Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 28 janvier 2005

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pourriez-vous appeler le

6 numéro de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Oui, merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-01-

8 47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

12 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Bonjour au conseil de la

13 Défense et à tous dans ce prétoire. L'Accusation est représentée par Daryl

14 Mundis, Matthias Neuner et notre commis au dossier, Andres Vatter.

15 M. LE JUGE ANTONNETI : Merci.

16 La Défense.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bon Madame

18 et Monsieur les Juges. Le conseil de la Défense est représenté par Edina

19 Residovic, conseil principal; Stéphane Bourgon, co-conseil; et Muriel

20 Cauvin, notre assistante juridique.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

22 L'autre équipe de la Défense.

23 M. DIXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

24 Monsieur les Juges. Aujourd'hui, pour M. Kubura, le conseil de la Défense

25 est représenté par Rodney Dixon et Nermin Mulalic. Merci, Monsieur le

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1 Président.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue toutes les personnes présentes.

3 Nous sommes à notre 172e jour d'audience. Je salue les représentants de

4 l'Accusation, je salue les avocats. Il en manque quelques-uns, mais ils

5 sont quand même tous présents. Je salue les accusés ainsi que toutes les

6 personnes dans cette salle ou à l'extérieur de cette salle.

7 Nous devons continuer nos travaux de ce jour par la poursuite du contre-

8 interrogatoire d'un témoin qui doit attendre et je vais demander à M.

9 l'Huissier d'aller le chercher.

10 Oui, vous avez la parole, Maître Neuner.

11 M. NEUNER : [interprétation] Bonjour, bonjour à tout le monde dans le

12 prétoire et autour du prétoire. Je voudrais tout simplement annoncer, entre

13 temps, en attendant que l'on aille chercher le témoin. Le bureau du

14 Procureur se propose d'utiliser deux documents nouveaux. M. Mundis vous l'a

15 annoncé déjà hier. Hier, au cours de la journée, j'ai essayé de joindre par

16 téléphone mobile le conseil de la Défense pour leur aviser le fait, c'est-

17 à-dire, pour qu'ils soient au courant de ces documents le mieux possible.

18 Mais, si j'ai bien compris, ces documents leur ont été communiqués ce matin

19 seulement, lorsque nous nous sommes retrouvés dans le prétoire. Voilà ce

20 que je voulais tout simplement vous dire.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. DIXON : [interprétation] Si je peux vous le confirmer, je dirais que, ce

23 matin, nous avons reçu deux nouveaux documents. Je sais que mes estimés

24 confrères étaient pressés par le temps mais j'ai reçu ces document que, ce

25 matin, c'est la première fois que je les vois. A première vue, nous

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1 aimerions vous parler de la question de savoir si on peut montrer ces

2 documents au témoin ou non en temps approprié. On préfère peut-être que le

3 témoin sorte du prétoire pour que nous vous présentions notre avis sur la

4 question.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais vous demander de vous

6 retirer pendant quelques instants parce qu'il y a un problème de procédure

7 qui doit être réglé. Donc, M. l'Huissier va vous accompagner.

8 [Le témoin se retire]

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à Me Dixon, l'Accusation

10 nous informe que, dans le courant de la journée d'hier à l'audience,

11 l'Accusation nous avait dit qu'elle allait produire des nouveaux documents.

12 L'Accusation nous dit que, dans la soirée d'hier, ils ont essayé de vous

13 joindre sur vos téléphones mobiles. Apparemment, j'ai pu comprendre qu'ils

14 n'ont pas pu entrer en contact avec vous téléphoniquement, et vous n'auriez

15 eu lesdits documents que ce matin. Voilà.

16 Alors, Maître Dixon.

17 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Effectivement,

18 nous avons reçu des messages téléphoniques, mais il était très tard hier

19 soir, et sans préciser quels seraient les documents qui seraient considérés

20 comme nouveaux. En fait, mon confrère a dit qu'il ne savait pas exactement

21 quels documents il allait utiliser aujourd'hui. La première fois que nous

22 avons entendu parler de ce document c'est ce matin. C'est seulement à ce

23 moment-là, que nous avons des documents, et j'aimerais pouvoir les

24 examiner.

25 Voici ce que je vous propose. M. Neuner, le moment voulu, au cours de son

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1 contre-interrogatoire, s'il persiste à vouloir utiliser les documents,

2 pourra vous motiver sa volonté à ce moment-là, pourquoi il veut montrer le

3 document. Pour parler de la crédibilité et du fondement lui permettant de

4 contester la crédibilité du présent témoin. Ou s'il s'agit de documents

5 destinés à lui rafraîchir la mémoire. Il est peut-être prématuré d'en

6 parler maintenant. Moi-même, j'ai des questions à poser au nom de M.

7 Kubura, puis M. Neuner poursuivra. A partir des réponses fournies par le

8 témoin, peut-être qu'une pause conviendrait pour voir si on peut montrer --

9 discuter de la question si on peut montrer ces documents au témoin.

10 Merci.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, même si nous sommes

12 maintenant au courant du fait que le bureau du Procureur, étant donné ces

13 nouveaux documents, n'a pas pu satisfaire à la demande qui était d'ailleurs

14 ordonnée par vous, c'est-à-dire, communications devant être faites dans un

15 espace de temps de 24 heures, je me dois de dire que, même malgré le fait

16 que mon téléphone mobile a été branchée toute la nuit, nous n'avons pas pu

17 être en communication et obtenir ces documents. Voilà qu'il y a cinq ou six

18 minutes lorsque, pratiquement et de fait, nous avons reçu ces documents.

19 Voilà pourquoi je me rallie à mon honorable collègue qui vient de vous

20 présenter sa proposition, à savoir, nous devons d'abord consulter le

21 document et voir quel serait le fondement sur lequel et suivant lequel le

22 conseil de l'Accusation doit organiser sa ligne d'interrogatoire.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste avant de redonner la parole concernant les

24 nouveaux documents, comme vous le savez, nous avions rendu un décision

25 orale sur le fait que, concernant les nouveaux documents, ceux-ci pouvaient

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1 être utilisés uniquement dans le but de vérifier la crédibilité du témoin,

2 voire de lui rafraîchir la mémoire. Ce n'est que dans cette fenêtre de tir

3 que nous avions autorisé que les documents en possession de l'Accusation

4 postérieurement à la clôture de ses moyens de preuve pourraient être

5 exceptionnellement utilisés pour le test dit de crédibilité du témoin ou de

6 rafraîchissement de la mémoire.

7 Nous avions rajouté, par ailleurs, que dans le cas où l'Accusation

8 souhaiterait utiliser ces moyens, nous demandions à ce que ces documents

9 soient communiqués au moins 24 heures; cependant, hier, la Défense a

10 interrogé le témoin sur des aspects qui n'étaient pas dans la synthèse

11 écrite, et qu'à partir de là évidemment, l'Accusation n'a découvert cet

12 aspect que, dans le courant d'hier après-midi. Donc, le délai de 24 heures

13 avait, à ce moment-là, du mal à être respecté, dans la mesure où le

14 problème a surgi dans l'après-midi d'hier.

15 Ceci étant dit, la Défense, par Me Dixon, et appuyée par les autres

16 conseils, nous dit que, concernant le test de la crédibilité, il conviendra

17 d'attendre de voir les questions et les réponses avant, le cas échéant,

18 d'utiliser le document. Ce n'est pas la peine de dire tout de suite, voilà

19 le document que je présente, alors même que, jusqu'à preuve du contraire,

20 le témoin a fait des déclarations qui sont, à priori, frappées du sceau de

21 la crédibilité. A moins qu'il y ait des éléments nouveaux qui apparaissent.

22 Hier, il a répondu à des questions. Voilà, en l'état où nous sommes.

23 Est-ce que l'Accusation veut répondre avant que les Juges, le cas échéant,

24 se concertent ?

25 Oui, la Défense.

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Juste pour bien du compte rendu

2 d'audience, devrais-je dire qu'à la page 4, lignes 10 et 11, au lieu de

3 dire "de cinq à six minutes", nous lisons "de cinq à six mois". Par

4 conséquent, je voudrais bien que tout cela soit rectifié.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien entendu. Ceci va être fait.

6 Alors, je redonne la parole à l'Accusation. Vous avez donc entendu ce que

7 la Défense a dit. Je fais le rappel qui s'imposait. Je vous redonne la

8 parole.

9 M. NEUNER : [interprétation] J'essaierai d'être bref car je veux simplement

10 dire que l'interrogatoire principal, pour ce qui est de M. Muratovic, s'est

11 terminé vers 16 heures. On a déjà là dans les 24 heures prévues.

12 Personnellement, j'ai quitté le prétoire et je me suis approché des deux

13 conseils de la Défense, c'est vrai, c'est seulement avec M. Dixon qu'il y a

14 eu échange de numéro de téléphone portable. Je l'ai appelé à un moment

15 donné, la nuit, le soir plus exactement, au moment où la traduction du

16 document n'avait pas encore été opérée. Me Dixon m'a donné des garanties,

17 il m'a dit que je pouvais téléphoner plus tard, ce que j'ai fait. Je l'ai

18 appelé ce matin pour lui donner tous les documents qui avaient été choisis.

19 C'est la sélection définitive que vous avez ici.

20 Deux nouveaux documents avaient été retenus. Ils avaient été communiqués à

21 la Défense. Je peux vous donner les dates et tous les autres renseignements

22 plus tard.

23 Je peux assurer d'une chose, Madame, Monsieur les Juges. C'est deux

24 documents sont en rapport avec des questions qui n'ont pas été couvertes

25 par le résumé de la Défense que nous avions reçu avant l'interrogatoire

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1 principal de M. Muratovic. Ils ont trait uniquement à l'unité de guérilla.

2 L'Accusation ne savait pas que M. Muratovic allait parler de cette unité

3 avant le début de l'interrogatoire principal d'hier. Par conséquent, nous

4 savons qu'il y a un délai de 24 à respecter et nous faisons l'impossible

5 pour respecter ce délai en avisant, dans la mesure du possible, les

6 conseils de la Défense.

7 Autre chose, ce matin à mon arrivée, j'en ai parlé avec Andres Vatter,

8 notre commis à l'audience, qui m'a dit que, même s'il y avait un certain

9 temps disponible, à un stade aussi tardif que celui-ci, il n'est pas

10 possible de saisir les documents dans les logiciels habituels -- selon les

11 modalités habituelles parce qu'à ce stade tardif, il était pratiquement

12 improbable que les conseils de la Défense auraient ouvert leur boîte à

13 lettres, ce qui explique les modalités qui ont été retenues pour procéder à

14 la communication, comme l'a dit mon confrère ici même.

15 Merci.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Les Juges qui ont délibéré entre eux, estiment

19 que nous avions, dans notre décision, décidé que lorsqu'il s'agissait de la

20 crédibilité ou du rafraîchissement de la mémoire, il était possible à ce

21 moment-là, de produire un document. Donc, le mieux c'est que le contre-

22 interrogatoire commence et on verra au fur et à mesure du déroulement des

23 réponses, même si, malheureusement, le document n'a pas pu être examiné

24 entièrement, à fond par la Défense. Leur grand professionnalisme leur

25 permettra de réagir, j'en suis certain, immédiatement, en fonction des

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1 questions du document, qui est déjà en possession de la Défense depuis

2 plusieurs minutes. Je ne connais pas ce document, je ne sais pas s'il fait

3 plusieurs pages ou pas. Mais, si le document est ultra court, il n'y a

4 quand même pas besoin d'heures entières pour en apprécier la portée et

5 permettre, le cas échéant, de poser des questions pertinentes, d'autant

6 plus qu'à la suite des questions posées par l'Accusation, des réponses de

7 la Défense actuelles du document, vous aurez largement le temps pour les

8 questions supplémentaires en liaison avec le document.

9 Monsieur l'Huissier, allez chercher le témoin.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 LE TÉMOIN: FEHIM MURATOVIC [Reprise]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur, vous avez attendu quelques minutes,

14 mais il y avait un petit problème à régler, pour votre audition, donc elle

15 se poursuit ce matin et se termine aujourd'hui, rassurez-vous.

16 Donc, je vais, sans perdre de temps, donner la parole à l'Accusation qui va

17 commencer le contre-interrogatoire. Monsieur Neuner, vous avez la parole.

18 Monsieur Dixon.

19 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui, nous avions

20 quelques questions que nous voulions poser au témoin. M. LE JUGE ANTONETTI

21 : Nous étions polarisés par l'Accusation et je vous avais oublié, mais

22 c'est bien volontiers que vous avez la parole. En plus, vous disposez du

23 temps supplémentaire pour poser des questions.

24 Contre-interrogatoire par M. Dixon :

25 Q. Je vous en remercie, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur

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1 Muratovic. J'ai l'intention de vous poser quelques questions au nom de

2 Monsieur Kubura de la 7e Brigade.

3 Vous avez dit, hier, que vous aviez rencontré certains problèmes à partir

4 du mois de mars ou d'avril 93. Vous avez -- là, je reprends vos termes --

5 vous avez parlé de petits groupes de ressortissants étrangers. Vous parlez

6 justement d'un groupe qu'on appelait la guérilla turque. Il y en avait un

7 autre auquel vous avez fait référence, le groupe des Moudjahiddines. C'est

8 bien cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Veuillez dire oui, aux fins du compte rendu d'audience.

11 R. Excusez-moi. Oui.

12 Q. Je vais vous demander de confirmer qu'aux vues de vos enquêtes, il

13 apparaît que les membres de ces groupes, s'agissant donc de ces

14 ressortissants étrangers, qu'aucun de ces groupes n'a jamais fait partie

15 d'une brigade quelle que soit du 3e Corps de l'ABiH et qu'aucun de ces

16 groupes n'était commandé par une brigade, y compris donc, pas non plus par

17 la 7e Brigade musulmane. C'est bien cela ? Est-ce que c'est vrai ?

18 R. Oui, cela est vrai.

19 Q. Monsieur Muratovic, c'est seulement maintenant que vous intervenez dans

20 ce procès, mais, depuis le début, Mme, Mssrs les Juges ont entendu parler

21 d'un peloton de guérilleros ou de guérillas qui faisait partie de la 7e

22 Brigade musulmane, Groupe d'anti-sabotage, qui se composait de soldats

23 bosniens locaux, et des documents ont été présentés à cet égard.

24 Revenons à votre déposition d'hier pour éviter que la moindre confusion

25 règne dans l'esprit des juges. Vous, vous avez parlé de la guérilla turque.

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1 Elle n'a rien à voir avec le peloton de guérillas de la 7e Brigade ou tout

2 autre unité qui se serait trouvée au sein de l'armée de Bosnie, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Cela est exact. La guérilla turque n'avait rien à voir, absolument rien

5 à voir avec l'unité qui - elle a été intitulée - qui s'intitulait comme

6 étant les guérilleros et faisant partie de la

7 7e Brigade musulmane. Pour autant que je peux le savoir, les guérilleros de

8 la 7e Brigade musulmane étaient de la population locale des villages

9 environs, mais, également, non loin de Zenica. Elle a été composée de deux

10 parties : la guérilla ville et guérilla montagne. C'est ainsi qu'ils se

11 faisaient baptiser, eux-mêmes. Ils n'ont rien à voir avec la guérilla que

12 j'ai évoqué, hier, moi.

13 Q. Oui, je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

14 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Dixon.

16 Bien. Alors, la Défense ayant posé ces questions, je vais demander à

17 l'Accusation de commencer le contre-interrogatoire.

18 Contre-interrogatoire par M. Neuner :

19 M. NEUNER : [interprétation]

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Muratovic. Je m'appelle Matthias

21 Neuner et je représente le bureau du Procureur en compagnie de mon

22 collègue. Je vais vous poser quelques questions.

23 Je ne veux pas semer la confusion dans votre esprit, cependant, s'il y a

24 telle ou telle question que vous ne comprenez pas, n'hésitez pas à demander

25 de la répéter ou la reformuler. Ce que j'essaierai de faire. Est-ce que

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1 vous me comprenez ?

2 R. Oui, je vous comprends.

3 Q. Dans l'organe de sécurité militaire du 3e Corps d'armée, vous l'avez

4 dit hier, vous avez commencé comme agent, comme employé. A quel moment,

5 avez-vous commencé à exercer cette fonction et à quel moment, avez-vous été

6 nommé commandant adjoint pour le contre renseignement et pour les affaires

7 concernant la sécurité ? Je vous demande quelques dates.

8 R. Comme je l'ai déjà dit, hier, les services de Sécurité militaire du 3e

9 Corps d'armée au cours de 1993, surtout en début de 1993, n'étaient qu'un

10 service que dans ses tous premiers jalons. Du point de vue organique, il y

11 avait les fonctions mises en -- mises sur pied et mises en place, et la

12 majeure partie d'entre nous avions des missions à remplir, mais nous

13 étions, pour ainsi dire, des gens qui n'ont pas été formés pour ces

14 fonctions. Nous étions des laïcs, des non professionnels. Vers la mi-mars,

15 je suis entré dans ces services. Concrètement parlant, j'ai été nommé au

16 poste de commandant chargé du renseignement, du contre-espionnage au cours

17 du premier trimestre de 1994. En juillet 1993, si je me souviens bien, mon

18 collègue Osman Vlajcic a été chef adjoint chargé du Renseignement.

19 Q. Je dois vous reposer la question pour avoir une confirmation. En

20 juillet 1993, vous n'étiez plus agent au sein des organes de sécurité, à

21 partir de cette date-là. Vous êtes devenu l'adjoint du commandant

22 responsable du contre-espionnage et des questions de sécurité au sein du 3e

23 Corps. Dites oui simplement si c'est le cas.

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il ne s'agit pas de problèmes de

25 traduction, mais mon collègue se fonde maintenant sur la déposition faite

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1 par ce témoin qui n'est pas exact. A aucun moment, le témoin n'a dit qu'en

2 juillet 1993, il a quitté le service. Il a dit tout simplement qu'au cours

3 du premier trimestre de 1994, il était passé pour remplir la fonction de

4 commandant adjoint chargé du Renseignement. Par conséquent, cette question,

5 qui n'a pas été d'ailleurs fondée sur une réponse par le témoin, ne

6 pourrait pas être posée.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation est en droit de poser des questions

8 pour savoir quel était son emploi, quelles étaient ces fonctions. S'il y a

9 un doute sur ces fonctions, autant lever ce doute. Alors, je ne sais pas,

10 peut-être que l'Accusation se pose une question sur ces fonctions.

11 En ce qui me concerne, je dois vous dire que je suis un peu perdu.

12 Poursuivez.

13 M. NEUNER : [interprétation]

14 Q. Je vais recommencer à partir du début. Vous avez dit "agent", à partir

15 de la mi-mars 1993 au sein des organes chargés de la Sécurité militaire du

16 3e Corps.

17 R. C'est exact.

18 Q. Vous l'êtes resté à ce poste jusqu'à quand ?

19 R. J'ai été membre des services de Sécurité militaire presque jusqu'à la

20 fin des hostilités. Je parle évidemment de la région des secteurs de

21 Bosnie-Herzégovine.

22 Q. Ce que je m'efforce d'élucider, c'est ceci : hier, vous avez dit que

23 vous avez d'abord été agent, et qu'à un moment donné, toujours au sein de

24 l'organe de Sécurité militaire du

25 3e Corps, à un moment donné, disais-je, vous avez été promu au poste

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1 d'adjoint au commandant chargé du contre-espionnage et de la sécurité. A

2 quel moment avez-vous cessé votre première fonction, à quel moment êtes-

3 vous devenu cet adjoint ? Je vous demande simplement des dates.

4 R. Comme je vous l'ai déjà dit hier, toutes ces fonctions remplies par moi

5 et que j'ai énumérées ont été exécutées dans le cadre d'une seule instance,

6 d'un seul organe. Il s'agit de plusieurs départements d'un seul organe.

7 Au début, j'ai été chargé de missions en matière de sécurité. Autrement

8 dit, au début, tout le monde faisait un peu de tout. Nous, qui étions

9 employés au sein de cet organe, selon les ordres de nos commandants

10 supérieurs, avons dû tout faire. Après quoi, pour respecter l'articulation

11 organique selon laquelle se trouvait mis sur pied cet organe - je n'arrive

12 pas à me rappeler les dates avec exactitude, mais disons, au cours du

13 premier trimestre de 1994, j'ai été nommé commandant adjoint chargé de ces

14 questions de contre-espionnage.

15 Q. Dans le cadre de ces nouvelles fonctions, à partir du premier

16 trimestre, que vous avez eues à partir du premier trimestre 1994, vous êtes

17 resté à ces fonctions pendant toute la guerre ?

18 R. Non, pas tout à fait. Il y a eu des changements intervenus par la

19 suite. Il s'agit, évidemment, d'un espace de temps assez important et

20 reculé de nous maintenant. Dans les circonstances présentes, je ne serais

21 pas en mesure de vous fournir une réponse avec précision quant aux missions

22 remplies par moi.

23 Q. Je comprends; cependant, pourriez-vous dire aux Juges si vous êtes

24 resté au sein de cet organe de Sécurité militaire du 3e Corps d'armée

25 pendant toute la durée de la guerre, sans pour autant préciser les

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1 fonctions précises qui étaient les vôtres ?

2 R. Oui. Je suis resté dans cet organe de Sécurité du 3e Corps d'armée

3 peut-être hormis ces quatre ou cinq mois avant la fin des hostilités

4 lorsque j'ai été chef chargé des questions de logement du 3e Corps d'armée.

5 Q. Combien de membres au mois de mars 1993 avait-il au sein de l'organe de

6 Sécurité militaire à votre arrivée ? Donnez-nous un chiffre. Quels étaient

7 les effectifs ?

8 R. Au début, nous étions peu nombreux. Je crois qu'il y avait quatre ou

9 cinq personnes au maximum.

10 Q. Hier, vous avez déclaré qu'avec l'arrivée de M. Ramiz Dugalic, qui est

11 intervenu pratiquement au même moment, il y a eu augmentation du personnel.

12 Jusqu'au mois de juin 1993, pourriez-vous nous dire combien de personnes

13 sont venues travailler dans ce service ?

14 R. Au moment où je suis arrivé pour travailler au service de Sécurité

15 militaire, au sein de cet organe-là, il y avait deux personnes qui

16 s'occupaient de questions de sécurité. Il y avait une autre personne qui

17 était notre secrétaire, voire secteur technique. Mais avec ma venue à cet

18 organe, le nombre du personnel a été augmenté. Peut-être au mois de juin,

19 nous étions encore trois personnes de plus. Par conséquent, en tout et au

20 maximum, nous étions cinq.

21 Q. L'organe de Sécurité militaire de la brigade, sous la responsabilité du

22 3e Corps, est-ce qu'en général elle faisait rapport à votre organe à vous

23 de Sécurité militaire ou est-ce que ces services-là, les brigades

24 contournaient aussi votre service pour envoyer directement les rapports à

25 l'administration de la Sécurité militaire du commandement Suprême ?

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1 R. La hiérarchie militaire, c'est-à-dire, le système de direction et de

2 commandement dans l'armée comprend ces différents degrés, ces différentes

3 instances. Les organes des unités subalternes, les brigades et les

4 bataillons autonomes ne pouvaient pas communiquer directement avec le

5 commandement peut-être supérieur à un corps d'armée. Par conséquent, ils

6 ont été subordonnés à nous.

7 Q. Ce qui veut dire que si au niveau d'une brigade vous avez son organe de

8 Sécurité militaire qui envoie des renseignements militaires, la seule

9 filière autorisée permettant de faire passer l'information au niveau

10 supérieur, c'est une filière, c'est une voie hiérarchique qui passe par

11 votre organe de Sécurité militaire dans le 3e Corps ?

12 R. Cela est exact, oui.

13 Q. Parlons maintenant, si vous le voulez bien, de Bugojno. Nous sommes,

14 là, à la mi-août. Quel jour précisément êtes-vous allé à Bugojno ?

15 R. Je crois que ceci devait être le 16 août 1993.

16 Q. Hier, dans le cadre de votre déposition, pages 28 et 29, vous avez dit

17 qu'avant d'aller à Bugojno, et là, je vous cite : "Le chef de la sécurité

18 s'était trouvé présent à Bugojno." Avez-vous une idée, ne serait-ce

19 qu'approximatif, du jour précis ? Combien de jours avant votre venue à

20 vous, M. Dugalic s'est-il trouvé à Bugojno ?

21 R. Pour autant que je m'en souvienne, ceci devait être deux semaines avant

22 notre départ, peut-être, disons un intervalle de dix jours à 14 jours avant

23 notre départ, voilà.

24 Q. Avant que M. Dugalic ne parte à Bugojno, donc, si j'ai bien compris, à

25 peu près vers le début du mois d'août 1993, est-ce qu'il vous a dit

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1 pourquoi il allait à Bugojno ?

2 R. M. Dugalic était mon chef officier supérieur. Il n'était absolument pas

3 tenu de me dire, de me parler de cela pour dire la raison de son départ

4 pour Bugojno.

5 Q. Je comprends. Combien de temps est-il passé à Bugojno ?

6 R. Je ne m'en souviens pas.

7 Q. Vous avez déclaré vous êtes trouvé à Bugojno, le 16 août 1993. Qui fut

8 la première personne que vous avez rencontrée à Bugojno ?

9 R. Lorsque je suis arrivé à Bugojno, suivant cette filière technique, il

10 était normal de rencontrer mon collègue dans l'Unité locale de la 3e

11 Brigade et j'ai rencontré justement le commandant -- de l'adjoint de la

12 Brigade chargée de la Sécurité.

13 Q. Pourriez-vous donner le nom de cette personne pour qu'elle soit actée

14 au dossier ?

15 R. M. Enes Handzic.

16 Q. Vous dites avoir parlé à quelqu'un de la 307e Brigade hier, c'est lui ?

17 C'est Enes Handzic.

18 R. Il s'agit de la même personne, oui.

19 Q. Est-ce que, pendant votre séjour à Bugojno, vous avez parlé à quelqu'un

20 d'autre ?

21 R. Pendant que j'étais à Bugojno, j'ai pu rencontrer également un monsieur

22 du groupe opérationnel, commandant adjoint de sécurité, M. Kemal Dzafic.

23 Nous avons tenté d'obtenir une rencontre avec le chef de l'état-major de la

24 TO, M. Vlaho -- le nom de famille m'échappe, Vlaho Jelic.

25 R. Vous avez longuement parlé hier d'une conversation que vous avez eue

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1 avec un collègue de la 307e. M. Kemal Dzafic, de quoi avez-vous parlé avec

2 lui, si je peux poser la question ?

3 R. Nous parlions des mêmes affaires dont je me suis entretenu avec M.

4 Handzic. Donc, je me suis entretenu de la même chose exactement avec

5 l'autre, c'est-à-dire, on parlait de Bugojno, le traitement réservé aux

6 personnes capturées, possibilités de transférer ces personnes à Zenica, au

7 centre d'Accueil de prisonniers de guerre. Voilà les sujets dont nous nous

8 sommes entretenus.

9 Q. Que vous a-t-on dit ? Ce collège du Groupe opérationnel, que vous a-t-

10 il dit ?

11 R. Il s'agissait des mêmes réponses fournies par lui, tout comme M.

12 Handzic. Il a évoqué les mêmes problèmes relatifs au transport de ces

13 personnes capturées vers Zenica. Brièvement, il a relaté la situation qui

14 prévalait dans la ville de Bugojno, il m'a fait connaître la situation des

15 prisonniers de guerre dans les différents centres d'Accueil temporaires.

16 Q. Que vous a-t-il s'agissant de la situation qui se prévalait pendant la

17 guerre et de ces centres d'Accueil temporaires à Bugojno ?

18 R. Il m'en a parlé longuement, oui.

19 Q. Je vous demande ce qu'il vous dit, ce qu'il vous a raconté. Est-ce

20 qu'il vous a dit que tout allait bien ou qu'il y avait tel ou tel problème.

21 Hier, déjà, vous avez parlé de quelque chose, n'est-ce pas ?

22 R. M. Enes Handzic et M. Dzafic m'ont à peu près fourni les mêmes réponses

23 à la question, à savoir, les prisonniers étaient en bon état, sauf,

24 évidemment, ce débordement, cet excès où il y a deux membres de la 307e

25 Brigade, dont des membres de famille ont été exécutés par des membres du

Page 15038

1 HVO dans le village de Vrbanja, étaient pénétré sans contrôle aucun dans

2 une de ces localités. Il s'agissait de ce salon de meubles pour passer à

3 tabac cinq personnes dont l'une d'ailleurs succombera plus tard à ce

4 passage à tabac. Les autres personnes ont été bien soignées et prises en

5 charge.

6 Q. Pendant ces conversations, est-ce que vous vous souvenez du moment à

7 partir duquel, en août 1993, cet incident s'était produit, parlant de ce

8 salon d'ameublements. Est-ce que c'était peu de temps avant de parler avec

9 ces deux hommes ou est-ce que cela s'était passé une semaine voir deux

10 avant cette conversation ou ces conversations ?

11 R. Je ne m'en souviens pas vraiment avec précision pour en parler

12 maintenant. Je ne peux situer vraiment dans le temps, pour dire quand cela

13 a eu lieu, en tout cas, ceci devait se produire avant notre arrivée à

14 Bugojno, combien de jours avant, je ne m'en souviens plus.

15 Q. Est-ce qu'ils ont donné le nom des victimes, de gens qui auraient été

16 battus, de gens qui auraient trouvé la mort, est-ce qu'ils auraient tels

17 noms ?

18 R. Oui. Ils nous ont donné les noms, justement le nom de la personne qui

19 était décédée.

20 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce nom-là ?

21 R. Non, je ne m'en souviens pas. Mais j'ai évoqué ce nom, notamment, je

22 l'ai noté dans mon rapport, rédigé aussitôt après mon retour de Bugojno.

23 J'ai surtout couché sur le papier le nom de cet homme-là. Maintenant, je ne

24 m'en souviens pas.

25 Q. Hier, vous avez dit qu'à votre retour, à Zenica, vous aviez transmis ce

Page 15039

1 rapport à votre supérieur. Je tiens à vous demander une précision. Votre

2 supérieur c'était M. Dugalic ?

3 R. Au moment de mon départ à Bugojno, départ de moi-même et de mon

4 collègue, M. Dugalic était malade. Il était à domicile où il se faisait

5 soigner, dans son appartement. Par conséquent, mon rapport a été adressé au

6 commandant du 3e Corps d'armée.

7 Q. Est-ce que vous avez reçu une réponse du commandant du

8 3e Corps à propos de cet incident ?

9 R. Je n'ai jamais reçu une réponse par écrit mais dans des entretiens,

10 communications orales, le commandant m'a fait savoir ce que c'était une

11 bonne chose faite par nous là-bas.

12 Q. Je ne comprends pas. Vous avez fait rapport à

13 M. Hadzihasanovic, lui disant qu'une personne avait trouvé la mort, que des

14 gens avaient été frappés, battus, dans ce salon de magasin de meubles. Je

15 ne crois pas pourquoi peut-on dire, alors, que c'est un travail bien fait,

16 du bon boulot. Pourriez-vous nous expliquer cela ?

17 R. Monsieur Neuner, je crois qu'on ne s'est pas bien compris. Ce n'est pas

18 que c'était un travail bien fait, ce qui s'était passé dans le salon

19 d'ameublements. Ce qui était bien fait, c'était d'avoir pris des mesures à

20 l'encontre de personnes qui ont été les auteurs de cet incident, c'est-à-

21 dire, ceux qui ont passé à tabac ces membres du HVO. C'est ce que je

22 voulais dire parce que ces deux personnes, qui ont pénétré dans le salon

23 d'ameublements, qui ont passé à tabac ces hommes du HVO, ont été

24 sanctionnées légalement. Le commandant de l'unité et le commandant adjoint

25 chargé de la Sécurité ont pris des mesures et des sanctions à l'encontre de

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1 ces personnes-là, conformément aux règlements du 3e Corps d'armée,

2 conformément aux ordres donnés par le commandant du 3e Corps et lesquels

3 ordres étaient valables pour eux dans le secteur, sur le terrain. Par

4 conséquent, il a fallu sanctionné toute forme de manquement à la discipline

5 militaire ainsi que sanctionner toute forme d'infraction.

6 Q. Je comprends. Vos collègues de Bugojno vous ont dit que ces mesures

7 juridiques avaient été entreprises. Vous, en personne, est-ce que vous avez

8 vérifié ce que ces hommes vous avaient dit, par exemple, en allant dans ce

9 magasin de meubles ou en allant rendre visite aux auteurs présumés dont on

10 soupçonnait que c'était les auteurs de ces méfaits, pendant votre séjour à

11 Bugojno ?

12 R. Pendant mon séjour à Bugojno, je ne me suis pas rendu dans ces

13 différents locaux chargés de la Détention de prisonniers de guerre, mais je

14 n'ai pas eu de raison de douter de ce qui m'était dit, étant donné qu'il

15 s'agissait de gens qui étaient tous des professionnels et qui

16 s'acquittaient bien des tâches qui étaient les leurs. Je n'avais guère

17 besoin de procéder à des vérifications. De leur côté, ils n'avaient

18 certainement rien à occulter, à cacher de moi, non plus que de mentir.

19 Q. Est-ce que vous êtes au courant ou est-ce que vous savez si on n'a

20 jamais intenté un procès à ces deux auteurs ?

21 R. Oui, ces deux personnes ont dû répondre de leurs méfaits devant un

22 organe disciplinaire militaire et de Bugojno et ils ont été d'ailleurs

23 punis.

24 Q. Quand ? A quelle date avez-vous reçu ce rapport, enfin,

25 approximativement ?

Page 15041

1 R. Quant aux rapports, c'étaient des rapports oraux. On les a eus au même

2 moment où nous sommes arrivés à Bugojno. Il nous a été dit que la procédure

3 prévue par la loi était en cours et que ces personnes se trouvaient à

4 Bugojno, en détention, elles aussi, à Bugojno. Il s'agit, bien sûr, de ces

5 gens-là, de ces deux personnes qui ont passé à tabac ces représentants du

6 HVO.

7 Q. Connaissez-vous le nom de ces auteurs présumés ?

8 R. [signe négatif]

9 Q. Est-ce qu'on vous les a donnés, ces noms ? Ou est-ce que, simplement,

10 vous les avez oubliés parce que cela s'est passé il y a très longtemps ?

11 Mais est-ce qu'à l'époque, on vous avait donné le nom de ces auteurs

12 présumés ?

13 R. Je suppose qu'on devait nous dire les noms de ces personnes, mais cela

14 ne me disait pas grand-chose à moi-même. Par conséquent, je ne sais

15 vraiment pas comment ces gens-là s'appelaient.

16 Q. Pour avoir suivi ce que vous venez de dire ces dernières minutes, je

17 crois comprendre qu'il y avait des échanges fréquents à propos de la

18 sécurité militaire dans la région, dans les centres de Détention

19 provisoires à Bugojno, ou à propos de la situation qui prévalait, donc des

20 échanges fréquents entre les organes de service militaire de la 307e et

21 ceux du 3e Corps, pour ce qui est du mois d'août 1993. Est-ce que j'ai

22 raison de le croire ?

23 R. Oui, bien entendu. Etant là in situ, nous nous sommes entretenus de

24 cela, grâce, évidemment, au départ de notre chef à Bugojno, et à notre

25 départ là-bas, il est tout à fait normal -- logique, de nous entretenir

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1 avec ces personnes-là.

2 Q. Vous êtes reparti à Zenica. Après cela, vous avez, de nouveau, reçu des

3 renseignements relatifs à la situation qui prévalait dans les centres de

4 détention provisoires à Bugojno, ou est-ce que le flux d'information -- de

5 renseignement a tari ? C'est simplement une question d'information que je

6 vous pose. Est-ce que vous avez reçu ce genre de rapports ?

7 R. De temps en temps, sporadiquement, nous en recevions. Il ne s'agissait

8 pas, évidemment, de rapports réguliers, mais de temps en temps, on en

9 recevait.

10 Q. Dernière question à propos de Bugojno. Elle concerne le transfert de

11 détenus qui se trouvaient dans des centres de détention provisoires à

12 Bugojno. Hier, vous avez dit qu'il y avait eu un convoi. Est-ce que, plus

13 tard, ce convoi est parvenu à Zenica, ou est-ce que seules certaines

14 personnes étant trouvées dans ce centre de détention provisoire sont

15 arrivées au KP Dom de Zenica ? Ou est-ce que vous pouvez nous dire si aucun

16 des détenus de ce centre de détention provisoire n'est jamais arrivé au KP

17 Dom ? Je cherche une précision.

18 R. Le convoi n'était pas parti de Bugojno, pour les raisons que j'ai

19 évoquées hier. Les véhicules étaient en panne, il y avait les initiatives

20 prises par des intellectuels croates du pays --

21 Q. J'ai bien compris. Ma question était celle-ci : parce que,

22 manifestement, le convoi n'était pas parvenu à Zenica. Est-ce qu'à un

23 moment ultérieur, certains détenus, qui s'étaient trouvés dans ces centres

24 de détention, avaient été transférés à Zenica, moins d'entre eux, bien

25 sûr ?

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1 R. Autant que j'ai pu le savoir, il n'y a pas eu de transfert.

2 Q. Parlons maintenant de cette double voie hiérarchique, pour ce qui est

3 des organes du commandement donc dans le 3e Corps, dans cet organe de

4 sécurité militaire.

5 Hier, vous avez dit que cette double voie hiérarchique, ces voies

6 parallèles, étaient utilisées par le 3e Corps.

7 R. Pour ce qui est de cette chaîne de commandement qui était double, elle

8 n'était pas utilisée seulement dans ces cas-là. La chaîne de commandement,

9 en matière de sécurité, est double, compte tenu de la situation sur le

10 terrain. Vous avez le commandement d'abord, proprement dit, et vous avez la

11 direction au commandement technique, en temps de paix et en temps de

12 guerre. De même en est-il aujourd'hui dans nos services de sécurité

13 militaire, tout comme dans d'autres pays dans le monde.

14 Q. Vous avez informé le commandement du 3e Corps, mais vous avez également

15 informé l'administration de la sécurité du commandement suprême qui était

16 basée à Sarajevo ?

17 R. Oui, cela est exact. La direction, le bureau des Renseignements

18 militaires était un organe ordonnateur au sein du corps d'armée. Sans leur

19 aval, nous n'aurions jamais pu, évidemment, prendre des démarches

20 quelconques à l'égard de la guérilla et autres.

21 Q. Si vous souhaitiez transmettre des informations au commandement

22 Suprême, alors que Sarajevo était une ville assiégée en 1993, quels étaient

23 les moyens techniques que vous utilisiez pour l'envoi de rapports et de

24 renseignements à Sarajevo ?

25 R. Au commandement du 3e Corps d'armée, il y avait un centre de

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1 transmission. Je ne suis pas quelqu'un qui aurait une formation technique

2 pour savoir par quel moyen cela fonctionnait -- cela opérait, mais je

3 suppose qu'ils opéraient par radio. Bien sûr, les communications cryptées -

4 -

5 Q. Vous venez de l'expliquer, ces renseignements, d'une façon ou d'une

6 autre, étaient encodés, décryptés, et parvenaient au commandement Suprême

7 de Sarajevo. Conviendriez-vous avec moi du fait que certains renseignements

8 pouvaient parvenir à Sarajevo, mais s'il y avait transfert d'effectifs de

9 la capitale assiégée vers, disons, la zone de responsabilité du 3e Corps,

10 cela, c'était beaucoup plus difficile à l'époque, voire impossible ?

11 R. Au début, au cours de 1993, tout transfert de soldats de toute

12 municipalité d'ailleurs, de chez nous vers Sarajevo, était impensable. Par

13 conséquent, cela n'a jamais été fait.

14 Q. Vous serez donc d'accord avec moi pour dire que, si on veut parer à une

15 menace sécuritaire dans la zone de responsabilité du

16 3e Corps d'armée, ce 3e Corps d'armée devait, au fond, se baser sur ses

17 propres hommes -- se fier sur ses propres moyens ?

18 R. A moins de parler, évidemment, du 3e Corps d'armée, pour parler de

19 Sarajevo qui était assiégée, il y avait d'autres unités qui étaient tout à

20 fait libres et qui opéraient en Bosnie-Herzégovine. Donc, hormis le 3e

21 Corps d'armée ou les forces du 1er Corps d'armée qui se trouvaient dans

22 Sarajevo assiégée, il y avait d'autres unités, 2e Corps, 5e Corps, 4e, et

23 pendant un certain temps, le 6e Corps d'armée également, qui opéraient. Par

24 conséquent, on ne peut pas dire que notre communication était rendue tout à

25 fait -- absolument impossible pour ce qui est, évidemment, de communiquer

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1 d'un territoire à l'autre.

2 Q. Mais s'il y avait véritablement des mesures -- des menaces de sécurité

3 dans votre zone, c'était pratiquement les hommes qui faisaient partie de la

4 zone de responsabilité du 3e qui s'en occupaient, non ?

5 R. Lorsque nous étions à Zenica, la situation s'avérait tout à fait, pour

6 ainsi dire, permanente de cette sorte-là, depuis le tout premier jour

7 d'hostilité jusqu'à la signature d'un accord. Le danger -- la situation de

8 danger était permanente, et nous ne pouvions nous fier qu'à nos propres

9 forces, pour ne parler que du tout premier début.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, juste pour le

11 compte rendu d'audience, page 21, ligne 11, après le mot "staff", ce qui

12 veut dire "quartier" manque les mots "du commandement," le quartier, donc,

13 "le général du commandement supérieur", comme le témoin l'a dit. On a parlé

14 de quartier, mais on n'a pas dit de quartier de quoi, de qui. Le témoin a

15 évoqué le commandement Suprême.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci de cette précision.

17 M. NEUNER : [interprétation]

18 Q. Vous avez dit que : "Au départ, au début, vous ne comptiez que sur vos

19 propres hommes dans la zone de responsabilité." Mais sous l'angle des

20 service de Sécurité militaire, dans l'optique de ce service, est-ce que

21 cela veut dire que, si vous avez des renseignements, vous, qui êtes le

22 service de Sécurité militaire, vous avez intérêt à fournir ce

23 renseignement, ces informations à votre commandant puisque c'est lui qui a

24 la responsabilité des forces, des hommes, et c'est lui, qui aussi, a la

25 responsabilité de résoudre cette crise de sécurité ?

Page 15046

1 R. A tout, ceci devait être ainsi, mais les organes de Sécurité, par

2 conséquent, ceux du Renseignement, dans différentes matières, doit pouvoir

3 faire des hypothèses pour appréhender la situation, le tout ne devant pas

4 répondre à la réalité, à la vérité. Par conséquent, ces organes et ces

5 instances ne sont pas tenus d'en informer leur commandant, car, renseigner

6 sur toutes ces différentes matières risquait, évidemment, de semer de la

7 confusion. Je ne sais si vous me suivez.

8 Q. Voici ce que j'ai essayé de dire, vous, vous deviez vouloir résoudre

9 les problèmes qui se posaient en matière de sécurité. Vous avez reçu ou

10 recueilli du renseignement sur l'importance du degré de crise que cela

11 représentait. Vous avez ajouté que les effectifs disponibles, c'étaient

12 ceux qui étaient dans la zone de responsabilité du 3e Corps. Ma seule

13 question, la seule question que je vais vous poser était ceci : est-ce que

14 vous avez informé le commandant du 3e Corps, d'après ce que vous pouvez en

15 croire, de façon correcte en 1993 s'agissant de menaces en matière de

16 sécurité qui surgissaient dans votre zone de responsabilité ?

17 R. Comme je l'ai dit au début de ma déposition, à mon arrivée dans cet

18 organe au début de 1993, j'ai été chargé chef de missions dans cet organe.

19 Par conséquent, l'information à l'intention du commandant du 3e Corps

20 d'armée ne relevait pas de ma compétence. Il y avait soit d'autres gens qui

21 l'ont fait ou ne l'ont pas fait. Par conséquent, je ne suis pas bien placé

22 pour répondre à votre question là-dessus.

23 Q. Je voudrais passer à la guérilla. En réponse aux questions de Me

24 Residovic, vous avez dit que la guérilla, c'était quelque chose de

25 différent de l'Unité de Guérillas qu'on retrouvait dans la

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1 7e Brigade musulmane. Mais que savez-vous à propos des unités ou des

2 Groupes de guérillas qu'il y aurait eu dans la 7e Brigade musulmane ?

3 R. Pour ne pas qu'il y ait de confusion là-dessus, cet intitulé de

4 "guérilla" ne veut pas dire que c'était des Unités de guérilleros. Au début

5 des hostilités, à regarder la télévision ou du cinéma, un film et cetera,

6 les gens aimaient baptiser leurs unités d'une façon sonore et importante

7 pour faire de l'effet et de l'impact sur la partie adverse. D'ailleurs,

8 qu'est-ce que j'en sais, peut-être il y avait d'autres raisons. Par

9 conséquent, cette unité ne devait différer en rien des autres Unités de la

10 7e Brigade musulmane pour parler de la guérilla. Il n'y avait aucune

11 différence entre cette unité et les autres Unités de la 7e Brigade

12 musulmane, évidemment, à la différence évidemment de ce groupe de gens qui

13 étaient des personnes venues de l'étranger dont j'ai parlé hier.

14 Q. Je comprends.

15 M. DIXON : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Mais avant

16 que cela ne disparaisse de l'écran, je veux me référer à la page 24, ligne

17 4, du compte rendu d'audience. Le témoin a dit : "Je voudrais qu'il n'y ait

18 pas de confusion," il n'a pas dit "conclusion." C'est ce que je voulais

19 faire rectifier.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement.

21 M. NEUNER : [interprétation]

22 Q. Savez-vous nous dire qui a commandé cette guérilla ou ce Groupe de

23 guérillas au sein de la 7e Brigade musulmane de Montagne en 1993 ?

24 R. Je ne sais pas qui est-ce qui a commandé ce groupe de guérilla. Je ne

25 le qualifierais pas de la sorte moi-même. Mais c'était, en tout état de

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1 cause, quelqu'un de ce territoire, quelqu'un de Zenica ou de cette région.

2 Mais la composition de l'unité, c'étaient également des gens du cru.

3 C'étaient des gens de ce territoire-là.

4 Q. Nous allons, à présent, parler un peu de cette guérilla des Turques.

5 Cette guérilla des Turques a-t-elle été stationnée à Zenica ou ailleurs ?

6 R. Cette guérilla était installée dans le bâtiment de la crèche du jardin

7 d'enfants qu'ils ont occupé par force dans la rue de Travnicka Ulica

8 [phon].

9 Q. Partant des informations que vous avez recueillies, le groupe que vous

10 avez désigné avait responsable, un leader. Cet homme s'appelait-il Kemal

11 Turcin ?

12 R. C'est ainsi qu'il se présentait.

13 Q. Que sauriez-vous nous dire au sujet de Kemal Turcin ?

14 R. D'après ce que j'ai appris à son sujet, c'était une personne portée sur

15 le crime, qui a commis des délits au pénal sur le territoire de la Turquie,

16 et qui a trouvé refuge en Bosnie. Il a fui la loi en Turquie pour aller et

17 venir chez nous.

18 Q. Au sujet de ses activités sur le terrain à Zenica, qu'en savez-vous,

19 qu'a-t-il fait là ?

20 R. S'agissant de ses activités, des activités du groupe en concret, cela

21 se ramenait à la commission de délits au pénal. Il y avait de la

22 contrebande, du trafic de produits déficitaires, carburant, cigarettes et

23 munitions, armes. En somme, ce sont des activités criminelles, rien

24 d'autre, et aussi intimidation de la population. Ils avaient des armes en

25 leur possession, et tout simplement, ils étaient en train de terroriser en

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1 quelque sorte la population civile de Zenica.

2 Q. Avez-vous des informations au sujet du fait de savoir si ce groupe

3 était installé à Arnauti ou si c'était un autre groupe qui était déployé ?

4 C'est là un village qui se trouve à une dizaine de kilomètres de Zenica.

5 R. Je sais où se trouve ce village, mais je ne sais pas si ce groupe a été

6 installé à Arnauti. Je sais qu'ils étaient à Ulica Travnicka, la rue de

7 Travnik, et qui s'était installé dans ce jardin d'enfants.

8 Q. Vous êtes au courant de ce village d'Arnauti, mais vous estimez que

9 l'unité n'y était pas installée. Mais quelle est l'unité qui était installé

10 à Arnauti ? Je crois qu'on se référait là aux étrangers.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai entendu dans la traduction que ce groupe était

12 dans une crèche, "nursery school", et là, je vois en anglais un

13 "supermarket." Ils étaient dans un supermarché ou dans une crèche ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait une crèche, et il y avait juste à

15 côté un supermarché. C'étaient deux installations côte à côte.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils étaient où ? Dans la crèche ou dans le

17 supermarché ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux. Les deux.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les deux bâtiments ? Très bien.

20 M. NEUNER : [interprétation]

21 Q. Avant de vous reposer la question au sujet d'Arnauti, j'aimerais que

22 vous nous disiez combien de gens il y avait dans les rangs de cette

23 guérilla turque si vous en croyez les informations que vous avez

24 recueillies.

25 R. Etant donné qu'il s'agissait de groupes mobiles, il n'a jamais été

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1 possible de les déterminer. Ils dormaient cela et là et il se déplaçaient

2 sur le terrain, et je ne serais vraiment pas vous dire combien de gens il y

3 avait dans ce groupe.

4 Q. Vous avez également déclaré qu'à un moment donné vous avez arrêté la

5 direction totale de ce groupe de guérilla. Pouvez-vous nous donner à peu

6 près la date à laquelle vous avez arrêté ou plutôt les services de sécurité

7 militaire ont arrêté la direction complète de ce groupe ? C'est ce qui

8 figure en page 25 du compte rendu d'audience d'hier.

9 R. Comme je vous l'ai déjà dit, fin 1993 et début 1994, parce qu'il m'est

10 difficile de me souvenir de la date exacte. Cela s'est passé il y a très

11 longtemps. Alors, partant de l'étude des activités de ce groupe qui a duré

12 plusieurs mois, nous avons demandé à la direction de la sécurité ce qu'il

13 convenait de faire. Il est passé sous contrôle de l'ABiH ou les arrêter.

14 Etant donné qu'il ne voulait pas se placer sous le contrôle de l'ABiH, il a

15 été déployé des mesures de la part de la police militaire du 3e Corps. Je

16 dirais que la direction du groupe a été arrêtée. Il y a eu une instruction

17 de diligenter par des instances civiles, et je dirais que c'était fin de

18 1993, début 1994. A compter de ces dates-là, il n'existe plus de groupe de

19 ce genre physiquement parlant sur le territoire de Zenica. Ce n'étaient pas

20 des personnes bosniennes, originaires de la région. Il y a eu là des

21 personnes originaires de Bosnie pour des avantages, il y avait tout de même

22 une grande famine dans le secteur de Zenica, on recevait des sacs de

23 farine, de sucre, et ainsi de suite. Le reste, enfin, les membres du groupe

24 ont été réinfectés à d'autres unités régulières de l'ABiH.

25 Q. Vous venez de dire que : "Ces gens de la localité de ces gens du cru

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1 ont rejoint les rangs de l'ABiH." Avez-vous une idée du nombre de ces

2 hommes et des unités qu'ils ont rejointes ?

3 R. Je ne peux pas vous répondre. Je ne sais vraiment pas à commencer par

4 la 313e, la 314e, et autres, enfin, les unités qui se trouvaient sur le

5 territoire de Zenica. Ces hommes sont allés rejoindre les rangs des dites

6 unités.

7 Q. Ces gens du cru, cette population locale qui suite à une certaine

8 période de temps avait rejoint les rangs de cette guérilla turque sont

9 restés à Zenica et ont rejoint les rangs de la 303e, et probablement, de la

10 7e Brigade musulmane de Montagne, ainsi que le

11 2e Bataillon de cette 7e Brigade musulmane de Montagne, le

12 314e Bataillon stationné à Zenica, et ainsi de suite, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Merci beaucoup. Est-ce que les services de sécurité militaire de ce 3e

15 Corps ont à quelque moment que ce soit obtenu des documents ou des requêtes

16 de la part de cette Unité de Guérillas dans le courant de 1993 ? Est-ce que

17 quiconque ayant appartenu à cette unité se serait adressé au service de

18 Sécurité militaire du 3e Corps pour demander quoi que ce soit ?

19 R. Je n'en ai pas connaissance. Je n'ai pas connaissance de requête

20 formulée de leur part.

21 Q. En 1993, vous-même, avez-vous eu à faire face à ces périls ou au péril

22 constitué par cette guérilla turque ou est-ce que c'est l'un quelconque de

23 vos collègues qui a vaqué à cette tâche ? Qui au sein de votre service a eu

24 compétence de s'en occuper ?

25 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, à compter du mois de juin

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1 1993, s'agissant du contre renseignement au sein de ces services de

2 Sécurité chargés, notamment, des Etrangers, c'était Osman Vlasic, un des

3 mes collègues qui s'en ait occupé. Alors, de là, à savoir s'ils se sont

4 adressés à lui ou pas, vraiment, je n'en sais rien.

5 Q. Je voudrais que nous parlions un peu des Moudjahiddines à présent, des

6 unités des Moudjahiddines. Le mieux serait de parler d'étrangers qui se

7 sont qualifiés de Moudjahiddines. Lorsque vous êtes arrivé mi-mars 1993, au

8 sein de ce service de Sécurité militaire du 3e Corps, quels étaient les

9 renseignements au sein de ces services-là dont disposait cette unité ? Que

10 savait-on au sujet de ces hommes ? Où se trouvaient-ils ? Où étaient-ils

11 déployés ?

12 R. A l'époque, nous n'avions qu'une information au sujet de ces unités.

13 Nous savions qu'il y avait des gens qui venaient, et qu'ils étaient là,

14 qu'il en arrivait tous les jours, mais de là, à savoir qui, ils étaient, ce

15 qu'ils faisaient, il n'y avait aucune information, et je crois que personne

16 n'a été chargé de vaquer à cette tâche-là.

17 Q. Qui était la personne responsable au sein de votre unité au service de

18 sécurité militaire du 3e Corps qui a eu à s'occuper de ce problème des

19 Moudjahiddines ? Est-ce que vous en êtes occupé vous-même ?

20 R. Comme je vous l'ai dit, début mars 1993 jusqu'à juin 1993, nous

21 faisions toutes les tâches ensemble.

22 A compter de juin 1993, on nous a confié des missions concrètes et des

23 ressorts. Pour ce qui est de ce Département des Etrangers c'est M. Vlajcic

24 qui s'en est occupé.

25 Q. Vous nous avez dit hier en page 23, ligne 20 : "Qu'à avril 1983, il y a

Page 15053

1 eu une enquête diligentée au sein de l'administration de la sécurité du

2 commandement suprême pour voir comment aborder le problème des

3 Moudjahiddines." Quelle est la réponse qu'on vous a fournie ? Dites-nous

4 plutôt : à quel moment dans le temps cette demande a été faite, début

5 avril, fin avril 1993 ? Quand est-ce que le commandement Suprême a été

6 contacté à ce sujet ?

7 R. Tirons une chose au clair. Quand je dis envoyer, je parle au nom de

8 l'organe, pas en mon nom personnel. C'est mon supérieur qui l'a fait. Cette

9 requête a été envoyée, je pense, début avril 1993.

10 Q. Avez-vous connaissance de la réponse fournie par le commandement

11 Suprême ?

12 R. Le commandement Suprême a envoyé sa réponse, qui disait, à peu près,

13 qu'il s'agissait de s'efforcer de voir de qui il s'agissait, de les

14 identifier, de voir d'où ils venaient, quels étaient les canaux qui leur

15 permettaient d'arriver à Zenica, les filières, quelles étaient les

16 intentions de ces gens, étant donné que, pour nous, c'était un inconnu

17 total, une langue étrangère, des gens qu'on ne connaissait pas, des

18 coutumes -- des us et coutumes différents. Nous ne savions rien du tout à

19 leur sujet.

20 Q. Mais, au meilleur de votre connaissance, cette réponse, est-elle

21 arrivée au bout d'une période de temps assez courte après l'expédition de

22 cette requête initiale par les bons soins de votre service, ou est-ce que

23 cela a pris un certain moment pour obtenir la réponse ?

24 R. Je ne saurais vraiment pas vous répondre à cette question. Je ne me

25 souviens pas du temps qui s'est écoulé entre les deux.

Page 15054

1 Q. Vous nous avez dit, hier, au début, que vous ne pouviez pas obtenir --

2 ou plutôt, que vous avez essayé d'infiltrer quelqu'un parmi ces gens, mais

3 en somme, vous n'avez pas réussi dès le début, ou vous avez eu des

4 difficultés à le faire. Alors, aviez-vous connaissance de la présence de

5 gens du cru avec ces personnes-là ? J'entends là -- quand je dis les gens

6 du cru, j'entends des Bosniens.

7 R. Au début, il n'y en a pas eu. Par la suite, lorsque cette unité s'est

8 installée là où elle était, il y a eu des gens du cru qui ont rejoint les

9 rangs de cette unité. A mon avis personnel, la raison, pour laquelle ces

10 gens se sont joints à cette unité, était des raisons d'ordre social ou

11 plutôt de nature à se procurer des avantages, des vivres. Ils se sont

12 ralliés à cette Unité d'El Moudjahid pour cette raison-là.

13 Q. Vous avez dit, au début et par la suite, lorsqu'ils se sont installés

14 là où ils se sont installés. Mais il serait bon, pour les Juges de la

15 Chambre, de préciser quelle est la période de temps que vous sous-entendez

16 lorsque vous dites "au début" et quand vous dites "ultérieurement".

17 R. Quand je dis au début, c'est à mon arrivée au service de Sécurité, mars

18 1993. Ils ont déjà fait leur apparition. On a pu les voir dans les rues de

19 la ville et dans les localités environnantes. Quand je dis, ils se sont

20 installés, j'entends automne 1993.

21 Q. Donc, les tout derniers commentaires que vous avez apportés au sujet de

22 la présence de ces étrangers, cela s'est rapporté, en réalité, à la

23 présence d'étrangers à Zenica, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ligne 9, page 31,

Page 15055

1 on dit "1992", alors qu'il fallait noter "1993" à la place. Merci.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

3 M. NEUNER : [interprétation]

4 Q. On a parlé, en page 26, hier, de ce QG des Moudjahiddines à Zenica.

5 Est-ce que ce bâtiment se trouvait dans les locaux de la Vatrostalna, cette

6 entreprise de Podbrijezje, ou est-ce que vous vous référiez à un site

7 autre ?

8 R. Oui, je parlais du bâtiment administratif de cette entreprise

9 Vatrostalna de Podbrijezje. C'est une banlieue de Zenica.

10 Q. Je voudrais vous demander ce qui suit : avant que ces gens, ces

11 Moudjahiddines, ne s'installent là, le bâtiment en question a-t-il servi de

12 QG pour la Brigade Frankopan, pour Zivko Totic, en 1993, ou est-ce là un

13 bâtiment autre ?

14 R. En effet, il y avait, dans ce bâtiment, le commandement de la Jure

15 Francetic du HVO, mais à partir du moment où les étrangers sont arrivés, le

16 bâtiment a été abandonné. Ils sont entrés dans un bâtiment déjà abandonné -

17 - déjà vide.

18 Q. Au meilleur de vos souvenirs, quand est-ce que cette Brigade de Jure

19 Francetic a quitté le bâtiment en 1993 ? Etait-ce aux environs du mois de

20 juin ou plus tôt ?

21 R. Je ne m'en souviens pas exactement, mais il me semble que c'était vers

22 la mi-1993, probablement le mois de juin, mais je ne m'en souviens pas au

23 juste.

24 Q. D'après les renseignements que vous vous êtes procurés, combien de

25 Moudjahiddines a-t-il été installés dans ce bâtiment ?

Page 15056

1 R. Il était pratiquement impossible de le déterminer. Il y avait une

2 fluctuation permanente, et ils n'étaient pas stationnés à un seul endroit.

3 Au début, ils se trouvaient sur les hauteurs à Nedgovici [phon], dans la

4 vallée de la Bila. Ils allaient, au quotidien, cela et là, ce qui fait que

5 nous ne pouvions pas le déterminer. Nous avons déployé un maximum d'effort

6 pour essayer de déterminer combien ils étaient, mais nous n'avons jamais

7 réussi à le savoir.

8 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance à quelle distance

9 ce bâtiment de Podbrijezje se trouvait-il du QG du

10 3e Corps, à combien de kilomètres à peu près ?

11 R. Entre dix et 12 kilomètres à peu près.

12 Q. Y avait-il une unité de l'ABiH à Podbrijezje, ou est-ce que les

13 Moudjahiddines étaient la seule force installée -- déployée à Podbrijezje,

14 cette banlieue de Zenica ?

15 R. Pour autant que je le sache, il n'y avait pas d'unités de l'ABiH. Il

16 n'y avait que ce groupe de Moudjahiddines qui s'est installé dans le

17 bâtiment en question.

18 Q. Je n'ai pas parlé du même site, du même bâtiment, mais je parlais de

19 Podbrijezje, cette banlieue. A quelle distance, d'après vous, se trouvait

20 la plus proche des unités de l'ABiH ?

21 R. Mais je suis en train de me poser la question. Il y avait le

22 commandement de la 314e Brigade qui se trouvait à huit ou neuf kilomètres

23 de cet endroit.

24 Q. Vous nous avez dit, hier, que vous avez tenté d'intercepter des

25 conversations téléphoniques. Est-ce que vous référiez à des interceptions à

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1 Mehurici ou à des écoutes au QG de Police militaire de Podbrijezje ou les

2 deux ?

3 R. Je parlais de conversations téléphoniques de la part du commandant de

4 ce groupe à Probrezje.

5 Q. Mais, quand est-ce que ces interceptions de conversations

6 téléphoniques, ces écoutes, ont-elle commencé à peu près ?

7 R. Je ne peux pas vous le dire, je n'étais pas chargé de ce type de

8 tâches. Je crois que c'est depuis le mois de juin et la fin de 1993 et

9 c'était de la compétence de M. Vlajcic. Mais si je peux ajouter quelque

10 chose, vous permettez ?

11 Q. Allez-y.

12 R. Etant donné qu'il y avait là, cela faisait partie des méthodes, des

13 moyens, des services de Sécurité militaire, cela se faisait dans la

14 clandestinité, dans le secret, et il n'y avait que l'homme qui se chargeait

15 de ces tâches qui était au courant de cela. Parce que si plusieurs

16 personnes étaient mises au courant, la tentative de rassemblement de

17 renseignements par ces moyens-là seraient tombés à l'eau.

18 Q. J'apprécie l'explication que vous nous apportez. Avez-vous été impliqué

19 dans un type de surveillance et d'activités du contre-renseignement au

20 sujet de ce groupe ? Est-ce que cela faisait également partie de vos

21 tâches6

22 R. Je n'ai pas été chargé de ces tâches-là.

23 Q. Ma toute dernière question va être la suivante : vous nous avez dit que

24 vous avez passé cette période ou ce temps de guerre dans le secteur de

25 responsabilité du 3e Corps. Avez-vous eu connaissance du fait qu'à la fin

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1 de la guerre, un ordre a été donné par le commandement Suprême, au sujet de

2 la documentation -- ou plutôt au sujet de la collecte de la document, au

3 sujet de ce groupe et cette documentation, qui était censé être remis à un

4 comité quelconque au sein du 3e Corps. En avez-vous eu vent ? Je me réfère

5 maintenant à la période de temps relative à ce mois de décembre 1995 ?

6 R. Je ne suis pas au courant d'un ordre de cette nature.

7 M. NEUNER : [interprétation] Nous n'avons plus de questions, Monsieur le

8 Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 10 heures et demie, nous allons faire la

10 pause technique, nous reprendrons aux environs 10 heures 55.

11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

12 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience étant reprise, je vais donner la parole

14 aux avocats pour les questions supplémentaires.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

16 quelques questions à poser au témoin.

17 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

18 Q. Bonjour, Monsieur.

19 R. Bonjour.

20 Q. Mon éminent collègue, M. Ibrisimovic, vous a demandé si vous avez

21 dressé des rapports après votre séjour à Bugojno, et si vous étiez en

22 communication avec le commandant, et vous avez répondu que votre chef a été

23 malade et que vous avez envoyé un rapport au commandant. Dites-moi : dans

24 vos services de Sécurité au 3e Corps d'armée, qui a communiqué avec le

25 commandant ?

Page 15059

1 R. Dans nos services de Sécurité militaire du 3e Corps, c'est

2 exclusivement mon chef, mon commandant, mon chef d'officier supérieur qui

3 était en communication avec le commandant du corps d'armée.

4 Q. Etant donné sa maladie, la maladie du chef, est-ce que cette

5 communication était une exception ou s'agissait-il de règles en matière de

6 communication lorsqu'il s'agit de communiquer avec le corps d'armée et vos

7 services.

8 R. Cette exception était due au fait que nous avons fait des estimations

9 de la situation. Nous avons apprécié la situation, c'est-à-dire, je l'ai

10 fait quant à la situation de Bugojno, la situation des prisonniers de

11 guerre, et voilà la raison pour laquelle nous avons procédé de la sorte, en

12 ce moment-là.

13 Q. Lorsque votre chef était de retour, de congé de maladie, au sujet de

14 cette question et à toutes autres questions, qui est-ce qui a eu des

15 contacts avec le commandant ?

16 R. Cela relevait exclusivement de la compétence de mon chef.

17 Q. Vous êtes dans un organe de Sécurité du 3e Corps d'armée. Vous avez dit

18 que c'est jusqu'au niveau de bataillon que les instances de sécurité

19 militaire fonctionnaient et opéraient. Qui est responsable si, par exemple,

20 vous avez reçu telle ou telle information qu'un méfait a été commis par des

21 membres de l'ABiH pour engager une action en justice pour punir les auteurs

22 de méfait ?

23 R. Pour parler de responsabilité, il faut se tourner vers la zone dans

24 laquelle les méfaits ont eu lieu. Par exemple, la zone de bataillon agi de

25 sorte à ce que le service de sécurité se tourne vers le corps d'armée, et

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1 c'est nous au corps d'armée, qui faisons les démarches et prenons les

2 mesures nécessaires concrètes.

3 Q. Lorsque par voix d'information ou par une descente sur les lieux, comme

4 ce fût le cas lors de votre séjour à Bugojno, vous vous rendez compte du

5 fait que l'organe compétent d'une unité subordonnée avait entrepris toutes

6 mesures nécessaires et a fait toutes les démarches selon le règlement et la

7 loi et selon les ordres données. Y a-t-il eu besoin de vous voir, vous,

8 contrôler pour vérifier si ce procédé-là engagé par l'organe en question

9 est légal et de façon compétente ?

10 R. Il s'agit d'un organe qui dans une unité de base s'en occupe, je ne

11 vois vraiment pas de raisons pour lesquelles on devrait contrôler ou

12 vérifier; sinon, tout se réduirait pour parler de la compétence de l'organe

13 de l'unité subordonnée. Si on devait douter évidemment de tous les organes

14 des unités subordonnées tout ceci tomberait à l'eau en quelque sorte.

15 Q. Vous avez dit qu'en juin vous étiez environ cinq personnels dans cet

16 organe du 3e Corps d'armée. Je suppose que vous étiez en train de vous

17 faire former en tant qu'organe au 3e Corps, mais même si vous étiez trois

18 fois cinq, est-ce que physiquement parlant vous auriez pu être en mesure de

19 vérifier, de contrôler tous les procédés qui ont été engagés à l'encontre

20 tous les membres du 3e Corps le cas échéant. Est-ce que cela aurait pu être

21 pertinent et possible d'une manière générale ?

22 R. Si, en théorie on devait s'occuper du nombre de plaintes déposées au

23 pénal étant donné le nombre de personnel on se serait rendu compte aussi

24 tôt que ceci aurait été impossible, étant donné qu'il y a eu tant de blocus

25 et barrages, voies de communication barrées, et que tout cela a été

Page 15061

1 entrecoupé par des secteurs sous contrôle de l'ennemi, et cetera.

2 Q. Monsieur Muratovic, parlant de cette chaîne de commandement, vous avez

3 en des termes fort clairs et compréhensibles pour ce qui est de la

4 compétence qui était la vôtre pour parler de mesures et d'informations, et

5 vous avez parlé également d'une partie de responsabilité qui relevait de la

6 compétence du commandement. Mon éminent collègue vous a posé des questions

7 au sujet de sortie de troupes ou d'unités de Sarajevo qui se trouvaient

8 sous le siège pour se rendre vers un autre territoire. D'après vous, est-ce

9 que cette possibilité de sortie ou une possibilité de sortie d'une unité de

10 Sarajevo aurait pu avoir un impact quelconque sur la chaîne de commandement

11 ou de direction de votre service -- et dans votre service par le 3e Corps

12 d'armée ?

13 R. Ceci n'a pas vraiment de corrélation. Je n'ai pas très bien compris

14 d'ailleurs ce à quoi on visait par cette question.

15 Q. Si, par exemple, les Unités de l'ABiH stationnées dans Sarajevo

16 assiégée ne pouvaient pas en sortir, est-ce que cela veut dire que votre

17 responsabilité aurait pu en être diminuée ou cessée tout simplement

18 lorsqu'il s'agit de rendre compte aux organes qui sont d'ailleurs au QG

19 général en matière de sécurité ?

20 R. Non, non, non. Notre responsabilité n'a pas été dénuée et nous savions

21 fort bien ce qui nous fallait faire. Nous connaissions fort bien notre

22 responsabilité, et nous rendions compte au QG du corps en ce qui concerne

23 les ordres à suivre et les démarches à faire.

24 Q. Le siège de Sarajevo a-t-il d'une quelconque manière altéré la

25 responsabilité qui est la vôtre lorsque vous avez dû suivre les

Page 15062

1 instructions qui vous ont été données par le bureau en matière de sécurité

2 du 3e Corps d'armée ou du commandant suprême lorsqu'il s'agit de savoir

3 comment il a fallu se comporter, par exemple, face à tel ou tel phénomène,

4 ou tel ou tel méfait, ou à infraction ?

5 R. On ne pouvait pas répondre évidemment autrement que ce que nous avons

6 fait lorsqu'il s'agit de correspondre et de rendre rapport de tout ce qui

7 se passait dans notre territoire.

8 Q. Il y a une erreur qui s'est glissée dans le compte rendu d'audience.

9 Page 37, ligne 9, il y a "moi" au lieu de dire "vous". Excusez-moi de vous

10 interrompre.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

12 Q. Monsieur le Témoin, dites-moi, étant donné cette double chaîne de

13 commandement de direction, peu importe qu'il y a eu un siège ou pas, est-ce

14 que vous avez pu ou osé communiquer avec le commandant du corps d'armée

15 pour lui faire parvenir des informations recueillies par l'organe de

16 Sécurité, chose qui devait être faite par vous à l'intention du bureau de

17 Renseignement du commandant supérieur ?

18 R. Nous n'avons pas communiqué pour faire parvenir, évidemment, toutes nos

19 informations pour ce qui est de la mise en application de nos méthodes et

20 méthodes de travail surtout. Nous ne les avions pas communiquées toujours

21 sous forme de résultats, de synthèses. Evidemment, ceci risquait d'être

22 contre-performant, c'est-à-dire, aurait pu donner lieu à des mesures prises

23 à un moment donné qui ne s'avèreraient pas tout à fait pertinentes.

24 Q. Pour que tout cela puisse être un peu plus claire à moi-même d'abord,

25 est-ce que dans ce cadre-là, dans de tel traitement fait par vous, est-ce

Page 15063

1 qu'on aurait pu voir, par exemple, certains membres de commandement de

2 votre corps d'armée où le commandant du

3 3e Corps aurait pu tous être l'objet d'un traitement ou de démarche fait

4 par vous, le cas échéant ?

5 R. Oui, bien entendu. Qui dit service de contrôle en matière de sécurité

6 militaire parle également du personnel supérieur. Par conséquent, dans

7 l'ABiH, il y avait le commandant de brigade et cetera.

8 Q. Si je vous comprends bien, une telle démarche aurait pu donner lieu à

9 des confusions et des mesures contre-perfomantes si vous deviez communiquer

10 avec le commandant pour lui faire rapport de tout ce que vous faites, ceci

11 ne serait pas pertinent, n'est-ce pas ?

12 R. Certainement pas pertinent.

13 Q. Merci beaucoup. J'ai une autre question pour vous relative à une

14 réponse fournie par vous. Lorsque vous dites que vous avez appréhendé le

15 personnel de dirigeants de cette guérilla turque et que les Bosniens du

16 cru, enfin, étaient plutôt rattachés à d'autres unités, dites-moi, s'il

17 vous plaît, s'il y a eu des suspicions comme quoi ces Bosniens auraient été

18 auteurs de méfaits. Est-ce qu'ils ont fait l'objet de mesures quelconques

19 ou est-ce qu'ils ont été tout simplement amnistiés si jamais il y a une

20 suspicion ou pas ?

21 R. La politique du 3e Corps d'armée, c'est-à-dire, prendre en totalité les

22 ordres du commandant du 3e Corps d'armée nous faisait savoir et croire que

23 la loi était valable pour tous, pour les gens du pays et pour des étrangers

24 qui auraient commis une infraction. Je pourrais vous énumérer des centaines

25 d'exemples où vous pouvez voir que, lorsque Zenica était affamée, vivait

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1 dans la famine, il n'y a pas que Zenica, il y a l'ensemble du territoire où

2 se trouvait l'ABiH, où on devait répondre, par exemple, pour avoir

3 soustrait une dizaine de kilos de farine. Ces gens-là, évidemment, étaient

4 objet de mesures disciplinaires prises à leur encontre.

5 Q. Merci, Monsieur Muratovic.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Dixon.

8 M. DIXON : [interprétation] Merci, pas de questions qui découleraient du

9 contre-interrogatoire de l'Accusation. Merci.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce qui me concerne, j'ai quelques questions

11 à vous poser.

12 Questions de la Cour :

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout d'abord, concernant les deux groupes de

14 guérillas de la 7e Brigade, vous avez, sur une question d'un avocat, dit

15 que ces groupes étaient constitués soit de gens venant de la ville, soit de

16 gens venant de la montagne. Car, apparemment, vous êtes un spécialiste du

17 contre-espionnage, à votre connaissance, ces gens qui opéraient dans ces

18 unités de guérillas, est-ce qu'ils avaient des uniformes ou pas ?

19 R. Bien entendu qu'ils avaient des uniformes dans la mesure où nous avons

20 pu faire nos investigations au début de la guerre 1992, 1993. Je ne sais

21 pas vous concevez l'ABiH en cette période. Pour autant que les possibilités

22 le permettaient, ces gens-là, évidemment, portaient un uniforme, qui leur

23 ont été distribués par des unités prises dans leur ensemble respectivement,

24 ou peut-être des uniformes qui leur ont été donnés d'autres façons.

25 Il ne s'agit pas, ce que j'ai dit tout à l'heure, de dire que ce n'étaient

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1 pas des guérilleros. Ce sont des unités comme tout autre unités qui

2 auraient pu être baptisées, telle ou telle compagnie ou bataillon. Il

3 aurait pu se faire intitulé comme El Moudjahid et cetera. C'étaient des

4 gens du pays, du cru. Il n'y avait pas d'étrangers. Leur commandant était

5 quelqu'un du pays. Pour parler de l'ensemble des effectifs, ces gens-là

6 venaient de Zenica et de localités environnantes.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils avaient des uniformes. Quelle était, par rapport

8 au bataillon ou au peloton, quelle était leur mission spécifique ? Est-ce

9 qu'ils avaient, par rapport aux autres, une mission spécifique qui aurait

10 pu justifier qu'on les appelait "guérilla" ?

11 R. Pour ce qui est de leurs missions, leurs missions étaient toujours les

12 mêmes, étant donné qu'il s'agissait plutôt de gens qui étaient de braves

13 gars, pour ainsi dire, ce sont des gens qui se portaient volontaires, et

14 sur lesquels notre commandant pouvait compter à tout moment lorsqu'il

15 fallait engager telle ou telle action, mission à accomplir ou contrecarrer

16 les missions de la partie adverse. C'étaient des gens fort courageux.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que c'étaient des gens courageux qui

18 devaient des missions --

19 R. Oui.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- est-ce à dire que ces missions, c'étaient des

21 missions à risque et est-ce que c'étaient des missions dans la profondeur

22 de l'ennemi ?

23 R. Toutes leurs missions à cette époque-là étaient des tâches à risque.

24 Pour ce qui est de parler de tâches qui devaient être accomplies en

25 profondeur du territoire ennemi, on ne pourrait pas en parler. D'ailleurs,

Page 15066

1 il ne s'agit pas maintenant de parler de niveau de connaissance qui aurait

2 pu être le mien à cette époque-là, mais il s'agit, certainement, de

3 missions à haut risque. Lorsqu'il s'agit d'une percée à effectuer par

4 l'ennemi, par exemple, suivant et sur la ligne de défense étaient les gens

5 qui, les tous premiers, partaient pour défendre le territoire.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : En suivant ce que vous dites, lorsqu'il y avait une

7 action, disons offensive, ils étaient en première ligne.

8 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête du témoin.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Etes-vous certain de cela ?

10 R. Oui, j'en suis certain.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je passe à un autre sujet.

12 Vous avez parlé des deux groupes, la guérilla turque et le groupe de

13 Moudjahiddines. Tout au début, il y a peut-être des erreurs

14 d'interprétation, mais j'avais noté : "On a infiltré nos gens dans la

15 guérilla turque," et, après, avec les questions de l'Accusation, j'ai cru

16 comprendre, on a tenté d'infiltrer. Pouvez-vous lever cette ambiguïté ?

17 Est-ce que la guérilla turque a été infiltrée par votre service ou vous

18 avez tenté de les infiltrer ? Vous voyez la nuance ?

19 R. Oui, je vois même la différence entre les deux. Il ne s'agit pas

20 seulement de gens de service, mais il s'agit de gens qui ont travaillé pour

21 le compte des services que nous avons essayé d'infiltrer dans la guérilla

22 turque. Lorsque nous avons tenté de les infiltrer dans le second groupe El

23 Moudjahid, nous n'y avons pas réussi. Pour le premier groupe, oui, si, pour

24 parler de la guérilla turque, toute tentative d'infiltration de nos gens

25 dans la guérilla turque a eu pour résultat incarcération de ces gens-là.

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1 Définitivement, elle n'existait plus après.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce à dire que l'infiltration dans la guérilla

3 turque a été couronnée de succès ?

4 R. Oui.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : En vous suivant, à un moment donné, dans la guérilla

6 turque, il y avait, avec eux, des ressortissants bosniens qui étaient en

7 étroite liaison avec vous, et qui pouvaient participer, le cas échéant,

8 avec la guérilla turque, à des actions diverses. Donc, vous saviez, par vos

9 méthodes, ce qui se passait.

10 R. La guérilla turque ne pouvait pas être utilisée à des fins et pour les

11 besoins de l'ABiH étant donné qu'elle ne voulait se faire placée sous le

12 contrôle de l'armée. Mais, grâce à ces gens-là, nous avons pu connaître et

13 savoir leurs intentions. Nous avons recueilli toutes les informations

14 nécessaires pour définitivement régler nos comptes avec ce groupe-là. Nous

15 savions combien ils étaient, où ils étaient stationnés, où se trouvait le

16 commandement, les cadres de commandement, où se trouvaient leurs domiciles,

17 et cetera.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire que, grâce à l'infiltration, vous

19 saviez combien ils étaient, quel était leur armement, quels étaient leurs

20 domiciles, et cetera.

21 Tout à l'heure, en répondant à une question de l'Accusation qui vous

22 demandait, mais ils étaient combien, vous n'avez pas pu nous dire un

23 chiffre. Là, je constate que vous dites, on savait combien ils étaient.

24 Alors, combien étaient-ils ?

25 R. En fait, je ne sais pas combien au nombre ils étaient. Probablement, on

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1 devrait connaître qu'un chiffre approximatif pour parler de la guérilla

2 turque. Mais pour l'El Moudjahid, on ne pouvait pas savoir. J'ai parlé de

3 l'autre groupe, El Moudjahid, pour lequel nous n'avons jamais pu fixer le

4 chiffre, malgré les efforts faits par nous pour en savoir quelque chose de

5 plus, nous n'avons jamais appris --

6 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Moudjahiddines, là je suis sur la guérilla

7 turque. Ils étaient combien ?

8 R. Je ne sais pas.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit, en répondant à une question, fin

10 1993, début 1994, vous avez été placé devant une alternative; soit les

11 mettre sous contrôle, soit les arrêter. C'est à la page 27, ligne 11. Est-

12 ce que vous confirmez, qu'à votre niveau ou au niveau de l'ABiH, 3e Corps,

13 la question de ces membres de la guérilla turque ou des Moudjahiddines a

14 entraîné les problèmes de savoir s'il fallait les mettre sous contrôle ou

15 s'il fallait les arrêter ? Pouvez-vous éclairer les Juges sur ce point.

16 R. Du point de vue du service de Sécurité militaire du

17 3e Corps, il y avait un circulaire qui a été envoyé au bureau de

18 renseignement du commandement suprême à Sarajevo pour savoir ce qu'il nous

19 fallait faire avec ces gens-là qui nous causaient des problèmes en ville,

20 tant à l'intention des civils, et qui ont de honte, la Bosnie-Herzégovine.

21 Même s'ils ne sont pas de Bosnie-Herzégovine, dès qu'on voit quelqu'un en

22 uniforme, on se met à penser qu'il s'agissait de membres de l'ABiH, encore

23 qu'ils ne l'étaient pas. Nous avons reçu une réponse, je ne sais plus après

24 combien de temps, qu'en définitive, ces gens-là devaient se décider : soit

25 de se faire passer sous le contrôle du 3e Corps d'armée, c'est-à-dire, de

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1 l'ABiH, soit de se faire arrêtés, c'est-à-dire, en finir avec.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : J'en arrive à la fin de mes questions. Vous venez de

3 dire, ils faisaient honte à l'armée par leur comportement, ils posaient un

4 véritable problème. Vous aviez dit, avant, que ces gens de la guérilla

5 turque commettaient des délits. Alors, je cite ce que vous avez dit : la

6 contrebande, le trafic, le trafic d'armes certainement, intimidation de la

7 population, et cetera. Vous avez décrit tout ce que ces gens-là faisaient.

8 Comment, dans votre esprit, pouvez-vous concilier le fait qu'il y avait des

9 gens qui se livraient à la commission de délits, et qu'on voulait après

10 enrôler dans l'armée, ou les mettre sous le contrôle de l'armée ? Pouvez-

11 vous clarifier cette question, enfin, si vous pouvez; sinon, vous dites, la

12 question est trop complexe et je ne peux pas y répondre.

13 Est-ce que vous avez compris le sens de ma question. Je la répète : vous

14 avez dit que ces gens-là commettaient des délits. Il fallait résoudre le

15 problème en les enrôlant dans l'armée. Alors, on peut en déduire que

16 l'armée allait avoir en son sein des délinquants. Pouvez-vous nous

17 expliciter tout cela ?

18 R. Oui, j'ai compris votre question. Je vois très bien ce que vous voulez

19 dire par cela. Mettre sous contrôle ce groupe-là, la guérilla turque -

20 combien d'entre eux il y avait, de 50 à 100 personnes, je vous ai dit que

21 la majeure partie de ces gens-là était composée de Bosniens qui ont rejoint

22 ce groupe pour des raisons économiques, pour des raisons sociales, pour se

23 faire distribuer des vivres. Ces gens-là ont été tous des innocents. Tous

24 ces Bosniens n'ont jamais fait une entorse à la loi, mais le commandement,

25 concrètement parlant, de cette unité. Il y en avait une dizaine parmi eux,

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1 je ne sais pas, je ne peux pas fixer le chiffre exact, probablement, eux,

2 ils se retrouvaient sous le coup de la loi et auraient été objets d'une

3 procédure légale, c'est sûr et certain, si l'unité devait être placée sous

4 le contrôle de l'armée.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste une dernière question. Vous voulez dire

6 que, parmi ce groupe, il y avait des Bosniens innocents qu'il fallait, en

7 quelque sorte, remettre dans le droit chemin. D'autant plus, vous l'avez

8 dit, ils n'avaient rien fait. C'était le commandement. Ils étaient une

9 dizaine. Ces Bosniens, ne devaient-ils pas, à votre connaissance, en raison

10 de la proclamation de l'état de guerre, être dans les effectifs de

11 l'armée ? Comment pouvaient-ils ne pas avoir été enrôlés, alors même qu'il

12 y avait un décret de loi qui faisait que toute personne en âge de combattre

13 était automatiquement enrôlée dans l'armée ? Pouvez-vous nous éclairer sur

14 cette question ?

15 R. Le 3e Corps d'armée comptait plus de 300 000 membres -- soldats, de

16 troupes mobilisés. Il est clair que, dans un territoire de 200 à 300 000

17 hommes, il y avait de 50 à 100 hommes qui auraient pu éviter, évidemment,

18 de vaquer à leurs occupations, disciplinairement parlant. Au début,

19 évidemment, tout cela passait impuni. Par conséquent, ces gens-là semblent

20 trouver un refuge parmi -- au sein de ces groupes-là.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance - c'est ma dernière question -

22 lorsque les dirigeants du groupe turc ont été arrêtés, les Bosniens qui

23 étaient avec eux, ils ont été affectés dans des unités ?

24 R. Oui, oui, la majeure partie d'entre eux ont rejoint les effectifs de la

25 314e, la 303e et de la 7e Brigades musulmanes de Montagne.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, suite aux questions, l'Accusation, veut-elle

2 refaire préciser ?

3 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Neuner :

4 Q. [interprétation] Vous avez répété que vous ne connaissiez pas le nombre

5 d'étrangers qu'il y avait dans l'unité des Moudjahiddines, vous n'aviez pas

6 de chiffre exact. Savez-vous que, dès 1993, il y avait des listes reprenant

7 les membres de ce qu'on appelait le Détachement El Moudjahid, et saviez-

8 vous qu'il y avait jusqu'à 190 noms sur ces listes ? Je parle d'étrangers,

9 mais aussi de noms de personnalités du coin -- des personnes du coin. Est-

10 ce que vous connaissiez l'existence de ces listes en 1993 ?

11 R. Cela n'a pas été connu de moi. Vous ne saurez sans doute de leur part

12 qu'il y avait une espèce d'en-tête à cette liste, 3e Corps, et comme

13 mentionné, au fond, en en-tête, le 3e Corps. Vous n'avez pas ce genre de

14 renseignement ?

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette liste, elle est dans la procédure. Je n'ai pas

17 interrogé particulièrement sur les Moudjahiddines. Je lui ai posé une

18 question sur le nombre. Il a dit qu'il ne savait pas.

19 L'Accusation veut aller plus loin en demandant, est-ce qu'il connaissait la

20 liste ? C'était cela votre objection, une tactique que je voudrais savoir.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas que je

22 veux me service d'objections tactiques, je voulais tout simplement dire que

23 la réponse du témoin était négative. Lui, il ignorait l'existence d'une

24 liste quelconque. Sur la base d'une telle réponse du témoin, on ne peut pas

25 poser une question supplémentaire relative à ladite liste.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a dit qu'il ne connaît ni la liste ni le nombre.

2 M. NEUNER : [interprétation] Passons à la guérilla. Vous avez dit ignorer

3 le nombre de groupes de guérillas turques. Par ailleurs, vous avez dit

4 avoir infiltré ce groupe. Vous dites que l'antenne de sécurité du 3e Corps

5 avait infiltré ce groupe et avait appris où se trouvait le commandant, où

6 il était logé, avait appris combien il y avait d'armes, avait appris que la

7 plupart des membres étaient des Bosniens locaux. Si vous aviez tous ces

8 détails qui étaient à la disposition de la sécurité militaire, est-ce que

9 cela n'impliquerait pas que ces services de Sécurité militaire

10 connaissaient le nombre global de personnes ? Si vous aviez des détails

11 concernant les appartements, l'endroit où les dirigeants étaient logés,

12 pour avoir ces détails et si vous avez déjà infiltré dans cette unité, vous

13 devez savoir combien de membres cette unité compte, n'est-ce pas ?

14 R. Je n'exclus pas la possibilité de voir quelqu'un savoir combien ils

15 étaient. Quant à moi-même, je ne pouvais pas savoir quel était le nombre de

16 la guérilla turque pour parler de leurs effectifs.

17 Q. Je comprends. Vous avez parlé de supermarché, d'un jardin d'enfants,

18 qui auraient été les lieux où était logé le commandement. Est-ce que c'est

19 le commandement qui était là installé ou est-ce que c'était toute l'unité

20 qui y était ? Est-ce que c'était une espèce de caserne ? Pourriez-vous nous

21 donner une explication ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas posé des questions sur le supermarché ou

23 la crèche. Enfin, je l'ai fait préciser avant, mais dans les questions

24 directes tout à l'heure, je n'ai pas abordé ce problème.

25 M. NEUNER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

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1 Q. Le président de la Chambre vous a posé des questions ayant trait à des

2 opérations de combat menées par ce groupe de guérilla turque.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas posé de questions sur des opérations de

4 combat menées par des groupes turcs. J'ai posé une question sur la guérilla

5 qui faisait partie de la 7e Brigade. Je ne voudrais pas qu'il y ait de la

6 confusion, parce que, sinon, la Défense va se lever pour faire une

7 objection.

8 Ma question c'était sur la guérilla de la 7e Brigade, pas sur les Turcs.

9 Voilà, je voulais faire cette précision pour éviter l'objection qui vous

10 ferait perdre du temps. Allez-y.

11 M. NEUNER : [interprétation] Merci de ces précisions. Je retire donc la

12 question.

13 Q. Vous avez déclaré, en tout cas, vous avez parlé des membres locaux de

14 la guérilla turque. A ce propos, vous avez dit que c'était, pour ainsi

15 dire, des personnes innocentes. Vous, personnellement, comment saviez-vous

16 que ces gens du cru qui se trouvaient dans la guérilla turque n'avaient pas

17 contrevenu à la loi. Sur quoi vous appuyez-vous pour dire que c'était des

18 innocents ?

19 R. Les membres de la guérilla turque pouvaient être rencontrés. On les

20 voyait en ville. On savait à peu près par qui ces actions illégales, ou

21 contrebandes, ou fraudes, trafic, ont été effectuées, qui c'est qui s'est

22 occupé de contrebande de carburant, qui c'est qui avait intimidé la

23 population locale ? Les gens du cru n'avaient rien à faire là-dedans.

24 Q. Vous avez dit que la loi était la même pour tous. Elle s'appliquait aux

25 habitants de l'endroit mais aussi aux étrangers ? Vous et le travail

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1 effectué par le service de Sécurité militaire du 3e Corps, est-ce que vous

2 en êtes arrivé à un stade où la loi s'est appliquée aussi aux chefs de la

3 guérilla turque ? Est-ce que des actions en justice ont été engagés, des

4 poursuites ont été menées ?

5 R. Oui, ces gens-là ont été transférés à des instances judiciaires

6 civiles, et je ne sais ce qu'il est advenu d'eux ensuite.

7 Q. Savez-vous quelles furent les plaintes déposées, quelles accusations

8 ont été portées par le service de Sécurité militaire du

9 3 Corps par rapport à guérilla turque ?

10 R. Ces gens-là n'étaient pas membres de l'armée, par conséquent, les

11 services de Sécurité militaire ne devaient pas déposer plainte au pénal.

12 Ils ont été tout simplement transférés à la partie civile. C'est donc le

13 parquet civil qui a entrepris les mesures nécessaires.

14 Q. Je ne parlais pas de chefs d'accusation. Je parlais de plaintes au

15 pénal déposées pas le service de Sécurité militaire du

16 3e Corps. Etant donné que vous aviez infiltré ce groupe, je suppose que

17 vous aviez obtenu des observations à propos de ce groupe. Est-ce que des

18 plaintes au pénal ont été déposées à votre connaissance ? Il se peut

19 qu'aucune plainte n'ait été déposée.

20 R. Comme je viens de la dire, elles ont été transférées aux instances

21 civiles de poursuites légales et ce sont ces dernières de ces instances

22 légales, civiles qui ont pris les mesures nécessaires à leur encontre.

23 Q. Dans la même veine, je voulais simplement vous demander ceci : si des

24 étrangers sont stationnés dans la zone de responsabilité du 3e Corps, et

25 vous, au service de Sécurité militaire, vous recevez des rapports

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1 concernant des crimes qui auraient peut-être été commis par des étrangers.

2 Donc, vous avez des rapports qui sont envoyés par le service de Sécurité

3 militaire de la brigade vers les échelons supérieurs, je suppose.

4 M. NEUNER : [interprétation] Oui --

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, voilà que j'écoute

6 depuis quelque temps pas mal de questions. Je suis fort sensible à vos

7 questions, Monsieur le Président, mais ce que vient de poser comme question

8 M. de l'Accusation n'a rien à voir ni avec les poursuites au pénal ni avec

9 les méfaits liés au sein de brigade.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Neuner, je n'ai pas posé de questions

11 sur cet aspect. Il a répondu à une question antérieure en disant que quand

12 ces gens ont été arrêtés, ils ont été transférés à la police civile qui

13 s'en ait occupée. Je crois qu'il a répondu --

14 M. NEUNER : [interprétation] Je vous remercie. Nous n'avons plus de

15 questions.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

19 Q. [interprétation] Monsieur Muratovic, vous avez dit que pendant

20 plusieurs moi vous avez dû suivre la guérilla turque en la surveillant

21 avant d'envoyer une lettre pour demander des instructions sur ce qu'il vous

22 fallait faire pour prendre des mesures à leur encontre, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, nous nous sommes tournés vers le bureau de sécurité du QG de

24 commandement Suprême, une lettre pour savoir ce qu'il nous fallait faire.

25 Après quoi, des mesures ont été prises à leur encontre -- à l'encontre de

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1 ces personnes-là.

2 Q. Lorsque vous avez recueilli ces informations, une fois que vous avez

3 surveillé ces gens-là en invitant vos hommes à leur sein, est-ce que par la

4 suite aussi vous avez demandé l'aval du bureau du Renseignement du

5 commandement supérieur, ce qu'il fallait faire pour recueillir des

6 informations sur leur nombre, sur le personnel, commandant, sur leurs

7 méfaits, et cetera ?

8 R. Du point de vue technique et méthode de travail le bureau du

9 renseignement et de sécurité du commandement supérieur au sujet de toutes

10 nos mesures et démarches dans n'importe quelle zone de responsabilité

11 devait nous donner son aval et c'est ainsi que nous l'avons demandé cet

12 aval au bureau du renseignement et de sécurité du commandement supérieur.

13 Q. Etant donné que vous avez déjà dit de quelles informations il s'est agi

14 et que vous avez pu recueillir pour apprendre ce que vous avez appris et ce

15 qui était nécessaire à vos yeux, est-ce que vous avez été obligé de

16 demander également l'aval pour toutes opérations à entreprendre avant de

17 savoir ce que vous avez reçu sous forme d'informations de la part de vos

18 joints infiltrés sur toutes les méthodes à entreprendre ? Est-ce qu'avant

19 de recueillir toutes les informations qui vous ont été nécessaires vous

20 avez pu engager une opération quelconque ?

21 R. En théorie, nous avons pu demander l'aval au bureau du commandement

22 supérieur, mais une fois que nous avons procédé ainsi, c'est-à-dire lorsque

23 nous avons recueilli toutes les informations nécessaires par nos gens,

24 alors là, nous avons pu procéder ainsi.

25 Q. Je crois que vous avez dû mettre sur pied un plan. Qui c'est qui devait

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1 avaliser votre plan d'activité face à la guérilla ou face à qui que ce soit

2 lorsqu'il s'agit de mesures à prendre ?

3 R. C'est le chef du bureau du Renseignement du commandement supérieur qui

4 en était compétent.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Dixon.

7 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, une seule petite

8 question de suivi pour avoir une précision.

9 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Dixon :

10 Q. [interprétation] Je crois que vous l'avez déjà dit clairement, Monsieur

11 le Témoin, mais je veux une confirmation. Êtes-vous en mesure de confirmer

12 qu'il était commun dans toute l'ABiH que diverses brigades et des unités

13 spécialisées en leur sein -- unités spécialisées charger de mission

14 spécialisées sur les lignes de front, mission de reconnaissance ou anti-

15 sabotage, et ces unités portaient diverses appellations en fonction de la

16 brigade à laquelle ils appartenaient; est-ce exact ?

17 R. Oui. C'était une pratique courante. Ces unités ont été baptisées comme

18 étant des unités de manœuvre, c'était leur caractère d'ailleurs. A tout

19 instant, ces unités étaient prêtes à s'opposer à des activités de combat

20 ennemi. Etant donné à un concours de circonstances, il y avait une unité de

21 la 7e Brigade musulmane de montagne qui s'appelait la guérilla. On pouvait

22 les baptiser autrement. En tout cas, ils ont trouvé tout simplement comme

23 sympathique et intéressant de se faire baptiser comme étant la guérilla, et

24 tel fût le cas.

25 Q. Il serait dès lors correct de dire qu'il y avait d'autres unités

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1 similaires dans d'autres brigades avec un autre nom qui faisait le même

2 genre de travail.

3 R. Oui, oui, cela se pouvait.

4 Q. République de Serbie

5 M. DIXON : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, votre audition vient de se terminer. Je

7 vous remercie d'être venu à La Haye pour répondre aux questions posées

8 d'abord par la Défense qui vous a assisté puis vous avez répondu tant aux

9 questions de l'Accusation que ceux des avocats et à mes propres questions.

10 Je vous fournis au nom de la Chambre les meilleurs vœux pour votre retour

11 dans votre pays et la poursuite de vos activités au sein du département

12 ministériel auquel vous appartenez.

13 Je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

15 [Le témoin se retire]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons, après, introduire le deuxième témoin.

17 Hier, la Défense nous a dit qu'elle comptait utiliser 30 minutes. On va

18 faire en sorte d'éviter à ce témoin de rester tout ce weekend. Peut-être

19 nous arriverons à terminer son audition à 13 heures 45.

20 J'en profite, Monsieur le Greffier, nous sommes dans la salle II, j'ai vu

21 dans le planning que la salle III était vide. Pourquoi nous met-on en salle

22 II alors que la salle III était vide ?

23 Bien. On n'a pas pu avoir la salle III parce qu'il y a des préparations

24 techniques. Mais la semaine prochaine, nous serons en salle III.

25 Monsieur le Greffier, j'espère que l'huissier sait qu'il faut qu'il

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1 introduise le deuxième témoin. Pouvez-vous aller aux nouvelles ?

2 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais vérifier que vous

5 entendez bien dans votre langue la traduction de mes propos. Si c'est le

6 cas, dites : Je vous entends et je vous comprends.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends et je vous comprends.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez cité comme un témoin par la Défense afin

9 de témoigner sur certains faits qui se sont déroulés et vous avez peut-être

10 eu à connaître en 1992 et 1993.

11 Avant de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier.

12 Pourriez-vous me donner votre nom, prénom, date de naissance, et lieu de

13 naissance.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Hadzic Ragib, né le 6 juillet 1950 à Vlasenica

15 en Bosnie-Herzégovine.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous une profession ou une fonction ? Si oui,

17 laquelle ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis avocat. J'ai ma cabine d'avocats

19 privés.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992 et 1993, à l'époque, aviez une occupation ?

21 Si oui, laquelle, et auprès de quelle entité juridique ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai travaillé au parquet municipal de Zenica,

23 c'est-à-dire, au bureau du procureur de grandes instances de Zenica.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avez-vous déjà témoigné devant une

25 juridiction internationale ou juridiction nationale sur les faits qui se

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1 sont déroulés dans votre pays en 1992, 1993, ou c'est la première fois que

2 vous témoignez ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est pour moi, aujourd'hui, la première fois

4 de témoigner.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir lire le serment que

6 M. l'Huissier va vous présenter.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 LE TÉMOIN: RAGIB HADZIC [Assermenté]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

14 M. WAESPI : [interprétation] Je suis désolé d'interrompre à ce stade;

15 cependant, le témoin a dit, ceci a été répercuté dans le compte rendu, il a

16 dit qu'il s'appelait Ragib Hadzic, et pas Hodzic. Je me suis peut-être

17 trompé. En effet, dans le résumé 65 ter, on parle d'un Hodzic, et c'est

18 important pour nous au niveau de la recherche qu'on doit effectuer. Est-ce

19 que la Défense pourrait nous préciser ?

20 M. LE JUGE ANTONETTI : On va demander au témoin de nous épeler son nom.

21 Pouvez-vous nous épeler votre nom ? Comme cela, nous aurons tout de suite

22 la réponse.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela arrive souvent. Je m'appelle Hadzic. Pour

24 ce qui est de la seconde lettre de mon nom de famille, c'est bien "a",

25 "Ha."

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : -- l'identité ou votre passeport, c'est "Ha," et pas

2 "o" ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Défense avait mis un "o".

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] C'est peut-être une erreur qui s'était

6 glissée dans nos papiers. Evidemment, ce monsieur s'appelle Ragib Hadzic,

7 et ce qui a été fait, évidemment, ne devrait être fait autrement que

8 rectifier tout simplement.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Evidemment, cela pouvait poser un problème pour

10 l'Accusation qui, par ses recherches électroniques, en faisant "Ho", n'a

11 pas les mêmes résultats que "Ha".

12 Ceci étant dit, Monsieur, je vais vous appeler Maître puisque vous êtes

13 avocat. Donc, Maître, vous avez été cité comme témoin par la Défense. Je

14 vais vous donner quelques brèves explications sur la façon dont va se

15 dérouler cette audience. Vous allez, dans un premier temps, avoir à

16 répondre à des questions qui vont vous être posées par l'avocat des accusés

17 dans ce qu'on appelle dans notre langage juridique, l'interrogatoire

18 direct. A l'issue de cette phase, dont on nous a dit qu'elle serait

19 extrêmement courte, et n'irait pas au-delà de 30 minutes, le bureau du

20 Procureur, qui se trouve à votre droite, vous posera des questions dans ce

21 qu'on appelle le contre-interrogatoire. Les questions du contre-

22 interrogatoire doivent être liées aux questions posées lors d'un

23 interrogatoire principal. La différence entre les deux systèmes, c'est que,

24 lorsque vous répondez à des questions sur un interrogatoire principal, la

25 question doit être posée de façon ni directrice. En revanche, l'Accusation

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1 peut vous poser une question suggestive.

2 Vous voyez, cela commence à venir compliqué.

3 Après quoi, la Défense pourra vous poser des questions supplémentaires en

4 liaison avec les questions posées par l'Accusation. Les trois Juges qui

5 sont devant vous pourront vous poser, s'ils le veulent, à tout moment, des

6 questions. Mais les Juges préfèrent attendrent que les parties aient posé

7 les questions et contre-interroger avant d'intervenir. En règle générale,

8 lorsque nous posons des questions, nous, les Juges, c'est soit pour

9 éclaircir des réponses que le témoin a fait ou parce qu'on estime que dans

10 l'intérêt de la justice, il convient de palier certaines lacunes qu'on peut

11 déceler par les questions ou les réponses. C'est à ce moment-là qu'on vous

12 interroge. Lorsque les Juges posent des questions dans le cas du débat

13 contradictoire, nous redonnons la parole aux uns et aux autres, et

14 notamment, comme vous êtes un témoin de la Défense, c'est eux qui auront,

15 en définitive, la parole en dernier. Ils pourront, après nos questions,

16 vous reposer toutes questions qu'ils estiment nécessaires.

17 Je dois également rappeler deux autres éléments. Vous venez de prêter

18 serment de dire toute la vérité, donc, ce n'est pas la peine d'insister sur

19 la question du faut témoignage. Le deuxième élément qui est dans notre

20 procédure, mais qui peut exister dans quelques procédures de certains pays,

21 c'est lorsqu'un témoin, on l'invite à répondre à une question. Si le témoin

22 estime que la réponse pourrait constituer un jour des éléments à charge

23 contre lui, à ce moment-là, le témoin peut refuser de répondre en disant :

24 Je ne réponds à cette question. Mais dans cette hypothèse qui est très

25 exceptionnelle, que nous n'avons jusqu'à présent jamais rencontrée, la

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1 Chambre peut inviter le témoin à répondre néanmoins en lui garantissant une

2 forme d'immunité. Voilà, c'est un aspect très particulier.

3 J'ai quasiment tout dit, je n'insiste pas. Sans perde de temps, je vais

4 donner la parole à la Défense.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

7 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hadzic.

8 R. Mes respects.

9 Q. Je vais vous demander, à présent, une fois que vous entendrez ma

10 question de patienter quelque peu afin que la question soit traduite. Je

11 vais en faire de même une fois que j'aurai entendu votre réponse. Ainsi,

12 les Juges de la Chambre, nos confrères dans ce prétoire pourront suivre

13 votre témoignage. M'avez-vous bien compris ?

14 R. Oui, tout à fait.

15 Q. Veuillez m'indiquer, je vous prie, quelle est l'éducation dont vous

16 avez bénéficié et où est-ce que vous l'avez obtenue ?

17 R. J'ai terminé mes études de droit à la faculté de droit de Sarajevo en

18 1985.

19 Q. Veuillez m'indiquer, je vous prie, et je crois que vous l'avez dit au

20 président de la Chambre, vous avez dit --

21 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est 1975 or 1985 ? Parce que le transcript, c'est

22 1975. Nous, nous avons entendu 1985.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Le compte rendu d'audience est correct. J'ai

24 diplômé le 26 novembre 1975.

25 L'INTERPRÈTE : L'interprète s'excuse.

Page 15084

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

2 Q. En répondant à une question du président de la Chambre, vous avez

3 indiqué que vous avez travaillé au bureau du procureur cantonal et au

4 bureau du procureur de Zenica. Vous avez dit que pendant la guerre, vous

5 avez cessé de travailler au bureau du procureur. Je voudrais savoir quelle

6 est la longueur de l'interruption de l'exercice de vos fonctions au bureau

7 du procureur pendant la guerre ?

8 R. Oui, il y a eu une interruption lorsque j'ai été mobilisé, partant de

9 cette obligation de travail qui a été la mienne, j'ai accompli les

10 fonctions de directeur du centre de l'institut vaquant aux enquêtes de

11 crimes commis contre l'humanité. Cela a duré de l'été 1993 jusqu'à avril

12 1995.

13 Q. Etant donné que pendant longtemps vous avez travaillé au bureau du

14 procureur, dites-moi, quel est le secteur ou le territoire couvert par ce

15 bureau du procureur public à Zenica ?

16 R. En vertu de l'organisation du fonctionnement des tribunaux, le

17 ministère public de Zenica était chargé des municipalités de Zenica, de

18 Kakanj, de Zavidovici, de Zepca, Travnik, Vitez, Busovaca, Gornji Vakuf,

19 Donji Vakuf et Kupres.

20 Q. Veuillez m'indiquer si ce ministère public avait pour compétence la

21 poursuite de délits -- de toutes sortes de délits au pénal, ou alors, ses

22 compétences étaient-elles liées à la gravité desdits délits ?

23 R. En vertu des dispositions en vigueur, la compétence de ce ministère

24 public couvrait toutes les poursuites en justice de personnes ayant commis

25 des délits au pénal susceptibles d'être passibles de sanction allant

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1 jusqu'à dix ans d'emprisonnement. Les autres instances supérieures avaient

2 pour mission de poursuivre les personnes ayant commis des délits

3 sanctionnés -- passibles de sanction de plus de dix ans.

4 Q. Qui était le procureur public au sein de cette instance supérieure ?

5 R. Au sein de cette instance supérieure, à partir du moment où j'ai accédé

6 à ces fonctions, jusqu'à juin 1997, le procureur public à l'instance

7 supérieure était M. Sulejman Kapetanovic.

8 Q. Lorsque vous avez travaillé au ministère public, quelles sont les

9 réglementations de la procédure au pénal que vous avez appliquées ?

10 R. En 1987, ce qu'on avait appliqué, c'était la loi portant aux procédures

11 pénales de l'ex-RFSY, qui a été reprise au niveau de la législation de la

12 République de Bosnie-Herzégovine en 1992 par un décret de la présidence. Le

13 code pénal de la Bosnie-Herzégovine et le partie générale de ce code pénal

14 de la RFSY, qui également était reprise en tant que code pénal de la

15 République de Bosnie-Herzégovine, et on en fait de même pour ce qui est des

16 autres lois.

17 Q. Apportons quelques éclaircissements au compte rendu d'audience. Il se

18 peut qu'il y ait un lapsus. Pouvez-vous nous répéter jusqu'à quelle date la

19 loi reprise, portant aux procédures pénales, a été en vigueur.

20 R. Jusqu'à l'adoption de la loi portant aux procédures pénales de la

21 Fédération de Bosnie-Herzégovine.

22 Q. Oui, mais quelle année ?

23 R. 1998. Je m'en excuse, c'est moi qui me suis trompé.

24 Q. Mes collègues attirent mon attention sur un fait, et je vais reprendre

25 une question. Il est resté des points obscurs au niveau des compétences du

Page 15086

1 ministère de base et du ministère public général. Alors, dites-nous à

2 présent quels sont les délits qui étaient poursuivis par le procureur

3 public municipal, et pour quels délits l'instance supérieure avait des

4 compétences.

5 R. Le critère, c'était la peine encourue, donc, les instances de base

6 étaient chargées des poursuites pour ce qui est des délits au pénal où l'on

7 risquait une peine jusqu'à dix ans. Les instances supérieures étaient

8 chargées des Délits au pénal pour lesquels la peine encourue allait au-delà

9 de dix ans.

10 Q. Pendant la guerre, je voudrais que vous nous disiez, Monsieur Hadzic,

11 s'agissant de ces ministères publics de base et l'instance supérieure,

12 quelles étaient leurs compétences ? A l'égard de qui avaient-ils

13 compétence ?

14 R. Ils avaient compétence à l'égard des civils, pour ce qui est des

15 militaires, ils avaient des compétences seulement où il y avait une sorte

16 de coordination ou de co-perpétration commise par les militaires avec des

17 civils.

18 Q. Monsieur Hadzic, pourriez-vous nous dire si, en sus de ces ministères

19 publics, donc du ministère de base et du ministère supérieur, dans le

20 secteur de Zenica et au-delà, il y avait-il un autre ministère public ? Si

21 c'est bien le cas, à l'égard de quelles personnes avait-elle compétence,

22 cette instance-là ?

23 R. Pendant la guerre, il a été créé un ministère public départemental

24 militaire, qui se trouvait au niveau départemental de Zenica. Mais il avait

25 compétence rien que pour poursuivre en justice les militaires, et pour ce

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1 qui est des civils, ne pouvait répondre au pénal des civils qui avaient

2 commis des délits au pénal très précis. Si je me souviens bien de la chose,

3 il s'agissait de délits au pénal commis à l'encontre de militaires.

4 Q. Pour tirer profit de ce fait, étant donné que vous avez travaillé dans

5 un ministère public, partant de là, nous voudrions en connaître plus long

6 au sujet du rôle du procureur public. J'aimerais que vous nous indiquer

7 donc, partant de quoi le procureur lançait une procédure, quelles étaient

8 les informations dont il avait connaissance pour commencer à agir en

9 application de la loi ?

10 R. Pour ce qui est de la procédure au pénal, le procureur intervenait

11 partant d'une plainte au pénal, un délit au pénal donc commis par

12 quelqu'un. Le plus souvent, la police, le ministère de l'Intérieur,

13 informait celui-ci de la perpétration d'un acte qui pourrait être considéré

14 comme délit au pénal. Il pouvait y avoir procédure partant du fait qu'une

15 information serait recueillie à partir d'une source autre. La loi prévoyait

16 la possibilité d'une rumeur portant sur la perpétration d'un éventuel délit

17 au pénal. Cela signifiait qu'il y avait deux possibilités partant

18 desquelles le procureur était à même de décider de la justification ou non

19 d'une procédure au pénal.

20 Q. Commençons avec le deuxième élément. Quel est le rôle ou la

21 responsabilité assumée par le procureur au moment où il avait obtenu des

22 informations ou il a entendu une rumeur aux termes de laquelle il y aurait

23 des indices sur la perpétration d'un délit au pénal ? Qu'était censé, à ce

24 moment-là, faire ce procureur public ?

25 R. Il était d'abord tenu de vérifier le bien-fondé de l'information qui

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1 lui était parvenue. Donc, cela signifie que, suivant une procédure

2 déterminée par la loi, il s'agissait de déterminer la fiabilité et la

3 véracité des faits qui lui étaient parvenus, ou les informations qui lui

4 étaient parvenues. Donc, par le biais du ministère de l'Intérieur, il

5 pouvait demander une vérification des informations recueillies. Il donnait

6 des ordonnances -- il délivrait des ordonnances à l'égard de ce ministère

7 de l'Intérieur. Donc, il indiquait quelles étaient les actions à

8 entreprendre, quelles étaient les personnes à interroger, et

9 éventuellement, quels étaient les documents à se procurer, et ainsi de

10 suite. C'est par la suite que l'on complétait le dossier.

11 Q. Au cas où le procureur public recevait une plainte au pénal --

12 qualifiée comme plainte au pénal, quelle était l'obligation, quelle était

13 la procédure que ce procureur était censé entreprendre ?

14 R. Au cas où la documentation accompagnant cette plainte au pénal

15 fournissait suffisamment de fondement pour que le ministère public ou le

16 procureur juge qu'il y a eu perpétration effective d'un délit au pénal, il

17 présentait une requête en vue de faire diligenter une enquête. Il

18 s'agissait d'un document appelé requête aux fins de diligenter une enquête.

19 Cela était communiqué à un Juge d'instruction, et cela désignait quelles

20 étaient les caractéristiques de l'acte constituant un délit au pénal. Il

21 fournissait son opinion concernant la qualification juridique. Il proposait

22 au Juge d'instruction les opérations à entreprendre. A la fin de cette

23 enquête diligentée, il y avait une prise de décision en sa qualité de

24 procureur. Mais si la documentation n'était pas suffisamment ou ne

25 fournissait pas suffisamment de fondement pour ce qui est de soupçons

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1 justifiés, il était tenu de collecter la partie manquante de la

2 documentation des faits qui suffirait à juger de la justification de

3 l'entrée en procédure ou de l'injustifier [phon] de cette entrée en

4 procédure.

5 Q. Mais que faisait ce public lorsqu'il recevait une plainte au pénal, qui

6 ne montrerait pas qu'il y ait des soupçons justifiés, ou si la

7 documentation au total ne fournirait d'élément suffisant pour affirmer

8 qu'il y a des soupçons en quantité suffisante pour justifier la procédure ?

9 R. Après avoir procédé à ces vérifications, si la documentation n'indique

10 pas la présence d'un délit au pénal, s'il y a eu plainte au pénal, il

11 produit un document rejetant la plainte au pénal. L'on prévoyait exactement

12 les raisons pour lesquelles on pouvait rejeter telle ou telle plainte au

13 pénal, mais, si nous avions l'autre situation, dont nous avons parlé, à

14 savoir où il n'y a eu que des rumeurs, à savoir, des informations

15 informelles de parvenues au procureur, la question était mise ad acta,

16 automatiquement elle avait été considérée comme étant nulle et non avenue.

17 Q. Mais au cas ou le procureur aurait jugé que la documentation fournie

18 par la police, par le tribunal, ou par la personne qui a subi un préjudice,

19 et au cas où cela indiquerait qu'il n'y a pas délit au pénal, et que le

20 procureur public l'ait constaté, et placé tout ad acta, ou ait rejeté cette

21 plainte, est-ce que cette décision entre automatiquement en vigueur, ou

22 est-ce que le procureur a la possibilité une fois des éléments de preuve

23 complémentaires étant fournis ? A-t-il la possibilité de réexaminer la

24 décision initiale qui a été la sienne ?

25 R. Certainement. Cette décision initiale de rejeter une plainte au pénal,

Page 15090

1 est un acte initial, il n'a pas la force, ce n'est pas une chose jugée et

2 décidée. Tout élément nouveau de survenu, ou tout élément de preuve nouveau

3 survenu, disant le contraire de ce que la conviction du procureur avait dit

4 au niveau de la décision, l'incite à continuer suivant la procédure prévue

5 par la loi. Une fois mise ad acta, les documents qui portent l'intitulé

6 KTA, était de nature à pouvoir être ré ouverts, une fois que des éléments

7 nouveaux, des éléments de preuve nouveau étaient apportés.

8 Q. Monsieur Hadzic, veuillez m'indiquer en vertu de notre législation, qui

9 est-ce qui avait dirigé cette procédure préalable au pénal ?

10 R. Cette procédure était diligentée par le procureur public et il en avait

11 responsabilité, il était le seul à en avoir la responsabilité.

12 Q. Mais lorsque le procureur public demande qu'une enquête soit diligentée

13 et que le Juge d'instruction s'en charge, qui est-ce qui dirige la

14 procédure, qui est-ce qui s'occupe de la procédure sur un plan formel par

15 la suite ?

16 R. La loi portant procédure pénale était en Bosnie-Herzégovine basée sur

17 l'instruction judiciaire. Donc toutes les opérations après cette décision

18 portant sur la nécessité de diligenter une enquête, faisait en sorte que le

19 Juge d'instruction, à savoir le tribunal avait par la suite toutes les

20 responsabilités requises.

21 Q. Mais vous nous avez dit que vous avez travaillé au ministère public

22 supérieur, ensuite au ministère cantonal. Quelle est la question des

23 compétences de ce ministère public cantonal de Zenica, et quand est-ce que

24 ce ministère public a été mis sur pied ?

25 R. Ce ministère public a été mis sur pied en 1997. Date à laquelle il a

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1 été créé des cantons, en leur qualité d'unité d'administrative à part, au

2 sein de cette Fédération de Bosnie-Herzégovine. Donc cela s'est fondé sur

3 la constitution de la fédération de Bosnie-Herzégovine. Ce ministère public

4 là est l'héritier juridique de ce qui était le ministère public général et

5 il avait pour compétence, les municipalités Doboj, Jug, Tesanj, Maglaj,

6 Zavidovici, Zepca, Zenica, Kakanj, Breza, Visoko, Olovo, et il me semble

7 que j'ai tout dit.

8 Q. Mais indiquez-nous s'il vous plaît, lorsque ce ministère public

9 cantonal a été mis sur pied, y a-t-il eu encore des ministères publics

10 militaires, si c'est bien le cas, où est-ce que les dossiers ont été

11 transmis ?

12 R. S'agissant maintenant des pouvoirs judiciaires militaires, le ministère

13 public militaire, a été supprimé une fois la guerre terminée, une fois

14 danger de guerre éminent supprimé. Donc tous les dossiers de ce ministère

15 public ou du tribunal militaire ont été transmis au ministère public

16 cantonal de Zenica, vers le tribunal d'instance supérieure à Zenica.

17 Q. Mais vous nous avez dit tout à l'heure, au cas où le procureur serait

18 saisi de nouveaux éléments, d'éléments nouveaux sur un dossier, il peut

19 revenir sur sa décision ou sur la décision qu'a prise auparavant un autre

20 procureur public qui avait été saisi du dossier. Dites-moi, je vous prie :

21 si vous-même avez été en situation de juger d'une décision prise par un

22 prédécesseur quelconque dans une affaire, un dossier où il y a eu des

23 doutes de formulés concernant la commission d'un délit au pénal ?

24 R. Non seulement j'ai réexaminé mes propres décisions à moi, mais

25 également des décisions de collègues dont j'ai hérité les dossiers, c'était

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1 tout à fait normal, rien d'inhabituel à cela, normal si des éléments des

2 circonstances, des faits nouveaux faisaient leur apparition de poursuivre

3 les poursuites, parce que le principe fondamental de l'intervention du

4 ministère public, est ce caractère officiel des poursuites en justice. Le

5 ministère public est tenu, le procureur est tenu de poursuivre, de

6 continuer des poursuites s'il y a des éléments de preuve qui justifieraient

7 de l'existence d'un soupçon fondé de la perpétration d'un délit au pénal.

8 Donc c'était là quelque chose de tout à fait normal, il n'y avait aucun

9 doute à formuler à ce sujet.

10 Q. Mais dites-moi, Monsieur Hadzic : parmi ces dossiers, y

11 a-t-il eu des dossiers datant de janvier 1993 qui se rapporteraient au

12 village de Dusina ?

13 R. Il y a eu un dossier en effet.

14 Q. Veuillez m'indiquer je vous prie, comment et pourquoi vous avez été en

15 position de réexaminer la décision d'un collègue à vous datant de 93 ?

16 R. Lorsque le procès du général Blaskic a commencé devant ce Tribunal ci,

17 il y a eu des spéculations disons au terme desquels des crimes ont été

18 perpétrés à l'encontre des civils dans ce village de Dusina. On dit qu'il y

19 a des prisonniers qui ont été abattus, qu'il a été fait recours à des

20 boucliers vivants, des boucliers humains, et s'agissant d'un collègue qui

21 constituait l'organe conseil du procureur, nous avons donc décidé de

22 réexaminer toutes les archives du ministère public, ministère de Zenica et

23 de faire en sorte que tous les dossiers comportant quelques spécificités

24 que ce soient réexaminés, afin que l'on puisse vérifier les circonstances

25 et les faits qui au moment où les hostilités se sont constituées n'étaient

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1 inconnues, et pour poursuivre des poursuites, continuer des poursuites s'il

2 y avait des raisons de le faire. Cela a été l'une des décisions et des

3 conclusions que nous avons tirée, et il m'est tombé sur les bras un dossier

4 de 1993 avec plusieurs avenants et cela se rapportait à des informations

5 qui étaient relatives, qui se rapportaient aux circonstances de Dusina, et

6 événement de Dusina, au début du conflit entre les unités de l'ABiH et du

7 HVO.

8 Q. Mais partant des informations mises à la disposition de votre collègue

9 de l'époque, y a-t-il d'après ce que vous avez eu dans le dossier

10 également, y avait-il des raisons de croire qu'il n'était point nécessaire

11 de poursuivre des justices, ou y avait-il déjà une procédure de haut pénal

12 de lancée.

13 R. La documentation si mes souvenirs sont bons, était constituée une

14 information émanant du centre des Services de Sécurité de Zenica portant

15 sur l'examen de 12 ou 13 cadavres amenés à l'hôpital de Zenica à un procès-

16 verbal émanant du Juge d'instruction. Il me semble que c'était Vlado

17 Adamovic, le Juge d'instruction du tribunal militaire départemental. Il y

18 avait une documentation photographique faite par un technicien en matière

19 de criminologie; puis un constat au test paraffine, un test à la paraffine;

20 et il me semble un descriptif de l'apparence des cadavres, de l'aspect des

21 cadavres. Je crois que c'était la documentation qui était disponible. Il me

22 semble que mon collègue, en 1993, n'a trouvé, là, rien au terme de quoi il

23 lui serait permis de soupçonner un délit au pénal.

24 Q. Mais avez-vous, vous-même, entrepris des opérations complémentaires ou

25 des actions complémentaires pour réexaminer ce qui a été pris comme

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1 décision par votre collègue en 1993 ?

2 R. Oui, justement parce qu'il nous est parvenu des informations aux termes

3 desquelles quelque chose clochait au sujet des événements de Dusina. Je

4 suis allé aux archives, et j'ai demandé la documentation militaire relative

5 à cette période. Il me semble que c'était fin janvier 1993. Puis, j'ai

6 demandé aux instances de l'intérieur de retrouver quelques habitants de ce

7 village de Dusina pour avoir des entretiens avec eux au sujet des

8 circonstances qui nous intéressaient, s'il y a eu des victimes parmi les

9 civils, les femmes, les enfants, les vieillards, s'il y a eu exécution de

10 prisonniers, s'il y a eu des boucliers humains formés, donc, tout ce qui a

11 nous parvenu en guise d'information à l'époque. S'agissant des archives --

12 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

13 M. WAESPI : [interprétation] Excusez-moi, je ne voulais pas interrompre le

14 témoin. Vous savez que le contre-interrogatoire sera limité pour qu'il

15 puisse rentrer chez lui. Tout ce dont le témoin parle, c'est ce qu'il a

16 fait en 1992 ou en 1993, c'est après qu'il y a eu jugement à l'affaire

17 Blaskic, ce qui a déclenché toutes ces choses, donc, c'est après 1999. Je

18 voulais que ce soit clair.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Pouvez-vous faire préciser à partir de quelle

20 année il va regarder le dossier pour que ce soit au transcript parce qu'on

21 ne voit pas très bien la date.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

23 Q. Veuillez m'indiquer, Monsieur Hadzic, quand est-ce que vous avez pris

24 possession de ce dossier aux fins d'un réexamen ?

25 R. Je vous l'ai dit, lorsque le procès à l'intention du général Blaskic a

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1 commencé. C'est dans le courant du procès même, cela devait se situer vers

2 1990 ou l'an 2000. Je ne m'en souviens pas exactement.

3 Q. Dans le courant de cette année-là, conformément aux attributions qui

4 sont celles du procureur public, vous vous êtes penché, vous avez réexaminé

5 tout ce qui s'est passé en 1993, et vous avez réexaminé les décisions

6 prises par votre collègue en 1993 ?

7 R. C'est tout à fait exact.

8 Q. Les membres de l'armée, à savoir, le MUP, le ministère de l'Intérieur,

9 vous ont-ils communiqué la documentation demandée ?

10 R. Oui, oui. Les archives de l'ABiH m'ont communiqué la documentation

11 complète portant sur cette période. Le ministère de l'Intérieur m'a

12 transmis un rapport sur les entretiens qu'ils ont eu avec trois ou quatre

13 membres ou trois ou quatre ressortissants du groupe ethnique croate. En me

14 penchant sur la totalité de cette documentation, j'ai constaté que dans le

15 village de Dusina, il n'y a pas eu perpétration d'un crime de guerre.

16 Q. Merci. Vous l'avez également constaté en vous penchant sur la totalité

17 de ce qui a été rendu disponible à votre collègue en 1993, donc, la

18 documentation judiciaire qui lui a été communiquée, et tout ce que vous-

19 même avez essayé d'apprendre au sujet de cet événement ?

20 R. Oui. J'ai établi un procès-verbal officiel où j'ai consigné tous les

21 faits qui me sont parvenus. J'ai procédé à une analyse de ces faits, et

22 j'en ai tiré une conclusion. Il est vrai qu'à un moment donné, il y avait

23 parmi ces cadavres, le cadavre d'un homme assez âgé qui devait avoir 77, 78

24 ans. De par la loi, ce n'était pas là un conscrit militaire parce que c'est

25 jusqu'à 60 ans qu'on peut être considéré comme astreint au service. La

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1 documentation qui m'est parvenue de la part des archives, j'ai pu constaté

2 que c'était là une perte collatérale, que personne avait souhaité. C'était

3 un civil qui s'était trouvé en zone de combat. Si mes souvenirs sont bons,

4 j'ai estimé que pour ce qui était de sa mort, de son décès, la

5 responsabilité du HVO était bien plus grande parce que s'ils s'attendaient

6 à des combats, et somme toute, le conflit était attendu. On pouvait s'y

7 attendre vu qu'il y a eu toute une série de provocations dans le secteur de

8 Dusina. Ils étaient censés écarter de là-bas les civils.

9 Q. Dernière question, Monsieur Hadzic, à votre attention, portant sur le

10 témoignage que vous avez fait. Cette décision que vous avez prise, s'est-

11 elle fondée sur les informations complémentaires qui vous ont été

12 communiquées ? Est-ce que cela a coïncidé avec la décision de votre

13 collègue en 1993 qui, lui aussi, a évalué la documentation qui lui était

14 accessible ?

15 R. Oui, en tout état de cause, la constatation était identique, mais j'ai

16 été moi-même en position d'obtenir davantage de documents, et de recueillir

17 des témoignages de la part des habitants de Dusina. Je dirais que nos

18 appréciations, nos constatations étaient tout à fait identiques.

19 Q. Merci.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

21 questions à l'attention de ce témoin.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avant la pause, les autres avocats ?

23 M. DIXON : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, le mieux, c'est de faire la pause maintenant.

25 Ensuite, on reprendra par les questions de l'Accusation.

Page 15097

1 Il est midi 25, nous reprendrons aux environs d'une heure moins dix.

2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.

3 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience étant reprise, je donne la parole à

5 l'Accusation.

6 M. WAESPI : [interprétation]

7 Merci, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par M. Waespi :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Quelques précisions, tout

10 d'abord, première question, je vais demander à la distribution, je sais que

11 l'on a distribué des pièces, je n'aurai pas besoin de toutes celles-ci.

12 La première qui va m'intéresser sera la pièce P332. Tout le monde connaît

13 bien cette pièce, nous en avons en effet discuté, ais c'est vers le milieu

14 qui m'intéresse. Nous n'avons pas eu le temps d'y placer les intercalaires.

15 Mais une première chose pendant qu'on est en train de distribuer --

16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que la pièce 332 se trouve dans la

17 liasse de documents.

18 M. WAESPI : [interprétation]

19 Q. Monsieur Hadzic, c'est une jeu qui reprend plusieurs pièces, et je vais

20 d'abord parler de la pièce qui se trouve au milieu. Vous avez ici la page

21 de garde du tribunal du district militaire. Mais auparavant une chose,

22 Monsieur le Témoin, vous avez dit avoir examiné les dossiers, les

23 documents, et vous avez dressé un rapport. Dites-nous d'abord ceci : quand

24 avez-vous commencé à examiner ces dossiers ? Avez-vous une date, un mois ?

25 C'est après que le procès Blaskic a déclanché son nouvel examen. Quand

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1 avez-vous commencé à examiner tout cela ? Pourriez-vous nous le dire ?

2 R. Je ne saurais vous préciser la date, ni le mois de tout cela. Mais à

3 peu près, ainsi que ma mémoire me le suggère, il s'agit de 1999 et à 2000.

4 L'essentiel c'est que ma conclusion finale porte toujours sur la date où

5 les travaux ont été menés à bien sur un tel ou tel dossier. Ce dont je peux

6 être certain, pour me situer dans le temps pour dire que quand j'ai

7 commencé et quand nous avons ré ouvert les archives du ministère public,

8 c'était au moment où le procès du général Blaskic avait été entamé et

9 lorsque nous avons pu lire les tous premiers écrits dans la presse là-

10 dessus.

11 Q. Qui vous a demandé à vous en particulier de vous charger de la

12 question ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

13 R. J'ai déjà répondu à cette question au sujet des écrits parus dans la

14 presse et au sujet de ce dont communiquait et écrivait les médias sur le

15 procès de Blaskic. C'était un collège du tribunal cantonal qui a pris

16 décision, et c'est ainsi qu'il a été conclu qu'un réexamen devait être fait

17 de tous les dossiers et matières qui ont été classées, mises en archives.

18 Il n'y a pas eu vraiment une demande formelle. Nous avons pensé qu'il avait

19 tout simplement un écho reçu par le procureur public et qu'il fallait

20 attirer son attention sur un dossier qui a été considéré comme classé.

21 Q. Parlant de votre rapport, vous souvenez-vous de la date à laquelle vous

22 l'avez déposé et à qui vous l'avez adressé ?

23 R. Il ne s'agit pas de parler d'un rapport. Il s'agit tout simplement

24 d'une note officielle. Il s'agit d'un acte par lequel le procureur procède

25 pour faire un commentaire au sujet de tel ou tel dossier. Il n'y a pas

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1 vraiment eu lieu de parler de rapport spécial. Il s'agit d'une procédure

2 ordinaire au sein du ministère public, ou on classe un dossier considéré

3 comme déposer, ou on procède par une procédure judiciaire peut-être en

4 établissant un nouvel acte d'accusation.

5 Q. Je demande une précision. Je parle du travail que vous avez fait, vous,

6 après 1999, donc six ans après les événements. Le produit de votre travail

7 comment l'appelez-vous ? Commentaire définitif ? C'est vous qui en êtes

8 l'auteur, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Quelle en était sa taille ? Cela faisait combien de pages ?

11 R. Je crois que c'était sur deux pages entières.

12 Q. A qui l'avez-vous adressé ?

13 R. Il ne s'agit pas de dire que c'était adressé à quelqu'un. Nous avons

14 dit que nous avons mené à bien un dossier, et pour savoir comment et

15 pourquoi un dossier a été conclu il devait y avoir un commentaire fait par

16 le représentant du procureur. C'était moi le procureur. Analyse faite pour

17 moi, je me suis dit qu'il n'y a pas eu de fondement pour entreprendre une

18 poursuite judiciaire au pénal. J'ai ensuite adressé une note pour dire sur

19 la base de quoi j'ai pu aboutir à de telles conclusions et il y a eu un non

20 lieu ensuite de ma part.

21 Q. Où se trouve aujourd'hui ce rapport ou ces deux pages d'analyse ?

22 R. Ces deux pages se trouvent dans le cadre du dossier qui a été mis en

23 archive dans le ministère public du tribunal cantonal de Zenica.

24 Q. Par conséquent, on pourra à tout moment le retrouver.

25 R. Sans problème, aucun.

Page 15100

1 Q. Vous pourriez nous aider à trouver ce document ?

2 R. Si vous avez besoin de mon assistance, je me dois de dire que pour

3 venir au ministère public je devrais le faire à titre privé parce que je

4 n'y suis plus employé du tout.

5 Q. Vous avez dit qu'à l'inverse de vos collègues en 1993, si je reprends

6 vos termes : "Vous avez eu le témoignage direct d'habitants du village de

7 Dusina." Est-ce que je peux comprendre cela comme signifiant que vous

8 n'avez pas versé en annexe à votre analyse définitive des déclarations de

9 témoin ?

10 R. Les déclarations de témoins ont été recueillies sous forme de compte

11 rendu dressé par la police, et ces déclarations de témoin font partie

12 intégrante du dossier. Le dossier est censé avoir des avoirs des annexes

13 pour être étayés. D'abord, il y a un rapport de la part de la police,

14 ensuite examen à la morgue de tous ces cadavres fin de janvier ou plutôt

15 début février de cette année, ensuite il y a eu les conclusions faites par

16 moi et les matériaux considérés comme étant définitifs. C'est ce dont je

17 parle. Il s'agit d'une partie des archives appartenant aux forces armées,

18 ensuite déclarations faites par trois ou quatre ressortissants croates de

19 Dusina, qui eux ont témoigné sur les événements de Dusina à la fin de

20 janvier 1993.

21 Q. Je vais revenir à ces témoins dans un instant. J'essaie tout d'abord de

22 comprendre quelque chose grâce à la pièce que vous avez sous les yeux. La

23 pièce de l'Accusation 332 qui porte la date du 1er février 1993. Est-ce que

24 c'était le rapport ou le dossier que vous aviez vu lorsque vous avez

25 procédé à une nouvelle analyse des incidents qui s'étaient produits après

Page 15101

1 1999 ? Ici, nous n'avons que la page de garde. Vous verrez qu'on parle ou

2 qu'on mentionne des annexes, et je suppose que vous auriez vu ces annexes.

3 Voici la question que je vous pose : est-ce que ceci vous a été fourni

4 lorsqu'il s'est agi d'évaluer le travail qu'avait fait un de vos collègues

5 en 1993 ?

6 R. Etant donné que l'intitulé se lit comme tribunal militaire de district,

7 je ne pense pas que ce soit vraiment ce document-là que j'ai pu avoir sous

8 mes yeux, mais j'avais par contre sous mes yeux le rapport du ministère de

9 l'Intérieur, centre du commissariat de police de Zenica qui a été adressé

10 au ministère public. Mais pour ce qui est de cet acte-là auquel vous me

11 demandez de me reporter, je n'en suis pas certain. Il s'agit d'une autre

12 adresse, d'un autre destinataire cette fois-ci.

13 Q. Puis-je vous demander le nom du collègue qui, lui, était chargé de

14 l'affaire en 1993 ? Comment s'appelait-il, l'individu dont vous avez ré-

15 étudié le travail six ans plus tard ?

16 R. Au ministère public, il y avait sept adjoints, je crois. Je ne peux pas

17 me rappeler laquelle de ces sept personnes a pu travailler sur ce dossier

18 en 1993.

19 Q. Mais je suppose qu'on va trouver son nom dans le dossier qui se trouve

20 dans le bureau où vous travailliez auparavant.

21 R. Cela doit être fait, ceci devrait être enregistré au Greffe,

22 d'ailleurs, où ceci a été déposé et, après une page, le garde devrait nous

23 permettre de le constater également.

24 Q. Vous avez dit que vous aviez revu le travail qu'il avait fait et que

25 vous avez fait quelque chose de plus. Revenons à ce que votre collègue a

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1 fait tout d'abord. Vous avez procédé à l'évaluation du travail qu'il avait

2 exécuté. Vous souvenez-vous s'il s'est rendu sur les lieux du crime à

3 Dusina, à l'époque, pour y mener une enquête, sur les lieux ?

4 R. Non. Si vous observez cette documentation, il s'agit d'un rapport

5 relatif à l'identification des cadavres qui ont été transférés à la morgue

6 de l'hôpital de Zenica, à la suite des conflits dans le village de Dusina,

7 par conséquent, après l'assainissement des terrains, lorsque les hostilités

8 ont pris fin. Un de mes collègues ne s'est pas rendu à Dusina, moi non

9 plus, d'ailleurs, pour la simple et bonne raison qu'en tant que

10 représentant du ministère public, j'ai voulu que soit vérifié des faits, à

11 savoir, si peut-être le crime n'a pas été perpétré d'une autre façon.

12 Q. Vous êtes convaincu que vous ne pouvez dire que votre collègue, en

13 1993, ou quelqu'un d'autre qui aurait été lié à cette affaire que personne

14 ne s'est rendu à Dusina ?

15 R. Pour ce qui de la documentation dont j'ai pu disposer, il n'y pas eu de

16 données s'y rattachant. Mais, pour répondre à la seconde partie de votre

17 question de tout à l'heure, je me suis rendu pour, en quelque sorte,

18 élargir le domaine des recherches à la différence de ce que mon collègue a

19 fait. Le fait est, il est vrai que nous avons pu recevoir des informations

20 comme quoi, dans le village de Dusina, il y a eu des morts sans cause

21 aucune. Voilà, pour nous, c'était une raison valable pour nous en

22 préoccuper, pour vérifier si les informations et les nouvelles que nous

23 avions pu recevoir entre-temps étaient bonnes, exactes ou pas.

24 Q. Merci de cette réponse. Je reviendrai au rôle que vous avez joué dans

25 un instant. Pour le moment, je m'intéresse toujours à votre collègue. En

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1 1993, vous avez dit n'avoir vu aucun procès-verbal d'une éventuelle visite

2 sur les lieux du crime. A la fin de l'interrogatoire principal, ce matin,

3 vous avez également dit, après la pause aussi, vous avez dit que vous aviez

4 interrogé certaines personnes de Dusina. Votre collègue, en 1993, il n'a

5 interrogé personne, aucun habitant de Dusina, c'est bien cela ?

6 R. D'abord, tirons au clair ce fait-là. Personnellement, je ne me suis pas

7 entretenu directement avec les citadins de Dusina, la population locale.

8 J'ai tout simplement demandé à la police que l'on recherche des survivants

9 du village de Dusina et auxquels on pouvait avoir accès pour procéder à des

10 conversations avec. Sur la base de leurs déclarations faites à la police,

11 moi, en tant que Procureur, je dois faire une estimation pour savoir s'il

12 était pertinent ou pas de procéder à la procédure suivante : si mon

13 collègue de 1993 l'a fait ou pas, je n'en sais rien. Je sais seulement de

14 quoi je parle lorsque je vois ce que j'ai trouvé dans le cadre du dossier.

15 Q. Dans ce dossier, vous n'avez trouvé, aucun document qui faisait état

16 d'entretiens, d'interrogatoires d'habitants menés par le MUP, par un

17 collègue ou par des militaires.

18 R. Dans ce dossier, il n'y a pas vraiment eu de preuves, pour ainsi dire,

19 suggestives. Il n'y pas eu vraiment de déclarations de témoins, ou

20 d'analyses qui nous auraient permis de dire qu'il y avait bien eu des

21 témoins.

22 Q. D'après ce que vous savez en tant que procureur, expert dans ce

23 domaine, s'il avait interrogé des témoins ou d'autres personnes, d'ailleurs

24 à l'époque, est-ce que ceci aurait été répercuté dans le dossier ?

25 R. Dans le dossier, tout doit y être, tout ce sur quoi on a travaillé.

Page 15104

1 Q. Il y a quelque chose qui m'intrigue, un commentaire que vous avez fait

2 ce matin, à la fin. Je voudrais savoir ce qu'il en est des informations

3 dont vous disposiez à propos de Dusina. Vous avez été précis, vous avez

4 parlé de provocations, d'autres activités militaires. D'après vos

5 souvenirs, est-ce que des soldats du HVO ont été faits prisonniers ce jour-

6 là, le 26 février 1993 par l'ABiH ? Excusez-moi, j'ai dit février, j'aurais

7 peut-être dû dire janvier.

8 R. A quels soldats du HVO faites-vous référence ? La question ne m'est pas

9 claire.

10 Q. Je me demande tout simplement, puisque vous avez montré que vous aviez

11 des connaissances à propos des activités militaires. L'ABiH était présente

12 à Dusina, est-ce qu'elle aurait capturé des soldats du HVO ? Lorsque vous

13 avez étudié le dossier, vous avez dit que vous avez pu consulter les

14 archives militaires. Est-ce que vous auriez vu, ce faisant, que des soldats

15 du HVO, peut-être même des civils croates, auraient été capturés à Dusina

16 ou dans les alentours ce jour-là, en janvier 1993 ?

17 R. Je ne sais rien en ce qui concerne les civils, mais, pour dire qu'il y

18 avait des représentants du HVO qui ont été capturés, oui. J'ai oublié de

19 dire que, parmi ces dossiers, il y avait également une cassette vidéo que

20 j'ai pu recueillir entre autres. Lorsqu'on a fait visionner, on a pu voir

21 des véhicules, des ambulances plutôt, qui évacuaient et prenaient en charge

22 conjointement des soldats de l'ABiH et du HVO. Mais ce qui m'a intéressé

23 concrètement, ici, c'était la cause de la mort de ces personnes dont les

24 corps ont été transférés à la morgue de l'hôpital de Zenica. Voilà, le

25 volet qui m'a le plus intéressé.

Page 15105

1 Q. J'en arrive à d'autres voies qu'il aurait été possible d'emprunter pour

2 essayer de voir s'il y avait eu crime. Vous avez interrogé, si je vous ai

3 bien compris, des témoins ont été interrogés en votre nom.

4 Vous avez aussi dit que, dans le procès Blaskic, vous avez suivi les débats

5 ou peut-être le jugement. Au moment de décider de faire un tri des

6 personnes que vous vouliez interroger, est-ce que vous avez examiné le

7 dossier Blaskic, pour voir qui avait témoigné dans ce procès et qui était

8 susceptible d'avoir des renseignements sur le sort qui avait été réservé

9 aux soldats du HVO qui avaient été arrêtés. Est-ce que vous êtes à la

10 recherche de témoins qui avaient témoigné dans le procès Blaskic ?

11 R. Primo, disons que le travail sur ce dossier n'a pas été entamé après le

12 jugement dans l'affaire Blaskic, mais après le commencement du procès

13 Blaskic. Secondo, vous devez comprendre que nous n'avons pas eu accès,

14 nous, par exemple, à tous les témoins, et je parle évidemment du centre de

15 Sécurité de Zenica, non plus que nous n'avons pas eu accès de tous les

16 habitants de Zenica. Il y avait des gens qui sont venus à Zenica et dans

17 les environs de Zenica. J'ai fait de mon mieux pour trouver le plus

18 d'habitants possibles du village de Dusina, pour éventuellement les

19 interroger. Ce que la police a fait pour les trouver, c'était chose faite.

20 Nous les avons interrogés, et interrogatoire fait, voilà comment j'ai pu

21 conclure ce dont j'ai parlé tout à l'heure. Par conséquent, dire que le

22 dossier Blaskic a été intéressant, à ce moment-là, non. Il n'a pas été

23 vraiment intéressant pour nous à ce moment-là.

24 Q. Est-ce que vous avez interrogé des survivants à ces événements, pour

25 autant qu'il y en ait eu à Dusina, d'après les informations que vous

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1 aviez ?

2 R. Oui. J'ai demandé à ce que des conversations soient menées avec les

3 habitants du village de Dusina, qui, dans le village même, étaient les

4 témoins oculaires et directs des événements. C'était, en fait, une espèce

5 d'injonction faite par moi de faire par la police.

6 Q. Est-ce que, par exemple, vous avez interrogé Ivica Kegelj, né en 1957 ?

7 Il aurait pu vous dire tout ce qui s'est passé, tout ce qui est arrivé à

8 ces soldats du HVO. Est-ce que vous vous souvenez avoir même donné un

9 devoir d'enquête pour qu'il soit interrogé ?

10 R. De toute évidence, vous ne m'avez pas bien compris. Après ces conflits,

11 les Croates du village de Dusina se sont, en général, dispersés, une bonne

12 partie d'entre eux, regagnant Busovaca, non loin de là. De toute évidence,

13 en direction des secteurs se trouvant sous le contrôle du HVO. Par

14 conséquent, nous n'avons pas pu avoir accès de ces gens-là. Dire où Ivica

15 Kegelj s'était rendu, je l'ignorais. Etant donné que je savais très bien

16 que tous les habitants de Dusina n'ont pas été accessibles, j'avais demandé

17 à ce que l'on recueille toutes les bonnes informations auprès des personnes

18 qui nous ont été accessibles.

19 Q. Vous connaissiez ce nom d'Ivica Kegelj et vous saviez qu'il était

20 survivant au moment où vous avez eu accès à ces informations ?

21 R. Non, non, non. J'ai tout simplement évoqué le nom d'Ivica Kegelj une

22 fois que j'ai entendu votre question.

23 Q. Vous n'avez donc jamais entendu parler de lui ?

24 R. Je ne suis pas en mesure de me le rappeler maintenant.

25 Q. Pas à ce jour ?

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1 R. Non. Non, non, non, je ne peux pas m'en souvenir.

2 Q. Qu'en est-il de Zvonko Rajic ? Elle était la femme de M. Rajic et elle

3 était présente lorsque son mari a été tué à Dusina ce jour-là. Est-ce que

4 vous avez tenté de savoir où elle se trouvait ? Je vous demande aussi si

5 vous avez entendu le nom de la femme de Zvonko Rajic lorsque vous avez

6 refait le travail que votre collègue avait déjà fait ?

7 R. Non. Dans le cas de ce dossier, il n'y avait pas ce nom-là, le nom de

8 cette femme.

9 Q. Vous n'avez pas non plus appris que, dans le procès Blaskic, en

10 audience publique, cette dame avait déposé et elle avait dit que son mari

11 avait été emmené par un commandant de bataillon de l'ABiH et tuer ? Vous

12 n'avez pas examiné ce compte rendu d'audience ?

13 R. Pour autant qu'on puisse se fier à des écrits de presse,

14 personnellement et de façon officielle, je ne disposais d'aucune

15 information dans cet ordre d'idée. Mais en tout cas, si son témoignage à

16 elle devait, évidemment, indiquer qu'il y avait, en effet, probablement que

17 l'auteur de ce méfait aurait dû être l'objet d'une poursuite judiciaire au

18 pénal.

19 Q. Quelles étaient les Unités de l'ABiH qui étaient présentes le 26

20 janvier 1993 à Dusina ?

21 R. Vous me demandez beaucoup trop de détails. Quant à tous ces détails et

22 informations, j'en disposais grâce aux archives. Je ne peux pas me rappeler

23 maintenant quelles étaient les unités de l'ABiH qui se trouvaient déployées

24 dans les secteurs de Dusina et dans le parages. Mais on peut faire une

25 reconstitution des faits d'après les données dont j'ai pu disposer à cette

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1 époque-là, mais, en ce moment-là, je ne m'en souviens pas.

2 Q. Est-ce que vous avez interrogé l'un ou l'autre des commandants qui

3 auraient été susceptibles de vous donner des renseignements sur le sort

4 réservé aux soldats du HVO qui ont été capturés ? Est-ce que vous avez

5 interrogés les commandants ?

6 R. En des termes généraux, ce dont j'ai eu connaissance des personnes

7 capturées du HVO au cours de ces conflits et dans d'autres conflits, en

8 général, ces gens-là ont été tous échangés, généralement parlant. Ce qui

9 m'a intéressé dans le cas de ce dossier, concrètement parlant, c'est de

10 voir si, au temps des conflits dans le village de Dusina, il y a eu mort de

11 civils et qui n'aurait pas été justifiée par des exigences militaires de

12 guerre, ne serait-ce que pour parler de vol ou de pillage, et cetera, tout

13 ce qui est sanctionné d'ailleurs par le droit international. Je voulais

14 savoir également s'il y avait de prisonniers de guerre tués, s'il y avait

15 d'abus, c'est-à-dire de boucliers vivants -- boucliers humains, et cetera.

16 Voilà ce qui m'intéressait. Le canevas était tout simplement le fait que

17 nous avons dû savoir la cause de la mort des gens, dont les corps ont été

18 emmenés dans la morgue de l'hôpital de Zenica. Je n'avais guère besoin de

19 m'entretenir avec les représentants membres de l'ABiH, parce que j'avais

20 sous mes yeux la correspondance entre unité et commandement dans le cadre

21 des archives dont je disposais. En ce moment-là, ce qui m'intéressait,

22 c'est de savoir s'il y avait une attaque planifiée, s'ils avaient des

23 opérations de combat planifiées, quels devaient en être les enjeux et

24 objectifs, et cetera. Je n'ai pas pu trouver un ordre sur lequel une

25 attaque aurait dû être perpétrée. Mais, par voie chronologique, les

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1 documents, une fois rangés et émanant de l'armée, et ce dont je disposais,

2 je me suis rendu compte que tout cela était assez floue, pour parler de ce

3 secteur. Je crois, qu'en règle générale, là où vous avez des tensions en

4 escalade, des conflits ouverts entre l'ABiH et du HVO, cela était possible.

5 Car, du point de vue de l'existence d'une responsabilité pénale

6 individuelle ou autre, il a fallu savoir si l'action avait été planifiée,

7 lorsque planifiée, si elle avait été exécutée, et si lorsque exécutée, est-

8 ce que -- fallait-il savoir s'il y a eu mort de civils, pillages,

9 destruction ou vols, sans exigences militaires. Voilà ce qui a fait

10 d'ailleurs le [imperceptible] du dossier pour moi.

11 En résumé, nous avons une situation où manifestement quelque chose s'est

12 passé. Vous avez fait référence à ce rapport présentant l'état physique des

13 corps. Nous n'avons pas le temps de nous pencher là-dessus. Mais vous avez

14 dit que vous aviez lu les documents où on disait que des soldats du HVO

15 avaient été capturés. Puis aussi, qu'il y avait un homme âgé qui était, en

16 fait, un dégât collatéral parce qu'il s'était trouvé là. Vous avez estimé

17 qu'il n'était pas nécessaire de vous entretenir avec le commandant qui se

18 trouvait sur le terrain afin de glaner des informations sur ce qui était

19 arrivé à ces soldats du HVO; pour vous c'était superflu, six ans après les

20 événements. Six ans à la suite des événements, une fois de plus, je me dois

21 de revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure. Pour ce qui est de l'armée,

22 je disposais de documents officiels, et aller chercher les explications

23 objectives d'un commandant ou de tous les commandants ne me paraissaient

24 pas pertinent surtout pas essentiel.

25 Ce qui m'a intéressé c'était les conséquences. Il s'agissait d'un conflit

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1 armé où se trouvait opposer deux formations.

2 Permettez-moi de terminer dans cet ordre d'idée. Il s'agit d'un conflit

3 armé qui a opposé deux formations, deux forces armées différentes où,

4 malheureusement, les soldats entre eux ont le droit de se blesser, de ce

5 faire blesser, de se tuer, ou de ce faire tuer. Mais la mort causée d'un

6 monsieur, qui est âgée de 70 et plusieurs années, et dont le corps a été

7 transféré à la morgue de l'hôpital de Zenica, cela m'a intéressé

8 personnellement du fait que lui, il n'était pas conscrit, il n'a pas été

9 quelqu'un qui portait les armes.

10 Par conséquent, les examens à paraffine, et cetera, n'ont pas permis de

11 voir qu'il y a eu des particules de poudre brûlée, pour les autres et sur

12 les autres corps, tel était le cas. Preuve évidente, pour moi, que tous les

13 autres ont pris part évidemment à des conflits armés, qu'ils étaient armés

14 et qu'ils avaient tirés.

15 Tout à l'heure, j'ai dit que malheureusement les soldats sont censés se

16 tuer entre eux et se faire blessé. Mais pour ce qui est de l'évaluation de

17 la cause de la mort de ce monsieur âgé, j'ai dit que, malheureusement, ce

18 monsieur âgé s'était trouvé dans la zone des opérations de combat. Or, il

19 est de la compétence, et là relève de la compétence des organes civils, de

20 pouvoir, de faire en sorte que les civils soient protégés dans la zone où

21 des opérations de combat.

22 Je crois que ceci était surtout la responsabilité des organes et des

23 instances militaires, par conséquent, parlant entre autre chose du HVO.

24 Q. Quoi qu'il en soit, vous souvenez-vous qui vous a relaté les

25 circonstances du décès de ce vieil homme ? Vous avez un nom ?

Page 15111

1 R. Personne ne m'a parlé des circonstances dans lesquelles ce monsieur

2 âgé, Kegelj, je crois que c'est bien sont nom de famille. Personne ne m'a

3 parlé de cela.

4 Q. Mais est-ce que ce n'était pas votre travail de le faire, de trouver la

5 vérité ?

6 R. Lorsque j'avais demandé à la police de constater la cause de la mort de

7 ces personnes, et d'établir les autres faits auxquels j'ai eu intérêt pour

8 ne pas répéter maintenant, il s'agit de civils, de femmes et d'enfants.

9 Entre autre, j'avais exigé à ce que l'on établisse la cause de la mort de

10 M. Kegelj, de ce vieux M Kegelj. Ecoutez, essayez de comprendre, les

11 circonstances dans lesquelles on se trouvait et on vivait à cette époque-

12 là. Etait-il encore fort difficile de se rendre dans le secteur se trouvant

13 sous contrôle du HVO, anciennement Herceg-Bosna, pour éventuellement

14 s'entretenir avec des gens, les retrouver, et cetera, les faire venir pour

15 nous en entretenir avec, et cetera.

16 Q. Je voudrais simplement tirer ceci au clair. A l'époque Dusina ne se

17 trouvait pas sous le contrôle du HVO ? Nous avons eu même des gens de

18 Zenica de la Protection civile qui sont allés à Dusina, le lendemain. Est-

19 ce que vous avez entendu parler de cela ? Est-ce que vous savez qu'ils sont

20 allés à Dusina, fin janvier 1993, pour aller chercher les corps ?

21 R. Je crois que ceci était de la compétence de la Protection civile, à

22 savoir instances qui s'occupaient de l'assainissement du terrain. Si

23 quelqu'un s'y rendait évidemment, c'était de façon officielle, c'est sûr.

24 Q. A combien de reprises, y a-t-il eu des dégâts "collatéraux" ce sont les

25 mot que vous avez utilisés que je reprends au cours de ces journées-là, de

Page 15112

1 ces mois qui vous ont intéressé ? Est-ce que c'était quelque chose de

2 courant, ou d'inhabituel ?

3 R. Chaque victime, parmi les civils, est une victime inhabituelle, je

4 dirais. Cela dit, je ne voudrais pas faire de commentaires quant au

5 contexte dans lequel vous placez votre question. Mais pour ce qui est des

6 dommages collatéraux en Bosnie-Herzégovine, il y en avait beaucoup.

7 Pour ce qui est des dossiers sur lesquels j'ai travaillé, je n'ai nulle

8 part trouvé de situations qui auraient été susceptibles de suggérer une

9 telle conclusion.

10 Q. C'était quelque chose d'inhabituel. Par conséquent, est-ce que vous

11 n'alliez pas faire l'impossible pour essayer d'élucider cette question ?

12 Cela c'est ma première question.

13 Deuxième question : et à qui vous seriez-vous adressé en premier lieu pour

14 avoir connaissance d'actions militaires qui auraient entraîné des dommages

15 collatéraux ? Donc ma deuxième question est de savoir : à qui vous vous

16 seriez adressé en premier lieu ?

17 R. Votre première question, voulez-vous la reprendre, s'il vous plaît.

18 Q. Je vous ai dit si c'était la première fois que cela arrivait, c'était

19 inhabituel, c'était la première fois que vous entendiez parler de cela ?

20 R. Répondons tout de suite à cette question. Lorsque j'ai examiné le

21 dossier et les annexes dont il se trouve assorti, ce qui m'a sauté aux

22 yeux, c'était le fait de voir que parmi les tués, des gens jeunes,

23 relativement jeunes, c'était le fait qu'il y avait ce monsieur âgé. Voilà

24 le fait qui a offusqué mon attention. C'est pour cela que j'ai insisté à ce

25 que l'on recherche et constate la cause de sa mort. Or, tout ce que je

Page 15113

1 fais, et je ne fais que ce qui m'a été conféré par la loi, et ce qui m'a

2 été dicté par les services auxquels j'appartenais, me faisait croire et

3 savoir que M. Kegelj a trouvé la mort dans un conflit extrêmement intense,

4 conflit armé. Pour le reste, je crois que j'ai couché sur le papier, sous

5 forme de notes officielles, tous mes commentaires. Chez d'autres, on a

6 trouvé évidemment, des traces de particules de poudre brûlée. Par

7 conséquent, ils ont participé à un conflit armé, je l'ai dit. Hélas, les

8 soldats s'entretuent entre eux, c'est malheureusement une conséquence

9 néfaste de toute guerre.

10 Q. Précisément. La responsabilité de dégâts ou de dommages collatéraux,

11 c'est une responsabilité qui revient et qui incombe aux militaires ? Vous

12 êtes d'accord ?

13 R. Je suis absolument et totalement d'accord avec vous. Dans le cadre du

14 commentaire parlant de la cause de la mort du vieux Kegelj, j'ai dit

15 notamment que je considérais comme responsable de sa mort les autorités du

16 HVO. Celle-ci, en attendant un conflit ouvert, n'avait rien entrepris pour

17 faire évacuer les civils d'une zone où devaient s'opérer des activités de

18 combat. Voilà à quoi j'ai pu conclure. Pour ce qui est de la situation où

19 d'une façon tout à fait délibérée on ouvre le feu, on tire, on ne peut pas

20 évidemment se faire des hypothèses où les tirs aboutiront.

21 Q. Vous vous appuyez pour tirer toutes ces conclusions très complexes, ce

22 sont ces documents. Vous n'avez pas parlé aux commandants militaires, par

23 exemple, Paskovic, qui était le commandant du 2e Bataillon ? Ce sont des

24 documents que vous avez peut-être vus et qui le révèlent. Vous n'avez pas

25 parlé à M. Serif Patkovic. Je crois que vous l'avez déjà dit. Vous avez dit

Page 15114

1 n'avoir eu aucun contact avec les commandants militaires. Mais je veux une

2 confirmation simplement ?

3 R. Cela est exact. Mais vous perdez de vue le fait que le Procureur est

4 censé avoir un rôle étant donné la procédure pénale en vigueur en Bosnie-

5 Herzégovine, le procureur ne pouvait pas mener une enquête pour interroger

6 qui que ce soit. Le procureur ne pouvait qu'obtenir des informations par

7 l'entremise des organes qui étaient tenus de le lui fournir les

8 informations. Lorsqu'il s'agit d'une procédure formelle à engager, alors,

9 tout ce qui est considéré comme élément de preuve subjectif, le Juge

10 d'instruction en était chargé. Par conséquent, en tant que procureur, je

11 n'ai pas été d'ailleurs habilité à faire venir qui que ce soit en vue de

12 quelque conversation ou interrogatoire que ce soit. Pour ce qui est de

13 l'évaluation à faire, s'il fallait, par exemple, interroger tel ou tel

14 commandant habilité pour voir s'il y avait à mes yeux des éléments accusant

15 un effet ou un délit, certainement, j'aurais procédé de la sorte pour faire

16 venir, notamment, quelqu'un sous forme de témoin.

17 Q. Voyez ce que vous avez dit ce matin : "Un procureur a pour devoir de

18 vérifier les motifs ou les informations pour ce qui est de l'authenticité

19 et la fiabilité des faits." Il doit voir si ce qu'il a reçu est

20 suffisamment fondé. Bien sûr, vous avez le devoir - j'insiste - le devoir

21 de demander un complément d'information si le Juge d'instruction ne

22 s'acquitte pas bien de sa tâche, n'est-ce pas ?

23 R. Non, non. Vous n'êtes pas sur la bonne voie et dans la bonne voie. Le

24 Juge d'instruction ne peut agir que lorsqu'il a été constaté qu'il y a des

25 éléments d'une infraction. Bien sûr, on doit interroger les personnes

Page 15115

1 suspectes dans le sens où il faut entendre toutes les parties. Après quoi,

2 ordonné une décision portant procédures et enquêtes, considérer quelles

3 sont les actions à entreprendre. Après quoi, il se tourne vers le procureur

4 pour que celui-ci prenne une décision finale. Ce qui a été fait jusqu'à

5 maintenant, c'était considéré comme une étape préalable à la procédure au

6 pénal. Il s'agissait tout simplement d'une formulation établie par nous

7 pour voir s'il y a suffisamment de motifs et d'éléments pour fonder une

8 suspicion bien étayée. Par conséquent, tel n'était pas le cas, le Juge

9 d'instruction s'était rendu sur place, à l'hôpital de Zenica. Il s'est

10 d'ailleurs acquitté de l'action considérée comme identification en médecine

11 légale surtout. C'est la seule action qui a été effectuée par lui.

12 Q. Je vais vous citer ce que vous venez tout juste de dire. Vous avez

13 déclaré que : "Le Juge d'instruction, dans l'exercice de ses fonctions,

14 lorsqu'il mène une enquête, il doit prendre les mesures d'enquête demandées

15 par le procureur." S'il est saisi d'un dossier que lui transmet la

16 poursuite à propos d'un cas de dommage collatéral, et vous, vous n'essayez

17 même pas de prendre contact avec le commandant militaire de terrain,

18 d'autant que ce monsieur a été mentionné par un témoin oculaire dans le

19 procès Blaskic comme étant un des tueurs. A coup sûr, vous allez refuser de

20 faire une évaluation avant que le Juge d'instruction n'ait fait son travail

21 quand même ?

22 R. Vous ne m'avez pas bien compris. La procédure criminelle est tout à

23 fait différente.

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je voudrais demander à la Chambre de

25 première instance, étant donné que j'avais interrogé le témoin pendant 30

Page 15116

1 minutes, voilà que mon collègue le fait pendant 45 minutes, nous devons

2 savoir si mon collègue demandera une prolongation du temps qui lui est

3 imparti pour savoir si nous pouvons programmer vraiment, comme il le faut,

4 pour savoir si le témoin pourra terminer sa déposition aujourd'hui.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, parce que théoriquement, en quatre minutes,

6 c'est terminé. Il faut combien de temps encore ?

7 M. WAESPI : [interprétation] J'ai pratiquement terminé. Cinq minutes

8 encore, dirais-je, si vous me le permettez, bien sûr, Monsieur le

9 Président.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, je voudrais peut-être

11 reprendre la réponse à la question. Le Juge d'instruction engage l'enquête

12 uniquement lorsque le procureur met un point en ce qui concerne l'exigence

13 d'une recherche et d'une enquête. Pour la troisième fois, j'essaie de tirer

14 au clair tout cela parce que nous sommes dans le domaine de ce qu'on

15 appelle un point de droit. Le procureur demande une enquête lorsqu'il

16 conclu que le dossier qui est sous ses yeux lui permet suffisamment de

17 motifs pour conclure qu'il y a telle ou telle personne qui, à titre

18 individuelle, a perpétré tel ou tel délit. Recherches et enquêtes faites

19 dans le cas de ce dossier, il m'appartenait à moi de conclure, de constater

20 s'il y avait, cette fois-ci, un crime de guerre dans le village de Dusina.

21 D'après moi, il n'y a pas eu de crimes de guerre dans le village de Dusina.

22 Voilà pourquoi, formellement parlant, l'enquête n'a pas été lancée. Il ne

23 faut pas y faire rentrer dans le volet un Juge d'instruction qui, à ce

24 stade d'ailleurs de la procédure, ni était pas.

25 M. WAESPI : [interprétation]

Page 15117

1 Q. Permettez-moi d'en terminer sur ce point, et aussi de façon générale.

2 Si effectivement, il s'agissait d'un crime de guerre, qui auraient été les

3 suspects possibles ? Vous avez dit que c'était le HVO, mais supposons un

4 instant que les prisonniers du HVO étaient capturés par des soldats de

5 l'ABiH, comme le disent beaucoup de documents que, j'en suis sûr, vous avez

6 examinés. Disons, supposons que cette personne a été tuée, exécutée, qu'il

7 ne s'agissait pas de dommage collatéral, mais d'exécution. A ce moment-là,

8 quels seraient les suspects privilégiés ?

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant. C'est peut-être suggestif.

10 La Défense.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] La question n'est pas suggestive, mais mon

12 confrère, malheureusement, fait référence avec inexactitude à des documents

13 relatifs à l'armée. Aucun document de l'armée ne laisse entendre que ces

14 personnes tuées ont été capturées. Les documents de l'armée font penser à

15 d'autres faits. Vous savez très bien que cela était compris dans les

16 éléments de preuve devant cette Chambre de première instance, par

17 conséquent, on ne peut pas suggérer maintenant à un témoin quoi que ce soit

18 qui ne découlerait pas des éléments de preuve communiqués.

19 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je dirais d'abord que

20 ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit que cela s'était passé comme

21 cela, j'ai dit : "Supposons," c'est hypothétique. Autre chose, nous avons

22 des preuves montrant qu'il y a eu capture de soldats du HVO, cinq ou six,

23 ce jour-là. Il y a au moins trois ou quatre documents qui le disent. Ce

24 sont des documents de l'époque. Alors, je pose la question au témoin

25 puisque celui-ci affirme que les soldats du HVO ont été -- ou plutôt que le

Page 15118

1 HVO était responsable de la mort de ce vieil homme. C'est pour cela que je

2 lui pose la question en fonction de ses compétences qui, si c'était le cas,

3 serait tenu pour suspect.

4 Q. Hypothétiquement parlant, mettons-nous d'accord là-dessus, il ne s'agit

5 que d'une hypothèse, hypothèse que ces sept personnes ont été capturées

6 vivants. Après quoi, une fois désarmés, ils ont été exécutés. En tout état

7 de cause, c'est l'auteur direct qui en sera responsable et surtout son

8 commandant et ainsi de suite. Nous sommes dans le domaine de l'hypothèse.

9 Mais ce dont je disposais comme document me faisait voir que toutes ces

10 personnes ont péri dans le combat. D'autant plus que sur la base des

11 examens de leurs cadavres, il n'y a pas été trouvé de traces de violence au

12 cours de leur vivant ou après leur mort. Il y a eu, partout, une blessure

13 perforante qui était la cause de la mort chez une personne où il y a eu

14 tout simplement une blessure très profonde au niveau du crâne, probablement

15 dû à une explosion, à un projectile ou à un moyen explosif, et cetera. Ce

16 qui figurait dans le dossier, ce qui m'a permis de faire des conclusions,

17 c'est que ces personnes-là ont péri au cours des conflits de combat.

18 C'étaient des personnes armées qui tiraient sur la partie adverse, l'autre

19 formation militaire.

20 Troisièmement, dans le village, à la suite de l'entrée dans le village des

21 membres de l'ABiH, il n'y a pas eu de tués parmi les civils, femmes,

22 vieillards et enfants, non plus, que de pillage. Voilà ce qui figurait dans

23 mon dossier. Voilà ce qui m'a permis de telles conclusions.

24 Vous avez parlé à des témoins pour parvenir à ces conclusions. Je suppose

25 que vous les mentionnez dans les deux pages que vous avez rédigées.

Page 15119

1 R. Le témoignage de ces témoins, sous forme de procès-verbal tenu à la

2 police, figure dans le cadre du dossier, et a été interprété dans et par

3 mon rapport. Mais comme tel, ces déclarations existent dans le cadre du

4 dossier. Ce n'est pas délibérément que j'ai pu prendre une décision là-

5 dessus.

6 Q. Juste pour conclure, puisque vous avez mentionné ce rapport présentant

7 l'état physique des corps, je pense que vous avez dit ceci, ils

8 présentaient une blessure d'entrée et de sortie. Il y a eu combien de ces

9 cas d'après ce dont vous vous souvenez sur ces corps ?

10 R. Je n'ai pas dit -- je n'ai pas fait mention de blessures d'entrée et de

11 sortie, je parlais de blessures perforantes. Ma conclusion se trouvait

12 fonder sur ce que j'ai pu lire comme étant à un résultat des examens

13 médicaux. Mais pour ce qui est du traitement par les criminologues et

14 médecins légistes de ces corps m'a permis qu'il n'y a pas eu, évidemment, à

15 l'entrée aux lèvres des plaies d'entrée et de sortie pour dire qu'il y a eu

16 un tir -- un feu à bout portant.

17 Q. Ce n'est pas là-dessus que portait ma question même si nous pouvons y

18 revenir dans un instant. Je vous parlais de ces corps puisque vous en avez

19 parlé. En tout cas, vous avez parlé d'après le compte rendu d'audience de

20 l'entrée et de la sortie des projectiles. Vous souvenez-vous du nombre de

21 balles qui ont pénétré, ou en tout cas, qui sont arrivées à ces corps ?

22 Est-ce que cela concernait un seul corps ou plus ?

23 R. J'ai fait la description détaillée de ce dont je me souviens. Je me

24 souviens d'une destruction extrêmement grave du crâne. Je sais que d'après

25 les examens médicaux, j'ai pu constater que la mort avait été due à une

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1 action de projectile -- impact de projectile d'une arme de petit calibre,

2 mais combien de blessures il y avait, je m'en souviens pas. Vous avez une

3 documentation en photos relative à toutes ces personnes prises --

4 lesquelles photos ont été prises suivant toute la méthode de travail et de

5 technique de criminologie en vue d'identification et un procès-verbal en

6 témoigne. Mais je ne suis pas incapable de me rappeler combien de blessures

7 il y avait sur chacun de ces corps.

8 Q. Il est possible qu'il y ait eu parmi ces corps certains corps qui

9 présentaient plusieurs perforations par entrée et sortie de projectile,

10 donc du même côté d'entrée et de sortie, les orifices. Est-ce que vous vous

11 en souvenez pour l'avoir vu ?

12 R. S'agissant de cette partie-là, je ne peux que dire que j'ai consulté le

13 constat de médecin qui faisait partie intégrante du dossier. Le médecin qui

14 a examiné les cadavres a déterminé le nombre d'impacts de balles, leur

15 emplacement. Enfin, il ne m'appartient pas de le faire puisque cela ne fait

16 pas partie de ma profession. C'est une question médicale.

17 Q. Je veux être sûr de ce qui se dit. Vous ne souvenez pas qu'il y avait

18 un corps criblé de balles ?

19 R. Je n'arrive vraiment à m'en souvenir. Je vous ai communiqué les

20 quelques détails que j'avais gardés en mémoire. J'ai été pendant 27 ans

21 procureur. J'ai eu plus de 4 000 dossiers entre les mains. Ce qui fait, et

22 ayant plus eu de délits au pénal graves, donc ma foi --

23 Q. J'aimerais bien voir ces cas plus graves que vous avez examinés. Je

24 vous remercie.

25 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'autre questions, Monsieur le Président.

Page 15121

1 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

2 Q. [interprétation] Monsieur Hadzic, je vous demanderais aux fins de tout

3 tirer au clair. Mon collègue vous a posé des questions au sujet et des

4 connaissances que vous auriez eues au sujet de soldats du HVO emprisonnés.

5 Vous avez répondu que, dans la documentation de l'armée, il vous a été

6 donné de constater qu'il y a eu des soldats du HVO d'emprisonner. Alors, la

7 documentation que vous avez retrouvée dans le dossier, la documentation que

8 vous avez collectée, de quelle façon, si tant est qu'il y en a eue -- qui

9 a-t-elle que ces personnes mortes -- ces personnes décédées avaient figuré

10 parmi les personnes emprisonnées. Avez-vous retrouvé un renseignement, une

11 donnée qui dirait que les personnes tuées avaient auparavant été

12 emprisonnées ?

13 R. Vous voulez dire auparavant emprisonner puis tuer ? Non, non, pas de

14 données de ce genre. Tout ce que j'avais dans mon dossier disait qu'ils ont

15 été tués pendant les combats.

16 Q. Si vous vous en souvenez bien, vous aviez indiqué qu'il y avait une

17 propre investigation du Juge d'instruction Vlado Adamovic ?

18 R. Exact.

19 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : quand est-ce que dans la procédure

20 préalable il y a déplacement du Juge d'instruction sur les lieux, qui c'est

21 qui dirige, qui contrôle la procédure de l'investigation ? Qui est-ce qui

22 désigne aux différents organes ? Quelles sont les actions à entreprendre

23 dans une procédure ?

24 R. S'agissant d'un constat ou de quelque acte procédural dont il s'agit

25 c'est le Juge d'instruction qui dirige les activités. Ces instructions ont

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1 force d'obligations pour tous les intervenants à ces opérations.

2 Q. Si à l'occasion de ces activités liées à la procédure il y a un

3 procureur, une police civile, une police militaire de présent, sont-ils en

4 situation ou position d'intervenir de façon autonome, ou doivent-ils se

5 conformer aux instructions du Juge d'instruction.?

6 R. Ils doivent se conformer à ce que le Juge d'instruction a dit. Si le

7 procureur est présent, il peut suggérer au Juge d'instruction ce que celui-

8 ci doit faire, mais de là, à savoir si celui-ci va, effectivement, faire

9 face, cela le regarde.

10 Q. Vous avez voulu expliquer le rôle du procureur à notre confrère au sein

11 de cette procédure pénale qui est la nôtre. Ce que vous avez fait vous-même

12 et de la partie qui a été effectuée par votre confrère en 1993 lorsqu'il a

13 été saisi de ce dossier. Est-ce que cela a constitué une procédure formelle

14 au niveau de l'enquête, ou était-ce là une procédure préalable au pénal

15 sans pour autant donner lieu à une enquête d'ores et déjà ?

16 R. J'ai été très précis en répondant à l'une des questions posées par M.

17 le Procureur ici. Ce que j'ai fait moi-même et ce qu'a fait mon collègue en

18 1993, c'était une phase de ce qu'on le désignait phase préalable à la

19 procédure pénale. Cela n'a pas été concrétisé au travers d'une enquête

20 judiciaire.

21 Q. Dans cette phase préalable à la procédure au pénal. Lorsque le

22 procureur est saisi d'un dossier, lorsqu'il l'évalue. Qui est le dominus

23 litis ? Qui est-ce qui dirige la procédure et partant de quelle instruction

24 les autres organes sont-ils censés réaliser leurs activités ?

25 R. Dans cette situation c'est le procureur qui dirige la procédure

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1 préalable au pénal. Les requêtes du procureur vis-à-vis des autres

2 instances ont force d'obligation.

3 Q. Votre collègue, celui de 1993, lorsqu'il a été saisi de ce dossier,

4 lorsqu'il l'a eu entre ses mains, au cas où il aurait eu un dilemme

5 quelconque concernant les causes de ces décès, était-il la seule instance

6 habilitée à exiger des actions complémentaires à effectuer de la part des

7 autres organes, police, organes judiciaires, ou d'autres organes ?

8 R. Rien que lui, personne d'autre.

9 Q. Lorsque vous évaluez, et là, vous n'avez pas jugé qu'il y avait des

10 fondements pour faire démarrer une procédure sur le plan formel, mais

11 lorsque vous le faites, lorsque vous pensez qu'il faut une procédure

12 formelle, et lorsque cela est accepté par le Juge d'instruction, qui est-ce

13 qui dirige la procédure ? Qui est-ce qui convoque les témoins ? Qui est-ce

14 qui donne les instructions à la police sur ce qu'il faut faire ? Qui est-ce

15 qui est habilité à inciter les autres intervenants à contribuer à éclaircir

16 le contexte de la situation ?

17 R. A partir du moment où il est décidé de diligenter une enquête, toute la

18 responsabilité revient au Juge d'instruction. C'est le Juge d'instruction

19 qui est le maître du dossier. C'est le Juge d'instruction qui convoque les

20 témoins, qui les interroge, qui interroge un inculpé, qui donne l'ordre de

21 procéder à des expertises, qui fait faire des constats, donc qui fait

22 réaliser toutes les opérations investigatrices prévues par la loi relative

23 à la procédure pénale, jusqu'à la fin de l'enquête diligentée.

24 Q. Merci. Je vous demande de patienter un peu et d'attendre que ma

25 question soit traduite.

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1 Mon confrère vous a posé plusieurs questions au sujet des blessures. Je

2 vais vous demander ce qui suit : lorsque vous vous êtes penché sur la

3 documentation photographique, est-ce que vous avez pris lecture des

4 descriptifs de blessures fournis par le médecin, seule personne habilitée à

5 le faire, et est-ce que les blessures et leurs descriptions étaient

6 différentes, inhabituelles, vis-à-vis de blessures autres en temps de

7 guerre que vous avez pu voir, constater ou lire dans les autres dossiers ?

8 R. Rien d'inhabituel. J'attends que la traduction se termine. Donc, je

9 disais, rien d'inhabituel au niveau de ces blessures, y compris leur

10 emplacement et leur forme. Parce que les corps ont été photographiés nus,

11 complètement nus. On a enlevé les vêtements de ces personnes décédées et on

12 les a placées sur des tables d'autopsie. C'est ainsi que les photographies

13 ont été prises, en vertu des règles de la criminologie -- des enquêtes

14 criminologiques, donc sous plusieurs angles, sous plusieurs endroits. Un

15 médecin a procédé à un examen extérieur. Il a constaté les causes de la

16 mort, et à mes yeux, cela était suffisant pour conclure que les décès ont

17 été dus à des blessures par balle, mise à part celle qui se situait au

18 niveau de la tête, qui est une blessure très grave, mais qui n'a rien

19 d'inhabituel en temps de guerre.

20 Q. Vous auriez peut-être pu en faire plus partant des informations

21 découlant de l'affaire Blaskic traitée ici. Lorsque vous vous êtes penché

22 sur ce dossier au ministère public et de Zenica, avez-vous eu un accès aux

23 procès-verbaux -- aux comptes rendus d'audience de cette affaire ici ? Est-

24 ce qu'il a été possible de disposer de cela, ou est-ce que vous avez

25 procédé en vertu des rapports présentés par les médias ?

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1 R. Nous avons décidé de nous pencher sur les archives du ministère public

2 du département effectuées précédemment, partant des reportages dans les

3 médias. Nous n'avions pas les comptes rendus, nous n'avions pas l'acte

4 d'accusation, nous n'avions aucune pièce à conviction utilisée dans

5 l'affaire Blaskic ici. A l'époque, nous ne pouvions pas disposer de tout

6 cela.

7 Q. Pour finir, mon confrère vous a demandé si vous avez entendu le

8 témoignage de l'épouse de Zvonko Rajic qui a, elle, affirmé que Serif

9 Paskovic a tué son mari. Vous avez, bien entendu, répondu à cette question.

10 Mais ce que je vous demande, c'est si, en votre qualité de citoyen de

11 Zenica, vous suivez l'affaire de Hakanovic, et vous ne nierez pas que

12 l'épouse de Zvonko Rajic a fait une déclaration complètement différente de

13 celle qu'elle a faite dans l'affaire Blaskic.

14 R. Oui, je suis au courant. Je suis tout à fait au courant de la chose,

15 partant des informations publiées par la presse au sujet de l'affaire

16 Hakanovic.

17 Q. Merci.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

19 Je n'ai plus de questions.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation s'est levée.

21 M. WAESPI : [interprétation] Oui, je pense que c'était quelque chose qui

22 n'était pas correct. L'interrogatoire supplémentaire n'est pas le moment où

23 on doit présenter des questions directrices. C'était elle qui témoignait.

24 Elle aurait pu demander au témoin ceci : est-ce que vous avez entendu dire

25 qu'elle fait un témoignage ailleurs. A ce moment-là, il aurait pu répondre.

Page 15126

1 Mais je pense que la façon de procéder n'était pas correcte.

2 M. DIXON : [interprétation] Pas de questions pour ce témoin. Merci.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : En ce qui me concerne, j'aurais des questions, mais,

4 vu le temps, j'ai juste une petite question.

5 Questions de la Cour :

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Un membre de la police de Zenica adressait un

7 procès-verbal sur l'état des corps. Ce procès-verbal, qu'on peut vous

8 montrer, mais pour gagner du temps, je vais très vite, est signé par un

9 dénommé Redzo Hadzic. Est-ce que c'est un parent à vous ou c'est purement

10 un homonyme ? On peut vous montrer le document. On va lui montrer le

11 document 333.

12 R. Monsieur le Président, ce n'est pas nécessaire. Je sais de quel

13 document vous parlez, merci. M. Redzo Hadzic est, malheureusement, décédé

14 entre temps, mais ce n'est pas un parent à moi. Il n'y a aucun lien de

15 parenté. Ce que je peux vous dire, c'est que c'était un technicien en

16 criminologie très bon au centre de ce service de Sécurité de Zenica. Mais

17 c'est un concours de circonstances pour nous que de porter le même nom de

18 famille.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, plus de questions.

20 Alors, nous vous remercions d'être venu témoigner à La Haye. Nous avons

21 dépassé le temps, mais il fallait que les questions soient posées. Je

22 formule mes meilleurs vœux de retour dans votre pays, et je vais demander à

23 M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner à la porte de la salle

24 d'audience.

25 [Le témoin se retire]

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En quelques minutes, la Défense, pour le

2 programme de la semaine prochaine.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous pourrions peut-être passer à huis

4 clos partiel, Monsieur le Président.

5 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, nous sommes en audience à huis clos

6 partiel.

7 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous sommes en audience publique. L'audience de ce

22 jour vient de se terminer. Il y a 14 heures 05. Je m'excuse après des

23 interprètes d'avoir poursuivi au-delà de la durée prévisible, mais nous ne

24 pouvions faire autrement.

25 Je vous invite à revenir pour l'audience qui débutera lundi à 14 heures 15.

Page 15128

1 Je vous remercie.

2 --- L'audience est levée à 14 heures 05 et reprendra le lundi 31 janvier

3 2005, à 14 heures 15.

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