International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 11 mai 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, j'appelle l'affaire numéro IT-01-

8 47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

10 Je vais demander aux représentants de l'Accusation de bien vouloir se

11 présenter.

12 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

13 Monsieur les Juges. Bonjour à la Défense. Ici, pour l'Accusation

14 aujourd'hui, Ekkehard Withopf, Tecla Benjamin et Ruth Karper.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux avocats de bien vouloir se

16 présenter.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

18 Monsieur les Juges. Pour la Défense de

19 M. le général Enver Hadzihasanovic, Edina Residovic, Stéphane Bourgon et

20 Alexis Demirdjian, notre assistant juridique. Merci.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats.

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

23 Monsieur les Juges. En tant que représentants de M. Kubura, ici, Fahrudin

24 Ibrisimovic, Nermin Mulalic et Rodney Dixon.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

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1 La Chambre salue toutes les personnes présentes, les représentants de

2 l'Accusation, les avocats, les accusés, ainsi que tout le personnel de

3 cette salle d'audience. Nous poursuivons aujourd'hui l'audition du Témoin

4 Baggesen dans cette salle numéro II, plus conviviale que la salle numéro

5 III, puisque nous sommes plus proches les uns des autres. Simplement, on

6 aura un problème pour la suite car il semblerait qu'il n'est pas possible

7 d'être transférés dans la salle numéro III. Peut-être pour la carte -

8 puisque c'est une question que de carte - on pourra peut-être mettre la

9 carte sur un coin de mur si c'est possible. Il faudrait que Me Bourgon

10 prenne les dimensions de la carte et les dimensions de la salle pour voir

11 si cela peut peut-être rentrer, mais je ne sais pas. Je sais que le Greffe

12 s'est préoccupé de cette question de salle.

13 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir aller chercher le

14 témoin.

15 Oui, Maître Bourgon.

16 M. BOURGON : Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour,

17 Monsieur le Président. Il semblerait qu'il y a un petit problème technique

18 avec le système audio.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, il faudrait peut-être appeler

20 les techniciens.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur le Témoin. Mettez les

23 écouteurs pour vérifier si cela marche. Est-ce que vous m'entendez ?

24 LE TÉMOIN : Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, est-ce que vous avez toujours le

3 problème ?

4 M. BOURGON : De ce côté-ci, cela fonctionne, Monsieur le Président, mais

5 celui-ci ne fonctionne pas.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Apparemment, le fil était débranché.

7 Tout fonctionne. Mon Commandant, votre audition va se terminer aujourd'hui.

8 Vous pouvez en être sûr. L'Accusation a prévu une vingtaine de minutes de

9 questions. Les Juges, qui sont devant vous, vous poseront également des

10 questions. Disons, avant 10 heures et demie, je pense que vous pourrai être

11 libéré et renvoyé à vos autres obligations.

12 Monsieur Withopf, je vous donne la parole pour les questions

13 supplémentaires.

14 M. WITHOPF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

15 Madame, Monsieur les Juges.

16 LE TÉMOIN: LARS BAGGESEN [Reprise]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 Nouvel interrogatoire par M. Withopf :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Commandant.

20 R. Bonjour.

21 Q. Commandant, je souhaite aborder cinq thèmes différents aujourd'hui en

22 enchaînant sur les sujets dont nous avons parlé, qui ont été abordés par

23 mes collègues de la Défense pendant leur contre-interrogatoire.

24 Pendant que vous avez été interrogé par la Défense du général

25 Hadzihasanovic, vous avez mentionné qu'il vous est arrivé d'arriver à des

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1 postes de contrôle ou des points de contrôle tenus par des Moudjahiddines.

2 Pourriez, s'il vous plaît, dire à la Chambre de première instance où cela

3 s'est produit.

4 R. J'ai mentionné ces postes de contrôle hier, en effet. Ce n'étaient pas

5 des postes de contrôle permanents. Habituellement, il y avait des postes de

6 contrôle de l'ABiH et du HVO. Il y avait des postes de contrôle permanents.

7 Parfois, il nous est arrivé de remarquer qu'il y avait des postes de

8 contrôle temporaires qui étaient tenus par des Moudjahiddines. Lorsque je

9 parle de Moudjahiddines, c'étaient habituellement des soldats qui portaient

10 des vêtements arabes.

11 Q. Encore une fois, Monsieur, vous rappelez-vous à quels endroits vous

12 avez rencontré ce genre de postes de contrôle ?

13 R. Je me souviens qu'au moment où on a emprunté la route de montagne. Je

14 ne me souviens pas du nom de la route, mais pour aller à Zenica, on pouvait

15 emprunter deux routes différentes. La plus courte était celle qui allait de

16 Novi Travnik et Vitez en suivant la rivière Lasva. Il y avait une route au

17 nord par rapport à celle-ci allant à Zenica. Normalement, parfois, de temps

18 à autre, il nous est arrivé d'y voir un poste de contrôle où il y avait des

19 membres des Moudjahiddines. Une fois, il y a eu un poste de contrôle dans

20 un autre secteur. Pour autant que je m'en souvienne, c'était sur la route

21 dans le secteur de Guca Gora. Je ne me souviens pas précisément l'endroit.

22 C'étant dans ce secteur-là.

23 Q. C'était, n'est-ce pas, de toute évidence, une zone de responsabilité du

24 3e Corps d'armée ?

25 R. Oui, c'est exact.

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1 Q. Le fait qu'il y ait eu des postes de contrôle temporaires tenus par des

2 Moudjahiddines, était-ce quelque chose qui s'est reproduit de manière

3 fréquente tout au long de votre mission dans la région ?

4 R. Pour autant que je m'en souvienne, j'ai remarqué cela pendant la

5 période du mois de mai et du mois de juin.

6 Q. Est-ce que vous avez remarqué cela à plusieurs reprises, de manière

7 répétée ?

8 R. Je pense que c'était deux ou trois fois que j'ai remarqué cela.

9 Q. A chaque fois qu'il vous est arrivé de trouver ce genre de postes de

10 contrôle temporaires tenus par des Moudjahiddines, avez-vous pu traverser

11 ces postes de contrôle ?

12 R. Normalement, on nous donnait la possibilité de les traverser sans aucun

13 problème. Je me souviens une fois, nous avons traversé un poste de

14 contrôle. Par la suite, une fois que nous étions passés, ils ont ouvert le

15 feu contre nous. Ce n'était pas pour nous faire du mal, pour nous tuer,

16 c'était simplement une démonstration de la force, je pense.

17 Q. A chaque fois que vous avez eu l'occasion de traverser ce genre de

18 postes de contrôle de Moudjahiddines, est-ce qu'il y a eu des discussions

19 entre les Moudjahiddines qui s'y trouvaient avant de vous donner

20 l'autorisation ou la possibilité de traverser ?

21 R. Je me souviens à une occasion il y avait des hommes au poste de

22 contrôle qui ont eu une discussion avec notre interprète, un jeune

23 Musulman. Pendant le débat, je n'ai pas compris ce qui s'y disait. Par la

24 suite, notre interprète nous a dit que les Moudjahiddines lui avaient dit

25 qu'il n'était pas un bon Musulman, qu'ils allaient lui enseigner comment

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1 devenir un bon Musulman.

2 Q. Passons au sujet suivant, Commandant. Il s'agit de Mehurici et du

3 centre de détention qui s'y trouvait. Hier, vous avez répondu à une

4 question de mon collègue de la Défense du général Hadzihasanovic en disant

5 : "Le commandant local de l'ABiH nous a dit que l'ABiH protégeait les

6 civils détenus contre les Moudjahiddines."

7 R. Oui.

8 Q. Il y avait plus de 200 civils détenus à cet endroit, à l'école de

9 Mehurici dans le gymnase de cette école. Y avait-il une indication quelle

10 qu'elle soit montrant que ces civils étaient protégés contre les

11 Moudjahiddines ? Avez-vous eu l'impression qu'ils souhaitaient recevoir une

12 protection contre les Moudjahiddines ?

13 R. Pour être tout à fait franc, je pense que lorsqu'il nous a dit qu'il

14 les protégeait tout simplement contre les Moudjahiddines, que c'était

15 simplement une histoire qu'il nous disait, parce que je lui ai dit : "Si

16 vous les protégés, pourquoi est-ce qu'il y a des clés qui se trouvent de

17 l'autre côté de la porte et non pas à l'intérieur du gymnase ?" Les

18 personnes dans ce secteur, les personnes détenues, elles étaient au courant

19 du fait que les Moudjahiddines opéraient dans ce secteur, mais n'en avaient

20 pas peur. Ils avaient l'impression eux-mêmes qu'ils avaient besoin de

21 protection des forces de l'ABiH.

22 Q. Commandant, passons au sujet suivant. Vous avez dit à la Chambre de

23 première instance hier qu'en avril 1993, vous vous êtes rendus dans

24 certains villages croates de la zone, et vous avez emmené le frère Stipan

25 avec vous. Pourquoi ?

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1 R. Nous l'avons emmené avec nous, parce qu'il connaissait les gens du

2 coin. Il était leur prêtre. Il avait un niveau élevé au sein de leur

3 église. Lorsque nous allions établir les faits, nous souhaitions dire aux

4 Croates quelles étaient nos constatations, et nous voulions nous assurer

5 qu'ils comprenaient bien que ce que nous leur disions était la vérité. Nous

6 emmenions le frère Stipan pour qu'il puisse rassurer les Croates, les

7 assurer que nous disions la vérité, que c'était exact ce que nous disions.

8 Q. Commandant, est-ce que vous pensiez que frère Stipan était une

9 personne fiable ? Les informations qu'il vous fournissait, étaient-ils

10 corrects ?

11 R. Frère Stipan, lorsque nous nous rendions dans les villages croates,

12 avait des éléments d'information sur des incidents qui s'étaient produit

13 dans ces villages. Parfois, nous avons été en mesure de confirmer des faits

14 en sujet des incidents qu'il nous avait relaté et, habituellement, nous lui

15 faisions confiance, plus ou moins, puisque c'était quelqu'un de l'église.

16 M. WITHOPF : [interprétation] Je souhaite à présent passer au sujet

17 suivant. La pièce DH167, s'il vous plaît, peut-on la remettre au témoin ?

18 Q. Vous avez à présent devant vous un lot de documents. Il s'agit des

19 documents que la Défense a versés au dossier hier. J'attire votre

20 attention, Commandant, sur la date du 16 avril 1993. C'est un rapport qui

21 porte cette date-là. Ce document a été signé par vous-même, ainsi que par

22 Bent Faerge. J'attire votre attention sur le paragraphe 6 de ce rapport. Il

23 y est dit : "M. Merdan et Skopljak se sont mis d'accord ce matin de

24 relâcher tous les civils qui étaient détenus à Kaonik et à Zenica, qui plus

25 est de relâcher tous les membres de l'ABiH détenus à Busovaca, et tous les

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1 membres du HVO emprisonnés à Zenica après le 17 mai 1993."

2 Commandant, avez-vous des informations quelles qu'elles soient quant, à

3 savoir si l'école de musique de Zenica constituait un des écoles couvertes

4 par cet accord ?

5 R. En fait, je n'arrive à me rappeler de cet accord. Le temps que j'ai

6 mentionné, je ne me rappelle pas le lien pourquoi l'est-on allé relâcher

7 des prisonniers pendant ce moment, en particulier, à cette période. Peut-

8 être y a-t-il eu un accord local sur le cessez-le-feu, mais je ne m'en

9 souviens pas. Je ne me souviens pas de cet épisode.

10 M. WITHOPF : [interprétation] On peut reprendre les documents, s'il vous

11 plaît.

12 Q. Commandant, des allégations consistantes à dire que l'ABiH détenait des

13 personnes dans les locaux de l'école de musique de Zenica, et que ces

14 personnes étaient maltraitées, ces allégations, est-ce quelque chose qui a

15 été soulevée pour autant que vous le sachez, avec le 3e Corps, par exemple,

16 avec M. Merdan ou Hadzihasanovic ou quelqu'un d'autre ?

17 R. Pour ce qui est de l'école de musique, en tant que centre de détention,

18 je n'avais pas d'informations à ce sujet. A ce moment-là, pendant cette

19 période-là, plus tard, lorsque j'étais à la tête de la commission

20 humanitaire du commandement conjoint, lorsque j'ai du me rendre à l'école

21 de musique, c'était la première fois où j'ai entendu dire qu'il y avait une

22 possibilité qu'il y a eu des personnes détenues là-bas.

23 Q. Hier, vous avez dit à la Chambre de première instance que vous n'avez

24 pas pu accéder immédiatement à l'école de musique, mais qu'il vous a fallu

25 tout d'abord vous adresser à M. Merdan, le commandant adjoint du 3e Corps.

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1 Vous avez informé M. Merdan de l'objectif de votre visite à l'école de

2 musique, et lui vous a-t-il informé de ces allégations de mauvais

3 traitement, de crimes, à l'encontre des détenus qui se trouvaient à

4 l'école ?

5 R. Je suis certain que M. Merdan savait pourquoi on allait se rendre en

6 visite à l'école de musique car des membres de la commission humanitaire

7 conjointe ont eu des consultations, bien entendu, avec leur QG. Par

8 conséquent, les deux Quartiers généraux étaient au courant de ce que nous

9 allions faire à cet endroit.

10 M. BOURGON : Monsieur le Président, je regarde le compte rendu d'audience à

11 la page 8, la question de mon confrère aux lignes 3 et 4. Mon confrère a

12 posé la question au témoin, à savoir s'il avait donné des renseignements à

13 M. Merdan concernant des allégations des détenus qui auraient été gardés,

14 ou de crimes commis au "music school". Je n'ai pas avec moi le texte exact

15 de ce que le témoin a rapporté hier, sauf que le témoin a dit qu'il

16 visitait l'école de musique dans le cadre de ses fonctions, à titre de

17 président de la commission humanitaire, et non pas qu'il y avait eu des

18 allégations; les allégations ne faisaient pas partie du but de sa visite.

19 Il visitait tous les centres de détention dans la région. Ce n'était pas

20 une des raisons de sa visite au "music school". A moins que le témoin

21 puisse apporter une correction à ce fait, j'aimerais que cette partie de la

22 question soit retirée du compte rendu de l'audience, Monsieur le Président.

23 Merci.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Withopf. Hier, le témoin a expliqué

25 que, dans le cadre de sa mission, il avait visité l'école de musique de

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1 Zenica. La Défense fait valoir que vous lui posait la question, en

2 intégrant à cette visite, certainement de routine, d'autres éléments, à

3 savoir qu'il y aurait eu des allégations comme quoi des crimes auraient été

4 commis sur la personne des détenus, et que vous aimeriez faire part à M.

5 Merdan. Pouvez-vous clarifier ce problème par des questions appropriées,

6 afin qu'on y voie clair. Est-ce que le témoin, lorsqu'il était rendu

7 visite, il savait déjà qu'il se passait des choses, ou ce n'est qu'après ?

8 Là, il y a une confusion.

9 Je vous redonne la parole.

10 M. WITHOPF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

11 Q. Commandant, vous venez d'entendre la question qui vous a été posée par

12 le Juge qui préside la Chambre. Pourriez-vous répondre, s'il vous plaît ?

13 R. Lorsque nous nous sommes rendu à l'école de musique à Zenica, c'était

14 simplement parce que nous avions entendu dire qu'il y avait des personnes

15 détenues à cet endroit. Je n'avais eu aucune information quant à savoir si

16 cet endroit était utilisé en tant que centre de détention avant ma visite,

17 mais j'ai entendu des rumeurs comme quoi c'était un centre de détention, et

18 c'est la raison pour laquelle nous nous y sommes rendus.

19 Q. Je vous prie de passer au dernier sujet, Commandant, et je souhaite que

20 l'on aborde brièvement, ce sujet aujourd'hui.

21 Mes collègues, qui représentent le général Kubura, vous ont demandé hier --

22 ou plutôt ont informé la Chambre de première instance du fait que, pendant

23 que vous étiez en train de visiter l'école de musique de Zenica, vous

24 n'avez entendu personne parler la langue arabe dans l'enceinte de l'école.

25 Pendant que vous étiez dans l'école de musique, est-ce que vous avez eu

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1 l'occasion de vous adresser à tous les soldats qui se trouvaient à l'école

2 de musique de Zenica, y compris ceux qui portaient des vêtements qui

3 étaient ceux du genre des vêtements portés par des Moudjahiddines étrangers

4 en Bosnie centrale ?

5 R. Les seules personnes à qui nous nous sommes adressés, étaient deux,

6 peut-être trois personnes, qui nous ont permis de faire le tour, et ceci a

7 été interprété avec le langue bosnien.

8 Q. Je vous remercie, Commandant, je n'ai plus de questions.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'à votre titre vraiment exceptionnel, la

10 Défense veut reposer une question ? Car il est d'usage qu'après des

11 questions supplémentaires, on n'intervient pas, sauf sur autorisation de la

12 Chambre. Mais en explicitant pourquoi vous reposez une question. Maître

13 Bourgon.

14 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Nous n'avons pas de questions

15 additionnelles pour ce témoin, à ce stade-ci. Merci.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges vont poser des questions au témoin.

17 Le Juge qui se trouve à ma gauche, le Juge Swart, va vous poser des

18 questions.

19 M. DIXON : [interprétation] Un instant. Excusez, Monsieur le Président. Il

20 n'y en a pas de questions.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

22 Questions de la Cour :

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je n'ai que quelques questions à vous

24 poser, Monsieur le Témoin, au sujet de ce que vous avez dit dans votre

25 déposition hier. Essentiellement, ce qui nous intéresse, c'est l'école de

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1 musique de Zenica. Vous nous avez dit que vous n'avez pas pu entrer dans la

2 salle des transmissions. Vous rappelez-vous à quel étage se trouvait cet

3 endroit qui était réservé aux transmissions ?

4 R. Non. La seule chose dont je me souviens c'est que c'était la seule

5 pièce où nous n'avons pas pu accéder. Je ne me rappelle pas à quel endroit

6 cette pièce se trouvait.

7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Un deuxième point que vous avez dit, si

8 je me souviens bien de cela, c'est que vous aviez des informations vous

9 montrant qu'il y avait un sous-sol à cet endroit. Ma question est de savoir

10 si c'était une information que vous avez eue avant de vous rendre à l'école

11 ou c'est quelque chose que vous avez appris par la suite.

12 R. Quand on regarde l'école, on est en mesure de voir le sous-sol, je

13 pense. Je ne me rappelle pas exactement, mais je suis sûr que nous avons vu

14 le sous-sol parce que, si nous ne l'avions pas vu, ceci aurait éveillé nos

15 soupçons de manière sérieuse, quant à savoir pour quelle raison on ne nous

16 donnait pas la possibilité de voir le sous-sol. Comme je l'ai déjà dit, je

17 me rappelle le fait que je n'ai pas pu voir la pièce pour laquelle ils

18 disaient que c'était la salle réservée aux transmissions. S'ils nous

19 avaient refusé l'accès au sous-sol, je suis sûr que je m'en serais souvenu.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il n'empêche que vous avez mentionné ce

21 détail de votre propre initiative. C'était quelque chose qui était

22 important pour vous.

23 R. Au sujet du sous-sol ? Tout simplement parce que, hier, on m'a montré

24 une photographie. L'Accusation m'a montré une photo du sous-sol. Or, je ne

25 me rappelais pas de la photo du sous-sol. Je suis sûr que, lorsqu'on se

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1 trouve dans le bâtiment, l'on voit qu'il y a un escalier qui descend, et

2 cela aurait éveillé mes soupçons si on ne m'avait pas donné la possibilité

3 de descendre.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous n'avez pas demandé à le faire.

5 R. Au sujet du sous-sol ?

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Oui.

7 R. Non, parce qu'on nous montrait tout ce qu'il y avait dans le bâtiment.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour résumer, vous saviez qu'il y

9 avait, à cet endroit, un sous-sol, mais vous pensiez que ce n'était pas un

10 endroit qui pouvait vous intéresser.

11 R. J'étais dans ce bâtiment et la seule pièce que je n'ai pas pu voir,

12 c'était la pièce pour laquelle ils affirmaient que c'était la salle

13 réservée aux transmissions. Elle ne se trouvait pas dans le sous-sol mais

14 je suis certain qui si on nous avait refusé l'accès en bas, si on avait

15 refusé de descendre l'escalier, cela m'aurait rendu suspicieux.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'était votre propre choix de ne pas

17 descendre.

18 R. Ce que j'ai dit, c'est que j'ai visité tout le bâtiment, mis à part une

19 pièce. Je ne peux pas me rappeler précisément le sous-sol. Je ne peux pas

20 me rappeler précisément les autres étages. Je me suis rendu à tous les

21 étages mis à part une salle. Je ne me rappelle pas la photo du sous-sol.

22 L'Accusation aurait pu me montrer des photos d'autres pièces dans l'école

23 de musique et je ne me serais pas rappelé ces pièces parce que les choses

24 se sont passées il y a beaucoup d'années, et il est difficile de se

25 rappeler.

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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si je me souviens bien, vous dites

2 avoir vu des câbles qui sortaient de cette pièce. Est-ce exact ?

3 R. Oui, c'est exact. C'est la raison pour laquelle nous sommes arrivés à

4 ces conclusions-là, et que c'était exact, que c'était effectivement la

5 salle des transmissions, puisque nous avons vu les câbles qui étaient

6 utilisés pour l'envoi des signaux.

7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] La deuxième série de questions

8 que je souhaite vous poser concerne votre visite à Mehurici. Vous nous avez

9 dit, hier, que vous avez visité l'école de Mehurici, la salle de sports.

10 Vous dites que vous vous êtes entretenu avec le commandant local, et vous

11 dites avoir été informé des raisons pour lesquelles les civils étaient

12 détenus à cet endroit. Vous nous avez également parlé d'un incident avant,

13 pendant ou au cours de votre visite, au cours duquel les BritBat ont été

14 menacés par des Moudjahiddines. Ils ont braqué leurs armes sur vous, et

15 vous dites que c'était un moment extrêmement tendu, voir même plus

16 davantage. C'était une confrontation que vous avez eue avec les

17 Moudjahiddines.

18 La Défense nous a fourni un certain nombre de textes hier, et ces

19 textes vous ont été présentés, ce matin, dans un contexte différent. Dans

20 ces textes figurent également un rapport de l'équipe des observateurs à

21 Mehurici. Il s'agit de la même chose que ce que vous nous avez dite hier.

22 En revanche, il y a un détail à propos duquel je souhaite vous poser une

23 question, à propos des Moudjahiddines. Dans ce rapport, vous parlez des

24 MOS.

25 R. Oui. Les MOS, lorsqu'on utilise "MOS," je ne me souviens pas, je ne

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1 sais pas ce que représente le sigle. Je ne me souviens pas mais c'était le

2 terme que nous utilisions pour désigner les extrémistes musulmans. Je ne

3 sais pas pourquoi cela s'intitulait MOS, mais cela représentait les

4 extrémistes musulmans, les Moudjahiddines.

5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Autrement dit, vous n'êtes pas très sûr

6 de l'appellation. Vous ne savez pas ce que cela signifie.

7 R. Non. Je n'en suis pas très certain.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Néanmoins, vous avez utilisé cette

9 expression dans votre rapport. A votre avis, MOS, qu'est-ce que cela

10 signifie ? Qu'est-ce que cela représente ?

11 R. A ce moment-là, on utilisait deux expressions : "MOS", qui représentait

12 les extrémistes musulmans, comme les Moudjahiddines; et de l'autre côté,

13 pour représenter le HVO, on utilisait le terme HOS. On désignait par ce

14 terme les extrémistes croates. Mais je ne me souviens pas ce que représente

15 le sigle M-O-S ni ce que représente le sigle H-O-S.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Qui a utilisé cette expression ? Qui a

17 porté à votre connaissance cette expression ?

18 R. Nous utilisions ces termes-là communément dans nos rapports. La

19 FORPRONU utilisait les mêmes sigles dans leurs rapports également.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous ne semblez pas connaître ce groupe

21 ni cette organisation.

22 R. Non. Mais lorsqu'on utilisait cette expression MOS, c'est la même chose

23 que de parler des "Moudjahiddines."

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'est interchangeable. Les deux veulent

25 dire la même chose.

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1 R. Oui. Quelquefois, on disait "MOS" parce que c'était plus simple.

2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Qui vous a parlé du "MOS" ? Les gens

3 eux-mêmes, les Moudjahiddines, comme vous l'avez dit auparavant ? Est-ce

4 que les gens utilisaient "MOS" pour se désigner eux-mêmes ?

5 R. Non, c'était un sigle utilisé par nous.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Les dernières questions que je souhaite

7 vous poser concernant ce sujet. Lors de cette rencontre avec les

8 Moudjahiddines, avez-vous remarqué quelque chose de particulier à propos de

9 leurs vêtements, de leur apparence physique ?

10 R. Pour autant que je m'en souviens, ces personnes portaient des vêtements

11 arabes. Peut-être que c'était un mélange d'uniformes et de vêtements

12 arabes.

13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous ne vous souvenez…

14 pas précisément ?

15 R. Non, pas précisément après toutes ces années, mais je me souviens qu'il

16 y avait un groupe là de Moudjahiddines et que le commandant local de l'ABiH

17 avait de gros problèmes. Il avait beaucoup de mal à les faire partir de cet

18 endroit.

19 Q. Ma dernière question : avez-vous remarqué des insignes ou des écussons

20 sur leurs vêtements ?

21 R. Non.

22 M. LE JUGE SWART : [aucune interprétation] Non ?

23 R. Non.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez dit, en réponse aux questions de

25 l'Accusation, que vous avez pris vos fonctions de mars à juin au sein de

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1 cette mission européenne. Vous nous avez dit que vous étiez, à l'époque,

2 capitaine de l'armée danoise et que vous aviez un profil de renseignement.

3 Quand vous avez été envoyé en Bosnie-Herzégovine, on vous a recruté sur

4 quels critères ? En fonction de votre formation d'officier de

5 renseignement ? Pour quelles raisons avez-vous été choisi, vous ?

6 R. Je n'ai pas été choisi pour cette mission. A ce moment-là, l'armée

7 danoise avait demandé à ce que des officiers se portent volontaires pour

8 aller en Bosnie, dans les Balkans. Lorsque j'ai été envoyé dans les

9 Balkans, je ne savais pas que je devais me rendre en Bosnie. Je l'ai appris

10 le premier jour de notre arrivée au QG de la MCCE à Zagreb. A Zagreb, le

11 quartier général a décidé de l'affectation des nouveaux observateurs. Après

12 quelques jours, on m'a envoyé à Zenica.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez expliqué que vous dépendiez, à Zenica,

14 d'une structure dans laquelle il y avait le M. Thébault. Il y avait un

15 Espagnol, il y avait un Allemand. Vous avez expliqué également qu'il y

16 avait des observateurs canadiens. L'observateur canadien, dont vous donnez

17 le nom, Remi Landry, il faisait partie de la mission où il était

18 observateur dans une autre structure ?

19 R. Remi Landry était un membre de la MCCE, c'était un observateur

20 également.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais cette mission était européenne, elle n'était

22 pas canadienne. Comment vous expliquez cette contradiction ?

23 R. Lorsque la MCCE a été créée, des membres des pays de l'OCE ont été

24 invités à participer. Par conséquent, des pays, comme le Canada, la Suède,

25 la Tchécoslovaquie, la Pologne, ont été invités à participer.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Le texte que la Défense nous a donné, qui avait été

2 signé à Sarajevo le 1er Octobre 1991, sur cette mission, indique qu'elle

3 opérait sous les drapeaux de la Communauté européenne. On avait sous le

4 drapeau la Communauté européenne d'autres pays qui n'en faisaient pas

5 partie. C'est ce que vous nous dites ? Le drapeau est indiqué aux Articles

6 5 et suivant. Enfin, il y a toute la description. Indépendamment des états

7 de l'Union européenne, il y avait d'autres pays, c'est bien cela ?

8 R. C'est exact.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant l'affaire dite Totic, vous avez indiqué

10 que vous étiez localisé à l'hôtel Internacional. C'était le siège de votre

11 mission ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Le jour où les deux représentants des Moudjahiddines

14 sont venus à l'Hôtel Internacional, vous étiez là, vous ?

15 R. Oui, je me trouvais à l'hôtel ce jour-là. C'est exact.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Les avez-vous vus ? Est-ce que vous les avez

17 personnellement vus ?

18 R. Je ne me souviens pas, je ne sais si je les ai vus lorsqu'ils sont

19 arrivés ou si j'en ai entendu parler car cela remonte à quelques 11 années.

20 C'est difficile de se souvenir de tous les détails. Je me souviens avoir vu

21 les Moudjahiddines dans l'hôtel, mais je ne sais pas si je les ai vus le

22 tout premier jour.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand ils étaient dans l'hôtel, ils étaient armés ou

24 ils ne portaient pas d'armes ?

25 R. Ils étaient en général armés lorsqu'ils sont arrivés, et c'est la

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1 raison pour laquelle il y avait des gardes de la police de l'ABiH qui

2 montaient la garde devant l'hôtel, de façon à pouvoir désarmer les

3 personnes qui entraient dans l'hôtel. Lorsque les Moudjahiddines sont

4 arrivés, ces gardes ont disparu, et nous avons dit aux Moudjahiddines que

5 nous ne voulions pas qu'ils soient armés lorsqu'ils nous rendaient visite.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que l'hôtel Internacional était sous

7 la protection de l'ABiH dans la mesure où il y avait des gardes qui

8 assuraient l'ordre public devant l'hôtel, et que ce jour, quand les deux

9 Moudjahiddines armés sont entrés, les gardes avaient disparu.

10 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'était la police civile qui montait

11 la garde devant l'hôtel, mais il n'y avait qu'un seul officier de police à

12 cet endroit-là. Mais c'est exact. Lorsque les Moudjahiddines arrivaient,

13 ces policiers avaient peur des Moudjahiddines, et c'est la raison pour

14 laquelle ils s'enfuyaient.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : L'hôtel était sous la protection de la police

16 civile, pas de la police militaire. Vous savez faire la distinction entre

17 la police civile et la police militaire ?

18 R. Ils portaient des uniformes différents et je ne me souviens pas qui

19 était responsable pour assurer la sécurité. Je ne sais pas si c'était la

20 police militaire ou la police civile. Je me souviens simplement qu'il y

21 avait des gardes devant l'hôtel.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : On a compris par vos réponses que, lors de ce fameux

23 échange, vous-même vous étiez à Travnik où vous aviez été chargé de

24 réceptionner les quatre Croates, qui étaient des officiers croates, qui

25 avaient été enlevés. Vous confirmez que vous étiez bien à Travnik pour la

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1 réception de ces quatre officiers croates ?

2 R. Oui, c'est exact. J'étais à Travnik. J'ai reçu quatre officiers du HVO

3 et je les ai escortés, avec l'escorte armée, du Bataillon britannique au QG

4 du général Blaskic.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui vous les a remis ?

6 R. C'étaient des membres des Moudjahiddines qui parlaient l'arabe.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils vous les ont remis ?

8 R. Oui, c'est exact.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous êtes un officier de renseignement, il y a

10 des détails qui ne doivent pas vous échapper dans ce genre de situation,

11 qui devait être certainement la première situation de votre vie à laquelle

12 vous étiez confronté parce qu'assister à un échange de prisonniers, cela

13 n'arrive pas tous les jours. Quand les prisonniers sont arrivés, ils

14 étaient escortés par des Moudjahiddines. Est-ce que ces Moudjahiddines

15 étaient armés ?

16 R. Oui, ils étaient armés. Ils sont arrivés dans un vieux camion civil, et

17 je me souviens que les Moudjahiddines, qui attendaient à cet endroit en

18 même temps que moi, ces Moudjahiddines étaient armés également. Ils

19 parlaient l'arabe, car lorsqu'ils communiquaient ou s'entretenaient avec

20 les autres Moudjahiddines, ils utilisaient nos moyens de transmission. Ils

21 parlaient en langue arabe lorsqu'ils parlaient entre eux.

22 Ce Moudjahiddines en question parlait l'allemand également. J'ai pu

23 échanger quelques mots avec lui. J'ai vu, pendant que nous attendions, son

24 visage était recouvert par une cagoule, sa balaklava. Je voulais savoir

25 s'il était bosniaque ou arabe. Je lui ai proposé quelque chose à manger. Je

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1 lui ai proposé des cigarettes. Après quelques heures, il a enlevé sa

2 balaklava, sa cagoule. Il a accepté les cigarettes et de la nourriture.

3 J'ai pu constaté qu'il était arabe. Il ne parlait que l'arabe et

4 l'allemand.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne lui avez pas demandé de quel pays il

6 venait ?

7 R. Non, je ne lui ai pas demandé.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que vous dites que vous avez discuté avec lui

9 pendant plusieurs heures. Vous aviez eu le temps d'échanger des éléments

10 divers. Vous n'avez pas eu le réflexe de lui demander d'où il venait ?

11 R. Bien sûr, que je lui ai demandé, mais nous étions des observateurs

12 impartiaux. On nous accusait souvent de part des autres d'être des espions.

13 Il fallait faire très attention, lorsque nous étions en présence de l'une

14 ou l'autre partie, de leur donner l'impression que nous étions des espions.

15 Nous n'étions pas des espions. Nous rassemblions des informations. Nous

16 savions que ces Moudjahiddines venaient des pays étrangers. Cela, nous le

17 savions car, lorsque nous avons vu la liste des Moudjahiddines qui ont été

18 échangés, on pouvait voir d'où venaient ces Moudjahiddines en question. Ils

19 venaient -- dis-je, personne ne venait du Moyen Orient. Par conséquent, il

20 n'était pas utile de leur demander de quel pays il venait car nous le

21 savions -- nous savons qu'ils venaient des pays arabes.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous ramenez les officiers croates, est-ce que

23 vous avez discuté avec les officiers croates des circonstances de leurs

24 séquestrations ? Est-ce que vous les avez interrogés sur ce qui leur était

25 arrivé, qui les avaient arrêtés, où étaient-ils détenus, avaient-ils subi

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1 des mauvais traitements ? Enfin, des questions classiques que l'on pose

2 dans ce genre de circonstances.

3 R. Notre tâche ne consistait pas à faire cela. Nous devions simplement les

4 accueillir et les amener au Quartier général. Je suis certain que par la

5 suite, on a dû leur poser des questions dans leur propre quartier général.

6 Je n'ai pas reçu de conclusions de cet entretien.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre niveau, vous n'avez eu aucune instruction

8 pour accueillir des éléments sur leur sort.

9 R. C'est exact. L'ordre qui m'avait été donné, c'est que dès leur

10 libération, de les amener directement au quartier général de Vitez.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question est la suivante : vous avez

12 expliqué que dans le cadre de votre mission, où l'impartialité était la

13 règle, vous vous êtes rendu à un moment donné avec le frère Stipan;

14 pourquoi n'avoir pas également fait venir avec vous un imam ? Pourquoi ne

15 prendre qu'un représentant religieux, même que vous êtes dans une situation

16 multi religieuse ? Même que vous nous dites que vous deviez être impartial,

17 qu'est-ce que vous nous dites à ce propos ?

18 R. Lorsque nous avions le père Stipan avec nous, ceci n'avait rien à voir

19 avec notre obligation d'impartialité. Nous nous sommes servi du père

20 Stipan, car nous voulions que les habitants croates nous croient. Nous

21 pensions que cela serait plus facile, que cela faciliterait notre tâche si

22 nous avions le père Stipan avec nous, car ils avaient confiance.

23 Nous n'avions pas le même problème lorsque nous allions rendre visite aux

24 habitants musulmans, car ils nous faisaient confiance. Nous avions, en

25 général, deux représentants de l'ABiH avec nous lorsque nous leur rendions

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1 visite; nous allions dans les villages musulmans.

2 Il y avait une petite différence ici au niveau de la communication entre

3 nous et les Croates, entre nous et les habitants musulmans. De façon

4 générale, lorsque nous parlions avec les habitants musulmans, nous leur

5 disions que nous essayions d'établir les faits, tel était l'objet de notre

6 mission. Que ce soit au sein de la commission de Busovaca ou d'une

7 commission ultérieure, ils croyaient ce que leur disait les membres de

8 l'ABiH et les membres de notre commission. De l'autre côté, les croates ne

9 croyaient pas toujours ce que les membres croates de notre commission leur

10 disaient.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Musulmans vous faisaient plus confiance que les

12 Croates, en règle générale.

13 R. C'est exact.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges, ayant terminé leurs questions, est-ce que

15 l'accusation a une question supplémentaire à poser au témoin au vu des

16 réponses faites par le témoin aux questions des Juges ?

17 M. WITHOPF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

18 d'autres questions.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que les Défenseurs ont une question

20 supplémentaire ?

21 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. J'ai deux ou trois petites

22 questions très rapides afin de faciliter la compréhension de la Chambre au

23 sujet de la Mission de monitoring.

24 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Bourgon :

25 Q. [interprétation] Mon Commandant, bonjour. Pouvez-vous confirmer que

Page 7120

1 tous les observateurs de la MCCE étaient tous habillés en blanc, et

2 quelquefois les gens se moquaient de vous, parce que vous étiez habillés

3 tout en blanc ?

4 R. Je ne sais pas s'ils se moquaient de nous. C'est vrai que nous étions

5 habillés tout en blanc. Ce n'est pas la couleur la plus appropriée en temps

6 de guerre, mais nous étions vêtus de blanc pour indiquer à tout et chacun

7 que nous étions membres d'une mission non armée, et on ne devait pas nous

8 confondre avec une unité militaire. C'est la raison pour laquelle nous

9 étions tout de blanc vêtus.

10 Q. Vous m'avez devancé; c'était ma question suivante. Vous n'étiez pas

11 armés. Pouvez-vous confirmer que, lorsque vous vous êtes rendus sur

12 certains lieux, vous étiez, en général, escortés par les BritBat qui

13 étaient accompagnés de leurs véhicules blindés de transport du groupe de

14 Warriors, des APC ?

15 R. C'est exact. C'était un moment très difficile parce qu'il y avait des

16 tireurs embusqués qui nous tiraient dessus. Il y avait d'autres unités qui

17 nous tiraient dessus soit du HVO, soit de l'ABiH, soit des Moudjahiddines.

18 Par conséquent, la FORPRONU a mis à notre disposition une escorte de

19 blindés. En général, dans certaines régions, nous étions escortés par le

20 BritBat. Dans Visoko-Kakanj, dans cette région, nous avons été escortés par

21 le Bataillon canadien.

22 Q. Mon Commandant, une question à propos de l'échange, vous avez parlé de

23 l'échange entre les Moudjahiddines. Vous pouvez confirmer qu'ils

24 utilisaient le système de transmission qui était celui des observateurs de

25 la MCCE ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. Qu'ils parlaient toujours l'arabe ?

3 R. C'est exact.

4 Q. J'ai une dernière question à propos de votre visite en présence du père

5 Stipan. Vous avez dit, en réponse à la question du Juge de la Chambre, du

6 Président de la Chambre, vous voulez que le père Stipan vous accompagne, de

7 façon à ce que les Croates vous croient plus volontiers. Pouvez-vous

8 confirmer que, lorsque vous dites que vous vouliez que les Croates vous

9 croient plus volontiers, autrement dit, les rumeurs qui étaient parvenues à

10 leurs oreilles, sur la destruction et les massacres n'étaient pas vraies.

11 C'est cela que vous vouliez qu'ils ne croient pas ?

12 R. C'est exact. C'est la raison pour laquelle nous avons agi ainsi.

13 M. BOURGON : Merci, mon Commandant.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne voudrais pas oublier, cette fois-ci, Me

15 Dixon.

16 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

17 d'autres questions à poser au témoin. Je vous remercie.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Commandant, votre témoignage est terminé ce

19 matin. Nous vous remercions d'avoir apporté votre contribution à la

20 manifestation de la vérité. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

21 Nous formulons nos meilleurs vœux pour votre carrière que vous menez au

22 sein de l'armée danoise. Nous vous remercions.

23 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la

24 porte de la salle d'audience.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 7122

1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je pense que c'est Mme Benjamin qui va

3 conduire l'interrogatoire. Est-ce que le témoin est à la disposition de la

4 Chambre, Madame Benjamin ?

5 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président. Je

6 crois qu'il doit être à l'extérieur puisqu'il a dû arriver à 9 heures. Si

7 Mme l'Huissière veut bien aller le chercher, s'il vous plaît.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous attendons que Mme l'Huissière revienne.

9 Dans l'attente de l'arrivée de Mme l'Huissière, Madame Benjamin, votre

10 interrogatoire va durer combien de temps ? Quel était le temps prévu, quel

11 est le temps que vous envisagez ?

12 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense

13 pas que j'aurai besoin de plus d'une heure.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous avez besoin d'une heure, la Défense aura une

15 heure trente. Nous pouvons boucler aujourd'hui l'audition de ce témoin.

16 Madame l'Huissière, allez chercher le nouveau témoin.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour. Je vais d'abord vérifier que vous

19 entendez la traduction de mes propos. Si c'est le cas, dites je vous

20 entends.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité par l'Accusation pour

23 témoigner devant ce Tribunal. Afin de recueillir votre témoignage, je me

24 dois de vous faire prêter serment. Avant de vous faire prêter serment, je

25 dois vous identifier. C'est pour cela que je vais vous demander de nous

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1 donner votre nom et vos prénoms.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Rudy Gerritsen.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre date de naissance.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 9 mai 1954.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : A quel endroit et dans quel pays ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né aux Pays-Bas dans un endroit

7 qui s'appelle Meppel.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre nationalité ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Néerlandais.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre fonction et grade actuel ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis lieutenant-colonel de l'armée

12 néerlandaise. Je travaille au niveau de l'état-major pour ce qui est de la

13 planification.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, il y a plus de dix ans, en Bosnie-

15 Herzégovine, quelles étaient à l'époque vos fonctions ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais observateur de la MCCE. J'avais le

17 grade de commandant dans l'armée néerlandaise.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez déjà témoigné devant un

19 tribunal international ou un tribunal national sur les faits qui se sont

20 déroulés en Bosnie-Herzégovine ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné une fois déjà.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : A quel endroit, devant ce Tribunal ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans quel procès ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une bonne question.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Question des Juges.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai oublié le nom du procès.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas grave. Comme vous avez l'habitude du

4 témoignage, vous savez qu'il faut lire la prestation de serment. Je vous

5 demande de lire le serment.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 LE TÉMOIN: RUDY GERRITSEN [Assermenté]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir. Avant de donner la parole

11 aux représentants de l'Accusation, je vais vous fournir quelques éléments

12 de la façon dont va se dérouler cette audience.

13 Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, vous êtes cité en qualité de témoin

14 par l'Accusation. Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous

15 être posées par Mme Benjamin, qui représente l'Accusation. Elle se trouve

16 située à votre droite.

17 A l'issue des questions qui vont normalement prendre une heure

18 environ, les avocats des accusés, qui se trouvent à votre gauche, vous

19 poseront des questions dans le cas d'un contre-interrogatoire. Le

20 contre-interrogatoire n'a pas le même objectif que l'interrogatoire

21 principal, dans la mesure où le contre-interrogatoire vise à vérifier la

22 crédibilité de vos dires, par ailleurs, apporter également tout élément

23 utile à l'appui de la Défense.

24 Par ailleurs, les trois Juges, qui sont devant vous, peuvent vous poser à

25 tout moment des questions s'ils l'estiment nécessaire aux fins de

Page 7125

1 clarification des réponses ou pour combler des lacunes que les Juges

2 pourraient déceler au vu de vos réponses. En règle générale, les Juges,

3 quand ils posent les questions, ils préfèrent attendre que tout le monde,

4 que les parties aient posé leurs questions avant eux-mêmes d'intervenir. Il

5 se peut qu'ils puissent également, si besoin se faisait sentir, vous poser

6 des questions au cours de l'audience.

7 Par ailleurs, je me dois de vous rappeler deux éléments : Vous avez prêté

8 serment, ce qui exclu tout faux témoignage, car le faux témoignage est une

9 infraction qui peut être réprimée. Par ailleurs, le témoin, lorsqu'il

10 répond aux questions, peut refuser de répondre aux questions si la réponse

11 est susceptible de constituer des éléments à charge qui pourraient être

12 utilisés contre le témoin. Dans cette hypothèse assez exceptionnelle, la

13 Chambre peut néanmoins obliger le témoin à répondre, en lui garantissant

14 une immunité sur les faits dont il répond par le biais des réponses aux

15 questions posées.

16 Comme la procédure est essentiellement orale, essayez d'être complet et

17 précis dans vos réponses, car les Juges qui ne disposent pas de votre

18 témoignage écrit ni d'aucun élément écrit jusqu'à preuve produite par les

19 parties, ce sont vos propos qui pourront contribuer à la manifestation de

20 la vérité. Voilà de manière générale la façon dont va se dérouler votre

21 témoignage.

22 Nous avons 25 minutes avant la pause. Je me tourne vers Mme Benjamin pour

23 lui laisser la parole.

24 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Interrogatoire principal par Mme Henry-Benjamin :

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1 Q. [interprétation] Bonjour, Lieutenant-colonel. Pourriez-vous brièvement

2 relater votre formation et votre entraînement pour les Juges de la Chambre

3 de première instance avant que vous ne deveniez lieutenant-colonel ?

4 R. La formation dure très longtemps dans l'armée. J'ai commencé en 1972.

5 J'avais 18 ans à l'époque et c'est là que je me suis engagé dans l'armée.

6 La formation a comporté plusieurs phases. Il y a, dans un premier temps,

7 l'entraînement militaire. Nous avons étudié pendant plusieurs années. Une

8 des choses justement que nous avons étudiée était les conventions de

9 Genève. Par exemple, la plupart du temps, j'ai étudié l'économie, la

10 logistique. Il s'agit d'études typiquement militaires.

11 Q. Merci. Après votre formation, avez-vous vous-même donné des cours sur

12 les conventions de Genève aux soldats ?

13 R. Oui.

14 Q. Merci. En 1993, vous avez été déployé en Bosnie, est-ce exact ?

15 R. Oui. Je suis arrivé en Bosnie le 15 juillet, il me semble.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bourgon.

17 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. J'hésite à interrompre ma

18 collègue au tout début de son interrogatoire principal parce que nous

19 voyons que le témoin a des papiers avec lui. Nous ne savons pas si ce sont

20 des notes ou si c'est vraiment quelque chose pour écrire. Nous aimerions

21 simplement éclaircir la situation, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, vous avez des documents devant vous. Ce

23 sont des notes ? Qu'est-ce que vous avez devant vous ? Normalement, le

24 témoignage étant oral. On ne peut pas s'appuyer sur des écrits. Qu'avez-

25 vous devant vous ?

Page 7127

1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai quelques notes que j'ai écrites pour

2 fournir des explications. Il s'agit de notes sur la façon dont le travail a

3 été effectué par la MCCE et j'ai également un document. Il s'agit, en fait,

4 d'une synthèse de mes rapports quotidiens établis en Bosnie. J'ai ce petit

5 carnet des notes que j'avais prises en Bosnie. C'est le carnet que j'avais

6 avec moi, à l'époque. C'était un petit carnet qui se glisse facilement dans

7 l'uniforme et c'est ainsi que je consignais quelques notes. Je peux m'en

8 passer, ceci étant dit.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va procéder, de la manière suivante : pour le

10 moment, vous mettez ces documents de côté. Vous répondez aux questions. Si

11 jamais vous pensez que vous ne pouvez pas répondre à la question, mais

12 qu'il faut vous rafraîchir la mémoire parce que vous avez un trou de

13 mémoire - mais, à votre âge, c'est une hypothèse totalement exclue - vous

14 nous direz à ce moment-là. On verra s'il y a lieu à vous permettre de

15 regarder vos notes. Voilà. Mais il est possible que vous aurez recours à

16 vos notes, mais on verra au cas par cas. Voilà.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez continuer.

19 Merci, Maître Bourgon, pour le coup d'œil que vous avez, car de

20 l'endroit où les Juges sont, nous ne voyons rien.

21 Madame Benjamin.

22 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais

23 merci à mon confrère. Je ne savais pas que le témoin avait ces documents

24 avec lui.

25 Q. Comme nous le disions avant l'interruption, à un moment donné, vous avez

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1 été déployé en Bosnie. Pourriez-vous nous dire auprès de qui ou avec qui

2 vous avez été déployé ?

3 R. Après avoir reçu des instructions à Zenica, je me suis rendu à Gornji

4 Vakuf. C'est là que j'ai été déployé avec un de mes collègues, qui était

5 observateur et qui s'appelait Skat-Rordam p30. Il faut savoir qu'il y avait

6 un Canadien qui était en permission. Je ne me souviens pas de son nom. Oui,

7 il s'appelait Peter Hauenstein. C'étaient les deux collègues que j'avais, à

8 ce moment-là.

9 Q. Cela fait assez longtemps, nous comprenons tout à fait que vous ne vous

10 souvenez pas des noms. J'aimerais savoir avec quelle organisation vous avez

11 été déployé en Bosnie ?

12 R. J'étais membre de la Mission d'observation de la Communauté européenne.

13 J'étais habillé en blanc et je n'étais pas armé.

14 Q. Merci. Pourriez-vous dire, à l'intention de la Chambre de première

15 instance, quelles étaient les règles de la MCCE en Bosnie à l'époque ?

16 R. La règle essentielle consistait à faire en sorte que nous soyons

17 impartiaux.

18 Q. Pourriez-vous nous dire quelles étaient vos fonctions en tant

19 qu'observateur de la MCCE.

20 R. Je devais compiler des informations dans le domaine humanitaire,

21 militaire, économique et politique. Je me déplaçais dans mon véhicule et je

22 prenais contact avec les autorités, la population civile et toutes les

23 personnes que vous pouvions rencontrer lorsque nous nous déplacions dans

24 notre zone de responsabilité, qui pour moi, à l'époque, était constituée

25 par Prozor, Gornji Vakuf et Bugojno.

Page 7129

1 Q. Pourriez-vous décrire à l'intention des Juges, comment les équipes

2 étaient structurées et comment étaient menées à bien les missions ?

3 R. Oui. Il y avait le chef de la mission qui se trouvait à Zenica. Il y

4 avait plusieurs équipes déployées dans toute la Bosnie. Il y avait

5 certaines zones de responsabilité qui étaient assez vastes. Plusieurs

6 équipes y opéraient. L'endroit où nous nous trouvions, Gornji Vakuf,

7 n'avait qu'une équipe, l'équipe Victor. Cette équipe était composée de deux

8 observateurs, d'un chauffeur et d'un interprète. A cette époque, nous

9 étions au BritBat de Gornji Vakuf. Il y avait une compagnie du Bataillon

10 britannique. Le commandant de la compagnie s'appelait Graham Binns. En

11 fait, nous nous trouvions là pour des raisons de sécurité.

12 La plupart des équipes résidaient dans des hôtels, mais, à Gornji

13 Vakuf, ce n'était pas possible. Tous les jours, nous nous rendions en

14 voiture dans les différents endroits correspondant à notre zone de

15 responsabilité. La plupart du temps, nous commencions par Gornji Vakuf, à

16 proprement parler, et nous allions à Prozor, et ensuite, lorsque nous

17 étions à Prozor, nous nous rendions à Bugojno, et parfois nous passions le

18 plus clair de la journée à Bugojno ou à Prozor. Cela dépendait, bien

19 entendu, de la situation. Cela dépendait de la situation et de ce qui se

20 passait.

21 Q. Pouvez-vous dire que Bugojno et Prozor faisaient partie de votre zone

22 de responsabilité ?

23 R. Oui. Au centre vous aviez Gornji Vakuf, et Prozor et Bugojno au nord.

24 Q. Est-ce que la rédaction de rapports et la présentation de rapports

25 représentaient une de vos tâches quotidiennes ?

Page 7130

1 R. Tout à fait. J'avais déjà dit que nous devions rédiger un rapport

2 quotidien, rapport quotidien qui était envoyé à Zenica, et à partir de là

3 il était envoyé à Zagreb, et cela était envoyé à la Communauté européenne

4 et aux différentes capitales de la Communauté européenne.

5 Q. Colonel, pourriez-vous me dire quel jour vous êtes arrivé à Gornji

6 Vakuf, en Bosnie ?

7 R. C'est le 18 juillet que je me suis rendu à Gornji Vakuf. Je pense que

8 je suis arrivé en Bosnie le 15.

9 Q. Le 18 juillet, lorsque vous êtes arrivé, pouvez-vous nous dire

10 exactement ce que vous avez vu ?

11 R. Le 18 juillet, je me suis rendu de Zenica à Gornji Vakuf en voiture. Je

12 suis allé au Bataillon britannique. J'y suis arrivé vers midi environ. Je

13 pense qu'il était environ midi. Je peux dire que le 18 juillet était une

14 belle journée, et j'ai joué au football avec le BritBat. Cela s'est passé

15 pendant la soirée. Le même soir, j'ai entendu, de la part du commandant de

16 la Compagnie britannique, que les combats avaient éclaté à Bugojno et que

17 nous devions nous rendre à Bugojno le lendemain matin.

18 Q. Le 19 juillet, vous avez visité pour la première fois Bugojno.

19 R. Oui. Je suis arrivé à Bugojno et, pendant que nous conduisions pour

20 nous rendre à Bugojno, nous avons vu qu'il y avait des combats qui avaient

21 éclaté entre les Musulmans et les Croates. Au début, les combats se

22 concentraient d'ailleurs sur Bugojno, à proprement parler.

23 Q. Avez-vous observé quoi que ce soit dans la zone de Bugojno ? Je pense

24 aux maisons, par exemple.

25 R. Oui, il y avait une guerre. Il y avait des maisons incendiées, il y

Page 7131

1 avait des combats, il y avait des tirs d'obus, tout ce qui se passe en cas

2 de guerre et en cas de combat. Il y avait des personnes blessées, ainsi que

3 des personnes mortes également.

4 Q. Si vous deviez décrire les tirs que vous avez vus, comment pourriez-

5 vous les décrire en un seul mot ?

6 R. Je dirais qu'il s'agit de combats très, très graves -- très importants.

7 En un seul mot, c'est difficile à décrire, mais il s'agissait d'une guerre,

8 c'était la guerre.

9 Q. Le 19, lorsque vous vous êtes rendu à Bugojno, avez-vous eu la

10 possibilité de parler à des personnes, notamment, à des civils ?

11 R. Oui. Ce jour-là, nous nous sommes rendus au QG de l'ABiH ainsi qu'au QG

12 des Croates. Par exemple, c'est à Abdulah Jelic que nous avons parlé pour

13 l'ABiH ce jour-là. Je ne suis plus si sûr que cela, mais il me semble qu'il

14 y avait Cikotic. Il y avait un certain nombre de personnes qui se

15 trouvaient au QG des Croates. J'ai rencontré également un prêtre, un prêtre

16 qui se trouvait au QG des Croates à Bugojno.

17 Q. Vous souvenez-vous du nom du prêtre ?

18 R. Il s'agissait du père Janko.

19 Q. Merci. Vous avez parlé aux membres de l'ABiH.

20 R. Oui.

21 Q. Pourriez-vous indiquer à la Chambre de première instance qui, d'après

22 vous, commandait ?

23 R. Je pense que c'était Cikotic, bien que la plupart du temps, c'est

24 Abdulah Jelic que j'ai rencontré.

25 Q. Pouvez-vous nous dire quelle unité de l'ABiH se trouvait à Bugojno à ce

Page 7132

1 moment-là ?

2 R. Non, je ne me souviens pas du nom de l'unité. Je ne me souviens pas non

3 plus du numéro de l'unité.

4 Q. L'hôtel Kalin --

5 R. L'hôtel Kalin, oui --

6 Q. -- est-ce qu'il s'agissait d'un lieu extrêmement important pour vous ?

7 R. oui, au commencement --

8 Q. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

9 R. Oui. Les Musulmans avaient le dessus au début des combats à Bugojno. Au

10 début, nous nous concentrions sur les questions humanitaires et les

11 questions militaires également. En fait, nous avons évacué plutôt les

12 personnes blessées de l'hôtel Kalin, pour les envoyer vers des endroits où

13 elles seraient mieux. Au niveau du sous-sol de cet hôtel, il y avait un

14 hôpital de fortune qui avait été monté, et il y avait là plusieurs Croates

15 et Musulmans blessés. Nous avons pu les évacuer à un moment donné. Je ne me

16 souviens pas d'ailleurs de la date de l'évacuation.

17 Il faut savoir que les Croates avaient encore une position très forte

18 en haut du bâtiment de l'hôtel Kalin. A la fin des combats, ils se sont

19 rendus, enfin, quasiment à la fin des combats à Bugojno, le 25, 26 ou 27

20 juillet. Ensuite, nous nous sommes beaucoup plus concentrés, non pas sur

21 les questions militaires, mais sur la question relative aux prisonniers de

22 guerre, avec toutes les connotations humanitaires que cela représente.

23 Q. D'après les enquêtes menées à bien et d'après les rapports qui ont été

24 reçus, qui, d'après vous, à l'époque, était l'armée qui attaquait ?

25 R. Les Musulmans, l'ABiH.

Page 7133

1 Q. J'aimerais vous poser une autre question. Juste après le 19, je suppose

2 que vous avez commencé à avoir des réunions. Est-ce exact ?

3 R. Oui, nous avions des réunions au quotidien. On essayait toujours de

4 parler à quelqu'un. Nous nous efforcions toujours de prendre contact avec

5 les commandants militaires, et s'ils ne se trouvaient pas là, nous

6 essayions de contacter le prêtre ou l'imam ou les autorités civiles. Nous

7 essayions toujours d'avoir des réunions avec quelqu'un.

8 Q. Le 23 juillet a été un jour normal. Vous avez également eu une réunion

9 ce jour-là.

10 R. Non, je ne pense pas. Parce que notre tâche consistait à compiler des

11 informations. Le 23 juillet, comment pouvez-vous dire --

12 Q. Vous nous avez dit que vous aviez des réunions quotidiennes.

13 R. Oui.

14 Q. Je suppose qu'il en a été de même le 23 juillet.

15 R. Oui.

16 Q. Durant le jour ?

17 R. Oui.

18 Q. Ma question est la suivante : est-ce que vous pouvez nous dire quelles

19 ont été les conclusions de la réunion du 23 juillet ?

20 R. Quel type de réunion a eu lieu le 23 juillet ? Est-ce que je peux

21 consulter mes notes ?

22 Q. Est-ce que le 23 juillet -- ou peut-être que je ne devrais pas formuler

23 les choses comme cela.

24 J'aimerais savoir si, lorsque vous êtes arrivés à Bugojno, vous vous

25 êtes rendu dans des sites, par exemple.

Page 7134

1 R. Oui. Je me suis rendu auprès des Quartiers généraux à l'hôtel Kalin,

2 également. J'ai rendu visite aux prisonniers de guerre. Peut-être que cela

3 s'est passé le 23 juillet, mais je ne suis pas sûr de la date.

4 Q. Si vous ne vous souvenez pas de la date, est-ce que vous pouvez nous

5 relater ce qui s'est passé lorsque, par exemple, vous avez rendu visite aux

6 prisonniers de guerre ?

7 R. Les prisonniers de guerre ?

8 Q. Oui, s'il vous plaît.

9 R. En fait, il y avait quatre cellules avec des prisonniers de guerre. Au

10 début, j'en ai visitées deux. Cela se trouvait au collège. Il y avait

11 également un salon d'exposition de meubles. Il s'agissait, en fait, de

12 prisonniers de guerre qui se trouvaient emprisonnés là. La première fois

13 que je les ai vus, ils appartenaient, en fait, à un bataillon de croates,

14 j'ai vu un certain nombre de cadavres.

15 Q. Peut-être que nous pourrions commencer par parler, dans un premier

16 temps, du salon d'exposition de meubles, et ainsi nous pourrons les

17 identifier, tous ces lieux. Nous allons commencer par ce salon d'exposition

18 de meubles.

19 R. Très bien. Pour ce qui est de cette salle, ce salon d'exposition de

20 meubles, il faut savoir que je me trouvais devant l'hôpital, et cette salle

21 d'exposition de meubles se trouvait sur la gauche. Il s'agissait d'un sous-

22 sol. C'était à un endroit plongé dans la pénombre, et à l'intérieur, il y

23 avait des prisonniers de guerre. Il y avait de l'eau. Lorsque nous nous

24 sommes rendus là, nous ne pouvions pas véritablement discerner grand-chose

25 parce que tout cela était plongé dans l'obscurité. Il y avait des gardes

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1 autour de nous. Nous ne pouvions pas parler librement aux prisonniers de

2 guerre. Nous avons toujours essayé d'obtenir leur nom, de dresser une liste

3 des noms et de donner cette liste aux autorités, à mes propres autorités de

4 la MCCE, ainsi qu'aux autorités locales, d'ailleurs. Par exemple, à Abdulah

5 Jelic ou à Cikotic. Nous avons parlé de notre expérience avec le prêtre

6 Q. Est-ce que je peux vous interrompre ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous nous décrire les conditions qui prévalaient dans cette

9 salle d'exposition de meubles. Vous venez de mentionner qu'il y avait des

10 gardes. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était l'appartenance

11 ethnique de ces gardes ?

12 R. Les gardes étaient, bien entendu, Musulmans. Ils étaient de l'ABiH.

13 D'ailleurs, je ne me souviens pas s'ils appartenaient à la police civile ou

14 à la police militaire. Je pense qu'au début, il s'agissait de gardes de la

15 police civile, mais je n'en suis pas sûr. Le responsable Senad Dautovic, le

16 responsable de ces cellules de prisonniers de guerre, était de la police

17 civile. Je ne suis pas sûr à quelle police appartenaient les gardes.

18 Lorsque nous avons vu à maintes reprises les prisonniers de guerre, il

19 était manifeste qu'ils subissaient des sévices, qu'ils n'étaient pas bien

20 traités et qu'ils n'étaient pas traités conformément aux conventions de

21 Genève. Ils étaient passés à tabac; ils avaient peur. C'était absolument

22 évident pour nous qu'ils avaient peur. Ils ne pouvaient pas s'exprimer

23 librement. Il y avait du sang. Il y avait des pansements. Ils étaient juste

24 allongés à même le sol. Je ne sais pas comment cela s'appelle, ils étaient

25 allongés sur des palettes là où l'on peut entasser ou empiler des produits.

Page 7136

1 Ils dormaient à même là-dessus.

2 Q. Est-ce que vous avez soulevé vos préoccupations auprès de quelqu'un ?

3 R. Oui. Nous en avons parlé à Senad Dautovic ainsi qu'à Abdulah Jelic

4 lorsque nous les avons rencontrés.

5 Q. Est-ce que M. Jelic et M. Dautovic faisaient partie d'une armée ?

6 R. Jelic faisait partie de l'ABiH ainsi que Selmo. Senad Dautovic

7 appartenait à la police civile.

8 Q. Je vous remercie.

9 R. La police civile de Bugojno.

10 Q. Merci.

11 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, je me

12 demandais s'il serait peut-être opportun d'avoir la pause maintenant.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, comme dans l'armée, on doit faire des

14 breaks. Nous allons faire un break de 25 minutes pour des raisons

15 techniques. Nous reprendrons l'audience à 11 heures moins 5.

16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

17 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Madame Benjamin, vous avez

19 la parole.

20 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. [interprétation] Colonel, afin de préciser un point, vous vous êtes

22 référé à l'organe militaire que vous appeliez l'organe militaire de Bosnie-

23 Herzégovine. Est-ce que vous pensiez à l'ABiH, en disant cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Avant l'interruption, nous parlions du salon d'exposition de meubles.

Page 7137

1 Vous avez dit à la Chambre quelles étaient les conditions qui prévalaient à

2 cet endroit. Vous étiez en train de nous dire comment se sont passées les

3 réunions que vous avez eues avec les différentes parties, et où vous avez

4 soulevé vos préoccupations. Est-ce que vous pourriez nous dire quel a été

5 l'issue de vos entretiens eu égard au salon d'exposition de meubles ?

6 R. On nous a toujours promis que les circonstances ou les conditions

7 allaient s'améliorer, qu'ils allaient mener des enquêtes sur les conditions

8 qui prévalaient. C'était cela pour l'essentiel.

9 Q. A peu près, de manière approximative, pourriez-vous nous dire quel a

10 été le nombre de détenus qui se trouvaient au salon d'exposition de

11 meubles ?

12 R. Entre 60 et 80. Je ne sais pas.

13 Q. Seriez-vous en mesure de nous dire de quel appartenance ethnique ils

14 étaient ?

15 R. C'étaient des Croates. C'étaient des civils et du personnel militaire.

16 Q. Je vous remercie. Colonel, diriez-vous que ce salon d'exposition de

17 meubles était un endroit approprié pour y détenir des prisonniers ?

18 R. Non, cela ne l'était pas.

19 Q. Pourriez-vous nous dire pour quelle raison vous êtes arrivé à cette

20 conclusion ?

21 R. Tous les prisonniers de guerre, à mon sens, devraient se trouver dans

22 une prison normalement constituée, et non pas dans un sous-sol, un salon où

23 il y avait de l'eau au sol, qui était plongé dans la pénombre. Il n'y avait

24 pas suffisamment de toilettes. Il n'y avait pas suffisamment de places pour

25 dormir. Il n'y avait pas de lits du tout.

Page 7138

1 Q. A votre avis, il me semble que vous l'avez déclaré dans votre

2 déposition, pensiez-vous qu'à l'époque, les Musulmans étaient plus forts, à

3 ce moment-là ?

4 R. Oui, c'est ce que je pensais.

5 Q. Un moment donné, le HVO s'est-il rendu ?

6 R. Oui, ils se sont rendus. Ils ont quitté Bugojno. Dans Bugojno même, il

7 y a eu une minorité de civils, d'habitants qui sont restés après cela.

8 C'était fin juillet; c'était à la fin du mois de juillet que la HVO s'est

9 retiré de Bugojno.

10 Q. Mis à part ce salon d'exposition de meubles, est-ce que vous avez rendu

11 en visite à d'autres prisonniers, ou à un autre endroit où il y avait une

12 prison à Bugojno ?

13 R. Oui. Je suis allé à l'école secondaire. J'ai aussi vu une autre école.

14 Je pense que c'était une école militaire.

15 Q. Commençons par l'école secondaire de Bugojno.

16 R. Oui.

17 Q. Pouvez-vous décrire ce que vous avez vu ?

18 R. L'école secondaire se trouvait à droite par rapport à l'hôpital.

19 C'était plutôt vers le vieux centre de la ville. Les prisonniers de guerre

20 se trouvaient là aussi dans le sous-sol, mais ils étaient aussi dans des

21 salles de classe de ce bâtiment d'école secondaire. L'école était un peu

22 plus appropriée comme lieu de détention pour les prisonniers de guerre que

23 cela n'était le cas du salon d'exposition de meubles. C'est à cet endroit-

24 là, par exemple, que j'ai rencontré pour la deuxième fois le commandant du

25 bataillon de cette brigade du HVO, ou du bataillon qui s'était rendu.

Page 7139

1 Q. Il y avait, à votre sens, à peu près combien de détenus qui se

2 trouvaient à l'école secondaire ?

3 R. C'était à peu près le même nombre, je pense. Nous n'avons pas vu tous

4 les prisonniers de guerre en même temps. Je ne l'ai pas mentionné, mais

5 quand je m'y suis rendu, c'était plus tard. J'ai vu aussi les prisonniers

6 de guerre qui étaient détenus au stade de foot.

7 Q. Oui. Nous allons procéder dans l'ordre.

8 R. D'accord.

9 Q. Nous sommes maintenant à l'école secondaire. Pouvez-vous nous dire si

10 vous avez reçu des rapports, ou si vous avez parlé à qui que ce soit, ou

11 avez-vous recueilli des informations quelles qu'elles soient au sujet des

12 conditions qui prévalaient à l'école secondaire ?

13 R. Nous avons reçu des informations de la part du prêtre, du père Janko au

14 sujet des conditions qui concernaient les prisonniers de guerre en général,

15 pas seulement ceux qui étaient détenus à l'école secondaire, mais aussi

16 pour ce qui est de ceux qui se trouvaient au salon d'exposition de meubles,

17 et plus tard au stade.

18 Q. Avez-vous reçu des informations au sujet des morts ou des passages à

19 tabac ?

20 R. Oui.

21 Q. Pouvez-vous le dire à la Chambre ?

22 R. Pour ce qui est du salon de meubles, à un certain moment, il y a eu des

23 passages de tabac à l'encontre des prisonniers de guerre. C'est

24 l'information que nous avons reçue de la part du père Janko. Je pense que

25 c'était de sa bouche que nous avons appris cela. A cause de ces passages à

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1 tabac, un prisonnier est décédé. Je ne me rappelle pas son nom. Là, je

2 n'arrive pas à me rappeler cela, mais ces noms figurent dans les notes. Il

3 est mort après le passage à tabac.

4 A un certain moment, il y a eu une réunion où l'ABiH a déclaré que

5 cette même personne était décédée parce qu'il s'était enfui de la prison.

6 Là, nous avons reçu le même nom.

7 Nous avons aussi vu des prisonniers de guerre battus à l'hôpital après

8 avoir reçu l'information qu'ils avaient été battus.

9 Pendant cette même période, la responsabilité pour les prisonniers de

10 guerre était passée de Senad Dautovic au commandant de la police militaire.

11 C'était un officier chargé de la sécurité. Je pense qu'il s'appelait Senad

12 Handzic. Oui.

13 Q. Colonel, est-ce que vous vous êtes rendu vous-même à l'hôpital ?

14 R. Oui. Je me suis adressé aux prisonniers de guerre qui s'y trouvaient.

15 Il y en avait neuf. Ils ont reçu des soins à cet endroit pour leurs

16 blessures.

17 Q. Pouvez-vous décrire à la Chambre dans quel état ils étaient ?

18 R. Ils avaient été bien battus. Ils avaient toutes sortes de bleus,

19 d'ecchymoses sur leur corps. Ils ont également déclaré qu'on leur avait

20 réservé un mauvais traitement et que l'un d'entre eux était décédé suite à

21 des passages à tabac. J'en ai vu trois ou quatre à l'hôpital.

22 Q. Avez-vous appris quoi que ce soit au sujet des prisonniers de guerre et

23 des civils détenus, de la bouche du père Janko, lorsque vous vous êtes

24 intéressé à cela ?

25 R. Oui. Il a reçu plusieurs rapports. En fait, c'était vers lui que

Page 7141

1 convergeait la minorité croate. Tout ce qui se passait pour la minorité

2 croate se passait près de l'église. Il y avait-là aussi un juriste et ils

3 ont fait toute une série de déclarations qu'ils nous ont remises. Nous y

4 avons trouvé des noms aussi. Nous avons recueilli, rassemblé tout cela. La

5 plupart de ces informations que nous avons reçues, nous les avons reçues du

6 père Janko. Il s'est le plus souvent rendu avec nous à différents endroits,

7 à des réunions. De par le passé, il bénéficie d'une certaine influence

8 auprès des Musulmans, la communauté musulmane.

9 Q. Pouvez-vous confirmer à la Chambre de première instance si les membres

10 de l'ABiH vous ont confirmé qu'il y avait des centres de détention qu'ils

11 tenaient à Bugojno et combien il y en avait ?

12 R. Oui, ils ont dit qu'il y en avait quatre à un moment donné. Il y avait

13 l'école élémentaire, l'école secondaire, le salon d'exposition de meubles,

14 et après cela, le stade de foot.

15 Q. Nous avons vu quelle était la situation au salon de meubles et à

16 l'école secondaire. Pourriez-vous à présent nous dire ce que vous avez pu

17 remarquer à l'école primaire et quels étaient les griefs que vous avez

18 reçus, s'il vous plaît.

19 R. Pour ce qui est de l'école élémentaire, je ne m'en souviens pas. Je ne

20 me souviens pas de beaucoup de choses. J'y suis allé, je l'ai vu dans mes

21 notes mais je n'ai plus, présent à l'esprit, quelles étaient les conditions

22 qui y prévalaient. Vous m'avez posé la question déjà mais je ne me souviens

23 pas.

24 Q. Vous n'arrivez pas à vous en souvenir ?

25 R. C'est perdu, parti.

Page 7142

1 Q. Lors de vos réunions quotidiennes, est-ce que vous avez transmis vos

2 préoccupations ainsi que ces rapports que vous aviez reçus ? Est-ce que

3 vous avez transmis cela aux représentants de l'armée ?

4 R. Oui.

5 Q. Comment ont-ils reçu cela ?

6 R. Ils disaient que des améliorations allaient se produire dans un avenir

7 proche et qu'ils allaient diligenter des enquêtes, et cetera. Mais c'était

8 tout.

9 Q. Est-ce que vous avez pu vous apercevoir qu'il y avait effectivement des

10 améliorations au bout d'un moment ?

11 R. Non, non. Pour ce qui est de ces cellules où étaient détenus des

12 prisonniers de guerre, nous n'avons pas vraiment rendu visite à ces

13 cellules très souvent. Nous avons demandé de nous y rendre plus souvent,

14 mais cela ne nous a pas été rendu possible. A un moment donné, on a

15 rassemblé au stade de foot les prisonniers de guerre où ils ont été envoyés

16 à Zenica, je pense.

17 Q. Vous dites que vous avez essayé d'y accéder mais que vous n'avez pas

18 pu. Qui a empêché cela ?

19 R. Pour la plupart du temps, je pense que c'était Senad Dautovic et

20 Abdulah Jelic.

21 Q. De quelle armée ?

22 R. De l'ABiH.

23 Q. Colonel, à l'intention de la Chambre de première instance, pourriez-

24 vous énumérer les infractions, à commencer par les plus graves, les

25 infractions au sujet desquelles vous avez reçu des griefs, que ce soit de

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1 la part du père Janko ou de la part des civils. Pourriez-vous nous aider,

2 s'il vous plaît, en nous énumérant les types d'infractions ?

3 R. Il y avait des passages à tabac, des meurtres, des viols à l'encontre

4 de la population civile. Il y avait des femmes qui ont été violées.

5 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était l'appartenance ethnique des

6 victimes, s'il vous plaît ?

7 R. C'étaient des Croates.

8 Q. Dans l'exercice de vos fonctions, est-ce que vous étiez censé vous

9 occuper de l'échange des prisonniers de guerre ?

10 R. Hm-hm.

11 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire à la Chambre de première instance

12 comment cela s'est passé ?

13 R. Nous n'avons pas réussit à échanger des prisonniers de guerre. Nous

14 avons essayé d'organiser l'échange des prisonniers de guerre. Nous avons eu

15 beaucoup d'entretiens et de réunions à ce sujet, mais nous n'y sommes pas

16 parvenus.

17 Q. Qui étaient les parties qui négociaient cela ?

18 R. C'était l'ABiH, la police civile, Senad Dautovic encore une fois; et du

19 côté croate, le père Jankok, le juriste et les personnes dans l'entourage

20 du père Janko et aussi, plus tard, le maire de Bugojno, Mlaco, je pense.

21 Oui, Mlaco.

22 Q. Colonel, diriez-vous, que pour ce qui est des membres de l'ABiH qui

23 exerçaient le contrôle, pourriez-vous nous dire quelle est votre opinion

24 là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'ils étaient pleinement informés ou

25 pleinement au courant de la situation qui prévalait sur le terrain à ce

Page 7144

1 moment-là ?

2 R. Oui, j'en suis sûr.

3 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous aider en nous disant si, à votre

4 avis, quelque chose a été fait, eu égard à des griefs qui leur avaient été

5 adressés, pour ce qui est du traitement qui était réservé aux prisonniers

6 de guerre, aux civils, et cetera.

7 R. Cela, je ne peux pas en être sûr. Ils savaient parfaitement bien ce qui

8 était en train de se produire. Aussi, il y avait la passation de

9 responsabilité à un certain moment. Pour moi, cela m'a montré qu'ils

10 étaient en train de réfléchir à ce qu'il fallait faire. Mais ils ne nous

11 donnaient pas les faits. Ils nous disaient, simplement : "On essaie

12 d'améliorer la situation pour les civils pour qu'il n'y ait pas de pillages

13 ou de viols, pour ce qui est des prisonniers de guerre, qu'ils ne soient

14 pas passés à tabac," et des choses comme cela. Ils ont toujours fait des

15 déclarations allant dans le sens qu'il leur fallait bien continuer à vivre

16 ensemble après la guerre. Peut-être, parfois, ont-ils vraiment essayé

17 d'entreprendre ce qu'ils nous disaient, mais, personnellement, je n'ai vu

18 aucune amélioration, à ce moment-là, bien entendu.

19 Q. Aurais-je raison d'affirmer que l'ABiH n'a pas pris au sérieux ces

20 rapports ?

21 R. Je pense qu'ils les ont pris au sérieux, mais ils n'ont pas fait ce que

22 nous voulions qu'ils fassent eu égard à ces rapports, vous savez.

23 Q. Rien n'a été mis en œuvre ?

24 R. Rien n'a été mis en œuvre.

25 Q. Merci.

Page 7145

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Residovic.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'ai une objection au sujet de la question

3 précédente. Ces dernières questions, c'étaient des questions très

4 suggestives, ce qui n'est pas autorisé pendant l'interrogatoire principal.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, voulez-vous répondre à la position

6 de la Défense qui, de son point de vue, estime que vous avez posé des

7 questions suggestives ?

8 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout mes

9 respects, je ne suis pas d'accord avec mon éminente collègue. Pendant sa

10 déposition, auparavant, le colonel a, effectivement, déclaré que ses griefs

11 avaient été reçus, et que rien n'a été entrepris à leur sujet. Je voulais

12 simplement vérifier cela pour la Chambre. C'est la raison pour laquelle

13 j'ai reposé la question. Il a dit que les rapports avaient été rédigés et

14 qu'il n'a vu aucune action par la suite.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est une constatation. Vous lui dites, il y a eu

16 des rapports, et pouvez-vous indiquer à la Chambre s'il y a eu des suites.

17 Le témoin a dit, non, il n'y en a pas eues. C'était le sens de vos

18 questions ?

19 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Oui, en effet.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mon éminente

22 collègue, avec tous mes respects, encore une fois, vient de mal citer les

23 propos du témoin. Il n'a pas dit qu'ils n'ont rien entrepris. Il a dit que,

24 personnellement, il n'a vu aucune preuve à cet effet. Ainsi, je soulève

25 encore une fois mon objection, et cette fois-ci, au sujet de la manière

Page 7146

1 dont mon éminente collègue cite les propos du témoin.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre a pris bonne note de vos objections.

3 Madame Benjamin, votre interrogatoire se poursuit ou il était terminé ?

4 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Il ne me reste que quelques questions

5 à poser, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.

7 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation]

8 Q. Colonel, vous avez dit à la Chambre de première instance que c'est tous

9 les jours que vous aviez des réunions au sujet de la situation qui

10 prévalait à Bugojno. Vous avez dit que vous avez rédigé des rapports. Ai-je

11 raison de dire cela ?

12 R. Oui.

13 Q. A l'intention de la Chambre de première instance, pourriez-vous nous

14 dire, au fond, quelle était la substance de ces rapports ? Comment se

15 présentaient ces rapports ?

16 R. Dans ces rapports, on décrivait les conditions. Par exemple, pour ce

17 qui est des prisonniers de guerre, les corps que nous avons vus, ainsi que

18 les accusations, je ne sais pas si c'est le bon terme. Nous disions qui

19 nous avons rencontré, à quel moment et ce que nous avons tenté d'atteindre.

20 Parfois, nous disions cela dans nos rapports quotidiens, et parfois on

21 rédigeait davantage de choses dans un rapport spécial, dans des

22 circonstances spécifiques. Par exemple, nous disions, nous nous sommes

23 rencontrés tel ou tel jour. Nous disions aussi, donnions les noms des

24 personnes que nous avions rencontrées ou des prisonniers de guerre que nous

25 avions vus.

Page 7147

1 La plupart du temps, par exemple, pour ce qui est des prisonniers de

2 guerre, on les laissait écrire eux-mêmes leur nom, parce qu'il nous était

3 difficile, à nous, de comprendre bien les noms, vu la différence de langue.

4 Q. Aurais-je raison de dire, par conséquent, qu'au fond, dans vos

5 rapports, il était question des questions humanitaires et des aspects

6 militaires ?

7 R. Oui.

8 Q. D'accord.

9 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, avec

10 l'autorisation de la Chambre, je souhaite présenter un document au témoin.

11 Il s'agit de la pièce de l'Accusation, de la pièce P273.

12 Q. Colonel, à l'attention de la Chambre, peut-on dire que ceci est un

13 exemple type d'un rapport quotidien ?

14 R. Oui.

15 Q. Pouvez-vous vous reporter au paragraphe 4. Il est question des

16 activités humanitaires. Ici, vous précisez quel est l'ensemble des éléments

17 d'information que vous avez reçus en cette journée, en particulier. Est-ce

18 que c'est cela que l'on peut voir dans tous vos rapports quotidiens ?

19 R. Oui.

20 Q. Merci.

21 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] On peut reprendre le document.

22 Q. C'est le 18 juillet 1993 que vous avez commencé votre mission. A quel

23 moment s'est-elle terminée ?

24 R. Je pense le 12 ou le 15 septembre. Je pense le 12.

25 Q. Ai-je raison de dire qu'une journée typique dans la vie d'un colonel,

Page 7148

1 pendant cette période-là, était, pour l'essentiel, de rédiger des rapports,

2 de se rendre à différents sites, procéder à des échanges ? C'est cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Très bien. Mon Colonel, d'après vous, les objectifs de la MCCE ont-ils

5 été réalisés au cours de votre mandat. Si oui, avec quel degré de succès ?

6 R. Je crois que nous étions intéressants pour les parties, les Croates et

7 les Musulmans. Nous ne remettions pas simplement des informations aux

8 grands délégués, aux personnes dans les capitales ou représentants de la

9 Communauté européenne, mais nous remettions nos informations aux deux

10 côtés, dans ce cas, les Croates et les Musulmans. Je crois que c'était ce

11 type d'assurance qui était important pour certaines personnes, pas pour

12 toutes les personnes. Je ne peux pas parler de succès. Nous avons

13 simplement fait notre devoir. Je ne peux pas trouver les termes exacts. Je

14 ne peux pas utiliser le terme de succès. Nous avons simplement fait ce que

15 nous devions faire. Nous avons essayé de bien faire.

16 Q. Quand j'utilisais le terme "succès", ce que j'entends, vous avez pu

17 informer les toutes les parties, de tout ce qui se passait sur le terrain.

18 Autrement dit, toutes les parties avaient entière connaissance de cela.

19 R. Oui. Nous n'avons pas réalisé ceci nous-mêmes. Ils nous ont demandé, si

20 vous voulez, de le faire. Nous travaillions de cette façon. C'était, en

21 quelque sorte, une assurance-vie.

22 Q. Pour finir, d'après vous, au cours de cette période, pendant que

23 vous étiez sur place, entre le 18 juillet et le 12 septembre, à votre avis,

24 qui était le principal agresseur ?

25 R. A Bugojno, en particulier, c'était l'ABiH. Evidemment, il y avait plus

Page 7149

1 d'attaquants hormis l'ABiH en Bosnie.

2 Q. A Bugojno, en particulier ?

3 R. L'ABiH.

4 Q. Merci, mon Colonel.

5 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai terminé

6 mon interrogatoire principal.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame Benjamin.

8 Je vais donner la parole aux défenseurs pour le contre-

9 interrogatoire.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :

12 Q. [interprétation] Bonjour à vous. Je m'appelle Mme Residovic. Je

13 représente le général Hadzihasanovic, en même temps que mon collègue M.

14 Demirdjian et Me Bourgon. Monsieur le Président, en sus des questions, qui

15 émanent des questions posées par mon éminente consoeur, Mme Benjamin, je

16 souhaite poser au témoin un certain nombre de questions d'ordre général.

17 Le témoin était présent dans la zone de responsabilité du

18 3e Corps à l'époque qui nous concerne. Lieutenant-colonel, vous dites avoir

19 déjà témoigner devant ce Tribunal dans le cadre d'autres affaires. Est-ce

20 exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Si je puis vous rappeler qu'il s'agissait dans l'affaire Kordic et

23 Cerkez, on vous a cité à la barre comme témoin de la Défense. Est-ce

24 exact ?

25 R. Oui.

Page 7150

1 Q. Après, vous avez remis une déclaration au bureau du Procureur à deux

2 reprises. La première fois, le 20 mars et le

3 9 avril. A ces deux reprises, vous avez évoqué la question de l'ABiH. Le 25

4 avril et le 5 mai, vous avez parlé du HVO plus en détail. Est-ce exact ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Lorsque vous avez fait ces déclarations, vous saviez déjà que les

7 généraux de l'ABiH avaient été mis sous l'accusation par le Tribunal

8 international; est-ce exact ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Comme vous avez déjà dit à notre consoeur, en juillet 1993, vous êtes

11 arrivé en Bosnie-Herzégovine. Vous avez rejoint la Mission des observateurs

12 européens, quelques moniteurs européens; est-ce exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous êtes d'abord arrivé à Zenica au centre régional, où il y avait

15 Jean-Pierre Thébault, celui qui dirigeait ce centre. Il a décidé de vous

16 envoyer auprès de l'équipe de Gornji Vakuf; est-ce exact ?

17 R. C'est exact.

18 Q. La raison pour laquelle on vous a envoyé à Gornji Vakuf, était la

19 détérioration entre l'ABiH et le conseil de Défense croate à Bugojno; est-

20 ce exact ?

21 R. C'est exact.

22 Q. D'après votre témoignage, vous êtes arrivé à Gornji Vakuf le 18 juillet

23 1993. Vous avez rejoint l'équipe V2 de l'équipe d'observateurs; est-ce

24 exact ?

25 R. Oui, c'est exact.

Page 7151

1 Q. Conformément aux règles des observateurs européens, vous deviez chaque

2 jour rédiger un rapport sur ce que vous aviez vu de vos propres yeux. Vous

3 organisiez des rencontres et des éléments d'informations que vous aviez

4 recueillis. Vous envoyiez ces rapports aux centres régionaux; est-ce

5 exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous étiez libre de rédiger ces rapports, vous n'étiez sous aucune

8 pression. On ne vous demandait pas de consigner ce que vous n'avez pas

9 entendu ni vu de vos propres yeux, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact.

11 Q. En plus de ces rapports quotidiens, et sur la base de ces rapports, le

12 centre régional rédigeait son propre rapport, un résumé de la situation,

13 est-ce exact ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Quelquefois, des questions très importantes étaient consignées dans ces

16 rapports et rédigées par le chef de la mission. Etiez-vous au courant de

17 cela ?

18 R. Cela me semble parfaitement logique, mais je n'ai jamais vu ces

19 rapports en question.

20 Q. Merci.

21 Vous êtes arrivé à Gornji Vakuf la veille d'un conflit très important entre

22 l'ABiH et le HVO à Bugojno; est-ce exact ?

23 R. C'est exact.

24 Q. A cause de cela, la situation dans la région vous était peu connue.

25 Néanmoins, par la suite, vous avez été informé par vos collègues des

Page 7152

1 événements qui avaient précédé ce conflit; est-ce exact ?

2 R. C'est exact.

3 Q. D'après vos propres termes, dans votre domaine de responsabilité, vous

4 avez rencontré des personnes qui appartenaient à la fois aux autorités

5 militaires et civiles ainsi que quelques représentants officiels qui

6 étaient importants pour le travail de leur communauté, comme des

7 personnalités politiques ou religieuses; est-ce exact ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Dans l'exercice de vos fonctions, vous n'avez jamais rencontré le

10 général Hadzihasanovic. Vous ne savez quelle position il occupait à

11 l'époque.

12 R. C'est exact.

13 Q. Au cours de votre mission, vous n'avez rencontré aucun autre membre de

14 l'état-major du 3e Corps qui était à Zenica; est-ce exact ?

15 R. C'est exact.

16 Q. Vous n'avez jamais envoyé des éléments par écrit sur ce que vous avez

17 vu au sein du commandement du 3e Corps; est-ce exact ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Au tout début, vous avez appris que Bugojno se trouvait dans la zone de

20 responsabilité du 3e Corps, que le groupe opérationnel, les unités de

21 l'ouest opéraient sur ce territoire; est-ce exact ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Lorsque vous avez parlé des choses que vous avez apprises au cours de

24 votre mission et des événements qui ont précédés cela, est-il exact de dire

25 qu'à l'époque, vous avez appris que la région de Prozor, Gornji Vakuf,

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1 était la région de combat incessant depuis le début du conflit qui avait

2 éclaté entre l'armée et le HVO, autrement dit, le mois d'octobre 1992. Ceci

3 s'est poursuivi jusqu'au mois de janvier, février 1993 pendant toute la

4 durée de votre mission. Est-ce quelque chose que vous avez appris lorsque

5 vous vous êtes trouvé sur les lieux ?

6 R. Je cherche les dates. Oui, c'est exact.

7 Q. Vous avez également appris qu'une conséquence directe de l'attaque du

8 HVO sur Prozor et Gornji Vakuf, qu'un bon nombre de Musulmans du village

9 voisin soient chassés de la région, soient détenus voire même tués.

10 Saviez-vous cela, étiez-vous informé de ce fait également ?

11 R. Oui.

12 Q. Pendant toute la durée de votre mission, il y avait des combats à

13 Gornji Vakuf, et la ligne de front traversait cette ville de part en part;

14 est-ce exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez également été informé du fait que l'ABiH et le HVO, avant

17 votre arrivée, avaient coopéré à Bugojno, s'étaient contenus derrière la

18 ligne de défense et avaient combattu ensemble les forces serbes. Avez-vous

19 appris cela ?

20 R. Oui.

21 Q. Avez-vous appris au cours de l'année 1993 que des milliers de réfugiés

22 sont arrivés dans la région lorsqu'ils ont été chassés par les Serbes de la

23 région de la Krajina et de Gornji Vakuf ? Saviez-vous cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous saviez également que la ville de Bugojno était pilonnée à

Page 7154

1 intervalles réguliers depuis les positions de la Républika Srpska ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous entendiez également de vos collègues que vers la mi-juillet, le

4 HVO a retiré ses unités de la ligne de défense face aux Serbes, ce qui a

5 engendré de gros problèmes, car une partie du territoire a dû se rendre à

6 la Republika Srpska. Pour ce qui est du reste des positions, l'ABiH a dû

7 consacrer beaucoup d'efforts au maintien de cette ligne de défense.

8 R. Je crois que pour ce qui me concerne, il s'agissait ici de quelque

9 chose de théorique. Je connais cette affirmation, mais ce n'est pas avec

10 une certitude à 100 % que je peux affirmer que telle était la situation.

11 Q. Lorsque vous êtes arrivé, votre mission avait déjà beaucoup d'éléments

12 à l'appui de la coopération entre le HVO et l'armée de la Republika Srpska

13 contre l'ABiH. Savez-vous cela ?

14 R. Ils ont même aidé les réfugiés. Il y avait toujours une coopération.

15 Ils ont aidé les réfugiés et les Serbes, oui.

16 Q. D'après ce que vous avez pu voir et d'après ce que vous avez pu

17 apprendre, savez-vous que le HVO était bien mieux armé, parce qu'ils

18 avaient des armes lourdes, alors que l'ABiH avait davantage d'hommes; est-

19 ce exact ?

20 R. Oui. C'était certainement mon point de vue.

21 Q. De plus, le HVO avait toute une série d'armes de Bosnie-Herzégovine et

22 de Croatie, alors que l'ABiH avait dû subir l'embargo sur l'importation de

23 toute forme d'armes dans la région. Est-ce exact ?

24 R. Il s'agit là d'une affirmation que je ne puis pas confirmer

25 personnellement. Cela faisait partie des points de vue de l'époque, de la

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1 tendance générale.

2 Q. La Brigade du HVO qui s'est battue dans la région n'appartenait pas à

3 Gornji Vakuf, n'appartenait pas à l'opération de la zone centrale. Leur

4 commandant était le général Siljeg. La partie nord-ouest de Bosnie-

5 Herzégovine, le commandant était le colonel Siljeg; est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Votre mission savait que dans cette région un bon nombre de troupes

8 étaient venues de Bosnie-Herzégovine, un bon nombre de ces troupes

9 appartenaient à l'armée croate. Saviez-vous cela ? Pouviez-vous constater

10 cela de visu en tant que membre de la Mission européenne ?

11 R. Nous tentions toujours de rassembler les éléments d'information. Si des

12 troupes arrivaient de Croatie, nous ne pouvions pas le confirmer. Cela me

13 semblait logique à l'époque, mais nous ne pouvions pas le constater d'après

14 les uniformes.

15 Q. Est-il exact de dire que le HVO a mené des opérations de grande

16 envergure pour pouvoir occuper Gornji Vakuf.? Car Gornji Vakuf se situait

17 sur l'un des axes routiers importants, ce qui permettait de couper la

18 Bosnie centrale du pays. Par conséquent, rien ne pouvait être acheminé; ni

19 des vivres, ni quoi que ce soit d'autres qui pouvait être acheminé dans ce

20 territoire. On ne pouvait, par conséquent, pas assurer leur survie ?

21 R. Oui. Les deux parties avaient partagé les mêmes intérêts, parce qu'il y

22 avait des poches en Bosnie centrale. Il y avait des Croates. La voie

23 d'approvisionnement pouvait être coupée du nord au sud. C'est certainement

24 la raison pour laquelle Gornji Vakuf était un axe très important,

25 puisqu'elle se situait à l'intersection des routes. C'étaient des voies

Page 7156

1 d'accès d'acheminement importantes, puisqu'on pouvait par là acheminer des

2 différents éléments vers le nord.

3 Q. En raison de l'importance de ces axes routiers, les observateurs

4 européens ont beaucoup souligné l'importance de ce fait. C'est la raison

5 pour laquelle je vous demande de bien vouloir regarder un rapport spécial

6 qui a été rédigé par l'ambassadeur Thébault a rédigé à ce propos. La

7 question que je vous pose est la suivante. S'agit-il là du type de rapport

8 que les observateurs européens rédigeaient, de façon régulière, pour

9 couvrir les points importants dans la région ?

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut remettre, je vous prie,

11 un exemplaire de ce rapport au témoin, s'il vous plaît, puisque nous avons

12 suffisamment d'exemplaires ?

13 Q. Lieutenant-colonel, pensez-vous qu'il s'agit là d'une question très

14 importante. Vous-même, vous avez été le témoin de ces efforts déployés dans

15 ce sens ?

16 R. Oui. Bien évidemment, il s'agit de la question essentielle.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit là d'un

18 document officiel qui a été rédigé par le chef de la Mission d'observation

19 de la Communauté européenne. Etant donné que le témoin sait que ce rapport

20 couvre une question très importante, nous aimerions verser ce rapport au

21 dossier, comme pièce de la Défense.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est la position de l'Accusation ?

23 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Nous n'avons aucune objection,

24 Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, donnez-nous un numéro final.

Page 7157

1 M. LE GREFFIER : Pièce versée au dossier sous la référence DH169, Monsieur

2 le Président.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

5 Q. Monsieur, d'après les rapports, vous avez pu constater qu'à la fois les

6 autorités civiles de Bugojno et de l'ABiH ont tenté de trouver une solution

7 à tous les problèmes, et de façon pacifique. Le saviez-vous ? Vos collègues

8 vous en ont-ils informé ou non ? Ou avez-vous pu constater cela d'après les

9 rapports ?

10 R. Avant d'arriver, j'ai appris de mes collègues qu'il y avait eu un

11 certain nombre de réunions. Au cours de ces réunions, ils ont tenté de

12 trouver une solution pacifique pour qu'ils puissent retourner à la

13 situation dans la communauté qui se trouvait avant. Il y avait également eu

14 certains incidents qui rendaient le progrès dans ce sens plus difficile. Je

15 ne connaissais pas ces incidents puisque je n'étais pas sur les lieux.

16 Q. Vous avez également pu apprendre qu'à la mi-juillet il y avait des

17 tensions importantes dans la ville. Ces tensions se sont intensifiées entre

18 le conseil de défense croate et l'ABiH.

19 R. Oui.

20 Q. De l'information qui vous a été transmise directement, au début du

21 conflit, évoquait la question des points de contrôle à l'intersection des

22 routes qui venaient aux villages croates. Le point de contrôle avait été

23 mis en place par le HVO. C'est là que les combats ont commencé. Un point de

24 contrôle a été mis en place par l'ABiH, et le conflit s'est développé à

25 partir de là. Deux Croates, membres du HVO, ont été tués à cet endroit-là.

Page 7158

1 Connaissez-vous ces faits ?

2 R. Oui, j'en avais entendu parler.

3 Q. Ce même jour, le 17 juillet, le MUP de Bugojno et la police du HVO ont

4 constitué une patrouille mixte, composée de quatre Musulmans et de quatre

5 Croates. Ils avaient pour tâche de se rendre sur les lieux du crime et de

6 déterminer l'origine de ces incidents. Le HVO a attaqué la patrouille, tué

7 trois Bosniens, et un a réussi à s'enfuir. Est-ce, effectivement, ce type

8 de renseignement que vous avez reçu à propos du poste de contrôle non loin

9 de Vrbanja ?

10 R. Non, pas dans les détails que vous venez d'évoquer.

11 Q. Quoi qu'il en soit, vous avez certainement dû apprendre qu'après cela,

12 le HVO a attaqué le village de Vrbanja et que ce conflit enfin, cette

13 confrontation au poste de contrôle s'est ensuite répandue à la ville de

14 Bugojno. Saviez-vous cela ?

15 R. Il y avait plusieurs théories là-dessus, sur l'origine du conflit et le

16 démarrage du conflit. Je ne peux pas confirmer qu'il s'agissait là

17 véritablement de la raison de l'éclatement du conflit, car,

18 personnellement, je n'ai pas reçu tous ces éléments d'information. Encore

19 au jour d'aujourd'hui, je ne les ai pas.

20 Q. C'est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas confirmer que l'ABiH a

21 attaqué Bugojno, n'est-ce pas ?

22 R. Je dirais que le début du combat, les raisons pour lesquelles ces

23 combats ont éclaté, je ne peux pas confirmer. Mais que l'ABiH a attaqué

24 Bugojno et a chassé les Croates, cela, je peux le confirmer.

25 Q. Vous pouvez confirmer, néanmoins, qu'au moment où le conflit a dérapé,

Page 7159

1 le commandant de l'opération de la zone ouest ne se trouvait pas en ville.

2 Il était à Zenica ?

3 R. Les commandants ont leur propre système de transmission. Ils ne sont

4 pas toujours sur la ligne de front. C'est exact. Il pouvait parfaitement

5 être à Zenica.

6 Q. En tant qu'officier, vous savez qu'il était normal, lorsqu'une ville ou

7 lorsqu'une ville principale est attaquée, dans sa zone de responsabilité,

8 dans l'Opération ouest, qu'il serait tout à fait normal qu'un commandant

9 soit dans sa zone de responsabilité plutôt qu'à quelques centaines de

10 kilomètres de cette même zone. En votre qualité d'officier de l'armée, ne

11 diriez-vous pas que ce serait plus normal, dans ce sens-là ?

12 R. Cela dépend beaucoup depuis son niveau de commandement. Je ne peux pas

13 dire à quel niveau de commandement se situait le commandant en question. Je

14 ne sais pas. Je ne me suis entretenu qu'avec des personnes qui étaient là à

15 ce moment-là et des personnes sur le terrain. La personne la plus haute

16 placée était du côté musulman. C'est Selmo Cikotic, à ce moment-là.

17 Q. C'est ce Selmo Cikotic qui ne se trouve pas en ville au début des

18 combats en ville. Il est venu quelques deux ou trois jours plus tard.

19 R. Oui. Pour moi, les choses se sont passées ainsi. Oui.

20 Q. Ceci confirmerait que si Selmo Cikotic ne se trouvait pas dans la

21 région, il n'aurait pas pu planifier, n'aurait pas pu démarrer les combats,

22 puisque ces combats se sont propagés de façon spontanée, suite à l'incident

23 qui s'est produit quelques deux ou trois jours avant, au poste de contrôle,

24 que je viens d'évoquer.

25 R. Oui, je suis d'accord avec cela.

Page 7160

1 [Le conseil de la Défense se concerte]

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

3 Q. Vous avez indiqué, dans le cadre de votre déclaration, que le 19

4 juillet, vous avez essayé de pénétrer dans la ville, mais que vous n'avez

5 pas pu le faire du fait du pilonnage intense dont la ville était victime.

6 Est-ce que c'est bien exact ?

7 R. Le 19 juillet, c'était un lundi et le lundi nous étions à Bugojno. Dans

8 l'après-midi, nous étions à Bugojno parce que le matin, nous n'y sommes pas

9 parvenus parce que le véhicule blindé du BritBat était tombé en panne.

10 Q. Toutefois, les combats en ville étaient si intenses que la ville

11 n'était pas véritablement un lieu de négociations, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, ce jour-là, nous nous sommes rendus au quartier général de l'ABiH

13 et nous leur avons posé des questions à propos de la situation. Nous nous

14 sommes également rendus au QG du HVO mais nous n'avons pas négocié. Nous

15 n'avons pas négocié un accord de paix, par exemple. Nous n'avons rien

16 négocié de la sorte.

17 Q. La population croate de la ville et bon nombre de cette population

18 ainsi que l'unité du HVO s'est retiré du territoire serbe ensemble parce

19 qu'ils n'ont pas souhaité accepter l'invitation des autorités de Bugojno,

20 qui les avaient conviés à revenir et à vivre ensemble. Etiez-vous au

21 courant de ce fait ? Est-ce que vous avez pu le voir cela ?

22 R. Oui. Je n'ai pas pu le voir, je n'ai pas pu voir les gens partir du

23 territoire serbe mais nous en avons entendu parler à plusieurs reprises, et

24 j'ai parlé à certaines personnes à propos de cet événement.

25 Q. Au début du conflit, vous aviez essentiellement des contacts avec les

Page 7161

1 autorités civiles à Bugojno, notamment, avec le chef de la police civile,

2 est-ce bien exact ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Votre tâche primordiale pendant tout ce conflit a été de vous occuper

5 des blessés qui se trouvaient à l'hôtel Kalin et il s'agissait des blessés

6 qui appartenaient à la fois à l'ABiH et au HVO; est-ce exact ?

7 R. C'est exact.

8 Q. La première chose que vous avez apprise du représentant de l'armée, le

9 23 juillet, a été qu'un massacre s'était passé dans un sous-sol. Trois

10 Musulmans ont été massacrés par le HVO. Avec un médecin du BritBat ainsi

11 qu'avec des représentants de l'ABiH, vous vous êtes rendu dans cette cave

12 ou dans ce sous-sol pour voir ce qui s'était passé.

13 R. C'est exact.

14 Q. Vous avez trouvé trois personnes qui avaient fait l'objet de torture,

15 qui avaient été défigurées, et un médecin qui était une femme du BritBat a

16 rédigé un rapport à propos de ces conclusions; est-ce bien exact ?

17 R. C'est exact. Elle a, effectivement, rédigé un rapport.

18 Q. Lorsque, à votre retour, vous avez vu des détenus de la Brigade Eugen

19 Kvaternik du HVO, vous avez eu la possibilité de leur parler. Ils vous ont

20 dit qu'ils avaient été bien traités. Personne d'ailleurs ne vous a empêché

21 de prendre leurs noms; est-ce bien exact ?

22 R. Oui, c'est exact. Nous avons insisté pour pouvoir leur parler et

23 ensuite nous avons eu l'autorisation de leur parler.

24 Q. Vus avez été informé qu'entre 300 et 500 membres du HVO étaient

25 détenus. Le 27 juillet, vous avez demandé à être autorisé à avoir l'accès à

Page 7162

1 cette prison. Cette autorisation vous a été donnée le 28 juillet, date à

2 laquelle vous vous êtes rendu au Gimnazija et ainsi qu'au salon

3 d'exposition de meubles; est-ce bien exact ?

4 R. C'est exact.

5 Q. Vous vous y êtes rendu et ensuite vous avez rédigé un rapport sur ce

6 que vous y aviez vu et sur le nombre de personnes qui étaient détenues dans

7 ces deux endroits; est-ce bien exact ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Le 19 juillet, vous avez indiqué que les combats avaient éclaté à

10 Bugojno, et le 23 juillet vous avez déposé un rapport à propos des trois

11 personnes civiles mortes qui avaient été trouvées dans le sous-sol. Le 25

12 juillet, vous avez décrit vos activités humanitaires et les activités qui

13 avaient été effectuées pour prêter main forte aux membres du HVO qui

14 avaient été blessés; le 26, votre rapport mentionne le fait que le HVO a

15 utilisé à Livno une bombe contre des installations civiles musulmane. Est-

16 ce ainsi la façon dont vous formuliez ces rapports quotidiens ?

17 R. Oui. Les bombes de Livno, oui.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant demander au témoin

19 d'examiner certains des rapports quotidiens qui datent du mois de juillet.

20 Il a rédigé ces rapports et j'aimerais les lui montrer afin de lui poser

21 quelques questions, Monsieur le Président.Nous avons, en fait, une série de

22 neuf rapports. Cela forme une liasse et nous aimerions que ces documents

23 soient versés au dossier sous une seule et même référence.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse mais sur l'écran, je n'ai plus le

25 compte rendu d'audience. Merci.

Page 7163

1 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense a les neuf rapports, c'est cela ?

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui. Il s'agit des rapports du mois de

3 juillet, une fois que le témoin était arrivé à Bugojno.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est neuf ou onze ?

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous en avons neuf pour le mois de

6 juillet. Plus tard, la Défense montrera au témoin des rapports du mois

7 d'août. Nous souhaiterions présenter ces rapports, à condition, bien

8 entendu, que le témoin les reconnaisse. Nous aimerions les présenter comme

9 une seule même pièce à conviction.

10 Est-ce que les rapports pourraient être montrés au témoin ?

11 Q. Est-ce que ce sont des rapports que vous avez vous-même rédigés, seul

12 ou en collaboration avec vos collègues ?

13 R. Je l'ai fait avec mes collègues. Certains rapports ont été écrits par

14 moi et d'autres ont été rédigés par mes collègues. Cela dépendait de

15 l'endroit où nous nous trouvions, de notre état de fatigue, et cetera, et

16 cetera. Mais la plupart du temps, mon collègue Peter Hauenstein, un

17 Canadien, rédigeait beaucoup mieux en anglais que moi, il vérifiait

18 toujours mon rapport. Si j'avais utilisé une formule inexacte en anglais,

19 par exemple, il corrigeait.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais juste

21 dire que dans cette liasse de rapports, il y a probablement deux rapports

22 pour le 28 juillet, parce que nous avons reçu le même rapport qui

23 comportait des numéros différents. Nous avons copié, par conséquent, les

24 deux rapports en dépit du fait qu'ils sont identiques.

25 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez prendre votre rapport en

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1 date du 28 juillet. Pourriez-vous prendre le paragraphe 4. Il s'agit du 28,

2 6293. Je vous demanderais de prendre ces rapports, ils sont identiques. Je

3 viens d'expliquer à la Chambre de première instance pourquoi nous avons

4 deux rapports identiques. Je vous demanderais de prendre le paragraphe

5 numéro 4 de ce rapport.

6 Est-ce qu'il est bien indiqué que ce jour-là, vous vous êtes rendus auprès

7 des personnes détenues dans l'école secondaire ? Ces personnes étaient au

8 nombre de 152. Il y avait 94 personnes qui étaient détenues dans la salle

9 d'exposition des meubles. Vous déclarez également qu'ils semblent être

10 détenus dans de bonnes conditions. Vous indiquez qu'il y a certaines

11 carences, certains problèmes. Vous indiquez que le lendemain, vous vous

12 êtes rendu dans d'autres endroits où des personnes étaient détenues dans la

13 ville. Vous indiquez également que vous suggérez que la Croix rouge devrait

14 faire en sorte que les personnes détenues puissent recevoir des produits de

15 première nécessité. Est-ce que c'est bien ce qui est indiqué dans votre

16 rapport à propos de cette visite ?

17 R. Oui, c'est ce que nous avons consigné dans le rapport.

18 Q. Vous n'avez pas mentionné de mauvaises conditions dans le rapport. Vous

19 n'avez pas mentionné les conditions auxquelles vous avez fait référence

20 aujourd'hui, ici, à ce tribunal.

21 R. Les conditions de base, ces conditions étaient meilleures dans

22 l'établissement scolaire, meilleures que celles qui prévalaient dans la

23 salle d'exposition de meubles. Parce qu'autant que je me souvienne, dans

24 cette salle d'exposition de meubles, il n'y avait pas de lits.

25 Q. Au paragraphe suivant, vous indiquez que vous avez découvert que 40

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1 civils musulmans étaient détenus par le HVO. Vous expliquez que ces

2 personnes ont été passées à tabac, qu'il y avait des personnes âgées ainsi

3 que des enfants parmi ces personnes. Vous indiquez qu'il était absolument

4 manifeste que ces personnes avaient subi des sévices. Après cette première

5 visite, lorsque vous êtes revenus dans cet endroit, vous vous êtes rendus

6 compte que ces personnes avaient continué à faire l'objet de sévices. Est-

7 ce bien ce que vous indiquez dans votre rapport ?

8 R. Oui. Avec la jeune femme, en effet.

9 Q. Vous avez appris de ces personnes qu'avant votre visite, l'un des

10 détenus avait été tué. Est-ce que vous avez appris ce fait ?

11 R. Vous parlez des 40 civils musulmans ?

12 Q. Oui.

13 R. Je ne me souviens pas de ce fait. Nous avons parlé au trois femmes à un

14 moment donné; ces trois femmes d'ailleurs, qui étaient détenues, qui ne se

15 trouvaient pas avec les 40 personnes qui se trouvaient dans le sous-sol, du

16 sous-sol de l'hôtel qui fut incendié par la suite. Je ne souviens pas que

17 quelqu'un avait été tué là.

18 Q. Merci. J'aimerais maintenant revenir sur un autre sujet qui n'est pas

19 mentionné dans le rapport. J'aimerais quand même vous poser quelques

20 questions pour voir si vous pouvez vous en souvenir. Il y avait 40 civils

21 bosniens; des femmes, des enfants, des personnes âgées. Vous avez pu les

22 échanger contre 23 Croates blessés qui étaient traités dans l'hôpital de

23 Bugojno. Est-ce bien exact ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant consulter votre rapport du 29

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1 juillet ?

2 Au paragraphe 4, intitulé, "Activités humanitaires", vous déclarez que --

3 je m'excuse. Il s'agit d'un rapport où vous mentionnez à nouveau votre

4 visite dans l'établissement scolaire. Je m'excuse, parce que peut-être que

5 j'ai un document erroné. Est-ce qu'il s'agit du même document, s'il s'agit

6 des mêmes faits, des faits que vous mentionnez le 28 ? Est-ce bien exact ?

7 R. Effectivement, ce qui semble assez étrange, puisque c'est exactement la

8 même chose que pour le 28, ce qui me semble étrange. Je pense qu'il y a un

9 problème.

10 Q. Il s'agit de vos rapports. Nous les avons reçu de la MCCE. Peut-être

11 que vous avez présenté un rapport à propos de la même situation, alors

12 qu'il s'agissait d'un rapport différent. Est-ce que ce serait possible ?

13 R. Non, je ne pense pas. Je pense qu'ils ont été mélangés ces rapports,

14 d'une façon ou d'une autre.

15 Q. Pourriez-vous consulter le rapport qui porte la date du

16 29 juillet ?

17 R. Le 29 juillet ?

18 Q. Le 29 juillet, effectivement. J'ai deux rapports qui portent la date du

19 29. Il y en a un qui est le même que le rapport du 28 juillet et un autre

20 qui est un rapport différent.

21 R. Oui.

22 Q. Si vous prenez le numéro ERN, il s'agit du numéro 1712150206201. Là,

23 vous avez R0206201. Vous avez ce rapport ?

24 R. Oui.

25 Q. Au paragraphe 4, vous indiquez que vous vous êtes rendus dans l'école

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1 primaire de Bugojno, qu'il y avait 90 personnes qui étaient détenues,

2 notamment, des soldats. Il s'agissait de personnes dont l'âge était compris

3 vraisemblablement entre 40 et 60 ans. Vous avez dit qu'ils avaient été bien

4 traités. Est-ce exact ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous y avez vu des soldats du HVO également; ils étaient détenus là. Il

7 s'agissait soit de soldats du HVO ou de membres de la "Home Guard"; est-ce

8 bien exact ?

9 R. Attendez. Cela va un peu trop vite en besogne maintenant pour moi. Où

10 est-ce que cela se trouve ?

11 Q. Il s'agit du paragraphe 4, deuxième phrase, où il est écrit : "Il y

12 avait 90 prisonniers, qui comprenait des soldats du

13 1er Bataillon et de la défense."

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez indiqué qu'ils étaient traités correctement; est-ce bien

16 exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Pourriez-vous prendre maintenant le rapport en date du

19 31 juillet. Au paragraphe 4, vous déclarez que vous avez vu des prisonniers

20 qui creusaient des tombes. Vous indiquez également que dans la tombe, il y

21 avait trois cadavres, que les Musulmans vous ont dit qu'il s'agissait d'un

22 massacre qui avait été effectué par le HVO, qu'il y avait encore 20 autres

23 corps, que ces personnes étaient mortes depuis une semaine. C'est ce que

24 vous indiquez dans votre rapport ?

25 R. Oui, mais nous n'avons pas vu les 20 autres corps. C'est ce qui est

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1 indiqué dans le rapport. C'est exact.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, étant donné que le

3 témoin a reconnu tous les rapports que nous lui avons montrés, et qu'il a

4 dit qu'il avait lui-même rédigé ces rapports ou qu'il l'avait fait avec ses

5 collègues, qu'il a fait des observations à propos d'un certain nombre de

6 rapports, je souhaiterais que ces documents soient versés au dossier.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de recueillir l'avis de

8 Mme Benjamin, dans ces documents, tous les documents portent la

9 Règle 70. Il est mentionné ici d'ailleurs, que quand ce document a dû vous

10 être envoyé, il vous avait été indiqué que ce document ne devait pas être

11 produit à l'extérieur du OTP. Vous avez pu régler avec la Mission

12 européenne la question de l'Article 70 ? C'est 70, pas 62.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez suivi nos

14 échanges avec la Communauté européenne. Vous saurez certainement que ce

15 problème a, finalement, été réglé par le bureau du Procureur. Ils ont réglé

16 le problème, parce que le bureau du Procureur a eu l'autorisation de

17 communiquer ces documents à la Défense afin que ces documents soient

18 utilisés dans le prétoire. Le bureau du Procureur nous a, ensuite, fourni

19 les documents en question.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, vous confirmez que cela s'est bien

21 passé comme cela ?

22 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

23 Juges, mon estimé consoeur de la Défense de

24 M. Hadzihasanovic a tout à fait raison.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre tenait à rappeler cela afin que tout soit

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1 bien clair. Sur la demande de versement, de la part de l'Accusation y a-t-

2 il des objections ? Ces documents ont été reconnus par le témoin qui est

3 devant vous. Ils émanent bien de lui.

4 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] L'Accusation n'a aucune objection,

5 Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un seul numéro pour l'ensemble

7 de ces neuf rapports.

8 M. LE GREFFIER : Pièce versée au dossier sous la référence DH170, Monsieur

9 le Président.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

11 Vous pouvez continuer. Il reste sept minutes avant le break.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez montrer au témoin

13 les dix rapports quotidiens rédigés par le témoin en août car j'aimerais

14 poser au témoin quelques questions à ce sujet ? Je souhaiterais dire que,

15 dans cette liasse de dix documents, il y a deux documents pour lesquels

16 nous avons un certain nombre de copies. La raison en étant la même : c'est

17 l'Accusation qui nous a fourni ces documents. Il y a également un document

18 en date du

19 5 août 1993. Il s'agit du document P305. Nous avons également un document

20 en date du 10 août. Je pense qu'il s'agit du document P273. Nous allons

21 montrer ces documents au témoin maintenant pour qu'il puisse formuler ses

22 observations. Ensuite, nous souhaiterons verser cette liasse de documents

23 au dossier en tant qu'un seul et même dossier.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

Page 7170

1 Q. Lieutenant-colonel, pourriez-vous prendre le document qui porte la date

2 du 5 août ? Vous l'avez consulté il y a un petit moment de cela, lorsque

3 Mme Benjamin procédait à votre interrogatoire principal. A l'alinéa 3, du

4 paragraphe 1er, vous indiquez que vous aviez déjà vu des civils dans la rue,

5 à ce moment-là, que vous avez eu une réunion avec le président de la

6 présidence de guerre, avec les représentants du Haut-commissariat des

7 Nations Unies pour les réfugiés, avec le chef de la police civile et avec

8 les représentants des Croates à Bugojno. Vous avez parlé d'aide

9 humanitaire. Vous avez indiqué qu'on pourrait organiser les civils croates

10 au sein du comité. Vous avez également parlé de la question des prisonniers

11 de guerre; est-ce bien exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Les représentants des autorités civiles et de la police vous ont

14 informé à cette occasion, que parfois les prisonniers étaient passés à

15 tabac. Ils vous ont également informé que l'un des prisonniers avait été

16 tué, parce qu'il avait essayé de s'échapper. Ce qui est encore plus

17 important, ils vous ont informé qu'à partir de ce moment-là, l'armée allait

18 assumer la responsabilité des prisons et des prisonniers. Cela est indiqué

19 au paragraphe 4 de votre rapport; est-ce bien exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Lors de cette réunion, les autorités de Bugojno ont déclaré qu'elles

22 étaient prêtes ou disposées à ce que la population croate rejoigne les

23 organes du pouvoir et ont indiqué qu'elles étaient disposées à essayer de

24 régler les problèmes. Vous vous souvenez de cela ?

25 R. Oui.

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1 Q. Pourriez-vous maintenant prendre votre rapport en date du 9 août ?

2 Serait-il exact de dire que, ce jour-là, vous avez également eu des

3 discussions avec des représentants de différents organes de Bugojno et, à

4 cette occasion, il vous a été indiqué que 98 % des civils, qui avaient été

5 amenés, avaient été mis en liberté après un bref entretien et il vous a

6 également été dit que d'autres allaient être libérés rapidement ? Cela vous

7 a été indiqué à cette occasion. Il avait été dit que le stade de la ville

8 serait utilisé pour garder tous les prisonniers. Les prisonniers seraient

9 détenus seulement dans le stade et dans l'école primaire. Est-ce que cela

10 reprend bien la teneur des conversations que vous avez eues avec les

11 représentants des autorités civiles de Bugojno ce jour-là ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-il exact de dire qu'à cette occasion, il vous avait été indiqué

14 qu'il y avait des problèmes graves, des problèmes d'hygiène, par exemple,

15 des problèmes de manque de vivres, des problèmes pour ce qui est

16 d'assistance médicale et de fourniture médicale ? Ils ont demandé au Haut-

17 commissariat aux Réfugiés pour les Nations Unies d'essayer de faire en

18 sorte que soient réglés ces problèmes ? Est-ce bien exact ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Vous avez eu l'impression que les autorités voulaient faire ce qu'elles

21 pouvaient, et de leur mieux, pour essayer de régler les problèmes ou pour

22 essayer d'améliorer les conditions. Mais il y avait de nombreuses

23 difficultés auxquelles elles se confrontaient et la carence ou la pénurie

24 des produits de première nécessité était telle que cela était difficile ?

25 R. Je ne dirais pas que j'ai acquis l'impression que les autorités

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1 voulaient faire tout ce qu'elles pouvaient faire. Je n'en suis pas si sûr.

2 Je ne suis pas sûr que telles étaient leurs intentions. Je pense que

3 c'était plutôt une déclaration politique, c'est en tout cas mon impression.

4 Q. Quoi qu'il en soit, vous saviez qu'à l'époque il n'y avait pas d'eau à

5 Bugojno parce que le HVO avait arrêté l'alimentation en eau dans la ville

6 et dans les secteurs qu'ils ne maîtrisaient pas, qui n'étaient pas passés

7 sous leur contrôle. Ils ont coupé l'approvisionnement en eau de la

8 population et des prisonniers. Vous le saviez cela ?

9 R. Nous en avions entendu parler.

10 Q. Toutefois, la FORPRONU avec le HVO et les autorités croates, pour ce

11 qui est du territoire placé sous leur contrôle, ont essayé de régler le

12 problème, mais les autorités croates du HVO ont refusé de coopérer; est-ce

13 bien exact ?

14 R. Je n'en suis pas sûr. Je pense, en effet, qu'il en a été question, mais

15 je ne me souviens pas absolument. Je ne me souviens pas, de façon certaine,

16 de la déclaration des autorités croates et du HVO. D'ailleurs, autant que

17 je m'en souvienne, je n'étais pas présent à cette réunion.

18 Q. Toutefois, compte tenu de votre expérience personnelle, vous saviez

19 qu'il n'y avait pas suffisamment de vivres et qu'il n'y avait pas

20 suffisamment de fournitures médicales dans la ville, et que la Croix rouge

21 et le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés devaient faire

22 en sorte d'apporter un minimum de ces produits de première nécessité pour

23 faire en sorte que les gens puissent survivre. Quel que soit d'ailleurs ce

24 qui est indiqué dans votre rapport, vous le savez, compte tenu de votre

25 expérience personnelle ?

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1 R. C'est vrai que l'on manquait de tout. Nous avons essayé de faire en

2 sorte d'avoir une assistance et de l'aide de la part du Haut-commissariat

3 des Réfugiés pour les Nations Unies. Mais, en fait, à l'époque, il n'avait

4 pas l'autorisation de le faire parce que cela était trop dangereux.

5 D'ailleurs, je ne suis pas sûr que nous ayons obtenu l'autorisation de

6 faire en sorte que toute cette aide soit amenée là, car le Haut-

7 commissariat pour les Réfugiés et le comité international de la Croix rouge

8 devait pouvoir obtenir des garanties suivant lesquelles l'aide pouvait être

9 acheminée en toute sécurité. Cette garantie devait être donnée par les deux

10 parties.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Encore une question, s'il vous plaît,

12 avant de faire la pause.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

15 Q. Vous avez dit que ce que vous avez vu lorsque vous vous êtes rendus en

16 visite dans les prisons ne correspondait pas tout à fait aux dispositions

17 des conventions de Genève. Par conséquent, je vous demande : ce que vous

18 avez vu, était-ce ce qu'on pouvait garantir aux prisonniers de guerre,

19 compte tenu de la situation, compte tenu de la guerre qui était en cours ?

20 R. Je pense qu'il faudrait adresser cette question aux commandants

21 militaires. Il y a toujours des lignes de communication et toujours des

22 lignes d'approvisionnement ou de ravitaillement. C'était la théorie que

23 nous avions à l'époque. Si les militaires peuvent se ravitailler en vivres,

24 les prisonniers de guerre ou les civils devraient pouvoir bénéficier de la

25 même quantité de vivres et d'approvisionnement, vous savez. Mais nous ne le

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1 savions pas. Nous ne savions pas exactement quelles étaient toutes les

2 voies de ravitaillement. Théoriquement, on se posait la question qui était

3 de savoir si c'était possible ou non.

4 Q. Merci.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'en aurai pour une

6 quinzaine de minutes encore.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous demandez le versement de desdits documents.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, je le demanderais, mais je souhaite

9 poser encore des questions à ce témoin au sujet de quelques documents.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire le break. Nous reprendrons

11 exactement à 13 heures.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez poursuivre.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 Q. Colonel, avant l'interruption, nous parlions du manque de différents

17 vivres et équipements et nous disions qu'il y avait une requête adressée

18 aux organes civils afin qu'ils aident et qu'ils garantissent une meilleure

19 situation, à la fois aux prisonniers, et à la population civile. Dites-moi,

20 savez-vous qu'afin de résoudre ce problème, qui était un problème très

21 sérieux, savez-vous que les autorités civiles ont donné l'autorisation au

22 Caritas pour qu'il aide au ravitaillement de prisonniers ? Le savez-vous ?

23 R. Non, je ne le crois pas. Je n'en suis pas sûr. Cela semble familier

24 lorsque vous en parlez, mais …

25 Q. La soeur Pavka, qui travaillait pour le Caritas, c'est un nom qui vous

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1 dit quelque chose ? Vous la connaissez, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, je le connais.

3 Q. Sœur Pavka, était-ce l'une des personnes qui avait l'autorisation de se

4 rendre auprès des prisonniers, de leur apporter des vivres ? Le savez-

5 vous ?

6 R. Non, je ne suis pas au courant de cela. J'ai rencontré soeur Pavka à

7 l'hôtel Kalin et je l'ai revue deux fois par la suite, à Kandija, je pense,

8 et à Split. Mais je ne suis pas sûr de ce que vous dites.

9 Q. Saviez-vous que les proches des prisonniers avaient, eux aussi, la

10 possibilité d'apporter de la nourriture aux prisonniers ?

11 R. Non.

12 Q. Saviez-vous que les prisonniers pouvaient bénéficier de soins médicaux,

13 qu'une femme médecin venait les voir et qu'également, à l'hôpital de

14 Bugojno, on a réservé le même traitement aux prisonniers qu'à l'égard de

15 toute autre personne malade ou blessée ?

16 R. Oui, oui, ceci a été dit à de nombreuses reprises. Quant à ce que j'ai

17 vu à l'hôpital, effectivement, cela me permet de confirmer ce que vous

18 venez de dire. Oui.

19 Q. Colonel, est-il exact que des représentants du peuple croate et, cela,

20 en date du 17 août, vous ont informé, en vous fournissant une liste de 18

21 infractions graves à l'encontre des Croates dont viols, pillages et autres

22 infractions graves, et qu'il s'agit là, d'une liste que vous avez fournie

23 le lendemain, à savoir, le 18 août, au chef de la police de Bugojno ?

24 R. Oui.

25 Q. Colonel, je vais vous demander d'examiner ce rapport du 18 août.

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1 R. Le 18.

2 Q. Ce jour-là, pendant la réunion que vous avez eue avec des représentants

3 des autorités de Bugojno ainsi qu'avec des représentants du peuple croate,

4 il a été question de la situation politique et, à ce moment-là, on vous a

5 présenté un plan, un plan conçu par des autorités afin de vous montrer de

6 quelle façon ils souhaitent aider leurs concitoyens qui, à ce moment-là,

7 constituaient une minorité. Etait-ce bien l'objet de vos entretiens ?

8 R. Oui, oui.

9 Q. Est-il exact qu'à ce moment-là, à Bugojno, comme vous le dites dans le

10 rapport, sur 16 000 employés d'avant-guerre, il n'en restait plus que 2 000

11 et que, ce qui était le plus difficile pour la population croate, c'était

12 qu'il était très difficile de trouver un emploi ?

13 R. C'est ce qui est dit ici, mais ce n'est pas une question pour moi. Je

14 n'ai mené aucune enquête plutôt, dirais-je, à ce sujet. Je ne m'y suis pas

15 intéressé à cela.

16 Q. Très bien. Passons, à présent, à votre rapport du 19 août. Je vous

17 demanderai d'examiner le point 4. Est-il exact, Colonel, que vous avez

18 informé que, ce jour-là, avec le chef de la police civile, vous aviez

19 examiné en détail la liste des 18 personnes qui vous avait été fournie par

20 des représentants croates. Sur cette liste, on voyait énumérées des

21 infractions graves commises à l'encontre de la population civile, et vous

22 avez reçu à ce moment-là des informations détaillées au sujet des activités

23 menées par la police et d'autres organes. Deux personnes déjà avaient été

24 arrêtées. Plusieurs enquêtes étaient en cours, et pour ce qui est de deux

25 ou trois cas, il ne s'agissait pas d'infraction, de crime ou de délit, mais

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1 il s'agissait de morts qui était dues au pilonnage. Est-ce bien de cette

2 manière détaillée que vous avez examiné cette liste, ou en avez-vous parlé

3 avec le chef de la police comme vous le dites dans votre rapport ?

4 R. C'est exact.

5 Q. Vous saviez que les organes de l'état, qui étaient compétents en la

6 matière des poursuites, qu'ils prenaient au sérieux les suggestions émanant

7 de votre part, ainsi que les faits que vous leur signaliez, et qu'ils

8 tentaient d'engager des procédures, même si parfois il était très difficile

9 d'identifier les auteurs. Est-ce bien ce qu'ils vous ont dit à ce moment-

10 là ?

11 R. Je ne le dirais pas comme on le voit ici ? Je dirais plutôt que ce que

12 je pensais à ce moment-là, et ce que je pense encore aujourd'hui, c'est que

13 c'est une question qui se pose. Ont-ils enquêtés suffisamment, est-ce vrai

14 ce qu'ils disent ? C'était une déclaration qui était faite par la police

15 civile, une affirmation venant d'elle mais ce n'était pas mon affirmation à

16 moi.

17 Q. Si je vous disais que ces actions ont effectivement été entreprises,

18 ces poursuites engagées devant les tribunaux compétents, si ces

19 déclarations venaient du chef de la police, vous les considéreriez comme

20 étant exactes, véridiques ?

21 R. Non. Je ne peux pas dire si c'est vrai ou non, parce que moi-même, je

22 n'ai pas pu engager des enquêtes quelles qu'elles soient. Il fallait que je

23 me contente de m'appuyer, de me fier à leurs déclarations, à ce qu'ils

24 disaient, eux.

25 Q. Vous avez dit dans votre déposition que la question de l'échange des

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1 prisonniers s'était également posée. Est-il exact que le président de la

2 présidence de la Guerre, ainsi que les autorités civiles, vous ont tout

3 d'abord informé du fait que tous les prisonniers allaient être transférés

4 au KP Dom de Zenica, et que c'était là que se trouvait le centre réservé

5 aux détenus. C'est bien l'information que vous avez reçue ?

6 R. Oui, c'est l'information que j'ai reçue, mais je pense que je l'ai eu

7 de Dautovic, je ne suis pas tout à fait sûr.

8 Q. Egalement vous devez savoir que le lendemain, lorsqu'ils ont dit que ce

9 transfert allait se produire, qu'il n'a pas eu lieu parce qu'il n'avait pas

10 suffisamment d'autocars. Autrement dit, les autocars étaient en panne.

11 Etait-ce bien la raison qu'ils vous ont invoquée ?

12 R. Oui.

13 Q. Savez-vous que par la suite, des représentants du peuple Croate,

14 accompagnés d'un avocat qui travaillait au sein de ce comité, ont demandé

15 aux autorités civiles et au tribunal de Zenica, de ne pas transférer les

16 prisonniers à Zenica, de les laisser plutôt à Bugojno, et si nécessaire, de

17 les juger à Bugojno, car ils redoutaient qu'il ne leur arrive quelque chose

18 en route vers Zenica. Etes-vous au courant de ce fait-là ?

19 R. Non, pas de manière aussi détaillée. Pour ce qui est des autocars, oui,

20 je m'en souviens.

21 Q. Vous avez également dit qu'il y a été question de l'échange, mais qu'il

22 n'y a pas eu d'échanges pendant que vous vous y trouviez.

23 Est-ce exact ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Les autorités locales, qu'elles soient civiles ou militaires, elles

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1 vous ont dit que c'est à un niveau plus élevé que cette question devait

2 être résolue, ou allait être résolue. Vous vous en souvenez ?

3 R. Oui, je pense que cela est exact. Je pense que c'est exact, oui.

4 Q. Saviez vous qu'à ce moment-là, un accord a été signé entre les

5 autorités de Bosnie-Herzégovine, le ministre des Affaires étrangères de la

6 République de Croatie, un représentant du HVO, avec la coopération de la

7 Croix rouge internationale afin qu'il y ait une échange tous pour tous.

8 Tous les prisonniers de Bugojno devaient en faire partie, mais aussi des

9 détenus de d'autres prisons tenues par l'ABiH, ainsi que tous ceux tenus

10 par le HVO à Mostar, à Ljubuski et à d'autres endroits. Saviez-vous qu'un

11 tel accord avait été passé ?

12 R. Non.

13 Q. Vous pourriez être d'accord avec moi si je vous disais que c'est au

14 niveau du chef d'état que cet accord a été signé, et que si tel est le cas,

15 par conséquent, à des échelons inférieurs, les commandants ne pouvaient pas

16 prendre des décisions qui concernaient des cas particuliers d'échange.

17 Etes-vous d'accord avec moi là-dessus ?

18 R. Je ne suis pas d'accord avec cela. De la manière dont nous travaillons

19 dans l'armée néerlandaise, nous pensons toujours que ceux que se placent au

20 cœur d'un évènement sont les mieux placés pour prendre des décisions sur ce

21 genre de choses. Nous n'aimons pas tellement appliquer tous ces échelons

22 supérieurs. Je pourrais prendre une autre décision ou en décider autrement.

23 Q. Compte tenu du fait, Colonel, que vous avez répondu à nombreuses

24 questions qui vous ont été posées, soit par mon éminent collègue, soit par

25 moi-même, pourriez-vous être d'accord moi pour dire que s'il y a des

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1 divergences entre ce que vous avez déclaré aujourd'hui et entre ce qui

2 figure dans les documents que vous avez rédigé en 1993, qu'en fait, ce qui

3 est exact est ce que vous en avez dit en 1993, parce que compte tenu du

4 temps qui s'est écoulé, vous avez bien pu oublier certaines choses.

5 R. Ah oui, c'est toujours possible. Il y a d'autres explications à cela,

6 d'autres explications possibles.

7 Q. Je vous remercie, monsieur le Colonel.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'en ai terminé avec mon interrogatoire,

9 Monsieur le Président. Je demanderais à présent que ce jeu de documents,

10 qui concerne le mois d'août 1993, soit versé au dossier en tant que pièce à

11 conviction de la Défense, compte tenu du fait qu'il s'agit des documents

12 qui ont été rédigés par ce témoin avec ses collègues, et compte tenu du

13 fait qu'il a pu examiner et répondre à des questions au sujet de la plupart

14 de ces documents.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, des observations ?

16 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Non.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro pour ces dix

18 documents.

19 M. LE GREFFIER : Pièces versées à ce dossier sous la référence DH170.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

21 Veulent-ils procéder au contre-interrogatoire ?

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

23 Nous n'avons pas de questions pour ce témoin.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers Mme Benjamin. Y a-t-il des

25 questions supplémentaires à partir du contre-interrogatoire ?

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1 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

2 Nouvel interrogatoire par Mme Henry-Benjamin :

3 Q. [interprétation] Colonel, vous avez entendu une suggestion de la

4 part de mon éminente collègue. C'était page 8, ligne 1. Elle vous a dit

5 que, compte tenu du temps qui s'était passé, il est bien possible que vous

6 ayez oublié un certain nombre d'incidents et que c'est la raison pour

7 laquelle, ce que vous dites dans vos rapports diffèrent de certains

8 éléments que vous avez fournis dans votre déposition aujourd'hui. Vous avez

9 répondu, en disant : "Oui, mais il y avait aussi d'autres explications

10 possibles." Pourriez-vous nous dire à quelles explications vous référiez-

11 vous ?

12 R. Oui. Pour ce qui est de ma mémoire, lorsque j'examine les conséquences

13 ou les résultats, il y a eu des passages à tabac, il y a eu de mauvais

14 traitements réservés aux prisonniers de guerre, il y a eu des prisonniers

15 de guerre tués, du moins pour ce qui est de l'un d'entre eux. Nous le

16 savons. Nous en sommes sûrs.

17 Lorsque les autorités locales nous rendaient l'accès aux prisonniers

18 de guerre possible, il est évident qu'il y avait des préparations, qu'ils

19 prenaient des dispositions afin de nous montrer cela dans les meilleures

20 circonstances possibles. Lorsque je m'interroge là-dessus, dans l'ensemble,

21 et compte tenu de ce que j'ai vu, compte tenu de ce que je pense même après

22 tant d'années, compte tenu de ce qui reste dans ma mémoire après tout ce

23 temps, j'en arrive à la conclusion qu'ils n'étaient pas traités

24 conformément aux dispositions des conventions de Genève. Je suis d'accord

25 avec le conseil de la Défense pour dire aussi qu'après tant d'années, on

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1 est un petit peu confondu dans nos souvenirs. Je pense que les deux

2 interprétations sont possibles. Ma mémoire ainsi que mon opinion ne

3 représentent pas la seule vérité. Vous savez, c'est là la difficulté.

4 Q. Colonel, je vous remercie.

5 Pendant le contre-interrogatoire, ma collègue a avancé que les

6 réfugiés et les Serbes arrivaient à Bugojno. Seriez-vous d'accord avec moi

7 pour dire que sur le plan démographique la situation a changé à Bugojno et

8 qu'elle a changé au point de provoquer une détérioration considérable de la

9 situation pour les Croates.

10 R. Oui.

11 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, parmi ces réfugiés dont

12 elle a parlé, il y en avait quelqu'un qui était responsable de certaines

13 des atrocités qui ont été perpétrées à l'encontre des habitants croates de

14 la ville.

15 R. Oui.

16 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre quel est au moins un groupe de ces

17 réfugiés qui aurait, à votre connaissance, été à l'origine de ces

18 atrocités, qui en ont été des auteurs.

19 R. Il faudrait que je me réfère à mes notes.

20 Q. J'espérais que vous pourriez vous en passer puisque vous arriviez à

21 répondre.

22 R. Oui, je sais.

23 Q. Ma collègue vous a parlé des Serbes qui y sont arrivés. Avez-vous vu

24 d'autres personnes qui n'étaient pas des personnes du originaires du coin

25 et qui arrivaient à Bugojno ? Avez-vous vu d'autres réfugiés ?

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1 R. Oui. Non. J'ai vu -- mais ce n'étaient pas des réfugiés.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Excusez-moi. J'ai vu des Arabes, mais ce

3 n'était pas des réfugiés.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Residovic.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'entendais ma collègue

6 par là, mais je ne me suis pas référée aux Serbes arrivant dans la ville.

7 Il y avait des habitants serbes à Bugojno et il y avait seulement l'armée

8 serbe qui pilonnait Bugojno. Je ne vois pas quel est le fondement, sur quoi

9 ma collègue se fonde pour poser cette question puisque cela ne correspond

10 pas à mes questions.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, la Défense fait valoir qu'elle n'a

12 jamais abordé la question des Serbes ou des réfugiés. Pourquoi posez-vous

13 cette question supplémentaire qui n'a pas été abordée lors du contre-

14 interrogatoire ?

15 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, il se peut, si

16 je ne m'abuse, mais j'avais l'impression que, lorsque mon éminente collègue

17 parlait de la situation du point de vue démographique, qu'elle se référait

18 à d'autres armées, les Serbes étant là-bas et d'autres personnes arrivant

19 dans le secteur de Bugojno. Je pense que le témoin a répondu par

20 l'affirmative. Il n'y avait pas seulement l'ABiH. Il y avait également

21 d'autres armées. C'est pour cela que j'ai posé ma question. Dans ce cadre-

22 là, il y avait d'autres armées.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Poursuivez.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était plus sur la ligne de front. C'était là

25 ce genre de choses.

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1 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation]

2 Q. Lorsqu'on vous a interrompu, vous étiez en train de vous rappeler. Vous

3 étiez en train de dire qu'ils ressemblaient aux Arabes.

4 R. Non, mais je n'ai vu qu'un seul Arabe. C'était après des combats.

5 Q. Très bien. Vous n'avez vu qu'un seul Arabe.

6 R. Oui. Mais ce n'était pas le Moudjahiddine que tout le monde recherche.

7 Q. Je vous remercie. Une dernière question : qu'entendez-vous lorsque vous

8 parlez de "traitement approprié ou correct" ? Pourriez-vous le définir à

9 l'intention de la Chambre ?

10 R. Il faudrait peut-être consulter la bible. "Etre traité correctement,"

11 c'est lorsqu'on réserve à quelqu'un le même traitement que l'on

12 souhaiterait que l'on nous réserve.

13 Q. Je vous remercie. Suis-je en train de vous réserver un traitement

14 correct ?

15 R. Oh, oui. Tout le monde.

16 Q. Si je vous enferme contre votre gré, est-ce que je vous réserve un

17 traitement correct ?

18 R. Non, non. Bien sûr que non.

19 Q. Je vous remercie.

20 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

21 Président.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, les Juges ont des questions à vous

23 poser. Je vais donner la parole au Juge qui se trouve situé à ma droite.

24 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Une seule question, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur les questions supplémentaires, il n'y avait pas

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1 d'observation de la Défense ? Nous allons poser la question.

2 Questions de la Cour :

3 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Colonel, vous nous avez indiqué que vous avez

4 visité deux centres de détention. La question que je vous pose c'est celle-

5 ci : qui gardait ces centres de détention ? Quelle personne gardait ces

6 centres de détention ?

7 R. Je crois que c'était la police civile au début. A un moment donné, la

8 responsabilité a été transférée à la police militaire. Après cela, pour

9 autant que je puisse m'en souvenir, je ne me suis plus rendu aux cellules

10 des prisonniers de guerre.

11 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Oui, mais quand vous avez vu les prisonniers,

12 vous n'avez pas de questions à leur poser ?

13 R. Si, on en avait, mais pour ce qui est de la responsabilité, c'était

14 toujours avec Senad Dautovic que nous étions en contact. Je pense que

15 c'était lui qui était responsable pour l'ensemble des prisonniers. Bien

16 entendu, il était dirigé d'une manière ou d'une autre. C'est cela pour

17 l'essentiel. Il y avait des civils qui gardaient les gens. Il y avait aussi

18 des personnes en uniforme militaire, une sorte d'uniforme militaire. A

19 l'époque, ces uniformes variaient. Vous savez, tout le monde ne portait pas

20 le même uniforme. Il était difficile de dire si c'était seulement la police

21 civile qui était sur place ou si c'était la police militaire.

22 Mme LE JUGE RASOAZANANY : A part la police militaire ou la police civile,

23 vous n'aviez vu d'autres personnes ?

24 R. Non. Il n'y avait pas d'autres personnes qui montaient la garde.

25 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Je vous remercie.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la continuation de la question qui vient de

2 vous être posée, vous visitez ces deux centres de détention dans le cadre

3 d'un mandat que vous avez eu de la part de l'Union européenne. Vous vous

4 présentez dans ces centres de détention. Vous dites : "J'ai eu à faire à M.

5 Senad Dautovic qui était civil." Vous constatez qu'il y a des détenus

6 militaires. Un officier de votre rang sait faire la distinction entre le

7 civil et le militaire. S'ils étaient détenus sous l'empire de l'autorité

8 civile, à ce moment-là, il fallait s'adresser à l'autorité civile

9 compétente, qui n'était pas ce commandant qui gardait la prison, mais au-

10 dessus de lui. Vous ne vous êtes pas posé ce type de question ?

11 R. Non. Nous avons également eu des réunions avec Abdulah Jelic à ce

12 propos. Pour autant que je m'en souvienne maintenant, pour ce qui est de la

13 visite des prisonniers de guerre, Dautovic nous servait toujours de guide

14 dans ces cas-là. Ce n'était pas le QG de l'ABiH. Je n'en suis pas tout à

15 fait certain. C'est difficile. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous visitez avec M. Dautovic les lieux, et vous

17 voyez les prisonniers. Vous ne demandez pas à M. Dautovic pour quelle

18 raison ils sont détenus. Car, comme vous le savez, dans tout pays, dans

19 toute démocratie, quand quelqu'un est détenu, la personne ne peut pas être

20 détenue qu'en raison de texte, ou ce sont des détentions arbitraires. Vous

21 ne lui posez pas la question de savoir ce que faisaient ces gens-là qui

22 étaient détenus ? Même que c'est le cœur même de votre mission, puisque

23 vous êtes sur place pour faire des rapports journaliers sur la situation,

24 dont d'ailleurs, on peut se demander à quoi, parfois, certains paragraphes

25 peuvent servir, situation générale, situation politique, activités

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1 militaires. Par contre, votre domaine c'est l'activité humanitaire qui est

2 noyé parmi d'autres paragraphes. Vous ne lui posez pas la question ?

3 Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur la situation de ces gens qui,

4 apparemment, étaient détenus par la police civile vous dites, même qu'il y

5 avait des militaires ? Le minimum aurait été de vérifier la situation de

6 ces gens-là. Vous ne posez pas la question à M. Dautovic ?

7 R. Ce que j'ai déclaré c'est, qu'à mon sens, il s'agissait de police

8 civile. Il se peut qu'il y ait eu des membres de la police militaire. J'ai

9 déclaré quelque chose à propos des différents uniformes. Je suis d'accord

10 avec vous, Monsieur le Président, que j'aurais dû poser ces questions,

11 questions que je n'ai pas posées. C'est la seule chose que je puis dire à

12 ce propos.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans un document que la Défense a produit, vous avez

14 fait un rapport le 5 août. Dans ce document, il est indiqué au quatrième

15 paragraphe qui est le paragraphe sur l'activité militaire, qu'il y aurait

16 un total de 300 à 400 prisonniers; ce qui est quand même énorme. A la fin

17 de ce paragraphe, vous indiquez que le représentant croate a une liste où

18 il y aurait 2 500 Croates qui auraient été retenus à Bugojno après le

19 combat. C'est dans votre propre document. Vous dites qu'il y en a 300 à

20 400, et le représentant croate dit qu'il y en a 2 500. La différence de

21 votre part dans le rapport, il n'y a aucun commentaire, il n'y a rien. Dans

22 votre rapport, au paragraphe 9, il y a des intentions sur ce que vous allez

23 faire dans le futur. Il ne vous est pas venu à l'idée d'élucider cette

24 différence entre le nombre de détenus officiellement constaté+ qui serait

25 de 300 à 400 avec le nombre revendiqué par le Croate, 2 500 ? Qu'est-ce que

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1 vous pouvez nous dire sur ce problème ?

2 M. BOURGON : Pardon, Monsieur le Président, parce que le témoin n'a pas le

3 document devant lui.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je peux me rappeler le document.

5 M. BOURGON : La phrase est importante, Monsieur le Président. Merci.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas un problème. Je peux parfaitement

7 répondre à la question. La différence, c'est facile à expliquer. Il s'agit

8 de 2 500 de la minorité croate qui est restée à Bugojno. Ces gens-là

9 n'étaient pas détenus. Ils étaient dans leur maison. Ils étaient détenus en

10 quelque sorte dans Bugojno, parce qu'ils n'avaient pas le droit de se

11 rendre â Prozor ou à Vakuf. Les 300 à 400 détenus étaient emprisonnés. Il

12 s'agissait de prisonniers de guerre. Au total, il y avait quatre ou sept

13 camps de prisonniers de guerre.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : "Prisonnier de guerre". Pour vous, c'est quoi un

15 "prisonnier de guerre" ? Quelle est la caractéristique d'un "prisonnier de

16 guerre" ? Comment vous pourriez définir ce que l'on entend par "prisonnier

17 de guerre" ?

18 R. "Un prisonnier de guerre" doit être quelqu'un de l'armée ou un civil

19 qui a été capturé, alors qu'il exerçait des activités militaires; ce qui

20 n'est pas autorisé. Un civil n'a pas le droit de combattre. Toute personne

21 qui combat peut être capturée comme prisonnier de guerre et emprisonné. Il

22 doit porter un uniforme. Des civils qui sont emprisonnés, ne sont pas des

23 prisonniers de guerre à mon sens.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela veut dire que les civils qui étaient là, ne

25 pouvaient en tout état de cause, qu'avoir été arrêtés parce qu'ils ont

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1 combattu les armes à la main. C'est bien cela ?

2 R. A mon sens, oui. Je ne pense pas que c'était toujours le cas. Cela

3 devrait être le cas, mais ce n'en était pas toujours le cas.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste deux petites questions, et je laisserai

5 la parole à mon autre collègue qui vous posera des questions. Est-ce que

6 votre groupe, votre mission, avait un officier de liaison avec l'ABiH ?

7 Est-ce que sur place il y avait un officier qui faisait le "go-between"

8 entre votre mission et l'ABiH ? Est-ce que l'ABiH avait désigné un officier

9 de liaison ?

10 R. Nous n'avions pas d'officier de liaison dans notre groupe. Il n'y avait

11 que deux observateurs qui composaient notre groupe. Il y avait des liaisons

12 à ma connaissance à Tuzla. Je crois à Zenica également, mais je n'en suis

13 pas tout à fait sûr. Nous transmettions nos rapports à Zenica. S'il y avait

14 des questions là-dessus, ce sont des questions qui étaient posées à Tuzla

15 ou Zenica, puisqu'il y avait des liaisons à cet endroit-là.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question : La Défense vous a montré des

17 rapports que vous aviez rédigés en juillet et au mois d'août. J'avais cru

18 comprendre que les rapports étaient journaliers. A la lecture des

19 documents, j'ai constaté qu'il y a des jours qui manquent. Par exemple, au

20 mois d'août, on a le 5 août, le 7, le 9, il manque le 6, le 8, et cetera.

21 Est-ce que vous faisiez des rapports tous les jours et la Défense a fait un

22 tri des rapports, ou il y avait des jours où vous ne faisiez pas de

23 rapports ?

24 R. Il faut rédiger des rapports tous les jours. C'est ce que nous

25 faisions. La Défense a simplement sélectionné certains jours.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que dans les listings qu'on vous a

2 présentés, neuf documents pour le mois de juillet, dix documents pour le

3 mois d'août. Il en manque. Par exemple, je n'ai pas dans la première liste,

4 le 20 juillet, le 21, le 22, le 24, le 27. Vous aviez fait des rapports

5 tous les jours ?

6 R. Oui, effectivement.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon ultime question : Vous dépendiez d'une

8 hiérarchie au sein de cette mission. La preuve en est que vos rapports sont

9 rédigés selon des paragraphes bien déterminés. Ce n'est pas vous qui les

10 avez déterminés, ces paragraphes, on vous a demandé de les remplir.

11 Situation générale, situation politique, situation activités militaires, et

12 cetera. C'étaient des lignes de rapports qu'il vous était demandé tous les

13 jours de remplir.

14 R. Nous rédigions et nous faisions des déclarations et des propos dans

15 chaque paragraphe. Au plan politique, c'était un petit peu difficile, car

16 pour nous, officiers, pour finir c'était assez facile, car c'était une

17 question politique. Que pensez-vous ? C'est quelque chose qui nous venait

18 d'en haut. Par exemple, on voulait savoir ce que pensaient les gens sur le

19 terrain du plan Vance-Owen. Vous posiez une question, nous avions la

20 réponse. Cette réponse, nous l'inscrivions.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : D'en haut, on vous demandait, voilà le problème,

22 essayez de nous indiquer sur le terrain ce que l'on pense du plan Vance-

23 Owen, par exemple. C'est ce que vous nous dites ?

24 R. Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Quelques questions secondaires que je

2 souhaite vous poser, Témoin. Vous avez dit aujourd'hui qu'à un certain

3 jour, la responsabilité des détenus est passée des mains des autorités

4 civiles aux mains de l'armée. Vous avez également précisé dans votre

5 rapport que le 5 août, document qui vous a été montré, cela devait être un

6 événement important pour vous. Pourquoi l'avez-vous signalé ?

7 R. A ce moment-là, cela ne constituait pas un événement d'une grande

8 importance, mais nous nous étions posés la question pourquoi ceci s'était-

9 il produit ? Jusqu'au jour d'aujourd'hui, je n'ai pas la réponse à cette

10 question. Au début, nous avons pensé que Senad Dautovic a été déplacé, mais

11 il est revenu par la suite. Nous ne pouvions pas avoir davantage

12 d'information. Nous avions des questions, mais nous n'en avions pas de

13 réponses à ces questions.

14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] D'après ce que vous avez dit

15 précédemment, mais je peux me tromper, vous dites que vous pensiez que

16 Dautovic décidait des transferts. Je peux me tromper.

17 R. De quel transfert s'agit-il ? Dautovic avait pris la décision d'assurer

18 le transfert.

19 M. LE JUGE SWART : D'accord.

20 R. Non, je ne pense pas. Non, cela venait de plus haut. Nous ne

21 connaissons pas les raisons derrière cela.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] La question que je souhaite vous poser

23 est la suivante : Vous avez précisé que ceci a été fait. La question que je

24 vous pose est la suivante : Ceci a-t-il eu des conséquences que vous

25 pouviez constater vous-même ?

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1 R. Après cela, pour autant que je m'en souvienne aujourd'hui, après ce

2 jour-là, nous n'avons plus jamais revu les prisonniers. Nous ne leur avons

3 pas rendu visite. On n'avait pas rendu visite aux prisonniers de guerre

4 dans leur cellule. Par exemple, je n'ai plus jamais vu le commandant du

5 bataillon. J'ai demandé de façon précise à le voir, car je pensais, pendant

6 un certain temps qu'il avait très peur. Ce commandant avait très peur en

7 raison de ce bataillon en prison. Je n'ai plus jamais revu ce type-là, ce

8 commandant du bataillon. C'est la seule chose que je puisse dire.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous venez de dire : "Après ce jour,

10 nous n'avons plus jamais revu les prisonniers."

11 R. Non, pas de ce bataillon, non. Je crois que j'étais à ce moment-là au

12 stade après le 5, mais je n'en suis pas tout à fait certain.

13 Q. Ceci avait-il rapport avec le changement, ou s'agissait-il simplement

14 d'une coïncidence ?

15 R. Je pense qu'il y avait un rapport entre les deux, mais nous ne pouvions

16 pas mener une enquête sur ce changement. Nous ne pouvions pas voir tout ce

17 que nous voulions. Il n'y avait pas d'échange de prisonniers de guerre qui

18 a été décidé à un niveau plus élevé comme je viens de l'entendre.

19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ceux-ci, rendaient-ils la visite des

20 prisonniers plus difficile, ou n'avez-vous pas constaté la différence ?

21 R. Comment dire. C'était retardé. C'était retardé ?

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'est vous qui répondez.

23 R. Je ne sais pas si c'est le terme approprié, "retardé", "postponed".

24 Nous avons essayé de visiter les prisonniers de guerre à nouveau. Ils nous

25 ont dit : "Demain, la semaine prochaine." C'était reporté. "Nous devons

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1 parler." "Ils sont transférés à Zenica." C'était reporté. C'était reporté,

2 reporté. Des excuses étaient proférées.

3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'était reporté.

4 R. Pour finir, je ne les ai pas vus du tout.

5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Qu'est-ce que vous entendez à la fin ?

6 R. Le décembre.

7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pourquoi ?

8 R. Car j'ai été transféré à Tomislavgrad.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci beaucoup.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, est-ce que vous avez des questions

11 à poser à la suite des questions des Juges, au témoin ?

12 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Défenseurs ?

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai un

15 certain nombre de questions.

16 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

17 Q. Lieutenant-colonel, les Juges vous ont posé un certain nombre de

18 questions sur les décisions que vous avez évoquées dans votre rapport daté

19 du 5 août. D'après ce rapport, les responsabilités des prisons sont passées

20 des autorités civiles aux autorités militaires. Est-il exact de dire que

21 jusqu'à cette date-là, il y avait un certain nombre de centres de détention

22 à Bugojno. Il y avait le gymnase -- Gimnazija, l'école élémentaire et le

23 salon d'exposition des meubles. Vous avez visité ces lieux, ayant obtenu

24 l'autorisation pour ce faire par le chef de la police civile, Senad

25 Dautovic, est-ce exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. Ce jour-là, le chef de la police civile était responsable envers la

3 présidence de Guerre de Bugojno, organe civile, et vous a précisé qu'à

4 partir de ce jour-là, après la mort de Mladen Havranek, il vous a précisé

5 que l'autorité de la police civile serait transférée aux autorités

6 militaires à Bugojno. Est-ce ce qui a été dit ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-il exact de dire également qu'on vous a dit que la présidence de

9 Guerre prendrait une décision concernant le stade Iskra sportza [phon], et

10 que ce stade soit transformé en prison ? On vous a dit que d'autres centres

11 de détention seraient fermés, à l'exception de l'école élémentaire, est-ce

12 bien ce que l'on vous a dit ?

13 R. Oui. On nous a dit qu'il serait transféré au stade, oui.

14 Q. Savez-vous également que la présidence de Guerre à Bugojno avait décidé

15 que le stade devait être converti en centre de détention pour les

16 prisonniers de guerre, et ceux qui étaient détenus auparavant dans la salon

17 d'exposition de meubles devaient être transférés au stade ?

18 R. Je souhaite lire, si vous me le permettez, ce qui est écrit.

19 J'ai été informé du fait que les gens devaient être transférés. Je ne

20 peux pas confirmer que toutes les personnes ont, effectivement, été

21 transférées au stade.

22 Q. Est-ce que l'on vous a dit, lors de cette même réunion, que la police

23 civile serait toujours responsable des installations dans lesquelles leurs

24 collègues, les membres du HVO, étaient détenus ? C'est quelque chose que

25 vous avez incorporé dans un de vos rapports, également.

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1 R. Non. Je ne me souviens pas de cela.

2 Q. Est-il exact de dire qu'après que le stade d'Iskra ait été mis en

3 place, quelques jours après la réunion, vous vous êtes rendu

4 personnellement au stade d'Iskra, et vous avez vu qu'il y avait quelques

5 100 prisonniers à cet endroit-là, et vous avez reconnu un commandant parmi

6 eux, un commandant de la Brigade Eugen Kvaternik, que vous aviez vu

7 auparavant. Est-ce exact ?

8 R. J'ai visité le stade, et pour autant que je m'en souvienne maintenant,

9 je n'ai pas vu le commandant de cette même Brigade Eugen Kvaternik.

10 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande,

11 s'agit-il des questions nouvelles ou des questions qui sont les

12 conséquences directes des questions posées par les Juges de la Chambre, ou

13 s'agit-il d'un autre contre-interrogatoire ?

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Residovic, oui. Quel est le rapport au stade

15 Iskra ? Les Juges n'ont pas posés des questions, que voulez vous qu'il

16 dise ?

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai suivi

18 simplement vos questions, parce que vous avez demandé au témoin si les

19 conditions avaient changés lorsqu'il a rendu visite aux détenus, après

20 cette réunion. Le témoin vient de confirmer qu'après que le stade d'Iskra

21 ait été mis en place, il n'a eu aucune difficulté à visiter ce stade.

22 Q. Est-ce exact, après que l'ABiH soit devenue responsable de ces prisons,

23 vous avez pu accéder au stade d'Iskra, est-ce exact ?

24 R. Oui, j'y suis allé, je suis allé au stade.

25 Q. Je voulais vous poser une question. Est-ce exact de dire qu'après cet

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1 évènement, lorsqu'on vous a précisé que c'étaient les autorités militaires

2 qui prendraient en charge les prisons, est-il exact de dire qu'à une

3 occasion le père Janko vous a dit qu'un groupe d'hommes armés inconnus ont

4 pénétré dans le stade la nuit, ils ont passés à tabac les détenus. Les

5 gardes ont essayé d'empêcher cela, mais ils n'ont pas réussi. Vous

6 souvenez-vous de cet incident là au mois d'août ? Vous souvenez-vous avoir

7 donné des informations à cet égard dans votre rapport ?

8 R. C'est le père Janko qui nous a donné ces éléments d'information.

9 Q. La dernière question que je souhaite vous poser, Lieutenant-colonel :

10 pouvez-vous confirmer que Senad Dautovic, le chef de la police civile,

11 était, en fait, responsable, ou devait rendre des comptes à la présidence

12 de Guerre ? Le président de cette présidence de guerre était M. Mlaco, et

13 d'autres organes -- vous deviez souvent rendre des comptes à la présidence

14 de Guerre, au président de la présidence de Guerre, afin de parvenir à un

15 accord sur un certain nombre de points qui étaient particulièrement

16 importants pour vous.

17 R. Oui. Nous avons évoqué la question de l'aide que nous devions faire

18 entrer, et cetera.

19 Q. Merci, Lieutenant-colonel.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, eu égard à la

21 question qui a été posée, à propos des documents que nous avons présentés,

22 il est vrai que, conformément aux règlements de ce Tribunal, chaque partie

23 présente des éléments de preuve qui va à l'appui de leur thèse. Parmi tous

24 les documents et tous les rapports journaliers, l'Accusation n'a versé que

25 les documents datés du 5 et du 10 août. La Défense a présenté un certain

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1 nombre de documents qui démontrent les activités multiples auxquelles a

2 participé le témoin. C'est la raison pour laquelle nous souhaitions à,

3 absolument, avoir accès à toutes les archives, car il nous semblait très

4 clair que la partie qui représente l'Accusation ne recherche que des

5 documents qui les intéressent, alors qu'il y a un nombre de documents très

6 importants. La même chose s'applique à la Défense. La Défense ne souhaite

7 obtenir que les documents qui intéressent leur cause. Je pensais que

8 c'était important de signaler ce point.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

10 Les autres Défenseurs ont-ils, dans le temps très court qu'il nous reste,

11 une question ou des questions ?

12 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous

13 n'avons pas de questions à poser à ce témoin.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, votre interrogatoire est terminé. Nous

15 vous remercions d'être venu et de témoigner sur ces événements dont vous

16 avez été témoin au mois de juillet et août 1993. Nous vous souhaitons une

17 bonne continuation dans votre activité militaire. Je vais demander à Mme

18 l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la porte de la salle

19 d'audience.

20 [Le témoin se retire]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers l'Accusation pour le planning de

22 l'audience de demain.

23 Monsieur Withopf.

24 M. WITHOPF : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos partiel ?

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons à huis clos partiel.

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1 [Audience à huis clos partiel]

2 (Expurgé)

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6 (Expurgé)

7 (Expurgé)

8 (Expurgé)

9 (Expurgé)

10 (Expurgé)

11 (Expurgé)

12 (Expurgé)

13 (Expurgé)

14 --- L'audience est levée à 14 heures et reprendra le mercredi 12 mai 2004,

15 à 9 heures 00.

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