International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 13 mai 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à Monsieur le Greffier de bien

6 vouloir appeler le numéro de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Il s'agit de l'affaire IT-

8 01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.

11 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je

12 salue la Défense également. Nous avons, pour l'Accusation, Daryl Mundis,

13 Ekkehard Withopf, et Ruth Karper, notre commise aux audiences.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

15 Je demande à la Défense de bien vouloir se présenter.

16 M. BOURGON : Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour,

17 Monsieur le Président. Pour la Défense du général Hadzihasanovic ce matin,

18 je suis accompagné de notre assistant juridique, M. Alexis Demirdjian,

19 ainsi qu'exceptionnellement, de l'interprète attachée à l'équipe, de façon

20 à pouvoir communiquer avec le général Hadzihasanovic, au besoin, au courant

21 du témoignage du général Duncan. On est accompagné de Mme Vedrana

22 Residovic, et moi-même, Stéphane Bourgon, pour la Défense. Merci, Monsieur

23 le Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vais demander aux autres avocats de bien

25 vouloir se présenter.

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1 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous

2 défendons les intérêts d'Amir Kubura. Nous sommes Rodney Dixon, Fahrudin

3 Ibrisimovic, ainsi que notre assistant, M. Mulalic.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Chambre de première instance salue les

5 représentants de l'Accusation, les avocats, les accusés, ainsi que le

6 personnel de cette salle d'audience, en saluant tout particulièrement le

7 retour de notre Greffier.

8 Je vais donner la parole à Monsieur Withopf, qui va nous annoncer la venue

9 d'un témoin.

10 Monsieur Withopf.

11 M. WITHOPF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous allons

12 appeler à la barre le témoin, Alastair Duncan. Je vous l'avais déjà annoncé

13 hier, ou c'était plutôt M. Mundis qui vous l'avait dit, nous nous attendons

14 à ce que l'interrogatoire principal dure une heure et demie, voire au

15 maximum une heure et 45 minutes. J'ai l'intention d'utiliser les documents

16 suivants : les pièces 225, 216, 162 et la pièce DH72. Je vous remercie

17 d'avance.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Withopf.

19 Mme l'Huissière est allée chercher notre témoin que nous attendons.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour. Je veux d'abord m'assurer que vous

22 entendez la traduction de mes propos dans votre langue. Si c'est le cas,

23 dites : je vous entends et je vous comprends.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité en qualité de témoin pour

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1 témoigner sur des faits qui se sont déroulés en 1993 en Bosnie-Herzégovine,

2 et vous êtes un témoin de l'Accusation. Afin de témoigner, je dois,

3 auparavant, vous faire prêter serment. Avant de vous faire lire le texte de

4 la prestation de serment, je vais vous demander de me donner votre nom et

5 vos prénoms.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Alastair Duncan.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre date de naissance, le lieu de

8 naissance, et votre nationalité, s'il vous plaît ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 22 octobre 1952, à Toft Monks,

10 dans le Norfolk en Angleterre. Je suis anglais de nationalité.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel est actuellement votre grade et vos fonctions ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis général de division et, pour le

13 moment, je commande le centre des activités responsables de toute la

14 formation et instruction.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, quels étaient à cette époque vos fonctions

16 et votre grade, il y a plus de dix ans ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993, j'étais lieutenant-colonel,

18 l'officier de commandement du 1er Bataillon du Prince-de-Galles, du régiment

19 de Yorkshire. J'étais cantonné à Osnabruck. C'était un Bataillon

20 d'Infanterie. J'étais déployé en Bosnie, dans le centre de la vallée de la

21 Lasva en 1993.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal

23 international ou un tribunal national sur ces faits qui se sont déroulés en

24 1993, ou c'est la première fois que vous témoignez ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà comparu deux fois, dans le procès

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1 intenté à Tihomir Blaskic et dans celui intenté à Dario Kordic.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir lire le texte que

3 vous avez entre les mains.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 LE TÉMOIN: ALASTAIR DUNCAN [Assermenté]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, mon Général. Vous pouvez vous asseoir.

9 Mon Général, avant de donner la parole au représentant de l'Accusation qui

10 va vous poser des questions, je vais vous fournir quelques éléments

11 d'explication sur la façon dont va se dérouler cette audience. Vous avez

12 déjà l'habitude puisque vous avez déjà témoigné en tant que témoin dans

13 plusieurs autres procès devant ce Tribunal. Vous aurez, dans un premier

14 temps, à répondre à des questions qui vont vous être posées par le

15 représentant de l'Accusation qui se trouve à votre droite et que vous avez

16 eu l'occasion déjà de rencontrer.

17 A la suite de cette phase qui devrait prendre, normalement, entre une heure

18 et demie et une heure 45, et après la pause technique que nous ferons, vous

19 aurez à répondre à ce qu'on appelle le contre-interrogatoire qui va être

20 mené par les avocats des accusés. Les avocats, ils seront deux à vous poser

21 des questions dans le cadre contre-interrogatoire. Le contre-

22 interrogatoire, comme vous le savez, en "common law", a, pour objectif

23 principal, de vérifier la crédibilité des dires du témoin et, par ailleurs,

24 le contre-interrogatoire sert à éclairer certains points qui peuvent

25 retracer le contexte dans lequel les faits se sont déroulés et que la

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1 Défense veut mettre en exergue.

2 A la suite de ce contre-interrogatoire, l'Accusation reprendra la parole

3 pour vous poser des questions supplémentaires à partir des questions qui

4 vous ont été posées.

5 Les trois Juges qui sont devant vous peuvent vous poser et vous

6 poseront des questions à tout moment. La pratique, c'est que les Juges

7 préfèrent attendre que la phase de l'interrogatoire principal, du contre-

8 interrogatoire, et des questions supplémentaires soit terminée pour vous

9 mieux, à ce moment-là, poser des questions. Les questions des Juges ont

10 pour objectif soit d'éclaircir les réponses que vous avez données aux

11 questions des parties, ou les Juges posent des questions pour venir combler

12 des manques ou des trous qu'ils auraient perçus dans vos réponses ou dans

13 les questions qui n'auraient pas été posées. A ce moment-là, les Juges vous

14 repose des questions et, à l'issue des questions des Juges, la parole est

15 donnée à la Défense et à l'Accusation, qui peuvent aussi, à nouveau, vous

16 poser des questions.

17 Normalement, il est prévu une audition qui va se dérouler toute cette

18 matinée et, si le temps ne permette pas de clôturer votre audition, il sera

19 prévu la continuation à compter de demain matin. Dans les questions posées,

20 qui parfois peuvent être complexes, essayez d'y répondre de la façon la

21 plus simple et la plus compréhensible. Les Juges, qui sont devant vous,

22 n'ont, concernant votre déposition, pour le moment aucun document. Ils se

23 forgeront une opinion, une idée, à partir de ce que vous allez répondre aux

24 questions. Etant dans une procédure essentiellement orale, il incombe que

25 vos questions et que les questions posées et les réponses soient claires

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1 pour les Juges.

2 Par ailleurs, je dois vous fournir deux autres éléments. Vous avez prêté

3 serment, ce qui exclut, évidemment, tout faux témoignage. Je rappelle, pour

4 mémoire, que le faux témoignage est une infraction qui est réprimée. Par

5 ailleurs, une autre disposition qui n'a pas lieu de s'appliquer à vous, en

6 principe, mais que je rappelle pour mémoire, concerne les réponses qui sont

7 faites par le témoin lorsque ces réponses peuvent être utilisées,

8 ultérieurement, à charge contre le témoin.

9 Dans cette hypothèse, conformément à plusieurs procédures qui

10 existent dans des pays "common law" ou dans des pays de "civil law", le

11 témoin peut refuser de répondre. Si le témoin refuse de répondre, dans la

12 procédure qui régit ce Tribunal, le Tribunal peut faire injonction au

13 témoin de répondre néanmoins, mais, dans cette hypothèse, le Tribunal doit

14 donner au témoin une immunité pour les propos qu'il serait tenu à indiquer

15 aux Juges suite à l'injonction faite par les Juges.

16 Voilà, de manière très générale, la façon dont va se dérouler votre

17 audition. Sans perdre de temps, je donne la parole à

18 M. Withopf.

19 Interrogatoire principal par M. Withopf :

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

21 R. Bonjour.

22 Q. Pour l'intelligence de la Chambre, pourriez-vous faire la synthèse de

23 votre carrière militaire, au sein de l'armée britannique, à partir du

24 moment où vous avez rejoint cette armée jusqu'à présent, en mettant

25 l'accent sur les missions que vous avez effectuées en territoire étranger ?

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1 R. Volontiers. J'ai rejoint l'armée britannique en 1970. J'ai commandé à

2 tous les échelons opérationnels et aussi au niveau de l'instruction depuis

3 la section, la compagnie, le bataillon, la brigade et la division. En

4 particulier, j'ai été engagé dans des opérations en tant que commandant de

5 Section de bataillon et de compagnie en Irlande du nord, dans les Balkans

6 en tant que commandant de bataillon, et de commandant en second d'une

7 division internationale à Banja Luka. Pendant un certain temps assez bref,

8 j'ai été commandant de division à cet endroit.

9 Q. Vous avez déjà dit cela, mais aux fins du compte rendu d'audience,

10 pourriez-vous nous rappeler quel était votre grade militaire pendant votre

11 déploiement en 1993 en Bosnie centrale.

12 R. J'étais lieutenant-colonel et je commandais un bataillon d'infanterie

13 de blindés basé à Oznabruck en Allemagne. J'étais à ce commandement depuis

14 deux ans et demi lorsque j'ai été envoyé en Bosnie. A ce moment-là, c'est

15 tout mon groupe, qui se composait de Land Rovers et de véhicules blindés,

16 qui a été déployé dans la vallée de Lasva. J'avais une compagnie basée à

17 Gornji Vakuf. J'en avais deux à l'école de Nova Bila au nord de Vitez et

18 j'avais une compagnie à Tuzla.

19 Q. Quel est votre grade aujourd'hui ?

20 R. Je suis général de division.

21 Q. Quels sont vos fonctions et devoirs actuels ?

22 R. Je suis aujourd'hui commandant du centre de formation terrestre qui se

23 trouve à Salisbury Plain au Royaume Uni. Je suis responsable de

24 l'instruction de pré-emploi, c'est-à-dire que je dois former des officiers

25 qui vont être chargés de missions particulières. Ils viennent dans notre

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1 centre pour être formés. Ce qui est plus important, je suis responsable de

2 la formation de toute l'armée britannique pour des opérations. Ce qui veut

3 dire que chaque soldat de l'armée britannique qui est envoyé en mission va

4 passer par ma structure d'instructions collectives avant d'être envoyé en

5 mission. J'ai formé à Salisbury Plain mais aussi au Canada en Alberta, à

6 Belize, au Kenya, ainsi qu'en Allemagne.

7 Q. Parlons des missions que vous avez effectuées, notamment, en 1993 en

8 Bosnie centrale. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre à partir de

9 quand et jusqu'à quand vous avez été en mission et quelles étaient vos

10 fonctions précises.

11 R. J'étais officier chargé du commandement du Bataillon britannique qui

12 faisait partie de la FORPRONU, à partir du mois de mai jusqu'au mois de

13 novembre 1993.

14 Q. Avant d'être envoyé avec le BritBat en Bosnie centrale, est-ce que vous

15 avez effectué des déplacements de reconnaissance dans la zone ?

16 R. Oui, deux fois, en fait, avant mon déploiement avec mon bataillon au

17 mois de mai. Je pense que la première fois cela a été dans la dernière

18 semaine du mois de janvier. Quelques trois semaines plus tard, je suis

19 reparti pour une deuxième semaine de reconnaissance avec une équipe bien

20 plus complète.

21 Q. Outre ces missions de reconnaissance avant votre déploiement effectif,

22 est-ce que vous avez reçu un briefing supplémentaire avant de prendre le

23 commandement du BritBat ?

24 R. Oui. Je suis arrivé un peu plus tôt que ce qui était prévu. Dans

25 l'armée britannique, il est normal qu'un officier de commandement, c'était

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1 à l'époque le colonel Bob Stewart, et moi, j'allais prendre la relève.

2 C'est au moment où j'allais avoir plus de soldats sur le théâtre des

3 opérations que devrais s'effectuer la relève. Cependant, étant donné la

4 nature très complexe des tâches qui allaient être les miennes en Bosnie, je

5 suis arrivé six jours plus tôt. Ceci m'a donné l'occasion de parcourir

6 toute la zone couverte par le Bataillon britannique. Mis à part tout cela,

7 pour rencontrer non seulement les hommes de terrain mais pour rencontrer

8 aussi des représentants du HVO et de l'ABiH avec lesquels j'allais

9 travailler pendant six mois.

10 Q. Mon Général, serait-il exact de dire, qu'à ce moment-là, au moment où

11 vous avez pris le commandement du BritBat le 11 mai 1993, vous étiez, tout

12 à fait, au courant déjà de la situation militaire qui prévalait dans la

13 zone de responsabilité du BritBat.

14 R. Oui, c'est, tout à fait, vrai. J'ai passé énormément de temps,

15 c'étaient des longues journées, ces six journées. On partait à l'aube, on

16 rentrait la nuit tard. Il y a eu des discussions par la suite sur les

17 choses que j'avais vues, que j'avais observées pendant la journée.

18 Q. Vous l'avez déjà dit mais aux fins de compte rendu d'audience pourriez-

19 vous dire aux Juges où se trouvait exactement votre base de commandement et

20 de cantonnement en tant que commandant du BritBat ?

21 R. J'étais basé à l'école de Nova Bila. Manifestement, c'était une école

22 locale auparavant, mais c'est là que j'avais mon QG avec deux compagnies

23 qui y étaient cantonnées. Un peu plus en contrebas, nous avions ce qu'on a

24 appelé le garage, vers Vitez. C'est là que se trouvait mon échelon, celui

25 qui était responsable du soutien et du réapprovisionnement du bataillon.

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1 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce qu'il en est de la voie hiérarchique de

2 la chaîne de commandement au sein du BritBat. Comment était organisée toute

3 cette opération ?

4 R. Nous avons maintenu notre chaîne de commandement habituel. J'étais

5 censé rendre compte directement à la FORPRONU, à Kiseljak. C'est

6 inhabituel, dans l'armée britannique, d'aller directement du bataillon à

7 l'échelon qui est, en fait, l'état-major supérieur. La FORPRONU avait toute

8 une série de bataillons de par la Bosnie à ce moment-là, et chaque

9 bataillon avait sa zone. Je crois que la tâche était commune à tous. Il

10 fallait fournir de l'aide. Cette structure de commandement, je recevais mes

11 instructions de Kiseljak, cela m'arrivait à moi, et je donnais mes ordres

12 aux commandants de compagnie qui avaient pour responsabilité d'organiser

13 les patrouilles à l'échelon inférieur.

14 Q. Vous avez déjà effleuré la question, mais pourriez-vous rapidement, en

15 quelques mots, nous dire quelle était la vocation de votre mission en

16 Bosnie ?

17 R. J'avais pour mission de créer des conditions propices à la distribution

18 de l'aide vers ma zone de responsabilité et pour l'aide qui passait par

19 cette zone. J'ai essayé d'avoir des conditions de mission très simples.

20 Pourquoi ? Parce qu'il était capital que chaque soldat que j'avais sous mon

21 commandement comprenne la nature de la mission. Parce que nous avions une

22 répartition très large sur le plan géographique, il était important de

23 pouvoir prendre des décisions si on avait plus le contact. La règle,

24 c'était que, si j'ai pour vocation d'aider mes officiers de commandement

25 dans leur mission, je peux le faire, mais c'est ce que je suis sur le point

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1 de faire, ne pas les aider, je ne vais pas le faire.

2 Q. Mon Général, parlez-nous des éléments essentiels, des clés du succès de

3 votre mission.

4 R. A mes yeux, pour garantir le succès de ma mission, il fallait que je

5 sache précisément ce qui se passait dans ma zone. J'ai mis en place un

6 système de recueil d'information sur toute ma zone qui se basait sur

7 plusieurs échelons. Le premier échelon, c'était moi-même, en tant

8 qu'officier de commandement, parce que j'étais l'officier supérieur du

9 bataillon. Je parlais directement aux commandants supérieurs de l'ABiH et

10 du HVO. Il fallait qu'on sache que je leur parlais directement parce que

11 c'était des gens qui avaient beaucoup d'influence. C'est ce que j'appelle

12 le premier niveau pour le recueil d'information.

13 En deçà, j'avais mes commandants de compagnie qui avaient la

14 responsabilité des différents secteurs de ma zone de responsabilité et

15 chacun avait comme homologue les commandants de brigades du HVO et de

16 l'ABiH. Cela, c'est le deuxième échelon.

17 Troisième échelon, j'avais huit ou neuf jeunes capitaines déployés

18 vers des formations spécifiques pour ces deux armées en place ou par zone.

19 Cela, c'était le troisième échelon de recueil d'information.

20 Le quatrième était réalisé par les patrouilles sur le terrain qui

21 étaient en Land Rovers ou en Warrior, ces véhicules blindés. Ces

22 patrouilles recueillaient, elles aussi, des renseignements.

23 Tout ceci était ramené à la cellule d'information militaire à Vitez

24 et cela était regroupé, si vous le voulez, par mon officier militaire qui

25 avait pour responsabilité de rassembler ces informations, à sortir

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1 éventuellement des commentaires sur ce qui lui semblait nécessaire, ce qui

2 me permettait d'avoir un tableau complet de ce qui se passait dans ma zone

3 afin d'influer sur les événements et de veiller à ce que l'aide soit bien

4 fournie, que ma mission soit accomplie et essayer de prévenir tout problème

5 dans la mesure du possible.

6 Q. Mon Général, serait-il exact de dire que vous aviez, en fait, tout un

7 système complet de recueil de renseignements, lequel couvrait tous les

8 volets militaires de votre zone de responsabilité, de celle du BritBat ?

9 R. Ce serait exact de le dire, mais j'ajouterais aussi que j'avais des

10 rapports, des relations avec le Haut-commissariat aux Réfugiés, également.

11 J'étais branché, si vous voulez, sur les dignitaires locaux, les maires des

12 villes. J'ai essayé de recueillir la moindre once d'information qu'il était

13 possible d'avoir.

14 Q. Ce système de recueil de renseignements que vous venez de décrire de

15 façon très détaillée, est-ce qu'il était déjà en place à votre arrivée en

16 Bosnie centrale, au mois de mai 1993 ?

17 R. Une partie était déjà en place, surtout le camp des jeunes capitaines.

18 Je ne pense pas que mon prédécesseur ait fait une définition tout à fait

19 formelle. Je vais vous expliquer pourquoi j'avais pris cette décision de

20 concevoir ce système. C'était pour empêcher que d'autres personnes qui

21 allaient peut-être venir dans ma zone, des gens des Nations Unies qui

22 bouleversent, si vous voulez les choses. Je leur ai dit : "Ne venez pas

23 bouleverser les choses."

24 Je vais vous donner, si vous me le permettez, un exemple. Il m'est

25 arrivé de découvrir que trois agences différentes avaient fait une visite

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1 des prisons de Zenica. Ils venaient des Nations Unies. C'était ridicule.

2 Cela bouleversait le fonctionnement des choses. Avec ce système, je pouvais

3 m'assurer que la personne juste parle à la bonne personne.

4 Q. Est-ce que ceci permet de dire que c'était un système très efficace de

5 recueil d'informations ?

6 R. Je crois, qu'effectivement, c'était un système très efficace.

7 Q. Dès votre arrivée, est-ce que vous avez mis en œuvre ce système de

8 recueil d'informations que vous venez de décrire ?

9 R. Oui. Nous en avions discuté en Allemagne déjà. Après mes missions de

10 reconnaissance avec mes commandants de compagnie, nous avons mis ce système

11 au point connaissant le terrain et les problèmes qui s'y trouvaient.

12 Q. Ce système, est-ce qu'il est resté en place pendant toute la durée des

13 six mois de votre mission dans la zone ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous étiez officier commandant du BritBat, est-ce que vous avez été

16 satisfait des résultats obtenus par ce système de recueil de

17 renseignements ?

18 R. J'étais convaincu que le système me donnait la meilleure connaissance

19 possible de ce qui se passait et j'en étais très satisfait.

20 Q. Pendant que vous étiez officier commandant le BritBat, est-ce que vous

21 aviez un système de réunion quotidienne ?

22 R. A 18 heures, tous les soirs, nous nous rencontrions. Les officiers de

23 liaison, ces jeunes capitaines que j'avais dépêché sur le terrain, les

24 commandants de compagnie, les officiers recueillant les renseignements,

25 tout le monde se retrouvait dans la salle de conférence, et nous avions un

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1 compte rendu complet des activités de la journée, à tous les niveaux.

2 J'expliquais ce que j'avais fait au deuxième échelon, troisième ou

3 quatrième, tout le monde relatait ce qui s'était passé dans sa zone

4 respective. Ceci permettait à chacun de savoir ce qui se passait. Il est

5 certain que tout le monde ne pouvait pas être présent. Il arrivait que les

6 gens soient ailleurs. A la suite de cette réunion, nous avions un rapport

7 officiel de la journée, le milinfosum, résumé de l'information militaire.

8 Ceci était rédigé tous les jours. C'était un document officiel qui était

9 envoyé à toutes les agences, à tous les services des Nations Unies et aussi

10 à nos bataillons frères dans le système des Nations Unies. Tout le monde

11 savait ce qui s'était passé ce jour-là, savait également les mesures que

12 nous avions prises, et avait une idée des plans, des projets que j'avais

13 pour l'avenir.

14 Q. Qui, à l'époque, avait la responsabilité de la rédaction de ces

15 milinfosums ?

16 R. Mon bataillon en Allemagne. J'avais un officier de renseignements qui

17 avait été formé au Royaume-Uni. C'était un homme, un jeune capitaine, Simon

18 Harrison, très capable, très compétent. Je savais que c'était l'homme qu'il

19 me fallait pour être à la tête de cette organisation. C'est lui qui était

20 le chef de cette cellule de renseignements militaires et rassemblait tous

21 les renseignements.

22 Q. Le capitaine Simon Harrison, est-ce que c'était un homme de carrière,

23 un officier de renseignements formé et aguerri ?

24 R. Oui. Il avait suivi ce cours qui est réservé à tous les officiers de

25 renseignements au Royaume-Uni. Il travaillait dans mon groupe depuis 18

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1 mois. Il savait très bien comment je travaillais. On était une très bonne

2 équipe.

3 Q. Que pensez-vous, mon Général, tout d'abord des compétences du capitaine

4 Simon Harrison et que pensez-vous également de la qualité de l'analyse

5 qu'il a livrée ?

6 R. C'était un homme très intelligent, un officier très compétent.

7 Malheureusement, il a quitté l'armée. Il fait des choses bien plus

8 intéressantes pour lui dans le monde civil. Vraiment, il avait un pouvoir,

9 une capacité d'analyse énorme. C'était un cerveau extraordinaire. Il

10 pouvait se souvenir du moindre détail et remonter la chaîne des événements

11 pour faire une analyse que j'ai trouvé parfaitement utile.

12 Q. Je crois comprendre, mon Général, que les renseignements qui se

13 partageaient au moment de ces réunions de 18 heures, tout ceci s'est

14 répercuté dans le milinfosum. Est-ce qu'il y a d'autres événements qui ont

15 été incorporés dans ce résumé de renseignements militaires quotidien ?

16 R. Il y avait deux parties dans ce milinfosum. D'abord, il y avait les

17 faits qui étaient esquissés, et sous la rubrique "Commentaires", vous aviez

18 soit mon analyse, mon avis ou celle du capitaine de Simon Harrison. Nous

19 avions les faits mais nous avons formé un avis qui se fondait sur les

20 faits, mais qui ne reprenait que les faits eux-mêmes.

21 Q. Quel était l'objectif poursuivi par ce milinfosum ? Qui était censé le

22 lire ?

23 R. Tout le monde était censé, tôt ou tard, le lire, le lendemain matin,

24 s'ils arrivaient au bureau. Mais c'était l'idée suivante, il s'agissait

25 d'avoir une très bonne connaissance de ce qui se passait dans mon zone de

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1 commandant et tout le monde devrait être au courant. Je pensais qu'il était

2 très important que le tout monde sache ce que nous faisions, échecs et

3 réussites. Nous devions transmettre des renseignements.

4 Q. Qui étaient les destinataires de ces résumés ? A qui ont-ils été

5 distribués ?

6 R. A tous les niveaux de mon commandant. Je vous ai parlé de ces

7 commandants, de ces capitaines. Ils auraient été envoyés dans les groupes

8 de combat, aux autres bataillons, notamment, le Bataillon canadien et ces

9 rapports ont été envoyés au QG de la FORPRONU à Kiseljak. Une dernière

10 copie était envoyée au ministère de la Défense britannique.

11 Q. Est-ce que les factions belligérantes étaient mises au courant du

12 contenu de ces milinfosums ?

13 R. En fait, c'étaient les objets de ces milinfosums. Ils savaient sans

14 doute ce qu'il y avait dedans. Nous n'avions pas coutume de communiquer le

15 contenu de ces résumés, surtout à cause des commentaires parce que c'était

16 notre avis, ce n'étaient pas les faits qui étaient consignés. Cela n'aurait

17 pas été correct, parfois, de les communiquer.

18 Q. Je vais terminer ce volet de mon interrogatoire par la question

19 suivante : ces renseignements qui étaient contenus dans les milinfosums,

20 est-ce que c'étaient des renseignements digne de foi, fiables ?

21 R. Oui, à mon avis, oui.

22 Q. Passons, si vous le voulez bien à un autre sujet, à savoir, la

23 situation militaire qui prévalait dans le 3e Corps d'armée, et plus

24 exactement, dans la zone de responsabilité du 3e Corps d'armée de l'ABiH.

25 Je pense surtout au conflit qui a opposé le HVO et l'ABiH. Première

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1 question : quelle était, géographiquement parlant, la zone de

2 responsabilité du BritBat ?

3 R. Cela partait de la vallée de la Lasva, à partir de Travnik, un peu à

4 l'ouest de Travnik, là où se trouvaient les Serbes. Là, il y avait la ligne

5 de front avec les Serbes et cela couvrait toute la vallée jusqu'au passage

6 de Zenica. Cela allait jusqu'à Kiseljak, et vers le nord, cela englobait

7 Zenica et au-delà, nous avions une route qui allait au nord vers Tuzla.

8 C'était jusqu'à l'échangeur de Tuzla, de l'ouest, nous avions une route qui

9 partait de Travnik jusqu'à Gornji Vakuf où était passé ma dernière

10 compagnie et je pense que nous allions jusqu'à Romboci. Je pense que c'est

11 une sorte de lac un peu plus bas sur la carte.

12 Q. Est-ce qu'il y avait un chevauchement entre la zone de responsabilité

13 du 3e Corps de l'ABiH et celle du BritBat et si cela s'est fait dans quelle

14 mesure ?

15 R. Il y avait énormément de chevauchement, de recoupement entre les zones

16 de responsabilité respectives surtout à Travnik et Zenica. Comment dire,

17 leurs forces, leurs effectifs et aussi à Gornji Vakuf leurs effectifs se

18 trouvaient autour de la vallée de la Lasva.

19 Q. Pourriez-vous informer les Juges de la situation militaire qui se

20 présentait dans la zone de responsabilité du 3e Corps d'armée de l'ABiH au

21 moment de votre arrivée en mai 1993 à Vitez ?

22 R. A mon arrivée, je pense qu'Ahmici venait de se produire dix ou quinze

23 jours auparavant. Plusieurs Musulmans avaient été tués et il était

24 pratiquement certain que c'était des effectifs du HVO qui en étaient

25 responsables. Il y avait un équilibre fragile entre le HVO et l'ABiH dans

Page 7269

1 la vallée Lasva et ceux-ci étaient menacés, en train de s'effondrer. Je

2 pense qu'on pouvait dire qu'à ce moment-là, le HVO s'était deux

3 partenaires, le partenaire dominant. Mais cela avait commencé à changer, à

4 basculer. L'ABiH était tout à fait en émoi parce qu'elle avait le sentiment

5 que son allié l'avait laissé tomber. Ils avaient très bien œuvré ensemble

6 contre les Serbes mais il y avait une fracture qui s'était opérée et ceux-

7 ci commençaient à démanteler ce rapport de force qui existait entre eux.

8 Q. Vous disiez, mon Général, que tout d'abord c'était le HVO qui était la

9 force militaire dominante et que c'est plus tard que la situation a changé.

10 Serait-il exact de dire qu'à un moment donné, l'ABiH, et son 3e Corps, est

11 devenue, en fait, la force militaire dominante ?

12 R. Oui, je pense que ce serait exact de le dire dans la mesure où au cours

13 des six mois de ma mission, il y a eu une avancée progressive mais continue

14 du 3e Corps et à la fin de ma mission, le 3e Corps était devenu si vous

15 voulez le partenaire dominant dans cette situation.

16 Q. Vous parlez de force militaire dominante, qu'est-ce que vous voulez

17 dire par là ? Qu'est-ce que vous entendez par force dominante ?

18 R. Ce que j'implique par là, c'est qu'ils ont en langage courant, c'est

19 eux déterminaient la cadence qui était le moteur derrière les événements

20 quand je suis arrivé. Le HVO se sentait tout à fait confiant et c'était

21 plutôt l'ABiH qui se sentait sous pression. Mais au moment où je suis

22 parti, c'était l'inverse, c'était le HVO qui avait perdu toute sa confiance

23 alors que c'était l'ABiH qui était tout à fait capable et confiante.

24 Q. Pourriez-vous dire aux Juges pour autant que vous puissiez le dire à

25 quel moment ce changement est intervenu ?

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1 R. Difficile de faire cette analyse parce que cela s'est échelonné sur une

2 certaine période de temps mais je dirais que cela a été précipité par les

3 événements d'Ahmici et l'ABiH a, effectivement, pris le contrôle de la zone

4 de Travnik. Je ne me rappelle pas comme cela, à brûle pourpoint, à quel

5 moment c'était exactement. Je pense que c'est, à ce moment-là, que le

6 rapport de force à commencer à changer, à se déplacer.

7 Q. Mais quels sont les faits qui vous ont poussé à conclure que l'ABiH

8 était devenue la force militaire dominante ?

9 R. Les faits qui m'ont poussé à cette conclusion sont les suivantes.

10 Plusieurs brigades ont été déplacées dans la zone de Zenica par l'armée

11 afin de mener des opérations d'offensive qui se sont déroulées dans la zone

12 de Travnik et elles étaient conjuguées à des activités ultérieures à Gornji

13 Vakuf. Je veux vous dire ceci au fond, finalement l'ABiH s'est concentrée

14 sur un gain supplémentaire de territoire pour chasser, si vous voulez, de

15 ce territoire les forces du HVO.

16 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

17 Juges, si vous me l'autorisez, je voudrais que soit présenté au témoin un

18 exemplaire de la pièce à conviction P225. Cette pièce P225 s'est le

19 milinfosum portant la date du 8 juin 1993.

20 En général, veuillez vous rapporter à la première page du rapport et, plus

21 précisément, au point 2. Il est dit ceci : "L'offensive de l'ABiH à

22 laquelle on s'attendait à commencer, plusieurs villages sont mentionnés,

23 Guca Gora, Brajkovici, Grahovcici, Bukovica, Radonjici et Maljine, ont dit

24 que ces lieux ont été capturés par l'ABiH." Cette mention qu'on trouve dans

25 le milinfosum, est-ce le reflet de ce que vous venez de dire et de décrire

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1 à savoir que l'ABiH est devenue la force plus dominante dans la zone de

2 responsabilité du 3e Corps ?

3 R. Tout à fait exact. Avant -- il y avait avancé capture de plusieurs

4 villes et villages, c'est la preuve tangible de ce changement.

5 Q. Je crois, bien sûr, comprendre que c'est un produit par le brûle

6 [imperceptible] peuple, pendant que vous étiez à Vitez ?

7 R. Tout à fait vrai.

8 M. WITHOPF : [interprétation] Je n'ai plus besoin de cette pièce. Madame

9 l'Huissière, veuillez la reprendre.

10 Q. Mon Général, comment décririez-vous le matériel militaire ou plutôt

11 d'après vous quelles sont les forces militaires qui étaient les plus

12 puissantes pour ce qui est du matériel militaire ?

13 R. Si vous me le permettez, je préférerais vous répondre d'une différente

14 façon, de façon beaucoup [imperceptible], sans parler directement du

15 matériel militaire. Je préférerais parler des capacités de chaque force,

16 c'était très différent. Je pense que le HVO avait moins de soldats, mais

17 avait un matériel plus sophistiqué je pense à l'artillerie et avait plus de

18 capacité d'artillerie. Plus au sud, c'est certain que le HVO avait accès,

19 pouvait utiliser l'artillerie de l'armée croate, la HV de la Croatie

20 comment soutien de feu. De l'autre côté, vous aviez l'ABiH que beaucoup

21 plus de soldats, c'était une armée riche en hommes, mais pratiquement

22 dépourvue d'artillerie. Ils avaient quelques mortiers de 120 millimètres

23 tout au plus. Pour ce qui est du matériel, le HVO était mieux équipé avec

24 moins de soldats cependant alors que l'ABiH, elle, n'était pas si bien

25 dotée en matériel, mais avait beaucoup plus de soldats. Pour ce qui est du

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1 moral, c'est là un facteur très important. Je pensais que l'ABiH avait

2 beaucoup plus de résolutions, de détermination que le HVO et dans certains

3 cas était mieux formée.

4 Q. Mon Général, vous venez de nous dire que le 3e Corps du HVO avait plus

5 de soldats. Pouvez-vous nous dire que le 3e Corps de l'ABiH avait beaucoup

6 plus de soldats que le HVO pour ce qui est de l'effectif ?

7 R. C'est dans la vallée de la Lasva certainement, c'est exact.

8 Q. Puisque nous parlons de la zone de la vallée de la Lasva, je suppose

9 que cela inclut également Travnik, la zone de Travnik et de Zenica ?

10 R. Oui.

11 Q. Lorsque vous étiez au QG à Vitez, avez-vous appris que des réfugiés

12 musulmans sont arrivés dans la zone du 3e Corps ?

13 R. Oui, parce qu'à certaines occasions, nous avons -- nous nous sommes

14 déployés dans la zone de Travnik et de Turbe, dans l'ouest de la vallée de

15 Lasva, et nous avons établi, en quelques sortes, les conditions, permettant

16 aux réfugiés, qui avaient été expulsés de la zone de Banja Luka, des

17 Musulmans, de passer à travers les lignes de front. Il y avait un certain

18 nombre de centre de réfugiés à Travnik, et je sais que les gens arrivaient.

19 Q. Parmi les réfugiés, est-ce qu'il y avait des hommes en âge de

20 combattre ?

21 R. Oui.

22 Q. Qu'est-ce qu'on le considère comme un homme en âge de combattre ?

23 R. Il est assez difficile de mettre des chiffres -- de vous donner des

24 chiffres exacts, mais, si vous êtes -- si vous pouvez porter un fusil, et

25 si vous êtes motivé et, surtout, si vous avez la formule physique, vous

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1 êtes considéré comme en état de combattre.

2 Q. Très bien. Est-ce que les réfugiés musulmans, qui étaient en âge de

3 porter les armes -- est-ce qu'à votre connaissance, ils ont été intégrés

4 aux Unités militaire du 3e Corps de l'ABiH ?

5 R. Je pense que cela fut le cas. Je pense, notamment, si ma mémoire ne

6 m'abuse, à la Brigade de Krajina à Travnik, où il y avait un certain nombre

7 de personnes qui avaient été expulsées justement de la Krajina et qui, en

8 fait, avaient formé une brigade là.

9 Q. Du point de vue militaire, est-ce que cela est logique d'intégrer des

10 réfugiés dans des unités militaires ?

11 R. Intégrer des réfugiés qui ont été chassés de leur domicile et qui ont

12 vu dans certains cas leur famille tuée, c'est tout à fait raisonnable et

13 légitime, il me semble. Cela vous donne une force qui est particulièrement

14 motivée.

15 Q. Mon Général, quelle fut votre impression du professionnalisme du 3e

16 Corps de l'ABiH ? En fait, je ne parle que de la chose suivante :

17 j'aimerais savoir si vous avez appris si le 3e Corps de l'ABiH avait

18 intégré en son sein des anciens officiers de la JNA.

19 R. Je sais qu'il y avait un certain nombre d'ex-officiers de la JNA qui

20 avaient été intégrés dans le 3e Corps et je sais qu'un certain nombre de

21 soldats du 3e Corps -- à [imperceptible], d'ailleurs, des soldats du HVO

22 avaient fait leur service militaire pendant quelques semaines ou même

23 quelques mois. Il y avait quand même certaines connaissances au sein et

24 compétences militaires au sein de ce corps.

25 Q. Le fait que les anciens soldats de la JNA avaient des compétences

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1 militaires, quel fût l'impact de cela sur la discipline qui régnait au sein

2 des Unités du 3e Corps de l'ABiH ?

3 R. Je pense que le 3e Corps voulait véritablement former une armée qui

4 opérait souvent les normes les plus élevées. De toute évidence, il fallait

5 admettre que leur matériel était médiocre, que leurs uniformes également,

6 mais cela n'est pas important dans une armée. Ce qui est important, c'est

7 la façon dont l'armée est structurée, organisée et entraînée. Partout où je

8 me rendais, je voyais des personnes qui étaient, effectivement, organisées,

9 structurées et entraînées. Je sais qu'il y a un certain nombre de documents

10 qui ont été publiés pour aider les soldats. Ils avaient, en fait, mis au

11 point un petit manuel du soldat qui était destiné à l'entraînement.

12 Q. Poursuivons, mon Général, nous allons passer au sujet suivant, à

13 savoir, la cadence opérationnelle. Comment pourriez-vous décrire, mon

14 Général, la cadence ou le rythme opérationnel qui prévalait dans la zone de

15 responsabilité du 3e Corps de l'ABiH, et ce pendant la période de votre

16 déploiement en Bosnie centrale, à savoir, de mai 1993 à novembre 1993 ?

17 R. La cadence ou le rythme opérationnel est un terme qui est utilisé pour

18 décrire le rythme des activités, au sein d'une organisation militaire. Je

19 vous dirais que, pendant cette période, l'ABiH planifiait, je pense, de

20 façon très circonspecte, et, ensuite, procéder à des opérations. Il

21 s'agissait, en fait, de consolider et de planifier pour la phase suivante.

22 Ils le faisaient parce qu'ils n'avaient forcément de bon système de

23 ravitaillement. Il s'agissait d'attaquer, de se déployer et, ensuite, de

24 marquer un arrêt, de consolider de ce qu'ils avaient obtenu et, ensuite,

25 d'envisager la phase suivante qui, d'ailleurs, était probablement également

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1 planifiée dans leur cadre plus général et, ensuite, attaquer et se déployer

2 à nouveau. Il y avait des périodes d'activités très intenses, qui étaient

3 suivies par des périodes d'accalmie, et, pendant ce temps-là, pendant ces

4 accalmies, ils essayaient, en fait, de consolider ce qu'ils avaient acquis.

5 Aucun commandant n'agissait, de façon très, très rapide, et ce en continue

6 parce que, sinon, ils n'avaient plus le soutien logistique, leur

7 ravitaillement.

8 Q. Les accalmies, que vous venez de mentionner, se sont passées plusieurs

9 fois entre des périodes d'activités militaires ?

10 R. Oui. C'est ce qui se passe normalement entre chaque action militaire.

11 Cela donne la possibilité aux personnes de récupérer, d'obtenir de nouveaux

12 soldats, de faire en sorte de s'occuper des blessés, et également de

13 planifier la phase suivante.

14 Q. Ce genre d'accalmies et de pauses entre les différentes opérations

15 militaires, est-ce que ces pauses étaient assez longues et assez fréquentes

16 pour permettre au commandant du 3e Corps, à savoir, le général

17 Hadzihasanovic, de régler les questions militaires, le cas échéant ?

18 R. Oui. Je pense qu'il avait le temps de le faire et, de toute façon, dans

19 toute armée c'est quelque chose que l'on souhaite faire.

20 Q. Le fait d'avoir ces accalmies et ces interruptions entre les opérations

21 militaires, est-ce que ces accalmies étaient assez longues pour permettre

22 au général Hadzihasanovic, le commandant du 3e Corps, de tenir compte de

23 ces obligations juridiques, de mener à bien des enquêtes, de diligenter des

24 enquêtes ou de prendre des mesures en cas d'allégation de crimes,

25 d'infractions ou de crimes de guerre.

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1 R. Je pense qu'il avait suffisamment le temps de le faire parce que les

2 périodes d'activités sont beaucoup moins longues que les périodes

3 d'accalmies. Vous avez, en terme militaire, deux ou trois jours d'activités

4 et, ensuite, cela est suivi par une période d'accalmie qui est plus longue.

5 Q. Général, je vais passer au thème suivant, à savoir, le thème de vos

6 contacts directs avec le général Hadzihasanovic. Avez-vous eu des contacts

7 directs avec le général Hadzihasanovic ?

8 R. Oui. Je l'ai rencontré avant que je n'assure -- que je prenne mes

9 fonctions au sein du BritBat en tant que commandant et, à maintes reprises,

10 au cours de cette période de six mois, il s'agissait de réunions qui

11 avaient lieu avec mes aides de camps et, normalement, cela se faisait au

12 niveau de son QG à Zenica.

13 Q. Vous avez dit que vous avez eu un certain nombre de réunions. Pourriez-

14 vous être un peu plus concret à l'intention de la Chambre de première

15 instance et pourriez-vous nous dire, grosso modo, combien de fois vous avez

16 rencontré le général Hadzihasanovic ?

17 R. Je dirais entre 18 et 20 fois, pendant cette période de six mois,

18 disons que je l'ai rencontré deux ou trois fois par mois. Cela dépendait

19 des événements. Cela dépendait si je m'absentais ou s'il s'absentait, mais

20 nous essayons d'avoir ces réunions convoquées régulièrement.

21 Q. Est-ce que le général Hadzihasanovic était votre contact principal au

22 sein de l'armée -- du 3e Corps de l'ABiH ?

23 R. Oui. En fait, il était mon contact principal en tant qu'officier chargé

24 du commandement.

25 Q. Vous avez déjà indiqué mon Général, que les réunions se tenaient

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1 régulièrement au niveau du QG du 3e Corps à Zenica. Qui était la personne

2 qui demandait ces réunions ?

3 R. Cela se faisait des deux côtés. Parfois, c'est moi qui demandais les

4 réunions et à d'autres reprises ce fut le général ou le colonel

5 Hadzihasanovic qui le faisait.

6 Q. Quel était l'objet des discussions lors de ces réunions ? Quels étaient

7 les objectifs de la réunion ?

8 R. Les objectifs de ces réunions consistaient à discuter avec le général

9 Hadzihasanovic de la situation et nous parlions, en règle générale, de la

10 situation politique et, ensuite, de façon plus précise, nous abordions les

11 aspects militaires avec ce qui se passait sur le terrain du point de vue du

12 HVO et du point de vue l'ABiH, et nous parlions de tous problèmes qui se

13 produisaient. Je pense, par exemple, à la capture de prisonniers, à

14 l'échange de prisonniers, à des secteurs qui représentaient des problèmes,

15 par exemple, des axes routiers que l'on ne pouvait pas emprunter parce

16 qu'il y avait des barrages et, lorsque je devais livrer l'aide, cela était

17 un problème. Nous parlions de toutes choses qui exigeaient une solution.

18 Q. Je pense que vous en avez déjà parlé. Mais est-ce que quelqu'un d'autre

19 assistait avec vous dans la réunion que vous auriez eue avec le général

20 Hadzihasanovic ?

21 R. Je prenais l'officier Burton qui était mon garde du corps. Il y avait

22 également le capitaine qui était assigné au général Hadzihasanovic et mon

23 officier chargé du renseignement militaire, le capitaine Simon Harrison,

24 dont j'ai parlé déjà auparavant.

25 Q. Qui était le capitaine qui a été assigné au général Hadzihasanovic ?

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1 R. Je pense qu'au départ, il s'agit du capitaine Cameron Kiggell pour la

2 première partie de mon affectation. Ensuite, il fut remplacé par le

3 capitaine Andrew Jackson pour la deuxième partie.

4 Q. Lorsque vous aviez ces réunions, puisque vous nous avez parlé de

5 quelque 18 à 20 réunions que vous avez eues pendant votre période

6 d'affectation de six mois en Bosnie centrale, combien de temps duraient les

7 réunions ? Est-ce qu'il y avait des pressions qui étaient exercées pour ce

8 qui est de la durée de ces réunions ?

9 R. Non, absolument pas. Les réunions duraient le temps nécessaire. Lorsque

10 nous avions épuisé tous les sujets de discussion, nous mettions un terme à

11 la réunion.

12 Q. Vous avez déjà indiqué, Général, qu'un officier de liaison avait été

13 attribué ou assigné au général Hadzihasanovic. Est-ce qu'à un moment donné,

14 il y a eu un problème ou des problèmes avec cet officier de liaison ? Est-

15 ce qu'à un moment donné, le général Hadzihasanovic a indiqué qu'il n'était

16 pas satisfait de l'officier de liaison ?

17 R. Je pense qu'au début, il a indiqué qu'il était extrêmement utile

18 d'avoir un contact direct avec le Bataillon britannique par l'entremise

19 d'un officier de liaison. Au fil du temps, il s'est rendu compte qu'il y

20 avait des officiers de liaison déployés dans plusieurs endroits et au sein

21 de plusieurs brigades. Je pense qu'il a été moins satisfait de sa

22 situation, parce qu'il s'est rendu compte que nous étions en train d'avoir

23 une bonne vision d'ensemble de ce que faisait son armée. A un moment donné,

24 il a demandé que je retire les officiers de liaison de ses brigades; ce que

25 j'ai fait. Je les ai ensuite réassignés, réaffectés pour que ces officiers

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1 reviennent dans les zones en question, par opposition aux brigades. Je dois

2 dire qu'il y a eu un peu un jeu du chat et de la souris pendant un moment,

3 puisque je voulais obtenir des informations de la part de mes officiers de

4 liaison. Je pense qu'il ne voulait pas que ces informations soient

5 fournies.

6 Q. Si je vous comprends bien, mon Général, vous avez joué à ce petit jeu

7 du chat et de la souris. Vous avez toutefois continué à recevoir le même

8 type d'information tout à fait fiable comme avant le changement

9 d'affectation ?

10 R. Oui.

11 Q. Savez-vous quelle était la carrière militaire au sein de la JNA pour le

12 général Hadzihasanovic ?

13 R. Je savais que c'était un ancien officier de la JNA. Je pense qu'il

14 avait le grade de colonel. Ceci étant, hormis ces informations, je n'avais

15 pas d'autres renseignements.

16 Q. Vous l'avez rencontré à 18 ou à 20 reprises. Vous vous êtes trouvé dans

17 cette zone pendant six mois, mon Général, à l'époque. Quelle était

18 l'impression que vous avez dégagée à propos de la compétence, des aptitudes

19 et des capacités militaires du général Hadzihasanovic pour ce qui est de

20 l'exercice du commandement sur ses troupes au sein de la zone du 3e Corps

21 de l'ABiH ?

22 R. J'ai pensé qu'en tant qu'officier, le général Hadzihasanovic était

23 extrêmement intelligent et un commandant particulièrement compétent et

24 capable. Il avait à Zenica un QG qui était extrêmement bien organisé et

25 structuré avec un certain nombre de fonctions qui lui permettaient

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1 justement d'avoir cet exercice de commandement. Il avait les transmissions,

2 l'état-major. C'était son initiative, puisqu'il était le commandant. Il

3 était particulièrement calme et serein. C'était une personne qui

4 réfléchissait. Il ne prenait aucune mesure sans en considérer les

5 conséquences. J'avais un respect énorme pour lui en tant que commandant.

6 L'un des critères que nous utilisons au sein de l'armée britannique,

7 consiste, à savoir si quelqu'un est une personne véritablement sereine en

8 tant que commandant, si cette personne sait ce qu'elle veut faire, où elle

9 veut le faire et comment elle doit procéder. Je dirais que le colonel

10 Hadzihasanovic répondait à tous ces critères. C'était un officier

11 particulièrement compétent et capable.

12 Q. A l'époque, est-ce que le colonel Hadzihasanovic, d'après vous, pouvait

13 assurer parfaitement le contrôle de ses troupes ?

14 R. Tout à fait. Je pense qu'il dominait, maîtrisait parfaitement ses

15 subordonnés.

16 Q. A votre connaissance, est-ce qu'il vous paraissait nerveux ? Est-ce

17 qu'il était la proie de stress ?

18 R. Non, il ne m'a jamais apparu particulièrement nerveux. Je pense qu'il

19 était particulièrement calme.

20 Q. Pendant votre période d'affectation en Bosnie centrale, avez-vous

21 rencontré l'homologue du colonel Hadzihasanovic, à savoir, le colonel

22 Blaskic ?

23 R. Oui, tout à fait. Tout comme je m'entretenais avec le colonel

24 Hadzihasanovic, je m'entretenais également avec le colonel Blaskic.

25 Q. Comment pourriez-vous décrire les différences éventuelles entre

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1 Hadzihasanovic et le colonel Blaskic ?

2 R. Le colonel Blaskic m'a toujours donné l'impression d'être un homme

3 traqué. Il était très nerveux. C'était un officier compétent, certes, mais

4 pas un officier brillant, remarquable. Il était tout à fait capable de

5 répondre, de s'acquitter de ses fonctions et d'assurer l'exercice du

6 commandement de ses troupes, mais ce n'était pas un officier

7 particulièrement dynamique, bien qu'il soit tout à fait capable.

8 Q. Pour ce qui est de ce calme et de cette sérénité dont vous avez parlé,

9 est-ce qu'il y avait une différence avec le général Hadzihasanovic ?

10 R. Tout à fait. Au fil des six mois, Blaskic est devenu de plus en plus

11 perturbé et troublé.

12 Q. Puisque nous parlons de Hadzihasanovic, est-ce que le commandant

13 Hadzihasanovic, à votre connaissance, est-ce qu'il savait ce qui se passait

14 sur le terrain, à votre connaissance ?

15 R. Je pense qu'il avait établi un mécanisme très compétent et efficace

16 pour obtenir des renseignements. Il avait les communications pour ce faire.

17 Il était toujours, à chaque fois que je le rencontrais, tout à fait informé

18 de ce qui se passait sur le terrain. Nous parlions de choses et d'autres.

19 Lorsque j'abordais, par exemple, tel ou tel thème, il me disait : "Oui, je

20 suis au courant de la situation," et il marquait son accord ou ne marquait

21 pas son accord.

22 Q. Est-ce que Hadzihasanovic était informé de tous les détails auxquels on

23 s'attend à ce qu'un commandant de corps soit informé ?

24 R. C'est exactement ce à quoi je m'attendais; il était très bien informé.

25 Q. Vous avez déjà abordé brièvement le prochain thème que je souhaiterais

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1 aborder. Est-ce que pendant le temps ou vous avez été affecté en Bosnie

2 centrale, est-ce que le général Hadzihasanovic avait à sa disposition tout

3 l'effectif nécessaire pour assurer l'exercice du commandement du 3e Corps

4 de l'ABiH, tels que l'effectif pour la planification, le personnel

5 administratif, la police militaire et tout ce qui concernait les

6 transmissions ?

7 R. Oui. Comme je vous l'ai dit, il avait un QG très bien structuré avec

8 toutes les fonctions de planification. Il avait un adjoint particulièrement

9 compétent, le colonel Merdan, qui était son adjoint, qui était le

10 commandant en second. Il avait également tout un personnel administratif.

11 J'ai souvent vu des représentants de la police militaire qui avaient des

12 brodequins blancs, qui étaient déployés dans les rues ainsi qu'aux postes

13 de contrôle. Il avait le matériel pour la transmission. Je pense que ce qui

14 est important pour un commandant de corps, nous avions, par exemple, son

15 numéro de téléphone satellite ainsi qu'un numéro de télécopieur. Il avait

16 également tout un système de radio VHF [imperceptible], et du type

17 Motorola, C'est comme cela qu'il commandait à ses troupes. Au départ, nous

18 avions des téléphones, mais, malheureusement, ils ont été coupés par la

19 suite. Il avait un bon système de communication. Notamment, il avait la

20 possibilité de parler à Sarajevo et de parler à ses troupes, par exemple.

21 Lorsqu'un hélicoptère a atterri à Novi Travnik, par exemple, c'est une

22 information qu'il a obtenue très rapidement.

23 Q. Mon Général, vous venez de décrire le matériel de transmission efficace

24 dont disposait le 3e Corps, notamment, dont disposait le 3e Corps,

25 notamment, dont disposait le général Hadzihasanovic. Vous nous avez parlé

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1 de téléphone par satellite. Vous avez également fait état d'un télécopieur.

2 Est-ce qu'il s'agissait d'un télécopieur par satellite ?

3 R. Oui, il s'agissait d'un télécopieur par satellite. Il y avait également

4 le téléphone.

5 Q. Est-ce que ses numéros de télécopieur ou de téléphone vous ont été

6 fournis ?

7 R. Oui, oui, tout à fait. Ils nous ont été donnés, ils nous ont été donnés

8 directement. Ils n'ont absolument pas essayé de dissimuler cela. Pour

9 peaufiner ma description, je vous dirais que je savais qu'il y avait un

10 certain nombre de camions radio qui, auparavant, appartenaient à la JNA.

11 Nous les voyions de temps à autre.

12 Q. Pour ce qui est de ces numéros de télécopieurs et de téléphones par

13 satellite, vous souvenez-vous qui vous a fourni ces numéros et quand est-ce

14 que ces numéros vous ont été fournis ?

15 R. Très franchement, je ne m'en souviens pas. Je sais que nous avions les

16 numéros, parce qu'ils se trouvent dans mon journal de bord.

17 Q. Je sais que cela s'est passé il y a fort longtemps, mais est-ce que ces

18 numéros vous ont été donnés au début de votre mission ou à la fin de votre

19 mission ?

20 R. Au début de ma période d'affectation.

21 Q. Les aptitudes en matière de transmission et le matériel de transmission

22 que vous venez de nous décrire de façon assez détaillée, est-ce que ce

23 matériel de transmission, est-ce que ces aptitudes en matière de

24 transmission, est-ce que tout cela était à la hauteur des normes militaires

25 à l'époque ?

Page 7284

1 R. Le téléphone par satellite, de toute évidence, était très efficace. Il

2 y avait également les systèmes de transmission qui étaient VHF et HF qui

3 appartenaient auparavant à la JNA, étaient assez vieux, si on compare cela

4 aux normes occidentales, mais ils étaient sophistiqués, tout à fait fiables

5 et tout à fait efficaces. Les Motorola, à savoir, le matériel que l'on

6 pouvait tenir à la main, devaient avoir des transmetteurs sur les collines,

7 mais il fallait que ces transmetteurs soient branchés. Je pense d'ailleurs

8 que le HVO et l'ABiH utilisaient les mêmes transmetteurs sur les collines.

9 C'était le meilleur matériel dont ils disposaient à l'époque. Ce n'était

10 pas parfait, mais en termes de transmission et de communication, cela

11 donnait des résultats escomptés.

12 Q. Général, vous avez utilisé un certain nombre d'abréviations. Pourriez-

13 vous expliquer à la Chambre de première instance ce que signifie les sigles

14 que vous avez utilisés telle que transmission VHF ?

15 R. Je m'excuse. Pour ce qui est de VHF, cela signifie fréquence très

16 haute fréquence, et HF, haute fréquence; système de transmission très haute

17 fréquence et haute fréquence. Pour ce qui est de la très haute fréquence,

18 cela peut avoir une portée de quelque 10 à 15 kilomètres, mais la haute

19 fréquence peut être utilisée pour des portées beaucoup plus courtes, par

20 exemple, quelque centaines de kilomètres.

21 Q. Je vous remercie, mon Général. Cela nous est extrêmement utile.

22 J'aimerais savoir si, à votre connaissance, ces moyens de communication

23 sophistiqués ou moins sophistiqués ont été disponibles pour le général

24 Hadzihasanovic pendant toute votre période d'affectation en Bosnie

25 centrale ?

Page 7285

1 R. Oui.

2 M. WITHOPF : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait donner au témoin un

3 exemplaire de la pièce à conviction de l'Accusation P162.

4 Q. La pièce à conviction P62 [comme interprété] est une synthèse de

5 renseignements militaires, un milinfosum en date du

6 25 juin 1993. Mon Général, j'aimerais attirer votre attention sur la page 3

7 de ce milinfosum, plus précisément sur le paragraphe 4 qui commence par CO

8 1 PWO. Pourriez-vous dire ce que cela signifie ?

9 R. Oui, tout à fait. CO 1 PWO est le sigle qui représente l'officier de

10 commandement du 1er Bataillon, à savoir, il s'agit de moi-même. Il s'agit du

11 1er Bataillon du Prince-de-Galles, Bataillon du régiment de Yorkshire, il

12 s'agit de moi-même, commandant du Bataillon britannique.

13 Q. Dans ce passage, il s'agit d'une réunion entre vous-même et le

14 commandant du 3e Corps, le général Hadzihasanovic. Il est fait état du fait

15 qu'il était de très bonne humeur, qu'il avait de bonnes communications avec

16 la zone et ce, grâce à toute une série de stations de retransmission.

17 J'aimerais vous demander ce que signifie l'abréviation COMS dans la version

18 anglaise ?

19 R. Cela signifie communication.

20 Q. Ce qui est écrit dans ce paragraphe du milinfosum, est-ce que vous

21 considérez que cela reprend les informations que vous venez de fournir à la

22 Chambre de première instance ?

23 R. Oui.

24 Q. Je vous remercie, mon Général.

25 M. WITHOPF : [interprétation] J'aimerais que l'on reprenne la pièce à

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1 conviction au témoin.

2 Q. Ce matériel de transmission et ces aptitudes en matière de

3 transmission, pensez-vous qu'elles étaient suffisantes pour permettre à

4 Hadzihasanovic de compiler et collecter tous les renseignements qu'il

5 souhaitait avoir et dont il avait besoin en tant que commandant de corps ?

6 R. Je pense que cela lui a permis de collecter des renseignements en tant

7 que commandant de corps. Ce n'était pas la seule méthode qui lui permettait

8 d'obtenir des renseignements, car de toute évidence, il avait ses propres

9 officiers de liaison qui officiaient au sein de son corps et dans le cadre

10 de la chaîne de commandement de son corps. Bien qu'il ne s'agisse pas de

11 moyens de communication parfaits, je pense qu'ils étaient tout à fait

12 efficaces.

13 Q. Est-ce que ces moyens de transmission permettaient au général

14 Hadzihasanovic de recevoir et de collecter des informations et de les

15 transmettre au sein du 3e Corps et à l'extérieur du

16 3e Corps ? J'entends des renseignements qui émanaient d'autres corps et des

17 informations qui émanaient du commandement suprême à Sarajevo ?

18 R. Oui, tout à fait.

19 Q. Je pense que vous avez mentionné un peu plus tôt qu'il y avait

20 également des systèmes de communication portables qui étaient disponibles.

21 Pourriez-vous nous expliquer cela ?

22 R. Le matériel portable consistait en des radios qui, normalement, ont une

23 portée très, très courte de 4 à 5 kilomètres. Si vous avez un transmetteur

24 qui est placé sur une colline, vous pouvez ainsi reprendre le signal et

25 transmettre l'information beaucoup plus loin. Avec cet ensemble

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1 d'émetteurs, vous pouvez véritablement communiquer sur des distances très

2 longues.

3 Q. Je vous remercie, mon Général. Nous avons parlé de la communication et

4 de la transmission dans le contexte dont disposait le général

5 Hadzihasanovic à l'époque, compte tenu de l'état-major qui était à sa

6 disposition. J'aimerais revenir sur cet aspect de la question. En règle

7 générale, mon Général, est-ce que l'effectif, je pense au nombre

8 d'effectifs et aux compétences de cet effectif, est-ce que vous pensez que

9 cela lui permettait de s'acquitter parfaitement de sa tâche en tant que

10 commandant de corps ?

11 R. Je le pense. J'avancerais comme preuve une visite que j'ai faite, une

12 visite à Zenica, une visite au 3e Corps de Zenica. Parce que je me suis

13 rendu compte qu'il y avait des officiers d'état-major très industrieux et

14 très compétents. Même en l'absence du général, ils étaient tout à fait en

15 mesure de m'expliquer ce qui se passait. Cela n'a jamais été un problème.

16 Cela est tout à fait conforme à la personnalité du colonel Hadzihasanovic.

17 Il avait su recruter une équipe tout à fait compétente au sein de son QG.

18 Q. Mon Général, vous nous avez dit qu'il fallait être un bon officier pour

19 faire partie de son QG. Est-ce que cela signifie qu'à l'époque, le général

20 Hadzihasanovic a pu utiliser son personnel qui était un personnel

21 compétent ?

22 R. Oui, je pense que son personnel était compétent. C'était un chef

23 naturel en quelque sorte. Il était extrêmement respecté par son état-major,

24 par toutes les personnes qui étaient déployées sur le terrain. C'était un

25 meneur d'hommes. Je pense qu'il était un commandant tout à fait compétent

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1 et tout à fait capable.

2 Q. Vous avez déjà mentionné le nom du général Merdan à l'époque. Qui était

3 Dzemal Merdan, et quelles étaient ses fonctions ?

4 R. On ne me l'a jamais décrit. Je pense qu'il était le commandant adjoint

5 du 3e Corps. Je pense que ses fonctions consistaient, non seulement à

6 remplacer le colonel Hadzihasanovic en cas d'absence, mais également à

7 s'occuper de communication, de logistique et de ce genre de choses. Quelles

8 étaient les relations entre Merdan et le colonel Hadzihasanovic ?

9 R. Du point de vue professionnel, ils étaient très proches l'un de

10 l'autre. Je pense que, pour ce qui est du commandement, le général

11 Hadzihasanovic était un commandant dynamique, et

12 Dzemal Merdan était très, très, très loyal. C'était le commandant en second

13 très compétent qui s'occupait des choses au nom de son commandant.

14 D'ailleurs, je ne pense pas qu'il aurait fait un très bon commandant.

15 C'était le numéro 2 et, en tant que numéro 2, il était très, très loyal.

16 Q. Vous nous avez dit que Dzemal Merdan n'aurait pas fait un bon

17 commandant. Comment est-ce que vous l'avez perçu en tant que

18 professionnel ?

19 R. C'était un officier professionnel très, très compétent. Il savait

20 parfaitement comment faire son travail. Lorsque je dis qu'il n'avait pas

21 les capacités de commandement, je le compare à quelqu'un qui était

22 excellent. C'était une très bonne équipe.

23 Q. Manifestement, vous comparez Merdan à Hadzihasanovic, qui, lui, était

24 excellent ?

25 R. Tout à fait.

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1 Q. Dzemal Merdan était le second de Hadzihasanovic. En tant que tel, est-

2 ce qu'il était informé de ce qui se passait sur le terrain ?

3 R. Oui. Il m'est arrivé d'appeler quand Hadzihasanovic n'était pas là,

4 mais j'avais un descriptif complet de la part du général Merdan de ce qui

5 se passait. A plusieurs reprises, il a été dépêché sur le terrain pour

6 régler tel ou tel problème ou pour découvrir ce qui se passait. Il lui est

7 arrivé de se trouver sur le terrain à recueillir des renseignements.

8 Q. D'après ce que vous savez, est-ce qu'Hadzihasanovic apprenait ce que

9 Merdan apprenait ? Je veux dire par cela, est-ce que vous pensez que Merdan

10 faisait des briefings à Hadzihasanovic pour tout ce qu'il fallait savoir ?

11 R. Je pensais qu'il y avait un très bon système au sein du QG, de façon à

12 ce que tout le monde sache ce qui se passait. Cela comprenait également les

13 rapports existants, la communication se passant entre Merdan et

14 Hadzihasanovic.

15 Q. Mon Général, est-ce que certains sobriquets, certains surnoms ont été

16 utilisés, notamment, par le BritBat, pour parler du colonel Hadzihasanovic

17 à l'époque ?

18 R. Moi, je l'ai appelé "le renard rusé" parce qu'un renard c'est un animal

19 malin, rusé. Je pense que cela s'est répandu, si vous le voulez, dans le

20 Bataillon britannique. J'espère que cela n'a pas été plus loin. Je crains

21 que ce soit le cas, malheureusement.

22 Q. Maintenant, c'est connu manifestement.

23 Est-ce que c'est un sobriquet qui lui allait bien ? Si c'est le cas,

24 pourquoi ?

25 R. Moi, je trouve que oui, parce qu'un renard, il est solitaire et sait ce

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1 qu'il veut; il est très malin, il est très capable physiquement, très

2 actif. Cela qualifiait bien Hadzihasanovic qui est un homme très compétent,

3 très capable.

4 Q. Est-ce que vous avez appris quelque chose à propos d'activités que

5 faisait le colonel Hadzihasanovic pendant ses loisirs. Est-ce qu'il lui est

6 arrivé de rendre visite à sa famille ?

7 R. Oui. Il est partit. Je pense qu'il est allé dans le nord. Il est allé

8 voir sa famille, mais je n'en suis pas très sûr.

9 M. WITHOPF : [interprétation] Avec l'autorisation de la Chambre, peut-on

10 remettre au témoin la pièce de l'Accusation P216.

11 Q. Permettez-moi d'appeler votre attention sur la deuxième page de ce

12 milinfosum qui porte la date du 18 octobre 1993. Attachez-vous, tout

13 particulièrement, au point 4, petit (b). Le paragraphe 4 commence par les

14 lettres "CO 1 PWO," et, si j'ai compris, il s'agit de vous, l'officier de

15 commandement numéro 1 de ce régiment.

16 R. Tout à fait exact.

17 Q. Au (b), voici ce qui est dit : "Hadzihasanovic, en personne, a fourni

18 des renseignements à propos de la raison de son absence. Il était à Tuzla.

19 Il avait effectué une visite à sa famille." On voit entre parenthèses : "(à

20 peu près une fois semaine)". Est-ce que cela veut dire toute une semaine,

21 ou est-ce que c'est une fois par semaine ? Pourriez-vous nous l'expliquer ?

22 R. C'est pour toute une semaine; sept jours complets.

23 Q. Dans la partie suivant cette mention, il est dit que Hadzihasanovic a

24 été observé en train d'effectuer une visite au 2e Corps d'armée. Est-ce que

25 vous avez appris qu'il avait effectué cette visite ?

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1 R. Oui. Si vous le voyez sous forme de commentaires, c'est parce que ceci

2 vient d'un autre milinfosum ou d'un rapport établi à une autre date. Mais

3 ma Compagnie OC A était cantonnée à Tuzla, dans le nord, où se trouvait le

4 2e Corps d'armée, et c'est là que le colonel Hadzihasanovic avait été vu

5 dans le 2e Corps d'armée.

6 Q. Puisque, manifestement, cette visite s'est effectuée dans la deuxième

7 quinzaine du mois d'octobre 1993, est-ce que vous avez appris qu'il y avait

8 une opération interarmes, en tout cas, intercorps d'armée avec le 2e Corps

9 d'armée et le 3e ?

10 R. Si vous rassemblez tous ces faits qui apparaissent dans les

11 milinfosums, il y avait une très bonne collaboration entre le 2e Corps et

12 le 3e Corps d'armée, et je me suis dit qu'à un moment donné, ce serait une

13 opération militaire.

14 Q. Je vous remercie.

15 M. WITHOPF : [interprétation] Je n'ai plus besoin de ce document.

16 Q. Vous venez de dire aux Juges, mon Général, que le colonel

17 Hadzihasanovic, à l'époque, avait le temps de passer toute une semaine avec

18 sa famille, en octobre 1993. Auriez-vous, mon Général, appris d'autres

19 activités entreprises par le général Hadzihasanovic pendant ses heures de

20 loisirs ?

21 R. Il m'a invité à un pique-nique sur les bords de la rivière, là où il y

22 avait ses autres officiers du corps qui s'y trouvaient. C'était un climat

23 tout à fait détendu qui présidait. Nous avons eu un repas excellent. La

24 nourriture était délicieuse. On était assis par terre. C'était vraiment le

25 déjeuner sur l'herbe. C'était un après-midi les plus plaisants.

Page 7292

1 Q. L'ambiance était tout à fait détendue ?

2 R. Oui.

3 Q. Avez-vous appris qu'en fait, il s'adonnait à d'autres activités de

4 loisir, à des sports notamment ?

5 R. Avant de partir pour ma permission de récupération de deux semaines -

6 cela se passe chaque fois qu'on est sur le théâtre d'opération. Je suis

7 rentré chez moi en Allemagne - je lui ai demandé s'il voulait que je lui

8 ramène quelque chose. Il m'a demandé à avoir, en fait, une partie du

9 moulinet de sa canne à pêche parce qu'il avait cassé cette partie-là de sa

10 canne. Je me suis dit que c'était vraiment un pêcheur passionné.

11 M. WITHOPF : [interprétation] Il est 10 heures 25, Monsieur le Président.

12 J'ai encore une autre question que je voudrais évoquer avec le témoin, mais

13 je vous fais cette proposition : est-ce que je pourrais en parler après la

14 pause ?

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, Monsieur Withopf.

16 On va faire la pause à 10 heures 25. Nous reprendrons aux environs de

17 11 heures moins 5.

18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

19 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, vous avez la parole.

21 M. WITHOPF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge, je souhaite

23 évoquer un dernier sujet avec le général Duncan. Ceci devrait prendre au

24 maximum 15 ou 20 minutes. C'est la question des Moudjahiddines qui

25 m'intéresse.

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1 Q. Mon Général, qu'avez-vous appris en ce qui concerne les

2 Moudjahiddines ? Est-ce que vous avez appris qu'ils opéraient dans la zone

3 de responsabilité du 3e Corps d'armée ?

4 R. J'ai reçu des rapports selon lesquels les Moudjahiddines opéraient dans

5 la zone de responsabilité du 3e Corps d'armée, mais de tous les

6 renseignements que j'ai reçus, ceux concernant les Moudjahiddines étaient

7 sans doute les plus difficiles à prouver et à vérifier.

8 Q. Je comprends, mon Général, vous étiez en poste de commandement. Vous

9 étiez le commandant du BritBat, et vous-même, personnellement, vous n'avez

10 pas rencontré des Moudjahiddines ?

11 R. C'est exact. J'ai rencontré ce que j'appellerais des Moudjahiddines

12 locaux qui étaient déjà en quantité dans la région, et qui s'habillaient en

13 Moudjahiddine, et qui essayaient de faire croire que c'étaient des

14 Moudjahiddines, mais ce n'était pas des véritables Moudjahiddines.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon.

16 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

17 La Chambre a constaté, Monsieur le Président, que mon collègue mène

18 le témoin selon un script bien établi de questions et réponses. Il serait

19 préférable, peut-être, de poser des questions un peu plus ouvertes, de

20 façon à laisser le témoin donner vraiment son impression et pas une réponse

21 apprise par cœur.

22 Merci, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, poursuivez.

24 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, c'était une question

25 qui était dit au témoin délibérément, parce que je voulais écourter

Page 7294

1 l'interrogatoire principal du témoin. Je vais reposer la question.

2 Q. Mon Général, est-ce que vous, personnellement, vous avez vu un

3 Moudjahiddine ?

4 R. Non.

5 Q. Vous avez fourni des renseignements à la Chambre à propos des

6 Moudjahiddines. Sur quoi ces renseignements se fondent-ils ?

7 R. Sur mon appareil de recueil de renseignements, ce qui me permettait de

8 savoir ce qui se passait dans toute la région pendant ces six mois de

9 missions dans le BritBat. Nous avons reçu plusieurs rapports dont beaucoup

10 restait sans confirmation, rapports sur lesquels il y avait des

11 Moudjahiddines qui opéraient dans la zone d'opération de responsabilité du

12 3e Corps.

13 Q. Cet appareil de recueil de renseignements que vous aviez, quels

14 renseignements vous a-t-il fourni s'agissant de la façon dont les

15 Moudjahiddines étaient utilisés dans la zone de responsabilité du 3e Corps

16 d'armée ?

17 R. Cette question des modes d'utilisation des Moudjahiddines, j'en ai

18 longuement discuté avec le capitaine Harrison, mon officier responsable de

19 renseignements militaires, et aussi avec mon second. Ce n'était pas tout à

20 fait clair pour nous. C'était un sujet pour lequel on essayait de

21 recueillir la moindre bribe d'information pour savoir ce qui se passait. Il

22 y a certains aspects des Moudjahiddines que je ne comprenais pas,

23 notamment, le fait qu'on disait qu'ils étaient incontrôlés, que leurs

24 opérations étaient incontrôlées. C'est ce qu'on apprenait souvent les

25 informations recueillies sur le terrain, à savoir qu'ils ne se trouvaient

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1 pas sous le commandement du 3e Corps. Moi, j'avais beaucoup de peine à

2 avaler cela. En effet, dans un sens militaire, touts commandants ont

3 certains effectifs, des moyens de l'unité qu'il peut utiliser, et si vous

4 permettez à quelqu'un qui ne se trouve pas sous votre commandement

5 d'utiliser des munitions, des approvisionnements, des vivres, vous

6 distrayez vos effectifs principaux à se faisant. Je me suis dit que les

7 Moudjahiddines se trouvaient sous le commandement du 3e Corps, parce que si

8 ce n'était pas le cas, s'ils n'étaient pas commandés, cela veut dire qu'ils

9 avaient pris des effectifs, des moyens qui appartenaient au 3e Corps

10 d'armée. Au plan militaire, un officier supérieur sait qu'il ne faut pas

11 agir de la sorte. Quand j'enseigne, quand j'instruis des commandants de

12 brigade, on attache toujours beaucoup d'importance dans ces cours sur la

13 meilleure efficacité dans l'utilisation des moyens. C'est très important.

14 Q. Est-ce qu'il vous êtes arrivé de discuter de la question des

15 Moudjahiddines avec Hadzihasanovic et/ou Merdan ?

16 R. Oui, plusieurs fois. La question a surgit, car je n'ai jamais su

17 vraiment si ces Moudjahiddines existaient ou pas. A l'une des égards,

18 qu'ils existent ou pas, je me suis dit qu'il faudra les inventer, parce que

19 si on pense à un système d'armes effectif, leur présence était énorme. Si

20 des gens savaient que des Moudjahiddines étaient sur le point d'arriver,

21 cela veut dire qu'on évacuait immédiatement le village. Ils avaient un

22 effet vraiment très massif, et je pense que c'était un outil de propagande

23 très efficace -- performant, utilisé par le 3e Corps. C'est quelque chose

24 qu'on peut nier, mais qu'on peut, en fait, encourager. Finalement, comment

25 gagne-t-on des batailles ? En vainquant l'esprit des gens. Les

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1 Moudjahiddines étaient excellents en la matière. C'était, en fait, une

2 utilisation très bien orchestrée et minutieuse.

3 On pouvait nier leur existence, l'admettre de temps à autre mais,

4 pour ce qui est de la gestion d'une campagne, qu'ils existent ou pas, ces

5 Moudjahiddines étaient tout à fait utiles.

6 Q. Est-ce que je vous comprends bien ? La question des Moudjahiddines,

7 vous dites qu'on s'en s'est servi comme outil de propagande. Mais est-ce

8 que vous dites également qu'il y avait des Moudjahiddines dans la zone de

9 responsabilité du 3e Corps d'armée ?

10 R. Je pense qu'on s'en est servi aussi bien comme outil de propagande et

11 qu'ils ont reçu des rapports. Je ne les ai pas vus, mais mes gens sur le

12 terrain ont fait état de la présence occasionnelle de Moudjahiddines.

13 Q. Chaque fois que vous avez discuté de la question des Moudjahiddines,

14 qui auraient opéré dans la zone de responsabilité du 3e Corps d'armée, que

15 ce soit avec le colonel Hadzihasanovic à l'époque ou son second, le général

16 Dzemal Merdan, quelle fut leur réaction pour ce qui du contrôle qu'ils

17 exerçaient, éventuellement, sur les Moudjahiddines ?

18 R. Personne n'a reconnu qu'il les commandait ou les contrôlait, mais je me

19 souviens d'une occasion ou Dzemal Merdan a dit qu'il avait instruit Mehmed

20 Alagic de régler la question des Moudjahiddines à Travnik.

21 M. WITHOPF : [interprétation] Si la Chambre m'y autorise, je voudrais

22 présenter au témoin la pièce de la Défense DH72.

23 Q. Il s'agit du milinfosum du 14 juin 1993.

24 Veuillez vous reporter à la page 1 de ce résumé de renseignements

25 militaires. Premier paragraphe, vers la fin de ce paragraphe, lorsqu'on dit

Page 7297

1 ceci : "Lorsqu'on lui a posé des questions à propos des activités des

2 Moudjahiddines, Merdan a affirmé qu'ils n'étaient pas sous le contrôle

3 effectif du 3e corps. Hadzihasanovic a montré une lettre qu'il avait

4 envoyée à son commandement supérieur où il demandait l'autorisation de

5 régler ce qui était, à ses yeux, un problème." Tout au début de ce

6 paragraphe, on fait, de nouveau, référence au CO 1 PWO, vous,

7 manifestement, n'est-ce pas ?

8 Mon Général, vous souvenez-vous de cette conversation ?

9 R. Oui.

10 Q. Ce qui est consigné dans ce résumé -- dans ce document, est-ce que ceci

11 est un reflet fidèle de la réponse qu'avait coutume de donnée

12 Hadzihasanovic et Merdan s'agissant de la question des Moudjahiddines ?

13 R. Oui.

14 M. WITHOPF : [interprétation] Merci. Je n'ai plus besoin de cette pièce.

15 Avec l'autorisation de la Chambre de première instance, je demande que soit

16 présenté au témoin une pièce de l'Accusation, la pièce 216.

17 Q. C'est le résumé de renseignements militaires qui porte la date du 18

18 octobre 1993. Général, veuillez examiner le paragraphe 4. Tout à la fin de

19 ce paragraphe, au point E, plus exactement, on dit : "Lorsque les questions

20 lui étaient posées à propos d'actions entreprises par des extrémistes

21 musulmans, à l'égard des minorités croates qui étaient restés en Bosnie-

22 Herzégovine dans les zones contrôlées, en Bosnie-Herzégovine, par l'armée,

23 Hadzihasanovic a contourné la question tout à fait. Il n'a pas voulu

24 reconnaître l'existence du problème." On voit de nouveau cette mention CO 1

25 PWO. C'est vous.

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1 Est-ce que vous vous souvenez de cette conversation avec

2 Hadzihasanovic à l'époque ?

3 R. Oui.

4 Q. Ce qui est rapporté à propos de Hadzihasanovic, est-ce que c'est le

5 reflet fidèle de son attitude à l'égard des Moudjahiddines ?

6 R. Oui.

7 M. WITHOPF : [interprétation] Merci. Je n'ai plus besoin de la pièce.

8 Q. Mon Général, à l'époque, pendant votre mission en Bosnie centrale et

9 encore à ce jour, est-ce que vous croyez ce qu'avait déclaré à l'époque

10 Merdan et Hadzihasanovic à propos des Moudjahiddines ?

11 R. Non. Je pense que les Moudjahiddines ont été utilisés en tant que

12 système de propagande très performant, en tant que système d'armes, si vous

13 voulez, ce qui est facile de nier, évidemment, mais ils faisaient partie

14 intégrante de la campagne. L'idée était de les utiliser.

15 Q. Il a été dit que ces hommes n'étaient maîtrisés. Qu'en pensez-vous ?

16 R. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense qu'ils ont reçu une

17 mission précise dans le cadre du plan de campagne général produit par le 3e

18 Corps. Il fallait les utiliser de façon plus efficace pour accélérer les

19 attaques et pour faire des avancées. Je pense qu'il y a eu un plan

20 minutieusement concocté de l'utilisation de ces Moudjahiddines. Je ne peux

21 pas prouver qu'ils étaient contrôlés par Merdan, mais c'était mon sentiment

22 et je pense qu'ils étaient contrôlés au niveau le plus élevé par le 3e

23 Corps, en tant que moyen très efficace et performant de faire l'affaire, si

24 vous voulez. La JNA est une armée qui est excellente, qui excelle dans la

25 tromperie -- de la dissimulation, et je pense que c'est une façon

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1 d'utiliser les gens qui était [imperceptible]. C'est le caractéristique

2 même d'un bon commandant. Cela ne me surprend pas. Cela ne me surprend pas

3 du tout que Hadzihasanovic les ait utilisés de la sorte parce qu'il a une

4 vue d'ensemble et il utilise tous les moyens qui sont à sa disposition pour

5 servir son objectif.

6 Q. Merci.

7 M. WITHOPF : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions dans le

8 interrogatoire principal du témoin. Je vous remercie, Monsieur le

9 Président.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Withopf.

11 Je vais, en conséquence, donner la parole aux Défenseurs.

12 Maître Bourgon.

13 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

14 Contre-interrogatoire par M. Bourgon :

15 Q. [interprétation] Bonjour, Général Duncan.

16 R. Bonjour.

17 Q. Tout d'abord, je vais me présenter, car nous n'avons pas eu l'occasion

18 de nous rencontrer auparavant. Je suis présent ici à l'audience accompagné

19 de M. Alexis Demirdjian, avec Mme Vedrana Residovic également, et je

20 m'appelle Stéphane Bourgon. Je défends les intérêts du général

21 Hadzihasanovic.

22 Mon Général, j'ai, bien sûr, des questions préparées pour vous ce matin,

23 mais j'aimerais entamer ce contre-interrogatoire en vous posant une très

24 brève question : en arrivant ce matin, vous êtes un général à deux étoiles,

25 et je m'étais dit qu'on parlerait d'autre chose que de moulinet de canne à

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1 pêche qui avait été acheté pour le fils du général Hadzihasanovic. Qu'en

2 pensez-vous ?

3 R. Je n'ai pas dit que cela avait été acheté pour son fils. J'ai dit que

4 cela avait été acheté pour lui. C'est un excellent commandant, et je ne

5 m'attendais pas à ce que le général Hadzihasanovic soit toujours sur un

6 pied. On a besoin de se reposer. Il faut aussi pouvoir juger son effort.

7 Oui, vous m'avez posé la question si nous avions eu des moments d'accalmie,

8 oui, bien sûr. Quand il y a une guerre, il y a des moments d'accélération

9 et des moments d'accalmie.

10 Q. D'après votre récit, on peut conclure deux choses : la première chose,

11 bien sûr, c'est que tout était parfait. Vous avez deux armées

12 professionnelles. L'une dispose d'armes, l'autre d'hommes. Les officiers

13 d'encadrement sont tous des professionnels. Ils ont les transmissions

14 nécessaires et ils se font la guerre, c'est tout. Est-ce bien ce que vous

15 pensez, Général ?

16 R. Sur tout le respect que je vous dois, je pense que c'est une

17 déclaration tout à fait naïve. Désolé de le dire, mais je pense qu'il

18 s'agissait ici d'une situation très complexe, avec la problématique des

19 appartenances ethniques, loin d'être simple. Je me trouvais en plein milieu

20 de cette guerre, et j'avais une position sans égale, parce que j'étais dans

21 la guerre de quelqu'un, mais pas la mienne. On essayait de fournir de

22 l'aide en même temps. C'était-là une situation très complexe bourrée

23 d'embûches.

24 Q. On ne peut pas dire que c'était le meilleur des mondes et les plus

25 parfaites des armées.

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1 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que les deux armées avaient

2 leurs limites, puisque d'un côté, ils manquaient de matériels, et de

3 l'autre, d'effectifs.

4 Q. Il n'en demeure pas moins, mon Général, que vous campez sur votre

5 position, je suppose, s'agissant du récit que vous avez fait de

6 l'efficacité, de l'intelligence, de la planification et de l'exercice du

7 commandement dont a fait preuve le général Hadzihasanovic dans la plus

8 difficile des situations.

9 R. Tout à fait. Je dirais que c'était un commandant très, très capable.

10 Q. Les circonstances étaient des plus ardues, quel que soit le commandant.

11 R. Bien sûr.

12 Q. Permettez-moi de vous citer avant d'arriver à ma première question.

13 J'ai un article ici que vous avez rédigé en 1994, en revenant de Bosnie.

14 Permettez-moi de citer une partie de ce que vous y dites. Seriez-vous

15 d'accord avec moi pour dire que vous aviez l'impression que ces six mois,

16 pour vous-même, ont été les six mois les plus inhabituels de toute votre

17 carrière dans l'armée britannique.

18 R. A ce jour, oui. Je passais six mois très inhabituels depuis Sierre

19 Leone avec les Nations Unies. Cela a été vraiment la mission la plus

20 exigeante.

21 Q. Conviendrez-vous avec moi que vous avez dit un jour que c'était un

22 conflit sans logique ? Que tout un grand groupe de personnes pouvait

23 changer d'allégeance du jour au lendemain, et aller combattre avec un

24 groupe ethnique d'un jour, et le lendemain faire autre chose. Que même

25 quand on pense, en 1994 au nord de Tuzla, tout au bout de cette extrémité,

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1 il y avait encore des Serbes qui luttaient contre des Serbes et des

2 Musulmans et des Croates, et vous dites : "Pendant toute ma mission et

3 longtemps après le départ de mon régiment, on peut dire que les Musulmans

4 et les Croates n'étaient toujours pas très amis en Bosnie centrale."

5 R. Est-ce que je peux savoir exactement quel est le document qu'on cite ?

6 Vous dites que c'est moi qui aie écrit ceci, mais j'aimerais exactement

7 savoir quelle est cette publication où c'est paru ?

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, pouvez-vous citer --

10 M. BOURGON : Est-ce que Mme l'Huissière peut distribuer les documents,

11 Monsieur le Président ? J'aimerais avoir les services du Greffier, s'il

12 vous plaît, puisque j'entends produire une série de documents que je vais

13 utiliser lors de mon contre-interrogatoire pour, ensuite, à la fin,

14 demander le versement de certaines de ces pièces. Il y a des pièces parmi

15 celles-ci qui sont déjà au dossier, et d'autres qui sont nouvelles. A la

16 fin, je demanderai soit le versement, soit le retrait, de façon à ce que

17 tout soit clair et qu'il n'y ait pas aucune perte de temps. J'ai trois

18 classeurs, un pour chaque Juge, Monsieur le Président, un pour le témoin,

19 et j'ai tous les documents pour toutes les personnes dans la salle, y

20 compris pour les interprètes.

21 Q. [interprétation] Vous avez désormais le classeur sous les yeux.

22 Veuillez consulter l'intercalaire numéro 23.

23 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que le micro de Me Bourgon n'est

24 pas branché. Il l'est maintenant.

25 M. BOURGON :

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1 Q. [interprétation] Apparemment, les intercalaires n'ont pas pu être

2 intégrés dans le document, c'est l'avant dernier document du classeur,

3 article que vous avez rédigé en 1994 et qui a paru dans un magazine qui

4 s'appelle : "La défense et la sécurité internationales". Vous souvenez-vous

5 avoir écrit ce document -- cet article ?

6 R. Oui.

7 Q. Examinez-le, troisième paragraphe. Voici ce que je cite : Je veux me

8 concentrer sur deux domaines. Le premier étant le Bataillon britannique et

9 la mission qu'il avait, la façon dont nous l'avons réalisée, notre mission.

10 Ensuite, je reprendrai quelques termes qui surgissent : "Qui a constitué

11 pour moi les six mois les plus inhabituels peut-être, les six mois les plus

12 inhabituels de toute ma carrière dans l'armée britannique." C'était bien ce

13 que vous pensiez à l'époque ?

14 R. A l'époque, oui.

15 Q. Au dernier paragraphe de cette page, six lignes à partir du bas :

16 "Rétrospectivement, rentré dans mon Bataillon de cantonnement en Allemagne,

17 j'ai compris que la Bosnie était une zone tout à fait unique, et que la

18 mission l'était aussi. On ne peut pas, bien sûr, tirer de systématicités de

19 mon expérience de l'armée. Si on se dit que, parce que cela marche

20 ailleurs, cela va marcher ici aussi, ce n'était pas du tout vrai parce que

21 ce n'était pas une tâche qui avait été confiée à l'armée britannique

22 jusqu'alors. C'était inhabituel de se trouver dans une guerre sans faire la

23 guerre. En fait, on était en plein milieu de la guerre civile de quelqu'un

24 d'autre." C'est bien ce que vous avez écrit ?

25 R. Oui. Ceci me concerne ainsi que la position de mon bataillon.

Page 7304

1 Q. Deuxième page, je vais en terminer de ce document pour pouvoir avancer

2 ensuite. Au fin du document --

3 R. Il y a des numéros de page, oui.

4 Q. Lorsqu'on parle de la normalité -- de la situation normale en Bosnie,

5 page 17, à la colonne de droite, on parle de ce qui est normal en Bosnie.

6 R. Oui.

7 Q. Je voudrais finir par quelques commentaires concernant plusieurs

8 domaines. D'abord, l'effet de vivre sur la ligne de front. "Vitez, comme

9 Gornji Vakuf, était pratiquement, à toute fin subtile, dans un 'no man's

10 land', et ceci pendant quatre ou six mois. Cela commence à devenir un peu

11 un problème. On a tiré sur tout le monde, on a bombardé tout le monde ou

12 miné tout le monde à un moment donné. Normalement, dans l'armée, c'est dans

13 le plus grand calme qu'on fait un rapport de tout. Mais en Bosnie, il y

14 avait tellement de combats, qu'il a fallu se montrer un peu sélectif dans

15 nos choix."

16 Je passe à un autre passage. Dernière page de ce document.

17 R. Mais permettez-moi de faire une remarque.

18 Q. Tout à fait.

19 R. Vous venez de lire un passage qui parlait de la façon dont nous

20 faisions rapport, mais vous n'avez pas lu la ligne suivante. Je disais ici

21 que, si on nous tirait dessus généralement, et qu'on ne soit pas -- les

22 vannes ne passent pas trop près, c'était normal. On faisait rapport

23 d'attaques graves qui provoquaient des morts ou des blessés. Ici cela ne

24 parle pas, de façon générale, de la situation. Il s'agissait de la façon

25 dont on rapportait les incidents dont nous avons été victimes au cours de

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1 ces six mois.

2 Q. Est-ce que je dois comprendre votre commentaire comme signifiant que

3 les incidents dont on fait état dans les milinfosums sont tous des

4 incidents graves, sérieux, qui sont supérieurs en intensité à ce que vous

5 venez de décrire ?

6 R. Les milinfosums consignés importants dans la zone du possible, pour ce

7 qui est de la longueur, je parle, parce qu'il faut essayer d'être le plus

8 concis possible, lorsqu'on rédige un rapport de renseignements militaires.

9 Q. Si vous avez fallu consigner tout ce qui vous êtes arrivé dans un

10 milinfosum, il vous aurez fallu beaucoup de pages, c'est

11 cela ?

12 R. Oui, ce serait vrai, mais c'est pour cela qu'on avait ces réunions à 18

13 heures, pour que tout le monde comprenne bien le contexte et la situation

14 qui étaient répercutés dans les milinfosums.

15 Q. J'avance, pour vous poser quelques questions que je vous ai réservées

16 ce matin, mais, de façon liminaire, j'aimerais une confirmation. Vous avez

17 été témoin en charge dans le procès Blaskic et dans le procès Kordic.

18 R. Oui.

19 Q. La base de votre déposition d'aujourd'hui, c'est une déclaration que

20 vous avez fournie au bureau du Procureur, et à ses enquêteurs en août 1996

21 et en avril 1997. Vous souvenez-vous avoir rencontré, en ces deux

22 occasions, des enquêteurs ?

23 R. Oui, et j'ai fait des déclarations préalables qui ont été utilisées,

24 avant celles que nous avons déjà utilisées.

25 Q. En mai 2000, vous avez fourni une déclaration supplémentaire, qui

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1 s'attachait, plus particulièrement, aux évènements concernant ce procès-ci.

2 R. Oui.

3 Q. Hier, vous avez rencontré à l'Accusation pour être prêt auditionner, en

4 vue de votre déposition d'aujourd'hui ?

5 R. Oui.

6 Q. Lorsque vous avez rencontré l'Accusation, on vous a demandé si vous

7 étiez prêt à rencontrer les avocats de la Défense du général

8 Hadzihasanovic, et les avocats de M. Kubura, et vous avez refusé.

9 R. Oui.

10 Q. Puis-je vous demander pourquoi vous avez refusé de rencontrer les

11 avocats de la Défense ?

12 R. Je n'avais pas rencontré les avocats de la Défense les deux premières

13 fois, et je n'ai décidé même pas le faire ici non plus. C'est une décision

14 clairement personnelle.

15 Q. Sur quoi se base-t-elle cette décision personnelle ?

16 R. Sur le fait qu'on m'a demandé ici d'être témoin à charge, et c'est ce

17 que j'allais faire.

18 Q. Je suppose que vous avez une partie prenante et que vous avez déjà pris

19 partie pour l'Accusation. Vous n'êtes pas ici pour présenter des faits,

20 mais, en fait, pour témoigner contre le général Hadzihasanovic; c'est bien

21 cela ?

22 R. A mon avis, c'est là un commentaire inusité de la part de quelqu'un qui

23 se trouve dans votre situation. Ceci semble dire qu'un officier de l'armée

24 britannique, que se spécialise dans les déontologies, entre autres choses,

25 viendrait ici délibérément pour mentir et pour tricher.

Page 7307

1 Q. Je suppose, mon Général, que vous croyez en l'état de droit, et de la

2 présomption de l'innocence.

3 R. Oui.

4 Q. Dans cet article, que nous venons de parcourir, j'appellerais votre

5 attention sur la page 12, bas de la page, colonne de gauche. On parle des

6 commandants locaux, la tête de la rubrique. Il est dit à la fin, à cinq

7 lignes avant la fin, nous avons reçu un appel téléphonique à la base à 8

8 heures et demi du matin, et je ne me trouvais pas là. Enver Hadzihasanovic,

9 le commandant du 3e Corps, n'a pas voulu laisser de message. Lorsque je

10 l'ai vu le lendemain, je lui ai demandé en quoi consistait son appel

11 téléphonique. Il m'a juste dit : "J'avais promis de vous téléphoner avant

12 que nous n'attaquions, et j'aime respecter mes promesses." Mon Général,

13 vous vous souvenez de cet évènement ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous vous souvenez également, mon Général, un évènement semblable,

16 identique, au cours duquel le général Hadzihasanovic vous a demandé si vous

17 ne voyait pas son homologue. Aujourd'hui, vous avez répondu par

18 l'affirmative. Vous en souvenez-vous ?

19 R. Je ne m'en souviens pas.

20 Q. Nous allons poursuive à notre lecture du même texte, un peu plus loin,

21 et j'aimerais vous citer -- lorsque vous parlez de la partie d'échecs

22 engagée entre vous et le général Hadzihasanovic. Il s'agit de la colonne

23 droite de la page 12, toujours vers le milieu de cette colonne. Il est dit

24 : "Est-ce que vous allez voir mon homologue ?" J'ai répondu bien sûr que je

25 vais le faire. Je vais le voir cet après-midi. Il a dit à quelle heure,

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1 environ vers 16 heures, ou à l'hôtel Vitez. Il a dit, et il s'agit du

2 général

3 Hadzihasanovic : "Très bien, soyez sur -- ou assurez-vous d'en sortir de

4 l'hôtel à 17 heures 30, ce qui ne fut pas le cas lorsque vous en êtes

5 sortis à 18 heures 25, heures à laquelle fut pilonné.

6 Nous allons mettre de côté ce document, et j'aimerais vous poser une

7 question. Est-ce que le général Hadzihasanovic vous a informé de cette

8 attaque sur l'hôtel Vitez, qui comme nous le savons tout pertinemment,

9 était le Quartier général du général Blaskic ? Est-ce bien exact, mon

10 Général ?

11 R. Il ne m'a pas informé de cette attaque. Il m'a tout simplement dit de

12 sortir de l'hôtel à une heure donnée, ce que je n'ai pas fait.

13 Q. Au vue de vos conversations préalables -- parce qu'il vous avez fait

14 des promesses, si je maintiens à ce texte -- est-ce que vous avez considéré

15 cela comme une menace, ou est-ce que vous l'avez pas pris on

16 considération ?

17 R. Je suis sorti plus tard.

18 Q. Est-ce que l'attaque a eu lieu ?

19 R. Oui, l'attaque a eu lieu. Comme vous pouvez vous être sur, je ne serais

20 pas porter volontaire pour être victime de pilonnage.

21 Q. Vous avez dit toutes ces choses assez agréables à propos du général

22 Hadzihasanovic. Il s'agit d'un homme qui à deux occasions vous a informé

23 des opérations que l'ABiH avaient l'intention de mener à bien, pour vous

24 faciliter la tâche.

25 R. Il l'a fait à plusieurs occasions. Il m'a fourni des opérations prévues

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1 par l'ABiH, certes.

2 Q. Vous comprenez qu'il n'avait absolument aucune obligation de vous

3 informer de ces attaques.

4 R. Non, je lui ai simplement posé la question, et nous sommes convenus

5 d'avoir un accord sur ce sujet particulier.

6 Q. Lors du déploiement de votre bataillon dans cette zone, en novembre,

7 est-ce que vous n'avez pas eu une conversation avec le général

8 Hadzihasanovic, qui vous a assuré qu'il déploierait des efforts pour

9 s'assurer que votre bataillon puisse s'en sortir.

10 R. Je ne me souviens pas de cela, mais je me souviens que M. Mehmed Alagic

11 avait fait des promesses à cet égard.

12 Q. Nous allons citer à nouveau. Mon Général, vous pouvez lire le même

13 texte, cela se trouve sur la même colonne, en bas du paragraphe, et vous

14 dites : "Nous étions de très, très bons amis, et vous dites, lors d'un

15 autre incident avant la fin de la période d'affectation en Bosnie, il m'a

16 dit : "Quand est-ce que vous allez partir avec vos troupes ?" J'ai

17 répliquée que cela se ferait le 15 novembre, que je serais partie le 15

18 novembre, et lui ai ajouté qu'il serait agréable de ne pas avoir des

19 problèmes lorsque nous partirons, parce qu'il s'agissait de quelque chose

20 de compliquée. Hadzihasanovic a rigolé et a répondu : "Nous comprenons tout

21 cela, tout à fait, et nous n'allons ni attaquer, ni intimider des soldats

22 britanniques, des Nations Unies, jusqu'au 16." Est-ce que vous vous

23 souvenez de cette conversation ?

24 R. Je m'en souviens.

25 Q. Lors de votre conversation, vous avez dit à propos, dans votre

Page 7310

1 déposition plutôt pour Blaskic, vous avez dit que c'était Alagic qui

2 l'avait fait. Alors, est-ce que nous sommes censé prendre, ou prendre en

3 considération cet article que vous avez écrit dans une revue, ou plutôt ce

4 que vous avez dit dans un tribunal ?

5 R. Si vous appartenez d'en décider, je ne me souviens pas, exactement. Je

6 n'ai écrit ici, je pense que c'est Alagic ou Hadzihasanovic. En effet, je

7 ne peux pas vous dire qui, mais ce que je vous dit, c'est que c'est un

8 commandent supérieur qui a convenue que cela se passerait.

9 Q. Général, je vous demande votre point de vue personnel. Un homme tel que

10 le général Hadzihasanovic, avec qui vous avez des nombreuses relations au

11 cours de ces six mois, qui a essayé de vous faciliter la tâche, un homme

12 qui vous a mis en garde, un homme qui a transcendé ce qu'il devait faire,

13 qui en a fait plus pour vous faciliter la tâche toujours, ne pensez-vous

14 pas, mon Général, que vous pourriez avoir accepté de rencontrer l'avocat à

15 assurer de charger sa Défense pour faciliter l'autre témoignage aussi à ce

16 Tribunal ?

17 R. Je ne pense pas qu'il y a un lieu entre le deux. Absolument pas.

18 Q. Merci, mon Général.

19 J'aimerais savoir si, avant votre arrivée ici, vous avez eu des discussions

20 avec vos anciens officiers. Je vais vous donner trois noms : le commandant

21 Kent-Payne.

22 R. Je n'ai plus parlé au commandant Kent-Payne depuis un certain nombre

23 d'années, depuis qu'il a dû démissionner de mon régiment pour être

24 transféré dans un autre régiment.

25 Q. Qu'en est-il du commandant Bower ?

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1 R. Cela fait à peu près deux, trois ans que je n'ai plus de contact avec

2 lui.

3 Q. Qu'en est-il de M. Cameron Kiggell, qui ne fait plus partie de l'armée.

4 R. Je n'ai plus de contact avec lui depuis qu'il a quitté l'armé

5 justement.

6 Q. Merci, mon Général.

7 Avant votre déploiement, et compte tenu de ce que vous avez dit lors

8 de l'affaire Blaskic, vous avez dit que vous avez assuré le commandant de

9 votre bataillon pendant environ 30 mois. Est-ce exact ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Je suppose que vous connaissiez bien les officiers en qui vous aviez

12 confiance, comme ils avaient confiance en vous. Est-ce que c'est exact ?

13 R. C'est tout à fait exact.

14 Q. Pourriez-vous être d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'une base

15 absolument fondamentale si l'on veut avoir véritablement l'exercice du

16 commandement ?

17 R. Oui.

18 Q. Si, comme vous l'avez dit, le général Hadzihasanovic avait un QG bien

19 structuré, je suppose qu'il y avait le même genre de relations entre lui-

20 même et ses subordonnés, et de la part de ses subordonnés envers lui.

21 R. Oui, je suis d'accord avec cette déclaration.

22 Q. Dans votre déposition, vous avez indiqué que vous avez été informé en

23 1993 de votre déploiement en Bosnie, et que vous faisiez partie de

24 l'opération Grapple 2. Est-ce exact ?

25 R. J'en ai été informé officiellement en 1993, mais officieusement c'est

Page 7312

1 en 1992 que j'ai été mis au courant de cela.

2 Q. Parce que j'étais, un temps soit un peu surpris du fait que vous

3 n'étiez informé qu'en 1993, parce que je suppose que vous prépariez et que

4 votre bataillon se prépare également. Bien entendu, il y avait la question

5 de la relève, et j'ai une connaissance relativement limitée des militaires,

6 mais je suppose qu'en général, on est informé avant le déploiement, est-ce

7 bien exact ?

8 R. Oui, c'est exact. Je savais que le Bataillon de Cheshire avait été

9 déployé et que nous allions être déployé par la suite, bien que je n'avais

10 pas le droit de transmettre cette information.

11 Q. Vous avez entraîné votre bataillon avant le déploiement, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Cet entraînement a inclus un entraînement individuel, collectif, ainsi

14 que des entraînements précis visant des missions ?

15 R. Oui.

16 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que ce genre de formation et

17 d'entraînement représente une pratique tout à fait connue au sein d'armées

18 de métier, telle que celle du Royaume-Uni, mais que cela est en rapport

19 direct avec le succès d'une mission militaire, ce genre de préparatifs ?

20 R. C'est tout à fait exact.

21 Q. Mon Général, êtes-vous d'accord avec moi également pour dire que pour

22 une armée, si l'on parle de formation et d'entraînement d'armée, si l'on

23 prend une armée de la taille d'un corps, si vous êtes lancé en plein milieu

24 de combats véritables tels que ceux que vous avez vus en Bosnie, sans avoir

25 eu au préalable la possibilité d'être formé et d'être entraîné, êtes-vous

Page 7313

1 d'accord avec moi pour dire que cela peut avoir des conséquences et des

2 incidences très graves sur le succès de la mission et que cela peut

3 représenter un fardeau très, très lourd sur la chaîne du commandement, mais

4 encore plus, un fardeau très, très lourd pour le général commandant ce

5 genre de formation ?

6 R. Si vous comparez les unités de l'armée britannique avec les unités de

7 l'armée de Bosnie, c'est une comparaison que vous ne pouvez pas établir.

8 C'est comme si vous comparez des pommes et des poires. Nous avons été

9 entraînés précisément pour cette tâche. Nous avons beaucoup de temps à nous

10 préparer pour cette tâche, compte tenu de notre expérience en matière

11 d'opération de par le passé dans plusieurs pays. Nous avions également des

12 expériences considérables en Irlande du nord. Vous ne pouvez pas comparer

13 cela avec une force qui se trouvait déjà sur le théâtre des opérations. Je

14 ne pense pas que cela soit une bonne comparaison.

15 Q. Mon Général, si je prends justement les forces qui se trouvaient sur le

16 terrain mais qui ont été jetées dans la bataille sans avoir véritablement

17 eu la possibilité de s'entraîner, ne pensez-vous pas que cela représente un

18 obstacle important au succès de la mission ?

19 R. Cela dépend, en fait, de l'entraînement de la force en question, parce

20 que vous savez que cela est un élément de la préparation très important. La

21 motivation de la force est un élément très important, et je pense que

22 l'ABiH était une force qui était extrêmement motivée. Je pense qu'elle

23 avait une très bonne structure de commandement.

24 Q. Mon Général, vous avez été responsable de l'entraînement des forces de

25 terre au Royaume-Uni ?

Page 7314

1 R. Oui.

2 Q. Je vous demanderais de cibler un critère; le critère de l'entraînement.

3 Je vais vous poser une question bien précise : si une armée, qui n'a pas

4 été formée, est jetée en plein combat, ne pensez-vous pas que cela lui rend

5 la tâche très difficile ?

6 R. Cela lui rend la tâche très difficile au début, mais si vous êtes jeté

7 en plein combat, vous apprenez très, très rapidement. Je vais vous donner

8 un exemple; l'exemple de l'armée britannique. Nous sommes arrivés à Vitez

9 et, en fait, nous avons appris à nous déplacer dans ces véhicules blindés.

10 Nous avons appris, une fois que l'on a commencé à nous tirer dessus, qu'il

11 fallait véritablement essayer de prendre des dispositions en la matière.

12 Vous apprenez très, très rapidement.

13 Q. En fait, c'est ce que l'un de vos officiers a dit dans ce Tribunal. Je

14 pense, par exemple, à ce que faisait votre prédécesseur, le colonel

15 Stewart, qui, d'après vous, était beaucoup trop agressif lorsqu'il est

16 arrivé en Bosnie. Est-ce bien exact ?

17 R. Je n'ai pas entendu cette remarque. Tous les officiers de l'armée

18 britannique commandent de la façon qu'ils jugent appropriée et j'ai

19 organisé mon commandement pour essayer de gérer la situation en Bosnie.

20 Q. C'est la raison pour laquelle, mon Général, si vous prenez deux

21 commandants, quel que soit leur niveau, ils vont commander de façon tout à

22 fait différente, alors que les deux méthodes peuvent être tout à fait

23 efficaces. Etes-vous d'accord ?

24 R. Je suis d'accord.

25 Q. S'il y a eu entraînement ou manque d'entraînement, et que le manque

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1 d'entraînement rend la tâche beaucoup plus difficile, est-ce que la tâche

2 du général n'en devient pas plus difficile ?

3 R. C'est une tâche à laquelle il devra veiller. De toute façon, les

4 commandants ont beaucoup, beaucoup de choses à faire, et les commandants

5 ont du personnel à leur disposition, et ils émettent des directives.

6 Q. Mon Général, si le commandant ou le général prend des mesures pour

7 entraîner ses soldats, en dépit des conditions très, très négatives que

8 vous avez décrites d'ailleurs, ne pensez-vous pas que cela signifie que ce

9 commandant insiste et met en exergue véritablement la bonne exécution de sa

10 mission. N'est-ce pas vrai ?

11 R. Oui, s'il faut qu'il fasse subir à ses soldats un entraînement spécial

12 pour parvenir à exécuter sa mission, cela fait partie de son plan.

13 Q. Ne pensez-vous pas, mon Général, que ce genre d'entraînement est

14 également une mesure très importante qui est prise pour la prévention de

15 crimes ou l'infraction de discipline de la part de soldats non entraînés.

16 R. Je pense que cela serait très utile si l'entraînement est valable pour

17 tout le monde, englobe tout le monde, et si les règles et réglementations

18 sont publiés pour étayer cette entraînement.

19 Q. Je vous remercie, mon Général.

20 Vous-même, vous vous êtes rendu compte, avant votre déploiement en

21 Bosnie-Herzégovine, qu'il fallait procéder à des missions de reconnaissance

22 au début du mois de février et au début du mois de mars; est-ce bien

23 exact ?

24 R. C'est exact. Non, je m'excuse. C'était à la fin du mois de janvier et

25 au début du mois de février.

Page 7316

1 Q. J'ai les dates exactes ici dans votre déposition du

2 30 janvier jusqu'au 6 février et, ensuite, de la fin du mois de février

3 jusqu'au 6 mars. Enfin, je ne vais pas compliquer la chose avec les dates.

4 R. Permettez-moi de préciser. J'ai procédé à deux missions de

5 reconnaissance une fois par semaine, nous avons été déployés le 6 mars.

6 C'est assez important parce que le moment que j'ai passé dans le cadre de

7 ces missions de reconnaissance a été extrêmement important.

8 Q. C'est justement ce que je voulais dire, mon Général. Il vous était

9 extrêmement important de vous familiariser avec la région, avec la zone,

10 pour comprendre les conditions qui prévalaient sur le terrain, et pour vous

11 préparer à remplir et exécuter le mandat qui vous avait été octroyé par les

12 Nations Unies. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

13 R. Oui, parce que j'arrivais dans une zone dans laquelle je n'avais jamais

14 été auparavant. Les forces qui étaient déployées dans cette zone y avaient

15 vu la situation évoluer et elles connaissaient la situation. En tant

16 qu'étranger, je n'avais pas du tout cette connaissance.

17 Q. Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il faut apprendre à connaître

18 la région et les forces militaires sur le terrain, et que cela est

19 extrêmement important pour le succès de votre mission ?

20 R. Oui.

21 Q. Cela est essentiel parce que les conditions, la situation ainsi que les

22 circonstances dans lesquelles ces forces opéraient, avaient une incidence

23 directe sur l'exercice du commandement assuré par les commandants avec qui

24 vous deviez traiter sur le terrain ?

25 R. Pourriez-vous répéter. Je m'excuse. Je ne vois pas très bien où vous

Page 7317

1 voulez en venir.

2 Q. Je vais scinder cette phrase en deux volets. Etes-vous d'accord avec

3 moi pour dire que les conditions, la situation, et les circonstances dans

4 lesquelles opéraient les forces sur le terrain ont un impact direct sur

5 l'exercice du commandement assuré par leur commandant ?

6 R. Oui, mais j'aimerais ajouter quelque chose. Le commandement va de pair

7 avec plusieurs principes que vous devez respecter. Par conséquent, vous

8 devez vous adapter à la situation dans laquelle vous vous trouvez. La

9 fonction de commandement ne change pas. Vous êtes commandant. Vous devez

10 exercer le commandant et vous adaptez vos méthodes tout en conservant vos

11 principes.

12 Q. Pour vous, mon Général, le fait que vous avez pu vous familiariser avec

13 les conditions, la situation, et les circonstances qui prévalaient, vous

14 ont permis d'être beaucoup mieux placé pour pouvoir comprendre les

15 homologues avec qui vous alliez traiter.

16 R. Je suis d'accord.

17 Q. Il est également important pour vous dans le cadre de l'exécution de

18 votre mission de comprendre et de connaître le rôle, le modus operandi des

19 autres protagonistes présents sur le terrain, à savoir, la MCCE, le comité

20 international de la Croix rouge, le HCR des Nations Unies, et peut-être

21 d'autres ONG. Est-ce bien exact ?

22 R. C'est exact. Je me suis rendu dans toutes ces agences dans le cadre de

23 ma mission de reconnaissance.

24 Q. Si nous prenons le droit applicable, le droit qui prévalait, est-ce

25 qu'il s'agit d'un élément qui a son importance également pour pouvoir

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1 comprendre traiter avec vos homologues en Bosnie-Herzégovine ?

2 R. Il m'était important de comprendre absolument la loi militaire, le

3 droit militaire britannique qui est valable pour les soldats britanniques

4 où ils se trouvent. Je ne connaissais pas certains des éléments du droit de

5 ce pays. Cela a été un secteur que je n'ai pas abordé lors de mes

6 préparatifs avant mon déploiement en Bosnie.

7 Q. Pensez-vous que c'est un élément qui avait son importance lorsque vous

8 avez traité avec les commandants sur le terrain ?

9 R. Oui, et je l'ai reconnu après mûre réflexion rétroactivement, parce que

10 maintenant dans mon organisation chargée de formation et d'entraînement, il

11 y a toute une équipe de juristes qui connaissent le droit opérationnel. A

12 cette époque, nous n'avions jamais fait ce genre de déploiement. C'était

13 tout à fait unique comme expérience. Si je devais le refaire, il est

14 évident que je prendrais avec moi un juriste.

15 Q. Mon Général, vous êtes en train de témoigner contre le généralement

16 Hadzihasanovic, vous êtes témoin à charge. Je continue à vous dire que vous

17 ne connaissez toujours pas le droit applicable en Bosnie-Herzégovine à

18 l'époque.

19 R. C'est exact.

20 Q. Vous ne saviez pas quelles étaient les instructions reçues par le

21 général Hadzihasanovic de la part de son gouvernement.

22 R. J'étais un officier militaire envoyé en Bosnie pour exécuter une tâche

23 militaire. Il y avait également un officier des affaires civiles qui a été

24 déployé avec moi, et il y avait toute une structure d'affaires civiles qui

25 s'occupait de "l'aspect politique des choses." Ma tâche consistait à faire

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1 en sorte que l'aide puisse parvenir aux personnes qui se trouvaient sous le

2 commandement du HVO et le commandement de l'ABiH. C'était ma tâche. Je

3 pense que nous l'avons exécuté avec succès. J'ai pris des mesures et

4 entraîné mes troupes pour nous assurer que cette tâche, qui était unique,

5 puisse être couronnée de succès.

6 Q. C'est justement ce à quoi je faisais allusion, mon Général. Je voulais

7 bien m'assurer que nous comprenons tous les deux très bien que votre

8 mission était une mission militaire et que toutes les questions civiles qui

9 se passaient en Bosnie, ne devaient pas attirer votre attention parce

10 qu'elles n'étaient pas du tout dans votre domaine de responsabilité.

11 R. Ce n'est pas exact de dire que je n'y ai pas prêté attention. J'en

12 étais conscient. Ma première mission consistait à commander mes troupes.

13 Q. Mon Général, dans votre déclaration, vous avez indiqué que pendant

14 votre période d'affectation en Bosnie, vous n'avez pas rencontré d'autorité

15 civile hormis une fois lorsque vous avez rencontré le maire de Zenica. Est-

16 ce bien exact ?

17 R. J'ai rencontré le maire de Zenica et j'ai, également de façon fortuite,

18 rencontré certains des personnalités officielles de Vitez.

19 Q. Est-ce que c'est au moment où il y a eu des bruits qui ont couru

20 suivant lesquels on vous aurait offert de l'argent contre des armes ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous avez mentionné cela dans l'article que vous avez rédigé, mais vous

23 en avez également fait état dans votre déclaration. Corrigez-moi si je

24 m'abuse, mais il me semble qu'à l'époque vous étiez dans une réunion avec

25 des représentants de la municipalité de Zenica. Est-ce bien exact ?

Page 7320

1 R. C'est exact.

2 Q. A un moment donné, un homme a décidé qu'il devait vous parler en tête à

3 tête.

4 R. Oui.

5 Q. Il a dit à tout le monde de quitter la salle. Est-ce exact ?

6 R. C'est exact.

7 Q. A ce moment-là, il a dit : "Vous semblez comprendre la situation des

8 Musulmans. Si je vous offrait deux millions pour que vous nous faisiez

9 parvenir des armes en Bosnie centrale." Vous a-t-il dit cela ?

10 R. Oui.

11 Q. Votre réponse a été : "deux millions, cela ne suffit pas." A ce moment-

12 là, parti de la salle, il est allé voir ses homologues dans une autre

13 pièce. Est-ce exact ?

14 R. C'est exact, mais j'aimerais dire que c'était une situation tellement

15 irréelle parce que jamais l'on n'avait essayé de me corrompre de cette

16 façon. La réaction lorsque j'ai dit que ce n'était pas suffisant, je ne

17 pensais pas qu'il pouvait le faire.

18 Q. Lorsque vous l'avez vu quitter la pièce, ne pensiez-vous pas qu'il

19 pensait que vous alliez accepter ce pot-de-vin ?

20 R. J'ai peut-être donné cette impression à l'époque mais, consciemment, je

21 ne voulais pas donner cette impression. Si vous lisez la fin de l'article,

22 vous verrez que, lorsqu'il est revenu dans la salle, je lui ai dit : "Je

23 m'excuse. Jamais un officier britannique n'accepterait ce genre de pot-de-

24 vin."

25 Q. J'en suis absolument convaincu, mon Général.

Page 7321

1 Si je passe maintenant à la situation juridique dans le cadre de

2 laquelle opérait le général Hadzihasanovic. Nous avons déjà fait état des

3 instructions qu'il aurait pu recevoir de son gouvernement. Nous devrions

4 également parler du régime juridique puisque, à l'époque, à Zenica, il y

5 avait encore un gouvernement local qui fonctionnait. Ne le pensez-vous

6 pas ?

7 R. Oui, tout à fait.

8 Q. Il y avait un partage des responsabilités entre le général

9 Hadzihasanovic, en tant que commandant du 3e Corps, et avec les autorités

10 en ville. N'êtes-vous pas d'accord ?

11 R. Je suis d'accord.

12 Q. Si je vous disais que c'est la police civile qui était responsable des

13 perturbations ou de tout délit de droit commun qui avaient lieu dans la

14 ville, êtes vous d'accord avec moi ?

15 R. Je dirais que cela pouvait être le cas, mais je ne sais pas à quel

16 moment à Zenica la loi martiale a été mise ne vigueur, parce qu'il y avait

17 également beaucoup de polices militaires à Zenica. Je ne sais pas s'ils

18 étaient placés sous la juridiction de la police civile ou de la police

19 militaire. Je suppose de la police civile. Il s'agissait d'une machine en

20 pleine guerre, je suppose qu'il s'agissait de la police militaire.

21 Q. Mon Général, ne pensez-vous pas qu'en tant qu'officier étant sur le

22 terrain, vous devez comprendre ces relations avant de pouvoir témoigner

23 contre le général Hadzihasanovic ?

24 R. Il ne s'agit pas de comprendre la relation qui existait. J'étais

25 conscient du fait qu'il y avait des représentants de la police militaire

Page 7322

1 sur le terrain et des représentants de la police civile. Je pense qu'il

2 serait extrêmement intéressant de savoir quelle était la relation entre ces

3 deux.

4 Q. A l'époque, vous n'avez pas été d'avis qu'il était nécessaire

5 d'apprendre comment se passait cette relation pour pouvoir comprendre

6 l'homologue avec lequel vous vous traitiez ?

7 R. Je voyais la présence de police militaire et je savais qu'ils avaient

8 une certaine influence, qu'ils essayaient de garder la situation sous

9 contrôle. Je serais très intéressé de savoir s'il y avait eu un accord

10 entre la police militaire et la police civile afin de savoir qui assurait

11 le contrôle. Si vous pouvez me le dire, ce serait très utile.

12 Q. Merci, mon Général.

13 Nous allons passer à votre mission en tant que commandant du BritBat

14 de la FORPRONU. Vous avez dit, il y a quelques minutes de cela, que vous

15 devez escorter les convois militaires par le truchement du HCR.

16 R. Non. Ma tâche consistait à faire en sorte de créer les conditions qui

17 permettraient à cette aide d'être livrée dans la zone d'opération.

18 Q. Il s'agit de votre interprétation --

19 R. Oui.

20 Q. -- pour cette mission d'escorter --

21 R. Je suis désolé. De quelle mission parlez-vous ?

22 Q. Votre mission.

23 R. Oui, cela faisait partie de ma mission.

24 Q. Est-ce que votre mission consistait à escorter les convois humanitaires

25 du HCR ?

Page 7323

1 R. Effectivement. Je pouvais en discuter avec le général Morillon pour

2 voir comment je pouvais parvenir à mes fins. Lorsqu'on vous confie une

3 mission -- lorsqu'un commandant vous confie une mission, en général, vous

4 devez discuter avec cette personne pour voir s'il est satisfait de la façon

5 dont vous faites ces choses.

6 Q. Je m'excuse, mon Général, mais on vient de m'informer qu'il faudrait

7 que nous ralentissions le rythme et que nous marquions des pauses entre les

8 questions et les réponses.

9 R. Je m'en excuse.

10 Q. Bien entendu, vous savez que votre mission était autorisée conformément

11 au chapitre 6, de la charte des Nations Unies.

12 R. Oui.

13 Q. Bien entendu, vous connaissez la différence entre une mission autorisée

14 par le chapitre 6 et une mission autorisée sous couvert du chapitre 7, de

15 la charte des Nations Unies. Vous comprenez cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous comprenez que, conformément au chapitre 6, de la charte des

18 Nations Unies, il y a trois conditions pour les missions de maintien de la

19 paix. Vous souvenez-vous de ces trois conditions ?

20 R. Je dois vous avouer qu'au pied levé je ne m'en souviens pas.

21 Q. Si je vous disais que les trois conditions sont comme suit : dans un

22 premier temps, le consentement ou l'assentiment des parties; deuxièmement,

23 il faut que vous cibliez votre mission sans pour autant vous intervenez

24 dans ce que font les parties belligérantes. En d'autres termes, vous devez

25 mener à bien vos opérations de façon impartiale; et troisièmement, vous

Page 7324

1 êtes limité pour ce qui est de la force que vous pouvez utiliser en cas

2 d'autodéfense. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces trois conditions qui

3 représentent ce que doit faire une mission de maintien de la paix ?

4 R. Je n'en sais rien et je dois accepter ce que vous dites si cela émane

5 du chapitre 6.

6 Q. Vous avez dit, un peu plus tôt, que vous avez assuré un entraînement de

7 commandant de bataillon et d'officier supérieur. C'est quelque chose -- des

8 conditions, c'est quelque chose dont vous parlez.

9 R. C'est, en effet, un thème que j'aborde, et ce qui est important, c'est

10 de convertir les mandats et missions des Nations Unies sur le terrain. Je

11 vais vous donner un exemple. Il m'a été confié une mission de superviser un

12 convoi. Qu'est-ce que cela signifie ? M'assurer que personne n'est tué ?

13 Faire en sorte de le protéger ? Faire en sorte que le convoi se déplace ?

14 C'est pour cela que j'ai changé la mission de mon bataillon avec l'accord

15 et l'aval du général Morillon, pour pouvoir créer les conditions. Vous

16 comprendrez que cela représente une légère modification de la mission, mais

17 mon commandant, le général Morillon, a donné son aval à l'époque.

18 Q. Je vous remercie, mon Général. Lorsque vous étiez en Bosnie, êtes-vous

19 d'accord pour dire qu'il ne s'agissait pas de votre guerre et qu'à moins de

20 n'essuyer des attaques, vous n'aviez pas le droit d'utiliser la force, en

21 dépit de la supériorité de votre matériel tel que, par exemple, les blindés

22 Warrior que vous conduisiez ?

23 R. Je suis d'accord avec cela. Vous le saurez peut-être ou vous ne le

24 saurez peut-être pas, mais il y a un canon et des mitraillettes sur le

25 blindé Warrior et, pendant toute ma période d'affectation, en dépit de ce

Page 7325

1 qui se passait, nous n'avons jamais utilisé le canon.

2 Q. Mais vous avez mentionné, dans votre article, toutefois, que vous avez

3 tué un certain nombre de personnes.

4 R. A chaque fois qu'il y a eu une mort d'homme, les témoins ont été

5 consignés, et tout cela a été pris en considération et consigné par la

6 police militaire.

7 Q. Lorsque vous parlez de ces blindés Warrior, vous êtes d'accord avec moi

8 pour dire qu'il s'agit d'un véhicule de combat extrêmement puissant qui, de

9 part sa seule présence, impose le respect. Etes-vous d'accord ?

10 R. Oui. C'est la raison pour laquelle on m'a envoyé là-bas avec ce

11 véhicule.

12 Q. Une fois de plus, je reprends votre article et j'essaie de trouver le

13 passage où vous parlez des blindés Warrior et de l'utilisation des forces.

14 Vous dites que vous vous considériez, que cela vous plaise ou non, l'homme

15 qui avait le plus de pouvoir sur le terrain.

16 R. Oui. Mais avoir ce pouvoir est important; l'utiliser, c'est tout à fait

17 différent.

18 Q. Nonobstant la limite de votre mission, mon Général, les officiers de

19 votre bataillon ont déjà expliqué à cette Chambre de première instance que

20 vous étiez d'avis -- cela se retrouve dans le document d'ailleurs -- que

21 votre mandat était de créer les conditions nécessaires permettant de faire

22 en sorte que soit délivrée l'aide humanitaire et que, d'après vous, cela

23 incluait des liens étroits avec les parties et le fait d'obtenir des

24 informations afférentes à leurs opérations, ce qui pourrait avoir un impact

25 sur les convois passer en Bosnie centrale.

Page 7326

1 R. Oui.

2 Q. Toujours dans le même article -- et je vais utiliser ce qui a été mis

3 entre crochets à la page 12 -- dans l'encadré de la page 12, qui dit : "Je

4 pensais que, si nous savions exactement ce qui se passait dans les moindres

5 endroits de notre zone, nous détiendrons un élément du pouvoir."

6 R. Je ne le trouve pas sur cette page.

7 Q. Cela se trouve au milieu de la page 12.

8 R. Oui. C'est le rédacteur en chef qui s'en est chargé. Ce n'est pas moi

9 qui ai inséré ce commentaire dans l'encadré. Il s'en est servi pour faire

10 un meilleur effet d'affichage. Le format utilisé, c'est un stratagème que

11 vous connaîtrez de la part d'un chef de rédaction. Il veut créer une

12 impression particulière. C'est de le retirer de son contexte, n'est-ce pas

13 ?

14 Q. Enfin, apparemment, c'est une citation directe de l'article. Je n'ai

15 pas suffisamment de temps --

16 R. Un instant, non. Soyons clair. Il y a cet encadré dans lequel se trouve

17 une phrase, mais c'est une phrase qu'on retrouve dans une autre partie de

18 l'article. Vous, vous l'avez ôtée -- retirée de son contexte, et vous le

19 présentez comme caractéristique autonome. Je dis que ce n'est pas là la

20 bonne façon de faire.

21 Q. Je vais retrouver l'endroit exact où il se trouve dans l'article. J'y

22 reviendrai plus tard.

23 Vous le saviez, n'est-ce pas, mon Général, comme c'était une mission en

24 vertu du chapitre 6, vous étiez censé être impartial et ne pas recueillir

25 des renseignements, ce que vous feriez si vous étiez partie au conflit,

Page 7327

1 n'est-ce pas ?

2 R. Oui, et notre activité de recherche et recueil de renseignements se

3 faisait dans le cadre de renseignements militaires.

4 Q. Il y a une grosse différence entre le recueil de renseignements et le

5 type d'information ou renseignements militaires que vous recueilliez.

6 R. Mais les principes sont pratiquement les mêmes des recueils.

7 Q. Mais quelle est la différence entre les deux ? Vous êtes d'accord avec

8 moi pour dire que, dans le premier cas, il faut tout savoir parce que vous

9 devez vous défendre votre vie en dépend; dans le second, lorsque vous

10 recueillez des renseignements militaires, l'idée c'est de savoir ce qui se

11 passe sur le terrain pour pouvoir vous acquitter de votre tâche.

12 R. C'est exact, oui.

13 Q. C'est tout à fait différent.

14 R. Exact.

15 Q. Bien que vous ne disposiez pas de moyens suffisants pour recueillir ces

16 renseignements -- vous êtes d'accord ?

17 R. Mes ressources étaient bonnes.

18 Q. Mais pas de moyens électroniques ?

19 R. Non, pas électroniques. Mais je pensais vous avoir déjà expliqué le

20 système que nous avions pour recueillir ces renseignements. Vu les moyens

21 dont je disposais, je pense que c'était la façon la plus efficace de

22 procéder.

23 Q. Vu les moyens que vous aviez, c'était la façon la plus efficace.

24 R. Oui.

25 Q. Mais si vous vous étiez trouvé en guerre, les moyens déployés pour le

Page 7328

1 recueil de renseignements auraient été beaucoup plus importants.

2 R. Pas nécessairement. L'armée américaine est déployée en Irak, mais elle

3 n'a pas suffisamment d'hommes -- d'effectifs, d'intelligence humaine et de

4 ressources à la base qui sont recueillis par les soldats. C'est là la

5 lacune.

6 Q. Mais vous êtes d'accord pour dire qu'en Irak, les soldats américains,

7 ils ont des satellites, ils ont une image, ils ont des interceptions, des

8 écoutes de radar ?

9 R. Je n'avais pas ce genre de chose, c'est vrai.

10 Q. C'est tout ce que je voulais dire.

11 R. D'accord.

12 Q. En dépit du fait que vous n'aviez pas les moyens et ressources

13 nécessaires, que je viens de mentionner, vous avez néanmoins recueilli des

14 renseignements en déployant les hommes comme vous l'avez fait et comme vous

15 l'avez décrit, votre objectif étant de savoir ce qui allait se passer en

16 vue des journées suivantes d'activité.

17 R. Oui.

18 Q. Il s'agissait d'opération permanente -- des procédures opérationnelles

19 permanentes, en anglais, SOP. Le BritBat et son personnel ne devaient pas

20 quitter la base de la nuit. C'est exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Ce qui veut dire que vous ne pouviez pas voir ce qui se passait

23 véritablement sur le terrain, car vous savez que, la plupart du temps, le

24 déploiement de forces, cela se fait la nuit. Les offensives -- les attaques

25 sont toujours lancées avant l'aube ou juste à la tombée de la nuit ?

Page 7329

1 Mais vous n'étiez pas sur le terrain à ces moments-là. Ceci vous a empêché

2 de vraiment découvrir le fin fond histoire et de savoir quelles étaient les

3 unités participant à la bataille.

4 R. Oui, je serais d'accord avec vous, mais j'émettrais une réserve. Si

5 vous avez été visiter une unité, elle se trouvait là hier, vous retournez

6 et elle n'est plus là, cela veut dire que vous avez compris qu'elle est

7 partie ailleurs et si elle apparaît quelque part ailleurs, vous le savez.

8 Q. Vous pourriez faire votre travail de protection de convois mais vous ne

9 savez pas qui avait éventuellement attaqué ce village.

10 R. Pas toujours.

11 Q. A moins de l'avoir vu.

12 R. Exact.

13 Q. J'ai cru comprendre que vous avez une obligation -- ou que le général

14 Hadzihasanovic avait pour obligation de garantir la liberté de circulation

15 à des convois humanitaires mais qu'il n'était pas du tout obligé de vous

16 accorder la liberté de circulation pour aller à la recherche et pour le

17 recueil de renseignements.

18 R. Je me suis, surtout, intéressé pour veiller à ce que

19 -- à vérifier que les routes étaient ouvertes et libres pour le passage,

20 parce que c'étaient surtout des civils qui n'étaient pas protégés par des

21 blindés qui conduisaient ces véhicules. Il était très important de savoir

22 ce qui se passait. Souvent, j'ai dit à mes soldats de ne pas se dégager ou

23 de ne pas s'éloigner de cette route où passait l'aide humanitaire.

24 Q. Mais vous savez que, dans ce contexte, les commandants avec qui vous

25 avez affaire ne vous ont pas toujours dit la vérité, du moins pas toute la

Page 7330

1 vérité. Vous auriez fait la même chose si vous aviez été à leur place.

2 R. Je n'étais pas à leur place, je ne peux pas vous dire si je l'aurais

3 fait ou pas. Ce que les commandants m'ont donné, nous avons eu

4 l'information, nous avons fait un tri et nous avons fait les comparaisons.

5 Vous avez l'idée du puzzle. Vous avez certaines pièces du puzzle et vous

6 les rassemblez.

7 Q. Quelquefois, un homologue peut vous donner des informations justes,

8 mais pas toujours parce que cet homologue n'a pas l'obligation de vous

9 révéler un secret quant au lieu où va se déclencher l'attaque.

10 R. Oui, mais, en même temps, c'est utile pour eux que je sache -- de me

11 laisser savoir où ils vont attaquer parce que cela veut dire qu'à ce

12 moment-là, nous, on ne sera pas là.

13 Q. Mais vous saviez également, et vous l'avez dit, que tous ces

14 renseignements que vous avez recueillis, grâce aux personnes qui étaient

15 déployées d'une rencontre que vous avez eue, cela se retrouvait dans un

16 milinfosum; et vous aviez ce capitaine Harrison, qui préparait ces résumés

17 de renseignements militaires et les transmettait à beaucoup de personnes,

18 notamment, au commandement central des Nations Unies à Kiseljak.

19 R. Exact.

20 Q. Vous saviez également que tous les bataillons de la FORPRONU, c'est-à-

21 dire, les homologues aux votre contreparties, suivaient la même procédure.

22 Il y avait le Bataillon canadien qui fournissait aussi des milinfosums et

23 c'était vrai du Bataillon français et des autres bataillons dans le

24 secteur.

25 R. Oui. Ils fournissaient ces rapports, mais je ne savais pas trop comment

Page 7331

1 ils recueillaient ces renseignements. Il se peut que leur système leur soit

2 tout à fait particulier, que je ne connaisse pas, pour recueillir ces

3 renseignements. Je ne savais pas s'ils avaient des officiers de liaison,

4 qui parlaient directement aux unités parce que c'était leurs pieds carrés,

5 et ce n'était pas notre prérogative.

6 Q. Mais, en général, vous seriez d'accord pour dire que, d'après les

7 renseignements qui étaient transmis au commandement central de Bosnie-

8 Herzégovine à Kiseljak, il y avait un milinfosum hebdomadaire qui était

9 composé et transmis à tous, dont le commandement des Nations Unies à

10 Zagreb.

11 R. Oui.

12 Q. De là, depuis Zagreb, l'information repassait vers la base sous forme

13 sommaire souvent pour toutes les missions onusiennes sur le terrain. Vous

14 vous en souvenez ?

15 R. Je ne me souviens pas qu'il y avait ce retour d'information mais je

16 suis sûr qu'il était en place.

17 Q. Vous savez que, parallèlement, vous aviez la MCCE, la Mission

18 d'observation de l'Union européenne, où les observateurs avaient un

19 mécanisme de rapport similaire au vôtre, c'est-à-dire que cela partait des

20 moniteurs des observations au centre de coordination, aux centres

21 régionaux, ainsi qu'au QG de la MCCE à Zagreb. Ces informations repartaient

22 vers la base. Vous vous souvenez de ce système ?

23 R. Oui. Nous avions des liens plus étroits avec les gens de la MCCE dans

24 notre secteur.

25 Q. Ces rapports n'étaient pas seulement étroits. Il y avait des échanges

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1 directs de renseignements et d'informations entre la FORPRONU et la MCCE

2 par ECLO. ECLO, c'est l'officier de liaison de la Communauté européenne.

3 ECLO, "European Community liaison officer".

4 R. Je ne m'en souviens pas.

5 Q. C'était un membre de la MCCE qui était posté au QG onusien.

6 R. Je ne m'en souviens pas. Nous nous occupions surtout des questions

7 techniques, uniquement d'ailleurs, techniques, avec la MCCE.

8 Q. Mais, dans tous les rapports que vous avez vus, mon Général, vous avez

9 pu constater qu'on a fait rapport d'un même incident plus d'une seule fois.

10 R. Oui.

11 Q. Que certains incidents ont reçu une interprétation différente et qu'il

12 y a eu beaucoup de recyclage des renseignements de cette façon.

13 R. Oui. Nous avons vraiment veillé, de façon très minutieuse, à ce qu'il y

14 ait chaque fois une rubrique "commentaire" dans nos milinfosums. Ce

15 n'étaient pas les faits, c'était une idée, une pensée, une analyse. Si

16 certains s'en servaient de ces commentaires comme étant des faits, ils se

17 sont trompés. Je le crois fort bien.

18 Q. Oui, mais vous savez qu'il y a un danger. Ces puits d'information, qui,

19 quelquefois, c'étaient une rumeur, deviennent un crédo par le simple fait

20 qu'on le répète comme une étalée dans beaucoup de documents. Est-ce que

21 vous êtes conscient de ce danger ?

22 R. Oui. Shakespeare a dit que : "La rumeur, c'est le plus grand voyageur."

23 Mais nous avons veillé à ce que les informations que nous recevions étaient

24 corroborées par d'autres éléments d'informations. Nous avons veillé à

25 corroborer les renseignements que nous recevions pour composer ce puzzle.

Page 7333

1 Même, si on avait un élément d'information spectaculaire à l'époque, on ne

2 le prenait pas en compte tant qu'il n'était pas corroboré pas d'autres

3 sources.

4 Q. Dans ces milinfosums, qui reprennent les informations que vous dites,

5 que vous avez étudié personnellement ces documents la nuit avant de les

6 envoyer.

7 R. Si ce n'était pas moi, c'était mon second, et s'il n'était pas là lui,

8 c'était l'officier supérieur.

9 Q. Ce n'était pas toujours vous ?

10 R. Non, mais nous avions un système qui assurait que c'était toujours un

11 officier supérieur du bataillon qui les examinait, qui les contrôlait, que

12 ce soit moi ou le second.

13 Q. Parce qu'ici vous dites que c'est vous-même qui avait inspecté et

14 vérifié chacun des milinfosums. C'est pour cela que je m'interrogeais.

15 R. Sur le plan technique si vous voulez, oui. En pratique, je n'ai pas vu

16 chacun de ces documents, mais j'avais mis en place un système qui assurait

17 qu'un officier supérieur les contrôlait.

18 Q. Vous avez maintenant M. Kiggell, qui était capitaine, et s'il a dit

19 devant la Chambre qu'il se peut que le commandant ait vu certains de ces

20 milinfosums avant qu'ils ne soient envoyés --

21 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président. C'est la troisième

22 fois aujourd'hui, je le constate, que Me Bourgon cite un extrait d'une

23 audition d'autres témoins devant vous. Je ne pense pas que ce soit là la

24 meilleure façon de procéder. Je me permets de vous demander de donner des

25 instructions à Me Bourgon afin qu'il ne poursuive pas cette façon d'agir, à

Page 7334

1 savoir, citer ce qu'ont dit d'autres témoins qui ont comparu devant vous.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Bourgon, vous faites état de témoignages

3 de personnes qui ont déjà déposé, par voie d'affirmation, en demandant au

4 témoin ce qu'il pense des témoignages. L'Accusation fait une objection, en

5 indiquant que ce n'est pas une manière de procéder, d'autant plus que vous

6 citez des témoignages de personnes que le témoin a indiqué qu'il n'a plus

7 revues depuis des années. Comme lui n'était pas présent lors du témoignage,

8 ces témoins, il ne les a plus vus depuis des années. Est-ce bien utile et

9 efficace de procéder de cette manière ?

10 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Président, il y a

11 une relation directe entre les extraits de témoignage que j'utilise au

12 cours de mon contre-interrogatoire, entre les personnes qui étaient des

13 subordonnées du témoin qui est présentement devant la Chambre. Il n'y a

14 aucune règle, comme le prétend peut-être mon confrère, qui empêche une

15 telle pratique puisque, lorsque ces personnes sont venues témoigner, elles

16 ont parlé de plusieurs choses qui se sont produites au sein du Bataillon

17 britannique. Nous avons aujourd'hui le commandant du Bataillon britannique.

18 Il est tout à fait réglementaire, et tout à fait normale et utile, à la

19 recherche de la vérité, de pouvoir permettre au commandant du bataillon de

20 donner son impression, son opinion, ou de corriger certains faits qui

21 auraient pu être apportés par d'autres témoins. La façon de le faire, c'est

22 de lui rapporter ces faits-là. Par contre, Monsieur le Président, je vais

23 limiter cette pratique au minimum.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Là, il valait mieux de limiter au minimum.

25 Continuez.

Page 7335

1 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

2 Q. [interprétation] S'agissant des milinfosums, mon Général, je reviens à

3 cette question. Ils sont préparés par votre bataillon, et je pense que vous

4 avez dit, dans une de vos déclarations préalables, qu'il fallait les

5 considérer comme étant des instantanés, pris à un moment précis, et que la

6 situation, que l'on voit dépeinte dans un milinfosum, peut avoir évolué,

7 changé, les jours suivants. Est-ce que c'est exact ?

8 R. Oui. Sinon, il serait inutile d'avoir chaque jour un milinfosum, si on

9 se contente de répéter sans cesse la même chose. On veut, manifestement,

10 traduire les faits qui se sont produits ce jour-là, l'émettre à jour ces

11 résumés, faire des comparaisons avec des renseignements recueillis,

12 éclairer tel ou tel point, parce que maintenant cela était, à jour,

13 corroboré. C'est un document vivant qui évolue chaque jour.

14 Q. C'est la raison pour laquelle vous dites qu'il ne faut pas considérer

15 ces milinfosums comme étant la vérité à un moment quelconque, mais plutôt

16 la perception qu'on a, ou qu'un individu précis a à un moment précis.

17 R. Je pense que c'est une déclaration exacte que cela. J'aurais voulu

18 adorer de présenter la vérité absolue, mais, en vérité, la réalité ne se

19 présente pas. Ce n'est pas comme cela que cela se passe.

20 Q. Revenons rapidement à un sujet que vous avez évoqué. Chaque fois qu'on

21 trouve la mention "commentaire" dans ces milinfosums, vous avez dit qu'à ce

22 moment-là, ce ne sont pas des faits qui sont consignés, mais plutôt des

23 conjectures, -- ou plutôt une estimation, une supputation instruite de

24 quelqu'un qui a recueilli ces informations.

25 R. Oui, c'est ce qu'il se fait comme idée à partir de toutes les

Page 7336

1 renseignements qui sont arrivées. C'est un homme qui est compétent, qui

2 chevronnait dans cette matière, et c'est la façon qu'on compose ce tableau

3 d'ensembles.

4 Q. Quand on dit ces commentaires, on peut soit être d'accord avec eux, ou

5 les ignorer, parce qu'elles ne sont pas des faits ?

6 R. Vous voulez dire les commentaires ?

7 Q. Oui.

8 R. Ils sont utiles pour déclencher un cheminement dans votre esprit, un

9 raisonnement, et pour voir comment les choses évoluent, une façon plus

10 systématique.

11 Q. Mon estimé collègue de l'Accusation -- là, je reviens à la question des

12 renseignements. Mon collègue disait que les milinfosums étaient une source

13 d'information fiable. Je crois que vous avez répondu par l'affirmative ?

14 R. Oui.

15 Q. Mon Général, vous conviendra avec moi que, lorsqu'on dit "source

16 d'information fiable", cela dépend de la raison d'être de ces documents, de

17 savoir pourquoi on les utilise.

18 R. Oui. Mais disons que c'est ce qu'on pourrait faire de mieux, pour nous,

19 d'après ce qui se passait.

20 Q. Cela vous permettait de vous acquitter de votre mission d'escorte de

21 convois, mais ceci ne vous permettait pas de savoir, de façon précise,

22 quelle unité allait mener une attaque à un moment précis.

23 R. Si on donnait la dénomination d'une unité dans le milinfosum parce

24 qu'on aurait rencontré le commandant, et qu'il y avait une attaque, on le

25 présentait comme fait parce que c'était fiable.

Page 7337

1 Q. Si cette attaque avait été observée par quelqu'un ?

2 R. Oui, s'il avait des témoins, et on savait ce qui se passait.

3 Q. Si, dans un milinfosum, on a pour information qu'un village a été

4 attaqué par l'ABiH, on ne sait pas quelle unité attaquait ?

5 R. Non. On dirait simplement, cela a été attaqué par l'ABiH. Cela pourrait

6 être, dans ce cadre, X ou Y.

7 Q. Quand on dit Brigade X ou Y, c'était une spéculation, une conjecture ?

8 R. C'était un commentaire à ce moment-là, par rapport aux faites.

9 Q. Lorsqu'on parle d'un milinfosum fiable, il ne faut pas oublier

10 l'authenticité, le caractère véridique des informations. Si vous savez que

11 vos commandants sur le terrain ne discutent pas la vérité, ou qu'il est

12 probable qu'ils dissimulent leurs opérations, et leurs actions de votre

13 part, ce n'est pas très fiable ?

14 R. Vous parlez de mes soldats, ou des ABiH ?

15 Q. Non, je parle des gens que vous rencontrez. Vos gens partent,

16 recueillent des informations, et vous savez, notamment, que les

17 renseignements qu'ils recueillent ne sont pas nécessairement exacts.

18 R. Ou -- ils n'étaient pas simplement limités à des entretiens avec les

19 commandants sur le terrain. Ils se déplaçaient, ils faisaient eux-mêmes des

20 observations. Je pense que le système, que nous avions mis en place, était

21 une méthode très performante de recueil d'information.

22 Q. Dans cette article - et je n'ai pas le temps de faire la citation -

23 mais vous avez dit que vous aviez des officiers de liaison jeunes, et que

24 vous ne leur avez pas donnés d'instructions sur la façon de recueillir des

25 renseignements ?

Page 7338

1 R. Exact. Parce que, dans l'armée britannique, nous avons une philosophie

2 qui est celle du commandement de mission. On y voit là. C'est votre

3 mission, et exécutez-là de la façon qui vous semble la meilleure. Chaque

4 jeune officier savait ce qu'il devait faire. Comment il l'a réalisé cette

5 mission, c'est parce que cela dépendait de la situation dans laquelle il se

6 trouvait -- des unités qu'il essayait de trouver du terrain sur lequel il

7 était. Il était, tout simple, très différent d'une fois à l'autre. Si

8 j'avais dit, une fois pour toute, comment il fallait le faire, serait-il

9 fait erroné ? J'ai dit : "Dites-moi ce qui se passe dans ce secteur.

10 Comment vous parvenez à cette information, à vous de juger."

11 Q. Vous dites aussi, dans cet article, que les renseignements, que vous

12 avez réussi à glaner, vous ont permis de prévoir ce qui allait se passer.

13 R. J'ai capté des renseignements du HVO, de l'ABiH, et de tous ceux qui se

14 trouvaient surtout, notamment, dans la vallée de Lasva. J'étais sans doute

15 la personne la mieux informée de la vallée de Lasva parce que j'avais

16 beaucoup plus de sources que les seules ressources de mon bataillon.

17 J'avais tout le reste. Je composais ce tableau d'ensembles et je dirais que

18 toute les personnes, qui se trouvaient dans la vallée de Lasva, mon équipe

19 de milinfosum était sans doute celle qui savait le mieux ce qui se passait

20 dans cette zone, sans doute, le mieux informé de tous les commandants.

21 Q. Je vais tourner un instant pour montrer quelques documents, mais je

22 vous crois aux paroles; cependant, lorsque vous êtes arrivés sur le

23 terrain, on vous a donné une espèce d'organigramme des factions

24 belligérantes ?

25 R. Oui.

Page 7339

1 Q. Cet organigramme avait été modifié hebdomadairement quand vous êtes

2 parti parce qu'à la fin des missions, vous n'étiez toujours pas amène de

3 savoir comment était composé le 3e Corps et comment la zone opérationnelle

4 de Bosnie centrale du HVO se composait.

5 R. C'est n'était pas très précis, mais nous avons délibérément mis ceci à

6 jour pour que je connaisse les événements.

7 Q. Mais il y avait cette marge de manœuvre que vous avez laissé à vos

8 officiers de liaison, et certains, du coup, ont rencontrés des difficultés,

9 n'est-ce pas ?

10 R. C'est bien possible. Je ne sais pas si vous allez mentionner les

11 épisodes précis.

12 Q. Il y a eu, justement, Cameron Kiggell. Mais est-ce qu'il n'est pas

13 établi en tant que fait que -- alors que le général Hadzihasanovic a

14 demandé précisément que M. Kiggell soit remplacer, et la raison de cette

15 demande c'est parce que M. Kiggell outre passait les limites de son

16 opération, de sa mission, et il était à la recherche des secrets

17 militaires, pour savoir en clair ce qui se passait dans la cadre

18 d'opérations militaires; est-ce bien cela ?

19 R. Si le général Hadzihasanovic trouvait que mon officier de liaison

20 allait trop loin lorsqu'il essayait d'accéder au corps qu'il avait cet

21 accès, et s'il a voulu qu'il soit mis à pied, je l'ai enlevé.

22 M. Kiggell, d'ailleurs qu'il a été envoyé, il a été muté à Tuzla. J'ai mis

23 à sa place le capitaine Andrew Jackson, qui a fait fonction d'officier de

24 liaison.

25 Q. Est-ce que c'était à vos yeux votre responsabilité d'informer Cameron

Page 7340

1 Kiggell de ce qu'il devrait faire ou ne pas faire pour accomplir votre

2 mission et rester impartial dans ce conflit ?

3 R. Il savait qu'il devait rester impartial. Il savait qu'il devait aussi

4 parler à des commandants. Je rappelle ce que j'ai déjà dit : Moi, je ne dis

5 pas aux gens comment il faut faire leur travail. Je leur donne une mission.

6 Je leur dis ce qu'ils doivent faire. Si ce qu'ils font ne marche pas, si on

7 les rejette, je dis d'accord, on n'a pas gain de cause. On ne trouve pas

8 ces renseignements qu'on cherche. On fera autre chose.

9 Q. Mais est-ce qu'un commandant n'est pas responsable de tout ?

10 R. En fin de compte, oui. J'ai d'ailleurs pris responsabilité de tout ce

11 qui se passait dans mon bataillon.

12 Q. Vous avez dit que vous aviez les meilleures sources d'information sur

13 le terrain dans la vallée de la Lasva.

14 R. A l'époque. Je précise, à l'époque.

15 Q. Oui, oui, à l'époque. Je vous renvois à un document qui se trouve dans

16 le classeur que vous avez reçu. C'est le quatrième du classeur. Excusez-

17 moi, une fois de plus. Je n'ai pas eu le temps de placer les intercalaires.

18 J'ai un rapport, mon Général --

19 R. Est-ce qu'on examine le même ?

20 Q. Document de la MCCE intitulé : "Une route pour la survie en Bosnie-

21 Herzégovine."

22 C'est un rapport spécial.

23 R. Oui, oui, je l'ai.

24 Q. Dans le coin supérieur droit, normalement, vous devez trouver R020-

25 25993 [comme interprété].

Page 7341

1 R. Oui, oui, je trouve.

2 Q. Ce rapport est rédigé par M. l'Ambassadeur Thébault. Vous dites, dans

3 votre article, que Thébault, c'était un ambassadeur français :

4 "Particulièrement efficace, très intelligent, un diplomate de carrière

5 compétent, mais qu'il avait une mauvaise habitude de, en fait, traîner dans

6 une réunion et, en fait, de me dire à la dernière minute que je devais

7 présider à un débat crucial." C'est bien cela ?

8 R. Oui.

9 Q. J'aimerais que nous examinions ce document pour voir ensemble si

10 l'ambassadeur Thébault et le système de recueil de renseignements mis en

11 place par la MCCE avaient la même lecture de la situation que vous. Là, je

12 cite le premier paragraphe lorsqu'on parle du blocus total des routes qui

13 viennent du sud semble être : "Depuis trois mois, l'arme la plus efficace

14 utilisée par le HVO pour encercler la Bosnie septentrionale et la Bosnie

15 centrale pour forcer les Musulmans de Bosnie à la reddition."

16 Cela se dit le 22 juillet. Or, à ce moment-là, vous, vous dites que

17 l'ABiH a la main haute et est en situation d'offensive.

18 Deuxième paragraphe, vous dites : "L'arme économique a grandement

19 contribué à la dégradation de la situation politique et sociale dans toutes

20 les zones. Il y a des appartenances ethniques mixtes, ce qui sème la

21 méfiance dans les communautés."

22 Paragraphe suivant, il est dit : "Vu l'absence totale de carburant et

23 de pièces de rechange, tout le système industriel s'est désormais effondré,

24 suivi lentement de toutes les infrastructures vitales."

25 Paragraphe suivant : "Les gens sont dans un véritable désespoir comme

Page 7342

1 le montre les dernières émeutes de Tuzla autour des dépôts du Haut-

2 commissariat aux Réfugiés des Nations Unies."

3 Page suivante : "C'est manifestement une situation qui est une des

4 raisons principales pour les attaques de l'ABiH, parce que pour cette

5 armée, c'est devenu obsession que de sécuriser une voie vers la mer. La

6 communauté internationale n'a pas réussi à comprendre la nature du problème

7 jusqu'à présent, n'a pas réussi à le résoudre en faisant mettre en place

8 une liberté de circulation pour les vivres de première nécessité. Ceci est

9 utilisé comme excuse pour la poursuite des combats."

10 Je passe au troisième paragraphe, où l'on dit : "Mais la poursuite

11 d'un tel blocus des routes, qui est uniquement dû au HVO, a aussi une

12 incidence sur les conditions de vie des Croates de Bosnie qui vivent en

13 Bosnie centrale, ce qui les pousse au désespoir. Si on faisait quelque

14 chose, ceci serait très bien accueilli par une grande partie de la

15 communauté croate."

16 J'aimerais maintenant passer au troisième paragraphe avant la fin.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause qui est bientôt.

18 M. BOURGON :

19 Q. [interprétation] A la page suivante, on dit : "C'est une

20 initiative internationale dont le but est d'obtenir des résultats concrets

21 et rapides pour assurer la liberté de la circulation des biens serait une

22 contribution importante."

23 Si nous passons à la page suivante où il est dit : "Après plusieurs

24 discussions avec le commandant BH de la FORPRONU, ils estiment qu'il s'agit

25 d'une idée sensible du point de vue militaire, et que cela pourrait aboutir

Page 7343

1 à la mise en œuvre de zones de sécurité s'il y avait véritablement un

2 véritable élan politique."

3 Mon Général, j'aimerais savoir si cette description de la situation

4 correspond à la situation telle que vous l'avez vue en Bosnie, le 22

5 juillet et, deuxièmement, j'aimerais savoir si cela est différent de ce qui

6 a été décrit par votre mécanisme de collecte d'information pour les

7 milinfosums.

8 R. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un rapport qui a été préparé

9 par M. l'Ambassadeur Thébault. Il s'agit d'un rapport qui est destiné aux

10 affaires civiles. Il s'agit d'un rapport tout à fait différent des rapports

11 que je préparais. Il s'agit de connotations opérationnelles et

12 stratégiques. Il s'agit de concepts d'idées. C'est M. l'Ambassadeur

13 Thébault qui a préparé ce rapport pour pouvoir informer les gens de ce qui

14 se passait. Il suggère certaines initiatives et certaines idées. Pour ce

15 qui est de l'objectif de la présentation et du but de ce rapport, il est

16 tout à fait différent de ce que nous avons pour un milinfosum. En fait, ce

17 qui se trouve dans ce rapport va au-delà, du point de vue stratégique, que

18 de ce que je mettais dans mes milinfosums. Ce que je veux vous dire, c'est

19 qu'il s'agit d'un scénario tout à fait différent et d'objectifs tout à fait

20 différents aux objectifs de mes rapports milinfosums.

21 Q. Mon Général, êtes-vous d'accord pour dire que cela illustre les

22 circonstances qui prévalaient en Bosnie centrale pendant votre période

23 d'affectation ?

24 R. Cela représente un cliché ou un instantané fait par

25 M. l'Ambassadeur Thébault, à ce moment-là.

Page 7344

1 Il avait également à son niveau un puzzle qu'il souhaitait remplir à

2 partir de ces sources d'information.

3 Q. Merci, Général. Nous arrêterons ici, je crois.

4 M. BOURGON : Prenons-nous une pause, Monsieur le Président ?

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire, pour des raisons

6 techniques, un break. Nous reprendrons l'audience à 13 heures.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, nous avons trois quarts d'heure.

10 Allez-y.

11 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

12 Q. [interprétation] Mon Général, je souhaiterais maintenant vous poser

13 quelques questions à propos des opérations du corps telles qu'elles ont été

14 menées à bien en Bosnie centrale. Dans un premier temps, j'aimerais que

15 vous me confirmiez - parce que je pense que vous l'avez mentionné il y a

16 quelques minutes - que, lorsque nous parlons d'opérations militaires, elles

17 peuvent être classées comme des opérations tactiques, des opérations

18 opérationnelles ou des opérations stratégiques.

19 R. Oui.

20 Q. Vous êtes d'accord avec moi pour dire que le corps fonctionne au niveau

21 opérationnel avec, bien entendu, des éléments au niveau stratégique et au

22 niveau tactique, bien que ces éléments soient limités.

23 R. J'aimerais nuancer mon propos en disant que votre objectif est

24 tactique, opérationnel ou stratégique. Les moyens pour obtenir cela ne

25 correspondent pas forcément à ces différentes catégories. Vous pouvez, par

Page 7345

1 exemple, avoir un but opérationnel en ayant, par exemple, un seul soldat

2 sur le terrain.

3 Q. Merci, mon Général.

4 Etes-vous d'accord pour dire que le commandant au niveau du corps

5 prévoit ce qui va se passer sur le terrain de bataille au moins 96 heures à

6 l'avance ?

7 R. Au moins, oui.

8 Q. Dans des circonstances normales, il est difficile pour un commandant de

9 corps d'avoir une incidence directe sur la conduite des opérations

10 lorsqu'elles sont menées à bien.

11 R. Il serait étrange qu'il n'ait pas une incidence directe, parce que

12 c'est lui qui va décider des opérations. C'est lui qui va les mettre à

13 exécution. Si cela ne se passe pas comme prévu, il obtient des réactions,

14 des retours d'information de la part de son état-major pour pouvoir

15 rectifier le tir et pour que les choses soient mieux faites.

16 Q. Je vais préciser ma question. Une fois que nous sommes passés par ce

17 cycle, lorsque l'opération est véritablement menée à bien et effectuée, il

18 est rare que le commandant ou le général du corps intervienne pendant que

19 l'opération est menée à bien.

20 R. Si cela ne se passe pas comme prévu, d'après ses plans, il intervient.

21 Q. Merci, mon Général.

22 Vous êtes d'accord avec moi pour dire que les fonctions d'un commandant de

23 corps est de faire en sorte que les objectifs stratégiques qu'il reçoit de

24 la part de l'état et qui lui sont communiqués par le QG de l'armée soient

25 convertis en des directives opérationnelles qui sont ensuite concrétisés

Page 7346

1 sur le terrain par des groupements tactiques ou par des commandants de

2 brigade.

3 R. Si c'est ainsi qu'il veut commander son corps, c'est ainsi qu'il peut

4 procéder. Il y a différentes méthodes.

5 Q. Lorsque nous parlons de la responsabilité de tout commandant, mais

6 encore plus un commandant de corps, je suggère qu'il y a trois types de

7 responsabilité : la responsabilité vis-à-vis de l'état et de la chaîne de

8 commandement; la responsabilité vis-à-vis des subordonnés; et la

9 responsabilité juridique. Est-ce que vous pensez que cela englobe, grosso

10 modo, les responsabilités d'un général qui commande un corps ?

11 R. C'est bref, certes, mais c'est exact.

12 Q. Si nous prenons les responsabilités vis-à-vis de la hiérarchie

13 supérieure, cela signifie que l'armée doit toujours rendre des comptes aux

14 organes politiques de l'état, en tout cas, pour ce qui est des armées du

15 monde occidental; et que tout officier chargé du commandement doit faire

16 preuve de loyauté, dans un premier temps, vers les échelons supérieurs de

17 la chaîne de commandement. Etes-vous d'accord ?

18 R. Oui, mais il peut tout à fait revenir sur ce que lui demande de faire

19 les échelons supérieurs et il peut en discuter. C'est en tout cas la

20 tradition de l'armée britannique. Vous ne suivez pas des ordres, de façon

21 tout à fait aveugle. Un commandant ne doit jamais le faire. Si vous n'êtes

22 pas d'accord avec les instructions qui vous ont été confiées, soit vous

23 acceptez cela, soit vous donnez votre démission.

24 Q. Mon Général, pour ce qui est de la responsabilité vis-à-vis des soldats

25 ou vis-à-vis des subordonnés, la loyauté -- parce que certains disent que

Page 7347

1 la loyauté n'existe pas, mais que vous avez une certaine responsabilité

2 pour vous assurer que les soldats seront sains et saufs après la bataille,

3 et que cela est la responsabilité du commandant. Est-ce que vous êtes

4 d'accord ?

5 R. Il ne peut pas garantir que les soldats seront sains et saufs après la

6 bataille, mais dans ses plans, il doit véritablement faire en sorte de

7 préparer des plans qui auront un impact minime sur le nombre de victimes et

8 de morts parmi ces soldats.

9 Q. Pour ce qui est de sa responsabilité juridique, êtes-vous d'accord avec

10 moi, mon Général, que dans les circonstances bien précises dont il est

11 question, le général Hadzihasanovic, qui était le général qui commandait,

12 devait respecter le droit national, le droit international, ainsi que les

13 directives de sa propre armée.

14 R. Oui, et permettez-moi d'ajouter qu'il devait également respecter ses

15 propres principes déontologies, qui est sa propre philosophie pour ce qui

16 est de savoir ce qui est bien et ce qui n'est pas bien.

17 Q. Merci, mon Général. Lorsque nous parlons des responsabilités d'un

18 général qui assure le commandement vis-à-vis de la chaîne de commandement,

19 vis-à-vis des subordonnés, lorsque nous parlons également de ses

20 responsabilités juridiques, il y a un mot qui revient et qui, en fait,

21 amalgame tout cela; c'est le mot de "discipline". Etes-vous d'accord avec

22 ce que j'avance ?

23 R. C'est une déclaration assez ample, mais si vous le souhaitez, oui,

24 probablement.

25 Q. Etes-vous d'accord pour dire que maintenir la discipline au sein de

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1 votre unité militaire permettra à cette unité militaire d'accomplir sa

2 mission; cela permettra aux soldats de se protéger; et cela permettra

3 également d'éviter qu'il y ait des infractions.

4 R. Oui.

5 Q. Pour ce qui est d'un commandant, sa responsabilité vis-à-vis de la

6 discipline est de faire en sorte de s'assurer que toute infraction est

7 prise en considération et que l'on essaie de régler le problème. Etes-vous

8 d'accord ?

9 R. Oui.

10 Q. Dans ces circonstances, il se peut qu'il y ait des infractions

11 disciplinaires ou des actes criminels, mais ce qui est important c'est que

12 le commandant veut que ces soldats respectent la loi; êtes-vous d'accord ?

13 R. Oui.

14 Q. Par exemple, en cas de désertion ou si l'on abandonne son poste en

15 temps de guerre, êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit de délits très,

16 très graves, qui en temps de paix, bien entendu, n'ont pas la même

17 connotation ?

18 R. Oui.

19 Q. Si nous parlons du vol d'un sac de farine, ou si nous parlons du délit

20 de vol, cela est aussi important que si vous volez un de vos camarades qui

21 fait partie de la même force que vous, et que cela est équivalent d'un vol

22 dans le monde civil. Les deux actes sont mauvais.

23 R. Oui, mais il faut voir comment est-ce que l'on peut fonder ces

24 différents actes. Vous devez prendre en considération les circonstances qui

25 prévalent à ce moment-là. Je ne peux pas dire que l'un est aussi mauvais

Page 7349

1 que l'autre. Il faut prendre en considération le lieu, le temps, et cetera.

2 Q. Les circonstances qui prévalent au moment où cela est fait sont très

3 importantes lorsque nous parlons de discipline.

4 R. Oui.

5 Q. Mon Général, en matière d'opérations militaires, vous connaissez, bien

6 entendu, ce que l'on appelle les principes de la guerre ?

7 R. Oui.

8 Q. Il y en a 10, 11, 9, cela dépend de l'armée. Mais il y a un principe

9 qui est le plus important principe de guerre, et je suppose que c'est le

10 principe le plus important dans votre armée, à savoir, l'armée du Royaume

11 Uni. Il s'agit du choix de l'objectif et du fait qu'il faut s'en tenir à

12 cet objectif.

13 R. J'au eu de nombreux discussions à propos des principes de guerre, afin

14 de savoir quel était le principe qui était le plus important. Je n'en

15 choisirais aucun, parce que cela dépend des circonstances. Le choix de

16 l'objectif et le fait de s'en tenir à cet objectif, c'est très important si

17 vous voulez parvenir à cet objectif, mais je ne dirais pas que c'est le

18 principe le plus essentiel. Il y a d'autres principes qui sont tous aussi

19 importants.

20 Q. Si vous preniez la mission qui a été confié au général Hadzihasanovic,

21 êtes-vous d'accord pour dire qu'à l'époque, son objectif aurait du être de

22 choisir son objectif et de s'en tenir ?

23 R. Mais je ne savais pas quelle était sa mission.

24 Q. Si je vous dis que la mission du général Hadzihasanovic consistait :

25 dans un premier temps, à tenir les lignes contre les forces serbes;

Page 7350

1 deuxièmement, à créer un corps, un corps qui n'existait pas auparavant; et,

2 troisièmement, à créer les conditions nécessaires pour pouvoir constituer

3 une force qui pourrait être utilisée pour libérer Sarajevo; au vue des

4 circonstances qui prévalaient à l'époque, êtes-vous d'accord pour dire que

5 le général Hadzihasanovic devait s'en tenir à ces objectifs ?

6 R. Oui, et vous venez de me dire quelle était sa mission. Je ne savais pas

7 qu'il devait libérer Sarajevo, mais je dirais que, pour ce qui est des deux

8 premiers éléments de son objectif, sa mission était couronnée de succès, en

9 fait, créer un corps qui n'existait pas auparavant, et tenir les lignes

10 contre les serbes. Il s'est acquitté de sa tâche très bien en ce domaine.

11 Q. Mon Général, nous avons un témoin expert qui est venu ici. Je ne vais

12 pas citer ce qu'il a dit, mais, en fait, il y avait une question de la

13 différence entre la responsabilité, et la responsabilité pénale. Ce que je

14 vous dis, c'est qu'il y a une différence entre les deux concepts, et je

15 vais utiliser votre exemple pour ce faire. Vous étiez le commandant du

16 BritBat. En tant que commandant du Bataillon britannique, vous étiez

17 responsable de tout ce qui était afférant au Bataillon britannique. Vous

18 êtes d'accord ?

19 R. Oui.

20 Q. En tant que tel, vous étiez responsable et, si vous vous acquittiez

21 bien de votre tâche, vous pouviez avoir une promotion, et un versement si

22 vous ne le faisiez pas. Est-ce que c'est ainsi que les choses se passent ?

23 R. C'est vraisemblable, oui.

24 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président ?

25 L'Accusation soulève une objection par rapport à ces questions, car de

Page 7351

1 toute évidence, mon estimé confrère qui assure la Défense de M.

2 Hadzihasanovic pose des questions à ce témoin, et je pense qu'elles sont

3 des questions qui devraient être posées à un témoin expert. Il utilise ce

4 témoin comme un deuxième témoin expert, et j'insiste sur ce que j'ai déjà

5 dis. Il existe une différence énorme entre les deux situations.

6 La première situation est que nous avons un témoin aux faits qui

7 était sur le terrain, qui témoigne par rapport aux faits. Compte tenu de

8 ces compétences, et de ce qu'il a vu, est en mesure de dégager, de tirer

9 des conclusions quant aux faits qu'il a vus, alors que mon estimé confrère

10 de la Défense utilise ce témoin, qui est un témoin aux faits, comme un

11 expert. Les questions, qui ont été posées au cours des deux dernières

12 minutes, n'ont rien avoir avec les faits sur le terrain. Il s'agit des

13 questions qui sont tout à fait théoriques, des questions qui devraient être

14 posées à un expert, et c'est pour cela que je soulève une objection par

15 rapport à ses questions.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : L'objection de l'Accusation porte sur le fait que

17 nous avons un témoin de fait et non pas un témoin expert. Maître Bourgon,

18 que dites-vous par rapport à cette objection ?

19 M. BOURGON : Monsieur le Président, de multiples reprises, la Défense a

20 objecté à cette ligne de questions. La Chambre a décidé, à plusieurs

21 reprises, de permettre ce type de questions. La question qui est posée au

22 témoin n'est pas une question qui provient d'un expert. Je pose une

23 question sur son expérience personnelle, en tant que commandant du

24 Bataillon britannique sur les lieux en 1993. La question est, au fond, une

25 question de faits, une question de sa connaissance typiquement militaire.

Page 7352

1 Nous sommes d'avis, Monsieur le Président, que les questions devraient être

2 permises.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : La question que vous posez doit être replacée dans

4 un cadre plus général et, dans la mesure où le témoin nous a dit, au début

5 de son audition, qu'il avait actuellement en charge la formation de tous

6 les officiers de l'armée britannique qui vont sur des théâtres extérieures,

7 ce type de question, de nature militaire, peut lui être posée.

8 Posez-lui votre question.

9 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, une question générale, qui -- c'est sur un

11 point générale que vous posez la question.

12 Q. [interprétation] Général, compte tenu des observations fait par le

13 Président de la Chambre de première instance, j'aimerais vous demander si,

14 en règle général, vous êtes d'accord avec le fait suivant : un commandant

15 est, en règle général, responsable de tout ce qui se passe dans son unité ?

16 R. Oui.

17 Q. Il doit rendre des comptes pour ce qui se passe et, en cas de

18 problèmes, cela peut avoir des conséquences, tel que, par exemple, des

19 mesures prises par rapport à la carrière de la personne, des mesures

20 administratives ?

21 R. Ils sont responsables et ils doivent rendre des comptes. Les

22 conséquences par rapport à la carrière, c'est un des scénarios que l'on

23 peut envisager. C'est vrai que nous sommes responsable, et que nous devons

24 rendre les comptes, c'est tout.

25 Q. Puisque nous parlons de responsabilité, mon Général, vous serez

Page 7353

1 d'accord avec moi pour affirmer qu'il y a une différence entre la

2 responsabilité pénale, et que dans le cas d'un commandant, qui n'a pas lui-

3 même commis de délit ou de crime, sa responsabilité pénale ne doit être

4 considérée que, lorsqu'il y a un négligence grave qui représente une

5 négligence très grâce par rapport à ces fonctions.

6 R. Est-ce que vous êtes en train de me dire que la responsabilité pénale

7 n'est pas valable, tant que quelque chose ne s'est pas produit ? Parce

8 qu'une responsabilité pénale, elle existe. Elle commence dès le début. Si,

9 en tant que commandant, je suis responsable du délit, je suis responsable.

10 Mais ce n'est pas quelque chose que l'on peut utiliser de temps à autre.

11 Cette responsabilité pénale, avec -- ce que cela représente pour le

12 comportement de l'armée, le comportement du bataillon. Si tu commandes un

13 bataillon, cette responsabilité existe toujours. On ne peut pas l'utiliser

14 d'un temps à autre. Elle perdure.

15 Q. C'est justement ce que je voulais dire, mon Général. Si un commandant a

16 commis des délits -- vous l'avez vu puisque vous avez témoigné dans le

17 procès du général Blaskic, qui a été jugé coupable pour avoir donné l'ordre

18 de combat contre la population civile -- il a commis une infraction, un

19 délit, et il a été considéré comme coupable du fait de sa participation.

20 Vous êtes conscient de ce fait ?

21 R. Je sais qu'il a été jugé coupable, mais je ne suis pas conscient des

22 détails.

23 Q. L'Accusation vous a expliqué les différences entre cette affaire et

24 l'affaire Blaskic ?

25 R. Non, et je ne m'attendais pas à ce qu'il me fasse d'ailleurs parce que

Page 7354

1 cette affaire est une affaire tout à fait autonome. Il s'agit de forces

2 différentes, armées différentes, de personnes différentes, d'une mission

3 différente, et de tâches différentes, alors que vous essayez d'amalgamer --

4 de faire l'amalgame entre tout cela. Je pense que c'est tout à fait erroné.

5 Q. Du point de vue juridique, mon Général, je suppose du moins que

6 l'Accusation ne vous a pas expliqué que, dans ce cas d'espèce, le général

7 Hadzihasanovic n'a pas été accusé d'avoir commis des crimes, d'avoir

8 participé à des crimes, d'avoir planifié des crimes, d'avoir aidé des

9 crimes, ou d'être complice des crimes. Est-ce que l'Accusation n'a pas --

10 poussé aux crimes -- est que l'Accusation vous l'a expliqué, cela ?

11 R. Non.

12 Q. Si je vous dis maintenant la différence entre ce procès et un autre

13 procès ne vient pas des faits, parce que je suis d'accord avec vous, il ne

14 faut pas procéder à un amalgame. L'affaire Blaskic est l'affaire Blaskic.

15 Le général Hadzihasanovic, c'est tout à fait différent. Mais, pour ce qui

16 est de la responsabilité juridique, le général Hadzihasanovic est accusé

17 d'infractions ou de violations qui ont été supposément commises par des

18 subordonnés. Il ne s'agit pas de ses propres infractions ou violations.

19 Vous comprenez ?

20 R. Je le comprends et j'en suis tout à fait conscient.

21 Q. Etant donné que le général Hadzihasanovic est accusé d'infractions et

22 de violations commises par des subordonnés, est-ce que vous êtes d'accord

23 avec moi que, dans le cas d'espèce, il s'agit de savoir -- compte tenu de

24 ce que vous avez dit auparavant -- de savoir si le général Hadzihasanovic a

25 eu une conduite raisonnable au vu des circonstances qui prévalaient à

Page 7355

1 l'époque.

2 R. Si, comme vous me le dites, le général Hadzihasanovic est ici pour

3 répondre des actions de ses subordonnés, il est à la fois responsable des

4 actions de ses subordonnés et il doit rendre des comptes à ce sujet, parce

5 que c'est ce que doit faire un commandant.

6 Q. Je le comprends, mon Général, mais ma question est la suivante : dans

7 quelle mesure est-ce qu'il est responsable du point de vue pénal ? Si un de

8 vos subordonnés, par exemple, a commis une infraction ou a commis un larcin

9 ou un vol, vous n'êtes pas responsable de ce vol ?

10 R. Mais je suis responsable car je dois absolument faire quelque chose

11 pour que cela ne tombe pas aux oubliettes, et je suis, en fait, responsable

12 de négligences pénales si cela n'est pas fait.

13 Q. L'Accusation, pour ce procès, est comme suit : le général

14 Hadzihasanovic n'a pas pris de mesures nécessaires et raisonnables au vu

15 des circonstances pour prévenir, empêcher ou sanctionner. Etes-vous

16 d'accord avec moi ?

17 R. Oui.

18 Q. Il s'agit de mesures raisonnables et nécessaires, et ce dont il s'agit

19 c'est justement de l'exercice du commandement par le général

20 Hadzihasanovic.

21 R. Je suis d'accord avec cela, mais je répéterais à nouveau que cet

22 exercice du commandement englobe -- tout comme vous l'avez dit auparavant,

23 un commandant est responsable de l'action de ses troupes, de leur

24 comportement, et il doit rendre des comptes à ce sujet également. Je

25 reviendrai à la charge là-dessus parce que je suis responsable, par

Page 7356

1 exemple, du comportement de mes troupes.

2 Q. S'il a pris des mesures nécessaires et raisonnables, compte tenu des

3 circonstances qui prévalaient à l'époque - et nous en avons déjà parlées -

4 il ne doit pas être considéré comme responsable du point de vue pénal. Vous

5 comprenez la différence ?

6 R. Je comprends la différence.

7 Q. Mon Général, poursuivons. J'aimerais maintenant passer à la chaîne de

8 commandement et à la responsabilité hiérarchique. Vous êtes d'accord avec

9 moi pour dire que la chaîne de commandement va de l'échelon le plus élevé à

10 l'échelon le -- de l'échelon le plus bas à l'échelon le plus élevé, et que

11 l'on parle d'unités de commandement et de chaînes de commandement

12 verticales. Si un soldat commet une infraction, ce n'est pas tous les

13 commandants à tous les échelons qui vont être considérés comme

14 responsables, ou qui seront considérés comme coupables de cette infraction.

15 Etes-vous d'accord ?

16 R. Je suis d'accord, mais j'ajouterais qu'il est important que, depuis les

17 échelons supérieurs, il existe un système transparent qui fonctionne et qui

18 est en vigueur.

19 Q. Mon Général, vous serez d'accord avec moi pour dire que cette chaîne

20 verticale du commandement signifie que différents commandants à différents

21 niveaux ont des responsabilités différentes par rapport à un fait qui est

22 commis par un soldat.

23 R. Oui.

24 Q. Vous ne vous attendez pas à ce que le commandant d'une compagnie aura

25 les mêmes -- ou subira les mêmes conséquences pour une infraction commise

Page 7357

1 par un soldat, les mêmes conséquences que le commandant du corps ?

2 R. Il a les mêmes responsabilités d'assurer que le système mis en vigueur

3 est appliqué. S'il échoue, s'il n'est pas en mesure de le faire, il commet

4 également une infraction.

5 Q. Mais, si le commandant d'un corps a pris les mesures nécessaires pour

6 instaurer un système pour faire en sorte que les ordres nécessaires soient

7 données, si lui s'est acquitté de ses responsabilités à son niveau, vous

8 seriez d'accord avec moi pour dire qu'il ne doit pas être considéré

9 responsable du point de vue pénal.

10 R. A condition qu'il ne s'est pas non seulement contenté d'instaurer le

11 système, mais qu'il a procédé aux vérifications pour s'assurer que le

12 système est viable, fonctionne et donne les bons résultats. Il ne sert à

13 rien de mettre sur pied un bon système et, ensuite, de prendre du recul et

14 de dire : oui, je l'ai fait, ce n'est plus mon problème. Ce n'est pas comme

15 cela qu'il faut agir. Vous instaurez un système et vous vous assurez que ce

16 système fonctionne, est opérationnel, et cetera, et cetera. Vous ne pouvez

17 pas laisser les choses en l'état.

18 Q. Mon Général, lorsque le général prend des mesures, instaure le système

19 -- nous avons parlé au préalable de la confiance qui règne au niveau de la

20 chaîne de commandement -- il n'appartient pas au général de faire en sorte

21 de voir, jusqu'aux échelons les plus bas, si les soldats ont commis des

22 infractions, de savoir ce qui s'est passé, à moins qu'il n'en soit informé

23 par l'entremise de sa chaîne de commandement. Vous êtes d'accord ?

24 R. Je suis d'accord. Mais il faut s'assurer qu'il a un bon système qui

25 permet de faire en sorte que les rapports soient envoyés. C'est cela qu'il

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1 doit vérifier et il doit véritablement essayer de voir ce qui se passe.

2 S'il n'est pas satisfait de ce qui se passe, il doit faire quelque chose.

3 S'il court le risque d'être exposé, il doit faire en sorte de combler le

4 fossé.

5 Q. S'il s'agit d'un général, qui est en pleine guerre, et qui se trouve

6 dans les situations dont nous parlons maintenant -- et vous connaissez

7 toutes les obligations dont nous parlons, pour ce qui est de la guerre, de

8 la planification des activités militaires, des instructions qui sont

9 données en cas d'activités militaires -- vous êtes d'accord avec moi pour

10 dire que, si le général a pris toutes les mesures nécessaires, au lieu des

11 circonstances qui prévalent, et qu'il a pris toutes les mesures à son

12 niveau, il ne doit pas être considéré comme responsable du point de vue

13 pénal, il ne doit pas être jugé coupable.

14 R. Mais en cas de guerre -- mais, vous venez de dire que c'est un

15 commandant très occupé, il planifie, il dirige tout cela, et vous me dites

16 que cela change les circonstances. Mais, je m'excuse, cela ne change

17 aucunement les circonstances. Il continue à avoir cette responsabilité, peu

18 importe qu'il s'agit d'une opération de maintien de paix. En Irlande du

19 nord, par exemple, vous avez toujours la responsabilité du commandement.

20 Vous ne pouvez pas esquiver cela parce que les circonstances sont

21 particulièrement pénibles.

22 Q. Mais vous serez d'accord avec moi, mon Général, pour dire qu'il faut

23 qu'il mette au point des mesures raisonnables.

24 R. A condition que vous ayez un système. Si vous n'avez pas un système qui

25 fonctionne, c'est vous qui serez responsable en dernier ressort.

Page 7359

1 Q. Général, vous nous avez dit que vous étiez -- que vous savez quelles

2 étaient les règles disciplinaires en vigueur en Bosnie.

3 R. Militaires ou civiles ?

4 Q. Militaires. Il s'agissait de ce que le général Hadzihasanovic pouvait

5 faire pour régler tous les problèmes au sein du 3e Corps.

6 R. Je pense qu'il y avait un code de conduite qui a été publié par le 3e

7 Corps. Je ne l'ai pas vu, moi-même, mais je pense qu'il existait.

8 Q. Mais il y a des mécanismes qui ont été instaurés, qui ont été mis sur

9 pied.

10 R. Je sais que certains mécanismes ont été mis au point par le 3e Corps

11 parce qu'il voulait s'assurer d'avoir ce mécanisme. Je pense, ensuite, que

12 le colonel Hadzihasanovic a été extrêmement diligent pour faire en sorte

13 que ce système soit mis sur pied.

14 Q. Vous savez que Hadzihasanovic a mis ce système en vigueur. Est-ce que

15 vous savez qu'il s'agissait d'un système tripartite avec les délits

16 disciplinaires au sein de l'unité, et vous aviez le tribunal -- les

17 problèmes disciplinaires pour le corps, et il y avait -- il s'agissait d'un

18 tribunal militaire, et il y avait également un tribunal militaire spécial,

19 qui permettait à un commandant de brigade de faire passer la peine de mort

20 pour l'un de ses soldats. Vous le saviez ?

21 R. Je ne le savais pas. Je savais qu'il y avait un code de conduite qui

22 existait.

23 Q. Mon Général, pendant l'époque où le général Hadzihasanovic commandait

24 le 3e Corps, vous savez qu'il y a eu plus de 1 000 rapports au pénal qui

25 ont été déposés par les différents échelons. Il s'agissait de plus de 1000

Page 7360

1 rapports au pénal qui ont suivi et les ordres émis par le général

2 Hadzihasanovic.

3 R. Il n'y a aucune raison que je le sache, et je ne le savais pas.

4 Q. Si vous le saviez, et si vous connaissez les circonstances dans

5 lesquelles opérait le général Hadzihasanovic, êtes-vous d'accord avec moi

6 pour dire que, comme vous le savez parce que vous l'avez dit, que c'est un

7 commandant qui agissait en toute diligence.

8 L'INTERPRÈTE : Est-ce que Me Bourgon pourrait parler un peu plus

9 lentement ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pourriez répéter parce que je n'ai pas

11 saisi ?

12 M. BOURGON :

13 Q. [interprétation] En lieu des circonstances qui prévalaient à l'époque,

14 nous sommes tous les deux d'accord pour dire qu'un commandant ne peut pas

15 oublier ce qui se passe sur le terrain. Vous êtes d'accord ?

16 R. Mais --

17 Q. Mais, si je vous disais qu'en Bosnie, vu ce qui se passait, le général

18 Hadzihasanovic a émis un certain nombre d'ordres qui a entraîné la

19 déposition de plus de 1 000 plaintes au pénal qui ont été déposées contre

20 des membres du 3e Corps, que cela n'est pas véritablement une surprise pour

21 vous du fait de toutes les qualités que vous avez mentionnées pour décrire

22 le général Hadzihasanovic.

23 R. Je n'étais pas au courant du nombre de plaintes au pénal qui ont été

24 déposées, mais vous revenez en arrière et vous dites que, vu l'échelle de

25 ce qu'il a fait, cela excuse tout. Non, non, c'est votre moyen de défense.

Page 7361

1 Vous dites que les circonstances étaient difficiles, il y avait beaucoup de

2 plaintes qui ont été déposées, par conséquent, peu importe.

3 Mais s'il y avait beaucoup de plaintes, à ce moment-là, non, je le crains

4 fort, il faut faire quelque chose pour mettre un système en place. La

5 situation a changé et, en tant que commandant, il faut s'en rendre compte.

6 Il y a un problème. En tant que commandant, je vois que je n'ai pas un

7 moyen efficace de gérer toutes ces plaintes tellement elles sont

8 nombreuses. Je dois instaurer un système et je dois le faire sur-le-champ,

9 faute de quoi, ceci va se retourner contre moi plus tard.

10 Q. Si on estime -- il y avait preuve que ce commandant a pris ces mesures,

11 à ce moment-là, il s'acquitte de ses responsabilités de commandant de

12 corps.

13 R. Pour autant qu'il prenne des mesures et qu'elles soient appliquées.

14 Q. Mais s'il prend ces mesures et si on peut le constater, notamment, par

15 le fait qu'il a émis des ordres, par le fait qu'il y a un système

16 judiciaire qui est indépendant, est-ce qu'il n'y a pas preuve qu'il a pris

17 toutes les mesures nécessaires et raisonnables à l'époque pour veiller à ce

18 que les personnes soient arrêtées et punies.

19 R. Je ne suis pas en mesure de faire un commentaire sur le code pénal en

20 Bosnie, pour savoir s'il a pris les mesures nécessaires. Je ne suis pas

21 qualifié pour le faire. Mais s'il y avait eu échec du système de ce fait-

22 là, à ce moment-là, il faut ajuster le système.

23 Q. Ce que je vous dis c'est que vous avez rencontré, à maintes reprises,

24 le général Hadzihasanovic. Vous avez mentionné beaucoup de ses qualités

25 qu'il avait, selon vous. Vous avez dit qu'il avait agi avec diligence pour

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1 essayer de mettre en place beaucoup de choses. Vu les circonstances, si je

2 vous dis qu'il a pris, effectivement, des mesures pour faire appliquer la

3 discipline, sans mentionner ces mesures, est-ce que ce serait, pour vous,

4 surprenant, connaissant l'homme ?

5 R. Non. Je m'attendrais à ce qu'il prenne des mesures pour faire appliquer

6 la discipline, et je suis sûr qu'il l'a fait.

7 Q. Revenons à la situation sur le terrain. Vous saviez que là où vous

8 combattiez, c'était en Bosnie-Herzégovine, et vous saviez que ce territoire

9 ou que s'il y avait des forces du gouvernement -- une armée du

10 gouvernement, c'était bien l'armée du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

11 R. Vous dites que c'était la seule armée, l'armée de l'état ?

12 Q. Que c'était l'armée légitime de la Bosnie-Herzégovine, qu'il n'y en

13 avait qu'une et que c'était l'ABiH. Vous êtes d'accord ?

14 R. Oui. Quand je suis arrivé, je me suis rendu compte qu'il y avait, en

15 fait, trois armées qui combattaient. Il y avait les Serbes, les Croates et

16 les Musulmans.

17 Q. Vous ne saviez pas qu'en fait, l'ABiH défendait son propre territoire,

18 un peu comme si, vous, vous défendiez Londres contre des groupes rebelles

19 qui se trouvent à l'intérieur de l'état ? Est-ce que vous avez compris

20 cela ?

21 R. Oui. Mais si vous estimez cela sous l'angle de l'ABiH, on pourrait dire

22 la même chose pour les Serbes et les Croates.

23 Q. Mais, Général --

24 R. Je ne veux pas dire que cela revient au même. Je ne veux pas dire qu'on

25 peut tout encadré et mettre dans des petites cases bien propres. Je veux

Page 7363

1 dire qu'à mon arrivée, j'ai vu qu'il y avait trois armées en guerre. J'ai

2 dû m'accommoder de leur guerre parce que, souvent, elles faisaient

3 obstruction à mon objectif, qui était de faire parvenir l'aide.

4 Q. Ce que vous me dites --

5 R. Je ne pouvais pas influer sur l'issue de la guerre.

6 Q. Ce que vous me dites, c'est que, selon vous, la question de savoir si

7 l'ABiH était en situation de défensive, occupée à défendre son territoire

8 de deux agresseurs qui avaient été déclarés illégaux par la cour

9 constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, ce n'était pas important.

10 R. A l'époque, cela faisait rien, non.

11 Q. Mais vous avez compris que, dans le cadre de ce conflit, c'était, au

12 départ, les Serbes qui avaient été les agresseurs, qui avaient agressé

13 l'ABiH, qui coopérait avec le HVO.

14 R. Oui, j'avais bien compris. J'avais reçu un briefing. J'avais été

15 informé des événements qui avaient abouti à la situation que j'ai trouvée à

16 mon arrivée en Bosnie. Mais, maintenant, vous êtes en train de parler

17 d'affaires. J'étais commandant de bataillon, de régiment, dans la vallée de

18 la Lasva. Je recueillais des renseignements qui me permettaient de réaliser

19 mon objectif.

20 Q. Mais c'était ce que je voulais savoir de votre part.

21 Voyons maintenant les faits de la cause. Vous conviendrez avec moi que

22 l'ABiH, c'était une armée nouvelle, créée en novembre 1992. Au moment de

23 votre arrivée, elle avait moins de huit mois d'existence. Vous le savez ?

24 R. Oui, je savais que c'était une armée nouvelle.

25 Q. Vous avez compris que l'ABiH ne disposait pas d'armes et, vu l'embargo

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1 qui pesait sur elle, n'avait pas accès aux armes. Ce n'était pas le cas du

2 HVO, comme vous le dites dans votre déclaration. Le HVO, lui, a pu recevoir

3 des armes.

4 R. Oui.

5 Q. Vous saviez que les voies d'accès, les artères, les routes de la vallée

6 de la Lasva étaient tout à fait bloquées, ce qui veut dire que,

7 pratiquement, la Bosnie centrale était assiégée sans accès à la mer, sans

8 accès au sud ni au nord.

9 R. Pour les Musulmans de Bosnie ?

10 Q. Oui.

11 R. Oui.

12 Q. Vous l'avez compris ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous avez fourni une troisième déclaration au bureau du Procureur où

15 vous parlez de la question des réfugiés. Vous pouvez dire que la question

16 des réfugiés a été, effectivement, une question-clé -- était la source de

17 beaucoup de problèmes pour toutes les personnes présentes, bien sûr, mais

18 surtout pour les commandants de l'ABiH. Dites quelque chose. J'ai besoin

19 d'une réponse.

20 R. Oui. Je peux le confirmer parce qu'il y avait un afflux de réfugiés

21 dans sa zone de commandement, et il devait s'en occuper.

22 Q. Vous savez que, pendant toute la durée de votre mission en Bosnie, il y

23 a eu des combats, notamment, en Gornji Vakuf, combats qui se sont

24 poursuivis même après votre départ.

25 R. Il y a eu une accalmie de trois mois. Je sais qu'il y a eu des combats,

Page 7365

1 il y a une interruption, et énormément de combats vers la fin.

2 Q. Beaucoup de documents vous ont été montrés, et vous mentionnez,

3 notamment, ce relief ou le point de Maglaj. Vous dites, qu'à partir du mois

4 de juillet, l'ABiH a changé de cadence. Elle est passée à la vitesse

5 supérieure. Elle est partie à l'offensif.

6 R. Oui.

7 Q. Avez-vous pu constater, à partir du début de votre mission jusqu'à la

8 fin, ce qui s'est passé, qu'une évolution en ce terrain, cette pointe de

9 Maglaj a évoluée. Ce terrain, l'ABiH l'a perdu, et ceci a créé un problème

10 grave sur le plan stratégique, sur le plan opérationnel pour l'ensemble de

11 l'état. Vous le saviez ?

12 R. Je sais, en tout cas, qu'il y a eu une modification des positions du

13 dispositif militaire sur la pointe de Maglaj pendant la durée de ma

14 mission.

15 Q. Vous connaissez la géographie de la Bosnie centrale. S'il fallait

16 trouver une solution à ce conflit, dans la Bosnie-Herzégovine, cette

17 solution, elle ne pouvait venir que de la Bosnie centrale. Vous l'avez

18 compris, n'est-ce pas ?

19 R. Non, ce n'est pas comme cela que j'ai compris la situation. Au jour le

20 jour, rien ne me poussait à penser à ce genre de chose.

21 Q. Dans un de vos milinfosums, que je vais vous montrer dans un instant,

22 vous mentionniez bien qu'il vous était impossible de comprendre des

23 différences qu'il y avait entre le 2e Corps et le 3e Corps. Dans le 2e

24 Corps, ils semblaient être amis, alors qu'ils semblaient être ennemis dans

25 le 3e Corps. Vous étiez les derniers à comprendre cela; est-ce exact ?

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1 R. Ce qui m'a surpris, c'est que, comme je voyais les choses, le 2e Corps

2 se composait d'Unité du HVO et de l'ABiH, qui semblaient lutter ensemble,

3 au nord, dans la région de Tuzla. Je n'ai pas compris pourquoi, en bas,

4 dans la vallée de la Lasva, il y avait une, vraiment, une fissure complète

5 entre le HVO et l'ABiH. C'était difficile à comprendre. Parce que, dans une

6 partie du pays, ces forces luttent ensemble, alors que, de l'autre côté,

7 ils s'opposent. C'était difficile à comprendre.

8 Q. Parlant de Vares, en réponse à une question qui vous a été posée,

9 lorsqu'on a parlé d'un congé qu'avait pris le général, vous ne l'avez pas

10 cru lorsqu'il vous a dit qu'il avait pris cette permission pour aller voir

11 sa famille ?

12 R. Pourquoi est-ce que je ne l'aurais pas cru ?

13 Q. Mais, dans votre rapport, vous avez parlé d'autre chose.

14 R. C'est-à-dire que, quand on le voit aller dans le 2e Corps d'armée --

15 Q. Mais est-ce que vous avez compris pourquoi il est allé voir le 2e

16 Corps ?

17 R. Non. Je peux comprendre. Je n'ai aucune difficulté à comprendre les

18 plans et les actions militaires entrepris par l'ABiH. Le problème, il

19 surgit sur la façon dont ils s'y sont pris.

20 Q. Maintenant --

21 R. Ce que je dis, quelque soit le plan de guerre du 2e Corps exécuté, pas

22 de problème pour moi, mais ils ont réussi à surmonter -- à venir à bout de

23 la domination initiale du HVO. Cela ne pose pas de problèmes, parce que

24 c'était leur guerre à eux. Une guerre qu'ils menaient et que je pensais

25 qu'ils menaient fort bien.

Page 7367

1 Q. Mais ici --

2 R. On parle de cette affaire, et vous essayez de biffer tout cela,

3 d'évacuer tout cela parce que c'est trop difficile.

4 Q. Mais vous comprenez, lorsqu'on parle de Vares, puisque vous avez parlé

5 de Vares --

6 R. Oui.

7 Q. Vares. C'était un objectif stratégique très important. Si on ne prenait

8 pas Vares, on risquait de perdre, comme on avait perdu l'empreinte de

9 Maglaj, comme vous l'appelez, on risquait de couper le nord totalement.

10 R. Oui, j'ai bien compris, et j'avais compris aussi. D'ailleurs, on m'a

11 montré un itinéraire de contournement de Vares, ce qui permettait de faire

12 une liaison sans perdre l'itinéraire de Vares. On essayait de contourner la

13 route de Vares.

14 Q. Vous dites dans votre déclaration, vous faites état de la coopération

15 entre les Serbes et le HVO. Vous étiez au courant, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. On parle d'une supériorité numérique en effectifs de l'ABiH. Vous dites

18 qu'il y avait plus d'hommes que dans le HVO. Cela ne tient pas compte du

19 fait que le HVO travaillait avec les Serbes.

20 R. Je ne sais pas où vous voulez en venir. Voici ce que je dis. Je pensais

21 que l'ABiH était très motivée. Elle n'avait pas l'appui extérieur dont

22 bénéficiait les Serbes et les Croates, et vu cette situation, c'est

23 étonnant qu'ils aient obtenu les résultats qu'ils ont obtenus.

24 Q. Mais vous conviendrez avec moi que, vu les forces numériques, nous

25 avons l'ABiH qui avait peut-être une supériorité numérique en nombre par

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1 rapport au HVO; mais si vous faites la somme du HVO et des Serbes, ils ne

2 sont pas supérieurs.

3 R. Mais cela, c'est une question de mathématiques avec les trois parties

4 belligérantes. Vous pouvez combiner comme vous le voulez.

5 Q. Mais vous dites dans plusieurs déclarations que le général

6 Hadzihasanovic devait couvrir plus de 3 000 kilomètres -- 300 kilomètres de

7 ligne de front avec les Serbes.

8 R. J'avais une ligne de front aussi d'à peu près 300 kilomètres de Tuzla à

9 Romboci, et j'ai dû la tenir tout le temps.

10 Q. Vous comparez vos responsabilités de commandant du BritBat avec le fait

11 de tenir le front avec des Serbes ?

12 R. Pas du tout. Mais vous vous donnez un ordre de grandeur, 300

13 kilomètres, ce qui n'est pas habituel pour un corps d'armée. Je vous

14 réponds qu'on m'a donné une zone de 300 kilomètres, ce qui était aussi

15 inhabituel pour moi. Je ne compare pas les deux. Je me contente de dire :

16 voilà, c'est ce qui se passe quelquefois.

17 Q. Mais vous comprenez que si vous avez 300 kilomètres de ligne de front à

18 tenir contre les Serbes, c'est exigeant, c'est très éprouvant pour l'ABiH,

19 pour le commandant ou le général qui commande cette armée, mais aussi pour

20 ce qui est du nombre des effectifs dont vous avez besoin pour tenir cette

21 ligne.

22 R. Je ne le nie pas du tout et je dis qu'ils se fort bien acquittés de

23 leur tâche.

24 Q. Lorsqu'on dit qu'en fait, à un moment donné, le HVO et l'ABiH ont tenu

25 cette ligne, et au moment du retrait du HVO, au moment où il a quitté cette

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1 ligne, cela a provoqué beaucoup de problèmes pour le général qui commandait

2 ces forces.

3 R. Je l'ai vu dans la zone de Travnik. Il y a eu retrait complet et très

4 vite. L'ABiH a dû combler cette lacune et je sais, effectivement, c'est un

5 fait : le HVO, en fait, est reparti dans les mains des Serbes, et revenu, a

6 fait demi tour une fois de plus.

7 Q. Dernier document. En fait, trois documents avant la fin de la journée.

8 Numéro 5.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bourgon, nous n'étions qu'à trois minutes

10 de la fin. Il vous faut combien de temps pour vos documents ?

11 M. BOURGON : J'ai trois documents, Monsieur le Président, et, en cinq

12 minutes, je conclus.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

14 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

15 Q. [interprétation] Le cinquième document de votre glossaire, mon Général,

16 il porte la date du 6 juillet 1993.

17 R. Est-ce que c'est le numéro 03041866 ?

18 R. Oui. Veuillez lire le premier paragraphe, en dessous du mot "ordre," où

19 il est dit : "Après avoir constaté, de mes propres yeux, dans quel état se

20 trouvaient les transmissions dans les unités et le fait qu'il y avait

21 gaspillage et utilisation disfonctionnelle des moyens dont disposait le

22 Groupe opérationnel, et le fait que certains équipements avaient été

23 dissimulés en partie afin de mieux faire fonctionner le système de

24 transmission intégré au niveau du groupe opérationnel, j'ordonne la chose

25 suivante."

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1 Est-ce que ceci vous montre que les transmissions n'étaient pas aussi

2 bonnes que vous le dites ?

3 R. Ceci me montre que le commandant qui a signé cet ordre, Mehmed Alagic,

4 a constaté un problème et qu'il essaie d'y remédier. C'est ce qu'il doit

5 faire à son niveau. Ce qu'on décrit ici, ce que décrit le commandant, c'est

6 peut-être tout à fait différent sur le terrain. Il n'est peut-être pas

7 ravit en tant que groupe opérationnel. Si vous le voulez. Mais, en tout

8 cas, il a reçu des informations. Ici, vous prenez un document, j'essaie de

9 le replacer dans ce contexte. C'est important parce que, si un homme pense

10 qu'il y a de mauvaises communications, ce n'est peut-être pas ce que pense

11 l'autre.

12 Q. Mais sur place, vous ne connaissiez pas l'état dans lequel se trouvait

13 cette transmission jusqu'à l'échelon de la compagnie, du régiment. Vous ne

14 le saviez pas ?

15 R. J'ai été arrêté à un carrefour par la police militaire parce que

16 j'allais effectuer une visite chez le colonel Hadzihasanovic -- il était

17 colonel à cette époque. Ils ont passé un coup de fil et, tout de suite,

18 j'ai eu la réponse. C'était rapide.

19 Q. Je vous renvois au troisième document de la liste. Il porte la date du

20 21 août. Page 10.

21 R. Oui.

22 Q. Rapport envoyé par le commandant du 3e Corps, le général

23 Hadzihasanovic, à son QG supérieur pour préciser dans quel état se trouve

24 précisément le 3e Corps au mois d'août.

25 Page 10, "Problèmes en matière d'exercice du commandement." Voici ce que

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1 dit le premier paragraphe : "Les problèmes sont complexes à ce stade de

2 l'exécution des opérations de combat. Ils sont le fruit des conséquences

3 négatives de trois facteurs très importants : la compétence du personnel

4 militaire, le matériel de transmission, et la motivation."

5 Est-ce que ceci vous montre que les transmissions constituaient, à

6 l'époque, un problème dans le 3e Corps ?

7 R. Je ne connais pas ce contexte non plus. Je ne sais pas dans quel

8 contexte ceci a été rédigé. Je vois la date du mois d'août. Que dit la

9 totalité du rapport ? Je ne le sais pas. Quelles sont les conclusions qu'il

10 tire ? Je ne le sais pas. Mais vous choisissez une phrase qui dit que,

11 d'après lui -- ou du moins l'auteur pense qu'il y a un problème en matière

12 de transmission.

13 Q. Il parle aussi de la motivation. Or vous pensiez que c'était une armée

14 très motivée. Apparemment, c'est aussi un problème.

15 R. Apparemment, oui. Mais, j'ai recueilli, depuis les informations du

16 terrain, des rapports qui me montraient une très grande motivation.

17 Q. Je poursuis l'examen de cette page. J'arrive au dernier paragraphe. On

18 parle de façon plus précise de transmissions. On dit : "Un autre problème

19 c'est le matériel de transmission dans le système de commandement. Ce

20 problème existe aussi aux échelons inférieurs du commandement, section,

21 peloton, et compagnies. Par exemple, vous avez une compagnie qui exécute

22 une attaque ou organise une défense, et le commandant de compagnie n'a pas

23 de communications radio ou par fil avec les commandants de sections, et ne

24 peut envoyer que des messagers." Est-ce que ceci, sans plus de détails,

25 vous montre que les transmissions n'étaient pas si bonnes que cela, dans le

Page 7372

1 3e Corps ?

2 R. Non, mais si je tourne la page, on voit "nonobstant cela," prenez la

3 page 11, d'accord ?

4 Q. Oui.

5 R. On dit : "En dépit de cela, nous avons établi les transmissions

6 suivantes." Ils sont énumérés des moyens de transmission qui fonctionnent.

7 C'est la première fois que je vois ceci. On parle de moyens de

8 communication et transmission qui sont établis et d'autres qui sont déjà

9 prévus, c'est-à-dire que des mesures avaient été prises afin de remédier à

10 la situation, même avant la rédaction de ce rapport.

11 Q. C'est ce que l'on peut attendre de la part d'un général compétent,

12 comme le général Hadzihasanovic, car il doit œuvrer à la création d'un

13 système de transmission.

14 R. Ceci me montre que le général Hadzihasanovic a mis en place un

15 processus permettant de régler la question.

16 Q. Une dernière question --

17 R. Je vous demande si ce processus a été transféré à d'autres domaines.

18 Q. On a beaucoup parlé de ces téléphones par satellite, cellulaires

19 utilisés -- ou d'un numéro de téléphone qui aurait été donné -- reçu ce

20 numéro de M. Merdan ? Vous le confirmez ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous ne saviez pas que ce téléphone cellulaire, en fait, c'était le

23 téléphone cellulaire de la banque de Bosnie-Herzégovine, et qui, a titre

24 exceptionnel, avait été mis à la disposition du général, parce qu'ils

25 attendaient à recevoir une communication de son état-major supérieur. Vous

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1 le saviez ?

2 R. Cela ne change rien au fait qu'il y avait transmission. Si on me donne

3 un numéro de téléphone, je l'utilise. Peu importe que se soit un Vodaphone,

4 ou un autre système de transmission. Si cela marche, je l'utilise. Peu

5 importe d'où cela vient. Le lien existe, en matière de transmission.

6 Q. Dernière chose. On parle d'un téléphone de liaison pour satellite. Pour

7 communiquer avec qui que se soit, il vous faut un autre téléphone du même

8 genre ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous en avez peut-être un, mais vous étiez le seul en Bosnie ?

11 R. Je peux vous dire qu'il y avait des gens de liaison qui les avaient.

12 Q. Vous, parce que vous avez le matériel.

13 R. Parce qu'on avait des liaisons.

14 Q. Mais pas au sein du 3e Corps a des fins de commandement.

15 R. Cela, je ne sais pas.

16 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. J'ai terminé pour aujourd'hui.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, hier vous n'étiez pas là. On avait

18 discuté de la question de la durée du témoignage qui va continuer demain,

19 vendredi. Vous avez indiqué qu'il vous faudra deux heures pour la Défense

20 globalement, parce qu'il était prévu qu'on discute de la question des

21 documents après la fin de l'audition. La question est : vous avez besoin de

22 combien de temps demain pour terminer vos questions ?

23 M. BOURGON : Monsieur le Président, si j'avais 30 minutes demain, je serais

24 en mesure de terminer.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Trente minutes. Je me tourne vers les autres

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1 Défenseurs. Il vous faut combien de temps ?

2 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Très peu de

3 temps. Pas plus de cinq minutes; cinq à dix.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, vous avez compris que votre audition

5 n'est pas terminée ce jour, malheureusement, pour vous ou heureusement, je

6 ne sais pas. Vous devez rester et revenir demain pour l'audience de 9

7 heures. Nous poursuivrons le contre-interrogatoire à partir de demain à 9

8 heures.

9 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la

10 porte de la salle d'audience en vous invitant à revenir demain pour 9

11 heures.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers Monsieur Withopf.

15 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, demain nous

16 devrions poursuivre la discussion à propos des documents. Je souhaite

17 attirer votre attention, à vous, Madame, Messieurs les Juges, ainsi qu'au

18 conseil de Défense, pour dire que nous avons déposés aujourd'hui une

19 nouvelle liste de synthèse respectant notre chronologie des pièces avec

20 toutes les informations que vous aviez souhaitez par votre ordonnance en

21 date du 29 avril.

22 La liste des pièces a été déposée sous format A3, pour que ce soit une

23 lecture facile pour toutes les parties concernées. C'est peut-être utile de

24 savoir pendant la discussion de demain.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : L'équipe de la Défense a pris bonne note, je

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1 l'espère, du fait que l'Accusation a préparé un document conformément aux

2 indications globales que nous avions données sur la présentation des

3 documents. La discussion sur les documents pourra, le cas échéant,

4 s'appuyer sur ce nouveau document de format A3, un document que je ne

5 connais pas et que je n'ai pas encore. Voilà. S'il n'y a pas d'autres

6 problèmes.

7 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Le juriste de la Chambre me dit que comme c'est en

9 format A3, on ne pourra pas, en ce qui concerne la Chambre, avoir ce

10 document en version papier d'ici demain. Voilà. Monsieur Withopf, à moins

11 que vous fassiez une copie en version papier. Je vous redonne la parole.

12 M. WITHOPF : [interprétation] J'étais sur le point de le dire, Monsieur le

13 Président. Nous sommes tout à fait prêt à vous fournir à vous ainsi qu'à la

14 Défense, une copie de ce document plus tard dans l'après-midi.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Me Bourgon est certainement d'accord avec

16 votre proposition. Cela l'évitera d'aller regarder la version électronique.

17 Nous vous remercions, Monsieur Withopf.

18 Dans ces conditions, je lève l'audience, et je vous invite à revenir pour

19 demain à 9 heures.

20 Merci.

21 --- L'audience est levée à 13 heures 52 et reprendra le vendredi 14 mai

22 2004, à 9 heures 00.

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