International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 23 mars 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

8 les Juges, il s'agit de l'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver

9 Hadzihasanovic et Amir Kubura.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux représentants de l'Accusation

11 de bien vouloir se présenter.

12 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

13 Monsieur les Juges. Daryl Mundis, Ekkehard Withopf et Ruth Karper pour

14 l'Accusation.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

16 Je me tourne aux Défenseurs.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

18 Monsieur les Juges. Me Edina Residovic. J'assure la défense d'Enver

19 Hadzihasanovic avec Me Stéphane Bourgon, co-conseil.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour la

22 Défense de M. Kubura, Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et M. Mulalic,

23 assistant juridique.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue toutes les personnes présentes, les

25 représentants de l'Accusation, les avocats, les accusés, ainsi que tout le

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1 personnel de cette salle d'audience, sans oublier tous ceux qui sont à

2 l'extérieur, notamment, les interprètes et les techniciens.

3 Nous devons poursuivre, aujourd'hui, l'audition du témoin d'hier et je vais

4 demander à Mme l'Huissière de bien vouloir aller chercher notre témoin.

5 [Le témoin est introduit dans le témoin]

6 LE TÉMOIN: VAUGHAN KENT-PAYNE [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, mon commandant. Est-ce que vous entendez

9 nos propos ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience d'aujourd'hui se poursuit par la

12 continuation du contre-interrogatoire, et je vais donner la parole à

13 l'avocat qui va vous poser des questions.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Contre-interrogatoire par Mme Residovic : [Suite]

16 Q. [interprétation] Bonjour, commandant Kent-Payne.

17 R. Bonjour.

18 Q. Hier, j'en étais restée à des questions qui portaient sur la situation

19 générale en Bosnie centrale au moment de votre arrivée. J'ai également

20 abordé d'autres questions générales qui avaient une importance pour la

21 Défense du général Hadzihasanovic.

22 J'aimerais, à présent, revenir aux éléments que vous avez fournis dans le

23 cadre de vos réponses dans l'interrogatoire principal. En réponse à une

24 question du président de la Chambre et des confrères de l'Accusation, vous

25 nous avez dit que vous êtes arrivé à un certain nombre de conclusions sur

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1 la base d'éléments de renseignements qui ont été recueillis par vos

2 services de Renseignements, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous vous êtes également fondé sur les observations que vous avez pu

5 effectuées lors de vos patrouilles dans la région. Est-ce exact ?

6 R. Oui, sur la base de mes propres observations et les observations des

7 autres commandants de véhicules qui étaient chargés de recueillir des

8 renseignements dans notre secteur.

9 Q. La source de vos informations était également des entretiens que vous

10 avez eus avec des civils et avec d'autres organes présents dans la zone de

11 responsabilité de votre bataillon, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, effectivement.

13 Q. L'une des sources de renseignements a été également les échanges

14 d'informations avec d'autres organisations internationales et avec les

15 contrôleurs de la Communauté européenne.

16 R. Malheureusement, je ne peux m'exprimer là-dessus parce que cela c'était

17 dans le cadre d'entretiens entre les services de Renseignements -- les

18 officiers chargés du renseignements militaires et les agences que vous avez

19 évoquées. Personnellement, je n'y ai pas participé et je ne peux pas vous

20 dire combien de fois de tels entretiens ont eu lieux et si cela était le

21 cas.

22 Q. Merci. Vous avez également obtenu des renseignements de la part de vos

23 interprètes et des personnes locales qui travaillaient pour votre

24 bataillon, n'est-ce pas ?

25 R. Une fois de plus, je ne peux vous rendre de réponse. Pour ce qui est

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1 des renseignements émanant des interprètes, ils ont reçu comme instruction

2 précise de ne pas se comporter comme agent de renseignements, mais

3 uniquement comme porte-parole du commandant auquel ils étaient affectés.

4 Q. En tout état de cause, tous les renseignements, que vous étiez amenés à

5 recueillir au cours de la journée, vous-même ainsi que vos collègues,

6 faisaient, par la suite, l'objet d'une synthèse au sein du milinfosum et

7 vous procédiez à cette synthèse tous les jours, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. En réalité, tous les soirs, une réunion était organisée au sein du

10 bataillon. C'est généralement le lieutenant-colonel Duncan qui organisait

11 cette réunion.

12 R. Oui, c'est exact. Ces réunions avaient lieu à 18 heures tous les soirs.

13 Q. A ces réunions, vous faisiez état des observations que vous aviez pu

14 réaliser pendant la journée, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Dans ce milinfosum, on inscrivait vos observations ainsi que les

17 commentaires de la personne à l'origine de ces observations.

18 R. Oui. Pour autant que j'ai pu le comprendre, c'est ainsi qu'on

19 procédait.

20 Q. Dans cette synthèse des renseignements militaires, on inscrivait

21 également des éléments sur les rencontres avec -- entre le lieutenant-

22 colonel Duncan et les membres de l'ABiH et le HVO, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Par conséquent, les renseignements contenus dans le milinfosum

25 faisaient partie des éléments dont vous aviez connaissance et sur la base

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1 de laquelle vous avez tiré un certain nombre de conclusions. Est-ce exact ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Mais vous n'étiez pas habilité -- vous n'étiez pas en mesure de

4 vérifier ce qui était exposé par d'autres collègues ni ce qui était contenu

5 dans le milinfosum.

6 R. Malheureusement, je n'ai pas compris votre question. Effectivement,

7 nous n'avions pas de moyens de vérifier ces renseignements, mais nous

8 n'avions pas non plus de raisons de penser que les renseignements fournis

9 par des collègues militaires ne correspondaient pas à l'image fidèle de la

10 réalité selon ces collègues. En effet, ils faisaient ces observations et

11 faisaient état de ces détails en toute bonne foi.

12 Q. Oui, je n'essaie pas d'insinuer d'aucune manière que l'un quelconque

13 d'entre vous ait rapporté des éléments faux, erronés, mais ce que je veux

14 dire par là c'est que certaines observations pouvaient être fiables et

15 d'autres non.

16 R. Oui. Mais, si un élément d'information nouveau était donné, les

17 officiers chargés du renseignement faisaient en sorte que des patrouilles

18 vérifient ces renseignements. L'on ne prenait pas de mesures concrètes sur

19 la base d'un élément d'information isolé. Ce n'est pas la façon de

20 travailler de l'armée. Nous nous occupions de vérifier tous les éléments

21 d'information avant d'agir en conséquence.

22 Q. Sur le territoire où vous étiez déployé, on trouvait à la fois -- on

23 trouvait également des organes civils ainsi que la police civile, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Oui.

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1 Q. Il vous arrivait d'être en contact avec eux également mais vous

2 n'accordiez pas d'importance particulière -- une attention particulière aux

3 compétences de ces organes-là sur le terrain, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, effectivement, mais chaque élément d'information était vérifié

5 avant d'agir en conséquence. Certaines sources étaient nettement plus

6 fiables que d'autres. Une partie affirmait -- si une partie affirmait

7 quelque chose contre l'autre partie, très souvent, c'était infondé. Par

8 conséquent, nous prenions le soin de vérifier avant d'agir sur la base de

9 telles informations et avant de croire ce qui était dit.

10 Q. Mais, dans le cadre de votre mandat toutefois, en tant que soldat, vous

11 vous adressiez essentiellement aux structures militaires que la question

12 relève de leur compétence ou non.

13 R. Non, on ne peut pas dire cela parce que, généralement, nous avons

14 constaté que les autorités militaires ne donnaient pas une image fidèle de

15 la situation, mais ils nous disaient ce qu'ils souhaitaient nous faire

16 croire. Nous, nous essayions de tout faire pour vérifier ce qu'ils nous

17 avaient dit en nous adressant aux autorités spirituelles en quelque sorte

18 du village. Les personnes âgées ou alors le prêtre ou l'imam qui étaient

19 souvent mieux placés pour nous donner une image fidèle de la situation.

20 Q. Je vous remercie. J'aimerais à présent passer au 15 mai dont vous nous

21 avez parlé de façon détaillée. Vous nous avez dit que, le 15 mai, vous avez

22 décidé d'aller inspecter des territoires avec votre compagnie où jusque-là,

23 aucun représentant de la compagnie ne s'était rendu d'après ce que vous

24 aviez pu constater, n'est-ce pas ?

25 R. Non, ce n'est pas exactement cela. Une fois de plus, j'aimerais

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1 rappeler, comme je l'ai dit précédemment dans ma déposition, que ce n'est

2 pas moi qui ai décidé, que l'officier chargé des opérations du bataillon et

3 chargé du renseignements nous donnent ces tâches. C'est eux qui ont décidé

4 où les patrouilles devaient aller. Une fois de plus, comme je l'ai dit, ils

5 avaient des traces écrites de l'activité du bataillon -- du régiment plutôt

6 du Cheshire et de ses patrouilles. Sur la base de cela, ils ont pu recenser

7 les endroits où aucune patrouille ne s'était rendue dans les mois

8 précédents et c'est eux qui ont pris la décision de nous envoyer à tel ou

9 tel endroit.

10 Q. Merci pour cette précision. Manifestement, je ne suis pas militaire. Je

11 suis civil et j'ai tendance à oublier qu'un militaire obéit toujours à un

12 ordre. Vous venez d'apporter les précisions nécessaires, je vous remercie.

13 A ce moment-là, cela faisait déjà un mois que vous étiez en Bosnie-

14 Herzégovine dans la région de Vitez, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Au moment où vous avez entrepris cette mission, vous ne saviez rien

17 d'une éventuelle présence de Moudjahiddines sur le terrain malgré toutes

18 les sources de renseignements dont vous disposiez que nous avons évoquées

19 précédemment.

20 R. Oui, c'est le cas.

21 Q. Auparavant, vous avez eu l'occasion de vous rendre à Travnik et vous

22 avez également pu vous rendre dans les endroits qui étaient à proximité

23 directe des grands axes de communication, n'est-ce pas ?

24 R. Oui. Pendant notre séjour de familiarisation, nous avons -- nous nous

25 sommes rendus dans les endroits qui relevaient de notre secteur, mais,

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1 essentiellement, il s'agissait des agglomérations plus importantes pour

2 nous familiariser avec les voies de circulation pour faire en sorte de

3 faciliter notre tâche au moment nous devrions escorter des convois. Nous

4 avons également vu quels étaient les emplacements des différents quartiers

5 généraux locaux, pour que nous sachions où aller chercher un commandant

6 local, si nous devions aller le chercher dans son quartier général. Nous

7 devions également apprendre à localiser les interlocuteurs.

8 Q. Au moment de votre arrivée à Zenica, le commandant de la Brigade Jure

9 Francetic a été enlevé, et on a appris que des Moudjahiddines étaient les

10 auteurs de cet enlèvement. Etiez-vous au courant de cela ?

11 R. Non, c'est la première fois que je l'entends. Si on me l'a dit, alors

12 je ne me souviens pas.

13 Q. Des Moudjahiddines avaient coutume de parcourir les routes de Travnik à

14 l'époque. On pouvait les voir dans les rues de Travnik. Est-ce que vous

15 aussi, vous les avez vus ?

16 R. Non.

17 Q. Très souvent, le HVO parlait des Moudjahiddines, et adressait des

18 protestations à la FORPRONU. Aviez-vous connaissance de ces protestations ?

19 R. Non, une fois de plus, je n'étais pas au courant de cela.

20 Q. Le 24 avril 1993, dans votre secteur dans le village de Miletici, un

21 crime a été perpétré. Immédiatement, on a su que c'étaient les

22 Moudjahiddines qui en étaient les auteurs. Le saviez-vous ?

23 R. Non. Comme je l'ai dit précédemment dans ma déposition, la première

24 fois que j'ai pu voir personnellement qu'il y avait des Moudjahiddines dans

25 notre secteur, c'est le 15 mai, au moment où j'ai rencontré ces personnes.

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1 Q. Par conséquent, vous serez d'accord avec moi pour dire la chose

2 suivante, même si votre système de renseignement était très développé, vous

3 n'aviez aucun renseignement sur une présence ou une existence des

4 Moudjahiddines avant que vous n'entrepreniez cette mission. Est-ce exact ?

5 R. Oui.

6 Q. D'après votre déposition, ce sont, tout d'abord, des membres de l'ABiH

7 régulière qui vous ont interceptés à Han Bila, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Etant donné que vous avez sous les yeux une carte, j'aurais aimé vous

10 demander de nous indiquer la localité de Han Bila où on vous a arrêté pour

11 la première fois, pour que les Juges de la Chambre comprennent bien quel à

12 été votre parcours.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Merci. Vous y avez passé 30 minutes. Vous avez discuté avec le

15 commandant. Vous avez essayé de le persuader de vous autoriser à poursuivre

16 votre chemin. Est-ce exact ?

17 R. Non. Je crois vous avoir indiqué que cela a duré plus longtemps. Nous y

18 avons passé au moins une heure. Nous avons parlé avec des personnes qui

19 tenaient le poste de contrôle, à l'extérieur également. Ensuite, nous avons

20 parlé à l'intérieur avec le commandant local.

21 Q. Si j'ai bien compris ce que vous nous dites, cela correspond à la page

22 25, ligne 2, du compte rendu d'audience, où vous nous avez dit qu'au moment

23 vous êtes sorti, vous avez vu environ 30 à 40 soldats qui s'étaient

24 rassemblés à cet endroit, et une centaine de civils qui avaient une

25 attitude amicale vis-à-vis de vous. Est-ce bien ce que vous avez dit hier

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1 dans votre déposition ?

2 R. C'est exact.

3 Q. Il s'agit là d'un événement et d'un fait qui vous a marqué, que vous

4 avez retenu, parce que c'était particulièrement important pour vous, n'est

5 ce pas ?

6 R. Oui. Il était inhabituel de voir autant de personnes à cet endroit.

7 Pour eux, également, il ressortait qu'il était inhabituel de voir un

8 véhicule des Nations Unies. Il ne faut pas oublier qu'au début de notre

9 période d'affectation, nous étions en quelque sorte une curiosité.

10 Q. Cet entretien, au moment où on vous a arrêtés au poste de contrôle a

11 duré environ une heure. Par conséquent, c'était inhabituel pour vous.

12 Pourtant, vous n'avez pas immédiatement informé votre commandant, du fait

13 que vous aviez rencontré ce problème particulier, n'est-ce pas ?

14 R. Non. Nous ne l'avons pas fait parce que le commandant en second de la

15 patrouille se trouvait dans le deuxième véhicule. C'était à lui d'informer

16 constamment le quartier général du groupe tactique de notre position.

17 Personnellement, je n'aurais pas pu le faire, étant donné que j'étais en

18 train de négocier avec le commandant local dans les locaux en question. Le

19 commandant en second de la patrouille, en fonction d'une procédure

20 standard, informait régulièrement des progrès de la mission, le quartier

21 général du bataillon, soit un rapport positif, disant : "Voilà, nous avons

22 pu franchir le poste de contrôle, nous nous dirigeons vers tel ou tel

23 village," soit un rapport négatif, disant que nous étions arrêtés à un

24 poste de contrôle et que nous ne pouvions pas poursuivre notre route pour

25 l'instant.

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1 Q. Merci. Après qu'on vous a donné l'autorisation de poursuivre, vous vous

2 êtes mis en route, et 6 kilomètres plus loin, vous êtes arrivés à un poste

3 de contrôle où se trouvait un garde. Une rampe était disposée en travers de

4 la route, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, mais il y avait deux gardes. Un garde qui gardait la barrière, et

6 l'autre qui est allé chercher le commandant local.

7 Q. Hier, en réponse à une question de l'Accusation, vous nous avez dit que

8 le soldat de ce poste de contrôle ne vous a pas laissés passer, il a dit

9 qu'il devait demander l'autorisation de son commandant, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est exact. Il aurait dit qu'il ne pourrait pas nous laisser

11 passer. En général, moi-même ou un autre commandant de patrouille, dans ce

12 type de situation, demandait au soldat concerné d'aller chercher le

13 commandant local pour que nous puissions y parler.

14 Q. Au moment où cette personne est arrivée, cette personne dont vous

15 pensiez qu'il s'agissait du commandant local, vous avez dit qu'il vous a

16 informés que vous pouviez passer ce poste de contrôle uniquement avec

17 l'autorisation du 3e Corps.

18 R. Oui. Il a dit que nous avions besoin d'un document, d'une autorisation

19 écrite de la part du quartier général du corps, pour traverser ce poste de

20 contrôle et pour nous rendre plus au nord.

21 Q. Cette réponse que vous avez reçue, vous vous en souvenez bien, parce

22 que vous estimiez que les forces des Nations Unies devaient avoir une

23 liberté de mouvement, et que vous n'aviez besoin de l'autorisation de

24 personne.

25 R. Oui, c'est exact. Au moment de notre formation, on nous a dit que nous

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1 ne devions pas demander de tels documents ou de telles autorisations,

2 uniquement en dernier recours, parce que cela ne ferait que légitimer le

3 contrôle des forces locales sur les Nations Unies, forces qui, à ce moment-

4 là, auraient du donner l'autorisation aux Nations Unies de se rendre à tel

5 ou tel endroit.

6 Q. Hier, vous nous avez confirmé que le 10 mai 2000, vous avez donné une

7 déclaration aux enquêteurs du Tribunal de La Haye. Est-il exact que sur ces

8 éléments cruciaux que vous avez pu observer au moment de votre première

9 patrouille, dont vous nous avez parlé hier, à savoir qu'il y avait une

10 centaine de personnes qui s'étaient rassemblées au moment vous êtes sorti,

11 et que pour passer vous aviez besoin d'une autorisation du 3e Corps. Est-il

12 vrai que sur ces éléments-là, vous n'avez rien dit à l'enquêteur du

13 Tribunal de La Haye ?

14 R. Je ne crois pas lui avoir dit quoi que ce soit là-dessus, parce qu'il

15 ne m'a pas posé la question.

16 Q. Hier, vous nous avez dit dans votre déposition, que les deux ou trois

17 gardes qui tenaient le poste de contrôle, ont été rejoints rapidement par

18 des civils également. Est-ce exact ?

19 R. Oui. Effectivement. Apparemment, nous étions une attraction. Un certain

20 nombre de personnes, des civils notamment, y compris des femmes et des

21 enfants, sont arrivés au poste de contrôle pour nous voir.

22 Q. Ni à Han Bila, ni à ce poste de contrôle-là, vous n'avez pu voir

23 d'insigne chez les soldats qui tenaient ces postes de contrôle. Vous n'avez

24 pas pu voir à quelle armée ou brigade, ils appartenaient.

25 R. C'est exact.

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1 Q. Sur ce, est arrivée une Toyota d'où sont sortis des étrangers, n'est-ce

2 pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Ils ont commencé par disperser les civils. Ils se sont adressés aux

5 personnes en uniforme du cru, et ils leur ont donné un ordre en quelque

6 sorte, n'est-ce pas ?

7 R. Oui. Cet ordre n'était pas un ordre verbal, c'était plutôt une série de

8 gestes qui montraient ce que cet individu attendait des miliciens.

9 Q. Les soldats locaux ont respecté cet ordre. Ils y ont obéi. On pouvait

10 voir de façon évidente qu'ils avaient peur de ces étrangers.

11 R. Oui. C'est la façon dont j'ai interprété la situation. Ils souhaitaient

12 obéir aux ordres qu'ils leur ont été donnés.

13 Q. D'après ce que vous avez dit dans votre déposition, il y avait peut-

14 être 40 à 50 soldats étrangers à cet endroit-là.

15 R. Oui. En fin de compte, c'était effectivement le cas, même s'ils ne sont

16 pas tous arrivés en même temps. Ils sont arrivés progressivement pendant

17 que j'ai négocié avec le commandant local au départ, et c'est cet étranger

18 qui est sorti de la Toyota quelques minutes après.

19 Q. Ce soir-là, lors de la réunion qui était organisée habituellement, vous

20 avez fait état des événements que vous aviez vécus pendant la journée.

21 R. Oui.

22 Q. A ce moment-là, vous avez estimé que vous étiez près du village de

23 Fazlici, à une centaine de mètres, à quelques centaines de mètres de ce

24 village, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. Nous avions l'intention de prendre cette piste-là pour aller

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1 jusqu'au village de Suhi Dol, mais nous n'avons pas pu tourner. On nous a

2 arrêtés juste avant.

3 Q. Tout près de l'endroit où vous avez été arrêtés, se trouve une localité

4 du nom de Poljanice. Est-ce bien exact ?

5 R. Je peux confirmer cela en consultant la carte, effectivement.

6 Q. Après cet incident, vous vous êtes efforcés de savoir qui étaient les

7 étrangers qui se trouvaient dans cet endroit.

8 R. Non. Ce n'est pas exact. Le personnel du renseignement militaire s'est

9 efforcé de savoir qui étaient les étrangers. En fait, ils ont demandé à

10 leurs propres agences de se renseigner sur ces personnes. Ils nous ont

11 également demandé ainsi qu'aux patrouilles sur le terrain, de poser des

12 questions à propos de ces personnes. Le sous-officier du bataillon a

13 indiqué, qu'il ne fallait plus envoyer de patrouille dans cette zone, du

14 fait des risques évidents émanant de l'agressivité de ces personnes.

15 Q. Pour ce qui est des renseignements obtenus ultérieurement, vous vous

16 êtes rendus compte que dans la localité appelée Poljanice près de Mehurici,

17 il y avait un camp de soldats étrangers, à savoir, de Moudjahiddines. Est-

18 ce bien exact ?

19 R. Au fur à mesure, que nous avons obtenu des renseignements, nous avons

20 reçu des renseignements de façon régulière à propos de ces personnes. Il

21 nous a été dit par l'officier chargé du renseignement militaire que leur

22 rôle à cet endroit, était d'entraîner les soldats réguliers de l'ABiH. Nous

23 nous étions trouvés de façon tout à fait fortuite, dans les environs de ce

24 camp d'entraînement qui se trouve dans une zone au nord de Han Bila.

25 Q. Les renseignements que vous avez reçus à l'époque, indiquaient qu'une

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1 partie de la population musulmane se ralliait aux Moudjahiddines, que les

2 Moudjahiddines les formaient et les entraînaient, notamment pour ce qui est

3 des hommes jeunes.

4 R. Ce n'est pas exactement comme cela que je me rappelle des faits. Je ne

5 suis pas en mesure ni de confirmer, ni de réfuter ce que vous avancez. Je

6 ne me souviens pas des détails exacts. Tout ce que je sais, c'est qu'il

7 nous avait été dit, qu'il s'agissait d'un camp d'entraînement, que les

8 Moudjahiddines entraînaient des personnes, qu'il s'agisse de la population

9 locale ou non. Nous, nous aurions pensé que si vous entraînez et formez la

10 population locale, cette population devient ainsi des soldats. Je crains

11 fort de ne pas me souvenir des détails exacts de cette information.

12 Q. Sur la base de ces renseignements militaires, vous saviez de toute

13 évidence, que dans cette région, une brigade de l'ABiH était active, et

14 qu'il s'agissait de la 306e Brigade.

15 R. Je ne me souviens pas du numéro de cette brigade, mais il était évident

16 qu'il y avait une brigade de l'ABiH dans ce secteur.

17 Q. Cet incident ainsi que ces événements n'ont pas fait l'objet d'un

18 rapport de votre part, un rapport au commandant de la brigade.

19 R. Cela n'était pas une de mes tâches. Le bataillon opérait comme suit;

20 chaque secteur avait un officier de liaison, et il appartenait à l'officier

21 de liaison d'entrer en liaison avec le commandant de la brigade locale. Le

22 commandant de la compagnie à laquelle j'appartenais, s'occupait des

23 patrouilles, de l'escorte des convois. Il n'était pas dans nos prérogatives

24 de transmettre ce genre de renseignements au commandant de brigade. La

25 chaîne de commandement que nous utilisions, étaient comme suit : les

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1 commandants de la patrouille présentaient des rapports aux officiers

2 chargés du renseignement militaire, qui présentaient à leur tour un rapport

3 à l'officier des opérations et au commandant, qui demandaient ensuite à

4 l'officier de liaison de rendre visite au QG de la brigade en question. Je

5 crains que je ne puisse absolument pas vous confirmer ce qui s'est passé

6 dans le cas d'espèce.

7 Q. Hier, en réponse à l'une de mes questions, vous aviez indiqué que

8 lorsque vous êtes arrivés à Vitez, le HVO avait déjà expulsé la plupart de

9 la population musulmane, or, de la vallée de la Lasva. Est-ce bien exact ?

10 R. [imperceptible]

11 Q. D'endroits, tels que Vitez et ce, à l'exception, bien entendu, de Stari

12 Vitez, Busovaca, Kaonik et les autres villes qui étaient proches de la

13 vallée de la Lasva.

14 R. C'est exact. En fait, la majorité de ce mouvement s'était passé dans la

15 vallée de Busovaca. Mais, en fait, il y avait encore, à cette époque-là,

16 une coopération ou un semblant de coopération entre le HVO et l'ABiH. Un

17 exemple que je peux vous donner est les postes de contrôle de Dolac, qui se

18 trouvent ici, ainsi que le poste de contrôle du garage de Travnik, près de

19 -- à la station essence. Au départ, en fait, au début de notre période

20 d'affection, il s'agissait de postes de contrôle mixte, composés de soldats

21 de l'ABiH et du HVO.

22 Q. Toutefois, vous serez en mesure de confirmer qu'après le massacre

23 d'Ahmici, l'ABiH ne pouvait plus passer par les axes routiers -- par l'axe

24 routier principal et qui passait par Vitez et Busovaca vers le col de la

25 Lasva. Est-ce bien exact ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. A l'époque, en tant que membre de la FORPRONU, vous avez commencé à

3 recevoir des informations suivant lesquelles le HVO commençait à coopérer

4 avec les forces serbes et, ce contre l'ABiH. Est-ce bien exact ?

5 R. Je ne suis pas en mesure de confirmer si cela m'a été dit ou non. Ce

6 dont je me souviens, lorsque je pense à cette période, c'est qu'au tout

7 début de notre période d'affectation, une partie de la ligne de front

8 détenue par les forces serbes dans la zone de Turbe était détenue

9 conjointement par les troupes du HVO et de l'ABiH. Mais, à la suite, des

10 tensions qui ont suivi le massacre à Ahmici, les troupes du HVO ont cessé

11 cette coopération, et il y a eu, effectivement, des rapports de coopération

12 entre le HVO et les Serbes, mais je crains que je ne m'en souvienne pas en

13 fait.

14 Q. Après avoir abandonné le front à Turbe, le HVO a également abandonné

15 d'autres lignes de front sur le mont Vlasic, en surplomb des villages qui

16 se trouvent sur les pentes le long du fleuve Bila. Est-ce bien exact ?

17 R. D'après ce que j'ai compris, le HVO a abandonné toutes ses positions de

18 lignes de front, et ce à la fin du mois de mai, au début du mois de juin.

19 D'après ce que j'ai compris, il n'y avait plus de troupes du HVO sur les

20 lignes de front avec les Serbes. La ligne de front, en fait, avec les

21 Serbes, était uniquement détenue ou contrôlée par l'ABiH pendant cette

22 période.

23 Q. Compte tenu du fait qu'il s'agissait de la ligne de front, qui était

24 longue de plusieurs centaines de kilomètres, les problèmes supplémentaires

25 étaient engendrés pour l'ABiH qui n'était pas véritablement bien armée.

Page 4876

1 Est-ce bien exact ?

2 R. C'est exact. D'après les instructions que nous avions reçues, le

3 problème n'était pas que l'ABiH n'avait pas suffisamment de soldats, mais

4 plutôt n'avait pas suffisamment d'armes et de matériel. Nous voyions très

5 souvent des soldats qui se rendaient sur la ligne de front et qui prenaient

6 le soldat -- qui devait prendre le fusil d'un autre soldat qui, ensuite,

7 repartait dans une zone de repos sans avoir, pour autant, des armes sur

8 eux. Il y avait véritablement, de toute évidence, un problème pour l'ABiH

9 qui avait du mal, en fait, à faire en sorte de bien se positionner sur

10 cette ligne de front une fois que le HVO a cessé de coopérer avec eux

11 contre les Serbes.

12 Q. Dans le cadre de votre période d'affectation dans cette zone, vous avez

13 été en mesure de voir que les unités du HVO ont commencé à creuser des

14 tranchées autour des villages croates et, notamment, autour des routes ou

15 des cols qui reliaient Zenica à Travnik. Est-ce bien exact ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Le commandant du 3e Corps envoyait à la FORPRONU, quasiment au

18 quotidien, des rapports de protestation du fait de cette conduite de la

19 part du HVO.

20 R. Je ne peux pas faire d'observation à ce sujet parce que je ne recevais

21 pas ces rapports. Mais je suppose qu'ils le faisaient puisqu'ils

22 souhaitaient que la FORPRONU assure que ces routes soient ouvertes.

23 Q. Vous saviez également qu'à Ovnak un poste de contrôle du HVO avait été

24 érigé et que la ligne avait été renforcée, fortifiée. A partir d'Ovnak, par

25 Grahovcici, et ce grâce à des tranchées qui avaient été creusées. Est-ce

Page 4877

1 bien exact ?

2 R. Oui, je le sais. J'ai vu moi-même ces positions de défense lorsque je

3 me suis rendu dans ce village. Cela n'était pas inhabituel dans cette zone

4 puisque la ligne de front, à ce moment-là, était renforcée et fortifiée par

5 les deux camps.

6 Q. Vous avez été également en mesure de remarquer que, sur les cols qui

7 contrôlaient la vallée de la Bila, tel que, par exemple, à Usice, à Strmac,

8 le HVO avait positionné de l'artillerie lourde. Est-ce bien exact ?

9 R. Je ne peux pas faire de remarques à ce sujet. Mais, comme je l'ai déjà

10 indiqué au préalable, dans ma déposition, le HVO, à cette époque-là, ne

11 faisait absolument pas preuve de coopération. Dans la majorité des cas, ils

12 n'autorisaient pas les patrouilles de la FORPRONU de se rendre dans des

13 zones qu'ils considéraient comme des zones sensibles. Je peux vous donner

14 un exemple. Il y avait une colline à Cifluk, et la ligne de front du HVO

15 qui passait, en fait, par le côté occidental de la vallée de la Bila, et ce

16 dans la région de Pokrajcici.

17 Q. Lors de vos réunions quotidiennes, vous avez été informé par l'officier

18 de liaison de votre bataillon que, dès le début du mois de mai, le HVO

19 avait déplacé ses forces vers les hauteurs, en surplomb de Travnik et

20 qu'ils dirigeaient leurs armes lourdes vers la ville et qu'ils assiégeaient

21 littéralement -- ils encerclaient littéralement la ville de Travnik. Etes-

22 vous conscient de cela ?

23 R. Oui, je le savais.

24 Q. Vous avez également été informé qu'au poste de contrôle à Guca Gora et

25 à Ovnak, le HVO faisait rebrousser chemin aux membres de l'armée qui

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1 allaient prendre leur position sur la ligne de front et que cela a fait en

2 sorte que les soldats ne pouvaient pas être remplacés et, ce, même après

3 trois semaines.

4 R. Je ne me souviens pas de ce détail, mais cela ne me surprend pas outre

5 mesure. Je ne suis pas surpris par le fait que cela aurait pu des mesures

6 prises par le HVO à cette époque-là.

7 Q. Je suis sûr que vous étiez mis au courant des informations qui se

8 trouvent dans la synthèse de renseignements militaires en date du 1er juin,

9 numéro 33, à savoir, à un poste de contrôle du HVO, le commandant du groupe

10 opérationnel Bosanska Krajina a été arrêté et a subi un harcèlement.

11 R. Je crains ne pas me souvenir de tous ces détails, mais ce dont je me

12 souviens. C'est qu'à cette époque, il nous a été demandé de transporter des

13 commandants de l'ABiH vers plusieurs réunions parce qu'ils ne pouvaient

14 plus se déplacer librement et passer par les postes de contrôle dirigés par

15 les membres du HVO. Je ne me souviens pas de l'incident auquel vous venez

16 de faire allusion, mais ceci étant, je me souviens que nous avons dû

17 déployer des -- mener à bien des tâches afin d'escorter ces personnes pour

18 les raisons que je viens de vous décrire.

19 Q. Pour vous rappeler cet événement également, je vous demanderais de

20 consulter le rapport -- ou la synthèse de renseignements militaires, le

21 milinfosum numéro 33, en date du 1er juin 1993. Il s'agissait en fait de

22 faits dont vous -- qui vous étaient présentés lors de vos réunions

23 ordinaires. Pourriez-vous prendre cette synthèse de renseignements

24 militaires, que nous avons reçue d'ailleurs lorsque nous avons consulté les

25 archives du Bataillon britannique ?

Page 4879

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais, en fait, que cette synthèse de

2 renseignements militaires puisse être montrée au témoin.

3 Q. Je vous demanderais de prendre le rapport afférant à la municipalité de

4 Travnik, le paragraphe afférant à Travnik.

5 R. Oui, j'ai pris connaissance et j'ai lu le paragraphe en question.

6 Q. Alors, seriez-vous d'accord avec moi si je vous dis que l'arrestation

7 et le désarmement d'un commandant d'un groupe opérationnel, quelle que soit

8 l'armée à laquelle il appartient, y compris l'ABiH, représentaient un

9 incident très grave.

10 R. Effectivement, il semble s'agir d'un incident très grave.

11 Q. Mon commandant, vous savez probablement qu'immédiatement après cela, au

12 poste de contrôle d'Ovnak, huit autobus transportant des membres de l'ABiH

13 ont été arrêtés. Ils ont dû repartir vers Zenica alors qu'ils allaient

14 remplacer des soldats qui se trouvaient sur la ligne de front à Turbe.

15 Etes-vous au courant de ce fait ?

16 R. Non, je n'étais pas au courant de ce fait et j'aimerais pouvoir fournir

17 une explication à l'intention des Juges de la Chambre. Alors, il est

18 question de l'incident de Maglaj dans ce document et j'ai participé, en

19 fait, à cet incident. Il y a eu le bombardement du convoi des Nations Unies

20 et nous avons fait -- avons mené à bien des opérations pour récupérer les

21 corps des conducteurs. C'est une opération qui a duré environ deux jours,

22 ce qui pourrait expliquer pourquoi je ne me souviens immédiatement des

23 éléments relatifs au paragraphe de Travnik. Toutefois, je n'ai absolument

24 aucun doute puisque cela se trouve dans notre rapport milinfosum. Je suis

25 absolument sûr que cela est exact. Mais c'est la première fois que je

Page 4880

1 prends connaissance de ces détails.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

3 les Juges, bien que le témoin nous dise que c'est la première fois qu'il

4 prend connaissance de la description de cet incident, il a confirmé qu'il

5 s'agissait toutefois d'un rapport milinfosum et qu'il s'agit d'un incident

6 grave qui aurait pu arriver à un militaire. Nous aimerions que cela puisse

7 être considéré comme une pièce à conviction de la Défense et que cela

8 puisse être versé comme moyen de preuve.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

10 M. MUNDIS : [interprétation] L'Accusation n'a pas d'objection à ce que ce

11 document milinfosum soit versé comme moyen de preuve au dossier.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

13 Sur le document que vous avez, vous allez marquer votre nom et la date

14 d'aujourd'hui.

15 [Le témoin s'exécute]

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

17 Q. Vous êtes d'accord avec moi, commandant, si je vous dis --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, s'il vous plaît. Avant de continuer, il

19 faut qu'on donne un numéro. Ce document, établi le 1er juin 1993, donnez-

20 nous un numéro, Monsieur le Greffier.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

22 pièce DH70.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez.

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

25 Q. Mon commandant, vu le fait --

Page 4881

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Mundis.

2 M. MUNDIS : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, mais vous

3 verrez qu'au compte rendu d'audience, nous ne trouvons pas le numéro de la

4 cote.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est vrai.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce DH70.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Mundis.

8 Poursuivez, s'il vous plaît.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

10 Q. Mon commandant, étant donné que l'armée ne pouvait pas utiliser la

11 route qui passait pas Bila, la seule route pour passer de Travnik à Zenica

12 était la route qui passait par Guca Gora et Ovnak. Est-ce exact ?

13 R. C'est exact. Cela a été identifié par le personnel chargé du

14 renseignement militaire qui a indiqué qu'il s'agissait d'une route très

15 importante pour l'ABiH, route qui reliait Zenica et Travnik.

16 Q. Comme vous l'avez déjà indiqué en présentant votre déclaration, étant

17 donné que l'armée se trouvait coincée entre la vallée de Lasva et le mont

18 Vlasic, l'attaque du -- les attaques du HVO et les barrages qu'ils avaient

19 installés sur cette route étaient tels qu'il était absolument impossible

20 pour l'armée de rester dans cette zone. Est-ce bien exact ?

21 R. C'est exact. Du fait de l'interruption à cette route essentielle pour

22 leur ravitaillement, le personnel chargé des renseignements militaires,

23 ainsi que l'officier chargé du commandement, ont organisé des réunions avec

24 les commandants du HVO et de l'ABiH afin de s'assurer que cette route reste

25 ouverte. Lorsque le HVO a fait preuve d'obstructions, je pense qu'il a été

Page 4882

1 demandé à l'ABiH si elle allait faire quelque chose et c'est la raison pour

2 laquelle ces réunions ont été convoquées. Comme je l'ai déjà dit, je n'ai

3 pas participé à cette réunion, mais le résultat de la réunion, qui nous a

4 été transmis, a été qu'il y a eu un accord de cessez-le-feu et qu'il avait

5 été décidé que cette route resterait ouverte.

6 Q. En tant qu'officier, il vous sera beaucoup plus clair de comprendre par

7 rapport à nous, civils, qu'un commandant militaire doit véritablement

8 envisager une planification à long terme pour pouvoir réagir face aux

9 attaques ennemies. Je pense, par exemple, aux obstacles qui sont tels qu'il

10 n'est pas en mesure de contrôler son propre territoire, de mener à bien ses

11 tâches de défense, et de défendre sa propre population. Ne pensez-vous pas

12 que c'est ainsi qu'un commandant réagira au vu des circonstances ?

13 R. C'est tout à fait exact. Nous, ainsi que les officiers les plus

14 expérimentés du bataillon britannique, essayons de nous mettre à la place

15 des commandants locaux pour essayer de deviner ce qu'ils allaient faire. Il

16 est évident que le 3e Corps ne pouvait pas tolérer la situation suivant

17 laquelle les troupes de Travnik n'avaient aucune communication, étaient

18 tout à fait isolées par rapport à la roue de ravitaillement de Zenica. Il

19 était évident, que si un accord n'était pas conclu entre les deux camps,

20 l'un ou l'autre camp devait réagir pour faire quelque chose.

21 Q. Etes-vous en mesure de marquer votre accord avec nous, si je vous dis

22 que les ordres des commandants militaires de l'ABiH visaient à obtenir une

23 solution pacifique à ce problème, mais qu'en cas d'attaques, ils devaient

24 réagir et défendre le principal axe de communication. Est-ce bien exact ?

25 R. Oui. Cela aurait été le cas pour n'importe quelle armée placée dans une

Page 4883

1 situation semblable.

2 Q. Vous savez, je suppose que le 4 juin, le HVO a attaqué la ville de

3 Travnik, et ce, à partir des positions où avait été déployée leur

4 artillerie lourde. Le saviez-vous ?

5 R. C'est exact. Nous avons d'ailleurs envoyé des véhicules de patrouille

6 dans cette zone pour superviser la situation.

7 Q. Le 5 juin, le HVO a attaqué également le village de Velika Bukovica. A

8 partir de ces positions, il pouvait contrôler la ville de Travnik. Est-ce

9 bien exact ?

10 R. C'est exact. Je me trouvais moi-même à Travnik ce jour-là. Nous étions

11 en quelque sorte bombardés à partir de positions qui d'après étaient

12 détenues par le HVO. Entre temps et parallèlement, nos officiers de liaison

13 ainsi que notre commandant déployaient des efforts pour faire en sorte

14 qu'un cessez-le-feu puisse être négocié pour mettre un terme au

15 bombardement de cette ville.

16 Q. L'attaque du HVO contre Velika Bukovica a entraîné l'emprisonnement

17 d'un grand nombre de personnes civiles. D'après les premières informations

18 dont nous avons disposé, il y a eu 18 personnes, 18 civils tués. Plus tard,

19 il a été dit que huit personnes avaient été tuées. Le saviez-vous ?

20 R. Je ne me souviens pas de ce fait. Si cela ait été confirmé comme

21 véridique, cela ne me surprend absolument pas.

22 Q. D'après les plans précédents de la défense qui avaient été préparés en

23 cas d'attaque, l'armée a réagi face à ces attaques, et les combats se sont

24 propagés dans toute la zone entre Travnik et Zenica. Est-ce bien exact ?

25 R. Oui. C'est exact. Ce n'est pas exactement la manière dont s'est

Page 4884

1 arrivé. Ce dont je me souviens, c'est que les attaques de la vallée de la

2 Bila étaient des opérations distinctes par rapport à l'attaque sur la

3 région de Travnik. Là encore, mes souvenirs ne sont pas si distincts, parce

4 qu'il se passait beaucoup de combats aussi bien à Travnik que dans la

5 vallée de la Bila. Ce dont je me souviens, c'est qu'il y avait deux

6 opérations distinctes, une à Travnik et une dans la vallée de Bila.

7 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous montrer sur la carte, où se trouve

8 Velika Bukovica ?

9 R. Je ne sais absolument pas. Je souhaiterais que quelqu'un m'indique cet

10 emplacement pour rafraîchir ma mémoire.

11 Q. Je vous demanderais de regarder cette carte. Vous verrez au-dessus de

12 Travnik, juste un petit peu en dessous de Maljine, entre Travnik et

13 Maljine, c'est là que se trouve le village, à l'ouest de Guca Gora.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. C'est là que se trouve le village de Velika Bukovica. Comme vous venez

16 de dire vous-même, il s'agissait d'une localité qui a été attaquée le 5

17 juin.

18 Est-ce exact que le 7 juin, le village musulman de Bandol a été attaqué et

19 incendié ?

20 R. Si je reviens à votre commentaire précédent, je voudrais apporter une

21 précision. Je crains bien qu'en tant que soldats britanniques, notre

22 connaissance intime de la langue serbo-croate n'était pas vraiment au

23 niveau à l'époque. Nous parlions de ce village de la manière dont il était

24 indiqué sur la carte. Je ne savais pas, qu'à l'époque, il s'appelait Velika

25 Bukovica. C'est pour cela que nous ne l'appelions pas Velika Bukovica.

Page 4885

1 Pour revenir à votre deuxième question, je vous dirais que je j'étais bien

2 sûr, au courant de l'attaque contre Bandol. Je me suis rendu quatre ou cinq

3 jours avant l'attaque à ce village. J'avais demandé aux miliciens locaux,

4 s'ils avaient besoin d'une quelconque aide, s'ils avaient besoin de l'aide

5 de la FORPRONU. On m'avait répondu à l'époque que non.

6 Après l'évacuation de Guca Gora le 8 juin, un villageois, un Musulman d'un

7 village avoisinant, s'est approché de moi. Là encore, je vous demanderais

8 d'excuser ma prononciation. Il s'agit du village de Krpeljici, qui se

9 trouve ici. Il m'a dit qu'il y avait eu une attaque contre Bandol et que la

10 FORPRONU devrait s'y rendre, parce qu'il avait un risque que la situation

11 là-bas soit similaire à celle d'Ahmici.

12 Q. Compte tenu de ma question précédente, vous avez certainement confirmé

13 que si bien, Velika Bukovica et que Bandol sont des villages qui se

14 trouvent dans la région de Bila, que ces événements sont survenus le

15 lendemain du jour où l'ABiH a continué ses activités de défense le 8 juin.

16 R. Oui. C'est exact.

17 Q. Compte tenu du fait que vous avez répondu à ma question au sujet de

18 votre connaissance de ce qui s'est passé à Bandol, vous avez confirmé de

19 votre propre initiative. Je vous demanderais de regarder le milinfosum du

20 13 juin, qui contient les informations que vous avez fournies au sujet de

21 ce que vous avez vu dans ce village.

22 Commandant, il s'agit du paragraphe (e). C'est le paragraphe qui traite des

23 informations concernant Bandol.

24 R. Oui, je reconnais ces informations, puisque c'est moi-même qui les ai

25 fournies.

Page 4886

1 Q. Je vous remercie. Pouvez-vous, s'il vous plait, gardez ce milinfosum,

2 parce que j'aurais des questions supplémentaires à vous poser à ce sujet.

3 Pour le moment, on va passer à autre chose.

4 Vous avez déclaré que le 8 juin, vous n'étiez pas en Guca Gora, mais qu'une

5 autre de vos compagnies s'y trouvait. Est-ce exact ?

6 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit lors de mon témoignage. Je crois avoir dit

7 que le 7 juin, les patrouilles de Compagnie A se trouvaient à Guca Gora.

8 Dans l'après-midi du 7, on m'a demandé d'accompagner un convoi de camions

9 vers Guca Gora. On m'a conseillé de rebrousser chemin à cause des tirs qui

10 se déroulaient à Guca Gora. Je me suis rendu moi-même à Guca Gora le 8

11 juin. Il s'agissait d'un convoi de 16 véhicules.

12 Q. Commandant, dans la déclaration que vous avez fournie au bureau du

13 Procureur, vous parlez du 8 juin, date à laquelle la Compagnie "A" a été

14 informée de ceci, et du 9 juin comme étant la date à laquelle vous êtes

15 partis chercher les civils qui se trouvaient au monastère. Est-il possible

16 qu'il y ait ici une erreur sur la date que vous avez mentionnée hier ?

17 R. C'est tout à fait possible. Ce dont je me souviens, peut-être que

18 j'aurais besoin de consulter le journal que je tenais à l'époque pour

19 vérifier la date. Ce dont je me souviens, effectivement, ce qu'un jour, que

20 ce soit le 7 ou le 8, c'était le jour où l'incident a eu lieu, incident

21 dont était témoin la Compagnie A, et j'ai participé aux événements le

22 lendemain.

23 Q. Lorsque vous avez quitté Guca Gora avec les civils, certains membres du

24 HVO et les religieux qui s'y trouvaient, le monastère n'était pas

25 endommagé. Est-ce exact ?

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1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Vous avez amené avec vous certains importants objets, des objets qui se

3 trouvaient au monastère. C'est ce que les religieux vous avez demandé de

4 faire. Vous saviez que la plupart des objets de valeur du monastère avaient

5 été déplacés dans des endroits plus sûrs auparavant. Est-ce exact ?

6 R. Non, je n'étais pas au courant. Tout ce dont je me souviens, c'est que

7 l'abbé responsable du monastère a demandé à l'aumônier de notre régiment

8 d'emporter avec lui tous les objets qu'il pouvait prendre du monastère.

9 C'est ce que nous avons fait en les mettant sur le camion qui transportait

10 les bagages des personnes qui nous évacuions.

11 Q. Je vous remercie. Maintenant, revenons à ce que vous avez déclaré au

12 sujet du 13 juin 1993, lorsque vous êtes revenu à Guca Gora. Vous avez

13 déclaré que votre mission était de vous rendre à Maljine, parce que d'après

14 les informations que vous aviez reçues de la part de plusieurs personnes,

15 en cette localité précise, les Moudjahiddines avaient commis un crime,

16 qu'il y avait peut-être une fosse commune, un charnier dans cette localité.

17 Est-ce exact ?

18 R. Là encore, je ne peux pas vous donner la source exacte de cette

19 information. Lors du briefing, c'est-à-dire, le représentant chargé des

20 affaires civiles de l'ONU, Randy Rhodes et l'officier de liaison, le

21 capitaine Mark Bower, ils m'ont indiqué que quelqu'un leur avait donné une

22 carte, un petit schéma, que le capitaine Bower m'a montré. Ma mission, en

23 tant que commandant de la patrouille, était de les emmener au village de

24 Maljine pour vérifier ou contester ces allégations.

25 Q. Vous étiez accompagné par Randy Rhodes, qui est le responsable des

Page 4888

1 affaires civiles et par le capitaine Mark Bower, n'est ce pas ? Ils vous

2 accompagnaient lors de cette mission ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. Il y avait également avec vous des journalistes et un interprète, est-

5 ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact. Il y avait un certain nombre des véhicules blindés.

7 Je pense qu'il y en avait six. Dans chaque véhicule, il y avait eu, je

8 crois, cinq soldats, ce qui donne un total d'à peu près 30 soldats avec

9 Randy Rhodes, Mark Bower, mon interprète, qui était une femme, et, je

10 crois, trois journalistes.

11 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Guca Gora, vous avez pu remarquer que la

12 population croate avait quitté le village. Est-ce exact ?

13 R. Oui, c'est exact, puisque je les avais moi-même évacués,

14 personnellement, quelques jours plus tôt. Je n'étais pas du tout étonné de

15 ne trouver aucun civil croate dans ce village.

16 Q. Vous avez constaté que les maisons abandonnées avaient été pillées ?

17 R. Non, je ne l'ai pas remarqué, parce que j'étais trop occupé à négocier

18 avec les soldats étrangers. Je n'ai pas eu le temps de me rendre dans les

19 maisons. S'il y a eu un pillage à cette époque-là, je n'étais pas au

20 courant. Je ne l'ai pas constaté de visu.

21 Q. Cependant, il était assez évident, et c'est ce dont vous avez fait

22 rapport lors de la réunion, c'est ce qui figure dans votre milinfosum. Il

23 était relativement clair que les maisons de Gora Gora n'avaient pas été

24 détruites au moment où vous y êtes arrivé ?

25 R. Oui, c'est exact.

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1 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Guca Gora, comme vous avez dit dans votre

2 témoignage, vous avez remarqué un groupe de personnes armées, des

3 étrangers, qui se trouvaient devant le monastère et autour de celui-ci.

4 Est-ce exact ?

5 R. Là encore, je ne crois pas avoir dit exactement cela. Ce dont je me

6 souviens, c'est qu'il y avait un groupe de soldats qui entouraient le

7 monastère, qu'il s'agissait clairement d'étrangers, mais que parmi eux, il

8 y avait également des soldats qui avaient l'air d'être Bosniaques, et

9 également être des membres de la milice locale.

10 Q. Votre convoi avait été arrêté. Un grand nombre de ces étrangers

11 s'étaient attroupés autour de vos véhicules. Est-ce exact ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Il a été établi qu'ils avaient construit un nid pour un tireur armé

14 d'une mitraillette derrière des sacs de sable, une position de tir. Il

15 était évident qu'ils étaient hostiles. Est-ce exact ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Ils ont refusé de vous laisser passer bien que vous leur ayez expliqué

18 le but de votre mission en détail. Est-ce exact ?

19 R. Oui, c'est également exact.

20 Q. Ces étrangers portaient différents types de vêtements. Certains

21 portaient des foulards arabes, d'autres portaient des pantalons qui vous

22 ont rappelé des pantalons turcs ou afghans. Il s'agit d'un groupe

23 hétérogène, un mélange des vêtements civils et d'uniformes militaires, ce

24 qu'ils portaient. Est-ce exact ?

25 R. Oui, c'est exact. Ceux qui étaient manifestement étrangers étaient

Page 4890

1 habillés comme cela et d'autres personnes présentes portaient les vêtements

2 que portaient habituellement les miliciens de l'ABiH.

3 Q. Lorsque les Moudjahiddines ont vu des journalistes, cela les a mis

4 particulièrement en colère. Est-ce exact ?

5 R. Là encore, je ne crois pas avoir dit exactement cela. Lorsqu'ils ont vu

6 le caméraman, les Moudjahiddines sont devenus particulièrement excités à

7 l'idée d'être filmés. J'ai alors dit au caméraman de retourner dans le

8 véhicule et j'ai chargé l'un de mes soldats de veiller à ce qu'il ne

9 ressorte plus du véhicule. Les deux journalistes de presse écrite, c'est-à-

10 dire, ceux qui étaient envoyés par des journaux, ont continué à marcher

11 autour des véhicules et, à ce moment-là, il n'y a pas eu d'agression contre

12 eux.

13 Q. Ces étrangers ont commencé à insulter les Nations Unies et vous-même.

14 Est-ce exact ?

15 R. Là encore, si j'essaie de me souvenir de ce que j'ai dit hier, je

16 dirais que l'un des étrangers a insulté les Nations Unies. Il s'agissait de

17 l'homme qui, j'en suis sûr, était originaire d'Yorkshire, et c'était "lui",

18 et non pas "eux" -- pas en pluriel -- pas des étrangers au pluriel, mais un

19 étranger au singulier.

20 Q. Je vous remercie. Clairement, hier, je ne vous avais pas compris. Après

21 une longue conversation avec ces étrangers, vous avez demandé si le

22 problème c'était vos véhicules ou le fait que vous comptiez vous rendre à

23 Maljine. Est-ce exact ?

24 R. Oui, c'est exact. Lorsque ce monsieur d'apparence arabe est arrivé,

25 c'est la conversation que j'ai eue avec lui. C'est à lui que j'ai demandé,

Page 4891

1 comme vous le dites fort justement, si le problème c'était moi ou le

2 véhicule pour savoir ce qui le dérangeait exactement.

3 Q. Cependant, avant de lui poser cette question, un incident est survenu,

4 c'est-à-dire qu'une balle a été tirée accidentellement par l'un des soldats

5 présents. Votre tireur a également pointé son arme contre ce groupe. Est-ce

6 exact ?

7 R. Là encore, je suis désolé de pinailler, de chipoter sur les mots, mais

8 ce que j'ai dit hier, c'est que l'un de mes miliciens avait tiré avec son

9 arme; cependant, je n'ai pas dit mes tireurs avaient réagi. Ce que j'ai

10 dit, c'est que les tourelles des véhicules avaient été orientées, c'est-à-

11 dire, la partie qui porte l'armement a été orientée vers la gauche pour

12 être orientée vers ces miliciens et les étrangers, afin d'avoir une

13 attitude plus agressive parce que nous pensions, au départ, que ce tir

14 était dirigé contre nous.

15 Q. Je vous remercie. Il est clair que je ne connais pas bien les termes

16 que vous utilisez en tant que soldat, mais il s'agit du moment le plus

17 critique de cette conversation avec ces étrangers. Est-ce exact ?

18 R. Oui, c'est exact. Si je peux donner quelques détails, je préciserais,

19 pour les non militaires, que moi-même je me trouvais à l'extérieur du

20 véhicule, à ce moment-là. J'ai pu voir l'incident, et j'ai compris tout de

21 suite qu'il s'agissait d'une balle unique tirée accidentellement vers le

22 sol. Cependant, les soldats qui étaient dans les autres véhicules et qui

23 étaient à l'intérieur des tourelles de leurs véhicules, très certainement

24 avec la trappe refermée, tout ce qu'ils ont entendu, c'était un tir. Au

25 départ, il est normal qu'ils n'aient pas compris qu'il s'agissait d'une

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1 décharge accidentelle et c ils ont réagi comme des soldats bien entraînés

2 et ils ont fait pivoter leurs tourelles pour contrecarrer la menace perçue.

3 Bien sûr, en tant que soldats bien entraînés, ils n'ont pas riposté

4 immédiatement et ils ont attendu afin d'évaluer la situation et d'attendre

5 mes ordres.

6 Q. Après cela, la situation s'est calmée et on vous a permis de partir

7 dans votre Toyota pour pouvoir accomplir votre mission alors que les

8 véhicules restaient à Guca Gora. Est-ce exact ?

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Cependant, bien que cette situation, que nous venons de décrire, était

11 très dangereuse, vous avez quand même décidé de poursuivre votre chemin,

12 armé seulement d'un pistolet que vous aviez dissimulé. Est-ce exact ?

13 R. Oui, c'est exact. Moi-même, j'avais un pistolet. Le capitaine Bower

14 avait également un pistolet. Randy Rhodes, qui était civil, n'en avait pas.

15 Q. Vous, Randy Rhodes et le capitaine Bower, vous avez pris la route dans

16 ce camion, ce "pickup" Toyota, avec cet Arabe, virtuellement sans autre

17 arme d'importance. Est-ce exact ?

18 R. Oui, c'est exact. Je voudrais également préciser qu'il y avait trois

19 étrangers à l'avant du véhicule. Le monsieur d'origine arabe, le monsieur

20 qui parlait très mal l'anglais, avec lequel j'avais parlé en premier, et la

21 troisième personne qui conduisait le véhicule.

22 Q. Vous étiez conscient des risques que vous preniez à ce moment-là et que

23 vos collègues prenaient également, c'est-à-dire, vos collègues, Randy

24 Rhodes et le capitaine Bower, c'est-à-dire, le fait de se rendre à un

25 endroit inconnu avec des inconnus.

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1 R. Oui, c'est exact. Mais nous trois, nous avions décidé que dans ce cas

2 d'espèce, cela valait la peine de courir ce risque afin d'accomplir notre

3 mission.

4 Q. L'importance du risque est mieux illustrée par le fait que vous avez

5 donné des instructions claires à votre commandant en second en cas de non

6 retour de votre part en moins d'une heure. Est-ce exact ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. La première fois que vous avez rencontré des étrangers le 15 mai, vous

9 avez compris qu'ils avaient une attitude hostile envers les Nations Unies

10 et qu'ils n'étaient prêts à faire aucune concession importante. Est-ce

11 exact ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Ce jour-là, la même personne était présente -- le même individu que

14 vous avez rencontré le 15 mai. Est-ce exact ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. La décision que vous avez prise de poursuivre n'était pas une décision

17 inhabituelle pour un soldat parce que c'est un soldat qui expose alors sa

18 personne et ses co-combattants et des civils à un sort incertain et au

19 danger. Est-ce exact ?

20 R. En fait, c'est à moitié exact. La raison pour laquelle j'ai pris cette

21 décision, c'est que ce monsieur d'origine d'arabe était clairement d'humeur

22 plus conciliante. La première fois que je l'ai rencontré, il n'a cédé aucun

23 pouce de terrain, mais, la deuxième fois, il a accepté notre requête aux

24 fins de pouvoir visiter le village de Maljine. Je considérais que c'était

25 un signe de coopération et, pour prendre des termes militaires, je dirais

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1 que j'ai poussé une porte qui était à peine entrouverte. J'ai utilisé sa

2 coopération et je l'ai exploitée pour pouvoir poursuivre la tâche et

3 accomplir la mission qui m'avait été confiée.

4 Q. Lorsque vous avez atteint le village de Maljine, vous avez remarqué un

5 groupe de civils qui étaient en train de piller des maisons et lorsqu'ils

6 vous ont remarqués, ils se sont sauvés. Est-ce exact ?

7 R. Je ne me souviens pas avoir dit cela hier. Je crois avoir dit qu'en

8 route vers Maljine, nous avons croisé des groupes de civils et le monsieur

9 d'origine arabe, qui était à l'avant du véhicule, agitait les bras à

10 l'extérieur et a crié : "Allah-U-Ekber," et les civils ont répondu la même

11 chose. S'il y a eu des pillages, à l'époque à Maljine, je pense que ne les

12 ai pas vus et je ne pense pas l'avoir mentionné hier.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il est

14 10 heures et demie. Pensez-vous que ce serait un bon moment de faire une

15 pause ?

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons faire la pause. Il est 10

17 heures 30. Nous reprendrons dans 25 minutes à 11 heures moins cinq.

18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

19 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez continuer.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

22 Q. Commandant, au moment où vous êtes arrivé au village de Malijne, vous

23 avez remarqué que trois maisons avaient été incendiées, alors que les

24 autres maisons n'avaient pas été endommagées, ni détruites.

25 R. Oui. C'est exact.

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1 Q. Vous, personnellement, vous ignoriez qui avait incendié ces trois

2 maisons, comment ils l'avaient fait et à quel moment cela s'était produit ?

3 R. Non. Je ne le savais pas.

4 Q. Au moment où vous êtes rentré à Guca Gora, comme vous l'avez dit en

5 réponse en ma question précédente, vous avez appris d'un Musulman de Bosnie

6 et de Krpeljici, qu'il serait bon que vous alliez dans le village de

7 Bandol, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous vous y êtes rendu, et vous avez vu que ce village voisin avait été

10 complètement détruit et que toutes les maisons avaient été incendiées. Est-

11 ce exact ?

12 R. Oui. C'est exact.

13 Q. Vous avez également pu constater que la mosquée locale était

14 complètement détruite. Elle était méconnaissable. Vous avez essayé de voir

15 où était cette mosquée. Vous avez pu la localiser, grâce à une carte que

16 vous aviez avec vous.

17 R. Non, ce n'est pas exactement cela. Nous avons pu localiser la mosquée

18 parce que la mosquée était inscrite sur la carte. Nous n'avions pas une

19 carte du village, mais une carte tout comme celle que j'ai sous les yeux

20 maintenant, qui montre qu'il doit y avoir une mosquée dans le village.

21 C'est la raison pour laquelle nous avons accordé une attention

22 particulière à la localisation de cet édifice, parce qu'au moment où nous

23 sommes arrivés, on pouvait la localiser de façon évidente.

24 Q. A cet endroit-là, il n'y avait plus de mosquée, elle avait été

25 complètement détruite.

Page 4896

1 R. Oui, c'est exact. Le bâtiment avait été complètement détruit. Quant à

2 la partie supérieure des murs extérieurs du bâtiment, il ne restait peut-

3 être qu'un mètre cinquante de hauteur.

4 Q. Dans ce village, vous avez également trouvé le corps d'un membre de

5 l'ABiH qui avait été tué, où on voyait de façon claire, qu'il avait été

6 torturé.

7 R. Oui, ce cadavre était à moitié dénudé. Il portait un pantalon, des

8 bottes, pas de chemise. Il avait une sorte de corde à linge enroulée autour

9 du cou. Il avait été manifestement passé à tabac. Il avait également des

10 traces qui montraient qu'il avait été poignardé à la poitrine, également

11 des marques de brûlures de cigarette sur le torse. Sans information

12 médicale particulière, je ne peux vous dire exactement combien de temps il

13 avait passé à cet endroit. C'est difficile à dire, parce que le corps était

14 dans un état de décomposition avancée.

15 Q. Commandant, j'aimerais que vous repreniez une fois de plus le

16 milinfosum du 13 juin, le numéro 45. J'aimerais que vous me confirmiez la

17 chose suivante. Les renseignements que vous nous avez donnés sur votre

18 visite à Guca Gora et votre visite du village de Maljine et de Bandol, qui

19 figurent dans ce document, aux paragraphes (b), (c), (d), (e). J'aimerais

20 que vous me disiez si les éléments, qui sont repris dans ce document,

21 correspondent à ce que vous nous avez dit aujourd'hui dans votre

22 témoignage.

23 R. Non, ce n'est pas exactement ce que j'ai dit dans ma déposition parce

24 que ce milinfosum a été rédigé sur la base de différentes sources; pas

25 uniquement moi-même, mais également Randy Rhodes et le capitaine Mark

Page 4897

1 Bower. Comme je l'ai dit précédemment, je n'ai pas constaté personnellement

2 des traces de pillage à Guca Gora. Manifestement, comme il est écrit dans

3 ce document, un autre membre de la patrouille a pu l'observer.

4 Personnellement, je ne l'ai pas constaté.

5 Q. Toutefois, vous pouvez me confirmez qu'il s'agit là d'une description

6 fidèle de tout ce que vous avez vu. Vous pouvez nous confirmer que ce

7 milinfosum est bien le milinfosum qui a été rédigé par votre bataillon.

8 R. Oui, c'est exact. Le milinfosum donne une synthèse, un résumé des

9 éléments qu'on observe au cours d'une patrouille particulière. Il ne

10 reprend pas tous les éléments, tous les détails, mais il s'agit d'une

11 synthèse des événements, qui se déroulent un jour donné, oui.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Etant donné que le témoin nous a confirmé

13 les faits dont il était au courant, étant donné qu'il nous a dit qu'il

14 s'agissait du milinfosum de son bataillon, j'aimerais demander le versement

15 au dossier de ce milinfosum en tant que pièce de la Défense.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon commandant, marquez votre nom sur ce document.

19 Avant de le verser, j'ai une question à poser au commandant.

20 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Commandant, je vous demande de bien regarder le

22 paragraphe (e) sur le village de Bandol. Tout à l'heure, la Défense vous a

23 posé une question en indiquant -- c'est à la page 35, ligne 9 -- que vous

24 aviez trouvé un corps d'un soldat de l'ABiH. Est-ce que ce paragraphe fait

25 état du fait que ce cadavre était le cadavre d'un militaire ?

Page 4898

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Effectivement, Monsieur le Président. Il

2 n'y a pas d'indication laissant entendre qu'il s'agissait d'un soldat de

3 l'ABiH. Ce que je peux vous confirmer, c'est qu'il s'agissait bien d'un

4 cadavre habillé d'un treillis militaire, un pantalon de treillis et des

5 bottes militaires. Quant au fait de savoir s'il s'agissait d'un soldat de

6 l'ABiH ou du HVO, c'était impossible à dire. Il pouvait s'agir d'un soldat

7 de l'une ou l'autre partie.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Comment se fait-il que la Défense puisse affirmer

9 dans votre question qu'il s'agissait d'un soldat de l'ABiH ? Sur quel

10 élément la Défense se fonde-t-elle, dans sa question suggestive, faire

11 cette affirmation ?

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, comme vous n'êtes

13 pas sans savoir, nous préparons nos questions sur la base de la déclaration

14 que donne le témoin aux enquêteurs du Tribunal. Là, il dit clairement que

15 le village était complètement abandonné. "Nous avons découvert," je cite,

16 "le cadavre d'un soldat de l'ABiH." Certes, cela n'est pas repris dans le

17 milinfosum, étant donné que le témoin en a parlé précédemment. J'ai posé

18 une question dans ce sens, pour lui demander s'il s'en souvenait bien.

19 D'ailleurs, il a confirmé une fois de plus ce fait devant la Chambre de

20 première instance avec les explications qu'il a données suite à votre

21 question.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Commandant, vous auriez, devant les enquêteurs du

23 bureau du Procureur, dans votre témoignage écrit, indiqué qu'il s'agissait

24 d'un soldat de l'ABiH, alors qu'aujourd'hui vous n'en êtes plus si sûr que

25 cela.

Page 4899

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me permettez d'apporter une précision,

2 je dirais que nous en avons conclu qu'il s'agissait du cadavre d'un soldat

3 de l'ABiH sur la base des éléments suivants : Premièrement, le village

4 était un village musulman; deuxièmement, il était encerclé par des soldats

5 croates. Au moment où nous avons parlé avec ces soldats croates, au moment

6 où nous leur avons dit qu'il y avait un cadavre dans le village, ils n'ont

7 manifesté aucun intérêt quel qu'il soit. Etant donné que nous avions déjà

8 eu des contacts avec des locaux auparavant dans de tels cas de figure, ils

9 s'efforçaient à tout prix de donner une sépulture au corps. Le fait qu'ils

10 ne s'intéressaient pas à ce corps, nous a amené à la conclusion qu'il

11 s'agissait du cadavre d'un combattant de la partie opposée, à savoir,

12 l'ABiH. Une fois de plus, vous avez raison, nous n'avions aucun moyen de

13 savoir avec certitude à quelle partie appartenait ce corps.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons donner un numéro à ce

15 document.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce DH71.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Poursuivez.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

19 Q. Commandant, hier dans votre témoignage, vous nous avez dit que, sur la

20 base d'un certain nombre d'affirmations et des soupçons du HVO, vous avez

21 décidé de vous rendre à Grahovcici, le 14 juin, parce qu'apparemment, un

22 crime y avait été commis. Est-ce exact ?

23 R. Une fois de plus, j'aimerais apporter une précision, si vous me le

24 permettez. Ce n'est pas moi qui ai décidé d'entreprendre cette patrouille,

25 c'est l'officier chargé des opérations du bataillon qui m'a demandé d'y

Page 4900

1 emmener un observateur des Nations Unies. Je devais l'emmener à Grahovcici,

2 dans ce village. Les commandants des compagnies et les commandants des

3 patrouilles ne décidaient pas où ils allaient se rendre. C'est le quartier

4 général du groupe tactique qui donnait les ordres. Il ressort clairement

5 que la demande initiale émanait des Nations Unies. Les Nations Unies

6 souhaitaient, en effet, qu'un de leurs observateurs puisse se rendre sur le

7 terrain pour enquêter sur un crime éventuel à cet endroit. Je ne connais

8 pas les détails exacts de la façon dont cet ordre de mission a été donné.

9 Q. Lors de l'exécution de cette tâche, on vous a arrêté à un poste de

10 contrôle de l'ABiH à Cajdras, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, c'est exact.

12 Q. Les soldats vous ont dit que vous ne pouviez passer sans présenter une

13 autorisation spéciale du commandant du 3e Corps. Est-ce exact ?

14 R. Non, ce n'est pas ce qu'ils ont dit. Ils ont dit qu'il était impossible

15 de passer sans avoir un laissez-passer délivré par le 3e Corps.

16 Q. Auparavant, vous saviez que le commandement du 3e Corps avait donné un

17 ordre autorisant la libre circulation des membres des Nations Unies et

18 d'autres agences humanitaires internationales.

19 R. Oui.

20 Q. C'est la raison pour laquelle vous avez essayé de persuader les soldats

21 qui tenaient ce poste de contrôle de vous laisser passer.

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Etant donné que vous n'avez pu persuader ce soldat de le faire, et

24 étant donné que vous souhaitiez vous acquitter de votre tâche, vous avez

25 décidé de vous rendre au commandement du 3e Corps.

Page 4901

1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Vous avez rencontré tout d'abord Dzemal Merdan, le commandant adjoint,

3 et également le commandant Hadzihasanovic.

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Le commandant Hadzihasanovic vous a dit que vous n'aviez besoin

6 d'aucune autorisation écrite parce que vous aviez une liberté de mouvement.

7 Il a dit que, malgré tout, il allait vous faire escorter par la police

8 militaire.

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Le commandant du Bataillon de la Police militaire du

11 3e Corps vous a accompagné, mais, lui aussi, au poste de contrôle où on

12 vous a arrêté pour la première fois, a dû négocier avec le commandant local

13 jusqu'à ce qu'il vous laisse passer. Est-ce exact ?

14 R. Non, pas tout à fait. Je ne crois pas avoir dit hier que le policier

15 militaire était commandant d'un bataillon. Je ne l'avais jamais vu avant.

16 Il ne s'est pas présenté comme commandant d'un bataillon. Il s'agissait

17 uniquement d'un policier militaire, ce que j'ai dit dans ma déposition

18 d'hier.

19 Q. Si quelque chose d'autre a été inscrit au compte rendu d'audience

20 précédemment, peut-être qu'on a mal compris ce que vous avez dit.

21 R. Non, je ne pense pas avoir dit cela. Le commandant d'un bataillon

22 aurait été un militaire. Là, il s'agissait d'un policier militaire haut

23 gradé qui était responsable d'autres policiers militaires. Rien

24 n'indiquait, à l'époque, que ce policier militaire était autre chose qu'un

25 policier. Comme je l'ai dit, il se présentait uniquement en tant que

Page 4902

1 policier.

2 Q. Les soldats au poste de contrôle étaient extrêmement fâchés et

3 contrariés de devoir vous laissez passer, n'est-ce pas ?

4 R. Je suis désolé de ne pas être d'accord avec votre formulation ici. Je

5 n'ai pas dit qu'il était très fâché, mais il était contrarié que nous ayons

6 été accompagnés par ce policier militaire. "Très en colère", c'est une idée

7 différente. Mais, manifestement, il était contrarié. Il a compris qu'il ne

8 pouvait rien faire et, par conséquent, il a dû nous laisser passer.

9 Q. Mais, à un deuxième poste de contrôle, malgré l'insistance du policier

10 militaire pour que vous puissiez passer, vous n'avez pu franchir ce poste

11 de contrôle. Par conséquent, vous avez dû retourner au commandement du 3e

12 Corps.

13 R. Une fois de plus, je ne crois pas que les choses se soient déroulées de

14 cette manière-là exactement. Je le dis sur la base de ce que j'ai dit hier.

15 Le policier militaire nous a permis de franchir d'autres postes de

16 contrôle, mais ce n'est qu'à Novo Selo qu'on nous a arrêtés -- au poste de

17 contrôle de Novo Selo.

18 Q. Mais, à ce poste de contrôle-là -- je vous prie de m'excuser si je n'ai

19 pas énuméré tous les postes de contrôle, mais, à ce dernier poste de

20 contrôle, malgré les efforts du policier militaire, on ne vous a pas

21 laissés passer -- on ne vous a pas laissés avancer.

22 R. Oui, c'est exact. La raison qui a été invoquée était que le policier

23 militaire aurait pu être un espion croate et que, de toute façon, il

24 s'agissait de soldats d'une brigade différente par rapport à ceux qui nous

25 ont arrêtés au poste de contrôle de Cajdras.

Page 4903

1 Q. Lors de cette tentative d'arriver jusqu'à Grahovcici, et à d'autres

2 occasions également, vous avez pu constater que les commandants militaires

3 locaux détenaient véritablement une autorité réelle.

4 Q. Non, parce qu'en l'occurrence, lorsque le commandant du poste de

5 contrôle m'a dit qu'il appartenait à une autre brigade, qui n'était pas la

6 même que les soldats qui tenaient le poste de contrôle de Cajdras, je lui

7 ai demandé à quelle brigade il appartenait et il m'a dit la 7e Brigade. Je

8 lui ai demandé : "De quoi j'avais besoin pour passer ce poste de contrôle."

9 Il m'a dit : "Que j'ai besoin d'une autorisation écrite du commandant du

10 corps parce que, sinon, il ne me laisserait pas passer."

11 Q. Toutefois, en tant que soldat professionnel, vous avez certainement

12 étonné de voir qu'un commandant de si haut niveau, à savoir le commandant

13 du 3e Corps, devait s'occuper de telles questions, questions qui ont trait

14 au comportement de simples soldats qui tiennent des barrages routiers ou

15 des postes de contrôle.

16 R. Oui, cela m'a surpris. Je l'ai dit au général. Il m'a répondu que

17 c'était parce que l'ABiH souffrait encore de l'époque de la JNA -- de l'ex-

18 JNA où c'est uniquement le responsable qui pouvait prendre les décisions.

19 Il m'a dit qu'étant donné que la guerre faisait rage, on ne pouvait changer

20 cette pratique, mais qu'ils allaient s'efforcer, dès que la situation

21 deviendrait plus pacifiée, de ressembler davantage à une armée de type

22 occidental, par exemple, l'armée britannique.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce point, qui est important, votre réponse

24 semble dire que, dans le cadre de l'ancienne armée yougoslave, la JNA, les

25 inférieurs ne devaient exécuter que l'ordre du supérieur direct, alors que,

Page 4904

1 dans la situation dans laquelle vous vous êtes trouvé ce jour-là, ce soldat

2 ne voulait, lui aussi, qu'obéir à celui qui lui était au-dessus et non pas

3 au commandant du -- au général. Est-ce que c'est bien comme cela qu'il faut

4 interpréter votre réponse ? Parce que la question de la Défense était très

5 précise et elle appelait de votre part une réponse. Pouvez-vous préciser

6 votre réponse ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le soldat au barrage routier, au poste de

8 contrôle, a dit que nous ne pouvions -- enfin, il a dit qu'il appartenait à

9 une autre brigade que celle du poste de contrôle de Cajdras et qu'il ne

10 nous laisserait passer que si nous avions un document écrit du quartier

11 général du corps, pour que nous puissions passer. Au moment où j'ai parlé

12 au général, je lui ai exposé cela et j'ai dit, en plaisantant, que, si vous

13 me le permettez de dire, général, il est étonnant que quelqu'un d'aussi

14 important que vous doit s'occuper de questions aussi futiles et signer un

15 tel document me permettant de passer. C'est là qu'il a fait référence à

16 l'ex-JNA, en disant que, malheureusement, c'était la procédure qu'il

17 fallait suivre.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

19 Q. Vous nous avez dit qu'au moment où vous avez dit au général qu'on ne

20 vous avait pas laissé passer, il était visiblement mécontent du fait qu'on

21 vous ait interdit de passer ce poste de contrôle. Est-ce exact ?

22 R. Oui. On pouvait clairement voir qu'il était mécontent de voir que, même

23 si nous étions escortés par ce policier militaire, qu'ils nous avaient

24 affecté, on ne nous avait pas laissés franchir ce second poste de contrôle.

25 Q. En tant que militaire de carrière d'une armée bien organisée, vous

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1 savez certainement que l'armée populaire yougoslave était également une

2 armée professionnelle au sein de laquelle les structures hiérarchiques et

3 les liens de subordination étaient clairement établis entre les subordonnés

4 et les supérieurs hiérarchiques.

5 R. Oui, je suis au courant.

6 Q. Vous savez également que le commandant du corps était un officier haut

7 gradé de l'armée populaire yougoslave avant la guerre. Saviez-vous cela ?

8 R. Oui, je le sais.

9 Q. Seriez-vous d'accord pour dire que pour un soldat professionnel il

10 aurait été -- qu'un militaire professionnel aurait gêné de voir que les

11 ordres qu'il a donnés à ces subordonnés n'étaient pas exécutés ?

12 R. Oui, effectivement. Je crois que c'est la raison pour laquelle le

13 général a consacré -- m'a consacré du temps dans cette journée qui devait

14 pourtant être chargée pour lui. Il m'a expliqué les raisons de cela. Il m'a

15 expliqué pourquoi cela était arrivé.

16 Q. Il disposait d'une armée qui était en train de se former, et où

17 certains ordres étaient difficiles à faire exécuter. Par conséquent, il a

18 essayé de vous expliquer cette situation et de vous fournir un certain

19 nombre d'arguments à l'appui.

20 Par ailleurs, dans vos patrouilles dans la région, dans vos contacts avec

21 les commandants locaux, vous avez pu constater que les commandants

22 supérieurs discutaient avec leurs soldats, négociaient, ne délivraient pas

23 des ordres, ne donnaient pas des ordres, parce que l'armée était en cours

24 de constitution et que la structure de commande n'était pas en place.

25 R. Oui, vous avez raison. Par ailleurs, pour préciser, pour expliciter, je

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1 dirais que la différence résidait dans la question des communications. Si

2 je souhaitais parler à mon commandant, je le contactais par radio, et je

3 pouvais lui parler quelques minutes plus tard. Or, à très peu des barrages

4 de postes de contrôle, où nous avons été arrêtés, il y avait de tels modes

5 de communication, c'était avant l'utilisation massive des téléphones

6 portables. Par conséquent, la communication était problématique pour les

7 deux côtés.

8 Q. Merci. Lors de votre entretien avec le général Hadzihasanovic, où vous

9 lui avez décrit la situation du monastère de Guca Gora. A ce moment-là,

10 lui-même et le commandant adjoint Merdan vous ont dit clairement que les

11 Moudjahiddines échappaient au contrôle de l'ABiH, et échappaient au

12 contrôle du 3e Corps, est-ce exact ?

13 R. Non, ce n'est pas vrai. Dans ma déclaration, je crois avoir dit que je

14 me suis entretenu uniquement avec le colonel Merdan à ce sujet.

15 Q. Est-ce exact qu'à cette occasion, on vous a montré un document qui

16 montre que le commandant s'est adressé aux grands quartiers générales, pour

17 demander qu'on prenne des mesures vis-à-vis de ces soldats étrangers qui

18 échappaient à son contrôle ?

19 R. Non. Je n'ai pas le souvenir d'un quelconque document, dans ce sens,

20 qu'on m'aurait montré.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aurais aimé demander, pour rafraîchir la

22 mémoire du témoin, qu'on lui montre le milinfosum numéro 46, du 14 juin, et

23 le document du général Hadzihasanovic du 13 juin. Si le témoin peut

24 reconnaître ces documents, je demanderais le versement au dossier de ces

25 documents. Dans le cas contraire, je demanderais qu'on leur attribue une

Page 4907

1 cote, qu'ils soient enregistrés afin d'identification. Le milinfosum a

2 confirmé -- provient des archives du Bataillon britannique. Quant au

3 rapport du commandant Hadzihasanovic, nous l'avons reçu du bureau du

4 Procureur en cadre de la collection de documents de Sarajevo. Il se trouve

5 également sur la liste pour le général Reinhardt.

6 Q. Alors, ce que j'avance porte sur le premier paragraphe de ce

7 milinfosum.

8 Commandant, vous avez maintenant pris connaissance de ce milinfosum, vous

9 êtes vous souvenu du conversation à laquelle je faisais allusion, ou en

10 m'avez-vous entendu parlé antérieurement à l'heure de la réunion ou lorsque

11 vous avez lu aujourd'hui le milinfosum ?

12 R. D'après ce que je comprends, la conversation portant sur les

13 Moudjahiddines est relative à une conversation qui a eu lieu entre le

14 commandant et le colonel Merdan, qui a eu lieu le 14 juin 1993. Pour ce qui

15 est de la conversation que j'ai eu moi-même avec le colonel Merdan, elle a

16 eu lieu à une date différente; après, d'ailleurs, la présentation de ce

17 milinfosum.

18 Q. Merci. Je n'ai plus que quelques questions à vous poser.

19 Finalement, un laissez-passer vous a été octroyé, et vous avez pu entrer

20 dans Grahovcici.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Il convient de préciser un point. Le document daté

22 du 14 juin que vous avez sous les yeux, qui, dans le paragraphe 1, et sous

23 la rubrique "meetings", c'est-à-dire, "les rencontres", tel qu'il est

24 rédigé, ce paragraphe, est-ce que c'est vous qui êtes sous l'appellation

25 "PWO", ou c'est quelqu'un d'autre ?

Page 4908

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, l'expression "CO 1

2 PWO" fait état au commandant. Le "CO", c'est l'abréviation militaire pour

3 commandant, comme on dit "officer", en anglais. Ce qui est indiqué, c'est

4 que le commandant Alastair Duncan avait rencontré ce jour-là Enver

5 Hadzihasanovic. Cela n'a rien à avoir avec la conversation que j'ai eue

6 antérieurement avec le colonel Merdan.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que le contenu de ce paragraphe, cela ne

8 vient pas de vous, et qu'on ne peut pas relier ce contenu avec l'ordre que

9 vous voulez produire dans la mesure où cela ne vient pas du témoin, que

10 tout indiqué, en réalité, vient de son supérieur hiérarchique. Vous dites

11 que la conversation que vous avez eue avec Merdan remontait à dix jours

12 antérieurs ou postérieurs au 14 juin.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Après le 14, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Le 14 juin. Alors à ce stade, sur ces documents que

15 demande la Défense qui soient versés en "stand-by." Etant précisé que le

16 deuxième document, l'ordre du général, il n'en a pas eu connaissance et que

17 ce document et le paragraphe ne le concernent pas. Quelle est la position

18 de l'Accusation sur ces deux documents ?

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais poser

20 quelques questions au témoin, ensuite, nous prendrons une décision à propos

21 de ces documents.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

24 Q. Commandant, au paragraphe 1, au milieu du paragraphe, vous pouvez voir

25 que les événements relatifs à Guca Gora, Guca Gora se trouve entre

Page 4909

1 parenthèses, alors il est question du milinfusum 45, dont la référence est

2 donnée entre parenthèses, et vous avez reconnu que cela faisait partie de

3 vos informations. Cela d'ailleurs a déjà été versé comme moyen de preuve.

4 La question que j'aimerais formuler est comme suit : il y a eu cette

5 conversation avec votre commandant, mais avez-vous été informé, dans le

6 cadre des instructions que vous receviez quotidiennement, de la réunion du

7 commandant ?

8 R. Oui. J'en aurais été informé. J'aurais vu ce milinfosum. Tout ce que

9 j'ai dit et je pense que j'ai dit que le 16 juin, j'ai eu une conversation

10 différente avec le colonel Merdan au cours de laquelle, il m'a donné un

11 point de vue différent du point de vue qui est expliqué dans ce milinfosum.

12 Je pense en avoir parlé hier.

13 Q. Toutefois, commandant, si ma mémoire ne m'abuse, votre visite à

14 Grahovcici s'est passée une journée après votre visite à Guca Gora, cela

15 signifie également le 14 juin. Est-ce que je me trompe ?

16 R. Je pense que vous vous trompez. Parce que si vous avez la date du 14

17 juin sur ce milinfosum 045, à savoir, le milinfosum précédent fait état des

18 événements qui se sont déroulés le 13 juin. Alors, il est question ici, de

19 ma présence dans le village de Bandol, où il est dit que la présence de

20 combattants a empêché le 3e Corps ou a fait sorte de prévenir une attaque

21 planifiée par l'ABiH. Je pense qu'il s'agit de mon véhicule qui se rendait

22 dans la zone de Bandol, et ce, en réaction à la personne ou l'homme que

23 j'avais rencontré à Guca Gora. Je pense que ces événements se sont passés

24 la veille.

25 Q. Je m'excuse de revenir à la charge. Mais si je vous ai bien compris, un

Page 4910

1 milinfosum est tapé à la machine le lendemain. Mais la date qui est apposée

2 sur le milinfosum est la date des événements du jour à savoir le 14 juin.

3 Grâce à votre témoignage, nous venons d'établir que vous vous êtes rendu à

4 Maljine le 13 juin, et que le 13 juin, vous vous êtes également rendu à

5 Bandol et à Guca Gora, et que d'après votre témoignage ici au Tribunal, le

6 14 juin, il vous a été demandé de vous rendre à Grahovcici. Je suppose,

7 commandant, qu'il est probable que la première partie du rapport contient

8 des informations qui émanent de votre commandant, mais il y a des

9 références qui sont également établies à propos de ce que vous avez appris

10 la veille, à savoir l'ordre de votre visite à Guca Gora et à Bandol. Je

11 sais qu'il s'agit d'une situation assez complexe, mais est-ce que mon

12 interprétation des événements est la bonne ? Compte tenu du fait que, dans

13 la déclaration au Procureur et ici déposée au Tribunal, vous avez indiqué

14 de façon très précise que le 13, vous vous êtes rendu à Guca Gora et à

15 Malijne ainsi qu'à Bandol, et que le 14, vous vous êtes rendu à Grahovcici

16 ?

17 R. C'est tout à fait exact.D'après ce que je comprends, vous avez au

18 paragraphe 1, le titre "réunion," et la phrase commence en disant : "Le

19 commandant du PWO" s'est réuni aujourd'hui avec Enver Hadzihasanovic. Il

20 est question des événements qui se sont passés le 14 juin.

21 Pendant la conversation, il a été indiqué qu'une attaque de l'ABiH avait dû

22 être annulée du fait de la présence de véhicules blindés à Bandol. Je pense

23 que cela est une référence à ma présence à Bandol la veille, à savoir, le

24 13 juin.

25 Q. Merci. Je pense que nous avons maintenant précisé cette situation.

Page 4911

1 Je vous demanderais de bien vouloir prendre le paragraphe 11 du même

2 document milinfosum et j'aimerais vous poser quelques questions à propos de

3 ce paragraphe. En fait, vous avez dit que lorsque vous avez finalement reçu

4 cette autorisation écrite, vous avez été en mesure de franchir ce poste de

5 contrôle.

6 R. Je m'excuse. Auriez-vous l'obligeance de répéter votre question ?

7 Q. Lorsque vous avez enfin reçu cet ordre ou cette autorisation, vous vous

8 êtes rendu également dans le village de Grahovcici, il ne s'agit pas d'un

9 ordre, il s'agit d'une autorisation. Vous avez finalement pu pénétrer dans

10 le village de Grahovcici. Est-ce bien exact ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Est-il vrai qu'à Grahovcici ainsi qu'à Novo Selo, vous avez vu des

13 signes manifestes de combats intenses ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Est-il vrai qu'il n'y avait pas de preuve de nettoyage ethnique et de

16 l'expulsion des habitants croates ?

17 R. Je ne peux véritablement répondre à cette question par le menu. Tout ce

18 que je peux vous dire, est que les personnes il n'y avait pas en fait de

19 preuves suivant lesquelles les bâtiments du village avaient été brûlés. Je

20 ne pense pas que je sois bien placé pour indiquer, s'il y avait ou non un

21 nettoyage ethnique. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y avait

22 pas de signes d'incendie des maisons, et il n'y avait en fait, aucune

23 indication du sort qui avait été réservé aux habitants.

24 Q. Alors vous avez présenté un rapport à ce sujet lors de votre réunion

25 ordinaire. Est-ce bien exact ?

Page 4912

1 R. C'est exact.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a répondu

3 à toutes mes questions. Etant donné qu'il n'est pas en mesure de confirmer

4 pleinement tous les faits qui se sont déroulés lors des réunions convoquées

5 par son commandant, j'aimerais suggérer que ces documents soient marqués

6 aux fins d'identification seulement.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à l'heure, justement, je voulais recevoir les

8 observations de l'Accusation.

9 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai absolument aucune objection.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous allons donner deux

12 numéros provisoires bien que le document milinfosum est un document

13 officiel. Nous le ferons de façon provisoire. Donnez-nous deux numéros.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le milinfosum se

15 verra octroyer la cote DH72, aux fins d'identification. Pour ce qui est de

16 la version en B/C/S du rapport, elle se verra octroyer la cote DH73,

17 marquée aux fins d'identification. La traduction anglaise du rapport se

18 verra attribuer la cote DH73/E, toujours marquée aux fins d'identification.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas

21 d'autres questions à poser à ce témoin.

22 Q. Commandant, je vous remercie des réponses que vous m'avez apportées.

23 R. Merci, Madame.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les autres Défenseurs.

25 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais

Page 4913

1 formuler quelques questions à l'intention de ce témoin. Il s'agit de

2 questions qui vont porter sur ce qu'a déclaré le témoin à ce Tribunal hier

3 et aujourd'hui.

4 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

5 Q. [interprétation] Commandant, lors de votre déposition hier, ainsi

6 qu'aujourd'hui, vous avez parlé de votre propre expérience pendant votre

7 période d'affectation en Bosnie centrale en 1993. Vous étiez en Bosnie

8 centrale entre le mois d'avril 1993 jusqu'au 31 août lorsque vous avez été

9 transféré à Tuzla. Est-ce bien exact ?

10 R. Non, ce n'est pas exact. Je pense avoir dit, dans ma déclaration, que

11 j'ai passé toute la période d'affectation en tant que commandant de la

12 Compagnie de Vitez. Ce que j'avais dit, c'est que la Compagnie A et la

13 Compagnie des Dragons légers ont procédé à un échange. Ce qui signifie que

14 je ne suis pas moi-même allé à Tuzla pendant ma période d'affectation.

15 Q. Vous vous trouviez en Bosnie centrale pendant toute votre période

16 d'affectation en Bosnie. Est-ce bien exact ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Lors de votre déposition, Commandant, vous avez parlé de votre

19 expérience et de votre mission pendant votre période d'affectation et,

20 entre autres vous l'avez décrit ainsi qu'aujourd'hui d'ailleurs, vous nous

21 avez expliqué que vous avez eu des contacts directs avec les combattants

22 étrangers, à savoir les Moudjahiddines. Est-ce bien exact ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Votre premier contact, d'après votre déposition, s'est passé le 15 mai

25 1993 près du village de Fazlici. Est-ce bien exact ?

Page 4914

1 R. C'est exact.

2 Q. Vous avez été surpris, vous l'avez d'ailleurs vous-même indiqué, vous

3 avez été surpris, disais-je, parce qu'auparavant vous n'étiez absolument

4 pas au courant de l'existence et de la présence de ces combattants

5 étrangers en Bosnie centrale.

6 R. C'est exact.

7 Q. Vous avez décrit votre rencontre avec eux, de façon détaillée, et vous

8 nous avez dit que cela avait duré, grosso modo, entre une heure et deux.

9 J'entends par là ce qui s'est passé au poste de contrôle près de Fazlici.

10 R. C'est exact.

11 Q. A cette occasion, il n'y avait pas de soldats locaux en compagnie de

12 ces étrangers. Les soldats que l'on décrit sous l'appellation de plastiques

13 Moudjahiddines, comme vous nous l'avez expliqué.

14 R. Je pense avoir dit qu'il y avait deux groupes de soldats. De toute

15 évidence, certains qui faisaient partie de la milice locale et d'autres

16 qui étaient des étrangers. Je ne pense pas avoir dit qu'il y avait ce que

17 nous appelions les Moudjahiddines plastiques.

18 Q. A la deuxième occasion, lorsque vous avez rencontré ces combattants

19 étrangers, cela s'est passé à Guca Gora, le 13 juin 1993, alors que vous

20 étiez en chemin pour le village de Maljine. Est-ce bien exact ?

21 R. Tout à fait.

22 Q. Vous vous êtes rendu au village de Maljine, sous escorte des

23 Moudjahiddines, comme vous nous l'avez dit. Il y avait trois combattants

24 étrangers avec vous.

25 R. C'est exact.

Page 4915

1 Q. Il n'y avait pas de soldats de l'ABiH qui vous escortaient à cette

2 occasion.

3 R. C'est exact.

4 Q. Le 14 juin 1993et ce, toujours d'après votre propre déposition, après

5 avoir reçu tous les permis nécessaires et après nous avoir décrit comment

6 cela s'est déroulé, vous avez été, non, je m'excuse, je vais reformuler ma

7 question. Le 14 juin 1993, alors que vous étiez en chemin vers Grahovcici,

8 vous avez été arrêtés à un poste de contrôle de l'ABiH à un endroit qui

9 s'appelle Novo Selo. Est-ce bien exact ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Pour pouvoir franchir ce poste de contrôle, il vous a été demandé

12 d'obtenir et de présenter les laissez-passer adéquats. Est-ce bien exact ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Vous avez appris, au poste de contrôle, que ces personnes faisaient

15 partie de la 7e Brigade. Est-ce bien exact ?

16 R. Oui.

17 Q. A cette occasion, vous avez remarqué des soldats qui imitaient les

18 combattants étrangers, qui imitaient en quelque sorte leur tenue

19 vestimentaire, leur apparence. C'est ainsi que vous les avez décrits comme

20 des Moudjahiddines plastiques. Mais ils étaient tous originaires de Bosnie.

21 Est-ce bien exact ?

22 R. C'est exact.

23 Q. D'après votre propre évaluation, suivant laquelle il s'agissait de

24 soldats locaux originaires de Bosnie, pour les personnes qui ne sont pas

25 aussi bien placées que vous pour comprendre la situation, d'après

Page 4916

1 l'apparence de ces Moudjahiddines plastiques, tout le monde aurait pu

2 conclure qu'il s'agissait de soldats étrangers ?

3 R. Je pense que vous me demandez de faire des remarques à propos des avis

4 émis par d'autres personnes. Toutefois, je pense que, vues à une certaine

5 distance, qu'il n'aurait peut-être pas été aussi facile d'indiquer

6 l'appartenance ethnique de ces personnes, pour quelqu'un non versé dans

7 cela.

8 Q. Après que vous avez obtenu le laissez-passer du 3e Corps, vous vous

9 êtes rendu à Grahovcici sans que d'autres obstacles aient été placés sur

10 votre route. Est-ce bien exact ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Vous avez appris et indiqué qu'ils étaient membres de la 7e Brigade

13 parce que c'est ce qu'ils vous ont dit eux-mêmes. Est-ce bien exact ?

14 R. C'est exact.

15 Q. La date était la date du 14 juin 1993, n'est-ce pas ?

16 R. Si c'est ce que j'ai indiqué lors de ma déposition, je suppose que je

17 dois répondre par l'affirmative.

18 Q. Le jour de votre arrivée à Grahovcici, vous n'avez remarqué aucun

19 dégât, vous n'avez remarqué aucune maison incendiée si ce n'est que vous

20 avez vu des traces de combats intenses, comme vous nous l'avez dit.

21 R. Non, ce n'est pas exactement cela. Je pense avoir dit qu'il y avait des

22 dégâts qui avaient été occasionnés et provoqués à des bâtiments et qui

23 correspondaient en fait à des tirs d'obus. Toutefois, il n'y avait pas

24 d'indices suivants lesquels les bâtiments auraient été incendiés de façon

25 délibérée, tout simplement pour détruire ces bâtiments.

Page 4917

1 Q. Commandant, savez-vous que le 11 juin 1993 une bataille a commencé avec

2 des unités du HVO dans les environs de Kakanj et dans la ville de Kakanj à

3 proprement parler ?

4 R. Je ne me souviens pas de cet incident. Parce que cela, en fait, se

5 trouvait hors de la zone qui nous avait été confiée. Toutefois, si cet

6 incident s'est déroulé, il est tout à fait vraisemblable que l'on nous ait

7 présenté un rapport lors de la réunion du -- (21-22) on l'aurait présenté

8 comme un événement qui se serait passé dans une zone de responsabilité

9 avoisinante. Toutefois, je ne me souviens pas des détails relatifs à cet

10 incident.

11 Q. Merci. Commandant, pendant votre affectation en Bosnie, vous n'avez

12 jamais rencontré M. Kubura, le commandant de la

13 7e Brigade musulmane. Est-ce exact ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Pendant votre affectation en Bosnie centrale, vous ne vous êtes jamais

16 rendu au quartier général de la 7e Brigade ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Pendant la période de votre affectation, vous n'avez pas eu d'autres

19 contacts avec des officiers supérieurs de la 7e Brigade musulmane, n'est-ce

20 pas ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Votre seul contact avec les membres de la 7e Brigade, sont les contacts

23 que vous nous avez décrits et qui se sont déroulés le

24 14 juin 1993 au poste de contrôle de Novo Selo.

25 R. Je ne peux pas véritablement vous le dire en toute certitude. Tout ce

Page 4918

1 que je peux vous dire, c'est que la seule fois que j'ai rencontré un soldat

2 qui s'est présenté comme un membre de la

3 7e Brigade, s'est passé lors de l'incident que je vous ai décrit et qui

4 s'est déroulé le 14 juin 1993.

5 Q. Commandant, hier, lors de votre déposition, en réponse à une question

6 qui vous a été posée par le Président de la Chambre, vous nous avez

7 expliqué comment les renseignements étaient collectés et compilés,

8 renseignements que vous utilisiez dans le cadre de votre mission.

9 R. Oui.

10 Q. A cette occasion, vous avez indiqué que l'un des secteurs très

11 importants de collecte de données, était les renseignements que vous

12 obteniez auprès des villageois. Il s'agissait de villageois de villages

13 croates, de paysans croates. C'est ce que vous avez confirmé aujourd'hui

14 lors du contre-interrogatoire. Vous avez également parlé des personnes

15 âgées et des civils qui vivaient dans ces villages.

16 R. Je m'excuse d'être aussi pointilleux, mais je ne pense pas avoir

17 mentionné hier lors de mon témoignage les mots "des fermiers croates".

18 Hier, lorsque j'ai fait ma déclaration, je pense que j'ai indiqué de façon

19 très, très claire que la collecte de renseignements s'est procédée

20 exactement de la même façon qu'il s'agisse de villages musulmans ou de

21 villages croates où nous nous rendions.

22 Q. Quoi qu'il en soit, il s'agissait de villageois locaux qui résidaient

23 dans les villages où vous collectiez vos renseignements, qu'il s'agit

24 d'ailleurs de villageois musulmans ou croates. Est-ce bien exact ?

25 R. C'est exact.

Page 4919

1 Q. Commandant, êtes-vous en mesure de marquer votre accord avec moi,

2 lorsque je vous dis que les informations dont disposait la population

3 locale à propos de la situation militaire et de la situation qui prévalait

4 sur le terrain, étaient des renseignements très limités et très

5 superficiels. Est-ce bien exact ?

6 R. Les renseignements que l'on nous donnait étaient de qualité très

7 diverse. Parfois, il s'agissait de quelque chose qui, de toute évidence

8 était vrai, parfois c'était de toute évidence, erroné. Cela correspondait

9 tout simplement à de la propagande. Parfois, il fallait couper la poire en

10 deux. Il s'agissait d'informations qui étaient données par une personne qui

11 n'était pas en possession de tous les paramètres, de tous les facteurs.

12 C'est pour cela que nous prenions des mesures pour corroborer toute

13 information que nous recevions de toutes les sources, dans la mesure du

14 possible, de sources indépendantes.

15 Q. Hier, vous nous avez donné quelques exemples de choses qui se passaient

16 pendant vos missions, lorsque la mission ne pouvait pas être accomplie en

17 raison du caractère incomplet des informations. Par exemple, lorsque vous

18 vous êtes rendu à Maljine, vous avez utilisé une carte qu'avait emmenée M.

19 Bower. Clairement cette carte était incorrecte et incomplète. Est-ce

20 exact ?

21 R. Je n'ai pas dit que la carte était incomplète. J'ai dit qu'elle n'avait

22 pas d'échelle, et elle n'indiquait pas le nord. Il était difficile de

23 s'orienter, sans qu'aucune caractéristique du terrain au niveau du village

24 de Maljine n'était indiquée. Pour la personne qui l'avait tracée cette

25 carte, elle aurait pu être utile. Nous, en tant que tiers, nous n'avons pas

Page 4920

1 pu nous servir utilement de cette carte.

2 Q. Sur la base des informations que vous aviez reçues, vous n'avez trouvé

3 aucune trace de crime dans le village de Grahovcici. Est-ce exact ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Hier, lors de votre déposition, vous avez dit que la base des Nations

6 Unies ne se trouvait qu'à 2 kilomètres du village d'Ahmici. Est-ce exact ?

7 R. Non. Je ne crois pas avoir dit cela là encore. Je crois avoir dit :

8 "Plusieurs kilomètres." Je ne pense pas avoir précisé la distance. Je ne

9 pense pas avoir dit 2 kilomètres, parce que je sais que c'est inexact.

10 Q. Nous allons dire qu'il s'agissait de plusieurs kilomètres. Cela étant,

11 même si la distance n'était que de quelques kilomètres, plusieurs

12 kilomètres, vous n'aviez absolument aucune information sur ce qui était

13 arrivé dans le village d'Ahmici. Par la suite, vous ne saviez pas non plus

14 qui avait commis le crime ou qui avait ordonné qu'il soit commis. Est-ce

15 exact ?

16 R. Je ne peux que vous donner mon propre avis et vous dire ce que j'ai

17 observé au sujet de ces événements. Les événements d'Ahmici se sont

18 produits avant mon affectation en Bosnie. A l'époque, les réactions et les

19 actions des soldats britanniques présents sur le terrain ne peuvent être

20 évoquées que par quelqu'un qui était là, à ce moment-là. Je pense avoir

21 témoigné à ce sujet, avoir dit que lorsque nous sommes arrivés en Bosnie,

22 l'identité des auteurs de ce crime n'était pas claire, et que l'enquête

23 était encore en cours, lorsque je suis arrivé en Bosnie.

24 Q. Commandant, hier, lors de votre déposition, vous avez confirmé que vous

25 aviez déjà fourni une déclaration aux enquêteurs du Tribunal de La Haye.

Page 4921

1 Est-ce exact ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Vous avez fourni cette déclaration, le 10 mai 2000, en présence de M.

4 Hackshaw et de M. Stephan Obers, qui sont enquêteurs du Tribunal de La

5 Haye. Est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Dans votre déclaration, vous avez évoqué les mêmes événements, je veux

8 dire, les mêmes que ceux que vous avez décrits hier et aujourd'hui devant

9 la présente Chambre de première instance. Est-ce exact ?

10 R. Oui, c'est exact. Je tiens cependant à nuancer le propos. J'ai évoqué

11 des parties de mon affectation au sujet desquelles les enquêteurs m'ont

12 posé des questions. Par exemple, je n'ai pas beaucoup parlé de la visite au

13 village de Bandol. Ces observations et ces commentaires, je les ai faits en

14 réponse à des questions qui m'ont été posées par la Défense. Il ne

15 s'agissait pas d'événements que j'ai évoqués lors de mon interrogatoire par

16 les enquêteurs du Procureur. A l'époque, je n'ai fait que répondre à leurs

17 questions. Aujourd'hui, je réponds aux questions du Tribunal.

18 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je

19 demander à l'Huissière de donner au commandant un exemplaire de la

20 déclaration qu'il a donnée aux enquêteurs du bureau du Procureur en l'an

21 2000 parce que j'aurais quelques questions à lui poser à ce sujet ?

22 Q. Commandant, s'agit-il de la déclaration que vous avez fournie aux

23 enquêteurs et que vous avez vous-même signée.

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, regarder la dernière page de cette

Page 4922

1 déclaration ? Il est dit ici que cette déclaration vous a été lue en langue

2 anglaise, qui est votre langue maternelle, qu'elle est sincère et

3 véridique. Est-ce exact ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Vous avez paraphé chacune des pages de cette déclaration. Vous avez

6 apposé votre signature au bas de chacune des pages. Est-ce exact ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Je vous demanderais de vous référer à la page 9, au paragraphe 6, qui

9 commence par : "D'après nos observations en Bosnie centrale." Vous dites

10 clairement dans la déclaration que vous ne pouvez pas confirmer si les

11 Moudjahiddines ont participé ou faisaient partie de la 7e Brigade. Vous ne

12 saviez pas, et vous ne pouvez pas le confirmer, si c'était le cas ou pas.

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Lorsque vous avez donné cette déclaration aux enquêteurs, vous vous

15 êtes basé sur votre propre registre, ou sur votre propre journal.

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Commandant, sur la base des propos que vous nous avez tenus aujourd'hui

18 au sujet de vos contacts, à savoir, le fait que vous avez dit que vous

19 n'aviez aucun contact avec les officiers d'haut rang de la 7e Brigade

20 musulmane, que le seul contact que vous ayez eu avec cette brigade, s'est

21 déroulé au poste de contrôle de Grahovcici, le 14 juin. On pourrait en

22 déduire que votre connaissance et les informations que vous disposez au

23 sujet de la structure de la

24 7e Brigade ne sont pas suffisantes. Je parle ici de la connaissance

25 personnelle que vous avez de ces choses.

Page 4923

1 R. Oui, c'est absolument exact. Pour obtenir les informations détaillées

2 dont disposait le bataillon britannique au sujet de la 7e Brigade, vous

3 devriez vous adresser à l'officier de liaison qui était chargé des contacts

4 avec la 7e Brigade. Il était en contact fréquent avec eux.

5 Q. Je vous remercie, Monsieur le Commandant.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

7 questions pour ce témoin.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Mundis.

9 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Avant cela, je me

10 demande dans quel but la Défense de M. Kubura souhaite utiliser ce

11 document. Doit-il être retiré au témoin ? A-t-elle des intentions à ce

12 sujet ?

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne souhaitons

14 pas demander le versement de ce document au dossier. Nous voulions

15 simplement que le témoin en dispose pour que nous puissions nous y référer

16 afin de vérifier la crédibilité du témoin.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Dans ce cas, peut-être que cette déclaration

18 devrait être retirée au témoin.

19 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :

20 Q. [interprétation] Commandant Kent-Payne, il me reste que quelques

21 questions pour vous. En réponse à une question que vous a posée Mme

22 Residovic, à la page 44, ligne 8, du compte rendu d'audience, vous avez

23 indiqué que vous saviez que l'accusé Hadzihasanovic était un officier de

24 haut rang de la JNA avant la guerre.

25 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

Page 4924

1 Q. Comment le saviez-vous ?

2 R. D'après ce que je me souviens, on nous a informés de l'identité des

3 principaux commandants sur le terrain. On nous a décrit la carrière

4 militaire précédente de ces officiers. Par exemple, si je puis vous donner

5 d'autres exemples de ce dont je me souviens, le général Hadzihasanovic

6 avait auparavant travaillé dans la JNA, le général Alagic était un officier

7 des unités blindées. Du côté, par exemple, le général de brigade, Vlado

8 Juric, avait été pilote. Nous disposions d'informations pouvant nous dire

9 quelle était l'expérience des commandants militaires expérimentés qui

10 étaient sur le terrain. Nous pouvions savoir qu'ils étaient des militaires

11 estimés et respectés, pas nécessairement dans leur vie précédente, en tout

12 cas, on nous a informés de leur carrière précédente. Je ne me souviens pas

13 exactement du document décrivant ces carrières.

14 Q. Monsieur le Commandant, vous souvenez-vous lors de cette réunion

15 d'information, est-ce qu'on vous a dit de précis sur l'expérience du

16 général Hadzihasanovic au sein de la JNA ?

17 R. Je ne me souviens de rien d'autre, qu'il avait été un officier de haut

18 rang de la JNA. Je pense que cela voulait dire qu'il devait avoir le grade

19 de colonel.

20 M. MUNDIS : [interprétation] Je demanderais à l'Huissière de montrer au

21 témoin la pièce DH71, s'il vous plaît.

22 [Le Conseil de l'Accusation se concertent]

23 M. MUNDIS : [interprétation]

24 Q. Commandant Kent-Payne, il me reste juste quelques questions concernant

25 le format, si je puis dire technique des milinfosums, dont la pièce DH71

Page 4925

1 n'est qu'un exemple. A l'haut de ce document, à la première ligne qui est

2 soulignée, on voit l'inscription "1 PWO". Pouvez-vous préciser à la Chambre

3 ce que cela signifie ?

4 R. Cela signifie 1er Bataillon du Prince de Galles d'Yorkshire, c'est-à-

5 dire, le groupe tactique du Royaume-Uni dont je faisais partie.

6 Q. Si vous regardez le premier paragraphe, la dernière phrase de ce

7 paragraphe, on y voit une abréviation.

8 R. Vous parlez de l'abréviation "C/S".

9 Q. Oui, c'est exact.

10 R. Oui, il s'agit d'un euphémisme militaire désignant le nom de

11 patrouille, c'est-à-dire, que chaque véhicule a un nom différent de

12 patrouille, qui est peint sur le côté de la tourelle, afin qu'ils puissent

13 être facilement identifiés, que les personnes des environs, la population

14 locale puisse reconnaître les documents, de reconnaître le véhicule et dire

15 quel véhicule avait été impliqué, dans quel incident.

16 Q. Monsieur le Commandant, si vous le savez, pouvez-vous décrire au

17 bénéfice de la Chambre de quelle manière les milinfosums étaient produits

18 physiquement, c'est-à-dire, sont-ils préparés sur une machine à écrire, ou

19 avec un ordinateur, ou avec quel genre de machine ? Si vous connaissez la

20 réponse bien sûr.

21 R. Je crois que je ne sais pas exactement de quelle manière les

22 milinfosums sont produits. Je ne sais pas s'ils étaient tapés à la machine

23 ou si on utilisait un ordinateur. Je n'ai pas participé à la production de

24 ces documents. Ma participation s'est limitée à donner un rapport écrit, un

25 rapport écrit de ma patrouille, que je remettais à la cellule de

Page 4926

1 renseignement militaire, qui elle, réunissait, compilait tous ces rapports

2 pour produire un milinfosum similaire, qui est toujours devant moi.

3 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais si ce

4 l'est possible que l'Huissière puisse accompagner le témoin hors du

5 prétoire, puisque j'aimerais en son absence poser une question à la Chambre

6 et, ensuite, j'aurais quelques autres questions à lui poser.

7 [Le témoin se retire]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

9 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Lors

10 du contre-interrogatoire conduit par la Défense de M. Kubura, le témoin

11 manifestement -- on lui a montré la déclaration préalable qu'il avait

12 fournie au bureau du Procureur. L'Accusation avance que la question, qui

13 lui a été posée, a été une question tout à fait justifiée. Cependant, le

14 fait qu'on lui ait cité une partie de la phrase de la déclaration, c'était

15 seulement une partie de la déclaration, de la phrase citée.

16 Compte tenu de la décision précédemment rendue par la Chambre au sujet de

17 l'utilisation des déclarations écrites fait auprès du bureau du Procureur,

18 j'aurais -- avant de continuer de poser des questions, je voulais demander

19 l'avis de la Chambre et je voudrais, en fait, lui citer l'intégralité de la

20 phrase qui figure dans sa déclaration, c'est-à-dire, je voudrais le

21 confronter à toute la phrase, alors que mon collègue de la Défense ne lui a

22 cité qu'une partie de la phrase. Je me propose, quant à moi, de lui lire

23 l'intégralité de la phrase, et avant de lui lire cette phrase, je

24 souhaiterais lui demander, si pour autant qu'il se souvienne, il s'agit

25 d'une description exacte, et il s'agit de la vérité. Je vous demande votre

Page 4927

1 avis en absence du témoin parce que vous l'avez auparavant rendu une

2 décision à ce sujet et cette décision -- et là, il s'agirait de ma dernière

3 question au témoin, en fait. Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme, de toute façon, nous devions faire la pause,

5 nous allons faire la pause. On vous donnera notre réponse après la pause.

6 Mais Me Bourgon veut intervenir également. Mais, avant de leur donner la

7 parole, à titre simplement de réflexion à ce stade, le document lui a été

8 donné, et il a lu le paragraphe, et il l'a lu entièrement. Bien entendu, il

9 a pris connaissance du paragraphe. L'accusation nous demande : est-ce qu'on

10 peut, de la part de l'Accusation, lui rappeler l'intégralité du

11 paragraphe ? Le but de la question était de faire vérifier auprès du témoin

12 l'intégralité de la phrase.

13 Mais, comme ce document était mis sous les yeux, et qu'il a pris

14 connaissance, la demande est déjà implicitement réalisée puisque le témoin

15 a lu la phrase en entier. Mais nous allons en discuter.

16 Me Bourgon veut l'y intervenir.

17 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Rapidement, simplement pour

18 mentionner que la question, qui a été posée à l'aide de ce document, était

19 une question très précise, qui faisait appel à un fait très précis, et que

20 le ré-interrogatoire doit se limiter à ce qui a été soulevé lors du contre-

21 interrogatoire. Si la Chambre prenait une décision pour permettre au témoin

22 d'aller au-delà de la phrase précise qui lui a été montrée, nous, à ce

23 moment-là, Monsieur le Président, la Défense, souhaiterions pouvoir avoir

24 l'opportunité de poser des questions à nouveau sur les réponses qui sera

25 données par le témoin.

Page 4928

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien entendu, il n'y a aucun problème sur ce point.

2 Maître Dixon.

3 M. DIXON : [interprétation] Je dirais qu'il n'est pas nécessaire de

4 remontrer la déclaration au témoin puisque cette déclaration n'a pas été

5 versée au dossier. On lui a juste montré la déclaration, et on lui a posée

6 cette question uniquement parce que le point a été évoqué lors de

7 l'interrogatoire principal, et il a eu largement l'occasion de lire tout le

8 paragraphe et, en fait, on lui a demandé de lire tout le paragraphe. Il a

9 pris son temps, et je crois qu'il n'est pas nécessaire de lui remontrer

10 cette déclaration enfin lors de l'interrogatoire principal nouveau.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je redonne la parole à M. Mundis, mais c'est

12 bien ce que je disais tout à l'heure. Quand on lui a donné le document, il

13 a lu le paragraphe en question.

14 Monsieur Mundis.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. En

16 fait, si Monsieur et Madame les Juges veulent bien se pencher sur la

17 question précise qui a été posée au témoin, lors de la pause, j'entends.

18 L'Accusation soutient à cet égard que c'est pourquoi, en fait, qu'il a

19 donné une réponse très précise à cette question, et je pense que, lors de

20 ces deux derniers jours, nous avons tous vu que ce témoin à tendance à

21 donner des réponses très précises. Puisqu'il s'agissait de la 7e Brigade

22 musulmane et des Moudjahiddines, en fait, il n'a pas rajouté d'autres

23 détails, et c'est la raison pour laquelle l'Accusation estime que la

24 question, étant très précise, l'Accusation soutient qu'en fait, il a donné

25 une réponse très précise.

Page 4929

1 Pour nous, Monsieur le Président, et vu de la décision précédente de la

2 Chambre concernant le recours des déclarations préalables du témoin,

3 l'Accusation soutient qu'il est tout à fait adéquat. Lorsque la Défense

4 pose des questions à un témoin sur le base d'une déclaration, que si la

5 Défense ne lit pas directement tout ce qui figure dans la déclaration, la

6 Chambre ne peut pas obtenir une masse complète de ce que le témoin à dire,

7 parce que la Chambre ne dispose pas devant elle de la déclaration écrite du

8 témoin. En dernier lieu, Madame, Monsieur les Juges, je dirais au sujet de

9 ce qu'a pu soutenir mon éminent collègue, M. Dixon. Je répète que je n'ai

10 absolument pas l'intention de montrer au témoin sa déclaration. Nous ne

11 proposions tout simplement de l'en lire qu'une seule ligne. Nous allons le

12 lire une ligne, en lui demandant si, oui ou non, ce phrase au complet -- si

13 elle est exacte pour autant qu'il s'en souvienne.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon.

15 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Simplement, puisque nous avons

16 l'opportunité de faire ce débat en l'absence du témoin, ce que le Défense

17 trouve une procédure très bien, peut-être mon confrère peut simplement dire

18 la question qu'il veut poser au témoin, de façon qu'on sache exactement ce

19 qu'elle est le débat, quelle est la nature, pour savoir si, oui ou non, il

20 y a des objections, plutôt que de parler dans l'abstrait. Merci, Monsieur

21 le Président.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, parce qu'on passe beaucoup de temps, il serait

23 peut-être utile que M. Mundis nous dise quelle est la phrase ou la ligne

24 qu'il voulait lui lire, parce que peut-être que ce débat n'a aucun intérêt.

25 Alors, pouvez-vous éclaircir ce point, de nous dire quelle est la ligne ou

Page 4930

1 la phrase ou le nom que vous vouliez le lire au témoin ?

2 Il faut prendre note avec intérêt de la phrase.

3 M. MUNDIS : [interprétation] Elle provient de la sixième paragraphe, en

4 page 9, qui est précisément la paragraphe auquel M. Ibrisimovic a renvoyé

5 le témoin. Il s'agit de la deuxième et dernière phrase de ce paragraphe, et

6 la question que je me propose de poser au témoin est la suivante :

7 commandant Kent-Payne, vous avez dit, dans votre déclaration du 10 mai

8 2000, avez-vous dit a l'enquêteur du Tribunal la phrase suivante, je cite :

9 "Je ne peux, cependant, pas vous dire si les Moudjahiddines étaient

10 rapprochés ou sous le contrôle de la 7e Brigade musulmane, si directement,

11 ou s'il présentaient leurs rapports directement au commandement du 3e

12 Corps." Monsieur le commandant, avez-vous, en fait, dit cette phrase aux

13 enquêteurs, et s'agit-il, pour autant que vous en souveniez, d'un souvenir

14 exact et véridique ?

15 C'est là, la question que je me propose de poser au témoin, que

16 l'Accusation se propose à poser au témoin, et si vous comparez avec la

17 question que nous avons posée de -- on parle de questions. Vous évaluez que

18 les deux phrases viennent de sa déclaration préalable, mais l'Accusation

19 soutient qu'il doit être clair pour la Chambre pourquoi cette question

20 pourrait aider la Chambre à se prononcer sur les questions ultimes en

21 l'espèce.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on a bien connaissance exacte de ce que

23 l'intéressé avait déclaré. Est-ce qu'il y a toujours une opposition de la

24 part de la Défense pour la lecture de cette phrase qui, en fait, est tout à

25 fait dans la logique de la question qui a été posée ?

Page 4931

1 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je voudrais répondre à mon éminent

2 collègue de l'Accusation. Il a déclaré que ma question est précise et que

3 j'avais obtenu une réponse très précise. Je pense que c'est bien l'objectif

4 de ce débat devant la Chambre de première instance. J'ai limité ma question

5 à ce que la Défense de M. Kubura estime important, puisqu'il était

6 commandant de la 7e Brigade. Nous avons obtenu une réponse exacte. Je n'ai

7 pas posé de questions concernant la subordination par rapport au 3e Corps.

8 Je crois que cette question ne peut pas être posée lors d'un interrogatoire

9 supplémentaire parce que je n'ai posé aucune question au sujet du 3e Corps.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je vais redonner la parole à M. Mundis parce

11 que le débat est fort intéressant. Suite à ce qui a été dit, il faut que

12 vous préciser également. La Défense nous dit qu'il a demandé au témoin si

13 les Moudjahiddines étaient subordonnés à la 7e Brigade. L'intéressé a dit

14 qu'il ne pouvait pas répondre à cette question. Sur ce, l'Accusation

15 voudrait, en quelque sorte, compléter la question en lui demandant s'il

16 avait bien dit : je ne peux pas vous dire s'ils étaient subordonnés à la 7e

17 Brigade. Mais, dans la phrase écrite, il y avait rajouter -- ou de dire

18 s'ils étaient directement subordonnés au 3e Corps. Voilà. C'est bien cela

19 tout le débat, Monsieur Mundis. Vous voulez que le témoin donne son opinion

20 sur la question éventuelle du 3e Corps, ce à quoi la Défense s'oppose.

21 M. MUNDIS : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur le Président, nous

22 ne sommes pas en train d'insinuer, d'une quelconque manière, que la

23 question, qui a été posée par Me Ibrisimovic, n'était pas appropriée et

24 opportune. Clairement, si j'étais du côté de la Défense, j'aurais posé

25 exactement la même question. Mais, si vous reprenez sa question, page 60,

Page 4932

1 ligne 2, du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, et si vous comparez

2 cette question à ce qui figure dans la déclaration écrite du témoin, et si

3 vous la comparez à la question que je me proposais de poser, qui consistait

4 à reprendre, mot à mot, une phrase de sa déclaration écrite, alors, vous

5 verrez que la situation est précisément celle que vous venez de décrire,

6 Monsieur le Président, à savoir que la question qui a été posée au témoin

7 était orientée dans un sens précis. La réponse était extrêmement précise.

8 Nous n'avons pas invité le témoin à expliciter. Or, l'Accusation affirme

9 que, par rapport à ce qui figure dans la déclaration écrite, la déclaration

10 préalable, alors la question très précise qui lui a été posée aujourd'hui

11 pouvait aboutir à une situation où les Juges de la Chambre n'auraient pas

12 tous les éléments en main et sur lesquels ce témoin pourrait déposer. C'est

13 du moins ce que pense l'Accusation. Voilà, Monsieur le Président. Je vous

14 ai également donné la question que je me proposais de poser à ce témoin.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Mais je vais synthétiser pour tout le

16 monde de la problématique. L'Accusation nous dit qu'effectivement, la

17 Défense a posé une question -- je l'ai sous les yeux, c'est à la page 60,

18 lignes 2 et suivantes -- l'Accusation a demandé au témoin : "Pouvez-vous

19 nous confirmer si, à partir de votre témoignage écrit, si les

20 Moudjahiddines étaient, oui ou non, inclus dans la 7e Brigade ?" Le témoin

21 répond : "Je ne peux pas répondre à ce type de question." L'Accusation dit

22 : "La question était biaisée parce que, par ce moyen, on masque la réalité

23 car, dans le témoignage écrit, il avait rajouté et également sur le

24 rattachement éventuellement direct avec le 3e Corps." L'Accusation dit :

25 "Si on lui pose la question, mais il faut la poser dans son intégralité et

Page 4933

1 pas la réduire." Voilà le débat. Alors, comme tout le monde progresse, Me

2 Bourgon progresse également et va nous faire part de sa position.

3 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. La position de la Défense est,

4 en somme, tout assez claire. Le témoin avait, devant lui, tout le texte. On

5 lui a posé une question précise. Il a répondu à une question qui était

6 également précise. La question que mon collègue voudrait poser au témoin

7 aujourd'hui, elle lui a déjà été posée lors de l'interrogatoire principal.

8 La question a fait l'objet d'un débat. La question a fait l'objet d'une

9 décision de la Chambre. La question a fait l'objet d'une procédure par

10 laquelle la Chambre s'est informée directement auprès du témoin quelles

11 étaient ses sources d'information pour répondre à cette question. Le tout a

12 été réglé au cours de l'interrogatoire principal. Ainsi, Monsieur le

13 Président, la Défense s'en tient à son objection principal, c'est-à-dire,

14 l'Accusation tente ici de poser une question en ré-interrogatoire, qui n'a

15 pas été soulevée lors du contre-interrogatoire. A ce titre, Monsieur le

16 Président, cette question ne devrait pas être permise. Si, toutefois, la

17 Chambre veut revenir sur le sujet et poser des questions au témoin, comme

18 la Chambre l'a fait à maintes reprises, il est tout à fait le loisir de la

19 Chambre de le faire. Merci, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Il est midi 35. Nous allons faire

21 le "break" et nous reprendrons l'audience à 23 heures.

22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

23 --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. La Chambre qui a délibéré

25 sur la question de savoir si l'Accusation pouvait poser une question au

Page 4934

1 témoin à partir d'un paragraphe contenu dans son témoignage écrit. La

2 Chambre, se référant au règlement de procédure et de preuve qui permet aux

3 parties de poser des questions sur autorisation de la Chambre, la Chambre

4 autorise que cette question soit posée.

5 Monsieur Mundis, vous pouvez poser votre question, en rappelant la teneur

6 dudit paragraphe.

7 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur

8 les Juges.

9 Q. Commandant Kent-Payne, dans votre déclaration du 10 mai 2000, avez-vous

10 dit aux enquêteurs du Tribunal la chose suivante, je cite : "Cependant, je

11 ne peux dire si les Moudjahiddines étaient rattachés ou relevaient du

12 contrôle de la 7e Brigade musulmane directement ou s'ils faisaient rapport

13 directement au commandement du 3e Corps".

14 Monsieur, avez-vous fait une déclaration dans ce sens, et aujourd'hui dans

15 le prétoire, pouvez-vous dire que cette déclaration est véridique et

16 correspond à votre meilleur souvenir ?

17 R. Ce que je peux vous dire, c'est que j'ai répondu à la question qui

18 m'était posée, à savoir étais-je en mesure de confirmer que les

19 Moudjahiddines étaient rattachés à une organisation quelconque. J'ai

20 répondu qu'à mon avis ou plutôt qu'en fonction des éléments dont je

21 disposais, je ne pouvais pas confirmer que c'était le cas. Je pensais qu'on

22 attendait que je confirme éventuellement si j'avais vu des Moudjahiddines

23 au quartier général du 3e Corps, ce qui aurait montré, à mon avis, que

24 c'était une indication de cela. Alors j'ai dit que je ne pouvais pas le

25 confirmer.

Page 4935

1 On m'a demandé mon avis et j'ai dit que, lors des "briefings," on nous a

2 dit que c'était l'organisation concernée mais j'ai dit que je n'étais pas

3 en mesure de le confirmer.

4 Q. Ma question était : pouvez-vous dire que c'est effectivement ce que

5 vous avez dit dans votre déclaration ?

6 R. Oui.

7 Q. Merci.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Nous n'avons pas d'autres questions, Monsieur

9 le Président.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges ont des questions à poser. Monsieur le

11 Témoin, vous allez écouter attentivement les questions et vous allez, comme

12 vous l'avez fait pendant ces deux jours, vous allez répondre de manière

13 précise.

14 Je vais donner la parole aux Juges.

15 Questions de la Cour :

16 M. LE JUGE SWART [interprétation]: Bonjour, Monsieur le Témoin. J'aurais

17 aimé vous poser quelques questions au sujet de la question des maisons

18 détruites dont vous nous avez parlé. J'aurais aimé avoir quelques

19 précisions.

20 Vous nous avez dit la chose suivante : la première fois que vous souhaitiez

21 vous rendre à Guca Gora, c'était le jour de l'attaque. Hier, vous nous avez

22 dit que le Bataillon britannique, et votre compagnie, souhaitait empêcher

23 un deuxième massacre d'Ahmici, en quelque sorte, et que votre politique

24 était, si j'ai bien compris ce que vous avez dit hier, était d'enquêter sur

25 les maisons incendiées. Dans cette remarque dans laquelle vous avez été

Page 4936

1 extrêmement bref, j'aurais aimé que vous explicitiez, que vous nous disiez

2 exactement ce qui impliquait cette politique.

3 R. Cela voulait dire que si nous étions dans une patrouille de routine et

4 que nous voyions une maison en train de brûler alors il était de notre

5 devoir d'enquêter, si c'était possible. J'entends par là, nous rendre sur

6 place, voir si nous pouvions aider quelqu'un qui était éventuellement à

7 l'intérieur du bâtiment en train de brûler ou voir si nous pouvions

8 empêcher des meurtres de la part des personnes qui avaient incendié tel ou

9 tel bâtiment.

10 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Vous nous dites que si vous êtes en

11 train de patrouiller dans une zone et que vous voyiez une maison en train

12 de brûler alors vous essayiez d'enquêter.

13 R. Oui, nous avions une certaine marge de manœuvre pour faire preuve

14 d'initiative et c'était un point sur lequel les commandants des patrouilles

15 savaient que s'ils allaient du point A au point B, qu'ils voyaient un tel

16 incident, dans la mesure du possible, ils devaient enquêter sur cet

17 incident. Parfois il n'était pas possible d'enquêter.

18 Par exemple, si le commandant de la patrouille était en train d'escorter un

19 convoi, et là il était clair que sa mission principale était d'accompagner

20 le convoi du point A au point B en toute sécurité. Ce qu'il devait faire à

21 ce moment-là, c'était de contacter la base des Nations Unies par radio pour

22 faire en sorte qu'une autre patrouille soit envoyée sur place pour enquêter

23 sur la maison en train de brûler ou autre.

24 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Par conséquent, il s'agit d'une

25 attitude réactive. Vous êtes en patrouille et vous voyez un incident et

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1 vous réagissez ?

2 R. Oui.

3 M. LE JUGE SWART [interprétation] : J'aurais une autre question à vous

4 poser. Vous pouvez également imaginer une politique où l'on se rend dans

5 des localités où des combats ont lieu et on pourrait sur une base régulière

6 se rendre dans ces endroits pour voir s'il y a eu des changements, si des

7 maisons ont été détruites, incendiées ou autre. Telle n'était pas votre

8 politique, n'est-ce pas ?

9 R. Monsieur le Juge, ce n'est pas une question de politique mais c'est une

10 question d'information que nous essayions de recueillir. Se rendre dans un

11 village qui a été pris par l'une ou l'autre partie, alors peut-être qu'une

12 semaine plus tard, en nous rendant à nouveau dans ce village, nous aurions

13 pu constater qu'il y a eu des pillages, que des vitres avaient été brisées

14 dans l'église et autre. Ce type de renseignements, nous les transmettions

15 alors à notre quartier général.

16 M. LE JUGE SWART [interprétation] : La première fois que vous souhaitiez

17 aller à Guca Gora, vous avez dit que "Vous aviez une certaine politique en

18 matière d'enquête sur les maisons incendiées," mais ce jour-là, vous n'avez

19 pu arriver jusqu'à Guca Gora. Vous avez dû rebrousser chemin et le

20 lendemain vous avez participé à l'évacuation des civils croates au

21 monastère.

22 R. Oui, c'est exact. Le premier jour, des soldats de mon bataillon, de la

23 compagnie des opérations étaient cantonnés à Guca Gora et dans le cadre de

24 leur observation de la scène, ils ont pris tous les civils et les ont

25 emmenés au monastère pour les mettre à l'abri et cela leur a pris 24 heures

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1 pour organiser les secours.

2 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Effectivement, c'est ce que vous nous

3 avez dit hier. Lorsque le lendemain vous êtes revenu, vous-même êtes

4 parvenu jusqu'à Guca Gora et vous avez évacué les Croates

5 qui se trouvaient dans le monastère. Cela a pris un certain temps. Je crois

6 que vous nous avez parlé d'une période de quelques heures.

7 R. C'est exact.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit également que des combats

9 étaient en cours, qu'il y avait des tirs. Qu'entendez-vous par là ?

10 R. Ce que je voulais dire, c'est qu'il y avait des combats qui étaient de

11 nature à nous préoccuper par leur proximité, mais pas au point de nous

12 faire réagir. En d'autres termes, les forces qui tiraient étaient

13 clairement des forces hostiles qui étaient en train de s'affronter, pas

14 forcément forcément vis-à-vis de nous. Par ailleurs, en l'occurrence, un

15 grand nombre de civils pouvait constituer une cible. C'est la raison pour

16 laquelle nous avons emprunté un itinéraire couvert pour faire passer ces

17 personnes du monastère dans les véhicules. Si nous nous étions contentés de

18 faire sortir ces personnes du monastère et ensuite les faire monter

19 directement dans les véhicules, cela n'aurait pris qu'une demi-heure.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Avez-vous vu des combats, vous

21 personnellement ?

22 R. Non, ce jour-là, non.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Quant à vos collègues éventuellement ?

24 R. La veille.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pendant l'évacuation.

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1 R. Nous n'avons pas pu assister à des combats à proprement parler. Etant

2 donné que nos véhicules étaient présents, étant donné que les arrières des

3 autres compagnies étaient là également, dans le périmètre défensif autour

4 de ce village, empêchaient les forces qui attaquaient de toucher le

5 village.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Qu'est-ce qui vous a indiqué

7 qu'apparemment des tirs étaient échangés ?

8 R. En écoutant les messages radio de la veille et dans les rapports de

9 contact, comme on les appelle, en d'autres termes, les rapports adressés au

10 quartier général du bataillon, qui font état d'échanges de tirs, des cibles

11 et des pertes de la partie responsable de l'attaque. Sur la base de cela,

12 même si je ne l'ai pas vu personnellement, j'ai pu entendre les tirs et

13 voir quels étaient ces tirs et, par conséquent, tirer un certain nombre de

14 conclusions. Egalement à ce qu'ont dit les soldats, au moment où nous

15 sommes arrivés au monastère, m'a permis de tirer cette conclusion.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. A ce moment-là, est-ce que vous,

17 vos collègues, vos subordonnés avaient enquêté, d'une quelconque manière,

18 sur les maisons incendiées et sur les maisons détruites ?

19 R. Pour cette opération précise, notre mission consistait essentiellement

20 à évacuer les personnes qui avaient trouvé refuge dans le monastère, et

21 c'est ce que nous avons fait. Nous n'avions pas de possibilité de nous

22 écarter de cela. Les miliciens avaient très clairement essayé de tirer sur

23 nos soldats. Or, lorsqu'on essuie des tirs, clairement on sait que

24 quelqu'un essaie de vous blesser. Par conséquent, nous ne sommes pas sortis

25 du périmètre en question pour enquêter dans d'autres bâtiments.

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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous parlez de tirs que vous avez

2 essuyés de la part de miliciens. Qu'entendez-vous par là ?

3 R. D'après les rapports que j'ai pu entendre à la radio, dans les messages

4 radio, il s'agissait d'étrangers, d'Arabes, de personnes de couleur. Il

5 s'agissait d'éléments qui nous étaient parvenus par le biais de dispositifs

6 de visés particulièrement puissants des Warriors, qui étaient situés devant

7 le monastère.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous êtes allé à Guca Gora,

9 avez-vous vu des maisons en train de brûler ?

10 R. Non, pas pour autant que je puisse m'en souvenir. Si vous me permettez

11 d'apporter une précision, à ce moment-là, il était très clair qu'une

12 offensive majeure était en cours, ce qui rendait le fait que des maisons,

13 et il n'était pas inhabituel, dans des cas comme celui-ci, de voir des

14 maisons en train de brûler. Etant donné que notre mission, essentiellement,

15 consistait à escorter ces personnes jusqu'au centre pour réfugiés croates

16 de Nova Bila, nous ne nous en sommes pas occupés.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous y êtes retourné le 13, je crois.

18 Nous en avons parlé en rapport avec le milinfosum numéro 45. Vous nous avez

19 dit, ce matin, qu'il s'agissait là également du rapport de votre unité, et

20 qui faisait état de pillages, mais qu'on n'avait pas tenté de détruire des

21 maisons croates. Je crois que vous l'avez également confirmé ce matin.

22 Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion ?

23 R. Comme je crois vous l'avoir déjà dit, Monsieur le Juge, je ne pense pas

24 que c'est moi qui sois à l'origine de cette déclaration qui est reprise

25 dans le milinfosum, à savoir les traces de pillages, des signes de pilages,

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1 je ne pense pas. Ce que je peux vous confirmer, par contre, c'est que les

2 maisons dans le village n'avaient pas été incendiées, et je me suis fondé,

3 à ce moment-là, sur mon expérience à Ahmici et la façon dont les forces

4 locales s'étaient engagées dans effort concerté pour détruire physiquement

5 le village. Or, cela ne s'était pas produit à Guca Gora, à ce moment-là.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais vous écrivez la chose suivante, je

7 cite : "L'on n'a pas tenté de détruire des maisons qui, auparavant,

8 appartenaient à des Croates." Ce qui veut dire que vous n'avez pas vu de

9 telles tentatives de destruction.

10 R. Oui, c'est exact. De notre position, nous ne pouvions voir des maisons

11 en train de brûler ou des maisons incendiées dans cette localité. Je ne

12 peux vous dire ce qui s'est passé après que nous sommes partis, mais le

13 village était intact. Il s'agissait essentiellement de dommages

14 collatéraux.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Combien de maisons auraient été

16 concernées par cela ?

17 R. Je ne me souviens pas exactement du nombre de maisons mais, lorsque la

18 Compagnie A se trouvait au village, ils ont essuyé des tirs d'obus de

19 mortier de petit calibre, de RPG, et ce type de projectiles ne détruit pas

20 les maisons, mais perfore les toitures et entraîne des dégâts par des

21 éclats d'obus. Il est très rare de voir des maisons incendiées si on

22 utilise ce type d'armes.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pouvez-vous nous expliquer la

24 différence ?

25 R. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais une maison à laquelle on

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1 met le feu, de façon délibérée, commence à brûler au niveau du sol et,

2 ensuite, les flammes se propagent par le haut, et c'est la toiture qui

3 brûle en dernier. Or, dans le cas d'un obus de mortier, alors c'est la

4 toiture qui est touchée en premier.

5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais le résultat final peut être le

6 même ?

7 R. Oui, effectivement.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si j'ai bien compris, vous nous avez

9 dit que les armes utilisées n'étaient pas des armes suffisamment lourdes

10 pour détruire complètement les maisons.

11 R. Les armes qui ont été utilisées lors de cette attaque précise contre

12 Guca Gora, sur la base de ce que j'ai pu apprendre des soldats qui se

13 trouvaient sur place à l'époque, il n'y avait d'armes lourdes. Je veux dire

14 par là d'artilleries lourdes qui étaient utilisées au cours de cette

15 attaque, par conséquent, qui auraient permis de détruire des bâtiments.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour revenir à votre déposition du 13,

17 ce qui nous ramène également au milinfosum concerné, il n'y a eu aucune

18 tentative de détruire les maisons qui avaient appartenu à des Croates. Cela

19 se rapporte à la période précédente de votre arrivée, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, effectivement. Il n'y avait pas de maisons en train de brûler ou

21 incendiées.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bien. Passons au 14 ou peut-être le 15.

23 Enfin la date à laquelle vous vous êtes rendu jusqu'à l'église.

24 R. Oui.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez vu des dégâts, vous avez vu

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1 des vitraux qui avaient été brisés, des slogans en arabe inscrits sur les

2 murs, et cetera. Je crois que vous en avez parlé dans un milinfosum.

3 R. Oui, je crois.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez également rédigé

5 un rapport à l'intention -- est-ce que vous avez bien rédigé un rapport sur

6 la situation dans l'église ?

7 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, j'aurais dû rédiger un rapport

8 écrit sur cette patrouille que j'aurais ensuite transmis à la cellule de

9 renseignements militaires, qui le cas échéant l'aurait repris dans le

10 milinfosum, mais nous en avons vu des exemples dans ces textes. Bien sûr,

11 ces documents ne sont que ceux-là, à savoir un document, et tous les

12 éléments, qui faisaient d'un rapport, n'étaient pas forcément repris. Cela

13 dépendait du jugement de l'officier chargé du Renseignement militaire.

14 C'est lui qui faisait le tri.

15 Q. Est-ce que ces rapports parfois remontaient dans la hiérarchie ?

16 R. Pas parfois. Ils devaient toujours être transmis jusqu'au quartier

17 général de la brigade qui était à Split, et également le quartier général

18 local des Nations Unies qui se trouvait à Kiseljak.

19 Q. Mais est-ce que votre commandement central se trouvait à Split peut-

20 être ?

21 R. Le commandement britannique se trouvait à Split. Le commandant

22 britannique -- le général de brigade britannique de la FORPRONU était basé

23 à Split.

24 Q. Est-ce que ces rapports étaient également envoyés aux autorités

25 locales, le commandement du HVO et de l'ABiH ?

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1 R. Je n'ai pas tous les éléments pour vous répondre. Mais j'imagine que

2 c'était le cas. Il s'agissait, en effet, de synthèse de renseignements

3 militaires, comme l'indique leur nom, milinfosum. Par conséquent, ils

4 étaient destinés aux personnels militaires, bataillon britannique, quartier

5 général britannique, quartier général militaire des Nations Unies

6 également. Mais j'imagine que, si ces rapports devaient être transmis à

7 d'autres personnes, cela pouvait englober éventuellement le FORPRONU serbe,

8 mais certainement pas les locaux.

9 Q. Au moment où vous vous êtes rendu dans l'église, au moment où vous avez

10 vu qu'on était en train d'essayer de maquiller les dégâts à l'intérieur de

11 l'église, est-ce que vous avez également essayé de voir quelle était la

12 situation à Guca Gora, et voir si des maisons avaient été endommagées ?

13 R. Pas forcément des maisons endommagées, mais j'ai vu à l'extérieur de

14 l'église que les tombes des Croates, qui avaient été tués au combat et qui

15 avaient été enterrés par l'aumônier de notre régiment, avaient été

16 profanées, les croix sur ces tombes avaient été arrachées et avaient été

17 brisées, et je l'ai remarqué. Mais, par contre, je n'ai pas pu remarquer

18 que des maisons avaient été incendiées récemment dans le village.

19 Q. Si j'ai bien compris, vous vous êtes rendu à notre reprise à Guca Gora

20 fin juin. Est-ce que c'est exact ?

21 R. Pourriez-vous être plus précis ?

22 Q. Vous avez vu que l'église avait été nettoyée à l'intérieur.

23 R. Oui. Un groupe de femmes âgées étaient en train de nettoyer l'église

24 sous la supervision d'un policier militaire de l'ABiH.

25 Q. Est-ce que cela aurait été environ deux semaines après votre première

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1 visite ?

2 R. Oui.

3 Q. Avez-vous remarqué que la situation des maisons avait évoluée d'une

4 quelconque manière ?

5 R. Je ne m'en souviens pas. Mais, par contre, ce dont je me souviens,

6 c'est que des gens arrivaient vers ces hommes, et se livraient à des actes

7 de pillage. Ce qui n'était pas inhabituelle. D'ailleurs, nous n'en faisions

8 pas toujours état dans le rapport parce que, dès que des habitants

9 quittaient leurs maisons, alors très rapidement après, des actes de pillage

10 étaient perpétrés de tous les côtés. Cela ne concernait pas une partie au

11 conflit en particulier. Merci.

12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez indiqué que, quand vous êtes revenu à Guca

14 Gura, il y avait trois journalistes qui étaient avec vous, dont un

15 caméraman, ces journalistes. C'était une initiative de votre commandement

16 qui était à Split ou une initiative de l'ONU, ou c'étaient des journalistes

17 embarqués, qui s'étaient eux-mêmes invités.

18 R. Si vous me permettez de vous fournir quelques explications détaillées,

19 je dirais la chose suivante. Au début de notre période d'affectation en

20 Bosnie-Herzégovine, il y avait un grand nombre de journalistes. En effet,

21 les pays occidentaux, notamment, les pays européens, s'intéressaient

22 particulièrement à la situation. Les journalistes avaient coutume de se

23 déplacer dans leur propre véhicule, parfois dans les véhicules des Nations

24 Unies. Mais, à d'autres reprises, ils se déplaçaient tous seuls pour

25 réaliser leurs reportages. La situation a changé. Le HVO, la milice croate

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1 a commencé à affirmer que les médias fournissaient des rapports et des

2 comptes rendus biaisés en faveur des Musulmans et contre les Croates.

3 Alors, le HVO a menacé les journalistes qu'elle pourrait voir en train de

4 réaliser leurs reportages et de les tuer. Il s'est avéré ensuite que le

5 quartier général des Nations Unies a publié une directive selon laquelle,

6 pour faciliter le travail des journalistes. Les médias travailleraient en

7 équipe, seraient rassemblés et qu'ensuite c'est l'officier, chargé de la

8 formation publique des Nations Unies, qui les répartirait à tel ou tels

9 endroits, en l'occurrence le commandant James Miles, et, par équipe, je

10 veux dire qu'on avait parfois un caméraman français, un journaliste, un

11 reporter de la BBC, et un journaliste de la presse écrite italien. A la fin

12 de la journée, ils m'étaient en commun les événements qui avaient pu

13 rassembler et les utiliser pour leur organisation. Par conséquent, le fait

14 que des journalistes étaient présents ne relevait pas de notre initiative

15 de -- ne relevait pas de leur initiative, mais c'était une initiative de

16 l'officier chargé de l'information et de la presse des Nations Unies.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez indiqué qu'avant de prendre vos fonctions

18 sur place, vous aviez avec ceux qui étaient en place, votre régiment, vous

19 aviez été en Allemagne, vous avez eu des cours, un briefing sur la

20 situation. Pendant ce briefing, on ne vous a jamais parlé des

21 Moudjahiddines.

22 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, on ne nous en a pas parlé à ce

23 moment-là.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la mission qui vous avait été impartie au

25 départ, on a pu comprendre que c'était d'escorter les convois humanitaires.

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1 On se rend compte que votre mission a débordé ce cadre et vous avez

2 accompli d'autres missions. Vous aviez dit que vous aviez également

3 participé à des échanges de prisonniers vous-même. Est-ce que vous avez

4 participé à des échanges de prisonniers en tant que représentant de votre

5 unité militaire et sous l'égide de l'ONU ?

6 R. Oui. Est-ce que vous souhaitez que je vous fournisse un exemple ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Donnez un exemple.

8 R. Voilà l'exemple. On a demandé de me rendre dans le village de Prustica,

9 qui se trouve au sud de Vitez, qui était un village contrôlé par les

10 Musulmans, pour faire en sorte que trois prisonniers croates soient

11 libérés, prisonniers qui étaient détenus dans un container en métal type

12 container à l'arrière -- porté à l'arrière d'un camion. Lorsque je suis

13 arrivé, j'ai pensé qu'il s'agissait de soldats, mais, en réalité, il

14 s'agissait uniquement de personnes qui travaillaient dans les champs, le

15 représentant du CICR à fait en sorte qu'ils soient libérés, ils ont été

16 ramenés vers la partie croate de Vitez, et on les a laissés partir. C'est

17 le représentant du CICR qui s'est chargé de les faire rentrer. Voilà un

18 exemple.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question. Madame la Juge, qui est

20 ma droite avait une question à vous poser, mais je l'ai posée.

21 Dernière question. Vous avez expliqué que, quand vous étiez au

22 "checkpoint", on vous interdisait de passer et, du fait, vous avez dû aller

23 au quartier général pour obtenir les fameux passes. Etait-ce bien dans la

24 logique de la mission que vous aviez, qui était de vous déplacer librement

25 sur le territoire ? D'autant que, semble-t-il, il y avait un seul soldat

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1 alors que vous étiez dans un véhicule qui présentait des garanties,

2 pourquoi être retourné chercher le passe alors que vous pouviez très bien

3 passer ? Le soldat, même s'il avait tiré sur votre véhicule, cela ne

4 risquait pas de faire grand-chose puisque votre véhicule devait normalement

5 être blindé. Pourquoi aller chercher ce passe ? Pouvez-vous répondre à

6 cette question ?

7 R. Nous avions des instructions très, très claires. Dans notre région,

8 nous ne devions pas devenir la troisième force du conflit parce que vous

9 aviez l'ABiH, le HVO et, ensuite, les Nations Unies. Les instructions

10 étaient très, très claires. On nous avait toujours dit que, dans la mesure

11 du possible, il fallait éviter de provoquer des dégâts sur les propriétés,

12 et cela incluait les postes de contrôle. Pour franchir un poste de

13 contrôle, il fallait passer par la négociation et, si cela était important,

14 il fallait obtenir le document requis pour s'acquitter de notre mission.

15 C'est vrai, certes, nous aurions pu facilement franchir le poste de

16 contrôle et résister à tout tir. Mais cela aurait été une provocation, et

17 la fois d'après, lorsque nous nous serions rendus à ce même poste de

18 contrôle, il est évident que le poste de contrôle aurait été miné et que

19 nous aurions eu de très sérieuses difficultés. On nous avait demandé d'être

20 -- de toujours œuvrer dans un esprit de conciliation avec les milices

21 locales pour faciliter les choses. On nous avait demandé de maintenir la

22 paix, d'escorter des convois et non pas de participer au conflit en tant

23 que personnes chargées de faire respecter la paix.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Compte tenu de fait que nous avons posé des

25 questions supplémentaires, est-ce que les parties veulent refaire préciser,

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1 par le témoin, des points qui découleraient des questions que nous avons

2 posées ?

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Je souhaiterais poser une ou deux questions.

5 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

6 Q. [interprétation] M. le Juge Swart vous a posé quelques questions

7 détaillées à propos des maisons incendiées à Guca Gora et à propos de ce

8 que vous y avez vu. Alors, pouvez-vous nous dire s'il est vrai que, le 7

9 juin, à la radio, -- et cela a également été donné comme information par

10 d'autres médias, et nous pouvions le voir -- le visualiser dans la vallée

11 de la Bila -- est-il vrai, disais-je, qu'il y avait de la fumée qui

12 recouvrait toute la zone de Guca Gora ?

13 R. C'est probablement vrai puisqu'il y avait des tirs de mortier et il y

14 avait également d'autres activités qui étaient menées à bien en cette zone.

15 Il est tout à fait vraisemblable qu'un bâtiment ait été incendié, bien que

16 je ne l'aie pas vu moi-même.

17 Q. Est-il vrai que les unités de la FORPRONU ainsi que vos collègues

18 d'autres unités et les représentants de la Communauté européenne et les

19 représentants de l'armée se sont rendus au monastère de Guca Gora afin de

20 voir s'il avait été incendié parce que les médias croates avaient,

21 justement, relaté que le monastère avait été incendié. Le saviez-vous ?

22 R. Oui, et c'est la raison pour laquelle on m'a confié une mission

23 personnelle. On m'a demandé d'accompagner l'aumônier de notre régiment

24 ainsi que le prêtre croate de Vitez et de les accompagner au monastère.

25 Autant que je m'en souvienne, je me trouvais -- j'étais en -- c'était moi

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1 qui assumais la garde à ce moment-là et, normalement, je n'aurais pas été

2 requis de le faire. Mais le commandant m'a demandé personnellement de m'y

3 rendre moi-même, étant donné que j'étais peut-être la personne qui en

4 savait le plus sur cette situation au sein du monastère. La seule raison

5 pour laquelle j'ai accompagné le prêtre était afin de constater les dégâts

6 à l'intérieur du monastère. Mais, contrairement aux bruits qui circulaient,

7 le monastère n'avait pas été incendié.

8 Q. Est-il vrai que l'enquête, qui a été effectuée ultérieurement, a prouvé

9 que la fumée que l'on pouvait voir au-dessus de Guca Gora provenait de

10 fumée dans des -- qui venait de villages abandonnés -- venait de fumée qui

11 venait de Guca Gora, qui, effectivement, avait été incendiée, et non pas du

12 monastère ?

13 R. C'est tout à fait possible. Si l'observateur, par exemple, ne

14 connaissait pas bien la zone où s'il n'avait pas eu la possibilité de

15 regarder -- de visualiser tout cela grâce à des jumelles, il est tout à

16 fait probable que de la fumée qui s'échappait de Bandol, qui se trouvait au

17 sud de Guca Gora, pouvait être interprétée par quelqu'un qui se trouvait en

18 -- positionné encore plus au sud, comme étant de la fumée qui venait de

19 Guca Gora. Alors, c'est mon point de vue, bien que je ne me sois pas trouvé

20 sur place.

21 Q. Commandant, vous avez fourni une réponse détaillée portant sur les

22 dégâts, que vous avez vus à Guca Gora, à la suite d'opérations de guerre,

23 menées à bien à Guca Gora, Grahovcici, ainsi qu'à Novo Selo. En réponse à

24 une question qui vous a été posée par M. le Juge, vous nous avez dit que

25 vous aviez eu une expérience précédente à Ahmici. Pourriez-vous nous dire

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1 quels sont les dégâts de guerre que vous avez pu constater à Guca Gora, à

2 Novo Selo, ainsi qu'à Grahovcici ? Est-ce que ce que vous avez vu était --

3 ressemblait à ce que vous avez vu à Ahmici ou à Bandol ?

4 R. C'était tout à fait différent. La situation à Ahmici, ainsi qu'à Bandol

5 était comme suit : de toute évidence, il y avait eu des tentatives qui

6 avaient été faites pour détruire systématiquement, dans le cas de Bandol,

7 l'ensemble du village et, dans le cas d'Ahmici, des maisons qui avaient

8 été, auparavant, occupées par des Musulmans. Ce qui signifie que toutes les

9 maisons d'Ahmici n'avaient pas été détruites. Les maisons, qui étaient des

10 maisons occupées par des familles de Croates, n'avaient pas été incendiées

11 de la même façon. Alors qu'à Grahovcici, à Novo Selo et à Guca Gora

12 également, les dégâts, que j'ai pu constater, étaient des dégâts qui

13 étaient le résultat de scènes de combats et de scènes de pillages peut-

14 être, mais il ne s'agissait pas d'un effort concerté mené à bien pour

15 incendier l'ensemble du village. Là, je n'ai vu dans aucun de ces trois

16 villages.

17 Q. Commandant, à une question qui vous a été posée par M. le Juge, vous

18 nous avez dit également qu'il était quasiment usuel, après des opérations

19 de guerre, qu'il y ait des opérations de pillages, et même de pillages sur

20 une grande échelle. Est-ce bien exact ?

21 R. Oui, c'est exact. Les pillages auxquels nous avons assisté, dans

22 l'ensemble de la zone de la Bosnie centrale, étaient des pillages qui

23 commençaient de façon sporadique, ce que j'appelle des pillages

24 opportunistes. Il s'agissait de l'arsène [phon], de vols d'objets peu

25 importants, à savoir, quelqu'un qui s'introduisait dans une maison et qui y

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1 volait une montre ou un tableau, par exemple. L'étape suivante consistait à

2 ce que les civils -- la population civile, qui se déplace dans la zone et

3 commence à emporter des choses plus volumineuses, des choses que l'on

4 pouvait transporter dans une brouette ou qu'ils pouvaient porter sur leur

5 dos ou porter à deux. Enfin, l'étape finale correspondait à un effort

6 beaucoup plus concerté. Il s'agissait d'obtenir des véhicules et des

7 tracteurs et de faire en sorte qu'ils arrivent sur la zone pour pouvoir y

8 entreposer et transporter des objets tels que des réfrigérateurs, des

9 meubles volumineux, tel qu'un canapé, par exemple, des voitures

10 automobiles, et tout autre chose qui aurait pu être enlevé à cette zone.

11 Q. Commandant, vous avez également été témoin d'une situation suivant

12 laquelle le commandant du 3e Corps ou un autre commandant, a véritablement

13 déposé des efforts pour prévenir ce genre de situation, et pour appréhender

14 et arrêter les personnes qui participaient aux pillages. Toutefois, du fait

15 de l'ampleur de ces pillages, cela n'a pas toujours été possible. Etiez-

16 vous au courant de ce fait ?

17 R. Je n'étais pas mis au courant directement des directives émises par le

18 3e Corps ou le quartier général du HVO, qui aurait voulu arrêter les

19 pillages. Ce n'est pas parce que je ne l'ai pas vu moi-même, que cela ne

20 s'est pas passé. Nous avons constamment insisté sur le fait qu'il fallait

21 indiquer que les commandants locaux, à tous les niveaux, devaient être vus

22 par les médias internationaux comme indiquant que cela créait une mauvaise

23 impression, qu'il fallait absolument décourager les gens de se conduire de

24 la sorte.

25 Q. Commandant, une toute dernière question. Les ordres émis par l'armée,

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1 par le 3e Corps, par les brigades et par les groupes opérationnels,

2 n'étaient pas donnés à la FORPRONU; ce qui fait que vous n'avez pas

3 toujours été à même de prendre connaissance de la teneur des ordres

4 délivrés par ces commandants. Est-ce exact ?

5 R. C'est à moitié exact, car mon expérience m'a prouvé que les ordres

6 arrivaient à la FORPRONU, si ces ordres permettaient de voir d'un bon œil

7 les personnes qui livraient ces ordres. Je vais vous donner un exemple à

8 titre d'illustration, par exemple, un ordre suivant lequel les véhicules de

9 la FORPRONU devraient avoir le libre passage, ou la libre circulation dans

10 une zone, ce genre d'ordre était amené à la FORPRONU. Dans la réalité, sur

11 le terrain, les choses étaient un tant soit peu différentes.En ce qui nous

12 concerne, les commandants, quel que soient d'ailleurs leurs niveaux,

13 faisaient les choses d'idoine, et étaient perçus comme respectant les

14 accords conclus avec les Nations Unies. Toutefois, si un ordre militaire

15 était un ordre purement militaire, ou si l'auteur ne souhaitait pas que les

16 Nations Unies prennent connaissance de la teneur de cet ordre, alors de

17 toute évidence, il ne les transmettait pas à la FORPRONU.

18 Q. En dernier lieu, ma toute dernière question, lors de la conversation

19 avec mon co-conseil, vous avez confirmé le fait que vous saviez que le 3e

20 Corps a pris des dispositions pour empêcher des pillages à grand échelle,

21 des pillages menés à bien par les soldats et la population civile. Pouvez-

22 vous le confirmer ?

23 R. Je crois que j'ai confirmé que je savais que ce genre d'instruction

24 avait été donné. Je sais qu'il existe une différence fondamentale entre

25 l'émission d'une instruction, la mise en pratique de cet ordre et la

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1 vérification de cet ordre. Dans l'armée britannique, notre procédure est

2 que, si vous délivrez un ordre, il vous appartient à vous, en tant que

3 commandant, de prendre les garanties suffisantes pour que cet ordre soit

4 exécuté. Le simple fait d'émettre un ordre, ne peut pas être considéré

5 comme signifiant que l'ordre a été exécuté. Vous devez non seulement donner

6 l'ordre et faire en sorte d'assurer les suivis de cet ordre.

7 Je vous remercie, Commandant, pour ces explications supplémentaires.

8 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

9 Nous n'avons pas de questions supplémentaires.

10 M. MUNDIS : [interprétation] L'Accusation n'a pas de questions

11 supplémentaires non plus à poser.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Commandant, nous vous remercions d'avoir

13 témoigné pendant deux jours. Vous avez répondu de manière très précise et

14 complète aux questions qui vous ont été posées, tant par l'Accusation, que

15 les Défenseurs et les Juges. Nous vous remercions d'avoir contribué à la

16 manifestation de la vérité. Nous vous souhaitons un bon retour dans votre

17 pays. Nous vous souhaitons également une bonne réussite professionnelle

18 dans vos différentes activités internationales, telles que vous les avez

19 mentionnées tout au début de votre interrogatoire, en rappelant tous les

20 pays où vous avez apporté votre concours.

21 Nous vous remercions. Je demande à Mme l'Huissière de bien vouloir vous

22 raccompagner à la porte de la salle d'audience.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.

24 [Le témoin se retire]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers M. Withopf pour l'audience de

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1 demain matin. Avons-nous un témoin ?

2 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

3 Juges, demain l'Accusation présentera le témoin Cameron Kiggell. Il est

4 d'ailleurs à notre disposition maintenant. Nous croyons comprendre que

5 l'audience va être levée, ce qui signifie que ce témoin comparaîtra demain.

6 Le troisième témoin pour cette semaine est arrivé. Il pourra comparaître,

7 mais il ne comparaîtra pas avant jeudi.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Demain, mercredi, nous aurons ce témoin à la

9 disposition de la Chambre. Y a-t-il de la part de la Défense d'autres

10 observations, pas de remarques, ni de la part de l'Accusation ?

11 Je vous remercie. Je vous invite à revenir pour l'audience de demain qui

12 débutera à 9 heures.

13 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 24 mars

14 2004, à 9 heures.

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