Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 2 décembre 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-01-47-T,

8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

12 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges. Je salue les conseils

13 dans ce prétoire. L'Accusation est représentée par Daryl Mundis, Stefan

14 Waespi, et Andres Vatter, notre commis à l'affaire.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

16 Je vais demander aux avocats de bien vouloir se présenter.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour. La Défense d'Enver Hadzihasanovic

18 est représentée par Edina Residovic; Stéphane Bourgon, co-conseil; et

19 Muriel Cauvin, assistante juridique. Merci.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander également aux avocats, qui sont

21 moins nombreux que d'habitude, de se présenter.

22 M. DIXON : [interprétation] La Défense de M. Kubura est représentée par

23 Rodney Dixon et Nermin Mulalic. Merci.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

25 La Chambre salue toutes les personnes présentes. Je salue les

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1 représentants de l'Accusation, les avocats, les accusés. Je salue tout

2 particulièrement notre nouveau l'Huissière d'audience qui prend ses

3 fonctions pour la première fois dans notre Chambre. Je salue également

4 toutes les autres personnes, le sténotypiste. Je n'oublie pas les

5 interprètes, qui font un travail remarquable.

6 Je vais faire une annonce concernant la semaine prochaine. Je vous avais

7 indiqué, il y a quelques jours, en raison de la tenue de l'audience

8 plénière du mercredi 8 décembre, nous devrions siéger le jeudi après-midi.

9 Mais, finalement, on pourra siéger le jeudi matin dans la salle II. Il va y

10 avoir un changement. Donc, comme cela nous pourrons siéger le jeudi matin.

11 M. le Greffier vérifiera, mais c'est une nouvelle que j'ai apprise hier en

12 fin d'après-midi.

13 S'il n'y a pas de questions à l'ordre du jour, nous pourrons faire venir le

14 témoin. Mais avant cela, concernant -- on va repasser en audience à huis

15 clos.

16 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

17 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, en audience publique. Je vais demander

22 à l'Huissière d'aller chercher le témoin.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

25 comprenez, que vous entendez mes propos qui doivent être traduits dans

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1 votre langue, à moins que vous ne connaissiez le français. Si vous

2 m'entendez, vous me comprenez, dites : "Je vous entends."

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous allez, dans quelques minutes, prêter serment.

5 Avant de prêter serment, je me dois de vous identifier et pour cela. Je

6 vous demande de me donner votre nom, prénom, date de naissance et lieu de

7 naissance.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Samin Konjalic. Je suis né en

9 Bosnie à Travnik le 3 octobre 1958.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Aujourd'hui, exercez-vous une profession, une

11 activité ? Si oui, laquelle ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille dans la municipalité de Travnik

13 pour les organes administratifs.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous travaillez en quelle qualité ? Vous êtes

15 administratif, quelle est votre fonction exacte au sein de la municipalité

16 de Travnik ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis fonctionnaire, ou plutôt je suis

18 consultant auprès du chef de la municipalité.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. En 1992 et 1993, à l'époque, aviez-vous une

20 fonction, une qualité ? Si oui, laquelle ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'étais membre de la protection civile.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Près de quelle municipalité ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la municipalité de Travnik.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Je vous demande de bien vouloir

25 lire le serment.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 LE TEMOIN : SAMIN KONJALIC

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, vous pouvez vous asseoir.

5 Bien. Monsieur, dans quelques instants je vais donner la parole aux avocats

6 qui vont vous poser des questions. Je vais vous fournir quelques éléments

7 d'information sur le déroulement de cette journée d'audience qui vous est

8 entièrement consacrée. Vous allez, dans un premier temps, devoir répondre à

9 des questions qui vont vous être posées par les avocats des accusés que

10 vous avez dû déjà rencontrés; ils sont situés à votre gauche. Normalement,

11 le temps imparti pour ces questions va d'une heure à une heure et demie.

12 A l'issue des questions qui vont vous être posées et qui constituent, ce

13 qu'on appelle dans notre procédure, l'interrogatoire principal, vous aurez

14 à répondre à des questions de l'Accusation, qui se trouvent située à votre

15 droite, et qui procédera, à ce qu'on appelle dans notre procédure, le

16 contre-interrogatoire.

17 Les questions de l'Accusation visent deux objectifs : le premier, c'est de

18 vous faire préciser des réponses que vous avez apportées aux questions de

19 la Défense et, par ailleurs, à vérifier votre crédibilité, en tant que

20 témoin. Ce sont les objectifs du contre-interrogatoire, et l'Accusation

21 dispose du même temps que la Défense.

22 A l'issue de cette phase, les avocats des accusés pourront vous poser

23 des questions supplémentaires qui seront directement aux questions posées

24 lors du contre-interrogatoire. Lors des questions qui vont vous être posées

25 par les uns et les autres, des documents pourront vous être présentés. A ce

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1 moment-là, vous prendrez connaissance des documents et vous répondrez aux

2 questions posées.

3 Les trois Juges qui sont devant vous pourront, à tout moment, vous

4 poser des questions. Mais les Juges préfèrent attendent la fin des

5 questions et réponses des parties avant eux-mêmes de poser des questions

6 car, bien souvent, les questions qui peuvent leur venir à l'esprit sont

7 déjà posées par les uns et les autres. Donc, nous préférons attendre la

8 fin. Lorsque nous posons une question, c'est parce que nous voulons

9 éclaircir des réponses que vous avez faites aux questions posées par les

10 uns et par les autres ou parce que nous estimons qu'il manque certains

11 éléments des réponses que vous faites. A ce moment-là, nous vous

12 interrogeons en vous posant des questions. Le cas échéant, les Juges

13 peuvent également vous présenter des documents. Nous avons une série de

14 documents qui sont conservés par M. le Greffier et, à ce moment-là, nous

15 vous présentons les documents.

16 Lorsque les Juges vous ont posé les questions et que vous avez

17 répondu, l'Accusation et la Défense ont à nouveau un temps de parole pour

18 venir vous reposer des questions. Vous avez compris que vous allez être

19 soumis à de nombreuses questions. Si les questions vous paraissent

20 compliquées, demandez à celui qui vous la pose de la reformulez car,

21 Monsieur, à part le fait que nous sachions que vous êtes membre de la

22 protection civile, les Juges, nous ne savons rien de vous. Nous n'avons

23 aucun élément, aucun élément écrit. Nous ne savons rien, d'où l'importance

24 des réponses orales que vous allez faire. Comprenez bien que votre réponse

25 est importante pour les Juges. Essayez de répondre de la manière la plus

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1 précise possible car nous attendons évidemment que vous répondiez

2 précisément aux questions posées.

3 Les autres témoins, un témoin, il a des droits et des devoirs.

4 Concernant les devoirs, vous avez prêté serment de dire toute la vérité,

5 c'est un devoir; cependant, il faut que je vous informe du fait que s'il

6 apparaissait que le témoin fait un faux témoignage, le témoin peut

7 s'exposer, à ce moment-là, à des poursuites devant ce Tribunal pour outrage

8 à la Cour, donc il peut y avoir une peine d'emprisonnement. Cela, ce sont

9 les devoirs du témoin.

10 Le témoin a des droits. Vous avez, notamment, le droit, lorsque les

11 questions vous sont posées, si vous estimez la réponse à la question

12 pourrait, le cas échéant, constituer, un jour futur, un élément à charge

13 contre vous, vous pouvez, à ce moment-là, refuser de répondre. Un témoin

14 peut ne pas vouloir répondre. C'est un droit qu'il a, mais ce droit, par

15 notre Règlement, est limité dans la mesure où la Chambre peut inviter le

16 témoin à répondre et, à ce moment-là, la Chambre lui garantit une immunité.

17 C'est une disposition de notre Règlement qui est faite afin, évidemment, de

18 favoriser la manifestation de la vérité tout en protégeant le témoin. C'est

19 un droit que vous avez. Je vous ai informé sur vos devoirs et vos droits.

20 Si en cours d'audience, il y a une difficulté quelconque, n'hésitez

21 pas à nous en faire part. Nous sommes là aussi pour résoudre tout type de

22 difficulté. Voilà, je vous ai fourni l'ensemble de ces éléments, ce que

23 nous faisons à chaque fois qu'il y a un témoin. Je vais donner la parole à

24 la Défense qui va vous rajouter un autre élément, mais je leur en laisse le

25 soin.

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Konjalic. Comme le président de la

4 Chambre de première instance vient de le dire, je souhaite, moi aussi, de

5 faire attention à quelque chose, à savoir que nous parlons tous deux la

6 même langue. Vous pourriez répondre immédiatement à mes questions,

7 toutefois, mes questions et vos réponses doivent être interprétées, de

8 façon à ce que les Juges et nos confrères dans le prétoire puissent suivre

9 le débat. Lorsque je vous pose une question, veuillez ménager une pause

10 afin de permettre aux interprètes d'interpréter pleinement vos propos. Est-

11 ce que vous me comprenez bien ?

12 R. Oui.

13 Q. Je vous remercie. Monsieur Konjalic.

14 Où habitez-vous aujourd'hui ?

15 R. J'habite en Bosnie dans une petite ville appelée Travnik.

16 Q. Où habitiez-vous au début du conflit en Bosnie-Herzégovine en avril

17 1992 ?

18 R. J'habitais dans le même pays et dans la même ville, à savoir, à

19 Travnik.

20 Q. Vous nous avez dit ce que vous faisiez maintenant. Pourriez-vous nous

21 en dire davantage ? Quelle est votre formation et quelle est votre

22 expérience professionnelle ?

23 R. J'ai un diplôme de science politique. J'ai obtenu mon diplôme à

24 l'université de Sarajevo en 1972.

25 Q. Avez-vous effectué votre service militaire avant la guerre ? Le cas

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1 échéant, aviez-vous un grade ?

2 R. Oui, j'ai effectué mon service militaire dans les rangs de l'ex-JNA,

3 mais je n'ai pas de grade de cette armée ?

4 Q. Quelles étaient vos fonctions juste avant l'éclatement du conflit ?

5 R. Avant l'éclatement du conflit, jusqu'en 1990, j'ai travaillé comme

6 enseignant de sociologie à l'école secondaire. Avant l'éclatement du

7 conflit, j'ai été transféré dans les services administratifs de la

8 municipalité de Travnik, à savoir, la Défense civile. Ce sont les fonctions

9 que j'ai occupées jusqu'à l'éclatement du conflit. Tout au long du conflit,

10 je faisais partie de la Défense civile.

11 Q. Monsieur Konjalic, pouvez-vous nous dire plus en détail en quoi

12 consistaient vos fonctions au sein de la Défense civile, de l'état-major de

13 la Défense civile ?

14 R. J'étais membre de l'état-major au début. Par la suite, je suis devenu

15 chef d'état-major. En 1993, j'étais commandant de l'état-major de la

16 Défense civile. Après cela, j'ai également été nommé commandant de l'état-

17 major de district pour la Bosnie centrale.

18 Q. Merci. Dites-moi, quelle loi régit le rôle de la Défense civile dans le

19 cadre de la Défense nationale ?

20 R. La loi sur la Défense.

21 Q. Savez-vous quelles sont les formes de défense prévues par la loi sur la

22 Défense de Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Il y a la Défense militaire et la Défense civile d'après la loi sur la

24 Défense de Bosnie-Herzégovine.

25 Q. Quel aspect de la défense était couvert par la Défense civile au sein

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1 de laquelle vous déteniez des fonctions dont vous venez de nous parler ?

2 R. La Défense civile faisait partie du système de Défense civile.

3 Q. En 1992 et 1993, quel était l'organe qui se trouvait au-dessus de la

4 Défense civile ?

5 R. La présidence de Guerre ou plutôt le gouvernement de la municipalité.

6 Q. Pourriez-vous nous dire, brièvement, quelles étaient les principales

7 fonctions de la Défense civile à l'époque ?

8 R. Non seulement à l'époque, mais après également, les principales

9 fonctions de la Défense civile étaient de protéger la population et les

10 biens de toute catastrophe naturelle ou criminelle.

11 Q. Afin de mener à bien cette mission, est-ce que la Défense civile

12 disposait de certaines ressources pour pouvoir la population et ses biens ?

13 R. Oui, la Défense civile -- la protection civile appliquait certaines

14 mesures appropriées. Il y avait toutes sortes de mesures. Je peux vous les

15 énumérer si vous le souhaitez. Pour chacune de ces mesures, il y a un

16 membre de l'état-major qui est responsable d'un secteur particulier. Donc,

17 il y a toutes sortes de mesures ou d'activités qui vont du sauvetage à la

18 recherche d'un abri, à la lutte contre les incendies. Il y a donc 17

19 secteurs couverts par la Défense civile.

20 Q. Vous nous avez parlé des activités que vous exerciez au sein de la

21 protection civile de Travnik. Jusqu'à quand avez-vous travaillé au sein de

22 la protection civile, qu'il s'agisse de la protection civile municipale ou

23 de la protection civile de district ?

24 R. Jusqu'à la fin de 1995.

25 Q. Donc, tout au long de la guerre, vous faisiez partie de la protection

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1 civile. Pouvez-vous nous dire s'il s'agissait d'une entité militaire ou

2 civile ?

3 R. D'une entité civile.

4 Q. Pour autant que vous le sachiez est-ce que la protection civile, à

5 quelque moment que ce soit, a été subordonnée à l'ABiH ?

6 R. Non.

7 Q. Est-ce que des unités de l'ABiH étaient subordonnées, à quelque moment

8 que ce soit, à l'état-major de la protection civile ?

9 R. Non.

10 Q. En réponse à ma question précédente, vous avez déclaré que vous étiez

11 subordonné à la présidence de Guerre et au gouvernement. Dites-moi : quels

12 organes vous confiaient des tâches, des directives que vous étiez tenu de

13 mettre en œuvre ?

14 R. Nos instructions venaient de la présidence de Guerre ou du

15 gouvernement, et dans une certaine mesure, des groupes opérationnels.

16 Q. Si des unités de l'ABiH vous confiaient des tâches, étiez-vous tenu de

17 les exécuter, ou s'agissait-il uniquement de suggestions, puisque vous

18 étiez un organe civil ?

19 R. Un organe militaire ne pouvait pas nous donner d'ordres. Par

20 conséquent, il s'agissait davantage de suggestions quant à la manière dont

21 nous devions agir à un moment donné.

22 Q. De façon générale, au cours de 1993, quels étaient vos rapports avec

23 l'ABiH dans la région ?

24 R. Nous étions partenaires. Nous nous aidions les uns les autres.

25 Q. S'il vous plaît, compte tenu de ce que vous saviez à l'époque, de vos

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1 expériences, est-ce qu'il y a eu des problèmes que la protection civile a

2 rencontré en essayant de s'acquitter de sa mission dans la municipalité de

3 Travnik ?

4 R. Oui. Mais je dois reprendre au début. Dès que l'agression a été menée

5 contre mon Etat, l'entrepôt de la protection civile, qui était bien équipé,

6 a été pillé. La protection civile s'est retrouvée sans son matériel de base

7 et sans son équipement de base car il faut savoir que notre entrepôt était

8 placé dans l'enceinte des bâtiments militaires. Il y avait un bâtiment qui

9 était réservé à la protection civile, et c'est là qu'on gardait notre

10 équipement. Lorsque l'agression s'est déclenchée, il y a eu un influx de

11 réfugiés très important dans notre ville. On a été pris de court parce

12 qu'aucun des plans qu'on avait échafaudés auparavant n'avait prévu ce genre

13 de situation. On a rencontré plein de problèmes pour ce qui est de nourrir

14 les réfugiés, les placer quelque part. On n'avait pas suffisamment de

15 logements ou d'espace pour eux, et ainsi de suite.

16 Q. Vous venez de citer un certain nombre de mesures qui étaient des

17 mesures de la protection civile, des mesures qu'on pouvait prendre afin de

18 protéger les vies humaines ou les biens. Dans le cadre de l'état-major de

19 la protection civile, aviez-vous des cadres formés, spécialisés dans le

20 domaine de votre travail, et dans quelle mesure était-ce important ?

21 R. Tous les membres de l'état-major étaient des experts. Partant de moi,

22 le commandant, j'ai été formé moi-même, et j'avais tous les certificats

23 nécessaires même avant la guerre. J'ai été formé à Zemun, près de Belgrade,

24 et j'étais formé à travailler dans le cadre de la protection civile. La

25 plupart des gens qui travaillaient étaient dans le même cas, c'étaient des

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1 professionnels. Pour ce qui est de la protection contre des maladies

2 contagieuses, c'était un épidémiologiste, un médecin, qui s'en chargeait,

3 donc qui était bien formé. Pour ce qui est du sauvetage des ruines, c'était

4 un ingénieur architecte qui était chargé de cela, et ainsi de suite.

5 Q. Monsieur Konjalic, à l'époque, qui était chargé de la protection civile

6 sur le terrain, dans les villages, dans les différentes communes locales,

7 et cetera ?

8 R. Sur le terrain, c'étaient les états-majors des communes locales que

9 nous avions formés, ainsi que nos représentants.

10 Q. L'état-major de la protection civile, est-ce qu'il assurait une

11 formation des états-majors dans les communes locales, c'est-à-dire, des

12 chargés qui vous représentaient sur le terrain ?

13 R. Oui.

14 Q. Monsieur Konjalic, qui était ces représentants sur le terrain ? Est-ce

15 que la population leur faisait confiance, là où ils travaillaient ?

16 R. N'importe qui ne pouvait pas être un représentant. Il fallait que ce

17 soit un homme respecté, une personne respectée dans sa localité.

18 Q. Monsieur Konjalic, lorsque vous receviez les rapports de vos

19 représentants de vos commissions que vous aviez constituées sur le terrain,

20 dans quelle mesure pensiez-vous que ces rapports étaient fiables, qu'ils

21 étaient exacts ?

22 R. Ceci ne faisait aucun doute pour moi, que ces rapports étaient fiables.

23 Je pensais qu'ils étaient absolument exacts.

24 Q. Au mois de juin, là où vous vous trouviez, il y a eu des opérations de

25 combat opposant l'ABiH au HVO. L'état-major de la protection civile, suite

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1 à ces opérations, a-t-il reçu des instructions spécifiques ? S'est-il vu

2 confier des missions spécifiques dans le cadre de son travail ?

3 R. Oui. A la fois de la présidence de Guerre, du gouvernement, et du

4 Groupe opérationnel, on s'est vu confier ce genre de tâches. Il s'agissait

5 de l'assainissement du terrain. Ceci relève du domaine de travail de la

6 protection civile.

7 Q. En plus de cette mission-là, la protection civile s'était acquittée

8 d'autres tâches de celles qui devaient permettre de protéger les biens

9 abandonnés, les exploitations agricoles, le bétail ?

10 R. Oui, cela aussi. Ceci faisait partie de notre travail. Nous avons

11 constitué des commissions et ces commissions ont été dépêchées sur le

12 terrain. Il fallait qu'elles nous rapportent quelle est la situation sur le

13 terrain. Par la suite, on a tenté de protéger les biens abandonnés, tous

14 les biens, tout ce qui va avec, le bétail, et cetera.

15 Q. En répondant à l'une de mes questions il y a un instant, vous avez dit

16 qu'on a vu afflué les réfugiés en grand nombre à Travnik. Pouvez-vous nous

17 dire à peu près de quel nombre de réfugiés il s'agit ? Lorsque vous avez

18 parlez d'un grand nombre, pouvez-vous nous le dire à peu près de combien il

19 s'agissait ?

20 R. Je n'ai pas de chiffres exacts. Mais ce que je peux vous dire avec

21 certitude, c'est qu'il y a eu plus de 200 000 réfugiés qui sont soit

22 passées par la ville, soit sont restés dans la ville.

23 Q. Compte tenu du fait que c'était en temps de guerre, était-il facile de

24 fournir à un abri et de la nourriture à autant de personnes ?

25 R. Voyez-vous, Travnik avait une population de 70 000 personnes avant la

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1 guerre. Or, ce qui nous est arrivé, c'est qu'en l'espace d'une seule

2 journée, on a vu arrivé plus de 30 000 personnes. Vous pouvez imaginer les

3 problèmes qu'on a rencontrés. Il a fallu les prendre en charge, les

4 nourrir, les installer quelque part. C'étaient des efforts surhumains de la

5 part de mes collègues.

6 Q. Monsieur Konjalic, savez-vous qu'après ces opérations de combat qui ont

7 eu lieu au mois de juin, la plus grande partie de la population croate de

8 la vallée de la Bila a quitté ces foyers, et ces gens sont partis en

9 direction de Nova Bila ou vers d'autres endroits qui étaient placés sous le

10 contrôle du HVO ?

11 R. Oui, je le sais. Mais j'ajouterais qu'il ne s'agit pas uniquement de la

12 vallée de la Bila d'où les gens partaient mais aussi de la ville de

13 Travnik, de tous les villages alentours. Les Croates, tout simplement, ils

14 ont quitté leurs maisons et ils sont partis.

15 Q. Il s'agit d'un secteur très étendu qui s'est retrouvé vidé de sa

16 population. Alors, pour la protection civile dans le cadre de sa mission

17 qui consiste à protéger les biens, est-ce que ceci a posé de nouveaux

18 problèmes ? Si oui, de quels problèmes s'est-il agi ?

19 R. Tout à fait. Ceci a posé beaucoup de problèmes. Entre autres, les plus

20 importants consistaient à trouver un moyen pour protéger autant de biens

21 sur un territoire aussi vaste avec très peu de personnes parce que nous

22 n'avions pas beaucoup d'employés, pas beaucoup de représentants.

23 Q. Monsieur Konjalic, après ces opérations de combat, lorsqu'on a levé des

24 barrages et lorsqu'on a permis une circulation normale dans la vallée de la

25 Bila et vers Zenica, à partir de ce moment-là, est-ce que la population

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1 s'est mise en mouvement, et en particulier, les réfugiés qui, jusqu'à ce

2 moment-là, étaient placés dans des centres de rassemblement collectifs et

3 cetera ?

4 R. Oui. Cela a été une bousculade, une ruée de très grands groupes de

5 réfugiés qui essayaient de se sauver, de se replacer ailleurs.

6 Q. Vous avez dit qu'entre autres, dans le cadre de cette mission qui

7 consistait à protéger les biens abandonnés, que vous avez tenté de

8 constituer des commissions qui devaient organiser les placements des gens

9 dans des bâtiments abandonnés. Alors, pourquoi avez-vous pensé que ce

10 serait une mesure efficace ?

11 R. L'état-major a estimé qu'à partir du moment où une maison était

12 habitée, il était plus facile de la protéger parce que la personne qui

13 l'habite, qui y réside, la protégera. C'est la raison pour laquelle nous

14 l'avons essayé. Le gouvernement municipal a décidé d'installer un certain

15 nombre de réfugiés dans certaines localités, bien entendu, en respectant

16 une procédure adéquate lors de ce replacement. Il s'est révélé,

17 effectivement, que les maisons qui ont été habitées, où on a réinstallé les

18 gens, ont été protégées. Il s'est avéré que cela a été une bonne mesure.

19 Q. En répondant à l'une de mes questions précédentes, vous avez dit qu'il

20 y a eu une espèce de ruée en masse, les gens sont partis. Est-ce que ce

21 mouvement massif a eu un impact sur votre mission ? Est-ce que ceci vous a

22 empêché de mener à bien cette réinstallation des personnes dans des

23 bâtiments abandonnés ? Est-ce que vous avez été confronté à des problèmes ?

24 Par exemple, il y avait des maisons qui étaient déjà occupées par des

25 réfugiés ?

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1 R. Oui, précisément. Nous avons essayé dans le cadre de la protection

2 civile d'installer d'une manière organisée les gens. Mais ce qui s'est

3 passé, c'est que sans l'intervention de la protection civile, les gens se

4 sont installés dans des différentes maisons à la recherche d'un abri, et

5 aussi parce qu'ils s'étaient lassés de cette vie dans des centres de

6 rassemblements. Ils se sont installés dans des maisons abandonnées, et ce,

7 pour la plupart dans des maisons qui étaient les plus proches de la ville.

8 Q. Monsieur Konjalic, vous êtes allé faire des relevés de la situation sur

9 le terrain, enfin, vos employés. Est-ce que vous avez rencontré ou est-ce

10 que vous avez su qu'il y a eu des pillages ou d'autres actes peu

11 désirables, peu souhaitables qui concernait la destruction aussi de

12 certaines de ces maisons abandonnées ?

13 R. Oui.

14 Q. Même si vous n'êtes pas membre de la police, savez-vous dans quelle

15 mesure les circonstances permettaient d'identifier les auteurs de ce genre

16 d'actes ? Vos représentants, est-ce qu'ils vous ont fait état de ce genre

17 d'actions, du moment où elles étaient perpétrées ?

18 R. Vous savez, il était très difficile de savoir qui se livrait à cela

19 parce que pour la plupart, il s'agissait de personnes que les membres de la

20 protection civile ne connaissaient pas. C'était pour l'essentiel des

21 réfugiés. Enfin, je dois dire qu'il y avait aussi parmi eux des gens du cru

22 dont les maisons avaient été détruites par des obus, qui se sont retrouvés

23 sans nourriture. Vous savez, les gens étaient au seuil de la famine, au

24 bord de la famine. Il était difficile de s'attendre à ce que -- on ne

25 pouvait pas légitimement s'attendre à ce que ces gens ne se rendent pas

Page 12765

1 dans ces maisons à la recherche de la nourriture. Ils essayaient de se

2 procurer de la nourriture. Il s'agissait d'un nombre très important, très

3 considérable de personnes. Je pense qu'aucun membre de la protection civile

4 ne pourrait affirmer avec certitude qui était ces personnes qui se sont

5 livrées à cela.

6 Q. Monsieur Konjalic, comment dirai-je, ce processus peu souhaitable

7 d'aliénation des biens, est-ce que c'est quelque chose qui a duré tout au

8 long de l'année 1993 ou est-ce que cela s'est arrêté en l'espace de

9 quelques jours ?

10 R. Non, cela a arrêté en quelques jours. On a pillé, essentiellement, de

11 la nourriture pendant quelques jours, mais, le processus s'est poursuivi.

12 On a pillé des appareils, on a enlevé des portes, des fenêtres, des toits,

13 pendant toute cette période, le pillage s'est poursuivi.

14 Q. Monsieur Konjalic, et vous-même, est-ce que vous avez, ou plutôt dans

15 le cadre de votre mission, avez-vous renforcé vos mesures, avez-vous

16 procédé à un réexamen de la situation, pour ce qui est des biens. Vers la

17 fin de l'année 1993, avez-vous pris de nouvelles mesures pour protéger, à

18 la fois les biens, le bétail, les exploitations agricoles ?

19 R. Oui, c'était notre plan d'activités. Tous les jours, on mettait à jour

20 ces chiffres et ces informations sur les biens concernés, bien sûr. Dans le

21 cadre de notre civilité, parce que nos employés ne pouvaient pas être de

22 garde vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne pouvaient pas garder chacun

23 de ces bâtiments sur toute la longueur du temps.

24 Q. Vous étiez membre de la protection civile municipale ou régionale

25 jusqu'en 1995. Compte tenu de cela, pouvez-vous nous dire si les pillages,

Page 12766

1 les aliénations, les destructions de biens, est-ce que c'est quelque chose

2 qui s'est poursuivie pratiquement jusqu'en 1995 ?

3 R. Oui, je peux vous le confirmer.

4 Q. J'aurais besoin de l'aide de Mme l'Huissière, afin de présenter un jeu

5 de documents au témoin. Je ne poserai que quelques questions au sujet de ce

6 document. Nous en avons suffisamment d'exemplaires pour la Chambre et pour

7 nos collègues.

8 Q. Monsieur Konjalic, je vais vous demander d'examiner le document, numéro

9 9. C'est la référence de la Défense 1566. J'aimerais que vous examiniez la

10 page de garde et que vous nous disiez s'il s'agit bien d'un document de

11 votre état-major de la protection civile?

12 R. Oui.

13 Q. Pouvez-vous examiner la dernière page de ce rapport. Dites-moi : qui a

14 signé ce document, en tant que commandant de l'état-major de la protection

15 civile ?

16 R. C'est mon nom qui figure dans la signature.

17 Q. Pouvez-vous juste parcourir rapidement le document. Ma question est la

18 suivante : lorsque vous aurez examiné le document, est-ce qu'il s'agit d'un

19 résumé des activités de la protection civile en 1993, d'un résume très

20 succinct, et est-ce que ce document reprend les problèmes que vous

21 rencontriez, à ce moment-là ?

22 R. Oui, on pourrait dire qu'il s'agit de cela. C'est le résumé le plus

23 court des activités de la protection civile.

24 Q. Je vais à présent vous demander de vous reporter au document qui figure

25 au numéro 1, c'est le document référence de la Défense, DH1225. Monsieur

Page 12767

1 Konjalic, connaissez-vous ce document ?

2 R. Oui.

3 Q. Quelles sont les fonctions que vous exerciez au sein de l'état-major de

4 la protection civile pendant que son commandant était Momcila Malenica ?

5 R. J'étais chef d'état-major, à ce moment-là.

6 Q. Au paragraphe trois de ce rapport, l'on fait état de problèmes ou

7 plutôt, on reprend les constations de vos commissions sur le terrain et à

8 l'aliéna un, l'on dit que:

9 "Même si l'on a interdit aux civils de circuler sur les territoires

10 abandonnés, et bien que nombre de civils emportent des biens abandonnés,

11 emmène le bétail," et cetera.

12 Est-ce que cela correspond aux informations que vous avez reçues de la part

13 de vos états-majors, de la part de vos envoyés, vos représentants, et par

14 rapport à ce que vous saviez directement ?

15 R. Oui. Les rapports étaient faits, suite aux informations émanant du

16 terrain, pour que l'état-major prenne une décision. Il fallait qu'il

17 reçoive des information, soit des états-majors des communes locales, soit

18 des représentants qui travaillaient sur le terrain donné.

19 Q. Vous-même, soit en tant que chef d'état-major, soit plus tard, en votre

20 qualité de commandant de l'état-major, est-ce que vous vous rendiez

21 personnellement sur le terrain ? Est-ce vous rencontriez vos représentants,

22 afin de vous assurer de la situation, afin de vérifier le bien-fondé de

23 qu'ils vous disaient dans leurs rapports ?

24 R. Oui, je l'ai fait; cependant, je dois préciser que ceci ne s'est pas

25 produit très souvent parce que, compte tenu de la nature de mon travail, je

Page 12768

1 ne pouvais pas m'absenter beaucoup de l'état-major. Donc, dès que je le

2 pouvais, j'y allais, j'allais me rendre dans les états-majors sur le

3 terrain.

4 Q. Je vous prie d'examiner le document numéro 2. C'est la pièce de la

5 Défense DH1233. Vous venez de dire que vous avez pris de nombreuses mesures

6 afin de protéger les biens abandonnés. Dites-nous : est-ce que ceci

7 consiste, est-ce que ceci est l'une des mesures que vous avez prises afin

8 de protéger les biens abandonnés ?

9 R. Si vous voulez, je peux vous préciser ce que représente ce certificat.

10 Q. Je vous en prie.

11 R. La protection civile et pour ce qui est de la protection des biens

12 abandonnés, la protection civile délivrait ce genre de certificats aux

13 individus qui se trouvaient déjà dans les villages donnés, et ceci, pour

14 qu'une tierce personne qui venait, viendrait pour s'installer dans une

15 maison abandonnée ou qui viendrait dévaster un bien. Dans ce cas-là, elle

16 se voyait présentée ce certificat, ce certificat montrant que la personne

17 en question prenait soin de la maison en question.

18 Q. Je vous prie maintenant d'examiner la pièce numéro trois, DH1256.

19 Compte tenu des problèmes que vous rencontriez, pour ce qui est de la

20 présidence de Guerre ou du gouvernement, est-ce que vous les avez mis au

21 courant, en temps voulu, de ces problèmes ? Est-ce que vous avez demandé de

22 l'assistance auprès de, pour qu'ils vous aident à résoudre ces problèmes ?

23 R. Oui.

24 Q. S'il vous plaît, est-ce que vous reconnaissez ce document ? Qui l'a

25 signé ?

Page 12769

1 R. Je reconnais le document. C'est un document émanant de l'état-major

2 municipal de la protection civile, je l'ai signé moi-même.

3 Q. Je vous prie d'examiner le document. Est-ce que cela a été, pour vous,

4 la façon de mettre au courant vos supérieurs de la situation ? Est-ce que

5 c'est ainsi que vous les informiez des difficultés que vous rencontriez

6 dans le cadre de votre mission ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous examiner le document numéro 4, s'il vous plaît. C'est la

9 pièce de la Défense 1 302. Là encore, c'est un document que vous connaissez

10 personnellement ?

11 R. Oui. C'est également un document émanant de l'état-major municipal de

12 la protection civile, et c'est ma signature qui figure sur le document,

13 donc je le connais.

14 Q. Est-ce que c'est l'un des documents par lesquels vous informez le

15 gouvernement, qui est votre instance supérieure, vous l'informez des

16 difficultés que vous rencontrez lorsque vous essayez d'installer certaines

17 personnes, lorsque vous essayez de répertorier les biens abandonnés et de

18 protéger ces biens aussi ?

19 R. Oui, c'est précisément cela.

20 Q. Je vais vous demander maintenant d'examiner le document numéro 5. C'est

21 la pièce de la Défense 1 303. Il y a un instant, vous nous avez dit que,

22 dans ce centre de rassemblement ou d'hébergement collectif, les gens sont

23 partis, que cela a été une rué pratiquement, qu'ils n'avaient aucun papier,

24 ou qu'il n'y avait aucune organisation dans cela. Il s'agissait des

25 centaines, des milliers de personnes ? Combien de personnes, par exemple,

Page 12770

1 se sont trouvées placer à l'école ?

2 R. Vous savez, il y avait 4 500 réfugiés à un moment donné à l'école

3 secondaire, au lycée, qui n'était pas très grand. Dans des salles de classe

4 qui sont normalement réservées à 20 élèves, jusqu'à 90 personnes, 90

5 réfugiés se sont retrouvés dans ce genre de salle de classe ces journées-

6 la, et ils dormaient là.

7 Q. Est-ce que c'est cette situation difficile qui a été la raison pour

8 laquelle on a tenté de les placer ailleurs, pour résoudre ce problème

9 brûlant ?

10 R. Certainement. Ils vivaient dans une situation très, très difficile.

11 Toute tentative d'y remédier ne pouvait, à leurs yeux, que signifier que la

12 situation allait s'améliorer.

13 Q. Je vous demanderais maintenant d'examiner le document numéro 5, qui

14 porte la cote DH1303, et je vous demanderais de vous dire s'il évoque

15 également le problème que vous venez de mentionner.

16 R. Oui, effectivement.

17 Q. En rapport avec une question précédente, Monsieur Konjalic, vous aviez

18 dit que vous receviez, de façon continue, un certain nombre de tâches, et

19 que de façon continue également, vous présentiez un rapport quant à vos

20 activités. Je vous demanderais d'examiner les documents 6, 7 et 8, à

21 présent, et je vous demanderais de me dire - prenons peut-être ces

22 documents séparément - si vous connaissez le document en question.

23 Connaissez-vous le document numéro 6 ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce qu'il s'agit d'un document émanant de votre état-major ?

Page 12771

1 R. C'est un document de l'état-major de la protection civile, que j'ai

2 signé.

3 Q. Il montre que vous vous préoccupiez, de façon continue, de toutes les

4 terres agricoles dans la municipalité, et de façon continue, vous vous

5 préoccupiez donc de la protection de tous ces biens, en accordant une

6 utilisation provisoire à certaines personnes.

7 Je vous demanderais de prendre maintenant le document numéro 7, 1540.

8 Dites-moi si vous connaissez ce document.

9 R. Oui. Là aussi, c'est un document de l'état-major municipal, que j'ai

10 signé en tant que commandant.

11 Q. A part le problème des réfugiés, est-ce qu'à l'époque un autre problème

12 est apparu, à savoir le problème de la nourriture, de l'hébergement des

13 personnes déplacées, ainsi que des locaux qui ne recevaient aucune aide des

14 organisations internationales, comme le HCR et d'autres qui ne venaient en

15 aide qu'aux personnes déplacées, qu'aux réfugiés ?

16 R. Oui, c'est exact. Là, ce que je dois vous dire, c'est qu'à l'époque, la

17 population locale vivait dans des conditions plus difficiles que les

18 réfugiés. Parce que les réfugiés recevaient quelque chose, alors que la

19 population locale ne recevait rien. Or, les denrées alimentaires étaient

20 épuisées, et nous n'étions pas en mesure de leur venir en aide. Par

21 conséquent, la population locale souffrait davantage de la faim que les

22 réfugiés.

23 Q. Est-ce que cette situation de la population locale a expliqué qu'on

24 essaie de reprendre en main les terres abandonnées pour faire en sorte que

25 la population locale survive ?

Page 12772

1 R. Oui, effectivement. Nous avons essayé de donner ces terres à la

2 population locale pour qu'elle puisse travailler ces terres et pour qu'elle

3 puisse être dans des conditions de survie.

4 Q. J'aimerais que vous examiniez le document numéro 8. Dites-moi si ce

5 document vous évoque quelque chose et s'il décrit un type d'activité au

6 sein de la protection civile.

7 R. Oui, je connais ce document. C'est un document de l'état-major

8 municipal de la protection civile. C'est le chef de l'époque qui l'a signé,

9 Irfan Samardzic, qui était chef au moment où j'étais commandant.

10 Q. Merci. C'est le document 1541. Monsieur Konjalic, lorsque vous songez à

11 l'époque, à 1993, où vous occupiez de telles fonctions importantes, est-ce

12 que, compte tenu des circonstances, vous avez déployé tous les efforts

13 possibles pour protéger les biens des personnes qui avaient quitté leur

14 maison, et est-ce qu'à votre avis, compte tenu des moyens qui étaient les

15 vôtres, vous auriez pu faire plus pour éviter une destruction

16 supplémentaire de ces biens ?

17 R. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, et même deux fois plus. Mais

18 une fois de plus, je le répète, à l'époque, dans le cadre de tous ces

19 mouvements de masse, et compte tenu des événements de l'époque, même si

20 nous avions eu deux fois plus de moyens, la protection civile n'aurait pas

21 pu protéger tous les biens abandonnés, qu'il se soit agit de maisons, de

22 terres, de bétails, ou autres. Le territoire était très vaste, la

23 population très nombreuse, et les maisons également. C'était très

24 difficile, mais nous avons fait tout ce que nous avons pu.

25 Q. Est-ce que les organes civils ont essayé d'appeler la population qui

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1 avait quitté la zone, qui avait abandonné ces maisons, à revenir pour

2 éviter tous les dégâts qui ont, malheureusement, été infligés à leurs biens

3 jusqu'à la fin de la guerre ?

4 R. Oui. On a tout fait pour appeler les gens à revenir, mais c'était très

5 difficile. Dans pratiquement tous les villages, certains sont restés, et là

6 où les personnes sont restées, la situation était plus simple. On a mieux

7 pu protéger ces biens. Mais dans les villages où pas un seul habitant n'est

8 resté, et si le village était important, c'était très difficile

9 d'entreprendre quoi que ce soit parce qu'il est impossible de garder telle

10 ou telle maison 24 heures sur 24 pour qu'elle reste intacte.

11 Q. Merci, Monsieur Konjalic d'avoir répondu à mes questions.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que les avocats du second accusé ont des

13 questions à poser ?

14 M. DIXON : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous n'avons pas de

15 questions à poser à ce témoin.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation pour le contre-interrogatoire.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Contre-interrogatoire par M. Mundis :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je me présente, Daryl

20 Mundis, avec les autres collègues à mes côtés, je représente l'Accusation

21 dans cette affaire. J'ai quelques questions à vous poser aujourd'hui. Mais

22 j'aimerais, une fois de plus, reprendre ce qui a été dit par le président

23 de la Chambre ce matin. Je vous poserai un certain nombre de questions, et

24 si vous n'avez pas parfaitement compris une de mes questions, n'hésitez pas

25 à me le dire. Dans ce cas, je reformulerai ma question. Je ne souhaite

Page 12774

1 nullement créer de confusion dans votre esprit par mes questions.

2 Vous avez bien compris, Monsieur ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous nous avez dit qu'il y avait plus de 200 000 réfugiés dans la

5 région de Travnik qui sont soit passés par Travnik ou qui sont restés. Est-

6 ce qu'il s'agit là du nombre total de réfugiés ou est-ce qu'à tout moment,

7 il y avait 200 000 réfugiés sur place ?

8 R. Non. Il n'y a jamais eu 200 000 réfugiés au même moment. J'ai dit que

9 plus de 200 000 personnes étaient passées par Travnik. Quant à ceux qui

10 étaient en permanence, il y avait environ 25 000 à 30 000, je parle des

11 réfugiés.

12 Q. Pourriez-vous examiner le document numéro 3, le document DH1256. Je

13 vous demanderais d'examiner le deuxième paragraphe où il est fait référence

14 "à environ 18 000 réfugiés." Est-ce que vous voyez cela dans ce document ?

15 R. Oui.

16 Q. J'imagine, Monsieur, sur la base de ce document qu'aux alentours du 25

17 juin, cela donne le nombre total de réfugiés dans la municipalité de

18 Travnik; est-ce exact ?

19 R. Il s'agit là du nombre de réfugiés dont l'état-major municipal

20 connaissait le nom, le prénom, l'origine, et cetera. Mais ce nombre était

21 plus important. Il s'agissait là des réfugiés qui étaient connus de l'état-

22 major municipal.

23 Q. Vous nous avez dit, Monsieur, précédemment que la protection civile,

24 l'état-major de la protection civile n'était d'aucune manière subordonné à

25 l'armée; est-ce exact ?

Page 12775

1 R. Oui.

2 Q. Vous nous avez dit, toutefois, que vous travailliez en partenariat avec

3 l'armée; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Si j'ai bien compris votre déposition, vous avez dit que les unités de

6 l'armée faisaient des suggestions à l'état-major de la protection civile.

7 R. Ce que j'ai dit, c'est qu'en général, ils nous proposaient de nous

8 charger de notre partie du travail. Ils disaient quand nous pouvions

9 intervenir en raison des différentes zones de combat, quand nous pouvions

10 faire notre partie du travail.

11 Q. Vous avez dit également à deux reprises ce matin qu'il était question

12 du Groupe opérationnel. Est-ce qu'il s'agissait du Groupe opérationnel de

13 la Bosanska Krajina ?

14 R. Oui.

15 Q. J'imagine que la plupart des suggestions qui vous parvenaient du 3e

16 Corps d'armée venaient du Groupe opérationnel Bosanska Krajina, n'est-ce

17 pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourriez-vous examiner le document numéro 1 du jeu de documents que

20 vous avez sous les yeux, c'est-à-dire, le document DH1225-ci. Je vous

21 demanderais d'examiner le premier paragraphe de ce document. Vous verrez

22 qu'il est fait référence aux ordres du Groupe opérationnel Bosanska

23 Krajina, au commandant du Groupe opérationnel Bosanska Krajina. Je vous

24 demanderais si l'utilisation du terme "ordres" est cohérente par rapport à

25 l'idée que vous avez évoquée, à savoir, qu'il s'agissait uniquement de

Page 12776

1 suggestions de leur part ou de partenariat.

2 R. Oui, exactement. Parce que ce terme "d'ordre", pour nous, ne

3 représentait pas vraiment un ordre. Là, c'est le style, les méthodes de

4 travail de l'armée. Pour nous, il s'agissait d'une suggestion de procéder

5 en fonction d'aller de l'avant. Nous avons réalisé notre action. En

6 l'occurrence, il s'agissait du bétail. C'était une suggestion nous

7 indiquant que nous pouvions entreprendre nos activités. En effet, on était

8 dans une période où il y avait des opérations de combat, et on ne savait

9 pas quand on pouvait intervenir. C'était donc davantage une suggestion qui

10 nous était faite.

11 Q. J'aimerais passer maintenant à des questions qu'on vous a posées à la

12 fin de l'interrogatoire principal. Vous nous avez dit que bon nombre des

13 résidants locaux étaient moins bien lotis que les réfugiés en terme de

14 denrées alimentaires; est-ce exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que l'état-major de la protection civile était en contact

17 quelconque avec les organisations humanitaires pour fournir cette aide

18 alimentaire ?

19 R. Oui. Nous étions en contact permanent avec les organisations

20 humanitaires.

21 Q. Est-ce que cela incluait des organisations humanitaires étrangères ?

22 R. Oui, précisément. Nous étions en contact avec le HCR, le CICR, et avec

23 Médecins sans frontières.

24 Q. Etiez-vous au courant de la présence de travailleurs humanitaires

25 étrangers à Mehurici ?

Page 12777

1 R. Il y avait du personnel humanitaire étranger pas seulement à Mehurici,

2 mais également dans la ville de Travnik. Il y en avait partout, je le

3 savais.

4 Q. Combien de travail de liaison --

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas réagi à

6 la question précédente. Le témoin a répondu. Mais quant à cette question-

7 là, elle n'est pas liée à l'interrogatoire principal, ni aux documents que

8 j'ai présentés au témoin. Par conséquent, nous aimerions savoir quel est le

9 fondement de ces questions. Merci.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'Accusation a une objection qui est faite.

11 Mais je constate au document numéro 6 -- non 5, "Conclusion," au numéro 2,

12 "Le gouvernement voudrait demander à Merhamet de continuer les opérations."

13 Est-ce que Merhamet n'est pas une organisation humanitaire, étrangère ?

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Non, il s'agit d'une organisation

15 humanitaire nationale, pour autant que je puisse le savoir.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien alors, peut-être que le témoin pourrait y

17 répondre.

18 Allez-y, Monsieur Mundis.

19 M. MUNDIS : [interprétation] Merci.

20 Q. Monsieur, connaissez-vous l'organisation Merhamet ?

21 R. Oui.

22 Q. Savez-vous où est basé cette organisation, où se trouve son siège ? Le

23 savez-vous ?

24 R. Oui.

25 Q. Pouvez-vous le dire à la Chambre, je vous prie ?

Page 12778

1 R. Le siège de cette organisation se trouve à Sarajevo, quant au siège

2 municipal, il se trouve à Travnik, dans la ville même. Il me semble qu'il y

3 ait des antennes à Turbe, Mehurici, et peut-être ailleurs, de petites

4 antennes locales.

5 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, si les Juges de la

6 Chambre m'y autorisent pour répondre à l'objection précédente, je

7 demanderais de pouvoir le faire en l'absence du témoin. A moins que les

8 Juges ne m'autorisent à poursuivre avec ce type de questions.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire sortir le témoin pendant quelques

10 secondes.

11 [Le témoin se retire]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation, vous avez la parole.

13 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Comme les Juges de la Chambre le savent certainement, à maintes reprises

15 des éléments de preuve ont été présentés à la Chambre quant au personnel

16 humanitaire étranger, dans la municipalité de Travnik, et autour de cette

17 municipalité, et plus particulièrement aux alentours de Mehurici. Par

18 ailleurs, cette Chambre a également entendu des éléments de preuve

19 indiquant que ces travailleurs humanitaires sont venus en Bosnie en tant

20 que tel, mais que par la suite, certains ont pris les armes sous forme de

21 Moudjahiddines.

22 Ce témoin nous a dit dans sa déposition en quoi consistaient ses fonctions,

23 ce qui incluait dans le cadre de la protection civile, la fourniture

24 d'aliments, d'aide et d'hébergement aux membres de la population, dans la

25 municipalité locale de Travnik. A la lumière de la question précédente, et

Page 12779

1 de la réponse à la question précédente, le témoin peut être en mesure de

2 fournir des renseignements au sujet de ces travailleurs humanitaires

3 étrangers.

4 Il s'agit là d'une question ayant un lien direct avec sa déposition

5 quant aux difficultés de la protection civile, de la difficulté à fournir

6 de l'aide aux réfugiés et à la population locale. Nous pensons que cela est

7 directement lié au contre-interrogatoire. Nous ne pensons pas poser un

8 grand nombre de questions au témoin, mais en fonction des renseignements

9 qu'il peut nous fournir, cela peut avoir son importance pour la Chambre.

10 Bien sûr, la question du personnel humanitaire étranger, ayant un rapport

11 avec les Moudjahiddines, a également été mentionné dans l'acte

12 d'accusation, nous pensons que le témoin, compte tenu de la position qui

13 était la sienne, pourrait fournir des renseignements utiles pour la Chambre

14 de première instance, et nous pensons que cela découle directement de

15 l'interrogatoire principal.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien je vais donner la parole à la Défense. Mais

17 pour résumer, l'Accusation nous dit qu'elle veut une question au témoin

18 concernant les travailleurs humanitaires, quel qu'ils soient d'ailleurs,

19 étrangers ou nationaux, et s'il s'avérait qu'il y avait des travailleurs

20 humanitaires étrangers. L'Accusation devrait être autorisée à poser la

21 question sur les Moudjahiddines. L'Accusation nous indique, qu'à plusieurs

22 reprises, des témoins sont venus déposer relatant la présence de

23 travailleurs, enfin de travailleurs humanitaires étrangers qui, dans un

24 premier temps, avaient apporté nourriture, argent, soutien psychologique et

25 autres aux populations déplacées, et par la suite ces travailleurs

Page 12780

1 humanitaires s'étaient "reconvertis" dans l'action armée. Bon c'est pour

2 cela que l'Accusation voudrait poser des questions à l'intéressé.

3 La Défense a fait une objection tout à l'heure, alors à la lumière de cela,

4 quelle est la position de la Défense ?

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons bien

6 écouté les arguments qui ont été présentés par l'Accusation, et nous

7 comprenons bien que l'Accusation souhaite éclaircir, ou en savoir plus sur

8 la question qui vient d'être évoquée, à savoir la question des étrangers,

9 des travailleurs humanitaires étrangers dont certains en sont arrivés à

10 prendre les armes.

11 Mais, Monsieur le Président, nous nous trouvons devant une Chambre

12 ayant à connaître d'une affaire pénale, où il convient de respecter le

13 Règlement du Tribunal. A l'Article 90(H)(ii), dans les dispositions

14 relatives au contre-interrogatoire, on limite la portée du contre-

15 interrogatoire. On dit que, le contre-interrogatoire peut porter uniquement

16 sur tel ou tel point. Dans cette partie, et je vais vous donner lecture

17 plus précisément des dispositions pertinentes. Il est dit :

18 "Que lorsqu'une partie contre-interroge un témoin qui est en mesure

19 de déposer sur un point ayant trait à sa cause, elle doit le confronter aux

20 éléments dont elle dispose, qui contredisent ses déclarations."

21 Par conséquent, il y a deux conditions à respecter, à savoir que la partie

22 insiste sur la nature des éléments auxquels elle souhaite le confronter, et

23 qui contredisent ses déclarations.

24 Or nous n'avons eu aucun élément de la part de l'Accusation nous

25 indiquant que cela pourrait être en contradiction avec ce que le témoin a

Page 12781

1 déjà dit. Nous pensons que cette possibilité n'est pas offerte dans le

2 cadre du Règlement de procédure et de preuve, et cela est par ailleurs

3 contraire au Statut de ce Tribunal, et est contraire aux principes de

4 respect des droits de l'accusé, surtout étant donné que ce témoin n'a aucun

5 lien avec les Moudjahiddines ou avec cette question de façon générale. Nous

6 ne pouvons rien trouver qui irait dans un sens contraire et, notamment,

7 dans le cadre des documents qui ont été présentés. Nous pensons que

8 l'Accusation ne devrait pas être autorisée à poser ce type de questions.

9 Merci.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Mundis, vous voulez répliquer à la

11 Défense, qui argumente en se fondant sur l'Article 90(H)(ii), qui indique

12 que lorsqu'une partie contre-interroge, elle doit confronter aux éléments

13 dont elle dispose, qui contredisent ses déclarations. Il y a aussi le (iii)

14 qui précise le champ du contre-interrogatoire, qui vise aux points ayant

15 trait à la crédibilité du témoin, ayant trait à la cause, et il y a le

16 (iii), qui est de la compétence unique des Juges.

17 Monsieur Mundis.

18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Notre position

19 est de dire que cela relève davantage du H(i) parce que cela est lié aux

20 points évoqués dans l'interrogatoire principal, premièrement.

21 Deuxièmement, j'aimerais rappeler quelle est notre position, pour pouvoir

22 mettre à l'épreuve la crédibilité du témoin ou pour pouvoir présenter nos

23 arguments au témoin, nous devons établir un certain fondement et nous

24 devons voir si le témoin connaît cette question ou non pour en arriver là.

25 Par conséquent, je suggère uniquement que la première question que j'ai

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1 posée au témoin visait à permettre de savoir si le témoin connaissait quoi

2 que ce soit au sujet des ces travailleurs humanitaires étrangers. Mais, par

3 la suite, nous verrons s'il sait ou non quelque chose, à savoir si certains

4 d'entre eux se sont transformés en Moudjahiddines.

5 Je crois donc qu'il est prématuré, à ce stade, pour ma collègue de dire,

6 d'ores et déjà, que le témoin ignore quoi que ce soit au sujet des

7 Moudjahiddines car je ne lui aie pas encore posé la question. S'il me

8 répond qu'il n'en sait rien, qu'il n'est pas au courant, cela mettra terme

9 à cette partie-là du contre-interrogatoire ou, ensuite, je poserai d'autres

10 questions en rapport avec sa crédibilité et je lui demanderai : mais

11 comment peut-il ignorer cela en raison de tous les éléments, et cetera.

12 Il est prématuré, à ce stade, d'évoquer le H(ii) avant que je n'aie évoqué

13 un fondement me permettant d'aller dans ce sens. A titre préliminaire, ce

14 que je dirais, c'est que notre contre-interrogatoire est lié directement

15 aux points évoqués dans l'interrogatoire principal.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 10 heures presque 30. Nous allons nous

17 retirer. Nous vous dirons notre décision à la reprise, qui interviendra aux

18 environs de 10 heures 55.

19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

20 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre va rendre sa décision sur

22 l'objection formulée par la Défense au projet qu'avait l'Accusation de

23 poser une question au témoin sur la question des travailleurs humanitaires

24 à Travnik ou dans la région.

25 La Défense a estimé que, dans le cadre de l'Article 90(H), l'Accusation

Page 12783

1 n'avait pas la possibilité, dans le cadre de son contre-interrogatoire, de

2 poser une question non directement liée à la réponse du témoin. Sur

3 l'objection soulevée, l'Accusation a fait valoir qu'elle pouvait poser ce

4 type de question, d'autant plus que le témoin avait répondu à la question

5 du travailleur humanitaire.

6 La Chambre estime, quant à elle, que l'intérêt de la justice, la

7 manifestation de la vérité amène la nécessité que le témoin, qui, je le

8 rappelle, de l'avis de la Chambre, s'occupait de la protection civile,

9 puisse être interrogé sur tous les aspects de la protection civile, y

10 compris, les relations éventuelles qu'il aurait pu avoir avec des

11 organisations humanitaires, à fortiori, si elles étaient localisées sur le

12 territoire dans lequel il exerçait son office. Dans ces conditions,

13 l'Accusation est autorisée à poser la question au dit témoin.

14 En conséquence de cause, je demande à Mme l'Huissière d'aller chercher le

15 témoin.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

18 L'Accusation peut poursuivre son contre-interrogatoire.

19 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Monsieur le Témoin, avant qu'on ne emmène hors du prétoire, et avant

21 que nous ne fassions la pause, je vous ai posé quelques questions

22 concernant les travailleurs humanitaires étrangers dans la municipalité de

23 Travnik. A l'époque, vous exerciez dans la protection civile. Quelle était

24 la nature de vos rapports avec le personnel humanitaire étranger de

25 Mehurici ?

Page 12784

1 R. Nous n'avions aucun contact. Je pense que je n'ai pas terminé ma

2 réponse, donc, je souhaiterais préciser ce que j'ai dit plus tôt. Je

3 connais une organisation humanitaire appelée "For Children", "Pour les

4 enfants". Il y avait trois organisations, Caritas, Merhamet et Dobrotvor.

5 Il y avait également cette organisation, appelée "Food for Children", "De

6 la nourriture pour les enfants", c'était son nom mais je ne sais pas

7 beaucoup de choses au sujet de cette organisation. Je savais qu'ils

8 distribuaient du lait ou des produits laitiers aux enfants.

9 Q. D'après vos souvenirs, lorsque vous dites "nous n'avions aucun

10 contact", est-ce que quelqu'un, au sein de l'état-major de la protection

11 civile de la ville de Travnik, avait contact avec les travailleurs

12 humanitaires étrangers de Mehurici ?

13 R. Non, pour autant que je le sache. Ce n'était pas nécessaire. Je ne sais

14 même pas comment ils distribuaient ces denrées alimentaires pour les

15 enfants.

16 Q. A votre connaissance, était-il nécessaire que cette organisation

17 humanitaire étrangère s'enregistre auprès de l'état-major de la protection

18 civile ou auprès de la police civile des autorités municipales ?

19 R. Non.

20 Q. Savez-vous pendant combien de temps ces organisations humanitaires

21 étrangères ont travaillé à l'extérieur de Mehurici ?

22 R. Je ne sais pas.

23 Q. Savez-vous ce qu'il est advenu des étrangers qui travaillaient pour les

24 organisations humanitaires qui se trouvaient à Mehurici ?

25 R. Non.

Page 12785

1 Q. Vous nous avez dit que vous les connaissiez. Est-ce que vous pourriez

2 nous dire ce que vous saviez au sujet de leurs activités et comment vous

3 l'avez appris ?

4 R. Cette organisation de la nourriture pour les enfants était dans la

5 ville elle-même. Je sais que c'était une organisation humanitaire qui

6 fournissait de la nourriture aux enfants et aux nouveaux-nés. Comme le HCR

7 nous donnait de la nourriture pour les enfants, il était inutile que nous

8 ayons des contacts avec eux. Je ne sais pas qui était membre de cette

9 organisation.

10 Q. Vous souvenez-vous comment vous avez appris leur présence à Mehurici ?

11 R. J'ai vu ce nom de, "la nourriture pour les enfants", "Food for

12 Children", dans la ville. J'ai demandé à un de mes collègues de quoi il

13 s'agissait, et il m'a répondu qu'il s'agissait d'une organisation qui

14 distribuait de la nourriture pour les enfants et qui était présente à deux

15 ou trois endroits. Il y en avait un à Mehurici, une autre à Turbe.

16 Q. Il me semble que dans votre déposition les termes "protection civile"

17 et "défense civile" ont été utilisés de manière interchangeable. Est-ce

18 qu'il y a une différence entre la Défense civile et la protection civile ?

19 R. Bien entendu, je ne connais pas la traduction exacte. Je ne sais pas ce

20 que recouvre les termes "protection civile" et "défense civile", en

21 anglais. En B/C/S, on parle de "civilinizlastica", et cela a trait à la

22 protection de la population et des biens. La notion de Défense civile est

23 probablement une notion plus large, qui inclut sans doute également les

24 autorités civiles, en plus de la nature de protection de ce travail. Donc,

25 je ne sais pas quelle est la traduction exacte, mais il me semble que le

Page 12786

1 terme "défense civile" est plus approprié.

2 Q. C'est exactement ce que je voulais savoir. Je n'étais pas sûr qu'il

3 existait une différence en langue bosniaque, mais j'ai constaté que ces

4 termes avaient été utilisés de manière interchangeable.

5 En bosniaque, le nom de l'organisation -- de l'agence pour laquelle vous

6 travailliez était "état-major de la protection civile", n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Donc, vous travailliez pour l'état-major de la protection civile de la

9 municipalité de Travnik, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est exact.

11 Q. A votre connaissance, existait-il une agence ou une structure qui était

12 appelée "état-major de la Défense civile" ? Je veux parler de la

13 municipalité de Travnik.

14 R. Non, je ne connais pas ce nom.

15 Q. Donc, aujourd'hui, lorsqu'il était fait référence à la Défense civile,

16 il s'agissait en réalité de la protection civile; est-ce exact ?

17 R. Oui. C'est de cela que je voulais parler tout au long de ma déposition.

18 Q. Je vous remercie. Un peu plus tôt, vous avez déclaré que vous aviez

19 suivi une formation pour obtenir des connaissances supplémentaires dans le

20 domaine de la protection civile. Je pense que vous avez déclaré que cela

21 s'était fait à Belgrade ou à côté de Belgrade. Vous avez parlé de Zemun.

22 R. Oui.

23 Q. Je suppose que vous avez suivi cette formation avant l'éclatement du

24 conflit; est-ce exact ?

25 R. Oui.

Page 12787

1 Q. Vous nous avez dit que l'état-major de la protection civile était

2 d'avis qu'il était plus facile de protéger les biens ou les logements

3 civils abandonnés si des personnes habitaient dans ces maisons. Est-ce que

4 je vous ai résumé de façon exacte ?

5 R. Oui.

6 Q. Le fait de considérer qu'il était plus facile de protéger des biens ou

7 des maisons si des personnes y habitaient, est-ce une notion que vous avez

8 acquise dans le cadre de la formation que vous avez suivie pour devenir

9 expert en protection civile ?

10 R. Oui, il s'agit là de l'une des manières qui permettaient d'aider la

11 population.

12 Q. A votre connaissance, Monsieur, était-ce là la position du gouvernement

13 de la République de Bosnie-Herzégovine pendant cette période ?

14 R. Oui.

15 Q. Donc, je suppose qu'il s'agissait d'un principe qui s'appliquait sur

16 l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

17 R. Je ne sais pas si ce principe a été appliqué sur l'ensemble du

18 territoire de la Bosnie-Herzégovine, mais c'est un principe que nous avons

19 appliqué à Travnik.

20 Q. Mais ce principe, théoriquement, était applicable à l'ensemble du

21 territoire. Quant à savoir s'il a été appliqué ou pas, c'est une autre

22 question. Mais c'était un principe applicable à l'ensemble du territoire,

23 n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est comme cela que nous travaillions. Si vous le souhaitez, je

25 peux expliquer pourquoi.

Page 12788

1 Q. Je pense que vous l'avez déjà fait. Mais ceci m'intéresse, car il me

2 semble que, s'il s'agissait d'un principe généralement applicable à

3 l'ensemble du territoire, ce principe aurait dû appliqué aux maisons

4 appartenant à des Bosniaques, qui avaient été abandonnées en Krajina ou

5 dans d'autres régions, maisons dans lesquelles des Serbes sont venus

6 s'installer. Est-ce que ceci relève de la protection civile ?

7 R. Nous appliquions ce principe pour les maisons appartenant à des

8 Bosniaques également, pas uniquement à des Croates. Certains endroits --

9 certaines maisons avaient été abandonnées par des Bosniens, et nous y

10 installions deux ou trois familles que nous chargions de prendre soin de

11 ces maisons. Ils nous informaient de tout événement indésirable qui

12 pourrait se produire, et nous informions, ensuite, les autorités

13 compétentes de cela.

14 Q. Une dernière question à présent. Vous nous avez dit, un peu plus tôt,

15 qu'un bon nombre de Croates avaient quitté la vallée de la Bila; est-ce que

16 vous savez pourquoi ?

17 R. Oui. Ils ont été emmenés ailleurs par le HVO. Je dispose d'information

18 fiable provenant d'amis croates qui sont restés. Ils avaient des problèmes

19 importants parce qu'ils ne voulaient pas partir. Après cela, on ne les

20 considérait pas comme de bons Croates.

21 Q. Excusez-moi, je vous ai dit que c'était ma dernière question, mais j'ai

22 encore une question à vous poser.

23 Les documents qui vous ont été montrés aujourd'hui, documents que vous avez

24 signés personnellement en votre qualité de commandant, ce terme de

25 "commandant" dans le cadre d'un service de protection civile paraît quelque

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1 peu étrange à quelqu'un qui n'est pas originaire de Bosnie. Je me demande

2 s'il s'agissait du terme habituellement employé pour les fonctionnaires de

3 la protection civile, et si cela supposait des fonctions de commandement

4 puisque vous étiez commandant de l'état-major.

5 R. Nous étions organisés conformément aux instructions qui avaient été

6 émises. Au sein de la protection civile, il y avait un commandant, un chef,

7 et un certain nombre d'employés qui s'occupaient de la protection. Les

8 documents que j'ai signés, je ne les ai pas signés en qualité de soldats,

9 nous avions des sessions de l'état-major, et il me faut souligner qu'au

10 sein de l'état-major, il y avait des personnes originaires de différents

11 groupes ethniques. Il y avait des Bosniens, des Croates, des Serbes et des

12 Albanais. Il y avait également des gitans. A l'issue des réunions de

13 l'état-major, nous prenions des décisions, et le commandant signait

14 certains documents.

15 Q. Merci.

16 M. MUNDIS : [interprétation] L'Accusation n'a pas de questions

17 supplémentaires à poser au témoin.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense.

19 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

20 Q. [interprétation] Monsieur Konjalic, vous avez parlé des mesures prises

21 pour installer des personnes dans des maisons pour coopérer avec l'ABiH, et

22 vous avez répondu à un certain nombre de questions posées par mon confrère.

23 Est-ce que cette coopération supposait également la prise de décisions

24 visant à empêcher le pillage ou la destruction de biens ?

25 R. Oui. Compte tenu qu'il s'agissait de la zone de responsabilité du

Page 12790

1 Groupe opérationnel de Krajina, ils étaient chargés d'empêcher les

2 mouvements dans ce secteur. Nous leur avons demandé de faire en sorte que

3 les personnes qui n'aient pas de certificats que nous aurions délivrés, ne

4 soient pas autorisées à rentrer dans ces secteurs. Ceci nous permettait

5 d'effectuer nos tâches plus facilement.

6 Q. Lorsque vous repensez à cette coopération avec le recul, est-ce que

7 vous pensez que ces interdictions concernant les secteurs où il y avait des

8 activités de combat étaient nécessaires pour l'exercice de vos activités ?

9 R. En territoire libre, les certificats n'étaient pas nécessaires ou les

10 laissez-passer n'étaient pas nécessaires. Mais il y avait des combats en

11 cours, ailleurs, et les gens étaient en danger. Nous ne savions pas où

12 étaient les lignes. Nous ne savions pas où on tirait, et si l'un de nos

13 employés entrait dans ce secteur, sa vie pouvait être mis en péril. C'est

14 la raison pour laquelle nous avons demandé à l'armée de nous dire où nos

15 employés pouvaient aller pour accomplir leur mission.

16 Q. Savez-vous si les autorités civiles et militaires ont pris d'autres

17 mesures dans le cadre de cette coopération ? Par exemple, est-ce qu'ils ont

18 mis en place un couvre-feu ? Est-ce qu'ils ont érigés des postes de

19 contrôle pour surveiller les mouvements ou les déplacements de la

20 population dans la mesure du possible ? Est-ce que certaines personnes ont

21 été arrêtés ou poursuivies pour pillage ou destruction de maisons ?

22 R. Oui. C'est la raison pour laquelle il y avait un couvre-feu. A un

23 moment donné, dans la soirée, les personnes qui n'avaient pas de laissez-

24 passer n'étaient pas autorisées à circuler librement. La police était

25 présente en ville et participait aux activités liées à la sécurité des

Page 12791

1 citoyens. Il y avait des soldats autour de la ville où se déroulaient des

2 activités de combat. Il y avait, bien entendu, des postes de contrôle

3 également car il n'était pas facile de parvenir aux zones de combat.

4 Q. Merci. Mon confrère vous a demandé pourquoi les Croates étaient partis

5 de la région. Je souhaiterais vous poser une question au sujet de la pièce

6 à conviction P890.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je demanderais à ce qu'elle soit présentée

8 au témoin.

9 Q. Monsieur Konjalic, pourriez-vous examiner ce document, je vous prie ?

10 Il s'agit d'un appel conjoint au retour. En réponse à une question posée

11 par mon éminent confrère, vous avez déclaré que vos amis croates vous

12 avaient dit qu'ils étaient soumis à des pressions très importantes afin de

13 quitter la région avec le HVO. Pourriez-vous vous dire si ce document

14 évoque le type d'efforts déployés par les autorités civiles et militaires

15 afin de s'assurer que les citoyens puissent regagner leurs domiciles ?

16 Notamment, afin de protéger leurs biens étant donné que le MUP et les

17 forces armées n'étaient pas en mesure de sécuriser toutes les maisons ?

18 R. Oui, c'est ce que je viens de dire. C'est la première fois que je vois

19 ce document. Néanmoins, j'en connais le teneur. Muhamed Curic, le président

20 de la présidence de Guerre a entendu mes suggestions à cet effet. Je suis

21 content qu'ils aient rédigé un tel document.

22 Q. Est-ce que de tels appels ont été communiqués aux citoyens par le biais

23 des médias, et d'autres manières afin que les citoyens puissent regagner

24 leurs domiciles et retrouver leurs maisons ?

25 R. Oui. Nous faisions cela tout le temps, la protection civile également,

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1 ainsi que certains Croates qui étaient restés en ville. Ils appelaient les

2 familles à rentrer chez elles.

3 Q. Mon confrère vous a également posé une question au sujet de certains

4 principes. Est-ce que l'un de ces principes était l'idée que les maisons

5 abandonnées devaient être occupées ? S'agissait-il d'une décision ou d'une

6 conclusion de la présidence de Guerre et du gouvernement à partir de

7 laquelle vous avez entrepris certaines activités dans des situations

8 données ?

9 R. Nous n'avions pas pu agir différemment. Nous recevions un ordre du

10 gouvernement puisque la présidence de Guerre, selon lequel nous devions

11 faire tout notre possible pour protéger les biens, et c'est ce que nous

12 fait.

13 Q. Monsieur Konjalic, savez-vous si, pendant la guerre, des décrets ont

14 été émis par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, lors d'assemblées

15 concernant ce sujet particulier ?

16 R. Oui, j'en ai eu connaissance.

17 Q. Savez-vous si, en 1992, un décret a été émis concernant les biens

18 provisoirement abandonnés, et les appartements provisoirement abandonnés?

19 Pourriez-vous nous dire si ces décrets régissaient la manière dont les

20 biens, les appartements abandonnés, devaient être utilisés ? Est-ce que ces

21 décrets, ayant force de loi, déterminaient la manière dont les gens

22 devaient regagner leur domicile et retrouver leurs biens ?

23 R. Oui. J'ai eu connaissance de cela.

24 Q. Conformément à ces décrets ou à ces lois, à la fin de la guerre,

25 lorsque les gens sont retournés chez eux, est-ce qu'ils ont retrouvé leurs

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1 biens et, en cas de dommages infligés aux biens, est-ce qu'ils ont reçu une

2 compensation ?

3 R. Oui. Lorsque la protection civile installait des personnes dans des

4 logements, de façon légale, l'état des lieux était fait et lorsque le

5 propriétaire regagnait son domicile, les personnes, qui se trouvaient dans

6 la maison, devaient rendre les biens, la maison et ce qui s'y trouvait.

7 Donc, tous ces biens étaient énoncés dans une liste.

8 Q. Dernière question concernant le titre de commandant ou de chef de

9 l'état-major de la protection civile. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un

10 organe civil et mon collègue a déclaré que tout ceci était un peu difficile

11 à comprendre pour quelqu'un qui n'est pas originaire de Bosnie-Herzégovine.

12 Je souhaiterais savoir si ces noms avaient quoi que ce soit à voir avec le

13 titre de commandant de l'état-major municipal de la Défense territoriale et

14 de chef de l'état-major de la Défense territoriale ou plutôt, est-ce qu'il

15 y avait quoi que ce soit de commun avec les fonctions de commandant d'une

16 unité militaire ? Est-ce que ces organes sont totalement différents ?

17 R. Ces organes sont totalement différents. Le commandant de la protection

18 civile, le chef de la protection civile, ce sont des noms qui n'ont rien à

19 voir avec des formations militaires. C'était notre système de commandement

20 et de contrôle, dans le cadre de la protection civile.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pas de questions supplémentaires.

22 M. DIXON : [interprétation] Nous n'avons pas de questions pour ce témoin,

23 merci.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors les Juges ont un certain nombre de questions à

25 vous poser.

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1 Questions de la Cour :

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais tenter, dès le départ, d'éclaircir la

3 question du statut de votre entité, dénommée état-major, protection civile

4 par rapport à un éventuel statut militaire.

5 Je vous demande de bien vouloir regarder les pièces que la Défense vous a

6 présentées, notamment regardant le document numéro un.

7 Quand vous regardez le document numéro 1, en haut à gauche, est-ce que vous

8 lisez, comme moi, en haut à gauche ? Est-ce qu'il y a un numéro

9 d'enregistrement avec une date et un objet ?

10 Vous qui avez fait votre service militaire dans la JNA, est-ce que cette

11 forme de document n'a pas un aspect militaire ? Parce qu'on pourrait vous

12 présenter des documents militaires qui ont exactement la même structure.

13 Qu'est-ce que vous donnez comme explications ?

14 R. C'est de cette manière-là qu'une correspondance administrative se

15 déroule. On a la référence du document, la date. Selon les règles de

16 correspondance, dans un cadre administratif, il faut bien enregistrer le

17 document et c'est en fonction de cette référence qu'on archive le document,

18 pour qu'à tout moment, on puisse le retrouver.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, alors donc, pour vous, c'est une pure

20 coïncidence que si la forme même de ces correspondances correspondent à des

21 correspondances militaires dans la mesure où, vous dites, c'est

22 administratif. Est-ce qu'aussi, c'est une coïncidence si vous avez le titre

23 de commandant d'un état-major, c'est aussi très administratif d'être

24 commandant d'un état-major ?

25 R. Non, ce n'est pas administratif, c'est une fonction, c'est une

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1 fonction, un grade. Nous aussi, on avait nos grades. Si on ne nous avait

2 pas volé nos uniformes, vous pourriez voir le grade du commandant de la

3 protection civile ou plutôt, ce ne sont pas des grades, ce sont des

4 insignes.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez, en quelque sorte, répondu à la question

6 que j'allais vous poser. J'allais vous poser la question, est-ce que vous

7 aviez des uniformes ? Vous dites : "On nous a volé nos uniformes." Vous

8 aviez un uniforme ?

9 R. Oui, de couleur bleu.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Avec des galons, des insignes, un couvre-chef ?

11 R. Tout à fait, oui, c'est cela.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'à l'occasion, vous étiez armé ?

13 R. Non. D'après les conventions de Genève, la protection civile ne peut

14 pas porter d'armes.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, en tout cas, vous aviez un uniforme.

16 R. Mais, on avait un uniforme bleu.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez un uniforme bleu. Pour régler un

18 problème, je voudrais que vous regardiez le document 1 et le document 2

19 parce que la traduction anglaise de votre service, le 1, c'est Défense

20 civile et l'autre, protection civile. Alors, j'ai bien regardé dans votre

21 langue le mot qui est identique. Apparemment, c'est une traduction anglaise

22 qui est différente.

23 Est-ce que le document 1 et le document 2 émanent de vos services ?

24 R. Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je signale à la Défense puisque c'est elle qui

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1 nous produit un document, ce qui avait donné lieu à la question de

2 l'Accusation. Vous n'avez pas dû vous apercevoir qu'on a traduit anglais

3 "défense civile" et "protection civile", ce qui peut donner lieu à

4 confusion. Le témoin nous dit : c'est le même organisme.

5 Dans les documents, je vous interroge uniquement à partir des documents.

6 J'ai constaté dans les documents qui nous ont été fournis que vous aviez

7 aussi la responsabilité de ramasser les corps des personnes tuées ou qui

8 ont été tuées sur le terrain d'un certain nombre d'opérations.

9 On le voit au document, regardez le document numéro 3. Est-ce que

10 vous aviez la mission de vous occupez des cadavres et de les enterrer,

11 puisque c'est marqué également enterrement ?

12 R. Oui, c'est une des mesures de la protection civile. Il s'agit de

13 l'assainissement du terrain. L'intention est d'empêcher des maladies

14 contagieuses.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, in concreto, comment cela se passait.

16 L'armée, certainement, avait recours à vous pour aller nettoyer le terrain

17 et assainir le terrain, et enterrer les cadavres. Comment, dans votre

18 souvenir, cela se passait ? Qui vous appelait ? Quels étaient les moyens

19 logistiques que vous aviez pour procéder à cela ? Que faisiez-vous pour

20 reconnaître les corps ? Car, dans votre rapport qui se trouve dans le petit

21 dossier remis par la Défense, je note - c'est à la pièce 9 - où vous faites

22 état de l'enterrement de 70 personnes qui avaient été tuées; 50

23 identifiées, et 20 non-identifiées. Pour éclairer les Juges, pouvez-vous

24 nous dire comment cela se passait ? Etes-vous prévenus ? Comment alliez-

25 vous sur le terrain ? Que faisiez-vous sur le terrain ?

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1 R. Voyez-vous, pendant les opérations de combat, il y a toujours une armée

2 qui occasionne le déplacement -- le redéploiement de l'autre. Lorsque

3 l'armée arrivait à repousser l'ennemi de l'autre côté, bien entendu, on

4 peut s'attendre à ce qu'il y aura des morts de notre côté parce que ce sera

5 le territoire qui aura été libéré par notre armée. Nous entendons les tirs

6 donc nous savons qu'il y a des opérations de combat. On entend des canons,

7 des obus, et cetera, et on se prépare à agir. Donc, on prépare une unité.

8 Les brancards, enfin, tout ce qui est nécessaire pour --

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite question qui découle de ce que vous venez

10 de dire. Vous dites "on se prépare". Est-ce que vous étiez au courant de

11 l'opération militaire avant qu'elle se déroule ? Vous dites "on se

12 prépare". Si on se prépare, c'est qu'on eu connaissance. Expliquez-nous.

13 R. Monsieur le Président, apparemment, vous ne m'avez pas compris. C'est

14 dans une cuvette que se situe la ville de Travnik. Il y a le mont Vlasic

15 d'un côté et la Vilenicap49 de l'autre côté. C'est au milieu de la ville

16 une balle qu'on tire à cinq kilomètres. Inutile d'insister pour ce qui est

17 des obus. Non, on ne pouvait pas être mis au courant d'une opération de

18 combat. Mais nos unités, et non seulement les unités d'assainissement, mais

19 la lutte anti-incendie, on était toujours prêts à agir.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous entendez des obus, des balles. Comment

21 pouvez-vous en déduire qu'il y a eu des morts ? Comment le savez-vous si --

22 kilomètres ? Qui vous dit d'y aller ? Il y a bien quelqu'un qui doit vous

23 appeler pour aller ramasser les cadavres ?

24 R. Oui, oui, oui. Généralement, c'est quelqu'un de l'armée.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Il le fait par téléphone ? Comment vous

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1 êtes en communication avec l'armée ? Par téléphone, ou via vive voix ?

2 Comment cela se passe ?

3 R. Je vous ai dit qu'on avait des représentants sur le terrain. Un

4 militaire se rendait auprès de notre représentant le plus proche, dans un

5 secteur donné, et il l'informait de ce qui était en train de se passer. Le

6 représentant, passant par ses corps, informait le petit état-major de sa

7 commune locale. Au niveau de commune locale, ce petit état-major était tenu

8 d'informer mon état-major, celui que je commandais.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour ramasser les cadavres, comment cela se

10 passait ? Vous aviez des véhicules pour les transporter ? Comment faisiez-

11 vous pour les identifier ?

12 R. Généralement, il s'agissait de véhicules. Ce n'était pas des véhicules

13 spéciaux. C'étaient des véhicules qu'on avait. On se rendait sur le terrain

14 et on ramassait les personnes ayant trouvé la mort. Quant à

15 l'identification, c'était l'organe compétent qui s'en chargeait. C'était le

16 MUP, donc la police.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Les cadavres étaient amenés où ?

18 R. Cela dépend. Cela varie d'un cas à l'autre. Parfois, on les enterrait

19 sur place, si, par exemple, c'étaient des gens du crû, la population

20 locale, et si quelqu'un les avait reconnu et s'ils souhaitaient qu'on les

21 enterre sur place.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la cimetière de la commune ou sur le champ de

23 bataille ?

24 R. Généralement, on les enterrait au cimetière.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'hypothèse où le cadavre n'a pas d'identité,

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1 on ne sait pas qui c'est, qu'est-ce qui se passe ?

2 R. La police avait ses méthodes. Je ne les connais pas. C'est elle qui

3 s'en chargeait. Elle enregistrait les coordonnés comme non-identifiés, avec

4 d'autres mentions et, après, on nous donnait le feu vert. Ils disaient

5 qu'ils avaient toutes les informations, disant qu'elles ont été

6 enregistrées sous "NN" - non-identifiée. Ils nous disaient à partir de quel

7 moment on pouvait procéder à l'enterrement, parce qu'ils avaient tout ce

8 qu'il leur fallait au sujet d'un coordonné.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est donc vous qui procédez à l'inhumation ? C'est

10 vous qui mettez le corps en terre ?

11 R. Oui.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous faisiez cette opération, est-ce qu'il y

13 avait un permis d'inhumation ? Est-ce qu'il y avait un certificat de décès

14 vous permettant d'enterrer la personne ? Ou cela se faisait comme cela,

15 sans papier ?

16 R. Pour toutes les personnes, on avait toutes les pièces nécessaires --

17 tous les documents nécessaires. On n'a jamais enterré une seule personne

18 comme cela, sans l'avoir identifiée, sans l'avoir référenciée, s'il y avait

19 des proches, des membres de la famille. S'il fallait procéder selon leur

20 religion, on le faisait, d'après leurs souhaits, à l'endroit où ils

21 souhaitaient que la personne soit transportée.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais passer à un autre sujet, qui est la question

23 de l'occupation des maisons qui sont abandonnées et dans lesquelles vous

24 relogiez des réfugiés. Dans les documents qui nous ont été fournis par la

25 Défense, j'ai remarqué il est question parfois de cartes de réfugiés. Les

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1 200 000 réfugiés, est-ce que ces réfugiés avaient tous une carte

2 d'identification, de la qualité de réfugiés ? Comment faisiez-vous ? Est-ce

3 que cela vous incombait de leur donner des cartes ou de vérifier que

4 c'étaient de véritables réfugiés ?

5 R. Oui. Tous les réfugiés qui résidaient -- qui séjournaient dans la

6 municipalité de Travnik avaient une fiche de réfugié avec toutes les

7 informations nécessaires, les informations de base : d'où il venait, quand

8 il est arrivé, combien de membres il y avait dans son foyer. On avait aussi

9 sur cette fiche les membres de la même maisonnée. Pour ce qui est des

10 personnes qui étaient de transit, qui ne s'arrêtaient qu'en l'espace d'une

11 journée, ou au plus, deux journées, elles repartaient vers Zenica ou

12 ailleurs, ou dans des pays étrangers. Alors, pour ce qui est de ces gens de

13 transit, on prenait leur nom, mais on ne leur délivrait pas de fiche -- de

14 carton de réfugiés parce qu'elles ne souhaitaient pas rester sur le

15 territoire de la municipalité de Travnik. Donc, on les prenait en charge.

16 On leur donnait des vivres pour une journée ou deux. Cela dépend. Parfois,

17 il y a eu des gens qui ne sont restés que deux heures. Il y a des gens qui

18 avaient des proches à Zenica, et qui poursuivaient leur chemin

19 immédiatement.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les réfugiés qui restaient sur place, vous nous

21 avez dit qu'il fallait les reloger, afin de trouver des appartements ou des

22 logements vacants, comment faisiez-vous pour déterminer quels étaient les

23 appartements vacants ? Est-ce que vous aviez sous vos ordres des

24 fonctionnaires qui passaient dans les rues, promettaient des maisons qui

25 avaient été abandonnées ? Comment est-ce que cela se passait ?

Page 12801

1 R. La municipalité de Travnik avait une commission. Cette commission a

2 dressé une liste des logements abandonnés. La protection civile, quant à

3 elle, elle recevait des informations du terrain, une liste des foyers et

4 des maisons abandonnées. Ce sont nos représentants qui le faisaient. Pour

5 chacun des villages, nous savions combien il y avait de foyers ou de

6 maisons dans ce village, et nous savions même qui sont les propriétaires

7 des maisons.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que la municipalité dressait une

9 liste des logements abandonnés, et vous aviez, vous, communication de la

10 liste. A votre connaissance, les personnes qui avaient abandonné leurs

11 maisons sans savoir au moment où elles abandonnaient que des réfugiés

12 allaient les remplacer, est-ce qu'à votre connaissance, la municipalité

13 faisait des réquisitions d'occupation de ces logements ? Comment est-ce que

14 cela se passait parce que le code pénal de votre pays a une disposition qui

15 protège la propriété privée. Donc, la propriété privée est protégée et on

16 n'a pas à l'occuper, ni à en saisir les biens. Pour mettre quelqu'un à la

17 place du légitime propriétaire, faut-il encore qu'il y ait un acte, une

18 réquisition. Est-ce qu'à votre connaissance, il y avait des réquisitions ?

19 R. Excusez-moi, ce terme "réquisition" --

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez un document émanant de l'autorité

21 municipale disant que l'appartement ou la maison était provisoirement mise

22 à la disposition des réfugiés. Est-ce qu'il y avait ce type de document ?

23 Vous dites oui ?

24 R. Oui, oui. Il y avait ce genre d'acte, de document qu'on délivrait pour

25 un relogement temporaire dans des bâtiments et qui était valable jusqu'au

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1 retour de la personne habilitée, enfin, qui avait le propriétaire. Ils

2 étaient tenus, les habitants temporaires, de prendre soin des biens.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous êtes actuellement responsable encore de

4 tout ce domaine, est-ce qu'à votre connaissance, des années après, il y a

5 eu des contentions sur l'occupation de ces maisons ? Est-ce qu'il y a des

6 propriétaires qui ont trouvé les lieux dégradés ? On leur avait volé leur

7 appareil de télévision, leur frigidaire ? Est-ce que vous avez connaissance

8 de contentieux postérieurs à l'occupation par des réfugiés de ces

9 appartements ? Est-ce qu'on vous a informé de pillage de maisons qui

10 avaient été abandonnées ? On avait fermé la porte, on était parti, et au

11 retour, il n'y avait plus rien. Est-ce que vous avez connaissance de cela ?

12 R. Ce que je vais vous dire, c'est que la municipalité de Travnik a été la

13 première municipalité qui s'est vu délivrée le certificat de ville ouverte.

14 C'est la première municipalité où les personnes réfugiées ont commencé à

15 retourner. On a reconnu, on nous a reconnu cette qualité. Nous avons

16 procédé à la restitution des biens parmi les premiers en Bosnie-Herzégovine

17 d'après la loi qui régit cela. Il n'y a plus d'affaires en suspens pour ce

18 qui est des demandes de restitutions des biens dans la municipalité de

19 Travnik. Alors, il y a des cas où il y a eu des aliénations de biens de

20 différents logements ou maisons où il manque, par exemple, des éléments,

21 des meubles. Mais tout occupant légitime a un document qui a été délivré de

22 la part de la municipalité pour ce qui est de l'ensemble des biens qui se

23 trouvaient dans son logement, et il est en droit de demander la restitution

24 de cela.

25 Excusez-moi, quant à savoir s'il y a encore des affaires en suspens devant

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1 les tribunaux pour cela, je ne sais pas.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais passer à un autre sujet. Vous avez expliqué

3 tout à l'heure en répondant à des questions, qu'il y avait des

4 organisations humanitaires. Vous en avez cité quelques-unes. Mais j'ai cru

5 comprendre par vos réponses que vous n'aviez aucun contact avec ces

6 organisations humanitaires. Est-ce que ce n'est pas paradoxal de constater

7 que vous êtes dans la protection civile, vous attendez, évidemment, des

8 secours qui peuvent venir d'organismes qualitatifs, et vous nous dites :

9 Nous n'avions pas de contact. Est-ce que vous pouvez nous préciser votre

10 réponse qui me purge dans une grande perplexité ?

11 R. Voyez-vous, les organisations humanitaires, Merhamet, Caritas et

12 Dobrotvor, ce sont trois organisations humanitaires qui représentent les

13 trois peuples. La ville était bloquée, sous un blocus. Ces organisations

14 humanitaires devaient prendre en charge leur population. Mais comme il y

15 avait ce blocus, ils n'avaient pas suffisamment de denrées alimentaires, ne

16 pouvaient pas venir à leur aide. Alors nous, on avait des instructions très

17 strictes de la part du HCR et du CICR, nous enjoignant à distribuer tous

18 les vivres aux personnes réfugiées et déplacées, et qu'il fallait qu'on

19 leur fournisse des listes. Tous les jours, ils procédaient au contrôle de

20 la répartition, de la distribution pour vérifier que cela se passe de

21 manière dont cela était prévu.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse pose des problèmes. Vous nous dites

23 qu'il y avait trois organisations humanitaires, Merhamet, Caritas et

24 Dobrotvor et vous dites que cela correspondait -- c'est la traduction

25 anglaise -- à des groupes ethniques. Alors, pouvez-vous nous préciser quel

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1 groupe ethnique était censé répondre ?

2 R. Le Merhamet, c'est l'organisation humanitaire des Bosniens, donc, des

3 Musulmans de Bosnie; Caritas correspond aux Croates, aux Catholiques; et

4 Dobrotvor correspond aux Serbes orthodoxes.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Là, vous avez éclairci. Le deuxième problème que

6 vous semblez poser, vous indiquez que sur instruction de l'office des

7 réfugiées ou de la Croix Rouge internationale, vous dépendiez totalement de

8 ces deux institutions internationales ? Ils vous donnaient, d'après ce que

9 vous dites, des ordres ? Pouvez-vous nous expliciter et nous donner des

10 exemples ? Parce que c'est la première fois que nous entendons cela.

11 R. Le HCR avait ses règles et ses normes. Il était l'instance qui nous

12 approvisionnait en denrées alimentaires, la plus importante pour nous,

13 donc, pour les réfugiés et les personnes déplacées. Une fois qu'on

14 distribuait la nourriture à Travnik, et compte tenu du nombre de réfugiés,

15 le HCR décidait quelle était la quantité qui revenait à un individu. Par

16 exemple, pour des familles à quatre ou cinq membres, on distribuait la

17 quantité de nourriture correspondante. On dressait des listes, et on était

18 tenu de rendre ses listes au HCR. Sur la base de celles-ci, ils pouvaient

19 se rendre auprès de ces personnes tous les jours pour vérifier si

20 l'individu en question a bien reçu la quantité qui était signalé dans le

21 document.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant la Croix Rouge, les relations que vous

23 aviez avec la Croix Rouge --

24 R. Alors, comment travaillait-il ? C'était légèrement différent, c'était

25 plus facile pour nous. La Croix Rouge internationale avait des colis qui

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1 étaient déjà constitués et prévus pour une personne. C'était plus facile

2 pour nous. Pour distribuer, on ne devait pas peser, répartir, versé,

3 emballé et cetera. Donc, une famille de cinq personnes recevait cinq colis

4 de ce genre. On a très, très coopéré avec la Croix Rouge internationale.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois que les autres Juges ont des questions.

6 Mme LE JUGE RASOAZANANY : En tant que témoin de l'état-major de la Défense

7 civile. Combien de personnes aviez-vous à votre disposition ? A peu près,

8 le nombre.

9 R. A peu près, peut-être, environ 700.

10 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Est-ce que vous receviez des rapports journaliers

11 sur ce qui passait dans votre région, des rapports des membres de la

12 Défense civile ?

13 R. Pour l'essentiel, oui. Si le rapport pouvait m'être envoyé depuis le

14 terrain, s'il n'y avait pas d'opérations de combat ou des choses de ce

15 genre.

16 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Lorsque les Croates ont abandonné leurs maisons,

17 vous convenez avec moi qu'il y a eu pillage, il y a eu destruction des

18 biens ?

19 R. Oui, absolument.

20 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Est-ce que le représentant de -- les membres de

21 l'état-major de la Défense, est-ce qu'ils vous ont fait des rapports

22 concernant ces pillages, ces vols ? Vous receviez des rapports, sur ce

23 pillage, ces vols ?

24 R. Oui, ils ont fourni des rapports disant qu'il y avait des pillages de

25 biens, et ce, à des proportions très importantes et avec beaucoup de

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1 participants. Donc, il s'agissait d'un bon nombre de personnes qui ont fait

2 des irruptions dans les maisons abandonnées, qui se sont livrées à des

3 pillages.

4 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Donc, ils ont pu voir de visu les personnes qui

5 ont commis ces pillages ?

6 R. Bien entendu, oui, oui, ils pouvaient.

7 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Ils mentionnaient les noms de ces personnes dans

8 les rapports ?

9 R. Voyez-vous --

10 Mme LE JUGE RASOAZANANY : De pillages dans leurs rapports ?

11 R. Non, ils ne les citaient pas pour la simple raison qu'ils ne

12 connaissaient ces gens-là. Vous savez, ils ne les connaissaient pas.

13 C'étaient des gens qui étaient arrivés de partout.

14 Mme LE JUGE RASOAZANANY : En étant en possession de ces rapports, qu'est-ce

15 vous faites, quelles mesures vous avez prises ?

16 R. En parallèle à cela, nous nous chargions d'installer des gens dans les

17 maisons abandonnées et nous essayions sauver ce qui pouvait l'être.

18 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Mais la police, vous ne saisissiez pas la police

19 pour une enquête, que ce soit la police civile ou la police militaire ?

20 Vous n'avisiez pas la police ?

21 R. La police se trouvait déjà sur le terrain. Dès le matin, la police

22 civil et militaire était sur place pour essayer d'empêcher cela. C'était

23 même une zone où les civils ne devaient pas circuler, c'était les ordres de

24 la police civile et militaire. Donc, toute personne inconnue ne pouvait pas

25 accéder à ces villages abandonnés. Mais la police et l'armée ne pouvaient

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1 pas empêcher aux personnes, d'entrer ou de sortir dans un village plus

2 grand. S'il y avait des mouvements de masse, de 500 personnes, que

3 pouvaient faire quelques membres de la protection civile ou trois

4 policiers ? J'ai vu une femme qui avait 60 ans, qui portait un sac de

5 farine de 25 kilos, elle arrivait à peine à marcher et les gens avaient

6 faim. Même si on avait essayé de lui enlever cette farine, cela aurait été

7 très difficile, vous avez.

8 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Vous dites que la police était déjà sur les lieux

9 et donc ils arrêtaient les individus qui pillaient ? Est-ce qu'il y a eu

10 des suites, seules les investigations de la police…

11 R. La police bloquait tous les accès, tous les routes, goudronnées ou non.

12 Il y avait des postes de contrôle de la police et à ces endroits-là, on

13 contrôlait les entrées et sorties de tout le monde. Mais les gens

14 trouvaient de nouvelles voies d'entrée, de nouvelles voies de sortie et

15 nous avons vu qu'il y a des personnes qui continuent d'entrer et de sortir.

16 En Bosnie, c'était impossible à empêcher alors comment est-ce que quelques

17 policiers auraient pu empêcher cela ? C'était très difficile parce qu'il y

18 avait énormément de personnes.

19 Mme LE JUGE RASOAZANANY : A supposer que la maison se trouve dans un

20 endroit isolé et que seul les membres de la Défense civile ont vu les

21 auteurs, ceux qui ont pillé. La police n'était pas au courant, mais vous,

22 vous étiez au courant ? Parce que vous avez vu le rapport. Qu'est-ce que

23 vous faites, vous ne saisissez pas la police, qu'est que vous faites ? La

24 police n'était pas au courant. Vous êtes le seul à connaître cela ? Qu'est-

25 ce que vous faites ?

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1 R. Oui, c'est arrivé dans un village et nous avons fait précisément cela.

2 Mais du temps que la police arrive du poste de contrôle dans le village, il

3 n'y avait plus personne. Les gens avaient pris la fuite, à travers la

4 forêt, ils avaient emporté les vivres, donc ils ne les ont plus trouvés sur

5 place. Au moment où la police est revenue au poste de contrôle, j'imagine

6 qu'ils sont revenus et surtout la nuit. C'est de nuit surtout qu'avaient

7 lieu les pillages, mais, à ce moment-là, personne ne voyait les gens, ils

8 pouvaient traverser les postes de contrôle sans qu'on les repère, c'est

9 donc surtout, à ce moment-là.

10 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Merci.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une autre question qui succède à la question

12 qui vient d'être posée. Il semblerait que, vous-même, vous avez été témoin,

13 vous avez cité le cas d'une femme qui transportait un sac de farine. Vous

14 nous confirmez que de visu, vous aviez vu vous-même un pillage. C'était

15 dans quelle localité ? Est-ce que vous vous rappelez de la date ?

16 R. Oui, voilà ce dont je me souviens, parce que ce jour-là, je suis parti

17 voir mes parents, qui résident précisément à cet endroit, et au moment où

18 je passais en voiture, j'ai vu cette date très âgée qui portait ce sac de

19 farine. Je ne peux vous affirmer, maintenant, je ne peux exactement dire ce

20 que c'était, si c'était peut-être son sac de farine, c'était très triste de

21 voir une dame très âgée, qui a de la peine à marcher, porter un tel sac de

22 farine, pour ne pas mourir de faim. J'ai été très attristé de voir cela.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Pour

25 enchaîner sur ce qui a été dit au sujet de la prévention des pillages et

Page 12809

1 des actes menés à cette fin, vous nous avez dit ce matin que vous vous

2 occupiez de réinstaller des personnes dans les maisons abandonnées afin de

3 protéger ces maisons, pour que les nouveaux occupants puissent surveiller

4 ces biens. Vous avez dit qu'ils vous faisaient rapport pour que vous

5 puissiez informer les autorités compétentes. C'est un extrait de la page 40

6 du compte rendu d'audience.

7 Je crois savoir ce dont vous parliez en disant "autorité compétente", mais

8 aux fins du compte rendu d'audience, pourriez-vous préciser, s'il vous

9 plaît ?

10 R. De façon générale, c'était la police. A chaque fois, nous nous

11 adressions à la police. Nous avions leur numéro de téléphone et nous les

12 appelions pour leur dire qu'à tel et tel endroit, à tel moment, un pillage

13 était en cours. Parce que les membres de la protection civile, c'était des

14 femmes, elles ne pouvaient pas s'interposer ou confisquer ce que les gens

15 étaient en train de piller. La police, à chaque fois, intervenait sur le

16 terrain, se rendait sur place.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous parlez de la police,

18 j'imagine que vous parlez de la police civile ? Ou est-ce que, dans

19 certains cas également, vous en avez informé la police militaire ?

20 R. Pour ce qui est d'assurer la sécurité des édifices et des biens, nous

21 n'étions pas en mesure d'informer la police militaire parce que la police

22 militaire a d'autres responsabilités. C'est à la police civile de protéger

23 la population civile et des biens et, moi-même, en tant que commandant de

24 la protection civile.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il y a quelques semaines de cela, nous

Page 12810

1 avons entendu un de vos collègues, Mustafa Hokic. J'imagine que vous le

2 connaissez.

3 R. Oui.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsqu'il a déposé, nous avons eu

5 connaissance de rapports différents du personnel, de l'état-major de la

6 protection civile, entre autres, des rapports relatifs à la destruction et

7 à l'incendie de maisons dans la municipalité de Travnik. Il me semble que,

8 dans un de ces rapports, on parlait de la reconstruction -- se reconstituer

9 les causes. Est-ce que, si vous soupçonniez un acte criminel, vous

10 adressiez un rapport en ce sens, à la police civile ou à d'autres

11 autorités ?

12 R. Oui, absolument. C'était là notre devoir. Nous devions informer la

13 police civile de ce qui se passait sur le terrain. D'ailleurs, c'était le

14 rôle de nos représentants qui devaient suivre la situation, signaler quoi

15 que ce soit, et surtout quelque chose d'inhabituel.

16 M. LE JUGE SWART : [hors micro]

17 L'INTERPRÈTE : Microphone pour le Juge Swart, s'il vous plaît.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'ai deux questions à vous poser au

19 sujet des documents qui vous ont été montrés ce matin. Premier document, le

20 document numéro 4 qui porte la référence 1302. J'aimerais vous poser une

21 question sur le deuxième alinéa, et plus particulièrement, la deuxième

22 phrase de ce paragraphe. Est-ce que vous avez bien ce document sous les

23 yeux ?

24 R. Oui.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Où il est dit : "A part un inventaire

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1 des biens, aucune des personnes hébergées ne se sont vues délivrer une

2 décision d'hébergement temporaire, parce que l'état-major n'était pas

3 compétent en la matière." Vous nous avez dit ce matin que vous étiez

4 compétent en la matière et que vous pouviez prendre la décision d'héberger

5 des personnes dans des maisons abandonnées, ce qui est contradictoire.

6 Pourriez-vous, s'il vous plaît, préciser, pour que je comprenne mieux ce

7 passage ? Est-ce que vous pourriez me donner une réponse ?

8 R. La protection civile, par le biais de ses représentants et de ses

9 états-majors au niveau inférieur, envoyait des personnes dans certaines

10 maisons. Elles faisaient un rapport quant à l'occupant des lieux,

11 dressaient l'inventaire des biens se trouvant dans les maisons. Elles

12 obtenaient toutes les données pertinentes des personnes qui s'y étaient

13 installées, et elles devaient également dresser un compte rendu sur

14 l'emménagement, où figuraient tous les points que j'ai évoqués.

15 Ensuite, ce compte rendu -- ce rapport devait être signé, à la fois, par

16 celui qui s'était installé et celui qui s'était chargé de l'installation.

17 Il y avait trois exemplaires; un qui restait à la maison, un qui était à

18 l'état-major de la protection civile, et le troisième exemplaire était

19 donné au gouvernement pour que l'autorité compétente en matière de logement

20 puisse délivrer une décision sur l'occupation temporaire des lieux parce

21 que c'était le seul organe habilité à délivrer ce type de décision.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. Ma prochaine question concerne

23 le document numéro 9, qui porte la référence 1566, à la troisième page de

24 ce document. On trouve, au grand IV, de la page 3, un intitulé, qui

25 évacuation et protection de la population en danger et en situation de

Page 12812

1 souffrance. Vous dites, ensuite, qu'il y a environ 28 000 personnes

2 accueillies dans la municipalité de Travnik dont 2 000 étaient logées dans

3 des centres d'hébergement collectif, et 25 000 ont des maisons privées.

4 Vous nous avez parlé de maisons privées abandonnées qui étaient utilisées

5 pour héberger des personnes déplacées précédemment. Est-ce que vous

6 pourriez nous dire combien de ces 25 000 logements privés étaient des

7 maisons abandonnées, pour que nous ayons une idée de l'ampleur du

8 phénomène ?

9 R. Là, on donne un nombre de réfugiés -- personnes déplacées, hébergées

10 dans des logements privés. Mais certains étaient hébergés par la famille;

11 d'autres louaient un logement parce qu'ils avaient de l'argent et ils

12 pouvaient payer un loyer; d'autres encore ont été hébergés chez des amis.

13 Là, dans les centres d'hébergement collectifs, tous les jours, ils vivaient

14 dans des conditions très, très difficiles, conditions indécentes. Quant aux

15 autres personnes déplacées -- aux autres réfugiés, ils étaient repartis

16 dans les maisons restantes, dans les maisons abandonnées.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Donc, c'est difficile à dire; c'est

18 bien ce que vous êtes en train de dire ?

19 R. Oui, parce qu'il s'agit d'êtres humains, et la situation change très

20 rapidement. Il était difficile d'obtenir des données fiables sur une base

21 quotidienne. Les gens arrivaient, repartaient.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'ai une question connexe, qui est

23 peut-être difficile également. Mais, dans les zones de combat, où il y a eu

24 des combats en juin 1993 à Guca Gora, et ailleurs dans la municipalité de

25 Travnik, combien y a-t-il eu de maisons abandonnées qui ont été utilisées

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1 pour héberger des personnes déplacées, pendant cette période ? Pourriez-

2 vous nous donner une estimation ? Est-ce qu'il s'agissait d'une procédure

3 systématique ? Ou, au contraire, occasionnel ? Que pouvez-vous nous dire

4 là-dessus ?

5 R. Enormément d'années se sont écoulées depuis. A l'époque, je connaissais

6 les chiffres par cœur. Mais là, je préfère ne pas vous donner d'estimation

7 devant cette Chambre. Je crois, en tout cas, que dans toute maison qui

8 disposait de conditions de vie minimales descentes, par exemple, les

9 maisons qui avaient un toit en bon état, étaient utilisées. Si elles

10 n'avaient pas de toit ou de fenêtres, non. Par ailleurs, les maisons qui

11 étaient proches de la ville -- les maisons qui étaient éloignées de la

12 ville n'étaient pas utilisées parce que les réfugiés ne souhaitaient pas

13 être éloignés de la ville.

14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Donc, de façon générale, elles étaient

15 utilisées pour faire installer des personnes et, bien sûr, il y avait des

16 exceptions, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez parlé de trois organisations

19 humanitaires différentes : une organisation bosniaque, une croate, et une

20 des Serbes. L'organisation Merhamet était-elle une organisation locale,

21 étrangère ou les deux ? C'est une question qui vous a déjà été posée, mais

22 je ne pense pas que nous ayons entendu de réponse.

23 R. Le Merhamet a été fondé à Sarajevo, son siège se trouve là-bas dans la

24 capitale de la Bosnie-Herzégovine. Il dispose d'un certain nombre

25 d'antennes, y compris Travnik. C'est peut-être un conseil municipal. En

Page 12814

1 tout cas, je ne sais pas quelle est l'appellation exacte. La composition du

2 Merhamet au niveau de la direction est faite de Bosniens. Mais les

3 bénéficiaires n'étaient pas uniquement des Bosniens. Les cantines du

4 Merhamet étaient fréquentées à la fois par des Bosniens, des Croates, des

5 Serbes et des Romes, des Albanais également.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que "Merhamet" est un mot

7 bosniaque ou arabe ? D'ailleurs, qu'est-ce que cela signifie ?

8 R. Arabe, je ne sais pas. Mais Merhamet, cela veut dire l'aide ou l'âme

9 charitable parce que chez nous, quand on dit Merhametli, cela veut dire une

10 personne à qui on peut faire confiance, une personne qui souhaite vous

11 aider, une personne charitable.

12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette question de Merhamet, si je comprends bien, le

14 terme "Merhamet" est un terme bosniaque. Dans votre langue, cela veut dire

15 charitable ou aide ?

16 R. Quand j'avais sept ans, ma mère m'a dit : mon fils, soit Merhametli, et

17 ce que j'ai compris, c'est soit bon avec les autres, soit charitable. Par

18 conséquent, je suis fier d'avoir pu être un Merhametli pendant cette

19 guerre, j'ai aidé les autres.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'organisation Merhamet dans une antenne était à

21 Travnik, elle était à quelle adresse exactement ? Vous connaissez

22 l'adresse ?

23 R. Elle était proche du centre-ville. Elle avait des bureaux à deux, trois

24 endroits parce que j'imagine qu'il y avait des activités à ces endroits-là,

25 cuisine ou autres. Ce que je peux vous dire, c'est qu'étant donné que je

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1 travaille maintenant à la municipalité de Travnik, j'ai demandé qu'on

2 prélève cinq marks de mon salaire tous les mois pour aller au Merhamet

3 parce qu'il y a toujours des gens qui sont dans le besoin à Travnik. Par

4 conséquent, je suis fier de pouvoir faire cette bonne action tous les mois.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : À l'époque, j'ai cru comprendre que vous n'aviez pas

6 de contact avec eux. Vous confirmez n'avoir eu aucun contact avec eux ?

7 R. Je peux vous le confirmer, je n'avais pas de contact avec eux parce que

8 cela n'était même pas nécessaire. Je m'occupais de quelque chose

9 d'entièrement différent. J'avais énormément d'obligation et je ne pouvais

10 pas m'occuper en plus de la population locale, cela aurait été trop.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : A la lumière de ce que vous dites, je vous demande

12 de regarder le document numéro 9 à la page 4.10. C'est un document que vous

13 avez signé. Le point 10, je traduis en français ce qui est indiqué en

14 anglais :

15 "Organisation humanitaire et autres actions dans la municipalité."

16 Je traduis toujours.

17 "La protection civile municipal a initié et lancé une série d'actions

18 humanitaires."

19 Je continue, à la page 5, toujours sous votre plume, vous indiquez :

20 "En coopération avec le Basbunar Kape [phon]"

21 C'est quoi Basbunar Kape ?

22 R. C'est une entreprise communale qui s'occupe de l'approvisionnement en

23 eau.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Au point 11, sous la "Coopération"; pouvez-vous nous

25 lire ce que vous avez écrit sur la coopération. Lisez dans votre langue ce

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1 paragraphe, le premier paragraphe.

2 R. "Afin de réaliser ses activités et ses tâches, l'état-major municipal

3 de la protection civile de Travnik a coopéré étroitement avec les

4 organisations humanitaires internationales et locales, les organes de

5 l'état compétent, et les commandements des unités militaires."

6 M. LE JUGE ANTONETTI : N'y a-t-il pas une contradiction contre la question

7 que je vous ai posée tout à l'heure, vous m'aviez dit : "Merhamet, je ne

8 les ai jamais vus; on n'a eu aucun rapport." Alors que là, vous dites que

9 vous avez coopéré pleinement avec, semble-t-il, l'ensemble des

10 organisations humanitaires. Comment vous résolvez cette contradiction entre

11 ce qui est écrit et ce que vous nous avez dit tout à l'heure ? Car, celui

12 qui lit - c'est pour cela que je le fais lire - a vraiment l'impression que

13 dans le cadre du point 10, vous coopérez entièrement avec les organisations

14 internationales, Croix Rouge et cetera, mais également les organisations

15 humanitaires locales dont certainement les trois, Caritas, Dobrotvor et

16 Merhamet. Est-ce qu'il y a une contradiction ou c'est une erreur de plume ?

17 Que pouvez-vous nous dire, car sur le point de votre crédibilité, j'essaie

18 de comprendre ce que vous dites. Là, je vois une contradiction.

19 R. Monsieur le Président, je crois que la traduction n'est pas exacte. On

20 parle "d'organisations" et non pas "d'organisations humanitaires" ici.

21 Peut-être que la traduction est erronée. Il y a énormément d'organisations

22 qui existent, des organisations de travail, et d'autres. On ne parle pas

23 "d'organisations humanitaires" ici.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous relire dans votre langue le premier

25 paragraphe.

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1 R. Oui.

2 "Afin de réaliser les activités et tâches prévues, l'état-major de la

3 protection civile municipal de Travnik a étroitement coopéré avec les

4 organisations humanitaires internationales et locales, les organisations

5 présentes dans la municipalité, les organes de l'état compétent, et le

6 commandement des unités militaires."

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre langue, il y a bien les organisations

8 humanitaires internationales et locales. L'objet de ma question était de

9 savoir s'il y avait des liens entre la protection civile de Travnik et

10 l'organisation humanitaire Merhamet, vous dites : Non, puisque je ne les ai

11 pas rencontrés. C'est bien ce que vous confirmez ?

12 R. Je ne peux pas le nier maintenant. Je ne peux pas dire que j'ai

13 rencontré ces personnes des trois organisations humanitaires, et pas

14 uniquement le Merhamet.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous avez rencontré, quel était le nom du

16 responsable de Merhamet ? Parce que cela devait être une personne d'une

17 certaine -- comment il s'appelait ?

18 R. C'était Indjic Mustafa. Cela, je le sais. Pour Caritas, c'est Don Pavo,

19 et pour Dobrotvor, c'est -- je crois qu'il s'appelait Djoko, quelque chose

20 comme cela, mais je ne suis pas sûr.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces organisations humanitaires qui fournissaient,

22 vous nous l'avez dit, de la nourriture, certains biens de consumation, à

23 votre connaissance, d'où venait leur financement ? Vous aviez une idée sur

24 leur financement ?

25 R. Je ne sais pas qui les finançaient à l'époque, croyez-moi. Ce que je

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1 vous ai dit, c'est qu'à l'heure actuelle, je suis membre du Merhamet, et je

2 paie ma cotisation, et je sais que des amis sont également membres, à

3 l'heure actuelle, de Dobrotvor et Caritas. Ce sont des organisations

4 humanitaires dont le but est de venir en aide aux autres. Je ne peux pas

5 vous en dire plus quant à la politique financière du Merhamet et d'autres.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question qui me vient à l'esprit

7 à l'instant, suite à ce que vous venez de dire. La nourriture qu'ils

8 donnaient, ils l'achetaient sur place ou cela venait de l'extérieur ? Comme

9 cela se passait ? La nourriture, elle venait de l'extérieur, ou elle était

10 achetée sur place à des paysans locaux ? A votre connaissance, d'où venait

11 cette nourriture ?

12 R. Il est possible qu'il y ait eu une combinaison des deux, mais je n'en

13 suis pas sûr. Parce que je sais que, dans mon village, le village où je

14 suis né, ils ont acheté une quantité de pommes de terre à des paysans, mais

15 est-ce que cela venait également de l'extérieur, c'est possible. Ma réponse

16 c'est, je n'en suis pas sûr.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, quand ils achetaient, c'était

18 payé en deutschemarks, en monnaie locale, en dollars américains ? Est-ce

19 que vous savez comment c'était payé ?

20 R. Je crois que c'était des bons -- des coupons. Parce qu'au début, nous

21 n'avions pas de monnaie, nous avions des bons.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils payaient ce qu'ils achetaient en donnant des

23 bons -- des coupons ?

24 R. Oui. Je crois que c'était là le moyen de paiement qu'on utilisait, et

25 pas simplement pour Merhamet. J'achetais mes cigarettes avec ces bons.

Page 12819

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il est midi 30. Nous allons faire la pause

2 technique obligatoire, et nous reprendrons aux environs de 12 heures 55. Je

3 donnerai la parole à l'Accusation pour les questions découlant des

4 questions des Juges, et je donnerai, bien entendu, la parole a la Défense.

5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

6 --- L'audience est reprise à 12 heures 58.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, vous avez la parole.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :

10 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, j'ai quelques questions à vous

11 poser qui découlent des questions qui vous ont été posées par les Juges de

12 la Chambre de première instance. Ma première question concerne la notion

13 d'assainissement du champ de bataille, à savoir, la récupération des corps

14 des victimes tombées dans le cadre d'opérations de combat. Est-ce que le 9

15 juin 1993 ou vers cette date, l'état-major de la protection civile de la

16 municipalité de Travnik a participé au ramassage des corps dans la région

17 située autour de Maline et Bikosi ?

18 R. Je ne m'en souviens pas. Si le terrain a été nettoyé, mes hommes ont

19 probablement participé à cette opération. Il n'y avait personne d'autre

20 pour le faire.

21 Q. Je vais reformuler ma question. Pour autant que vous en souveniez, en

22 juin 1993, est-ce que des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont

23 participé au nettoyage du champ de bataille ou d'un secteur où des combats

24 auraient eu lieu ?

25 R. C'était seulement la protection civile qui s'occupait du nettoyage du

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1 terrain, et qui ramassait les corps des personnes ou des animaux qui

2 avaient été tués. Notre objectif était de s'assurer qu'une épidémie

3 n'éclaterait pas.

4 Q. En réponse à une question posée par l'un des Juges de la Chambre, vous

5 avez déclaré que Travnik était la première "ville libre ou ouverte" et le

6 premier endroit où les personnes qui étaient parties, avaient commencé à

7 revenir. Est-ce que vous vouliez parler des Croates de Bosnie ?

8 R. Oui. Pas uniquement les Croates, les Serbes également.

9 Q. D'après vos souvenirs, quand est-ce que ces Croates et ces Serbes ont

10 commencé à revenir dans la municipalité de Travnik ?

11 R. Je pense qu'ils ont commencé à revenir juste après l'accord de

12 Washington, après la cessation des hostilités. Nous avons obtenu un

13 certificat de la communauté internationale nous appelant une ville ouverte.

14 Ceci constitue une reconnaissance officielle de nos efforts visant à nous

15 assurer du retour des personnes qui étaient parties.

16 Q. Pourriez-vous me donner le nombre approximatif de Croates et de Serbes

17 qui sont revenus dans la municipalité de Travnik ?

18 R. Non, je ne peux pas vous donner de chiffres maintenant. Pour ce qui est

19 du pourcentage, environ 70 % ou 80 % des Croates sont revenus. Environ 50 %

20 des Serbes sont revenus également. Mais tout le monde n'est pas rentré,

21 certaines personnes sont parties en Scandinavie ou dans d'autres régions du

22 monde, de l'autre côté de l'Atlantique. Ces gens ne reviendront peut-être

23 pas. C'est essentiellement les personnes âgées qui n'avaient nulle part

24 d'autre où aller qui sont revenues.

25 Q. En réponse à une autre question posée par un des Juges de la Chambre,

Page 12821

1 vous avez dit que certains des réfugiés, je veux parler des réfugiés qui

2 venaient d'autres régions de Bosnie et qui sont arrivés dans la

3 municipalité de Travnik, vous avez dit que certains de ces réfugiés avaient

4 les moyens de louer des maisons. Vous souvenez-vous avoir déclaré cela ?

5 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

6 Q. Pourriez-vous être un peu plus précis et nous dire de qui ces personnes

7 ont loué ces maisons ?

8 R. Il y avait différents cas de figures. Certaines personnes de Krajina

9 qui avaient des moyens financiers ont réussi à ramener de l'argent. Etant

10 donné que les conditions de logements dans les centres d'hébergement

11 collectif n'étaient pas très agréables, ils ont décidé d'utiliser cet

12 argent pour louer une maison ou un appartement. Dans certains cas, ils

13 louaient des logements à des Serbes, des Croates et des Bosniens. Cela

14 dépendait des propriétaires. Dans certains cas, c'étaient des Bosniens qui

15 louaient des appartements. Parfois, un Bosnien avait fait partir sa famille

16 de la ville, était resté seul, et s'il avait un appartement assez grand, il

17 décidait de louer deux pièces, par exemple.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez de cas où des réfugiés bosniens louaient

19 des appartements ou des logements à des Croates qui étaient partis ?

20 R. Oui, cela arrivait fréquemment. Ils louaient également des maisons.

21 Avant le départ des Croates, il y avait un certain nombre de Bosniens qui

22 habitaient dans des maisons croates. Lorsque les Croates sont partis, les

23 Bosniens sont restés dans ces maisons. Mes représentants sur le terrain,

24 lorsqu'ils venaient voir qui s'étaient installés dans ces logements

25 constataient que ces personnes disposaient de documents valables qui leur

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1 avaient été remis par les propriétaires de ces maisons et selon lesquels

2 ils avaient le droit d'habiter là.

3 Q. Avez-vous connaissance de cas où les maisons des Croates qui étaient

4 partis étaient mises sur le marché ?

5 R. Ces logements n'étaient pas loués, on y installait des gens. Qui les

6 auraient loués ? Dans certains cas, s'il y avait deux frères et que l'un

7 d'entre eux était parti et que l'autre était resté, dans ces cas, le frère

8 qui était resté louait la maison, qui appartenait aux frères qui étaient

9 partis, c'est arrivé.

10 Q. Merci.

11 M. MUNDIS : [interprétation] L'Accusation n'a plus de questions.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Défense.

13 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais revenir sur certaines

15 questions qui vous ont été posées par les Juges de la Chambre de la

16 première instance.

17 On vous a posé des questions au sujet de votre coopération avec les

18 organisations humanitaires internationales. Pour être tout à fait précis,

19 est-ce que vous pourriez me dire de qui la protection civile était

20 responsable en terme de logements et de nourriture ?

21 R. Ils étaient responsables des réfugiés, des personnes déplacées.

22 Q. Vous avez déjà évoqué la situation difficile dans laquelle se trouvait

23 la population locale et ceci ressort de certains documents que nous avons

24 vus.

25 Vous avez mentionné trois organisations. Merhamet, Caritas et Dobrotvor. De

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1 qui s'occupaient ces organisations ?

2 R. De la population locale.

3 Q. Etant donné les différentes catégories de personnes que vous et les

4 organisations humanitaires locales vous vous occupiez, est-ce la raison

5 pour laquelle vos contacts avec les organisations humanitaires

6 internationales n'étaient pas aussi fréquents qu'avec les organisations

7 humanitaires locales ?

8 R. Oui, c'est la raison principale.

9 Q. En plus des trois organisations humanitaires locales que vous avez

10 mentionnées, est-ce que vous pourriez me dire s'il y avait un comité

11 municipal de la Croix Rouge à Travnik ?

12 R. Oui.

13 Q. Y avait-il une organisation humanitaire juive qui s'appelait La

14 Benavolencija ?

15 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne saurais répondre à cette question.

16 Q. Dites-moi, même si vous avez déjà répondu à cette question qui a été

17 posée par la Chambre, dans le cas de Merhamet, Caritas et de Dobrotvor,

18 dans le cas de la Croix Rouge, qui étaient membres de ces organisations ?

19 Est-ce que le personnel était composé de personnes de la région ou est-ce

20 qu'il y avait également des étrangers ?

21 R. Pour autant que je le sache, dans ces trois organisations humanitaires,

22 les dirigeants étaient des gens de Travnik, de la ville de Travnik.

23 R. La Chambre s'est intéressée à la signification du terme "Merhamet".

24 Pourriez-vous nous dire si "Merhamet" est à l'origine un mot turc ?

25 R. Je me trompe peut-être, mais je dirais que "Merhamet" est plutôt un mot

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1 turc qu'un mot arabe.

2 Q. Vous dites que vous ne connaissez pas la signification exacte du terme

3 "Merhamet", mais vous nous avez dit comment votre mère utilisait ce terme.

4 Qu'est-ce que cela signifiait selon vous ? Est-ce que Caritas est un mot

5 qui existe dans votre langue, qui existe dans une langue étrangère ?

6 R. Je pense que c'est un mot latin, même si je ne parle pas le latin.

7 Q. Est-ce que les gens de la région utilisaient fréquemment le terme

8 "Caritas", vous savez ce qu'il signifie ?

9 R. Je connais la signification de ce mot, mais je pense que la plupart de

10 gens savent ce que signifie le terme "Caritas". Ils savent ce que Caritas

11 recouvrent, ils savent que Caritas est une organisation humanitaire basée

12 sur le volontariat. Mais, quant à savoir la véritable signification du mot

13 Caritas, moi-même, je n'en suis pas certain.

14 Q. Afin d'aider la Chambre de première instance, pourriez-vous nous dire

15 si Dobrotvor et Crveni Krst, la Croix Rouge, sont des mots slaves, et

16 pouvez-vous confirmer que tout le monde connaît la signification de ces

17 mots ?

18 R. Oui.

19 Q. Je souhaiterais que vous nous aidiez à éclaircir quelques petits

20 problèmes linguistiques. Etant donné l'évolution historique de notre

21 langue, est-ce que vous diriez qu'il y a de nombreux mots qui sont

22 empruntés aux Turcs, à l'Allemand, aux langues romaines et que ceci est

23 imputable aux différentes périodes pendant lesquelles nous avons été

24 occupés par les Turcs, les Autrichiens, et que par conséquent, il y a de

25 nombreux mots d'origine étrangère dans notre langue et que nous ne

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1 connaissons pas très bien.

2 R. Oui. Il y a certains mots d'origine étrangère que nous utilisons de

3 façon quotidienne. Même si nous n'en connaissons pas la véritable

4 signification.

5 Q. Est-ce qu'en langue serbe, il existe de nombreux mots empruntés à la

6 langue arabe et la langue turque ? Est-ce que les Serbes, eux aussi,

7 utilisent de tels mots ?

8 R. Je pense que les Serbes utilisent autant de mots étrangers que les

9 Bosniens.

10 Q. Donc, lorsque nous parlons d'organisations comme Merhamet et Caritas,

11 nous pensons qu'il s'agit de mots utilisés dans leurs régions et cela ne

12 nous surprend pas que certaines organisations aient de tels noms ?

13 R. Oui, exactement. Puisqu'il s'agit d'organisations humanitaires, ce

14 n'est pas grave, donc. Nous supposons que la traduction de ces mots est en

15 rapport le domaine humanitaire.

16 R. Merci.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] page 76 Je souhaiterais qu'on présente au

18 témoin la pièce DH29, s'il vous plaît.

19 Q. Monsieur Konjalic, nous avons ici un journal officiel et la preuve que

20 l'on vous présente c'est un décret-loi portant sur la défense Vous l'avez

21 déjà évoqué. C'est le texte qui régissait également certaines questions qui

22 concernent la protection civile. S'agit-il bien de ce décret ?

23 R. Oui.

24 Q. La Chambre vous a interrogé au sujet de la structure de ces unités, au

25 sujet de leur appellation. Je vais vous demander de vous rapporter à

Page 12826

1 l'Article 50 de cette loi. Pourriez-vous donner lecture de la ligne 2, de

2 cet article ? L'avez-vous retrouvé ? L'Article 50.

3 R. L'Article 50, aliéna 2. "Dans les Unités de la protection civile et

4 dans les états-majors de la protection civile, ne sont pas affectées les

5 personnes qui servent dans les forces armées, les employés des organes de

6 l'intérieur ainsi que les membres de la police, les femmes enceintes, les

7 parents seuls dont l'enfant le plus jeune a moins de sept ans ou deux

8 enfants de moins de dix ans, les personnes purgeant des peines de prison,

9 les personnes déclarées à la protection civile.

10 Q. Je vous remercie. Est-ce qu'il ressort de cette disposition de la loi

11 que, que ce soit au sein de l'état-major de la protection civile ou dans

12 les unités de la protection civile, ne peut être affecté un membre des

13 forces armées ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Monsieur Konjalic, est-ce qu'il ressort très clairement de ceci que

16 vous n'avez rien à voir avec la défense militaire ?

17 R. C'est tout à fait clair.

18 Q. Je vais vous demander d'examiner la page 10 de cette loi, au point 4.

19 Pourriez-vous, s'il vous plaît, au point 4, me donner lecture des intitulés

20 -- des titres chiffres romains IV, puis I et II. Il s'agit de l'Article 62.

21 R. Article 62.

22 Q. Donnez-moi lecture du titre de l'article. Qu'est-ce qui est régi ici ?

23 R. "Les compétences et l'organisation de la défense militaire;

24 dispositions communes."

25 Q. Pour l'Article 64 ?

Page 12827

1 R. "Forces d'armée."

2 Q. Ici, dans cette partie-là, trouve-t-on une seule mention de la

3 protection civile ?

4 R. Non.

5 Q. Le titre au point 5 ? C'est au-dessus de l'Article 70.

6 R. "Compétences et organisation de la Défense civile."

7 Q. Pouvez-vous me dire s'il s'agit là de la défense dans le secteur civil

8 à laquelle appartenait aussi la protection civile ?

9 R. C'est cela.

10 Q. Pouvez-vous nous donner lecture de l'Article 71 ?

11 R. 71. "Dans le cadre de la Défense civile, on organise -- on met sur pied

12 les éléments suivants : la protection civile, en tant que système de

13 protection et de sauvetage; un service d'information et de reconnaissance;

14 les liens de direction et de chiffres, sauf pour les besoins du

15 commandement des forces armées; planification et formation, mis à part les

16 membres des forces armées; ainsi que la protection et la défense des

17 entreprises et d'autres sujets de droit."

18 Q. Alors quel est le titre par la suite ?

19 R. C'est "Protection civile".

20 Q. Est-ce qu'on trouve, ici, toutes les mesures et toutes les méthodes de

21 travail de la protection civile dont vous faisiez partie en 1992 et 1993 ?

22 R. Oui, c'est cela. C'est le chapitre qui concerne précisément la

23 protection civile que j'ai commandée.

24 Q. A l'Article 71, l'on évoque aussi ce service d'information et de

25 reconnaissance. Est-ce que cela faisait partie de la Défense civile

Page 12828

1 également, et des organes civils, des autorités civiles, dans la

2 municipalité de Travnik ?

3 R. Oui, ceci faisait partie de la Défense civile.

4 Q. Alors, ce service de reconnaissance et d'information à Travnik, est-ce

5 qu'il montait la garde 24 heures sur 24, pour ainsi dire, et est-ce qu'il

6 recueillait toutes les informations qui pouvaient intéresser la Défense

7 civile dans son ensemble ?

8 R. Il y avait des tours de gardes 24 heures sur 24, depuis le début de la

9 guerre jusqu'à sa fin. Encore aujourd'hui, ce service fonctionne -- est

10 actif, sans cesse. Parce qu'il y a des appels, par exemple, pour ce qui est

11 des incendies et des choses comparables.

12 Q. La Chambre vous a interrogé au sujet de vos tâches relatives à

13 l'assainissement du terrain, au sujet de vos réactions suite aux

14 informations portant sur les incendies, les pillages, et cetera. Ce service

15 de Reconnaissance et d'Information, était-il la première instance

16 compétente qui devait vous faire savoir un événement qui est en train de se

17 dérouler et au sujet duquel vous devriez réagir ?

18 R. Oui. Il le faisait, généralement, par le biais des sirène d'alerte,

19 donc c'étaient des sons qui nous étaient connus. On savait quel était le

20 signe de danger aérien -- d'alerte aérienne, ou autres cas, par exemple, un

21 incendie. On pouvait les distinguer. C'étaient des bruits -- des séries de

22 sons différents.

23 Q. Est-ce que vous aviez une coopération directe avec ce service de

24 Reconnaissance et d'Information ?

25 R. Oui.

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1 Q. Dans ce cadre-là, agissiez-vous conformément à la situation du moment

2 et conformément à vos tâches ?

3 R. Oui.

4 Q. Ma dernière question concerne une des questions qui vous ont été posées

5 par Mme la Juge. Lorsque vous informiez la police civile des pillages de

6 biens et des cas comparables, vous, en tant qu'habitant de Travnik, savez-

7 vous que les auteurs de crimes ou délits qu'on a pu identifier -- dont

8 l'identité a été établie, est-ce qu'ils ont été poursuivis ? Est-ce qu'il y

9 a eu des procès ? Est-ce qu'ils ont été condamnés ?

10 R. Pour autant que je le sache, il y en a beaucoup qui ont été poursuivis

11 devant la loi. La protection civile a également porté plainte pour un

12 certain nombre de personnes. Je ne pourrais pas vous dire exactement

13 combien. D'autres organes ont fait pareil. Quant à savoir ce qui en a été

14 de ces procès, est-ce qu'il y a eu des condamnations, je ne sais pas. Peut-

15 être qu'il y a encore des procès qui sont en cours. Pour l'essentiel,

16 lorsqu'on a pu identifier sans ambiguïté la personne, on a porté plainte à

17 l'encontre de cet individu.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci, Monsieur

19 le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats, ont-ils des questions ?

21 M. DIXON : [interprétation] Nous n'avons pas de questions, Monsieur le

22 Président, suite aux questions posées par la Chambre. Merci.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur, votre audition vient de se terminer

24 et, au nom de la Chambre, je vous remercie d'être venu témoigner à La Haye.

25 Vous avez répondu complètement à toutes les questions qui ont été posées,

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1 autant par la Défense, l'Accusation, que les Juges. Nous formulons nos

2 meilleurs vœux pour votre retour. Bien entendu, nous souhaitons que vous

3 continuiez dans votre activité de protection civile sous les meilleurs

4 auspices. Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous

5 raccompagnez à la porte de la salle d'audience.

6 [Le témoin se retire]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense a quatre pièces, 6, 7, 8 et 9, je

8 suppose.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le

10 Président. Nous proposons au versement au dossier les pièces 1537, 1540,

11 1541 ainsi que 1566. Il s'agit là de preuves que ce témoin a, soit rédigées

12 et signées, soit de documents dont il a eu connaissance en 1993.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

14 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, quatre numéros.

16 M. LE GREFFIER : Ces quatre pièces sont donc versées au dossier sous les

17 cotes -- les références suivantes : le DH1537, avec une version anglaise,

18 DH1537-E; le DH1540, avec une version anglaise, DH1540-E; le DH1541,

19 version anglaise, DH1541-E; enfin, le DH1566, avec sa version anglaise,

20 DH1566-E. Merci, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. On va donner acte de ces numéros de pièces.

22 Dans les quelques minutes qui nous restent, je voudrais faire un

23 correctif lié à un problème de traduction. Dans la décision orale que nous

24 avons rendu sur la question des documents nouveaux, j'indique aux parties

25 que la version française est à la page 12 524, lignes 5 à 9, et la version

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1 anglaise de ce paragraphe est à la page 15 524, lignes 22, 23, 24, 25. Dans

2 la version anglaise, il y a une erreur par rapport à la version française.

3 En français, il est dit ceci, je lis : "En conséquence de ce principe,

4 l'Accusation ne peut produire dans le cadre de son contre-interrogatoire

5 d'un témoin à décharge de nouvelles pièces, mais déjà admises dans le but

6 de renforcer la présentation principale des éléments à charge ou

7 d'introduire de nouveaux éléments concernant la responsabilité pénale des

8 accusés." Dans ce paragraphe, nous avions clairement indiqué que

9 l'Accusation ne pouvait produire de nouvelles pièces lors du contre-

10 interrogatoire d'un témoin à décharge.

11 Dans la version anglaise qui commence à la ligne 22, il y a, en anglais :

12 "As a result of this principle, the Prosecution can only," la traduction,

13 cela veut dire "peut", alors que, dans la version française, c'est "ne peut

14 pas". Manifestement, le format dit "cannot". Il y a un problème. Je

15 l'indique à l'Accusation pour qu'elle prenne connaissance de ce correctif.

16 De temps en temps, il y a des erreurs, nous les découvrons ultérieurement.

17 Quand nous les découvrons, nous vous en faisons part, mais vous-même, vous

18 pouvez être amené à en découvrir. Voilà, je voulais vous indiquer cela pour

19 qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

20 Comme vous le savez, nous avons un témoin pour l'audience qui

21 débutera demain après-midi, à 14 heures 15. La semaine prochaine, nous

22 entendons les audiences comme il a été indiqué hier et ce matin.

23 Avez-vous d'autres points ? S'il n'y a pas d'autres points à l'ordre

24 du jour -- Me Dixon me dit non de la tête.

25 Je vois qu'il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour. Je vous

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1 remercie, et je vous invite à être demain présent pour l'audience qui

2 débutera à 14 heures 15.

3 --- L'audience est levée à 13 heures 30 et reprendra le vendredi 3 décembre

4 2004, à 14 heures 15.

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