Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 5 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : L'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver

8 Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, je vous donne la parole pour la

10 présentation des membres de l'Accusation.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

12 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, représentants de la

13 Défense et tous ceux qui sont dans le prétoire.

14 Je m'appelle Daryl Mundis et je suis accompagné d'Andres Vatter, notre

15 assistant d'audience, et de Mathias Neuner.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je me tourne vers tous les autres avocats

17 pour qu'ils se présentent.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

19 Madame, Monsieur les Juges, pour la Défense du général Enver

20 Hadzihasanovic, Edina Residovic, conseil principal, accompagné de Stéphane

21 Bourgon, co-conseil, et de Muriel Cauvin, notre assistante juridique.

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, pour la

23 Défense de M. Kubura, je m'appelle Fahrudin Ibrisimovic, et je suis

24 accompagné de Rodney Dixon, et de notre assistant juridique, Nermin

25 Mulalic.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour cette dernière journée de la semaine, je

2 salue toutes les personnes présentes, les représentants de l'Accusation,

3 les avocats, les accusés, ainsi que tous les membres de cette salle

4 d'audience. Nous avons deux témoins prévus. Espérons qu'on puisse procéder

5 à leur interrogatoire intégral ce jour; sinon, le deuxième témoin sera

6 contraint à rester jusqu'à lundi prochain. Afin c'est une hypothèse qu'à

7 priori, j'exclus, mais nous ne savons pas.

8 Je voudrais aussi attirer l'attention des parties, on l'a vu hier, mais on

9 l'avait vu déjà un jour précédent, lorsqu'une partie présente un document

10 au témoin, l'autre partie a tendance à faire des objections si, à priori,

11 elle ne voit pas de liens entre le témoin et le document. Si,

12 effectivement, il n'y a pas de liens, il peut y avoir, à ce moment-là, un

13 problème, mais la partie, qui veut procéder de cette façon, s'il n'y a pas

14 de liens apparents, qu'elle donne au moins l'indication qu'il y a un lien

15 indirect. S'il y a ni lien apparent, ni lien indirect, à ce moment-là,

16 qu'elle demande l'autorisation à la Chambre avant de poser la question,

17 afin qu'on gagne du temps; sinon, tout le monde se lève, chacun expose son

18 problème et nous perdons des minutes.

19 Comme vous le savez, la Chambre a toujours eu une attitude assez libérale

20 pour permettre aux uns et aux autres de s'expliquer, et quand vous posez

21 une question, nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants de

22 la question. Effectivement, il se peut qu'au départ, la question n'à aucun

23 sens par rapport au document, mais que, dans les questions qui vont suivre,

24 à ce moment-là, le lien irréelle apparaît petit à petit. C'est pour cela

25 que si, dès le début, on fait une objection, on peut ensuite s'en rendre

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1 compte que la question était tout à fait fondée. Mais j'invite, néanmoins,

2 les parties lorsqu'elles sont dans des zones grises, ou elles ne savent pas

3 trop si le lien indirect peut apparaître, à ce moment-là, de nous dire :

4 voilà j'ai l'intention de poser cette question. Je vous en explique les

5 raisons et je vous demande l'autorisation. A ce moment-là, bien entendu,

6 nous, nous apprécierons; sinon, on perd du temps et vous en êtes déjà

7 aperçus à plusieurs reprises. Bien, voilà, je tenais à vous indiquer cela

8 afin qu'on puisse travailler de manière efficace.

9 La Chambre a délibéré sur la question du lundi 15 novembre, dans la

10 mesure où les témoins et les accusés souhaitent ce jour-là être dispensés

11 de leur présence ici même, et il convient, dans ces conditions, d'indiquer

12 d'ores et déjà qu'il n'y aura pas d'audience lundi 15. Voilà.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de

14 ce que vous venez de dire et je souhaite dire aux Juges de la Chambre que

15 la Défense dispose de témoins pour la journée de lundi et pour les autres

16 jours de la semaine en question. Mais nous aimerions, et ce dans le respect

17 des droits fondamentaux des accusés, que vous preniez, définitivement la

18 décision de dire si nous travaillerons le lundi ou pas, de façon à ce que

19 soient respectés les droits des accusés.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, comme je vous l'ai indiqué, le lundi 16

21 novembre, il n'y aura pas d'audience.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Le 15 novembre, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Le lundi 15 novembre. Vendredi 12, samedi 13,

24 dimanche 14, lundi 15 novembre. Donc, le lundi 15 novembre, il n'y a pas

25 d'audience. Voilà, j'ai pu rassurer les Défenseurs.

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1 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir introduire le témoin.

2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur, je vais d'abord vérifier que vous

4 entendez et que vous comprenez la traduction de mes propos dans votre

5 langue. Si c'est le cas, dites, je vous entends.LE TÉMOIN :

6 [interprétation] Oui, je vous entends. D'ailleurs, le volume pourrait être

7 baissé un petit peu.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mme l'Huissière, qui est à côté de vous, va

9 appuyer sur la manette pour baisser le volume.

10 Monsieur, vous allez témoigner. Afin de recueillir votre déposition

11 concernant la prestation de serment du témoin, je vais vous demander de me

12 donner votre nom, prénom, date de naissance, et lieu de naissance.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Haris Jusic. Je suis né le 24

14 mars 1958, dans le village de Pode, dans la municipalité de Travnik.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Aujourd'hui, sur le plan professionnel, que

16 faites-vous ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui, je travaille dans une compagnie

18 d'assurance de retraite.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992 et 1993, aviez-vous, à l'époque, une

20 fonction, fonction militaire, fonction civile ? Si oui, laquelle ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, jusqu'en 1992, jusqu'à la fin de l'année

22 1993, je travaillais dans une entreprise civile.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993 ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993, quand je ne pouvais pas plus

25 travailler, je suis devenu membre de l'ABiH.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel grade avez-vous ? Quelle fonction et quelle

2 brigade ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaillais à la brigade dans le domaine du

4 droit. J'étais employé au sein de l'organe de Sécurité de la 306e

5 Brigade de montagne.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal

7 international ou un tribunal national sur les faits qui se sont déroulés en

8 1992-93 dans votre pays, ou c'est la première fois que vous témoignez ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui, c'est la première fois.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Pouvez-vous lire le serment.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN: HARIS JUSIC [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir. Avant de

16 commencer votre interrogatoire, qui est prévu par la Défense pour une durée

17 d'environ une heure, je vais vous fournir, très rapidement, quelques

18 explications. Vous venez de prêter serment de dire toute la vérité, ce qui

19 exclut tout faux témoignage. Un faux témoignage est une infraction et une

20 infraction qui peut être prévue par une peine de prison. Deuxièmement,

21 sachez que, quand vous allez répondre à des questions, vous allez donner

22 des éléments d'information qui ne pourront jamais un jour être utilisés

23 contre vous car, d'après le Règlement, vous bénéficiez d'une immunité à

24 votre déposition.

25 Les questions pourront être peut-être compliquées. Si vous ne comprenez pas

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1 la question, demandez à celui qui vous la pose de répondre -- enfin, de la

2 reformuler afin que votre réponse soit bonne. Car les Juges qui sont devant

3 vous n'ont aucun document écrit. Nous ne savons pas qui vous êtes, ce que

4 vous avez pu faire, et ce que vous avez vu. Ce sont vos propos, en

5 répondant à des questions, qui vont nous éclairer, d'où l'importance, vous

6 l'avez compris, de vos réponses. Par ailleurs, il peut arriver qu'au cours

7 des questions, les avocats vous présentent des documents pour recueillir

8 vos commentaires ou observations sur le document. C'est une possibilité

9 également qui est prévue, donc ne soyez pas surpris si on vous demande de

10 lire un document et d'apporter un commentaire.

11 Les trois Juges qui sont devant vous peuvent, à tout moment, également vous

12 poser des questions. En règle générale, ils préfèrent attendre que toutes

13 les parties vous aient posé des questions, mais il se peut que, pour

14 certaines circonstances, nous intervenions en vous posant une question.

15 Voilà, de manière très générale, ce qui va se passer. Comme le temps,

16 aujourd'hui, nous est compté, parce qu'après vous, il y a un deuxième

17 témoin, je donne tout de suite la parole aux Défenseurs.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

20 Q. Bonjour, Monsieur Jusic.

21 R. Bonjour.

22 Q. Vous venez d'entendre les avertissements du Président de la Chambre.

23 Pour ma part, Monsieur Jusic, j'en ajouterais un autre, à savoir, je vous

24 demande, à la fin des questions que je vous pose, de ménager une pause

25 brève avant de répondre car ma question doit être interprétée. De cette

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1 façon, chacun dans le prétoire pourra plus facilement suivre nos propos.

2 Vous m'avez compris ?

3 R. Oui.

4 Q. Dites-moi, je vous prie : où habitiez-vous au début de la guerre en

5 avril 1992 ?

6 R. En avril 1992, je vivais dans le village de Pode, dans la municipalité

7 de Travnik.

8 Q. Vous avez dit que vous étiez employé dans une entreprise civile.

9 Pouvez-vous nous donner le nom de cette entreprise et nous dire où elle

10 était basée ?

11 R. Il s'agissait d'une entreprise Sebisic de Travnik. C'était une

12 entreprise de transformation du bois. Pour ma part, je travaillais à la

13 scierie de Nova Bila.

14 Q. Dites-moi, je vous prie : quelle est votre profession et où vous avez

15 obtenu votre formation ?

16 R. De formation, je suis juriste. J'ai terminé mes études de droit à

17 Sarajevo.

18 Q. Avant la guerre, avez-vous servi dans les rangs d'une armée ? Si oui,

19 dans quelle armée ? Si vous en avez obtenu -- avez-vous obtenu un rang --

20 un grade au sein de cette armée ?

21 R. Oui, avant la guerre, j'ai servi dans l'ex-JNA, l'armée populaire

22 yougoslave. J'étais fantassin et je n'avais pas de grade.

23 Q. Répondant à la question du Président de la Chambre de première

24 instance, vous avez dit qu'à un certain moment, lorsque vous n'avez plus pu

25 travailler, vous êtes devenu membre de l'ABiH et, plus précisément, de la

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1 306e Brigade. Dites-moi quelles étaient vos fonctions au sein de cette

2 brigade et à quel endroit vous exerciez ces fonctions.

3 R. Oui. J'ai dit que le siège de mon entreprise était à Nova Bila, qui est

4 un village croate tout près de Travnik. Puisque les relations entre les

5 Musulmans et les Croates se sont dégradées, vers la fin de 1992, mon

6 directeur de l'époque m'a conseillé de ne plus venir au travail car ma

7 sécurité n'était plus assurée. Bien sûr, je m'en rendais compte moi-même et

8 j'ai suivi ce conseil, donc j'ai été mis en stand-by. J'étais de permanence

9 chez moi, sur le plan professionnel. Comme j'habitais dans mon village en

10 1992, je me suis retrouvé dans mon village et, pour autant que je le sache,

11 la 306e Brigade a été créée à la fin de 1992. Tout à fait normalement, en

12 tant que citoyen, j'avais un certain nombre de devoirs et je me suis donc

13 fait connaître auprès de cette brigade pour y travailler.

14 Q. Monsieur Jusic, dites-moi, je vous prie : où se trouvait le

15 commandement de votre brigade et où vous exerciez vos fonctions au sein de

16 cette brigade, à quel endroit précis ?

17 R. Le commandement de la brigade se trouvait dans le bâtiment

18 administration de la mine de charbon de Bila. Jusqu'au début du conflit

19 armé opposant l'ABiH et le HVO, je suis allé au travail tous les jours dans

20 ce bâtiment administratif de la mine, à moins, bien sûr, que l'on ne m'ait

21 envoyé sur le terrain pour y accomplir telle ou telle tâche.

22 Q. Dites-moi, je vous prie : en tant que responsable juridique au sein de

23 cet organe chargé de la sécurité, quels étaient vos principales tâches et

24 devoirs ?

25 R. Compte tenu de ma formation universitaire, je m'occupais principalement

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1 de tâches impliquant l'utilisation de papier et d'un stylo, à savoir que je

2 mettais par écrit un certain nombre de choses lorsque c'était nécessaire.

3 D'après moi, il s'agissait de tâches strictement juridiques destinées à

4 régler certains problèmes administratifs au quotidien.

5 Q. Dites-moi, puisque votre lieu de naissance -- plutôt, je reformule.

6 Quel est le nom de la région dans laquelle se trouve votre village de

7 naissance, à savoir, Pode, et où se trouve l'endroit où vous effectuiez

8 votre travail, l'endroit où est située cette mine de charbon ?

9 R. La région, nous l'appelons la région de la rivière Bila ou la région de

10 la Bila. Il y a, en effet, dans cette région, une petite rivière qui porte

11 le nom de Bila. C'est cette rivière qui a donné son nom à toute la zone

12 qui englobe les villages situés sur les deux rives de cette rivière.

13 Q. Merci. Dites-moi si, à cette époque-là, à savoir, au début de 1993,

14 lorsque vous avez commencé à accomplir les tâches qui étaient les vôtres au

15 sein de la 306e Brigade. Est-ce que vous avez, à ce moment-là, remarqué

16 que, dans le territoire de la vallée de la Bila, un certain nombre de

17 personnes originaires de pays africains et asiatiques ont fait leur

18 apparition dans la région ?

19 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne pouvais plus aller travailler à mon

20 entreprise. J'étais pratiquement sans emploi, et j'avais besoin de faire

21 quelque chose. D'ailleurs, c'était mon devoir. J'ai commencé à travailler

22 au sein de la brigade et, lorsque j'ai commencé à y travailler, je n'étais

23 pas au courant de la présence de ces personnes d'origine africaine et

24 asiatique. Enfin, il m'est arrivé d'en rencontrer, comme cela.

25 Q. Est-ce que personnellement, vous saviez d'où venaient ces personnes, et

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1 puisque vous dites les avoir rencontrés, pouvez-vous dire aux Juges de la

2 Chambre quel était leur aspect physique ?

3 R. Je ne savais rien de ces personnes. Je les voyais parfois et ces personnes

4 avaient, à mes yeux, un aspect un peu inhabituel en raison du teint de leur

5 peau qui était assez foncée.Mais eux ils s'occupaient de leurs affaires, et

6 moi je n'ai jamais eu aucun contact particulier avec ces personnes, ni

7 à ce moment- là, ni par la suite. Ceci continue jusqu'au jour d'aujourd'hui.

8 Q. Savez-vous quelle dénomination les gens ont commencé à leur donner à un

9 moment déterminé ? Comment on les appelait ?

10 R. Oui. Dans la population, on leur avait donné le nom de Moudjahiddines.

11 Q. Vous êtes juriste. Vous avez travaillé comme vous l'avez dit dans un

12 emploi lié au droit. Je vous demande, donc, si avant la guerre, vous aviez

13 la moindre connaissance au sujet de ce que sont les Moudjahiddines, et de

14 la signification de ce nom ?

15 R. On peut dire que je ne savais rien des Moudjahiddines à l'époque. Il

16 est possible que j'aie entendu mentionner ce mot à la télévision, ici ou là

17 à l'époque, mais je ne savais pas absolument pas ce que cela voulait dire.

18 Q. Monsieur Jusic, comme vous le dites, vous n'avez jamais eu de contact

19 avec ces personnes et vous ne saviez rien de ces personnes à ce moment-là.

20 Est-ce qu'à ce moment-là ou par la suite, il vous est arrivé de vous poser

21 la question de savoir pourquoi ces étrangers étaient arrivés dans la région

22 environnant Travnik, et plus précisément dans la vallée de la Bila ?

23 R. Oui, oui. En tant qu'être humain, j'y ai réfléchi. La situation s'était

24 considérablement aggravée au point que la sécurité de tous les habitants

25 était en danger, et que chacun devait s'inquiéter de sa vie. Tout d'un

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1 coup, dans une situation comme celle-ci, nous voyons des gens dont le

2 teint, la couleur de peau était différente, arrivés dans la région, et je

3 ne parvenais pas à m'expliquer pourquoi.

4 Q. Merci. Est-ce qu'à un certain moment, vous avez appris où ces gens

5 étaient logés ?

6 R. Au début, je ne savais pas où ces personnes étaient logées. D'ailleurs,

7 cela ne m'intéressait pas. Mais, puisque je faisais partie de la brigade,

8 cela était le cas pendant toute l'année 1993 et jusqu'à la mi-1994, à un

9 certain moment, j'ai appris où ils habitaient et où était leur siège.

10 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre où ils habitaient ou plus

11 précisément où se trouvait l'emplacement de leur camp ou de leur centre ?

12 Je ne sais pas comment l'appeler.

13 R. Dans ma région, dans la vallée de la Bila, ils étaient cantonnés à

14 Poljanice, dans des maisons qui avaient été abandonnées par des Serbes.

15 Q. Jusqu'au mois de juin, dans l'accomplissement de vos fonctions, vous

16 est-il arrivé à quelque moment que ce soit d'aller dans le village de

17 Mehurici ? D'ailleurs, je vous demande où vous alliez lorsque,

18 éventuellement, vous êtes allé au village de Mehurici, et si vous êtes

19 entré dans l'école de Mehurici ?

20 R. Cette localité n'est pas loin du village où je suis né, et elle n'est

21 pas loin, non plus, de l'endroit où se trouve le bâtiment administratif de

22 la mine. Cependant, je ne suis allé à Mehurici qu'une ou deux fois. Je

23 pense au cours des six premiers mois de 1993, donc, jusqu'au mois de juin

24 1993.

25 Je me souviens, en tout cas, j'y suis allé une fois. J'affirme, par

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1 ailleurs, que je n'ai pas séjourné dans l'école. Un jour, je suis allé voir

2 un des mes collègues, le responsable de la sécurité du 1er Bataillon qui

3 habitait dans une maison appartenant à Ferid Jesarevic. En effet, le

4 propriétaire de cette maison avait quitté la région en 1991, et résidait

5 désormais en Autriche auprès de sa famille. Sa maison avait été abandonnée.

6 Elle était assez grande. C'est là que se trouvaient les bureaux de mon

7 collègue, membre du 1er Bataillon. Cette maison était à l'entrée du village

8 de Mehurici, mais je ne suis pas allé dans les locaux de l'école. Cela dit,

9 je sais exactement où se trouve cette école.

10 Q. A l'époque, Monsieur Jusic, saviez-vous qu'un bataillon de la 306e

11 Brigade était cantonné dans les locaux de l'école, et si tel est le cas,

12 pouvez-vous nous dire de quel bataillon il s'agissait ?

13 R. Je n'ai pas d'information particulière à ce sujet, mais je peux dire

14 que tous les bâtiments qui n'étaient pas des propriétés privées, et

15 notamment, toutes les écoles de la région, il y en avait pas mal, ont servi

16 à loger des réfugiés ou à loger des formations militaires.

17 Q. Lorsque vous êtes allé rendre visite à votre collègue responsable de la

18 sécurité à Mehurici ou à un autre jour, avez-vous appris si les membres de

19 l'armée ou qui que ce soit d'autre, d'ailleurs, pouvaient entrer librement

20 dans le camp où étaient cantonnés ces étrangers à Poljanice ?

21 R. A cette époque-là, je n'ai pas discuté de la situation de ces

22 personnes. A l'époque, ces personnes n'avaient pas une importance

23 particulière. Elles n'étaient pas au cœur des discussions que nous avions.

24 Je ne savais pas exactement où elles étaient logées. Cela, c'était avant le

25 conflit. Nous ne parlions pas de ces personnes, et je ne savais pas à

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1 l'époque où ces personnes habitaient.

2 Q. Au cours des six premiers mois de 1993, à l'époque où vous avez rejoint

3 les rangs de la 306e Brigade, grâce à des conversations au commandement ou

4 à des conversations avec d'autres personnes, avez-vous appris que ces

5 étrangers s'efforçaient de se rapprocher de la population ou, au contraire,

6 avez-vous remarqué que certains problèmes surgissaient qui étaient

7 directement liés à la présence de ces étrangers ?

8 R. J'ai dit que je n'ai pas approché ces personnes, que je n'ai pas eu de

9 contact avec elles. Mais, dans des conversations avec mes collègues,

10 lorsque j'étais dans mon village et que je ne travaillais pas, j'ai entendu

11 dire que ces étrangers s'efforçaient de se rapprocher de la population

12 locale. J'ai entendu dire que ces personnes offraient certains services. Je

13 dois dire que les conditions qui étaient proposées par ces étrangers

14 étaient bien meilleures que celles qui étaient proposées par l'ABiH. Je

15 sais que certains habitants de la région ont établi avec ces personnes et

16 qu'ils ont collaboré avec ces personnes.

17 Q. M. Jusic, s'il vous plaît, dites-moi : dans la région dans laquelle se

18 trouvait votre commandement et vos membres, est-ce il y avait également

19 d'autres formations militaires là-bas qui ne faisaient pas partie de

20 l'ABiH ?

21 R. Oui. Jusqu'au début du conflit armé avec l'ABiH et le HVO, dans cette

22 région se trouvaient également membres du HVO qui étaient dans leur propre

23 village. Les villages étaient soit mixtes, les maisons des uns et des

24 autres, les unes à côté des autres, ou il s'agissait des villages qui

25 étaient à proximité les uns aux autres, donc jusqu'au début du conflit, les

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1 membres du HVO étaient chez eux. Ils se déplaçaient à travers la région. Je

2 ne pas très exactement où ils allaient, mais je sais que jusqu'au conflit,

3 ils y étaient.

4 Q. Monsieur Jusic, à un moment donné, est-ce qu'il y a eu un incident ou

5 des incidents impliquant l'ABiH et le HVO dans cette région ? A quoi

6 ressemblait la liberté des mouvements, à ce moment-là, et étiez-vous témoin

7 de ce genre de situations ?

8 R. Malheureusement, il y a un grand nombre d'incidents. Comme je l'ai déjà

9 dit, vers la fin de l'année 1992, je n'étais pas en mesure d'aller au

10 travail. Ma sécurité était menacée. Mon directeur qui était Croate m'a

11 conseillé de ne venir plus au travail. La raison en était le fait que les

12 membres du HVO avaient établi des points de contrôle aux trois sorties de

13 la région de la Bila. Dans la région de Zenica se trouvait un point de

14 contrôle qui était à Ovnak, et plusieurs membres armés du HVO y étaient.

15 Au début, ils s'y tenaient, simplement. Par la suite, ils ont

16 commencé à contrôler les gens, ensuite ils ont simplement interdit le

17 passage. La même chose se passait dans la direction de Vitez, dans le

18 hameau de Zabilje, et puis dans la direction de Travnik à Guca Gora,

19 c'était la même chose.

20 Par conséquent, la population musulmane bosniaque était totalement bloquée.

21 Comme je l'ai dit au début, il était possible de se déplacer et, tout

22 d'abord, les cars n'ont plus pu se déplacer. Ensuite, c'était le cas des

23 véhicules privés, et vers la fin de la situation qui précédait le conflit,

24 personne ne pouvait plus sortir de la région.

25 La région était bloquée de cette manière. A l'intérieur de la région,

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1 il y avait un certain nombre de villages croates dans lesquels nous

2 n'entrions pas à moins que ceci fût vraiment nécessaire, à moins que la

3 route traverse un hameau croate. Si on pouvait contourner l'endroit où se

4 trouvaient leurs villages, on préférait cette possibilité car on risquait

5 toujours d'avoir des incidents. Il y en eu. Avant les conflits, certaines

6 personnes ont péri dans leurs propres champs, sur la route.

7 Q. Nous allons nous arrêter là, Monsieur Jusic. Je pense que vous avez

8 bien décrit cette situation et d'autres témoins ont déjà parlé de la

9 situation dans laquelle se retrouvaient l'ABiH et la population à l'époque.

10 Je souhaiterais savoir si vous, personnellement, avez été soumis aux

11 mauvais traitements en tant que membre de la 306e Brigade ?

12 R. Oui. Malheureusement, ceci m'est arrivé à moi aussi, vers la mi-mai

13 1993. Comme je vous l'ai déjà dit, mais je répète, notre commandement était

14 dans le bâtiment administratif de la mine. Tous les jours dans la soirée,

15 nous rentrions chez nous, sauf ceux qui ne pouvaient pas le faire, compte

16 tenu de leur devoir professionnel. Une camionnette nous transportait de la

17 mine à Mehurici le soir, et ils nous ramenaient chez nous. Le matin, la

18 même camionnette nous amenait au travail. Vers le milieu de l'année 1993,

19 du mois de mai, c'était le 14 ou le 15 --

20 Q. Parlez un peu plus fort, s'il vous plaît.

21 R. C'était le 14 ou le 15 mai 1993, je ne suis pas sûr entre ces deux

22 jours, nous avons pris la même camionnette pour rentrer chez nous. A

23 proximité du commandement, à la sortie du village croate de Baje, nous

24 avons été croisés par un véhicule privé dans lequel se trouvaient quatre

25 membres du HVO fortement armés. A ce moment-là, ils nous ont fait sortir.

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1 Ils nous ont chassés en dehors de la camionnette. En même temps, un petit

2 camion de marque TAM, qui appartenait à un particulier, s'est retrouvé sur

3 place. Ils ont également fait sortir le chauffeur de ce petit camion et

4 nous, membres de la brigade. Nous étions tous capturés par eux.

5 Ils nous ont forcé à nous allonger sur le ventre dans l'herbe. Ils nous

6 insultaient et proféraient de pires jurons contre nous. A ce moment-là, ils

7 nous ont également ôté tous les vêtements que nous avions sur nous. Il

8 s'agissait de vêtements neufs. Ils ont même pris les baskets d'un collègue

9 qui était avec nous. Le pire, c'était que l'homme qui était dernière nous

10 se tenait debout et il criait, il nous insultait. Il avait un fusil qui

11 était pointé sur nous et nous savions que le fusil était armé. C'est ce qui

12 nous a effrayés. Il s'agissait d'une situation vraiment effrayante que j'ai

13 vécue.

14 Heureusement, ceci n'a pas duré très longtemps. Ceci a duré juste le

15 temps qu'il leur fallait à ces quatre hommes pour nous ôter nos vêtements.

16 Comme je l'ai dit, nous avions des vêtements neufs. Ils ont également

17 confisqué le petit camion TAM, de même que notre camionnette que l'on

18 utilisait.

19 Q. Monsieur Jusic, nous allons parler d'une autre événement maintenant. Où

20 étiez-vous le 8 juin 1993 ?

21 R. Le 8 juin 1993, j'étais dans mon village, dans ma maison, dans la

22 maison dans laquelle j'habitais, jusqu'à ce moment.

23 Q. Avez-vous entendu ou vu le village car un conflit armé de grande

24 envergure était en cours dans la vallée de la Bila ?

25 R. Environ une semaine avant le conflit armé, j'ai été envoyé au poste de

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1 commandement avancé à Vlasic. Par conséquent, cette dernière semaine, je

2 n'étais pas dans la région de la Bila car cet endroit, le mont Vlasic, se

3 trouve à une vingtaine de kilomètres du village le plus proche. Lorsque je

4 suis retourné, je suis revenu dans mon village et, d'habitude, lorsque l'on

5 revenait du poste de commandement avancé, on pouvait avoir un peu de temps

6 pour se rafraîchir, prendre une douche, et se reposer un peu. C'est pour

7 cela que j'étais pratiquement de repos chez moi.

8 Q. Monsieur Jusic, est-ce qu'à un moment donné, après le 8, vous êtes

9 parti du village et, si oui, est-ce que quelqu'un vous a confié une tâche

10 quelconque ?

11 R. Au bout de quelques jours, lorsque le conflit armé s'est calmé, d'après

12 mon estimation, j'ai pu me rendre en toute sécurité à l'endroit où je

13 travaillais. Au bout de trois à quatre jours, je suis allé voir où je

14 devais travailler car j'ai entendu dire que, suite au conflit armé, le

15 commandement ne se trouvait plus au même endroit. J'ai fait quelques

16 recherches, et j'ai reçu l'information que je devais venir à Mehurici. Je

17 me suis présenté au travail dans le village de Mehurici à l'école.

18 Q. Quelle mission vous a été confiée à ce moment-là ?

19 R. J'ai eu pour mission de recueillir les déclarations de la part des

20 Croates qui étaient emprisonnés et placés dans l'école de Mehurici.

21 Q. Qui étaient les personnes que vous avez interrogées ? Est-ce qu'il y

22 avait certains critères ? Est-ce que vous avez dû interroger toutes les

23 personnes présentes, ou s'agissait-il seulement d'une catégorie de

24 personnes ?

25 R. Ma tâche était de recueillir les déclarations des personnes qui s'y

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1 trouvaient qui étaient des personnes aptes à combattre, donc des hommes de

2 20 à 60 ans, les personnes d'appartenance ethnique croate, qui s'y

3 trouvaient et qui étaient âgées de 20 ans à 60 ans. J'affirme que les

4 femmes, les enfants et les personnes âgées n'étaient pas interrogés par

5 moi.

6 Q. Vous avez recueilli les déclarations de combien de personnes environ en

7 vous acquittant de cette tâche ?

8 R. Je ne peux pas vous dire quel était le nombre exact, mais il s'agissait

9 d'environ 20 à 30 personnes.

10 Q. Où avez-vous recueilli les déclarations ?

11 R. Je le faisais dans un bureau qui était dans l'école, dans ce même

12 bâtiment. Les gens se trouvaient dans une salle.

13 Q. Quelles étaient les questions que vous avez posées à ces personnes ?

14 Votre interrogatoire portait sur quel sujet ?

15 R. Je demandais qu'ils fassent une déclaration s'agissant des questions

16 militaires qui pouvaient nous intéresser. Je demandais s'ils étaient

17 membres du HVO, et si oui, de quelle brigade. Je leur ai demandé qui était

18 leur commandant, et s'il connaissait la réponse, je l'écrivais. Dans la

19 plupart des cas, d'ailleurs, ils ne connaissaient pas la réponse. Ensuite,

20 je leur demandais de quels types d'armes ils disposaient. Je n'ai pas reçu

21 des informations importantes à ce sujet.

22 Mais j'ai reçu certaines informations intéressantes pour nous concernant la

23 question de savoir s'ils savaient où avaient été placés les mines et les

24 engins explosifs dans leur village et autour de leur village. A ce moment-

25 là, nous avons appris où ces mines et ces engins explosifs avaient été

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1 placés, et nous avons réussi à déminer le terrain. A ce moment-là, j'ai vu

2 un petit tracteur qui était rempli de ce genre d'engins. C'était la

3 première fois que j'ai vu les explosifs qui ont été emballés dans quelque

4 chose qui ressemblait à la forme d'un salami.

5 Q. Monsieur Jusic, dites-nous si vous connaissiez ces personnes ou au

6 moins une certaine partie d'entre elles puisqu'il s'agissait de vos

7 voisins ?

8 R. Oui. C'est ce qui m'a frappé le plus sur le plan humain. Je connaissais

9 la plupart de ces personnes. Nous avions fait les mêmes écoles. Nous

10 prenions les mêmes autobus. Nous avions travaillé ensemble. Nous allions à

11 l'hôpital ensemble. Il n'y a jamais eu de problèmes entre nous. Tout d'un

12 coup, nous appartenions à deux camps différents, et c'est ce qui m'a

13 bouleversé en tant qu'être humain.

14 Q. Dites-moi, Monsieur Jusic : de quelle manière les avez-vous

15 interrogées ? Est-ce que l'on avait recours à la force ou aux menaces

16 pendant leur interrogatoire ? Ou est-ce que s'agissait des données dont

17 vous venez de nous parler ? Est-ce que vous les avez extirpées d'une

18 quelconque manière de ces personnes ?

19 R. Je ne peux pas dire si quelqu'un d'autre le faisait avant mon arrivée,

20 si quelqu'un avait recours à la force ou aux menaces, mais, depuis mon

21 arrivée, je peux vous affirmer en toute responsabilité que je n'avais

22 recours à aucune force. Comme je l'ai déjà dit, il s'agissait de mes

23 voisins avec lesquels j'avais vécu dans de très bons rapports de voisinage.

24 Q. Si je vous ai bien compris, vous avez parlé avec eux en tant que

25 personnes que vous connaissiez bien. Vous les traitiez en tant que vos amis

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1 et voisins. C'est ce que vous souhaitez dire ?

2 R. C'est exactement ce que je souhaitais dire.

3 Q. Dites-nous, s'il vous plaît : quelle a été la durée de ces

4 interrogatoires, et à quel moment avez-vous terminé ce travail ?

5 R. J'ai fait cela pendant environ cinq à sept jours.

6 Q. Savez-vous si, à ce moment-là, des représentants de la Croix rouge sont

7 venus ou des représentants des organisations internationales, et est-ce

8 qu'il y a eu des remarques au sujet du traitement réservé à ces personnes ?

9 R. Je n'ai pas eu de contact avec ces personnes-là, mais je sais que des

10 personnes venaient des organisations humanitaires internationales. Pour

11 autant que je le sache, il n'y a pas eu de remarques, ni de reproches au

12 sujet des conditions qui prévalaient.

13 Q. Qui était en charge de leur hébergement et de leur nourriture ? Qui

14 assurait la sécurité de ces personnes pendant que vous, vous y étiez ?

15 R. Lorsque je suis arrivé sur place, la sécurité doit être assuré par la

16 police civile. Pour ce qui est de la nourriture, pour autant que je le

17 sache, c'était la protection civile qui était en charge et il recevait la

18 même nourriture que nous, qui y étions dans le cadre de notre travail.

19 Q. Est-ce que, pendant vos interrogatoires, une quelconque de ces

20 personnes s'est plainte auprès de vous à cause du mauvais traitement qu'il

21 lui avait été réservé ou à cause des harcèlements ? Est-ce que, vous-même,

22 vous avez pu remarquer des traces de mauvais traitements physiques sur ces

23 personnes ?

24 R. Je n'étais pas au courant de ce genre de situation et personne d'entre

25 nous ne m'en a parlé. Vous pouvez être sûr que, si j'avais eu quelques

Page 11222

1 connaissances que ce soit au sujet de cela, j'aurais pris certaines mesures

2 pour m'y opposer.

3 Q. Dites-moi : est-ce que ces personnes recevaient des soins médicaux

4 appropriés, pour autant que vous le sachiez ?

5 R. Pour ce qui est des soins médicaux, je pense qu'ils recevaient des

6 soins médicaux appropriés, en partie par hasard, car leur médecin était

7 avec eux. C'était une femme qui s'appelait, si mes souvenirs sont bons,

8 Ljubica. Elle y était avec eux, elle avait reçu un bureau, près de cette

9 salle dans laquelle ils se trouvaient. Moi-même, je suis allé dans ce

10 bureau. J'ai passé un moment avec Ljubica. J'ai pu voir qu'elle avait des

11 médicaments et d'autres équipements médicaux, et je me souviens que j'ai

12 assisté à une occasion lorsqu'elle leurs a appliqué qu'ils devaient boire

13 plus, et cetera. S'agissant des soins médicaux, je pense qu'ils recevaient

14 suffisamment de soins médicaux.

15 Q. Monsieur Jusic, est-ce que, dans l'exercice de votre travail, vous avez

16 jamais appris pour quelle raison ces personnes ont été emmenées et placées

17 dans cette salle de l'école primaire ?

18 R. Je peux énoncer deux raisons principales pour lesquelles les gens

19 avaient été emmenés de chez eux dans cette salle de sport. Tout d'abord,

20 c'était parce que le HVO avait attaqué le village de Velika Bukovica,

21 c'était avant le 8 juin, c'était le 4 ou le 5 juin. Toute la population

22 musulmane bosniaque, s'agissant de 87 personnes, avaient été emmenées tout

23 d'abord à Nova Bila et, ensuite, à Busovaca, et ils y étaient pratiquement

24 en tant que prisonniers. D'après moi, la première raison, pour laquelle ces

25 personnes avaient été regroupées à un endroit, était pour pouvoir procéder

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1 à un échange le moment venu.

2 La deuxième raison, qui, d'après moi, était encore plus importante, était

3 que, si ces personnes restaient chez eux, ceci risquait de provoquer des

4 situations embarrassantes et différentes. Il y avait un risque de meurtres

5 qui pourrait être commis par des personnes différentes, pour des raisons

6 différentes et, également, compte tenu de la présence des Moudjahiddines,

7 qui, à ce moment-là, se comportaient déjà d'une manière qui nous faisait

8 peur, même à nous, la population locale.

9 Q. Merci beaucoup. Vous avez évoqué les raisons. Mais j'aimerais savoir où

10 vous vous êtes rendu après avoir interrogé ces 30 personnes. Vous a-t-on

11 donné une autre tâche ?

12 R. Lorsque cette tâche a été remplie, on m'a envoyé et on m'a demandé

13 d'aller rejoindre l'organe principal du commandement, qui se trouvait à

14 Krpeljici. Je dirais l'organe principal du commandement car là-haut, j'ai

15 trouvé le commandant. J'ai été envoyé à cet endroit-là pour mon travail.

16 Q. Pourriez-vous me dire si vous avez recueilli des déclarations de

17 personnes là-haut et qui étaient ces personnes ?

18 R. Oui. Il y avait des Croates là-haut, également. Ils étaient également

19 hébergés à différents endroits. Il y avait un bâtiment que nous avions

20 appelé un centre pour jeunes, et ils étaient hébergés à cet endroit-là,

21 mais ils n'étaient pas aussi nombreux qu'à Mehurici. Il y avait également

22 une autre maison dans laquelle ils étaient hébergés car ils ne pouvaient

23 pas tous rentrés dans un seul bâtiment. Cette deuxième maison était plus

24 petite. Ces personnes ont été hébergées dans une maison croate. Je ne me

25 souviens plus qui était le propriétaire de cette maison.

Page 11224

1 Q. Y a-t-il eu un moment où vous avez commencé à recueillir des

2 déclarations de Bosniens ? Si oui, ces déclarations ont-elles été

3 recueillies dans les mêmes conditions, ou avez-vous traité des gens

4 différemment ?

5 R. Je recueillais des déclarations, des uns et des autres, par conséquent,

6 je peux confirmer et vous dire que j'ai recueilli des déclarations de

7 Bosniens dont les familles avaient été emmenées à Busovaca. Lorsque

8 l'échange a finalement eu lieu, j'ai recueilli des déclarations de ces

9 personnes qui sont rentrées de ces endroits où le HVO les avait gardées.

10 Q. Monsieur Jusic, avez-vous, vous-même, personnellement, pris part à ces

11 échanges ? Vous a-t-on consulté à ce propos ?

12 R. Je n'ai jamais pris part à aucun échange. Je n'ai jamais été en contact

13 avec quiconque, et je n'ai jamais été en contact avec des représentants des

14 organisations internationales à propos des échanges. Je n'étais pas en

15 contact avec les membres de l'organisation internationale sur aucun point.

16 J'étais un représentant officiel de la brigade, et je répondais aux ordres

17 de mes supérieurs hiérarchiques.

18 Q. Vous avez continué à travailler dans la 306e au sein -- dans les

19 services chargés de la sécurité et, d'après les opérations de combat, les

20 activités de combat, il y a eu des pillages, des incendies de bâtiments,

21 dans cette région, de façon générale. Avez-vous eu des renseignements sur

22 ces incidents ? Saviez-vous qui étaient les auteurs de ceci ? Vous, chargé

23 de la Sécurité, avez-vous jamais pris des mesures à l'encontre des auteurs

24 de ces actes ?

25 R. Malheureusement, la situation était ainsi et il y a eu du pillage, des

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1 maisons ont été incendiées et nous avons pris certaines mesures à

2 l'encontre de certains membres de notre propre brigade.

3 Q. De quelles mesures s'agit-il ?

4 R. Le commandant ordonnait à certaines personnes d'être placées en

5 détention préventive. Lorsque nous avons découvert qui étaient les auteurs,

6 ils recueillaient des déclarations, et cetera.

7 Q. Bien que vous soyez avocat de par votre profession, avant de faire

8 partie de cette brigade, avez-vous jamais pris part à des enquêtes

9 criminelles, ou quelque chose de la sorte ?

10 R. Non. Je n'ai jamais pris part à une quelconque action de l'armée ou de

11 la police, ou de l'exécution de certains ordres. Lorsque j'ai rejoint

12 l'armée, on m'a donné ce poste à cause de mes diplômes et je ne sais pas si

13 j'ai réussi dans cette tâche ou non.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaite montrer un certain nombre de

15 documents. Je demande à Mme l'Huissière de bien vouloir montrer ces

16 documents au témoin et je conclurai de cette manière mon interrogatoire

17 principal.

18 Q. M. Jusic, pourriez-vous regarder ces documents, je vous prie ? Le

19 document qui porte le numéro 1144, reconnaissez-vous ce document ?

20 R. Oui, absolument.

21 Q. Par qui a-t-il été signé ?

22 R. J'ai moi-même signé ce document.

23 Q. S'agit-il d'un des documents qui témoigne du fait que vous avez placé

24 en détention des membres de votre brigade pour lesquels on avait établi

25 qu'ils avaient pris part à des vols.

Page 11226

1 R. Oui, précisément.

2 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder le document suivant 1448.

3 S'agit-il également d'un de vos documents que vous avez rédigés ?

4 R. Oui.

5 Q. S'agit-il, de la manière entre autre, avec laquelle vous avez traité la

6 question des auteurs de crimes, c'est ainsi que vous avez tenu le

7 Procureur, les autorités à l'époque, informées de ces crimes.

8 R. Oui, en premier, la police militaire menait une enquête, rassemblait

9 les éléments d'information; ensuite, ils me rapportaient ces éléments et je

10 traitais ces informations. Toutes les fois qu'il y avait des éléments

11 correspondant à un rapport portant sur les actes criminels, je plaçais en

12 détention cette personne. C'est ainsi que les personnes de Krpeljici

13 devaient être escortées jusqu'à Travnik.

14 Je n'avais pas l'habitude de signer ces documents, c'était en général mon

15 commandant ou mon commandant adjoint qui signaient ces documents.

16 Néanmoins, si ces personnes n'étaient pas présentes, à ce moment-là, et

17 qu'il fallait agir, c'est moi-même qui signais ces documents.

18 Q. M. Jusic, vous dites avoir un diplôme de droit, vous dites avoir été

19 responsable de questions juridiques. Y avait-il quelqu'un d'autre au sein

20 de l'organe juridique dans lequel vous travailliez qui avait un quelconque

21 ou quelconque connaissance des questions juridiques ou qui avait l'habitude

22 de travailler avec la police ou les agents de sécurité ?

23 R. Je puis dire que personne d'entre nous n'avait la connaissance

24 nécessaire, ni l'expérience nécessaire pour remplir ces fonctions. Pour

25 autant que je sache, dans l'organe dans lequel je travaillais, personne

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1 n'avait cette expérience-là. Il n'y avait qu'une seule personne qui avait

2 été membre de la police militaire, pour autant que je m'en souvienne, nous

3 autres, nous étions des amateurs et vraiment des profanes.

4 Q. Dans la brigade -- ou dans l'armée, y avait-il une quelconque formation

5 assurée pour les soldats ou les officiers, en tout cas, aviez-vous

6 connaissance de telle formation ?

7 R. Oui. Je savais qu'il y avait de la formation car les gens rejoignaient

8 la brigade et ses différents organes sans avoir même imaginé qu'ils

9 arriveraient là. Néanmoins, la situation était telle qu'il nous fallait

10 faire certaines choses et certaines mesures avaient été prises par nos

11 supérieurs hiérarchique pour organiser des séances de formation et

12 d'entraînement pour apprendre aux gens comment remplir leurs fonctions.

13 Q. Pourriez-vous regarder le document 1445, s'il vous plaît, le troisième

14 document, et je vous demande de bien vouloir me dire s'il s'agit, s'il

15 s'agissait de l'organisation entre autre de la formation pour les membres

16 du personnel depuis ou à partir de soldats qui faisaient partie d'une

17 compagnie ?

18 R. Oui.

19 Q. Lorsque vous avez découvert qui étaient les auteurs de ces actes, vous

20 preniez des mesures disciplinaires ou vous déposiez une plainte, vous

21 déposiez une plainte au pénal. N'avez-vous jamais eu des problèmes ? Avez-

22 vous déjà rencontré certaines difficultés lorsque vous, vous avez découvert

23 qui étaient les auteurs. Si oui, quelle était la cause de ces difficultés ?

24 R. Nous rencontrions toutes sortes de difficultés, rien n'était simple. A

25 partir des choses les plus simples, par exemple, nous n'avions pas de

Page 11228

1 papier, nous ne pouvions -- nous n'avions pas d'essence, nous ne pouvions

2 pas nous rendre à l'endroit où le crime avait été commis, nous n'avions pas

3 de personnel suffisant, nous n'avions personne qui pouvait assurer la

4 sécurité, le cas échéant, et nous rencontrions toutes sortes de

5 difficultés. Dans une situation aussi impossible, nous agissions au mieux,

6 de façon à pouvoir empêcher toutes sortes de crimes, la situation était

7 ingérable, mais nous avons essayé d'agir au mieux afin de mettre au jour

8 les crimes de découvrir les auteurs et de la punir.

9 Q. Avez-vous -- y a-t-il eu des cas de groupes de personnes qui n'avaient

10 pas de documents, qui n'avaient pas de cartes d'identité, que vous ne

11 pouviez pas reconnaître, vous ne saviez pas qui c'étaient ?

12 R. Nous avons rencontré toutes sortes de cas. Notre mission tenait de

13 l'impossible. Par exemple, après les différents roulements, les soldats ne

14 se rendaient pas dans les casernes et ils rentraient chez eux. Ils

15 passaient du temps sur la ligne de front emplissant leurs obligations

16 militaires et après, ils avaient sept jours de permission et ils passaient

17 sept jours au front et sept jours à la maison, en permission. Au cours de

18 leurs permissions, ces gens-là se déplaçaient et faisaient toutes sortes de

19 choses, nous tentions de l'empêcher.

20 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder le document 1456, il s'agit

21 d'un document envoyé par le 3e Corps aux adjoints de la sécurité de toutes

22 les brigades. Étant donné que vous étiez vous-même de la brigade et chargé

23 de la sécurité, aviez-vous connaissance de ces mesures qui avaient été

24 proposées ou ordonnées par ce document, un document du 3e Corps ?

25 R. Je suis tout à fait au courant de cela. C'est la raison pour laquelle,

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1 un document de ce type avait été envoyé pour empêcher de telles choses. Une

2 personne, par exemple, est membre d'une unité et reçoit un numéro

3 d'identité qui est celle de son unité. Ensuite, pour un certain nombre de

4 raisons, leurs familles voudront déménager. Nous avions beaucoup de

5 réfugiés et de personnes déplacées à l'époque, qui se déplacaient beaucoup

6 sur le territoire d'une seule municipalité ou de plusieurs municipalités.

7 Nous avions des gens de Karaula, par exemple. C'est un village de la

8 municipalité de Travnik. Ils se sont installés dans la région de Bila.

9 C'étaient des membres de la 306e Brigade et, ensuite, ils sont partis, mais

10 ils portaient toujours l'uniforme et le numéro d'identité qui correspondait

11 à leur brigade précédente, celle de la 312e, ce qui signifie que la

12 situation était parfois difficile.

13 Q. Monsieur Jusic, je vous demande de bien vouloir regarder le document 5

14 et me dire si vous connaissez ce document, en premier lieu.

15 R. Oui, tout à fait. J'ai déjà dit quelque chose à cet effet. J'ai déjà

16 parlé du contenu de ce document. Ce document a été rédigé au moment où des

17 civils, des femmes et des enfants et des personnes âgées, de Velika

18 Bukovica, qui était le premier village à être attaqué dans la région de

19 Bila, lorsque ces personnes sont revenues du centre de Détention de

20 Busovaca.

21 Q. Ce document évoque des mauvais traitements pour les réfugiés. Les

22 personnes, que vous avez interrogées dans le camp de Mehurici, ces

23 personnes, vous ont-elles jamais parlé de mauvais traitements de la part

24 des membres de l'ABiH ?

25 R. Ces gens-là ne m'ont jamais parlé de cela, et je dois dire qu'ils n'ont

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1 jamais été traités ainsi.

2 Q. Pour finir, Monsieur Jusic, vous nous avez dit que c'était la police

3 militaire qui assurait la sécurité de ces personnes dans l'école de

4 Mehurici. Vous étiez vous-même un membre de la 306e Brigade. Pourriez-vous

5 me parler des autorités ? Exerciez-vous une quelconque autorité ou contrôle

6 sur l'armée, la police militaire ou la police civile ? Comment

7 fonctionnaient les autorités ?

8 R. Vous entendez les mesures que nous avons prises ?

9 Q. La police civile, avait-elle le pouvoir de contrôler les civils et

10 aviez-vous le contrôle de l'armée -- les Moudjahiddines étaient-ils sous le

11 contrôle de la 306e Brigade, et exerciez-vous une quelconque autorité sur

12 eux ?

13 R. Au début, j'ai dit que je n'avais jamais eu de contact avec aucun

14 Moudjahiddine. S'ils avaient été membres de notre brigade, oui, à ce

15 moment-là, j'aurais été en contact avec eux.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il y a une erreur au niveau de la

17 traduction. A la page 25, ligne 18, j'ai dit : "Pour finir, Monsieur Jusic,

18 la police civile assurait la sécurité," alors qu'il est précisé ici que :

19 "C'est la police militaire qui assure la sécurité." Je souhaite que ceci

20 soit corrigé, s'il vous plaît.

21 Merci, Monsieur Jusic.

22 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

24 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai

25 quelques questions à poser à M. Jusic.

Page 11231

1 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

2 Q. [interprétation] Monsieur Jusic, vous êtes né dans le village de Pode,

3 qui se trouve dans la vallée de la Bila.

4 R. Oui, mais c'est le village de Pode, mais Podovi est, en revanche, un

5 village croate qui se trouve non loin de là, mais c'est la même chose. Mon

6 village s'appelle officiellement Pode, mais, sur certaines cartes où on

7 voit, au niveau du cadastre, on y fait référence en parlant du village de

8 Podovi, mais c'est, en fait, Pode.

9 Q. En 1993, vous étiez membre de la 306e Brigade. Vous avez travaillé dans

10 cette brigade en tant qu'avocat.

11 R. Oui.

12 Q. En tant qu'avocat et membre de la 306e Brigade, étant donné que vous

13 avez passé toute l'année de 1993 dans cette région, je suppose que vous

14 savez si, oui ou non, il y avait des autres unités de l'ABiH qui avaient

15 été mises sur pied dans la vallée de la Bila.

16 R. Oui. Il y avait la 306e Brigade, mais il y avait aussi, en dehors de

17 celle-là, une autre brigade de la 314e. J'ai dit qu'il y avait également

18 des unités du HVO.

19 Q. Si je vous dis qu'en 1993 et, en particulier, au printemps et au cours

20 de l'été 1993, dans la région de Mehurici et dans la région des autres

21 villages et de la vallée de la Bila, il y avait aucune -- il n'y avait pas

22 d'unités et pas de 7e Bataillon de Brigade; seriez d'accord avec moi ?

23 R. Pour autant que je sache, la 7e Brigade musulmane n'était jamais

24 présente dans cette région-là.

25 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

Page 11232

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste une dizaine de minutes avant la pause.

2 Je donne la parole à l'Accusation.

3 Contre-interrogatoire par M. Neuner :

4 M. NEUNER : [interprétation]

5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jusic. Je m'appelle Mathias

6 Neuner, et je représente l'Accusation. Je souhaite vous poser quelques

7 questions maintenant. Ensuite, nous ferons une pause dans quelques

8 instants.

9 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je me propose de poser

10 deux ou trois questions à propos des documents qui ont été montrés au

11 témoin, et peut-être prendre une pause un peu plus tôt. Ceci ne me prendra

12 que deux ou trois minutes.

13 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder à nouveau le document numéro

14 1, Monsieur Jusic, sous le titre "Raison". Est-il exact de dire que cette

15 décision, que vous avez sous les yeux, porte sur des crimes qui ont été

16 commis à l'encontre de l'ABiH ?

17 R. Oui.

18 Q. Maintenant, je vous demande de bien vouloir regarder le deuxième

19 document que vous avez sous les yeux. Je vous demande de bien vouloir

20 regarder la première page, numéro 6. Là, il est précisé, entre autres :

21 "Tous les membres du 1er Bataillon de la 325e Brigade de Montagne." Donc les

22 auteurs, et la question que je vous pose porte là-dessus; tous les auteurs

23 étaient des membres de l'ABiH ?

24 R. Oui.

25 Q. J'ai maintenant une autre question à vous poser. Je vous demande de

Page 11233

1 bien vouloir regarder ce document sous le titre : "Déclaration des raisons

2 -- motifs." Y êtes-vous ?

3 R. Oui, j'ai trouvé le passage en question.

4 Q. Les auteurs, ont-ils utilisé une camionnette appartenant à l'ABiH pour

5 commettre leur crime ?

6 R. C'est ce qui est dit ici, qu'effectivement c'est ce qu'ils ont fait.

7 Q. Le crime, en tant que tel, a-t-il été commis à Guca Gora ?

8 R. Oui.

9 Q. La date du crime en question, c'était le mois de septembre 1993; est-ce

10 exact ?

11 R. Un instant, s'il vous plaît. Je vais essayer de retrouver la date. Oui.

12 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,

13 je vous demande de bien vouloir faire une pause un peu plus tôt que prévu,

14 et je poursuivrais mes questions après la pause.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 10 heures 26. Nous reprendrons à 11 heures

16 moins cinq.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

18 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez la parole.

20 M. NEUNER : [interprétation]

21 Q. Monsieur Jusic, j'aimerais que nous poursuivions à partir de là où nous

22 en sommes restés avant la pause. Je vous ai fait remettre un document qui

23 porte sur Guca Gora.

24 M. NEUNER : [interprétation] Avec l'autorisation de la Chambre, je

25 voudrais que le document P204 soit soumis au témoin. C'est également un

Page 11234

1 document qui traite de Guca Gora. Au niveau de la partie du texte qui

2 indique quel est le destinataire, à la ligne 4, nous voyons que ce document

3 est adressé à la police militaire de la 306e Brigade. C'est pour cette

4 raison que je soumets ce document au témoin.

5 Q. Monsieur Jusic, veuillez vous pencher sur le premier paragraphe où il

6 est question d'incendies de bâtiments, n'est-ce pas, et de pillages

7 massifs ? C'est bien cela ?

8 R. Donnez-moi le temps de lire ce document.

9 Q. Oui, oui. Mais je vous demanderais surtout de lire le paragraphe situé

10 immédiatement au-dessus du mot "Ordre", et de bien vouloir confirmer,

11 rapidement, qu'il est question d'incendies de bâtiments et de pillages

12 massifs dans ce texte.

13 R. Oui, oui. Dans ce paragraphe, c'est bien ce dont il est question. C'est

14 ce qui est écrit.

15 Q. Merci. Dans la même phrase, il est également question des auteurs de

16 ces actes, et il est dit que ces auteurs sont des représentants de la

17 population locale ainsi que certains membres de l'ABiH; c'est bien cela ?

18 R. Oui, c'est ce qui est écrit.

19 Q. En haut, nous voyons, au niveau du sceau qui figure sur ce document,

20 qu'il est daté du 18 juin, n'est-ce pas ? Des mesures sont ordonnées à la

21 date du 18 juin, et puisque la région a été prise le 8 juin, je vous

22 demande, puisque vous en avez parlé au cours de l'interrogatoire principal,

23 pour quelle raison ces mesures ne sont prises que le 18 ? Pourquoi elles

24 n'ont pas été prises avant ?

25 R. Là, je peux vous donner mon avis personnel. Des mesures ont été prises

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1 avant le 18 juin, mais, à la date du 18, les combats n'étaient pas

2 terminés, ils continuaient. La police militaire avait principalement pour

3 tâche, durant les combats, de participer aux actions de l'armée. Il est

4 inexact de dire que ces mesures n'ont été prises que le 18. Elles ont déjà

5 été prises avant, mais dans la limite des possibilités.

6 Q. Merci, je comprends. Je vous demande si un couvre-feu a été décrété

7 avant cette date, puisque vous dites que certaines mesures ont été prises

8 avant. Alors, un couvre-feu a-t-il été imposé afin d'empêcher les gens de

9 sortir pour aller s'emparer de biens appartenant à autrui ?

10 R. Je ne dirais pas qu'un couvre-feu en bonne et due forme a été décrété.

11 Mais, d'une certaine façon, il existait pratiquement, parce que, dans la

12 région, des combats se menaient. Il était particulièrement dangereux de

13 circuler la nuit. A partir du crépuscule et jusqu'à l'aube, il était

14 particulièrement dangereux de se déplacer dans la région. Ceux qui le

15 faisaient prenaient un risque personnel.

16 Q. Merci. Je vous demanderais de bien vouloir répondre par oui ou par non.

17 A votre connaissance, un ordre a-t-il été émis qui imposait un couvre-feu à

18 Guca Gora et dans sa région, à partir du 8 juin ?

19 R. Je ne peux ni confirmer, ni infirmer cela. Mais je dirais plutôt non.

20 Q. Merci. J'aimerais, à présent, que nous parlions un peu de votre

21 expérience passée.

22 M. NEUNER : [interprétation] A cette fin, je demanderais à Mme l'Huissière

23 de soumettre un nouveau document au témoin.

24 Q. Prenez la version en B/C/S. Très bien. Première page, je vous prie. En

25 haut à gauche, nous voyons la date, février 1993. Si vous allez tout à fait

Page 11236

1 à la fin du document, donc à la dernière page, nous voyons que ce document

2 est signé par le responsable de la sécurité. Pouvez-vous confirmer ce fait,

3 je vous prie ?

4 R. Je n'ai pas encore lu ce document, mais compte tenu de ce que je lis

5 dans les premières lignes et dans les dernières, je répondrais que c'est la

6 première fois que j'ai ce document sous les yeux.

7 Q. Veuillez vous rendre en page 6 de ce document, je vous prie. Dans une

8 seconde, je dirai pourquoi j'ai soumis ce document au témoin, donc page 6,

9 nous trouvons le titre -- l'intitulé "306e Brigade," et, sous cet intitulé,

10 on trouve votre nom et votre poste, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Pourriez-vous lire le passage du texte où votre nom est mentionné ?

13 R. Que voulez-vous dire ? Est-ce que je dois lire à haute voix ou le lire

14 pour moi ?

15 Q. Veuillez lire à haute voix la phrase qui commence par la mention de

16 votre nom.

17 R. "Jusic, Haris, 24 mars 1958, diplômé de droit, chargé de la sécurité,

18 engagé selon les besoins."

19 Q. Il est dit ici que vous étiez chargé de la sécurité et employé selon

20 les besoins. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie ? Est-ce que

21 vous aviez un emploi à plein temps ou est-ce que vous étiez employé plus ou

22 moins à plein temps ? Qu'est-ce que cela signifie exactement ?

23 R. Je crois que ceci est une erreur. Lorsque j'ai été interrogé à ce

24 sujet, j'ai répondu que, jusqu'à la fin de 1992, j'avais un emploi dans mon

25 entreprise, et vers la fin, je travaillais en fonction des besoins. Mais à

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1 partir de 1993, du début 1993, j'ai commencé à travailler à plein temps,

2 dirais-je. C'est tout à fait la vérité.

3 Q. Merci d'avoir tiré cela au clair. Je vous demande à présent qui était

4 votre supérieur lorsque vous aviez un emploi à plein temps ?

5 R. Mon supérieur était le responsable de la sécurité.

6 Q. Pourriez-vous nous donner son nom, pour le compte rendu d'audience, je

7 vous prie ?

8 R. Oui. Il est écrit ici d'ailleurs son nom. C'est Delalic, Asim, fils de

9 Ramo.

10 Q. Combien y avait-il d'agents dans le département chargé de la sécurité à

11 l'époque, c'est-à-dire au printemps et à l'été 1993 ? Pourriez-vous nous

12 donner un nombre ?

13 R. Est-ce que vous parlez du département dans son ensemble ou de l'endroit

14 où je me trouvais, moi-même ?

15 Q. Oui.

16 R. Nous étions trois, ou peut-être quatre.

17 Q. Quatre personnes ?

18 R. Oui.

19 Q. A Mehurici, l'instance chargée de la sécurité à Mehurici, durant le

20 printemps et l'été 1993, combien y avait-il d'hommes au sein de cette

21 instance de la sécurité de Mehurici pour la 306e Brigade ?

22 R. Pour autant que je me souvienne, il y avait un agent au sein de chaque

23 bataillon, un agent chargé de la sécurité.

24 Q. Mais à Mehurici, se trouvait le 1er Bataillon de la 306e Brigade.

25 Pouvez-vous nous dire, si vous vous en souvenez, quel était le nom de

Page 11238

1 l'agent chargé de la sécurité au sein de ce 1er Bataillon ?

2 R. J'ai du mal à me rappeler les noms -- les noms propres, mais je crois

3 qu'il s'appelait Hasan Zukanovic.

4 Q. Merci.

5 M. NEUNER : [interprétation] J'aimerais, à présent, que l'on soumette au

6 témoin le document P661. J'indique, à l'intention des Juges, que je

7 souhaite soumettre ce document au témoin car ce dernier, durant

8 l'interrogatoire principal, a parlé, dans sa déposition, de la présence de

9 la 7e Brigade musulmane de Montagne, et ce document traite de cela.

10 Q. Le document porte la date du 6 avril. Si vous vous penchez sur le

11 deuxième paragraphe, je vous demande si la 7e Brigade de Montagne est

12 évoquée dans ce deuxième paragraphe ?

13 R. Pourriez-vous me laisser quelques minutes pour que je lise ce

14 paragraphe ? Dans ce paragraphe, il est question de certains membres de la

15 7e Brigade musulmane. J'ai dit que la 7e Brigade musulmane ne se trouvait

16 pas dans cette région, mais il y avait certains hommes qui étaient nés dans

17 la région, qui avaient leur maison et leur famille, et qui étaient membres

18 de la 7e Brigade musulmane, et il est tout à fait normal que ces hommes, de

19 temps en temps, reviennent chez eux. C'est ce que j'affirme au cours de ma

20 déposition ici. C'est bien ce qui s'est passé.

21 Q. J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de l'incident survenu

22 à Miletici en avril 1993. Première question : avez-vous eu une quelconque

23 participation directe aux enquêtes qui ont suivi l'incident de Miletici ?

24 R. Au sujet de cet événement regrettable, j'ai véritablement très peu

25 d'information. Je n'ai participé d'aucune façon à cet événement, ni avant

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1 sa survenue, ni pendant l'incident, ni par la suite.

2 Q. Monsieur, je vous demandais simplement si vous aviez eu une quelconque

3 participation à l'enquête qui a fait suite à cet événement. Y avez-vous

4 participé ?

5 R. Non.

6 Q. Vous dites que vous aviez trois collègues qui travaillaient également

7 au sein du commandement dans le domaine de la sécurité, et que vous aviez

8 un collègue chargé de la sécurité à Mehurici. Ces hommes, ont-ils participé

9 à l'enquête ?

10 R. Pour autant que je le sache, non.

11 Q. Est-il permis de dire, dans ces conditions, qu'aucune de ces quatre

12 personnes ne participaient à une quelconque enquête après l'incident de

13 Miletici ?

14 R. Selon les informations dont je dispose, c'est effectivement ce qui

15 s'est passé. Je parle bien, n'est-ce pas, de l'organe chargé de la Sécurité

16 au sein de la 306e Brigade.

17 Q. Vous ne parlez du Département chargé de la Sécurité au sein du 1er

18 Bataillon ? Vous ne savez pas ce qui en était pour le 1er Bataillon ?

19 R. Je ne sais pas, mais je suppose qu'il y a eu une enquête -- que s'il y

20 avait une enquête, s'il y avait eu quelque chose, j'en aurais été informé.

21 Q. Monsieur, j'aimerais à présent que nous parlions des incidents survenus

22 dans l'école de Mehurici dont il a été question au cours de

23 l'interrogatoire principal. A votre connaissance -- plutôt, je vous demande

24 d'abord la chose suivante : quelqu'un vous a appelé à venir dans les locaux

25 de l'école pour procéder à des interrogatoires. Qui vous a demandé de vous

Page 11240

1 rendre dans les locaux de l'école pour mener ces interrogatoires ?

2 R. J'étais tenu de me présenter au commandement puisque c'était l'endroit

3 où je travaillais. Comme le commandement était dispersé en trois endroits

4 différents, à ce moment-là, j'ai demandé où je devais aller, et on m'a dit

5 qu'il fallait que j'aille à Mehurici. C'est le commandant en second, chargé

6 de la Sécurité, qui m'a dit cela. C'était mon supérieur.

7 Q. Merci. Lorsque vous êtes arrivé à Mehurici, à qui avez-vous parlé en

8 premier ?

9 R. Croyez-moi, je ne m'en souviens pas. Je suis arrivé dans l'école et, à

10 ce moment-là, il y avait beaucoup de monde dans cette école, alors j'ai

11 pénétré dans l'école. J'ai parlé à mon supérieur qui m'a dit qu'il fallait

12 que je recueille des dépositions de ces personnes. A ce moment-là, je ne

13 savais pas quel était le nombre des personnes présentes, ni ce dont il

14 était question exactement. Il m'a expliqué cela et il m'a dit : "Voilà, là,

15 tu as un bureau à ta disposition. C'est là que tu vas travailler. Tout cela

16 va être organisé. Les gens te seront emmenés un par un. Dès qu'une personne

17 aura terminé sa déposition, on t'en emmènera une autre." C'est comme cela

18 que j'ai travaillé.

19 Q. Ce supérieur auquel vous avez parlé en premier, était-il le commandant

20 en second, chargé de la Sécurité au sein de la 306e Brigade ? Était-il

21 votre supérieur au QG de Bila ?

22 R. Oui. Mais, enfin, je ne peux pas dire que c'est avec lui que j'ai parlé

23 en premier parce qu'il y avait beaucoup de monde. Il est possible que j'ai

24 rencontré d'autres personnes et que je leur ai parlé avant de lui parler à

25 lui. Mais, en rapport avec le travail, il était bien mon supérieur dans le

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1 bâtiment de la mine à Bila.

2 Q. Combien de temps votre supérieur -- non, je vais reformuler ma

3 question. Quel est le jour exact que vous êtes arrivé à Mehurici au mois de

4 juin ?

5 R. Croyez-moi, je ne m'en souviens pas. C'était un jour ultérieur au 6

6 juin. Je dirais que c'était à peu près trois ou quatre jours après le 6

7 juin, mais la date exacte, croyez-moi, je ne n'en souviens pas.

8 Q. Votre supérieur, au cours de la conversation que vous avez eue avec

9 lui, vous a-t-il appris qu'il était, lui-même, arrivé tout récemment, ou

10 était-il déjà là depuis trois ou quatre jours ?

11 R. Nous n'avons pas parlé de cela. Je ne saurais répondre avec précision à

12 cette question car, suite aux affrontements, le commandement s'était

13 dispersé en trois lieux différents. Au moment où les affrontements avaient

14 lieu, je ne saurais dire s'il était à la mine ou à Mehurici. Mais ceux, qui

15 s'étaient trouvés à Krpeljici, ont ensuite pris le chemin de Travnik et, à

16 un certain moment, ils n'ont pas pu aller plus loin donc c'est la raison

17 pour laquelle ils sont restés à Krpeljici.

18 Q. Lorsque vous avez parlé à votre supérieur, avez-vous eu l'impression

19 qu'il savait ce qui s'était passé, avant ? Autrement dit, savait-il pour

20 quelle raison toutes ces personnes se trouvaient là et savait-il que

21 certaines personnes avaient été tuées ?

22 R. Mais personne n'avait été tué. Pouvez-vous être plus clair ? Quand vous

23 parlez de personnes tuées, vous pensez à qui ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense s'est levée, et j'avais anticipé. Je vous

25 donne la parole.

Page 11242

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Le témoin vient de répondre à la question

2 de l'Accusation. Mais j'indique que la question de l'Accusation porte sur

3 quelque chose que le témoin n'a jamais vu et au sujet de quoi il n'a aucune

4 connaissance. C'est ce qu'il vient de dire, donc je n'ai même plus besoin

5 de formuler mon objection.

6 M. NEUNER : [interprétation]

7 Q. Je vais reformuler ce point. Je vous prie de m'excuser, Monsieur

8 le Témoin.

9 Il y avait beaucoup de monde dans cette école, selon ce que vous avez dit

10 dans votre déposition, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Saviez-vous pour quel motif toutes ces personnes se trouvaient dans

13 l'école ?

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a déjà

15 répondu. Il a déjà dit qu'à son avis, il y avait deux motifs à la présence

16 de ces personnes. Il n'est pas nécessaire qu'il répète sa -- il n'est pas

17 nécessaire que la même question lui soit reposée.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant d'indiquer quels étaient les

19 motifs, je ne peux que redire les deux motifs que j'ai déjà évoqués.

20 M. NEUNER : [interprétation]

21 Q. Je vais reformuler pour être plus précis. Votre supérieur

22 -- et je parle ici uniquement des Croates qui ont été tués au cours de

23 l'incident de Maline, je ne parle pas des personnes qui se trouvaient dans

24 l'école. Mais votre supérieur, à l'époque, vous a-t-il parlé d'un incident

25 dont il aurait entendu parler ?

Page 11243

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, même objection. Mon

2 collègue de l'Accusation devrait peut-être commencer par demander au témoin

3 s'il a été informé de cela, avant de lui demander ce qu'a entendu dire son

4 supérieur à ce sujet.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous avez vu la petite difficulté. Continuez.

6 M. NEUNER : [interprétation]

7 Q. Je reformule ma question. Avez-vous, à quelque moment que ce soit,

8 entendu dire que, le 8 juin, des Croates avaient été tués par des forces

9 musulmanes ? Là, j'emploie une formulation très abstraite. Je ne vous parle

10 d'aucune unité, en particulier. Mais avez-vous entendu dire que 30 ou 35

11 Croates avaient été tués le 8 juin à Maline ?

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je prierais mon collègue de l'Accusation

13 de préciser sa question, puisque, dans un grand nombre de documents,

14 l'emploi d'une dénomination aussi large que forces armées musulmanes n'a

15 aucune signification car cela peut signifier n'importe quoi, les

16 Moudjahiddines, toute l'armée de Bosnie-Herzégovine ou des éléments de

17 l'ABiH, et cetera, donc poser la question de cette façon très vague n'a

18 aucun sens.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : La question, elle induit automatiquement la réponse.

20 Je vais la poser.

21 Monsieur le Témoin, je prends à mon compte cette question qui est soulevée.

22 Quand vous rencontrez votre supérieur qui va vous donner la mission de

23 procéder à des auditions de personnes qui se trouvaient à l'école. Au

24 moment où vous le rencontrez, est-ce que vous avez avec lui une

25 conversation sur l'ensemble des événements s'étant déroulés dans la région

Page 11244

1 ou le contact avec lui ne porte uniquement que sur le témoignage de ces

2 personnes ? Voilà au point de départ la question; qu'est-ce que vous

3 dites ?

4 Vous voyez, ma question, elle est large, elle vous laisse toutes liberté de

5 répondre; qu'est-ce que vous nous dites ?

6 R. Lorsque je suis venu à Mehurici, à l'école, parce que je rencontrais

7 mon supérieur, il m'a simplement confié la tâche de recueillir les

8 déclarations auprès des personnes que les policiers allaient faire venir

9 auprès de moi, un par un. Il n'y a pas eu d'autres entretiens, après cela,

10 je ne sais pas où il est parti. Je suppose, puisque le commandement était

11 ailleurs.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Votre supérieur n'a pas évoqué avec vous ce

13 qui avait pu arriver à Miletici ou à Maline; il n'a pas parlé de cela ?

14 R. J'affirme que non.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Si, après ce type de question, il avait dit

16 "oui", on a évoqué, à ce moment-là, vous auriez pu aller, il dit "non", on

17 n'a parlé que de l'audition des gens qui étaient à l'école.

18 M. NEUNER : [interprétation] Parmi les trente (30) témoins que vous avez

19 interrogés, est-ce que, qui que ce soit parlait du fait qu'à un moment

20 donné, l'on a fait sortir un certain nombre de personnes de la colonne et

21 qui sont rentrées à pied, ou est-ce qu'ils n'ont pas du tout mentionné

22 cela, le 8 juin ?

23 R. A ce moment-là, ces personnes répondaient à mes questions et je prenais

24 note de tout ce qu'ils disaient. Personne ne m'a parlé de cela à moi.

25 Q. Ma dernière question concernant les Croates qui ont été tués est la

Page 11245

1 suivante : Saviez-vous si une enquête a été menée au moment où vous étiez

2 en train d'interroger ces personnes ? De la part de vos collègues aussi ?

3 Est-ce que vous avez appris quoi que ce soit au sujet des activités visant

4 à mener une enquête au sujet de tels événements ?

5 R. Vous voulez parler de quelque chose qui est liée aux informations

6 fournies par les personnes qui ont été emmenées là-bas ou en général.

7 Q. Je parle, en général, vous m'avez déjà dit que les témoins n'ont rien

8 dit, que vos supérieurs n'ont rien dit, mais peut-être vos collègues qui

9 étaient sur place également, avaient participé à une enquête, peut-être,

10 ils ont mentionné quelque chose à ce sujet.

11 R. Au début, personne ne mentionnait quoi que ce soit. Par la suite, au

12 bout d'un certain temps, j'ai entendu parler de cela. Mais au cours de la

13 période pendant laquelle, je recueillais les déclarations, je ne savais

14 rien à ce sujet.

15 Q. On parlera toute à l'heure de ce qui est survenu par la suite. Mais

16 cela veut dire que les membres du service de Sécurité militaire, que vous

17 avez rencontrés là-bas à Mehurici après le 8 juin, ni les membres de la

18 police militaire, ni les membres de la police civile ne vous ont jamais

19 mentionné une quelconque enquête au sujet des Croates tués à Maline, près

20 de Maline.

21 R. C'est vrai, je n'étais pas au courant de cela au cours de cette

22 période.

23 Q. Mais vous avez dit que vous avez appris cela par la suite, à quel

24 moment avez-vous appris cela, la première fois et de la part de qui, s'il

25 vous plaît ?

Page 11246

1 R. C'était au bout d'un mois peut-être, peut-être même plus, mais je ne

2 pourrais vous dire de la part de qui.

3 Q. S'agissait-il d'une conversation au sujet travail lorsque vous avez

4 appris que ces Croates ont été tués, ou s'agissait-il d'une conversation

5 privée ?

6 R. Oui, justement c'était une conversation privée officieuse, mais ceci ne

7 concernait pas le travail.

8 Q. Peut-on, Monsieur, que le meurtre, le fait que les Croates ont été tués

9 n'a pas fait l'objet de discussions au cours du mois qui a suivi, après cet

10 incident, donc on ne parlait pas du tout du fait que les Croates avaient

11 été tués ?

12 R. Je ne peux pas répondre à cette question, ni par oui, ni par non, car,

13 comme je l'ai dit, je m'acquittais de la tâche qui m'avait été confiée par

14 mon supérieur. Quant à la question de savoir s'il était au courant, ou si

15 d'autres personnes étaient au courant, je ne le sais pas.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je souhaite que l'on parle maintenant de

17 l'interrogatoire des détenus dans l'école Mehurici.

18 Tout d'abord, vous avez dit qu'aucun de vos collègues n'avaient

19 suffisamment de connaissances avant que vous ne soyez venu -- plutôt, je

20 vais reformuler. Vous avez dit, à la page 22 -- 23, qu'aucun de vos

21 collègues n'avait les connaissances nécessaires. A partir de là, vous avez

22 mentionné le fait qu'un seul policier militaire avait ce genre de

23 connaissances. De quel type de connaissances avez parlé ?

24 R. Il n'y avait pas d'officiers formés pour ce travail, pour autant que le

25 sache. En ce qui concerne le type de connaissances qui a fait l'objet de

Page 11247

1 votre question, je pense que l'un des policiers militaires avait été au

2 sein de la JNA au préalable. C'est de cela que je parlais.

3 Q. Est-ce que cet homme qui faisait partie de la police militaire avait

4 fait part de ses connaissances à vous ou à vos collègues ? Est-ce qu'il y a

5 eu un transfert de connaissances, d'informations afin de vous permettre de

6 procéder aux interrogatoires ?

7 R. Tout d'abord, je ne suis pas sûr s'il était réellement un policier

8 militaire, mais je suppose que oui. Je parle d'un autre adjoint chargé de

9 la Sécurité. Quant à la question de savoir ce qu'il savait, bien sûr, il

10 nous a montré ce qu'il connaissait, ce qu'il savait.

11 Q. Vous avez également parlé de la formation que vous avez reçue en

12 matière du droit international humanitaire. Je suppose que vous considérez

13 que vous étiez qualifié pour mener ce type d'interrogatoires auprès des

14 prisonniers de guerre ?

15 R. Je n'ai pas eu de formation, sauf ce que j'avais appris à la faculté.

16 Pendant que je faisais mes études, je ne pouvais pas imaginer que les

17 choses allaient prendre un tel cours. A l'époque où j'étudiais, la guerre

18 n'était pas du tout en cours. On apprenait cela tout simplement afin de

19 préparer un examen, pour le passer ensuite.

20 Q. Monsieur, si un prisonnier de guerre est assis devant vous dans l'école

21 de Mehurici, vous avez dit que vous avez parlé avec 30 personnes --

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin n'a

23 jamais dit qu'il s'agissait des prisonniers de guerre. Il a dit qu'il

24 devait recueillir les déclarations auprès des hommes aptes à combattre qui

25 s'étaient retrouvés là-bas.

Page 11248

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez noté que l'Accusation lui a fait préciser

2 qu'il a suivi des études de droit à l'université. Elle a abordé le contenu

3 de ces études, et notamment, la question du droit international

4 humanitaire. L'intéressé a répondu en disant : Oui, mais quand on a fait

5 cela pendant l'état de paix et puis la guerre, ces deux choses différentes.

6 Enfin, je résume sa pensée. A partir de là, l'Accusation - regardez la

7 ligne 10 - lui dit : si, donc, elle va lui poser une question de nature

8 juridique. C'est un juriste, et elle va lui poser une question juridique.

9 Par cette question, elle peut évaluer la crédibilité du témoin dont il ne

10 faut pas oublier qu'il était chargé dans la 306e Brigade de tous les

11 éléments concernant la sécurité. Notamment, les textes, il convient

12 d'observer sur un document que vous avez vous-même présenté, on s'est rendu

13 compte que l'intéressé avait même pris une décision de détention, signé de

14 son nom.

15 La Chambre autorise l'Accusation à lui poser une question de nature

16 juridique. Alors, posez votre question.

17 M. NEUNER : [interprétation]

18 Q. Est-ce que vous pouvez répondre à la question, s'il vous plaît ?

19 R. Si vous attendez une réponse, veuillez me répéter la question, s'il

20 vous plaît.

21 Q. Vous avez dit que 30 personnes ont été interrogées par vous dans

22 l'école de Mehurici. Avant les interrogatoires, quelles étaient les

23 premières informations que vous demandiez à ces personnes ?

24 R. Lorsque cette personne venait dans mon bureau, bien sûr, je lui

25 proposais de s'asseoir. Ensuite, je lui demanderais des questions au sujet

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1 de ses données personnelles. Je le faisais compte tenu du fait que si

2 jamais il fallait porter plainte à un moment donné concernant cette

3 personne, il fallait avoir les données personnelles le concernant. Ensuite,

4 j'ai posé des questions au sujet de ce dont on a déjà parlé, c'est-à-dire,

5 ce que la personne savait au sujet des unités du HVO, des armements, des

6 mines, et des engins explosifs qui étaient placés quelque part. C'étaient

7 les questions que je lui posais. Rien d'autre.

8 Q. Monsieur, est-ce que ces prisonniers de guerre n'avaient pas tout

9 d'abord le droit d'être informés du fait qu'en tant que prisonniers de

10 guerre, ils avaient un certain nombre de droits ?

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes allé un peu trop rapidement. Je vais

12 prendre la question à mon compte.

13 Vous faites une enquête et vous avez devant vous quelqu'un à qui vous allez

14 poser des questions. Vous êtes juriste. Quand on a devant vous, quelqu'un,

15 la personne a un statut. Aujourd'hui, vous avez un statut de témoin. Les

16 personnes qui étaient devant vous, quel statut juridique avaient-elles ?

17 Quel est le statut juridique de la personne qui était soumise à un

18 interrogatoire, qui apparemment, n'avait pas la liberté d'aller et venir,

19 puisque vous avez vous-même dit qu'un peloton de policiers civils gardait

20 les lieux ?

21 Pouvez-vous, pour les trois Juges qui auront à se pencher sur cette

22 question, pouvez-vous indiquer quel était le statut des gens à qui vous

23 posiez des questions ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Le statut de ces personnes, c'était comme le

25 statut des civils qui y avaient été hébergés.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que ces personnes avaient le statut de

2 gens hébergés. Si je vous comprends bien, l'école de Mehurici, c'était

3 comme un grand hôtel. Ils étaient hébergés. Mais, quand vous êtes hébergés

4 dans un hôtel, on ne vient pas vous demander des questions très précises

5 sur la façon dont vous viviez, à qui vous deviez rendre des comptes, et

6 cetera. Les questions que vous avez posées, que vous avez reconnues avoir

7 posées, est-ce que cela correspondait au statut d'une femme qui avait son

8 bébé dans les bras ? Car nous savons qu'il y avait des bébés. Comment vous

9 définissiez ce statut ? C'est cela qui nous intéresse.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit,

11 ces personnes y étaient hébergées dans les conditions qui étaient les

12 meilleures que nous pouvions leur offrir à l'époque. Leur hébergement était

13 le même que celui des Musulmans à l'école de Han Bila. C'était des

14 Musulmans qui avaient été expulsés des parties que les Serbes avaient

15 occupées et dont ils avaient expulsé la population. L'hébergement de ces

16 personnes dans l'école de Mehurici était pareil que celui que les Musulmans

17 avaient à l'école de Han Bila. Nous ne pouvions leur offrir rien de mieux.

18 J'ai dit que j'ai pris des déclarations des personnes qui y étaient

19 hébergées, des personnes âgées de 20 à 60 ans, car d'après nos évaluations,

20 ils risquaient d'être membres du HVO. C'est pour cela que l'on recueillait

21 leur déclaration.

22 On ne recueillait pas d'informations auprès des femmes, des enfants

23 et des personnes âgées. Ces personnes-là n'ont pas du tout été interrogées,

24 n'ont pas du tout donné de déclarations pendant notre séjour là-bas.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Si une personne qui était devant vous, vous avait

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1 dit : "Monsieur, je vous remercie pour votre question, mais je m'en vais.

2 Je rentre chez moi." Est-ce que cette personne pouvait quitter les lieux ?

3 Voilà la question que je vous pose.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'était la guerre.

5 C'était le temps de guerre.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était la guerre. Vous savez qu'en état de guerre,

7 les personnes ont des statuts. Il y a des personnes qui sont militaires. Il

8 y a des personnes qui sont civiles. Il y a un droit applicable en période

9 de guerre. Je vous pose la question : Vous êtes juriste. Vous avez une

10 charge dans la 306e Brigade; toutes ces questions juridiques. Quel est le

11 droit applicable aux personnes qui étaient dans cette école ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Certaines lois étaient en vigueur et c'étaient

13 les lois adoptées par la République de Bosnie-Herzégovine. Cela je le dis

14 en tant que juriste. Il s'agissait plutôt des lois qu'elles avaient

15 reprises de l'ancien système.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, dans les lois de la République de Bosnie-

17 Herzégovine, les citoyens civils ont le droit de se déplacer. Ils ne

18 peuvent être arrêtés que dans le cadre d'enquête de nature judiciaire, et

19 lorsqu'ils sont gardés et contraints à une surveillance, et je le dis de

20 mémoire, il me semble que tout au plus, on ne peut que les garder trois

21 jours. Il faut qu'un juge vienne confirmer le maintien au-delà des trois

22 jours. Voilà les lois applicables, normalement. Je ne sais pas comment vous

23 les interprétez, vous, les lois.

24 L'Accusation vous pose la question, mais les Juges également. Comment

25 ces personnes qui étaient dans cette école, quels étaient leurs droits ?

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1 Quels étaient leurs devoirs ? Avaient-elles la possibilité de quitter les

2 lieux ? D'autant qu'à plusieurs reprises, vous avez dit qu'on les

3 hébergeait, on leur donnait un hébergement, on les nourrissait. Vous saviez

4 bien, nous avons, nous, eu des témoignages sur les gens qui sont passés

5 dans cette école. Voilà, ce que nous voulons savoir, si vous, comment vous

6 avez perçu ces problèmes ? Si vous pouvez répondre, vous y répondez. Si

7 vous ne pouvez pas, vous dites, je ne peux pas, et on passera à une autre

8 question.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne souhaite pas répondre à une question en

10 disant, je ne sais pas. Monsieur le Président, je souhaite vous rappeler

11 que le conflit a éclaté justement en raison du fait qu'il n'y avait pas de

12 liberté de mouvement car il y avait plusieurs incidents. Des meurtres

13 avaient été commis. J'avais explique que, moi-même, j'avais été capturé,

14 tout comme la moitié du commandement. Face à tout cela, nous n'avons pris

15 aucune mesure justement car nous ne souhaitions pas ouvrir un conflit armé,

16 car nous avions un ennemi beaucoup trop fort à Vlasic, mont Vlasic, et nous

17 ne souhaitions absolument pas avoir un conflit avec le HVO. Nous étions

18 totalement dans un danger de mort. Il était question de notre survie. C'est

19 la raison pour laquelle je ne souhaite pas répondre à votre question par :

20 je ne le sais pas.

21 J'ai également dit qu'avant le 8 juin, le HVO avait attaqué le

22 village de Ricice et que l'ensemble de la population avait été expulsé de

23 ce village. Ensuite, le village de Velika Bukovica avait été attaqué, et 87

24 civils de ce village ont été emmenés à Busovaca. Au cours des combats qui

25 ont duré deux jours, sept membres de notre brigade ont été tués. Ces

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1 personnes-là ont été emmenées, et nous avions peur pour ces personnes.

2 Comme je l'ai dit, ces personnes étaient dans cette école pour deux raisons

3 : D'un côté, afin de pouvoir les échanger contre les personnes qui avaient

4 été emmenées par les soldats du HVO; et deuxièmement, ils y étaient à cause

5 de leur propre sécurité.

6 Croyez-moi, si l'on avait offert qu'ils rentrent chez eux, ils

7 auraient certainement tous refusé pour des raisons de sécurité.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

9 Poursuivez.

10 M. NEUNER : [interprétation] Officiellement, mon temps expire, en ce

11 moment, mais puisque ces dernières dix minutes, à peu près, ou 15 minutes

12 peut-être, je ne pouvais pas poser de questions --

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez besoin de combien de temps encore ?

14 M. NEUNER : [interprétation] Peut-être, j'aurais besoin de 15 minutes,

15 Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous donnerons, évidemment, autant de temps à la

17 Défense. Alors allez-y.

18 M. NEUNER : [interprétation]

19 Après cela, après cet échange qui vient d'avoir lieu, je souhaite poser une

20 seule question encore à ce sujet-là.

21 Q. Monsieur Jusic, est-ce que vous savez qu'il existe un article,

22 l'Article 17 de la troisième convention de Genève qui stipule, et je vais

23 vous lire cela en langue française et vous recevrez l'interprétation.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon.

25 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Président, l'Article

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1 17 de la troisième convention de Genève s'applique dans le cas d'un conflit

2 armé international, ce qui ne fait pas partie de la cause de l'Accusation.

3 Merci, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation, vous savez qu'il y a un débat entre

5 vous et la Défense sur la nature armée du conflit. Dans vos écritures, vous

6 avez parlé d'un conflit armé. La Défense aurait souhaité pour qu'elle

7 puisse assurer au mieux ses intérêts de la Défense de savoir si

8 l'Accusation reprochait un conflit armé international ou un conflit

9 interne. Dans la mesure où l'Article 17 de la troisième convention a trait

10 à un conflit international, en l'état, la Défense dit qu'il y a un

11 problème.

12 Peut-être avant d'aborder cette question, fallait-il lui demander s'il est

13 au courant de l'existence des conventions de Genève et, à partir de là,

14 décliner. Il vaut mieux prendre la question différemment, sans aborder les

15 questions internationales ou internes. Vous pouvez aborder des questions

16 juridiques puisqu'on a un juriste. Abordez les questions par le biais

17 juridique.

18 Allez-y.

19 M. NEUNER : [interprétation]

20 Q. Monsieur, bientôt je vais aborder un autre sujet. Simplement, dites-

21 nous, est-ce que vous êtes conscient -- au courant de l'existence des

22 conventions de Genève ?

23 R. En tant que juriste, je ne peux pas dire que je ne suis pas au courant

24 des conventions de Genève. J'ai déjà dit que j'ai passé un examen

25 concernant le droit international. J'étais au courant de ces conventions.

Page 11255

1 Je savais que la Cour internationale de justice existait à La Haye, et

2 cetera. J'étais au courant de tout cela.

3 Q. Est-ce que vous savez quel est le sujet de la troisième convention de

4 Genève ?

5 R. Je ne sais pas. Je n'avais pas besoin de cela pour mon examen. Je ne

6 sais pas, vous savez. Je faisais ces études-là il y a 25 ans, 30 ans. Je ne

7 me souviens pas de cela car je n'étais pas spécialisé en cette matière-là,

8 j'approfondissais mes connaissances qui étaient nécessaires pour l'exercice

9 de mon travail.

10 M. NEUNER : [interprétation] Je vais passer à autre chose.

11 Q. Lorsque vous interrogiez ces personnes, est-ce que vous étiez seul, ou

12 est-ce que vos collègues y étaient avec vous ?

13 R. J'étais seul avec eux. La personne qui les faisait venir restait devant

14 la porte, attendait la fin de notre conversation. Une fois la conversation

15 terminée, la personne emmenait la personne dont l'interrogatoire était

16 terminée, et faisait venir une autre personne. C'est ainsi que les choses

17 se passaient.

18 Q. Tout d'abord, est-ce que vous pouvez nous dire si d'autres personnes

19 procédaient aux interrogatoires, ou est-ce que vous étiez la seule personne

20 qui le faisait ?

21 R. Peut-être qu'avant mon arrivée quelqu'un d'autre le faisait. Cela, je

22 ne le sais pas. Pendant que j'y étais, en train de mener des

23 interrogatoires, mes supérieurs m'ont dit que deux jeunes hommes étaient

24 venus de Zenica. Je ne sais pas s'ils faisaient partie du corps d'armée ou

25 non. Je suppose que oui. Il a dit qu'il allait recueillir des déclarations

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1 auprès de certaines personnes. On m'a demandé de permettre cela. Je l'ai

2 permis, et ils y sont restés un jour ou deux, pas plus. Ils ont recueilli

3 des déclarations auprès de certaines personnes, ensuite, ils sont partis.

4 J'ai poursuivi mon travail.

5 Q. Monsieur, étiez-vous présent pendant que ces deux personnes de Zenica

6 posaient leurs questions, ou est-ce que vous étiez en dehors de la pièce ?

7 R. J'ai pu assisté à cela, et j'ai pu m'absenter aussi. Peut-être

8 j'écoutais pendant qu'ils prenaient des déclarations auprès de deux, trois

9 personnes, mais je m'absentais aussi. Je n'étais pas présent pendant

10 l'ensemble de leurs interrogatoires.

11 Q. Ces personnes, étaient-elles de la police militaire, ces personnes à

12 Zenica ?

13 R. Ces personnes ne se sont pas présentées à moi, mais mon supérieur m'a

14 dit que c'est, effectivement, ce qu'ils allaient faire. Il m'a dit que je

15 devais leur permettre de faire cela sans vérifier leurs papiers d'identité.

16 Bien évidemment, c'est quelque chose que j'ai accepté.

17 Q. Qui était votre supérieur hiérarchique qui vous a demandé de permettre

18 à ces deux officiers de police militaire de poser ces questions ? Quel

19 était leur nom ?

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cette question est

21 très inconvenante. Le témoin a dit qu'il ne savait pas d'où ils venaient.

22 Il a dit qu'il pensait qu'ils venaient de Zenica. Mon éminent confrère lui

23 a demandé : quel est le supérieur hiérarchique qui a permis à ces deux

24 officiers de police militaire d'interroger des individus ? Cette question

25 est inconvenante.

Page 11257

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Maintenant que je regarde le compte rendu, il y

2 a deux personnes qui sont arrivées. Dans le cadre de l'interrogatoire, il

3 faut lui demander : ces personnes -- je vais le faire pour gagner du temps

4 parce que, sinon, on va encore perdre dix minutes.

5 Vous dites qu'à un moment donné - on ne connaît pas le temps - deux

6 personnes venaient de Zenica. Ces personnes, c'étaient des hommes ou des

7 femmes ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux jeunes hommes, comme je l'ai dit.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces hommes, ils étaient habillés en civil ou ils

10 avaient une tenue militaire ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils portaient des uniformes militaires.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils avaient un uniforme militaire. Ces uniformes

13 militaires, ils avaient des insignes, des badges ? Ils appartenaient à

14 quelle unité ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils arboraient certainement un quelconque

16 insigne, mais je ne me souviens pas duquel.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'étaient des militaires du HVO ? Je vois que

18 vous avez un large sourire, donc cela ne pouvait être que des militaires de

19 l'ABiH.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, cela n'aurait pas pu

21 être des militaires du HVO, mais, comme je vous l'ai déjà dit, peut-être

22 que la Chambre de première instance n'a pas compris, j'ai dit qu'ils

23 venaient de Zenica. Ils venaient du

24 3e Corps. J'ai dit que quelqu'un de Zenica les avait envoyés chez nous. Un

25 supérieur les avait envoyés chez nous. C'est ce que j'ai dit car je ne

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1 pense pas que mon supérieur aurait autorisé n'importe qui à se rendre à cet

2 endroit.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. On a dit qu'il y avait jusqu'à 32 000

4 soldats susceptibles d'appartenir au 3e Corps. Comme ce corps est divisé

5 également en des unités très différentes, est-ce qu'ils appartenaient à une

6 Unité du 3e Corps, 7e Brigade, 312e, 325e, 306e, et cetera ? Ou c'étaient des

7 gens qui relevaient uniquement du commandement de l'état-major du 3e

8 Corps ? Pour vous, ils venaient d'où ces personnes ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas dit que le

10 3e Corps avait 32 000 hommes car je ne sais pas combien d'hommes avait le 3e

11 Corps. J'ai dit que deux jeunes hommes sont arrivés. Mon supérieur m'a dit

12 que ces deux personnes iraient recueillir des dépositions de personnes

13 présentes dans l'école. On m'a demandé de le faire.

14 Je leur ai demandé s'ils venaient du commandement du Bataillon de la Police

15 militaire du 3e Corps ou du KP Dom ou du commandement Suprême, je ne sais

16 pas. Je ne sais d'où ils venaient. Je suppose qu'ils portaient un insigne,

17 mais je ne me souviens pas de l'insigne. Croyez-moi, je ne me souviens pas

18 de l'insigne qu'ils portaient. Je ne peux pas vraiment vous dire à quelle

19 unité ils appartenaient.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne pouvez pas dire d'où ils venaient. D'après

21 les questions qu'ils posaient, parce que vous avez assisté en partie aux

22 questions, c'étaient des juristes, des juges, des procureurs, des

23 plombiers, des chauffeurs ? C'était qui d'après ce que vous avez pu

24 entendre de leurs questions ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, je ne savais pas qui ils étaient.

Page 11259

1 Je ne connaissais pas leur profession, et je ne le sais toujours pas

2 aujourd'hui. Je suppose qu'ils avaient été envoyés à cet endroit-là par nos

3 supérieurs. J'étais présent au moment où ils ont interrogé ces hommes. Je

4 voulais voir s'ils s'y prenaient mieux que moi. Je voulais voir si je

5 pouvais apprendre quelque chose. J'étais à deux reprises et j'ai vu qu'ils

6 n'étaient pas mieux que moi lorsqu'ils interrogeaient ces personnes. Mais

7 je ne connais pas leur profession.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous dites que vous étiez présent pour voir

9 s'ils interrogeaient mieux que vous, et vous êtes arrivé à la conclusion

10 qu'ils n'étaient pas mieux que vous. Mais, si vous, vous êtes un excellent

11 interrogateur, peut-être qu'ils étaient aussi excellents. Mais cela, là-

12 dessus, comme vous n'êtes pas à même de vous juger, vous n'en tirez aucune

13 conclusion.

14 Alors, on va continuer.

15 M. NEUNER : [interprétation]

16 Q. Page 48, ligne 19, vous dites que ces deux personnes venaient du corps.

17 Vous entendiez par là le 3e Corps, je suppose ?

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit

19 qu'ils avaient été envoyés par le commandement supérieur. Je ne sais pas

20 s'il s'agit du 3e Corps du bataillon ou du commandement Suprême. En réponse

21 à votre question, pourquoi l'Accusation pose-t-elle au témoin la même

22 question, puisque le témoin, à deux reprises, a fourni une réponse à cette

23 question déjà ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il a dit qu'ils venaient du 3e Corps, mais il ne

25 sait pas d'où. Alors, progressez. Parce que, sinon, on va encore perdre

Page 11260

1 quelques minutes sur la question.

2 M. NEUNER : [interprétation]

3 Q. Vous avez témoigné plus tôt en disant qu'il y avait un nombre important

4 de voisins dans cette école, donc vous en connaissiez un certain nombre.

5 Saviez-vous qu'il y avait également un survivant de l'incident de Maline-

6 Bikosi dans votre école ?

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je suis surpris que vous adressiez ceci puisque

9 c'est un sujet qui n'a pas été discuté. Ce n'est pas quelque chose qui a

10 été soulevé par la Défense non plus. Pourquoi demandez-vous cette question

11 au témoin ?

12 Oui. Le conseil de la Défense.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a répondu

14 à la question de mon éminent confrère à plusieurs reprises déjà. Il a dit

15 qu'il n'avait appris ce qui s'était passé, les événements de Bikosi que

16 plus tard. Comment pouvait-il le savoir si quelqu'un avait survécu à cet

17 événement s'il ne connaissait pas cet événement du tout ? Les questions qui

18 sont posées au témoin sont tout à fait inappropriées. Elles sont destinées

19 à faire dire quelque chose au témoin qu'il n'avait pas l'intention de dire.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin a dit qu'à Miletici et Maline -- depuis

21 Maline, au moment où il exerçait ses fonctions, il n'était au courant de

22 rien. Ce n'est qu'après un mois qu'il avait appris quelque chose. Là, vous

23 lui posez la question directement en lui disant -- parmi cela, il y avait

24 un survivant de Maline. Vous voyez bien qu'il y a un problème. Je vais

25 essayer de résoudre cette contradiction.

Page 11261

1 Parmi les civils qui étaient hébergés à Mehurici, à l'école, est-ce que,

2 parmi ceux que vous avez vus, il y en a qui ont fait état d'événements les

3 ayant frappés personnellement ? Est-ce que vous avez entendu quelque

4 chose ? A votre connaissance, parmi les gens qui étaient là, il y a

5 quelqu'un qui vous a relaté un fait important ? Est-ce que vous vous en

6 souvenez ou pas ? Ou vous avez eu l'impression que c'étaient des braves

7 citoyens à qui il n'était rien arrivé, sauf d'être, ce jour-là, hébergés

8 par protection ? Que pouvez-vous dire ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, j'ai déjà dit que parmi les

10 personnes dont j'ai recueilli des déclarations, personne ne m'a rien dit.

11 Je ne savais que ce dont je vous ai déjà parlé dans mon témoignage. Je n'ai

12 appris l'existence de ces événements que plus tard.

13 M. NEUNER : [interprétation]

14 Q. Connaissez-vous une personne du nom de Zeljko Puselja ?

15 R. Oui. Je connais Zeljko Puselja. Nous habitions l'un près de l'autre.

16 C'est un bon garçon. Je le connaissais très bien.

17 Q. Avez-vous vu M. Zeljko Puselja à l'école de Mehurici au mois de juin

18 1993 ?

19 R. Oui, je l'ai vu à l'école, il s'y trouvait. Je sais que son bras avait

20 été pansé. Je crois qu'on lui avait fourni des premiers soins. J'ai

21 également recueilli sa déposition.

22 Q. Etiez-vous la seule personne à avoir recueilli la déclaration de Zeljko

23 Puselja ou y avait-il d'autres personnes présentes dans la pièce au moment

24 où vous preniez sa déposition ?

25 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas si j'étais là lorsque Zeljko a

Page 11262

1 été interrogé. Je ne m'en souviens vraiment pas.

2 Q. Savez-vous à quelle date vous l'avez interrogé environ, après quelques

3 jours après votre arrivée ?

4 R. Il m'a fallu un certain temps pour prendre toutes les déclarations. A

5 ce moment-là, j'ai recueilli sa déclaration également. Je suis arrivé à

6 Mehurici le 8 juin, et je prenais des dépositions sur une période de

7 quelques jours. Au cours de cette période-là, je sais que j'ai recueilli sa

8 déposition également.

9 Q. Dans quelle condition M. Puselja s'est-il entretenu avec vous ? Vous

10 avez déjà parlé de sa condition. Vous dites qu'il avait un bras qui était

11 bandé. Mais quelle était sa condition par ailleurs ?

12 R. A ce moment-là, lorsque je lui ai parlé, de façon générale, sa

13 condition était bonne. Sa vie n'était pas en danger, et son bras était

14 bandé jusqu'au coude. Mais son état général était bon.

15 Q. Étant donné que c'était votre voisin, vous avez recueilli sa

16 déposition. Vous souvenez-vous d'éléments particuliers de cette

17 conversation ? En premier lieu, je vais reformuler ma question. Pourquoi

18 avez-vous pris sa déposition ?

19 R. On appliquait le même principe partout. Il avait le bon âge, il avait

20 entre 20 et 60 ans. C'est la raison pour laquelle ceci a été fait. Il n'y

21 avait pas d'autres raisons.

22 Q. Vous souvenez-vous du détail de cet interrogatoire avec M. Zeljko

23 Puselja ?

24 R. Je ne me souviens pas du détail de ces interrogatoires. Cela remonte à

25 quelques 13 ans, et je ne me souviens pas du détail de ces interrogatoires.

Page 11263

1 Q. Autrement dit, vous ne lui avez plus jamais reparlé par la suite de

2 cette déclaration puisque vous nous dites que vous le connaissiez bien.

3 Vous ne vous souvenez pas ?

4 R. Après cela, je ne lui ai pas parlé. Il y a des personnes qui rentrent

5 chez elles, j'aurais pu le croiser mais je ne l'ai pas croisé. J'aimerais

6 le revoir. Je ne lui ai jamais entendu dire du mal de moi, ni de la façon

7 dont je l'ai traité. Personne, du reste, n'a dit du mal de moi. Pour ce qui

8 est de votre question, à savoir, si je l'ai jamais revu par la suite, non.

9 Q. Monsieur le Témoin, un des témoins qui a été cité à la barre devant ce

10 Tribunal a témoigné en disant que M. Zeljko Puselja avait un bras cassé.

11 Aviez-vous remarqué ceci à l'époque ?

12 R. Je crois avoir déjà répondu à cette question. Lorsque je lui ai parlé,

13 son bras était bandé jusqu'au coude. Je ne sais pas s'il s'agissait de

14 bandelettes ou d'un plâtre, je ne sais pas. Mais quoi qu'il en soit, son

15 bras était bandé. Peut-être que son bras était cassé, je ne le sais pas. Je

16 ne peux pas vous le dire. Je lui ai même peut-être posé la question, mais

17 je ne me souviens pas, si je lui avais posé la question ou pas et je ne me

18 souviens pas de sa réponse.

19 Q. Vous souvenez-vous, en premier lieu, de la déclaration que vous avez

20 prise ou des déclarations en général ? A qui les transmettiez-vous ? Est-ce

21 que vous les transmettiez ? Vous les transmettiez à quelqu'un, je suppose.

22 A votre supérieur ou est-ce que vous les transmettiez ailleurs ?

23 R. Pour autant que je m'en souvienne, je n'ai pas transmis ces

24 déclarations moi-même. Hormis, à la personne qui m'avait demandé de

25 recueillir sa déclaration.

Page 11264

1 Q. Vous ne savez sans doute pas à qui cette personne transmettait cette

2 déclaration, vous transmettiez cette déclaration à votre supérieur, la

3 personne qui avait demandé de faire cela, c'est tout. Par ailleurs, vous ne

4 savez pas où ces déclarations étaient envoyées.

5 R. Je ne sais pas si ces déclarations étaient transmises à quiconque. J'ai

6 changé de poste. Je suis allé travailler à un autre endroit. Je ne sais ce

7 qu'il est advenu des déclarations, je ne sais si elles ont été transmises à

8 quelqu'un, si elles ont été utilisées ou quoi, je ne sais pas du tout.

9 Q. Les personnes qui sont venues de Zenica, ces personnes ont-elles

10 emporté avec elles ces déclarations ou est-ce que vous avez gardé toutes

11 les déclarations ?

12 R. Elles ont emporté leurs documents. Ces personnes ne m'ont rien remis.

13 D'après moi, ces personnes étaient mes supérieurs, et j'avais le devoir de

14 leur permettre de remplir leurs fonctions au mieux. En partant, ils m'ont

15 dit : "Nous ne reviendrons pas. Continuez à faire ce que vous êtes en train

16 de faire."

17 Q. Est-ce que cela signifie que vous étiez autorisé à lire ces

18 déclarations, à vous familiariser avec le contenu, ou étiez-vous traité

19 comme un subordonné, et vous n'aviez même pas le droit de lire ces

20 déclarations ?

21 R. Je ne ressentais pas le besoin de lire ces déclarations. J'étais

22 présent à un ou deux interrogatoires, je voulais simplement savoir ce

23 qu'ils faisaient. Je voulais pouvoir comparer leur façon de travailler avec

24 la mienne. D'après moi, je n'avais pas besoin de leur demander quoi que ce

25 soit. Je n'avais pas besoin de leur dire quoi que ce soit. Ils

Page 11265

1 remplissaient leur rôle et ils sont partis. Où ils sont allés, je ne sais

2 pas.

3 Q. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, l'Accusation n'a

4 plus de questions à poser à ce témoin.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste une dizaine de minutes avant la pause.

6 Nouvel Interrogatoire par Mme Residovic :

7 Q. [interprétation] Monsieur Jusic, dites-moi, s'il vous

8 plaît : lorsque vous étiez en train d'interroger les individus qui étaient

9 hébergés dans les bâtiments de Mehurici, n'avez-vous jamais eu recours à la

10 force ? N'avez-vous jamais menacé ces personnes ?

11 R. Jamais. Je n'ai jamais fait usage de la force ou je n'ai jamais menacé

12 personne. Je me suis trouvé dans une situation assez gênante, il était

13 difficile pour moi de recueillir des déclarations de personnes qui avaient

14 été autrefois mes voisins. J'avais de très bons rapports de voisinage avec

15 ces personnes. Nous travaillions dans les mêmes entreprises. Autrement dit,

16 je n'ai jamais utilisé le recours à la force. Je ne portais pas d'uniforme

17 militaire pour éviter toute gêne. Lorsque je recueillais des déclarations,

18 j'étais habillé en civil.

19 Q. Monsieur Jusic, vous avez posé un certain nombre de questions à ces

20 personnes. Lorsqu'elles répondaient à vos questions, est-ce qu'elles

21 répondaient de leur plein gré, et elles n'étaient soumises à aucune

22 pression ?

23 R. J'évaluais la situation et je comprenais la situation dans laquelle

24 elles se trouvaient. Ces personnes ne pouvaient se sentir à l'aise.

25 Néanmoins, j'avais l'impression et j'essayais de faire en sorte que

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1 l'atmosphère soit un petit peu détendu. Je souhaitais que ces personnes

2 puissent me parler librement. Certaines personnes m'ont même dit que

3 c'étaient des militaires du HVO, ils m'ont donné le nom de leur commandant.

4 Certaines personnes m'ont dit qu'elles pouvaient se rendre dans leurs

5 villages, et nous indiquer à quel endroit se trouvaient les engins

6 explosifs, où se trouvaient les champs minés, où se trouvaient les armes.

7 J'ai déjà précisé qu'en collaboration avec eux, nous nous sommes

8 effectivement rendus dans ces villages et nous avons trouvé les engins

9 explosifs et les armes.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Peut-on montrer au témoin, s'il vous

11 plaît, la pièce P204 ? Je ne sais pas si le témoin a toujours ce document

12 sous les yeux.

13 Q. Vous avez déjà lu ce document. Je souhaite attirer votre attention sur

14 le passage qui précède : "Par la présente, ordonnons." Dans l'introduction,

15 est-ce qu'il est précisé que des civils ont pris part à ce pillage ainsi

16 que certains individus ? Est-ce que c'est effectivement ce que signifie

17 cet ordre ?

18 R. D'après moi, et d'après les faits qui sont mentionnés dans ce document,

19 il s'agit ici d'éléments qui traitent de la prévention, des pillages et des

20 vols commis par des civils. Ce document a été rédigé, le 18 juin, qui a

21 suivi les opérations de combat. Je ne sais même pas si les opérations de

22 combat étaient terminées, à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, la ligne de

23 front était toujours ouverte et, à ce moment-là, la brigade avait deux

24 lignes de front : l'une près du mont Vlasic et l'autre en face du HVO. Il

25 nous fallait un nombre important d'hommes pour pouvoir tenir cette ligne de

Page 11267

1 front, étant donné qu'au cours des opérations de combat, il y a des gens

2 qui ont été tués et d'autres qui ont été blessés.

3 Q. Merci beaucoup. Je crois que vous avez répondu à ma question.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Mon éminent confrère a attiré votre

5 attention sur la date, à savoir la date à laquelle ce document a été

6 rédigé, le 18 juin. Pendant que je m'en souvienne, vous avez précisé que

7 des mesures avaient été prises avant cette date. Est-ce que l'on peut

8 montrer au témoin, s'il vous plaît, maintenant, une série de documents,

9 DH161/9, DH161/10, DH161/11, DH161/12, DH161/13, DH161/16 et DH162/2.

10 Etant donné que j'ai ces documents. Je peux demander à

11 Mme l'Huissière de présenter ces documents au témoin.

12 M. NEUNER : [interprétation] Objection. Car cette série -- la question des

13 mesures a été évoquée par la Défense au cours de l'interrogatoire

14 principal. Je n'ai pas élaboré ou je n'ai pas évoqué un nouveau sujet. Donc

15 la Défense a déjà eu l'occasion d'élaborer sur ce sujet.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Les questions supplémentaires. Le droit de

17 réplique à une question, dite supplémentaire, c'est que s'il y a un lien en

18 quoi la réponse, qu'il a fournie au contre-interrogatoire, introduit un

19 lien avec l'ensemble de ces documents.

20 Expliquez-nous pour qu'on y comprenne -- qu'on comprenne.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le document P204

22 n'a pas été utilisé au cours du contre-interrogatoire. Il s'agit d'un

23 document qui a été présenté au témoin par l'Accusation. Pour ce qui est de

24 cette nouvelle série de documents, elle découle des questions posées par

25 l'Accusation portant sur la date, le 18 juin 1993. Il a demandé pourquoi

Page 11268

1 l'armée n'avait-elle pas pris des mesures avant cette date, aux fins

2 d'empêcher ces incidents. Je souhaite montrer au témoin tous ces documents,

3 et je souhaite simplement poser une question à cet égard au témoin.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation lui a posé la question. Je m'en

5 souviens très bien. En parlant du document du 18 juin : pourquoi ce

6 document du 18 juin, avez-vous -- pourquoi n'a-t-on pas pris des mesures

7 auparavant ? Le témoin a répondu : il y a eu d'autres mesures. C'est ce que

8 vous voulez confirmer ? Alors, on a traduit les documents.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Jusic, je vous demande de bien vouloir regarder l'ensemble de

11 ce document et de me donner les dates de figurant sur ces documents ? Nous

12 allons commencer par le premier document.

13 R. Le 9 juin 1993 -- 17 juin 1993 ?

14 Q. Un instant, s'il vous plaît. Le premier document, vous avez la date du

15 9 juin 1993; qui était le destinataire de ce document ?

16 R. C'était envoyé aux unités et à l'état-major du 3e Corps. Je pense que

17 dans ce cas, il s'agit du 3e Corps.

18 Q. Autrement dit, aux Unités et au 3e Corps, et aux membres du personnel

19 du 3e Corps ?

20 R. Oui. A toutes ces personnes.

21 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, pour ce qui est de

22 l'introduction de ce document, qu'est-ce que cette traduction

23 nous dit aux fins d'empêcher --

24 R. Aux fins d'empêcher un comportement peu approprié des militaires,

25 d'empêcher toute atteinte corporelle ou blessure corporelle dans le cadre

Page 11269

1 de leurs activités contre le HVO, et de protéger l'élément moral, ou le

2 caractère moral du combattant au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine, je

3 garantis par la présente.

4 Q. Ce document est daté du 9 juin. Pourriez-vous nous parler du deuxième

5 document, s'il vous plaît ? Quelle en est la date ?

6 R. Le 10 juin 1993.

7 Q. A qui ce document était-il destiné ?

8 R. A toutes les unités subordonnées. Il a été envoyé au commandant du 3e

9 Corps.

10 Q. Quel était l'objet de cet ordre ? Qu'évoque-t-il ?

11 R. Le sujet -- l'objet de cet ordre est les mesures qui ont été mises en

12 place contre le pillage et la destruction de biens.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu

14 d'audience, le premier document porte le numéro DH161/9 et, le deuxième,

15 161/10.

16 Q. Pourriez-vous regarder le document suivant. Quelle est la date de ce

17 document ?

18 R. Le 16 juin 1993, envoyé aux commandants de toutes les unités, des

19 commandants adjoints chargés de la Sécurité; et l'objet de ce document est

20 l'échange de prisonniers de guerre entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et

21 le HVO.

22 Q. Pour les besoins du compte rendu d'audience, il s'agit de DH161/11. Je

23 vous demande de bien vouloir regarder le document suivant, s'il vous plaît.

24 R. Le document suivant est daté du 16 juin 1993. Il s'agit d'un document

25 qui est -- sur lequel on peut lire : "eurent argent et il porte sur la

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1 transmission de cet ordre."

2 Q. A qui était-il envoyé ?

3 R. Aux commandants des groupes opérationnels, aux commandants des brigades

4 indépendantes, à toutes ces personnes, et aux commandements des bataillons

5 indépendants, et à tous ceux-ci, et à l'état-major ou le commandement de la

6 Défense municipale. En réalité, je ne comprends pas cette abréviation. Je

7 ne sais pas ce que l'on entend par là, l'état-major municipal, enfin toutes

8 ces personnes.

9 Q. Si on regarde le début de cet ordre, la traduction, qu'est-ce que cela

10 signifie sur la base des instructions reçues du commandement du corps et

11 sur la base d'un certain nombre d'informations non vérifiées, en rapport

12 avec des pillages et des incendies, et des maisons de citoyens et, à la

13 suite, des opérations de combat, aux fins d'établir ou de découvrir la

14 vérité en rapport avec ce qui a été établi ?

15 Il s'agit d'une faute de frappe. Je donne l'ordre suivant --

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu

17 d'audience, il s'agit du document 162/12.

18 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder le document suivant, s'il vous

19 plaît.

20 R. Le document suivant est daté du 16 juin 1993. Il a été envoyé à la 306e

21 Brigade de Montagne, directement au commandant. L'objet concerne la

22 sécurité dans la région de Guca Gora.

23 Q. Merci.

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu

25 d'audience, il s'agit du document D161/13.

Page 11271

1 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder le document suivant, s'il vous

2 plaît.

3 R. Le document suivant est daté du 19 juin 1993 et il est destiné à toutes

4 les unités subordonnées, et a été envoyé par le commandant du 3e Corps.

5 L'objet est la prévention de l'arrestation de civils et pillages des

6 villages, et destruction des biens.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il s'agit de DH16/16.

8 Q. Pour finir, le dernier document, qui est daté du 9 juin 1993, il a été

9 envoyé au Groupe opérationnel de Lasva et concerne l'application, et un

10 ordre est donné. Cela concerne un certain nombre d'ordres qui étaient émis

11 et la façon dont il fallait les appliquer.

12 Cela a trait à la protection des civils et à la protection de leurs biens,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Je n'ai pas lu le texte encore.

15 Q. Allez-y, je vous en prie, lisez-le.

16 R. Pour autant que je puisse le voir, il est demandé d'apporter de l'aide

17 afin de protéger les biens des civils. Il est demandé au corps d'armée

18 d'apporter son assistance. Dans ce texte, le commandement du corps ordonne

19 la protection des biens.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique

21 qu'il s'agit de la pièce DH162/2.

22 Q. Bien. Vous avez lu tous ces documents. Vous en avez parcouru leur

23 contenu, Monsieur Jusic, et je vous demande si tous ces documents vous

24 indiquent que le 3e Corps d'armée avait pour intention d'empêcher et de

25 prévenir le crime, de procéder à des enquêtes, de punir les auteurs de ces

Page 11272

1 actes répréhensibles et que donc de telles mesures sont bien mentionnées,

2 de façon réitérée, dans l'ordre -- dans les ordres qui sont rédigés à cette

3 fin, à destination des unités subordonnées ?

4 R. A la lecture de ces documents et d'après les faits dont j'ai eu

5 connaissance, le commandement du 3e Corps d'armée a déployé des efforts

6 maximums, et il l'a fait dans la mesure des possibilités de l'époque. Comme

7 il est dit dans un des documents, tout cela avait pour but de conserver et

8 de maintenir le niveau de moralité de l'ABiH et de ses combattants.

9 Q. Ma dernière question à ce sujet, Monsieur Jusic, à

10 présent : vous avez répondu à un certain nombre de questions et vous avez

11 dit que vous aviez, pour but, de décrire, à notre intention, la situation

12 très pénible dans laquelle les Unités de l'ABiH avaient rempli leurs

13 tâches. Ces documents, que je viens de vous soumettre, montrent-ils que,

14 malgré ces conditions particulièrement difficiles, des mesures ont bel et

15 bien été prises par l'ABiH pour sanctionner tout crime éventuel commis par

16 l'un de ses membres ?

17 R. Selon ce que je sais, au sein de ma brigade, et la même insistance

18 était manifestée au niveau du corps d'armée, donc on insistait constamment

19 pour éviter l'affrontement ouvert, mais, si affrontement ouvert il y avait,

20 des efforts étaient déployés pour que les choses se passent dans le respect

21 des normes internationales; autrement dit, pour que les personnes retenues

22 soient défendues, protégées au maximum. Je parle des personnes arrêtées et

23 que soit également protégés au maximum les biens qui avaient été

24 abandonnés.

25 Q. Merci beaucoup, Monsieur Jusic.

Page 11273

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est l'heure de faire la pause. Nous reprendrons

2 aux environs de 13 heures, et nous aurons 45 minutes.

3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 41.

4 --- L'audience est reprise à 13 heures 03.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste 45 minutes pour les questions

6 supplémentaires et les questions des Juges.

7 Vous avez la parole.

8 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous

9 n'aurons que quelques questions à poser au témoin au sujet d'un document

10 que l'Accusation a soumis au témoin. Il s'agit du document de la pièce à

11 conviction de l'Accusation P661. Je pense d'ailleurs, que le témoin l'a

12 sous les yeux en ce moment.

13 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Ibrisimovic :

14 Q. [interprétation] Monsieur Jusic, vous avez répondu à des questions qui

15 vous étaient posées par l'Accusation au sujet de ce document que vous avez

16 pu lire. J'aurais deux petites questions à vous poser au sujet de ce

17 document. Il y est question du village de Klacji, n'est-ce pas ? J'ai une

18 carte ici. Mais pour gagner du temps, et sachant que vous venez de cette

19 région, je vous demanderais de nous dire si la distance qui sépare le

20 village de Klacji du village de Mehurici est bien d'environ 10 kilomètres ?

21 R. Oui. Oui.

22 Q. Ma question à présent est la suivante : Ce document a déjà été soumis à

23 un témoin, membre de la 306e Brigade, qui a témoigné le 26 octobre ici. Il

24 répondait à des questions qui lui étaient posées par Mme Tecla Benjamin. Si

25 je vous disais que, suite à une série de questions portant sur la 307e

Page 11274

1 Brigade et le 3e Corps d'armée, une correspondance entre ces deux organes a

2 été établie, que l'information aux questions était inexacte parce que les

3 membres de la 7e Brigade n'étaient pas dans le village de Klacji; est-ce

4 que vous en conviendriez avec moi ?

5 R. Il serait plus exact pour moi de dire que je n'étais pas au courant de

6 tout cela. Il y a un instant, répondant à des questions posées au sujet du

7 document dont nous parlons, j'ai dit que la

8 7e Brigade ne se trouvait pas dans la région, mais peut-être ces hommes

9 étaient-ils membres de la -- mais j'ai dit qu'il y avait peut-être des

10 membres de la 7e Brigade qui habitaient dans la région, qui avaient leurs

11 maisons dans la région. Il est sans doute préférable pour moi et plus

12 opportun pour moi de dire que je ne suis pas au courant de tout cela.

13 Q. Merci.

14 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] En tout cas, en page 65, ligne 4

15 du compte rendu d'audience, je souligne une erreur. Il est question de la

16 307e Brigade, alors que le mot juste est 306e Brigade.

17 Je n'ai plus de questions, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, j'ai quelques questions à vous poser,

19 questions en relation directe avec ce que vous avez dit tout à l'heure aux

20 uns et aux autres.

21 Questions de la Cour :

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez donné deux raisons, pour vous,

23 essentielles, qui expliquent pourquoi il y avait dans l'école de Mehurici

24 des personnes qui étaient hébergées. Vous avez expliqué, d'une part, c'est

25 parce qu'il y avait des Musulmans dans une localité qui avaient été pris

Page 11275

1 par le HVO, et qu'on voulait un échange de personnes. Cela, c'est la

2 première raison. La deuxième raison, c'est l'hébergement qui était assuré

3 par l'autorité militaire présente.

4 Concernant la première raison, si je comprends bien ce que vous

5 dites, et c'est pour cela que je vous demande de bien préciser, dans votre

6 esprit, il y avait des civils qui étaient "retenus" par l'autorité

7 militaire, et ces civils croates retenus allaient être échangés contre des

8 civils musulmans retenus par le HVO. Est-ce que c'est bien cela la première

9 raison ?

10 R. Tout à fait. D'ailleurs, j'ai dit que le premier motif mentionné

11 consistait à dire que les Unités du HVO avaient initié des affrontements

12 armés en menant une attaque sur le village de Velika Bukovica. A ce moment-

13 là, le HVO avait emmené 87 civils donc il fallait prévoir un échange. Je ne

14 serais pas d'accord avec vous, quant au fait de dire que ce sont les

15 autorités militaires qui ont fait cela et qui se sont occupées totalement

16 de ces civils, parce que, pendant les affrontements, ce sont bien les

17 autorités militaires qui ont emmené ces personnes dans les locaux de

18 l'école. A mon avis, ce sont les autorités civiles qui se sont occupées de

19 leur sort.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous précisez que ce sont les autorités civiles qui

21 se sont préoccupées de leur sort, mais qu'également l'autorité militaire

22 était présente puisque, vous-même, vous avez procédé à des interrogatoires

23 de ces personnes.

24 R. D'une certaine façon, oui. D'ailleurs, je crois que je l'ai expliqué.

25 Les autorités militaires n'avaient compétence que vis-à-vis de ceux dont il

Page 11276

1 était supposé qu'ils étaient en âge de porter les armes.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, les personnes, qui étaient

3 dans l'école de Mehurici, ont-elles été échangées, en définitive ?

4 R. Oui. C'est ce qui s'est passé. Mais, je n'étais plus là. J'étais déjà

5 parti ailleurs. J'étais déjà affecté à d'autres tâches. Une dizaine de

6 jours environ après mon départ, enfin, je n'affirme pas que c'était dix

7 jours, mais à peu près, la situation s'est tendue, et nous pensions qu'un

8 échange aurait lieu rapidement. Mais je crois, en fait, pour des raisons

9 inconnues, cela a duré environ une dizaine de jours de plus. Pourquoi,

10 exactement ? Je ne sais pas.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, y avait-il un organisme

12 bipartite, ABiH et HVO, qui procédait, de par leur constitution et leurs

13 discussions, aux échanges ? Quelle était l'autorité supérieure qui décidait

14 d'échanger les habitants d'un village contre les habitants d'un autre

15 village ? Est-ce que vous avez des informations à cet égard ?

16 R. D'après ce que je sais, il existait, effectivement, un organisme chargé

17 des échanges au sein de l'ABiH. Cela c'est certain. Je crois qu'il y avait

18 un équivalent au sein du HVO. Je pense que les gens qui étaient

19 responsables de ces tâches les ont menées à bien.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je vous suis, c'était l'armée, par cet organisme,

21 qui s'occupait d'échanger des civils.

22 R. Oui, d'après ce que je sais, les civils ont été échangés dans la

23 localité de Dolac - si je ne me trompe pas sur le nom - près de Travnik.

24 Ceux pour lesquels il était supposé qu'ils étaient aptes à combattre, ils

25 ont été emmenés à Zenica, et ensuite, ce qui s'est passé, je ne sais pas.

Page 11277

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Une autre question sur un autre sujet. Vous nous

2 avez indiqué qu'en tant que membre de l'organe de Sécurité de la 306e

3 Brigade de Montagne, vous adressiez des rapports au procureur militaire qui

4 se trouvait à Travnik lorsqu'il y avait des affaires qui avaient été mises

5 en évidence par la police militaire.

6 A cet effet, l'Accusation vous a présenté un document qui est venu le

7 numéro 2, et je voudrais qu'on vous le montre. C'est la pièce 1 448 de la

8 Défense. C'est le rapport au procureur militaire de Travnik, rapport

9 criminel. Ce document, tel que je le vois, est-ce que ce document, vous le

10 reconnaissez ? Est-ce que vous dites que ce document est bien un rapport

11 émanant de la 306e Brigade ?

12 R. Oui.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce rapport relate une infraction commise par

14 plusieurs membres de la 325e Brigade de Montagne, dont les noms figurent en

15 page 1. On est bien d'accord ? Bien. Alors, ce que je voudrais, c'est que

16 vous regardiez la dernière phrase du rapport. Vous dites que : "Tous les

17 éléments qui sont transmis à la poursuite au procureur, de ces suspects,

18 vous proposez que le procureur dresse un acte d'accusation contre eux."

19 Vous voyez cette phrase ? C'est la conclusion du rapport. Il est indiqué

20 qu'il est demandé au procureur d'établir un acte d'accusation contre eux.

21 R. Oui, oui, j'ai trouvé le passage.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand il y avait ce type de situation, à chaque

23 fois, l'autorité militaire représentée par l'organe de sécurité proposait

24 au procureur l'établissement d'un acte d'accusation quand il y avait un

25 crime ou un délit. C'est comme cela que cela se passait. Est-ce que c'est

Page 11278

1 comme cela que cela se passe ?

2 R. Dans tous les cas, autrement dit, dès lors que l'on apprend que des

3 membres de l'armée -- parce que nous étions un organe chargé, avant tout,

4 de s'occuper de prendre des mesures par rapport aux membres de notre unité.

5 Mais, dans ce cas, il est question de membres d'une autre unité au sein de

6 la brigade, et ils sont passés où ce qu'ils ont passé.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Justement, voilà encore, comme vous êtes un juriste,

8 vous allez répondre à une interrogation que les Juges de la Chambre peuvent

9 avoir. Il se trouve que les auteurs des faits n'appartiennent pas à votre

10 brigade, ils appartiennent à la 325e Brigade. Vous étiez, vous, compétent

11 parce que les faits ont été commis dans votre ressort territorial. C'est la

12 raison pour laquelle vous saisissez le Procureur de Travnik; c'est bien

13 cela ? C'est parce que les faits ont été commis dans votre ressort, que

14 vous êtes compétent, vous, pour demander un acte de poursuite parce qu'ils

15 n'appartiennent pas à la 306e. Pourquoi ne pas demander au commandant de la

16 325e de faire son travail ? Pourquoi c'est vous qui le faites ?

17 R. Si j'ai bien compris ce que vous me demandez : c'est comment se fait-il

18 que nous ayons été compétents pour engager des poursuites contre des

19 membres de notre brigade ? C'est bien ce que vous me demandez ?

20 Nous avons agi de cette façon parce que les personnes concernées étaient

21 des membres de l'armée et ces personnes étaient arrivées sur notre

22 territoire. Elles ont été arrêtées en flagrant délit dans leurs tentatives

23 de commission d'un acte répréhensible.

24 Nous les remis aux responsables des poursuites et pour nous le travail

25 était terminé. Quant à eux, s'ils estimaient qu'ils avaient des éléments

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1 qui permettaient que les poursuites continuent selon notre proposition, et

2 ils pouvaient continuer - je parle du Procureur, en application de la loi -

3 sinon, ils ne poursuivraient les poursuites. Mais, ici il y a eu une

4 exception parce que, normalement, nous ne sommes compétents que vis-à-vis

5 de nos membres, des membres de notre unité.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Là, vous dites qu'il y a eu une exception. Pourquoi,

7 il y a eu une exception ?

8 R. Parce que la 325e -- enfin, croyez-moi, je ne sais pas où était son

9 commandement, quel était le site de son commandement, mais nous n'avions

10 pas de communication, nous n'avions pas -- les routes étaient barrées, nous

11 n'avions pas de voitures, nous n'avions pas de carburant, dont nous

12 n'avions pas les moyens de les ramener chez eux. Pour nous, le plus facile

13 c'était de les remettre au Procureur de Travnik et, ensuite, le Procureur

14 de Travnik pourrait continuer le travail.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question, on va revenir au célèbre

16 document P204. Est-ce qu'on peut lui représenter à nouveau le P204, qui a

17 été produit au moins une dizaine de fois ? Alors, si là

18 -- alors en B/C/S.

19 Bien, pouvez-vous lire à haute voix, le paragraphe 7 ?

20 R. "Les déplacements individuels de personnes armées doivent être

21 arrêtées, ces personnes doivent être désarmées et enregistrées".

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'était l'ombre que vous aviez quand une

23 personne circulait en arme, il fallait l'arrêter et le désarmés. Est-ce

24 l'ordre qui s'imposait à tout membre de l'armée ?

25 R. Je ne peux pas donner une réponse absolument certaine à cette question,

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1 mais à mon avis, la réponse oui.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il nous a été dit à plusieurs reprises mais

3 vous, d'une certaine manière, vous avez également confirmé dont Mehurici ou

4 à côté de Mehurici, il y avait des individus, des nommés Moudjahiddines qui

5 circulaient armés.

6 Est-ce que ces individus n'auraient pas pu, sous le fondement de la

7 l'Article 7, être arrêtés, désarmés et une procédure diligentée

8 conformément à leurs droits.

9 Pourquoi cela ne s'est jamais passé ? Est-ce vous avez une explication à

10 donner ?

11 R. Monsieur le Président, il est très difficile d'apporter une explication

12 en réponse à votre question. En raison de la situation qui prévalait sur le

13 terrain car, comme je l'ai dit, nous avions d'un côté une ligne de défense

14 qui mesurait plus d'une dizaine de kilomètres et de l'autre côté, après

15 l'affrontement avec le HVO, nous avions une ligne similaire qui elle aussi

16 mesurait plus d'une dizaine de kilomètres. Nous avions deux ennemis et il y

17 avait très souvent des combats sur ces lignes, or, afin d'agir selon ce

18 qu'indique votre question, cela aurait signifié qu'il aurait fallu une

19 troisième ligne au milieu, en fait, deux extrémités et un milieu et à

20 l'époque, il était très difficile, sinon, à mon avis, absolument

21 impossible de le faire. A mon avis, c'était vraiment impossible parce que…

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous avez parfaitement répondu à ma

23 question.

24 J'ai juste une dernière question parce que je vois le temps passer, depuis

25 très longtemps, je voulais poser cette question, mais je n'ai pas eu

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1 l'occasion de la poser et je profite des quelques minutes qui me restent

2 pour la poser.

3 Vous avez décrit, vous, et d'autres témoins nous l'ont dit également, donc

4 c'est un fait qui a été rapporté par plusieurs.

5 La question des postes de contrôle du HVO, plusieurs témoins nous ont

6 indiqué qu'il y avait des postes de contrôle du HVO. Alors, vous-même, vous

7 l'avez dit -- vous avez dit qu'il y avait trois postes de contrôle : Ovnak,

8 Zabilje et Guca Gora. Il y avait trois postes de contrôles et vous avez,

9 spontanément, relaté un incident regrettable qui est arrivé, à savoir, que

10 vous-même et d'autres camarades, vous avez été déshabillés par les membres

11 du HVO dans des conditions que vous avez, vous, qualifié de déshonorantes,

12 et cela à un poste de contrôle.

13 Ma question est celle-ci: dans la mesure que, dans cette région, où il y a

14 des postes de contrôle, les Moudjahiddines, qui circulaient avec des

15 véhicules dont on nous a même donné la marque, Toyota, pour ne pas faire de

16 publicité pour cette marque de voitures, dans des voitures blanches, de

17 l'ordre d'une dizaine, ils étaient armés, comment pouvaient-ils franchir

18 les postes de contrôle du HVO ? Est-ce que vous avez une explication à

19 donner pourquoi vous, qui étiez aussi armé, qui étaient contrôlés par le

20 HVO, et pourquoi les autres ne l'étaient-ils pas, dans la mesure qu'ils

21 devaient quand même circuler dans les mêmes zones que vous ? Est-ce que

22 vous pouvez nous éclairer sur ce point qui ne l'a jamais été, pour le

23 moment, ni évoqué, ni élucidé ? D'autant qu'on a, car on a vu, d'ailleurs

24 une carte qui avait été précisée par une témoin qu'il y avait des postes de

25 contrôles quasiment. S'il y a des postes de contrôle, tout ceux qui passent

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1 sont soumis au contrôle. Concernant les Moudjahiddines qui circulaient,

2 est-ce que vous avez eu connaissance qu'ils étaient contrôlés ?

3 R. Monsieur le Président, vous ne m'avez pas bien compris. Ce que j'ai dit

4 c'est que dans la région de la vallée de la Bila, il y avait trois postes

5 de contrôle. Vous les avez évoqués effectivement : Ovnak, Zabilje, et Guca

6 Gora. Au début, les premiers qui ont cessé de circuler ont été les autobus.

7 Les gens ont continué à circuler avec des voitures individuelles, et peu à

8 peu, tout s'est arrêté et plus personne ne circulait. Quand on venait du

9 côté de l'ABiH et qu'on était civil, personne ne pouvait circuler.

10 Quant à ce poste de contrôle dont vous avez parlé où nous avons été

11 humiliés et malmenés et où nous avons subi des sévices, ce n'était pas en

12 fait un véritable poste de contrôle. C'est un incident qui a été suscité à

13 cet endroit-là de façon ponctuelle, parce que les Croates et les

14 combattants du HVO vivaient dans notre région. Ils nous connaissaient bien.

15 Nous nous connaissions. Nous ne vivions pas encerclés dans un lieu où il

16 n'y avait aucun Croate. En fait, ce qu'ils ont fait, c'est créer un siège

17 ponctuel. Ils ont fait ce qu'ils avaient à faire pendant qu'ils nous

18 assiégeaient et ils sont repartis ensuite.

19 Il y avait les Moudjahiddines qui circulaient dans la région,

20 effectivement. Ils auraient pu choisir de se comporter comme cela contre

21 eux, et pas contre nous. Je me suis souvent demandé pourquoi nous ?

22 Pourquoi nous avons été choisis, nous, et pas les autres ? Mais je n'ai pas

23 de réponse à cette question.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous répondez presque à ma question. Je vois, c'est

25 à la ligne 73, vous dites que les Moudjahiddines circulaient, auraient dû

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1 être contrôlés contre vous. Est-ce que -- être contrôlés comme vous, est-ce

2 que je dois en déduire qu'ils n'étaient pas contrôlés ?

3 R. Des contrôles identiques à ceux que nous subissions ? Non, alors que

4 cela aurait été possible. Nous, nous étions arrêtés, empêchés de poursuivre

5 notre chemin, humiliés, mais ils n'ont pas subi cela. Cela dit, je ne

6 souhaite pas trop m'exprimer là-dessus en donnant trop de détails.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que vous ne voulez pas trop vous exprimer

8 là-dessus. Bien. Je ne vais pas vous mettre en difficulté, mais simplement,

9 si je comprends bien, il y avait un poste de contrôle, des gens du HVO en

10 uniforme, armés. Vous passez un véhicule avec des Moudjahiddines, et le

11 véhicule passe. C'est ce qui se passe ?

12 R. Lorsque je parlais de cet incident, j'ai dit qu'ils avaient placé une

13 voiture devant nous avec quatre soldats armés, et autour, de tous les

14 côtés, il y en avait au moins 50 corps. Ils nous avaient tendu un piège. A

15 mon avis, nous avions de la chance parce que nous n'avions pas résisté. Car

16 cette embuscade avait été préparée très soigneusement, il n'y avait pas de

17 point de contrôle à cet endroit-là. Ils avaient tendu une embuscade. Ils

18 auraient pu la préparer par rapport aux Moudjahiddines, mais ils ne l'ont

19 pas fait.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

21 R. Car si les choses s'étaient terminées de manière différente, cela

22 aurait été pire pour nous, à mon avis.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Une toute dernière question, concernant la 7e

24 Brigade : Vous avez dit que la 7e Brigade n'était pas à Mehurici, à votre

25 connaissance, et aucune unité militaire n'était présente. Mais vous avez

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1 dit également qu'il pouvait y avoir des soldats de la 7e Brigade habitant à

2 Mehurici ou dans les environs, qui seraient venus. Vous-même, qui

3 connaissez bien cette région, connaissiez-vous des soldats de la 7e Brigade

4 qui étaient des habitants de la région ? Est-ce que vous, à titre

5 personnel, vous en connaissiez ?

6 R. Monsieur le Président, je vais apporter une petite correction. Je n'ai

7 pas dit que dans cette région il n'y avait pas d'autres unités. Il y avait

8 une brigade de l'ABiH, la 314e. Pour ce qui est de l'autre partie de la

9 question, à savoir, si je connaissais un membre de la 7e Brigade musulmane,

10 croyez-moi que je ne connaissais personne. Je maintiens ce que j'ai dit, à

11 savoir que peut-être ils y étaient, que leurs familles y vivaient. Là, je

12 parle des membres de la 7e Brigade musulmane. Mais encore une fois, je

13 répète que, pour autant que je le sache, la 7e Brigade musulmane n'était

14 pas présente dans cette région.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

16 Suite aux questions que j'ai posées, je redonne la parole aux uns et

17 aux autres.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être

19 l'Accusation souhaite d'abord poser des questions. Ensuite, nous, puisque

20 c'est le témoin de la Défense.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'Accusation.

22 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez mentionné une

23 marche qui a commencé à l'école de Mehurici. Le Procureur possède un

24 document qui a été communiqué à la Défense, et nous sommes prêts à le

25 montrer, avec votre permission, Monsieur le Président, car ceci --

Page 11285

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Je vois dans le transcript en anglais que

2 vous dites que j'ai mentionné une marche. Je n'ai pas mentionné -- qu'est-

3 ce que j'ai mentionné au juste ?

4 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, le Procureur a compris

5 que vous avez posé une question de savoir si l'on a fait sortir les civils,

6 si on les a échangés. Donc au fond, à un moment donné, les détenus de

7 l'école ont marché dans une certaine direction. Vous avez demandé le nom du

8 village. Le témoin, plus tôt, a mentionné un village dans lequel les

9 détenus avaient été emmenés. Nous avons un document qui pourrait éclaircir

10 ce point. Est-ce que j'ai votre permission ?

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, la Défense. Le témoin a dit que les détenus ont

12 été échangés. S'ils ont été échangés, c'est bien qu'ils ont quitté l'école.

13 L'Accusation dit qu'elle a un document qui montre bien qu'il y a eu un

14 échange.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, tout d'abord, dans

16 cette description qui vient d'être donnée par mon éminent collègue, je n'ai

17 pas reconnu vos questions. Deuxièmement, aux questions posées et par moi et

18 par l'Accusation, le témoin a dit qu'au bout d'un certain temps, il est

19 parti et que, par la suite, il a appris qu'il y avait eu un échange. Même

20 lorsque l'on lui a montré le document en date du 23 juin ou une autre date,

21 il a dit qu'au bout de sept, huit jours, il était parti et qu'il a entendu

22 parler de cela. Nous ne pouvons pas montrer ce genre de document à ce

23 témoin.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, il est exact que le témoin nous a dit que

25 l'échange qui a eu lieu s'est passé alors qu'il n'était plus là. Il est

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1 vrai que tout document postérieur à sa présence, il ne peut pas le

2 reconnaître puisque, lui-même, il a fait l'aveu qu'il n'était pas là.

3 Conformément à l'objection de la Défense, je ne vous autorise pas à

4 produire ce document; simplement, je pensais que ceci nous permettrait

5 d'avoir des informations supplémentaires devant le Juge. Mais sur la base

6 de l'objection de la Défense, je peux conclure que la Défense a étudié

7 attentivement ce document. Mais je souhaite simplement vous informer du

8 fait qu'Asim Delalic, qui était l'adjoint du commandant chargé de la

9 Sécurité au sein de la 306e Brigade, est mentionné de manière explicite

10 dans ce document. Le Procureur considère que M. Asim Delalic était

11 l'adjoint chargé de la Sécurité de la 306e Brigade, et que c'était

12 certainement un des supérieurs de ce témoin.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à la Défense. Mais il a

14 déjà indiqué que son supérieur, à un moment donné, était cette personne-là.

15 Oui, la Défense.

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme en plus ce témoin viendra, il sera

22 temps de présenter le document au témoin.

23 Y a-t-il d'autres questions de l'Accusation ?

24 M. NEUNER : [interprétation] Dans ce cas-là, nous n'avons pas

25 d'autres questions, Monsieur le Président. Nous allons montrer ce document

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1 ou nous avons l'intention de montrer ce document à un stade ultérieur.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. La Défense, il y a quelques

3 minutes qui nous restent.

4 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

5 Q. [interprétation] Monsieur Jusic, le Président vous a posé quelques

6 questions concernant les raisons pour lesquelles on avait fait venir les

7 gens, et vous avez dit que parmi les raisons, c'était l'échange. Dites-moi,

8 où étiez-vous le 8 juin ?

9 R. Le 8 juin, comme je l'ai déjà dit, j'étais dans mon village, donc, le

10 jour du conflit de grande envergure.

11 Q. Très bien, merci. Est-ce que ces personnes, les personnes que vous avez

12 interrogées le 8 juin, donc, à la date à laquelle vous vous trouviez au

13 village, est-ce qu'on les a fait venir à l'école ce jour-là ?

14 R. Je ne peux pas vous donner une réponse avec certitude, mais je suppose

15 qu'on les a fait venir le premier jour.

16 Q. Vous n'étiez pas à Maline ce jour-là, et vous ne savez pas ou est-ce

17 que quelqu'un vous a dit quelle était la raison pour laquelle on faisait

18 venir ces personnes à l'école ?

19 R. Non. J'étais dans mon village. Ces gens-là y avaient été emmenés avant

20 mon arrivée. Lorsque je me suis présenté à l'école de Mehurici, ils s'y

21 trouvaient déjà.

22 Q. Merci, Dites-moi : puisque vous avez énoncé deux raisons, s'agit-il des

23 raisons que vous connaissez en tant que faits, ou s'agit-il là de vos

24 conclusions ?

25 R. J'ai dit qu'à mon avis, c'était le cas.

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1 Q. Merci beaucoup.

2 Question suivante qui vous a été posée par les Juges de la Chambre,

3 concerne notre document numéro 2. Il s'agit là de la plainte au pénal que

4 vous avez soumise au procureur militaire du district de Travnik. Vous avez

5 dit également que la dernière fois que vous avez eu l'occasion d'étudier

6 les conventions de Genève, c'était il y a 30 ans à peu près, lorsque vous

7 étiez étudiant en droit. Dites-moi, s'il vous plaît : est-ce que vous avez

8 travaillé dans le cadre du droit pénal ?

9 R. Non, je n'ai jamais travaillé dans le cadre du droit pénal. Au cours de

10 la guerre, j'étais obligé de faire cela, car on m'avait confié cette tâche,

11 et j'ai fini par faire ce genre de travail.

12 Q. Merci. Les Juges de la Chambre vous ont lu la dernière phrase dans

13 laquelle vous suggérez que le procureur a fait quelque chose. La personne

14 qui a porté plainte au pénal, dans le cadre de votre expérience ou plutôt

15 manque d'expérience, est-ce que ceci pourrait avoir un impact sur la

16 manière dont vous rédigiez ce genre de document juridique ?

17 R. Je l'ai fait au mieux de mes capacités. Si j'ai fais quelques erreurs,

18 je ne sais pas peut-être j'en ai fait. Je ne sais pas si j'en ai fait dans

19 cette affaire, concrètement parlant. Peut-être, il y avait d'autres

20 personnes qui étaient plus aptes à faire cela de manière correcte.

21 Q. Très bien, merci. Vous nous avez également parlé du fait que, dans

22 cette plainte au pénal, les personnes contre lesquelles la plainte a été

23 portée, ce sont les personnes de la 306e Brigade. Vous avez dit également

24 que vous aviez une compétence par rapport à vos propres troupes. Mais, ici,

25 il s'agit des membres de la 325e Brigade. Est-ce que vous pouvez examiner

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1 ce document et nous dire si les dégâts concernaient les bâtiments qui

2 étaient sécurisés par votre brigade ?

3 R. Il s'agissait d'un bâtiment à Guca Gora. A Guca Gora, se trouvait la

4 population croate. A Guca Gora, nous avons essayé de sécuriser les

5 bâtiments les plus importants parmi lesquels, l'église, les lignes

6 électriques, et cetera. Il y avait également une usine de chaussures.

7 Q. Merci beaucoup. Mis à part la possibilité de poursuivre les membres de

8 l'armée et, notamment, les membres de votre brigade, est-ce que vous

9 pouviez également avoir une compétence par rapport aux bâtiments qui

10 étaient protégés par les membres de l'armée ?

11 R. Est-ce que vous pouvez répéter la question ?

12 Q. Vous avez dit que ces bâtiments étaient placés sous votre protection et

13 que vous étiez responsable pour eux. Je voudrais savoir si le procureur ou

14 les personnes qui ont attaqué les bâtiments de l'armée étaient également

15 placés sous votre responsabilité ou pas.

16 R. Je pense que nous étions responsables de protéger nos biens.

17 Q. Merci beaucoup. En ce qui concerne le fait que vous avez déposé plainte

18 au sujet des membres d'une brigade différente, est-ce que vous pouvez nous

19 dire si vous avez informé la brigade en question, et si ceci était

20 possible ?

21 R. Je peux simplement répondre à cette question du point de vue de mon

22 travail. J'étais chargé des questions juridiques et j'ai reçu l'ordre de

23 faire un certain nombre de choses, et je l'ai fait conformément à cela. Mon

24 supérieur et son supérieur ont été informés de ce que j'avais fait. Je ne

25 sais pas s'ils ont informé l'autre brigade des faits qui avaient été commis

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1 par les membres de cette brigade. Mais je n'ai pas de réponse à cette

2 question.

3 Q. Une autre question liée aux questions posées par les Juges de la

4 Chambre concerne la question de savoir si les Moudjahiddines pouvaient

5 passer les points de contrôle du HVO ou pas. Mais ce qui m'a intéressé

6 depuis toujours était la question de savoir auprès de qui les

7 Moudjahiddines achetaient leurs armes ?

8 R. A ce moment-là, il était possible d'acheter des armes seulement au

9 marché noir. D'après ce que je sais, d'après les rumeurs, ils achetaient

10 leurs armes auprès des membres du HVO ou auprès des Serbes. Ils ne

11 pouvaient pas les acheter auprès des Musulmans, car les Musulmans n'en

12 n'avaient pas. Puis d'ailleurs, pourquoi l'auraient-ils fait ?

13 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation, vous avez la parole.

14 M. NEUNER : [interprétation] Excusez-moi, mais la question qui a été posée

15 par les Juges concernait les points de contrôle et non pas l'achat d'armes

16 de la part des Moudjahiddines. Il s'agit là d'un sujet totalement nouveau.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Exactement. Mais le petit point, c'est que j'ai dit

18 qu'ils circulaient dans les véhicules armés. Evidemment, on peut se dire,

19 mais ils étaient armés comment. La question est très indirecte, mais il a

20 répondu.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Maintenant, je vais poser une question

22 directe au sujet de cela.

23 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, parmi les membres de l'ABiH, il y avait

24 certaines informations ou certaines rumeurs selon lesquelles il était dans

25 l'intérêt du HVO d'avoir les Moudjahiddines dans la région ?

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1 R. Je peux vous dire mon opinion.

2 Q. Je souhaite savoir si vous le saviez. Si vous ne le saviez pas, peu

3 importe, mais si oui, dites-le nous.

4 R. Je ne sais pas, mais je peux vous dire mon opinion si vous le

5 souhaitez.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation, vous avez la parole.

7 M. NEUNER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre encore une

8 fois, mais les questions posées par les Juges concernant le passage au

9 point de contrôle, le passage d'une voiture remplie de Moudjahiddines, et

10 ma collègue dit : il y avait certaines rumeurs au sein de l'ABiH selon

11 lesquelles il était dans l'intérêt du HVO d'avoir la présence des

12 Moudjahiddines dans la région. Le Procureur ne se souvient pas que les

13 Juges aient posé une question à ce sujet. Mis à part cela, mon éminente

14 collègue pose des questions directrices à son propre témoin.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, merci.

18 Les autres défenseurs ? Parce qu'il y a une prolongation là.

19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Non, pas de questions, Monsieur le

20 Président.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

22 J'ai craint un instant qu'il fallait que vous restiez le weekend, mais,

23 heureusement pour vous, l'audition vient de se terminer. Je vous remercie

24 d'avoir répondu à toutes les questions. Je vous souhaite un bon voyage de

25 retour, et une excellente continuation dans vos activités actuelles.

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1 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la

2 porte de la salle d'audience.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

4 [Le témoin se retire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers la Défense. Le témoin,

6 malheureusement, n'a pas pu être auditionné ce jour. Il va être dans

7 l'obligation de passer un weekend, j'espère, agréable pour lui. Nous

8 reprendrons ce témoin, lundi, à l'audience qui est prévue à 14 heures 15.

9 Est-ce que la Défense a une intervention ?

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous comprenons fort bien la situation. Le

11 témoin est ici. Il va rester ici jusqu'à lundi. Etant donné que le témoin

12 de lundi est un médecin qui va parler de choses assez limitées, j'espère

13 que nous pourrons rattraper le temps perdu étant donné que nous n'avons pas

14 pu faire venir de témoin mercredi.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez présenté cinq documents. Est-ce que vous

16 en demander l'admission ?

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous aimerions verser les documents

18 numéros 1444, 1448, 1455, 1456 et 1266. Nous aimerions les verser au

19 dossier car quatre de ces documents ont été rédigés par le témoin lui-même.

20 Il connaissait le document qui évoquait la formation des officiers et des

21 unités de l'armée faisant partie de sa brigade.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

23 M. NEUNER : [interprétation] Nous avons montré au témoin un nouveau

24 document, également, et le témoin en a lu un extrait. Il évoquait le poste

25 qu'il occupait. Nous aimerions verser ce document au dossier, s'il vous

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1 plaît.

2 En outre, nous ne soulevons aucune objection au versement des pièces de la

3 Défense.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Aucune objection, non plus.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous avez cinq numéros à nous

6 donner pour la Défense, et un numéro pour l'Accusation.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président.

8 Les numéros des cinq pièces versées au dossier par la Défense seront

9 respectivement : le DH1444, avec une version anglaise DH1444/E; le DH1448,

10 avec une version anglaise DH1448/E; version DH1455, version anglaise

11 DH1455/E; DH1456, version anglaise DH1456/E; enfin, le DH1266, avec une

12 version anglaise DH1266/E.

13 Concernant le document versé par l'Accusation, le Greffe note que seule une

14 partie du document est traduit en anglais. Ce document est versé en sa

15 version en B/C/S sous la cote P935; la traduction partielle de ce document

16 en anglais aura la cote P935/E.

17 Merci, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : J'indique aux uns et aux autres que tout à l'heure,

19 au cours de l'audition du témoin, était de mentionner le nom d'un témoin

20 qui viendra ultérieurement. J'ai pris une ordonnance pour occulter du

21 passage le nom de ce témoin parce que, si jamais le témoin voulait être

22 protégé, on ne sait pas trop, donc, en temps réel, j'ai résolu ce problème.

23 S'il n'y a plus aucune question, je vais lever cette audience. Je vous

24 invite les uns et les autres à revenir à l'audience de lundi qui débutera à

25 14 heures 15.

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1 Je vous remercie.

2 --- L'audience est levée à 13 heures 53 et reprendra le lundi 8 novembre

3 2004, à 14 heures 15.

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