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1 Le lundi 8 novembre 2004
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro
6 de l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le numéro de l'affaire est IT-01-47-T, le
8 Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier, je vais demander à
10 l'Accusation de bien vouloir se présenter.
11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Monsieur le
12 Juges, Mesdames, Messieurs dans le prétoire. Tecla Henry-Benjamin, Daryl
13 Mundis et Andres Vatter, notre commis aux audiences.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Mundis.
15 Je me tourne vers les avocats.
16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge,
17 le général Enver Hadzihasanovic est représenté par Edina Residovic,
18 Stéphane Bourgon, mon co-conseil, et Alexis Demirdjian, notre conseiller
19 juridique.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats.
21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur
22 le Juge. Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et Nermin Mulalic, notre
23 conseiller juridique pour M. Kubura.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
25 La Chambre réduite salue toutes les personnes présentes. Je salue les
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1 représentants de l'Accusation, les avocats de la Défense, les accusés,
2 ainsi que tout le personnel de cette salle d'audience. Je disais la Chambre
3 réduite puisque, comme vous le voyez, il manque un Juge. Ce Juge, nous
4 avions annoncé son absence pour des raisons liées à l'activité de ce
5 Tribunal. Le Juge ne sera pas là pendant cette semaine et reprendra le
6 cours des audiences la semaine prochaine. Je tenais à faire ce rappel, mais
7 vous en aviez été informés auparavant.
8 Nous avons, aujourd'hui, l'audition d'un témoin qui était prévue vendredi
9 dernier, qui, malheureusement, a dû rester ou heureusement, je ne sais pas,
10 ce weekend. Nous allons procéder à son audition. Etant précisé, comme vous
11 le savez, que notre semaine, en raison du jour férié de vendredi est
12 réduite. Nous n'aurons que lundi, mardi, mercredi et jeudi. Essayons de
13 faire en sorte que tous les témoins puissent être entendus pendant cette
14 semaine. Car, comme vous le savez, il n'y aura pas audience vendredi ni
15 lundi. Il faut éviter absolument qu'un témoin attende encore plusieurs
16 jours. Je compte sur la sagesse des avocats pour faire en sorte que cette
17 hypothèse ne se réalise pas. S'il n'y a pas de points que vous voulez
18 aborder, nous allons introduire le témoin.
19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour. Je vais d'abord vérifier que vous entendez
21 bien la traduction de mes propos dans votre langue. Si c'est le cas, dites
22 je vous entends et je vous comprends.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je vous
24 entends très, très bien.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité par la Défense comme témoin.
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1 Avant de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier. Pour
2 cela, je vais vous demander de me donner votre nom, prénom, date de
3 naissance et lieu de naissance.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis Dervis Suljic,
5 né le 9 février 1972 à Travnik.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Pouvez-vous m'indiquer si vous
7 exercez une fonction ou un travail actuellement et quelle est votre
8 activité aujourd'hui.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je travaille. Je suis employé. Je suis
10 militaire de carrière, dans les rangs de l'armée de la Fédération de
11 Bosnie-Herzégovine. Actuellement, je travaille à Travnik.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, aujourd'hui, un grade dans l'armée ? Si
13 c'est le cas, quel est votre grade ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai un grade. J'ai le grade du
15 capitaine.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, mon capitaine, puisque je peux vous appeler
17 mon Capitaine, pouvez-vous indiquer aux Juges qui sont devant vous quelle
18 était, en 1992-1993, votre fonction ou qualité ? A l'époque où vous étiez
19 militaire, dans quelle unité étiez-vous affecté ? Aviez-vous un grade
20 également ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début de 1992, je suis devenu membre de la
22 Défense territoriale. A l'époque, c'était dans la municipalité de Travnik.
23 J'ai travaillé au commandement du détachement de l'époque. J'étais celui
24 qui était chargé d'assister l'officier chargé des Opérations. Plus tard, je
25 suis devenu assistant du chef d'état-major chargé du Renseignement. A
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1 partir du moment où les brigades ont commencé à se constituer.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez dans quelle brigade ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais dans la 306e Brigade de Montagne.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Dernière question : avez-vous déjà témoigné
5 devant un tribunal international ou un tribunal national sur les faits qui
6 se sont déroulés en Bosnie-Herzégovine en 1992-1993, ou est-ce la première
7 fois que vous témoignez dans une enceinte judiciaire ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, c'est la première
9 fois que je comparais devant un tribunal.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vous demande de lire le serment.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 LE TÉMOIN: DERVIS SULJIC [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon capitaine, vous pouvez vous asseoir.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole aux avocats qui vont vous
18 poser des questions, les avocats que vous avez dû rencontrer dans le cadre
19 de la préparation de cette audience, je vais vous fournir quelques éléments
20 d'information sur la façon dont va se dérouler cette audience. Comme vous
21 le savez, c'est à la demande des Défenseurs d'un des accusés que vous êtes,
22 aujourd'hui, appelé à témoigner. Vous allez devoir répondre à des questions
23 qui vont vous être posées par les avocats. En règle générale, les avocats
24 vous posent des questions qui appellent, de votre part, des réponses
25 précises. Les questions, évidemment, vous étant posées sans qu'elles soient
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1 directrices. Il avait été prévu, c'est ce que les Défenseurs m'avaient
2 indiqué la semaine dernière, puisque vous auriez dû témoigner dès la fin de
3 la semaine dernière, qu'ils comptaient se réserver une heure de questions,
4 mais peut-être que ce sera une heure et demie, je ne sais pas, ce sera à la
5 Défense d'évaluer son temps.
6 A l'issue des questions qui vous seront posées, l'Accusation, qui est
7 représentée à votre droite, vous posera également des questions. Ces
8 questions, dans le cadre de la procédure dite du contre-interrogatoire,
9 visent deux objectifs. Le premier c'est de vérifier la crédibilité de ce
10 que vous avez dit. Le deuxième objectif c'est de vous faire préciser des
11 éléments de réponses que vous avez fournies aux questions posées.
12 Par ailleurs, les deux Juges qui sont devant vous - d'habitude, nous sommes
13 trois, mais il y a un des Juges qui est absent - les deux Juges qui sont
14 devant vous peuvent, à tout moment, également vous poser des questions,
15 afin qu'ils soient éclairés, ou parce qu'ils estiment qu'il y a un manque,
16 une lacune à combler, à ce moment-là, on vous pose des questions. En règle
17 générale, nous posons les questions à la toute fin. Parfois, on n'a même
18 pas le temps de poser des questions parce que tout le temps a été pris par
19 les uns et les autres. Mais, dans la mesure où il nous reste un peu de
20 temps, nous utilisons ce temps pour vous poser des questions. Essayez de
21 répondre aux questions le mieux possible.
22 Parce que nous sommes dans une procédure principalement orale ce sont
23 vos réponses qui vont éclairer les Juges, et il se peut que des documents
24 soient également produits au cours de votre interrogatoire et, à ce moment-
25 là, il vous est demandé de reconnaître tel ou tel document.
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1 Je me dois également de vous donner deux autres éléments d'information et,
2 dans la mesure où vous êtes un officer de carrière, ces éléments vous sont
3 indiqués uniquement pour mémoire. Vous avez prêté de dire toute la vérité,
4 ce qui exclut tout faux témoignage, un témoin qui dépose ne peut pas mentir
5 car si jamais il mentait, il peut s'exposer des poursuites pour faux
6 témoignages. Le deuxième élément, qui est beaucoup plus technique, surtout
7 compte tenu de la position de certains témoins, lorsque vous répondez à une
8 question, sachez que ce que vous dites ne pourra jamais, dans cette
9 enceinte du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, être utilisé un jour à charge
10 contre vous. Vous bénéficiez en quelque sorte d'une immunité par vos
11 propos. Vous pouvez dire ce que vous voulez dire en toute sécurité, donc
12 vous ne craignez rien.
13 D'autant plus que, comme vous avez juré de dire toute la vérité, vous ne
14 pouvez que dire la vérité. Donc, disant la vérité, même si la vérité
15 parfois peur revêtir certains aspects, sachez, à ce moment-là, que ce que
16 vous dites ne peut être retenu contre vous.
17 Voilà de manière générale comment va se dérouler cette audience. S'il y a
18 une difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous en faire part, nous serons
19 là pour régler les difficultés.
20 Je vais me tourner vers les avocats pour leur laisser la parole.
21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Interrogatoire principal par Mme Residovic:
23 Q. M. Suljic, bonjour.
24 R. Bonjour, Mme Edina.
25 Q. M. le Président vous a lancé un avertissement, je vais y en ajouter un
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1 autre pour ma part. Nous parlons la même langue et, dès que vous aurez
2 entendu ma question, vous aurez tendance à répondre immédiatement;
3 cependant, il faudra traduire mes questions, tout comme il faudra traduire
4 vos réponses. Je vous demanderais donc de ménager une petite pause pour que
5 la Chambre ainsi que nos collègues dans le prétoire puissent nous
6 comprendre. M'avez-vous entendu et compris ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous avez dit que vous êtes né à Travnik. M. Suljic, dites-moi : où
9 vous avez vécu, où étiez-vous au début de la guerre en avril 1992 ?
10 R. Au début de la guerre, donc en avril 1992, je vivais dans notre maison
11 familiale, chez mon père, dans le village de Miletici, donc ce n'est pas
12 loin de Travnik.
13 Q. M. Suljic, dites-nous : quelle est votre profession et quel a été votre
14 parcours scolaire ?
15 R. Je suis militaire de carrière, de profession, je travaille comme
16 officier dans le centre d'Enseignement de Travnik, le centre qui appartient
17 à l'ABiH. J'ai fait mes études secondaires à Travnik, une école technique,
18 et j'ai terminé à Mostar, une académie de pédagogie.
19 Q. Avant la guerre, avez-vous travaillé ?
20 R. Non, je n'ai pas travaillé avant la guerre.
21 Q. Avez-vous servi dans une armée, quelle qu'elle soit, avant la guerre?
22 Si oui, dans laquelle y avez-vous obtenu un grade ?
23 R. Oui. J'ai servi dans l'ex-armée populaire yougoslave et, dans le cadre
24 de mon service militaire, j'ai fait l'école des officiers de réserve. Après
25 être sorti de cette école, j'ai répondu aux critères d'obtenir un grade et
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1 je suis devenu sous-lieutenant de réserve.
2 Q. Vous avez dit que vous vous êtes enrôlé dans un Détachement de la
3 Défense territoriale au début de la guerre. De quel détachement s'agit-il ?
4 R. C'est le Détachement de Mehurici de la Défense territoriale de Travnik.
5 Q. Qui était le commandant de ce détachement ? Où étiez-vous stationné ?
6 R. Le commandement du détachement était M. Fahir Camdzic et on était
7 stationné à l'école primaire du village de Mehurici.
8 Q. M. Suljic, pouvez-vous nous dire quelle était la situation qui régnait
9 dans votre détachement, à l'époque ? Quelles armes aviez-vous, vous et vos
10 camarades ?
11 R. Notre détachement, tout comme la Défense territoriale dans son ensemble
12 à Travnik, était placé dans une situation très difficile; personnellement,
13 je n'avais pas d'arme.
14 Au départ, c'était des fusils de chasse pour la plupart parce que c'est une
15 région montagneuse, donc on utilisait des fusils de chasse. Il y avait des
16 gens qui avaient déjà le permis de port d'arme et il y avait aussi quelques
17 pistolets, des armes personnelles. On s'est procuré un petit peu d'armes en
18 passant par le marché noir.
19 Q. Quand vous n'étiez pas sur la ligne de front, dites-moi : Où vous étiez
20 stationné vous-même ainsi que vos camarades ?
21 R. Quand on n'était pas engagé sur les lignes de front, tout le monde
22 rentrait chez soi. On restait avec sa famille parce qu'il n'y avait pas de
23 caserne, pas de place, dans les casernes il n'y avait pas de moyen de
24 placer les gens dans les casernes.
25 Q. M. Suljic, à un moment quelconque, est-ce qu'il y a eu des changements
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1 d'un point de vue organisationnel au sein de la Défense territoriale ou
2 plutôt dans l'armée et, si oui, dites-moi de quels changements il s'est
3 agit ?
4 R. Oui. Vers la fin de l'année 1992, il y a eu des changements au niveau
5 de l'organisation. On avait créé déjà des Brigades de l'ABiH et, par
6 conséquent, dans notre région, on a aussi créé la
7 306e Brigade de Montagne.
8 Q. La Chambre vous a posé une question et vous y avez répondu en disant
9 que vous étiez adjoint du commandant chargé du Renseignement au sein de la
10 306e Brigade. Dites-moi : jusqu'à quel moment vous avez exercé ces
11 fonctions dans la 306e Brigade ?
12 R. J'étais chargé du renseignement et je le suis devenu dès la création du
13 commandement de la brigade et j'y suis resté jusqu'à la fin de la guerre.
14 Donc j'étais adjoint du chef d'état-major chargé du Renseignement.
15 Q. Où était le QG du commandement ?
16 R. De la 306e Brigade de Montagne, c'était dans la localité de Rudnik.
17 C'est là que se trouvait le QG. C'est à trois kilomètres de Han Bila.
18 C'était dans le bâtiment administratif de l'entreprise de Rudnik, les
19 mines.
20 Q. M. Suljic, l'une de vos quelconques unités est-elle restée stationnée à
21 l'école primaire de Mehurici où s'était trouvé auparavant le commandement
22 de votre détachement ?
23 R. Oui, par la création de la brigade, on avait recours à des personnes
24 qui avaient été chassées de Kotor Varos et de Siprag. Ils nous avaient
25 rejoints et ils sont devenus membres du 1er Bataillon. Pour la plupart, ces
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1 hommes ont été stationnés à l'école primaire de Mehurici, ensemble avec le
2 commandement de ce bataillon.
3 Q. A ma question précédente, vous avez dit qu'au début de la guerre vous
4 viviez chez vos parents dans la village de Miletici. Qui d'autres vivaient
5 dans le village de Miletici ? Quelle était la composition ethnique de la
6 population de ce village ?
7 R. C'est une petite localité, le village de Miletici. Dans la partie du
8 village où je vivais, parce que dans l'espace, si on est séparé, on se
9 trouve à une distance de 500 mètres. Je vivais avec ma famille, mon père,
10 et il y avait les trois frères de mon père avec leurs familles et, dans ce
11 même village, il y avait nos voisins de religion catholique, qui étaient
12 des Croates. C'est cela, pour l'essentiel.
13 Q. Quelles étaient les relations que vous entreteniez avec vos voisins ?
14 R. Nous étions dans des relations assez bonnes avec nos voisins. On se
15 voyait entre nous. Il y avait même un certain membre de ma famille qui
16 avait été des kum à d'autres. On se fréquentait.
17 Q. Monsieur Suljic, à un moment donné, dans la vallée de la Bila, avez-
18 vous vu apparaître des étrangers venus des pays africains ou asiatiques ?
19 R. Puisque je me déplaçais beaucoup, j'étais souvent sur le terrain compte
20 tenu de la nature de mon travail, je passais par Mehurici. Vers la fin de
21 l'été ou plutôt, début de l'automne, j'ai remarqué des étrangers. Ils
22 portaient des uniformes traditionnels. Ils circulaient à bord des véhicules
23 tout-terrain, des Toyota. Voilà, c'était cela.
24 Q. Pendant cette période pour laquelle vous avez dit que c'était fin été,
25 début automne 1992, savez-vous où ils se sont installés, ces étrangers ?
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1 R. Ces étrangers, ils étaient stationnés à l'école primaire de Mehurici,
2 quelque part à l'étage.
3 Q. Comment les appeliez-vous ?
4 R. Au départ, on les appelait "les Arabes" compte tenu de leur tenue
5 vestimentaire telle qu'on l'identifiait, pour la plupart, les gens les
6 appelaient "Arabes."
7 Q. Avec le temps, est-ce que ce nom a changé pour désigner ces gens-là ?
8 R. Oui. Il y a eu plus de contact, plus de conversations à ce sujet-là. On
9 a dit que ces gens s'appelaient des "Moudjahiddines."
10 Q. Monsieur Suljic, avant la guerre que saviez-vous des Moudjahiddines ?
11 R. Des Moudjahiddines, avant la guerre, je n'en savais rien.
12 Q. Avez-vous remarqué à un moment donné qu'ils réservaient une attitude
13 particulière à l'égard des réfugiés, la population locale ? Est-ce qu'il y
14 a eu des contacts ou des liens ou des relations qui se sont créés avec
15 l'arrivée de ces étrangers ?
16 R. Vous savez, c'était un temps de guerre, la situation économique était
17 difficile. Les gens essayaient de se débrouiller pour se nourrir ou trouver
18 une miche de pain. Ces étrangers, qui étaient des humanitaires, ils
19 s'approchaient de la population locale, et leur remettaient des cadeaux.
20 C'étaient des vivres, des choses comme cela.
21 Q. A un moment donné, est-ce qu'on ne les a plus vus vêtus de ce vêtement
22 traditionnel, et est-ce qu'ils ne se présentaient plus comme des
23 humanitaires ? Est-ce qu'il y a eu un changement ? Est-ce que vous avez vu
24 des éléments militaires ? Quelque chose qui vous aurait permis de les
25 identifier comme militaire, des uniformes, des armes ?
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1 R. Oui, ceux qu'on voyait le long des routes, ils portaient des uniformes
2 de camouflage, et par-dessus, leurs vêtements traditionnels. Je n'ai pas vu
3 d'insignes de quelque nature quoi que ce soit, du moins, pour ce qui me
4 concerne personnellement. Ils portaient ces vêtements traditionnels par-
5 dessus l'uniforme militaire. Certains avaient déjà une arme.
6 Q. Vous venez de me dire qu'au moment où ils sont arrivés, au départ, ils
7 étaient installés à l'étage de l'école, et c'était la même école où était
8 stationné votre commandement --
9 R. Au rez-de-chaussée du même bâtiment.
10 Q. Il y en avait combien à peu près, à ce moment-là ?
11 R. Je vais vous le dire, c'était difficile. Il était difficile d'évaluer
12 leur nombre. Ils se déplaçaient. Je n'ai jamais pu les voir en un seul
13 groupe. Il y avait un ou deux véhicules à bord desquels ils circulaient.
14 C'étaient des Toyota blanches, des véhicules tout-terrain. Ils passaient
15 souvent. On peut en déduire qu'ils étaient peut-être une vingtaine, d'après
16 cette fréquence de leur passage.
17 Q. Ces étrangers sont-ils restés dans l'école ou s'ils se sont déplacés ?
18 Pouvez-vous nous dire, savez-vous où ils se sont installés après ?
19 R. Notre 1er Bataillon, le 1er Bataillon de la 306e Brigade et ses
20 effectifs, les effectifs de ce bataillon se sont installés, eux aussi, dans
21 cette école avec le commandement du bataillon. Compte tenu de la mentalité
22 de ces gens qui étaient arrivés de Kotor Varos, et vu ce qu'ils leur
23 étaient déjà arrivés, avec l'arrivée de cette unité, la plupart de ces
24 Moudjahiddines, comme vous les appelez, est allé ailleurs. Ils sont partis
25 s'installer à Poljanice ou plutôt Savica Kuce, les maisons de Savica Kuce,
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1 d'une partie de la localité de Mehurici.
2 Q. En tant que membre de l'armée, pouviez-vous circuler librement ou
3 plutôt entrer librement, là, où ils s'étaient installés ?
4 R. Non.
5 Q. Vous avez dit il y a quelques instants, qu'au début, ils se sont
6 rapprochés de la population locale et des réfugiés au titre de leurs
7 activités humanitaires. Mais dites-moi, je vous prie, si à un certain
8 moment, des problèmes ont surgi en raison de la présence de ces personnes à
9 Mehurici ?
10 R. Oui. La présence de ces personnes, pour nous qui organisions des unités
11 et qui étions dans les lieux où se trouvait le commandement, leur présence
12 a suscité certains problèmes, parce que nous avions des difficultés sur le
13 plan logistique à aider les nôtres à ce moment-là. D'après ce que j'ai
14 entendu dire, eux, ont proposé de l'argent ou des objets, en particulier,
15 des vivres comme de la farine, par exemple. Je crois que de cette façon,
16 ils ont réussi à attirer un certain nombre de jeunes.
17 Q. Monsieur Suljic, j'aimerais maintenant que nous abordions un autre
18 sujet. Pouvez-vous nous dire où vous vous trouviez le 24 avril, et si cette
19 date est particulièrement restée gravée dans votre mémoire ?
20 R. Oui. Le 24 avril, j'ai vécu un moment de stress important dans ma vie,
21 comme je n'en avais jamais ressenti auparavant. Le 24 avril, j'étais de
22 permanence au commandement de la brigade à la mine à Rudnik.
23 Q. Quelle est la distance entre Rudnik et votre village de Miletici ?
24 R. Treize kilomètres à peu près.
25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Mes collègues viennent d'appeler mon
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1 attention sur un point particulier.
2 Q. Je vous pose la question suivante : lorsque votre bataillon est
3 arrivé dans les locaux de cette école, où se trouvaient ces étrangers dont
4 vous avez dit qu'ils étaient à l'étage ? Peut-être votre réponse n'a-t-elle
5 pas bien été interprétée. Je vous la répète.
6 R. J'ai dit qu'ils sont allés à Poljanice, tout près de Mehurici à Savica
7 Kuce. C'était une partie du village habitée par les Serbes.
8 Q. Lorsqu'ils sont arrivés là-bas, est-ce que les Serbes habitaient
9 toujours à Poljanice ou est-ce qu'ils avaient déjà quitté cet endroit ?
10 R. Ce lieu était désert. Ils étaient déjà partis, en effet.
11 Q. Merci. Maintenant, j'aimerais que nous revenions aux questions que
12 j'avais commencé à vous poser dans un autre domaine. Vous disiez que vous
13 étiez donc, ce jour-là, de permanence au commandement de la 306e Brigade de
14 Montagne à Rudnik, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. A un certain moment, avez-vous reçu un renseignement particulier, et si
17 oui, de qui l'avez-vous reçu et dans quelles conditions ?
18 R. Oui, en effet. Ce jour-là, dans l'après-midi, l'officier responsable et
19 de permanence au 1er Bataillon de Mehurici m'a appris que ces Moudjahiddines
20 avaient commencé à arrêter un certain nombre de personnes à Mehurici.
21 Q. Est-ce le seul renseignement que vous avez obtenu ou, un peu plus tard,
22 avez-vous reçu d'autres éléments d'information ?
23 R. Plus tard, quand mon oncle est arrivé chez cet officier de permanence -
24 mon oncle s'appelle Avdo et il est du village de Miletici - il est donc
25 venu voir l'officier de permanence, avec son voisin, Frano, et il lui a
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1 appris que les Moudjahiddines se trouvaient dans le village de Miletici et
2 que cela pouvait poser des problèmes.
3 Q. Qu'avez-vous fait, à ce moment-là, Monsieur Suljic ?
4 R. Dans certaines situations, ces Moudjahiddines suscitaient la peur parmi
5 nous, notamment, par les jeunes, les jeunes filles en particulier. Si l'on
6 tient compte de la population qui habitait à Miletici et du fait que
7 j'avais une famille, donc c'est en tant que membre de cette famille, pas en
8 tant que responsable de permanence, que j'ai décidé d'utiliser le véhicule
9 de service pour me rendre dans le village de Miletici et voir de mes yeux
10 ce qui s'y passait.
11 Q. Etes-vous arrivé dans le village de Miletici, ou avez-vous, en cours de
12 route, vécu quelque chose de particulier ? Si oui, dites-nous quoi.
13 R. Alors que je roulais vers le village de Miletici, un peu plus haut dans
14 le village de Mehurici, j'ai vécu une situation assez inhabituelle. J'ai vu
15 mon père dont les mains étaient ligotées par des liens. J'ai vu mon oncle,
16 à moi, et l'oncle de mon père. A côté d'eux, se trouvaient nos voisins
17 croates qui avaient aussi les mains attachées. Tous ces gens-là étaient
18 emmenés dans la direction de Mehurici. Je les ai rencontrés à Celamov Gaj.
19 C'est le lieu de -- l'endroit en question.
20 Q. Qu'avez-vous fait à ce moment-là ?
21 R. J'étais très choqué par tout ce qui était en train de se passer donc,
22 instinctivement, j'ai couru vers mon père pour lui demander ce qui était en
23 train de se passer. Mon père, à ce moment-là, a fait des gestes de la tête
24 pour m'indiquer qu'il fallait que je m'en aille. Mais j'ai continué à
25 m'approcher d'eux, et à ce moment-là, un des Arabes, au visage masqué, qui
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1 portait une arme, s'est approché de moi et a pointé son arme sur moi. Mon
2 père me faisait signe de reculer, et lorsque je me suis rendu compte que je
3 ne pouvais rien faire, j'ai demandé à mon père ce qui se passait avec ma
4 mère. A ce moment-là, il a commencé à pleurer, et je me suis écarté de la
5 colonne.
6 [Le conseil de la Défense se concerte]
7 Q. Excusez-moi, mais toujours en rapport avec l'interprétation, mes
8 confrères me conseillent de vous poser une question. Est-ce que cet homme a
9 pointé son arme sur vous ?
10 R. Il a pointé son arme directement sur moi et, d'ailleurs, il avait
11 encore, au bout de son arme, l'embout, lance-grenades.
12 Q. Lorsque vous l'avez interrogé au sujet de votre mère et que votre père
13 vous a fait -- a eu la réaction qu'il a eue, a commencé à pleurer, où est-
14 ce que les Moudjahiddines sont allés ? Où est-ce qu'ils ont emmenés votre
15 père et vos voisins ?
16 R. Les Moudjahiddines, qui escortaient mon père et mes voisins, se sont
17 dirigés dans la direction de Mehurici, et j'ai continué dans la direction
18 de Miletici pour voir ce qui était advenu de ma mère et des autres membres
19 de ma famille.
20 Q. Monsieur Suljic, lorsque vous êtes arrivé dans le village, avez-vous
21 fait, entre-temps, en chemin, une autre rencontre ?
22 R. Pas très loin de mon village - je l'ai déjà dit, d'ailleurs - j'ai
23 rencontré ma mère, mes tantes, ma sœurs et tous les enfants du village. Ils
24 étaient tous paniqués, ils pleuraient, et sont partis en courant vers un
25 endroit qui s'appelait Luka et qui était tout près.
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1 Q. Vous, où êtes-vous allé ?
2 R. Quand j'ai vu qu'ils allaient tous vers Luka, je me suis rendu compte
3 qu'ils allaient arriver dans un endroit sûr donc j'ai décidé de retourner
4 vers le Bataillon à Mehurici.
5 Q. Qu'avez-vous trouvé à l'endroit où vous êtes arrivé ?
6 R. D'abord, j'ai rencontré un certain nombre d'habitants qui protestaient
7 contre ce qui s'était passé, parce que les Moudjahiddines qui escortaient
8 mes oncles et tous les voisins avaient traversé l'endroit où ils se
9 trouvaient eux-mêmes un peu plus tôt. Lorsque j'ai pénétré dans le QG du
10 bataillon, j'ai rencontré l'officier de service, M. Mehmed Mesanovic, ainsi
11 que M. Ribo Suljo et d'autres habitants du village. Mais je ne me souviens
12 pas de leurs noms.
13 Q. Où étaient les soldats du 1er Bataillon et leur commandant, à ce moment-
14 là ?
15 R. Les soldats du 1er Bataillon avaient été engagés dans des opérations
16 dans divers secteurs. Une partie d'entre eux se trouvait un peu plus haut
17 dans le village de Kljaci, et les autres, à un autre endroit. Leur
18 commandant se trouvait sur la route qui menait au village de Klajci, avec
19 l'unité qui se trouvait là.
20 Q. Dans quel état étiez-vous, et étiez-vous capable d'apprécier les
21 mesures qui avaient été prises pour régler la situation et surmonter les
22 problèmes liés à cette colonne humaine dans laquelle se trouvaient votre
23 père, vos oncles et vos voisins, afin d'obtenir leur libération ?
24 R. Il m'est difficile, aujourd'hui, d'expliquer dans quel état je me
25 trouvais. J'étais totalement en état de choc. Mais en parlant avec les
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1 gens, j'ai réussi à me calmer. Dans ces conversations, les gens qui se
2 trouvaient là m'ont appris que le commandant du bataillon allait arriver et
3 qu'on allait essayer d'obtenir la libération de toutes ces personnes.
4 Q. Est-ce que vous savez ce qui s'est passé plus tard ? Est-ce que des
5 pourparlers ont eu lieu avec les Moudjahiddines ? Si oui, qui y a
6 participé, et est-ce que des négociations ont eu lieu ?
7 R. Au début, si je me souviens bien, des tentatives ont eu lieu de la part
8 de la population à partir du QG du bataillon pour entrer en contact avec
9 les Moudjahiddines. Mais c'était très difficile. Cela a duré quelque temps.
10 Finalement, je pense que le commandant du bataillon, Lubenovic, a réussi à
11 entrer en contact avec eux par le biais d'une personne. Des pourparlers,
12 des négociations ont commencé pour obtenir la libération de tous ces
13 civils, de tous ceux qui avaient été emmenés par les Moudjahiddines.
14 Q. Pouvez-vous nous dire, je vous prie, dans quel ordre la libération de
15 ces personnes a eu lieu ?
16 R. D'abord, j'ai été informé que mon oncle et mon père ainsi que l'oncle
17 de mon père avaient été libérés. Je me suis un peu calmé. Vous comprendrez
18 que j'étais très content d'apprendre cela. Ensuite, j'ai rejoint les autres
19 qui continuaient à faire des tentatives de négociations pour obtenir la
20 libération des tous les autres habitants, de toutes les autres personnes
21 qui avaient été emmenées.
22 Q. Pouvez-vous nous le dire, je vous prie, Monsieur Suljic, à quel moment,
23 en gros, votre père et vos oncles ont été libérés et à quel moment les
24 pourparlers se sont achevés avec les Moudjahiddines s'agissant de la
25 libération des autres personnes arrêtées ?
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1 R. Aux environs de 22 heures, il devait être à peu près 22 heures quand
2 mon père et mes oncles ont été libérés. Comme je l'ai déjà dit, les
3 pourparlers ont ensuite continué pour obtenir la libération des autres
4 habitants. Finalement, un accord a été conclu. Leur libération a été
5 obtenue, celle des autres civils également.
6 Q. Quel a été votre rôle dans tout cela ?
7 R. Puisqu'il s'agissait de nos voisins, et surtout de personnes qui
8 avaient subi des exactions en compagnie de M. Mesanovic, j'ai essayé de
9 trouver des véhicules pour transporter toutes ces personnes. Nous avons
10 également essayé d'obtenir un appui médical. Autrement dit, nous avons
11 recherché un médecin. Nous avons cherché à obtenir des médicaments de base
12 puisque tous ces gens-là, tout comme moi d'ailleurs, étaient en état de
13 choc.
14 Q. Où ces personnes ont-elles été emmenées ?
15 R. Une fois qu'elles ont été libérées, toutes ces personnes sont montées à
16 bord d'un autobus qui était garé à côté de Mehurici. Escortées par une
17 ambulance et en compagnie d'un médecin, ces personnes ont été emmenées dans
18 le village de Luka dont j'ai parlé tout à l'heure, et installées dans les
19 maisons des habitants de Luka, donc installées chez les habitants.
20 Q. Etiez-vous avec ces personnes ? Autrement dit, où avez-vous fini cette
21 nuit-là ?
22 R. Oui. Quand ces personnes ont été installées dans les maisons, je suis
23 allé les voir une par une dans toutes les maisons. Ils étaient dans les
24 maisons de Ribo Suljo et de Ribo Smajo dans le village de Luka. Ils étaient
25 installés également chez l'oncle de mon père, le défunt Babo. Je suis allé
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1 les voir en compagnie du médecin pour savoir si tous ces gens-là se
2 sentaient un peu mieux. Surtout, nous sommes allés voir les femmes. Les
3 habitants eux-mêmes faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour leur donner à
4 boire et essayer de les tranquilliser un petit peu.
5 Quand je me suis rendu compte que tout allait un peu mieux, j'ai constaté
6 que mon père était revenu aussi. Je suis allé reprendre mes fonctions
7 d'officier de permanence au sein du QG de la brigade à la mine à Rudnik.
8 Q. Monsieur Suljic, vous nous avez dit tout ce que vous aviez vu, tout ce
9 que vous aviez vécu ce jour-là. Mais, dites-nous maintenant, s'il vous
10 plaît, si ce soir-là ou plus tard, votre père vous a dit exactement ce qui
11 s'était passé dans le village de Miletici.
12 R. Il ne m'en a pas parlé ce soir-là, ni cette nuit-là, parce que nous
13 n'avons passé ensemble que très peu de temps. J'étais pressé de retourner
14 prendre mon service. Mais sept ou huit jours plus tard, lorsque je suis
15 retourné à la maison, mon père m'a dit ce qui s'était passé dans le village
16 de Miletici.
17 Q. Pouvez-vous nous dire comment se fait-il que votre père et vos oncles
18 se trouvaient avec vos voisins à Miletici ?
19 R. J'ai dit que c'était un tout petit endroit, un petit village, qu'il y
20 avait une certaine distance entre les deux endroits. Mon père, à un certain
21 moment, a remarqué que des hommes portant un masque sur le visage
22 s'approchait du village, et compte tenu de la situation qui prévalait dans
23 la vallée de la Bila, il a eu un peu peur que ces gens-là fassent quelque
24 chose de mal aux Croates qui habitaient dans la partie supérieure du
25 village. Avec mes oncles, il est monté là-haut pour voir ce qui se passait
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1 chez les habitants de Gornji Miletici, de Miletici, le haut. Un peu plus
2 tard, de tous les côtés, des hommes aux visages masqués sont arrivés. Il
3 s'agissait des Moudjahiddines. Compte tenu de la situation générale, selon
4 ce que mon père m'a dit, il y a eu des tirs qui ont commencé. Toutes ces
5 personnes dont j'ai parlé ont eu les mains attachées et ont simplement été
6 emmenées dans la direction de Mehurici.
7 Quand mon oncle a essayé d'aider une des femmes qui était une de ses
8 voisines, et qui était tombée, un homme au visage masqué l'a frappé sur la
9 tête. Il s'est évanoui. Un coup de feu a été tiré juste à côté de la tête
10 de mon père. Cela l'a beaucoup choqué, c'était un des hommes au visage
11 masqué qui avait tiré. Ils leur demandaient s'ils avaient des armes. Je ne
12 sais pas, d'ailleurs, s'ils en avaient. Mais en tout cas, ils ont ligoté un
13 certain nombre de ces personnes et les ont emmenées vers le village de
14 Mehurici.
15 Q. Votre père vous a-t-il dit si quelqu'un était resté dans le village ?
16 R. Non. Mon père ne m'a pas dit si quelqu'un était resté dans le village.
17 Q. Un peu plus tard, est-ce que vous avez appris ce qui était arrivé au
18 village, et si certains habitants avaient été tués par les Moudjahiddines ?
19 R. Oui. Plus tard, six ou sept jours plus tard, lorsque je suis retourné à
20 la maison, j'ai appris qu'un certain nombre de civils avaient été tués par
21 les hommes qui avaient envahi le village ce jour-là.
22 Q. Est-ce que vous en savez davantage au sujet de cet événement ? Est-ce
23 que vous aimeriez apporter des détails supplémentaires aux Juges de la
24 Chambre ?
25 R. Non.
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1 Q. Merci.
2 Maintenant, je vais vous poser certaines questions au sujet des tâches qui
3 étaient les vôtres au sein du QG de la brigade. Vous avez dit que vous
4 étiez assistant du commandant chargé du Renseignement. Qui était votre
5 responsable supérieur direct ?
6 R. Mon supérieur direct était le chef d'état-major à la brigade.
7 Q. Quelles étaient exactement les tâches que vous aviez à remplir ?
8 Quelles étaient vos responsabilités ?
9 R. Au début, j'étais chargé de recueillir des renseignements au sujet de
10 l'agresseur serbe, notamment. Nous nous appuyions sur les officiers du
11 bataillon, sur les renseignements fournis par les responsables des
12 opérations de reconnaissance, notamment, pour savoir quelle était la
13 situation des combattants sur le front. Je recevais des renseignements sur
14 les effectifs des forces ennemies par le biais de ces officiers, et nous
15 vérifiions ces renseignements. Les renseignements reçus étaient ensuite
16 consignés dans des rapports adressés au chef d'état-major au sein du
17 commandement supérieur.
18 Q. Pendant l'année 1993, en dehors des forces serbes, est-ce que vous avez
19 également commencé à surveiller d'autres forces, d'autres forces hostiles,
20 des forces qui manifestaient de l'hostilité vis-à-vis de votre unité ou de
21 l'ABiH ?
22 R. Vous pourriez répéter votre question ?
23 Q. Oui. Ma question était la suivante : en dehors des opérations de
24 reconnaissance liées aux forces serbes, est-ce que vous avez entamé des
25 opérations de reconnaissance concernant d'autres formations militaires,
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1 dans votre secteur par exemple ?
2 R. Au cours du mois de janvier 1993, dans la deuxième quinzaine de janvier
3 1993, nous avons commencé des opérations de reconnaissance et de
4 surveillance des déplacements des forces du HVO. Ceci en raison de
5 l'ultimatum qui avait été adressé en vue d'une reddition. Nous voulions
6 savoir où se trouvait leur commandement, qui commandait le HVO dans la
7 région contrôlée par lui.
8 Q. Pourriez-vous nous dire rapidement, je vous prie, si, lorsque vous
9 surveilliez et meniez des opérations de reconnaissance vis-à-vis des forces
10 du HVO, vous avez constaté des changements dans le comportement du HVO vis-
11 à-vis de l'ABiH.
12 R. Oui, absolument. Pendant cette période, nous parlons de la deuxième
13 quinzaine de janvier, du début du mois de février, les forces du HVO
14 commençaient à se fortifier, notamment au niveau de certains endroits qui
15 étaient un petit peu en altitude. Ceci, pas parce qu'ils craignaient une
16 quelconque action de la part de l'agresseur serbe, mais parce que toute
17 cette action, de façon générale, montrait bien que le HVO était en train de
18 créer des tranchées aux alentours des villages contrôlés par lui.
19 D'ailleurs, il a également créé des poste de contrôle dans la vallée de la
20 Bila, sur les routes qui menaient vers Travnik en particulier.
21 Q. La création de ces postes de contrôle a-t-elle eu une importance
22 particulière pour la 306e Brigade et les autres unités de l'armée ?
23 Certaines situations ont-elles abouti à un moment critique dans les
24 rapports entre l'ABiH et le HVO ?
25 R. Oui, absolument. Ces postes de contrôle dont j'ai déjà parlé ont été
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1 érigés sur les routes qui menaient vers Travnik et Zenica et tout à fait
2 naturellement, ceci a créé des difficultés supplémentaires. Le travail du
3 commandant de la brigade, sur le plan logistique, a été rendu beaucoup plus
4 difficile en raison du fait que les routes étaient barrées. Il fallait
5 utiliser d'autres voies de circulation pour amener les réserves
6 logistiques.
7 Il y a eu aussi des humiliations qui ont été imposées aux hommes au
8 niveau des postes de contrôle, des fouilles et d'autres actions
9 humiliantes. On ne pouvait pas franchir ces barrages sans montrer pattes
10 blanches au niveau des postes de contrôle du HVO. La situation a commencé à
11 se tendre davantage, et les civils, lorsqu'ils avaient sur eux des vivres,
12 par exemple, et qu'ils allaient vers Travnik ou Zenica, se voyaient
13 confisquer ces vivres et tout ce qu'ils portaient, ce qui a créé des
14 tensions. Certains d'ailleurs refusaient de passer les barrages en raison
15 de cela.
16 Q. En dehors du fait que les civils étaient empêchés de franchir les
17 barrages et que les produits nécessaires n'arrivaient plus dans les grandes
18 villes de la région, est-ce qu'il y a eu des attaques ou des comportements
19 agressifs vis-à-vis des membres de l'ABiH, par exemple ?
20 R. Oui, absolument, il y en eu. Il y a eu confiscation d'un certain nombre
21 de matériel qui était nécessaire, comme, par exemple, du carburant pour les
22 véhicules, qui arrivait dans des barils. Quelquefois, il y avait
23 confiscation de la totalité de la livraison de carburant. Notre appui
24 logistique essayait d'approvisionner les unités et ce carburant était donc
25 un produit important.
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1 Q. Est-ce que vous avez créé des fortifications dans la région tenue, de
2 façon générale, par la 306e Brigade ?
3 R. Le HVO a créé des fortifications sur les points en altitude dans toute
4 la vallée de la Bila. D'ailleurs, le poste de commandement lui-même, notre
5 poste de commandement était en hauteur également, à Rudnik. Mais le HVO
6 avait déjà creusé des tranchées. A une vingtaine de mètres de son QG, à vol
7 d'oiseau, à peu près, il y avait des fortifications, et ils protégeaient,
8 avant tout, le poste de commandement.
9 Q. Monsieur Suljic, ces excès, ces exactions ont-elles résulté finalement
10 en l'assassinat d'un certain nombre de membres de l'ABiH ?
11 R. Pourriez-vous répéter votre question, je vous prie ?
12 Q. Vous avez dit que des excès ont eu lieu, que des biens ont été
13 confisqués, du carburant notamment, et cetera. Pouvez-vous nous dire s'il y
14 a eu spirale de toutes ces exactions et quel en a été le résultat ? Est-ce
15 que le feu a été ouvert à un moment ou à un autre ? Est-ce que des
16 personnes ont été arrêtées ? Est-ce que ces exactions se sont aggravées ?
17 R. Oui. Entre Rudnik et Han Bila, il y a eu pas mal de personnes qui ont
18 été arrêtées. A un certain moment, des hommes au visage masqué, membres du
19 HVO, ont arrêté un certain nombre de membres du commandement de la brigade,
20 moi-même y compris d'ailleurs. Nous étions à bord d'un véhicule et il y
21 avait, avec nous, un camion qui circulait derrière nous. Ils nous ont donné
22 l'ordre de nous arrêter, de descendre des véhicules. Ils nous ont désarmés
23 et ils nous ont ordonné de nous coucher sur le sol, face contre terre. Ils
24 nous ont donné des coups de pied. Ils nous appuyaient la tête sur le sol
25 avec leurs bottes. Ils ont forcé certains d'entre nous à manger de l'herbe.
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1 J'étais au sol et j'ai vu, à 50 mètres de là, à peu près, sur la gauche,
2 une petite rivière avec un petit monticule, une petite hauteur, où il y a
3 un mont qui s'appelle Sarici. Il y avait là des gens du HVO qui pointaient
4 leur fusil sur nous.
5 Quelques jours plus tard, le HVO a également ouvert le feu sur les
6 forces de la FORPRONU et sur des membres de notre commandement. Un membre
7 du commandement de notre brigade a été tué. Je pense que c'était un certain
8 Hamid.
9 Q. En tant qu'assistant du commandement chargé du renseignement, est-ce
10 qu'à un certain moment vous avez découvert quelque chose de particulier au
11 niveau des rapports entre le HVO et les forces serbes ? Si oui, pouvez-vous
12 nous dire quelle a été la réaction de vos effectifs.
13 R. A un certain moment, il y avait une patrouille qui faisait une
14 opération de reconnaissance, et certains documents ont été saisis dont une
15 carte du village de Cukle. Au vu de cette carte, il était tout à fait clair
16 que des membres du HVO avaient reçu pour tâche de patrouiller et de faire
17 la jonction avec les forces serbes. Cela se passait sur la route qui mène
18 de Cukle à Jezera. Le village de Jezera se trouve un peu plus loin, un peu
19 plus haut, tout près du mont Vlasic.
20 Q. Merci. Pourriez-vous me dire si, à un moment donné, étant donné que les
21 relations étaient particulièrement tendues, pourriez-vous me dire, disais-
22 je, si la situation s'est un peu calmée, s'il y a des renseignements qui
23 ont été obtenus et qui auraient porté sur les désaccords entre le HVO et
24 l'armée. Est-ce que vous avez appris si, en fait, ces désaccords auraient
25 pu être surmontés ? Savez-vous s'il y a eu, en fait, un organe qui a été
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1 créé afin d'essayer de régler cette question.
2 R. Oui, une commission militaire mixte a été formée dans notre secteur,
3 par notre camp parce que nous voulions faire notre possible pour essayer
4 d'éviter le conflit, donc une commission mixte a été formée. Cette
5 commission s'est, ensuite, rendue dans de nombreux endroits et, vers la fin
6 du mois de mai, un accord fut conclu. Il s'agissait d'un accord relatif à
7 une trêve et je pense que, conformément à cet accord, nous devions, en
8 fait, opposer une résistance à l'agresseur serbe ensemble.
9 Q. Dans le cadre de cet accord, est-ce que des fonctions ou une tâche
10 particulière vous a été confiée, le cas échéant, de quelle tâche
11 s'agissait-il et où deviez-vous mener à bien cette tâche ?
12 R. Lorsque l'accord fut conclu, le commandant ou plutôt le chef d'état-
13 major m'a confié une certaine tâche. J'étais censé me rendre à Vlasic avec
14 l'unité de reconnaissance et j'étais censé, en fait, procéder à un exercice
15 de reconnaissance avec les forces serbes et ce, en coopération avec une
16 partie de la compagnie de reconnaissance de la 17e Krajina. Pendant cette
17 période temps, je devais faire un travail de coordination dans le cadre du
18 travail mené à bien par les membres chargés de la reconnaissance et ce,
19 dans le secteur de Paric Greda.
20 Q. Avant d'aborder ma question suivante, j'aimerais vous demander combien
21 d'hommes formaient l'organe chargé du Renseignement ?
22 R. Nous étions trois au sein de cet organe.
23 Q. Dans les différents bataillons, est-ce qu'il y avait des hommes à qui
24 on avait confié une tâche semblable ?
25 R. Dans les bataillons, il y avait une personne qui établissait le lien
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1 avec le genre de travail que je faisais.
2 Q. Comment est-ce que vous vous acquittiez de vos tâches en tant que
3 membre de l'organe du Renseignement, quel genre de matériel aviez-vous à
4 votre disposition ?
5 R. Il s'agissait, en règle générale, de reconnaissance, il s'agissait
6 d'obtenir des renseignements que d'aucuns avaient pu obtenir ici et là. En
7 règle générale, cette information ne faisait pas l'objet de vérification.
8 Les différentes unités supervisaient la situation. Il y avait des
9 patrouilles de reconnaissance qui se chargeaient de l'observation, du
10 contrôle et de la supervision. Mais étant donné que nous n'avions pas le
11 matériel nécessaire et les armes, nous ne pouvions pas véritablement
12 envoyer ces patrouilles dans le cadre de missions.
13 Q. Monsieur Suljic, les personnes, votre personnel ou en d'autres termes,
14 les soldats, en fait, qui étaient vos subordonnés, les personnes avec qui
15 vous travailliez en d'autres termes, j'aimerais savoir si vous aviez la
16 connaissance nécessaire auparavant ou si d'aucuns avaient, justement,
17 participé à un travail de Renseignements ?
18 R. Non, personne n'avait jamais participé à ce genre d'activité. J'avais
19 20 ans et c'était la première fois que l'on me confiait ce genre de tâche
20 et nous devions tous apprendre sur le tas en quelque sorte.
21 Q. Vous dites que vous appreniez sur le tas, mais au sein de la brigade à
22 proprement parler, au niveau du commandement supérieur, est-ce qu'il y
23 avait un programme de formation justement ?
24 R. Oui, dès que la brigade fut créée, les officiers qui avaient déjà
25 certaines connaissances à propos de questions militaires ont assuré un
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1 certain entraînement, une certaine formation. Pour ce qui est du commandant
2 supérieur, il y avait certaines tâches que nous devions exécuter. Il y a
3 des cours de formation qui ont été organisés au sein du commandement
4 supérieur. Le but de ces cours était de nous fournir des instructions de
5 base nécessaires pour pouvoir exécuter nos tâches dans nos secteurs
6 respectifs.
7 Q. Merci. Vous avez dit que, vers la fin du mois de mai, vous vous êtes
8 rendu dans la région de Vlasic, dans la région montagneuse, en face des
9 forces serbes. Est-ce que vous pourriez nous dire où vous vous trouviez le
10 8 juin 1993 ?
11 R. Le 8 juin 1993, je faisais partie d'un exercice de reconnaissance de
12 l'agresseur serbe. C'est quelque chose d'ailleurs que j'ai mentionné il y a
13 quelques minutes.
14 Q. Je m'excuse. J'aimerais, dans un premier temps, vous poser une
15 question différente. Vous êtes parti vers la fin du mois de mai et
16 j'aimerais savoir si, avant de vous acquitter de vos tâches, vous êtes
17 rentré chez vous ou vous vous êtes rendu au commandement, ou est-ce, ou
18 lorsque vous n'étiez pas, en fait, sur le terrain, où vous trouviez-vous ?
19 R. J'ai passé un certain temps à Vlasic, pendant que je participais à cet
20 exercice, parfois je rentrais chez moi pour prendre un bain et pour
21 récupérer quelques objets dont j'avais besoin. De temps à autre, j'allais
22 auprès du poste de commandement du 1er Bataillon dans l'école primaire de
23 Mehurici.
24 Q. Je vais revenir à ma question précédente, vous nous avez dit que, le 8
25 juin, vous avez participé à une tâche, vous êtes acquitté d'une tâche,
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1 j'aimerais savoir quand vous avez rencontré, pour la première fois, les
2 autres membres du commandement et où les avez-vous rencontrés ?
3 R. Etant donné que depuis le 8 juin, il y avait une attaque générale dans
4 ce secteur, en contrebas, je suis resté à Vlasic. Je me suis acquitté de ma
5 tâche. Lorsque le commandant de la brigade a fait référence à une réunion,
6 je dirais que c'est la première fois que j'ai rencontré les autres
7 officiers de la brigade. Je pense que cela s'est passé le 12.
8 Q. Où vous êtes-vous rencontrés ?
9 R. Nous nous sommes rencontrés dans le village de Krpeljici.
10 Q. Monsieur Suljic, avant cette époque, est-ce que vous saviez ce qui
11 s'était passé dans le cadre du conflit armé le 8 juin 1993 ?
12 R. Justement à cette réunion, j'ai appris, de la part du commandant
13 adjoint responsable de la sécurité qu'il avait été dit que, le 8 juin, les
14 Arabes, les Moudjahiddines avaient enlevé des membres du HVO et qu'une
15 enquête était en cours. C'est ce qui a été dit à cette réunion, et c'est ce
16 dont je me souviens.
17 Q. Monsieur Suljic, plus tard, avez-vous appris le résultat de cette
18 enquête, ou quelle a été la conclusion de cette enquête?
19 R. Nous nous sommes rencontrés rarement pendant cette période. Je
20 continuais à exercer mes fonctions à Vlasic. J'ai entendu dire que, lors
21 d'une réunion qui a eu lieu plus tard, je ne sais d'ailleurs pas exactement
22 quand est-ce qu'elle a eu lieu, j'ai entendu dire qu'une enquête avait été
23 menée à bien et que le commandant adjoint responsable de la Sécurité avait
24 dit que les Moudjahiddines étaient responsables de cet enlèvement de
25 certains membres du HVO. On nous a dit que nous ne pouvions, véritablement,
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1 rien faire étant donné qu'il ne s'agissait pas de nos hommes.
2 Q. Monsieur Suljic, après ces événements, après ce combat, est-ce que vous
3 avez remarqué lors d'une réunion du commandement ou d'une autre façon,
4 d'ailleurs, que des biens avaient été pillés ou qu'il y avait eu des
5 incendies qui avaient eu lieu dans certains endroits abandonnés ?
6 R. Oui, à l'époque, il y avait ce genre de situations lorsque l'on
7 passait, par exemple, on pouvait voir des personnes qui transportaient des
8 objets. Je n'y ai pas, véritablement, prêté ou accordé beaucoup d'attention
9 parce que j'étais plutôt préoccupé par les tâches qui m'avaient été
10 confiées et que je devais exécuter.
11 Q. Est-ce que vous savez si votre organe a pris des mesures pour justement
12 empêcher ce genre d'incidents ou afin d'essayer de contrer des membres de
13 l'armée qui auraient pu participer à ce genre d'actes ?
14 R. La situation était difficile à l'époque. Il était très difficile de
15 maîtriser la situation, de contrôler toutes ces personnes qui se
16 déplaçaient, toutes ces personnes qui faisaient un peu de trafic ici et là
17 en quelque sorte. Je sais qu'à certaines réunions, il a été indiqué que des
18 papiers d'identité ou que des livrets militaires devraient être présentés
19 afin de pouvoir déterminer à quelles unités appartenaient ces personnes.
20 Ainsi, nous aurions pu savoir quels étaient les membres de certaines
21 unités. Il y avait des gens qui n'étaient placés sous le commandement de
22 personne à l'époque, qui se dissimulaient dans les montagnes, et qui se
23 déplaçaient très librement.
24 Q. Monsieur Suljic, vous êtes natif de la vallée de la Bila, et vous y
25 avez combattu. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les villages
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1 importants dans la vallée de la Bila ?
2 R. Dans la vallée de la Bila, vous avez Han Bila qui est le village le
3 plus important. Puis, vous avez le deuxième village le plus important qui
4 est Guca Gora, et puis peut-être Mehurici également.
5 Q. Quelle est la taille de Bukovica et de Bandol ?
6 R. Bukovica, en fait, il s'agit d'un petit endroit. Il y a peut-être 30
7 maisons. Son nom, en fait, ne reflète pas véritablement sa taille, Velika
8 Bukovica.
9 Q. Et Bandol ?
10 R. Bandol est un petit village. Il y a peut-être 50 maisons dans ce
11 village, peut-être moins d'ailleurs.
12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus que quelques questions à
13 poser à ce témoin.
14 Q. J'aimerais, en fait, revenir sur les événements de Miletici. Est-ce que
15 c'est quelque chose que vous savez compte tenu de votre expérience
16 personnelle, ou est-ce que c'est quelque chose qui vous a été relaté par
17 votre famille ? J'aimerais savoir si, après ces événements, il y a des
18 voisins croates qui sont restés dans le village de Miletici ?
19 R. Oui, je pense que deux ou trois familles sont restées à Miletici. Il y
20 avait deux ou trois familles croates. Parfois, lorsque je rentrais chez
21 moi, je voyais -- ils se trouvaient, en fait, ces voisins qui prenaient le
22 café chez mon père ou qui dînaient avec mon père puisque mon père les
23 invitait. Mon oncle aidait également ces familles compte tenu de tout ce
24 qui s'était passé dans la région.
25 Q. Monsieur Suljic, pourriez-vous me dire, je vous prie, la chose suivante
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1 : aujourd'hui, est-ce que vos voisins croates sont revenus au village, soit
2 de façon tout à fait temporaire, soit de façon permanente ?
3 R. J'ai passé un peu plus de temps lors de l'été dernier avec ma famille,
4 dans la maison de famille, avec mon père. J'ai souvent été en mesure de
5 voir nos voisins qui venaient souvent dans leur propriété. Je les ai vus
6 installés sur la terrasse de ma maison, ils prenaient le café. Fréquemment,
7 ils venaient me demander des nouvelles de mon père, par exemple. Il y en a
8 certains qui téléphonent régulièrement, à raison de deux à trois fois par
9 mois, pour demander des nouvelles de mon père, c'est-à-dire qu'ils sont
10 assez préoccupés par la situation de mes oncles qui habitent toujours là.
11 Q. Monsieur Suljic, je vous remercie. Je n'ai plus d'autres questions à
12 vous poser.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 3 heures et demi. Nous allons faire la pause
14 pour des raisons techniques. Nous reprendrons le cours de l'audience aux
15 environs de 4 heures moins cinq.
16 --- L'audience est suspendue à 15 heures 32.
17 --- L'audience est reprise à 15 heures 58.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux autres avocats de la Défense
19 s'ils ont des questions à poser au témoin.
20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.
21 Nous avons quelques questions à poser à ce témoin.
22 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :
23 Q. [interprétation] Monsieur Suljic, dans un premier temps, j'aimerais que
24 soit précisé quelque chose. Lors de votre déposition, vous avez parlé du 1
25 Bataillon. Il s'agissait bien du 1er Bataillon de la 306e Brigade, n'est-ce
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1 pas ?
2 R. Oui, il s'agissait du 1er Bataillon de la 306e Brigade.
3 Q. Lors de votre déposition, vous avez dit que, lors de la
4 restructuration, lorsque les brigades et les différents corps ont été
5 formés, vous nous avez dit que la 306e Brigade a été formée dans votre
6 région, dans votre secteur.
7 R. Oui.
8 Q. Lorsque vous dites votre région, vous faites référence à la région de
9 la vallée de la Bila, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Pourriez-vous me dire si, hormis la 306e Brigade de montagne, est-ce
12 qu'il y a d'autres brigades qui ont été formées dans cette région ?
13 R. Non. La 306e Brigade a été formée dans cette région, et elle a été
14 composée d'hommes qui venaient de la vallée de la Bila. Il y avait ce 1er
15 Bataillon qui était composé d'hommes de la région de Kotor Varos, dans la
16 région de Siprag.
17 Q. Il s'agissait d'hommes qui venaient de la région de la 306e Brigade.
18 R. C'est exact.
19 Q. Revenons au mois d'avril 1993. En tant qu'assistant au chef responsable
20 du renseignement, vous étiez donc de permanence au sein de la Brigade de
21 Rudnik; est-ce bien exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous avez obtenu des renseignements à propos d'événements qui s'étaient
24 produits à Miletici. Il s'agissait d'hommes qui avaient été appréhendés --
25 de personnes qui avaient été appréhendées, arrêtées. Est-ce qu'il s'agit de
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1 renseignements que vous avez obtenus de la part du commandement ou de
2 l'officier du bataillon de la
3 306e Brigade ?
4 R. Oui, il s'agissait de l'officier de permanence du
5 1er Bataillon de la 306e Brigade, et il était à Mehurici.
6 Q. Est-ce qu'en tant qu'officier de permanence au sein de la brigade, à ce
7 moment-là, est-ce que vous avez obtenu des renseignements relatifs à la
8 présence d'autres unités ou à la présence d'autres brigades en avril ?
9 R. Non.
10 Q. Par la suite, est-ce que vous avez obtenu des renseignements portant
11 sur la présence d'autres unités ou sur la présence de la 7e Brigade à
12 Miletici ?
13 R. Non. Hormis la 306e Brigade, personne d'autre -- il n'y avait aucune
14 autre brigade qui était présente dans la vallée de la Bila.
15 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Mon confrère vient de m'indiquer une
16 erreur qui s'est glissée dans le compte rendu d'audience. Il y a quelque
17 chose qui a été omis dans le compte rendu d'audience à la page 32, ligne
18 22. J'avais posé la question suivante au témoin. Je lui avais demandé s'il
19 savait qu'il y avait des membres de la 7e Brigade qui avaient été présents
20 le 24 avril 1993. Le témoin a dit que, d'après les renseignements dont il
21 disposait, il n'y avait pas de membres de la 7e Brigade là.
22 Q. Est-ce bien exact, Monsieur Suljic ?
23 R. Oui.
24 Q. J'aimerais maintenant revenir au début du mois de juin 1993. Vous nous
25 avez dit que vous avez reçu les premiers renseignements le 12 juin 1993, si
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1 j'ai pris bonne note de la date.
2 R. Des renseignements sur quoi ?
3 Q. À propos des opérations militaires et de ce qui s'était passé dans le
4 village de Maline.
5 R. Oui.
6 Q. Le 12 avril, vous avez eu une réunion au quartier général à Krpeljici,
7 si je vous ai bien compris.
8 R. Oui.
9 Q. D'après les renseignements dont vous disposiez, le 12 juin 1993, est-ce
10 que vous saviez quelles sont les unités qui ont participé à des opérations
11 de combat et quelles sont les unités donc qui ont mené à bien une action
12 dans la direction du village de Maljine ? J'entends, bien entendu, des
13 Unités de l'ABiH.
14 R. Etant donné qu'à l'époque j'ai participé à une autre activité et que
15 j'étais assez loin de l'endroit indiqué, les renseignements dont je
16 disposais et qui émanaient de cette réunion étaient que des unités de la
17 306e Brigade avaient participé à la défense de ce secteur.
18 Q. La 306e Brigade de Montagne ?
19 R. Oui.
20 Q. D'après les informations dont vous disposiez ou que l'on vous a
21 transmises ce jour-là ou ultérieurement, est-ce que vous avez entendu
22 parler de membres de la 7e Brigade qui auraient participé à des opérations
23 de combat ?
24 R. Non, je n'ai pas eu ce genre d'information.
25 Q. Vous n'avez pas eu d'informations suivant lesquelles la
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1 7e Brigade musulmane a participé, dans ce secteur, à ces activités de
2 combat et en ce jour-là ?
3 R. Non, je n'ai pas ce genre d'information.
4 Q. Je vous remercie.
5 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, vous avez la parole pour le contre-
7 interrogatoire.
8 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Contre-interrogatoire par M. Mundis :
10 Q. Bonjour, Monsieur. Je m'appelle Daryl Mundis et je représente, avec mes
11 collègues ici présents, l'Accusation dans cette affaire. Je vais vous poser
12 quelques questions, pendant une heure environ, peut-être pendant un peu
13 moins.
14 J'aimerais vous dire d'emblée que mon intention n'est absolument pas
15 de vous induire en erreur. Donc, si mes questions ne vous semblent pas
16 claires, je vous demanderais tout simplement de me le dire et je
17 reformulerai ma question ou je répéterai ma question pour que vous
18 compreniez parfaitement ce dont je souhaite vous parler. Est-ce que vous
19 comprenez cela ?
20 R. Oui.
21 Q. J'aimerais, dans un premier temps, vous poser quelques questions à
22 propos des personnes dont vous nous avez parlé, et vous nous avez dit que,
23 dans un premier temps, elles étaient appelées des Arabes, et puis ensuite,
24 des Moudjahiddines. Vous nous avez dit qu'il y a, en fait, de nombreux
25 étrangers qui, au départ, sont arrivés dans la région de Mehurici, qui au
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1 départ étaient des représentants d'organisations humanitaires; est-ce bien
2 exact ?
3 R. Oui, c'est ainsi qu'ils s'appelaient. Ils distribuaient ces produits,
4 ces biens, aux personnes qui, d'après eux, avaient besoin de ces produits.
5 C'est ainsi -- enfin, c'est l'impression que j'ai eue.
6 Q. Vous nous avez également dit que vous avez vu, par la suite, ces
7 étrangers qui portaient des uniformes de camouflage avec des habits
8 traditionnels au-dessus de leur uniforme. Vous avez dit que ces personnes
9 portaient des armes; est-ce bien exact ?
10 R. Les hommes que j'ai vus se déplacer portaient ces vêtements. Certains
11 avaient également des armes.
12 Q. Monsieur, savez-vous si les hommes que vous avez vus, par la suite,
13 porter des uniformes, aient été les mêmes personnes qui, au départ, sont
14 venus et travaillaient pour des organisations humanitaires ?
15 R. Je ne le sais pas, croyez-moi. Il y a des gens, parfois, que l'on
16 voyait, parfois, que l'on ne voyait plus. Il y avait des nouveaux qui
17 arrivaient, donc c'était assez difficile, en fait, de discerner tout cela.
18 Q. Pendant la période où vous vous êtes trouvé à Mehurici, à la fin de
19 1992 et pendant 1993, avez-vous jamais parlé à ces étrangers ?
20 R. Non. Vers la fin de 1992, j'ai dû, en fait, m'acquitter de certaines
21 fonctions au niveau du commandement de la brigade, donc je n'étais plus à
22 Mehurici, hormis lorsque je me rendais dans la famille lorsque j'avais une
23 permission.
24 Q. Pour que je puisse comprendre, est-il exact de dire que la seule fois
25 où vous vous êtes adressés à ces étrangers, cela s'est fait le 24 avril
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1 1993 ?
2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Le témoin n'a jamais dit qu'il avait parlé
5 à ces hommes et, d'ailleurs, pas non plus, le 24. Il a mentionné ou il a
6 décrit un événement au cours duquel, ils avaient dirigé une arme contre
7 quelqu'un, mais il n'a jamais indiqué qu'il leur avait parlé.
8 M. MUNDIS : [interprétation] Je peux tout à fait reformuler la question,
9 Monsieur le Président.
10 Q. Monsieur, le 24 avril 1993, vous nous avez décrit cette rencontre et
11 c'est au moment où vous avez, en fait, vu cette colonne de personnes qui
12 venaient de Miletici dans laquelle se trouvaient votre père et vos oncles.
13 A cette occasion, est-ce que vous avez parlé à ces étrangers ? Est-ce que
14 vous avez eu une conversation avec eux ?
15 R. Non. Je n'aurais pas pu avoir une conversation avec eux. A ce moment-
16 là, j'ai essayé de m'approcher de mon père pour apprendre ce qui s'était
17 passé. On m'a empêché de le faire. Plus tard, j'ai dit que, lorsque j'avais
18 demandé à mon père, et j'étais à une certaine distance d'ailleurs, je lui
19 ai demandé ce qui s'était passé. Tout ce que j'ai dit, c'est qu'il a
20 commencé à pleurer. C'est ce qui s'est passé.
21 Q. J'aimerais vous poser une autre question. Je vous ai parlé des Toyotas
22 blanches qu'avaient les étrangers à Mehurici. Est-ce que vous vous souvenez
23 s'il y avait des signes, des indications sur ces véhicules ?
24 R. Non.
25 Q. Vous souvenez-vous des plaques d'immatriculation de ces véhicules si
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1 tant est qu'ils en aient eues ?
2 R. Croyez-moi, je ne m'en souviens plus.
3 Q. Pourriez-vous nous décrire l'endroit ou les endroits à Poljanice, à
4 Savica et à Kuce, l'endroit où se sont rendus les Moudjahiddines lorsqu'ils
5 ont quitté l'école de Mehurici ?
6 R. Je ne peux pas le faire parce que je ne me suis jamais rendu dans cet
7 endroit. Je ne pourrais pas le décrire. D'ailleurs, je ne me suis jamais
8 approché de cet endroit.
9 Q. Monsieur, quelle est la distance entre l'école de Mehurici et cet
10 endroit à Poljanice ?
11 R. Entre 900 mètres et un kilomètre.
12 Q. Mais pendant l'année 1993, vous ne vous êtes jamais rendu à cet
13 endroit ?
14 R. Non.
15 Q. Alors, vous nous avez parlé de négociations visant la mise en liberté
16 des personnes qui avaient été emmenées à Poljanice. J'aimerais parler de
17 cette période. J'aimerais vous demander si vous avez participé à ces
18 négociations, si vous avez eu un rôle à jouer ?
19 R. Je n'ai pas participé, personnellement, aux négociations. En fait, au
20 départ, j'étais en état de choc, et les hommes qui se trouvaient au poste
21 de commandement du 1er Bataillon de la 306e Brigade ont essayé de m'apaiser,
22 de faire en sorte que je me calme. Ensuite, je me suis rendu compte ou j'ai
23 appris que les négociations se poursuivaient. C'est ce que j'ai dit. Le
24 résultat de ces négociations a été la libération des hommes qui restaient,
25 mais personnellement, je n'ai pas participé aux négociations.
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1 Q. D'après votre réponse, j'en déduis, Monsieur, que pendant le moment où
2 se sont déroulées ces négociations, vous êtes resté au poste de
3 commandement du 1er Bataillon de la 306e Brigade de Montagne qui se trouvait
4 à l'école de Mehurici ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous souvenez-vous quels officiers ou quelles sont les autres
7 personnes, les autres membres de la 306e Brigade de Montagne qui ont
8 participé à ces négociations ?
9 R. Je pense, le commandant Lubenovic. Je pense qu'il a participé à ces
10 négociations, le commandant du 1er Bataillon de la 306e Brigade de Montagne.
11 Q. Savez-vous si d'autres officiers tels que M. Mesanovic ou M. Ribo ont
12 participé à ces négociations ?
13 R. M. Mesanovic était présent. M. Ribo, peut-être qu'il était là, mais je
14 n'en suis pas sûr. Il se trouvait au poste de commandement, maintenant, à
15 savoir s'il a participé lui-même aux négociations, je n'en sais rien.
16 Q. Où se sont déroulées ces négociations ? Le savez-vous ?
17 R. Je ne le sais pas. Je ne sortais pas du bureau de l'officier de
18 permanence jusqu'à ce qu'on ne nous informe que tous les civils avaient été
19 relâchés.
20 Q. Je vais vous demander, à présent, de réfléchir à la période où vous
21 avez rencontré pour la première fois cette colonne de personnes. Vous
22 rappelez-vous ce que portait votre père ?
23 R. Je n'arrive pas à me souvenir de cela. Qu'entendez-vous par là ?
24 Pouvez-vous préciser un peu votre question ?
25 Q. Le 24 avril 1993, votre père, était-il membre de l'ABiH ?
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1 R. Non. A l'époque, mon père était une personne âgée. Il était malade par
2 ailleurs, et il n'aurait pas pu être membre. Il portait ses vêtements
3 civils habituels, enfin, les habits que portaient les gens à la campagne à
4 ce moment-là.
5 Q. Monsieur, qu'est-ce que vous aviez, vous, quel vêtement ce jour-là
6 lorsque vous vous êtes rapproché de la colonne ?
7 R. Je vous ai dit que j'étais officier de permanence dans la brigade.
8 J'avais peut-être des vêtements mixtes, l'uniforme et des vêtements civils
9 en même temps parce qu'à l'époque, on n'avait pas vraiment d'uniforme à
10 proprement parler.
11 Q. Monsieur, dans le transcript anglais, d'après ce qu'on y lit, vous
12 auriez déclaré dans votre déposition que l'Arabe masqué a pointé son arme
13 sur vous, et que vous avez quitté la colonne. A aucun moment un Arabe
14 masqué ne vous a forcé à rejoindre la colonne, n'est-ce pas ?
15 R. Pouvez-vous répéter votre question ? Excusez-moi.
16 Q. Je vous en prie. Vous nous avez dit que vous vous êtes rapproché d'une
17 colonne dans laquelle il y avait votre père, vos oncles, et la population
18 croate du village Miletici. Vous avez dit qu'un Arabe masqué a pointé une
19 arme, après l'avoir armée, qu'il l'a pointée sur vous; est-ce exact ?
20 R. Oui.
21 Q. L'Arabe masqué, a-t-il fait quoi que ce soit, de déployer des efforts
22 pour vous forcer à rejoindre la colonne ?
23 R. Non. Il a pointé une arme sur moi. Il ne m'a pas du tout permis de
24 m'approcher de la colonne.
25 Q. Monsieur, pouvez-vous nous dire quelle est la distance entre Mehurici
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1 et Miletici ?
2 R. Quatre kilomètres au plus, à peu près.
3 Q. Pour la journée du 24 avril 1993, vous nous avez dit qu'à un moment de
4 la journée, vous vous êtes rendu à Miletici, que vous y avez vu votre mère,
5 d'autres femmes, des enfants; vous rappelez-vous l'heure à peu près ?
6 R. Ce que j'ai dit, c'est que je ne suis pas allé à Miletici, ma mère et
7 mes tantes, ma sœurs, des enfants qui couraient vers le village, je les ai
8 vus, mais cela se trouve en bordure du village de Miletici, je n'ai pas
9 vraiment atteint le village.
10 Q. Monsieur, le 24 avril 1993, vous n'êtes pas entré dans du tout dans le
11 village de Miletici ?
12 R. C'est cela.
13 Q. Quel est le point le plus proche du village que vous avez atteint, du
14 village de Miletici, est-ce que vous pouviez voir le village ?
15 R. Non, la topographie est telle et le chemin que j'ai emprunté pour aller
16 à Miletici ne me permettait pas de voir du tout. Le chemin est creusé dans
17 une espèce de crevasse donc vous avez des pentes sur la partie supérieure
18 du chemin et aussi c'est boisé sur les côtés, dans les alentours.
19 Q. Monsieur le Témoin, à un moment quelconque, après les événements de
20 Miletici, lorsque que vous en parliez avec père, avec vos oncles, lorsque
21 vous parliez de ce qui s'était passé, vous ont-ils dit comment les
22 Moudjahiddines ont atteint le village de Miletici ?
23 R. Non, mon père, il ne le savait pas non plus, quand il les vus, les a
24 aperçus, je vous ai déjà dit, il s'est rendu chez les voisins, ensemble
25 avec les oncles pour qu'ils se retrouvent tout ensemble, à ce moment-là.
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1 Q. Votre père ou vos oncles, ont-ils averti les Croates de Miletici de
2 l'arrivée éminente des Moudjahiddines ?
3 R. Oui, ils avaient peur et en plus ils avaient déjà eu des expériences
4 auparavant, notamment pour ce qui est de nos jeunes filles, l'attitude et
5 le comportement des Moudjahiddines a été telle, enfin ils les forçaient à
6 porter le voile et ils ne permettaient pas aux jeunes d'avoir leur fête,
7 les fêtes au village, mon père a eu peur, il s'est dit qu'ils risquaient de
8 faire quelque chose aux voisins.
9 Q. Avez-vous jamais demandé à votre père comment il a su que les
10 Moudjahiddines se trouvaient à proximité de Miletici ?
11 R. Voyez-vous, ce n'est pas un territoire très grand. Comme il travaillait
12 sur les champs, il a vu quelqu'un s'approcher du village de Miletici. En
13 fait, il a vu ces individus marqués arriver de toute part vers Miletici. Il
14 les a vus.
15 Q. Votre père travaillait dans les champs, il a vu ces individus masqués
16 s'approcher du village et il est allé avertir les Croates de leur arrivée.
17 Est-ce que c'est ce que votre père vous a raconté ?
18 R. Il est parti avec les oncles qui étaient eux aussi sur les champs à
19 proximité, sur leurs terres, et il est allé dire que quelqu'un était en
20 train de s'approcher du village.
21 Q. Monsieur, d'après vos tâches qui relevaient du renseignement au sein de
22 la 306e Brigade de Montagne, avez-vous jamais pu constater ou avoir des
23 informations sur l'identité sur de la quelconque, de ces Moudjahiddines qui
24 sont entrés à Miletici, le 24 avril 1993 ?
25 R. Non, j'ai déjà répondu à ce sujet. J'étais directement responsable pour
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1 tout ce qui concernait l'agresseur serbe et à la mi-janvier 1993, donc on
2 avait pour mission de suivre, de surveiller les activités des forces du HVO
3 dans cette zone et ce qui m'intéressait à ce moment-là, c'était uniquement
4 tout ce qui concernait les forces ennemies.
5 Q. Monsieur, vous nous avez dit que vous aviez pour mission, je suppose,
6 d'identifier les positions des agresseurs serbes; est-ce que c'était dans
7 la zone du mont Vlasic ?
8 R. Oui. C'était le mont Vlasic, lui-même.
9 Q. A un moment quelconque, fin 1992, donc à partir du moment où la 306e
10 Brigade de Montagne avait été créée, et tout au long de l'année 1993, à une
11 occasion quelconque, avez-vous eu recours aux Moudjahiddines étrangers pour
12 s'acquitter de ces tâches de reconnaissance et de surveillance allant
13 contre des Serbes ?
14 R. Non, personne ne pouvait les utiliser. Eux, ils n'acceptaient de
15 commandement de nulle part.
16 Q. Encore une fois, la période qui m'intéresse c'est la période qui va de
17 la fin de l'année 1992 et qui, c'est en ce tournant de l'année 1993, avez-
18 vous jamais reçu un élément d'information de la part des Moudjahiddines
19 étrangers au sujet des positions serbes sur le mont Vlasic et dans les
20 alentours ?
21 R. Non, à ce sujet je n'ai eu aucun contact avec ces Moudjahiddines.
22 J'avais une unité de reconnaissance et je vous ai déjà dit, j'avais des
23 organes dans les différents bataillons qui nous fournissaient des
24 informations selon leurs possibilités. Les informations qu'ils étaient en
25 mesure de recueillir.
Page 11340
1 Q. Monsieur, à un moment quelconque, pendant la période qui va de la fin
2 de l'année 1992 jusqu'à la fin de l'année 1993, avez-vous combattu aux
3 côtés des unités des Moudjahiddines étrangers. Donc, avez-vous combattu la
4 306e Brigade de Montagne et les Moudjahiddines étrangers contre les Serbes
5 sur le mont Vlasic ou dans les alentours ?
6 R. Non, ceci ne s'est jamais produit.
7 Q. Page 28, vous avez répondu une question de mon éminente collègue de la
8 Défense, vous avez dit que l'assistant du Commandant chargé de la sécurité
9 vous a dit qu'une enquête avaient amorcée eut égard aux Moudjahiddines qui
10 avaient enlevé des soldats du HVO dans la zone de Maline, de Bikose; c'est
11 bien ce que vous avez dit dans votre déposition ?
12 R. J'ai dit que, lors d'une réunion qui s'est tenus le 12, la réunion du
13 commandement, l'assistant du commandant chargé de la Sécurité de la 306e
14 Brigade de Montagne a dit que, selon certains indices, les Moudjahiddines
15 avaient enlevé quelques membres du HVO et qu'une enquête était en cours.
16 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom de cet assistant du commandant en
17 chef de la Sécurité de la 306e Brigade de Montagne, qui a dit cela, lors de
18 la réunion qui s'est tenue le 12 juin 1993 ?
19 R. Oui, certainement, c'est M. Delalic.
20 Q. Monsieur Suljic, à un moment quelconque, pendant la période qui va de
21 la fin de 1992 et tout au long de 1993, une Unité du
22 1er Bataillon -- le 1er Bataillon de la 7e Brigade musulmane était-il
23 stationné dans la zone autour de Mehurici ?
24 R. Non.
25 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais présenter
Page 11341
1 au témoin la pièce de l'Accusation 481. Nous avons quelques exemplaires que
2 nous avons déjà communiqués à la Défense.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Faudrait-il que je voie la pièce d'abord. La
4 Défense, vous vous étiez levée ?
5 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous
6 voulions soulever une objection. Nous estimons que ce document ne peut pas
7 être montré maintenant à ce témoin. Ce témoin est membre de la 306e
8 Brigade. Il était assistant du commandant chargé du renseignement. La
9 Défense de M. Kubura, pendant sa présentation des moyens, fera venir ici
10 quelques témoins. Il s'agira des officiers du 1er, 2e et 3e Bataillons, qui
11 pourront réagir correctement aux documents de la 7e Brigade. Nous estimons
12 qu'un membre de la 306e Brigade n'est pas en mesure de le faire en ce
13 moment.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Alors, Monsieur Mundis, vous avez entendu ce
15 que dit la Défense. Vous aurez l'occasion de produire ce document lorsque
16 des témoins viendront. La Défense fait une objection, disant que ce témoin
17 ne peut pas reconnaître ce document. Que dites-vous ?
18 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, la Chambre de première
19 instance peut se reporter au premier et au troisième paragraphes de ce
20 document où il est fait référence à la 306e Brigade de Montagne. Par
21 conséquent, avec tous nos respects, nous estimons que ce témoin pourrait
22 être au courant de la teneur de ce document.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Posez la question.
24 M. MUNDIS : [interprétation]
25 Q. Monsieur, je vais vous demander de prendre connaissance rapidement de
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1 ce document, la pièce P481, que l'on vous a remise.
2 R. Je l'ai lu. Je vous en prie, Monsieur.
3 Q. Monsieur, au premier paragraphe, voyez-vous qu'il est fait référence au
4 secteur de Mehurici ?
5 R. Je le vois, mais --
6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Puisque mon éminent collègue a déjà réagi
7 à l'objection disant que ce témoin devrait pouvoir reconnaître ce document,
8 je pense que, si mon éminent collègue et prêt à accepter ma suggestion, la
9 première question devrait être si le témoin est en mesure de reconnaître le
10 document.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Mundis, la première question générale,
12 peut-il reconnaître ce document. Ensuite, vous pouvez détailler.
13 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur, avez-vous jamais vu ce document auparavant ?
15 R. Non.
16 Q. Monsieur, après avoir lu le document, est-ce que vous êtes au courant
17 de la teneur de ce document, c'est-à-dire, il s'agit d'un document qui
18 rattache une unité de la 7e Brigade musulmane à la 306e Brigade de montagne.
19 R. Je n'en sais rien, Monsieur. Ce genre de document, je n'aurais pas pu
20 voir, et même s'il y en avait eu un ou si celui-ci a existé, on ne voit pas
21 qui sont les destinataires. Ce sont les organes chargés d'Opérations qui
22 devraient le recevoir, mais je pense que ce genre de document, on ne l'a
23 pas eu.
24 Q. Encore une fois, Monsieur, ce que je vous ai demandé était de savoir si
25 vous saviez, à un moment quelconque, qu'une Compagnie de la 7e Brigade
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1 musulmane a été rattachée à la 306e Brigade de Montagne, fin mai 1993.
2 R. Non. Cela, pour autant que je le sache, ceci n'a même pas eu lieu.
3 M. MUNDIS : [interprétation] L'on peut remettre le document au Greffier,
4 s'il vous plaît.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais -- mon capitaine, regardez bien le
6 document. Au paragraphe premier du document, il y a indiqué qu'il y a un
7 ordre qui est donné au commandant du 1er Bataillon de la 1ère Compagnie de
8 redéployer 20 soldats de Mehurici vers le secteur de Radojcici, village. Au
9 deuxième paragraphe, il est indiqué que les membres de la 1ère Compagnie
10 seront subordonnés à la 306e. Ce document présente deux caractéristiques.
11 La première, c'est qu'apparemment, quand on lit la traduction anglaise - je
12 m'appuie sur la traduction anglaise - on dit en anglais : "From Mehurici
13 sector". Cela revient à dire que ces 20 soldats, ils étaient à Mehurici.
14 Or, vous avez dit, vous, que vous n'avez jamais vu de soldats de la
15 7e Brigade. Alors, il y a un problème puisque ce document semble dire qu'au
16 mois de mai, il y avait au moins 20 soldats qui vont être redéployés dans
17 le village de Radojcici, alors que, vous, vous dites qu'à Mehurici, il n'y
18 en avait pas. Quelle explication donnez-vous au premier paragraphe ?
19 Attendez de répondre.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déjà dit que, dans
21 le secteur de Mehurici, il n'y avait pas de membres de la 7e. Ce genre
22 d'information, je n'en ai pas eu. Quant aux autres choses --
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Comment vous expliquez que, dans ce document
24 militaire, on dit : "From…to" ? On a l'impression qu'il y en avait 20 à
25 Mehurici et qui devaient aller dans l'autre village. Comment vous expliquez
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1 cela ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant cette période-là, Monsieur le
3 Président, il y avait des soi-disant combattants qui se cachaient dans les
4 montagnes qui surplombent Mehurici. Dans le secteur de Mehurici, je n'ai
5 pas d'information disant qu'il y avait là des membres de la 7e Brigade.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Défense voulait apporter une précision.
7 Vous avez la parole.
8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Puisque le
9 témoin a précisé, en répondant à votre question précédemment, le témoin
10 avait parlé des Unités de la 7e. J'ai cru que l'interprétation avait été
11 erronée et que vous avez donc mal compris par la suite, sa réponse donc.
12 Mais il vient de la même réponse. Il n'y a pas de raison pour que la
13 Défense réagisse donc.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître.
15 Monsieur Mundis, poursuivez.
16 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Q. Témoin, pouvez-vous nous dire où se situe le village de Radojcici par
18 rapport à Mehurici ?
19 R. Le village de Radojcici par rapport à Mehurici, c'est au sud-est, à peu
20 près à 16 kilomètres du village de Mehurici. Ils sont sur les pentes sud du
21 mont Vlasic, par là. Cela se situe près d'une localité plus importante qui
22 est celle de Guca Gora, à peu près à trois kilomètres du village de Guca
23 Gora.
24 Q. Monsieur, le 20 juin 1993, vous rappelez-vous avoir été chargé du
25 commandement d'une opération dans la zone de Kula et de Radojcici ?
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1 R. S'il vous plaît, pouvez-vous répéter votre question ?
2 M. MUNDIS : [interprétation] Il vaudrait peut-être mieux, Monsieur le
3 Président, si l'Huissier pouvait nous aider pour qu'on transmettre au
4 témoin la pièce de l'Accusation P690.
5 Q. Monsieur, pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner la pièce P690 que
6 vous avez à présent sous les yeux, et je vais vous demander si vous n'avez
7 jamais eu l'occasion de voir ce document ?
8 L'INTERPRÈTE : Le témoin répond en anglais. Un instant, s'il vous plaît.
9 R. C'est la première fois que je vois ce document.
10 Q. Monsieur, au paragraphe 5,6, il est dit : "Le commandant est Dervis
11 Suljic." Monsieur, est-ce vous ?
12 R. Je suis Dervis Suljic, mais quant à dire que j'aurais pu commander en
13 tant que chargé du Renseignement, dans cette zone, jamais je n'ai eu de
14 responsabilité de commandement, Monsieur.
15 Q. Je vous entends bien, Monsieur, mais, pour autant que vous le sachiez,
16 y avait-il un autre homme au sein de la 306e Brigade qui portait le même
17 nom, Dervis Suljic ?
18 R. La 306e avait des effectifs importants. Je n'ai jamais connu tous les
19 noms.
20 Q. Oui, je comprends, Monsieur, mais ma question a été la suivante : pour
21 autant que vous le sachiez, y avait-il un autre membre de cette même
22 brigade qui portait le même nom ?
23 R. Vraiment, je ne le sais pas.
24 Q. En fait, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que
25 l'information, qui figure au paragraphe 5,6 de la pièce de l'Accusation
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1 P690, que c'est pour la première fois que vous voyez cet élément
2 d'information, aujourd'hui ?
3 R. C'est la première fois que je vois ces informations et ce contenu de ce
4 document.
5 Q. Monsieur, en juin et juillet 1993, à aucun moment, vous n'avez pris
6 part à une attaque à Radojcici ou à proximité ?
7 R. Je n'ai participé nulle part à une attaque. Je devais préparer des
8 renseignements parce que je faisais partie du commandement de la brigade.
9 Les opérations de combat devaient être exécutées par les unités qui étaient
10 censées le faire, qui étaient formées à cette fin.
11 M. MUNDIS : [interprétation] L'Huissier peut-il reprendre la pièce P690 ?
12 Merci.
13 Q. Merci. Je n'ai plus de questions pour vous, Monsieur le Témoin.
14 R. Je vous en prie, Merci.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Suite au contre-interrogatoire, est-ce que la
16 Défense a des questions supplémentaires à poser ?
17 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :
18 Q. [interprétation] Monsieur Suljic, répondant à une question de
19 l'Accusation, vous venez de dire n'avoir jamais participé à une quelconque
20 attaque. Je vous demanderais de me dire quelles étaient vos fonctions en
21 cas d'attaques éventuelles ?
22 R. Ce n'était jamais des attaques à l'époque. Il s'agissait de défense
23 active et ma mission consistait exclusivement à recueillir des
24 renseignements au sujet de l'ennemi, et de rassembler ces renseignements en
25 vue de l'analyse réalisée au QG, à l'état-major.
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1 Q. Puisque vous nous avez dit que vous aviez 20 ans à l'époque, je vous
2 demande si, en tout état de cause, vous étiez apte à mener des hommes à
3 l'assaut ou à ce que vous appelez défense active, consistant à attaquer
4 l'ennemi ?
5 R. Je vous dirais que la situation était très difficile. Lorsque j'ai été
6 chargé des fonctions qui étaient les miennes au sein de la brigade, je ne
7 savais vraiment pas en quoi elles consistaient. La brigade prévoyait un
8 certain entraînement. Peu à peu, j'ai fini par apprendre dans une certaine
9 mesure ce qu'impliquait mon travail. Mais je n'ai jamais occupé une
10 quelconque position de commandement au sein de l'unité puisque je ne
11 faisais pas partie du système de commandement et de contrôle. Je n'étais
12 pas officier chargé de commander des hommes. J'étais un assistant du chef
13 d'état-major chargé du Renseignement.
14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin le
15 document P690, une nouvelle fois, je vous prie.
16 Q. Monsieur Suljic, en rapport avec le paragraphe 5,6, vous avez dit être
17 étonné de trouver mention de votre nom dans ce document en tant que
18 commandant, Dervis Suljic. Je vous demanderais de regarder d'un peu plus
19 près le sceau que l'on trouve sur ce document, et de nous dire quelle est
20 la date qu'on lit sur ce sceau, en page 1 ?
21 R. Le 26 -- le 20 juin. C'est ce qui est écrit, le 20 juin 1993.
22 Q. Vous étiez soldat et ce document émane de votre brigade. Est-ce que
23 cette date est, en principe, la date à laquelle cet ordre de combat a été
24 émis ?
25 R. Oui.
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1 Q. Je vous demanderais maintenant d'examiner le point 4. Pourriez-vous
2 lire la dernière phrase de ce paragraphe 4, je vous prie ?
3 R. La dernière phrase ?
4 Q. Oui, la dernière phrase au paragraphe 4. Veuillez lire cette phrase à
5 haute voix, je vous prie.
6 R. "Etre prêts à l'attaque, 11 heures, le 13 juin 1993."
7 Q. Je vous demanderais maintenant d'examiner la dernière page. Au milieu
8 de la page, on lit également : aptitudes à l'action des transmissions.
9 R. Oui, il est dit : aptitudes à l'action des transmissions à 10 heures,
10 le 13 juin 1993.
11 Q. Monsieur Suljic, est-il possible d'émettre un ordre de combat le 20 et
12 que la tâche soit exécutée le 13 ?
13 R. C'est impossible.
14 Q. Y a-t-il quelque chose de bizarre en rapport avec ce document ?
15 R. Ce document devrait être un document sérieux, et il faut tout de même
16 prendre un certain soin lorsque l'on met par écrit ce genre de références.
17 Q. Je vous remercie. Le document peut être restitué au greffe.
18 S'agissant du document qui vous a été précédemment soumis par l'Accusation,
19 vous avez dit que la 306e Brigade regroupait des hommes issus de la vallée
20 de la Bila, et qu'il n'y avait pas d'autres brigades présentes dans la
21 vallée. Ma question est la suivante : y a-t-il eu des hommes originaires de
22 la vallée de la Bila qui ont été recrutés dans les rangs de l'armée dans
23 une autre brigade, éventuellement, ou dans d'autres brigades de l'ABiH ?
24 R. Oui, certaines unités recrutaient des hommes sur la base de leurs
25 qualifications spécialisées. La plupart des hommes de la vallée de la Bila
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1 ont rejoint les rangs de la 306e; cependant, certains hommes originaires de
2 la vallée de la Bila sont entrés dans les rangs d'un bataillon de la 314e
3 Brigade. Je ne me souviens pas exactement de quel bataillon il s'agissait,
4 mais il s'agissait des hommes de Zagredje, en particulier.
5 Q. Vous souvenez-vous de l'endroit où était stationné le commandement de
6 cette brigade ?
7 R. Selon les informations dont je disposais au commandement, cette brigade
8 se trouvait quelque part aux environs de Zenica, mais je ne connais pas le
9 lieu exact.
10 Q. Ma question est peut-être directive, mais si je vous ai bien compris,
11 le commandement de la 306e était le seul dans la vallée de la Bila, et
12 certains hommes de cette vallée ont été versés dans les rangs d'autres
13 unités dont les commandements ne se trouvaient pas dans la vallée de la
14 Bila, c'est bien cela ?
15 R. Vous m'avez tout à fait bien compris.
16 Q. Merci.
17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats.
19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience,
20 j'indique que le témoin lorsqu'il a parlé de la réunion tenue le 12 juin
21 1993 dans le village de Krpeljici.
22 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Ibrisimovic :
23 Q. [interprétation] A une certaine page du compte rendu d'audience,
24 on lit la date du 12 avril, mais en fait, on doit lire le 12 juin 1993,
25 n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, 12 juin.
2 Q. Monsieur Suljic, j'ai une question à vous poser au sujet du 27 mai
3 1993. A ce moment-là, est-ce que les communications entre Travnik, le
4 village de Mehurici et de la vallée de la Bila, de façon générale, étaient
5 interrompues, étaient coupées ? Est-ce que les routes étaient coupées ?
6 R. Oui, à cette époque-là, les routes étaient coupées dans tout le secteur
7 de la vallée de la Bila.
8 Q. Y avait-il une possibilité que des membres du 1er Bataillon arrivent
9 dans la vallée de la Bila par la route ?
10 R. Etant donné les positions du HVO, il n'y avait pas de possibilité pour
11 ce faire à ce moment-là. Ils n'auraient pas pu arrivé de Travnik, franchir
12 le passage sans combattre.
13 Q. J'ai parlé de la date du 27 mai 1993, donc fin mai 1993. Est-ce qu'il y
14 avait, à ce moment-là, des possibilités d'arriver en provenance de Travnik,
15 siège du 1er Bataillon de la 7e Brigade, d'arriver en provenance de Travnik
16 dans la vallée de la Bila, à la fin mai 1993 ? Vous avez dit que les voies
17 de circulation, les voies de communications étaient coupées, qu'il était
18 impossible de circuler.
19 R. Oui, en effet.
20 Q. Quand on parle du secteur de Mehurici, est-ce qu'il s'agit d'un secteur
21 important du point de vue superficie, ou est-ce qu'on parle uniquement du
22 village de Mehurici ?
23 R. On ne parle que du village de Mehurici parce que, quand on parle d'un
24 secteur plus large, c'est la vallée de la Bila.
25 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai quelques questions. Si vous permettez, on
2 revient à nouveau au document P690. Vous pouvez lui redonner ce document ?
3 Questions de la Cour :
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon capitaine, à la première page de document, est-
5 ce que vous confirmez que ce document, c'est un ordre de combat pour une
6 attaque ? Le titre, est-ce que dans votre langue, il est bien indiqué,
7 parce que c'est la traduction anglaise "Ordre de combat pour une attaque" ?
8 Normalement, dans votre langue telle que je peux la lire, vous me
9 pardonnerez la prononciation, il est marqué "Borbena Zapovjst Za Napad".
10 Qu'est-ce que cela veut dire dans votre langue, cette phrase ?
11 R. Monsieur le Président, dans ce document, on lit bien les mots "Borbena
12 Zapovjst Za Napad." Selon le vocabulaire militaire, ce titre signifierait
13 effectivement un ordre d'attaque.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande d'aller à la dernière page. Est-ce
15 que vous voyez la signature de celui qui signe l'ordre ? Est-ce que celui
16 qui signe, cela vous dit quelque chose ?
17 R. Monsieur le Président, dans cet exemplaire du document que j'ai sous
18 les yeux, on a des difficultés à lire le prénom mais le nom de famille est
19 Sipic.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Le nom de famille, cela vous dit quelque chose ?
21 R. Oui. Sipic était le nom de famille du commandant de ma brigade.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste à côté de la signature, il y a un timbre, mais
23 sur la gauche, il y a marqué, en introduction en anglais, il y a marqué :
24 sept copies imprimées et distribuées à. Ensuite, nous, en anglais, on ne
25 voit pas, mais sur le document, la photocopie est de très mauvaise qualité,
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1 peut-être que l'Accusation aurait pu produire l'original, il y a des
2 destinataires de cet ordre. Il aurait été intéressant de savoir à qui
3 l'ordre a été destiné. Normalement, sur l'original, on doit le voir.
4 La Défense vous a demandé tout à l'heure, est-ce que le 20 juin est
5 compatible avec le 13 juin ? Pouvez-vous regarder le cachet où il est
6 enregistré le 20 juin ? Est-ce que, pour vous, le fait que cela a été
7 enregistré le 20 juin, est-ce que cela exclu totalement que ce document,
8 qui fait plusieurs pages, a pu être rédigé le 13 juin et tamponné que le 20
9 juin ? Quelle explication donnez-vous ?
10 R. Monsieur le Président, sur ce tampon, normalement, on trouve la date
11 d'entrée dans la procédure d'un ordre déterminé, autrement dit, la date à
12 laquelle l'ordre arrive parmi les hommes de l'unité.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : En tout cas, vous confirmez que les paragraphes 5 et
14 6 ne vous concerne pas, bien qu'il y soit marqué votre nom. Je vous
15 rappelle que vous avez prêté serment de dire toute la vérité.
16 Imaginez l'hypothèse où celui qui a signé vient confirmer que c'était
17 bien vous le destinataire. Vous avez réfléchi à cela ?
18 R. Monsieur le Président, j'a dit que je n'ai jamais vu ce document. C'est
19 bien le cas, je ne l'ai jamais vu, c'est cela.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dans votre esprit, le 13 juin, il n'y a pas eu
21 une attaque, il ne s'est rien passé le 13 juin. Parce que vous avez noté
22 que, dans ce document en dernière page, il y a l'officier qui est chargé de
23 la communication qui, à 9 heures 30, doit faire part du plan. A 10 heures,
24 il est prévu une communication. Donc vous, vous ne connaissez pas du tout
25 le document. Si vous ne connaissez pas, vous ne connaissez pas mais soyez
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1 honnête.
2 R. Monsieur le Président, j'ai dit que je n'avais vu ce document. Dans ce
3 dernier passage, j'ai lu que l'aptitude à l'action des transmissions devait
4 être réalisée à 10 heures, le 13 juin 1993, c'est cela. Mais je n'ai jamais
5 vu ce document
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, vous n'avez pas vu ce document.
7 Vous avez parlé tout à l'heure de l'officier de permanence et j'ai cru
8 comprendre qu'il vous est arrivé d'être aussi officier de permanence. Est-
9 ce que vous pouvez confirmer qu'à la 306e Brigade vous avez été, vous
10 aussi, officier de permanence ? Est-ce que cela vous est arrivé ou pas ?
11 R. Oui.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que vous êtes allé, à un moment donné,
13 voir l'officier de permanence qui était dans son bureau. L'officier de
14 permanence a un bureau ?
15 R. Monsieur le Président, quand j'ai parlé de Mehurici, j'ai dit que
16 j'étais allé voir l'officier de permanence du 1er Bataillon qui était à
17 Mehurici dans les locaux de l'école. C'était une salle utilisée
18 temporairement dans laquelle il séjournait.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je présume que l'officier de permanence, il y
20 en a toujours un, à toutes les heures; cela doit fonctionner 24 heures sur
21 24.
22 R. Monsieur le Président, à ce moment-là, nous parlions d'un officier du
23 1er Bataillon de la 306e Brigade de Montagne. J'étais officier de permanence
24 dans la 306e Brigade de Montagne, au commandement.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : L'officier de la permanence de la 306e Brigade, est-
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1 ce qu'il y en a toujours un en permanence, toute la journée et la nuit
2 aussi ?
3 R. Non. Il y a aussi le numéro deux, le second de l'officier de
4 permanence.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je précise ma question. Est-ce que, dans la 306e
6 Brigade, il y avait, dans la journée et dans la nuit, quelqu'un qui ne
7 dormait pas mais qui était prêt à répondre à tout problème ?
8 R. Monsieur le Président, à ce moment-là, aucun d'entre nous ne dormaient
9 parce que nous n'osions pas dormir là où nous nous trouvions.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Un officier de permanence, est-ce que c'est
11 quelqu'un qui a devant lui un système de communication, un poste de radio,
12 et si c'est le cas, est-ce qu'il entend les communications de toutes les
13 unités qui sont déployées sur le terrain ? Est-ce que l'officier de
14 permanence entend le trafic radio ?
15 R. En principe, cela devrait être le cas, mais à l'époque où tout cela
16 s'est passé, nous n'avions pas un tel système de transmissions.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre époque, vous n'aviez pas de système de
18 transmissions ?
19 R. Nous avions une partie d'un système de transmissions mais il n'était
20 pas techniquement capable de nous permettre, comme vous venez de le dire,
21 d'entendre tout ce qui se passait au niveau de toutes les unités en même
22 temps. Nous avions, avec certaines unités, des liaisons par estafettes ou
23 par d'autres moyens, mais là où il y avait possibilité d'utiliser le
24 téléphone, ou ces dispositifs que les mineurs utilisaient, voilà, c'est
25 cela qu'on utilisait, ce genre de machine.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question, on vous en a déjà posées sur le
2 sujet mais la question m'apparaît mériter des éclaircissements. Ce qui est
3 arrivé à votre père qui, apparemment, a été arrêté par des individus. Vous
4 avez dit que, tout de suite, vous avez eu un entretien avec votre père,
5 vous lui avez parlé. Vous avez même dit que votre père, il s'est mis à
6 pleurer. Il était dans un état de choc tel, que votre père, semble-t-il,
7 d'après ce que j'ai compris, s'est mis à pleurer. Vous vous êtes rendu tout
8 de suite, c'est bien cela, vous confirmez ?
9 R. Excusez-moi. J'ai dit que, quand je me suis trouvé face à la colonne,
10 j'étais à une certaine distance et que j'ai crié de
11 loin : qu'est ce qui se passe ? A ce moment-là, il est tombé en larmes,
12 mais je n'ai pas eu la possibilité de m'approcher de la colonne. C'est cela
13 que j'ai dit.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous-même, vous aviez une arme à ce moment-là ? Est-
15 ce que vous étiez armé, vous ? Vous n'aviez pas d'armes. Ceux qui gardaient
16 la colonne, ils étaient combien ?
17 R. C'était déjà presque la tombée de la nuit, donc je dirais qu'il y en
18 avait devant la colonne, il y en avait derrière et autour, des gens qu'ils
19 escortaient. A ce moment-là, je ne saurais vous dire le nombre exact, mais
20 à mon avis, d'après mon appréciation personnelle, ils étaient une dizaine.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils étaient une dizaine. Dans la colonne, ils
22 étaient combien de prisonniers, dont votre père et vos oncles ? Ils étaient
23 combien, eux ?
24 R. Je ne sais pas le nombre exact, mais il y avait mon père, il y
25 avait tous les voisins. Combien ils étaient exactement, au total, vraiment,
Page 11356
1 je ne sais pas.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ils étaient gardés par une dizaine. Vos
3 camarades de la 306e, qui étaient à l'école à Mehurici, ils étaient
4 combien, eux ?
5 R. Dans l'école de Mehurici, il y avait l'officier de permanence et peut-
6 être une partie du service logistique, pour autant que je le sache, les
7 responsables du Service santé, et cetera.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : En tout, il devait y avoir combien de soldats de la
9 306e ?
10 R. Monsieur le Président, dans ma déposition, j'ai dit que ce bataillon
11 était déployé, pour partie, sur le mont Vlasic, face à l'agresseur serbe,
12 et pour partie, dans le secteur du village de Kljaci. Les autres hommes,
13 ils étaient dans le village et ils étaient dans des maisons privées parce
14 qu'ils n'avaient nulle part où retourner. Il n'y avait pas de casernes,
15 donc certains rentraient chez eux dans leur famille. Le secteur était assez
16 vaste. Il y avait des hommes de plusieurs villages qui faisaient partie de
17 cette brigade.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Imaginons une hypothèse : que votre père et vos
19 oncles étaient capturés par des bandits de grand chemin -- une dizaine de
20 bandits de grand chemin. Est-ce que les forces locales de Mehurici
21 n'étaient pas capables d'intervenir militairement, dans l'hypothèse où ce
22 seraient des individus animés de mauvaises intentions ?
23 R. Monsieur le Président, j'ai dit qu'à Mehurici, il y avait l'officier de
24 permanence et une partie du Service logistique qui appuyaient le Service
25 santé. Au moment où ceci s'est passé, ils ne disposaient pas des forces
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1 dont vous parlez -- ils n'avaient pas les forces dont vous parlez.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Monsieur le Témoin, quelques questions
4 encore.
5 R. Bonjour.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] D'autres témoins entendus ici ont parlé
7 de Miletici et de ce qui s'y est passé. Je me souviens très bien que
8 certains d'entre eux ont parlé de Dedo, d'Avdo et d'Akif Suljic, autrement
9 dit, des membres de votre famille. Je me souviens les avoir également
10 entendu parler, très précisément, du courage que ces trois hommes ont
11 manifesté lorsqu'ils se sont portés au secours de leurs voisins. Vous, je
12 vous ai écouté attentivement, et j'aimerais savoir si je vous ai bien
13 compris. Est-ce que vous avez bien dit que vous étiez le fils de Dedo, et
14 pas d'Akif, n'est-ce
15 pas ?
16 R. De Dedo, oui, en effet.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit, cet après-midi, qu'après
18 les événements dont vous avez parlé, impliquant votre père, vous avez eu
19 des conversations avec lui à ce sujet, et qu'entre autres, il vous a dit
20 avoir vu arriver les Moudjahiddines, mais qu'il n'a jamais su pour quelle
21 raison les Moudjahiddines étaient venus à Miletici. La question que je vous
22 pose est la suivante : vous-même, personnellement, avez-vous la moindre
23 idée de la raison pour laquelle ils sont venus à Miletici, ou peut-être
24 d'autres personnes vous en auraient-elles parlé ?
25 R. Monsieur le Juge, cet événement représentait un choc pour nous. C'est
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1 la raison pour laquelle ni à ce moment-là, ni aujourd'hui, je n'ai la
2 moindre idée de la raison pour laquelle ils ont fait cela.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'aimerais vous poser encore une
4 question sur le même sujet. A la date en question, le 24 ou peut-être le 23
5 avril, y a-t-il eu des opérations militaires particulières ? Y a-t-il peut-
6 être un affrontement entre les forces présentes dans région, entre les
7 Serbes et les Musulmans ou peut-être entre les Croates et les Musulmans ou
8 entre d'autres forces, aux mêmes dates ?
9 R. Le 24 avril et dans cette période, il y avait des attaques très
10 intenses du HVO dans la région de Novi Travnik, d'après les informations
11 que j'ai reçues à l'époque, ainsi qu'à Vitez. Chez nous, on mettait
12 particulièrement l'accent sur la présence de tireurs embusqués qui, y
13 compris, parfois, tuaient des passants. Je crois me souvenir d'un exemple
14 impliquant un certain Dervis - j'ai retenu son prénom parce qu'il a le
15 prénom que moi - un certain Dervis qui est mort dans la région de Rudnik
16 sous les tirs d'un tireur embusqué. J'étais, à ce moment-là, au
17 commandement et j'ai entendu des hommes qui parlaient de la mort de ce
18 Dervis, mais je ne sais pas à quelle date exactement cela s'est passé. En
19 tout cas, c'était dans cette période.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais tout cela se situe assez loin de
21 Mehurici, n'est-ce pas ? Rudnik, Novi Travnik, toutes ces localités sont à
22 une distance assez importante de Mehurici, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, Monsieur le Juge, mais nous en avons entendu parler et on
24 entendait les bruits, les bruits de canons, les bruits de tirs, on les
25 entendait tout autour -- dans toute la région alentour.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais vous n'avez aucun souvenir de
2 quelque chose qui serait passé plus près de Mehurici et qui pourrait
3 expliquer ce qui s'est produit à Miletici ?
4 R. Je ne m'en souviens pas, Monsieur le Juge.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je suppose que votre père ou quelqu'un
6 d'autre - mais votre père avant tout, sans doute - vous a appris qui était
7 mort au cours de cet incident, du côté croate. Vous souvenez-vous du nom
8 des villageois croates qui ont été tués ce jour-là ?
9 R. Mais oui, cela je l'ai appris plus tard. Il y avait, parmi eux, un
10 certain Tihomir Pavlovic qui a fréquenté l'école en même temps que moi.
11 Nous étions camarade de classe. Il y avait Frano Pavlovic, et croyez-moi,
12 les autres noms, je ne m'en souviendrais pas. Je ne voudrais pas faire une
13 erreur.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ils étaient tous membres de la famille
15 Pavlovic ou Petrovic, résidant à Miletici, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Votre père ou d'autres personnes, vous
18 ont-elles parlé de l'identité des Moudjahiddines tués au cours de
19 l'incident ?
20 R. Non. Plus tard, j'ai entendu dire qu'un Moudjahiddine avait aussi été
21 tué au cours de cet incident, mais ce n'est pas mon père qui me l'a appris,
22 je l'ai appris plus tard d'après les rumeurs.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] A ce moment-là, avez-vous appris son
24 nom ou pas ?
25 R. Non.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ana Petrovic a été témoin de
2 l'événement. Vous rappelez-vous Ana Petrovic ? Est-ce quelqu'un que vous
3 connaissiez à Miletici, Ana Petrovic ?
4 R. Ana Petrovic, c'est une femme plus âgée ou une femme jeune ? Parce que
5 j'ai fréquenté l'école là-bas, mais il y avait plusieurs de nom Ana.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vais vérifier sa date de naissance,
7 je ne la connais pas par cœur. Je ne saurais vous le dire, mais je pense
8 qu'il s'agissait d'une femme de 50, 60 ans, en tout cas, pas quelqu'un
9 d'aussi jeune que vous, à l'époque.
10 R. Monsieur le Juge, les femmes âgées du village avaient en général des
11 surnoms. Il y avait Malinka, Grahovka, Zdravkinica et d'autres. Je ne
12 saurais vous confirmer leurs prénoms réels. Mais je sais que les noms de
13 familles dans le village étaient Pavlovic, Petrovic. Seulement, je ne
14 saurais vous confirmer les prénoms.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous pose cette question car c'est
16 une femme qui a été témoin de l'événement et qui a reconnu le soldat tué au
17 cours de l'incident. Elle a dit : c'était un de nos voisins. Donc je
18 pensais que peut-être vous connaîtriez son nom également, mais vous ne le
19 connaissez pas, apparemment.
20 R. Je ne sais pas, Monsieur le Juge. Les hommes, que j'ai vus, portaient
21 un masque sur le visage, et j'ai déjà décrit leurs vêtements. Il faisait
22 presque nuit, et vraiment, je ne sais pas de qui vous parlez.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si vous ne savez pas, vous ne savez
24 pas. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
25 R. Je vous en prie.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.
2 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation n'a pas
3 d'autres questions à poser au témoin. Toutefois, j'aimerais que nous
4 puissions faire la pause plus tôt si cela est possible. Je souhaiterais
5 pouvoir m'adresser à la Chambre de première instance en l'absence du
6 témoin. Si le témoin pouvait sortir du prétoire et, ensuite, je
7 souhaiterais m'adresser à vous et nous pourrions avoir notre pause.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 17 heures 20, nous allons faire la pause tout
9 de suite parce que nous devions la faire, de toute façon, dans quelques
10 minutes. Nous reprendrons vers 6 heures moins quart. Je redonnerai la
11 parole à l'Accusation, puis à la Défense.
12 L'audience est suspendue jusqu'à 17 heures 45.
13 [Le témoin se retire]
14 0--- L'audience est suspendue à 17 heures 22
15 --- L'audience est reprise à 17 heures 46.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'Accusation, je vous donne la parole en
17 présence du témoin.
18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peu de temps
19 avant la pause, et à la suite d'une -- conformément aux déclarations faites
20 par le Président, l'Accusation a retiré -- est allée chercher, à l'unité
21 des moyens de preuve, un meilleur exemplaire du P690 que nous avons
22 maintenant. En fait, j'ai montré cela, pendant la pause, au conseil de la
23 Défense, et je voudrais tout simplement, avec l'aide de Mme l'Huissière,
24 demander que ce document original soit fourni maintenant à la Chambre.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre prend connaissance de ce document
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1 et, effectivement, apparaît comme destinataire, un dénommé Suljic, Dervis.
2 Qu'est-ce que l'Accusation tire comme conclusion ?
3 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation se réserve
4 le droit de dégager des conclusions à propos de ce document. Nous voulions
5 tout simplement attirer l'attention de la Chambre de première instance sur
6 cet élément. J'aimerais également vous indiquer qu'à la première page, là
7 où il y a le cachet, il y a une indication manuscrite. Alors, il est un
8 tant soit peu difficile de lire cela, mais il semblerait que la date qui y
9 figure est la date du 13 juin 1992. Cela est écrit à la main sur le cachet,
10 qui se trouve dans le coin supérieur à gauche, en sus de la date du 20 juin
11 1993. Ces deux dates, le 20 juin et le 13, semblent avoir été écrites à la
12 main, au niveau du cachet. L'Accusation se réserve le droit de présenter
13 toute observation à propos des destinataires de ce document. Nous voulions,
14 pour le moment, attirer votre attention sur cela.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : A ce stade, qu'est-ce que la Défense peut dire ? Ou
16 vous ne voulez rien nous dire ?
17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense n'a pas
18 de point de vue bien tranché. Nous ne voyons pas pourquoi ce document est
19 pertinent pour ce témoin, alors que l'Accusation utilise ce témoin pour
20 jeter un discrédit sur le témoin peut-être. Mais j'aimerais attirer votre
21 attention sur deux éléments. Le document, à proprement parler, le témoin
22 nous a dit qu'il ne l'avait jamais vu, qu'il n'avait jamais reçu d'ordres
23 de ce genre, donc il faudrait peut-être montrer ce document à quelqu'un qui
24 aurait une opinion contraire à ce sujet.
25 Deuxièmement, à propos du document, à proprement parler, je dirais qu'il
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1 contient beaucoup plus d'illogismes que celui que nous avons étudié,
2 puisque nous avons maintenant un meilleur exemplaire -- un exemplaire de
3 meilleure qualité. Il est au numéro 11, commandant et communication. Il y
4 est dit : "Les unités seront commandées par les commandants des unités qui
5 sont, dans un premier temps, identifiés et seront obligés de transmettre
6 l'ordre aux unités subordonnées." Au paragraphe 5,1, il est fait état de la
7 17e Brigade de la Krajina. La 306e Brigade est également énumérée. La 7e
8 Brigade. Elles se trouvent toutes énumérées au paragraphe 5,1. A la fin, le
9 témoin a reconnu le nom de famille de son commandant, mais, en fait, nous
10 ne voyons pas pourquoi un commandant d'une brigade serait à même de donner
11 des ordres aux commandants d'autres brigades ou d'autres unités. Nous ne
12 voyons pas pourquoi les commandants des unités, qui ont été mentionnées,
13 dans un premier temps, à savoir, la 17e, la 306e et la 7e, n'ont jamais reçu
14 ce document, et si ce document a été envoyé à des personnes telles que le
15 témoin que nous avons entendu aujourd'hui. Je pense que, pour ces raisons,
16 dans ce document où il a été question de conditions et des circonstances --
17 et nous avons entendu, d'ailleurs, à plusieurs reprises, le témoin parler à
18 ce sujet, et il a indiqué comment est-ce que les ordres étaient donnés,
19 comment ils étaient envoyés ou transmis ou non. Tout simplement, la Défense
20 ne comprend pas ou ne voit pas quelle est la raison pour laquelle
21 l'Accusation utilise ce document et pose des questions à propos de ce
22 document au témoin. Nous ne comprenons pas quelle est leur intention et
23 nous ne comprenons pas non plus l'importance du document.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Monsieur Dixon, il y a longtemps qu'on ne
25 vous a pas entendu. Je vous donne, bien volontiers, la parole.
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1 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner la
2 possibilité d'intervenir. J'aimerais, en fait, intervenir de façon assez
3 semblable à l'intervention de Me Residovic. En d'autres termes, si
4 l'Accusation réserve son point de vue et la conclusion qu'elle dégagera à
5 partir de ce document, nous considérons que la question est réglée pour ce
6 qui est des questions qui pourraient être posées par l'Accusation à propos
7 de la crédibilité de ce témoin. En d'autres termes, si l'Accusation
8 souhaite indiquer que le témoin est en train de mentir ou n'a pas dire la
9 vérité pour certaines raisons -- pour une raison qui est pertinente et
10 relative aux chefs d'inculpation de l'acte d'accusation, nous pensons que
11 l'Accusation doit véritablement l'indiquer maintenant et doit indiquer que
12 le témoin ne dit pas la vérité parce qu'il essaie, en fait, de dissimuler
13 quelque chose à propos de ces forces irrégulières.
14 Mais, si l'Accusation souhaite tirer cette conclusion à une date
15 ultérieure, nous pensons, en fait, qu'il faudrait et qu'il serait équitable
16 de donner la possibilité au témoin de répondre à propos de ce qui
17 correspond à la vérité ou non; sinon, nous pensons que le document n'a
18 aucune pertinence par rapport aux chefs d'inculpation de cet acte
19 d'accusation. Nous ne comprenons pas la pertinence de ce document par
20 rapport à la responsabilité du commandement ou par rapport aux chefs
21 d'inculpation. Il se peut que le témoin soit incapable de se souvenir d'un
22 document pour un certain nombre de raisons. Après tout, cela se passe dix
23 voire 12 ans plus tard, et nous pensons qu'aucune importance ne doit être
24 rattachée à ce fait. Nous pensons que, si l'Accusation souhaite accorder
25 une importance à cela, il faudrait -- et si l'Accusation souhaite utiliser
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1 cela à la fin de la présentation des moyens, nous pensons qu'ils doivent
2 pouvoir donner la possibilité au témoin de répondre maintenant. Voilà,
3 Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je résume la position de la Défense. La
5 Défense nous dit, si l'Accusation veut utiliser ce document, elle peut
6 alors, soit afin de vérifier la crédibilité du témoin et lui présenter le
7 document en lui disant, vous nous avez dit tout à l'heure que vous n'avez
8 pas eu connaissance, alors que votre nom apparaît. Mais la Défense fait
9 valoir, comme il s'agit de faits qui remontent à plusieurs années, il se
10 peut que le témoin ait oublié et que voilà ce qui pourrait être en tirer
11 comme conclusion.
12 Monsieur Mundis, que voulez-vous faire ? Allez-vous rendre le document ?
13 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bien sûr, ce
14 document est un document qui est déjà versé au dossier. L'Accusation pense
15 -- à propos du document et à propos de la teneur et du fond du document,
16 nous pensons, en fait, que ce sera à la fin de la présentation de tous les
17 moyens de preuve qu'il faudra voir et juger l'importance et la pertinence
18 des moyens de preuve. Nous pensons, en fait, que le témoin a témoigné de
19 façon très claire, et il nous a dit qu'il ne se souvenait pas avoir jamais
20 vu ce document et il nous a dit qu'il ne connaissait pas la teneur de ce
21 document. Il nous a dit qu'il n'a jamais été -- il n'a jamais assumé la
22 fonction de commandement des troupes dans les secteurs énumérés au
23 paragraphe 5,6 de ce document. En ce qui concerne l'Accusation, nous lui
24 avons montré cette version du document -- lui ont montré une version du
25 document qui indique son nom comme étant l'un des destinataires du document
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1 ne nous permettra d'aller au-delà de cela. Comme je vous l'ai indiqué au
2 préalable, nous ne prévoyons pas de poser d'autres questions au témoin à
3 propos de ce document. Son point de vue a été exprimé de façon très, très
4 claire, compte tenu des réponses qu'il nous a accordées au préalable.
5 Merci.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il n'y aura pas donc de questions au témoin
7 sur ce document. On va faire venir le témoin pour tout autre sujet.
8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, avez-vous des questions à poser au
10 témoin après les questions des Juges ?
11 M. MUNDIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que les avocats ont des questions à poser au
13 témoin après les questions des Juges ?
14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, oui.
15 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :
16 Q. [interprétation] Monsieur Suljic, lorsque la question vous a été posée
17 par M. le Juge, vous nous avez dit qu'il y avait quelque dix personnes
18 armées qui ont pris votre père ainsi que vos voisins, et qu'ils les ont
19 emmenés vers un camp. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous savez
20 combien de Moudjahiddines étaient présents dans le camp, à ce moment-là ?
21 R. Non.
22 Q. Pour ce qui est du nombre de Moudjahiddines dans le camp, est-ce que
23 vous seriez d'avis que ce nombre était supérieur à dix ou est-ce qu'il y
24 avait environ dix Moudjahiddines ?
25 R. Je pense qu'il y en avait plus. Je pense qu'ils étaient plus nombreux,
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1 d'après ce que je pouvais voir parce qu'il y en a eu de plus en plus.
2 Q. J'aimerais vous poser une autre question. J'ai cru comprendre que vous
3 avez dit qu'ils étaient tous armés. Pourriez-vous nous dire maintenant la
4 chose suivante : en sus des armes qu'ils avaient, d'où leur venaient leur
5 force et leur pouvoir ? Est-ce que vous pourriez nous l'indiquer si vous le
6 savez ?
7 R. Je pense avoir déjà indiqué qu'ils exerçaient une certaine influence
8 sur la population parce qu'ils avaient de l'argent. Ils distribuaient des
9 vivres aux familles avec qui, ils avaient établi des contacts. C'est ainsi
10 qu'ils ont pu essayé d'attirer la population vers eux.
11 Q. En votre qualité d'officier du Renseignement, et je sais que vous étiez
12 très jeune à l'époque, avez-vous été en mesure d'évaluer les conséquences
13 d'un conflit armé avec ces personnes pour la population, en règle
14 générale ?
15 R. A cette époque, il y avait un conflit avec les Croates que nous
16 essayions d'éviter, mais nous n'avons pas pu l'éviter. Avec les Chetniks,
17 il y avait deux lignes de front. La troisième ligne de front était en train
18 de se créer, donc, au vu de cette situation, je peux vous dire qu'en tant
19 qu'officier, c'était une situation qui ne nous convenait absolument pas.
20 Q. Je vous poserai ma dernière question. Avez-vous pensé que ce genre de
21 conflit pourrait diviser la population ?
22 R. Oui, bien sûr. Parce qu'ils essayaient d'attirer les gens, d'après ce
23 que j'ai entendu dire, ils leur donnaient de l'argent. Ils distribuaient
24 des vivres, et cetera.
25 Q. Pourriez-vous vous me dire si la 306e Brigade ou toute autre unité de
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1 l'ABiH était en mesure de prendre ce genre de décision ou est-ce que cela
2 devait être une décision politique prise dans les cercles supérieurs ?
3 Qu'en dites-vous ?
4 R. Je pense qu'à l'époque, la 306e Brigade n'aurait pas pu prendre la
5 décision d'avoir un conflit avec ces personnes.
6 Q. Merci.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
8 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de
9 questions à poser au témoin.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Capitaine, votre audition de ce jour vient de se
11 terminer puisque vous avez répondu à toutes les questions tant posées par
12 les avocats que l'Accusation, que les Juges. Nous vous remercions d'être
13 venu témoigner à La Haye. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour. Je
14 vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la
15 porte de la salle d'audience. Je vous remercie.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 [Le témoin se retire]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers l'Accusation. A-t-on un témoin de
19 disponible ? Il nous reste une heure.
20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avions demandé
21 que le deuxième témoin soit disponible à 17 heures. Je pense qu'il est là
22 et qu'il attend. Il s'appelle Dr Enes Ribic.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : On va introduire le Dr Ribic.
24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour. Je vais d'abord vérifier que vous entendez
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1 bien, dans votre langue, la traduction de mes propos. Si c'est le cas,
2 dites : je vous entends et je vous comprends.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends et je vous comprends.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité comme témoin par la Défense.
5 Avant de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier. Je vous
6 demande de bien vouloir me donner votre nom, prénom, date de naissance, et
7 lieu de naissance.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Enes Ribic. Je suis né le 26 mai
9 1937, à Jezero près de Jajce en Bosnie.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre fonction, votre qualité actuelle ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis médecin à l'hôpital général de Jajce.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992, 1993, quelles étaient, à l'époque, votre
13 fonction et qualité ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais le même métier, j'étais médecin.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez, à l'époque, médecin militaire ou médecin
16 civil ? Si vous étiez médecin militaire, étiez-vous affecté dans une
17 unité ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaillais, à la fois, en tant que médecin
19 militaire et en tant que médecin civil. Pendant une certaine période, j'ai
20 été mobilisé, et ce, pour les besoins d'une des brigades. Parallèlement,
21 j'ai continué à travailler comme médecin pour la population civile.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été mobilisé pour quelle brigade, quelle
23 unité de cette brigade ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour la 27e Brigade.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : La 27e Brigade. Avez-vous déjà témoigné devant un
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1 tribunal international ou national sur les faits qui se sont déroulés en
2 Bosnie-Herzégovine en 1992, 1993, ou est-ce la première fois que vous venez
3 témoigner ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous demander de bien vouloir lire la
6 prestation de serment que Mme l'Huissière va vous remettre.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN: ENES RIBIC [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Docteur. Vous pouvez vous asseoir.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Docteur, avant de donner la parole aux avocats qui
14 vont vous poser des questions, voilà, vous entendez ?
15 Avant de donner la parole aux avocats qui vont vous poser des questions, je
16 vais vous donner quelques indications sur la façon dont va se dérouler
17 l'audience d'aujourd'hui, qui va se terminer de toute façon à 19 heures, et
18 l'audience demain qui commencera à 9 heures du matin.
19 Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par un
20 avocat d'un des accusés. Ensuite, le cas échéant, l'autre avocat du second
21 accusé pourra aussi vous poser des questions.
22 A l'issue de cette phase, l'Accusation qui est à votre droite pourra elle
23 aussi vous poser des questions. Les questions de l'Accusation, vous vous en
24 rendrez compte, sont de nature un peu différente de celle de la Défense,
25 l'Accusation dans les questions vise deux choses : vérifier la crédibilité
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1 des dires du témoin ou par des questions, et avoir des précisions sur les
2 réponses que vous avez faites ou des avocats des accusés.
3 Les deux juges qui sont devant vous - en réalité, nous sommes trois, mais
4 il y en a un qui est absente pour une raison professionnelle, donc nous
5 sommes deux - nous pouvons, nous, à tout moment vous poser également des
6 questions. En règle générale, nous attendons la fin de l'interrogatoire et
7 du contre-interrogatoire pour venir vous poser des questions, soit pour
8 éclaircir des réponses que vous avez faites, soit pour venir combler des
9 lacunes que nous ressentons.
10 Dans la mesure du possible, essayez d'être clair dans vos réponses parce
11 que nous sommes, dans le cadre d'une procédure orale, tout ce que vous
12 dites va être transcrit dans un document, c'est ce qui constituera le
13 support oral de votre audition, et il se peut, que la Défense ou
14 l'Accusation, voire parfois les Juges, vous présentent des documents pour
15 recevoir votre avis sur le document.
16 Par ailleurs, je me dois de rappeler également deux autres éléments que je
17 rappelle à tout témoin, mais, dans votre cas, c'est vraiment pour la forme,
18 vous avez prêtez serment de dire toute la vérité, donc vous comprenez bien
19 que cela exclut tout faux témoignages.
20 Par ailleurs, nous sommes dans une procédure qui est mixte, c'est-à-dire,
21 c'est une procédure de commune la et de civil la et dans cette procédure il
22 y a une disposition tout à fait exceptionnelle qui fait que, lorsque le
23 témoin répond à des question, si jamais il était amené à donner des
24 informations qui pourraient être un jour utilisées contre lui, à ce moment-
25 là, il faut que le témoin sache qu'il bénéficie d'une immunité. Il peut
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1 donc dire tout ce qu'il à dire en toute tranquillité et sérénité.
2 Voilà de façon très générale comment va se dérouler cette Audience, si vous
3 ne comprenez pas une question, demandez à celui qui vous la pose de la
4 reposer parce que, parfois, les questions sont assez complexes et, à ce
5 moment-là, il faut faire préciser l'objet de la question. S'il y a une
6 difficulté quelconque, vous, vous nous l'indiquez, nous sommes là également
7 pour répondre aux attentes du témoin parce que le témoin a le devoir de
8 témoigner, mais il bénéficie également de droits. Voilà de façon générale,
9 comment va se dérouler cette audience qui vous est consacré.
10 Il nous reste cinquante minutes, je vais donner la parole aux avocats qui
11 vont commencer à vous poser des questions.
12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Interrogatoire principal par Mme Residovic :
14 Q. [interprétation] Bonsoir, Monsieur Ribic.
15 R. Bonsoir.
16 Q. M. le Président vient de vous fournir certaines informations et
17 j'aimerais vous transmettre les renseignements suivants. Nous parlons la
18 même langue, vous et moi, et vous souhaiteriez répondre immédiatement aux
19 questions que je formulerai, mais, étant donné que ces questions et
20 réponses doivent être interprétées, je vous serais extrêmement
21 reconnaissante de bien vouloir marquer une pause après chaque question et
22 chaque réponse. M'avez-vous comprise, ce afin que tout le monde puisse vous
23 comprendre dans le prétoire.
24 Q. Pourriez-vous me dire où vous avez vécu avant la guerre, Docteur
25 Ribic ?
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1 R. A Jajce.
2 Q. Où vivez-vous maintenant ?
3 R. Dans ma maison, à Jajce.
4 Q. Avez-vous jamais dû quitter l'endroit où vous viviez ?
5 R. Malheureusement, j'ai dû quitter et ma demeure et ma ville.
6 Q. Pourriez-vous nous relater quand est-ce que cela s'est produit et
7 pourquoi vous avez dû quitter Jajce ?
8 R. Cela s'est passé le 27 octobre 1992 lorsque les forces serbes et ce
9 après 7 mois d'agression, après avoir bombarder, pilonner, après avoir tué
10 des gens, après avoir brisé les lignes de défense, après l'évacuation,
11 c'est à ce moment-là que cela s'est passé.
12 R. En réponse à une question qui vous a été posée par la Chambre de
13 première instance, vous nous avez dit que vous étiez médecin; est-ce que
14 vous pourriez nous décrire votre parcours scolaire et universitaire ?
15 R. J'ai étudié à l'Ecole de médecine de Sarajevo. J'ai obtenu mon diplôme
16 en 1962 puis je me suis spécialisé en médecine générale à Zagreb et c'est
17 là que j'ai soutenu ma thèse dans le domaine où je travaille.
18 Q. Vous avez dû quitter Jajce dans les conditions que vous avez décrites.
19 Est-ce que vous pourriez nous dire où est-ce que vous vous êtes rendu et
20 est-ce que vous vous êtes rendu auprès de quelqu'un, est-ce que vous avez
21 présenté un rapport auprès de quelqu'un ?
22 R. En fait, il s'agissait d'un voyage, d'un voyage qui a représenté ou que
23 j'ai fait pour ma survie en quelque sorte. J'ai dû passer par les bois, par
24 des montagnes, la région était complètement assiégée, encerclée. Nous
25 disions que nous nous étions entourés de Chetniks et c'est le terme
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1 péjoratif que nous utilisions pour les soldats serbes et l'armée
2 yougoslave. Après avoir passé sept heures, dans ces conditions, enfin,
3 vous savez quelle était la situation en octobre 1992, les conditions
4 étaient absolument épouvantables, il a fallu que nous soyons évacués et que
5 nous partions dans ces conditions. Mais, très heureusement, j'étais avec ma
6 femme et avec notre voiture, donc cela ne nous a pas touchés dans une
7 grande mesure.
8 Mais après sept heures, nous sommes arrivés dans la ville de Travnik
9 et, en général, on pouvait l'atteindre en une heure. Donc j'ai voyagé
10 pendant deux journées et demie et les conditions étaient extrêmement
11 pénibles et nous ne savions pas si nous allions survivre d'une heure à
12 l'autre ou d'une minute à l'autre. Très heureusement, après que nous sommes
13 arrivés à Travnik où j'avais d'ailleurs un membre de ma famille, un médecin
14 m'a logé à Travnik et le lendemain, puisque nous y étions arrivés vers 2
15 heures du matin, je me présenté auprès du centre Médical de Travnik. Je me
16 suis présenté auprès du directeur, Halid Genic, et je me suis mis à leur
17 disposition.
18 Q. A ce moment-là, vous a-t-on donné le choix donc du lieu où vous alliez
19 travailler ?
20 R. Puisqu'à l'époque, j'avais déjà des titres très importants et beaucoup
21 d'expérience, naturellement, je venais renforcer, comment dirais-je, leur
22 équipe de santé à Travnik. Il y avait pas mal de médecins. Certains
23 s'étaient enfuis et le directeur du dispensaire m'a offert un choix, soit
24 le poste de chef des urgences à Travnik, parce qu'à l'époque le Chef était
25 enceinte, donc elle était en congé de maternité, et l'autre possibilité
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1 était d'aller à Mehurici. C'est la première fois que j'entendais parler de
2 ce village près de Travnik, et la situation était impossible pour tout ce
3 qui est des vivres dans la ville. Je me suis dit qu'on était mieux placé à
4 la campagne. Il y avait plus de chance de survivre. J'ai donc opté pour ce
5 village-là et pour exercer, en tant que médecin, dans le village de
6 Mehurici.
7 Q. Docteur, quand vous êtes allé à Mehurici, est-ce qu'on a mis à votre
8 disposition des locaux ? Est-ce qu'on vous a donné la possibilité
9 d'organiser -- de mettre sur pied un dispensaire où vous auriez pu
10 exercer ?
11 R. Oui, le Dr Genic m'a emmené, à bord de son véhicule particulier, dans
12 le village. Il m'a montré le bâtiment qui était tout à fait en bon état. Il
13 était récent. Il y avait un logement de fonction à l'étage. En dessous, il
14 y avait l'espace destiné au dispensaire. L'appartement était vide, mais
15 après le martyr que j'avais vécu depuis le départ, j'ai éprouvé un
16 soulagement. Enfin, c'est vrai aussi que j'ai passé quelques journées chez
17 un parent. Je suis entré dans un appartement vide, mais j'avais un toit et
18 j'étais très reconnaissant qu'on ait pu me fournir un toit, compte tenu de
19 la situation.
20 Q. Vous ai-je bien compris, Docteur, que votre appartement et le
21 dispensaire -- le cabinet étaient au même endroit, dans un même bâtiment ?
22 R. Oui. Le dispensaire de Mehurici avait, au rez-de-chaussée, plusieurs
23 pièces, et à l'étage, il y avait le logement réservé au médecin ainsi qu'à
24 son assistant.
25 Q. Ces pièces réservées au dispensaire, est-ce qu'avant la guerre elles
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1 avaient servi aux mêmes choses ?
2 R. Oui, absolument. C'était un dispensaire qui n'était utilisé
3 qu'exceptionnellement, pas tous les jours. C'est trois fois par semaine
4 qu'un médecin s'y rendait. Or, j'ai travaillé tous les jours et toutes les
5 nuits. C'est le village qui se situe à 15 kilomètres de la ville.
6 Q. Docteur, avez-vous été aidé pour équiper le dispensaire, après votre
7 arrivée ?
8 R. Il y avait l'équipement minimum, qui n'était pas suffisant pour les
9 besoins de guerre, sur place. Je me suis adressé aux établissements
10 voisins, encore une fois, à l'hôpital de Travnik et également à la ville de
11 Zenica. Je me suis adressé au directeur de l'hôpital de Zenica, qui m'a
12 aidé, qui m'a fourni du matériel médical. On en a reçu aussi, une certaine
13 quantité, de la part de nos organisations humanitaires.
14 Q. Spontanément, vous nous avez dit que vous avez travaillé tous les jours
15 et même toutes les nuits. Pouvez-vous nous dire, vers la fin de 1992 et
16 puis en 1993, combien de temps passiez-vous au dispensaire ?
17 R. Dans cette localité, ce village de Mehurici, je suis resté pendant
18 trois années et huit mois. Jamais je n'ai été libre. J'ai toujours exercé.
19 Je peux dire, à tout moment, j'étais la personne la plus âgée, ayant le
20 plus de qualification, la plus compétente, donc j'ai travaillé sans cesse.
21 Rarement, je me suis rendu à Zenica pour aller chercher des médicaments et,
22 à ce moment-là, j'en profitais pour aller rendre visite à l'un de mes
23 parents.
24 Q. Docteur, vous avez déjà dit que vous étiez médecin à la fois pour les
25 civils et pour les militaires. J'aimerais savoir si, en tant que médecin,
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1 vous faisiez une distinction quelconque entre vos patients, que ce soit
2 selon le fait qu'ils étaient civils ou militaires ou que ce soit par
3 rapport à leur origine ethnique ou religieuse.
4 R. Vous ne pouvez pas cette question aux médecins qui ont tous prêté le
5 serment d'Hippocrate, donc je pense que c'est une question superflue
6 lorsqu'on s'adresse à un médecin.
7 Q. Merci. Dites-moi, s'il vous plaît, si pendant cette période-là, vous
8 vous rendiez dans les différents villages, ou est-ce que vous receviez
9 aussi des patients croates des villages ?
10 R. Bien entendu, souvent, ou assez souvent, il m'est arrivé d'aller dans
11 ces villages ou des hameaux pour soigner tous les civils selon le besoin.
12 Donc, s'il y avait des civils qui ne pouvaient pas se rendre au
13 dispensaire, je me rendais dans les villages alentour pour les voir sur
14 place, s'ils n'étaient pas capables de se déplacer. Il y avait là à la fois
15 des catholiques et des orthodoxes et des Musulmans, donc des Croates, des
16 Serbes et des Bosniens.
17 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, si à votre arrivée à Mehurici ou à un autre
18 moment à partir de là, vous avez remarqué la présence des étrangers.
19 R. Hélas, oui.
20 Q. Qui étaient ces individus ? Pouvez-vous les décrire ?
21 R. Je pense qu'ils n'étaient pas de la même race que nous, pour m'exprimer
22 ainsi. Je savais que c'étaient des individus venus de pays arabes. Ils
23 avaient le teint basané pour la plupart. Ce n'étaient pas des Hindous
24 européens.
25 Q. Où les avez-vous vus ? Savez-vous où ils étaient stationnés au moment
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1 où vous êtes arrivé, et savez-vous si, par la suite, ils se sont déplacés
2 pour s'installer ailleurs ?
3 R. Oui. Je les ai vus pour la première fois lorsque je suis arrivé à
4 Mehurici. Je suis venu me présenter au commandant de l'ABiH de l'époque. Je
5 pense qu'il s'appelait Camdzic. C'était un jeune officier tout à fait
6 correct. J'ai vu là, à l'un des étages - je n'arrive pas à me rappeler très
7 bien -- à l'un des étages, il y avait le commandement et, à un autre étage,
8 j'ai vu qu'il y avait ces gens-là qui ne faisaient pas partie de nous --
9 qui n'étaient pas des nôtres, et ce n'est pas à eux que je me suis venu me
10 présenter. Je me suis présenté à celui à qui je devais le faire, pour les
11 besoins de l'armée parce que j'étais le seul médecin dans le secteur, à
12 l'époque, et je pensais qu'il fallait bien que j'aide non seulement les
13 civils, mais aussi que je sers pour les besoins de l'ABiH.
14 Q. Docteur Ribic, avez-vous appris, à un moment donné, que ces
15 Moudjahiddines s'étaient déplacés pour s'installer ailleurs, qu'ils avaient
16 changé de place ? Si oui, savez-vous où ils sont partis de l'école ?
17 R. C'est à 500 mètres, je sais, de l'école, qu'ils sont allés s'installer,
18 dans des maisons serbes désertées. A 500 mètres environ, à la sortie du
19 village de Mehurici.
20 Q. Docteur, vous étiez beaucoup en contact avec les gens. Avez-vous pu
21 remarquer quelle a été l'attitude de ces étrangers à l'égard de la
22 population locale ?
23 R. Au départ, ils étaient très modestes, pas arrogants. Ils étaient
24 ouverts, souriants. Ils montraient qu'ils souhaitaient nous aider dans ce
25 martyr dans lequel on s'était trouvé.
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1 Q. Docteur Ribic, avez-vous remarqué un changement dans leur comportement
2 envers la population ?
3 R. Naturellement. Lorsqu'il y a eu escalade du conflit, on a pu voir très
4 nettement que ces gens n'étaient pas venus pour rester les bras croisés.
5 Ils étaient venus pour combattre. Là, le rapport a changé. Ils sont devenus
6 des soldats. Ils se sont transformés de personnes tout à fait souriantes et
7 aimables en personnes renfrognées et, comment dirais-je, sérieuses.
8 Personnellement, ils me faisaient peur.
9 Q. Est-ce qu'il y a eu un clivage dans la population par rapport à ces
10 étrangers, donc pour les raisons de leur arrivée et pour ce qui est aussi
11 de leurs convictions religieuses ou autres ?
12 R. Oui, certainement. Parce qu'ils ont commencé à former une soi-disant
13 unité. On a pu voir qu'ils y mettaient beaucoup de zèle. Ils étaient très
14 disciplinés, et je dois dire aussi, ils avaient leur exercice tous les
15 jours. Il y avait un appui logistique, afin de la nourriture, qui était
16 bonne. J'ai pas mal de jeunes hommes qui se sont ralliés à eux. C'étaient
17 des gens qui commençaient à avoir faim. C'étaient des réfugiés, nos
18 réfugiés qui s'étaient trouvés sur place. Car ce que j'ai oublié de dire,
19 c'est que, pendant ce maintien de Jajce, environ 25 000 personnes se sont
20 trouvées dans rien que pour une seule ville, il y avait tant de personnes.
21 La vallée de Jajce était pleine de réfugiés et beaucoup de ces habitants de
22 Jajce avaient faim, avaient soif. Bien entendu, si on leur donnait la
23 possibilité de manger à leur faim, ils ne refusaient pas. C'est naturel que
24 ces jeunes hommes se rapprochaient de ces individus qui avaient commencé de
25 mettre pied leur unité.
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1 Q. Docteur Ribic, à un moment donné, au printemps 1993, dans votre
2 dispensaire, est-ce que vous avez eu un contact quel qu'il soit avec un
3 Moudjahiddine ? Si oui, pour quelle raison est-il venu au dispensaire ?
4 R. Ils avaient un service médical à part. Ils ne faisaient pas appel à
5 moi. Mais certains se mariaient, épousaient des jeunes filles du coin, et
6 si leur épouse était malade, elle ne pouvait pas bénéficier des soins de
7 leur service, mais elle se rendait au dispensaire civil parce qu'encore une
8 fois, je travaillais aussi avec des civils. Ce que je dirais, c'est que je
9 ne me souviens pas qu'il y ait eu parmi eux qui que ce soit qui ait fait
10 appel à moi. Je ne me souviens pas que parmi eux il se serait adressé à
11 moi. Ils avaient leur service.
12 Q. Est-il arrivé qu'un Moudjahiddine vous amène une femme blessée ?
13 R. Oui. Après l'incident, même si on pourrait appeler cela autrement,
14 c'est quelque chose qui s'est produit dans un village à deux kilomètres
15 environ de mon dispensaire, l'un d'entre eux m'a emmené une femme blessée,
16 une femme assez âgée. Je pense que son prénom était Marija. Je sais qu'elle
17 a été blessée, et c'est à ce moment-là que cet incident ou plutôt crime
18 s'était produit, qu'il y a eu des victimes civiles dans ce village.
19 Q. Avez-vous soigné cette femme ? Vous a-t-elle dit ce qui s'était
20 produit ?
21 R. J'ai vu une personne dans un état de choc. Elle ne cherchait pas à
22 parler. Elle avait peur de parler même si je me suis montré prêt à l'aider.
23 Je me suis montré plein d'humanité. Elle a dit qu'elle était dans sa
24 maison, que les Moudjahiddines y avaient jeté une grenade à main, et elle a
25 dit qu'il y a eu des tués. Elle a été blessée lorsque cette grenade est
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1 tombée dans la maison. Elle ne m'a donné que quelques bribes d'information.
2 Q. Docteur Ribic, fin mai, début juin, est-ce qu'il y a eu une
3 détérioration de la situation dans la vallée de la Bila ? Est-ce que cela a
4 eu un impact sur votre travail en tant que médecin ?
5 R. Je voudrais dire que dès le départ, quand j'ai commencé à travailler,
6 je recevais compassion à la foi non croate, catholique. C'étaient mes
7 patients réguliers. Comme j'ai déjà dit, je me rendais chez eux, à
8 domicile. J'avais même noué des relations d'amitié avec quelques-unes de
9 ces personnes. Mais ce que je peux vous dire, ce que je sais, en tant que
10 médecin, et je dois dire aussi que j'ai une formation militaire, je suis
11 officier de réserve pour les services médicaux de l'armée, donc je ne suis
12 pas tout à fait un profane. Je dois dire qu'il y a eu une exacerbation des
13 tensions entre les unités du HVO et l'ABiH. Ce que je peux dire, et je peux
14 affirmer catégoriquement, que le responsable, le coupable exclusif de cela
15 était le HVO.
16 Q. Docteur Ribic, pouvait-on circuler librement dans la vallée de la
17 Bila ? Pouvait-on facilement sortir de la vallée vers les villes voisines ?
18 R. Précisément, même s'ils étaient minoritaires. D'un point de vue
19 militaire, c'était une force moins importante que l'armée. Ils étaient
20 arrogants. Ils dressaient des barrages sur les routes. Ils ne laissaient
21 pas circuler. Ils ont, par exemple, couper la route entre les deux villes,
22 disons libre de l'époque, au degré de leur liberté, cela est une autre
23 question. Entre Zenica et Travnik, c'étaient des villes qui étaient pleines
24 de la VJ aussi, le village de Guca Gora et d'Ovnak, donc vers Travnik et
25 vers Zenica, il y avait un blocus total. C'est au péril de ma propre vie
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1 que je suis allé passer par ce barrage parce qu'en tant qu'humaniste, j'ai
2 tenté de passer. Je reconnais que les soldats du HVO ont accepté ma
3 justification, donc mon explication du passage, des raisons du passage. Je
4 ne peux pas dire qu'ils m'ont harcelé ou que l'un quelconque de ces gars du
5 HVO m'ait infligé de mauvais traitement. Je passais par le barrage, mais,
6 au moment où le conflit s'est déclenché, même cela s'est arrêté, je ne suis
7 pas sorti pendant environ un mois et demi. Je n'ai même pas tenté parce que
8 je savais que le risque était très grand. L'on entendait des coups de feu,
9 il y avait des tirs.
10 Q. Docteur Ribic, si je vous ai bien compris, pendant le mois de mai, vous
11 n'avez jamais pu sortir ?
12 R. Je crois que cela a duré plus d'un mois. Je ne sais pas si c'était au
13 mois de mai, mais c'était pendant cette période qui a précédé le conflit.
14 Même pour des besoins les plus fondamentaux, on ne pouvait pas sortir.
15 Aucune communication n'était possible. Il n'y avait pas de circulation. On
16 ne pouvait absolument pas se déplacer. On était complètement coupée du
17 monde, et ce, c'était le fait des soldats du HVO.
18 Q. Dites-moi : où étiez-vous le 8 juin 1993 ?
19 R. Mais, comme d'habitude, j'étais au dispensaire. C'est là que j'habitais
20 et que je travaillais. Il n'y a même pas lieu de me poser la question. Je
21 vous ai dit que j'ai passé tout ce temps à mon poste de travail pour ainsi
22 dire.
23 Q. Dans votre dispensaire, avez-vous entendu dire, avez-vous appris vous-
24 même qu'il y avait des combats dans la vallée ?
25 R. Oui. Vous savez, il y a eu des escarmouches, quelques échanges de tirs
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1 lorsqu'il y a eu cette escalade. Ce jour-là, il y en avait bien plus. On
2 voyait que ces escarmouches dégénéraient pour devenir un véritable combat.
3 Même deux obus sont tombés, assez puissants, devant le dispensaire. Trois
4 de mes infirmières, apprenties infirmières ont été blessées. Toutes mes
5 vitres ont été brisées. Il s'en a fallu de peu pour que mon épouse soit
6 aussi tuée. C'était vraiment un obus grand de puissance. Il est tombé dans
7 la petite rivière de Jasenica à côté. On a vu qu'une vraie guerre venait de
8 commencer.
9 Q. S'il vous plaît, ce jour-là, avez-vous été mis au courant d'autres
10 événements également, et avez-vous vu qu'on amène des gens à Mehurici ?
11 R. Oui, bien entendu. J'ai compris d'emblée et j'étais prêt avec mon
12 équipe immédiatement. On a vu arriver des blessés. Il n'y avait pas de
13 combat, je dois dire, à Mehurici même. Mais c'étaient dans les environs.
14 Les blessés ont commencé à arriver, et la fréquence augmentait. Il y en
15 avait de plus en plus.
16 Q. Compte tenu du matériel que vous aviez à votre disposition, étiez-vous
17 en mesure de faire transporter vos blessés dans un centre médical plus
18 important ?
19 R. Ecoutez, je vous ai dit, hélas, non seulement pour les blessés à cause
20 du blocus, même si j'avais un patient mourant, je n'avais aucune chance de
21 passer par ce barrage. Il y avait juste un petit chemin qui passait par les
22 montagnes, par le petit village de Serici; sinon, il y a quatre kilomètres
23 entre moi et l'hôpital de Travnik, et entre Mehurici et Zenica, il y a 22
24 kilomètres. Donc, pour sauver un homme blessé ou malade, il nous faut passé
25 par ce chemin de montagne. C'est un sentier. Ce n'est même pas un véritable
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1 chemin. Je pense qu'il appartient -- que ce village par lequel il passe
2 appartient à la municipalité de Teslic. C'est par là qu'on est passé, dans
3 des conditions vraiment difficiles, qui se prêtaient très peu au transport
4 de patients.
5 Q. Docteur Ribic, ce jour-là, avez-vous croisé -- avez-vous rencontré des
6 civils amenés à Mehurici ?
7 R. Hélas, parmi les combattants blessés, il y avait aussi des civils.
8 Q. Docteur, s'il vous plaît, à un moment donné, avez-vous été informé par
9 quelqu'un du fait que certains civils avaient été placés au gymnase de
10 l'école primaire ?
11 R. Avant de vous répondre, je dois dire que j'ai été très impressionné.
12 Peut-être c'est un fait important. Parmi ces civils qui avaient des
13 blessures légères, il y avait une femme catholique avec des blessures
14 graves. Elle était enceinte, et c'était pénible pour moi de voir quelqu'un
15 qui était dans un état de grossesse avancé, qui était grièvement blessé. On
16 entendait des gémissements -- des plaintes très fortes de cette jeune femme
17 catholique. Elle a été blessée pendant ce conflit. Après, j'ai appris que
18 c'est par hasard qu'elle était sortie d'un garage et elle a été blessée. On
19 ne sait pas très bien par qui. On peut difficilement savoir. Mais lorsque
20 les tirs se sont arrêtés, des civils ont commencé à arriver, qui n'étaient
21 pas blessés, eux. J'ai entendu que les civils s'évacuaient de ces zones qui
22 étaient touchées par des conflits.
23 Q. Avez-vous vu ces civils à un moment donné ?
24 (expurgée)
25 (expurgée)
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1 (expurgée) et elles sont venues me voir,
2 tout d'abord, dans le dispensaire. Comme j'étais un médecin plus
3 expérimenté qu'elles, je suis allé voir ces personnes qui avaient été
4 prises en charge parce qu'il faut prendre en charge les civils. Il faut les
5 protéger pour qu'il n'y ait pas d'incident. Je pense que cela a été un
6 geste humain d'évacuer les civils de cette zone du conflit pour éviter
7 qu'il y ait un acte terroriste.
8 Q. Puisque vous êtes entré dans ce gymnase, Docteur, pourriez-vous nous
9 dire dans quelles conditions ont été installés ces gens qu'on a fait venir
10 à Mehurici ?
11 R. Vous savez, dans cette guerre, je vous ai déjà dit que j'étais entré
12 dans un appartement complètement vide et je pensais que j'entrais au
13 paradis, donc les critères ne sont pas les mêmes en état de guerre. Donc,
14 compte tenu du fait que c'était la guerre, ce n'était pas si mauvais que
15 cela. Quand il y a plus de personnes, évidemment, les gens sont entassés --
16 M. LE JUGE ANTONETTI : J'aimerais demander à M. le Greffier de me préparer
17 une ordonnance pour enlever le nom de la personne mentionnée à la ligne 16
18 de la page 84 -- témoin protégé.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je pense que le témoin ne peut pas savoir
20 qu'il a comparu devant cette Chambre. C'est la raison pour laquelle il a
21 mentionné le nom. Je vous remercie, Monsieur le Président. Je n'ai pas
22 remarqué. Je vous présente mes excuses.
23 Q. Alors dites-moi, s'il vous plaît : vous avez dit que l'espace était
24 restreint, l'espace où on a placé ces gens. Est-ce qu'ils avaient sur quoi
25 s'allonger ? Est-ce qu'il y avait --
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1 R. Oui, absolument. On a apporté de la paille, des couvertures. On les a
2 placés le long du mur. C'est vrai que c'était modeste, mais comment trouver
3 mieux en temps de guerre. Ils avaient de la lumière donc l'éclairage était
4 bon dans le gymnase. Ils pouvaient se parler, puisque c'étaient des
5 voisins. Ils pouvaient retrouver leurs voisins, les Musulmans de Mehurici.
6 Ils avaient des toilettes. On sait bien que, dans une école, il y a des
7 toilettes. Je considère que, bon, compte tenu du fait que c'était en
8 guerre, c'était bon. Mais en temps de paix, ces conditions ne seraient pas
9 considérées comme bonnes.
10 Q. Docteur Ribic, vous nous avez dit que cette femme médecin, cette
11 collègue, s'est adressée à vous, avec son infirmière. Est-ce que vous aviez
12 reçu un ordre au sujet de ce que vous deviez mettre à la disposition de ces
13 civils ? En tant que médecin, et en exécutant cet ordre, l'avez-vous fait ?
14 R. Oui, j'avais un ordre me demandant d'aider à prendre en charge les
15 gens, mais, même sans ordre, je l'aurais fais. Je suis médecin, et c'est
16 tout à fait naturel lorsqu'un collègue ou une collègue s'adresse à moi,
17 pour moi, c'est une obligation. C'est un honneur de secourir -- d'aider.
18 J'ai dit au médecin qu'elle pouvait se servir de tout ce que j'avais à ma
19 disposition. Tout ce qui était à moi était à elle.
20 Q. Vous venez de répondre à ma question suivante. Il y avait à sa
21 disposition de votre dispensaire, votre collègue, donc pour ce qui est de
22 l'équipement, matériel sanitaire, et cetera ?
23 R. Elle avait accès à tout. Je lui ai dit : tu viens à tout moment quand
24 tu as besoin de quelque chose. Elle est venue souvent. Elle a pris aussi du
25 petit matériel sanitaire et, parfois, elle est venue me demander un
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1 conseil.
2 Q. Puisque vous êtes entré, il vous est arrivé d'entrer dans ce gymnase,
3 avez-vous permis -- autorisé ce médecin à se servir d'un cabinet
4 provisoire ?
5 R. Oui, on a cherché à répondre à ses besoins, donc, sur elle, elle avait
6 le nécessaire, mais je reconnais aussi qu'elle avait le nécessaire dans son
7 village. Ils étaient arrivés avec des mallettes ou des boites de matériel
8 sanitaire.
9 Q. Docteur Ribic, savez-vous qui prenait soin des besoins des civils, leur
10 nourriture, et cetera ?
11 R. Vous savez, au départ, il y a eu aussi des orthodoxes. Puis c'étaient
12 des catholiques. C'était une cellule de protection qui les prenait en
13 charge, et je dois dire qu'ils ont vraiment agi très bien. Ils méritent
14 tous les compliments.
15 Q. Pouvez-vous nous dire, Docteur Ribic, par quoi se traduisait cette
16 aide ?
17 R. Tout d'abord, c'est une approche amicale. C'étaient des gens qui se
18 connaissaient depuis longtemps, qui étaient des voisins de longue date. Je
19 sais qu'on leur a apporté beaucoup de nourriture
20 -- des vivres, les voisins apportaient de chez eux. S'il y avait des gens
21 qui avaient besoin de quelque chose, vous savez, je ne peux vous dire pour
22 tout un chacun, mais j'étais heureux de le voir. C'était un exemple
23 d'humanité de voir ces voisins s'entraider et de voir que la guerre ne les
24 a pas éloignés, que les civils s'occupaient les uns des autres.
25 Q. Votre collègue, que ce soit elle ou son infirmière, se sont-elles
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1 jamais plaintes d'un mauvais traitement dont elles auraient fait l'objet,
2 ou les civils au gymnase ?
3 R. Jamais, absolument jamais. Je suis en train de sourire, excusez-moi. Ce
4 n'est peut-être pas une réaction appropriée, mais, dans ce conflit,
5 excusez-moi, tous ceux qui se cachent, ils ne disent pas la vérité. Vous
6 savez, je connais la plupart des détails parce que j'y étais, j'y ai vécu.
7 Je n'ai pas à avoir honte. Je n'ai pas à me cacher. Je viens d'entendre de
8 la part de M. le Président qu'il y a quelqu'un qui est caché, et j'ai souri
9 parce que je ne vois pas pourquoi on devrait chercher à ne pas
10 s'identifier.
11 Q. Il ne nous appartient pas d'en parler, ni de formuler de commentaires à
12 ce sujet. Docteur Ribic, votre collègue, ne vous
13 a-t-elle jamais dit que, dans ce gymnase, il y avait une femme qui a saigné
14 abondamment ou qui avait une fausse couche ?
15 R. Vraiment, je n'arrive pas à me rappeler cela. Je ne peux vous jurer à
16 100 % qu'il y ait eu des personnes menacées, non, mais qu'une femme ait
17 saigné de manière importante, vous savez, comme j'étais un collègue aîné,
18 plus expérimenté, elle se serait adressée à moi, ma collègue, mais elle ne
19 l'a pas fait. Quant à savoir s'il y a eu un saignement et qu'elle ait pu
20 s'en occuper elle-même, cela, je ne peux pas vous le dire, mais elle ne
21 s'est pas adressée à moi pour l'aider. Je n'ai même pas une information me
22 disant que ceci s'est produit. On ne m'a pas dit qu'il y avait une femme
23 qui a souffert.
24 Q. Vos rapports avec votre consoeur, qui était plus jeune que vous,
25 étaient-ils tels qu'elle aurait pu vous consulter, vous demandez votre aide
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1 si elle avait été confrontée à un problème qu'elle aurait été incapable de
2 régler ?
3 R. Je crois que c'est naturel. Je crois que c'est quelque chose qui ne
4 devrait pas être remis en cause en fonction de ce contexte. Il est tout à
5 fait normal qu'elle m'ait demandé mon aide en cas de nécessité. D'ailleurs,
6 elle le faisait très souvent.
7 Q. D'après vos souvenirs, combien de temps ces civils sont-ils restés dans
8 les locaux de cette école ?
9 R. Je dirais assez peu de temps. Peut-être que pour eux, cela a semblé
10 plus long. Mais je dirais sept à dix jours. Je n'ai pas, bien sûr, tenu de
11 journal personnel de cette période, mais je dirais que, pour moi, le temps
12 a passé assez vite. Je ne sais pas exactement combien de temps ils y sont
13 restés, mais assez peu de temps.
14 Q. En tant que médecin, vous-même, est-ce que vous avez été informé du
15 fait qu'une femme qui aurait séjourné dans cette salle de sport pendant
16 cette période aurait perdu 30 kilos pendant son séjour ?
17 R. Cela, c'est ridicule. En si peu de temps, perdre 30 kilos, de toute
18 façon, est impossible.
19 Q. Docteur, est-ce que vous avez entendu parler du fait que des membres du
20 HVO auraient été capturés, qui n'ont pas été installés dans cette salle de
21 sports, mais ailleurs ?
22 R. Je dois dire qu'il y avait des salles ou je ne sais pas comment appeler
23 cela, dans le bâtiment administratif, qui se trouvait non loin. Il m'est
24 arrivé de temps en temps d'y voir des gens par la fenêtre parce que je me
25 trouvais tout près de ces fenêtres, et donc j'ai vu des gens dans ce
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1 bâtiment, mais je ne savais pas si c'étaient des personnes enfermées ou
2 pas. D'ailleurs, je ne savais pas de qui il s'agissait. Je n'aurais pas pu
3 dire s'il s'agissait de membres du HVO ou pas. Ils n'étaient pas nombreux,
4 mais, enfin, j'en ai vu cinq ou six, cinq ou six hommes dans ces espèces de
5 salles qui avaient l'air enfermé. Mais je ne savais pas à quelle entité ils
6 appartenaient, véritablement. Ils n'étaient pas en uniforme. Je voyais
7 simplement leurs têtes de toute façon depuis l'endroit où je me trouvais
8 pour vous dire la vérité parce que la fenêtre était au-dessus de ma tête.
9 Je coupais un morceau de bois au niveau de la fenêtre pour pouvoir
10 communiquer avec eux éventuellement. Je ne sais pas s'ils m'ont vu. J'étais
11 en dessous de la fenêtre, comme je vous ai dit, en train de couper du bois.
12 De toute façon, je faisais ce travail assez régulièrement, en fait.
13 Q. Docteur, pendant que toutes les personnes étaient à cet endroit, est-ce
14 que vous avez éventuellement remarqué que quelqu'un aurait infligé des
15 exactions à ces personnes, les auraient maltraitées ? Est-ce que vous avez
16 été informé du fait que, par une tierce personne, que quelqu'un aurait
17 maltraité ces personnes ?
18 R. Non, jamais. Je n'ai jamais entendu rien de ce genre. Je n'ai jamais
19 entendu l'une quelconque de ces personnes contre qui on aurait crié. Je ne
20 le dirais pas avec une certitude absolue, mais enfin, les fenêtres étaient
21 petites, et tout de même, c'était le genre de fenêtres qu'on trouve dans
22 des garages. Je n'ai jamais entendu le moindre cri, le moindre gémissement,
23 hurlement ou quoi que ce soit de ce genre. C'est hors de question. J'aurais
24 réagi si j'avais entendu quelque chose de ce genre. Je serais allé voir qui
25 maltraitait ces personnes.
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1 Q. Docteur Ribic, à la suite de ces événements, est-ce qu'il vous est
2 arrivé d'apprendre que durant ces jours de ces personnes à cet endroit, des
3 gens auraient été amenés de Maline, par exemple, et que quelque chose de ce
4 camp se serait produit ?
5 R. Je n'ai pas compris votre question. Pourriez-vous répéter ?
6 Q. Outre le fait que ces personnes ont été amenées, installées dans les
7 locaux de l'école, est-ce que vous avez entendu parler d'un autre événement
8 qui serait survenu ? Est-ce que par la suite quelqu'un aurait parlé de
9 personnes qui auraient péri, par exemple ?
10 R. Malheureusement, j'ai entendu que pendant les affrontements, un certain
11 nombre de personnes ont été tuées, et que certaines d'entre elles, comme je
12 viens de le dire, sont mortes, même s'il y en a qui ont survécu. Certains
13 ont été tués au cours de ces affrontements. Certains qui ont survécu au
14 combat, et compris, sont morts après.
15 Q. Est-ce que vous avez entendu qui les a tués ?
16 R. Malheureusement, j'ai entendu dire que c'étaient les Moudjahiddines, ce
17 dont nous avons déjà parlé, ces combattants étrangers qui les avaient tués.
18 Q. Merci.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats ?
21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas
22 de questions.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Compte tenu de l'heure, je pense qu'il vaut mieux
24 interrompre.
25 Monsieur Mundis, à moins que vous n'ayez aucune question.
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1 Madame Benjamin.
2 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je préfèrerais, si vous n'y voyez pas
3 d'inconvénient, commencer demain matin, je vous prie.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
5 Alors, Docteur, l'interrogatoire va se poursuivre demain. L'Accusation vous
6 posera des questions. La Défense a pris tout à l'heure une heure. Je
7 présume que l'Accusation aura une heure de questions à poser. Le cas
8 échéant, les Défenseurs viendront reposer des questions, puis les Juges
9 devant vous auront certainement aussi des questions à vous poser.
10 Je vous invite à regagner votre lieu d'habitation actuel, et à revenir pour
11 demain à 9 heures. D'ici là, vous ne devez avoir aucun contact, tant
12 qu'avec la Défense qu'avec l'Accusation puisque vous êtes maintenant un
13 témoin de la justice, donc vous n'appartenez plus à personne. Vous ne devez
14 contacter personne. Je vais demander à
15 Mme l'Huissière de vous raccompagner afin que vous soyez pris en charge par
16 la section des Témoins. Je vous dis à demain.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends. Merci.
18 [Le témoin se retire]
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les quelques minutes qui nous restent, je me
20 tourne vers la Défense pour le planning de demain. Une fois que l'audition
21 de ce témoin sera terminée, que nous proposez-vous pour demain ?
22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons à notre
23 disposition un autre témoin, Enes Karic [sic]. Puis, ensuite, Ferid
24 Jasarevic et un autre témoin, Mustafa Hockic, qui pourrait commencer jeudi.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je voulais dire Munir Karic,
2 et manifestement, j'ai dit autre chose. Le témoin dont je parlais est Munir
3 Karic. Excusez-moi, je suis un petit peu perturbée.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Si je comprends bien, en tout état de cause,
5 demain, nous avons ce témoin plus un autre témoin. Mercredi, il y a
6 également quelqu'un, et jeudi également quelqu'un. Très bien. Je vous
7 remercie.
8 Je vous invite à revenir pour l'audience qui débutera demain à 9 heures.
9 --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 9 novembre
10 2004, à 9 heures 00.
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