International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 25 février 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de

8 l'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic, et Amir

9 Kubura.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les représentants de l'Accusation.

11 Peuvent-ils se présenter ?

12 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

13 bonjour Madame, Monsieur les Juges, Monsieur Daryl Mundis, Madame Benjamin,

14 et Kimberly Fleming, notre assistante.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- les Défenseurs.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

17 Madame, Monsieur les Juges. Pour la Défense du générale Hadzihasanovic,

18 Edina Residovic, conseil principale; Stephane Bourgon, co-conseil; et

19 Muriel Cauvin, assistante juridique.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame Residovic.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour la

22 Défense de M. Kubura, Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic, et M. Mulalic,

23 assistant juridique.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Chambre salue toutes les personnes

25 présentes, les représentants d'Accusation, les avocats, les accusés, ainsi

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1 que tous le personnelle de cette salle d'audience. Nous avons aujourd'hui

2 la continuation de l'audition d'un témoin.

3 Mais avant de continuer, je voudrais apporter deux précisions concernent le

4 déroulement des audiences à venir. Comme vous le savez, nous avons été

5 saisis de requêtes concernent le versement dans la procédure de plusieurs

6 témoignages recueillis selon l'Article 92 bis. Nous avons d'ailleurs, pas

7 plus tard, qu'hier rendu une décision sur trois nouveaux témoignages. Nous

8 aurons un ensemble de témoignages écrits, qui vont être versés dans la

9 procédure, et qui n'ont pas fait l'objet de contestation de la part de la

10 Défense. Si cela vous agrée, nous pourrions procéder formellement au

11 versement dans la procédure avec un numéro d'identification par le Greffe.

12 Nous pourrions faire cela le 8 avril, le jour même où nous avons prévu une

13 audience pour le versement des pièces à conviction non contestées. Nous

14 ferrions cela le 8 avril, selon un processus assez simple, à savoir que

15 j'indiquerai le nom de la personne qui a témoigné, la référence aux

16 articles de l'acte de l'accusation concernant ce témoignage, et je

17 demanderais au Greffier de donner un numéro. Comme cela, tout le monde

18 enregistrera le numéro, et nous passerons en revue l'ensemble de ces

19 pièces. Puisque comme vous savez, ces pièces ne seront plus discutées,

20 puisque par définition, la Défense n'a pas demandé un contre-interrogatoire

21 sur ces témoignages. Mais, il faut formellement que ces pièces soient

22 versées avec un numéro. cela se fera le 8 avril.

23 M. Withopf n'est pas là, mais ses collaborateurs pourront l'informer, dont

24 la suite de ce que j'avais dit, pour le versement des pièces de conviction,

25 qui est prévu le 8 avril.

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1 Il serait souhaitable que l'Accusation met ces pièces à conviction dans des

2 classeurs, à fin que chaque Juge ait son propre classeur, et que les

3 Défenseurs également aient leurs propres classeurs. Ce qui fait que chaque

4 pièce à conviction étant dans un classeur, il sera plus simple à ce moment-

5 là, lorsque la pièce sera invoqué, que chacun sorte son classeur. Par

6 ailleurs, bien entendu, un classeur devrait être donné au Greffier le 8

7 avril, le jour où on enregistrera ces pièces à conviction. Cela se fait

8 dans plusieurs chambres, cela ne posera aucun problème d'ordre technique,

9 et cela pourra être bien entendu de maniement aisé.

10 Lorsque la Défense, quand son tour viendra, le cas échéant la Défense

11 pourra pour ces pièces à conviction procéder de la même façon, par

12 placeurs. Plutôt que d'aller chercher des pièces un peut partout, il

13 suffira de sortir le classeur. Je tenais à vous apporter ces quelques

14 indications dans votre technique, permettent de faciliter le travail de

15 tout le monde.

16 Par ailleurs, je vais terminer par un dernier petit point, qui est aussi

17 d'ordre pratique, mais qui concerne plutôt l'Accusation. Il me paraîtrait

18 également souhaitable que l'Accusation, lorsqu'elle fait venir ces témoins,

19 qu'elle fasse venir ces témoins qu'elle qualifie d'important plutôt le

20 lundi ou mardi, qu'en fin de semaine, jeudi ou vendredi, parce que si un

21 témoignage doit continuer, cela obligera le dit témoin à rester le week-

22 end. Comme on l'a déjà vu, dans un cas précédent. Il s'agit purement d'un

23 problème de gestion, mais il peut paraître intéressant pour tout le monde

24 que les témoins importants viennent en début de semaine.

25 On sait que il y aura un témoins experts, dont il est prévu plusieurs

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1 jours, il vaudrait mieux qu'ils viennent lundi, mardi, mercredi, jeudi,

2 plutôt que le faire venir jeudi, parce qu'a ce moment-là, il y a un risque

3 que cela continue le lundi. C'est un problème de pur gestion, mais qui

4 concerne premièrement l'Accusation, mais qui pourrait aussi concerner

5 l'Accusation lorsqu'elle aura -- la Défense, lorsqu'elle aura ces propres

6 témoins importants, qui viendront. Il vaut mieux les faire venir plutôt en

7 début de semaine qu'en fin de semaine.

8 Je vais demander Madame l'Huissière de vouloir baisser les rideaux à fin de

9 permettre l'introduction du témoin.

10 -- cachent un autre point. L'audience commence cette après-midi, on aurait

11 pu la commencé ce matin, parce que la salle était libre. Alors, je ne sais

12 pas, mais là, je me tourne vers l'Accusation. Je crois savoir ou comprendre

13 que demain, on sera dans la même situation, alors peut-être pourrions-nous

14 commencer l'audience demain matin, plutôt qu'en début de l'après-midi ?

15 Mais tout cela dépend évidement de l'Accusation, si elle doit voir son

16 témoin avant ou pas. Alors, je livre cette question à la réflexion à

17 l'Accusation. Peut-être saura-t-elle amener à nous dire, si c'est possible,

18 si le Greffier peut également me confirmer que demain les salles sont bien

19 libres le matin et, si cela n'entraîne de la part de la Défense, aucun

20 problème. Bien. On réabordera cette question en fin d'audience.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Bonjour, Madame. Est-ce que vous

23 entendez mes propos ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] (Expurgé)

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1 (Expurgé) La Défense qui est située à votre gauche

2 va procéder au contre-interrogatoire. Bien entendu, la Défense, s'il y a

3 des questions susceptibles d'identifier le témoin, vous demanderez le huis

4 clos.

5 Mais je vais demander à M. le Greffier de me préparer l'ordonnance pour

6 enlever le terme que j'ai employé sur le témoin, c'est le terme qui figure

7 à la ligne 25 de la page 4.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] TÉMOIN ZD [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pour les deux ou trois premières

11 questions, que j'ai à poser au témoin, je demanderais un huis clos partiel,

12 Monsieur le Président.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

14 clos partiel.

15 [Audience à huis clos partiel]

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12 (expurgé)

13 [Audience publique]

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

15 Q. Est-il exact que le village de Gornji Cukle était un village habité par

16 des Musulmans et des Croate ?

17 R. Oui.

18 Q. Le village était divisé en Gornji Cukle et Donji Cukle, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, c'est cela.

20 Q. Vous, personnellement, vous habitiez à Gornji Cukle, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, c'est cela.

22 Q. Les maisons musulmanes se trouvaient au centre du village entourés de

23 maisons croates, c'est cela ?

24 R. Oui, c'était cela. Il y avait une partie du village croate, oui, c'est

25 cela.

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1 Q. Autour du village de Cukle se trouvait le village d'Ovnak, de Susanj et

2 de Grahovcici, n'est-ce pas, qui étaient également des villages croates ?

3 R. Oui.

4 Q. Ovnak a une distance de deux kilomètres à vol d'oiseau du village de

5 Gornji Cukle, n'est-ce pas ?

6 R. C'est cela.

7 Q. Le village de Grahovcici est un peu plus loin. Il se trouve à une

8 distance de deux à quatre kilomètres à vol d'oiseau, de Cukle, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Oui, c'est cela, exactement.

11 Q. Le village de Sarici se trouve encore un peu plus loin, à savoir, à

12 cinq kilomètres à peu près de Gorjni Cukle, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est cela. Mais de l'autre côté de la rivière.

14 Q. Tous ces villages que je viens d'énumérer sont des villages croates, à

15 savoir, peuplés d'habitants croates, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, c'est cela.

17 Q. En fait, Gornji Cukle était entouré de villages croates, n'est-ce pas ?

18 R. Oui c'est cela.

19 Q. Madame ZD, est-il exact qu'au début même de la guerre, la population

20 croate de votre village a commencé à creuser des tranchées, destinée à

21 assurer la défense du village, n'est-ce pas ?

22 R. Je n'allais pas là-haut. C'était assez loin de ma maison. Je ne suis

23 pas au courant qu'ils auraient creusé des tranchées. Pourquoi l'auraient-

24 ils fait ? Je ne sais pas. Je n'en ai pas entendu parlé. Je vous le dis

25 très franchement, je n'en sais rien.

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1 Q. Fort bien, fort bien. Si vous ne savez pas, vous devez le dire.

2 R. Non, non, il y avait cinq ou six hommes dans le coin, je ne sais pas.

3 Q. Dites-moi, est-il exact que les habitants membres du HVO, sur les

4 positions de Ustica [phon], ont également creusé des tranchées, dirigés

5 vers Gornji Cukle ?

6 R. Ces tranchées n'étaient dirigées ni vers Gornji Cukle, ni vers une

7 autre partie du village, mais simplement parce qu'on avait peur que des

8 soldats arrivent de la colline.

9 Q. Est-il exact également que le HVO avait un poste de contrôle à Ovnak ?

10 R. Oui, c'est exact. Il avait un poste à Ovnak et la partie musulmane en

11 avait de tous les autres côtés vers Gornji -- vers Zenica en bas, on ne

12 pouvait pas non plus aller à Travnik. C'étaient des endroits où les

13 Musulmans avaient leur poste de contrôle.

14 Q. Oui, vous en avez parlé hier.

15 R. En effet.

16 Q. Savez-vous que les membres de l'ABiH de Gornji Cukle, déjà assez de

17 temps avant le conflit, ne pouvaient pas traverser ce poste de contrôle du

18 HVO pour se rendre sur le front de Vlasic opposé aux forces serbes ? Êtes-

19 vous au courant de cela ?

20 R. Ce que je sais c'est que tout le monde était ensemble jusqu'au moment

21 où l'ABiH n'a pas désarmé les soldats qui revenaient des positions parce

22 que quand ils revenaient à Zukica Most, ils ont commencé à les désarmer, à

23 leur prendre leurs armes.

24 Q. Par la suite, le HVO a fait la même chose vis-à-vis des membres de

25 l'ABiH, n'est-ce pas ?

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1 R. Je ne sais pas, mais, très rapidement, le pire est arrivé.

2 Q. Fort bien. Parlons un peu maintenant, si vous le voulez bien, du jour

3 qui a fait l'objet de votre déposition.

4 R. D'accord.

5 Q. Vous avez dit que, lorsque vous avez entendu des coups de feu, vous

6 vous êtes rendu compte qu'une attaque était en cours et qu'à ce moment-là

7 vous vous êtes retiré vers Vran, n'est-ce pas ?

8 R. Ce n'était pas tout à fait Vran, c'était un peu plus bas où il y avait

9 une maison croate.

10 Q. Vers Vran.

11 R. C'était un peu plus bas. Vran était un peu plus haut et là il y avait

12 une maison croate et c'est là que nous sommes allés. Il y avait une forêt

13 et une grotte et nous y sommes allés.

14 Q. En fait, vous et votre belle-mère, ainsi que certain des enfants et des

15 habitants du village, avaient cherchés à vous abriter dans une grotte qui

16 s'appelait Medvedja Spilja, n'est-ce pas, la grotte de l'ours.

17 R. Oui, il y avait une grotte et des rochers. On pouvait s'y abriter de la

18 pluie et plus tard la pluie a commencé, il a plusieurs beaucoup, et nous

19 nous sommes cachés à cet endroit.

20 Q. Oui, c'est ce que je voulais maintenant vous demander. Pendant la durée

21 de votre séjour à cet endroit, il a commencé à pleuvoir assez fort à

22 l'extérieur, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, il a commencé à pleuvoir et l'armée passait par là, nous nous

24 sommes abrités.

25 Q. Cette grotte se trouvait à deux ou trois kilomètres de Gornji Cukle,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Non, pas autant que cela. Quand on regarde la région, on voit que tous

3 ces endroits sont les uns en dessous des autres. C'était juste un peu en

4 dessous, mais on pouvait voir très bien.

5 Q. De cet endroit, il était possible de voir le village, comme vous venez

6 de le dire, mais il était impossible de voir ce qui se passait dans le

7 village et il était également impossible d'entendre ce que les gens

8 disaient dans le village.

9 R. On pouvait tout entendre, on pouvait tout voir. Je vais vous dire,

10 Madame, parce que, moi, j'ai toujours vécu là, on pouvait tout comprendre,

11 on pouvait entendre les mots prononcés par chacun.

12 Q. Le village de Sarici, qui se trouve complètement de l'autre côté, à 5

13 kilomètres de distance, vous ne pouviez qu'en voir les maisons, n'est-ce

14 pas ?

15 R. On voyait les maisons parce qu'on était un peu en hauteur on pouvait

16 voir loin.

17 Q. Tout ce que vous avez vu de Sarici, c'était éventuellement la fumée qui

18 montait de certaines maisons suite aux pilonnages, n'est-ce pas ?

19 R. Oui. Tout était incendié, rasé complètement. Les maisons brûlaient, et

20 voilà.

21 Q. Mais ce jour-là, le jour où vous avez regardé ce qui se passait à

22 partir de la grotte, vous ne pouviez voir qu'une chose, à savoir, qu'après

23 le pilonnage, de la fumée s'est élevée de certaines maison ce jour-là,

24 n'est-ce pas ?

25 R. Oui, ce jour-là, et le lendemain aussi et jusqu'au moment où tous ces

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1 villages ont été complètement rasés. Tous les jours, le feu était dirigé

2 sur ces villages.

3 Q. A partir de l'endroit où vous vous trouviez, il vous était également

4 impossible de voir autre chose que les maisons de Grahovcici, qui se

5 trouvaient à plusieurs kilomètres de l'endroit où vous vous trouviez vous-

6 même, n'est-ce pas ?

7 R. L'après-midi, nous sommes allés de l'autre côté et de là, nous avons pu

8 voir Grahovcici plus facilement. L'après-midi, en effet, nous sommes partis

9 ailleurs et, là où nous sommes arrivés, nous étions à un endroit dont nous

10 pouvions voir Grahovcici plus facilement. Nous y sommes arrivés à la nuit

11 tombée.

12 Q. Depuis l'endroit où vous vous trouviez, c'est seulement de loin que

13 vous pouviez voir ces villages et ces maisons, mais vous ne pouviez pas

14 voir les gens qui se trouvaient dans le village de Sarici et de Grahovcici

15 parce que vous étiez trop loin.

16 R. Non, je ne pouvais pas voir les gens. Je ne dirais pas cela. Mais je

17 sais qui a attaqué ces villages. Il a été confirmé que c'était l'ABiH qui

18 avait attaqué ces villages, que les soldats étaient autour à ce moment-là.

19 Maintenant, je ne dirais pas que j'ai vu tous les détails, jusqu'au moment

20 où je ne suis pas rentrée dans mon village, jusqu'au moment on je n'y ai

21 pas rencontré des gens physiquement.

22 Q. Les maisons que vous avez vues commencer à brûler, n'ont commencé à

23 brûler qu'après le pilonnage de ces villages. C'est bien cela ?

24 R. Oui, le pilonnage de ces villages.

25 Q. Fort bien, Madame ZD. Le lendemain, selon ce que vous avez dit, les

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1 soldats de l'ABiH vous ont emmené dans votre village et, par la suite,

2 après tout ce que vous avez décrit à notre intention, on vous a installée

3 dans un garage. C'est bien cela ?

4 R. Oui. Mais ce que nous voulions, nous, c'était nous rendre aux soldats.

5 Quand je dis "nous", je parle de moi et de Vera Zabic qui, malheureusement,

6 est morte depuis. Notre but, c'était de nous rendre et de raconter ce qui

7 s'était passé, de dire qu'un homme avait perdu la jambe, et cetera. Nous

8 sommes arrivées là-bas et, malheureusement --

9 Q. Malheureusement, après tout cela, ce qui s'est passé, c'est qu'on vous

10 a installée dans ce garage, n'est-ce pas ?

11 R. D'abord, dans une maison de Bare, là-haut. Parce qu'au début, on nous a

12 installés dans cette maison après m'avoir séparée des miens.

13 Q. Ensuite, dans un garage.

14 R. Oui, mais c'est à 10 heures du soir qu'ils nous ont fait sortir.

15 Q. Ce garage se trouve tout près de la route qui traverse le village,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Oui, juste à côté de la route.

18 Q. Dans le garage, il y avait un robinet, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, dans la partie inférieure du garage, il y avait un robinet.

20 Q. A droite et à gauche du garage --

21 R. Le garage est en haut, la maison plus bas, et le robinet ou la fontaine

22 entre le garage et la maison.

23 Q. Juste à côté du garage, à gauche et à droite, il y avait une étable et

24 une maison, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. En bas, il y avait un mur, et c'était comme cela.

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1 Q. Mais au-dessus de la route, de l'autre côté du garage, il y avait une

2 grande maison, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, il y avait une grande maison de Mehmed Softic, une jolie maison,

4 la plus jolie. C'était l'une des premières qui avaient été arrangées comme

5 cela.

6 Q. Quand vous sortiez pour faire votre toilette, de ce garage, depuis

7 l'endroit où vous vous trouviez, vous ne pouviez pas voir le village de

8 Sarici que vous aviez pu voir précédemment depuis la grotte de l'Ours,

9 n'est-ce pas ?

10 R. On pouvait tout voir si on regardait mais nous, nous entendions les

11 coups de feu, nous entendions les hommes qui étaient autour du garage, qui

12 riaient entre eux. Il y avait ce mur. Il y avait une clôture, on ne pouvait

13 pas vraiment voir, mais on pouvait entendre. On pouvait entendre les

14 conversations, et on les a toutes entendues.

15 Q. Depuis le garage et les abords du garage, vous ne pouviez qu'entendre

16 des voix.

17 R. Oui.

18 Q. Mais vous ne pouviez rien voir.

19 R. D'ailleurs, je n'ai pas dit que nous avons vu quelque chose. Nous avons

20 vu quelque chose quand nous étions dehors. Les deux jours que nous avons

21 passés dans la forêt, nous avons observé ce qui se passait mais, ensuite,

22 nous sommes descendus dans le village; c'était après la forêt.

23 Q. Est-il exact, Madame ZD, qu'en fait, vous n'avez jamais vu le

24 commandant Mehmed Alagic, personnellement vous ne l'avez jamais vu ?

25 R. Tu sais comment c'est. Mehmed Alagic était toujours là. Il était dans

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1 cette maison puisqu'un soldat a dit : "Nous assurons sa sécurité." Quand

2 j'ai vu que la panique gagnait, et qu'on menaçait de tuer des gens, une

3 fois j'ai demandé à ce qu'un soldat m'emmène chez lui pour que je lui

4 demande de l'aide. Il a simplement ri et

5 m'a dit : "Tout ira mieux."

6 Q. Mais personnellement, vous ne l'avez jamais vu ?

7 R. Non, je ne l'ai jamais vu. Je l'ai vu plus tard, dans les journaux à

8 Zenica. Un jour où M. Alija lui présentait des félicitations. Ce sont des

9 photos qui sont sorties dans les journaux, et je les ai vus.

10 Q. Vous serez d'accord avec moi si je vous dis que Mehmed Alagic, ni

11 pendant la guerre ni avant la guerre ni après la guerre, qu'il n'est jamais

12 venu à Gornji Cukle.

13 R. Si, il est venu. Il est même allé à Guca Gora. Je vais vous dire, si

14 les nôtres l'avaient arrêté, parce qu'un des nôtres m'a dit que, pendant le

15 conflit, il a été interpellé et il a été ensuite libéré. C'est ce qu'on m'a

16 dit. Oui, il était là. Il a été interpellé et libéré. C'était à peu près

17 deux ou trois jours après les affrontements.

18 Q. Fort bien, Madame ZD. Vous n'avez pas personnellement vu quand votre

19 mari a été tué.

20 R. Non, je ne l'ai pas vu personnellement, mais il a été tué à côté de la

21 maison d'Omer Lukovic, par là-bas. Il était en train de creuser les

22 tranchées, et l'autre tranchée a été préparée. C'était cimenté, personne ne

23 pouvait rien faire. Ils étaient en mesure de tuer ceux qu'ils voulaient.

24 Q. Est-il exact que votre mari ainsi que votre enfant étaient membres du

25 HVO et ils ont, en tant que tels -- ils ont décédé en tant que combattants

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1 du HVO. Aujourd'hui, vous avez un certain nombre de droits dont vous

2 jouissez tels qu'une retraite, parce qu'ils étaient tombés au combat ?

3 R. Oui, ils ont été tués.

4 Q. Je vous remercie, Madame ZD.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous aviez d'autres questions, je suis tout

7 à fait prête à vous répondre, je suis prête à vous dire tout ce que je

8 sais.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. J'aurais une question à vous poser.

10 Questions de la Cour :

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Suite à votre réponse, que vous avez formulée

12 concernant ce que vous aviez vu de la grotte ou des hauteurs, la Défense

13 vous a, à plusieurs reprises, indiqué que ce que vous aviez vu, les maisons

14 qui brûlaient, c'était dû à un pilonnage. C'est la Défense qui a employé ce

15 terme, ce n'était pas vous. Dans le texte, le mot anglais, c'est

16 "shelling".

17 Pour vous, ces maisons qui brûlaient, on avait mis le feu ou elles

18 brûlaient parce qu'on avait tiré avec des obus sur les maisons ? Parce que

19 pilonnage, cela veut dire qu'on a tiré des obus. Alors, qu'est-ce que vous

20 dites sur ces maisons qui avaient brûlé ? Est-ce qu'on a mis le feu --

21 R. Quand l'armée est descendue vers Bare, il y avait cette maison-là, et

22 ils ont mis le feu et, après, comme je vous ai dit, on a pu entendre, ils

23 ont parlé au micro, et on a pu l'entendre de très, très loin. Ils ont dit

24 qu'il ne fallait pas brûler des maisons, ils ont dit qu'il s'agissait des

25 maisons croates, qu'ils étaient remplis, et qu'il fallait tout simplement

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1 piller ces maisons. C'est bien ceci que j'ai entendu, et je ne peux que

2 l'affirmer, et je vous dis tout simplement ce que j'ai entendu. Par

3 ailleurs, il y a eu du pilonnage, et des obus qui ont provoqués des

4 incendies. Après, quand nous sommes sortie de la maison de Bare, ils ont

5 dit qu'il faut aller, et l'incendier. C'est comme cela que cela c'est

6 passé. En réalité, tout a fini par brûler.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'il y a eu en fait deux choses : il y a

8 eu des personnes qui ont mis le feu, et il y a eu également du pilonnage.

9 R. Oui. Ceux qui ont brûlé pendant les combats, et par la suite il n'y a

10 plus eu de pilonnage sur le village. Quand les gens sont sortis des

11 maisons, il n'y avait plus qu'ils avaient pilonné. Le jour d'après, on a

12 mis le feu à la maison de mon fils aussi. Je crois que c'était son premier

13 voisin, il y a eu une dispute, et il n'a pas permis à quelqu'un d'y

14 rentrer, et ils ont mis le feu à la maison, après avoir tout sorti ce qu'il

15 avait dedans.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les autres Défenseurs.

17 M. DIXON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président. Nous

18 n'avons pas de questions pour ce témoin. Dans le mémoire préalable au

19 procès, l'Accusation a déjà signalé que ce témoin ne déposera pas dans les

20 parties du procès qui concerne M. Kubura.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers Mme Benjamin. A-t-elle des

22 questions supplémentaires ?

23 (Expurgé)

24 (Expurgé)

25 (Expurgé)

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1 Q. (Expurgé)

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Greffier, préparez-moi une ordonnance parce que nous

3 sommes en audience publique, enlevez -- enfin, non, parce que, dans la

4 traduction anglaise, cela n'y est pas or, que dans la traduction française,

5 j'avais entendu quelque chose. Bien, ce n'est pas nécessaire.

6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Par mesure de précaution, il conviendrait de

8 supprimer la ligne 22 de la page 15.

9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez, Madame Benjamin. Posez votre question.

11 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, est ce que

12 vous pensez que nous devons passer à huis clos partiel ?

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous estimez que la question est susceptible de

14 l'identifier, il vaudrait mieux.

15 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Oui, je crois pour -- par précaution,

16 il vaudrait mieux passer à huis clos partiel.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous allons passer à huis clos

18 partiel.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

20 partiel.

21 [Audience à huis clos partiel]

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12 Pages 3443 à 3454 –expurgées– audience à huis clos partiel.

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20 [Audience à huis clos]

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12 Pages 3456 à 3520 –expurgées– audience à huis clos.

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5 (Expurgé)

6 (Expurgé)

7 [Audience publique]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien alors nous sommes en audience publique. Les

9 rideaux vont se lever. Je remercie bien entendu les interprètes qui ont

10 apporté leur concours à cette prolongation de l'audience. Nous reprenons le

11 cours des audiences demain à partir de 14 heures 15. Je pense que nous

12 aurons un autre témoin à disposition afin de pouvoir répondre. C'est bien

13 cela, Monsieur Withopf ?

14 M. WITHOPF : [interprétation] C'est absolument cela, Monsieur le Président.

15 Trois témoins sont disponibles pour être entendus demain.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Dans ces conditions, la séance est levée et

17 j'invite tout le monde à participer à l'audience de demain à 14 heures 15.

18 --- L'audience est levée à 19 heures 13 et reprendra le jeudi 26 février

19 2004, à 14 heures 15.

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