International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 22 avril 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

7 s'agit de l'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et

8 Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Madame la Greffière.

10 Pourrions-nous avoir l'Accusation de bien vouloir se présenter ?

11 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

12 Madame, Monsieur les Juges. Je suis le représentant de l'Accusation. Mon

13 nom est Ekkehard Withopf et j'ai à mes côtés M. Mundis.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Withopf.

15 Les Défenseurs, s'il vous plaît.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

17 Madame, Monsieur les Juges. Pour la Défense du général Hadzihasanovic,

18 Edina Residovic, Stéphane Bourgon et Mirna Milanovic, notre assistante

19 juridique. Merci.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

21 Monsieur, Madame les Juges. Pour la Défense de M. Kubura, M. Fahrudin

22 Ibrisimovic, M. Dixon et Nermin Mulalic, notre assistant juridique.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Chambre salue toutes les personnes

24 présentes, M. Mundis, M. Withopf, les avocats, les accusés, ainsi que tout

25 le personnel de la salle d'audience sans oublier les interprètes et Mme le

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1 sténotypiste, ainsi qui les agents de surveillance.

2 Hier, nous avons pris du retard puisqu'un témoin qui était prévu sur un

3 jour. Son audition a duré deux jours. On va essayer de rattraper le retard.

4 Nous avons, aujourd'hui, un nouveau témoin. Monsieur Withopf, pouvez-vous

5 nous présenter ce témoin qui va être appelé ?

6 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

7 Juges, pour la journée d'aujourd'hui, nous allons entendre un premier

8 témoin qui s'appelle Peter Williams.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vais demander à Mme l'Huissière d'aller

10 chercher ce témoin.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

13 entendez bien, dans votre langue, la traduction de mes propos. Si c'est le

14 cas, vous me dites que vous m'entendez.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité comme témoin de l'Accusation

17 enfin que votre témoignage soit aujourd'hui recueilli. Pour ce faire, je

18 dois vous identifier. Je vous demande de me donner votre nom et prénom.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Peter, et mon nom de famille est

20 Williams.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Donnez votre date de naissance.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 25 juin 1951.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes né dans quelle localité et dans quel

24 pays ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né en Windsor, en Angleterre.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre fonction actuelle, ou profession

2 actuelle ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis chef de la Mission de liaison de

4 l'OTAN à Moscou.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, quelles étaient, à l'époque, vos fonctions

6 et qualités ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993, j'étais commandant du 1er Bataillon

8 des Coldstream Guards qui servaient en Bosnie centrale.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant une juridiction sur

10 les faits s'étant déroulés au Bosnie-Herzégovine en 1993, ou c'est la

11 première fois que vous témoignez devant une juridiction ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà témoigné une fois auparavant,

13 Monsieur.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Devant ce Tribunal ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous souvenez-vous dans quelle affaire ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le procès de Dario Kordic.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien lire le texte relatif à

19 votre prestation de serment.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

23 LE TEMOIN : PETER GAGE WILLIAMS [Assermenté]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la mesure où vous avez déjà témoigné, les

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1 éléments d'information que j'allais vous apporter vont être assez

2 succincts. Comme je le disais tout à l'heure, vous êtes un témoin de

3 l'Accusation. Les représentants de l'Accusation sont situés à votre droite.

4 A la suite de l'interrogatoire principal qui va être mené par le

5 représentant de l'Accusation, les avocats de la Défense, qui sont situés à

6 votre gauche, vous poseront des questions. La nature des questions posées

7 par la Défense risque d'être différente par rapport aux questions posées

8 par l'Accusation.

9 Devant vous, vous avez trois Juges qui pourront, au moment où ils

10 l'estimeront portant, vous poser également des questions, soit afin de

11 clarifier vos réponses faites aux questions des uns et des autres, ou pour

12 combler des insuffisances que les Juges auraient pu constater.

13 Par ailleurs, vous avez prêté serment de dire toute la vérité, ce qui

14 exclut tout faux témoignage. Par ailleurs, je dois rappeler un élément,

15 mais qui ne doit pas s'appliquer à vous, c'est que, lorsqu'un témoin fait

16 une déposition, s'il est amené à fournir des éléments qui pourraient un

17 jour servir à charges contre lui, le témoin peut refuser de répondre. Dans

18 notre procédure qui nous régit, le Chambre peut, à ce moment-là, obliger le

19 témoin à répondre, en lui garantissant une forme d'immunité. Voilà de

20 manière générale le déroulement de cette audience qui va s'opérer dans

21 quelques minutes.

22 Essayez de répondre, de la manière la plus complète, aux questions posées

23 car nous sommes dans le cadre d'une procédure orale, et les Juges n'ont,

24 devant eux, au moment où les questions vous sont posés -- n'ont pas des

25 documents écrits au moment où vous êtes interrogé. Voilà l'importance des

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1 réponses que vous apportez aux questions qui sont destinées à la

2 manifestation de la vérité.

3 Je me tourne vers les représentants de l'Accusation, et je vais donner la

4 parole à M. Mundis, qui je salue à nouveau.

5 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

6 Monsieur les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes dans ce

7 prétoire.

8 Interrogatoire principal par M. Mundis :

9 Q. [interprétation] Monsieur, il y a quelques minutes, vous nous avez dit

10 que vous êtes à présent chef de la Mission militaire de l'OTAN à Moscou.

11 Est-ce que cela signifie que vous êtes un civil ou un militaire ?

12 R. Je suis toujours membre de l'Armée britannique.

13 Q. Quel est votre grade ?

14 R. Je suis général de Corps d'armée.

15 Q. Monsieur Williams, dites-nous quelque chose au sujet de votre carrière

16 militaire depuis l'entrée dans l'armée à ce jour ?

17 R. J'ai rejoint les rangs de l'Armée britannique en 1972, et en quittant

18 l'université, les rejoint les rangs des Coldstream Guards, ce qui est une

19 Unité d'Infanterie, et j'ai servi tous le temps dans ce régiment depuis.

20 J'ai servi outre-mer au Sultanat d'Oman, à Hong Kong, à plusieurs reprises

21 en Allemagne, en Belgique. J'ai passé une année en Australie. J'ai été

22 commandant des effectifs en Irlande du Nord, et dans les Balkans.

23 Q. Monsieur, en 1993, votre unité -- ou une partie de cette unité, a-t-

24 elle été affectée en service en Bosnie ?

25 R. Le bataillon tout entier, que je commandais, se trouvait en service en

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1 Bosnie à compter du 12 novembre 1993 ou début novembre 1993 jusqu'au début

2 du mois de mai 1994.

3 Q. Pendant ce service depuis novembre 1993 au début mai 1994, quelle avait

4 été votre qualité au sein de ce bataillon ?

5 R. J'ai été commandant du bataillon et j'étais installé à Vitez.

6 Q. Une fois de plus, pour les besoins du compte rendu d'audience, comment

7 s'appelait le bataillon que vous commandiez en Bosnie ?

8 R. Le 1er Bataillon du régiment des -- de la Garde Coldstream.

9 Q. Merci, Général. Pouvez-vous me dire quel est l'entraînement ou le

10 briefing de formation que vous avez reçu, et que votre unité avait dispensé

11 avant votre déploiement en Bosnie, en novembre 1993 ?

12 R. L'unité que je commandais était une Unité d'Infanterie blindée, et nous

13 avons eu un entraînement dans la première moitié de l'année 1993. Il

14 s'agissait, en fait, de convertir notre bataillon pour en faire une Unité

15 d'Infanterie assistée par des blindés. En mai 1993, nous avons été informés

16 que nous serions le troisième Bataillon britannique à être envoyé en Bosnie

17 et, par la suite, avec cet entraînement d'infanterie assisté des blindés,

18 nous avons eu un entraînement spécialisé pour nous préparer à notre mission

19 en Bosnie.

20 Q. Dites-nous quels avaient été les aspects de cette formation

21 spécialisée, qui vous était dispensée avant votre départ.

22 R. Il s'agissait d'un entraînement spécialisé qui a été mis au point par

23 les militaires britanniques et les autorités qui s'est fondée sur notre

24 expérience en Irlande du Nord afin que les officiers et les soldats aient

25 des informations de fond adéquates pour ce qui est de l'habileté à négocier

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1 et des autres capacités nécessaires pour la Bosnie.

2 Q. Avez-vous été informé au sujet de la situation sur le terrain en

3 Bosnie, sur les parties au conflit en Bosnie, et cetera, avant votre

4 déploiement ?

5 R. Nous avons obtenu plusieurs informations de ce type. Certaines

6 informations étaient dispensées à l'intention de toutes les troupes pour

7 qu'elles soient sensibilisées à la situation de la Bosnie-Herzégovine, et

8 des informations plus détaillées ont été fournies aux officiers et à ceux

9 qui étaient censés traiter de l'information et du renseignement militaire.

10 C'est l'expression qui était utilisée à l'époque, mais c'est ce que l'on

11 entend par "renseignement."

12 Q. Général Williams, quelles sont ces informations militaires dont vous

13 êtes en train de parler ? Que faisait-on de ces informations ? Comment les

14 compilaient-on, et cetera ?

15 R. Les renseignements que l'on obtenait et qui était mis à la disposition

16 du bataillon, ont été recueillis de la part des unités et des bataillons

17 qui se trouvaient sur le terrain en Bosnie centrale. Dans le bataillon lui-

18 même, il me semble que nous avions une dizaine d'officiers de liaison, des

19 officiers qui étaient essentiellement capitaines. Leur zone de

20 responsabilité se situait au niveau du terrain et discussions des autorités

21 militaires des parties au conflit et autres responsables civils, pour

22 essayer de recueillir des informations sur ce qui se passait sur le

23 terrain. La finalité de la collecte de ces informations-là consistait à

24 fournir aux autorités du bataillon, en d'autres termes à moi-même,

25 suffisamment de renseignements pour que nous puissions juger exactement des

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1 besoins humanitaires, tâche humanitaire qui avait été notre tâche

2 principale.

3 Q. Monsieur, nous allons revenir à cette tâche de collecte des

4 informations un peu plus tard. Avant que de ce faire, je voudrais vous

5 poser quelques autres questions. Est-ce que ce 1er Bataillon de ce régiment

6 Coldstream Guards a remplacé un autre bataillon britannique une fois arrivé

7 en Bosnie en novembre 1993 ?

8 R. Oui, en effet. Comme je vous l'ai dit, nous avons été le troisième

9 bataillon britannique à se trouver sur le terrain en Bosnie. Il y avait

10 d'abord le régiment du Cheshire, et nous avons remplacé le Prince of Wales,

11 régiment du Yorkshire.

12 Q. Quelle avait été la zone de responsabilité de ce

13 1er Bataillon, de ce régiment Coldstream Guards, à savoir, de ce Bataillon

14 britannique à l'époque où votre unité s'est trouvée sur le terrain ?

15 R. La zone de responsabilité allait du sud depuis la frontière de la

16 Bosnie-Herzégovine et la Croatie jusqu'à Tomislavgrad et jusqu'à la région

17 entre Gornji Vakuf et Bugojno, et au nord entre Travnik et Vitez et Zenica.

18 Par la suite, la zone a été élargie au-delà de cet axe en direction de

19 Maglaj.

20 Q. A l'époque où votre bataillon a été déployé en Bosnie, pouvez-vous nous

21 dire brièvement combien de gens vous aviez à votre disposition, quelle

22 avait été leur organisation dans les unités à un niveau plus bas, et quel

23 était le type d'équipement que vous aviez à votre disposition ?

24 R. Le bataillon était un groupe et non pas un bataillon entier en tant que

25 tel, parce qu'en sus des trois Compagnies d'Infanterie et de soutien, nous

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1 avions également un peloton de Dragoons et un détachement de

2 reconnaissance.

3 Q. Quel était le nombre d'effectifs que vous aviez ainsi que quel

4 équipement aviez-vous à votre disposition ?

5 R. Les effectifs variaient. Nous étions entre 700 et 750 en tout temps.

6 Nous avions quelque 50 officiers. Le bataillon disposait de véhicules

7 blindés, des Warriors qui pèsent 27 tonnes chacun. L'unité de

8 reconnaissance avait été équipée de véhicules de marque Scimitar, qui sont

9 des véhicules légers sur chenilles.

10 Q. Monsieur, pouvez-vous nous dire brièvement quelle avait été la mission

11 primaire de votre bataillon à l'époque, et quelles avaient été les

12 composantes autres de votre mission ? Que faisiez-vous, en d'autres

13 termes ?

14 R. La Mission du bataillon, ce qui est étrange c'est que nous ne nous

15 sommes pas vus assignés de mission tout à fait concrète, mais la mission

16 que nous avons héritée du bataillon précédent avait consisté à créer des

17 conditions et des préalables pour la fourniture de l'aide humanitaire en

18 Bosnie centrale, et de procéder à la distribution de cette aide

19 humanitaire.

20 Q. Vous nous avez déjà indiqué que vous receviez du renseignement

21 militaire des officiers, de la part des officiers de liaison et d'autres

22 sources. Dites-nous brièvement, comment ces informations vous parvenaient à

23 vous-même ? En d'autres termes, comment les informations étaient transmises

24 le long de la chaîne de commandement, comment avez-vous procédé à un retour

25 d'information vers les unités de votre bataillon ?

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1 R. Si je peux le dire, je dirais que nous ne recevions rien d'au-dessus, à

2 savoir, du commandement supérieur au niveau du quartier général des Nations

3 Unies. Toutes les informations dont nous avions besoin, il fallait les

4 collecter nous-mêmes. Les moyens principaux de collecte des informations

5 étaient cette dizaine d'officiers de liaison, qui étaient là à coopérer

6 étroitement avec les commandements, notamment, au niveau des brigades des

7 parties au conflit, et de la part des chefs de compagnie qui étaient censés

8 gérer la crise au mieux en se rendant sur les sites des incidents. Leur

9 mission consistait à essayer de négocier, notamment, pour ce qui est de la

10 traversée des lignes de front. Il y avait d'autres organisations : il y

11 avait une mission d'observation militaire des Nations Unies, et il y avait

12 une mission d'observation de la Communauté européenne. Notre objectif était

13 de tout rassembler. On faisait cela à la fin de la journée. Nous tenions

14 des réunions vers 18 heures. L'objectif était de rassembler, de mettre à un

15 seul et même endroit toutes les informations, d'en discuter. Les officiers

16 d'informations militaires étaient là pour prendre note de toutes ces

17 informations pour en faire un sommaire ou un résumé d'informations que l'on

18 appelait milinfosum, qui était transmis à la chaîne de commandement

19 supérieur des Nations Unies.

20 Q. Vous nous avez dit, Monsieur, que vous ne receviez pas d'information de

21 vos supérieurs de l'état-major des Nations Unies. Receviez-vous quelque

22 type de briefing ou d'information en provenance du commandement supérieur

23 de ce régiment Prince of Wales ?

24 R. Oui, nous avons reçu une passation des fonctions,

25 c'est-à-dire que nous avons été sur le terrain avant l'arrivée du bataillon

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1 sur le terrain, cinq ou sept jours avant.

2 Q. Vous souvenez-vous du type d'information que vous avez reçu pendant la

3 passation de fonctions concernant les parties au conflit qui se trouvaient

4 dans le secteur de responsabilité qui était couvert par votre bataillon ?

5 R. La situation était des plus complexes. Une fois arrivé, vers le 10

6 novembre, il y a eu un état de crise, parce qu'il n'y avait pas d'aide

7 humanitaire. Je crois qu'un Norvégien s'était fait tué en fin octobre, au

8 sud de Vitez dans un convoi. La situation était des plus confuses. Il

9 existait des cartes qui étaient marquées, qui indiquaient quelle était la

10 situation telle que vue par cette unité du Prince of Wales. Ceci nous

11 indiquait l'emplacement des unités dans les différentes régions. La

12 situation était confuse mais, nonobstant ce fait, nous avons estimé

13 disposer de suffisamment d'informations pour apporter des jugements

14 raisonnables.

15 Q. Monsieur, une fois que vous êtes arrivé, quelles étaient les factions

16 ou les parties au conflit qui intervenaient dans votre zone de

17 responsabilité ?

18 R. Les parties principales avec qui nous avons eu à traiter, ont été

19 l'ABiH et le HVO, à savoir, les forces croates. L'armée des Serbes de

20 Bosnie se trouvait également dans le secteur. Elle s'était installée dans

21 le secteur de Travnik et de Turbe, mais elle n'avait pas influée sur la

22 réalisation de notre mission principale, à savoir, le fait d'assurer un

23 passage sûr pour le convoi en provenance de Split, en passant par

24 Tomislavgrad pour arriver à Gornji Vakuf et Vitez, et pour finir au dépôt

25 de distribution à Zenica.

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1 Q. Général, en sus de vos tâches en corrélation avec l'aide humanitaire, y

2 a-t-il eu d'autres questions qui sont survenues au courant du premier mois

3 ou du premier mois et demi en Bosnie, qui n'ont pas fait partie de votre

4 mission, mais dont il fallait forcément traiter ?

5 R. Nous nous sommes efforcés, au maximum, de ne pas être impliqués dans

6 des questions qui n'avaient rien à voir avec notre mission principale, à

7 savoir, la nécessité d'assurer un passage ou une distribution sûre de cette

8 aide humanitaire en Bosnie centrale. J'entends que j'insistais sur la

9 nécessité de ne pas être impliqués dans la guerre, parce que ce n'était pas

10 une guerre à nous.

11 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre de première instance ce que vous avez

12 fait personnellement, lorsque vous vous trouviez sur le terrain ? Est-ce

13 que vous vous trouviez essentiellement au commandement, ou est-ce que vous

14 vous déplaciez sur le terrain ? Qu'avez-vous fait dans le courant de ces

15 six mois du déploiement qui a été de votre unité en Bosnie ?

16 R. Je dois dire clairement que j'avais une équipe compétente dans ce QG de

17 Vitez. Cela m'a permis de me déplacer pratiquement au quotidien. J'ai

18 beaucoup voyagé dans le secteur du bataillon. J'ai visité les compagnies.

19 J'ai rendu visite aux commandants des parties au conflit, pour me faire une

20 impression sur ce qui se passait pour être à même de négocier pour ce qui

21 est de ce libre passage de l'aide humanitaire.

22 Q. Pendant que vous vous déplaciez sur le terrain, avez-vous procédé à une

23 compilation d'autres types d'information ?

24 R. Bien entendu. A chaque fois que je me déplaçais pour des réunions, je

25 prenais des notes. Avant les réunions même, je notais les sujets dont je

Page 5913

1 voulais parler à mes interlocuteurs. Par la suite, je rédigeais des notes

2 pour avoir un aide-mémoire au sujet de ce qui s'était passé dans le courant

3 de ces réunions afin qu'à la réunion de 18 heures du soir, afin que je

4 puisse, à cette réunion-là, informer les autres et rédiger le milinfosum.

5 Q. Après ces petites notes, qu'avez-vous fait vous-même ?

6 R. J'avais mes carnets de notes. A la fin de chaque journée, je rédigeais

7 une sorte de journal au quotidien, pour me rappeler les principaux

8 événements de la journée. Cela m'a été conseillé par le commandant du 1er

9 Bataillon britannique. Il s'agissait du colonel Bob Stewart. Il s'agissait

10 du Régiment du Cheshire, pour que l'on puisse structurer ces informations

11 par la suite.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais, avec

13 l'assistance du l'Huissier, que soit montrer au témoin la pièce PTW3085.

14 Q. Vous avez devant vous un document marqué PTW3085. Est-ce que vous

15 reconnaissez ce document ?

16 R. Oui.

17 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre ce qu'est ce document ?

18 R. Ce document est un document que j'ai compilé en 1995, lorsque je

19 faisais un travail pas très spectaculaire au ministère de la Défense, en

20 1995. C'est en fait le résumé de ce que j'avais noté dans mon journal au

21 cours de la période de l'hiver en 1993/1994.

22 Q. Je comprends par votre réponse, que vous avez repris votre carnet

23 précédent, votre journal pour le faire, et vous l'avez transcrit.

24 R. Oui, c'est bien cela.

25 Q. Depuis la création de ce document en 1995, est-ce que vous avez eu la

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1 possibilité de le revoir ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que ceci, là encore, reflète exactement la situation telle que

4 vous l'avez notée en 1993 et au début de 1994 ?

5 R. Cela a été la tentative que j'ai faite de mon mieux pour essayer de

6 mettre ensemble un certain nombre de faits du mieux que j'ai pu m'en

7 souvenir. Non seulement à partir de mon journal, mais à partir d'autres

8 documents que j'avais conservés à l'époque.

9 Q. Je vous remercie, mon Général.

10 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande le

11 versement au dossier de la pièce PTW3085 comme élément de preuve.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon.

13 M. BOURGON : Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour,

14 Monsieur le Président.

15 Monsieur le Président, je me demandais pourquoi mon confrère utilisait ce

16 document, à quelle fin il présentait ce document au témoin. La Défense

17 croit qu'il n'y a pas lieu d'admettre ce document en preuve dans ce procès.

18 Nous sommes, Monsieur le Président, comme vous l'avez dit à plusieurs

19 reprises, au sein d'une procédure orale. Le témoin est là devant nous. Le

20 document proposé par l'Accusation, est un assemblage de notes personnelles,

21 un journal personnel, qui a été compilé, qui a été mis en ensemble au cours

22 des événements. Ce n'est, Monsieur le Président, même pas un journal

23 personnel, puisque c'est un résumé de plusieurs notes personnelles

24 compilées lors des événements, qui a été produit en 1995 soit plus de deux

25 ans après les faits. Tous les témoins qui se présentent devant cette

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1 Chambre, Monsieur le Président, sont des témoins qui ont compilé des notes

2 sous une forme ou sous une autre. Jamais on ne demande lorsqu'un témoin se

3 présente, à ce que le témoin dépose ses notes personnelles. Lorsqu'un

4 témoin vient devant cette Chambre pour témoigner oralement, il est là. Je

5 croyais que mon confrère voulait utiliser ce document afin de permettre au

6 témoin de se rafraîchir la mémoire; ce qui est tout à fait différent. La

7 Défense n'aurait eu, à ce moment-là, aucune objection.

8 Toutefois, en l'occurrence, on demande le dépôt, alors que nous avons la

9 source première d'information. Nous avons le témoin devant la Chambre, qui

10 peut dire vraiment ce qu'il a vu, ce qu'il sait et comment il a formé ses

11 opinions. Pourquoi déposer un document, alors que nous avons la source

12 première.

13 Qui plus est, Monsieur le Président, si on regarde la date des observations

14 qui sont contenues dans ce journal, le témoin parle rapidement de certains

15 événements qui se sont produits lors de la préparation de son bataillon

16 pour le déploiement en Bosnie. Ensuite, il passe à des événements qui sont,

17 pour la plupart, des événements qui se sont produits hors du champ de

18 compétence ratione temporis de l'acte d'accusation. Le témoin, Monsieur le

19 Président, est arrivé en Bosnie au mois de novembre 1993. L'acte

20 d'accusation se termine le

21 4 novembre 1993 pour l'accusé Kubura. Pour l'accusé que je représente, se

22 termine le 31 octobre ou le 1er novembre, date à laquelle ses fonctions ont

23 cessé.

24 Pour des questions d'application dans le temps, pour des questions,

25 Monsieur le Président, que ce sont des notes alors que nous avons le vrai

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1 témoin devant la Chambre qui peut donner sa vraie opinion devant nous, nous

2 ne croyons pas qu'il soit utile à la Chambre de pouvoir tirer un quelconque

3 bénéfice d'avoir ces notes ultérieurement au témoignage de l'accusé.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à l'Accusation pour

5 qu'elle réplique aux observations faites par la Défense, la Chambre

6 constate que ce document est un document qui a été élaboré par le témoin

7 qui est présent en ce jour. Ce document commence le

8 30 décembre 1992 et va jusqu'à la dernière date qui est la période du 14 au

9 20 mai 1994. Comme l'a indiqué la Défense, il y a des mentions de périodes

10 qui ne sont pas dans l'acte d'accusation et, par ailleurs, qui concernent

11 le période où le témoin n'était pas présent sur place, ce document ne peut

12 être utile que pour la période du novembre 1993 à mars 1994. De l'avis de

13 la Chambre et de son président, il apparaît que la Défense demande le

14 versement de ce document, même que les questions, qui pouvaient être

15 utilement posées, et ce document ait également être produit afin de

16 rafraîchir la mémoire, n'ont pas été posées.

17 Est-ce que la Défense avait l'intention de poser des questions sur des

18 phrases figurant dans ce document ? La démarche la plus logique, sur point

19 juridique, aurait été de poser des questions à l'intéressé sur la période

20 indiquée dans ce document, l'intéressé aurait pu confirmer ou affirmer les

21 mentions figurant dans le document et, ensuite, vous auriez demandé le

22 versement. Je redonne la parole à Mundis pour lui demander de me répondre

23 sur le point de savoir s'il avait l'intention de poser des questions au

24 témoin sur des mentions du document ou s'il voulait poser d'autres

25 questions en nous disant, ce qui a de son document, je demande le versement

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1 définitif.

2 Monsieur Mundis.

3 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, avant que je réponds à

4 la fois à vos questions, et à celles de mon confrère de la Défense de M.

5 Hadzihasanovic, peut-être que nous devrions entendre également le point de

6 vue de la Défense pour M. Kubura, s'ils ont des observations à faire.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne également vers Monsieur Dixon, qui est

8 --

9 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur

10 les Juges. J'attendais à ce qu'à l'Accusation avait des dires d'abord, en

11 ce qui concerne l'utilisation du document, la façon dont ils l'utilisait,

12 parce que je crois qu'il serait préférable que ce document, à ce stade,

13 reçoit simplement un numéro provisoire aux fins d'identification, et que

14 l'on puisse poser des questions au témoin. A ce moment-là, il sera possible

15 de prendre une décision, dépendant de ses réponses, pour savoir s'il est

16 nécessaire que ce document soit admis, et le témoin a des questions qui lui

17 seront posées en ce qui concerne la période, ce qui est inévitable, comme

18 Maître Bourgon l'a dit, les meilleurs preuves seront évidemment les preuves

19 orales que le témoin soit capable de donner. S'il est nécessaire, à ce

20 moment-là, de se référer à un journal, de façon de se rafraîchir la

21 mémoire, à ce moment-là, cela doit être fait sur la demande de

22 l'Accusation, à ce stade. On verra s'il est nécessaire que les parties de

23 ce document soient versées au dossier, selon ce que seront ces réponses.

24 Ceci doit être une voie empruntée.

25 Le danger de verser ce document dans son ensemble, comme vous l'avez

Page 5918

1 indiqué, est, premièrement, qu'il couvre une période qui n'est pas visée

2 par l'acte d'accusation, pour commencer. Deuxièmement, que cela devient, à

3 ce moment-là, un document pro demo [phon], en ce sens, que le témoin, dans

4 sa déposition orale, sera, à ce moment-là, étayée par le document, et vice

5 versa. D'habitude, en "common law" -- dans les juridictions de "common

6 law", un document sert simplement à confirmer les éléments de preuve que le

7 témoin peut donner, et il n'est pas normalement admissible. C'est pour

8 cette raison que nous suggérons que ce document reçoive un numéro

9 provisoire pour qu'ensuite, une décision puisse être prise à ce sujet, pour

10 voir s'il y a lieu de l'admettre ou non comme élément de preuve. Je vous

11 remercie, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

13 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

14 juste faire quelques observations préliminaires, si vous me le permettez.

15 Avant de poursuivre, il est clair que l'Accusation n'a pas l'intention de

16 se fonder sur les documents qui sont contenus dans ce journal après mars

17 1994, c'est-à-dire, en ce qui concerne les documents portants sur la

18 période au-delà de l'acte de l'Accusation, tant en ce qui concerne les deux

19 accusés.

20 Deuxièmement, le journal en question, évidemment, a des renseignements

21 notés, de façon contemporaine, à savoir, notés par le témoin à l'époque, et

22 qui ceci a été dactylographié seulement par la suite. L'Accusation pense

23 que ceci travaille comme élément de cœur, ce que le témoin a vécu sur une

24 base quotidienne, et c'est pour cette raison, Monsieur le Président, qu'il

25 pourrait être y avoir certains aspects de ce journal, qui seront plus

Page 5919

1 détaillés ou peut-être plus précis, que ce que la mémoire pourra lui

2 rappeler dix ans -- quelques dix ans après les éléments en question.

3 Troisièmement, Monsieur le Président, en fait, l'Accusation posera des

4 questions au témoin -- des questions supplémentaires, certaines qui sont

5 couvertes par ce journal, et c'est la raison pour laquelle l'Accusation

6 serai d'accord pour une procédure par laquelle le document recevrait

7 simplement un numéro provisoire aux fins d'identification, et non pour

8 discuter l'admissibilité du document, peut-être à la fin de la déposition

9 de ce témoin.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro aux fins d'identification,

11 Madame le Greffière.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, c'est le

13 document P107, numéro aux fins d'identification.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Poursuivons, Monsieur Mundis.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Si ce document n'a pas été repris au témoin,

16 je demanderais, à ce moment-là, que l'on puisse -- non, non, non pas qu'on

17 lui montre, je voulais simplement qu'on lui reprenne éventuellement. Je

18 vous remercie.

19 Je vais demander que l'on montre au témoin le document P378.

20 Q. Général, vous avez devant vous la pièce à conviction P378. Est-ce que

21 vous connaissez ce document ?

22 R. Oui.

23 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce qu'a fait ce document ?

24 R. Ce document est une évaluation faite par la cellule du 1er Bataillon, en

25 ce qui concerne la formation militaire du Bataillon des Gardes de

Page 5920

1 Coldstream. Cela a été effectué par le capitaine Burrows, officier chargé

2 de l'information militaire. Je crois que c'est son nom, qui est indiqué --

3 et le corporal -- sergent Brown, qui a été fait pour le capitaine Burrows,

4 qui a été son chef. C'est une compilation de -- une évaluation des

5 renseignements, basée au niveau tactique, des renseignements réunis par nos

6 prédécesseurs -- les bataillons prédécesseurs effectivement, les Gardes de

7 Coldstream, pendant la période initiale de notre séjour en Bosnie centrale.

8 Il essaie de donner une structure et de la substance à l'organisation de ce

9 3e et 6e Corps de l'ABiH, compte tenu que ces organisations n'étaient -- ne

10 présentaient pas nécessairement les renseignements de ce type.

11 Q. Quel était le but, Général, de produire ce document, qui porte document

12 le numéro P378 ?

13 R. Le but était d'essayer d'évaluer quelles étaient les capacités de

14 combat de l'ABiH vers les formations, qui se trouvaient dans la région de

15 Vitez, qui était la région de notre responsabilité pour notre bataillon.

16 Q. Est-ce que vous savez, au cours de cette période, qui va plus

17 particulièrement de novembre 1993 à décembre 1993, quelles Unités de l'ABiH

18 se trouvaient à Vitez et autours de Vitez ?

19 R. Ce document est le meilleur renseignement que nous puissions avoir à ce

20 sujet, et que j'aurais aujourd'hui en ce qui concerne ces unités.

21 Q. Pendant la période où vous étions en Bosnie, combien a-t-il eu

22 d'interaction -- de rapport avec les chefs, soient du HVO, des Unités du

23 HVO, ou de l'ABiH, les Unités de l'ABiH qui se trouvaient dans votre

24 secteur ?

25 R. Avec les chefs du 3e Corps, par exemple, j'estimerais que j'ai

Page 5921

1 rencontré le général Alagic peut-être une vingtaine de fois au cours des

2 six mois où je me suis trouvé en Bosnie centrale et, en revanche, avec le

3 HVO, probablement un nombre équivalent de fois soit avec le colonel

4 Blaskic, qui se trouvait là, ou avec son adjoint, le colonel Filipovic.

5 Q. Est-ce que vous savez ou est-ce que vous pourriez donner une

6 approximation sur le point de savoir si le général Alagic avait pris le

7 commandement du 3e Corps ?

8 R. Juste après mon arrivée -- je ne peux pas me rappeler la date sans me

9 référer à mon journal -- j'ai rencontré Alagic et Hadzihasanovic et

10 d'autres au QG du 3e Corps, et j'ai été informé du fait que ceci faisait

11 partie d'un processus de passation.

12 Q. Vous avez dit que vous avez peut-être à 20 reprises, au cours des six

13 mois en question, en Bosnie centrale, rencontré le général Alagic. Est-ce

14 que vous vous rappelez certaines des questions que vous avez discutées avec

15 le général Alagic et, en particulier, en ce qui concerne le premier mois ou

16 les deux premiers mois, c'est-à-dire, novembre et décembre 1993 ?

17 R. Les sujets principaux que j'ai évoqués avec lui et, effectivement, avec

18 son homologue croate, étaient les difficultés rencontrées, les problèmes

19 qu'il y avait à ouvrir la ligne de front, de façon à laisser arriver en

20 Bosnie centrale des convois qui attendaient à Metkovic d'organiser leur

21 passage ailleurs vers le sud.

22 Q. Est-ce que vous vous rappelez les entretiens qui ont eu lieu sur ces

23 questions principales, c'est-à-dire, les convois, et cetera et d'autres

24 sujets que vous avez traités -- évoqués ?

25 R. Il y avait de la nervosité compréhensible de la part, non seulement du

Page 5922

1 côté de l'ABiH, mais également des forces des Nations Unies, en ce qui

2 concerne la démolition potentielle de l'usine d'explosifs de Vitez. Il y

3 avait d'autres questions qui ont été évoquées, en particulier, la

4 disparition de M. Popovic.

5 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire pour la Chambre ce que vous

6 vous rappelez concernant la disparition de M. Popovic ?

7 R. M. Popovic, d'après mes souvenirs, était une personne parmi quatre qui

8 avaient été prises à Travnik et qui, en fait, ont disparu pendant un

9 certain temps. D'après mes souvenirs, on m'a donné un rapport de l'un de

10 mes officiers de liaison, qui m'a donné un rapport à ce sujet, pour essayer

11 de résumer ce que nous pensions savoir de la situation. J'ai reçu, ensuite,

12 une lettre, comme différentes autorités internationales, de la femme de M.

13 Popovic, demandant de l'aide pour faire libérer son mari.

14 Q. A la suite de cette lettre et des renseignements que vous avez obtenus,

15 notamment, par un de vos officiers de liaison, quelles mesures avez-vous

16 prises pour déterminer ce qui était arrivé à M. Popovic ?

17 R. J'ai évoqué la question avec le colonel Alagic -- il était, à ce

18 moment-là, colonel -- parce que je croyais qu'il fallait que cette question

19 soit discutée. Je ne connaissais pas les détails. Je pensais qu'il serait

20 en mesure de me donner certaines informations, et j'ai eu des bonnes

21 nouvelles en ce qui concernait l'état de M. Popovic -- j'espérais que ce

22 serait de bonnes nouvelles.

23 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous avez découvert ou ce que vous avez

24 pu déterminer sur la base de vos entretiens avec le colonel Alagic, en ce

25 qui concerne M. Popovic ?

Page 5923

1 R. Le colonel Alagic a reconnu qu'il connaissait Mme Popovic, que ce

2 n'était pas un inconnu pour lui, qui avait écrit cette lettre, mais il

3 n'était pas en mesure de me donner des nouvelles satisfaisantes concernant

4 l'état de M. Popovic. Même il a laissé entendre qu'il n'y aurait pas de

5 bonnes nouvelles le concernant, et qu'il préférait ne pas répondre à Mme

6 Popovic plutôt que d'avoir à lui mentir.

7 Q. Au cours de la dernière partie de votre tournée en Bosnie centrale,

8 est-ce que la question de M. Popovic a été évoquée à d'autres reprises ?

9 R. D'après mes souvenirs, non. Cela a été oublié. Je ne sais pas quel a

10 été le résultat final. J'ai des soupçons que, malheureusement, l'issue a

11 été triste.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander si

13 l'Huissière pourrait montrer au témoin trois documents, peut-être un seul à

14 la fois, les documents étant les pièces à conviction 379, 380 et 381,

15 pièces à conviction de l'Accusation.

16 Q. Peut-être pourrions-nous commencer avec le document 379. Général, vous

17 avez devant vous la pièce à conviction 379, pièce à conviction de

18 l'Accusation, qui a quatre pages. Est-ce que vous connaissez ce type de

19 document -- ces trois documents que nous présentons, en fait, comme la

20 pièce à conviction 379 ?

21 R. Oui.

22 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce que sont ces pièces.

23 R. Ces documents sont : une lettre du capitaine Guinness, qui était

24 l'officier de liaison qui traitait de la zone de Travnik, et qui parle du

25 fait que les otages étaient retenus, d'après cette lettre, par des

Page 5924

1 Moudjahiddines; une partie de renseignements militaires, un résumé du 1er

2 décembre et qui parle de la même question, pour la deuxième pièce; et ma

3 propre lettre que j'ai envoyée en couverture de ces deux documents que j'ai

4 adressés au chef d'état-major du commandant -- du général Ramsay,

5 commandant en chef.

6 Q. Je voudrais demander maintenant à l'Huissière de vous présenter le

7 document 380, pièce à conviction. Est-ce que vous connaissez cette pièce

8 380 ?

9 R. Je l'ai déjà vu.

10 Q. Est-ce que vous regardez la traduction anglaise ou est-ce que vous

11 regardez l'original en B/C/S ?

12 R. Je regarde la traduction anglaise.

13 Q. Pourriez-vous jeter un coup d'œil sur la version B/C/S de ce document.

14 Est-ce que vous pouvez y lire ou est-ce que vous pouvez comprendre du B/C/S

15 un peu ?

16 R. Seulement très peu.

17 Q. Si vous regardez la version en B/C/S de ce document, vous verrez, au

18 coin gauche, en bas de la page -- est-ce que vous voyez quelque chose

19 d'écrit -- de manuscrit ?

20 R. Oui, je vois mon propre parafe, mes initiales.

21 Q. Est-ce qu'en fait, vous avez produit une copie de ce document ? Est-ce

22 que vous l'avez remis à l'enquêteur du Tribunal ?

23 R. Oui, effectivement.

24 Q. Je vous remercie.

25 M. MUNDIS : [interprétation] Je me demande maintenant que l'on montre au

Page 5925

1 témoin la pièce 381 de l'Accusation. C'est une dizaine de pages. Est-ce que

2 vous connaissez cette pièce 381 ?

3 R. Ceci est un extrait de mon journal.

4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, feuilleter le document et nous dire

5 s'il y avait d'autres documents dans ce lot ? Pourriez-vous nous dire de

6 quoi il s'agit ?

7 R. Il y a un avant-projet de rapport concernant une réunion avec Alagic et

8 moi-même le 15 décembre 1993. Il y a un rapport du commandement de la

9 Bosnie-Herzégovine concernant la même -- concernant une réunion tenue le 16

10 décembre à Visoko. Tous les autres documents sont tirés de mon journal.

11 Q. Lorsque vous vous référez à un avant-projet de rapport, est-ce qu'il

12 s'agit des pages qui se trouvent dans la pièce 381, qui commence avec une

13 première page de lettre ?

14 R. Oui, effectivement.

15 Q. Maintenant --

16 M. MUNDIS : [interprétation] Ces documents peuvent être rendus à la

17 Greffière.

18 Q. Monsieur le Témoin, ces documents font référence aux Moudjahiddines.

19 Est-ce qu'à un moment quelconque, vous avez discuté avec des chefs de

20 l'ABiH la questions des Moudjahiddines ?

21 R. Non, pas directement en tant que Moudjahiddines. On faisait souvent

22 référence à des éléments incontrôlés. C'était la terminologie employée avec

23 les chefs.

24 Q. Quelle était votre interprétation de ce que voulait dire "éléments

25 incontrôlés."

Page 5926

1 R. Vu le fait que c'était la forme bien organisée -- clairement bien

2 organisée de l'ABiH, je dois dire que j'étais sceptique en ce qui

3 concernait l'existence de prétendus éléments non contrôlés. Il semblait

4 apparaître brusquement et disparaître aussi rapidement de façon assez

5 commode du point de vue de la perspective de l'ABiH.

6 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire ce que vous voulez dire,

7 lorsque vous parlez de la forme bien organisée et structurée à l'évidence

8 de l'ABiH ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Comment êtes-vous parvenu à une

9 telle conclusion ?

10 R. Avec les deux autres parties belligérantes, avec lesquelles nous avions

11 traité en Bosnie centrale, je les décrit comme étant bien structurées --

12 relativement bien organisées du point de vue des forces militaires. Elles

13 avaient toutes des faiblesses dans le cas de l'ABiH au point de vue

14 matériel de combat. Il y avait également des questions d'effectifs. A mon

15 avis, les structures, de l'état-major général central jusqu'au niveau du

16 corps et des brigades et ainsi de suite, jusqu'au niveau du bataillon, ceci

17 était une organisation conventionnelle bien structurée, structurée de façon

18 raisonnable.

19 Q. Sur la base de vos rapports avec le colonel Alagic et d'autres chefs du

20 3e Corps de l'ABiH, est-ce que vous avez eu une impression concernant le

21 commandement et le contrôle du 3e Corps ?

22 R. A aucun moment pendant le temps que j'ai passé en Bosnie centrale, je

23 n'ai eu l'impression qu'il y avait une organisation qui était autre chose

24 que quelque chose de bien organisée et de bien commandée, compte tenu des

25 exigences de l'époque.

Page 5927

1 Q. Quel type de matériel de communication est-ce que le corps avait à sa

2 disposition, si vous savez s'il avait de ce type de matériel ?

3 R. La seule occasion dans laquelle j'ai eu connaissance du matériel

4 utilisé, c'était en décembre, lorsque j'ai remarqué qu'un message était

5 envoyé sur une radio à haute fréquente, un poste qui était identique aux

6 postes à haute fréquente qui avaient été délivrés à mon propre bataillon,

7 qui sont produit par la société britannique Racal. Je crois qu'ils avaient

8 été fabriqués sous licence pendant la période de l'ex-Yougoslavie.

9 Q. Est-ce que vous connaissez au moins, de façon générale, l'utilisation

10 de ces radios à haute fréquence et des capacités de ces radios à haute

11 fréquence ?

12 R. L'avantage de ces radios à haute fréquence, est qu'elles fonctionnent

13 extrêmement bien dans les conditions de montagne, à la différence de la

14 plupart des radios. L'utilisation de ces radios par l'ABiH cette fois-là,

15 il était clair qu'elles pouvaient envoyer un message complexe de Pavlovica,

16 qui se trouvait à mi-chemin entre Vitez et Gornji Vakuf. Ce message avait

17 été envoyé à Bugojno et avait été reçu et décrypté avant que je ne puisse

18 moi-même parvenir à Bugojno.

19 Q. Général Williams, j'ai quelques questions à vous poser sur la base de

20 votre dernière réponse. Vous avez fait allusion à un message qui était

21 décrypté. Pourriez-vous développer ce que vous vouliez dire par "décrypté",

22 en particulier, dans la mesure où ceci a trait aux capacités du système de

23 radio à haute fréquence.

24 R. Tout ce que je peux dire, c'est que c'était un élément normal à la

25 communication militaire contenant des renseignements sensibles. C'était

Page 5928

1 effectivement le cas. Ce message concernait un convoi croate qui avait été

2 trouvé transportant du matériel militaire de contrebande. Il était normal

3 que ces renseignements soient envoyés autrement que dans un langage clair,

4 qu'il fallait pouvoir déchiffrer cela avant de pouvoir prendre des mesures.

5 Q. Si je vous comprends bien, mon Général, ce système à haute fréquence

6 était capable d'envoyer des renseignements sécurisés.

7 R. Les renseignements devaient être d'abord cryptés avant d'être envoyés.

8 En ce sens, à ce moment-là, ce serait sûr. Ce n'était pas fait

9 automatiquement par le système radio comme dans les radios modernes.

10 Q. J'ai une autre question concernant cet incident dont vous nous avez

11 parlé lorsque vous avez été conscient du fait que l'ABiH disposait de ce

12 type de système. Vous avez fait référence à un message qui était envoyé à

13 Bugojno, qui avait été reçu avant que vous ne parveniez à Bugojno.

14 Pourriez-vous décrire brièvement ce qui s'est passé ce jour-là, de façon à

15 ce que nous puissions comprendre la situation telle qu'elle s'est

16 développée.

17 R. Ceci était un incident concernant le mouvement de deux convois; un

18 convoi qui était sponsorisé par les Croates, et l'autre part, l'ABiH. Ils

19 se déplaçaient en Bosnie centrale avec de l'assistance humanitaire dans la

20 période qui précédait immédiatement Noël 1993. Les complexités de ceci, et

21 du point de vue sécurité étaient énormes. Je me suis moi-même impliqué

22 ainsi que mes commandants. Nous avons travaillé 24 heures sur 24

23 pratiquement tout le temps, jusqu'à l'arrivée des deux convois en Bosnie

24 centrale. Malheureusement, il est arrivé que le convoi croate, une fois

25 fouillé par les membres de l'ABiH, avait transporté des détonateurs qui ont

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1 été passés en contrebande et d'autres matériels militaires, ce qui

2 constituait une violation de l'accord auquel nous avions abouti pour ce qui

3 est des déplacements de ces convois sur le plan réciproque.

4 Q. Au sujet de l'incident en question, vous avez eu des discussions

5 concernant le convoi en question, et c'est là que vous avez eu connaissance

6 de ce système radio ?

7 R. Absolument. La décision avait été celle d'envoyer le chef du convoi

8 croate, de Pavlovica vers Bugojno. L'ABiH devait convenir du fait de

9 laisser passer ces convois. Pavlovica se trouve au sommet d'une colline. Le

10 message, en attendant qu'il soit descendu, avait déjà été envoyé par les

11 membres de l'ABiH à Pavlovica. Tout était déjà prêt et préparé à Bugojno.

12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes seraient gré aux intervenants de faire des

13 pauses entre les questions et réponses.

14 M. MUNDIS : [interprétation]

15 Q. Général Williams, j'ai quelques questions encore à vous poser. Vous

16 nous avez parlé d'une réunion qui s'est tenue peu de temps après votre

17 arrivée. Il s'agissait d'une réunion entre le colonel Alagic et le général

18 Hadzihasanovic, qui se trouvait être présent. Outre cette occasion-là,

19 combien de fois autres avez-vous pu rencontrer le général Hadzihasanovic ?

20 R. Je crois que j'ai eu l'occasion de le rencontrer deux fois par la

21 suite.

22 Q. Dites-nous, Monsieur, en quelle qualité le général Hadzihasanovic était

23 trouvé présent en ces deux occasions, après novembre 1993 ?

24 R. D'après ce que j'ai cru comprendre, il était chef d'état-major du Grand

25 état-major de l'ABiH.

Page 5930

1 Q. Monsieur, avez-vous eu à quelque moment que ce soit, l'occasion de

2 rencontrer M. Kubura, Amir Kubura.

3 R. Je ne pense pas avoir à quelque moment que ce soit rencontré M. Amir

4 Kubura.

5 Q. Merci, Général. L'Accusation n'a plus de questions à vous poser.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers la Défense pour le contre-

7 interrogatoire. Les Juges, ayant des questions à poser, mais ils les

8 poseront après.

9 Maître Residovic.

10 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Général. Nous nous sommes rencontrés

12 brièvement hier. Nous avons fait connaissance, mais je vais, nonobstant ce

13 fait, me présenter. Je m'appelle Edina Residovic, avec M. Stéphane Bourgon

14 et notre assistante, Mirna Milanovic. Nous sommes là pour défendre le

15 général Enver Hadzihasanovic.

16 Serait-il exact de dire, Général, qu'avant votre témoignage d'aujourd'hui,

17 vous avez fait deux déclarations auprès du bureau du Procureur de ce

18 Tribunal, à savoir, le 5 et 7 juin 1998, et le

19 18 et 19 septembre 2001; est-ce bien vrai ?

20 R. C'est exact.

21 Q. En répondant à l'une des questions du président de la Chambre, vous

22 avez confirmé avoir témoigné devant ce Tribunal dans l'affaire Kordic. Cela

23 s'est passé fin janvier 2001; est-ce bien exact ?

24 R. Je ne me souviens pas de la date précise. Oui, c'est exact.

25 Q. S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, comme vous l'avez précisé

Page 5931

1 aujourd'hui, vous y avez séjourné de novembre 1993 au mois de mai 1994,

2 n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Dans le cadre de votre intervention professionnelle, vous avez, pour la

5 majeure partie pour temps, eu pour mission des tâches d'officier d'état-

6 major. Vous avez travaillé au niveau des états-majors de différentes

7 unités, voire vous avez été adjoint du commandant, n'est-ce pas ?

8 R. J'ai été officier d'infanterie. J'ai commandé un bataillon. J'ai

9 commencé en tant que commandant de bataillon. Depuis lors, j'ai travaillé

10 en tant qu'officier d'état-major. Avant que d'être commandant d'un

11 bataillon, j'ai passé quelque temps en qualité d'officier au QG.

12 Q. En réalité, ces fonctions de commandant de bataillon en Bosnie-

13 Herzégovine avaient constitué une première mission de commandement

14 véritable au sein de l'Armée britannique, n'est-ce pas ?

15 R. Non. J'ai déjà commandé auparavant des unités, à savoir, des pelotons,

16 des compagnies et des régiments en Irlande du Nord, avant de me retrouver à

17 la tête du Bataillon en Bosnie.

18 Q. Merci. Cette mission en Bosnie-Herzégovine, comme vous l'avez dit, vous

19 l'avez reprise en date du 8 novembre, date à laquelle vous avez remplacé le

20 Bataillon Prince of Wales, qui se trouvait à faire partie de la FORPRONU en

21 Bosnie-Herzégovine,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Toutefois, et vous l'avez également, vous êtes devenu commandant du

25 bataillon au mois d'août 1992.

Page 5932

1 R. C'est exact.

2 Q. Jusque-là, vous avez fait des entraînements -- des formations. Vous

3 avez entraîné votre bataillon au sein d'une base militaire sise en

4 Allemagne, n'est-ce pas ?

5 R. Du mois d'août à la fin de décembre, j'étais à la tête d'un bataillon

6 en Irlande du Nord, et nous sommes passés en Allemagne. C'est en début

7 février 1993 que nous avons entamé notre entraînement.

8 Q. Lorsque vous avez appris que vous alliez être dirigé vers la Bosnie,

9 vous avez entraîné votre bataillon, partant d'un programme spécial qui

10 était destiné à la préparation de vos soldats pour l'accomplissement de

11 cette mission en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. Il y a eu un stage de formation particulier, qui a été conçu par

13 l'Armée britannique à cet effet.

14 Q. Avant l'accomplissement de cette mission, votre bataillon avait été

15 considéré comme étant une Unité militaire hautement professionnalisée.

16 Est-ce exact ?

17 R. Avant que je ne reprenne le commandement de ce bataillon, l'unité

18 venait de revenir de la guerre du Golfe en Irak. On pouvait considérer que

19 l'unité était une unité des plus professionnelles.

20 Q. Les soldats, qui faisaient partie de votre bataillon, étaient des

21 soldats de profession, de carrière, qui disposaient d'une expérience

22 considérable et de connaissance militaire remarquable, n'est-ce pas ?

23 R. Il y a 40 ans, les gens étaient des volontaires, mais, depuis, les

24 soldats, les membres de l'Armée britannique, sont des militaires

25 professionnels.

Page 5933

1 Q. En dépit de ce fait, vous avez, avant de partir en Bosnie-Herzégovine,

2 dû procéder à un entraînement particulier, vu les particularités de la

3 mission que vous deviez accomplir,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Cela caractérise toutes les périodes précédant les déploiements

6 opérationnels de l'unité. C'est assez spécifique pour ce qui est des

7 déploiements opérationnels.

8 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire, qu'avant de prendre ce

9 commandement du bataillon, dans la pratique en Irlande du Nord, et à des

10 entraînements spéciaux, vous avez continué à entraîner sur le plan

11 professionnel votre bataillon, pour être tout à fait certain d'être à même

12 d'accomplir la mission qui vous serait confiée ?

13 R. Oui, c'est, en général, la mission d'un officier de commandement. Il

14 doit être tout à fait sûr que la totalité de ces hommes soient prêts.

15 Q. Etant donné cette expérience professionnelle pratique et théorique

16 énorme vous concernant, seriez-vous d'accord avez moi, Général, pour dire

17 ce qui suit : si vous vous étiez trouvé dans une situation, où il

18 s'agissait de préparer non pas un bataillon, mais un Corps d'armée, pour

19 l'accomplissement de certaines missions militaires, il vous aurait été

20 nécessaire de disposer de beaucoup plus de temps, que cela n'a été le cas

21 pour le bataillon, pour réaliser et préparer une mission de cette nature ?

22 R. La complexité d'un entraînement, à l'intention d'un Corps d'armée, est

23 certainement plus grande que lorsqu'il s'agit d'entraîner un bataillon.

24 Dans un système qui est celui de l'Armée britannique, il faut du temps pour

25 procéder à une intégration du commandement et de la réalisation des ordres

Page 5934

1 au sein d'une unité. Cela se fait au travers d'un entraînement.

2 Q. En novembre 1993, Général, vous êtes arrivé en Bosnie-Herzégovine sur

3 le territoire de l'intervention qui constituait la zone de responsabilité

4 du 3e Corps de l'ABiH,

5 n'est-ce pas ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Vous l'avez peut-être appris avant, mais vous l'avez appris

8 certainement en arrivant, à savoir que ce 3e Corps de l'ABiH était en train

9 de se mettre sur pied depuis moins d'un an. Etiez-vous au courant de ce

10 fait ?

11 R. Je pense que j'avais dû le savoir à l'époque.

12 Q. Vous deviez forcément savoir aussi qu'un Corps d'armée était en train

13 de se constituer dans des circonstances des plus défavorables pour ce qui

14 est de la création d'une unité militaire, à savoir, dans des circonstances

15 difficiles de combat conduit sur deux fronts en parallèle.

16 R. Les circonstances étaient très difficiles, certes, mais la structure

17 même du corps n'était pas inhabituelle du tout.

18 Q. En répondant à l'une des questions de mon éminent confrère, Monsieur,

19 vous avez mentionné qu'au nord de votre zone de responsabilité, se trouvait

20 une ligne face aux forces de la Républika Srpska, qui n'influait pas, de

21 façon notable, sur l'accomplissement de votre mission. Vous souvenez-vous

22 d'avoir dit quelque chose de ce genre aujourd'hui ?

23 R. Oui.

24 Q. Dans l'exercice de votre mission, vous aviez conscience du fait que

25 cette ligne face aux forces serbes faisait quelque 250 à 300 kilomètres, et

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1 qu'elle nécessitait bon nombre d'effectifs du 3e Corps et, bon nombre du

2 temps, de son commandement, étant donné le nombre de combats se déroulant à

3 l'époque sur cette ligne ?

4 R. Je reconnais que cela a probablement été le cas.

5 Q. A la lumière de ce que vous avez déclaré devant cette Chambre de

6 première instance, concernant les préparatifs de votre bataillon, pour ce

7 qui est de la réalisation de l'une des tâches dans la zone où se déroulait

8 des combats, je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que la

9 mission d'Enver Hadzihasanovic, commandant du 3e Corps, avait consisté

10 d'abord à mettre sur pied ce 3e Corps, d'organiser des unités de quelque 30

11 000 hommes, qui n'avaient pas auparavant été des soldats professionnels,

12 comme cela était le cas pour le cas de votre bataillon. Il s'agissait

13 également de conduire des combats sur deux fronts et que cela, en tout et

14 pour tout, a constitué une mission de plus difficile sur le point

15 militaire. Est-ce que vous serez d'accord avec cette constatation de

16 l'affaire ?

17 R. Je suis d'accord pour dire que cela a été une tâche d'envergure

18 exceptionnelle.

19 Q. Partant de vos connaissances et de votre expérience, seriez-vous

20 d'accord avec moi pour dire que la création d'une unité et, notamment, la

21 création d'un Corps d'armée est un processus, et que cela ne pouvait se

22 faire en donnant un ordre ou en rédigeant des ordres, disant qu'il était

23 créé un Corps d'armée et précisant la structure que ce corps était censé

24 avoir ?

25 R. Je crains ne pas être d'accord dans une certaine mesure avec ce que

Page 5936

1 vous venez de dire. Il y a des aspects où l'on met en place une structure,

2 où l'on autorise le démarrage d'un processus et, par la suite, les

3 difficultés ne consistent pas à mettre sur pied une structure et identifier

4 les processus. Les difficultés résident dans le fait de mettre sur pied ce

5 que l'on a identifié comme étant la mission à accomplir.

6 Q. Merci. C'était précisément ce que je voulais entendre de votre part. On

7 peut dire qu'un Corps d'armée, que sa création peut être ordonnée, mais ce

8 Corps d'armée commence à exister au moment où tous les éléments de la

9 structure sont mis sur pied sur un plan pratique, en réalité; est-ce bien

10 exact ?

11 R. Je crois que ce serait la bonne chose à dire, en effet.

12 Q. C'est la raison pour laquelle je vous demanderais, Général, de nous

13 indiquer si ma constatation est exacte, à savoir, la réalisation d'une

14 intention concernant l'apparence d'un Corps d'armée et concernant la façon

15 dont il interviendrait dans la réalité. C'est un processus qui diffère de

16 ce qui est réalisé du point de vue de l'objectif assigné au terme d'une

17 année.

18 R. Je crois qu'il serait raisonnable de s'attendre à ce que les choses

19 évoluent au fil de cette année-là. Je crois pouvoir dire que, du moins je

20 l'espère, le plan tracé au départ devait tenir compte de la plupart des

21 évènements qui ont été envisagés dès le début.

22 Q. Vous êtes arrivé en novembre 1993 là-bas, et vous avez dit à la Chambre

23 quelle était votre idée du corps au moment de votre arrivée. Seriez-vous

24 d'accord avec moi pour dire que cela avait été une structure bien mieux

25 organisée et bien mieux mise sur pied, dans la réalité, que cela n'a été le

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1 cas un an auparavant lorsque la décision a été prise de créer ce Corps

2 d'armée ?

3 R. Je ne peux pas parler de la décision au départ, ou plutôt un an

4 auparavant. Je pense pouvoir estimer que la situation sur le terrain, où il

5 y avait un certain nombre de brigades avec des groupes opérationnels, qui

6 étaient chapeautés par des états-majors. Cela constituait des structures et

7 la force structurelle qui étaient celles d'un véritable Corps d'armée.

8 Q. Toutefois, ce que vous venez de me dire, dois-je le comprendre de la

9 façon suivante : vous ne pouvez pas savoir quels avaient été les problèmes

10 de mise en place des structures de ce corps au moment où vous êtes arrivés,

11 depuis janvier à octobre, avant votre arrivée et au moment où vous seriez à

12 même de témoigner de la structure de ce corps ?

13 R. C'est tout à fait exact.

14 Q. Vous avez confirmé à la Chambre qu'avant votre arrivée en Bosnie-

15 Herzégovine, il vous a été communiqué des informations des plus

16 élémentaires pour ce qui était de la région où vous étiez censé vous

17 rendre. Vous disposiez d'évaluations générales de la situation sur le

18 terrain, émanant du bataillon précédent, qui vous ont été transmises par

19 les bons soins de ces derniers, n'est-ce pas ?

20 R. C'est exact.

21 Q. En arrivant en Bosnie-Herzégovine, vous saviez que c'était l'une des

22 six ex-Républiques de l'RSFY, qui est devenue indépendante, et qui est

23 devenue membre de la communauté des nations -- des Nations Unis, en 1992;

24 étiez-vous au courant de ce fait ?

25 R. Oui.

Page 5938

1 Q. Vous étiez probablement au courant du fait que la Bosnie-Herzégovine, à

2 la date de la reconnaissance de son indépendance, le 6 avril 1992, a été

3 attaquée par l'Armée populaire yougoslave et les forces serbes ? Etiez-vous

4 au courant de cela ?

5 R. J'ai lu des articles de journaux, à ce sujet.

6 Q. En votre qualité de soldat expérimenté, vous étiez certainement au

7 courant du fait que la Bosnie-Herzégovine était entrée en guerre, sans pour

8 autant au préalable, disposer de quelque force armée que ce soit.

9 R. Cela est sans doute exact, mais il y avait beaucoup de gens dans ces

10 forces armées, auparavant, qui ont obtenu une formation militaire du temps

11 de l'Yougoslavie de l'époque.

12 Q. En répondant à l'une des questions de mon éminent confrère, vous avez

13 indiqué que vous n'aviez pas de mission militaire concrète, mais que vous

14 aviez repris les missions qui avaient été celles du Bataillon Prince of

15 Wales, qui se trouvait auparavant dans ce secteur. Ce sont précisément ces

16 missions-là que vous avez réalisées en arrivant ?

17 R. C'est exact. J'ai demandé à un brigadier britannique à Split s'il

18 pouvait me donner des ordres détaillés. Or, sa réaction a été celle de dire

19 que la situation en Bosnie centrale évoluait si vite que, s'il rédigeait un

20 ordre opérationnel, il serait déjà devenu caduc avant que nous n'arrivions

21 sur les lieux. Il m'a tout simplement dit de continuer à faire ce que mon

22 prédécesseur avait fait, du reste avec beaucoup de succès.

23 Q. Toutefois, Général, quoi que n'ayant pas obtenu de mission de cette

24 nature, vous saviez que le conseil de Sécurité avait adopté une résolution

25 afférente à la création d'effectifs de protection des Nations Unis, qui

Page 5939

1 avaient été appelés la FORPRONU, et sa mission est formulée dans la

2 résolution 776 du conseil de Sécurité. Etiez-vous au courant de ce fait-

3 là ?

4 R. Oui, j'étais au courant de ce fait, en effet.

5 Q. Général, je m'excuse, je n'ai ici qu'un exemplaire de ladite

6 résolution.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je demanderais à l'Huissière de bien

8 vouloir lui remettre à la pièce, et je vous demanderais, Madame, de passer

9 cela sur le rétroprojecteur pour que nous puissions tous voir le texte de

10 ladite résolution.

11 Q. Ladite résolution, en fait, détermine le mandat des forces de

12 protection de la FORPRONU, qui consistait : "A protéger les convois

13 terrestres d'aide humanitaire organisés par l'UNHCR et procéder à la

14 protection des missions réalisées par le CICR, pour ce qui des échanges de

15 détenus et de prisonniers, lorsque cette aide était demandée et lorsque

16 cette aide leur aurait été accordée," n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons

19 demander à ce qu'une cote d'identification soit accordée au texte de cette

20 résolution, quoique je sois convaincue que ceci devrait forcément exister

21 comme document. Etant donné que je n'ai pas suffisamment d'exemplaires, je

22 vous demanderais un versement au dossier lorsque nous aurons fait des

23 photocopies en nombre suffisant pour les distribuer à toutes les parties en

24 présence.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment, je vous prie. Pourrait-on entendre

Page 5940

1 l'Accusation sur ce document, Résolution 776.

2 M. MUNDIS : [interprétation] Nous ne faisons pas d'objection.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Assignons une cote.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] DH127, Monsieur le Président.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être l'heure

6 serait-elle venue de procéder à une pause.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de procéder à la pause, vous n'avez pas joint

8 la traduction en B/C/S de cette résolution. Vous avez dû la traduire aux

9 accusés.

10 Madame la Greffière, pouvez-vous rappeler les numéros que vous avez donnés

11 au document ?

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] DH127, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Il est 10 heures 30. Nous allons faire la

14 pause technique habituelle et nous reprendrons l'audience à 11 heures moins

15 5.

16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

17 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole au conseil de la Défense

19 pour continuer le contre-interrogatoire.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Général, avant la suspension de l'audience, nous avons vu cette

22 résolution du conseil de Sécurité. Est-ce que vous savez qu'à la suite de

23 l'adoption de cette résolution, il y a eu un agrandissement -- un

24 élargissement du mandat de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine, et que votre

25 mission fondamentale restait, évidemment, dans les paramètres de l'appui,

Page 5941

1 devant être offert aux convois humanitaires sur place ? Est-ce exact ?

2 R. C'est exact. La mission que nous pensions à nous-même -- à laquelle

3 nous pensons nous être conformé de façon très exacte, très précise,

4 effectivement, c'est bien cela qui se trouve dans la résolution du conseil

5 de Sécurité.

6 Q. A aucun moment pendant que vous remplissiez votre mission, vous n'avez

7 eu connaissance d'une autorité qui aurait découlée du chapitre 7 de la

8 charte des Nations Unies, c'est-à-dire que vous n'étiez pas en mesure

9 d'établir la paix -- de rétablir la paix dans le secteur et d'utiliser la

10 force à ces fins. Vous avez -- vous vous êtes comportés conformément aux

11 dispositions de la charte. Vous deviez simplement appuyer la mission d'aide

12 humanitaire.

13 R. C'est exact.

14 Q. Cette mission, que vous remplissiez, ne vous donnait pas la possibilité

15 ou le droit d'influencer en quoi que ce soit les droits et les positions

16 des parties au conflit; est-ce exact ?

17 R. Oui. Ce n'était d'ailleurs pas dans notre intérêt de le faire. Nous

18 voulions simplement conduire des opérations qui relevaient de notre mandat.

19 Q. En d'autres termes, vous étiez en mesure de mener une mission -- de

20 conduire votre mission uniquement s'il y avait accord entre les deux

21 parties impliquées dans le conflit dans le secteur, n'est-ce pas ?

22 R. C'est exact. C'était particulièrement le cas pour ce qui était du fait

23 de passer les lignes de front. Il fallait que les deux parties soient

24 d'accord avec notre plan pour qu'on puisse, à ce moment-là, se risquer à

25 passer avec nos convois qui étaient essentiellement composés de civils et

Page 5942

1 qui devaient traverser les lignes de front.

2 Q. Vos soldats n'étaient autorisés à utiliser la force que dans le cas où

3 il y aurait légitime défense et conformément à une procédure précise; est-

4 ce exact ?

5 R. C'est exact. C'était essentiellement une question de légitime défense.

6 Q. Les parties avaient le devoir de vous apporter un certain appui, mais

7 elles n'ont jamais eu l'obligation de vous donner accès à leurs secrets

8 militaires, n'est-ce pas ?

9 R. C'est exact et je dirais que toutes les parties étaient

10 particulièrement habiles en matière de sécurité opérationnelle telle qu'on

11 la décrirait.

12 Q. Lorsque vous remplissiez vos obligations, vous avez fait de votre mieux

13 pour éviter les activités dans lesquelles les parties au conflit auraient

14 pu évaluer comme étant une ingérence dans les positions d'une des parties

15 ou le favoritisme à l'égard d'une des parties au conflit; est-ce exact ?

16 R. En théorie, cela pourrait être correct, mais, en réalité, il y avait

17 des activités qui se déroulaient autour de nous et qui exigeaient notre

18 intérêt. En particulier, je voudrais mentionner les accusations formulées

19 par une partie contre l'autre partie concernant les massacres.

20 Q. Votre bataillon, toutefois -- ou plutôt, comme vous l'avez expliqué, a

21 obtenu des renseignements, ceci n'a pas été fait comme d'habitude le font

22 des bataillons, qui normalement sont engagés dans un conflit. Vous n'avez

23 pas agi comme un bataillon engagé dans un combat et vous n'avez pas fait du

24 renseignement de la manière qu'il serait fait normalement dans ces

25 conditions.

Page 5943

1 R. Les seuls renseignements que nous étions en mesure de réunir, c'était

2 par des moyens humains, c'est-à-dire, grâce à la confiance des personnes

3 parce qu'on leur demandait leur avis ou ce qu'ils voulaient bien nous dire

4 sur ce qui se passait.

5 Q. Vous avez expliqué quelle était la procédure, selon vous faisiez vos

6 rapports quotidiens, milinfosums, les résumés. Est-il exact que vous aviez

7 un militaire qui était chargé de cela et qui rédigeait le rapport sur la

8 base des renseignements reçus de l'officier de liaison ou des officiers qui

9 se trouvaient sur le terrain dans les compagnies; est-ce exact ?

10 R. Dans chaque Compagnie pour le quartier général, et également au niveau

11 supérieur au QG du bataillon, il y avait des officiers et des militaires

12 qui étaient responsables de la vérification ou -- du fait de réunir des

13 renseignements militaires pour les transmettre le long de la voie

14 hiérarchique.

15 Q. Est-il exact, Général, que les renseignements que vous avez compilés

16 pour les milinfosums, vous ne les communiquez pas aux parties au conflit et

17 les parties au conflit n'avaient pas accès à ce genre d'information ?

18 R. C'était considéré tout à fait comme confidentiel comme renseignements,

19 notamment, parce que ceci nous était confié par -- avec confiance par une

20 partie ou par l'autre et, certainement, nous n'aurions même pas songé à

21 exposer ce que l'une des parties nous aurait dit, de l'exposer à l'autre

22 partie, la partie adverse.

23 Q. En d'autres termes, les parties au conflit, soit le commandement de

24 l'ABiH, soit le HVO, recevaient seulement ces renseignements qui auraient

25 été donnés directement lors des réunions.

Page 5944

1 R. Je crois qu'on leur donnait très peu de renseignements. Il ne

2 s'agissait pas de renseignements strictement concernant les Nations Unies.

3 Q. En revanche, est-il vrai que ni vous, ni les membres d'autres

4 organisations internationales, n'avaient pas accès aux ordres du

5 commandement suprême de l'ABiH ou de l'état-major du HVO ? Vous ne

6 [imperceptible] cela et ne receviez pas cela pour --

7 R. Nous n'avions pas accès à ce type de renseignement. Une fois, nous

8 avons reçu, via une organisation humanitaire, un ordre du général Delic qui

9 avait été transmis au corps numéro 3, qui montrait ce que nous considérions

10 comme étant la voie hiérarchique en œuvre.

11 Q. Excusez-moi, mon Général, mais on suggère quelque chose, une mise en

12 garde.

13 [Le conseil de la Défense se concerte]

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

15 Q. Je vous prie de m'excuser. Nous venons de vous demander si vous aviez

16 la possibilité, vous-même, d'obtenir des ordres qui venaient des niveaux

17 les plus élevés, et qui s'adressaient aux unités subalternes. Est-ce qu'il

18 est vrai également que vous n'aviez pas accès à des renseignements

19 militaires confidentiels que les parties au conflit avaient en leur

20 possession ?

21 R. Nous n'avions aucun accès à des informations autres que celles que les

22 gens nous donnaient volontairement, ou que celles que nous pouvions obtenir

23 de l'ONU, l'organisation internationale et même des parties au conflit.

24 D'une façon générale, la réponse est non, nous n'avions aucun accès.

25 Q. Merci beaucoup. En réponse à la question posée par l'Accusation, vous

Page 5945

1 avez dit que le but des renseignements que vous réunissiez, était d'évaluer

2 la préparation au combat, les capacités de combat, de façon à prévoir la

3 sécurité de votre mission. Est-ce que c'était l'objectif des informations

4 que vous réunissiez ?

5 R. Je crois que la question de "préparation au combat" est un terme

6 technique. Ce n'est pas la description qui convient. Nous avions besoin de

7 renseignements concernant la situation au point de vue combat, de façon à

8 pouvoir prendre des décisions éclairées concernant la sécurité ou

9 autrement, pour le mouvement d'aide humanitaire. C'était le but essentiel

10 du système d'information militaire que nous avions. Ce système

11 d'information militaire existait seulement pour servir au commandement.

12 Q. Si je vous ai bien compris, vous n'étiez pas essentiellement intéressé

13 par les informations qui vous informeraient sur la véritable structure de

14 l'armée et sur son aptitude au combat pour conduire des opérations

15 militaires qui correspondaient aux capacités de l'armée considérée ?

16 R. Nous n'avions pas le besoin qu'auraient eu les forces en présence, et

17 qui s'opposaient. Notre seul besoin, en matière d'information, était de

18 pouvoir appuyer les décisions que nous faisions pour remplir le mandat qui

19 nous avait été donné.

20 Q. Je vous remercie beaucoup. Vous avez également expliqué de quelle

21 manière vous réunissiez ces informations. Vous avez décrit le nombre de

22 soldats que vous aviez sur le terrain. Je voudrais vous demander maintenant

23 s'il est vrai, Général, que les moyens que vous employiez pour réunir ces

24 informations, étaient limités à des observations personnelles, à des

25 réunions avec les officiers ou avec les organes civils ou d'autres

Page 5946

1 personnes qui étaient en mesure de vous donner les informations pertinentes

2 à votre mission sur le terrain ?

3 R. C'est exact. Nous n'avions pas de moyens techniques pour réunir du

4 renseignement.

5 Q. En utilisant des moyens électroniques ou satellites, ceci aurait fait

6 qu'il vous aurait été possible d'avoir des renseignements plus sûrs ?

7 R. Je n'ai pas de doute que des moyens techniques et électroniques étaient

8 déployés. Les renseignements qu'on avait, n'étaient pas transmis au niveau

9 même du bataillon.

10 Q. Dans le cours de notre entretien hier, Général, si vous vous rappelez,

11 vous avez dit que vos agents de renseignement, du point de vue tactique,

12 ils avaient un rôle tactique. Est-ce que vous vous souvenez ? Pourriez-vous

13 peut-être vous rappeler ce que vous avez dit dans votre déclaration.

14 Pourriez-vous nous expliquer ce que veut dire information tactique, agent

15 de renseignement tactique ?

16 R. Ce que je voulais appeler "renseignement tactique", c'étaient des

17 informations qui pourraient être utilisées au niveau du bataillon, c'est-à-

18 dire, au niveau tactique, c'est-à-dire, renseignements qui auraient une

19 incidence sur notre possibilité d'agir aujourd'hui ou demain. Ce n'étaient

20 pas des renseignements qui seraient utilisables à long terme. Nous

21 recevions seulement ce qui était nécessaire à assurer les opérations

22 humanitaires dans les conditions de sécurité.

23 Q. Si je me rappelle bien, vous avez dit que les renseignements ou les

24 informations que vous possédiez, étaient seulement la meilleure indication

25 de la situation en ce qui concerne l'objectif de votre mission. Est-il vrai

Page 5947

1 que vous avez répondu à cette question de cette manière ?

2 R. Je ne me rappelle pas exactement comment j'avais répondu à votre

3 question. J'ai dit que nous n'avions besoin que des informations qui nous

4 permettraient de prendre les meilleures décisions possibles pour des

5 opérations tactiques. C'étaient d'ailleurs nos propres opérations. Nous

6 n'avions pas besoin, nous n'avons pas essayé d'avoir des renseignements

7 juste pour le fait d'en recevoir.

8 Q. Au moment où vous étiez conscient du fait que vos informations

9 dépendaient de la fiabilité des sources de ces informations qui vous

10 étaient fournies. Est-ce que c'est exact ?

11 R. Bien sûr. On ne pouvait utiliser que les informations qui nous étaient

12 données. Nous utilisions les informations qui nous étaient données par les

13 deux parties au conflit, à la fois, en Bosnie centrale, à la fois de

14 l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine et les militaires croates.

15 Nous utilisions notre jugement pour évaluer si ces renseignements étaient

16 fiables ou probables ou si, au contraire, c'était de la désinformation.

17 Q. Si à l'époque ou aujourd'hui vous aviez une information qui était

18 beaucoup plus importante, beaucoup plus fiable, vous êtes sûr que certaines

19 des conclusions de vos informations seraient différentes que les

20 conclusions que vous pouviez tirer à l'époque. Est-ce que ceci serait une

21 approche convenable par rapport à ce que vous venez de nous décrire ?

22 R. Je n'ai aucun doute qu'avec le recul et que la possibilité d'avantage

23 d'informations, nos appréciations auraient été différentes. La réalité de

24 la vie en tant que commandant sur le terrain, est qu'on ne peut pas

25 attendre d'avoir tous les renseignements, qu'il faut prendre ce que l'on a,

Page 5948

1 il faut faire une évaluation raisonnable et prendre des décisions sur cette

2 base. Il y a toujours un risque de prendre une décision basée sur des

3 renseignements de mauvaise qualité, mais évidemment, on a besoin de tous

4 les renseignements possibles qu'on puisse obtenir.

5 Q. On pourrait ainsi dire, vous aviez confiance que les renseignements que

6 vous receviez de l'officier de Split étaient exacts, parce que les

7 événements sur le terrain évoluaient si rapidement, que très souvent, un

8 renseignement devenait incomplet ou peu fiable, et les renseignements

9 concernant ce qui se passait par la suite comme événement, venaient

10 d'autres sources qui vous étaient accessibles; c'est bien cela ?

11 R. Mon commandant britannique à Split, qui était un général de brigade, je

12 crois, se rendait compte qu'il était très difficile pour lui de prendre des

13 décisions sur la base de la côte adriatique et loin de la situation. De la

14 façon traditionnelle britannique, les initiatives étaient passées au

15 commandant sur le terrain et, en l'espèce, moi-même à Vitez. On nous

16 faisait confiance pour prendre les meilleures décisions possibles. Si notre

17 décision était mauvaise, ce serait tant pis pour nous, si au contraire on

18 avait pris la bonne décision, nous sommes félicités.

19 Q. Vous avez pris des responsabilités considérables. Je pense que vous

20 pouvez être satisfait de votre mission. A propos des renseignements que

21 nous venons de discuter, je voudrais vous demander de regarder une pièce à

22 conviction. C'est la pièce de l'Accusation 378, de façon à ce que nous

23 puissions vous poser les questions supplémentaires à ce sujet.

24 Avec ce document, il y a une analyse des activités du 3e Corps. A la page

25 2, vous pouvez voir la structure au point D concernant les opérations

Page 5949

1 concernant la Bosnie. Est-ce que c'est bien un document pour le groupe

2 Bosnie. Est-ce que c'est bien le document que vous avez devant vous ?

3 R. Oui.

4 Q. Comme vous l'avez dit, ce document a été compilé sur la base de ce que

5 vous saviez au bout d'un mois de présence dans le secteur, également sur la

6 base des renseignements que le bataillon britannique qui vous avait

7 précédé, avait en sa possession. Est-ce exact ?

8 R. Oui. Cette appréciation était la meilleure possible par le bataillon

9 britannique, après environ 1 an dans la région.

10 Q. Vous avez répondu par rapport à ma question que, si vous aviez d'autres

11 informations, l'appréciation n'aurait peut-être pas été la même. En

12 d'autres termes, si vous aviez des ordres du commandement suprême ou du 3e

13 Corps, selon lesquels la 301e et la

14 303e Brigade étaient en train de manœuvrer au sein de la structure du 3e

15 Corps, et la conclusion que la 7e Brigade musulmane était une Unité en

16 Manoeuvre, cela n'aurait pas été la même chose que ce qui est écrit ici.

17 Est-ce exact ?

18 R. Si nous avions eu ce renseignement, je suis sûr que nous aurions fait

19 une appréciation différente.

20 Q. Je voudrais vous poser une autre question à ce sujet. Puisque vous avez

21 répondu que vous aviez une appréciation très nette et la possibilité de

22 conclure, en ce qui concerne la structure du corps ou d'autres questions

23 qui figurent dans votre rapport, on peut voir au point D, que l'une des

24 brigades, dans le Groupe opérationnel bosnien, était la 301e Brigade. Si

25 vous aviez eu le plan de développement du 3e Corps où il est dit que le 3e

Page 5950

1 Groupe souhaitait avoir comme Unité de Manœuvre, une brigade mécanisée de

2 cette nature, à ce moment-là, cette brigade n'aurait pas figurée dans cette

3 partie de l'OG Bosna.

4 R. Je crois que ceci est une évaluation juste. Toutefois, je voudrais

5 simplement faire remarquer que c'était notre appréciation que le 3e Corps

6 n'avait pas le matériel et certainement n'avait pas les carburants

7 nécessaires en l'occurrence, du diesel, de façon à être capable de créer de

8 véritables groupes de manœuvre, qui auraient, à ce moment-là, une nécessité

9 de pouvoir être transporter.

10 Q. C'est la question que je voulais vous poser par la suite, à savoir que

11 la brigade de manœuvre, la 301e, bien qu'il était prévu qu'elle ferait

12 partie de la structure du 3e Corps, étant donné le fait qu'elle n'avait pas

13 les effectifs voulus et d'autres moyens nécessaires, cette brigade

14 n'existait uniquement sur le papier ou uniquement du point de vue de son

15 nom.

16 Veuillez, s'il vous plaît, ne pas faire de commentaires sur mes

17 observations. Si, par exemple, vous aviez eu cet ordre du commandant

18 suprême de Sarajevo, du 31 octobre 1993, où il est dit que cette brigade

19 était dissoute, qu'il ne restait qu'une Compagnie de Chars qui serait créée

20 sur cette base, à ce moment-là, votre analyse, fait un mois et demi plus

21 tôt, aurait contenu cette information, et non pas des informations qu'il

22 s'agissait d'une Compagnie de Manœuvre dans le cadre du Groupe opérationnel

23 Bosna. Est-ce que c'est bien de cette manière que vous souhaitez nous

24 indiquer quels sont les carences et le manque de fiabilité des différentes

25 informations qui vous étaient données sur la base de ces analyses, de ce

Page 5951

1 type d'analyse ?

2 M. MUNDIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Ceci est une

3 question à multiples questions. Elle est quasiment en marge du témoignage

4 par rapport à ce que demande ma confrère de la Défense.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Au transcrit, la question fait quasiment deux

6 minutes. Votre question ouvre des éléments nombreux et divers. Il vaudrait

7 mieux que vous repreniez votre question, en la structurant de manière

8 claire afin que l'intéressé puisse répondre. La thèse que vous voulez

9 développer en vous adressant au témoin, est de lui dire qu'il y a une note

10 qui a été établie sur l'organisation du 3e et 6e Corps, que cette note n'est

11 pas fiable, dans la mesure où le témoin avait eu connaissance d'un ordre

12 émanant du 3e Corps, il n'aurait pas indiqué une mention qui est très

13 précise dans le document. Il vaut mieux lui poser la question de manière

14 simple, plutôt que de faire une plaidoirie qui fait deux minutes, où le

15 témoin est incapable de suivre vos raisonnements, n'ayant pas tous les

16 éléments en sa possession.

17 Pouvez-vous lui reposer la question de telle manière que tout le monde

18 puisse suivre, et que le témoin puisse répondre précisément ?

19 Je vous redonne la parole, Maître Residovic.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

21 Q. Je m'excuse, mon Général, du fait d'avoir donné lieu à cette situation

22 où nous sommes, semble être par ma faute. J'ai essayé de suivre la réponse

23 que vous avez fournie tout à l'heure, en disant que les sources

24 d'information, à vos yeux, n'avaient pas toujours été des plus fiables,

25 qu'à l'époque, si vous aviez disposé de sources d'information plus fiables,

Page 5952

1 vos conclusions auraient été elles-mêmes plus fiables et conformes à la

2 fiabilité de la source, n'est-ce pas ?

3 R. C'est tout à fait exact.

4 Q. J'ai sous mes yeux, un ordre qui émane de l'état-major des forces

5 armées de la Bosnie-Herzégovine, qui n'a pas été traduit en langue

6 anglaise, parce que je n'ai pas eu l'intention de le faire versé au

7 dossier. Je l'ai fourni aux interprètes afin qu'ils puissent suivre, et

8 vous traduire la question que je me propose de vous poser.

9 La question est la suivante : Si, en novembre 1993, date à laquelle le

10 document en question a été rédigé, si vous aviez disposé de l'ordre de cet

11 état-major des forces de l'ABiH, daté du 21 octobre 1993, où au point E, il

12 a été indiqué qu'il fallait créer une Compagnie de blindés du commandement

13 du 3e Corps, en qualité de formation temporaire, et le projet de décision

14 devait être rédigé et proposé à l'état-major pour acceptation et adoption.

15 Au point K, page 2, il est indiqué là qu'il ait démantelé la 301e Brigade

16 motorisée et supprimé tous les éléments de son évolution sur le plan de la

17 mobilisation des effectifs. A ce moment-là, votre conclusion dans l'analyse

18 en question n'aurait pas été celle de dire que la 301e Brigade motorisée

19 figurait dans la composition du Groupe opérationnel, qui est indiqué ici.

20 Est-ce bien là ce que vous aviez l'intention de me dire ?

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Tel que nous comprenons la question, la Défense fait

22 valoir qu'il y a un ordre qui a été rédigé, le

23 21 octobre 1993, qui mentionne que la 301e Brigade motorisée n'existe plus,

24 est dissoute. Dans ces conditions, comment se fait-il que ce document, qui

25 est postérieur, mentionne encore l'existence de la 301e ? La question est

Page 5953

1 simple : est-ce que, si le témoin fait connaissance de cet ordre du 21

2 octobre, on aurait mentionné dans ce document la persistance de l'existence

3 de la 301e Brigade. C'est bien le sens de la question de la Défense.

4 Monsieur Mundis, quelle est votre position sur cette question qui

5 m'apparaît de bon sens ?

6 M. MUNDIS : [interprétation] Il y a deux fondements d'objection, Monsieur

7 le Président. Le témoin a déjà dit que, s'il avait eu accès à ce type de

8 document, son appréciation -- ses évaluations, auraient probablement été

9 différentes. Une question a déjà été posée en ce sens. Il a répondu par

10 l'affirmative.

11 Deuxièmement, ce qui fait l'objet de notre objection, c'est la façon dont

12 la question a été posée parce que notre éminente consoeur est en train de

13 témoigner à nouveau. Elle est en train de témoigner au sujet d'un document

14 qui n'a été rendu disponible, ni à l'Accusation, ni à la Chambre, pour ce

15 qui est d'une langue que nous sommes à même de comprendre, pour voir de

16 quel document il s'agit au juste. Il est une chose que de poser des

17 questions partant d'informations contenues dans un document que nous avons

18 en possession, et c'est une autre chose que de venir ici affirmer que ces

19 informations sont exactes et nous donner lecture d'informations figurant

20 dans un document dont nous ne disposons pas. Je ne dis pas que le document

21 n'existe pas. Je veux dire simplement, Monsieur le Président, qu'il y a de

22 meilleures façons de faire ou de réaliser ce qui est en train d'essayer

23 être fait.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. L'Accusation nous dit que ce document du 21

25 octobre, personne ne l'a, la Défense doit l'avoir. Vous l'avez en B/C/S,

Page 5954

1 c'est bien cela, mais vous n'avez pas le temps de le faire traduire ?

2 Nous ne mettons pas en doute la question de ce document. La Chambre va

3 poser la question pour résoudre le problème.

4 Général, la Défense indiquait que, dans le document que vous avez sous les

5 yeux, il est mentionné la 301e Brigade motorisée. Est-ce que, dans

6 l'hypothèse où vous auriez eu connaissance, d'un ordre émanant du 3e Corps,

7 qui aurait dissout cette 301e Brigade, est-ce que ce document aurait fait

8 mention de l'existence de la

9 301e Brigade ? La question est simple.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le pense. Si nous avions été informés de

11 quelque façon que ce soit du changement de la situation, notre évaluation

12 de la situation aurait été différente. Nous avons essayé ici de présenter

13 les informations qui avaient été mises à notre disposition afin de parvenir

14 à une évaluation raisonnable concernant l'organisation structurelle du 3e

15 et du 6e Corps. Je dirais qu'aucune information, qui nous avait été

16 disponible, n'aurait été exclue.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document, qui a été rédigé par l'officier Brown,

18 quand il rédige ce document et qu'il mentionne le Groupe opérationnel de

19 Bosnie, 301e Brigade, 314, 303, 318, 319, d'après vous, il les détient de

20 qui, ces renseignements ? Est-ce que ce sont des renseignements, de nature

21 visuelle ? Parce que vos soldats, sous-officiers, officiers sont sur le

22 terrain et font du renseignement de terrain. Ils ont noté que tel jour est

23 passé, à Zenica, par exemple, un véhicule de la 301e Brigade, ou ce sont

24 des renseignements, comme vous l'avez indiqués, qui viennent du HVO ou, le

25 cas échéant, qui viennent même de l'officier de liaison qui est près du 3e

Page 5955

1 Corps ? D'après vous, ce type de renseignement, de quelle source pouvaient-

2 il provenir, à votre connaissance, si vous vous en souvenez ? Parce qu'on

3 vous pose des questions sur des événements qui remontent à plus de dix ans.

4 Nous pouvons comprendre que vous ne pouvez pas répondre, de manière

5 précise. Si vous êtes en mesure de répondre, répondez.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais, pour ce qui est de la probabilité,

7 la source la plus probable de ces informations avait été l'ABiH, ou plutôt

8 les officiers ou l'un quelconque des officiers de liaison, à un moment

9 donné de l'année précédente. La deuxième source possible avait été le HVO,

10 qui avait un intérêt à caractériser l'ABiH d'une certaine manière. La

11 troisième source, probablement, avait été des observations émanant du

12 terrain, en provenance de nos officiers et soldats qui suivaient la

13 situation assidue. Ils avaient, d'une part, très peu de véhicules. Les

14 soldats, à leurs yeux, avaient la même apparence que d'autres soldats. Je

15 suppose qu'il s'agit d'informations privilégiées, provenant des entretiens

16 que les officiers de liaison avaient avec les commandants de la FORPRONU au

17 sein de leur bataillon.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Poursuivez.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

20 Q. Mon Général, ai-je raison de dire -- étant donné l'observation que vous

21 faite tout à l'heure, au sujet des raisons pour lesquelles vous avez estimé

22 que toutes les brigades n'étaient pas des Brigades de Manœuvre, ai-je

23 raison de dire, Général, si je dis qu'à vos yeux, l'élément manœuvre est

24 l'élément de l'armée, qui aurait la possibilité de se déplacer et de

25 disposer de toutes les ressources de transport nécessaire ? A votre avis,

Page 5956

1 l'ABiH n'avait pas disposé de telles ressources. Etait-ce là l'un des

2 fondements qui vous avait fait tirer la conclusion que vous avez tirée ?

3 R. Les éléments, qui n'étaient pas qualifiés de manœuvre, étaient sur des

4 lignes spécifiques du front. Les éléments de manœuvre pouvaient être

5 déployés pour concentrer des effectifs aux fins de modifier l'équilibre ou

6 le rapport des forces sur le terrain.

7 Décrire les troupes, en tant que groupes mécanisés, n'aurait pas été

8 réaliste, étant donné les pénuries de carburant. Ces transports pouvaient

9 être faits à pied, à savoir, les hommes pouvaient marcher et faire de la

10 marche pour arriver à tel ou tel autre endroit. L'élément critique de

11 transport était l'appui logistique, pour ce qui est du transport des

12 munitions et des autres systèmes d'armement pour apporter un soutien aux

13 effectifs via la troupe.

14 Q. En répondant à l'une des questions du président de la Chambre, Général,

15 vous avez apporté des clarifications. Quels avaient été les moyens

16 d'information concernant les bulletins d'information militaires ou autres

17 analyses de cette nature ? Vous avez, auparavant, dit que vos sources

18 d'information avaient été également des membres de l'armée avec qui vous

19 vous étiez entretenu. Vous mentionnez M. Beba Salko. Si vos souvenirs sont

20 bons, il s'agit là d'un membre du Groupe opérationnel de la Krajina de

21 Bosnie.

22 R. Oui, je me souviens de M. Beba Salko.

23 Q. La fiabilité de vos informations, était en réalité directement liée à

24 la fiabilité des renseignements que cette personne-là fournissait à votre

25 officier de liaison, n'est-ce pas ?

Page 5957

1 R. Les informations, qui nous avaient été fournies par M. Beba Salko, à

2 notre avis, et selon nos normes à nous, étaient des informations

3 importantes. Cela n'a certainement pas constitué la seule source

4 d'information que nous avions.

5 Q. En page 8, de ce document, au point 8, également, il y a un intitulé

6 qui dit "7e Corps de l'ABiH." Dans votre analyse, vous vous appuyez sur des

7 informations, qui vous ont été fournies par Beba Salko, au sujet de la

8 création du 7e Corps de l'ABiH.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Page 8. Vous devez avoir fait une erreur de

10 pagination.

11 [En anglais] On page 8 of this document.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il doit forcément s'agir d'une erreur. Il

13 y a un numéro qui ressemble à un 8.

14 Q. Je vais vous demander de vous pencher sur une page de cette analyse, où

15 il y a un intitulé, "Analyse de la situation", et en sous-titre, "7e Corps

16 de l'ABiH". Je parle des alinéas 8, 9 et 10. Est-ce que vous arrivez à

17 trouver cet endroit -- passage d'analyse ?

18 R. Oui.

19 Q. Si l'on se penche sur ce qui est écrit dans cette analyse, Beba Salko

20 vous aurait fourni une information relative aux possibilités de création

21 d'un 7e Corps, en indiquant que cela ne devait se faire que lorsque la

22 ville de Vitez tomberait, n'est-ce pas ?

23 R. C'est bien ce que dit le rapport, en effet.

24 Q. Dans le courant de votre mandat en Bosnie-Herzégovine, vous avez

25 constaté vous-même qu'il y a eu création d'un 7e Corps. Les raisons, pour

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1 lesquelles ce 7e Corps a été formé, n'ont pas été celles qui vous ont été

2 avancées par Beba Salko, et n'ont pas été celles partant de quoi vous avez

3 formulé des évaluations dans l'analyse que vous avez rédigée, n'est-ce

4 pas ?

5 R. C'est exact. A l'époque où il nous a donné l'information, nous l'avons

6 transmise dans notre rapport tel que.

7 Q. Même certaines sources, qui vous avaient été, à un moment donné,

8 semblées être fiables, avec au fil du temps, ont pu devenir peu fiables, ou

9 d'autres informations, auxquelles vous seriez parvenu, vous auraient

10 indiqué que les informations de cette source n'étaient pas tout à fait

11 exactes. Ai-je raison de le dire ?

12 R. Je pense qu'il serait exact de dire que toutes les informations, que

13 l'on nous donnait, étaient teintées d'une façon ou d'une autre. Les gens ne

14 donnaient pas des informations aux uns et aux autres en situation de

15 guerre, sans s'attendre à ce que cela ne vienne réaliser un objectif, à

16 savoir, aller faire une impression sur la personne à laquelle l'on a fourni

17 l'information en question.

18 Q. Pouvez-vous témoigner devant ce Tribunal, Général, et dire que les

19 parties belligérantes, très souvent, avaient recourt à de la propagande de

20 guerre et, suite à certaines vérifications, il vous avait été possible de

21 vérifier que cela était inexact. Vous vous êtes tout de même fondé là-

22 dessus, en estimant qu'il y avait des informations justifiées ou exactes

23 dans ce qui vous avait été donné. Y a-t-il eu des cas de propagande où cela

24 aurait été utilisé comme source d'information ?

25 R. Il est difficile de faire la différence entre la propagande et la

Page 5959

1 vérité, parfois. Il y a eu des occasions où l'une ou l'autre des parties en

2 présence criaient ou poussaient des cris, en disant qu'il y a eu massacre.

3 En réalité, après enquête, l'on déterminait que les choses n'étaient pas

4 aussi évidentes et claires que cela avait semblé l'être au départ. Dans

5 certains cas, certaines parties avaient affirmé que la partie adverse avait

6 conduit des opérations. Il s'avérait que c'était la partie qui avait afflué

7 sur la chose aux fins de faire bénéficier sa propre partie d'une publicité

8 ou d'une réputation favorable.

9 Q. Vous avez été témoin du fait que le HVO, par exemple, a affirmé que

10 l'ABiH avait perpétré certains crimes de guerre. Vous n'avez pas, à

11 l'occasion de vos vérifications, pu constater qu'il y ait eu effectivement

12 perpétration de crimes de guerre. Est-ce exact ou pas ?

13 R. Dès le début, nous avons été très attentifs à la possibilité de voir se

14 perpétrer des crimes de guerre. Nous n'avons pas été, nous-mêmes, experts

15 en matière d'investigation afférente à la Commission des crimes de guerre,

16 mais nous avons été déterminés, pour ce qui était de recenser tous les

17 détails et tous les faits sur le terrain, lorsqu'il y avait affirmation au

18 sujet d'événements qui avaient pu être qualifiés de crimes de guerre.

19 Q. Ce que je vous ai demandé, c'était de nous dire si vous aviez

20 souvenance de cas où le HVO avait accusé l'ABiH d'avoir perpétré des crimes

21 de guerre à l'occasion d'opérations de combat. Vous avez procédé vous-même

22 à des investigations et il ne vous a pas été possible de confirmer les

23 dires qui vous avaient été communiqués par le HVO. Avez-vous souvenance de

24 situations de cette nature ?

25 R. Peut-être pourriez-vous rafraîchir ma mémoire, lorsque vous parlez de

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1 deux occasions -- de deux cas ? Il se peut que je puisse avoir souvenance

2 de certains cas -- de certaines situations, mais je ne sais pas à quoi vous

3 vous référez lorsque vous parlez de deux occasions de cette nature. Je ne

4 sais pas sûr.

5 Q. Quoi qu'ayant prévu de poser cette question, je n'ai pas préparé le

6 document à vous montrer. Je vais me satisfaire de la réponse que vous venez

7 de nous apporter.

8 Mais je vais vous en poser une autre. Avez-vous été informé, par le HVO, du

9 fait que l'ABiH se servait d'armes chimiques et, vous, vous avez procédé à

10 des vérifications, et votre enquête a montré que cette affirmation était

11 tout à fait inexacte.

12 R. C'est exact. Je pense qu'à deux reprises, il nous a été donné de

13 conduire des enquêtes pour ce qui est du recours à des armes chimiques et,

14 les deux fois en question, nos experts n'ont pas été capables de confirmer

15 qu'il y ait eu utilisation de quelque arme chimique que ce soit.

16 Q. En sus de cela, Monsieur le Général, vous avez probablement dû faire

17 face à des situations où, au sein de la FORPRONU également, ainsi que parmi

18 les autre effectifs internationaux se trouvant sur le terrain, il y a eu

19 souvent des informations contradictoires au sujet d'un seul et même

20 événement. Avez-vous été témoin de situations de cette nature ?

21 R. Ceci constitue un fait inévitable. En effet, les informations,

22 parvenant de sources différentes, présentent, de façon différente, ce qui

23 s'est passé, et il y a la même risque dans des situations où plusieurs

24 personnes, par leur interventions, transforment en rumeurs -- transforment

25 un événement -- des éléments d'un événement en rumeur, en répétant et en

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1 rapportant d'un à l'autre le même événement.

2 Q. Mais, tout à l'heure, en répondant à l'une des questions de mon

3 confrère, vous avez répondu que vous avez collecté et vérifié des

4 informations qui vous permettaient de conduire à bon terme votre mission.

5 Mais vous n'avez pas déployé d'efforts particuliers pour ce qui était de

6 connaître tous les faits afférents à la structure de l'armée ou à ses

7 intentions au combat; est-ce bien exact ?

8 R. Comme je l'ai déjà dit auparavant, il ne relevait pas de nos tâches à

9 nous de comprendre le détail de tout ce qui constituait les modalités

10 d'intervention des parties belligérantes. Notre intérêt commençait et se

11 terminait là où ces parties belligérantes venaient influer sur la qualité

12 de l'exercice -- la réalisation de notre mandat.

13 Q. La position de cette 7e Brigade musulmane avait été qualifiée comme

14 étant une Unité de Choc. Je vous demanderais, mon Général, de nous

15 expliquer quelle a été la source qui vous a permis de tirer une conclusion

16 ce cette nature. Deuxièmement, avez-vous personnellement vu cette 7e

17 Brigade musulmane dans l'accomplissement d'une opération que l'on

18 qualifierait d'opération de choc ?

19 R. Je vais d'abord répondre à la deuxième -- au deuxième volet de votre

20 question. Non, je n'ai jamais vu cette 7e Brigade musulmane dans une

21 opération de choc quelle qu'elle soit.

22 Je vais essayer, toutefois, maintenant, de répondre à la première partie de

23 votre question. Notre conviction a été -- et cela s'est fondé sur

24 l'observation directe du terrain -- qu'il y a eu plusieurs brigades, dont

25 les responsabilités étaient, premièrement, de nature territoriale. Ils

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1 opéraient des parties fixes du terrain, et c'est là qu'elles réalisaient

2 leurs opérations. Il y avait d'autres unités et brigades qui semblaient

3 disposer davantage de liberté de mouvement pour ce qui est des déplacements

4 sur le terrain, pour laisser l'impression qu'il y avait là une

5 concentration plus grande des forces et aboutir à un effet de choc, par la

6 suite, de cette façon. A notre avis, la 7e Brigade musulmane était

7 précisément ce type d'unité ou d'organisation.

8 Q. Ce n'était pas, à votre avis, seulement la 7e Brigade, mais il y avait

9 d'autres brigades également qui ont été utilisées sur un secteur plus vaste

10 et dans plusieurs type d'opérations, et non pas seulement pour tenir

11 certaines lignes, de façon statique, n'est-ce pas ?

12 R. Selon mon expérience que j'en ai, je dirais que cela se fond sur le

13 document que j'ai sous les yeux. Etant donné le paragraphe 33, je dirais

14 que notre conviction, à l'époque, c'est que seule la 7e Brigade musulmane

15 était la seule unité à intervenir, de cette façon-là, au sein du 3e Corps.

16 Q. Mon Général, toutefois, compte tenu de la mission de votre bataillon,

17 je crois que vous serez d'accord avec moi pour dire que les membres de

18 votre bataillon à vous n'ont pas été sur le champ de bataille et n'ont pas

19 eu l'opportunité de voir, de leurs propres yeux, de quelle façon s'opérait

20 l'intervention des unités au combat.

21 R. Je ne pense pas que les choses puissent être considérées en noir ou en

22 blanc de la sorte. Un certain nombre de membres de mon bataillon et,

23 notamment, les officiers de liaison, ont traversé les lignes de front. Ils

24 se sont souvent trouvés dans des situations difficiles, mais l'on ne peut

25 pas dire qu'ils ont constamment été sur les lignes de front. Ceci fait, je

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1 pense qu'ils avaient disposé de toutes les possibilités d'avoir une bonne

2 idée -- de se faire une bonne idée de la situation sur la ligne de front.

3 Q. Mais, en votre qualité d'officier expérimenté, vous pouvez confirmer

4 qu'il n'eut pas été normal pour un Corps d'armée, de la taille de celle du

5 3e Corps, de disposer seulement d'une seule et unique Brigade de Manœuvre.

6 R. Je pense qu'il serait raisonnable de s'attendre à en avoir plus d'une

7 seule -- de Brigade de Manœuvre, mais, dès le début, il est devenu clair,

8 comme je l'ai dit, qu'ils manquaient de ressources, notamment, pour ce qui

9 est des potentiels de transport et pour ce qui est de l'armement lourd.

10 Aussi, était-il raisonnable de notre part d'aboutir à une évaluation disant

11 que ce corps-là n'avait disposé, à ce moment-là, que d'une seule Brigade de

12 Manœuvre ?

13 Q. Je vous remercie. Vous venez de répondre à l'autre volet de ma

14 question. Mais, au sujet de ce que vous venez de dire, serait-il juste

15 d'affirmer que le HVO avait disposer de ressources -- de moyens bien grands

16 en armes, en puissance de combat, d'une manière générale, que cela n'a été

17 le cas avec l'ABiH ?

18 R. Si vous me le permettez, je voudrais dire qu'il y avait des différences

19 entre les Unités du HVO dans la zone de responsabilité de mon bataillon.

20 Celles des forces du HVO, qui intervenaient dans le secteur de Prozor et

21 plus loin au sud, vers Herzégovine, étaient bien mieux équipées pour ce qui

22 est de l'artillerie et des munitions. Ils recevaient, de façon évidente, un

23 appui et une assistance en provenance de Croatie et d'ailleurs.

24 S'agissant du HVO en Bosnie centrale, ils étaient pris au piège dans cette

25 espèce de poche de Vitez, et ils n'ont pas été équipés, de façon

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1 spectaculaire. Il y a là un avantage qu'ils avaient à leur disposition,

2 mais qu'ils ne pouvaient pas contrôler à part entière, c'était l'usine

3 d'explosives, l'usine de Vitezit à Vitez. Mais, en tout état de cause, le

4 HVO en Bosnie centrale, je pense, n'avait pas été mieux équipé que quelques

5 unités, que ce soit, de l'ABiH en Bosnie centrale.

6 Q. Toutefois, Général, vous serez probablement amène de confirmer que même

7 le HVO en Bosnie centrale avait disposé de possibilité alternative

8 d'approvisionnement, en réalité, en opérant des violations de l'embargo

9 pour ce qui est de la zone d'interdiction de vol, notamment, en

10 approvisionnement nocturne qui était destiné à fournir des armes, et le HVO

11 avait transporté par avion des armes de Bosnie en provenance de Split.

12 Avez-vous eu connaissance de cela ?

13 R. Je suis au courant des rapports, disant que cela se passait

14 probablement. Je ne voudrais pas être affirmatif, mais il est très

15 difficile de savoir ce qui se passait avec les vols d'hélicoptère qui

16 décollait la nuit, et qui réalisait des opérations de vol de nuit dans

17 notre secteur. Il est exact de dire que certaines personnes blessées

18 disparaissaient de l'hôpital de Nova Bila, mais nous ne pouvons pas

19 confirmer que la nuit était utilisée pour fournir ou approvisionner en

20 armes qui que ce soit. Il y a eu des cas d'envoies ou de fournitures de

21 munitions par parachute auparavant dans le secteur de Vitez, et je crois

22 que nous avons eu un cas d'approvisionnement par hélicoptère de jour, mais

23 les Croates ont estimé que la situation était trop dangereuse, et c'est la

24 raison pour laquelle ils ont essentiellement volé de nuit, ce qui fait que

25 je ne puis vous confirmer si, oui ou non, c'est à cette fin-là que les

Page 5965

1 hélicoptères atterrissaient dans la poche de Vitez.

2 Q. Mais, si l'on met de côté la possibilité de transférer des blessés vers

3 des hôpitaux mieux équipés, cela fournissait une avance psychologique aux

4 membres du HVO par rapport à l'ABiH, qui, elle, dépendait uniquement et

5 exclusivement, de cette -- du libre passage assuré aux convois

6 humanitaires; est-ce bien exact ?

7 R. Sans aucun doute, il y avait un certain avantage de cette nature.

8 Toutefois, le nombre limité de vols d'hélicoptères d'approvisionnement de

9 l'ABiH -- et je crois que mon journal a parlé du fait que la FORPRONU avait

10 appris sur le fait d'un hélicoptère qui déchargeait un obusier. Je crois

11 qu'il n'y a un avantage -- l'avantage de la provisionnement par hélicoptère

12 était d'un côté.

13 Q. Je vous remercie. Pour ce qui est du début de votre témoignage, vous

14 avez décrit la zone de responsabilité qui allait de la limite de la Bosnie-

15 Herzégovine et de la Croatie. Est-il exact de dire que vous êtes arrivé en

16 Bosnie-Herzégovine, en passant par Split, et vous avez traversé -- vous

17 avez pris la route par Livno, Gornji Vakuf, Novi Travnik, pour aller à

18 Vitez ?

19 R. C'est exact. Il s'agit de l'hiver 1993, et c'était la seule route

20 possible -- la seule voie possible pour l'ONU et d'autres institutions

21 internationales pour pénétrer en Bosnie centrale.

22 Q. Est-il vrai que cette route, partant de la limite de la République de

23 Croatie, via Prozor, Gornji Vakuf, Tomislavgrad, était sous le contrôle des

24 forces du HVO ?

25 R. Non, ce n'est pas une description exacte de la situation. Sous le

Page 5966

1 contrôle du HVO, elle s'est déplacée, ensuite -- elle allait jusqu'à

2 Prozor. Ensuite, elle s'est déplacée dans une zone qui se trouvait sous le

3 contrôle de l'ABiH, autour de Prozor -- non, excusez-moi, autour de Gornji

4 Vakuf. Ensuite, elle s'est déplacée à nouveau dans un secteur croate, et

5 elle atteint la poche Vitez.

6 Q. Général, est-ce que vous serez d'accord que l'ensemble de la population

7 dans le territoire sous le contrôle de l'ABiH, dans le secteur de

8 responsabilité du 3e et du 2e Corps, se fondait exclusivement sur l'aide

9 humanitaire, suivait ces voies de la direction de la Croatie ?

10 R. Non, cela n'est pas une hypothèse correcte. Aux fins de l'aide

11 humanitaire, telle qu'envisagée par le HCR, c'était d'apporter l'aide

12 humanitaire, en identifiant des groupes qui avaient des risques, les

13 groupes de réfugiés et d'autres personnes déplacées, et des groupes tels

14 que les femmes et des enfants et des personnes âgées. Mais les Nations Unis

15 ne visaient jamais à nourrir l'ensemble de la population.

16 Q. Toutefois, je crois que vous serez d'accord que, dans ce secteur de la

17 Bosnie centrale, sous le contrôle de l'armée, ainsi que dans le secteur de

18 Tuzla qui était sous le contrôle du 2e Corps, il y avait la plus grande

19 concentration des populations à risque, des réfugiés et autres qui avaient

20 besoin de cette aide humanitaire, n'est-ce pas le cas ?

21 R. Je ne suis pas qualifié pour dire où se trouvaient les groupes les plus

22 importants de personnes vulnérables. Il faudrait demander un expert du HCR.

23 Mais, oui, il y en avait beaucoup au Bosnie centrale, mais il y avait

24 également d'autres zones, telle que Sarajevo, où il y avait un grand nombre

25 de populations vulnérables qui avaient -- qui étaient en droit de recevoir

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1 l'aide humanitaire, selon les règlements de l'ONU.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Me permettez d'intervenir, Maître Residovic. La

3 Chambre, qui tient un compteur horaire, a constaté que l'Accusation,

4 pendant l'interrogatoire principal, a pris 52 minutes. Nous avions décidé

5 dernièrement que la Défense aurait 50 % de temps de plus que l'Accusation.

6 Théoriquement, vous aviez 88 minutes, et vous les avez utilisées. Vu cette

7 inquiétude, il vous reste combien de temps encore, alors que vous avez

8 dépassé le temps, et, également, les autres défenseurs ont aussi d'autres

9 questions ? Pouvez-vous nous dire : il vous faut combien de temps encore ?

10 Car le temps, qui vous êtes imparti, est déjà écoulé.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Un maximum de 15 minutes, mais je vais

12 faire de mon mieux pour le faire en moins de temps.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : L'autre défenseur, il vous faudra combien de temps ?

14 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous n'avons pas

15 de questions à poser à ce témoin. Nous n'avons pas besoin de temps

16 supplémentaire.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Prenez dix minutes et, ensuite, on passera à la

18 suite.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Général, je prends mon compte de ce que vous avez dit dans vos

21 réponses. Je n'avais pas à l'esprit les autres zones où allaient l'aide

22 humanitaire, mais est-il vrai que la seule accès -- la seule voie pour

23 apporter l'aide humanitaire en Bosnie-Herzégovine était depuis la limite

24 avec la Croatie, en passant des zones qui étaient contrôlés par le HVO, que

25 c'était la seule voie par laquelle l'aide pouvait accéder à ceux qui

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1 l'avait besoin ?

2 R. En théorie, il était possible que l'aide vienne de Zagreb par Banja

3 Luka, par des zones contrôlées par les Serbes de Bosnie, mais, à ce moment-

4 là, à ce stade de la guerre, l'aide n'arrivait nulle part en Bosnie

5 centrale. La seule voie était de Split, par Tomislavgrad, et par Gornji

6 Vakuf, jusqu'à -- de Split jusqu'à Zenica.

7 Q. J'ai encore un dernier point à évoquer avec vous.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais que l'on montre au témoin

9 la pièce 379 de l'Accusation.

10 Q. Général, voici un document que vous avez envoyé au chef d'état-major du

11 commandement de la Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Dans cette lettre, au paragraphe 1, cette lettre que vous avez envoyée,

14 vous dites que les Moudjahiddines ont capturé quatre membres du HVO à

15 Travnik; est-ce exact ?

16 R. C'est exact.

17 Q. A ce même paragraphe, sur la base de vos renseignements, vous en

18 déduisez que deux otages manquants pourraient ne pas être dans le pouvoir

19 de Mehmed Alagic, commandant du 3e Corps.

20 R. C'est bien ce qui est dit là.

21 Q. Ce document, qui est daté du 5 décembre 1993, indique aussi qu'on ne

22 voit pas clairement, même à l'époque, qui contrôlait les Unités

23 moudjahiddines. Est-ce que vous avez également écrit cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Cette appréciation de votre part a été envoyée sur la base de

Page 5969

1 renseignements que vous aviez reçus de votre officier de liaison de Travnik

2 dans une lettre, datée du 26 novembre 1993; est-ce exact ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Cette conclusion a également été faite sur la base de la conversation

5 que vous avez eue par la suite avec le commandant Alagic, dont vous avez

6 dit qu'il souhaitait effectivement aider la famille Popovic, mais qu'à

7 l'évidence, il n'avait pas le pouvoir de le faire; est-ce exact ?

8 R. C'est ce que j'ai écrit.

9 Q. D'après la lettre de votre officier de liaison à Travnik, il ressort

10 également que le Groupe opérationnel à Travnik n'a aucune possibilité de

11 contrôler les Moudjahiddines; est-ce exact ?

12 R. C'est ce que j'ai indiqué.

13 Q. Il découle de cela également, que les commandants de la Brigade de

14 Bosnie-Herzégovine nous ont dit clairement qu'ils n'avaient pas de contrôle

15 sur des groupes de Moudjahiddines; est-ce exact ?

16 R. Je ne vois pas avoir dit exactement cela par écrit.

17 Q. Ce que vous avez écrit, ou plutôt ce que votre officier de liaison a

18 écrit, pour être précis, c'est que tous les commandants s'efforcent

19 d'éviter la responsabilité et blâment tout ce que font les Moudjahiddines.

20 Ce serait plus précisément ce qui est écrit dans cette lettre, n'est-ce pas

21 ?

22 R. C'est exact. Le paragraphe en question, mentionne les commandants

23 Alagic et Cuskic, mais il ne mentionne rien des commandants de brigade.

24 Q. Je vous prie de m'excuser. Il est dit, au paragraphe 2 : "Les Groupes

25 opérationnels à Travnik n'ont aucun pouvoir sur les Moudjahiddines. Il

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1 semble qu'il y ait des efforts considérables effectués par tous les

2 commandants." Je pensais que cela voulait dire les commandants au-delà de

3 Cuskic. Si votre compréhension du texte, c'est que ceci s'applique

4 uniquement à Alagic et à Cuskic, j'accepte ceci comme étant votre réponse.

5 R. C'est mon interprétation de ce que dit le capitaine Guinness. Je ne

6 peux pas mettre les mots "commandant de brigade" dans un texte, où il ne

7 les a pas utilisés.

8 Q. Je vous remercie. Répondant à des questions de mon confrère, vous dites

9 qu'en remplissant vos fonctions, vous étiez au courant du problème qui se

10 posait en ce qui concerne la décision du HVO de faire sauter l'usine

11 d'explosifs de Vitez. Est-ce que vous avez été confronté à une intention de

12 ce genre du HVO ?

13 R. Nous avons été conscients de cela pour la première fois, lorsque le HVO

14 a invité les caméras de télévision internationale à visiter l'emplacement

15 de l'usine de Vitez et à prouver qu'ils avaient mis en place ce qu'il

16 fallait pour la démolition d'un certain nombre de magasins ou d'explosifs.

17 Lorsqu'on nous a demandé de procéder à une visite, on a également été

18 invités à voir des signes analogues de préparation de démolition.

19 Q. Dans cette éventualité, ceci a retenu votre attention, et vous avez

20 informé le haut commandement d'user d'influence pour que le HVO renonce à

21 de telles intentions.

22 R. C'est exact. Nous avons procédé à une inspection technique par un

23 officier spécialiste de munition qui faisait partie de notre équipe. Nous

24 avons évalué quel pourrait être une éventuelle catastrophe. Nous avons

25 invité, à ce moment-là, notre quartier général à exercer des pressions sur

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1 les autorités du HVO pour dire clairement que le fait de démolir cette

2 usine serait extrêmement pour la population civile, ainsi que pour les

3 forces de l'ONU.

4 Q. Un événement de ce genre engageait évidemment pleinement les

5 commandants de corps et avait une influence pour qu'ils modifient ces

6 plans, compte tenu des dangers que vous avez vous-même identifiés.

7 R. Je n'ai aucune idée de la réaction du commandement de corps. Je n'en ai

8 pas discuté, en tant que tel avec lui. A un moment donné, j'en ai parlé

9 avec des personnes qui faisaient partie du Groupe opérationnel à Travnik,

10 au QG, sur le point de savoir s'ils avaient un plan dans le cas où la poche

11 de Vitez tomberait, ou un grand nombre de réfugiés sortiraient de cette

12 zone. Je n'avais aucune idée de ce qu'était le point de vue du commandant

13 Alagic en ce qui concernait une explosion éventuelle de l'usine.

14 Q. Ma dernière question, mon Général, est de savoir : seriez-vous d'accord

15 si je dis que les événements de grande importance, ou importance telle que

16 le fait de faire sauter l'usine de Vitez, ou un autre événement

17 significatif ou d'importance a eu un impact très important sur le

18 comportement et les plans du commandant de corps ? Normalement, ceci aurait

19 une incidence sur le comportement, les plans et l'engagement d'un

20 commandant de corps. C'étaient des événements qu'il ne pouvait pas faire

21 semblant d'ignorer.

22 R. Je crois que c'est effectivement une bonne description, une bonne

23 hypothèse.

24 Q. Je vous remercie beaucoup, Général, d'avoir répondu à mes questions.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 5972

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

2 Monsieur Mundis, pour les questions supplémentaires.

3 M. MUNDIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Général, les Juges, qui sont devant vous, ont des

5 questions à vous poser.

6 Questions de la Cour :

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous le permettez, je vais demander à Mme la

8 Greffière de vous redonner la pièce P378, le document que vous aviez tout à

9 l'heure sous les yeux.

10 Dans ce document, dont la Défense vous a abondamment posé des questions, ce

11 document qui a été rédigé par l'officier Brown, est abordée dans ce

12 document la question de la 7e Brigade musulmane. C'est aux paragraphes 14,

13 15 et 16. Il y a une évaluation qui est faite aux paragraphes 17, 18 et 19.

14 Compte tenu de ce qui est indiqué aujourd'hui, d'après les souvenirs que

15 vous aviez de l'époque, la 7e Brigade musulmane était constituée, d'après

16 vous, de quels éléments ?

17 R. L'accord que nous avions, à ce moment-là, c'était que les éléments de

18 composition de la 7e Brigade musulmane étaient déplacés. C'étaient des

19 citoyens bosniens déplacés. Il y avait au sein de ce groupe, un groupe de

20 combattants de l'extérieur que l'on appelait collectivement du nom de

21 Moudjahiddines.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes affirmatif. Vous nous dites que, dans la

23 7e Brigade musulmane, que vous avez qualifié de combattants déplacés, il y

24 avait des locaux et des étrangers. Ces étrangers, d'après vous, d'après les

25 connaissances que vous aviez, venaient d'où ?

Page 5973

1 R. C'était difficile pour nous d'apprécier exactement d'où ils venaient.

2 D'après mes souvenirs, la plupart de nos contacts étaient hostiles. Ce

3 n'était pas le genre de personnes qui étaient prêtes à converser avec des

4 officiers de liaison ou avec le commandant.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que vos officiers de liaison les ont

6 visuellement vus, ces éléments étrangers ?

7 R. C'est très difficile de parler à quelqu'un pour dire s'ils sont

8 étrangers ou locaux. Ils étaient habillés avec des barbes. On voyait que

9 c'était de plus en plus des fondamentalistes en leur apparence.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vos officiers de liaison qui étaient en contact avec

11 l'ABiH, quand ils évoquaient auprès du lieutenant-colonel Williams, c'est-

12 à-dire, vous, cette question, est-ce qu'ils vous indiquaient que ces

13 éléments de la 7e Brigade leur apparaissaient être sous une tutelle

14 militaire ?

15 R. Mes souvenirs sont que nous n'avons jamais supposé que la 7e Brigade

16 était autre chose qu'une partie de l'ABiH. Les éléments Moudjahiddines,

17 leur subordination à la 7e Brigade, leur subordination à une chaîne de

18 commandement militaire, était beaucoup plus difficile à évaluer. Notre

19 hypothèse au départ, était que toutes les organisations qui s'appelaient

20 Groupes opérationnels ou brigades, se trouvaient strictement sous la

21 structure formelle de l'armée.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que la 7e Brigade musulmane

23 dépendait du 3e Corps.

24 R. Lorsque nous sommes arrivés, l'hypothèse était qu'à ce moment-là, elle

25 était subordonnée au quartier général du 3e Corps.

Page 5974

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce document, il est indiqué, au paragraphe 15,

2 l'existence d'Unités indépendantes de Moudjahiddines qui n'appartiennent

3 pas à la 7e Brigade, qui sont directement subordonnées au 3e Corps. En

4 termes militaires, cela veut dire quoi ? Est-il envisageable que, dans une

5 situation, à l'époque, de conflit qu'il puisse y avoir des unités qui

6 échappent à un lien organique avec une entité de responsabilité

7 militaire ? Comment vous expliquez cette phrase en termes militaires ? Est-

8 il envisageable qu'il y ait des unités indépendantes ? Si c'est le cas,

9 elles dépendraient de qui alors ces unités indépendantes? Pourrait-on

10 envisager que des groupes d'individus se forment et échappent au HVO et à

11 l'ABiH ?

12 R. Mon appréciation de la situation, c'était que les Groupes opérationnels,

13 que vous voyez mentionnés ici, étaient pour l'ensemble responsables, comme

14 l'étaient les brigades individuelles, quelles avaient des responsabilités

15 territoriales pour les Groupes opérationnels contrôlant un certain nombre

16 de brigades dans un secteur spécifique. Il est tout à fait possible, on

17 pourrait dire, qu'une organisation indépendante, qui est une brigade qui

18 n'appartienne pas à un Groupe opérationnel, mais à un niveau au-dessus, en

19 particulier, ces Unités de manœuvre, que l'on peut la déplacer d'un Groupe

20 opérationnel à un autre ou d'un secteur territorial à un autre.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : En termes militaires, ce qui est indiqué, au

22 paragraphe 15, c'est que l'explication de ces Unités indépendantes serait

23 qu'à ce moment-là, ce serait des Unités de manœuvre, qui se déplaceraient

24 sur différentes zones géographiques et qui, en tout état de cause, seraient

25 subordonnées à une autorité qui, en l'espèce, ne serait pas la 7e Brigade,

Page 5975

1 mais relèverait néanmoins du 3e Corps.

2 R. C'était très difficile, je dirais, même impossible, pour nous de

3 considérer qu'il ait pu y avoir une unité bien armée ou bien motivée, telle

4 que la 7e Brigade musulmane, où, effectivement, des Moudjahiddines, qui

5 opéraient dans le secteur du 3e Corps avec des capacités militaires, qui

6 n'aurait pas été directement subordonnée au commandant du 3e Corps. Il

7 aurait été très étrange comme situation d'avoir un groupe fortement armé de

8 personnes, allant et venant à l'intérieur de votre secteur opérationnel,

9 sans que vous puissiez y avoir, dans une certaine mesure -- dans toute la

10 mesure du possible, les avoir sous votre contrôle et votre commandement.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : En tant que militaire, vous excluez la possibilité

12 qu'une unité sur place, à l'époque, puisse échapper au contrôle militaire

13 du 3e Corps. C'est bien ce que vous nous dites ?

14 R. Ce que j'ai dit, c'est que lorsqu'ils se trouvaient dans le secteur du

15 3e Corps, je ne peux pas envisager qu'ils aient pu opérer dans ce secteur,

16 sauf à avoir été sous le contrôle direct ou peut-être même par la voie

17 hiérarchique, mais à partir du quartier général du 3e Corps.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous dites est très important. Vous dites à

19 ce moment que dans cette hypothèse d'Unités indépendantes, en tout état de

20 cause, le quartier général devait avoir un contact avec eux.

21 R. Oui. Il faut qu'il y ait eu une sorte de contact, ne serait-ce, que

22 pour se passer les tâches à accomplir.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est envisagé dans ce document également, au

24 paragraphe 19, c'est l'évaluation qui est faite, qui est une évaluation de

25 votre bataillon en réalité. Au paragraphe 19, vous dites que la 7e Brigade

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1 musulmane s'éloigne de son rôle d'élément de manœuvre du corps, et se

2 rapproche de l'armée. Vous dites que cette Brigade se retrouvait dans la

3 zone de Fojnica, qui relève du 6e Corps. Est-ce dire qu'au moment où cette

4 note est établie, la 7e Brigade musulmane relève également d'un autre

5 corps, à savoir, le 6e Corps qui est mentionné ?

6 R. C'est ce qui est dit dans ce paragraphe, Monsieur le Président. Mon

7 point de vue, en tant que militaire, c'est que, si la 7e Brigade -- ou les

8 éléments de la 7e Brigade étaient sortis du secteur du responsabilité du 3e

9 Corps dans la secteur du 6e Corps, il serait sous le contrôle et le

10 commandement du 6e Corps, ce qui se trouvait dans ce nouveau secteur. Si on

11 pouvait montrer qu'il passait d'un secteur de corps à un autre secteur d'un

12 autre corps militaire, l'application très claire était qu'il devait être

13 également se retrouver sous le contrôle du Grand quartier général au niveau

14 centrale de l'ABiH, de façon à pouvoir les déplacer d'un secteur de corps

15 de responsabilité à un autre secteur de corps.

16 Bien qu'on lise ici "la brigade", je soupçonne, ayant réfléchi du fait

17 qu'il y avait encore des éléments de la Brigade à Travnik, et autour de

18 Travnik, et ainsi de suite, et Zenica en décembre, que c'était probablement

19 des éléments de la brigade, que nous avions vue dans le secteur de Fojnica,

20 si c'était effectivement le cas.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit tout à l'heure que, quand vous êtes

22 arrivé dans votre prise de fonction en novembre, vous avez considéré que

23 l'ABiH était bien structurée et que, d'après vous, la structure de cette

24 armée correspondait aux standards des autres armées. Vous confirmez ce que

25 je vous rappelle là ?

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1 R. Oui, j'accepte que ce soit bien ce que je dis. Je considère qu'il y

2 avait tous les structures et tous les éléments, donnant l'impression que

3 c'était une armée, au sens formel du terme.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Au paragraphe 18, de ce document, il est indiqué que

5 le 3e Corps a désapprouvé des méthodes de la 7e Brigade, et ce paragraphe

6 semble dire que la 7e Brigade semble désobéir aux ordres du 3e Corps.

7 Comment est-ce possible dans le cadre d'une armée très structurée ? Comment

8 vous expliquez cela ?

9 R. J'accepte ce que le document dit ici. Je ne peux pas vraiment m'opposer

10 à ce que dit le document. Je croix qu'il est difficile de penser -- de

11 connaître qu'il y avait des éléments importants de l'ABiH qui étaient des

12 éléments incontrôlés, comme on les a appelés. Nous avons vu, dans d'autres

13 documents, comment des commandants finalement niaient leur responsabilité

14 pour des événements lorsqu'il y avait quelque chose de déplaisant. Il y a

15 un degré de ce qu'on peut nier ici, mais je crois que du trait du formel,

16 les éléments armés, se trouvant dans le secteur de la responsabilité du 3e

17 Corps, doivent être considérés comme se trouvant sous le commandement et le

18 contrôle du 3e Corps, à moins qu'on le puisse prouver qu'il en étaient

19 autrement.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme les Juges ont d'autres questions à poser, nous

21 allons faire la pause parce qu'il est midi trente. Nous reprendrons à une

22 heure moins cinq.

23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

24 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise, et les Juges ont encore des

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1 questions à poser au témoin.

2 Il vous est arrivé, vous nous avez dit, que vous aviez rencontré, à

3 plusieurs reprises, le commandant du 3e Corps. Vous l'avez rencontré sur le

4 lieu de l'exercice de ses fonctions ou dans un autre endroit ? Est-ce que

5 vous lui avez rendu visite dans son quartier général ?

6 R. A plusieurs reprises, à Zenica, surtout, au siège de son état-major et

7 parfois sur le terrain, notamment, dans les aciéries de Zenica.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les rencontres que vous avez eues, est-ce que

9 l'impression que vous avez eue était que ce quartier général, ce 3e Corps,

10 où ses officiers étaient des professionnels militaires ? Ou avez-vous eu

11 l'impression que c'étaient des personnes dépassées par le poids des

12 responsabilités ? Quelles impressions vous avez eues puisqu'à l'époque,

13 vous étiez lieutenant-colonel ? Vous étiez un officier supérieur, quelle

14 impression avez-vous retirée d'entretiens, de nature militaire, avec les

15 personnes que vous avez pues voir, les officiers de hauts rangs de l'ABiH ?

16 Qu'est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet ?

17 R. Les principales personnes, que j'ai rencontrées dans le cadre de

18 l'exercice de mes fonctions, étaient le commandant Alagic et son

19 remplaçant, M. Merdan, mais je rencontrais parfois, également, M. Dugalic,

20 qui était le responsable des services de Sécurité, ainsi qu'un certain

21 nombre d'officiers du quartier général du 3e Corps. Je n'ai rencontré que

22 rarement le commandant Mahmuljin. J'ai toujours eu l'occasion -- j'ai eu, à

23 plusieurs occasions, l'impression qu'ils étaient tout à fait calmes,

24 complètement conscients de leurs responsabilités et, lorsqu'ils

25 entreprenaient quelque chose, ils réalisaient cela, de façon scrupuleuse

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1 pour ce qui est d'appliquer ce qui est avait été convenu auparavant.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que votre bataillon a été emmené, à un moment

3 donné, à prêter un concours direct ou indirect dans des échanges de

4 prisonniers ?

5 R. Je ne puis pas répondre par l'affirmative pour ce qui est des échanges

6 de prisonniers. Ce que je peux certainement répondre en me servant de

7 l'affirmative, c'était pour ce qui est des échanges des dépouilles, des

8 restes des militaires et cela avait été la tâche de mes officiers de

9 liaison, qui se sont efforcés à faire en sorte que les échanges en question

10 se fassent.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que vos officiers prêtaient leur

12 concours aux échanges de dépouilles de soldats, voire des civils, qui

13 avaient été tués lors de combats; c'est bien cela ?

14 R. Oui. C'était l'une des tâches de la Commission à Turbe, où intervenait

15 M. Beba Salko, qui a déjà été mentionné auparavant. Le travail de la

16 commission -- et il convient de préciser que cette commission a cessé

17 d'exister dans le secteur de Gornji Vakuf -- je dirais que la commission en

18 question a pris sur soi le rôle de l'exercice de ces échanges de réfugiés

19 et de dépouilles des soldats et autres.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vos officiers, lorsqu'ils étaient présents dans ces

21 échanges de dépouilles, est-ce qu'ils étaient amenés à constater l'état des

22 corps, à prendre des photos, à rédiger des rapports sur le constat qu'ils

23 pouvaient effectuer sur ces corps ? A ce moment-là, est-ce que vous en

24 étiez vous informé et est-ce que vous faisiez remonter l'information vers

25 le brigadier général qui était à Split ?

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1 R. Habituellement, lorsqu'il y avait échange de corps, il y avait un jeune

2 officier de présent. C'était une routine habituelle pour ce qui est

3 d'inspecter les dépouilles. Les dépouilles étaient échangées pour des

4 raisons humanitaires pour pouvoir être restituées aux familles respectives

5 et ce travail était effectué d'habitude aussi rapidement et de façon aussi

6 efficace que possible.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Un autre Juge va vous poser des questions.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Général. J'ai plusieurs

9 questions à vous poser et qui s'enchaînent sur ce que vous avez dit ce

10 matin. Dans le début de la matinée, on vous a montré un certain nombre de

11 documents où il est fait référence à des Moudjahiddines et à des éléments

12 échappant à tous contrôles. Vous avez été interrogé au sujet du fait de

13 savoir si ces questions ont été soulevées dans les conversations que vous

14 avez eues avec les membres de l'ABiH et vous avez commencé à faire des

15 commentaires sur ces éléments échappant à tous contrôles, notamment, les

16 Moudjahiddines.

17 J'ai cru comprendre ce matin que vous avez eu des conversations à ce sujet

18 avec les officiers de l'ABiH, est-ce exact ?

19 R. Oui, j'ai eu des conversations avec le commandant Alagic et le

20 commandant Merdan.

21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Alagic et Merdan, ce sont les

22 commandants avec qui vous vous êtes entretenu et les autres, non ?

23 R. Non. J'ai uniquement parlé de cela avec Alagic et Merdan.

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pourquoi -- pour quelles raisons en

25 avez-vous discuté avec ces deux commandants de l'armée ?

Page 5981

1 R. L'un des domaines précis, où il s'agissait d'avoir des conversations,

2 était les vols d'équipement à partir du camp -- de notre camp à Gornji

3 Vakuf. S'agissant des équipements, c'étaient surtout des munitions qui

4 avaient disparu et, une fois, l'on nous avait saisi un véhicule blindé à

5 Gornji Vakuf. Cela a été fait par certaines parties du 3e Corps, y compris

6 les équipements qui se trouvaient, à savoir, les armes qui se trouvaient

7 dedans. Certaines pièces de l'équipement étaient restituées. Quand j'ai

8 demandé comment cela s'était passé, on m'a dit que c'étaient des contrôles

9 qui échappaient à leur contrôle. L'argument en question n'était pas si

10 convaincant que cela et la chose a été confirmée, quelques semaines plus

11 tard, lorsqu'il s'est avéré qu'une mitrailleuse, qui avait également été

12 saisie par ces éléments échappant au contrôle, qui a fait son apparition

13 sur la ligne de front et qui se trouvait saisie par les forces du HVO, et

14 saisie par le HVO au niveau d'une Unité de l'ABiH tout à fait normale.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce qu'à chaque fois que vous avez

16 été exposé -- lorsque vous aviez des critiques à l'intention des

17 commandants, est-ce qu'on vous répondait qu'il s'agissait d'éléments

18 échappant au contrôle ?

19 R. Non, cela n'a pas été le cas. Par exemple, lorsqu'il y a eu l'incident

20 de tir -- de tireur isolé, où il y a un Croate de mort, un chauffeur de

21 camion qui a été tué à Gornji Vakuf, le commandant Merdan est tout de suite

22 venu à Gornji Vakuf et il a conduit une enquête, de façon méticuleuse, et

23 il est apparu, de façon tout à fait claire, que le 3e Corps a pris tout à

24 fait au sérieux ce qui se passait sur les lignes de front, même s'il

25 s'agissait d'endroits si éloignés que Gornji Vakuf.

Page 5982

1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] L'incident afférant à M. Popovic, a-t-

2 il été une raison de conversation ?

3 R. Je me suis entretenu à ce sujet avec M. Alagic, comme je l'ai déjà dit

4 auparavant. La conversation n'a pas apporté de résultats satisfaisants

5 parce qu'Alagic a implicitement laissé entendre qu'il était au courant de

6 ce qui s'était passé avec Popovic et le résultat probablement ne risquait

7 pas d'apporter quelque issue heureuse que ce soit. En fait, par la suite,

8 je n'ai pas eu de conversation définitive pour découvrir ce qu'il était

9 arrivé à Popovic. Toute la question a dû rester quelque part en suspens. Je

10 crois que c'est là une chose sur laquelle Alagic ne voulait pas revenir.

11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais vous a-t-il dit que la disparition

12 de Popovic était dû à l'exercice de ces -- ou dû aux activités de ces

13 éléments à tous contrôles, à savoir, les Moudjahiddines.

14 R. Il a été plutôt inexplicite et peut-être n'a-t-il pas voulu qu'on

15 exerce ces dépressions à son encontre.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lui avez-vous posé la question ?

17 R. Je lui ai posé la question tout de suite, mais la réponse a été dit --

18 a été celle de dire que l'issue ne risquait pas d'être heureuse. Par la

19 suite, il n'y a pas eu de nouvelles.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] N'avez vous pas eu l'idée que lui

21 savait déjà quelle était l'issue de cette affaire ?

22 R. Ce qui m'a fait savoir cela, c'était son langage du corps. Il ne me

23 regardait plus droit dans les yeux lorsqu'il parlait de cela. Il passait

24 rapidement à un autre sujet.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Juste avant la pause, nous avons parlé

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1 de ce rapport reprenant la structure de l'ABiH. Le Président de la Chambre

2 vous a posé plusieurs questions à ce sujet, notamment, au sujet des

3 différents paragraphes. Je me réfère surtout aux paragraphes 17 et 18. Il y

4 est dit, notamment, ce qui suit : le

5 3e Corps a exprimé son mécontentement au sujet des méthodes utilisées par

6 la 7e Brigade musulmane. Est-ce là une chose que vous savez partant de

7 votre expérience personnelle ? Est-ce que c'est quelqu'un qui vous l'a dit

8 directement, ou est-ce que cela vient comme information de la bouche

9 d'autrui ?

10 R. Au bout d'autant de temps, je ne sais plus quel avait été le fondement

11 de ce qui est rédigé dans ce paragraphe. Je sais que cela se compte sur un

12 rapport, mais je ne sais pas, au juste lequel. Si vous me le permettez,

13 j'aimerais revenir sur une chose dont nous avons parlé au sujet des

14 Brigades de Choc. Je crois que l'influence de cette 7e Brigade musulmane

15 avait été, notamment, de nature psychologique. Il y avait cet élément, ce

16 facteur islamique. C'est dans ce sens que cela constituait une réponse au

17 HVO, qui avait eu un des tendances extrémistes. Si je dis fasciste, peut-

18 être le terme sera-t-il trop fort, mais il y avait des groupes

19 nationalistes, extrémistes. Il me semble que les deux groupes avaient

20 essayé de faire peur -- d'intimider les groupes de soldats, certains

21 groupes de soldats, en confrontant des groupes particulièrement effectifs

22 ou particulièrement violents.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Dans votre rapport, il est question de

24 méthode. Je crois que l'on peut entendre plusieurs choses. Qu'entendez-vous

25 par "termes" ou "méthodes" ?

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1 R. Je crois qu'il s'agit ici d'un terme qui parle de méthode de combat, de

2 groupes qui sont plus violents, qui sont moins humains dans leur conduite.

3 Il s'agit d'Unités de Choc qui étaient différentes du reste.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pouvez-vous être plus précis à ce

5 sujet ?

6 R. Je peux me référer à un incident de décembre 1993. Nous avons en effet

7 reçu des rapports des autorités croates qui disaient qu'au village de

8 Krizancevo, il y a eu un massacre de Croates à proximité de Santici. Les

9 Croates nous ont informés du massacre de plus de 40 Croates.

10 Suite à un bon nombre d'efforts, et suite au fait que mon officier de

11 liaison essuyait des tirs, lorsqu'il est allé pour la première fois dans

12 cette région, je suis entré en contact avec le commandant Alagic. Je lui ai

13 demandé si nous pouvions nous rendre dans ce village aux fins d'enquêter

14 sur la situation. Nous l'avons, effectivement, fait avec une pleine

15 coopération de sa part. Je crois qu'il a été exhumé 27 cadavres. Ces

16 cadavres ont été enfouis de façon très attentionnée. Ils ont tous été dans

17 des sacs en plastique. Tous les cadavres portaient des uniformes. Ils ont

18 tous été morts de mort violente dans, me semble-t-il, des circonstances de

19 combat. Comme il y avait des membres des médias internationaux, j'ai

20 demandé si l'on pouvait rendre une visite à trois survivants de l'incident,

21 et j'ai demandé à ce que l'on me fournisse la possibilité d'effectuer une

22 visite à la prison de Zenica. Je l'ai demandé à M. Dugalic. Je me suis

23 entretenu avec ces trois prisonniers.

24 Ce qui est intéressant, c'est de dire qu'ils ont été pris par surprise à

25 l'aube par une unité de la Bosnie-Herzégovine, que c'est par porte-voix

Page 5985

1 qu'ils ont été conviés une seule fois à se rendre. Ces trois hommes qui ont

2 survécu, ont décidé d'accepter cette offre. L'un des trois avait déjà été

3 fait prisonnier par l'ABiH. Ils ont survécu effectivement comme on le leur

4 avait promis, alors que tous les autres sur le champ de bataille ont été

5 tués.

6 Maintenant, de là, à savoir s'il s'agit là d'un massacre, c'est une autre

7 question. J'ai considéré cela comme étant un succès tactique. Dans une

8 certaine mesure, cela a montré que ce qui était désigné par éléments

9 échappant au contrôle, était entendu par d'autres comme étant des unités

10 spéciales qui ont conduit des opérations militaires très réussies. Il me

11 semble qu'en cette occasion, que le 3e Corps a été tout à fait ouvert

12 s'agissant de ses activités de combat, en répondant aux questions posées de

13 façon directe. Ils nous ont montré qu'ils n'avaient rien à cacher, qu'ils

14 ont réalisé cette opération d'une façon très bonne, de la façon dont on

15 conduit les opérations militaires en bonne et due forme. Ils ont rejeté

16 absolument toute allégation de la perpétration d'un massacre.

17 Dans mon rapport à l'attention des autorités des Nations Unies, j'ai

18 indiqué que je n'avais trouvé aucune preuve de massacre.

19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous n'avez rien trouvé qui ferait

20 matière à désapprobation, à entendre votre récit.

21 R. Il est difficile de dire ce qui mériterait réprobation. Toute cette

22 guerre, en réalité, méritait d'être désapprouvée. Ce sont des circonstances

23 très malheureuses. Je crois que lorsque l'investigation a été diligentée,

24 il s'est avéré qu'il s'agissait d'une opération de combat qui pouvait se

25 justifier, étant donné que cela a raisonnablement été conduit comme une

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1 opération militaire. Le fait que tant de gens ont été tués est malheureux,

2 mais il n'y a pas eu d'éléments de preuve indiquant que ces gens auraient

3 été tués de sang froid après l'opération, après la fin du combat.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Cette partie-ci du rapport s'enchaîne

5 et dit que le fait, est que cette brigade attire de plus en plus

6 d'extrémistes et d'éléments violents de l'armée, fait en sorte que nous

7 avons l'impression que cela échappe au contrôle du

8 3e Corps. Est-ce que cet incident est compris ?

9 R. Ce rapport a été rédigé après cet incident. Je ne veux pas dire qu'il

10 n'est pas suggéré que l'incident de Krizancevo Selo est en corrélation avec

11 la 7e Brigade. Je n'ai aucune idée du fait de savoir si une unité de l'ABiH

12 aurait été impliquée. Je crois, pour ce qui est du paragraphe 18, que la

13 supposition à faire, dix ans après, que la principale source d'information

14 pour la rédaction de ce paragraphe, avait été M. Salko Beba, à Travnik et à

15 Turbe également. Je dirais qu'il avait des positions extrêmement

16 communistes qui lui donnait l'impression d'être un officier politique, un

17 commissaire politique du vieux style de la JNA. Il avait des vues très

18 strictes pour ce qui est de l'arrivée de cette influence extrémiste

19 musulmane dans l'ABiH. Que s'agissant de ce contrôle qui échappait, je

20 crois que c'est là les termes repris de la bouche de Salko Beba dans ce

21 paragraphe.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste une dernière question. Ensuite, je

24 donnerai la parole à l'Accusation et aux Défenseurs.

25 En réponse à une question du Juge, vous avez évoqué un événement dont nous

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1 ne sommes pas saisis, mais qui peut avoir son importance sur le contexte.

2 Vous avez expliqué qu'à un moment donné, on a dérobé un véhicule

3 appartenant au bataillon avec des armes qui se trouvaient dans ledit

4 véhicule. Vous rappelez des circonstances de cet incident ? Comment peut-on

5 dérober un véhicule appartenant à un bataillon britannique ?

6 R. Les circonstances sont mieux décrites dans les extraits du journal que

7 nous avons vu ce matin. Juste avant Noël 1993, une ambulance civile,

8 propriété de l'une ou de l'autre partie, je ne me souviens plus exactement

9 comment le tout s'est passé. Cette ambulance, je pense, était propriété de

10 l'ABiH, et elle a été saisie par le HVO. Cela se passait à Gornji Vakuf.

11 L'ABiH a accusé ma compagnie qui se trouvait à Gornji Vakuf, d'être

12 responsable de la saisie de cette ambulance. Cela était de notre

13 responsabilité. Le chauffeur s'était perdu, et il a traversé la ligne de

14 front par erreur. La réaction est survenue le jour d'après. Un véhicule

15 blindé appartenant à mon bataillon, non pas celui qui portait un canon de

16 grand calibre, il s'agissait d'un petit véhicule blindé, qui a rencontré un

17 groupe de personnes à un poste de contrôle. Ce groupe de soldats de l'ABiH

18 a saisi ce véhicule. Ils l'ont d'abord laissé passer. Ensuite, ils ont

19 emprisonné tant les soldats que le véhicule. Nous avons protesté

20 immédiatement au niveau de la Compagnie à Gornji Vakuf. Je me suis, moi-

21 même, plaint auprès du commandant Alagic, en disant que cela était tout à

22 fait inacceptable. C'est à ce moment-là que le commandant Merdan est arrivé

23 extrêmement vite à Gornji Vakuf, et les quatre soldats ont été relâchés au

24 bout de quelques heures sans avoir souffert de quelque mal que ce soit.

25 Dans le véhicule, il y avait un mortier, des munitions de mortier. Il y

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1 avait trois fusils et une mitrailleuse qui ont disparu. Nous n'avons plus

2 revu la munition pour les mortiers. Comme je l'ai dit de la mitrailleuse,

3 en dépit du fait que cet incident ait été attribué par l'ABiH à des

4 éléments échappant à tout contrôle, la mitrailleuse, elle, elle a refait

5 surface et elle a été saisie par le HVO sur la ligne de front dans un

6 village appelé Here, qui se trouve non loin de Gornji Vakuf. Les

7 circonstances étaient telles, que j'étais devenu suspicieux à l'égard de

8 ces éléments échappant à tout contrôle à l'époque, notamment, pour ce qui

9 est de cette mitrailleuse. Mes doutes se sont vus confirmés, étant donné

10 que la mitrailleuse avait été placée sous le contrôle de l'armée. Elle a

11 été utilisée contre le HVO en une autre occasion.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, le HVO qui avait récupéré

13 cette mitrailleuse, c'était au détriment de quelle Unité du 3e Corps qui

14 avait, sur la ligne de front, une mitrailleuse ? Vous ne vous en souvenez

15 pas ?

16 R. Je ne me souviens pas, Monsieur, de l'unité en question. Le site était

17 ce village de Here.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Suite aux questions posées par les Juges et des

19 éléments qui ont pu vous apparaître nouveau, est-ce que l'Accusation veut

20 poser de nouvelles questions ? Ensuite, je donnerai la parole à la Défense.

21 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 L'Accusation, en fait, a une question à poser qui découle des questions qui

23 ont été posées par la Chambre de première instance.

24 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :

25 Q. [interprétation] Général Williams, vous avez parlé du professionnalisme

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1 de dirigeants au sein du 3e Corps de l'ABiH. En outre, vous avez parlé des

2 éléments échappant à tout contrôle et d'un document afférent. A la lumière

3 de la nature professionnelle de cette direction du

4 3e Corps, quelles sont les mesures que cette direction avait pu prendre au

5 cas où il y aurait eu effectivement des éléments échappant à tout contrôle

6 dans le 3e Corps ?

7 R. A mon avis, et à mon avis personnel j'entends, est le suivant : il n'y

8 a pas eu d'éléments échappant à tout contrôle au sein du 3e Corps. A chaque

9 fois que j'ai demandé à ce qu'une enquête soit diligentée, ou lorsque nous

10 en avons diligenté une nous-mêmes, j'ai eu l'impression, qu'à l'époque, en

11 Bosnie centrale, jusqu'en fin 1993, le 3e Corps est devenu véritablement

12 une unité bien structurée, bien conduite et, suivant certaines normes,

13 organisait de façon efficace.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai à

15 l'intention du général, plusieurs questions.

16 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

17 Q. [interprétation] Mon Général, excusez-moi. Avez-vous connaissance du

18 principe "under control of administration", "sous contrôle de

19 l'administration ?"

20 R. Oui, je suis au courant.

21 Q. Est-ce que cela signifie que, sur le territoire placé sous contrôle

22 d'une unité militaire, disons le contrôle dans son secteur de

23 responsabilité, il se peut qu'il y ait eu des unités qui, à l'égard de ce

24 corps-là, seraient en liaison administrative, bénéficieraient d'une

25 assistance administrative, mais sur le plan opérationnel, se trouveraient

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1 placé sous le contrôle d'un autre corps, voire d'un commandement supérieur,

2 d'un commandement suprême ? Par exemple, est-ce que c'est là la

3 signification de ce principe ?

4 R. C'est en effet l'une des définitions possibles de ce principe.

5 Q. Si je vous fournissais un exemple d'une Unité britannique des marines,

6 "Royal Marines", qui se trouvait à un site pendant des opérations, et ce

7 site relevait de la zone de responsabilité de votre bataillon, serait-il

8 exact de dire qu'en dépit du fait qu'il se soit agit là d'une unité

9 militaire, ils n'avaient pas été placés sous le contrôle opérationnel et le

10 commandement opérationnel de votre Bataillon britannique ?

11 R. Je ne comprends pas. Vous voulez dire qu'une Unité des "Royal Marines"

12 était, effectivement, dans mon secteur. Toutes les unités qui se trouvaient

13 dans mon secteur, à mon avis, relevaient de ma responsabilité pour ce qui

14 est de leurs activités de combat. J'estime que tout commandant devrait être

15 tenu responsable pour ce qui est des actions au combat ou des activités de

16 combat des unités intervenant dans sa zone de responsabilité.

17 Q. Général, avez-vous connaissance du principe "unit in location", "unité

18 sur le site" ?

19 M. MUNDIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Ceci sort du

20 cadre des questions posées par les Juges à l'intention de ce témoin.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre est d'avis que la question est

22 directement liée, puisque la Défense pose la question à l'intéressé sur

23 l'éventualité d'une unité qui ne relèverait pas d'une autorité militaire

24 dans la zone géographique. Le témoin a répondu : "Dans cette hypothèse, si

25 les 'Royal Marines' opéreraient dans mon secteur, je serais responsable."

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1 C'est ce qu'il dit. A ce moment-là, la Défense veut approfondir la

2 question. Posez votre question, parce qu'en termes militaires, c'est utile.

3 On a un général devant nous. On est dans une affaire concernant des

4 militaires, et nous sommes dans des termes militaires. Il n'y a pas de

5 raison de ne pas poser à un général une question de nature militaire.

6 Maître Residovic.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Mon Général, vous venez de confirmer ce principe, "under control of the

9 administration", "sous le contrôle de l'administration". Je vous pose la

10 question de connaître un autre principe, "unit location", "emplacement

11 d'unité".

12 R. Je ne suis pas au courant de ce principe. Il se peut qu'il y ait un

13 problème de traduction, mais je ne suis pas au courant de ce principe.

14 Q. Si je vous donne un exemple, peut-être cela pourrait-il apporter des

15 explications au sujet du principe. J'entends par là, avez-vous connaissance

16 du fait que, dans la zone de responsabilité d'une unité militaire, pour

17 parler en termes concrets, dans la zone de responsabilité d'un Corps

18 d'armée, il se peut qu'il y ait des unités qui n'ont rien à voir avec le

19 commandement de ce corps-là ?

20 R. Je veux bien qu'il puisse y avoir des unités qui ne seraient pas

21 directement placées sous le commandement de ce corps-là. Ce que j'ai dit

22 auparavant, c'est que toute unité intervenant au combat dans la zone de

23 responsabilité de ce corps, doit forcément se trouver sous le commandement

24 de celui-ci. Vous ne pouvez tout simplement pas organiser les choses de

25 façon à ce qu'il y ait des combats de conduit sous des zones de

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1 responsabilité différente.

2 Q. Au cas, où, conformément à ce principe dans le secteur d'intervention de

3 ce corps, il y aurait existence d'un groupe de cette nature qui n'aurait

4 rien à voir avec le commandement de ce corps, le corps devrait lui avoir

5 des informations à ce sujet, n'est-ce pas ?

6 R. Ce serait, en grande mesure, ce à quoi je m'attendrais. Il faudrait que

7 le corps sache exactement ce qui se passe dans sa zone de responsabilité.

8 Il s'agit de savoir s'ils sont là pour formation ou s'ils sont inactifs,

9 ils se reposent. En tout état de cause, il faut et il relève des

10 responsabilités du commandement supérieur du corps de savoir ce qui se

11 passe dans son secteur.

12 Q. Mon Général, se peut-il que nous ayons une situation comme suit, à

13 savoir qu'il y a des petits groupes armés échappant complètement au

14 contrôle du commandant de cette unité ? Je veux, tout de suite, vous donner

15 un exemple. Vous avez précisé que vous avez été en service en Irlande du

16 nord. Est-ce que là-bas il y avait des cellules de l'IRA qui étaient tout à

17 fait autonomes et qui n'intervenaient pas du tout dans le cadre de l'IRA.

18 Est-ce que cela pourrait être considéré comme étant possible ?

19 R. Avec tout le respect que je vous dois, je crois que l'Irlande du nord

20 n'est pas une bonne analogie du tout. Ce que j'entends dire c'est qu'il se

21 peut qu'il y ait des petits groupes de personnes qui, pendant un certain

22 temps, se trouveraient hors contrôle, mais c'est là une erreur du facteur

23 de main. Je ne peux pas parler d'opérations de combat au sens propre du

24 terme, et dire qu'il y aurait des groupes de personnes qui conduiraient des

25 opérations de combat et qui ne se trouveraient pas au sein d'une chaîne de

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1 commandement.

2 Q. Mais est-il exact de dire, Général, qu'en arrivant en Bosnie, vous

3 aviez déjà des hypothèses ou des connaissances disant que cette 7e Brigade

4 musulmane s'était placée sous le commandement du 3e Corps ?

5 R. Autant que je m'en souvienne, nous avons supposé que cette 7e Brigade

6 musulmane se trouvait dans le secteur de responsabilité du 3e Corps et sous

7 son commandement à l'époque.

8 Q. Mais, au cas où vous ne disposeriez pas d'éléments de preuve autre,

9 vous n'auriez aucune raison de changer d'opinion, n'est-ce pas ?

10 R. Bien entendu, la situation a été, à chaque fois, réexaminée, mais, au

11 cas où des nouvelles informations contraires aux informations précédentes

12 ne nous arrivaient pas, les évaluations étaient probablement les mêmes.

13 Q. Mais à compter du 8 novembre, date de votre arrivée en Bosnie-

14 Herzégovine jusqu'au 2 décembre, date de la confection de cette analyse,

15 vous n'avez personnellement reçu aucune information qui serait à même

16 d'influer sur les suppositions, sur les hypothèses avec lesquelles vous

17 êtes venu exercer votre mission en Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ou

18 pas ?

19 R. Ces renseignements, que j'aurais reçus au cours de cette période

20 auraient reflété l'évaluation qui était faite en décembre par le bureau

21 d'information militaire.

22 Q. Toutefois, cette évaluation s'appliquait à des informations qui

23 existaient avant votre arrivée, n'est-ce pas ? Plutôt que des informations

24 que vous auriez, personnellement, pu recevoir au cours des 20 jours en

25 question ?

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1 R. L'évaluation, évidemment, n'est pas basée sur des renseignements reçus

2 au cours des 20 jours qui viennent de s'écouler. C'est quelque chose --

3 c'est un processus cumulatif, qui est basé sur l'ensemble de la période

4 peut-être d'un an, pour laquelle l'Unité britannique était basée en Bosnie

5 centrale.

6 Q. Répondant à une question posée par les Juges, vous avez dit qu'il

7 serait étrange qu'un groupe existe sans être assisté par le 3e Corps.

8 C'est, en fait, une logique militaire. Votre réponse est pleinement

9 conforme à la logique militaire, n'est-ce pas ?

10 R. Je l'espère.

11 Q. Toutefois, en tant que militaire, en tant que personne d'expérience

12 dans ce secteur, vous serez d'accord avec moi si je dis que le contraire

13 est également possible, le contraire par rapport à ce que vous dicterez à

14 la logique à militaire.

15 R. C'est possible.

16 Q. En fait, lorsque vous avez écrit votre lettre du 2 décembre et même

17 aujourd'hui, vous ne savez pas quelle était la situation réelle en ce qui

18 concerne l'existence de ces groupes armés, n'est-ce pas ?

19 R. Je ne peux pas être absolument certain, mais je ne pourrais vous dire

20 ce qui va être une appréciation raisonnable.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais qu'on montre au témoin la

22 pièce à conviction de la Défense DH73, s'il vous plaît.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, pouvez-vous nous -- parce qu'on ne l'a pas sous

24 la main, pouvez-vous nous rappeler --

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui. Est-ce que le général pourrait mettre

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1 le document sur le rétroprojecteur après l'avoir lu. Il s'agit du document

2 du 13 juin 1993, que le commandant Hadzihasanovic avait remis au

3 commandement de la Bosnie-Herzégovine lorsqu'il concerne le comportement

4 des Moudjahiddines dans sa zone de responsabilité.

5 Q. Général, en novembre, vous ne saviez pas que cette lettre du général

6 Hadzihasanovic existait ? Vous n'en aviez pas connaissance ?

7 R. Non, je n'ai jamais vu cette lettre par le passé.

8 Q. Vous serez d'accord pour dire que vous ne saviez pas non plus que le

9 commandement suprême de la Bosnie-Herzégovine en août 1993 avait émis un

10 ordre d'après lequel elle essayait de passer des guerriers étrangers sous

11 le commandement de l'armée.

12 R. Non, je n'en ai pas connaissance.

13 Q. Vous ne saviez pas non plus que le commandement suprême avait autorisé

14 un négociateur parce que le 3e Corps ne pouvait pas communiquer avec les

15 combattants étrangers pour essayer de trouver un moyen de les placer sous

16 son contrôle. C'est un autre fait que vous ne connaissiez pas ?

17 R. Non.

18 Q. Répondant à une question du président de la Chambre, vous avez dit que

19 l'appui logistique des Moudjahiddines pour combat venait probablement du 3e

20 Corps. Toutefois, vous ne savez pas à ce jour, en fait, où se trouvait cet

21 appui logistique pour les Moudjahiddines, d'où il venait; c'est bien cela ?

22 R. Oui. Je ne peux pas être certain.

23 Q. Vous ne savez pas non plus d'où venaient les fonds des Moudjahiddines,

24 l'argent qu'ils employaient pour acheter des armes ou d'autres fins.

25 R. Non, je ne le sais pas.

Page 5996

1 Q. Vous serez d'accord avec moi si je vous dis qu'à l'époque, vous ne

2 saviez pas quelles étaient les rapports ou les liens entre les

3 Moudjahiddines avec les chefs religieux en Bosnie-Herzégovine ?

4 R. Non, je ne le savais pas.

5 Q. A l'époque, vous nous saviez pas, non plus, que les Moudjahiddines

6 payaient la population locale pour qu'elle se joigne à eux et combatte avec

7 eux dans leurs rangs ?

8 M. MUNDIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Pour

9 commencer, je ne suis pas sûr. Je crois que nous sommes allés bien au-delà

10 des questions soulevées par vous-même, Monsieur le Président. Deuxièmement,

11 ici maintenant, je n'ai pas connaissance du fait qu'il y ait eu des

12 éléments de preuve portés devant la Chambre qui puisse permettre d'étayer

13 une telle question.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez posé un

15 certain nombre de questions qui avaient trait aux paragraphes qui se

16 trouvent dans le rapport et qui avaient trait aux Moudjahiddines et le

17 témoin a répondu à vos questions. C'est cela la base qui nous permet de

18 vérifier auprès du témoin, encore une fois, que ces informations concernant

19 les Moudjahiddines et les efforts du 3e Corps pour essayer de les placer

20 sous son contrôle était-elle que sa conclusion ne pouvait pas être

21 considérée comme définitive et le témoin a déjà donné plusieurs réponses.

22 Je ne sais pas si je suis allé au-delà de la portée qui m'est autorisée

23 pour poser des questions à ce témoin.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui vous est autorisé -- il nous reste cinq

25 minutes. Vous avez combien de questions encore ?

Page 5997

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Plusieurs.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui rentreront dans les cinq minutes parce que, si

3 cela se trouve, l'Accusation voudra, à nouveau, intervenir. Faites vite.

4 M. DIXON : [interprétation] -- à d'autres questions, qui avaient été

5 évoquées par vous, Monsieur le Président.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

7 Q. Général, vous ne savez pas vraiment quelles étaient les méthodes de

8 combat utilisées par les Moudjahiddines, vous ne savez pas personnellement

9 quelles étaient les méthodes de combat qu'utilisaient les Moudjahiddines

10 dans cette partie de la Bosnie en 1993 ?

11 R. Non, je ne le sais pas.

12 Q. Vous-même, vous ne l'avez vu, vous n'avez jamais parlé à des

13 Moudjahiddines, n'est-ce pas ?

14 R. J'en ai rencontré à une occasion, mais je ne leur ai pas parlé cette

15 fois-là.

16 Q. Vous êtes d'accord avec moi si je dis que l'officier, qui a écrit cette

17 appréciation, n'était pas une personne qui parlait directement aux

18 Moudjahiddines ?

19 R. Non. Sa tâche était à un autre niveau que la collecte d'information. Sa

20 tâche était de procéder à l'évaluation des renseignements qui avaient été

21 reçus.

22 Q. Au cours de mon contre-interrogatoire, nous avons évoqué brièvement

23 votre lettre écrite en décembre au commandement de la FORPRONU à Kiseljak.

24 Vous dites dans cette lettre que la situation était extrêmement incertaine

25 en ce qui concerne les Moudjahiddines et qu'ils n'étaient pas sous un

Page 5998

1 contrôle. Est-ce que vous vous rappelez qu'on a examiné cette lettre de

2 vous ce matin ?

3 R. Oui, je m'en souviens.

4 Q. Vous êtes d'accord avec moi que cette lettre, qui fait suite au rapport

5 que nous avons discuté concernant la situation des Moudjahiddines, fait un

6 commentaire sur les Moudjahiddines qui est différent de ce qui est dit dans

7 le rapport ? Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?

8 R. Je ne suis pas exactement sûr de la séquence dans laquelle sont sortis

9 les documents. Il y a des différences d'évaluation et d'appréciation.

10 Q. Général Williams, même à ce jour, aujourd'hui, pourriez-vous être

11 d'accord avec moi si je disais que, compte tenu de la situation de faits,

12 d'autres solutions et d'autres conclusions auraient pu être tirées par

13 rapport à celles qui étaient contenues dans les rapports ?

14 R. Il y a toujours des possibilités d'interprétation différentes des

15 faits. Je continue de m'en tenir et d'appuyer l'appréciation faite par mon

16 personnel qui, à mon sens, était une appréciation raisonnable sur la base

17 des informations reçues et dont ils disposaient.

18 Q. Toutefois, ces renseignements ne vous ont pas donné la possibilité de

19 parvenir à des conclusions différentes en décembre, n'est-ce pas ? Dites-

20 moi, simplement, est-ce que vous avez vu l'ordre, un ordre du 3e Corps

21 adressé aux Moudjahiddines ?

22 R. Non.

23 Q. Ceci est maintenant ma dernière question : est-ce que vous pouvez,

24 aujourd'hui, confirmé sans l'ombre d'un doute que les Moudjahiddines

25 étaient sous le contrôle effectif du 3e Corps ?

Page 5999

1 R. Non.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Général.

3 M. DIXON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

4 n'ai que quelques questions supplémentaires.

5 Contre-interrogatoire par M. Dixon :

6 Q. [interprétation] Général, en répondant à des questions posées par les

7 Juges, vous avez dit que la situation du commandement et du contrôle était

8 plus facile à apprécier entre les Unités officielles en Bosnie centrale,

9 mais que c'était plus difficile d'apprécier en ce qui concerne les

10 Moudjahiddines ?

11 R. C'est exact.

12 Q. La raison de cela était-elle, comme vous l'avez dit à plusieurs

13 reprises, que vous n'aviez pas de renseignements solides ou fiables en ce

14 qui concernait la structure et la subordination des Moudjahiddines ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Passons à la pièce présentée par l'Accusation 378, au paragraphe 15. Si

17 vous voulez bien vous référez à ce paragraphe.

18 Pour commencer, il y a une remarque générale là qui dit que : "Les

19 Moudjahiddines sont englobés dans la 7e Brigade musulmane." Est-ce vous

20 seriez d'accord pour dire que cette déclaration générale est sujette aux

21 remarques que vous pouvez avoir faite, ou non ?

22 R. Je pense que la déclaration, qui est faite au paragraphe 15, est peut-

23 être un peu trop concrète vu les éléments et peut-être le temps dont on

24 disposait.

25 Q. Oui. Effectivement, le reste du paragraphe contient une sorte de mise

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1 en garde qui dit qu'il y a "certaines Unités indépendantes de

2 Moudjahiddines," qui n'appartiennent pas à la 7e Brigade.

3 R. Oui. C'est ce qui est écrit.

4 Q. Est-ce que l'une des raisons de cette évaluation pourrait être, comme

5 il est dit dans le reste du paragraphe, qu'il y avait une confusion qui

6 existait précédemment en ce qui concernait les uniformes ou la façon de

7 s'habiller des différentes unités armées ?

8 R. Je pense que ceci était un champ de bataille extrêmement peu classique

9 ou conventionnel, où des questions, par exemple, de costumes ou d'uniformes

10 étaient, en fait, très difficile à apprécier.

11 Q. Vous avez dit précédemment dans votre déposition qu'il était très

12 difficile quels étaient les soldats de quelles unités sur le terrain ?

13 R. Exact.

14 Q. Une autre raison pour cette conclusion qui figure au paragraphe 15

15 serait qu'il y avait des renseignements à l'époque provenant d'une Unité

16 indépendante et distincte, qu'on appelle Unité El Moujahed et qui était

17 composée de combattants étrangers ?

18 R. Je ne me souviens pas de cette information.

19 Q. Il y avait, en fait, beaucoup d'information qui avait été réunie pour

20 ces rapports avant que vous n'arriviez en Bosnie centrale ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Passons au paragraphe 16. Il y a là des renseignements disant qu'il y a

23 eu une tentative d'assassinat contre M. Kubura, commandant de la 7e

24 Brigade. Est-ce que vous avez eu connaissance de cela à l'époque ?

25 R. Non, je n'ai absolument aucune connaissance de ce qui est écrit là.

Page 6001

1 Q. Est-ce que vous savez qu'il y avait eu des frictions importantes entre

2 les commandants, les Musulmans locaux et les Musulmans de l'extérieur ?

3 R. Il me semble me rappeler qu'on a dit cela dans des conversations, mais

4 je ne peux pas vous donner de détails à ce sujet.

5 Q. Serait-il exact de dire qu'une bonne partie de ce qui se trouve dans ce

6 rapport était effectivement des renseignements qui avaient été recueillis

7 par d'autres, avant votre arrivée sur place ?

8 R. C'est certainement vrai en ce concerne -- les renseignements concernant

9 juillet 1993.

10 Q. Vous ne vous sentez pas compétent des incidents qui se sont passés

11 avant votre arrivée je suppose.

12 R. Non.

13 Q. Enfin, vous dites que vous n'avez jamais rencontré M. Amir Kubura. Est-

14 ce que vous avez jamais rencontré quelqu'un de la structure du commandement

15 de la 7e Brigade ou est-ce que vous êtes allé à leur quartier général ?

16 R. Je n'ai pas connaissance de l'avoir fait, non.

17 M. DIXON : [interprétation] Je vous remercie, mon Général. Je n'ai pas

18 d'autres questions.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, avez-vous d'autres questions ? Il

20 est cinq minutes passé, et je rappelle qu'on a -- il y a une autre audience

21 qui va nous suivre.

22 Monsieur Mundis.

23 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une question qui

24 découle du contre-interrogatoire si vous permettez que je la pose.

25 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :

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1 Q. [interprétation] Général Williams, vous avez mentionné, en réponse à

2 une question de Mme Residovic, que des carences humaines, il se pouvait

3 qu'il y ait des petits groupes qui, temporairement, n'étaient pas sous un

4 contrôle.

5 R. C'est exact.

6 Q. Qu'est-ce que vous faites, en tant que commandant, lorsque vous avez

7 affaire à des petits groupes de ce genre ?

8 R. On tente, le plus rapidement possible, de les placés sous un contrôle

9 et d'avoir la situation sous contrôle. C'est un exemple

10 -- par exemple, du véhicule qui avait été saisi en décembre et de la

11 réponse extrêmement louable et rapide du quartier général du 3e Corps et le

12 déploiement du colonel Merdan pour reprendre le contrôle de la situation.

13 Q. Je vous remercie.

14 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, nous arrivons au terme de votre

16 audition. Nous vous remercions d'être venu d'aussi loin, à La Haye, pour

17 témoigner. Nous vous exprimons notre reconnaissance. Vous avez répondu aux

18 questions, autant de l'Accusation, des Défenseurs, que des Juges. Nous vous

19 souhaitons un bon voyage de retour.

20 Je demande à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner.

21 [Le témoin se retire]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

23 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation retire sa

24 demande de faire verser la pièce 108 -- 107, numérotée pour fins

25 d'identification.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, de manière --

2 M. BOURGON : Monsieur le Président, simplement rappeler à la Chambre qu'il

3 y a un document qui a été utilisé lors du contre-interrogatoire du témoin

4 que nous avions hier devant la Chambre. Ce document n'a aucun statut. On

5 n'a pas voulu lui donner un numéro d'identification. J'aimerais savoir,

6 Monsieur le Président, de quelle façon vous invitez la Défense à procéder

7 puisque nous avons, effectivement, l'intention de produire ce document.

8 Nous voulons savoir de quelle façon --

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document, vous voulez le produire lors d'un

10 prochain témoignage ou vous n'avez plus d'autres occasions de le produire ?

11 M. BOURGON : Nous n'avons pas d'autres occasions de produire le document et

12 la lettre et, même si nous avions une autre occasion --

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous nous rappeler ce document parce qu'il y

14 a tellement de documents que --

15 M. BOURGON : [hors micro]

16 L'INTERPRÈTE : Hors micro, Maître Bourgon.

17 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est le fameux document -- voilà.

19 L'INTERPRÈTE : Hors micro, Maître Bourgon.

20 M. BOURGON : [hors micro]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Micro.

22 Ce document, on va donner un numéro aux fins d'identification puisqu'il y

23 avait des questions résiduelles qui se posaient.

24 Madame la Greffière, donnez-nous un numéro de ce document.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera le

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1 document DH128.

2 Pour le compte rendu, ce document a été utilisé avec le témoin Eminovic.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est DH128, parce que là, sur le transcript, il y a

4 marqué "28".

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de 128. Vous avez raison,

6 Monsieur le Président, 128.

7 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, vous avez la parole et, pour le

9 témoin de demain.

10 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

11 pourrions, à cet effet, aller à huis clos partiel ?

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Passons à l'audience à huis clos partiel.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

14 Monsieur le Président.

15 [Audience à huis clos partiel]

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11 (Expurgé)

12 --- L'audience est levée à 13 heures 54 et reprendra le vendredi 23 avril

13 2004, à 9 heures 00.

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