirer. Ça ne s'est pas arrêté ? C'est bien ça ?
19 R. Oui. Parce qu'ils criaient. Et il a dit qu'ils devraient aller dans la
20 maison de Stipo et d'Ivo. Nous l'avons fait et ils sont restés à
21 l'extérieur. Dedo est resté à l'extérieur ainsi qu'Akif.
22 Q. Pendant que les tirs avaient lieu, les coups de feu, seul Stipo
23 Pavlovic a riposté de sa maison dans laquelle vous vous trouviez aussi.
24 Est-ce bien cela ?
25 R. Oui.
Page 1342
1 Q. Après l'attaque, la porte -- on a défoncé la porte et on a jeté une
2 grenade à l'intérieur. Stipo Pavlovic a été tué et sa femme, Lucija, a été
3 blessée. C'est exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Alors que vous étiez en train de sortir de la maison, vous avez
6 remarqué que l'un des attaquants avait été tué. C'est exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous avez reconnu une personne qui était un habitant de Mehurici, et on
9 savait qu'il suivait les Moudjahiddines.
10 R. Et bien, lorsque nous sommes sortis, c'était probablement son frère, il
11 a crié : "Pourquoi est-ce que tu l'as tué ?" Je le connaissais. Je lui ai
12 demandé pourquoi -- je lui ai demandé d'où il était. Il a dit : "On ne le
13 savait pas -- on ne pouvait pas savoir". La femme d'Akif a dit que s'ils
14 étaient entrés dans la maison, ils nous auraient tous tués.
15 Q. Comme vous l'avez déjà dit, il y avait des Moudjahiddines, des soldats
16 étrangers dans ce groupe, qui parlaient une langue étrangère et qui avaient
17 de longues barbes. Et il y avait aussi des Musulmans [imperceptible] parmi
18 eux. Est-ce exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Les gens du [imperceptible] portaient -- ils étaient grimés et ils
21 avaient des -- ils portaient des camouflages et des sortes de passe-
22 montagnes ou de cagoules. Est-ce exact ?
23 R. Oui. Certains d'entre eux avaient comme une sorte de peinture sur la
24 figure, mais je n'en ai vu aucun porter des masques.
25 Q. Vous avez remarqué que l'un des attaquants portait un uniforme de
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1 police bleu qui est normalement porté par la police civile.
2 R. Non, il ne portait pas d'uniforme de la police, mais il avait un
3 brassard sur le bras qui disait "police".
4 Q. En réponse à une question qui vous avait été posée par le Président,
5 vous avez dit que Dedo Suljic portait des vêtements civils. Est-il exact de
6 dire que les autres frères Suljic portaient également des vêtements civils
7 ce jour-là ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-il exact de dire que Lucija avait été -- que Lucija, qui avait été
10 blessée, avait demandé de l'aide à un moment donné, et qu'Akif Suljic était
11 venu l'aider ?
12 R. Oui.
13 Q. Et qu'à un moment donné un des Moudjahiddines l'avait frappé à la tête
14 avec la crosse de son fusil et qu'il avait commencé à saigner ?
15 R. C'est exact. Oui.
16 Q. Et après que vous ayez été attachés et emmenés dans la direction de
17 Mehurici, Dedo et Akif Suljic ont été emmenés avec vous. Est-ce exact ?
18 R. Oui. Mais ils ne les avaient pas attachés.
19 Q. Pendant que vous vous trouviez encore dans le village, vous avez dit
20 que cette personne qu'ils appelaient Ramadan vous avait escorté à votre
21 maison et que vous pourriez prendre le fusil dans cette maison. Est-ce
22 exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Il pouvait parler notre langue dans une certaine mesure, mais il avait
25 un accent et c'était parfaitement clair que c'était un étranger. Est-ce
Page 1344
1 exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Et ce jour-là, il a en fait donné des ordres à tous les autres et il
4 était clair pour vous que c'était lui qui exerçait un commandement sur le
5 groupe qui avait attaqué le village. C'est bien cela ?
6 R. Oui, c'était certainement cela parce que Dedo l'a appelé par son nom,
7 donc il était vraisemblablement responsable de ce groupe.
8 Q. Lorsqu'on vous a emmenés à Mehurici, ils vous ont emportés à Poljice,
9 comme vous l'avez dit --
10 R. Poljanice.
11 Q. Poljanice, qui est l'endroit où se trouvaient -- ces Moudjahiddines
12 étrangers se trouvaient là aussi ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous avez dit qu'à ce moment-là vous avez été séparés des hommes et
15 vous êtes restés dans la cave jusqu'à environ minuit. C'est bien cela ?
16 R. Oui.
17 Q. En réponse à une question qui vous a été posée par le Président, vous
18 avez dit Ribo Suljo, qui était un enseignant, avait négocié pour obtenir
19 que vous soyez relâchés et avait obtenu que vous soyez relâchés vers
20 minuit. Est-ce exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Ribo Suljo, était un membre de l'armée de BH,
23 n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Les membres de l'armée de BH et ceux de la police de Mehurici ont
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1 réussi à vous obtenir un bus et vous faire monter sur un bus qui vous a
2 emmenés au village de Luka.
3 R. Oui.
4 Q. Le village de Luka est un village -- enfin, est-ce que c'est le village
5 dans lequel vivait Ribo Suljo, et c'est là qu'il a trouvé un logement pour
6 vous, dans la maison de ses grands parents, qui étaient voisine de la
7 sienne ?
8 R. Oui, mais il s'agissait du père de son père. Il nous a emmenés à sa
9 maison à lui.
10 Q. Ils vous ont protégés cette nuit-là pour empêcher que d'autres
11 incidents perpétrés par les Moudjahiddines ne se produisent. Est-ce exact ?
12 R. Oui, mais d'après ce qu'il m'a dit, oui, c'était bien le cas.
13 Q. Je vous remercie beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions. Je vous
14 remercie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à M. Dixon, Monsieur le
16 Procureur -- l'Accusation voulait intervenir ? Non ?
17 M. MUNDIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
19 Monsieur Dixon.
20 M. DIXON : [interprétation] Non nous allons être très bref. Nous n'avons
21 pas de questions à poser [imperceptible] -- ni pour M. Kubura. Je vous
22 remercie.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je voulais vous poser une question, Madame,
24 afin de préciser un point que les Juges se posent compte tenu de vos
25 déclarations.
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1 Questions de la Cour :
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Selon vous, Madame, ceux qui ont attaqué votre
3 village, ceux que vous avez indiqué qui étaient des Moudjahiddines, est-ce
4 que, selon vous, mais vous n'êtes pas un expert militaire, mais vous avez
5 vu parce que vous avez été témoin des faits, est-ce que ces gens,
6 étrangers, faisaient, d'après vous, selon votre connaissance, partie de
7 l'armée de la BH ou pas ?
8 R. Je pense qu'ils appartenaient effectivement à l'armée de Bosnie-
9 Herzégovine, ils étaient avec les Musulmans.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ce que vous pensez, mais sans avoir d'autres
11 éléments.
12 R. Oui, c'est bien cela. Ils se trouvaient avec les Musulmans de sorte que
13 je considère qu'ils étaient ensemble. Je ne peux pas dire avec certitude ce
14 que je ne sais pas.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que d'après vous donc les Musulmans locaux
16 étaient intégrés donc dans la BH.
17 R. Oui, c'est bien ce que vous dites.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon.
19 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. J'hésite à intervenir à ce
20 moment-ci. Evidemment, la Défense reconnaît tout à fait le bien fondé et le
21 droit de la Chambre de poser des questions au témoin en tout temps en vertu
22 de l'Article 85 du Règlement. Sauf que la question posée au témoin dans ce
23 cas-ci est une question qui appelle du témoin une opinion. Et j'aimerais,
24 Monsieur le Président, faire part de la position de la Défense concernant
25 les questions qui appelleront de la part des témoins des questions
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1 d'opinion. Puisque la question qui a été posée au témoin risque d'être
2 posée à nouveau, et nous voulons, dès maintenant, faire connaître la
3 position de la Défense sur ce sujet.
4 Alors avec votre permission, Monsieur le Président, je serai bref.
5 Evidemment, la position de la Défense au témoignage d'opinion donné par un
6 témoin ordinaire est la suivante : Le témoin ordinaire, contrairement à un
7 témoin expert, ne peut pas donner de témoignage d'opinion, car ce
8 témoignage n'est pas fiable sur le plan de fiabilité premièrement, et de
9 plus pourrait diriger la Chambre dans une mauvaise direction. Le danger
10 d'un tel témoignage, Monsieur le Président, n'est pas que la preuve
11 d'opinion introduite par un témoin ordinaire ne soit pas objective, c'est
12 qu'elle ne -- elle risque de ne pas être précise et elle ne repose sur
13 aucun fondement, ce qui affecte grandement sa force probante, puisqu'elle
14 ne repose pas sur des compétences particulières du témoin. En donnant un
15 témoignage d'opinion, le témoin ordinaire prend la place du Juge des faits,
16 qui doit lui-même apprécier, à l'égard des faits, qu'ils lui [sic] ont
17 présentés, de ce que le témoin a pu voir de ses propres yeux, a pu entendre
18 de ses propres oreilles, sans avoir assistance à une aide externe pour se
19 prononcer sur la question.
20 Un témoignage d'opinion, comme vous le savez sûrement, Monsieur le
21 Président, n'est permis que dans le cas d'un témoin expert puisque le
22 témoin expert possède une expertise particulière qui peut aider la Chambre
23 à résoudre une question. Si nous regardons le Règlement de preuve et de
24 procédure, nous prévoyons très précisément la distinction qui doit être
25 faite entre un témoin ordinaire et un témoin expert. Cette distinction, on
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1 la retrouve tout d'abord à l'Article 90(C) du Règlement de preuve et de
2 procédure où l'on dit bien que le témoin ordinaire, par opposition à un
3 témoin expert, ne doit pas être influencé par d'autres témoignages. Donc
4 c'est la règle 90(C) du Règlement de preuve qui reconnaît implicitement que
5 le témoignage d'un témoin de faits ne doit porter que sur ce qu'il a vu ou
6 ce qu'il a entendu lui-même et ne pas être une opinion que le témoin se
7 serait formé à partir de d'autres témoignages ou de d'autres faits.
8 De plus, le Règlement de preuve et de procédure, par le biais de l'Article
9 92 bis, toujours du Règlement, établi un régime spécial pour
10 l'administration d'une preuve d'opinion soit la preuve du témoin expert. Le
11 régime particulier mis en place pour un témoin expert afin de garantir :
12 "Qu'une opinion ne soit introduite devant la Chambre seulement si elle
13 provient d'une personne qui est qualifiée et qui possède une expertise que
14 la Chambre ne possède pas." Alors, Monsieur le Président, il serait
15 illogique d'une part de prendre tant de précautions, d'avoir un article
16 précis, et l'Article 94 bis du Règlement, afin de s'assurer que l'expert
17 sera une personne qui possède des qualifications requises pour donner une
18 opinion et d'autre part qui pourra, d'autre part, permettre à un témoin
19 ordinaire, sans aucune vérification de compétence ou de qualification, de
20 se prononcer sur un fait sur lequel la Chambre peut très bien se prononcer
21 sans assistance et surtout sans faire aucune vérification des compétences
22 du témoin, à savoir pourquoi ce témoin pourrait donner une opinion qui
23 aurait une valeur probante.
24 La jurisprudence du Tribunal distingue également, Monsieur le Président, la
25 distinction entre les deux catégories de témoin. Je vous réfère à ce sujet,
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1 à une décision, la décision. Je cite le titre de cette décision en anglais,
2 Monsieur le Président : "Décision on the Motion by the Prosecution"
3 L'INTERPRÈTE : Sur la requête présentée par l'Accusation pour permettre aux
4 enquêteurs de suivre le procès au cours des dépositions des témoins.
5 M. BOURGON : IT-96-21-T [sic], la lettre "Tango" pour "trial", dans
6 l'affaire Celebici du 20 mars 1997.
7 La doctrine, Monsieur le Président, établi également une distinction claire
8 entre le témoignage d'un expert et le témoignage d'un témoin ordinaire. A
9 titre d'exemple, Anne Marie Larosa, dans son manuel, qui est titré
10 Juridiction pénale internationale, et je cite à la page 261, nous dit :
11 "Deux types de témoins peuvent être distingués d'emblée, le témoin
12 ordinaire qui relate les faits dont il a eu personnellement connaissance et
13 qui sont susceptibles de s'insérer dans la démonstration recherchée, et le
14 témoin expert qui comparait afin de donner une opinion sur une question
15 précise de faits et de droits. En outre, dans ma propre juridiction, le
16 manuel du barreau du Québec énonce un peu : "A la différence du témoin
17 ordinaire, le témoin expert n'est pas empêché de témoigner sur des faits
18 dont il n'a pas une connaissance personnelle". Par définition, on dirait
19 que le témoin ordinaire dépose relativement à des faits dont il a eu
20 personnellement connaissance tandis que l'expert fourni à la Cour une
21 opinion.
22 En conclusion, Monsieur le Président, considérant les problèmes de
23 fiabilité et de force probante associés à l'admission de la preuve
24 d'opinion par un témoin ordinaire et en fonction de la distinction qui
25 existe entre la nature de la preuve introduite par un témoin ordinaire et
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1 celle introduite par un témoin expert, la Défense vous soumet
2 respectueusement, Monsieur le Président, qu'un témoignage d'opinion en
3 provenance d'un témoin ordinaire ne devrait jamais être entendu.
4 Je termine brièvement, Monsieur le Président. La question qui a été posée
5 au témoin est une question clé dans l'affaire -- dans le présent procès.
6 Cette question, plusieurs témoins viendront déposer devant la Chambre.
7 C'est une question qui sera, bien sûr, -- il y aura une attirance naturelle
8 de demander à ces témoins-là, pensez-vous qu'il y avait un lien entre des
9 Moudjahiddines et l'armée de Bosnie-Herzégovine. Toutefois, nul ne saurait
10 répondre à cette question sauf, Monsieur le Président, humblement et
11 respectueusement, que la Chambre elle-même, en se basant sur ce que les
12 témoins pourront lui rapporter, ce que les témoins auront vu et entendu
13 personnellement. Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, je
14 demanderais à ce que votre question, qui a été posée au témoin, avec le
15 tout vraiment encore respectueusement, soit retirée du compte rendu des
16 débats de la journée d'aujourd'hui. Merci, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à l'Accusation. Il reste
18 dix minutes.
19 M. MUNDIS : [interprétation] Il ne nous faudrait certainement pas dix
20 minutes, Monsieur le Président.
21 L'Article 89(C) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal stipule
22 de manière tout à fait claire que : "La Chambre peut recevoir tout élément
23 de preuve pour lequel la Chambre estime que cet élément possède une valeur
24 probante." Nous estimons que la question ou les questions posées par la
25 Chambre au témoin ne sont pas tellement de nature à éliciter -- à décider
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1 des opinions. Plutôt, il s'agit simplement des conclusions que l'on demande
2 au témoin, des conclusions auxquelles le témoin aurait pu arriver sur la
3 base des choses qu'elle a vues. Et c'est peut-être comparable à une
4 situation où le témoin aurait déposé en disant qu'il a plu la nuit
5 précédente non pas parce que le témoin n'avait pu fermer l'œil de la nuit
6 et a effectivement vu la pluie. Et les gouttes de pluie touchaient le pavé,
7 mais parce que le matin, le lendemain matin, le témoin a remarqué qu'il y
8 avait des flaques d'eau partout, des flaques d'eau qui n'y avaient pas été
9 le jour précédent, la veille.
10 Donc peut-être que la Défense devrait pouvoir s'adresser à la Chambre de
11 manière plus détaillé, auquel cas l'Accusation se proposerait de répondre
12 par écrit, si ceci pourrait être d'assistance à la Chambre.
13 Et pour ce qui est de la [imperceptible], je ne sais pas si c'est
14 simplement une omission de la part de la Défense, mais de l'avis de
15 l'Accusation, à chaque fois qu'il y a ce genre d'exposé oral, l'Accusation
16 estime qu'il serait bien plus approprié de demander au témoin de se retirer
17 du prétoire avant de proférer ce genre de propos.
18 Donc c'est tout ce que nous avons à dire pour le moment. Si la Chambre
19 estime qu'un élément de preuve possède une valeur probante, qu'il s'agit
20 d'un élément pertinent, et bien, il me semble que cet élément de preuve
21 peut être reçu et ceci correspond plutôt à des éléments de preuve indirects
22 qu'à des opinions. Mais, bien entendu, il appartient à la Chambre de
23 trancher. Ceci étant dit, nous estimons que ce genre de questions que vous
24 avez posées rentre tout à fait dans le cadre à la fois de la pertinence et
25 de la valeur probante.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous remercie. Nous statuerons donc demain
2 matin, en début d'audience sur le point de savoir si sur notre question la
3 réponse qui a été donnée sera mentionnée au transcript ou sera supprimée.
4 Autant précisé, que toutes précautions avaient été prises afin d'informer
5 le témoin qu'elle n'était pas un expert militaire, qu'elle [imperceptible]
6 il lui avait été demandé de répondre à la question selon sa connaissance
7 visuelle qu'elle avait pu avoir et que c'est elle qui nous a dit en réalité
8 elle en a tiré la conclusion parce qu'elle avait constaté que les Musulmans
9 locaux étaient intégrés à la BH et que donc comme les étrangers étaient
10 avec les Musulmans locaux, elle en a tiré la déduction qu'ils étaient
11 intégrés à la BH.
12 Concernant les Musulmans locaux, je vous prie de vous référer au transcript
13 à l'origine de son audition où elle nous avait -- ce témoin a indiqué que
14 des Musulmans locaux faisaient donc partie de la BH. Nous, nous statuerons
15 donc demain sur le point très précis qui était un point important et donc,
16 bien entendu, la Chambre a écouté avec attention Me Bourgon, qui avait déjà
17 préparé son intervention en faisant des recherches approfondies sur la
18 question, sachant qu'à un moment donné la question se poserait.
19 Donc vous aurez donc demain notre décision sur la réponse à la question qui
20 a été assise sur le point soulevé.
21 Est-ce que dans le cadre des questions possibles pour l'Accusation suite au
22 contre-interrogatoire, l'Accusation aurait des questions complémentaires à
23 poser au témoin ?
24 M. MUNDIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.
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1 Madame le Témoin, vous est donc venue à La Haye à la demande donc de
2 l'Accusation qui a voulu donc vous poser des questions sur les faits dont
3 vous avez été le témoin visuel et en même temps victime. Vous avez témoigné
4 avec un grand courage, que nous saluons. Votre interrogatoire est donc
5 terminé et la Chambre vous souhaite un bon retour à votre pays.
6 Donc je demande à Monsieur l'Huissier de vous raccompagner.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
8 [Le témoin se retire]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc dans les quatre minutes qui nous restent, y a-
10 t-il de la part de la Défense une observation ? Pas de problème concernant
11 l'Accusation ? Donc demain nous --
12 Monsieur Withopf.
13 M. WITHOPF : [interprétation] Très brièvement. A l'attention de la Chambre
14 et également à l'attention de nos collègues de la Défense, pour que nous
15 puissions nous organiser. Nous avons prévu pour demain un témoin. Après les
16 entretiens préalables que nous avons eus, nous pensons que l'interrogatoire
17 principal prendra à peu près une heure. Alors nous avons prévu le témoin XA
18 pour mercredi, mais il n'arrivera pas ici avant demain soir. Par
19 conséquent, nous ne pouvons pas le citer demain. Donc nous pensons que
20 demain nos travaux ne dureront pas jusqu'à 19 heures du soir.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous m'assurez que demain nous aurons encore un
22 témoin ? Bien. Donc lorsque ce témoin sera entendu et contre-interrogé,
23 s'il le faut, on terminera l'audience avant 19 heures, mais nous ferons
24 face donc à cette difficulté dans la mesure où vous ne pouviez pas faire
25 venir deux témoins en même temps.
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1 Bien. Il est donc quasiment 19 heures. Je vais donc lever la séance et donc
2 je demande à tout le monde d'être à nouveau présent demain à 14 heures 15.
3 L'INTERPRÈTE : On corrige donc "amicus curiae" ou "amici curiae" et de
4 mettre Kubura à la place.
5 --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 13 janvier
6 2004, à 14 heures 15.
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