Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 13 juillet 2005

2 [Les Réquisitoires]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Le numéro de l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Affaire numéro

8 IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter

11 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

12 Monsieur les Juges, conseils et tous ceux qui sont dans le prétoire et en

13 dehors. Pour l'Accusation, Matthias Neuner, Tecla Henry-Benjamin, Daryl

14 Mundis et Andres Vatter, qui est notre commis à l'affaire.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur Mundis.

16 Je vais demander aux avocats de bien vouloir se présenter.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

18 Madame, Monsieur les Juges. Pour le général Hadzihasanovic, Edina

19 Residovic, conseil; et Stéphane Bourgon, co-conseil.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Merci.

21 Les autres membres de la Défense.

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour M.

23 Kubura, Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et notre assistante, Nermin

24 Mulalic.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce mercredi 13 juillet 2005, je salue toutes les

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1 personnes présentes. Je salue les trois représentants de l'Accusation, les

2 cinq avocats présents, ainsi que le général Hadzihasanovic et le général

3 Kubura. Je salue également toutes les autres personnes présentes dans cette

4 salle d'audience.

5 Nous devons aujourd'hui terminer les réquisitions de l'Accusation et,

6 ensuite, entamer la plaidoirie de la Défense du général Hadzihasanovic.

7 Nous avons fait le décompte du temps qui reste. D'après ce qui m'est

8 indiqué, l'Accusation aurait à sa disposition deux heures 42 minutes. Je ne

9 vois pas le nombre de secondes.

10 Sans perdre de temps, je donne la parole à l'Accusation.

11 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

12 Bonjour, Madame, Monsieur les Juges. Bonjour, chers collègues.

13 Monsieur le Président, hier à la fin de l'audience, j'ai présenté mes

14 conclusions sous une forme très concentrée en ce qui concerne Bugojno à

15 cause des contraintes de temps. Mais, malgré le fait que cela faisait

16 condensé, je pense que c'était suffisant pour faire connaître le point de

17 vue de l'Accusation en ce qui concerne les installations à Bugojno.

18 L'un des points frappants concernant les installations à Bugojno est que

19 c'était commun à toutes les autres installations de détention et c'était le

20 3e Corps de l'ABiH qui les gérait et qui avait également toutes les

21 installations, y compris celles de Bugojno, ce qui comportait deux menaces

22 communes : l'une c'étaient les conditions physiques déplorables qui

23 existaient dans ces installation et, deuxièmement, les traitements

24 inhumains et cruels auxquels ont été soumis tous les détenus. Je pense que

25 je suis peut-être allé très rapidement, mais la Chambre de première

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1 instance aura pu apprécier la situation, à l'époque, à Bugojno.

2 Comme je l'ai dit également hier, dans l'après-midi, le deuxième élément

3 de mes conclusions traite au fait que l'accusé, le général Hadzihasanovic,

4 avait connaissance de l'existence de ces installations de Bugojno.

5 Je voudrais dire qu'il n'y a aucun doute ou qu'il ne devrait y avoir aucun

6 doute dans votre esprit que les éléments présentés par l'Accusation, au

7 cours de ce procès, par ces témoins, et dans ce mémoire définitif et encore

8 aujourd'hui et hier, a démontré que les soldats du 3e Corps de l'ABiH et,

9 en particulier, les soldats et la police militaire de la 307e Brigade

10 motorisée de l'OG Zapad faisaient fonctionner un certain nombre

11 d'installations de détention, y compris celles situées dans la ville de

12 Bugojno.

13 En outre, contrairement à ce qui a été soutenu dans le mémoire définitif de

14 la Défense pour l'accusé, le général Hadzihasanovic, il n'y a aucun doute

15 que chacune des installations était gérée par les soldats de l'ABiH et le

16 3e Corps de l'ABiH et que ceci était sous les ordres de l'accusé, le

17 général Hadzihasanovic. Ils ont été maltraités, ils s'étaient rendus, ils

18 ont capturé les soldats du HVO et des civils bosniens sans distinction.

19 De même, ces installations de détention, en particulier, Bugojno, dont je

20 vous parle maintenant, à tout moment étaient gardées par des soldats du 3e

21 Corps de l'ABiH. Plus encore, il n'y absolument aucun doute que les

22 éléments de preuve présentés ont montré qu'à tout moment, l'accusé, le

23 général Hadzihasanovic, était au courant du fait que ses soldats de l'ABiH,

24 sous son commandement, avaient commis ces crimes à Bugojno comme ceci est

25 écrit dans l'acte d'accusation qui vous est présenté.

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1 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, on a beaucoup parlé des

2 arguments de la Défense dans leur mémoire en clôture sur le point de savoir

3 si l'accusé, le général Hadzihasanovic, possédait les informations voulues

4 en ce qui concerne Bugojno, de façon à pouvoir satisfaire les conditions

5 prévues pas le Statut.

6 Dans ce contexte, de nombreuses preuves viennent étayer les thèses de

7 l'Accusation et je souhaiterais attirer votre attention, tout d'abord, sur

8 la note de bas de page 1005, à la page 169 du mémoire final de

9 l'Accusation. Dans l'intérêt de gagner du temps, je ne lirai pas l'ensemble

10 de la note mais il ressort des éléments de preuve, l'on voit que dès le 24

11 juillet 1993, l'accusé Hadzihasanovic était au courant du fait que ses

12 subordonnés avaient fait prisonniers un grand nombre de soldats du HVO et

13 avaient mis en détention un nombre encore plus important de détenus et un

14 nombre encore plus important de civils non bosniens et, à cet égard, je

15 souhaiterais que pendant vos délibérations, vous preniez bien en

16 considération les pièces P437, P608.

17 Là encore, le 26 juillet 1993 sera, en ce qui concerne l'ordre de Senad

18 Dautovic [phon], vous avez la pièce présentée par l'Accusation P654 et là

19 encore, l'ordre de Rasim Delic, donné le 27 juillet 1993, où il a écrit que

20 le commandement du 3e Corps exprimait ses préoccupations concernant le

21 traitement de la population croate à Bugojno et ordonnait que les membres

22 du HVO, qui avaient participé aux combats contre cette unité, soient

23 traités comme des prisonniers de guerre et qu'on devait agir à leur égard

24 conformément aux dispositions des conventions de Genève concernant les

25 prisonniers de guerre.

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1 Malgré ce qui précède, les éléments de preuve démontrent que l'accusé

2 Hadzihasanovic n'a pas pris les mesures nécessaires pour agir. Par exemple,

3 il n'a pas appliqué l'ordre précité de Rasim Delic, le 27 juillet 1993,

4 immédiatement ou après, pour simplement vérifier si les fondements --

5 enfin, pour s'assurer quels étaient les fondements des nombreuses

6 allégations à ce sujet.

7 Indépendamment de cela, l'Accusation a présenté des témoins, notamment, la

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 Je pourrais continuer ainsi longtemps, Monsieur le Président, Madame,

13 Monsieur les Juges, mais le temps ne permet pas de le faire et je vous prie

14 -- ou je voudrais tirer votre attention sur la pièce à conviction présentée

15 par l'Accusation, numéro 441. C'est un synopsis, un résumé qui montre que

16 quelques semaines plus tard seulement, le 14 septembre 1993, l'accusé

17 Hadzihasanovic a donné des instructions selon lesquelles les commandements

18 du Groupe opération devaient --

19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 La pièce à conviction 441, présentée par l'Accusation, est un

25 synopsis qui montre que quelques semaines plus tard seulement, le 14

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1 septembre 1993, l'accusé, le général Hadzihasanovic, a donné pour

2 instruction au commandant du Groupe opérationnel Zapad, la 307e Brigade

3 motorisée, de faciliter l'accès de la Croix Rouge internationale aux

4 prisonniers de guerre accès à Bugojno les 20 et 21 septembre 1993. Il y a

5 lieu de relever que trois ou quatre mois plus tard, après ledit rapport,

6 ceci l'a fait trois ou quatre mois après avoir eu connaissance de ce

7 rapport qui mettait en garde en ce qui concerne ces tortures, ces

8 traitements cruels et ces décès.

9 Nous voyons que cet accès également de la mission de la Communauté

10 européenne et de ceux qui se trouvaient sur place, localement, l'accusé n'a

11 pas autorisé l'accès ou plutôt par ses subordonnés, ce n'est que beaucoup

12 plus tard et petit à petit qu'il a autorisé un tel accès contrairement à

13 l'esprit des conventions de Genève. Les allégations concernant le décès de

14 Mario Zrno et Mladen Havranek, qui avaient été sauvagement battus et qui

15 ont fini par causer leurs morts et pour lesquels les autorités, après

16 enquête, avaient dit que les allégations, en fait, étaient bien fondées et

17 vraies, sont un nouvel exemple encore du fait que le général Hadzihasanovic

18 était, en réalité, bien au courant, avait été mis bien au courant de ce qui

19 s'était passé et de ce qui se passait dans les centres de détentions de

20 Bugojno.

21 Un autre témoin a dit que, lors de son retour après une visite à Bugojno,

22 il avait personnellement écrit un rapport concernant l'incident en

23 question, notamment, dans le magasin de meubles dans lequel un prisonnier

24 était mort. Il a par la suite déclaré qu'il avait transmis ce rapport à son

25 supérieur. Ce ne sont là que quelques exemples des éléments de preuve qui

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1 ont été présentés en ce qui concerne le fait que l'accusé était au courant

2 et l'Accusation soutient que ceci a été communiqué au général

3 Hadzihasanovic, qu'il était au courant.

4 Ce sont quelques exemples du fait que le général Hadzihasanovic était tout

5 à fait au courant ou qu'on l'a mis au courant de ce qui s'était passé dans

6 les centres de détention de Bugojno, pour lesquels il n'a pris aucune

7 mesure visant soit à prévenir, soit à punir les auteurs, ceux qui en

8 auraient les auteurs.

9 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, du point de vue

10 de l'Accusation, ceci répond pleinement aux critères -- satisfait

11 pleinement aux critères juridiques pour démontrer que le général

12 Hadzihasanovic, l'accusé savait, était parfaitement au courant et était

13 suffisamment au courant pour commencer des enquêtes, ce qu'il n'a pas fait

14 et s'il l'a fait en l'occurrence, c'est beaucoup plus tard, longtemps après

15 ces violations aient été commises.

16 A moins que vous ayez besoin de renseignements supplémentaires ou

17 sous d'éclaircissement, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

18 Juges, ceci au nom de l'Accusation, la position, ceci a trait aux chefs

19 d'accusation 3 et 4 de Bugojno, la ville de Bugojno dans la municipalité de

20 Bugojno. Je vous remercie.

21 M. NEUNER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

22 Monsieur les Juges. Bonjour à tous dans le prétoire. Dans un instant, je

23 vais commencer à faire un exposé concernant Guca Gora, en juin 1993. Après,

24 je parlerais d'Orasac en octobre 1993 et Vares en novembre 1993. Donc,

25 j'essaie de suivre un ordre chronologique.

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1 Pour commencer par Guca Gora. Le contrôle de l'ABiH sur Guca Gora s'est

2 établi le 8 juin 1993. Nous avons comme source le document P465, un rapport

3 régulier des opérations du Groupe opérationnel de Bosanska Krajina, qui

4 porte 19 heures comme indication dans les titres, qui parlent du fait que :

5 "La 306e Brigade de Montagne a capturé le village de Guca Gora." La

6 question est de savoir si, tout particulièrement dans la matinée du 8 juin,

7 à Travnik, à quelques kilomètres de là il y avait eu une résistance

8 quelconque ou quelque chose qui permette de le prévoir. Il avait eu un

9 incident avec les Moudjahiddines qui étaient entrés dans l'église de Saint

10 Jean-Baptiste à Travnik, elle avait démoli. A ce moment-là, l'ABiH avait

11 établi son contrôle sur Guca Gora au cours de la journée. Cet incident doit

12 avoir été connu, puisque le témoin avait déjà été là dans la matinée à

13 Travnik et avait vu ce qui s'y faisait et ce qui se fait à l'église.

14 Je voudrais vous parler brièvement du statut du village de Guca Gora, au

15 moment où l'ABiH l'a prise, et le témoin, Camdzic, a dit aux membres de la

16 Chambre : "Alors que nous marchons à travers Guca Gora, je n'ai pas pu voir

17 de dommage. Il y avait probablement des étables qui avaient été incendiées,

18 mais le reste du village était intact. Il n'y avait pas de dommage ou de

19 destruction."

20 Ce qui a été observé par d'autres témoins était que des meubles se

21 trouvaient très visibles à l'extérieur du monastère ou sur la rue. Par

22 exemple, le 13 juin, l'un des témoins, Bower, a dit : "Il y avait beaucoup

23 de mobiliers hors de l'église." De même, le 15 juin [comme interprété], un

24 témoin, Mahir, a dit : "Qu'il y avait certains objets devant le monastère."

25 Là encore, un autre témoin, le 12 juin, M. Radic, en se servant de

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1 jumelles et en regardant depuis Cifluk, village avoisinant, a observé que :

2 "Des tracteurs et des remorques étaient garés devant notre couvent à Guca

3 Gora," qu'il a vu des personnes en uniforme ainsi que des civils, des

4 femmes qui portaient des pantalons bouffants musulmans.

5 Donc l'Accusation dit qu'il y a là une indication du fait que le fait

6 d'avoir encerclé le monastère où on a vu le mobilier, que la présence de ce

7 mobilier pourrait indiquer qu'il y avait un point où

8 -- un point de collection autour du monastère.

9 Je voudrais maintenant traiter de la question des Moudjahiddines et,

10 plus particulièrement, d'une question difficile : comment est-ce que les

11 Moudjahiddines sont venus à Guca Gora ?

12 Pour commencer, l'heure exacte de l'arrivée des Moudjahiddines à Guca

13 Gora n'est pas claire; toutefois, certaines indications concernent leur

14 mouvement avant cet événement, au cours des journées qui ont précédé.

15 Le premier document, que je souhaiterais présenter aux membres de la

16 Chambre, est daté du 22 mai et vous voyez là un extrait qui porte la

17 référence P474, un extrait de ce qui est dit par Sefir Terzic. Vous voyez

18 Mehurici à l'époque, le 22 mai 1996. Vous avez 92 soldats de la 7e Brigade

19 de Montagne musulmane. Le 25 mai, document DH1071, une note officielle du

20 témoin, Delalic, adressée à la sécurité militaire du 3e Corps, il fait état

21 d'un groupe de Moudjahiddines cantonnés à Mehurici et, du fait qu'ils ont

22 effectué un reconnaissance d'un point élevé, à savoir, Probijeno Brdo, dans

23 le secteur de -- élévation, 1 009. Vous voyez là encore ce nom de Probijeno

24 Brdo. Donc le 25 mai 1993, il y a eu des mouvements des Moudjahiddines que

25 vous pouvez voir ici.

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1 Si je vais un peu en arrière, on peut lire : "Les Moudjahiddines

2 étaient dirigés par Ramo Durmis."

3 Le 27 mai, il y a un ordre que l'on trouve au document P481, qui dit

4 dans la partie pertinente : "Le commandant de la

5 1ère Compagnie du 1er Bataillon de la 7e Brigade de Montagne musulmane a

6 redéployé 20 soldats du secteur de Mehurici au village de Radojcici."

7 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, l'Accusation

8 soutient que ce commandant de la 1ère Compagnie du

9 1er Bataillon était effectivement Ramo Durmis.

10 Si vous avez un moment pour regarder la carte qui est là, vous verrez

11 que Radojcici se trouve dans la partie inférieure, à peu près à trois --

12 enfin, deux kilomètres et demi à trois kilomètres de distance de Guca Gora.

13 Ce transfert -- ce redéploiement a eu lieu le 27. La question qui se pose

14 est de savoir : est-ce qu'il a été effectué le 29 mai 1993 ?

15 Il y a donc eu une reconnaissance autour de Radojcici et vous voyez

16 qu'il y a un rapport de journal de guerre, ou de journal de marche de la

17 306e Brigade de Montagne, C18, dont l'extrait pertinent dit : "A 13 heures,

18 pendant en plein jour, un rapport de Radojcici u'un éclaireur était porté

19 disparu, un éclaireur de la 7e Brigade de Montagne musulmane." Donc ceci

20 indique bien que ce transfert avait effectivement eu lieu.

21 Quel était l'objectif de cette reconnaissance ? Vous avez été à Guca

22 Gora, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, et j'ai été

23 informé du fait que vous êtes également allés à Cifluk. Je souhaiterais

24 vous montrer un extrait d'une séquence vidéo maintenant, puisque vous avez

25 été sur les sites. Je voudrais vous demander d'essayer de vous remémorer où

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1 se trouvaient les clochers de l'église, le devant de l'église, dans quelle

2 direction était situé l'avant de l'église pour ainsi dire dans la vallée.

3 Je vais vous montrer maintenant un petit extrait, le P482, l'indicatif

4 horaire est de 1 heure, 8 minutes, 34 secondes sur la vidéo.

5 [Diffusion de cassette vidéo]

6 M. NEUNER : [interprétation] Vous venez de voir cette petite séquence où on

7 voit les clochers, et je voudrais vous demander juste pour un instant de

8 regarder à nouveau la carte. Le monastère est là et il y a un cercle autour

9 et, si vous pouvez juste un instant regarder la carte pour ce qui est de

10 cet angle lorsqu'il y a eu cette reconnaissance qui a été effectuée,

11 reconnaissance du monastère.

12 Vous avez vu la vidéo au cours du procès vous savez ce qui suit, à

13 savoir qu'un certain groupe est entré dans le monastère, à ce moment-là.

14 Je voudrais parler des effectifs -- de la force des effectifs des

15 Moudjahiddines au monastère. Merdan s'y rend du côté du 11 au 12 juin 1993.

16 Il est là pendant quatre à cinq heures et combien y a-t-il de

17 Moudjahiddines qu'il voit ? "Dix à 15 se trouvaient dans la cour pour la

18 plupart, et tout au moins c'est ce qu'a dit un traducteur," c'est cela

19 qu'il a dit.

20 Sur ce site, quelques jours plus tard, le commandant supérieur Mahir

21 décrit comme étant un groupe. Il mentionne la présence de plusieurs

22 étrangers, d'Arabes et ainsi que de locaux : "Peut-être 15 ou 20 parmi ceux

23 qu'il a vus." Il poursuit et il dit : "Au total, pas plus de 25 -- 20 à

24 25." Donc, il semble qu'il s'agissait d'un groupe stable qui allait de 15 -

25 - 10 à 20, 25 hommes.

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1 Deux jours plus tard -- ou quelques jours plus tard, après les

2 visites de Merdan, Hadzihasanovic a écrit au commandement Suprême : "Je

3 demande votre opinion et votre position concernant la solution à apporter à

4 ce problème."

5 Vous avez entendu la déposition concernant la façon dont pour finir

6 les Moudjahiddines, nous disons à la police militaire, elle faisait face

7 aux Moudjahiddines, et la question est de savoir : quand est-ce que les

8 hommes de la police militaire ont reçu cette mission du 3e Corps ?

9 Le témoin, Mahir, dit : ":Le 15 ou le 16 juin." Il n'est pas

10 absolument sûr de cela. Donc, entre le moment, disons, où les

11 Moudjahiddines sont arrivés, Merdan les a rencontrés le 11 ou le 12, et le

12 15 et le 16, lorsque la mission a été confiée, il y a eu un temps de

13 préparation. Les Moudjahiddines étaient déjà depuis un certain temps autour

14 du monastère. Comme je l'ai dit, leur mobilité était clairement réduite. Ce

15 groupe, la taille de ce groupe était en quelque sorte stable, et à la

16 différence des sites de Mehurici et d'Orasac pour ce groupe, le monastère

17 qui se trouvait dans une vallée éloignée, le monastère lui-même se trouve à

18 côté de la route principale entre les deux grandes villes, Travnik et

19 Zenica. Donc, apporter et faire venir des renforts pour une opération était

20 facile. Il était facile d'obtenir cela, tout particulièrement puisque ce

21 territoire venait récemment d'être libéré.

22 Quel était le mandat ou la mission de cette opération finalement, de

23 cette Opération de Police militaire ?

24 M. Mahir a dit dans sa déposition : "Notre but était d'entrer dans

25 les locaux et d'empêcher qu'ils soient détruits. C'était notre objectif

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1 principal. Nous voulions remplir la mission qui nous avait été donnée à

2 Zenica et qui était de protéger ce bâtiment."

3 Donc, il n'y avait pas de mission consistant simplement à rester sur

4 place.

5 Quelles étaient les ressources qui avaient été fournies par le 3e

6 Corps pour effectuer cette tâche ? Selon Mahir, dans sa déposition : "Nous

7 étions au total 26 -- 13 -- excusez-moi, 16 à la police militaire du 3e

8 Corps, puis 10 -- environ 10 soldats de la 306e Brigade."

9 Au cours de cette période pendant laquelle la police militaire se

10 trouvait sur les lieux, M. Mahir dit, je cite : "Nous avons même menacé de

11 faire venir des renforts de Zenica pour qu'une autre unité vienne nous

12 prêter main forte."

13 Toutefois, Mahir a indiqué -- a ajouté : "Nous n'avons pas été en

14 contact avec une autre unité de façon -- donc, évidemment, les ressources,

15 qu'avait fournies le corps, n'étaient pas si larges que cela."

16 Mais M. Mahir poursuit : "Je ne l'ai pas essayé d'arrêter qui que ce

17 soit. Je ne pouvais pas protéger le bâtiment que j'avais été envoyé pour

18 protéger. Il y avait d'autres personnes qui pourraient arrêter et établir

19 l'identité et faire toutes ces autres choses."

20 Il parle même du fait qu'il y a eu un accord. Si je peux utiliser une

21 expression civile, je cite : "Nous sommes parvenus à un accord lorsque nous

22 sommes entrés dans les locaux, tel était notre objectif. Notre intention

23 n'était pas d'arrêter qui que ce soit."

24 Dans quelle direction est-ce que les Moudjahiddines sont partis,

25 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges ?

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1 M. Mahir répond à cette question, il dit : "Ils sont ensuite allés vers

2 Travnik, vers le village, et nous ne les avons pas suivis."

3 Il ajoute plus tard : "Je dirais qu'ils sont partis dans le secteur

4 qui était contrôlé par le 3e Corps."

5 Le Témoin HF -- excusez-moi, le Témoin HE, les témoins, Sefer et

6 Eminovic, travaillaient tous dans les domaines de la sécurité ou dans le

7 secteur des échanges et ont recueilli des déclarations. Ils connaissaient

8 bien les techniques d'enquêtes et ils sont arrivés après que la sécurité du

9 monastère ait été assurée; toutefois, ils n'ont pas pris de photos des

10 inscriptions arabes -- en arabe. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils ont

11 simplement repeint par-dessus. Ils n'ont recueilli aucune déclaration et

12 pris aucun document concernant les dommages. Il a été soutenu que la police

13 militaire de la 306e Brigade dans les jours qui ont précédé le fait de

14 mettre le monastère en sécurité. Pourquoi est-ce que la police militaire de

15 la 306e Brigade n'ait pas été -- n'a pas été interviewée ?

16 En fait, le fait de peindre -- de repeindre par-dessus les

17 inscriptions sans prendre de photos veut dire qu'il y a eu modification du

18 site et des éléments du site sur lequel avait eu lieu ces infractions.

19 Je voudrais maintenant évoquer la question : est-ce que le SVK, le

20 commandement Suprême était en faveur de l'accord selon lequel les

21 Moudjahiddines pouvaient partir ?

22 Il y a un ordre de Delic, du commandant suprême, le 16 juin, adressé

23 à Hadzihasanovic et il est très clair, et il dit : Envoyez ces groupes à

24 Igman et, dans le cas où ils n'accepteraient pas de le faire, ne leur

25 donnez aucune hospitalité et, éventuellement, désarmez-les."

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1 Vous remarquerez que cet ordre est daté du 16 juin, à 15 heures 15.

2 Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, Mahir ne le sait pas très bien

3 quand il s'est vu confier cette tâche pour la police militaire, si c'était

4 le 15 ou le 16. Donc, on ne sait pas très bien si cet ordre a trait à Guca

5 Gora, a été donné peu après, s'il y a eu des discussions au sein du

6 commandement du 3e Corps. Avant cela, cet ordre a été envoyé à 15 heures

7 15, le 16.

8 Le même jour, une conversation téléphonique a lieu entre

9 Hadzihasanovic et Halilovic. Ceci ressort de la pièce DH165-3. L'événement

10 précis ou le sujet de la conversation n'est pas très clair. L'Accusation a

11 relevé Visoko et non pas Guca Gora était mentionné à plusieurs reprises. Il

12 n'est donc pas tout à fait clair de savoir quel était le sujet précis de la

13 conversation.

14 Toutefois, je souhaiterais donner lecture d'un petit extrait de cette

15 conversation. La lettre "D" correspond à Dzedo [phon] et "S" pour Sefer.

16 Voilà ce qu'avance l'Accusation :

17 "D : S'agissant des informations que nous avons reçues au sujet de ces

18 étrangers.

19 S : Oui.

20 D : Cela ne peut pas être fait ainsi.

21 S : Vraiment.

22 D : Absolument pas. C'est ma troisième ligne de front.

23 S : Non mais, essaie, c'est ordonné ici. Deux l'ont signé, vas-y. Est-ce

24 que tu me comprends.

25 D : Essaie d'envoyer un ordre sans cette deuxième partie et ordonne

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1 seulement de les envoyer là haut."

2 Comme vous pouvez le voir, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

3 Juges, au début de cet extrait, Dzedo parle d'information qu'il a reçue.

4 Quelle information est-ce que Hadzihasanovic avait à sa disposition, le 16

5 juin 1993 ?

6 Comme je l'ai déjà dit, il y a eu une rencontre de quatre ou cinq

7 heures avec les Moudjahiddines, le 10 ou le 11 juin. Merdan a fait état de

8 cela à Hadzihasanovic. Le Témoin HF, lorsqu'on lui a posé des questions au

9 sujet de Ramo Durmis, a déclaré, je cite : "Il y avait des rapports

10 indiquant qu'il se trouvait avec un petit groupe autour du monastère de

11 Guca Gora, un groupe de Moudjahiddines qui causait des problèmes là-bas,

12 lorsque l'armé a voulu protéger le monastère." Il est donc question d'un

13 petit groupe, c'est ce qu'a dit le Témoin HF. Là encore, comme il est

14 question de Visoko dans la conversation, je l'ai dit plus tôt, on ne sait

15 pas très bien à quel événement cette conversation a trait. Mais il s'agit

16 très certainement des étrangers, des problèmes causés par ceux-ci.

17 Le témoin, Duncan, a commenté l'ordre donné par Delic et a

18 dit : "Après avoir reçu cet ordre, Hadzihasanovic doit alors décider où

19 sont ses priorités."

20 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, l'Accusation

21 soutient que les effectifs, accordés pour l'opération de Guca Gora,

22 illustrent les priorités du commandant. Je ne suis pas sûr du chiffre

23 précis, mais le corps était composé d'environ de 25 000 hommes,

24 27 000 hommes étaient à sa disposition. Un cessez-le-feu a été conclu avec

25 le HVO le 13 juin 1993, comme il ressort de la pièce DH 238, si bien qu'au

Page 19070

1 moment de la sécurisation de Guca Gora, le cessez-le-feu était en vigueur.

2 Combien de policiers militaires ont alors été envoyés ? 26.

3 Mais quelle était l'importance de la menace constituée par les

4 Moudjahiddines à Guca Gora et quelle était l'importance de cette menace aux

5 yeux des officiers du 3e Corps ?

6 Il y a une indication relative à la visite de Merdan, vers le 11 ou

7 12 juin, mais est-ce que Merdan était accompagné par plusieurs soldats afin

8 d'assurer la sécurité des lieux -- ou afin d'assurer sa propre sécurité ?

9 Je vais citer un extrait de la déposition de Merdan. M. Mundis pose

10 une question :

11 "Mundis : Vous nous avez dit que vous étiez avec votre chauffeur à

12 cette occasion. Est-ce exact, votre chauffeur vous a conduit là-bas ?

13 Merdan : Oui, le chauffeur était près du véhicule. Seul le chauffeur

14 a été témoin de cette scène. Oui."

15 Kent-Payne a entendu des remarques faites par Merdan au QG du 3e

16 Corps le 30 juin 1993. Il a dit, je cite : "Il a dit quelque chose du

17 genre, mais vous devez comprendre que les étrangers sont un peu comme le

18 génie dans Aladin. On peut toucher une lampe et faire en sorte que le génie

19 sorte de cette lampe pour vous aider. Mais l'inverse du génie qui rentre

20 dans la lampe, les étrangers, il est très difficile de faire rentrer les

21 étrangers dans leur boîte. Ils sont très difficiles à contrôler."

22 La question des étrangers était très complexe. Merdan

23 explique : "Je ne connais pas très bien la symbolique de la lampe d'Aladin,

24 peut-être que je voudrais dire par là que la question des étrangers était

25 très complexe. Ils étaient présents, nous avions des informations selon

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1 lesquelles ils étaient présents en juin 1993."

2 Parlons de la sécurisation du monastère et de l'accord qui a

3 finalement été conclu et encouragé par le 3e Corps. L'occasion était

4 manquée de sanctionner les Moudjahiddines. Comme ces personnes pouvaient

5 quitter Guca Gora, toute l'unité et tous les auteurs de crimes sont restés

6 sur le territoire de la zone de responsabilité du 3e Corps. Donc on ne sait

7 pas débarrasser de ces gens. Ils sont restés dans la zone de

8 responsabilité. Avec le recul, l'opération de sécurisation de Guca Gora est

9 très importante. Cela marque un événement crucial. Ces gens n'ont pas été

10 expulsés, ils sont restés sur le territoire. Le commandant a donc décidé,

11 si je ne me débarrasse pas de ces gens, ils restent là avec moi. Je leur

12 accorde un statut. Ce qui fut le cas huit semaines plus tard. Ils sont

13 devenus une unité, un détachement.

14 Ayant dit cela, je souhaiterais parler d'Orasac, un événement survenu

15 après la création du Détachement El Moudjahiddines.

16 Parlons tout d'abord des enlèvements qui étaient prévisibles. Lorsque

17 des soldats, des Moudjahiddines, ont été capturés par le HVO, cette unité a

18 réagi en procédant à ses propres enlèvements. Voilà les leçons tirées de

19 l'enlèvement de Totic qui a eu lieu quelques mois avant les événements

20 d'Orasac.

21 Il est dit : "Vers la fin du mois de septembre 1993, [comme

22 interprété] ceci ressort de la pièce C13, journal de guerre du GO Bos,

23 Bosanska Krajina à 8 heures, cinq soldats d'El Moudjahiddines ont traversé

24 la zone d'Oustacha en voiture. Le résultat est inconnu."

25 Une description plus détaillée a été donnée par le Témoin HE, qui dit

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1 : "Vers la fin du mois de septembre 1993, un groupe de cinq Moudjahiddines

2 a perdu son chemin, alors qu'ils voyageaient à partir d'Opara, suivant un

3 convoi du HCR. Alors que le convoi passait les postes de contrôle,

4 lorsqu'ils sont arrivés au village de Trenica, le convoi est passé, les

5 Moudjahiddines les ont suivis. Ils sont entrés à Novi Travnik et quatre ont

6 été tués sur place; la cinquième personne, qui était l'interprète, était

7 citoyenne de la Bosnie-Herzégovine. J'ai appris cela d'Abu Dzafer."

8 Comme je l'ai mentionné plus tôt, vous pouvez voir que sur la carte

9 qu'Opara se trouve au sud de Novi Travnik. Nous y reviendrons plus tard.

10 Le rescapé, l'interprète, comme l'a dit le Témoin HE, a dit : "L'unité

11 était stationnée à Mehurici et de là, nous avons été envoyés aux lignes de

12 front." Il poursuit en disant : "Après l'attaque manquée, nous devions

13 rentrer à Novi Travnik." Après il parle des personnes qui ont été tuées, il

14 mentionne Vahidin. Vous avez entendu ce nom à plusieurs reprises au cours

15 du procès. L'Accusation soutient que Valjudin [phon] ou Vahidin n'est

16 qu'une seule et même personne. Il s'agit du commandant militaire de

17 l'unité, à l'époque.

18 Abu Dzafer rend visite tous les jours au Témoin HE. Il dit au Témoin HE

19 qu'il veut rassembler autant de Croates que possible.

20 Dans la pièce P709, datée du 7 octobre 1993, Beba annonce à la commission

21 d'Échange, qui rencontre le HVO : "A moins que Kadiric ne soit libéré des

22 centres de détention croates, 20 Croates innocents seront arrêtés à Travnik

23 tous les jours, des Croates qui ont décidé volontairement de rester sous le

24 contrôle de l'ABiH."

25 Vous avez entendu des éléments de preuve au sujet des deux vagues

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1 d'enlèvement. La première a eu lieu environ une semaine après ce

2 commentaire et la deuxième, les 18 et 19 octobre, environ 10 jours après ce

3 commentaire. Vous avez entendu des éléments de preuve selon lesquels des

4 témoins, des civils ont été enlevés lors de ces deux vagues d'enlèvement.

5 Des religieux, lors de la première vague et d'autres civils lors de la

6 deuxième vague. Une des personnes enlevées était âgée de 17 ans.

7 Ces personnes ont été emmenées à Orasac. Vous avez entendu des éléments de

8 preuve à ce sujet. Il ne s'agissait pas d'un endroit secret, la 7e Brigade

9 musulmane de Montagne a organisé des réunions à cet endroit dès les mois de

10 juillet et août 1993. L'Accusation renvoie la Chambre aux pièces P501, P500

11 et P611. La pièce P611 est datée du 10 août, quelques jours avant

12 l'information du Détachement ou de l'Unité El Mujahedin. Dans la partie

13 pertinente, il est dit : "Le poste de commandement avancé de la 7e Brigade

14 musulmane de Montagne reste au village d'Orasac, et il n'est pas prévu

15 qu'il soit réinstallé pour le moment."

16 Voilà ce qui est envoyé au commandant de la 7e Brigade musulmane de

17 Montagne. Un poste de commandant avancé se situe dans le village d'Orasac.

18 Que savaient les officiers de l'ABiH au sujet des enlèvements. Ceci était

19 de notoriété publique. M. Popovic a contacté, de nombreuses instances, M.

20 Cuskic, M. Alagic, les instances civiles et militaires ont été contactées.

21 Le 18 octobre, une conversation a lieu entre Duncan et Hadzihasanovic. Ceci

22 figure dans la pièce P216. Dans la partie pertinente, il dit : "Interrogé

23 au sujet des actions menées pas les extrémistes musulmans à l'égard des

24 minorités croates restant dans les zones contrôlées par l'ABiH,

25 Hadzihasanovic a complètement mis de coté la question. Il n'a pas reconnu

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1 qu'il y avait un problème."

2 Ceci a lieu le 15; le 15 commence la première vague d'enlèvements. Les 18

3 et 19, d'autres enlèvements suivent. Ceci date du 18 octobre.

4 Le Témoin HE, là encore, avant la deuxième vague d'enlèvement, a déclaré :

5 "Abu Haris m'a menti plusieurs heures avant l'enlèvement lorsqu'il m'a dit

6 qu'il n'y aurait pas d'autres mesures qui seraient prises." Il y avait des

7 contacts.

8 Je souhaite attirer votre attention sur la date du 22 octobre 1993. M.

9 Duncan parle à M. Merdan, dans la pièce P226. Dans la partie pertinente, il

10 est dit : "M. Merdan a déclaré que le 3e Corps avait confié pour mission à

11 Alagic, commandant du Groupe opérationnel Bosanska Krajina, de régler le

12 problème constant des Moudjahiddines à Travnik."

13 M. Bourgon a posé une question à M. Duncan à ce sujet et il a

14 dit : "Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que ce dont

15 parlait M. Merdan, à l'époque, n'avait rien à voir avec ce dont nous

16 parlons aujourd'hui pour ce qui est de la resubordination, mais qu'il

17 était, en réalité, question de cinq Croates qui avaient été enlevés par des

18 éléments moudjahiddines inconnus à Travnik. Est-ce que cela vous évoque des

19 souvenirs, M. Duncan ?" Il répond par l'affirmative. Il parle ensuite des

20 enlèvements, comme s'en souvient M. Duncan et il est question du 22

21 octobre.

22 Lorsque M. le Juge Swart a interrogé Merdan au sujet de ce même document,

23 il a dit : "Je peux dire en toute responsabilité qu'Alastair Duncan ne m'a

24 jamais dit que des Croates avaient été enlevés à Travnik."

25 Comment interpréter correctement la pièce P226 ? Là encore, je vous

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1 renvoie à la déposition de M. Merdan qui dit : "J'ai signé un ordre ou

2 peut-être même deux ordres au nom du commandant du 3e Corps selon lesquels

3 le Détachement El Moudjahiddine devait être resubordonné au GO Bosanska

4 Krajina, qui était dirigé par le défunt général Alagic. Si je dis que

5 colonel Alastair Duncan a probablement paraphrasé ce que j'ai dit, je

6 souhaite souligner le fait que Duncan ne m'a jamais dit que des Croates

7 avaient été enlevés à Travnik."

8 M. Merdan a parlé d'ordres relatifs à la resubordination, signés au nom du

9 commandant du 3e Corps. Est-ce qu'il y avait resubordination au moment des

10 enlèvements d'Orasac ? Que peut-on déduire à ce sujet à l'examen du journal

11 de guerre du GO Bosanska Krajina. Le 27 octobre à 19 heures, pièce C13, il

12 est fait mention du 24 octobre 1993. Ce jour-là, une attaque a été menée

13 sur les positions du HVO dans le secteur de Novi Travnik, Gornji

14 Vakuf et d'autres endroits. Le texte se poursuit : "Nous avons quatre morts

15 et 17 soldats blessés. El Moudjahiddine a trois morts et huit soldats

16 blessés." On peut voir qu'il y a des combats qui sont menés conjointement.

17 Les endroits qui sont mentionnés ici se trouvent non loin de Rastovci,

18 Rankovska Kosa. Je parlerai de Rastovci dans quelques instants plus en

19 détail.

20 Puis, il y a l'arrestation du soldat Kuduzovic, le lendemain de ces

21 activités de combat menées conjointement. Cuskic a déclaré à cet égard :

22 "La délégation est arrivée à ma caserne, a demandé à être reçue par moi-

23 même. Nous avons passé plus de deux heures à débattre de sujets difficiles.

24 Ceci s'est conclu par des excuses de leurs parts et la libération de ce

25 soldat."

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1 On lui a demandé : "Qui faisait partie de cette délégation ?"

2 Il répond: "Au nom des Moudjahiddines, il y avait Abu Haris, l'émir, le

3 commandant de cette unité."

4 Dans le journal de guerre du GO Bosanska Krajina, 27 octobre, 12 heures 35,

5 il est fait mention du fait que les Moudjahiddines ont demandé que l'un de

6 leurs commandants signe pour la libération de Novi Travnik. Qui l'a obtenu

7 depuis Novi Travnik ? Vous avez vu la carte. Beba a pris des mesures pour

8 l'obtenir.

9 La libération a lieu le 27 octobre. Ceci est mentionné dans le journal de

10 guerre P711 ou C13, 27 octobre - Beba est mentionné de nouveau ce jour-là.

11 Il y a une conversation encore entre Beba et la MCCE au sujet d'Alagic et

12 des Moudjahiddines. Il est dit : "A l'heure actuelle, Alagic a d'autres

13 préoccupations. Lorsque celles-ci seront réglées, il demandera le

14 contrôle."

15 DH1968, paragraphe 7.

16 Deux jours plus tard, le 29 octobre, ou plutôt excusez-moi le 27 octobre,

17 après la libération, Alagic fait une déclaration et il dit : "Comme les

18 otages sont civils, il ne parle pas de Kuduzovic; il nous parle des otages

19 que l'Accusation a mentionné dans l'acte d'accusation. Les otages sont des

20 civils au sens strict et la question ne relève pas de son contrôle." Il

21 ajoute -- que dit

22 M. Alagic ? "Il doit rencontrer les Moudjahiddines ce soir." Je vous

23 renvoie à la pièce P177, paragraphe 5.

24 Lors de cette même réunion, il y a une entrée importante dans la pièce

25 P178. Dans cette conversation on dit : "On a tiré sur un convoi près de

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1 Novi Travnik, à un endroit appelé Rastovci." Vous en avez entendu parler

2 dans cette conversation. Le 27 ou le 29, je ne suis pas sûr, il est

3 question du mois d'octobre toujours que dit Alagic ? "Alagic a nié que ses

4 soldats se trouvaient dans ce secteur" -- et je parle de Rastovci -- "et il

5 a suggéré que des Unités des Moudjahiddines avaient pu s'y trouver parce

6 qu'il parle de Rastovci encore. Si vous examinez cette carte, vous verrez

7 que cela se trouve près de Novi Travnik. Donc, le 3e Corps est informé de

8 façon continue des activités de combat conjointes menées dans ce secteur.

9 M. Alagic a dit qu'il faisait rapport directement au 3e Corps. Donc, en

10 octobre 1993, à qui faisaient rapport les Moudjahiddines ? Alagic, qui

11 devait bien savoir ce qu'il en était, en a parlé.

12 Une réponse partielle peut être trouvée dans la pièce P618. Il s'agit d'un

13 rapport extraordinaire envoyé au commandement du

14 3e Corps : "Adressé au commandant." Pourquoi ? Ce document est daté du 9

15 octobre, soit six jours avant la première vague d'enlèvement à Orasac. Il

16 est dit, je cite : "Des représentants du Détachement El Moudjahiddine m'ont

17 visité aujourd'hui et se sont déclarés prêts à engager une partie de leur

18 unité dans des activités qui seraient menées dans le secteur de Gornji

19 Vakuf." Pas à Novi Travnik, mais à Gornji Vakuf.

20 "Selon eux, cela dépend de vos ordres."

21 Faisaient-ils rapport à Enver Hadzihasanovic ? Là encore, je vous renvoie

22 à la pièce P226 et au commentaire de Merdan : "J'affirme en toute

23 responsabilité que j'ai signé un ordre ou peut-être même deux ordres au nom

24 du commandant du 3e Corps." Il poursuit : "Selon lesquels le Détachement El

25 Moudjahiddine devait être resubordonné au GO Bosanska Krajina."

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1 Le 3 novembre, il y a une conversation avec Sir Martin Garrod. Lorsqu'on

2 lui a posé des questions au sujet des Moudjahiddines, Hadzihasanovic a dit

3 : "Il y en avait plusieurs sortes."

4 M. Hadzihasanovic dit : "Il n'y avait pas d'organisation particulière des

5 Moudjahiddines." Il s'agit de la pièce P181, paragraphe 10, page 8.

6 A l'époque où ce commentaire a été fait par M. Hadzihasanovic, trois

7 civils étaient encore détenus à Orasac. Fisic et Rajkovic ont été libérés,

8 le 6 novembre, trois jours après ce commentaire.

9 M. Adzaip a été libéré après le 5, avant le 11 décembre 1993. La date n'est

10 pas tout à fait claire.

11 Avant la libération de M. Adzaip, entre le 5 et le 11 décembre, un

12 ordre est donné par le commandement du 3e Corps. Ceci ressort de la pièce

13 C13, datée du 5 décembre, 15 heures 30. Qu'est-ce qu'il est dit ici : "Le

14 Détachement El Moudjahiddine doit être resubordonné au GO Bosanska

15 Krajina." Il n'est pas question de "subordination" ici mais de

16 "resubordination."

17 La question est la suivante : Des mesures ont-elles été prises pour

18 ce qui est d'Orasac ? Beba avait entendu parler des intentions d'Abu

19 Dzafer. Il était en contact quotidien avec lui. Des sanctions ont-elles été

20 prises ? Je vous renvoie à l'incident concernant Kuduzovic, le soldat de la

21 17e Brigade de Montagne de Krajina. A ce sujet on verra si des mesures

22 auraient pu être prises. Si une simple brigade, la 17e Brigade de Montagne

23 de Krajina,

24 M. Cuskic peut obtenir la libération de M. Kuduzovic sans l'intervention du

25 corps d'armée. M. Cuskic a menacé de les pilonner, donc on a eu recours à

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1 des menaces d'utilisation de la force, donc si une simple brigade a pu

2 entrer en contact avec cette délégation, Abu Haris lui a rendu visite après

3 cette menace. Il l'a prise au sérieux.

4 Pour terminer, je vous demanderais de comparer cet incident avec

5 l'enlèvement de Totic et les "mesures" prises. Est-ce qu'il y a eu des

6 enquêtes lancées par la police militaire du 3e Corps d'armée ? Comme

7 c'était le cas ou plutôt lors de l'enlèvement Totic ? Vous avez entendu les

8 positions à ce sujet. Est-ce qu'il y a eu des mesures prises par la police

9 militaire du 3e Corps d'armée à Orasac ? Est-ce que nous avons eu des

10 éléments de preuve portant sur la coopération entre l'ABiH et le CSB de

11 Zenica, comme c'était le cas dans l'enlèvement de Totic ? Est-ce qu'il y a

12 eu des visites sur le site des camps ou des emplacements des

13 Moudjahiddines ? Est-ce qu'il y a eu des visites de Salko Beba, mais est-ce

14 qu'ils se sont rendus sur place ? Puis, nous pouvons faire une autre

15 comparaison à l'enlèvement Totic où nous pourrons voir que le HVO et les

16 représentants internationaux ne se sont pas rendus aux lieux de détention.

17 Il n'y a pas de campagne visant -- à montrer ces sites ou ces zones. Il n'y

18 a pas eu de telle campagne.

19 Puis, pour terminer, je vais parler de Vares et en ce qui concerne le

20 calendrier, ceci se recoupe en partie avec les événements d'Orasac. Comme

21 je l'ai déjà dit, Orasac se poursuit jusqu'au 5 décembre, mais nous pouvons

22 tirer un certain nombre de parallèles. Cependant, il s'agit d'un incident

23 différent. Vous avez entendu des éléments de preuve au sujet des actes

24 provoqués par la colère ou le souhait de se venger de la part des forces de

25 l'ABiH, qui s'étaient déplacées dans une ville abandonnée. La question est

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1 de savoir si ces actes de vengeance et de colère avaient été prévisibles.

2 Il y a eu le massacre à Stupni Do. Vous avez entendu les éléments de

3 preuve, les dépositions. Ceci s'est passé vers la fin octobre 1993. C'était

4 un signe clair indiquant qu'il risque d'y avoir des actes de vengeance,

5 compte tenu du fait que le HVO avait commis un crime grave. M.

6 Hadzihasanovic a eu une conversation avec

7 M. Garrod - là je vous fais référence à la pièce à conviction P181, page 7,

8 paragraphe 2 - et il a dit : "Hadzihasanovic a dit qu'il venait de rentrer

9 de Vares. Il a dit que le HVO avait fait de graves erreurs et que suite à

10 un massacre il a été dit difficile de contrôler les soldats de l'ABiH."

11 Donc, cela c'était en octobre 1993. Le témoin a dit, au cours de sa

12 déposition, je cite : "Cette période de temps est bien connu en tant qu'une

13 période famine en Bosnie centrale." Puis il continue, en disant : "Tout

14 particulièrement à Breza, Zenica et Vares."

15 Il existe un ordre de combat, envoyé par M. Hadzihasanovic à Kubura,

16 le 3 novembre 1993. Là je vous réfère à la pièce P674, paragraphe 5. Vous

17 pouvez y lire et voir que le commandant du

18 3e Corps d'armée est tout à fait conscient du danger, à ce moment-là. Sur

19 le plan formel, M. Hadzihasanovic n'était pas toujours le commandant du 3e

20 Corps d'armée; cependant, cet ordre a été envoyé à M. Kubura et il est

21 écrit - on donne des instructions à M. Kubura : "Ne permettez pas d'actes

22 de vengeance ou de massacre. Traitez du butin de guerre conformément à

23 l'esprit de l'ordre émanant du commandement du 3e Corps d'armée."

24 Donc, il s'agissait d'une opération qui impliquait plusieurs corps

25 d'armée, l'opération visant à prendre le contrôle de Vares. Delic a reçu

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1 pour tâche de déployer trois différents corps d'armée dans le cadre de

2 l'opération Vares. Ceci figure à la pièce DH1513. Il s'agissait en effet du

3 2e, 3e et 6e Corps d'armée. L'ordre de Hadzihasanovic à Kubura, en date du 3

4 novembre, au paragraphe 4, l'ordre que j'ai mentionné tout à l'heure, P674,

5 donne des instructions à Kubura, y compris concernant devant qui il est

6 responsable. Il s'agit : "Du commandant du GO Est, c'est la personne qui va

7 commander toutes les forces à Vares."

8 Vous pouvez voir certains ordres qui ont été émanés -- versés au

9 dossier et qui émanent du GO Est, et qui ont été renvoyés au

10 3e Corps d'armée. Là, je fais référence à la pièce P445, P676 et P793. Puis

11 nous avons P446 où le 3e Corps d'armée donne des instructions au GO Est,

12 pour qu'il soit clair qui est responsable devant qui.

13 M. Kubura, la dernière fois qu'il est arrivé au poste de commandement

14 avancé à Strijezevo, c'était le 3 novembre. Ceci figure à la pièce 446,

15 page 1.

16 La question de savoir est la suivante : est-ce que les plans avaient

17 changé ? Nous avons deux documents, P674 et P474, qui nous parlent de l'axe

18 le long du lequel la 7e Brigade musulmane de Montagne devait fonctionner,

19 devait agir. Puis, initialement, la 7e Brigade de Montagne musulmane devait

20 rester le long d'un certain axe autour de Vares. Puis nous avons la pièce

21 P448, page 11, où il est dit également quelque chose au sujet des axes. Le

22 plan était d'engager seulement la 7e Brigade de Montagne musulmane dans

23 l'axe de Visnjevik-Mir-Stupni Do-Tisovci-Przic-Dastansko, et l'axe Visenje

24 Croix Rouge Internationale-Mir-Stupni Do-Tisovci-Przic-Dastansko, et deux

25 [imperceptible].

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1 Cependant, dans la pièce P461, nous pouvons lire, je cite : "Nos

2 unités sont arrivées tôt dans la matinée du 3 novembre 1993 et, au cours de

3 la nuit - et je suppose qu'il y est fait référence à la nuit du 3 à 4

4 novembre - nous avons reçu pour tâche de la part du commandant de la

5 brigade d'aller à Vares, tôt dans la matinée du 4 novembre." Donc, il

6 fallait rester sur l'axe où aller à Vares même.

7 La question de savoir dans le cadre de cette opération, qui

8 impliquait plusieurs corps d'armée, donc la question est de savoir comment

9 d'autres commandants, même leur supérieur ont réagi face à ce changement.

10 Ici, je fais référence au commandant du groupe tactique de Vares et au chef

11 d'état-major, donc, la personne qui était le supérieur hiérarchique, par

12 rapport à Amir Kubura. Il s'agit de la pièce P448, page 11, que dit le

13 commandant : "La tâche n'a pas été effectuée, accomplie entièrement, compte

14 tenu du fait que les troupes ne sont pas allées plus loin que Bijelo Borje

15 et Tisovci, mais elles se sont dirigées vers la ville." Donc, elles n'ont

16 pas gardé les mêmes positions, mais elles se sont dirigées vers la ville.

17 L'Accusation considère que la 7e Brigade musulmane de Montagne a été

18 le fer de lance de l'opération menée au sud, afin de prendre le contrôle de

19 Vares. Le témoin, Podzic a dit devant ce Tribunal : "Environ un quart

20 d'heure après notre entrée," - et là il parle de la banlieue de Vares -

21 "donc environ un quart d'heure après notre entrée, plusieurs autres unités

22 sont arrivées." Quelle a été la tâche de ces unités ? Leur tâche et là, je

23 cite : "Leur tâche était de prendre le contrôle des lignes que nous avions

24 établies." Donc, qui avait établi les lignes ? C'était la 7e Brigade de

25 Montagne musulmane, qui était le fer de lance dans le cadre de cette

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1 opération depuis le sud.

2 Encore une fois, P445, le commandant du 6e Corps d'armée mentionne un

3 certain moment à 10 heures 45, le 4 novembre, que la

4 7e Brigade de Montagne musulmane avait été -- était entrée à Vares. Quel

5 est le résultat de cela ? "Ils sont en train de piller tout ce qu'ils

6 voient," d'après le rapport qui correspond à la pièce P445. Ceci est

7 important parce qu'à qui fait-on référence lorsque l'on

8 dit : "Ils pillent." Si vous lisez le texte ici, vous pouvez voir que le

9 chef d'état-major du GO Istok a soumis un rapport indiquant que la 7e

10 Brigade de Montagne musulmane, ou un bataillon de cette brigade, était

11 entrée à Vares en empruntant la route principale. Puis, ensuite, il y est

12 écrit : "Ils pillent." Il n'y a pas de mention d'autres unités ici. Donc,

13 il y est fait référence au Bataillon de la 7e Brigade de Montagne

14 musulmane, c'est eux qui volent et pillent tout ce qu'ils voient.

15 Nous allons encore voir -- nous pencher sur le mot, "tout". Il y est

16 -- on fait référence à ce mot "tout" dans la pièce P676 également. Puis

17 cette pièce porte également sur l'échelle des destructions et des pillages,

18 je cite : "Ce matin les Unités de l'ABiH, la 7e Brigade de Montagne

19 musulmane sont entrés dans la ville de Vares. Ils sont arrivés dans la

20 ville et ont créé un chaos généralisé. Ils sont en train d'incendier tout."

21 Puis, ensuite, il est écrit : "D'autres commandants se sont joints à eux

22 dans les pillages et les incendies." La question est de savoir à quel

23 moment les autres se sont joints à eux.

24 Puis nous avons une personne qui appartenait à la 7e Brigade de

25 Montagne Musulmane et qui parle également du butin de guerre. Il s'agissait

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1 d'une personne qui appartenait au 2e Bataillon de la

2 7e Brigade de Montagne musulmane. Vous avez entendu des dépositions au

3 sujet de ce bâtiment qui se déplaçait à travers Vares, qui n'était pas

4 resté à Majdan. Puis ici M. Dizdarevic [phon], et nous avons la pièce P476,

5 qui mentionne : "Le bâtiment s'est organisé afin de recueillir le butin de

6 guerre. Tout d'abord, la nourriture, mais ceci n'était pas le cas en ce qui

7 concerne d'autres unités de la brigade ou la brigade elle-même." Donc, une

8 personne qui faisait partie de ces structures au préalable parle ici de la

9 manière dont il recueillait le butin de guerre pour principalement la

10 nourriture. Ceci avait été effectué par le 2e Bataillon. Mais il continue :

11 "Mais nous ne pouvons pas dire la même chose des autres unités de la

12 brigade." Il nous parle d'autres brigades. Il parle d'après l'Accusation de

13 sa propre brigade, mais d'autres unités de cette brigade, donc visiblement

14 il y avait une organisation concernant les articles qui ont été -- qui

15 avaient été pillés à Vares.

16 Puis, je souhaite parler maintenant de destruction et des échanges de tirs

17 dans la ville abandonnée. Tout d'abord, dans un ordre de combat de M.

18 Hadzihasanovic mentionné tout à l'heure P674 et le paragraphe 4 où il est

19 dit : "Si la ville a été abandonnée, il faut organiser une attaque et

20 libérer Vares." Donc, il parle d'une ville abandonnée. Ceci est en date du

21 3 novembre. Kubura répond : "Au cours de la nuit, celle du 3 au 4 novembre

22 la population est en train de fuir en masse à bord des véhicules privées et

23 de transport." Il doit s'agir de la population croate de Vares. Ensuite, il

24 continue : "La partie inférieure de la ville est complètement vide." Nous

25 avons des indices dans lesquels la ville avait été abandonnée. Kubura,

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1 grâce aux activités de reconnaissance avant le 7, savait que la ville avait

2 été abandonnée et, notamment, la partie au sud. Puis, c'est à cet endroit-

3 là qu'il y a ces échanges de tirs, qu'il y a des tirs.

4 L'Accusation souhaite attirer votre attention sur deux points

5 concernant ce sujet. Podzic a dit au cours de sa déposition : "Ceci se

6 passait dans la banlieue de la ville. Une telle formation," - et nous avons

7 entendu parler - "de cette formation en forme de V y existait et le

8 mouvement continuait jusqu'à ce qu'il n'entre dans la ville." Mais là, il

9 se limite à la banlieue de la ville d'après les dires de M. Podzic devant

10 ce Tribunal.

11 Puis Birger a raconté une autre histoire. Il dit : "Nous avons

12 rencontré ces soldats qui procédaient aux attaques dans une place." C'est

13 là où se trouvait la maison du maire et où est la maison du maire à Vares ?

14 D'habitude, leurs maisons sont dans le centre-ville. Puis M. Birger dit un

15 peu plus tard dans sa déposition : "Je les ai rencontrés au centre de Vares

16 plus ou moins au centre, c'était sur une place près de la maison du maire."

17 Est-ce que c'était dans la banlieue, ou est-ce que c'était au centre de

18 Vares ? Est-ce que ces tirs en formation de V existaient seulement dans la

19 banlieue ? Ou est-ce que ceci se déroulait également dans la ville ? Qui

20 dit la vérité ? L'Accusation considère que M. Birger, qui était un

21 observateur indépendant et qui ne prenait pas part aux hostilités, dit la

22 vérité. A la différence de M. Podzic, M. Birger connaissait Vares très bien

23 puisqu'il y avait été stationné en permanence. Donc il connaissait très

24 bien cette ville.

25 Kubura avait le commandement et le contrôle de l'opération et l'ordre

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1 du 1er novembre, P212 [comme interprété], émanant de Hadzihasanovic adressé

2 à la 7e Brigade de Montagne musulmane dit : "Le commandant de la brigade

3 utilisera les unités conformément à ses pouvoirs discrétionnaires." Le 3e

4 Corps d'armée clarifie qui commande. Ici la 7e Brigade de Montagne

5 musulmane.

6 Puis, un autre détail, le 4 novembre, M. Musija a déposé au sujet de

7 Motorolas. Il les a reliés. Il a établi un lien entre eux et les

8 commandants de bataillons à Vares qui agissaient dans la ville. Puis ceci a

9 été indirectement confirmé également par Podzic, qui était dans la partie

10 nord de la ville, et il a déposé devant ce Tribunal en répondant à la

11 question de savoir : "Qui vous avait donné cet ordre ? Il a répondu : "J'ai

12 reçu l'ordre de la part du commandant de la brigade, M. Kubura. C'était un

13 ordre écrit qui a été transmis aux autres officiers à la fois de manière

14 orale et par écrit." Donc, nous avions des ordres donnés de manière orale

15 ce jour-là et des ordres transmis par le biais des Motorolas, puis il y

16 avait également des ordres écrits.

17 Quelles mesures ont été prises dans le cadre de l'opération Vares ?

18 Il y avait les pillages et les destructions commises par la 7e Brigade de

19 Montagne musulmane; puis il y avait aussi la présence des autres unités.

20 Vous avez entendu des dépositions à ce sujet. Elles étaient notoirement

21 connues et tous les supérieurs de Kubura et tous les autres hauts

22 commandants ont donné l'ordre de cesser cela. Vous trouverez un grand

23 nombre d'ordres essayant d'imposer rapidement des mesures, des ordres

24 émanant du commandement Suprême, comme P793, P675 du 6e Corps d'armée,

25 P665, P676. Ensuite du OG Est, P445, P676, P793, P675, P468; ensuite du 3e

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1 Corps d'armée, P446. Donc tous les supérieurs pratiquement essayaient

2 d'imposer des mesures.

3 Puis nous avons des indices indiquant que même le 3e Corps d'armée a

4 donné un ordre à la 7e Brigade pour qu'elle engage la police militaire. Le

5 4 novembre à 15 heures 25, dans l'après-midi, il est mentionné ici dans un

6 ordre envoyé au GO Est : "Nous avons donné des ordres aux brigades afin que

7 tous les membres disponibles de la police militaire soient engagés afin

8 d'empêcher le chaos." Donc, le 3e Corps d'armée indique au Groupe

9 opérationnel Est qu'ils avaient donné des ordres aux brigades. Quelles

10 brigades ? Visiblement la

11 7e Brigade Musulmane de Montagne qui était à Vares à ce moment-là.

12 Quelle est la réponse de la 7e Brigade ce jour-là ? DK50 nous dit :

13 "Nous nous sommes retirés." Mais qu'en est-il de l'engagement de la police

14 militaire ? Vous avez entendu que le 3e Corps d'armée disait : "Qu'ils

15 avaient demandé aux brigades d'engager la police militaire," afin

16 d'empêcher les pillages et les destructions de la ville. Il ne parle pas de

17 la banlieue de la ville.

18 Puis, il y a un autre ordre du 5 novembre où on peut voir que quatre

19 mesures différentes ont été mises en œuvre, ont été prises. Puis, pour voir

20 également que ceci, cet ordre avait été donné au commandant de la 7e

21 Brigade. On lui demande d'imposer 4 mesures et quelle a été la réponse de

22 la 7e Brigade de montagne musulmane ? Je vais indiquer, je vais souligner

23 la quatrième mesure, en particulier, où il est dit : "Les véhicules dans

24 lesquels on trouve des combattants de manière qui irait à l'encontre de cet

25 ordre seront saisis."

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1 Donc, nous avons d'abord les trois ordres et, ensuite, nous avons un

2 quatrième ordre portant sur les véhicules. Quelle a été la réponse de la 7e

3 Brigade ? En ce qui concerne les trois mesures, les trois premières

4 mesures, elles ont été plus ou moins accomplies, mais, en ce qui concerne

5 les véhicules qui devaient être saisis, nous avons la pièce P478 qui est

6 donc l'ordre portant sur les véhicules qui devaient être saisis.

7 Nous avons l'ordre 1, 2 et 3. Donc, les trois premières mesures ont

8 été mises en œuvre, mais pas la quatrième. Donc, nous pouvons voir comment

9 la 7e Brigade s'y prenant pour ce qui est de la mise en œuvre des ordres.

10 Donc, ils ne procédaient pas de manière intégrale.

11 Puis, je souhaite parler brièvement des points de contrôle.

12 Vous avez entendu à plusieurs reprises des témoins en train de parler d'un

13 point de contrôle notoirement connu au sud de Vares. Il ne s'agissait pas

14 témoins de l'Accusation. Il s'agissait des témoins de la Défense, qui

15 parlaient de ce point de contrôle et on leur a demandé s'ils avaient vu des

16 membres de la 7e Brigade de Montagne musulmane sur ce point de contrôle au

17 sud de Vares; ils ont dit oui.

18 Puis, il y avait des témoins internationaux, Garrod, je crois, nous ne

19 sommes pas tout à fait sûrs, et il y a eu d'autres témoins qui voyageaient,

20 ce jour-là, qui allaient vers le sud, qui quittaient Vares et ils ont dit,

21 au cours de leur déposition, qu'ils pouvaient aller à Vares et quitter

22 Vares sans problème, au moins, jusqu'à midi du 4 novembre.

23 Donc, où était ce point de contrôle ? Puis, un autre détail. Qui était

24 responsable de ce point de contrôle ? Le témoin Podzic a dit, au cours de

25 sa déposition : "Derrière mon unité,"-- et là, je cite : "Derrière mon

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1 unité, à l'entrée de la ville, il y avait un point de contrôle que la

2 police militaire était en train d'ériger." Le même témoin, un peu plus

3 tard, a clarifié ce qu'il voulait dire : "C'était sur la droite, sur la

4 colline, par rapport à mon unité, donc, c'était sur la colline."

5 Je pense que le compte rendu d'audience, peut-être, n'est pas tout à fait

6 clair. Ici, il est dit que : "Sur la colline, par rapport à mon unité, il y

7 avait la police civile et ils avaient érigé un point de contrôle pendant

8 que je parlais avec l'officier de la FORPRONU." Donc, encore une fois, la

9 police civile était en train d'ériger un point de contrôle après l'arrivée

10 de la 7e Brigade de Montagne musulmane.

11 Puis, nous avons le témoin, Junuzevic, qui a dit, dans sa déposition

12 également : "Il y avait un point de contrôle à Pajtov Han et c'était le MUP

13 qui était en charge." Donc, nous avons deux indices allant dans le même

14 sens.

15 Quelle est la conclusion ? Ce point de contrôle avait été érigé à un

16 certain moment par le MUP, le SJB; donc, ce point de contrôle qui, d'après

17 la Défense existait déjà, il faut savoir que la

18 7e Brigade de Montagne musulmane, il faut savoir quel a été le devoir de la

19 7e Brigade de Montagne musulmane dans une situation où d'autres autorités

20 civiles faisaient fonctionner un point de contrôle et dans une situation où

21 les soldats de cette brigade étaient dans la ville en train de provoquer un

22 véritable désordre.

23 L'Accusation considère que la police militaire de la 7e Brigade de Montagne

24 musulmane n'a pas fait suffisamment lorsqu'elle s'est simplement jointe à

25 la mise en œuvre des mesures appliquées par d'autres autorités chargées de

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1 faire régner l'ordre.

2 Donc, visiblement, ici, nous avons déjà une mesure qui avait été établie

3 par la police militaire et pourquoi la police militaire n'a pas été envoyée

4 en ville afin d'essayer de faire régner l'ordre ?

5 Nous avons la pièce P675, l'ordre donné à Kubura, de cesser toutes les

6 activités dans la ville de Vares et non pas dans la banlieue ou au sud de

7 la ville. Donc, nous avons la police militaire de la 7e Brigade qui était

8 stationnée seulement à l'extérieur de la ville. Il n'est possible ou

9 admissible d'envoyer des soldats dans une ville et de les laisser faire

10 tout ce qu'ils veulent et de garder la police à l'extérieur. Il aurait

11 fallu résoudre le problème sur place et surtout, étant donné que l'on

12 pouvait employer les Motorolas et d'autres appareils dont disposait

13 l'accusé Kubura, à l'époque. Donc, il est très important de se pencher sur

14 ce point.

15 Concernant les mesures, nous avons eu la déposition du témoin, Ahmetovic,

16 qui a confirmé que, pour ainsi dire, Vares relevait de la compétence

17 territoriale du Tribunal militaire de district de Zenica. Est-ce que ce

18 Tribunal a pris certaines mesures ? Puis, nous avons Hasanagic qui dit, en

19 répondant à la question suivante : "Est-ce que vous saviez, Monsieur, est-

20 ce que vous avez vu des documents ou des informations concernant des

21 membres de la 7e Brigade qui auraient fait l'objet d'enquêtes ou qui ont

22 été punis, poursuivis, disciplinés à l'égard des crimes qui avaient été

23 commis à Vares en novembre 1983 ?"

24 Il a répondu : "Non. Pas un seul document de cette nature ne s'est jamais

25 retrouvé entre mes mains et je n'ai pas de connaissances au sujet de telle

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1 poursuite.

2 Il n'est même pas nécessaire de mentionner le fait que nous avons un ordre

3 qui a été versé au dossier.

4 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, ceci conclut la

5 présentation.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. C'est 10 heures et demie. Nous allons faire

7 la pause et nous reprendrons à 11 heures.

8 L'Accusation d'après mes calculs, il lui restera environ une heures

9 dix minutes.

10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

11 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise, l'Accusation peut

13 poursuivre.

14 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Nous allons conclure les conclusions de l'Accusation ce matin, en

16 prévoyant qu'il faudra environ une heure, peut-être quelques minutes de

17 plus, mais, en tous les cas, nous resterons dans le cadre du temps qui nous

18 est imparti.

19 Je vais vous parler brièvement de la question de l'école de musique de

20 Zenica et des mesures de répression, peut-être également quelques

21 commentaires concernant la vallée de Bila, puis je passerais à l'examen

22 détaillé des questions de mesure de répression, du fait qu'on n'a pas

23 punir. Je vous parlerais un peu également des questions de sentence, enfin

24 nous pourrons conclure.

25 Donc, si vous voulez bien, je vais centrer pour le moment me concentrer sur

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1 le fait qu'il n'y a pas eu de sanction en ce qui concerne plus

2 particulièrement l'école de musique. Je ne vais pas rentrer dans la

3 question des crimes ou des infractions qui ont été commises, mais je

4 voudrais rappeler tout de même une simple citation du témoin, Hasanagic,

5 qui était commandant adjoint pour les affaires juridiques à la 7e Brigade

6 de Montagne musulmane. Vous vous rappelez, c'était donc -- nous lui avons

7 demandé s'il était au courant en ce qui concerne la 7e Brigade de Montagne

8 musulmane, s'il y avait eu une enquête, s'il y avait eu des sanctions de

9 prises, ou est-ce qu'il y avait eu ? Est-ce que des crimes ou des délits

10 allégués avaient été commis et avaient l'objet de poursuite en ce qui

11 concerne l'école de musique de 1993 ? M. Hasanagic a répondu qu'il n'avait

12 jamais reçu de renseignement de ce genre. Aucun renseignement de ce genre

13 n'a jamais été mis à sa disposition et nous allons parler un peu plus ce

14 matin de M. Hasanagic et de son rôle au sein de la 7e Brigade musulmane de

15 Montagne. Je voudrais tout d'abord appeler l'attention de la Chambre sur le

16 fait que le commandant adjoint, chargé des affaires juridiques au sein de

17 la 7e, n'avait pas connaissance de rapports concernant des membres de cette

18 brigade et du fait qu'ils auraient fait l'objet de sanction ou qu'ils aient

19 été accusés de quoi que ce soit en ce qui concerne les événements de

20 l'école de musique.

21 Maintenant, vous vous rappellerez certainement que nous avons beaucoup

22 d'éléments de preuve concernant le caractère très notoire des infractions,

23 des crimes commis à l'école de musique de Zenica et ce qui s'y passait. Le

24 Juge Adamovic, vous vous rappelez, est un Juge d'un tribunal militaire de

25 district ou il l'était à Zenica, à l'époque pertinente. Il a dit comment il

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1 avait entendu les renseignements concernant cette question et comment il

2 parlait des personnes qui lui avaient donné ces renseignements, notamment,

3 pour le bureau du procureur de district, pour les mesures qui auraient eu

4 lieu de prendre. Là encore, à la page 9480 du compte rendu, il a déposant

5 en disant : "Nous nous référons à eux en disant qu'il s'agit du bureau du

6 procureur militaire pour ce qui est de commencer des poursuites

7 officielles, cela ne s'est pas passé une seule fois."

8 Au paragraphe 953 du mémoire final de l'accusé Hadzihasanovic, la citation

9 suivante : "Si comme l'a dit Adamovic, l'ensemble de la ville était

10 parcouru de rumeurs concernant l'école de musique, l'école de musique comme

11 étant un lieu de détention, il semble surprenant d'entendre d'un Juge qu'il

12 ait reçu des plaintes de civils concernant l'école de musique et qu'il

13 n'ait en fait rien fait pour connaître ces affaires, le cas échéant."

14 L'Accusation voudrait dire que cette citation est déplacée plus

15 particulièrement, parce que comme nous l'avons réexaminé, le Juge Adamovic

16 a indiqué quelles mesures qu'il avait prises personnellement pour ce qui

17 était d'informer le bureau du procureur militaire du district. Il est allé

18 même un peu plus loin que cela. Comme on le voit à la page 9 481 du compte

19 rendu, le Juge Adamovic a déclaré : "Un Juge chargé de l'enquête a

20 juridiction sur ce qui a été institué par le procureur. Dans le cas où ce

21 ne serait pas le cas, à ce moment-là, un Juge chargé d'enquête n'a pas de

22 pouvoir. Seul le procureur du tribunal de district militaire peut entamer

23 une procédure de ce genre."

24 Le Juge Ahmetovic, qui était également Juge chargé de l'enquête pour le

25 tribunal militaire de district de Zenica, au cours de la deuxième partie de

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1 1993, a également déposé qu'il n'avait pas reçu de plaintes ou de comptes

2 rendus d'infractions ou de demandes d'ouvrir des enquêtes, en ce qui

3 concerne l'école de musique de Zenica. C'est une déposition que l'on trouve

4 à la page 16 218 du compte rendu. Là encore, je vous ramène au paragraphe

5 957 du mémoire en clôture de Hadzihasanovic, où on lit : "Si l'ensemble de

6 la ville bourdonnait de rumeurs concernant l'école de musique, l'école de

7 musique comme étant un lieu de détention, il semble également surprenant

8 d'entendre du chef de la police civile, qui représentait l'ordre public à

9 Zenica, qu'il n'a rien fait."

10 Maintenant, nous voudrions également dire que dans une certaine mesure cet

11 argument également n'est pas convaincant pour la simple raison que M.

12 Dzaferovic, qui était président du comité exécutif à Zenica, à l'époque

13 pertinente, a déposé, on lit à la page 14 227 : "Que la responsabilité du

14 gouvernement local était de fournir à l'ABiH l'aide et assistance et

15 technique et l'aide concernant la mobilisation." En réponse à une question

16 posée par le Juge Swart,

17 M. Dzaferovic a déposé, en disant : "Que le bâtiment avait été

18 réquisitionné pour le secrétariat de la Défense de la municipalité de

19 Zenica conformément à la loi." Il a poursuivi, lorsqu'on lui a demandé si

20 des visiteurs devaient obtenir une autorisation, s'ils voulaient demander à

21 entrer dans l'école de musique, M. Dzaferovic a dit, dans sa déposition,

22 page 14 270 du compte rendu : "Ceci se serait fait par le truchement du 3e

23 Corps. S'il y avait une visite, il ne pouvait pas directement participer à

24 cela. Le partage des responsabilités était respecté au cours de cette

25 période."

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1 Il est clair qu'à la période pertinente, l'école de musique de Zenica se

2 trouvait sous le contrôle du 3e Corps de l'ABiH, en particulier de la 7e

3 Brigade de Montagne musulmane. Nous traiterons de façon plus détaillée de

4 la question au cours de l'heure qui vient des questions de mesures de

5 répression générale, mais selon nous l'école de musique était sous le

6 contrôle du 3e Corps de l'armée et plus particulièrement de la 7e Brigade

7 musulmane de Montagne et son Unité de Police militaire.

8 Je voudrais consacrer deux minutes aux chefs d'accusation 5 et 6, en ce qui

9 concerne les crimes et infractions commis dans la vallée de Bila ou qui

10 auraient été commis dans la région de la vallée de Bila. Nous avons appris

11 de façon très détaillée que nous avons discuté de ces crimes et infractions

12 dans notre mémoire en clôture. Je voudrais vous demander maintenant de

13 centrer votre attention très brièvement sur la déposition de M. Izmirlic.

14 Comme vous vous en souviendrez, M. Izmirlic a produit un certain nombre de

15 cartes qui avaient été faites par ordinateur. Il a expliqué comment ces

16 cartes avaient été créées et produites. Il a déposition en disant qu'il

17 n'avait été possible pour certains des témoins de l'Accusation de voir ce

18 qu'il soutenait d'avoir observé pendant la période pertinente, autour du 8

19 juin, autour de cette date, 8 juin 1993.

20 Je voudrais simplement faire des observations, en ce qui concerne la

21 déposition de M. Izmirlic : Premièrement, tous les témoins et locaux des

22 lieux sur lesquels il a déposé comprenaient parfaitement; ils étaient au

23 courant des lieux. Ils connaissaient très bien ces lieux où se trouvaient

24 leur propres maisons, ou les maisons de leurs amis, voisins et parents.

25 Lorsqu'un témoin dit qu'à tel endroit il a vu que telle maison brûlait,

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1 nous soutenons qu'il faut accorder un poids important, très important à un

2 tel témoignage, tout simplement parce que les témoins locaux connaissent

3 bien les lieux.

4 Notre deuxième observation, en ce qui concerne M. Izmirlic dans sa

5 déposition, est que la Chambre s'est rendue dans ces différents endroits et

6 que vous avez été en mesure de voir de vos propres yeux les sites, ou les

7 sites approximatifs sur lesquels les témoins ont déposé, en disant qu'ils

8 avaient observé certaines choses. Notre position est que les dépositions

9 des témoins locaux doivent se voir accorder un poids important. Egalement,

10 le fait que vous avez eu la possibilité de visiter ces lieux et de voir de

11 vos propres yeux, ce qui était encore visible, ou éventuellement ce qui ne

12 l'était pas. Ce sont les seuls commentaires que nous voudrions faire

13 aujourd'hui, en ce qui concerne les chefs d'accusation 5 et 6 tels

14 qu'allégués dans l'acte d'accusation.

15 Je vais maintenant passer à la question des mesures de répression ou de

16 punition en général. Le fait qu'il n'y ait pas eu de punition. Nous allons

17 commencer par une proposition très large, comme ceci est consigné dans deux

18 documents P771 et P773.

19 Il s'agit de la lettre, vous vous en souvenez du tribunal cantonal de

20 Zenica et du tribunal cantonal de Travnik, en ce qui concerne les

21 poursuites contre des membres de la brigade pour des crimes de guerre. Je

22 souligne que pour les crimes de guerre, au cours de la période pertinente,

23 nous avons entendu des dépositions selon le fait que les crimes en question

24 dans notre acte d'accusation peut-être, ne devraient pas être classés comme

25 étant des crimes de guerre. Il pourrait y avoir une explication pour lequel

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1 il n'y aurait pas eu de poursuites pour crimes de guerre, pour les membres

2 de l'ABiH en ce qui concerne ces infractions commises pendant la période

3 pertinente. Nous reconnaissons cela. Simplement, la proposition telle

4 quelle figure dans les pièces P771 et P773, et qu'il n'y a pas eu de cas

5 concernant des poursuites pour crimes de guerre à l'encontre des membres de

6 l'ABiH pour des crimes commis pendant une période pertinente et dans les

7 lieux en question, tel que ceci transparaît de ce que l'on sait des

8 tribunaux militaires de district, des tribunaux cantonaux de Zenica et de

9 Travnik.

10 Je voudrais maintenant passer aux arguments qui sont exposés dans le

11 mémoire en clôture de Hadzihasanovic. Le paragraphe 175, qui se trouve au

12 document DH155/2, la Défense du général Hadzihasanovic dit : "Il est tout à

13 fait possible que chacune des infractions alléguées dans l'acte

14 d'accusation fait l'objet de rapports à caractère pénal présentés par le 3e

15 Corps compte tenu de la nature des infractions concernant ces rapports." A

16 la note de bas de page 117 : "Par exemple, nous voyons le DH155/2,

17 notamment. Il y avait vol qualifié. Il y avait homicide involontaire,

18 meurtre, comportement violent, possession illicite d'armes ou d'explosifs.

19 Le fait d'avoir causé de graves blessures, viol, vol, trafic illégal, prise

20 d'un véhicule à moteur, incidents de vols importants, violence pour obtenir

21 des marchandises volées, violence contre des civils, double meurtre,

22 fraude, le fait d'être entré par infraction dans une maison, des abus au

23 cours de ses fonctions, appropriation illicite de propriété ou de biens

24 appartenant à des sociétés; et le fait de prendre une fausse identité."

25 Maintenant le DH155/2 contient une liste. Voici le document et on

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1 regarde au bas de ce document il y a une liste des infractions, dans lequel

2 le Bataillon de Police militaire du 3e Corps rend compte au cours de la

3 période du 14 septembre 1992 jusqu'au 1er mars 1994. Vous verrez que ce

4 document donne une liste d'infractions tel qu'il en est rendu compte dans

5 un certain nombre de cas ou de rapports par rapport à chacun des articles

6 du code en fonction des articles du code pénal de la Bosnie-Herzégovine.

7 Là encore ce document est daté du 20 mars 1994, adressé au secteur

8 sécurité du 3e Corps par le Bataillon de Police militaire du 3e Corps. Cette

9 période correspond à notre période pour l'acte d'accusation aussi et

10 également trois mois, trois mois et demi avant la période de l'acte

11 d'accusation et deux à deux mois et demi après l'acte d'accusation. Nous

12 voyons que le Bataillon de Police militaire non seulement au niveau des

13 unités subalternes mais le Bataillon de Police militaire du 3e Corps a

14 présenté 377 rapports d'infractions. Ces 377 rapports d'infractions

15 impliquaient 804 auteurs identifiés et 20 auteurs non identifiés.

16 Au paragraphe C, on a une répartition concernant l'identité de ces

17 personnes. D'après les rapports du Bataillon de Police militaire du 3e

18 Corps environ 40 % des 824 personnes, dont il est question ont été soit

19 identifiées, soit non identifiées, mais c'étaient des membres de l'ABiH.

20 Plus de la moitié de ces personnes, qui ont fait l'objet de ces rapports au

21 cours de cette période, étaient soit des membres du HVO, des civils, ou un

22 unique membre du MUP, quatre soldats de ce que l'on a appelé la RBH serbe,

23 et comme indiqué précédemment, les 20 auteurs non identifiés qui sont

24 représentés ici par des abréviations "NN."

25 Maintenant je pense que ce document est particulièrement instructif pour un

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1 certain nombre de raisons. Pour commencer, lorsque l'on regarde le document

2 DH155/2, il faut garder à l'esprit que plus de 50 % des rapports concernant

3 les infractions dans ce document ont trait à des personnes qui n'étaient

4 pas membres du 3e Corps de l'ABiH.

5 Deuxièmement, il est intéressant de savoir que 274 des cas dont il est

6 rendu compte impliquaient des civils, c'est-à-dire ceci indique que le

7 Bataillon de Police militaire du 3e Corps aurait pu tout au moins rendre

8 compte des infractions qui auraient été commises par des civils. Ceci est

9 porté à l'attention des membres de la Chambre, bien entendu, parce qu'en

10 d'autres lieux nous avons entendu des éléments de preuve selon lesquels les

11 Moudjahiddines constituaient un problème pour le respect de la loi avec les

12 civils et ils ne faisaient pas partie de l'armée. Mais en l'occurrence, le

13 Bataillon de Police militaire a rendu compte des crimes qui auraient été

14 commis par les civils et un membre du Bataillon de Police militaire du 3e

15 Corps s'est vu demander si à un moment quelconque, le Bataillon de Police

16 militaire du 3e Corps aurait détenu ou non des Moudjahiddines. Comme M.

17 Mujezinovic l'a dit, il n'a pas eu connaissance du fait que le Bataillon de

18 Police militaire ait détenu quiconque qui se soit appelé, ou qui se soit

19 désigné comme étant un Moudjahiddine.

20 Un autre aspect important à garder à l'esprit. Nous vous prions de

21 regarder de près le document DH155/2 parce que les infractions qui sont

22 énumérées dans ce document sont également très probantes. Si vous comparez

23 les infractions indiquées dans ce document et les comptes rendus concernant

24 des infractions exposées dans le 155/2, vous voyez qu'un certain nombre de

25 ces infractions, la majorité de ces infractions, en l'occurrence, tel que

Page 19100

1 rapporté non rien à voir avec les crimes qui sont allégués dans le présent

2 acte d'accusation en l'espèce. Ceci a été en fait partiellement reconnu par

3 la Défense dans une note de bas de page que nous avons vue il y a un moment

4 lorsque j'ai donné lecture de toutes les infractions qui figuraient dans

5 cette note de bas de page, y compris des éléments qui, à l'évidence, ne

6 faisaient pas partie de notre acte d'accusation tel que l'exemple de viol.

7 Donc les crimes dont il est rendu compte tels qu'ils figurent dans le

8 document DH155.2 sont beaucoup plus vastes que ceux qui sont indiqués dans

9 notre acte d'accusation. C'est le premier point. Le deuxième point, ils

10 rendent compte du fait qu'environ 40 % ont trait à des membres de l'ABiH.

11 Passons maintenant au paragraphe 172 du mémoire final de Hadzihasanovic où

12 la Défense affirme : "Il n'est pas possible de conclure que les tribunaux

13 militaires spéciaux n'aient pas eu à prendre des mesures de prévention ou

14 des sanctions contre des membres du 3e Corps qui étaient censés avoir

15 commis l'une des infractions alléguées dans l'acte d'accusation."

16 Est-ce que ceci est vrai ? Regardons la pièce à conviction présentée

17 par l'Accusation P284. C'est un document daté du 10 août 1993. Rapport du

18 commandement du 3e Corps concernant la légalité dans l'armée de la

19 République de Bosnie-Herzégovine et si nous passons au paragraphe 3 de ce

20 document où le 3e Corps rend compte, suivant la voie hiérarchique de la

21 légalité telle qu'elle est observée au sein de l'ABiH, nous trouvons au

22 moins, à partir du 10 août 1993, qu'il n'y a pas eu de procédures devant

23 les tribunaux militaires spéciaux dans la zone de responsabilité de ce

24 corps.

25 Paragraphe 171 du mémoire de la Défense de Hadzihasanovic, le mémoire final

Page 19101

1 montre également que lorsqu'une infraction avait à la fois un caractère

2 pénal et constituait un manquement à la discipline, elle serait traitée

3 comme étant un manquement à la discipline. Il y a une citation qui figure à

4 la note 106 du document P325 et il y a un certain nombre d'articles

5 contenus dans cette pièce. Nous jetterons un coup d'œil à ces articles dans

6 un instant. Il n'y a certainement rien de particulièrement contesté

7 concernant le fait qu'un crime ou une infraction particulière puisse être à

8 la fois un délit pénal et un manquement à la discipline. Ceci est une

9 déclaration relativement neutre et nous avons eu des éléments de preuve

10 montrant que ceci est certainement le cas.

11 Alors le problème devient lorsque l'on regarde la pièce P325. P325

12 consistant en l'occurrence de deux documents ou contenant deux documents.

13 Le premier quand vous voyez la pièce à conviction et le décret loi sur les

14 tribunaux militaires spéciaux, ce n'est pas sur cela que nous allons nous

15 centrer mais si vous regardez plusieurs pages de P325, vous verrez qu'il y

16 a les règlements de discipline militaire et nous pourrions regarder

17 certains de ces articles, des articles que la Défense citent. A la note de

18 bas de page 107 [comme interprété] du paragraphe 171, du mémoire de la

19 Défense.

20 Il est clair que les Règlements de discipline militaire sont ou ont

21 été promulgues et mis en œuvre de façon à assurer la discipline dans les

22 armées. Là encore, il n'y a rien de contestable concernant une telle

23 proposition générale l'Article 1 concernant le Règlement de discipline

24 militaire.

25 Mais l'Article 6 dit que, d'une proposition très précise selon laquelle la

Page 19102

1 Défense a cité à savoir, qu'un militaire est responsable de toute

2 infraction pénale pour responsable à la fois d'un délit et d'un manquement

3 à la discipline militaire conformément aux Règlements. Lorsque l'infraction

4 en question constitue aussi un manquement à la discipline militaire.

5 Donc, de quoi s'agit-il ? Quels sont ces manquements à la discipline

6 militaire ? Voyons l'Article 7 du Règlement de discipline militaire indique

7 quelles sont de telles violations ou infractions et la Défense en a cité

8 trois. Donc, il s'agit de l'Article 7 alinéa 1; par exemple : "Une non-

9 exécution ou refus d'exécuter un ordre compromettant l'autorité d'un

10 supérieur ou d'officiers supérieurs ainsi que le fait que d'avoir rempli

11 ses obligations de façon non consciencieuse ou négligente ou des

12 obligations qui ont été tenues d'exécuter dans le cadre de ses fonctions."

13 En bref, le paragraphe de l'Article 7 du Règlement de discipline militaire

14 considère comme manquement à des ordres le fait de ne pas suivre un ordre.

15 Nous avons entendu la déposition, comme je vous l'ai dit hier matin, au

16 début, en ce qui concerne le nombre d'ordre que l'Accusé Hadzihasanovic a

17 émis pour ce qui était de respecter le droit, la loi, donc il devrait

18 s'ensuivre que si le commandant du 3e Corps émet un ordre visant à

19 respecter la loi, le droit et qu'un soldat désobéit ou viole la loi, ce

20 soldat manque à la fois à la loi et ne suit pas l'ordre de son commandant.

21 Donc, on peut présumer que le paragraphe à l'Article 7 de ce Règlement

22 s'appliquerait en l'occurrence.

23 Mais ceci, évidemment, est un argument circulaire, lorsque quelqu'un brûle

24 la maison de quelqu'un d'autre, il y a lieu d'exercer des poursuites

25 pénales et pas simplement de prendre des mesures disciplinaires parce qu'on

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1 n'aurait pas suivi l'ordre d'un commandant de ne pas brûler une maison.

2 Regardons l'Article 7, paragraphe 6, du Règlement de discipline militaire :

3 "Le fait de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour sauvegarder la

4 vie et la santé des personnes qui lui étaient confiées pour protéger ou

5 maintenir dans un état satisfaisant des installations, des objets et les

6 moyens de garantir que l'on est prêt au combat d'une façon générale de

7 fournir à l'unité militaire ou à l'établissement militaire ce qui lui est

8 nécessaire".

9 Selon nous, dans le contexte de la discipline militaire, le premier élément

10 de la première phrase de ce paragraphe parle de la responsabilité des

11 officiers, des sous officiers de prendre soin des personnes qui sont dans

12 leurs unités et de ne pas prendre de risques inutiles concernant leurs

13 hommes. "La protection de la vie et de la santé des personnes qui leur sont

14 confiées." D'une façon générale, c'est du langage militaire pour : "Prenez

15 bien soin de vos soldats."

16 Maintenant, ceci pourrait également, vraisemblablement s'appliquer à des

17 personnes qui sont détenues, c'est-à-dire que le commandant ou le chef

18 d'une installation de détention où il y a des soldats qui gardent des

19 personnes dans des installations de détention, s'il s'agit à l'évidence de

20 personnes qui leur sont confiées à savoir, les personnes qui sont détenues.

21 Là encore, à notre avis, les mauvais traitements donnés, affligés à des

22 détenus, vont bien au-delà au fait d'être des infractions à la discipline,

23 des manquements à la discipline, ou de relever seulement de la discipline

24 et continue des délits à caractère pénal. Nous voulons soutenir que

25 l'aliénation de l'Article 7 du Règlement de discipline militaire est un

Page 19104

1 outil qui ne convient pas pour sanctionner des personnes qui auraient

2 commis des infractions, des délits contre des civils ou qui auraient eu à

3 voir avec des soldats du HVO détenus.

4 Le paragraphe 7, de l'Article 7 : "Négligence en ce qui concerne des biens

5 confiés à leurs soins, appropriation de biens appartenant à l'armée ou

6 autre dommage causé à des biens militaire ou d'autres biens." Là encore, le

7 but essentiel de la disposition est que le soldat ou l'officier prenne soin

8 des biens ou propriétés appartenant au militaire qui lui ont été confiés.

9 Elle interdit au fait qu'ils s'approprient des biens appartenant à l'armée

10 ou à d'autres ou à lui faire subir des dommages. Là, encore, nous voudrions

11 dire que le type d'infraction alléguée dans notre acte d'accusation ne

12 concerne pas simplement des questions de discipline militaire pour les

13 tribunaux de discipline militaire et appelant des sanctions militaires d'un

14 niveau peu élevé. Il s'agit ici d'infractions de caractère pénal.

15 L'expert, Trnka, en droit constitutionnel, a répondu à certaines questions

16 concernant les tribunaux chargés de la discipline militaire et, si nous

17 regardons le décret loi concernant le service dans les forces armées, on

18 trouve des dispositions selon lesquelles un membre de l'armée peut être

19 sanctionné jusqu'à 60 jours d'arrêt. Que ce soit par son commandant ou par

20 un tribunal militaire, il faut garder à l'esprit que la sanction maximale

21 serait en ce qui concerne -- je pense que cela concerne les violations aux

22 Règlements à l'armée et c'est précisément de cela que nous parions, du

23 Règlement de discipline militaire.

24 En ce qui concerne les infractions pénales, le professeur Trnka dit : "Est-

25 ce que c'est le tribunal militaire qui est responsable de telles

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1 questions ?"

2 Il poursuit quand on lui a demandé : "Je voudrais simplement

3 confirmer que pour chacune de ces infractions, il y a des Règles selon

4 lesquelles un soldat jusqu'à 60 jours d'arrêt ou un détenu, que ce soit par

5 son officier commandant ou par le tribunal militaire."

6 Le professeur Trnka dit : "Naturellement, ceci dépend de la situation

7 particulière -- d'un aspect particulier, s'il y a danger et menace pour

8 l'ordre social de façon minime ou s'il y a des circonstances atténuantes et

9 que le crime fait bien partie du décret auquel vous vous référez. Alors, à

10 ce moment-là, oui, naturellement, c'est une situation qui pourrait se

11 produire, mais, si la menace posée pour l'ordre social n'était pas si peu

12 importante, il y avait vraiment une menace importante pour la société, à ce

13 moment-là l'ensemble de l'affaire devrait être porté devant le bureau du

14 procureur militaire ou plutôt devant le tribunal militaire de région pour

15 qu'il puisse en connaître."

16 Selon nous, à ce stade, la situation est claire, les crimes qui sont

17 énumérés dans l'acte d'accusation en espèce constituaient une menace

18 importante pour la société, pour la vie et le bien-être de la population

19 non bosnienne en Bosnie centrale. La Défense ne peut pas avancer que des

20 sanctions disciplinaires passibles de 60 jours d'emprisonnement pour les

21 crimes énumérés dans l'acte d'accusation constituent des sanctions

22 appropriées.

23 Je souhaiterais revenir à présent à la déposition que j'ai mentionnée plus

24 tôt ce matin, celle du témoin, Hasanagic, le commandant adjoint, chargé des

25 affaires juridiques, au sein de la

Page 19106

1 7e Brigade musulmane de Montagne. On leur posait un certain nombre de

2 questions au sujet d'éventuelles mesures prises à l'encontre de soldats de

3 la 7e Brigade musulmane. Avant d'y venir, je souhaiterais passer en revue

4 brièvement ce que nous a dit M. Hasanagic par rapport à ces devoirs et

5 obligations.

6 "Mais d'autres fonctions, qui m'incombaient, comprenaient la mise en œuvre

7 et l'application de Règles et de Règlements, notamment, en ce qui concerne

8 les poursuites pénales. Point 16 du code pénal de l'ancienne Yougoslavie

9 qui était toujours en vigueur sur la base d'un décret et cela avait trait à

10 tout crime contre l'humanité, tel que le génocide, des crimes commis

11 contres des civils, des prisonniers de guerre, des blessés ou des malades.

12 Dans ce volet de mes fonctions, il était de mon devoir d'appliquer les

13 règlements et de donner un exemple à la brigade et aux unités subordonnées,

14 de façon claire, que tous les soldats connaissaient bien ces Règlements et

15 qu'il allait, effectivement les appliquer sur le terrain -- ou plutôt dans

16 le cours du conflit armé."

17 On lui a ensuite demandé quel rapport éventuel il avait en tant que

18 commandant adjoint chargé des affaires juridiques au sein de la 7e avec le

19 tribunal militaire de district de Zenica. Là encore, compte tenu de ses

20 devoirs et obligations, il nous a dit, je cite : "Qu'à plusieurs reprises,

21 il s'était rendu au bureau du procureur de district lié au tribunal pour

22 obtenir des éclaircissements concernant l'interprétation pour offrir une

23 aide juridique lorsque des membres de la 7e Brigade Musulmane étaient

24 accusés de délit.

25 On lui a demandé : "Combien de fois il s'était rendu au tribunal

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1 militaire de district de Zenica au cours de cette période, c'est-à-dire,

2 jusqu'à la fin de l'année 1993 ?"

3 Il a dit : "Trois ou quatre fois."

4 On lui a demandé s'il avait eu des contacts avec le tribunal

5 militaire de district de Travnik au cours de cette période ?

6 Il a répondu : "Que non, jamais."

7 Je lui ai, ensuite, posé quelques questions pour enchaîner sur les

8 visites qu'il a effectuées au tribunal militaire de district de Zenica où

9 il y est allé à trios ou quatre reprises. "Il y avait un rapport concernant

10 des vols commis par des membres de la brigade," - le témoin nous a dit -

11 "que la personne impliquée avait été condamnée à une peine

12 d'emprisonnement."

13 "Il y a eu, ensuite, trois ou quatre affaires concernant des

14 infractions à l'encontre d'officiers de la 7e, et cela n'avait rien à voir

15 avec -- nous parlons d'abus de pouvoir, et il s'agissait de rapports à

16 l'encontre de trois de nos membres." Je lui ai demandé si

17 -- "Qui avait participé à cette affaire de vol et de quoi il s'agissait ?"

18 Il a dit : "Que quelqu'un avait cambriolé la brigade, le coffre où se

19 trouvait de l'argent."

20 Le commandant adjoint chargé des affaires juridiques, Hasanagic, ensuite,

21 s'est vu poser la question de savoir s'il avait eu connaissance d'affaires

22 qui auraient été -- qui auraient fait l'objet de poursuites devant le

23 tribunal militaire de district de Zenica et au cours desquelles des membres

24 de la 7e auraient été poursuivis pour des crimes commis à l'encontre de

25 civils ou de biens civils en 1993. Il a dit : "Je n'ai pas connaissance de

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1 telles affaires ou du fait que des membres de la 7e aient été poursuivis

2 pour de telles infractions."

3 Bien la situation est tout à fait claire car c'est l'officier chargé des

4 affaires juridiques qui nous a dit cela.

5 Pour ce qui est de la situation au tribunal militaire de district de

6 Travnik on lui a demandé si Hasanagic avait connaissance de faire juger

7 devant le tribunal militaire de Travnik impliquant des membres de la 7e

8 Brigade Musulmane de Montagne pour des crimes commis à l'encontre de civils

9 ou des biens civils. "Il n'avait connaissance d'aucune affaire de ce

10 genre," - il a dit - "je n'ai jamais été au bureau du Procureur de Travnik

11 pendant la guerre."

12 Je souhaiterais conclure avec quelques commentaires concernant les

13 sanctions c'est-à-dire le manquement et l'obligation de punir. Revenons à

14 la pièce à conviction de l'Accusation P284, le rapport du 3e Corps relatif

15 à la légalité au sein de l'ABiH en 1993. Ce rapport est daté du 10 août

16 1993, plus précisément.

17 Au paragraphe 2, section 2 : "Le nombre et le type de manquement à la

18 discipline, les infractions pénales éventuellement commises et autres

19 délits." Dans cette partie du rapport, il est question de trois catégories

20 de délits : manquement à la discipline, infractions pénales qui ont pu être

21 commises, et autres délits. Le 10 août 1993, que rapporte le 3e Corps à la

22 chaîne de commandement concernant la situation en matière de légalité ?

23 Pour ce qui est des infractions pénales qui ont été commises, aucune n'a

24 été commise par l'un quelconque des membres du commandement du 3e Corps.

25 Vous avez entendu les éléments de preuve relatifs aux mesures prises par le

Page 19109

1 bureau du Procureur pour prouver le contraire. Vous avez entendu

2 l'enquêteur, Hackshaw, qui en a parlé. Ceci a été soulevé à plusieurs

3 reprises. Nous allons attirer votre attention sur un dernier aspect de ce

4 volet de l'affaire, à savoir que le bureau du Procureur ne suggère

5 aucunement que le fardeau de la preuve soit transféré par rapport à ce que

6 nous devons prouver. Mais, en ce qui concerne les archives du Tribunal, les

7 archives qui nous intéressent plus particulièrement, je vous rappelle,

8 c'est que Mme Residovic nous a dit il y a plus d'un an. Lorsque la Défense

9 a présenté des documents au général Reinhardt et le Président de la Chambre

10 a demandé d'où venaient ces documents ? Me Residovic a donné la réponse

11 suivante : "Conformément au statut de ce Tribunal et du Règlement de

12 procédure et de preuve et de l'accord relatif à la coopération entre le

13 gouvernement de Bosnie-Herzégovine et le Tribunal international, au tout

14 début de ce procès, après la comparution initiale de notre client devant ce

15 Tribunal, la Défense du général Hadzihasanovic et la Défense du général

16 Kubura s'est adressée aux autorités de Bosnie-Herzégovine sur la base de

17 l'égalité des armes, à savoir que nous devons avoir accès aux archives de

18 l'Etat et à d'autres archives également."

19 "Le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a adopté des conclusions donnant

20 pour instructions aux autorités d'Etat de fournir aux enquêteurs des deux

21 équipes l'accès à ces archives. Sur la base de cela, la Défense a réussi à

22 obtenir l'accès aux archives de l'Etat. D'abord les archives de l'armée,

23 puis les archives du ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine, les

24 archives de la police, des tribunaux, des parquets, et tous les documents

25 dans les classeurs qui vous ont été remis ne viennent pas de l'Accusation

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1 et sont le résultat de nos propres enquêtes au cours de la phase préalable

2 au procès."

3 Les parties ont eu l'occasion d'examiner ces archives. Les parties ont eu

4 l'occasion d'examiner ces archives.

5 Pour terminer ce matin, je souhaiterais parler de la question de la

6 fixation de la peine. Dans notre mémoire aux clôtures, nous avons abordé

7 cette question de façon assez brève. L'élément crucial qui doit être pris

8 en considération dans le cadre de la fixation d'une peine est selon nous la

9 gravité de l'infraction reprochée, les circonstances aggravantes et les

10 circonstances atténuantes.

11 S'agissant de la gravité des infractions reprochées, la Chambre d'appel à

12 plusieurs reprises a conclu que l'élément fondamental pour ce qui est de la

13 fixation de la peine est la gravité du crime commis. "Pour déterminer la

14 gravité du crime, il faut examiner les circonstances particulières de

15 l'espèce, ainsi que la forme et le degré de participation de l'accusé dans

16 le crime reproché."

17 Nous avons soutenu et selon nous prouver au-delà de tout doute raisonnable

18 les accusations énumérées dans l'acte d'accusation. S'agissant des crimes

19 qui selon nous ont été commis par l'accusé Hadzihasanovic, à savoir, le

20 manquement à l'obligation d'empêcher ou de punir les crimes visés à l'acte

21 d'accusation, nous ne contestons pas que c'est de cela qu'il s'agit. Nous

22 ne suggérons pas que la responsabilité pénale de l'accusé doit être engagée

23 pour des crime sous-jacents, mais l'Accusation est d'avis qu'en omettant

24 d'empêcher ou de punir les crimes en question, l'accusé Hadzihasanovic a

25 permis la commission de plus de 30 meurtres qui n'ont pas été résolus; il a

Page 19111

1 permis aux auteurs de ces crimes d'échapper à leur responsabilité, de ne

2 pas être puni et permis aux personnes, qui ont commis des crimes, dans des

3 centres de détention d'échapper à leur responsabilité et de ne pas être

4 punies. Il a permis à un certain nombre de personnes de brûler et de piller

5 des maisons appartenant à des Bosniens ou à des Croates et a permis aux

6 auteurs de ces crimes d'échapper à leur responsabilité, de ne pas être

7 punis. S'agissant des soldats de la

8 7e Brigade musulmane de Montagne, il en va de même pour l'accusé Kubura.

9 L'Accusation fait valoir que ces crimes sont graves en soi, les crimes

10 sous-adjacent est leur impact sous la population locale est important. Le

11 contexte est important également aussi, car les accusés Hadzihasanovic et

12 Kubura ont permis aux auteurs des crimes visés d'échapper à leur

13 responsabilité.

14 Pour ce qui est des circonstances aggravantes, il faut tenir compte de la

15 situation personnelle des accusés. Ceci peut être considéré comme une

16 circonstance aggravante, notamment, en l'espèce, les deux accusés sont des

17 officiers militaires de carrière. Pour ce qui est de l'accusé

18 Hadzihasanovic, nous avançons respectueusement qu'il s'agit d'un

19 circonstance particulièrement aggravante, qu'en tant qu'ancien commandant

20 d'un Bataillon de Police militaire au sein de l'armée populaire yougoslave,

21 il a manqué à son obligation d'empêcher les crimes et d'en punir les

22 auteurs.

23 Il n'y a pas de circonstances atténuantes en l'espèce, selon l'Accusation.

24 Selon la pratique du Tribunal, l'Accusation formule des recommandations en

25 matière de fixation de la peine. Dans ce cas précis, nous pensons que

Page 19112

1 l'accusé Hadzihasanovic est coupable des crimes allégués dans l'acte

2 d'accusation. Nous pensons qu'une peine d'emprisonnement de 20 ans serait

3 appropriée.

4 Pour ce qui est de l'accusé Kubura, l'Accusation avance

5 respectueusement, qu'une peine de 10 ans d'emprisonnement serait

6 appropriée.

7 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, il va s'en dire,

8 bien entendu, qu'il y a eu beaucoup de changements au sein de l'équipe de

9 l'Accusation. J'étais très honoré de représenter l'Accusation en l'espèce.

10 Nous en avons terminé avec notre réquisitoire. Merci.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 12 heures 45, je pense que le

12 mieux c'est de faire la pause. Nous reprendrons à 12 heures 15, comme cela,

13 nous pourrons aller jusqu'à 13 heures 45. L'audience reprendra à 12 heures

14 45.

15 --- L'audience est suspendue à 11 heures 47.

16 --- L'audience est reprise à 12 heures 20.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise avec sept minutes de

18 retard, donc on ira jusqu'à 13 heures 52 pour rattraper, afin de permettre

19 à la Défense d'avoir une heure et demie entière.

20 Vous avez la parole.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

22 Avant d'exposer la déclaration de clôture de la Défense, je vais soulever

23 deux points tout d'abord, nous venons d'entendre la présentation de

24 l'Accusation. Nous avons parlé des arguments, des raisons et des

25 propositions au cours des six heures qui viennent, mais avant la

Page 19113

1 présentation de la Défense, je souhaite dire qu'il va falloir tenir compte

2 du fait que dans cette affaire l'Accusation a affirmé qu'il n'y avait pas

3 une seule circonstance atténuante, chose que je n'ai jamais vécu. Puis,

4 l'Accusation n'a pas laissé les mains libres à la Chambre de faire son

5 travail, après avoir terminé sa présentation. Si l'on partait de

6 l'hypothèse que l'Accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable la

7 culpabilité de mon client, que la Chambre le condamne et s'il tel n'a été

8 le cas, que la Chambre l'acquitte. Donc cela ce sont les deux premiers

9 commentaires que j'ai à faire devant cette Chambre de première instance,

10 après avoir entendu la présentation de l'Accusation.

11 [Les Plaidoiries]

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Maintenant je vais parler de la manière

13 dont nous allons présenter les déclarations de clôture de la Défense. Elles

14 seront présentées par le conseil et le co-conseil de l'accusé, général

15 Hadzihasanovic. Aujourd'hui, nous allons parler tout d'abord de

16 l'introduction, ensuite de la théorie de la Défense dès le début du procès,

17 de la crédibilité des témoins qui ont déposé au sujet des faits devant ce

18 Tribunal. Ensuite, de la valeur probante des pièces à conviction qui ont

19 été versées au dossier, ensuite de la valeur probante des témoins experts.

20 En ce qui concerne les trois premiers sujets, je vais en traiter moi-même;

21 pour ce qui est de la valeur probante des pièces et des témoins, de même

22 que les témoins experts, c'est mon co-conseil, Me Stéphane Bourgon qui en

23 traitera.

24 Demain, la Défense se penchera sur les questions des Moudjahiddines, sur

25 les chefs d'accusation et les éléments de preuve versés à leur sujet et des

Page 19114

1 mesures prises par notre client, M. le général Hadzihasanovic.

2 Monsieur le Président, nous allons présenter notre plaidoirie conformément

3 à ce que je viens d'expliquer.

4 Au cours de l'ensemble de notre présentation, la Défense appuiera sur les

5 arguments qui ont déjà été présentés jusqu'à présent et qui sont contenus

6 dans le mémoire préalable au procès, dans notre déclaration liminaire et

7 dans notre mémoire de clôture. Nous allons essayer d'utiliser le temps qui

8 nous est imparti de manière rationnelle et nous allons éviter de répéter

9 les arguments qui ont déjà été avancés.

10 Nous sommes aujourd'hui à la fin d'un procès à l'encontre d'un commandant

11 de l'ABiH, le général Enver Hadzihasanovic, à la fin du procès lors duquel,

12 à la fois, l'Accusation et la Défense ont présenté un grand nombre

13 d'éléments de preuve, ont cité à la barre un grand nombre de témoins de

14 faits et de témoins experts.

15 Dès le début, je souhaite souligner la position de la Défense, qui est

16 qu'au cours de ce procès l'Accusation n'a pas réussi à prouver, au-delà de

17 tout raisonnable, la culpabilité du général Enver Hadzihasanovic. Il vous

18 revient à vous, maintenant, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

19 Juges de prendre la décision au sujet de l'innocence ou la responsabilité

20 des accusés. Le droit à la présomption d'innocence est stipulé à l'Article

21 21 alinéa 3 du Statut de ce Tribunal, et indique clairement sur qui repose

22 la charge de la preuve. Même si l'Accusation en a traité dans son

23 réquisitoire, nous avons pu constater que dans ce procès nous nous sommes

24 retrouvés souvent dans la position dans laquelle nous devions prouver

25 l'innocence.

Page 19115

1 Or, dans chaque système juridique, la charge de la preuve repose sur

2 l'Accusation et chaque chef d'accusation et chaque élément important de la

3 responsabilité pénale doit être prouvé par l'Accusation.

4 Ceci est une norme juridique généralement acceptée. Dans le jugement

5 dans l'affaire Celebici, la Chambre de première instance a constaté :

6 "Evidemment le principe général est que l'Accusation doit prouver ces

7 allégations au-delà de tout doute raisonnable." Ce principe existe dans la

8 législation pénale de la Bosnie-Herzégovine et dans un grand nombre de

9 juridictions européennes, par le biais du principe in dubio pro reo, à

10 savoir, en cas de doute, la décision est prise en faveur de l'accusé. La

11 Défense a présenté sa position et nous croyons que la Chambre de première

12 instance, après avoir analysé tous les éléments de preuve, après avoir

13 également établi un lien entre ceci, nous croyons que la Chambre de

14 première instance constatera que l'Accusation effectivement n'a pas prouvé

15 aucun chef d'accusation au-delà de tout doute raisonnable.

16 La Défense a reçu le mémoire de clôture de l'Accusation. Nous

17 n'allons pas maintenant entrer dans une analyse détaillée de ce document,

18 car nous allons le faire par la suite. Je souligne la chose suivante :

19 évidemment, le Procureur a choisi une approche sélective dans la

20 présentation des éléments de preuve dans cette affaire. Il a totalement

21 ignoré et il ignore les éléments de preuve de la Défense, même si pendant

22 toute cette période il a affirmé que le but de l'Accusation, dans cette

23 affaire, est d'atteindre la vérité.

24 L'Accusation n'a pas utilisé un grand nombre de témoins et n'a pas

25 expliqué pour quelle raison ces dépositions n'ont pas été acceptées par

Page 19116

1 l'Accusation. Dans le mémoire de clôture de l'Accusation, l'on trouve

2 certaines positions et certaines thèses de l'Accusation qui ne sont pas du

3 tout fondées sur les faits.

4 L'approche des éléments de preuve ne se fonde pas sur les faits et

5 les arguments, mais souvent il s'agit d'une approche sensationnelle.

6 L'approche choisie par l'Accusation est provoquée par le souhait d'obtenir

7 une condamnation même sans avoir prouvé les allégations au-delà de tout

8 doute raisonnable. Ceci a été illustré dans le réquisitoire de

9 l'Accusation.

10 Monsieur le Président, nous sommes ici afin que l'on juge un

11 commandant et non pas les auteurs de crimes en Bosnie centrale. Le

12 Procureur a dit dans sa déclaration liminaire, le 2 décembre 2003, lui-

13 même, qu'il s'agit ici de la première affaire pure de la responsabilité de

14 supérieur hiérarchique dans l'histoire de ce Tribunal, puisque le procès

15 est à l'encontre des commandants militaires en raison de leur

16 responsabilité pénale qui se fonde seulement sur le comportement de leurs

17 subordonnés. La Défense, au cours du procès, a souligné qu'il ne faut pas

18 oublier que l'objet de ce procès est l'exercice en fonction de

19 commandement.

20 Le général Hadzihasanovic est ici, parce qu'il était le commandant du

21 3e Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine. Il n'est pas ici pour avoir commis

22 un crime, pour l'avoir ordonné, aidé ou pour avoir contribué à son

23 exécution, d'après l'Article 7(1) du Statut de ce Tribunal, mais il est

24 ici, car d'après les dires de l'Accusation, il a omis d'exercer les

25 fonctions et d'accomplir les devoirs qui étaient les siens dans ses

Page 19117

1 fonctions de commandant. Mais malgré le contenu de l'acte d'accusation à

2 l'encontre du général Hadzihasanovic, tout au long de la procédure, le

3 Procureur se concentrait sur la commission de certains délits concrets.

4 Bien sûr, l'existence des délits est importante, car ceci sous-entend toute

5 responsabilité, y compris la responsabilité de commandement et de supérieur

6 hiérarchique.

7 Cependant, l'Accusation a omis d'établir un lien entre ces actes et

8 leurs auteurs d'un côté et de l'accusé, général Hadzihasanovic d'autre

9 part. Même si l'essentiel de ce procès repose dans la responsabilité du

10 supérieur hiérarchique, l'Accusation n'a pas présenté au cours du procès,

11 la structure du commandement ou du corps d'armée dans le cadre duquel le

12 commandant exerçait ses fonctions. Ce qui est encore plus frappant, c'est

13 que l'Accusation n'a même pas proposé d'éléments de preuve au sujet du

14 comportement et des actions du général Hadzihasanovic et la manière dont il

15 exerçait ses fonctions de commandant.

16 Encore aujourd'hui, après avoir entendu toutes les dépositions et le

17 réquisitoire de l'Accusation, nous sommes obligés de conclure

18 qu'apparemment, l'Accusation souhaite convaincre le Tribunal que le général

19 Hadzihasanovic est responsable de tous les crimes et délits commis en

20 Bosnie centrale car il était respectable. Il avait de l'influence. Il

21 coopérait avec des organes différents. Tout simplement il était le

22 commandant du 3e Corps d'armée. C'est ainsi que l'Accusation essaie

23 d'introduire la norme de la responsabilité objective qui a été rejetée dans

24 toutes les procédures pénales à travers le monde depuis longtemps.

25 Dès le début de cette procédure l'Accusation n'a pu présenter

Page 19118

1 clairement une seule théorie selon laquelle il serait possible d'établir la

2 responsabilité pénale individuelle du général Hadzihasanovic à l'égard des

3 crimes énoncés dans l'acte d'accusation.

4 L'Accusation a changé de positions très souvent et cela s'est fait de

5 manière peu claire, ce qui est le plus évident dans le traitement des

6 Moudjahiddines.

7 Les détails concernant les arguments à ce sujet existent dans le

8 mémoire de l'accusé Kubura. Puis, hier encore, l'Accusation a présenté une

9 nouvelle théorie au sujet de la présente des Moudjahiddines en Bosnie

10 centrale en 1993. Je vais vous donner un exemple : la théorie de

11 l'Accusation, au moment de la réponse à la demande de la Défense, demande

12 de mise en liberté provisoire conformément à l'Article 98, était qu'en juin

13 1993, il y avait un partage provisoire et des confrontations entre les

14 Moudjahiddines et l'ABiH. Or hier, cette théorie a été totalement rejetée.

15 Nous demanderons à la Chambre de première instance de comparer

16 les éléments de preuve versés dans le cadre du procès et ce que

17 l'Accusation avait annoncé dans son mémoire préalable au procès et dans sa

18 déclaration liminaire du 2 décembre 2003. Tout simplement, l'Accusation n'a

19 pas respecté ses promesses et les éléments de preuve versés au dossier

20 montrent que le général Hadzihasanovic se comportait comme un commandant

21 raisonnable et qu'il accomplissait toutes ses obligations conformément à la

22 législation nationale et internationale.

23 L'Accusation a avoué qu'elle n'avait pas d'éléments de preuve directs

24 concernant la responsabilité du commandant Hadzihasanovic pour les crimes

25 commis en 1993, et qu'ils s'appuyaient surtout sur les preuves indirectes.

Page 19119

1 L'Accusation, comme elle l'a affirmé tout à l'heure, avait accès à toutes

2 les archives, les archives de l'ABiH, de la présidence de la Bosnie-

3 Herzégovine, du HVO, des organisations internationales, et cetera.

4 Au bout de six ans, après le début de l'enquête dans cette affaire,

5 l'Accusation avoue qu'elle n'a pas de preuves directes.

6 Cette procédure est différente par rapport aux autres procédures menées

7 devant ce Tribunal puisque les archives de l'armée à laquelle le général

8 Hadzihasanovic appartenait, étaient ouvertes et accessibles à l'Accusation.

9 Je vais vous donner un exemple. L'Accusation a transmis à la Défense 55

10 documents de l'ABiH lors de la première communication des pièces et après

11 cela, encore plusieurs milliers de documents. Si l'Accusation n'a pas de

12 preuves directes, ce n'est pas parce qu'elle n'a pas suffisamment de

13 documents de guerre, mais justement parce que ces documents excluent la

14 responsabilité du général Enver Hadzihasanovic. Tout ce que l'Accusation

15 peut présenter devant la Chambre de première instance ce sont les éléments

16 de preuve indirects.

17 Du point de vue de la Défense, il n'est pas contesté que les éléments

18 de preuve indirects peuvent être acceptés également, mais à ce moment-là il

19 faut tenir compte de chaque fait établi avant d'en tirer une quelconque

20 conclusion.

21 La différence principale entre la position de l'Accusation et de la

22 Défense, concernant les preuves indirectes, est la différence suivante :

23 afin qu'un élément de l'Accusation important soit prouvé, il faut que les

24 conclusions, tirées sur la base de la totalité des faits, confirment une

25 seule conclusion. A la différence de cela, l'Accusation considère qu'il

Page 19120

1 suffit, sur la base de l'ensemble des faits prouvés, de constater

2 simplement l'existence du doute nécessaire et que ceci suffit pour prouver

3 la position de l'Accusation même si d'autres conclusions peuvent être

4 tirées sur la base des mêmes faits. Une telle position de l'Accusation fait

5 que ces preuves sont faibles et non viables.

6 Puis hier, nous avons entendu pour la première fois des allégations

7 portant sur le fait que les crimes avaient été camouflés. C'est la première

8 fois que l'Accusation présente et avance une telle théorie. Est-ce qu'il

9 s'agit là d'une nouvelle théorie face à laquelle l'accusé ne peut plus se

10 défendre ? En ce qui nous concerne, Monsieur le Président, nous considérons

11 que ceci est tout à fait inadmissible et qu'il ne s'agit pas là du

12 comportement approprié dans une procédure pénale.

13 En ce qui concerne la théorie de la Défense et la position de la

14 Défense, elles n'ont pas changé depuis le début du procès. Quelle est la

15 théorie de la Défense ? La Bosnie-Herzégovine a été attaquée et un conflit

16 armé s'est déroulé en Bosnie-Herzégovine. Ce conflit armé était en cours en

17 Bosnie centrale au moment des faits indiqués dans l'acte d'accusation. Le

18 général Hadzihasanovic est arrivé en Bosnie centrale avec une mission tout

19 à fait différente; cependant, les circonstances de combat et réelles ont

20 exigé de lui de commencer immédiatement à exercer les fonctions du

21 commandant du 3e Corps d'armée dans des conditions extrêmement difficiles.

22 La position dans laquelle s'est retrouvée le général Enver

23 Hadzihasanovic a été clarifiée par le témoin de l'Accusation, le colonel

24 Schellschmidt, et je cite la page 7 920 du compte rendu d'audience :

25 "Question : En ce qui concerne cette clarification que vous avez

Page 19121

1 fournie, vous avez dit également qu'il était très difficile de fonder un

2 corps d'armée. Si j'interprète bien ce que vous avez dit, vous avez dit

3 qu'après que l'ordre de constitution du corps d'armée a été donné, si vous

4 partez du zéro, vous avez besoin de sept ans. Si vous avez déjà des

5 brigades à votre disposition, vous avez besoin de trois ans. Je vous ai

6 demandé : dans quelle position s'est retrouvé le général Hadzihasanovic ?

7 Est-ce que vous vous souvenez ce que vous avez répondu à ma question à

8 cette occasion-là ?

9 Réponse : Oui. Je pense que j'ai employé un terme américain, 'mission

10 impossible.'"

11 Malgré cela, la Défense a maintenu sa théorie et sa position selon laquelle

12 le commandant Hadzihasanovic a réussi à créer le corps d'armée avec tout ce

13 que ceci implique. Pendant toute la période pendant laquelle il exerçait

14 ses fonctions, il se trouvait face à deux ennemis. Au cours de l'ensemble

15 de cette période, il a déployé des efforts incessants afin d'empêcher que

16 les membres de son corps d'armée ne commettent des délits et des crimes

17 afin de punir les auteurs de crimes. Il accomplissait les devoirs de

18 commandant conformément à la loi, aux normes et à la pratique établie dans

19 des conditions les plus difficiles dans lesquelles un commandant peut

20 exercer ses fonctions. Notre position est claire : le général

21 Hadzihasanovic était un commandant raisonnable et responsable qui ne peut

22 pas être tenu pour responsable pour un seul délit énoncé dans l'acte

23 d'accusation.

24 Nous considérons que lors de l'analyse des preuves, il est nécessaire de

25 tenir compte du comportement raisonnable du commandant conformément auquel

Page 19122

1 le général Hadzihasanovic exerçait ses fonctions.

2 Quelle a été l'approche de la Défense dans la présentation de sa théorie et

3 de cette position que je viens d'expliquer ? La Défense a essayé de fournir

4 au Tribunal un nombre maximum d'éléments de preuve indiquant que le général

5 Hadzihasanovic était un commandant raisonnable et qu'il prenait les mesures

6 appropriées à des moments appropriés. Les arguments finaux de l'Accusation

7 contiennent de nouvelles théories, de nouvelles allégations, comme il

8 s'agissait là d'une déclaration liminaire dans le cadre d'une nouvelle

9 affaire à la différence de cela, la Défense ne vous propose pas une

10 nouvelle théorie. Vous pouvez vous pencher sur notre mémoire préalable au

11 procès, sur nos déclarations liminaires et vous allez voir que les éléments

12 de preuve versés au dossier lors du procès confirment ce que la Défense

13 disait dès le début et ce que la Défense annonçait et promettait dès le

14 début.

15 En ce qui concerne la crédibilité des témoins, je souhaite dire que le

16 Procureur a particulièrement insisté sur ce point dans son mémoire de

17 clôture et la Défense, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,

18 considère également que la question de l'appréciation de la crédibilité des

19 témoins est une question importante et que le Tribunal doit y accorder une

20 importance tout à fait particulière. Pour ce qui est des deux parties, des

21 témoins des deux parties, pour ce qui est de la valeur probante de leurs

22 dépositions et pour ce qui est de leur crédibilité.

23 La Défense n'est pas du même avis que le Procureur en ce qui concerne la

24 crédibilité des témoins. S'agissant de témoins militaires locaux, des

25 membres de l'ABiH et d'autres fonctionnaires, la Défense considère que ces

Page 19123

1 personnes sont les seules qui puissent être citées à la barre en tant que

2 témoin direct des événements. Ils connaissent l'ABiH, ils connaissent sa

3 structure, ses compétences, sa mission et les conditions dans lesquelles

4 elle agissait. Ce sont eux qui préparaient les ordres, qui les donnaient,

5 qui les exécutaient le long de la chaîne de commandement. Ces témoins

6 connaissaient l'armée de l'intérieur, ils connaissaient le terrain, ils

7 connaissaient les rapports existant, les compétences et les pouvoirs des

8 organes qui existaient à l'époque. Ces témoins étaient disponibles non

9 seulement pour l'Accusation mais pour la Défense aussi.

10 Les témoins du HVO sont des témoins de l'armée ennemie qui avaient accès à

11 l'ennemi et leurs points de vue au sujet des événements de l'époque et

12 particulièrement, ils ont dépeint un tableau négatif de la situation à

13 l'époque en raison du rôle qu'ils exerçaient à l'époque car ce sont souvent

14 eux qui étaient à l'origine des événements. Les témoins qui ont parlé de la

15 destruction des maisons, qui n'ont pas parlé ou n'on pas voulu parler de la

16 destruction entière de certains villages comme Bandol et Velika Bukovica

17 qui se trouvaient à proximité mais ces témoin ne peuvent pas être

18 considérés comme mode crédible. Les témoins du HVO qui ont vu quelque chose

19 qui d'après le témoin, Izmirlic, était impossible à voir ne peuvent pas non

20 plus être considérés comme des témoins crédibles. Les témoins qui

21 travaillaient pour les services de Sécurité appelés à la barre par

22 l'Accusation comme témoin à charge ne peuvent pas vraiment être considérés

23 comme des témoins crédibles non plus. La plupart des témoins du HVO étaient

24 influencées par la propagande et la désinformation diffusée par le HVO au

25 cours de l'année 1993.

Page 19124

1 Les témoins qui ont participé aux dommages ne peuvent pas jouir d'une

2 pleine crédibilité dans l'affaire Strugar et dans le jugement rendu dans

3 cette affaire, il est dit : "Ainsi, certains témoins croates par

4 inadvertance parfois ont semblé causer des dommages infligés ce jour là ou

5 n'ont pas fait de différence entre les dommages infligés ce jour là et les

6 dommages infligés dans des pilonnages précédents ou lors du tremblement de

7 terre qui s'était produit avant cela.

8 D'autres ont essayé de minimiser la présence des forces de l'armée croate à

9 Dubrovnik, paragraphe 7 du jugement rendu dans l'affaire Strugar.

10 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous avons déjà présenté

11 notre thèse par rapport aux témoins internationaux. Nous souhaitons ajouter

12 à cet égard que ces personnes qui ne connaissaient pas la Bosnie-

13 Herzégovine avant leur arrivée sur place pendant la guerre avaient pour

14 fonction principale non pas d'être en contact avec les armées sur le

15 terrain et de procéder à des opérations de renseignements. Leurs sources

16 principales d'information étaient les autochtones qui étaient partie aux

17 conflits. Les observateurs, comme nous l'avons entendu de leur bouche,

18 observaient pendant la journée et ne savaient ce qui se passait pendant la

19 nuit. Il s'agissait essentiellement de soldats de carrière qui voyaient la

20 situation en Bosnie-Herzégovine du point de vue de leur propre expérience

21 dans leur pays d'origine. Très souvent, ils ne comprenaient pas les

22 événements ou la case de ces événements. Comme ils l'ont dit eux-mêmes

23 devant cette Chambre de première instance, ils n'avaient pas accès aux

24 documents militaire en Bosnie-Herzégovine.

25 Les témoins qui pouvaient souvent être influencés par la propagande qui

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1 parfois les visait eux aussi étaient surtout des hommes jeunes et parmi

2 eux, en raison des missions qui leur ont été confiées, il y avait des

3 différences importantes en raison des missions qui étaient les leurs. Ces

4 témoins doivent jouir d'une pleine confiance lorsqu'ils disent qu'ils ont

5 vu quelque chose de leurs propres yeux. Mais en raison des limitations que

6 j'ai mentionnées plus tôt, leurs points de vue et leurs conclusions doivent

7 être appréciés très prudemment et placés à la lumière des éléments de

8 preuve directs en l'espère.

9 Ce que nous ne pouvons pas accepter dans ce cas particulier, ce sont les

10 éléments de preuve par ouï-dire. Les témoins qui étaient également des

11 victimes avec tout le respect que nous devons à leurs souffrances ont très

12 souvent aggravé leurs souffrances. Leurs dépositions doivent être

13 appréciées prudemment et comparées à d'autres éléments de preuve. Par

14 exemple, il faut replacer cela à la lumière des rapports des témoins

15 internationaux qui ont parlé des inspections de prisons et à la lumière des

16 dépositions de témoins qui ont ausculté ou examiné des victimes.

17 En outre, les témoins à décharge ont été accusés à la clôture de

18 l'Accusation sans savoir eux-mêmes qu'ils étaient accusés. L'attitude de

19 l'Accusation par rapport aux témoins à décharges ne présentait aucun

20 critère objectif et avait pour objet de les discréditer. Ces témoins ont

21 prononcé une déclaration solennelle devant cette Chambre de première

22 instance. Ils n'ont jamais refusé de parler de leurs fonctions et de leurs

23 responsabilités.

24 L'Accusation a procédé à leurs contre-interrogatoires, on ne leur a jamais

25 posé des questions au sujet du caractère véridique de leurs dépositions. Si

Page 19126

1 un tel doute avait été présent pour ce qui est de l'un des quelconques

2 témoins à décharge, le Procureur n'aurait certainement pas omis de poser

3 des questions à cet égard.

4 Les témoins ont également répondu aux questions par les Juges de la

5 Chambre. Aucun de ces témoins n'a inventé ou dissimulé des faits étant

6 donné que la plupart d'entre eux étaient des gens du cru, il faut les

7 croire, il faut leur faire confiance pleinement.

8 Permettez-moi, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, de faire

9 quelques commentaires brefs au sujet de la manière dont l'Accusation a

10 présenté sa thèse afin de justifier sa théorie dans la présentation de ses

11 moyens à charges, le Procureur a souvent utilisé des documents partiels,

12 des éléments pris hors contexte et ainsi donné l'impression de l'existence

13 de certaines choses qui n'existaient pas en réalité.

14 Dans le système juridique de notre pays, là où j'ai construit mon

15 expérience, nous nous fondons sur des principes qui sont déjà inscrits en

16 droit romano-germanique. Quod ab initio vitiosum est non potest tractu

17 tempore convalescore. L'un de ces principes, ce qui est invalide au début,

18 ne peut pas devenir valide au fur et à mesure que le temps passe. Cette

19 expression latine signifie, je répète : "Ce qui n'était pas valide ou vrai

20 au début, ne peut pas être le devenir au fur et à mesure que le temps

21 passe."

22 Le Procureur veut faire croire que les Moudjahiddines dépendaient du

23 contrôle effectif de l'armée. Il a ainsi interprété les interrogatoires

24 d'Andrew Hogg avec Abdel Aziz, mais ni les interrogatoires, ni la

25 déposition de ce témoin ne prouvent que les Arabes en question étaient sous

Page 19127

1 l'influence de l'ABiH ou de la Défense territoriale en tant que forces

2 armées légitimes à l'époque.

3 Je vais utiliser un certain nombre de documents, afin de présenter mon

4 point de vue sur la manière dont l'Accusation a présenté sa thèse. Je vais

5 parler de certains documents mentionnés par le Procureur hier. Je vais vous

6 remettre ce dossier et je vais également vous remettre quelques cartes que

7 j'ai montrées aux représentants de l'Accusation pendant les pauses. Je ne

8 vais pas les utiliser, mais ils s'avéreront illustrer ce dont je vais

9 parler.

10 J'ai des copies à l'intention des Juges de la Chambre de première instance

11 et à l'intention des représentants de l'Accusation.

12 A l'intercalaire 1 de ce dossier, vous trouverez la transcription de cet

13 interrogatoire mené par Andrew Hogg, sur la personne d'Abdel Aziz. Le

14 Procureur a souligné que cet interrogatoire prouve qu'au cours de l'été

15 1992, des Arabes originaires de différents pays sont arrivés en Bosnie. Ils

16 se sont placés sous le contrôle de l'armée. Si nous examinons attentivement

17 le document, déposé il y a longtemps, vous vous rendrez compte, on peut se

18 rendre compte que dans cet interrogatoire l'ABiH n'est mentionnée nulle

19 part. la Défense territoriale n'est pas mentionnée non plus. Il s'agissait

20 de la force armée légitime au cours de l'été 1992.

21 Les Musulmans sont mentionnés dans ce document, il s'agit de l'un des

22 peuples de Bosnie-Herzégovine. Vous avez entendu un certain nombre de

23 témoignages, de témoins qui ont parlé de l'attitude des étrangers arrivés

24 sur le territoire de la Bosnie centrale et qui ont essayé de se rapprocher

25 de la population locale.

Page 19128

1 Dans ce document il n'est fait mention nulle part du fait que ces

2 Arabes étaient dirigés soit par la Défense territoriale soit par l'armée.

3 On a demandé s'ils étaient bien accueillis par les autorités locales, Abdel

4 a répondu : "Oui, nous avons été bien accueillis par les Musulmans." Là

5 encore, le peuple musulman.

6 Tout ce que l'Accusation utilise pour établir un lien entre les

7 Arabes et les forces légitimes de Bosnie-Herzégovine à l'époque, est la

8 référence faite par Abdel, lorsqu'il dit qu'il était sous le contrôle des

9 forces musulmanes. Pour ce qui est des forces musulmanes, Monsieur le

10 Président, Madame, Monsieur les Juges, à plusieurs reprises, nous avons

11 entendu des dépositions de témoins qui ont comparu ici, afin de confirmer

12 son allégation selon laquelle les forces musulmanes faisaient partie de la

13 Défense territoriale, le Procureur au paragraphe 77 de son mémoire en

14 clôture, invoque la Défense de Sefir Terzic.

15 Sans parler du caractère véridique, d'autres éléments dans la

16 déposition de ce témoin, je souhaite attirer l'attention des Juges, sur le

17 fait que ce témoin a déclaré que : "Les forces musulmanes ont été créées le

18 10 mai 1992, à l'état des autres unités, il faisait partie de l'état-major

19 municipal de la Défense territoriale de Travnik." En ce qui concerne la

20 séquence où on peut le voir, le témoin a dit que ce n'était rien qu'un

21 serment d'allégeance prononcée par la Défense territoriale, que c'était une

22 pratique commune selon lui à l'époque.

23 La déposition de ce témoin n'a aucune valeur probante. Ceci est

24 confirmé par la pièce DH 1663, que vous trouverez à l'intercalaire 16 de ce

25 dossier ou de ce classeur. Il s'agit d'un tableau d'ensemble des états-

Page 19129

1 majors et des unités de la Défense de Travnik qui étaient sous le

2 commandement de l'état-major municipal de la Défense territoriale de

3 Travnik au jour du 20 mai 1993.

4 Dans ce tableau général, il n'y a aucune unité appelée : "Forces

5 musulmanes." Nous avons entendu tous les commandants et les chefs de

6 l'état-major municipal de la Défense territoriale de Travnik, qui

7 exerçaient ces fonctions en 1992 et 1993. Je vais vous rappeler qui ils

8 étaient Zijad Caber, Haso Ribo, Hamed Masanovic, Ahmed Kulenovic, Remzija

9 Siljak, et tous ont dit que les forces musulmanes n'étaient pas placées

10 sous le commandement de l'état-major municipal de la Défense territoriale.

11 Le Procureur se fonde sur la déposition selon laquelle, cette

12 séquence vidéo représente un serment d'allégeance prononcé par des membres

13 ou unités de la Défense territoriale de Travnik. Si tel était le cas, alors

14 on aurait vu sur cette séquence au moins l'un des représentants de la

15 Défense territoriale de l'état-major municipal de la Défense territoriale.

16 L'une des personnes que j'ai mentionnées qui à l'époque occupait une

17 fonction importante au sein de l'état-major de la Défense territoriale.

18 Comme nous l'avons entendu à plusieurs reprises, aucune des personnes que

19 j'ai mentionnées plus tôt n'apparaît sur cette séquence vidéo.

20 Au vu de la transcription présentée par le Procureur, en tant que

21 preuve, qu'il s'agissait de serment d'allégeance prêté par la Défense

22 territoriale et l'ABiH, il ressort clairement qu'il ne s'agit pas de

23 serment d'allégeance prononcé par les membres de la Défense territoriale et

24 de l'ABiH, ce serment d'allégeance est versé au dossier.

25 Le témoin, Terzic, sur cette séquence, ne reconnaît qu'une seule

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1 personne, personne qui aurait été le commandant de la base logistique du 3e

2 Corps d'armée. Il est inutile que je vous donne mon point de vue sur la

3 question. Ceci s'est passer dans le courant de l'été 1992. Le corps d'armée

4 a été créé en 1993. Une autre preuve présentée par l'Accusation en

5 l'espèce, est l'ordre donné par le général Hadzihasanovic, datant du

6 printemps 1993, en vertu duquel il ordonne que la base logistique des

7 municipalités, c'est-à-dire, un organe d'autorité civile devait être

8 transféré à la base logistique du 3e Corps, soit huit mois après les

9 événements que l'on voit sur cette séquence vidéo.

10 Il est possible de croire les témoins à décharge y compris Ribo Haso, qui à

11 l'époque était commandant de l'état-major municipal de la Défense

12 territoriale de Travnik. Ceci est prouvé dans le rapport officiel qui

13 apparaît à l'intercalaire 2, pièce P701. Cette note montre que ce témoin,

14 c'est-à-dire le commandant de l'état-major de Travnik RH, Ribo Haso, se

15 plaint de la création des forces musulmanes dirigées par Hodza Muftija

16 [phon] et qui recrutaient des personnes au sein des Unités régulières de

17 l'armée.

18 Le Procureur a eu l'occasion de poser ces questions et beaucoup

19 d'autres à Ribo Haso qui a témoigné ici, mais il ne l'a pas fait. Le

20 témoin, Ribo Haso, a été très clair lorsqu'il a déclaré qu'en 1992, les

21 forces musulmanes ne faisaient pas partie des effectifs de l'état-major

22 municipal de la Défense territoriale.

23 A la page 19 du compte rendu d'audience d'hier, le Procureur parle du

24 témoin, Ibrakovic, et il dit que le fait que l'Arabe, Sahar, le fait qu'il

25 ait été tué en 1992 près de Visoko, il en déduit que les Arabes

Page 19131

1 combattaient dans la zone de responsabilité du 3e Corps qui avant

2 relevaient de la responsabilité de la Défense territoriale, même s'il

3 ressort clairement de tous les éléments de preuve produits qu'à l'époque

4 Visoko ne faisait pas partie du territoire du 3e Corps, mais du territoire

5 du 1er Corps de l'ABiH.

6 En outre, le Procureur mentionne le journaliste Hogg, dans

7 l'interview le témoin n'a pas reconnu un mot. Cela commençait par la lettre

8 "K" et le Procureur a dit que cela pouvait être Karaula en se fondant sur

9 les dires du témoin, Cuskic.

10 A l'époque de l'interview, au cours de l'été 1992, Karaula n'était

11 pas à la ligne de défense comme l'affirmait hier le Procureur dans son

12 réquisitoire. D'après tous les témoignages et, notamment, d'après le

13 général Cuskic sur lesquels se fondent le Procureur, ce n'est qu'après la

14 chute de Jajce, c'est-à-dire, à l'automne, fin octobre 1992, que la ligne

15 de défense a été établie à Karaula, qui avant se trouvait bien à l'arrière.

16 En d'autres termes, des preuves directes datant de l'année 1992 indiquaient

17 clairement que les forces musulmanes mentionnées par Abdel Aziz dans

18 l'interrogatoire ne faisaient pas partie de la Défense territoriale, ni de

19 l'ABiH.

20 A titre d'exemple, je vais vous parler d'éléments concrets sur la manière

21 dont le Procureur a présenté sa thèse. La façon dont le commandant a su ce

22 qui s'était passé à Orasac, ce qui est devenu un camp des Moudjahiddines,

23 par la suite, pour établir cela le Procureur invoque les pièces à

24 conviction P500 et P501. Ceci ressort clairement du mémoire en clôture et

25 du réquisitoire. Ces pièces à conviction n'ont rien à voir avec Orasac.

Page 19132

1 Vous vous êtes rendus, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,

2 vous êtes allés sur place. Ceci n'a rien à voir avec les éléments de preuve

3 invoqués par l'Accusation.

4 Pour ce qui est de Zagradje, le Procureur voulait que cela soit situé près

5 de Mehurici. Même si Zagradje se trouve près de Kakanj, le Procureur doit

6 comprendre qu'à l'exemple de Zagradje, il arrive en Bosnie que plusieurs

7 endroits portent le même nom.

8 Je vous renvoie aux documents figurant aux intercalaires 3 et 4. Il s'agit

9 des pièces à conviction P500 et P501 et il ressort clairement de ces

10 documents qu'il n'ait pas fait référence à Orasac qui se trouve dans la

11 vallée de la Bila. Cette Orasac, mentionnée dans les documents en question,

12 n'a rien à voir avec l'acte d'accusation. Sur la base des coordonnées

13 mentionnées dans ce document, le Procureur a pu consulter une carte et se

14 rendre compte que l'endroit mentionné dans ce document se trouve entre

15 Fojnica et Breza et il aurait pu voir également dans d'autres documents

16 qu'il y a des preuves relatives aux activités de combat dans la zone de

17 responsabilité du 6e Corps d'armée.

18 Pourquoi l'Accusation s'est-elle fondée sur les dires d'un seul membre du

19 commandement Suprême ? Etait-ce pour semer la confusion dans l'esprit de la

20 Défense ?

21 Je vous renvoie au document qui figure à l'intercalaire 6, document dans

22 lequel vous vous rendrez compte que dans la partie sud-ouest, près de

23 Kakanj il y a un endroit appelé Mehurici, Orasac et Dusina, des endroits

24 qui n'ont absolument rien à voir avec les Dusina, Mehurici et Orasac visés

25 dans l'acte d'accusation.

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1 A l'intercalaire 3, vous verrez qu'au sud de Zenica se trouve un certain

2 nombre d'endroits qui portent le même nom ou des noms similaires.

3 A l'intercalaire 8, vous trouverez un endroit appelé Orasac, qui se trouve

4 au sud de Novi Travnik, et en 1993, cela se trouvait sans doute sous le

5 contrôle du conseil croate de la défense.

6 A l'intercalaire 9, il y a un autre endroit appelé Orasac entre Visoko et

7 Fojnica. Il s'agit d'un endroit mentionné dans les documents P500 et P501.

8 Outre la manière caractéristique dont l'Accusation essaie de présenter des

9 faits inexistants, l'Accusation a également essayé de présenter des

10 événements qui se seraient déroulés après la création d'El Moudjahid et a

11 décrit les combats qui se sont déroulés début septembre. Pages 39 et 40 du

12 compte rendu, et ce, même si les pièces à conviction P792 et P740

13 confirment les dépositions de Siljak, Remzija, Jusufspahic Vezir et

14 d'autres selon lesquelles la 6e [comme interprété] Brigade musulmane de

15 Montagne et El Moudjahid n'a pas été re-subordonnée à la 306e Brigade et

16 réfute les allégations de l'Accusation sur la manière dont les combats ont

17 été menés au cours de cette période.

18 Le manque de cohérence, le manque de véracité et l'abondance de

19 sensationnalisme dans la présentation des éléments de preuve ne concernent

20 pas uniquement les Moudjahiddines. L'Accusation a utilisé des extraits de

21 la déposition du témoin Mladen Veseljak pour fournir un tableau déformé de

22 sa déposition. Ce que ce témoin dit sur la manière dont le Procureur a mené

23 son enquête et sur le rôle du Juge d'instruction, le rôle de l'armée de la

24 police civile, la Chambre verra aux vues de l'ensemble de la déposition de

25 ce témoin ce qu'il en était et ne retiendra pas la vision déformée de sa

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1 déposition donnée par l'Accusation.

2 Nous souhaitions attirer l'attention des Juges sur les pages

3 15 991, 15 992, 15 993, 15 994, et 16 006 du compte rendu d'audience que

4 vous verrez aux intercalaires 13 et 14.

5 Nous vous invitons à vous pencher sur la caricature de la déposition

6 relative au vol de la vache, même si le témoin en question a expliqué qu'il

7 s'agit là de certaines mesures prises pour protéger la population civile

8 croate et qu'il s'agissait de mesures mises en place pour traiter des

9 membres de l'armée qui auraient pu compromettre les biens et la vie de la

10 population.

11 Le Procureur a traité de la même manière le document qui a été présenté au

12 témoin. Le document montre qu'un Croate s'était présenté comme étant un

13 Moudjahiddine. La Défense ne peut pas accepter que l'Accusation se comporte

14 de cette façon, d'une façon aussi inappropriée devant un Chambre de

15 première instance, notamment, lorsque le Procureur dit que le Juge Strika a

16 une très mauvaise réputation. Le Procureur ne connaît pas ce Juge. Le Juge

17 a exercé ses fonctions conformément avec les lois de son pays et lorsqu'il

18 mentionne ce Juge dans les termes que j'ai décrit, le Procureur oublie

19 qu'un autre témoin a pris part à cette enquête en 1993. Il s'agit d'un

20 témoin à charge qui s'appelle Vlado Adamovic. Ceci ressort clairement de la

21 déposition du témoin, Osman Hasanagic. Elle se trouve à la page 12 683 du

22 compte rendu d'audience.

23 J'essaie d'attirer votre attention sur le fait qu'il est indispensable que

24 chaque élément de preuve soit examiné de façon très prudente afin de

25 déterminer sa véritable importance et qu'il ne faut pas se laisser guider

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1 de façon erronée par la manière dont les éléments de preuve ont été

2 présentés par le Procureur.

3 Voilà les questions que je voulais soulever au début de ma plaidoirie. A

4 présent, je souhaite donner la parole à mon collègue, Stéphane Bourgon.

5 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge,

6 Bonjour, Monsieur le Juge.

7 Au cours de prochaines minutes, mon objectif est de vous présenter le point

8 de vue de la Défense sur la force probante qui doit être accordée à la

9 preuve documentaire, à la preuve vidéo, ainsi qu'aux témoignages des

10 témoins experts entendus au cours de ce procès.

11 Avant de débuter ma présentation toutefois, Monsieur le Président,

12 j'aimerais revenir sur un point qui a été mentionné par ma collègue,

13 puisque que je crois que l'interprétation n'a pas été très claire à ce

14 sujet. Ce point traite de la preuve circonstancielle. Ce que ma collège a

15 dit dans sa langue, ce sont, pour résumer, les points suivants : "Lorsqu'il

16 est question de preuve circonstancielle, si la Défense met de l'avant une

17 théorie qui exclut la responsabilité pénale du général Hadzihasanovic,"

18 premier point. Deuxième point : "Si cette théorie n'est pas incompatible

19 avec la preuve au dossier, en d'autres termes, si la théorie est possible,

20 conclusion, même s'il y a d'autres théories, le généralement Hadzihasanovic

21 doit être acquitté."

22 C'est là, Monsieur le Président, le point qui a été mentionné par ma

23 collègue et qui constitue le lien entre la preuve circonstancielle et le

24 doute raisonnable que l'Accusation tente de minimiser.

25 J'en arrive avec mon premier sujet, la preuve documentaire.

Page 19136

1 Première constatation, Monsieur le Président, au cours de ce procès,

2 l'Accusation a demandé et obtenu l'admission au dossier, environ de 959

3 pièces à conviction et exhibits. Sur ce total, Monsieur le Président, 350

4 environ, ce n'est pas le chiffre exact, ont été utilisés avec des témoins à

5 charge ou encore avec des témoins à décharge. Environ 30 % seulement, des

6 documents utilisés par l'Accusation, ont été utilisés, ont été vérifiés

7 avec l'aide d'un témoin. Cela revient à dire, Monsieur le Président, que

8 l'Accusation a remis à la Chambre un beau paquet de 600 documents environ

9 en disant : "Voici Messieurs les Juges, Madame le Juge, 600 documents. Nous

10 soutenons que ces documents sont tous pertinents. Nous vous demandons

11 d'accorder tout le poids possible à ces documents car ils représentent la

12 situation de 1993. Nous vous demandons de prendre ces documents et de les

13 placer dans notre gigantesque puzzle circonstanciel sans vous poser trop de

14 questions. Vous n'avez qu'à nous faire confiance et nous vous dirons, à la

15 fin du procès, où mettre les pièces dans le puzzle."

16 Deuxième constatation, Monsieur le Président, il est clair de par

17 l'attitude de l'Accusation qu'elle s'attend à ce que toutes les pièces à

18 charge, qui ont été admises au dossier, soient considérées à leur pleine

19 valeur comme s'il s'agissait de documents authentiques. L'Accusation

20 ajoute, aux paragraphes 5 à 14 de son mémoire en clôture, que les

21 témoignages entendus au cours de ce procès ne sont pas fiables car ils sont

22 dépendants de la mémoire et de la crédibilité des témoins alors que les

23 documents, eux, ont été rédigés en 1993 au moment des faits. A ce titre,

24 Monsieur le Président, il est permis de se demander ce que nous faisons

25 dans cette salle d'audience depuis plus de 18 mois. Selon nous, avec une

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1 telle approche, l'Accusation aurait mieux fait de déposer ces 959 documents

2 et de fermer sa preuve. Cela aurait, à tout le moins, nous aurait permis

3 d'économiser l'argent des contribuables en plus de confirmer dès le départ

4 que mis de côté quelques documents où les mots "MOS" et "Moudjahiddines"

5 apparaissent, l'Accusation n'avait rien à offrir à la Chambre de première

6 instance. La question se pose, Monsieur le Président, quel est le problème

7 avec une telle approche documentaire ?

8 La réponse est simple et c'est notre troisième constatation. Un

9 document admis n'a pas automatiquement de valeur probante et cela

10 s'applique aussi bien aux documents de l'Accusation qu'aux documents que

11 nous avons nous-mêmes présentés sans l'assistance d'un témoin. La Chambre

12 l'a bien souligné dans sa décision sur l'admissibilité des pièces proposées

13 pas la Défense. Je cite : "Par conséquent, la partie qui souhaite verser un

14 document sans l'aide d'un témoin ne le fait pas sans risques. La valeur

15 probante du document en question pourra en être diminuée."

16 Une question additionnelle se pose, Monsieur le Président, à savoir, quel

17 est le problème avec un document qui n'a pas été présenté par l'entremise

18 d'un témoin ? Nous vous soumettons aujourd'hui que la réponse à cette

19 question comporte plusieurs volets.

20 Tout d'abord, la Chambre a été privée de toute assistance pour

21 l'interprétation de documents. La Chambre sera sans doute d'accord, des

22 documents qui sont beaucoup plus compliqués qu'un contrat synallagmatique

23 en droit civil par lequel Pierre a acheté deux sacs de pommes de terre à

24 Paul.

25 Quatrième constatation, Monsieur le Président, un document non présenté par

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1 l'entremise d'un témoin et qui nécessite une interprétation ou qui requiert

2 des explications, nous vous soumettons respectueux qu'un tel document doit

3 être interprété en faveur de l'accusé et qu'il ne peut à lui seul, établir

4 un fait matériel.

5 Deuxième problème avec l'approche de l'Accusation. L'accusé a été

6 privé de son droit au contre-interrogatoire de toute preuve à charge.

7 Cinquième constatation, un document non présenté par un témoin ne peut être

8 utilisé pour prouver un élément essentiel d'une accusation.

9 Troisième problème avec les documents du Procureur, l'absence de

10 poids d'un document non présenté par un témoin alors même que l'Accusation

11 avait l'opportunité d'utiliser ce document avec un témoin entendu devant la

12 Chambre et qu'elle a décidé délibérément de ne pas faire.

13 Nous vous soumettons, Monsieur le Président, à ce sujet que lorsque

14 l'Accusation a eu l'opportunité d'utiliser une pièce à conviction avec un

15 témoin et qu'elle a décidé de ne pas le faire, ce document doit tout

16 bonnement être écarté. Pourquoi ? Parce que cela démontre que l'Accusation

17 n'avait aucune confiance en son propre document, savait que ce document ne

18 passerait pas le test du contre-interrogatoire.

19 Je cite un exemple : un document qui aurait apparemment été remis à un

20 témoin du HVO concernant le kidnapping de Totic. Sur ce document apparaît

21 un petit paragraphe qui dit : ce document a été remis au témoin par Merdan.

22 Merdan vient témoigner devient la Chambre, l'Accusation n'utilise pas le

23 document, mais la Chambre, voyant plus loin et ayant une plus grande vision

24 que l'Accusation, montre le document au général Merdan qui lui, dit : "Je

25 regrette mais je ne peux absolument pas reconnaître ce que le contenu du

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1 document, à savoir que j'aurais moi-même remis un document concernant Totic

2 à quelqu'un du HVO."

3 C'est le genre d'exemple. C'est la raison pour laquelle l'Accusation

4 choisit à plusieurs reprises de ne pas utiliser ses propres témoins. Cela

5 s'est produit à plusieurs reprises au cours de ce procès. Demain, j'aurai

6 l'occasion de vous remettre une liste de documents à ce sujet.

7 Il va de soi, Monsieur le Président, que l'Accusation a pu décider aussi de

8 ne pas utiliser le document parce qu'elle a cru ou dans sa stratégie, elle

9 a décidé de laisser le soin à la Chambre de le faire à sa place. Nous ne

10 disons pas que l'Accusation ne peut pas faire preuve de stratégie et

11 anticiper que la Chambre utilisera un document qu'elle ne veut pas

12 utiliser, sachant que la réponse du témoin sera différente. C'est une

13 stratégie comme une autre.

14 Toutefois, si jamais la Chambre n'utilise pas ce document,

15 l'Accusation doit savoir qu'elle procède à ses risques et périls.

16 J'en arrive, Monsieur le Président, aux critères qui font qu'un document

17 doit ou non se voir attribuer une quelconque valeur probante. Nous avons

18 déjà fait part à la Chambre de nos observations à ce sujet. Nous souhaitons

19 simplement profiter de l'occasion pour résumer nos observations concernant

20 le poids à accorder aux documents. J'entends procéder le plus rapidement

21 possible par types de documents en commençant avec les documents officiels.

22 A titre d'exemple, les décrets lois. Si un tel document était en

23 vigueur en 1993 et que le document était un document qui était connu des

24 personnes qui devaient l'appliquer, il a nécessairement une grande valeur

25 ou force probante. C'est la raison qui avait d'ailleurs conduit la Défense

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1 à accepter d'emblée tous ces documents qui étaient de la catégorie,

2 documents officiels.

3 Il y a ensuite les documents des organisations internationales. Les

4 documents de la Mission de "monitoring" de la communauté européenne, les

5 documents de la FORPRONU et les documents BritBat. Cela inclut

6 nécessairement les milinfosums. Pour les raisons évoquées par ma collègue

7 au sujet des témoins internationaux mais aussi et surtout en fonction de ce

8 qui a été dit à ce sujet par les témoins, Sir Roderick Cordy-Simpson,

9 colonel Stewart, ainsi qu'un témoin dont je ne peux nommer le nom et que

10 malheureusement je n'ai pas le pseudonyme, mais un troisième témoin, je

11 trouverai le pseudonyme et je le rappellerai à la Chambre. Ce témoin, ainsi

12 que les deux autres mentionnés précédemment, ont traité du sujet des

13 milinfosums. L'existence de ces documents ne pose pas de problème. Encore

14 une fois, c'est ce qui a conduit la Défense d'emblée à accepter tous ces

15 documents au dossier sans poser davantage de questions. Le problème, c'est

16 plutôt celui de la force probante qui est dans le meilleur des cas de ces

17 documents, minime.

18 Le témoin auquel je faisais référence, Monsieur le Président, est le

19 témoin HC. Une observation effectuée par un témoin international, rapportée

20 viva voce dans un document, a évidemment une grande valeur pour toutes les

21 raisons évoquées par mon collègue. Le témoin est indépendant. Le témoin est

22 sur place. Il est un international. Il est objectif; alors il dit : "J'ai

23 vu un homme porter une barbe," fait établi à n'en pas douter. Le

24 commentaire, l'opinion ou la déduction tirée de la même observation par un

25 témoin international, qui n'a pratiquement pour sa part aucune force

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1 probante, à moins évidemment d'avoir passé le test du contre-

2 interrogatoire, ce qui nous ramène à la case départ.

3 La prochaine catégorie de documents, Monsieur le Président, ce sont

4 les documents du HVO. En raison de toute la preuve entendue au sujet des

5 activités de propagande du HVO qui a été reconnue -- ses efforts, ses

6 activités de propagande ont été reconnues dans les propres documents du HVO

7 par les témoins internationaux, par les témoins locaux. Cette propagande,

8 cette machine de propagande est clairement reconnue dans la preuve. Nous

9 sommes d'avis, Monsieur le Président, en l'espèce, la Chambre doit faire

10 preuve de la plus grande prudence avant d'accorder toute valeur à ces

11 documents. Cela est d'autant plus vrai si le document en question a été

12 établi et que la mention on la retrouve sur le document préparé par le

13 service de Propagande du HVO.

14 La Chambre de première instance, dans l'affaire Strugar, a souligné

15 au sujet des documents, je cite le paragraphe 7 et que je citerai en

16 anglais :

17 [interprétation]"Il est plus regrettable que la Chambre ait été

18 contrainte de conclure que certaines preuves verbales et documentaires sont

19 délibérément mensongères."

20 [en français] Ceci, Monsieur le Président, n'est pas automatiquement

21 vrai.

22 Enfin, il y a aussi l'apparence physique des documents du HVO, qui peut

23 être révélatrice. Je fais référence ici aux indices traditionnels de

24 fiabilité, tels que signature, tampon, nombre de copies, la marque d'un

25 envoi ou d'une réception, ou encore la référence à d'autres documents. Mais

Page 19142

1 cela, Monsieur le Président, nous vous soumettons que cela s'applique

2 d'autant plus à des documents qui sont de la catégorie dites. J'utiliserai

3 ici qu'un seul exemple pour illustrer mes propos. Document P684, un

4 document utilisé par mon collègue hier, au sujet des événements liés au

5 motel Sretno. Lorsqu'on regarde ce document, les observations suivantes

6 s'imposent. Document de propagande préparé par le service de Propagande,

7 qualifié de protestation, mais ce qui est le plus important, document

8 établi en quatre copies, alors qu'il y a six destinataires et qu'une copie

9 est restée dans le dossier. Qui sont les deux destinataires qui n'ont pas

10 reçu de copies, si tant est qu'un seul destinataire a reçu une copie. Avec

11 un document comme celui-la, à moins d'avoir une preuve entendue au cours du

12 procès, on ne peut accorder aucun poids à un tel document, document qui

13 plus est ne portait aucune marque d'envoi ou de réception. Un document qui

14 a été envoyé au commandement conjoint entre le HVO et l'armée, qui aurait

15 pu être utilisé avec nombre de témoins qui ont été entendus devant la

16 Chambre, il est clair qu'un tel document, Monsieur le Président, doit tout

17 simplement être écarté.

18 Prochaine catégorie de documents, les documents de l'ABiH. Ces documents,

19 Monsieur le Président, sont intéressants dans la mesure où ils ont été

20 utilisés avec des témoins. Dans le cas contraire, ils peuvent servir à

21 établir l'existence d'un fait, mais on ne saurait utiliser un tel document

22 -- pardon, ou une interprétation d'un tel document contre l'accusé à moins

23 d'avoir un élément additionnel d'explication ou qu'il y ait un lien entre

24 ce document et un autre. Surtout encore une fois si ce document pouvait

25 être utilisé avec un témoin et qu'il ne l'a pas été.

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1 Enfin, Monsieur le Président, il y a les documents de type entrevue, ou

2 articles de journaux. Ces documents doivent également être utilisés selon

3 nous avec une très grande prudence. La raison pour exercer une telle

4 vigilance est évidente. Celui qui donne une entrevue habituellement à moins

5 qu'il ne s'agisse d'un commentaire à l'improviste a un objectif, un but, un

6 message à communiquer. Je n'utiliserai que deux exemples, P112. Dans le

7 premier cas, il s'agit de l'entrevue entre M. Hogg et M. Aziz. Ma collègue

8 en a traité. Qui est Aziz ? L'Accusation a-t-elle réussi à établir son

9 identité et son rôle en 1992 ? Poser la question, Monsieur le Président,

10 c'est y répondre. Il est clair, à la lecture des propos tenus par ce M.

11 Aziz, que ce dernier était en mode propagande. Dans son réquisitoire,

12 l'Accusation a omis de faire entendre l'extrait de l'entrevue, lorsqu'il

13 dit qu'il y a plus de 1 000 Moudjahiddines en Bosnie et que davantage de

14 Moudjahiddines arrivent tous les jours. C'est cette seule phrase, Monsieur

15 le Président, qui suffit à éliminer toute force probante qui pourrait être

16 accordée à ce document.

17 Deuxième exemple, P763. Un journal interne, je crois que c'était de la 37e

18 Brigade en 1995, avec témoin, le M. Aziz qui parle d'événement en 1992.

19 Nous connaissons tous, Monsieur le Président, le titre d'article que nous

20 pouvons retrouver à l'intérieur d'organismes publics, cela s'applique

21 d'autant plus à des journaux internes militaires. Nous ne doutons pas qu'il

22 y ait un fond de vérité dans l'article d'Aziz, mais quelle est la partie

23 vraie et quelle est la partie histoire de guerre. Pour ne pas dire histoire

24 de pêche, comme le dirait sûrement le JNA.

25 Je vais maintenant passer, Monsieur le Président, à la prochaine

Page 19144

1 section de la plaidoirie sur la preuve vidéo.

2 Avant de débuter cette partie, toutefois, je me dois de traiter

3 brièvement des journaux de guerre admis à titre de preuve de la Chambre, le

4 22 juin dernier. Pour tout vous dire, Monsieur le Président, il nous est

5 arrivé de nous poser la question : pourquoi une telle décision à ce stade-

6 ci ? Mais il serait inapproprié de ma part de m'attarder davantage sur

7 cette question. Malheureusement, la Chambre aura constaté que nous n'avons

8 pas eu assez de temps pour intégrer comme nous l'aurions voulu le contenu

9 de ces journaux à nos arguments finaux. Nous notons par contre que

10 l'Accusation de son côté, avec tout son personnel en appui a eu pleinement

11 le temps de réagir à l'ordonnance de la Chambre. En conséquence, Monsieur

12 le Président, nous allons profiter de notre plaidoirie pour intégrer ces

13 nouvelles données, surtout en ce qui a trait au mois de septembre, car pour

14 le reste, ces journaux que nous avons consultés en détail, confirment en

15 tout point le contexte que nous avons voulu démontrer à la Chambre au cours

16 de ce procès, contexte qui rendait la tâche de tous les membres du 3e Corps

17 pratiquement impossibles.

18 S'agissant de ces journaux, Monsieur le Président, nous sommes d'avis

19 qu'ils entrent dans la catégorie des documents non admis par l'entremise

20 d'un témoin.

21 S'agissant maintenant de la preuve vidéo, je serai bref à ce sujet.

22 Je me contenterai de souligner les arguments de la Défense, au moment de

23 l'admission de ces pièces au dossier. En quelques mots, nous avons expliqué

24 à la Chambre, pourquoi un document vidéo obtenu d'une source inconnue, dont

25 nous ne connaissons pas le réalisateur ou l'auteur, dont les moyens

Page 19145

1 employés pour assembler les différentes séquences ne sont pas connues, dont

2 la date de tournage est inconnue, à moins de faire confiance à la

3 technique. Dont le contenu n'est que propagande. Dont l'objectif avoué est

4 propagande. Dont l'identité des personnes est quelques exceptions près,

5 inconnue. Dont l'identification des lieux à quelques exceptions près

6 demeure inconnue. Nous avons expliqué pourquoi un tel document ne devrait

7 même pas être admis au dossier. La Chambre en a décidé autrement et nous

8 respectons évidemment cette décision. Nous maintenons toutefois que ces

9 preuves vidéo ne doivent se voir attribuer aucune force probante.

10 D'ailleurs, Monsieur le Président, selon nous, le fait que

11 l'Accusation sente le besoin dans son mémoire en clôture, de même que dans

12 son réquisitoire d'utiliser de telles preuves, révèle la faiblesse de son

13 dossier.

14 Je passe au dernier sujet, Monsieur le Président, la question de la force

15 probante ou valeur probante qui doit être accordée au témoin expert. On

16 parle de témoins experts qui ont témoigné devant cette Chambre. Il y a tout

17 d'abord l'expert sur l'histoire de la Bosnie, un témoin de la Défense. Ce

18 témoin, Monsieur le Président, a rédigé un rapport qui a été admis en

19 preuve. Il a ensuite témoigné et il a été contre-interrogé.

20 La Chambre a également eu l'occasion de lui poser des questions. Selon

21 nous, ce témoin a aidé la Chambre dans un domaine qui ne lui était pas

22 familier et ce témoin a prouvé sans l'ombre d'un doute parmi bien d'autres

23 faits bien évidemment, mais au minimum les faits suivants :

24 Au cours de l'histoire un territoire de la Bosnie a toujours été mis à part

25 une brève période reconnu à l'intérieur de ces deux frontières bien

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1 établies.

2 Deuxième fait : la Bosnie a toujours été une communauté multiethnique,

3 multiculturelle et multi religieuse.

4 Troisième fait : les habitants de la Bosnie sans égard à leur appartenance

5 ethnique ont toujours partagé les mêmes endroits où ils demeurent ensemble

6 depuis très longtemps.

7 Quatrième constatation : pour cette raison toute division de la Bosnie sur

8 des bases ethniques devait nécessairement passer par le nettoyage ethnique

9 qui a été pratiqué, tant par la VRS et le HVO; mais pas par l'ABiH qui elle

10 défendait son territoire.

11 Vient ensuite l'expert constitutionnel également un témoin de la Défense.

12 Il a rédigé un rapport, rapport qui a été admis. Il a témoigné et il a été

13 contre-interrogé. Selon nous, Monsieur le Président, ce témoin a été d'une

14 grande assistance à la Chambre dans un domaine qui ne lui était pas

15 familier et il a prouvé les faits suivants au-delà de tout doute parmi

16 encore une fois quantité d'autres faits.

17 En 1992, 1993, l'armée de Bosnie était subordonnée à l'Etat. L'ABiH de la

18 République de Bosnie-Herzégovine et le 3e Corps n'avaient aucune autorité

19 sur les organes civils. En 1992, 1993, les institutions de Bosnie

20 fonctionnaient mais de façon réduite en fonction des conditions extrêmement

21 difficiles. Les multiples changements apportés à l'ordre constitutionnel

22 par la présidence, a créé des opportunités pour des interférences de la

23 part d'organes civils dans les affaires militaires. Il y a eu dans les

24 faits de telles interférences.

25 Le système judiciaire de la Bosnie existait et fonctionnait indépendamment

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1 de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine incluant les courts

2 militaires de districts. Toute activité conjointe entre l'armée et les

3 organes civils étaient basés sur le principe de la coopération uniquement.

4 Ce témoin, Monsieur le Président, a aussi traité de la discipline au sein

5 du 3e Corps, ainsi que de questions délicates telles que l'octroi de la

6 nationalité aux membres de l'armée qui n'étaient pas des citoyens de

7 Bosnie-Herzégovine. Mais personne ne lui a posé de questions à ce sujet.

8 Nous soumettons que son rapport se voit [imperceptible].

9 Le témoignage du Juge et du Pr Trnka n'a, en aucun temps, été remis en

10 question par l'Accusation au cours de son contre-interrogatoire. Nous

11 soumettons que le rapport d'expert, ainsi que le témoignage de ce témoin

12 doivent se voir attribuer la plus grande valeur probante.

13 Vient enfin, Monsieur le Président, et je terminerai sur ce sujet, l'expert

14 militaire de la Défense, le général Karavelic. Au paragraphe 1, du

15 paragraphe de son mémoire, l'Accusation invite la Chambre à ne donner aucun

16 poids à ce témoin. L'Accusation invoque, entre autres, la méthodologie

17 employée par le général Karavelic.

18 Nous soumettons, Monsieur le Président, l'Accusation a fait ici une

19 grave erreur d'appréciation, erreur significative. Comment l'Accusation

20 peut-elle douter de la crédibilité du général Karavelic, alors qu'il fut un

21 témoin clé de l'Accusation dans l'affaire Galic, condamné soit dit en

22 passant à 20 ans pour le siège de Sarajevo et le meurtre d'un nombre de

23 personnes tellement élevé qui ne se compare même pas avec la présente

24 affaire.

25 Le général Karavelic, qui a également été cité en tant que témoin de

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1 l'Accusation dans l'affaire Halilovic. De surcroît l'Accusation, a cité le

2 témoin, Karavelic, pas moins de 30 fois dans son mémoire en clôture.

3 L'Accusation ne peut, Monsieur le Président, avoir le beurre et l'argent du

4 beurre. Quelle est la qualité du général Karavelic en tant que témoin

5 expert ? Il y a d'abord les critères objectifs. Il a occupé la même

6 position que l'accusé dans ce dossier, commandant d'un corps d'armée,

7 commandant d'un corps d'armée dans la même force armée, connaissance

8 objective de l'armée. Les critères subjectifs a été témoin et acteur dans

9 la même guerre, a vécu la même expérience d'avoir à déserter la JNA pour se

10 joindre à l'ABiH, situation impossible, comparable. En fait de

11 qualification, le général Karavelic a tout ce qui est nécessaire,

12 expérience de commandement ainsi qu'expérience d'officier d'état-major à

13 presque tous les niveaux, méthodologie de l'Accusation, employée par la

14 Défense une expertise unique, pas une expertise sur six sujets avec un

15 militaire. Un militaire qui est venu donné une expertise militaire.

16 L'Accusation nous dit qu'il y a un problème avec les témoignages qui

17 lui auraient été remis sous une forme de résumé, mais le problème c'est que

18 l'Accusation, si elle avait un problème avec les faits, le témoin était là

19 devant elle pendant des jours. L'Accusation aurait pu contre-interroger

20 l'expert sur les faits, mais elle ne l'a pas fait. L'Accusation nous dit

21 dans son mémoire en clôture le rapport de l'expert Karavelic n'est que la

22 première ébauche du mémoire de l'accusé. Bien, oui, effectivement, Monsieur

23 le Président, c'est le cas. C'est tout à fait le cas parce que c'est ce que

24 nous avons voulu. Nous avons posé des questions précises à cet expert et

25 nous lui avons demandé des réponses précises dans une expertise unique et

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1 précise, une expertise militaire. Il a donné des réponses précises, des

2 réponses qui, selon nous, Monsieur le Président, sont très importantes.

3 La méthodologie employée par cet expert est aussi à souligner. Il a analysé

4 les événements à la fin de son rapport en les divisant en cinq catégories.

5 Il a d'abord établi les faits. Il a dit en quoi une telle situation peut

6 avoir un impact sur un commandant au niveau auquel l'accusé commandait,

7 c'est-à-dire, au niveau d'un commandant d'un corps d'armée. Il a dit :

8 "Qu'est-ce qu'on peut s'attendre d'un commandant d'un corps d'armée dans

9 une telle situation ?" Il a ensuite décrit, à partir de toute la preuve

10 qu'il a vue, et il a vu toute la preuve, il a décrit ce que le commandant a

11 fait, selon lui. Ensuite, il a donné des conclusions.

12 De notre avis, deux sources possibles de plainte pour l'Accusation. A-t-il

13 utilisé les bons faits ? A-t-il bien rapporté ce que le général

14 Hadzihasanovic a fait ? Mais le moment de critiquer, ce n'est pas

15 aujourd'hui quand le procès est terminé; c'est quand le témoin est dans la

16 boite. C'est là qu'il fallait dire au général Karavelic : "Je vous dis,

17 Général, qu'au paragraphe 2(b) de votre rapport, vous dites que le général

18 a pris des mesures. Dites-moi : de quelles mesures il s'agit parce que je

19 ne vous crois pas." Mais, non, on a décidé de rien faire, mais là, il est

20 trop tard. On ne l'a pas fait. L'Accusation a fait son choix, que ce soit

21 une erreur ou pas, ce n'est pas le problème de l'accusé. Est-ce que

22 l'Accusation était d'accord avec l'expert ? Est-ce que l'Accusation a senti

23 qu'elle ne pouvait attaquer l'expert ? Est-ce une faiblesse de

24 l'Accusation ? Ce n'est pas du ressort de l'accusé. L'importance c'est que

25 le témoignage a été entendu, et que c'est un témoignage de haut niveau.

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1 Deux exemples de questions posées par l'Accusation plutôt dans le

2 premier cas, une question où l'Accusation a tenté une approche d'une

3 question à l'expert en essayant de faire dire au général que finalement la

4 situation en Bosnie n'était pas catastrophique. Pour utiliser une

5 expression bien québécoise, l'Accusation a reçu la réponse dans la figure.

6 Le témoin a bien expliqué non seulement que la situation était

7 catastrophique, mais qu'on pouvait même faire un parallèle entre une telle

8 situation et quelqu'un qui manque d'oxygène et qui est sur le point de se

9 noyer.

10 Deuxième exemple, l'Accusation nous dit hier au début de sa

11 présentation, elle cite un paragraphe du thème du rapport de l'expert qui

12 dit qu'un commandant ne doit pas se laisser entraîner à utiliser ses

13 ressources qui vont dans un événement, bien qu'il l'est important, va

14 l'empêcher d'accomplir sa mission. A l'en juger par ce que l'Accusation a

15 dit hier, alors ils n'ont rien compris, c'est clair qu'ils n'ont pas

16 compris. Le témoin a pourtant bien expliqué ce qu'il voulait dire par là.

17 Le témoin a bien expliqué, on a beau dire que le général -- ou le général a

18 dit que la question d'être de la défense -- la question de défendre son

19 territoire. La question du contexte, faisait en sorte que cela ne changeait

20 pas les responsabilités, les obligations légales du témoin, mais c'est ce

21 que l'expert a dit. Il a dit les obligations légales sont toujours là. Mais

22 quand il n'y a pas d'obligation légale, à ce moment-là, il ne doit pas se

23 laisser entraîner à utiliser des ressources qui vont mettre la vie en jeu,

24 qui vont mettre la survie de l'état en jeu. C'est le niveau auquel nous

25 étions avec le général Hadzihasanovic. C'était la survie de la Bosnie qui

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1 était en jeu. Alors, c'est le problème des Moudjahiddines, qui est apparu

2 au début, ce n'était pas un problème légal. Ce n'était pas une obligation

3 juridique. C'était une obligation, c'était quelque chose qui plus le

4 problème devenait grave et plus le problème nuisait à sa mission, plus il y

5 a consacré des ressources.

6 Ce sujet, Monsieur le Président, a été couvert dans les questions. Le

7 général Reinhardt, Sir Martin Garrod, le général Karavelic ont tous

8 expliqué que les obligations juridiques ne changent pas. Elles sont

9 toujours présentes, en montagne, en mer, sur terre, les obligations sont

10 toujours là, ce n'est pas là la question. La question c'est que le contexte

11 nuit à la possibilité matérielle d'un accusé de remplir ses obligations.

12 Le seul qui n'a pas voulu, qui a refusé de répondre à cette question,

13 c'est le fameux général Duncan. Contrairement à d'autres généraux entendus,

14 le général Duncan a préféré pour donner quelques exemples, le chef de tout

15 l'entraînement de l'armée britannique, qui refuse de répondre à une

16 question, en disant : "On peut lancer une attaque, sans d'abord donner des

17 ordres." Incroyable. Le même général, qui a descendu son propre subalterne

18 afin de se revaloriser devant la Chambre. Je fais référence ici, Monsieur

19 le Président, au témoin, Cameron Kiggell, parce que j'ai posé une question

20 -- ou je crois même que c'est la Chambre qui avait posé une question, selon

21 laquelle Kiggell avait dit un point qui éliminait la subordination ou la

22 possibilité de la subordination des Moudjahiddines au 3e Corps. Le général

23 Duncan lui a dit : "Oui, mais, Monsieur le Président, n'oubliez pas c'est

24 un témoin très jeune que j'ai dû remplacer pour cette raison." Pourtant,

25 quand on regarde la déclaration 92 bis, de celui qui a remplacé Kiggell, il

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1 dit : "Kiggell n'a jamais été remplacé du 3e Corps parce qu'il y avait un

2 problème de compétence." Le général Duncan a sorti ce problème -- a sorti

3 cette situation pour se revaloriser.

4 C'est le type d'homme et le type de témoin dont l'attitude était, en

5 tout premier point, pro Accusation, un témoin qui a préféré parler de pêche

6 -- de moulinette de pêche et de pique-nique.

7 Je m'arrête ici, Monsieur le Président. J'ai quelques mots à rajouter

8 demain au sujet du général Reinhardt, mais je m'arrête ici et je

9 continuerai demain matin. Comme ma collègue vous l'a annoncé, nous allons

10 commencer par la question du droit applicable à la responsabilité du

11 commandement : les Moudjahiddines, les événements couverts par l'acte

12 d'accusation et des conclusions finales, ainsi que les mesures, les

13 multiples mesures prises par le général Hadzihasanovic dans une quantité

14 innombrable en 1993.

15 Merci, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 14 heures 00. Une chose, je remercie

17 les interprètes de leur avoir occasionné un quart d'heure supplémentaire,

18 mais c'était nécessaire. Donc l'audience poursuivra demain par la

19 plaidoirie de la Défense du général Hadzihasanovic. L'audience commencera à

20 9 heures dans la salle III. Ce sera dans la salle III.

21 --- L'audience est levée à 14 heures 01 et reprendra le jeudi 14 juillet

22 2005, à 9 heures 00.

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