Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 5 décembre 2007

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [L'appelant Kubura est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 8 heures 33.

  6   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  7   [L'appelant Hadzihasanovic est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Nous

  9   reprenons l'audience en appel, audience que nous avions suspendue hier,

 10   l'affaire dont nous sommes saisie est l'affaire le Procureur contre

 11   Hadzihasanovic et Kubura.

 12   Hier, nous avons entendu les arguments concernant l'appel Kubura -- appel

 13   interjeté par Kubura. Celui de l'Accusation, aujourd'hui, nous allons

 14   entendre les conseils, qui représentent

 15   M. Hadzihasanovic, qui vont nous présenter leurs arguments.

 16   Vous avez la parole.

 17   M. BOURGON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 18   Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Messieurs les Juges.

 19   Je voudrais d'abord retirer notre requête déposée en urgence le 3 décembre,

 20   partant d'informations que nous avions reçues du juriste de la Chambre.

 21   Cette requête portait sur des traductions de dernière minute.

 22   Ce matin, je vais vous présenter des arguments en ce qui concerne l'appel

 23   de M. Hadzihasanovic de la façon suivante : tout d'abord, le troisième

 24   moyen en ce qui concerne les chefs 3 et 4 des événements qui se sont

 25   déroulés à Bugojno; deuxièmement, nous avons le cinquième moyen, chefs 3 et

 26   4 des événements d'Orasac; puis, dans le cadre du quatrième moyen d'appel,

 27   je vais rapidement évoquer les arguments qui se sont déroulés à l'école de

 28   musique.

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  1   S'agissant des motifs ou moyens 1 et 2, à savoir l'équité du procès,

  2   veuillez vous rapporter à nos écritures et aux arguments que nous y avons

  3   présentés. Si vous avez des questions à ce propos, bien sûr, je suis à

  4   votre disposition pour y répondre.

  5   Si le temps me le permet, à la fin, j'aimerais aborder cette question. La

  6   décision de la Chambre de première instance s'agissant de la requête en

  7   application de l'article 98 bis du Règlement à la fin de la présentation

  8   des moyens à charge.

  9   Avant d'aborder mon premier sujet, permettez-moi de faire trois remarques

 10   liminaires qui auront à notre avis leur incidence sur la décision que vous

 11   allez rendre. Nous estimons, tout d'abord, quelles

 12   mesures multiples prises par le général Hadzihasanovic pour empêcher à ses

 13   subordonnés de commettre des crimes ou pour les punir, ce que nous trouvons

 14   dans le dossier que ces mesures multiples doivent être prises en compte

 15   lorsqu'il s'agit en dernière analyse pour vous d'analyser les conclusions

 16   de première instance.

 17   Nous estimons aussi qu'en l'espèce, l'Accusation avait la charge de la

 18   preuve, de la preuve au-delà de tout doute raisonnable de démontrer qu'il y

 19   a eu manquement à l'obligation de prendre les mesures nécessaires et

 20   raisonnables et que jamais ce ne fut l'appelant qui avait cette

 21   responsabilité de prouver que des mesures avaient été prises.

 22   Troisièmement, les questions d'équité du procès s'inscrivent dans le

 23   deuxième moyen d'appel que nous avons soulevé, et ceci, aussi a son

 24   incidence. Vous devriez en tenir compte lorsque vous allez apprécier les

 25   conclusions de première instance.

 26   J'aimerais maintenant aborder le troisième moyen d'appel, les chefs 3 et 4

 27   des événements de Bugojno. Il y aura quatre volets dans mon argumentaire :

 28   d'abord, les questions que la Chambre d'appel a posées dans son ordonnance

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  1   portant calendrier.

  2   Ensuite, les erreurs commises par la Chambre de première instance. A

  3   notre avis, la Chambre a commis ces erreurs qui portaient sur les mesures

  4   prises à Bugojno par la 307e Brigade et le procureur public municipal, le

  5   parquet local en réponse à des actes répréhensibles commis par des soldats

  6   de la 307e Brigade.

  7   Troisième volet, j'aborderai les erreurs commises par la Chambre de

  8   première instance en ce qui concerne les mesures qu'a prises le général

  9   Hadzihasanovic au niveau du commandement du

 10   3e Corps, et ce, pourquoi on l'a jugé coupable après qu'il lui a été

 11   informé des mesures prises à Bugojno en réaction aux actes criminels

 12   répréhensibles commis par les soldats de la 307e.

 13   Dans mon dernier quatrième volet, je vous dirais qu'à notre avis, la

 14   Chambre n'a pas bien apprécié la responsabilité qu'il fallait imputer au

 15   général Hadzihasanovic pour ce qui est de la possibilité que des actes

 16   criminels similaires soient commis. La date ici est importante après le 18

 17   août 1993, que ce soit au magasin de meubles, ou dans d'autres

 18   installations aux lieux de détention.

 19   J'aimerais maintenant aborder, de façon plus précise, la question posée par

 20   la Chambre d'appel. La voici : est-ce que des tribunaux disciplinaires

 21   militaires ou des supérieurs hiérarchiques qui exercent leurs pouvoirs

 22   disciplinaires -- est-ce qu'ils peuvent imposer une sanction dépassant 60

 23   jours d'emprisonnement ou d'arrêt ?

 24   Pour y répondre rapidement, je dirais que les tribunaux disciplinaires

 25   militaires ou des supérieurs hiérarchiques exerçant des pouvoirs

 26   disciplinaires ne peuvent pas imposer une sanction qui serait supérieure à

 27   60 jours d'arrêt.

 28   Mais je ne serais pas complet si je n'ajoutais pas ceci : le pouvoir,

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  1   l'habilité d'imposer une peine de prison allant jusqu'à 60 jours plutôt

  2   qu'une peine de détention, car il y a une distinction, une différence qu'il

  3   faudra faire, ce pouvoir ne repose que dans les mains des commandants de

  4   brigades ou d'officiers supérieurs. Voyez les articles 7, 8, 11 et 24 du

  5   règlement de discipline militaire et la loi décret portant service dans

  6   l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine; pièce 120, article 66.

  7   Une peine d'emprisonnement allant jusqu'à 60 jours, une telle peine en

  8   vertu des règlements ne peut être imposée que s'il y a des violations à la

  9   discipline, des infractions qui sont énumérées aux articles 7 et 8 de ce

 10   règlement. Relevons également qu'à l'examen de la liste des infractions

 11   mentionnées aux articles 7 et 8 certaines de ces infractions en vertu de ce

 12   règlement peuvent aussi constituer des infractions pénales. Il n'est donc

 13   pas surprenant que des actes criminels et qu'un meurtre ou des coups et

 14   blessures ne se retrouvent pas dans la liste des infractions énumérées dans

 15   ce règlement. Par voie de conséquence, il serait illégal, il serait

 16   contraire aux règlements de la discipline militaire qu'un supérieur

 17   hiérarchique utilise uniquement ses pouvoirs disciplinaires de punition, eu

 18   égard à un subordonné qui s'est rendu coupable d'un acte criminel de

 19   meurtre ou de voie et blessure.

 20   Par ailleurs, en vertu de l'article 6 de ce même règlement, la

 21   responsabilité d'un militaire pour une infraction au pénal, cette

 22   responsabilité n'exclut pas qu'il soit tenu responsable de la même

 23   infraction parce qu'il aurait ainsi violé aussi la discipline militaire.

 24   C'est la le libellé du règlement si en même temps que ces règles une

 25   infraction pénale constitue également une violation -- une infraction à la

 26   discipline militaire.

 27   Quelle est la conséquence de ceci ? Il s'ensuit que si vous avez un soldat

 28   qu'on soupçonne d'avoir commis le crime de meurtre ou de voie et blessure,

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  1   outre les procédures pénales prévues par la loi, un chef de brigade peut,

  2   par exemple, imposer une peine d'emprisonnement allée jusqu'à 60 jours

  3   parce qu'il y aurait eu infraction à la discipline, à savoir désobéissance

  4   par rapport à un commandement ou un ordre légal et le fait d'avoir commis

  5   un acte criminel pour de basses raisons.

  6   C'est important quand on est en guerre lorsque vous avez une réponse qu'il

  7   faut donner immédiatement si un soldat s'est rendu coupable d'une

  8   infraction car c'est la meilleure mesure dissuasive qui va veiller à ce que

  9   la discipline soit maintenue. C'est pour cela qu'à l'article 68 du

 10   règlement de discipline militaire, on dit que des décisions doivent être

 11   prises en urgence pour assurer le maintien de la discipline.

 12   C'était donc la première observation que je voulais faire pour

 13   répondre à votre question.

 14   Voici le deuxième volet de ma réponse : il y a en plus des pouvoirs

 15   disciplinaires de punition, d'autres moyens à la disposition des supérieurs

 16   hiérarchiques pour veiller à ce que des actes criminels commis par des

 17   subordonnés ne soient pas impunis et soient punis en fonction de la loi. Il

 18   y a des mécanismes pour ce faire et ce mécanisme inclut qu'il y a dépôt de

 19   plainte au pénal, plainte adressée aux autorités judiciaires compétentes.

 20   C'est quelque chose qui est accepté, qui est connu dans la jurisprudence du

 21   Tribunal international dès qu'il y a dépôt de plainte c'est la justice qui

 22   se saisit de la question et le commandant lui, il a accompli le devoir que

 23   lui impose l'article 7(3) du Statut.

 24   Je vous rappelle les arguments présentés par l'Accusation le 19 mai 2004,

 25   page du compte rendu 7704. Je cite : "Une fois que le commandant a mené une

 26   enquête et a renvoyé l'affaire devant les tribunaux compétents c'est là que

 27   se termine son mandat, son obligation."

 28   Je vous rappelle aussi le commentaire du CICR du protocole additionnel 1,

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  1   paragraphe 3 562.

  2   En conclusion sur ce point, je saisis cette occasion pour vous rappeler le

  3   témoignage du Témoin Sead Zeric. Il était le procureur militaire de Travnik

  4   à l'époque et il parlait de la façon ou des modalités d'une saisine d'un

  5   procureur.

  6   Le Témoin Zeric a confirmé qu'un procureur pouvait être saisi d'un dossier,

  7   d'une affaire lorsqu'il reçoit un rapport institutif ou une plaine pénale.

  8   Ceci peut se faire oralement ou par écrit. Il nous a dit également qu'il

  9   peut aussi découvrir qu'il y a eu crime. Ceci se trouve à la page 5 538 et

 10   à la page suivante du compte rendu d'audience.

 11   Ce même Témoin Zeric a également confirmé que des plaintes au pénal

 12   pouvaient être déposées par diverses instances. Des instances militaires,

 13   par la police civile ainsi directement par des citoyens. Ceci se trouve aux

 14   mêmes pages du compte rendu.

 15   Puis ce même Témoin Zeric a dit ceci lorsqu'il parlait des obligations

 16   imposées au procureur, aussi au niveau municipal. Il dit qu'une fois qu'un

 17   procureur ait saisi d'une plainte au pénal qui de son avis ne relève pas de

 18   sa compétence, ce procureur a certaines obligations dont il doit

 19   s'acquitter.

 20   Ici, je vous cite le compte rendu lignes 6 à 14, page 5 594. Question

 21   -- ou plutôt, réponse : "Si une plainte est déposée à l'encontre d'un

 22   membre de l'armée, tout parquet a l'obligation de transférer ce dossier au

 23   parquet compétent, et s'il a le sentiment que ce dossier ne relève pas de

 24   ses compétences, il doit à son tour le transmettre au parquet compétent.

 25   Par conséquent, si une telle plainte est déposée devant le procureur du

 26   tribunal de police, disons, elle est montée à Travnik ou Bugojno et s'il

 27   s'agissait d'une personne faisant partie de l'armée, le procureur devait --

 28   avait l'obligation de transférer ce dossier."

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  1   Mais ce n'est pas qu'un avis, le droit le dit également. Je vous rappelle

  2   la pièce DH337, l'article 8 de code de procédure pénale yougoslave.

  3   Enfin, en ce qui concerne la possibilité d'avoir le système de

  4   discipline militaire qui fonctionne parallèlement avec le système civil,

  5   celui du procureur, je vous rappelle ce qu'a dit ce même témoin, lorsqu'il

  6   disait ce qui se pratiquait à l'époque. Si vous aviez un soldat qui faisait

  7   l'objet d'une peine pour manquement à la discipline militaire, alors que

  8   d'autres enquêtes se poursuivaient.

  9   Là, je vais lire les lignes 13 à 20 de la page 5638 du compte rendu

 10   d'audience : "Je vais vous dire quelle était la pratique à l'époque.

 11   L'officier, tout officier de toute unité que ce soit une brigade, un corps,

 12   tout officier était habilité à rendre une décision pour détention en raison

 13   de manquement à la discipline de 15 à 30 jours. C'était la pratique

 14   courante. Il y avait détention du soldat, 15 ou 30 jours lorsqu'il faisait

 15   l'objet de mesures disciplinaires. Et au cours de cette période, pendant

 16   laquelle il était mis sous arrêt, nous avions la possibilité de mener un

 17   complément d'enquête ou d'autres enquêtes pour corroborer les causes de

 18   détention ou justifier la détention."

 19   Même si ce témoin parle d'une détention de 30 jours, le règlement

 20   stipule que la peine peut aller jusqu'à 60 jours de mis aux arrêts.

 21   J'ai ainsi terminé mon premier volet. J'aborde le second qui parlera

 22   de la nature des mesures prises à Bugojno en réaction aux actes criminels

 23   commis le 5 août dans le magasin de meubles.

 24   A titre préliminaire, je vous rappelle les faits établis et consignés

 25   dans le dossier de première instance en ce qui concerne les Témoins HF,

 26   Zlotrg, Muratovic.

 27   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Me Bourgon, ce tour d'horizon que vous

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  1   venez de dresser des règlementations pertinentes m'a beaucoup intéressé.

  2   Mais ce qui m'intéresse c'est au fond l'issue. Il y a eu combien de

  3   plaintes qui ont été déposées parce que vous avez dit qu'il était possible

  4   de déposer des plaintes, mais il y en a eu combien ?

  5   M. BOURGON : [interprétation] Je vous ai renvoyé à trois pièces

  6   différentes. Il y en a une qui vient du parquet de district de Travnik où

  7   il est fait état de plus de 800 plaintes au pénal. Autres pièces, elles

  8   concernent cette même instance mais à Zenica, et là, il est question de

  9   plus de 900 plaintes. Autant de plaintes qui d'après les pièces du dossier

 10   ont été déposées en raison de la politique pratiquée par le 3e Corps, en

 11   raison des actions de M. Hadzihasanovic. De plus, le dossier montre que le

 12   Bataillon de Police militaire n'a rien laissé d'impuni et ceci sur les

 13   ordres, à l'initiative de l'appelant, le général Hadzihasanovic.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. BOURGON : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 16   Deuxième volet, la nature des mesures partant de ces faits. J'examine les

 17   dires de trois témoins. Je vous ai donné leur nom, les Témoins HF, Zlotrg

 18   et Muratovic, ainsi que la pièce P203. Ce sont des informations du poste de

 19   Sécurité publique en date du 20 août. Il y a aussi la pièce DH1392, un

 20   rapport venant de la sécurité du 3e Corps, 18 août 1993. Partant de ces

 21   éléments de preuve, il est établi tout d'abord que les auteurs présumés ont

 22   été arrêtés et placés en détention.

 23   Deuxièmement, qu'il y a eu -- que des procédures ont été engagées à

 24   leur encontre, pièce DH1392, qu'il y a eu dépôt de plainte de la part de la

 25   307e Brigade contre ces personnes. Vous avez le Témoin Zlotrg, page 1 497,

 26   version corrigée. Puis les mesures judicaires -- juridiques appropriées qui

 27   ont été prises conformément à la politique du 3e Corps. Muratovic, page 15

 28   039, version corrigée. Puis, la procédure engagée, Témoin Muratovic, page

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  1   15 040.

  2   Troisièmement, mais après le 5 août et pas plus tard que le

  3   18 août, il y avait eu ouverture d'enquête pénale contre les auteurs

  4   présumés et le procureur municipal avait été saisi à Bugojno de l'affaire,

  5   pièce 203.

  6   Voyons la participation des autorités de Bugojno. Alors que les auteurs

  7   présumés étaient en prison, le poste de Sécurité publique, le procureur

  8   municipal, le détachement chargé du service de la Sûreté de l'Etat, le

  9   service de Sécurité de la 307e ainsi que l'état-major de la Défense de

 10   Bugojno avaient tous connaissance de la situation et coopéraient dans ce

 11   dossier.

 12   Partant de ces faits établis nous faisons valoir en fait que cette affaire

 13   était placée entre les mains de la justice et que le parquet public avait

 14   été saisi en bonne et due forme et qu'il avait deux voies qui s'ouvraient à

 15   lui : il pouvait soit estimé qu'il était compétent, et engagé des mesures

 16   nécessaires ou il pouvait penser qu'il n'était pas compétent et si c'était

 17   son avis il avait l'obligation de transmettre le dossier au procureur

 18   militaire du district de Travnik mais en fonction des éléments constitutifs

 19   de l'infraction il pouvait également transférer ce dossier au procureur du

 20   tribunal de Zenica.

 21   Par conséquent, nous estimons qu'aucun juge des faits raisonnables n'était

 22   habilité à conclure au-delà de tout doute raisonnable et au vu des éléments

 23   du dossier que les mesures prises à Bugojno par la 307e Brigade où le

 24   procureur public municipal ou le chef du MUP n'était que des mesures

 25   disciplinaires.

 26   Il est important de voir comment la Chambre a analysé ces mesures et que ce

 27   faisant elle n'a pas fait référence à la participation du procureur public

 28   municipal de Bugojno.

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  1   Paragraphe 1771 jusqu'à 1776 du jugement, la Chambre énumère quatre raisons

  2   qui l'ont poussé à conclure que le 3e Corps n'avait pas engagé, n'avait pas

  3   ouvert d'enquête et qu'il n'y avait pas eu de procédure au pénal mais qu'il

  4   y avait eu seulement des mesures disciplinaires de la 307e Brigade.

  5   Nous estimons qu'une telle conclusion n'est pas raisonnable vu les éléments

  6   du dossier. Nous estimons que quand on voit la totalité de la déposition de

  7   Muratovic, pièce DH 1392 quand on voit la déposition du Témoin Zlotrg, qui

  8   l'ont accompagné à Bugojno et ce dernier est l'auteur du rapport qui est la

  9   pièce DH1392, il est impossible de conclure que les mesures qui ont été

 10   rapportées au général étaient uniquement de nature disciplinaire.

 11   Puis nous avons ce qu'a dit le Témoin Zeric, et la Chambre à cet égard a

 12   oublié de tenir compte dans le jugement que ce témoin avait confirmé qu'il

 13   ne s'était pas occupé de tous les dossiers qu'il y en avait entre 700 et

 14   900 en '93 et qu'il ne pouvait pas être sûr si pour cet incident il avait

 15   reçu une plainte au pénal ou pas.

 16   Troisièmement, en ce qui concerne l'enquête menée par Peter Hackshaw, la

 17   Défense rappelle qu'il y a absence de valeur probante, parce que ce témoin

 18   n'est pas allé à Bugojno pour faire des recherches dans les dossiers mais

 19   qu'en plus de cela il y a beaucoup de documents, que nous, nous avons

 20   réussi à retrouver dans les archives : par exemple, en ce qui concerne

 21   Dusina - c'est un document versé au dossier - or, ce témoin n'avait pas pu

 22   trouver ce document.

 23   Enfin, en ce qui concerne le Témoin Zrinko Alvir, les procédures engagées

 24   au niveau du tribunal supérieur en 2004 mentionnées dans sa déposition

 25   n'exclut pas la possibilité que ceci fut la résultante des procédures

 26   engagées au pénal à Bugojno en 1993. Ce qu'a dit la déclaration fournie par

 27   ce témoin en 1994, lorsqu'il est rentré pour la première fois à Bugojno, et

 28   bien, cette déclaration constitue un élément de preuve qui n'exclut pas

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  1   cette possibilité.

  2   De toute façon, en tout état de cause ceci ne change rien au fait que le

  3   procureur public municipal de Bugojno a été saisi du dossier au plus tard

  4   le 18 août et qu'il avait l'obligation de prendre des mesures nécessaires

  5   ou de le transmettre au procureur militaire du district de Travnik. Il n'y

  6   a aucune preuve du dossier qui nous dit ce qui s'est passé après le 18 août

  7   '93, par conséquent nous faisons valoir que l'Accusation n'a pas démontré

  8   qu'aucune mesure n'aurait été prise après la date du 18 août.

  9   Troisième volet, quelle est la question posée ici : suite aux informations

 10   reçues par écrit et oralement par l'appelant, parce qu'il est au 3e Corps.

 11   Il reçoit une visite et un rapport. Suite à ces informations, comment a-t-

 12   il perçu la nature des mesures prises à Bugojno en réaction aux actes

 13   commis le 5 août ? Les éléments de preuve démontrent que les mesures

 14   prises, nous l'avons montré, n'étaient pas simplement de nature

 15   disciplinaire. Mais nous disons ceci : même si ça avait été des mesures de

 16   nature disciplinaire, partant des informations qu'il a reçues, si lui il a

 17   compris et cru comprendre que les mesures prises étaient conformes légales

 18   et conformes au droit et s'il n'avait pas de raison particulière de mettre

 19   en doute de contester cette information, il était raisonnable dès lors

 20   qu'il soit satisfait de ce qui avait été fait. Et la conclusion qu'il

 21   fallait dire c'est qu'il a pris les mesures nécessaires et raisonnables vu

 22   les circonstances prévalant à l'époque.

 23   Si on adopte le point de vue inverser, il aurait été déraisonnable que ce

 24   ne soit pas le cas. Il s'agissait d'un chef de corps qui avait l'obligation

 25   d'enquêter et les mesures qui ont été prises à Bugojno, sur la base des

 26   éléments du dossier et surtout sur la base du rapport de la déposition de

 27   l'expert militaire de la défense au sujet des obligations et des

 28   prérogatives d'un chef de corps, on ne peut pas dire qu'un chef de corps a

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  1   pour obligation de contester ou de mettre en doute toutes les informations

  2   qui lui sont transmises.

  3   La Chambre a conclu qu'un commandant au terme de l'article 7(3), n'est pas

  4   responsable s'il n'a pas obtenu certaine information de la part de ses

  5   subordonnés. Appel Celebici, paragraphe 226.

  6   Selon nous, cette conclusion de la Chambre d'appel s'applique ici et il

  7   convient d'apprécier la responsabilité du général Hadzihasanovic sur la

  8   base des informations dont il disposait.

  9   Afin d'évaluer son appréciation de la nature des mesures prises, selon nous

 10   il convient de prendre en compte les éléments suivants : non seulement le

 11   texte des rapports écrits, non seulement les dépositions elles-mêmes, mais

 12   également les ordres qu'il a donnés pour prévenir et pour punir les actes

 13   criminels et les manquements à la discipline.

 14   Il faut se souvenir de la politique du 3e Corps à ce sujet et elle avait

 15   été communiquée à toutes les unités de Bugojno. Il faut également se

 16   souvenir des qualifications de Muratovic et Zlotrg, ces deux témoins

 17   connaissaient la politique qui s'appliquait au sein du 3e Corps. Ils

 18   connaissaient le droit qui s'appliquait. Ils étaient au fait des règles de

 19   la discipline militaire. Ils connaissaient la différence entre une

 20   procédure qui s'applique pour manquement à la discipline et ce qui

 21   s'applique pour agissements criminels.

 22   Il faut également tenir compte des obligations et des responsabilités d'un

 23   chef de corps lorsqu'il s'agit de la détention de prisonniers et de

 24   questions connexes.

 25   Enfin, il faut se pencher sur les rapports, la teneur même des rapports.

 26   Si on apprécie la compréhension par le commandant de la situation à

 27   l'époque, à la lumière de toutes ces considérations, on en arrive à la

 28   conclusion suivante : le général Hadzihasanovic pouvait raisonnablement

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  1   faire confiance à la 307e Brigade pour ce qui était de la différence entre

  2   les manquements à la discipline et les actes criminels. Il pouvait partir

  3   du principe que Muratovic et Zlotrg, connaissaient la différence entre les

  4   manquements à la discipline et les agissements criminels parce qu'ils

  5   savaient comment les choses se passaient au sein du 3e Corps, et donc,

  6   c'est dans ce contexte qu'il faut interpréter leurs rapports, leurs

  7   déclarations. Il savait que conformément à la pratique du 3e Corps des

  8   mesures étaient systématiquement prises pour les manquements à la

  9   discipline ou les agissements criminels, et ceci, dans tous les

 10   échantillons du Groupe opérationnel en passant par la brigade, le corps, et

 11   jusqu'à l'appelant.

 12   En l'absence d'information précise allant dans le sens contraire, le

 13   général Hadzihasanovic pouvait partir du principe que ses subordonnés à

 14   tous les échantillons agissait conformément à la pratique établie au sein

 15   du 3e Corps. Le général Hadzihasanovic, en tant que chef de ce corps qui

 16   comptait 30 à 40 milles hommes, ne pouvait pas faire tout lui-même, on ne

 17   pouvait pas l'exiger de lui.

 18   Ce faisant, nous estimons que les rapports, aussi bien écrits que présentés

 19   oralement, contrairement à ce que conclut la Chambre de première instance,

 20   ces rapports indiquent que les mesures prises à Bugojno ne sont pas des

 21   mesures strictement disciplinaires. D'après ces rapports, on voit que les

 22   auteurs présumés ont été arrêtés, placés en détention des mesures

 23   judiciaires appropriées ont été prises, des mesures, des mesures d'autre

 24   part ont été prises conformément à la pratique du 3e Corps d'armée. D'autre

 25   part, une plainte au pénal avait selon le cas été déposée ou allait être

 26   déposée. Le général Hadzihasanovic n'a jamais appris de la part de ses

 27   officiers que ces mesures étaient insuffisantes. Jamais ces officiers ne

 28   lui ont dit que les mesures qui étaient prises à Bugojno étaient illégales.

Page 121

  1   Il n'a reçu de la part de ses officiers aucune information qui nécessitait

  2   qu'il en prenne immédiatement connaissance en tant que commandant du 3e

  3   Corps. Il n'a reçu aucune information susceptible de susciter un doute dans

  4   son esprit au sujet de ce qui s'était passé à Bugojno. Il savait également

  5   que les informations relatives à cet incident avaient été traitées à trois

  6   échelons au niveau de la brigade avec M. Handzic qui était l'officier

  7   chargé de la sécurité au niveau du Groupe opérationnel, le GO Zapad, et là,

  8   c'est Dzafic qui intervient, l'officier chargé de la sécurité du Groupe

  9   opérationnel; et puis, il y avait également eu pris en compte de ce qui

 10   s'était passé au niveau du commandement du 3e Corps avec Muratovic, Zlotrg

 11   et HF.

 12   Le général Hadzihasanovic avait toute raison de penser, vu les

 13   circonstances, que les mesures qui avaient été prises étaient suffisantes

 14   et conformes à la législation et il n'avait aucune raison de penser que ces

 15   mesures étaient insuffisantes ou contraires à la loi.

 16   Même si on part du principe que les Témoins HF, Muratovic et Zlotrg

 17   s'étaient trompés, avaient fourni des informations incorrectes au général

 18   Hadzihasanovic, le général Hadzihasanovic ne doit pas en être tenu

 19   responsable même s'il se trouvait que M. Handzic, officier de la sécurité

 20   de la brigade, avait fourni des informations erronées aux officiers envoyés

 21   sur place pour enquêter, ce n'est pas au général Hadzihasanovic d'en être

 22   tenu responsable.

 23   Même si on admettait que l'officier de la sécurité au niveau du Groupe

 24   opérationnel, c'est-à-dire M. Dzafic, même si lui disposait d'informations

 25   erronées -- même si lui a transmis des informations erronées, le général

 26   Hadzihasanovic ne serait en être tenu responsable.

 27   En conséquence, la seule conclusion que l'on peut tirer de tout cela c'est

 28   que l'appelant a pris les mesures nécessaires et raisonnables suite aux

Page 122

  1   actes criminels commis par ses subordonnés et que les déclarations de

  2   culpabilité prononcées au titre des chefs 3 et 4, Bugojno doivent être

  3   annulées et qu'un acquittement doit être prononcé.

  4   Maintenant, je veux dire une chose bien clairement : si, dans l'esprit des

  5   Juges de la Chambre d'appel, il y a le moindre doute sur l'acquittement de

  6   mon client au titre de ces chefs, à ce moment-là, la seule option qui est

  7   envisageable selon nous c'est d'ordonner un nouveau procès pour ce chef

  8   d'accusation, ceci à cause de la nature et de l'insuffisance des mesures

  9   prises à Bugojno, une question qui n'a jamais été prise en compte par la

 10   Chambre de première instance pendant la déposition des Témoins HF, Zlotrg

 11   et Muratovic, jamais on ne leur a posé des questions à ce sujet.

 12   Or, la nature, l'insuffisance des mesures prises à Bugojno, jamais, jamais

 13   l'Accusation n'en a parlé que ce soit au stade de la procédure 98 bis ou

 14   pendant les dépositions de HF, Zlotrg, Muratovic, Handzic et Gerritsen,

 15   l'Accusation n'en n'a pas non plus parlé au moment des réquisitoires ni

 16   dans ses mémoires en clôture. C'est la Chambre de première instance qui

 17   d'office a évoqué pour la première fois cette question au moment du

 18   délibéré.

 19   L'Accusation n'a pas rempli sa charge de la preuve. Il y a beaucoup

 20   trop d'inconnus qui restent si bien que nous estimons que la Chambre de

 21   première instance a conclu à juste titre que le général Hadzihasanovic

 22   n'avait pas connaissance des événements du 5 août.

 23   La Chambre a dit je vous le rappelle nous n'avons aucun élément de

 24   preuve direct indiquant qu'il avait connaissance de cet incident, de

 25   l'incident du 5 août, à moins que les témoins de la Défense ne viennent

 26   dire le contraire. Ceci montre qu'il aurait dû être acquitté, acquitté

 27   après la fin de la présentation des moyens à charge. Tous les éléments que

 28   nous avons -- après la présentation des moyens à décharge si l'Accusation

Page 123

  1   avait été prise par -- au dépourvu, par nos éléments preuve, par nos

  2   documents, et cetera, elle aurait pu en parler au moment de la réplique ou

  3   de la duplique, mais elle ne l'a pas fait. Au moment de la peine, si

  4   l'Accusation avait été surprise de nos arguments sur ce point, elle aurait

  5   pu demander que des éléments de preuve soient produits à nouveau, qu'une

  6   nouvelle enquête soit réalisée à Bugojno, or, ça n'a pas été le cas.

  7   Tout ceci repose sur les pièces présentées par la Défense donc il y a

  8   vraiment ici lieu de prononcer justement un non-lieu.

  9   Si la Chambre n'est pas convaincue qu'il faut acquitter, à ce moment-

 10   là, il faut au moins ordonner un nouveau procès.

 11   Maintenant, je vais parler des chefs 3 et 4, qui s'est passé au salon

 12   de meubles -- ou plutôt, au magasin de meubles ainsi qu'à d'autres

 13   endroits. Les dates sont très importantes à ce sujet.

 14   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Bourgon, le Juge Shahabuddeen

 15   souhaite vous poser une question.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous avez dit que dans -- je

 17   vois ici que vous dites que vous demandez à la Chambre d'appel de confirmer

 18   la déclaration de culpabilité en n'ordonnant pas un nouveau procès; est-ce

 19   exact ?

 20   M. BOURGON : [interprétation] Non, non, c'est exactement le contraire. En

 21   fait, nous demandons une annulation de la déclaration de culpabilité.

 22   Mais, si dans votre esprit, il y a le moindre doute, si vous hésitez à

 23   annuler cette déclaration de culpabilité, à ce moment-là, nous demanderons

 24   un nouveau procès.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [aucune interprétation]

 26   M. BOURGON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge.

 27   J'en arrive maintenant à la dernière partie de mon argumentation qui porte

 28   sur les événements ayant suivi le 18 août 1993, et je vous renvoie au

Page 124

  1   paragraphe 251 de notre mémoire d'appel qui met en évidence le caractère

  2   déraisonnable du verdict prononcé par la Chambre de première instance.

  3   La logique adoptée par la Chambre de première instance à cet égard est la

  4   suivante : étant donné qu'Hadzihasanovic n'a pas pris les mesures qui

  5   s'imposaient suite à l'incident du 5 août. A ce moment-là, on peut conclure

  6   qu'il avait des raisons de penser qu'il y avait un réel et raisonnable

  7   risque que des incidents semblables puissent se produire après le 18 août.

  8   Il a mis en place selon la Chambre de première instance des conditions qui

  9   étaient propices à la récidive de tels actes après le 18 août et cela non

 10   seulement au magasin de meubles mais dans d'autres centres de détention.

 11   Or, ce salon de meubles, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

 12   n'est mentionné dans aucuns rapports envoyés au général Hadzihasanovic. Ce

 13   qu'on lui a signalé c'est qu'il y avait eu un incident impliquant deux

 14   soldats qui avaient passé à tabac des prisonniers du HVO.

 15   En deuxième lieu, la Chambre de première instance a conclu que le général

 16   Hadzihasanovic - et ça c'est essentiel - le général Hadzihasanovic n'était

 17   pas au courant des conditions de détention déplorables qui régnaient soit

 18   au magasin de meubles, soit dans les autres centres de détention.

 19   Puis, il y a maintenant quelque chose que je souhaiterais évoquer, des

 20   conclusions absolument essentielles de la Chambre de première instance,

 21   paragraphes 1 759, 1 760, 1 761, 1 783, 1 784 et

 22   1 785. Dans ces paragraphes dans son jugement, la Chambre de première

 23   instance établit les éléments suivants : le général Hadzihasanovic n'a reçu

 24   aucune information alarmante le mettant en garde contre le fait que des

 25   actes criminels semblables avaient été commis par des soldats de la 307e

 26   Brigade dans d'autres centres de détention de Bugojno.

 27   Deuxièmement, quand il a été informé de l'incident du 5 août, la Chambre de

 28   première instance a conclu : "Qu'il n'avait aucune raison de penser que ses

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  1   subordonnés avaient commis d'autres mauvais traitements, que ce soit au

  2   magasin de meubles ou dans d'autres centres de détention."

  3   Les informations communiquées au général Hadzihasanovic, d'après la

  4   Chambre de première instance, n'ont pas mis en évidence un système de

  5   mauvais traitements qui se répétaient; non, il a été informé d'un incident

  6   unique qui a eu lieu une fois le 5 août 1993. Vu les informations qu'il

  7   avait reçues le général Hadzihasanovic, d'après la Chambre de première

  8   instance - et ça c'est essentiel - ne pouvait penser que cet incident avait

  9   été précédé ou suivi d'autres actes criminels de la même nature.

 10   En d'autres termes, la Chambre de première instance a conclu :

 11   premièrement, qu'un incident grave avait eu lieu le 5 août; en deuxième

 12   lieu, qu'aucun incident semblable n'avait eu lieu avant le

 13   5 août; troisièmement, aucun incident semblable ne s'était produit entre le

 14   5 et le 18 août.

 15   En conséquence, nous faisons valoir qu'aucun Juge des faits et du droit

 16   raisonnable - parce que nous estimons qu'ici qu'il y a mauvaise application

 17   de l'élément moral au titre de l'article 7(3) - donc, nul n'aurait pu

 18   conclure que le général Hadzihasanovic avait des raisons de penser et de

 19   savoir que ses subordonnés s'apprêtaient à commettre des actes criminels

 20   semblables dans les autres centres de détention à Bugojno.

 21   Il s'en suit que la déclaration de culpabilité prononcée au titre de

 22   l'article 4, pour traitement cruel après le 18 août au magasin de meubles,

 23   à l'école Gimnazija, au stade FC Iskra, et à l'école Vujin Paleksic, toutes

 24   ces déclarations de culpabilité donc doivent être annulées. S'agissant des

 25   autres éléments relatifs au troisième moyen d'appel, nous renvoyons à nos

 26   écritures.

 27   Je vais maintenant passer au cinquième moyen d'appel, les événements

 28   d'Orasac.

Page 126

  1   Vous savez que là, il s'agit essentiellement des agissements, de ce qu'on a

  2   appelé le Détachement El Moudjahidine ou Détachement El Moudjahid, Ici,

  3   l'essentiel c'est de déterminer s'il existait, effectivement, un lien de

  4   subordination entre le général Hadzihasanovic, chef du 3e Corps, et ces

  5   forces-là. Au terme de notre cinquième moyen d'appel sur ce sujet, nous

  6   avons élaboré sept branches de ce moyen de l'appel. Il s'agit d'un ordre

  7   logique de traiter de la question du contrôle et des mesures efficaces.

  8   Cette branche de ce moyen d'appel, il suffit qu'une seule soit acceptée

  9   pour justifier l'annulation de la déclaration de culpabilité prononcée par

 10   la Chambre de première instance au titre des chefs 3 et 4, portant su

 11   Orasac.

 12   Mon intervention va se diviser en trois parties.

 13   En première lieu --

 14   M. BOURGON : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes, j'essaie

 15   au maximum de ralentir.

 16    Dans une première partie, je vais répondre à la question qui a été posée

 17   par la Chambre d'appel à l'Accusation dans son ordonnance portant

 18   calendrier. Dans une deuxième partie, je vais revenir en détail sur nos

 19   premiers et sixièmes branches de ce moyen d'appel. Il s'agit en

 20   l'occurrence de l'usage de la force par un commandant contre ses propres

 21   subordonnés et l'autre branche du moyen d'appel sur laquelle je vais

 22   m'appesantir c'est celle des critères qui doivent être remplis ou respectés

 23   pour qu'il y est, effectivement, contrôle effectif si la Chambre d'appel

 24   arrive à la conclusion que ceci fait partie intégrante de la capacité

 25   matérielle de prévenir ou de punir.

 26   Enfin, je vais revenir sur les cinq autres branches de ce moyen d'appel, en

 27   insistant sur ceux qui sont plus importants.

 28   Premièrement, la question posée à l'Accusation dans l'ordonnance portant

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  1   calendrier, il s'agit de mettre en évidence les éléments de preuve du

  2   dossier qui ont trait au manquement du général Hadzihasanovic à son

  3   obligation d'assurer aux Moudjahidines une formation dans le domaine du

  4   droit humanitaire international et son manquement à l'obligation de mettre

  5   en place un système disciplinaire pour garantir l'application de ce droit.

  6   Deuxièmement, il s'agissait d'expliciter ou de mettre en évidence le fait

  7   que ce manquement suffisait pour que le général Hadzihasanovic doit engager

  8   sa responsabilité pénale pour avoir empêcher les crimes de traitement cruel

  9   et le crime commis contre Dragan Popovic.

 10   Je vais répondre à cette question dans le sens inverse. Selon nous, le fait

 11   qu'aucune formation dans le domaine du droit humanitaire international

 12   était fournie aux Moudjahidines et qu'aucun système de disciplinaire n'a

 13   été mis en place ne suffit pas pour engager la responsabilité pénale de

 14   notre client pour avoir empêcher les actes de traitement cruel et de

 15   meurtre de Popovic.

 16   L'absence de cette formation et l'absence de mise en place d'un système

 17   disciplinaire n'est pertinente que s'il y a, effectivement, une

 18   subordination entre le commandant et le groupe concerné.

 19   Si on estime que le général Hadzihasanovic n'exerçait pas un contrôle

 20   effectif sur les Moudjahidines, à ce moment-là, cette question n'a pas lieu

 21   d'être.

 22   Deuxièmement, nous estimons que la mise en place d'un système de formation

 23   au droit humanitaire international et d'un système disciplinaire font

 24   partie des responsabilités des obligations d'un commandant à partir du

 25   moment où il prend son commandement. Ces obligations et ces responsabilités

 26   sont des obligations qui sont constantes conformément au droit coutumier

 27   international, même si ce commandant n'a aucune raison de penser qu'un

 28   subordonné est en train de commettre ou s'apprête à commettre un crime.

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  1   C'est quelque chose qui est une obligation constante du commandant.

  2   Or, nous n'avons jamais remis en question l'importance des

  3   responsabilités des obligations d'un chef de corps. Nous avons prouvé au

  4   contraire, que notre client était un bon commandant et qu'il s'est acquitté

  5   de ses obligations et de ses responsabilités.

  6   Or, ces responsabilités s'inscrivent dans le cadre de l'obligation

  7   générale qui est fait au commandant de prévenir des actes criminels, ainsi

  8   que de son obligation de s'assurer que ses subordonnés vont respecter le

  9   droit humanitaire international.

 10   Ceci c'est différent de l'obligation qui est fait au commandant s'il

 11   sait, ou a des raisons de savoir qu'un subordonné commet ou s'apprête à

 12   commettre un crime; obligation donc de prendre des mesures nécessaires et

 13   raisonnables pour empêcher ce crime.

 14   Il y a une différence entre ces deux cas de figure, une différence

 15   qui est confirmée par le fait que si un crime est sur le point d'être

 16   commis, il est très peu probable qu'une formation dispensée dans le domaine

 17   du droit humanitaire international sera suffisant pour empêcher que ce

 18   crime soit commis.

 19   En conséquence, si un commandant qui ne forme pas suffisamment ses

 20   subordonnés ou qu'il ne met pas en place un système disciplinaire approprié

 21   commet un manquement à ses obligations de prévention, si on part du

 22   principe qu'il était en mesure de le faire, en soit cela malgré tout ne

 23   suffit pas à engager sa responsabilité pénale au titre d'un crime commis

 24   par un de ses subordonnés. En d'autres termes, sa responsabilité pour un

 25   crime commis par un de ses subordonnés, elle doit être appréciée -- elle

 26   est appréciée sur la base de mesures qu'il a prises ce commandant une fois

 27   qu'il l'a su ou a eu des raisons de savoir que ce crime était commis ou

 28   allait être commis.

Page 129

  1   Si on regarde maintenant la situation dans une perspective inverse,

  2   on en arrive à la conclusion suivante : un commandant qui ne prend pas les

  3   mesures raisonnables et nécessaires pour empêcher un crime commis par un de

  4   ses subordonnés, un tel commandant, selon nous, ne peut pas dire : "Bien,

  5   non, je ne suis pas coupable, je ne suis pas coupable parce que j'ai formé

  6   mes hommes au respect du droit humanitaire international avant d'avoir des

  7   raisons de penser qu'un crime était en train d'être commis ou qu'il allait

  8   être commis."

  9   Enfin, nous faisons valoir que même si la formation des subordonnés

 10   au droit humanitaire international et la mise en place d'un système

 11   disciplinaire s'inscrit dans le cadre des responsabilités du commandant,

 12   conformément à l'article 87 du protocole additionnel 1, si cela ne se

 13   produit pas, si cela n'est pas fait, cela ne constitue pas un manquement

 14   qui engage la responsabilité pénale du commandant pour un crime commis pour

 15   un des ses subordonnés, conformément à l'article 86 du protocole

 16   additionnel numéro 1.

 17   J'en viens maintenant au deuxième volet de la question, si on examine

 18   attentivement le dossier on constate selon nous que ces deux éléments,

 19   manquement à l'obligation de fournir une formation dans le domaine du droit

 20   international aux Moudjahidines, et manquement à l'obligation de mettre en

 21   place un système disciplinaire, tout ceci ça ne figure dans un aucun

 22   élément de preuve documentaire se trouvant au dossier, ça n'a été évoqué

 23   par aucun témoin. Ceci on peut le voir confirmer à la lecture du paragraphe

 24   1434 du jugement de première instance.

 25   En revanche, on trouve de très nombreuses pièces au dossier qui nous

 26   montrent toutes les mesures prises par le général Hadzihasanovic pour

 27   insister sur l'importance de la formation de ses hommes, pour distribuer

 28   les conventions de Genève, attirer leur attention sur leurs obligations à

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  1   cet égard, donner des consignes à ses officiers au sujet de leurs

  2   obligations juridiques, et former ses hommes à la discipline militaire.

  3   Si le général Hadzihasanovic a pris de telles mesures pour les unités qui

  4   se trouvaient placées sous son commandement, une question se pose à nous :

  5   pourquoi ne l'a-t-il pas fait en ce qui concerne les Moudjahidines si ceci

  6   était vraiment placé sous ses ordres ? Le dossier est muet à ce sujet.

  7   Maintenant, je vais au deuxième volet de mon intervention qui porte sur le

  8   premier et sixième, la première et la sixième branche de ce moyen d'appel.

  9   Selon nous, l'obligation d'un commandant de faire usage de la force

 10   militaire contre un groupe de combattants --

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je voudrais qu'on parle un petit peu

 12   plus de la question de l'autorité de M. Hadzihasanovic sous les

 13   Moudjahidines. Il y a deux questions qui se posent, à ce moment-là, le lien

 14   de subordination de jure entre le 3e Corps et les Moudjahidines; ça, c'est

 15   la première question. La deuxième question a trait au contrôle effectif.

 16   Si j'ai bien compris, vous nous dites qu'il n'y avait pas de lien de

 17   subordination de jure et pas plus de fait; c'est ça ?

 18   M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait. Tout à fait. Selon nous, la

 19   Chambre de première instance s'est trompée au sujet du contrôle de jure;

 20   selon nous, il n'y a jamais eu ce contrôle. C'est ce qui figure dans notre

 21   -- deuxième branche de notre moyen d'appel même chose pour le contrôle

 22   effectif. Jamais il n'y a eu de contrôle effectif. Cela figure dans le

 23   troisième moyen d'appel.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous savez que, dans le jugement au

 25   paragraphe 853, la Chambre est arrivée à la conclusion qu'il avait un

 26   contrôle effectif sur les Moudjahidines. Est-ce que vous dites qu'aucun

 27   juge du fait n'aurait pu raisonnablement arriver à cette conclusion ?

 28   M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait. Un peu plus tard dans mon

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  1   intervention, je vais vous renvoyer à ce qu'a dit la Chambre d'appel dans

  2   l'affaire Blaskic. Je veux dire que, si on examine les faits de l'espèce et

  3   la manière dont la Chambre d'appel a appliqué les critères du contrôle

  4   effectif dans l'affaire Blaskic, à ce moment-là, il est totalement

  5   impossible de conclure que la relation qui existait entre le général

  6   Hadzihasanovic et les Moudjahidines était une relation de contrôle

  7   effectif.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous allez donc y revenir.

  9   M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai une deuxième question à vous

 11   poser. Je ne sais pas si le moment est idoine pour le faire, mais vous

 12   pouvez tout à fait me répondre un peu plus tard. Aujourd'hui, donc, vous

 13   avez parlé de la norme ou du critère de la raison de savoir. Vous savez que

 14   c'est un critère qui a été défini dans l'arrêt Krnojelac.

 15   Si la Chambre de première instance avait appliqué ce critère -- ce critère

 16   d'avoir raison de savoir de manière inacceptable, selon vous, j'aimerais, à

 17   un moment donné de votre intervention, que vous nous indiquiez quelles sont

 18   les parties du jugement de première instance qui seraient invalidées.

 19   M. BOURGON : [interprétation] Vous parlez bien de l'arrêt Krnojelac ?

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui.

 21   M. BOURGON : [interprétation] Nous estimons que, si la Chambre d'appel suit

 22   le même critère pour ce qui est d'avoir raison de savoir, à ce moment-là on

 23   arrivera à la conclusion que notre client n'avait aucune raison de savoir.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, j'ai bien compris. Donc, vous

 25   dites que le critère Krnojelac n'a pas été correctement appliqué ?

 26   M. BOURGON : [interprétation] Tout à fait. Nous pensons que la Chambre de

 27   première instance a décidé de ne pas s'en tenir à la décision de la Chambre

 28   d'appel dans Krnojelac. La Chambre d'appel avait passé en revue la

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  1   situation de M. Krnojelac de manière très précise. Il était à la prison, il

  2   a assisté à des passages à tabac, et cetera. Sur la base de cette

  3   appréciation, la Chambre d'appel en a conclu qu'il avait des informations

  4   tellement alarmantes qu'il avait des raisons de savoir. Or, la Chambre de

  5   première instance, en l'espèce, elle a dit que si le général savait que

  6   dans la brigade, dans la zone géographique où il se trouvait un crime avait

  7   été commis, à ce moment-là, il avait des raisons de savoir que d'autres

  8   crimes -- il avait des raisons de connaître tous les autres crimes commis

  9   par la même brigade, dans la même zone.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] A ce moment-là, quels sont les passages

 11   du jugement qui sont affectés ?

 12   M. BOURGON : [interprétation] Ce dont j'ai parlé précédemment, si la

 13   Chambre de première instance conclut qu'il y a eu un incident le 5 août,

 14   mais rien avant et rien entre le 5 et le 18, mais soudain, il nous dit

 15   qu'il avait des raisons pour ce qui s'était passé le 18, voilà là où, selon

 16   nous, il y a eu une erreur.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Une question de suivi. Je remercie,

 18   Monsieur le Président. Une question de suivi après les questions posées par

 19   M. le Juge Meron, au sujet du contrôle effectif.

 20   J'aimerais savoir que, si vous estimez au sujet de la position de M.

 21   Hadzihasanovic, à savoir sa capacité matérielle à empêcher et à punir des

 22   membres du Détachement El Moudjahid, à l'époque, est-ce que vous pouvez

 23   nous répondre là-dessus, ou si vous allez venir à ce point, vous pouvez le

 24   faire donc au cours de votre exposé ?

 25   M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. C'est

 26   exactement ce dont je vais parler maintenant. Nous avons l'impression que

 27   cela peut s'aborder de deux manières. Nous avons un moyen d'appel

 28   approfondi où nous disons que si la Chambre de première instance avait

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  1   correctement analysé tous les éléments de preuve de l'espèce, il serait

  2   arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas de capacité matérielle

  3   permettant de prévenir ou de punir.

  4   Mais, maintenant, je voudrais parler d'une conclusion à laquelle est

  5   arrivée la Chambre de première instance qui nous, semble-t-il, montre les

  6   choses très clairement, à savoir le fait que la Chambre de première

  7   instance a dit que le commandant en tant que partie de sa capacité

  8   matérielle de punir se trouve dans une position où il doit avoir recours à

  9   la force pour le faire.

 10   Donc, la Chambre de première instance a englobé le recours en

 11   l'équipement militaire et le fait d'attaquer les subordonnés comme étant

 12   une façon d'appliquer le contrôle effectif.

 13   Nous estimons que ceci n'est pas raisonnable.

 14   L'importance en découle des conclusions de la Chambre de première

 15   instance au paragraphe 1 459 qui se lit comme suit : "La seule manière pour

 16   le 3e Corps de régler la situation dont elle était saisie était

 17   l'utilisation immédiate de moyens militaires contre le Détachement El

 18   Moudjahidine."

 19    Dans cette citation, on se réfère à la gravité des infractions et

 20   des crimes qui se sont produits. Le fait que les menaces précédentes

 21   d'avoir recours à la force n'ont pas eu d'effet dissuasif escompté, le

 22   manquement de la discipline dans faisait preuve le Détachement El

 23   Moudjahidine et le fait d'engager des pourparlers n'était pas -- n'allait

 24   pas être utile. Donc, tout ceci ce sont les conclusions auxquelles est

 25   arrivée la Chambre de première instance.

 26   Nous estimons que cette conclusion reflète de la manière la plus

 27   exacte la totalité des éléments de preuve de l'espèce concernant la

 28   situation relative aux Moudjahidines pendant la période qui courrait du

Page 135

  1   mois d'août jusqu'au mois de décembre 1993. Nous estimons que les

  2   Moudjahidines échappaient au contrôle. C'étaient des éléments qui n'ont pas

  3   accepté de se placer sous le commandement et le contrôle du 3e Corps.

  4   Il est intéressant de relever que le Procureur n'a pas parlé de cette

  5   conclusion spécifique de la Chambre de première instance dans sa réponse,

  6   et nous pensons que c'est un élément révélateur.

  7   Sur la base de cette conclusion, nous faisons valoir que, dans cette

  8   situation, la relation de supérieur à subordonné au titre de l'article 7(3)

  9   n'existe pas. On ne peut pas affirmer qu'elle existe.

 10   Si un groupe de combattants refuse d'exécuter des ordres du

 11   commandant, et la seule manière de les forces à se soumettre est d'avoir

 12   recours à la force militaire pour les attaquer, on ne peut pas dire -- il

 13   est évident qu'on ne peut pas dire que le commandant exerce un contrôle

 14   effectif sur ce groupe.

 15   A ce stade, la question n'est pas de savoir si le commandant est

 16   capable d'utiliser la force pour attaquer ce groupe, c'est plutôt de savoir

 17   si elle a la capacité matérielle d'empêcher ou de punir.

 18   Donc, ce n'est pas de savoir s'il a des moyens matériels d'attaquer.

 19   La question de savoir s'il a la capacité matérielle de prévenir ou de punir

 20   des actes commis par ce groupe qui refuse d'exécuter ses ordres.

 21   Donc, nous estimons qu'il n'y aucune confusion de fait là-dessus

 22   contrairement à l'argument avancé par l'Accusation entre les premiers et

 23   troisièmes éléments de la responsabilité du commandant supérieur.

 24    M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Juge Shahabuddeen.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, la

 26   question, en fait, porte sur la preuve qui convient d'apporter sur

 27   l'existence du contrôle effectif. Mais dans les organisations militaires, y

 28   a-t-il un principe selon lequel un commandant militaire qui opère dans un

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  1   secteur donné doit exercer le contrôle sur l'ensemble des effectifs dans ce

  2   secteur ? En d'autres termes, y a-t-il un principe d'unicité ?

  3   M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge d'avoir

  4   posé cette question, je vais vous répondre par une réponse très simple. Un

  5   commandant peut avoir une forme de responsabilité géographique pour ce qui

  6   se passe dans ce secteur.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui.

  8   M. BOURGON : [interprétation] Mais le commandant militaire exerce un

  9   contrôle effectif, il est responsable uniquement pour ce que font ses

 10   soldats. Donc, c'est ça le contrôle effectif.

 11   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie.

 12   M. BOURGON : [interprétation] Nous estimons que le recours à la force

 13   militaire afin d'attaquer un groupe qui n'exécute pas les ordres, s'oppose

 14   au concept qui a été exposé dans nos écritures.

 15   La Chambre de première instance a procédé à une analyse au paragraphe

 16   85 à 87, sans citer de sources à l'appui et ce fait est important et

 17   révélateur.

 18   Avec tous nos respects, nous estimons que la Chambre de première

 19   instance a peut-être confondu les termes : "Capacité matérielle à empêcher

 20   à punir," tel que défini dans la jurisprudence du Tribunal international,

 21   et le terme : "Possession de moyens militaires," la possibilité de s'en

 22   servir en français : "Capacité militaire de faire usage de la force." Ce

 23   qui est différent, c'est un concept différent.

 24   En ce sens, nous ne sommes pas d'accord avec la dernière phrase du

 25   paragraphe 86 du jugement.

 26   En fait, la seule situation, de notre avis, où un commandant peut

 27   être forcé à avoir recours à la force afin d'appliquer le droit humanitaire

 28   international, donc, c'est lorsque la force militaire est requise, c'est

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  1   contre l'ennemi sous forme de représailles, non pas dans le contexte auquel

  2   se réfère la Chambre de première instance.

  3   Nous sommes également en désaccord avec la deuxième phrase du

  4   paragraphe 87 du jugement, à savoir que parce les ordres doivent être obéis

  5   pour qu'une armée puisse fonctionner, un commandant n'hésiterait pas à

  6   avoir recours à la force dans des cas où ses effectifs refusent d'obéir à

  7   un ordre de combat.

  8   Mais, il s'agit des mêmes arguments qui s'appliquent à la troisième

  9   phrase où la seule occasion où un commandant peut se trouver dans une

 10   position, il doit donner l'ordre d'exécuter un soldat qui refuse d'exécuter

 11   ses ordres, c'est lorsque ce soldat a été jugé et a été déclaré coupable

 12   conformément aux normes internationales applicables.

 13   Tout simplement, ceci ne peut pas être le cas lorsque quelqu'un a

 14   refusé d'obéir des ordres et le commandant décide de l'exécuter.

 15   C'est ainsi que j'interprète le jugement. Il se peut que je me

 16   trompe, mais je pense que la Chambre d'appel doit se pencher sur ce type de

 17   conclusions, sur ces conclusions-là dans le jugement de la Chambre de

 18   première instance.

 19   Enfin, il est possible qu'il y ait une situation où un commandant se

 20   trouve obligé d'avoir recours à la force contre ses subordonnés, mais c'est

 21   lorsqu'ils rejoignent l'ennemi et ils commencent à tirer sur son unité.

 22   Mais là encore, ce ne sont plus que ses ex-subordonnés.

 23   Tandis que ces conclusions de la Chambre de première instance

 24   expliquent peut-être ces conclusions disant que général Hadzihasanovic a

 25   exercé le contrôle effectif sur des Moudjahidines même si la seule de

 26   laquelle il aurait pu gérer la situation était de les attaquer, nous

 27   estimons que cette conclusion qui est contraire à la jurisprudence du

 28   Tribunal internationale ne peut pas se défendre, et je vais vous citer un

Page 138

  1   exemple.

  2   L'analyse du contrôle effectif dans l'affaire le Procureur contre

  3   Blaskic. Dans cette affaire, la Chambre d'appel a estimé que Blaskic n'a

  4   pas exercé le contrôle effectif sur le 4e Bataillon de Police militaire

  5   pour ce qui est de l'attaque sur Ahmici même si le 4e Bataillon était une

  6   Unité régulière du HVO qui était présente et qui était comprise dans la

  7   zone opérationnelle de Bosnie centrale sous le commandement de Blaskic qui

  8   aurait pu être rattaché à Blaskic pour des missions ad hoc suite aux

  9   nécessités spécifiques.

 10   Indépendamment de cela et malgré cela, la Chambre d'appel a dit qu'il

 11   n'y avait pas de contrôle effectif.

 12   Lorsque nous comparons les faits des deux espèces, la situation qui a

 13   prévalu à l'époque entre le commandant du 3e Corps et les Moudjahidines est

 14   très loin du type de relation qui existait entre Blaskic et le 4e Bataillon

 15   de Police militaire.

 16   Dans ces circonstances, nous estimons que notre première branche

 17   d'appel doit être acceptée. Nous demandons que l'on renverse les

 18   condamnations de culpabilité contre le général Hadzihasanovic pour les

 19   chefs 3 et 4 pour ce qui est de Moudjahidine et Orasac, et nous demandons

 20   qu'un acquittement soit prononcé.

 21   Je vais maintenant parler des paragraphes 371 et 373 de notre mémoire

 22   en appel.

 23   Si la Chambre d'appel n'était pas d'accord avec nos arguments que

 24   nous venons donc d'exposer sur la question précédente, à partir de ce

 25   moment-là - et uniquement à partir de ce moment-là - notre sixième branche

 26   d'appel deviendrait pertinente.

 27   Si la relation de supérieur à subordonné n'est pas lié

 28   automatiquement là où le commandant a autorisé d'avoir recours à la force

Page 139

  1   afin de contrôler un groupe de commandants, nous estimons qu'il convient de

  2   démontrer que le commandant a exercé le contrôle effectif sur ce groupe de

  3   combattants, et nous estimons que trois critères doivent être remplis.

  4   Autrement dit, nous estimons qu'un commandant aura la capacité matérielle

  5   d'empêcher ou de punir un groupe de combattants par le recours aux

  6   équipements militaires pour les attaquer si l'autorité légale aux termes du

  7   droit interne pour attaquer ces subordonnés, s'il a l'autorité militaire

  8   nécessaire et s'il a les moyens militaires nécessaires pour lancer une

  9   telle attaque.

 10   Nous référons la Chambre d'appel au paragraphe 373 et 394.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Juge Guney.

 12   M. LE JUGE GUNEY : Monsieur Bourgon, il y a le contrôle effectif, en ce

 13   qu'est l'exercice de contrôle de jure d'une part, et d'autre part, la

 14   capacité matérielle de prévenir et punir. Est-il possible d'avoir la

 15   capacité matérielle de prévenir et punir sans avoir le contrôle effectif et

 16   de jure ?

 17   M. BOURGON : Merci beaucoup, Monsieur le Juge.

 18   M. LE JUGE GUNEY : Je veux bien savoir votre position. Merci.

 19   M. BOURGON : Merci, Monsieur le Juge. La réponse à votre question est très

 20   simple. La Chambre d'appel a très établi que, pour un commandant, pour

 21   avoir la capacité matérielle de prévenir ou de punir, il doit exercer le

 22   contrôle effectif, mais, la relation de jure contrôle et "the effective

 23   control" dans les deux cas, on doit avoir la preuve "of effective control

 24   to prevent and punish. An effective control to prevent and punish --

 25   [interprétation] -- de punir et d'empêche, et ceci inclus a été

 26   défini comme étant la capacité matérielle de prévenir et d'empêcher. Cette

 27   capacité si elle n'est pas là, c'est tout, le chapitre est clos. Il faut

 28   soit le contrôle de jure ou le contrôle effectif, mais même quand on a le

Page 140

  1   contrôle de jure, d'après nous, ce n'est pas suffisant et aussi d'après les

  2   décisions de la Chambre d'appel.

  3   Je vais passer à ma conclusion, à savoir que la Chambre d'appel estime que

  4   le fait de se servir des moyens militaires et le fait d'attaquer ne nie pas

  5   l'existence du contrôle effectif. Si vous vous penchez sur l'autre option,

  6   les critères que je viens d'énoncer, à savoir l'autorité au terme du droit

  7   interne, l'autorité militaire ou possession des moyens militaires n'existe

  8   pas. Tout simplement, la Chambre de première instance n'aurait pas pu

  9   considérer et juger du fait raisonnable, n'aurait pas pu constater qu'il y

 10   avait capacité matérielle de prévenir ou punir.

 11   Maintenant, je vais passer rapidement à une autre -- branche 2 à 5. Nous

 12   avons déjà exposé cela dans nos écritures.

 13   Pour ce qui est de la branche 2, nous estimons que la Chambre de

 14   première instance a commis de nombreuses erreurs en arrivant à des

 15   conclusions incorrectes sur des faits qui -- et que ceci a occasionné un

 16   déni de justice.

 17   Nous estimons qu'aucun juge du fait raisonnable n'aurait pu arriver à

 18   la conclusion d'après les preuves de l'espèce que les Moudjahidines étaient

 19   placés sous le commandement de jure du

 20   3e Corps.

 21   En estimant que cette branche concerne le contrôle de jure, donc, nous --

 22   notre avis est que la déposition de Poparic était particulièrement

 23   importante et nous estimons que la Chambre de première instance a eu tort

 24   en écartant comme -- en considérant qu'il ne s'agissait que d'un point

 25   administratif.

 26   Pour ce qui est des documents concernés, à savoir les six ordres et les

 27   lettres, il est intéressant de savoir que le seul document qui a été signé

 28   par le général Hadzihasanovic est celui du 28 août 1993 qui porte la

Page 141

  1   mention "n'a pas été exécuté."

  2   La déposition relative à ça est celle de Kulenovic, pages

  3   13 953, 13 961, elle est également importante à ce sujet.

  4   Enfin, la Chambre de première instance est arrivée à une conclusion erronée

  5   en se fondant sur la vidéo de propagande moudjahidine concernant

  6   l'existence d'un accord entre les Moudjahidines et les dirigeants

  7   militaires bosniens et il s'agissait là également d'une erreur.

  8   Passons maintenant à une autre branche numéro 3. Comme nous l'avons déjà

  9   dit dans nos écritures, nous estimons que la Chambre de première instance

 10   est arrivée à de nombreuses conclusions erronées sur des faits qui ont --

 11   et que cela a causé un déni de justice. Nous estimons qu'aucun juge de fait

 12   raisonnable n'aurait pu conclure -- d'après les preuves de l'espèce que les

 13   Moudjahidines étaient placés sous le contrôle effectif du 3e Corps.

 14   En plus, de nombreux éléments de preuve qui ont une valeur probante très

 15   importante -- très grande, et auxquels aucun poids n'a été attribué, comme

 16   nous l'avons déjà dit dans nos écritures, nous invitons la Chambre d'appel

 17   à se pencher sur l'analyse du contrôle effectif qui a été celle de la

 18   Chambre de première instance pour la période avant le 13 août 1993 et après

 19   le 13 août 1993. Nous estimons que la Chambre de première instance a

 20   attribué un poids à des éléments de preuve dénués de fiabilité pour la

 21   période après le

 22   13 août 1993 - et si je me réfère à la vidéo de propagande des

 23   Moudjahidines, pièce P482, également aux journaux de guerre et registres

 24   opérationnels C11 et C20 -- à en juger d'après le dossier mis à part

 25   l'ordre de Delic du 13 août 1993. La Chambre de première instance s'en est

 26   servie pour en faire un point de séparation et il n'y a pas de réponse, il

 27   n'y a pas de réaction à cela dans le dossier, rien n'a été changé pour ce

 28   qui est de l'absence du contrôle effectif sur les Moudjahidines après la

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  1   date du 13 août.

  2   L'une des erreurs commises par la Chambre de première instance - et

  3   l'Accusation l'admet dans son paragraphe 257 - une importance particulière,

  4   à savoir les conclusions que des membres des Moudjahidines ont été, en

  5   fait, jugés par le tribunal municipal de Travnik et non pas comme la

  6   Chambre de première instance l'a conclu par le tribunal militaire de

  7   district.

  8   Une autre erreur de la Chambre de première instance, qui a une

  9   importance significative, est la déduction incorrecte à laquelle elle est

 10   arrivée sur la base des journaux de guerre C11 et C13 pour le

 11   7 septembre 1993. Contrairement aux conclusions de la Chambre de première

 12   instance, ces entrées ne montrent pas que les Moudjahidines aient pris part

 13   aux activités de combat sur la demande de la

 14   325e Brigade. A cette occasion, en fait, ce qui s'est passé c'est que la

 15   325e Brigade a été aidée par la Section de Police militaire du OG BK, et

 16   par la 27e Brigade.

 17   Maintenant, je vais passer à une autre quatrième branche, à savoir le

 18   critère de : il avait des raisons de savoir. Nous estimons qu'aucun juge du

 19   fait raisonnable n'aurait pu arriver à la conclusion que le général

 20   Hadzihasanovic avait connaissance de l'enlèvement des cinq civils croates à

 21   Travnik le 20 octobre 1993.

 22   La Chambre de première instance a fondé son analyse sur l'absence

 23   d'éléments de preuve démontrant connaissance directe. La Chambre de

 24   première instance a poursuivi nous estimons a poursuivi en cherchant et en

 25   trouvant sur la base de toute une série de déductions à vérifier de

 26   suppositions que le général Hadzihasanovic savait.

 27   Je pensais qu'il y avait une question.

 28   Il est important de savoir quelles ont été les conclusions de la

Page 144

  1   Chambre de première instance. Bien, tout ce qui suit est sur la base de

  2   juste quelques éléments de preuve, à savoir : elle a estimé que le général

  3   Hadzihasanovic savait que cinq civils avaient été enlevés par les

  4   Moudjahidines le 19 octobre, qu'il savait quelles sont les mesures qui --

  5   et les dispositions qui avaient été prises par le Groupe opérationnel

  6   Bosanska Krajina, afin de résoudre cette crise, qu'en réponse aux menaces

  7   lancées par Moudjahidine, Alagic a interdit aux Moudjahidines d'enlever des

  8   civils, qu'il savait, mais qu'en dépit de ces menaces, un premier groupe de

  9   cinq civils avaient été enlevés le 16 octobre 1993 et qu'il savait que

 10   suite aux premiers enlèvements l'OG BK avait menacé les Moudjahidines

 11   qu'ils allaient les attaquer. E

 12   Toutes ces conclusions, tout ce que je viens de dire, tout cela ce

 13   sont les conclusions auxquelles est arrivée la Chambre, uniquement sur la

 14   base de connaissances déduites. Contrairement à la conclusion de la Chambre

 15   de première instance, le soutien reçu de la part du commandant de corps,

 16   mentionné par le Témoin HE, en fait, il se réfère à la situation après le

 17   moment où il a appris que Popovic avait été tué au début novembre, 1993. A

 18   ce moment-là, Alagic était le nouveau commandant du 3e Corps et ce n'était

 19   pas Hadzihasanovic qui exerçait ces fonctions.

 20   Je vais maintenant passer à notre cinquième branche, paragraphe 360.

 21   Nous estimons que la Chambre de première instance a commis une erreur de

 22   droit en arrivant aux conclusions qui figurent aux paragraphes 1 463

 23   jusqu'à 1 465, et à savoir qu'il y a un lien causal implicite entre le

 24   manquement d'agir pour prévenir un crime et la commission de ce crime.

 25   C'est contraire à la jurisprudence du Tribunal international. Nous

 26   estimons que l'objectif de la Chambre de première instance en constatant

 27   qu'il y a cette existence de ce lien causal a été de déplacer la charge de

 28   la preuve sur l'accusé afin de prouver la faisabilité des mesures qu'il

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  1   aurait utilisées, qu'il aurait appliquées. Par conséquent, nous estimons

  2   que cette erreur de droit invalide, renverse l'analyse de la Chambre de

  3   première instance portant sur des mesures qui auraient dû être prises par

  4   le général Hadzihasanovic.

  5   Monsieur le Président, je vois qu'il ne me reste que dix minutes.

  6   Est-ce que vous voulez que l'on fasse une pause maintenant, ou est-ce que

  7   je poursuis pour dix minutes ?

  8   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous pensez que vous pouvez terminer

  9   en dix minutes, je préfère cela.

 10   M. BOURGON : [interprétation] Je voudrais maintenant en venir à notre

 11   dernière branche aux paragraphes 395 jusqu'au 407, nous estimons qu'aucun

 12   Juge de fait raisonnable n'aurait pu arriver à la conclusion que le fait de

 13   lancer une attaque contre le Détachement El Moudjahid, afin de permettre la

 14   libération des cinq civils enlevés par les Moudjahidines, était une mesure

 15   nécessaire et raisonnable compte tenu des circonstances qui prévalaient à

 16   ce moment-là.

 17   A ce sujet, je voudrais parler des choses qui n'ont pas été abordées par la

 18   Chambre de première instance dans son analyse, à savoir si le fait de

 19   lancer une attaque contre les Moudjahidines était, effectivement, une

 20   mesure nécessaire et raisonnable compte tenu des circonstances.

 21   Ceci comprend l'impact, l'incidence d'une attaque par rapport au fait de

 22   mener à bien la mission, des dommages collatéraux possibles, et les chances

 23   de mener à bien cette attaque avec succès, ainsi que la proportionnalité.

 24   Ils ne sont même pas entrés dans ce secteur.

 25   Pour conclure, je vais dire, Messieurs les Juges, qu'à la lumière des

 26   arguments que nous avons présentés, nous demandons que les déclarations de

 27   culpabilité prononcées contre général Hadzihasanovic pour les chefs 3 et 4,

 28   doivent être renversés donc au sujet des Moudjahidines et Orasac, et qu'on

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  1   doit prononcer l'acquittement.

  2    Quatrième moyen d'appel, l'école de musique. Rappelez-vous ce qu'a

  3   dit la Chambre d'appel aux paragraphes -- ou que nous avons dit dans le

  4   mémoire d'appel 409 à 483.

  5   Aucun Juge n'aurait pu conclure que le général Hadzihasanovic n'a pas

  6   pris les mesures nécessaires et raisonnables afin de punir les auteurs des

  7   agissements ou d'empêcher ces traitements cruels infligés à l'école de

  8   musique, vu les circonstances prévalant.

  9   Il y a eu erreur de la Chambre au niveau du dispositif, lequel ne

 10   reprend pas les conclusions de la Chambre. Deuxièmement, la Chambre n'a pas

 11   bien évalué les éléments fournis par les Témoins Merdan et HF ne les a pas

 12   bien évalués non plus au niveau de la valeur probante à propos de l'enquête

 13   que ces témoins auraient mené sur la situation prévalant à cette école

 14   quand c'était nécessaire.

 15   Personne n'a trouvé la mort. On accuse uniquement de traitement

 16   cruel.

 17   Le Témoin Merdan était l'adjoint du commandant du 3e Corps, il a plusieurs

 18   fois déposé ici dans ce Tribunal. Pendant plusieurs jours, au cours de ces

 19   journées, il a reçu de nombreuses questions de la part de la Chambre. Il

 20   n'y avait à notre avis aucune raison objective, pour que la Chambre écarte

 21   sa déposition, or, elle l'a fait. Nous aimerions entendre le Témoin Merdan

 22   une fois de plus si vous avez des doutes. C'est ce que nous avons demandé,

 23   la déposition a été prise de ne pas l'appeler, mais nous estimons qu'il

 24   faut examiner de très près la déposition qu'il a faite, c'est ce que

 25   devrait la Chambre d'appel.

 26   De plus, la Chambre de première instance a commis une erreur en appréciant

 27   pas bien le fait que la détention et le mauvais traitement des prisonniers

 28   a été à dessein dissimulés du commandement du

Page 147

  1   3e Corps, et aucune valeur probante n'y a été donnée.

  2   Nous estimons aussi que les éléments du dossier n'ont pas bien été

  3   appréciés car on n'a pas tenu compte de la perspective qui était celle de

  4   l'appelant, qui était chef du corps à l'époque. Ceci n'a pas bien été

  5   examiné non plus au niveau des circonstances qui prévalaient à l'époque.

  6   Deux conclusions s'imposent dès lors. Les éléments de preuve montrent que

  7   la détention et le mauvais traitement infligé aux prisonniers avaient été

  8   cachés au commandement du 3e Corps. Mais le général Hadzihasanovic était

  9   averti de cette possibilité qu'il y ait détention de prisonniers et mauvais

 10   traitement. Chaque fois, le général a envoyé ses officiers supérieurs pour

 11   vérifier ce qu'il en était pour mener une enquête. Mais que la réalité de

 12   ces faits n'a pas malheureusement été découverte.

 13   Ce qui veut dire qu'aucune Chambre de première instance raisonnable ne peut

 14   se satisfaire et être convaincue au-delà de tout doute raisonnable que

 15   l'appelant n'a pas pris les mesures nécessaires et nécessaires. A notre

 16   avis, cette conclusion tirée par la Chambre de première instance ne cadre

 17   pas du tout avec les éléments du dossier qui montrent les modalités

 18   d'exercice du commandement par le général Hadzihasanovic.

 19   Par conséquent, la Chambre d'appel est priée respectivement par la Défense

 20   d'annuler le jugement et de déclarer M. Hadzihasanovic innocent du chef 4

 21   retenu contre lui, pour le manquement à l'obligation de prévenir et

 22   d'empêcher les traitements cruels. Merci.

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 24   Est-ce que les Juges ont des questions ?

 25   Apparemment pas.

 26   Nous pouvons faire une pause, une pause de 20 minutes, nous reprendrons à

 27   10 heures 20.

 28   --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.

Page 148

  1   --- L'audience est reprise à 10 heures 22.

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je donne la parole à l'Accusation qui

  3   va nous présenter ses arguments.

  4   Mme GOY : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

  5   Avant de vous présenter la réponse de l'Accusation, il nous faut apporter

  6   une correction à une erreur commise hier, lorsque nous avons parlé de la

  7   peine imposée à M. Hadzihasanovic.

  8   Lorsque nous parlions de la gravité des crimes commis, j'ai fait référence

  9   à ce Témoin ZH qui avait été frappé à son arrivée à l'école Gimnazija. Page

 10   du compte rendu d'audience 68, lignes 19 et suivantes.

 11   Cet événement du 23 juillet 1993 s'inscrit dans la période mentionnée dans

 12   le dispositif, cependant, dans son mémoire l'Accusation était convenue de

 13   dire que le dispositif était incorrect et qu'en fait il s'agit de la

 14   période du 18 août au 8 octobre 1993.

 15   Par conséquent, le passage à tabac du Témoin ZH du 23 juillet n'est pas

 16   quelque chose que nous vous demandons de prendre en compte lorsque vous

 17   allez juger de la gravité du crime.

 18   Cependant, la Chambre de première instance a également conclu que ce même

 19   témoin avait subi un autre passage à tabac de même type le 17 septembre

 20   1993. Donc, dans la période couverte par l'acte d'accusation. C'est le

 21   paragraphe 1665 du jugement. Nous vous demandons de tenir compte de cet

 22   incident-là. Au paragraphe suivant, la Chambre énumère les blessures

 23   résultant de ce traitement infligé à ce témoin à l'école.

 24   Permettez-moi maintenant de vous présenter notre réponse. Tout d'abord, je

 25   vais répondre à la première question que vous avez posée, Messieurs les

 26   Juges, ensuite je parlerais du motif concernant Bugojno. M. Kremer me

 27   suivra pour parler d'Orasac, et M. Tracol vous parlera de l'école de

 28   musique de Zenica.

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  1   En réponse à la première question, je dirais ceci : vous avez posé une

  2   question qui était celle-ci en fonction du règlement de discipline

  3   militaire ou d'autres dispositions. Est-ce que des tribunaux militaires

  4   disciplinaires ou des supérieurs hiérarchiques avaient les pouvoirs

  5   nécessaires pour imposer une sanction supérieure à 60 jours d'arrêt ?

  6   Nous sommes d'accord avec la Défense pour dire qu'aucun tribunal

  7   militaire, aucun supérieur ne peut donner ce genre de punition.

  8   Les pouvoirs à cet égard sont prévus à l'article 11 du règlement de

  9   discipline militaire, pièce P325 qu'il faut lire concurremment avec le

 10   décret portant sur le service dans l'armée de la République de Bosnie-

 11   Herzégovine, P120.

 12   Que dit l'article 11 ? Il dit ceci : pour des erreurs de discipline, pour

 13   des infractions disciplinaires, mesures disciplinaires et punitions

 14   disciplinaires visées à l'article 66 du décret, portant service dans

 15   l'armée, ce genre de mesures peuvent être imposées. L'article 65 du même

 16   décret fait une distinction entre une erreur et une infraction légère et

 17   une infraction plus grave à la discipline, et les mesures prévues sont

 18   énumérées à l'article 66. Pour les infractions légères comme les

 19   infractions plus graves, la peine maximale est de 60 jours

 20   d'emprisonnement.

 21   L'organe qui a la responsabilité d'imposer cette punition est précisé dans

 22   ce règlement de discipline militaire, pièce P325. En vertu de ce règlement,

 23   les supérieurs hiérarchiques sont habilités à établir une responsabilité

 24   suite à une infraction légère, erreur de discipline, article 22 et les

 25   tribunaux militaires sont habilités à juger les infractions plus

 26   importantes, plus graves, article 44.

 27   Ceci en guise de réponse à la question que vous aviez posée, Messieurs les

 28   Juges. Je ne sais pas si vous avez des questions supplémentaires à cet

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  1   égard. Si ce n'est pas le cas, je voudrais maintenant parler du moyen

  2   d'appel concernant Bugojno.

  3   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Poursuivez, Madame.

  4   Mme GOY : [interprétation] En ce qui concerne Bugojno, j'aimerais tout

  5   d'abord parler des mesures prises à Bugojno et de la connaissance qu'avait

  6   le général Hadzihasanovic du type de mesures prises pour passer à son

  7   élément moral s'agissant du manquement de prévenir des crimes qui risquent

  8   de se commettre à l'avenir.

  9   Quelles sont les mesures prises ? Hadzihasanovic n'a pas démontré

 10   qu'il était déraisonnable que la Chambre de première instance conclu tout

 11   d'abord que les mesures prises à l'encontre des auteurs, de traitement

 12   cruel et d'assassinat le 5 août était simplement des mesures

 13   disciplinaires, et aussi que M. Hadzihasanovic n'a été avisé que de ses

 14   mesures disciplinaires et a manifesté sa satisfaction.

 15   La Chambre a procédé à une analyse minutieuse du type de mesures

 16   prises en faisant état d'une pièce, le rapport d'inspection, pièce DH38 et

 17   la pièce 1392, et aussi de six témoins, Muratovic, Zlotrg, HF, Zeric et

 18   Hackshaw ainsi qu'Alvir. La conclusion de la Chambre a été que ce n'était

 19   pas déraisonnable.

 20   Nous avons aussi deux témoignages, la traduction Muratovic et nous

 21   estimons que les modifications qu'il y a entre les compte rendus en

 22   français, en anglais, et la traduction officielle ne font pas que la

 23   conclusion finale tirée par la Chambre est déraisonnable.

 24   La Chambre a d'abord conclu que ni le rapport d'inspection, ni la

 25   déposition du Témoin HF démontrent explicitement quel était le type de

 26   mesures qui avaient été prises. En ce qui concerne le Témoin Zlotrg, la

 27   Chambre conclu, aux paragraphes 1, 7, 6 et 8, qu'il semble indiquer que les

 28   actions ou les mesures prises étaient de nature pénale, et la traduction

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  1   officielle le montre clairement, il parle d'un rapport au pénal ou d'une

  2   plainte au pénal. D'après la page du compte rendu d'audience 1 946, dans la

  3   version officielle de ce compte rendu, que ce genre de plaintes avait été

  4   déposé, ce qui -- d'après ce qu'il a dit au contre-interrogatoire, page du

  5   compte rendu d'audience 1 499, que ceci allait être déposé.

  6   Quoi qu'il en soit, Hadzihasanovic n'a toujours pas démontré qu'il

  7   aurait été déraisonnable de la part de la Chambre de tirer ce type de

  8   conclusion même s'il a été dit en témoignage que les mesures étaient

  9   uniquement disciplinaires.

 10   Ensuite, la Chambre a examiné la déposition du Témoin Muratovic pour

 11   conclure que celui-ci a précisé que c'était des mesures de nature

 12   disciplinaire de M. Havranek mais cette pièce dit aussi que ces individus

 13   ont été punis. De plus, la Défense mentionne nous dit que puisque le

 14   procureur militaire était présent à cette réunion, il devait soit avoir

 15   traité la question lui-même soit l'avoir transféré au procureur militaire.

 16   Mais le procureur municipal a seul compétence en vertu du paragraphe 954 du

 17   jugement et seul habilité à traiter de questions relatives aux civils, où

 18   vous avez des civils qui sont co-auteurs en même temps que les autorités

 19   militaires, mais la Chambre a conclu que les auteurs étaient des membres de

 20   la 307e Brigade. Ce qui veut dire que ce procureur municipal n'était pas

 21   compétent et devait transmettre le dossier au procureur militaire qui a

 22   déposé clairement et a dit qu'il n'avait jamais reçu de tel dossier.

 23   Par conséquent, que conclut la Chambre, elle dit qu'aucun rapport

 24   militaire n'a été déposé et c'est une conclusion raisonnable qu'elle tire.

 25   Que savait Hadzihasanovic des mesures prises. Là, la Chambre de

 26   première instance fait référence au rapport d'inspection adressé au 3e

 27   Corps, mais ce rapport ne donne pas de renseignements précis sur le type

 28   des mesures prises. On dit simplement dans ce rapport que des poursuites

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  1   ont été engagées. De plus, la Chambre de première instance décrit la

  2   conversation qui a eu lieu entre Muratovic et Hadzihasanovic. Muratovic,

  3   même dans la version officielle corrigée, ne parle pas de l'adoption des

  4   mesures pénales, ni de dépôt de plainte au pénal. Il dit simplement que des

  5   mesures juridiques adéquates ont été prises conformément à la loi.

  6   Par conséquent, il n'était pas déraisonnable que la Chambre conclue

  7   que M. Hadzihasanovic fût uniquement informé des mesures disciplinaires qui

  8   avaient été prises.

  9   J'en ai ainsi terminé de mes arguments pour ce qui est des mesures

 10   prises de la connaissance qu'en avait M. Hadzihasanovic. Si vous n'avez pas

 11   de questions, je vais parler de l'élément moral en ce qui concerne des

 12   crimes qui risquaient de se produire.

 13   Dans notre mémoire en réponse, nous avons dit que la Chambre ne

 14   s'était pas fourvoyée pour ce qui est de l'application du critère juridique

 15   permettant de savoir si le risque réel et raisonnable était le bon critère

 16   pour déterminer l'élément moral. Maintenant, je m'adresse au fait.

 17   Hadzihasanovic était au courant d'un incident grave de traitement cruel

 18   pour six personnes, de l'assassinat d'un prisonnier de guerre au magasin de

 19   meubles. Nous disons que ceci est suffisant pour qu'il soit conscient qu'il

 20   y avait un risque réel et raisonnable que d'autres crimes soient commis à

 21   l'avenir au magasin de meubles ainsi que dans d'autres lieux de détention à

 22   Bugojno. Surtout quand on associe ceci au manquement, à l'obligation de

 23   prendre des mesures nécessaires pour punir le premier incident.

 24   Nous disons oui, surtout vu les mesures insuffisantes qui ont été prises.

 25   Car Hadzihasanovic était au courant de cet incident de traitement cruel et

 26   de meurtre mais en plus de cela, il a manqué à l'obligation de punir de

 27   façon adéquate.

 28   Nous citons à l'appui de cet avis l'arrêt Krnojelac qui renforce le concept

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  1   disant que savoir qu'il y a eu un incident suffit pour déclencher la

  2   condition de la raison de savoir.

  3   La Chambre d'appel dans son paragraphe 169 disait que le fait que Krnojelac

  4   était témoin d'un incident de torture ne suffisait pas conclure que

  5   Krnojelac savait qu'il y allait avoir d'autres crimes; cependant, ceci peut

  6   constituer une information suffisamment alarmante pour qu'il soit averti

  7   qu'il y a un risque de voir se reproduire ces actes de torture. En d'autres

  8   termes, le fait qu'il savait qu'il y avait torture d'un seul détenu peut

  9   être suffisant pour qu'il ait des raisons de savoir que ses subordonnés

 10   avaient commis d'autres actes de torture ou qu'ils étaient sur le point de

 11   le faire.

 12   Contrastons ceci avec ce que demande la Chambre de première instance au

 13   paragraphe 1 760. Elle dit qu'il faut qu'il y ait répétition des actes

 14   criminels pour qu'on ait raison de savoir. A notre avis, le fait qu'il y a

 15   un seul incident est suffisant et ceci est appuyé par l'affaire Rauer

 16   mentionné par la Chambre de première instance au paragraphe 165. En effet,

 17   ceci montre que quand on a connaissance d'un incident on a l'obligation

 18   pénale de prendre les mesures nécessaires pour empêcher qu'il se

 19   reproduise.

 20   De plus, le manquement à l'obligation de prendre les mesures qu'il faut

 21   pour punir a un effet d'encouragement, ce qui veut dire que le risque qu'il

 22   y ait d'autres crimes à l'avenir s'accroît, par conséquent, la conscience

 23   qu'on a de cette possibilité s'accroît à l'avenant. 

 24   Le manquement à l'obligation a un effet d'encouragement parce que les

 25   subordonnés se disent qu'ils peuvent sans risque d'être punis, commettre

 26   d'autres crimes. Ceci est renforcé par l'arrêt Celebici, paragraphe 739.

 27   On peut lire la même chose mais même si c'est dans une moindre mesure pour

 28   ce qui est du manquement à l'obligation de prendre des mesures appropriées,

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  1   d'autant qu'il y a une disparité manifeste au niveau d'une punition

  2   imposée. 60 jours maximum pour des sanctions disciplinaires ou un minimum

  3   de cinq ans pour un crime de guerre en vertu du code pénal de la RSFY.

  4   En d'autres termes, si un supérieur ne prend pas les bonnes mesures, ceci

  5   peut encourager le subordonné à commettre des crimes.

  6   Par conséquent, Hadzihasanovic, en étant conscient qu'il y avait eu

  7   un incident grave, étant donné qu'il n'a pas pris les mesures adéquates, il

  8   devait savoir qu'il y avait risque qu'il y ait de nouveaux crimes au

  9   magasin de meubles ainsi que dans d'autres lieux de détention à Bugojno où

 10   il y avait les mêmes groupes de personnes et où la proximité géographique

 11   était réelle.

 12   C'est ce que je voulais dire à propos de Bugojno, je ne sais pas si

 13   vous avez des questions, Messieurs les Juges, si ce n'est pas le cas, je

 14   vais passer la parole à M. Kremer.

 15   M. KREMER : [interprétation] Permettez-moi de commencer, Monsieur le

 16   Président, Messieurs les Juges -- permettez-moi donc de commencer à vous

 17   exposer mes arguments portant sur Orasac en précisant qu'une erreur a été

 18   commise dans le dispositif. Le dispositif parle de la période allant du 15

 19   octobre au 31 octobre 1993, mais il convient de le corriger. Il faudrait

 20   qu'il soit question de la période du 19 octobre allant jusqu'au 31 octobre,

 21   le moment où le deuxième groupe de civils croates avait été enlevé par des

 22   membres du Détachement El Moudjahid ou El Moudjahidine. C'est une omission

 23   de notre part lorsque nous avons rédigé le mémoire. Je pensais qu'il

 24   fallait apporter une correction, une petite correction à ce stade.

 25   Je ne vais pas aborder toutes les questions qui ont été soulevées par

 26   Me Bourgon ce matin. Je vais parler de la question que vous avez soulevée,

 27   à savoir la question numéro deux et je vais me pencher sur le recours à la

 28   force, son incidence sur le contrôle effectif et je vais également parler

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  1   de la question du contrôle de jure.

  2   Il me semble que nous avons répondu de manière exhaustive aux autres

  3   questions dans nos écritures et qu'il n'y a pas lieu d'apporter des

  4   compléments.

  5   Permettez-moi de commencer en répondant à la question qui a été

  6   posée. La question qui a été posée se compose de deux parties : relever les

  7   éléments de preuve qui démontrent qu'Hadzihasanovic a manqué à fournir une

  8   formation en droit humanitaire international et de mettre sur pied un

  9   système disciplinaire afin de garantir le respect de ces règles et

 10   deuxièmement, répondre si ce manquement en soi peut engager la

 11   responsabilité criminelle d'Hadzihasanovic pour manquement d'avoir empêché

 12   des crimes ou traitements cruels ainsi que le meurtre de Dragan Popovic.

 13   Je vais pour commencer répondre à la deuxième partie, nous aussi, et

 14   c'était exactement contraire à ce que Me Bourgon a dit dans sa réponse.

 15   Nous estimons qu'en à juger d'après les faits de l'espèce à partir du 13

 16   août 1993, lorsque le Détachement El Moudjahidine est devenu subordonné à

 17   Hadzihasanovic et au 3e Corps, son manquement à fournir une formation au

 18   droit international et de mettre sur pied un système disciplinaire pour

 19   garantir le respect de ces règles en soit engage à être sa responsabilité

 20   criminelle pour manquement d'avoir empêcher les crimes et le traitement

 21   cruel et le meurtre de Dragan Popovic.

 22   Pourquoi ? Premièrement, penchons-nous sur le jugement, paragraphe 1 479 :

 23   "Hadzihasanovic savait que des membres du Détachement El Moudjahidine

 24   étaient d'un tempérament dangereux et violent il les savait bien avant que

 25   ce détachement n'ait été intégré au sein de l'ABiH. En fait, il savait que

 26   ces hommes avaient déjà commis des crimes odieux, en particulier le

 27   massacre de 24 Croates à Maline en juin 1993, et également d'avoir exécuter

 28   quatre civils croates à Miletici en avril, ce qui était en contravention du

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  1   droit humanitaire international."

  2   Qui plus est, ces assassins n'ont jamais été punis, parce que les

  3   crimes n'ont pas été portés à l'attention des autorités judiciaires

  4   militaires ou de la police militaire et vraisemblablement non à l'attention

  5   de la police civile et les autorités judiciaires et au civil, compte tenu

  6   du fait que des activité de combat étaient en cours dans la zone. Telles

  7   sont les conclusions de la Chambre de première instance au paragraphe 1433

  8   du jugement.

  9   Hadzihasanovic était au courant du risque encouru en incorporant et

 10   subordonnant ce groupe à son 3e Corps et les événements qui lui ont permis

 11   de le savoir figurent aux paragraphes

 12   1 427 et 1 435. La Chambre de première instance s'est penchée sur la

 13   question qui est de savoir si Hadzihasanovic avait raison de savoir

 14   -- excusez-moi, l'orateur se reprend. Ce sont des événements qui ont fait

 15   l'objet de développement et qui sont devenus pertinents aux yeux de la

 16   Chambre de première instance pour savoir si Hadzihasanovic avait raison de

 17   savoir au moment des enlèvements du mois d'octobre. Et dans cet examen, la

 18   Chambre de première instance s'est référée à l'enlèvement de Totic et

 19   l'assassinat de ses quatre gardes du corps quelque chose qui s'est produit

 20   précédemment.

 21   Même si la Chambre de première instance était au courant des

 22   massacres qui s'étaient produits à Maline et à Miletici, il n'empêche

 23   qu'Hadzihasanovic a recommandé que les Moudjahidines dans ses zones de

 24   responsabilité soient incorporés dans les rangs de l'ABiH et re-subordonnés

 25   à lui-même en tant qu'unité indépendante bénéficiant d'un statut spécial

 26   pour qu'il puisse les déployer dans le cadre de combat immédiatement. Il

 27   était préoccupé par la question qui l'aurait pu être tenu responsable de

 28   ces actions au moment où ils n'étaient pas encore formellement subordonnés

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  1   à Hadzihasanovic, et c'est ce que l'on trouve dans la DH73 et dans le

  2   jugement paragraphe 552.

  3   La réponse de Delic à la préoccupation d'Hadzihasanovic du

  4   13 juin au sujet de sa responsabilité, et bien, donc c'est une réponse

  5   rapide par le commandant Delic disant que : "Il faut envoyer ces groupes au

  6   mont Igman pour les intégrer au détachement indépendant dans l'unité de

  7   Zuka. Si jamais ils n'acceptent pas, il ne faut pas faire preuve de

  8   compréhension à leur égard et il faut finir par les désarmer." Paragraphe

  9   270 -- pièce P270, plutôt.

 10   Le même jour, Hadzihasanovic a protesté auprès de Sefer Halilovic et

 11   il a demandé que seule la première partie de l'ordre soit mis en œuvre.

 12   Jugement en ce paragraphe 555.

 13   A partir de ce moment, le 16 juin 1993, Hadzihasanovic prend part aux

 14   négociations qui vont donner lieu à la création du Détachement El

 15   Moudjahidine et à ces subordinations au 3e Corps. Malgré ses préoccupations

 16   portant sur la responsabilité et ses connaissances du risque que comporte

 17   l'incorporation de ce groupe au sein du 3e Corps, à partir de la date de la

 18   re-subordination, et bien, il n'a pris aucune mesure afin d'isoler les

 19   auteurs des crimes de Miletici et Maline et il a pris aucune mesure afin de

 20   lancer une procédure au pénal contre les auteurs de ces crimes. Il a donné

 21   la possibilité aux membres du Détachement El Moudjahidine, y compris ceux

 22   qui étaient responsables de ces crimes, de rester isoler dans leurs

 23   campements, et la police militaire et la police régulière, les forces de

 24   sécurité n'y avaient pas accès. Même les commandants avaient du mal à y

 25   accéder, à en juger d'après le jugement de la Chambre de première instance

 26   en l'espèce.

 27   Au lieu de prendre ne serait-ce qu'une action simple de base, à

 28   savoir, par exemple, former et établir à la discipline, il les a précipités

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  1   dans le combat. Il a manqué à prendre en compte le risque des crimes futurs

  2   qui allaient donc qui risquaient d'être commis pour des membres du

  3   Détachement El Moudjahidine, et il peut être tenu pénalement responsable

  4   pour cela.

  5   Les principes juridiques sur lesquels se fonde cette conclusion, on

  6   les trouve dans le jugement à partir du paragraphe 145 jusqu'au paragraphe

  7   152.

  8   Les éléments de preuve ont été fournis montrant qu'Hadzihasanovic a

  9   admis le fait que le 3e Corps devait faire partie du système disciplinaire

 10   interne, que le droit humanitaire international doit être respecté ainsi

 11   que les règles qui s'appliquent au conflit armé, et qu'en tant que

 12   commandant, il était responsable de l'exécution de cette tâche. Me Bourgon

 13   et l'Accusation sont d'accord là-dessus.

 14   Il avait également le besoin de faire connaître ces règles et les

 15   insérer dans les programmes dans le cadre de l'instruction militaire. Et

 16   là, dessus nous sommes également d'accord.

 17   Hadzihasanovic était le commandant du 3e Corps, il avait les

 18   attributions lui permettant d'exercer le contrôle sur ses hommes et sur

 19   leurs armes. Plus que qui que ce soit d'autre, il aurait pu empêcher des

 20   violations en créant un état d'esprit approprié, en faisant le nécessaire

 21   pour qu'on agisse de manière rationnelle en ayant recours à l'équipement et

 22   à la force dans le cas du combat, et en maintenant la discipline.

 23   Sur la base de ses préoccupations dès le 13 juin 1993, on sait qu'il

 24   savait qu'il y avait un risque de responsabilité pénale s'il manquait de

 25   s'acquitter de ses obligations de commandant pour ce qui est du Détachement

 26   El Moudjahidine nouvellement créer.

 27   En tant que commandant du 3e Corps, il pouvait faire des choix. Il

 28   pouvait soit prendre des mesures pour imposer l'ordre et la discipline, ou

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  1   ne pas les prendre. Pour ce qui est du Détachement El Moudjahidine

  2   nouvellement crée, il a choisi de ne pas prendre ces mesures. Il était au

  3   courant du risque que constituait les membres du Détachement El

  4   Moudjahidine, et en dépit de cela, Hadzihasanovic a accepté de courir le

  5   risque que ses manquements de prendre, ne serait-ce, que les mesures de

  6   base pour empêcher les crimes se produisent donc pendant qu'ils étaient sur

  7   son commandement et ce risque a eu pour résultat sa déclaration de

  8   culpabilité et c'est la raison pour laquelle nous sommes devant vous

  9   aujourd'hui.

 10   La Chambre de première instance a estimé que le manquement de prendre

 11   des mesures générales peut engager la responsabilité criminelle. Il me

 12   semble que c'est au paragraphe 161 du jugement, la Chambre a déclaré : "Ces

 13   mesures générales cependant seront prises en considération dans l'analyse

 14   factuelle et dans l'appréciation des efforts qui ont été déployés par

 15   l'accusé afin de s'acquitter de leur obligation de prévenir, au vu du

 16   dossier de l'espèce. En fait, il est plus difficile d'anticiper sur les

 17   violations du droit humanitaire international lorsque le commandant a pris

 18   une série de mesures préventives générales par rapport à ses troupes que

 19   lorsque le commandant n'a pas mis sur pied un système qui impose le respect

 20   du droit et de la discipline."

 21   Cette déclaration correspond à une décision récemment prise par la

 22   Chambre d'appel dans l'affaire Halilovic aux paragraphes 63 et 64, à savoir

 23   : "Ce qui constitue des mesures nécessaires et raisonnables pour que le

 24   commandant s'acquitte de son obligation ce n'est pas une question du droit

 25   substantiel -- du droit substantiel mais c'est une question de la preuve."

 26   La Chambre poursuit : "Le critère juridique correct est uniquement de

 27   savoir si le supérieur hiérarchique a omis, a failli à prendre des mesures

 28   nécessaires et raisonnables afin d'empêcher des actes criminels ou d'en

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  1   punir les auteurs. Bien entendu, le critère unique sera appliqué

  2   différemment dans des circonstances différentes."

  3   Ce que nous affirmons c'est que le critère unique énoncé par la Chambre

  4   d'appel donc qui a été appliqué au manquement d'Hadzihasanovic de fournir

  5   une formation de base et de mettre sur pied un système disciplinaire pour

  6   El Moudjahidine à la lumière de la connaissance qu'il avait de leur

  7   comportement criminel dans le passé et de faire le nécessaire pour qu'il

  8   respecte un système disciplinaire et qu'en soi ceci prouve -- ceci prouve

  9   que la Chambre de première instance a eu raison de le déclarer coupable du

 10   manquement de prendre des mesures nécessaires et raisonnables afin

 11   d'empêcher des crimes de traitement cruel et meurtre de Dragan Popovic.

 12   Ce qui m'amène à présent à la première partie de la question et cette

 13   question découle des conclusions énoncées par la Chambre de première

 14   instance, aux paragraphes 1 479 à 1 484. Ces conclusions concernent ce

 15   qu'Hadzihasanovic savait au sujet du Détachement El Moudjahidine avant

 16   qu'il n'ait recommandé, qu'il n'ait accepté qu'il soit incorporé au sein du

 17   3e Corps et subordonné en tant que Détachement indépendant du 3e Corps.

 18   Le 13 août 1993, lorsque Hadzihasanovic a reçu l'ordre de re-subordonner le

 19   Détachement El Moudjahidine au 3e Corps, il savait qu'il y a eu des

 20   meurtres des civils croates et des prisonniers de guerre croate en

 21   violation du droit international -- droit humanitaire international. Compte

 22   tenu que, dans la zone de responsabilité d'Hadzihasanovic, les combats

 23   étaient en cours contre les forces croates et pour le territoire qui était

 24   occupé par des résidents croates, cette connaissance à elle seule jointe à

 25   sa connaissance des crimes qu'ils avaient commis de par le passé exigeaient

 26   de la part d'Hadzihasanovic de prendre des mesures pour empêcher la

 27   commission de crimes comparables par des membres re-subordonnés du

 28   Détachement El Moudjahidine pendant qu'ils étaient sous son commandement.

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  1   A la place de cela, Hadzihasanovic a considéré que les nécessités

  2   militaires primaient sur les principes du droit humanitaire international.

  3   Il a accepté qu'ils bénéficiaient d'un soutien indépendant et spécial pour

  4   qu'ils puissent être utilisés dans le cadre des combats. Il a accepté

  5   qu'ils restent dans deux camps Mehurici et Poljanice Orasac, séparés du 3e

  6   Corps et du gros des effectifs de l'OG BK. L'emplacement de ces camps et le

  7   fait qu'ils étaient isolés et séparés, ils avaient pour connaissance qu'il

  8   était plus difficile -- la discipline puisque l'accès à ces camps et la

  9   communication avec eux étaient très difficiles. Je cite le jugement de

 10   l'espèce, paragraphes 833, 849 et 1 405.

 11   "Pendant que les recrues du Détachement El Moudjahidine ont été formées

 12   pendant 40 jours dans ces camps, les membres du El Moudjahidine n'étaient

 13   pas intégrés à la formation qui était organisée par l'ABiH dans ce

 14   secteur." Paragraphe 599 [comme interprété].

 15   "Hadzihasanovic a accepté l'ordre de resubordination du Détachement El

 16   Moudjahidine, et en l'espace de trois jours, il a agi pour les re-

 17   subordonner à l'OG BK pour qu'ils puissent -- l'utilisation d'utiliser dans

 18   le combat." C'est la pièce P671.

 19   Malgré le fait qu'il savait que de, par le passé, ils avaient fait preuve

 20   d'un comportement violent et dangereux, enfin, certains d'entre eux --

 21   certains des membres du Détachement El Moudjahidine, Hadzihasanovic n'a pas

 22   incorporé dans ses ordres adressés au commandant de l'OG BK une information

 23   quel qu'il soit sur les tendances criminelles des membres du Détachement El

 24   Moudjahidine ou une quelconque instruction aux mesures afin d'empêcher la

 25   commission de crimes par ces gens. La Chambre de première instance a eu

 26   raison de prendre en considération les actions d'Hadzihasanovic dans le

 27   contexte des mesures qu'elle a prise avant le 13 août afin de rendre l'ABiH

 28   plus professionnelle et plus disciplinée.

Page 163

  1   Je ne vais que résumer les mesures qui ont été prises - et

  2   Me Bourgon s'y référait - donc, il s'agissait là d'ordres sur la formation

  3   des soldats dans le droit humanitaire international, des ordres pour

  4   garantir le respect et la disciplinaire militaire, des ordres dans le cadre

  5   de la discipline militaire en exigeant plus de ressources sur le plan de la

  6   police militaire.

  7   Elle rappelle leurs obligations à la police militaire dans le cadre

  8   législatif en vigueur.

  9   La Chambre de première instance est arrivée à la conclusion qu'aucune

 10   formation sur le plan du droit humanitaire ou sur le plan de la discipline

 11   militaire n'a été créée pour -- n'a été prévue pour le Détachement El

 12   Moudjahidine. Cette opinion est résumée aux paragraphes 1 434. L'analyse de

 13   la Chambre de première instance découle de sa constatation que le

 14   Détachement El Moudjahidine a été incorporée dans l'ABiH le 13 août 1993.

 15   Avant cette date, la Chambre a estimé que ce détachement n'avait pas été

 16   intégré au sein de l'ABiH et, par conséquent, n'a pas pu bénéficier des

 17   mesures qu'Hadzihasanovic et le 3e -- en sa qualité du commandant du 3e

 18   Corps avait ordonné pour les environ

 19   30 000 hommes placés sous son commandement.

 20   Ce qui a été fait avant le 13 août est détaillé aux paragraphes 1 161

 21   jusqu'à 1 167, sous le chapitre : "Mesures générales," et aux paragraphes

 22   856 allant jusqu'aux paragraphes 859, sous le chapitre : "Formation."

 23   Hadzihasanovic a tenté de souligner l'importance qu'il fallait accorder à

 24   la formation des hommes en particulier des nouvelles recrues.

 25   Hadzihasanovic a attiré l'attention sur les principes du droit humanitaire

 26   international et il a organisé la distribution des textes des conventions

 27   de Genève. Il a souligné à l'adresse des subordonnés leurs obligations. Il

 28   a créé un bureau juridique chargé de renseigner les officiers sur leurs

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  1   obligations juridiques par rapport dont aux obligations des brigades

  2   pendant les combats armés. Il a émis des ordres empêchant -- interdisant la

  3   détention des civils, mauvais traitements des prisonniers de guerre. Il a

  4   demandé que des enquêtes soient faites sur les détentions illicites, les

  5   mauvais traitements, et il a demandé parfois qu'on lui fasse rapport

  6   directement.

  7   Hadzihasanovic avait le pouvoir d'émettre des ordres afin que la formation

  8   et la discipline soient faites et garanties. Bien entendu, il était

  9   commandant du 3e Corps, il avait des attributions sur le 3e Corps, sur tous

 10   les aspects, dans tous les sens, y compris il avait le pouvoir d'émettre

 11   des ordres de combat, des ordres de resubordination, de réassigner des

 12   ressources et l'équipement, et cetera.

 13   Et à l'opposé de ces mesures positives qui ont été prises afin de mettre

 14   sur pied un système de discipline militaire, mesures avant le 13 août 1993,

 15   pour une raison quelconque, ce système ne s'est pas

 16   -- n'a pas fonctionné et Hadzihasanovic ne l'a pas fait respecter par le

 17   Détachement El Moudjahidine. Il n'a pas donné d'ordres pour que ce genre de

 18   mesures soient respectées par ce détachement après que le détachement ait

 19   été resubordonné au 3e Corps, après qu'il ait été intégré au sein du corps.

 20   La Chambre a constaté, au paragraphe 1 434, qu'il n'y avait pas

 21   suffisamment de formation, pas suffisamment de discipline militaire pour ce

 22   qui est des membres du Détachement El Moudjahidine après le 13 août.

 23   La Chambre de première instance en a parlé au paragraphe 830. Je vais juste

 24   résumer ce qui est dit dans ce paragraphe -- ou dans les paragraphes 812,

 25   excusez-moi dans le paragraphe 830.

 26   Le 12 août, Hadzihasanovic a souligné le besoin urgent d'organiser et de

 27   déployer les volontaires étrangers. Dès le 16 août, Hadzihasanovic a envoyé

 28   une lettre au commandant de l'OG Brkic, lui l'informant que 50 membres du

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  1   Détachement El Moudjahidine étaient prêts à se rendre sur le front à

  2   Zavidovici, et a demandé que dès le lendemain on lui réponde.

  3   Puis, le 28 août, il a donné l'ordre à El Moudjahidine qui était

  4   resubordonné à la 306e Brigade. En fait, El Moudjahidine avait un statut

  5   spécial qui lui permettait de refuser l'ordre. Officiellement, le

  6   Détachement El Moudjahidine était resubordonné à l'OG BK, le 6 septembre,

  7   compte tenu du fait que des opérations de combat allaient être amorcées sur

  8   le champ.

  9   A partir de cette date, ce détachement a pris part à des combats en tant

 10   que partie de l'OG BK, et ce, jusqu'au 31 octobre, et à ce moment-là,

 11   Hadzihasanovic a quitté son poste de commandant du

 12   3e Corps.

 13   La Chambre de première instance a noté que la resubordination du 6

 14   septembre, enfin, que l'ordre portant resubordination n'a pas résolu les

 15   problèmes qui étaient connus comme étant les problèmes du Détachement El

 16   Moudjahidine, et c'était par contraste par rapport à l'ordre du 6

 17   septembre. Donc, cet ordre est différent de l'ordre du

 18   4 septembre 1993, la resubordination d'El Moudjahidine à l'OG BK, où il est

 19   plus clair, quelles sont les mesures qui doivent être prises par rapport à

 20   leur resubordination.

 21   La Chambre de première instance, au paragraphe 1 482, souligne

 22   qu'Hadzihasanovic n'avait pas à se servir d'hommes qui n'avaient pas de

 23   formation au combat, et elle arrive à la conclusion qu'il n'aurait pas dû

 24   les déployer, les engager. Il est question donc de l'utilisation des hommes

 25   de Détachement El Moudjahidine au combat avant qu'ils n'aient été formés

 26   correctement.

 27   Au paragraphe 1 482 : "Qui plus est, il a accepté la position

 28   exceptionnelle du détachement, et ce, dès les prémices du fonctionnement du

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  1   Détachement El Moudjahidine au sein de l'ABiH, en décidant de profiter

  2   militairement du Détachement El Moudjahidine dans ces conditions malgré

  3   l'ensemble des informations alarmantes à sa disposition. L'accusé

  4   Hadzihasanovic devait, bien avant que les civils croates ont été enlevés en

  5   octobre 1993, en prévoir les conséquences éventuelles."

  6   Pour conclure, il y avait suffisamment d'éléments de preuve pour étayer la

  7   conclusion à laquelle est arrivée la Chambre de première instance pour

  8   affirmer qu'Hadzihasanovic a manqué de fournir une formation sur le plan du

  9   droit humanitaire international, manqué de mettre sur pied un système

 10   disciplinaire pour les recrues d'El Moudjahidine, suffisamment donc pour

 11   engager sa responsabilité criminelle, et par conséquent, il a été déclaré

 12   coupable pour avoir manqué d'empêcher la commission de crimes et de

 13   traitement cruel et le meurtre de Dragan Popovic en octobre 1993.

 14   Je vais maintenant parler à l'usage de la force aux Juges du caractère

 15   approprié des mesures suivant le pouvoir dont est investi le supérieur

 16   hiérarchique concerné, page 170 du jugement.  

 17   Dans ces arguments, Hadzihasanovic fait valoir que le fait qu'il n'est pas

 18   utilisé son pouvoir pour empêcher ses subordonnées de commettre ou de

 19   continuer à commettre des crimes est équivalent à une absence de contrôle

 20   effectif, et à l'absence pour lui de la capacité matérielle de prévenir ou

 21   de punir.

 22   Selon l'Accusation dans son argumentation, il fait la confusion entre le

 23   pouvoir qui était le sien entre que chef du 3e Corps et sa volonté

 24   d'utiliser ce pouvoir. Du fait de son poste de chef du

 25   3e Corps, il était investi du pouvoir et de l'autorité, de contrôler les

 26   hommes qui étaient sous ses ordres. Il a fait démonstration de son autorité

 27   et de son pouvoir en donnant des ordres, en donnant des consignes et en

 28   faisant en sorte que tout ceci soit suivi des faits.

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  1   Dans le cadre de son argumentation sur ce point, il reconnaît qu'en tant

  2   que commandant, il était investi du pouvoir, et donc, qu'il avait les

  3   mesures de faire usage de la force, mais il indique que le fait d'avoir à

  4   faire usage de la force pour empêcher des crimes, en fait, vient à nier

  5   l'efficacité de son contrôle.

  6   Contrairement à son argumentation, l'objectif de la doctrine de la

  7   responsabilité du supérieur hiérarchique, la théorie de la responsabilité

  8   du commandement justifie l'utilisation de la force pour prévenir un crime,

  9   si c'est nécessaire, si cette force est utilisée de manière raisonnable.

 10   L'usage de la force contre des subordonnés, qui commettent ou qui

 11   s'apprêtent à commettre des crimes, cela constitue une mesure raisonnable

 12   et nécessaire qui est conforme à la responsabilité du commandant d'empêcher

 13   que ses subordonnés ne commettent des crimes, qu'il s'agisse de donner pour

 14   consignes à des officiers de mettre un terme à des crimes, faute de quoi

 15   ils seront arrêtés, faute de quoi ils seront mis en détention, et on leur

 16   fait également savoir qu'ils seront abattus s'ils résistent à leur

 17   arrestation.

 18   Hadzihasanovic fait valoir lorsqu'un commandant en arrive à la conclusion

 19   qu'il est nécessaire de faire usage de la force pour empêcher qu'un crime

 20   ne soit commis, son obligation de prévenir est à ce moment-là suspendu,

 21   annulé provisoirement, et il est exonéré de la responsabilité pénale,

 22   éventuelle, qu'on pourrait faire valoir contre lui pour ne pas avoir

 23   empêché les crimes de ses subordonnés, des crimes qui étaient commis ou

 24   qu'il s'apprêtait à commettre.

 25   La Chambre de première instance a reconnu qu'un commandant qui dispose d'un

 26   nombre limité de soldats, d'un matériel limité peut avoir du mal à faire

 27   usage de la force contre ses propres hommes, les hommes qui auraient

 28   enfreint aux règles du droit humanitaire international. En conséquence, on

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  1   pourrait arriver à la conclusion qu'ils n'avaient pas la capacité

  2   matérielle d'empêcher ou de punir les violations du droit humanitaire

  3   international. Mais il est manifeste, et ça a été conclu par la Chambre de

  4   première instance, il est manifeste que vu son poste de chef du 3e Corps

  5   avec sous ses ordres, 30 000 hommes, ses limites, ses restrictions ne

  6   s'appliquaient pas à Hadzihasanovic.

  7   Hadzihasanovic avait à sa disposition une force de police militaire qui

  8   comptait 400 à 450 hommes qui étaient rattachés au commandement du 3e

  9   Corps. En tant que tel, le 3e Corps avait un arsenal important à sa

 10   disposition. Hadzihasanovic n'était pas dénoué du pouvoir lui permettant de

 11   prendre les mesures appropriées pour empêcher les crimes d'Orasac. Non, il

 12   n'avait pas la volonté d'agir. Voilà tout. Et ce manque de volonté engage

 13   sa responsabilité pénale et ne l'excuse en aucune manière.

 14   Enfin, la Chambre de première instance a, à très juste titre, conclu qu'un

 15   commandant qui emploie ou qui engage des soldats en sachant qu'il existe un

 16   risque, que ceci n'oublie pas ses ordres, de respecter le droit humanitaire

 17   international, un tel commandant ne peut pas affirmer qu'il n'exerçait pas

 18   un contrôle effectif sur ses hommes pour échapper à la responsabilité qui

 19   est la sienne au titre de l'article 7.3 du Statut. Cette conclusion, elle

 20   repose sur le fait que son comportement avant le crime est pertinent et

 21   doit être pris en compte pour établir le fait qu'il avait accepté ce

 22   risque, le risque de voir ses hommes ne pas suivre ses ordres.

 23   Ceci nous amène à l'examen de la Chambre de première instance dans son

 24   jugement qui indique que de nombreux éléments de preuve montraient que le

 25   commandement du 3e Corps exerçait un contrôle de fait sur les

 26   Moudjahidines. Il y avait d'autres éléments qui suscitaient un doute

 27   raisonnable, mais la Chambre de première instance était en droit de tenir

 28   compte de tout cela. Tout ce qui s'est passé de juin à août à l'ordre de

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  1   resubordination, enfin, du 13 août, nous permet de dire qu'Hadzihasanovic a

  2   accepté le risque de cette subordination parce qu'il était parfaitement au

  3   courant de ce qu'avait fait certains de ces soldats.

  4   Il a accepté, et ceci étant il ne peut pas se retrancher derrière ce

  5   fait en disant, bien, ça a complètement dégénéré, et je n'exerçais pas un

  6   contrôle effectif donc, sur ces hommes, et ceci, d'autant plus qu'au cours

  7   de cette période, de cette période où il était à la tête du 3e Corps, il

  8   n'a vraiment rien fait pour s'assurer du contrôle de cette unité, de cette

  9   unité, une fois qu'elle serait incorporée au 3e Corps d'armée.

 10   Je me propose maintenant d'en arriver à la fin de mon intervention --

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Un instant. Le Juge Meron

 12   souhaiterait vous poser une question.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Kremer, vous venez de

 14   nous parler de l'obligation de faire usage de la force ou de la capacité à

 15   faire usage de la force. C'est une question fort complexe selon moi et

 16   j'aimerais que l'examinions ensemble un peu plus avant.

 17   Nous avons entendu les arguments de Me Bourgon à ce sujet et les

 18   vôtres également, mais les arguments de Me Bourgon étaient les suivants :

 19   M. Hadzihasanovic n'avait ni le contrôle effectif ni le contrôle de fait ni

 20   le contrôle de juré sur ces hommes. Il fait référence à un jugement dans

 21   lequel il est dit qu'il aurait fallu faire usage de la force pour établir

 22   ce contrôle, et quel que soit la situation de droit, en fait, il n'y avait

 23   pas de contrôle effectif.

 24   Je ne veux pas que vous parliez de la formation, non, moi je voudrais

 25   que vous vous concentriez sur l'usage de la force. Il me semble que vous,

 26   tout autant que Me Bourgon, êtes d'accord sur les critères qui s'appliquent

 27   en l'occurrence, et c'est la chose suivante : un chef militaire doit

 28   prendre les mesures nécessaires et raisonnables, voilà le critère.

Page 171

  1   M. KREMER : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Partant de ce point de départ, vous-

  3   même, à plusieurs reprises, vous avez parlé des circonstances de l'espèce.

  4   Il faut donc tenir compte du contexte dans lequel ma question s'inscrit ou

  5   plutôt mes questions parce que j'en ai un certain nombre et je vous serais

  6   très reconnaissant de bien vouloir m'aider à y voir plus clair, moi, tout

  7   autant que mes confrères.

  8   Combien y avait-il d'hommes dans les deux camps moudjahiddines dont vous

  9   avez parlé ? Les forces loyales à M. Hadzihasanovic, combien de victimes

 10   aurait-elle dû sacrifier ?

 11   Combien de pertes aurait-elle dû enregistrer pour établir le contrôle

 12   ?

 13   Quelle aurait été la probabilité de réussite d'une telle opération ?

 14   Est-ce qu'une attaque contre les forces des Moudjahidines aurait eu

 15   un impact sur la capacité de M. Hadzihasanovic à mener la guerre, au niveau

 16   plus théorique ?

 17   Une autre question : quelle aurait été la probabilité de réussite

 18   d'une telle mesure avant que cette mesure ne soit considérée comme

 19   nécessaire et raisonnable ?

 20   Mais je crois que ça suffit pour l'instant.

 21   M. KREMER : [aucune interprétation] 

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Avant de vous laisser répondre,

 23   Monsieur Kremer, j'ai moi-même une question, de portée générale, mais qui

 24   est apparentée à ce qu'on vient de vous demander.

 25   Lorsqu'il s'agit de l'usage de la force, est-ce que le critère de

 26   proportionnalité doit s'appliquer et si oui dans quelle mesure ?

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Bourgon, j'enchaîne sur

 28   l'excellente question que vient de poser notre Président. Bon, partant du

Page 172

  1   principe qu'il y ait cinq à dix Moudjahidines dans cette unité, à ce

  2   moment-là, tout plaiderait pour l'usage de la force. Mais à quelle moment ?

  3   Quel est le critère ? Quel le seuil ? Quel est le paramètre qui s'applique

  4   et qui détermine que les choses deviennent un peu plus compliquées toujours

  5   en pensant à cette question de la proportionnalité ?

  6   M. KREMER : [interprétation] Mais tout dépend du commandant confronté à

  7   cette situation où certains de ces hommes sont en train de commettre des

  8   crimes. Il a l'obligation d'empêcher que ces crimes ne soient commis, il

  9   doit procéder à une appréciation de la situation sur la base des éléments

 10   d'information qui sont adressés à dans disposition, à ce moment-là, il doit

 11   décider ce qu'il faut faire parce qu'il est tenu en droit de prendre les

 12   mesures nécessaires propres à empêcher que ces crimes ne soient commis. Il

 13   est tenu de prendre des mesures raisonnables pour empêcher ces crimes.

 14   Les cinq premières questions que vous avez posées portaient sur le

 15   caractère raisonnable des mesures et non pas sur leur caractère nécessaire.

 16   Je voudrais vous rappeler l'examen auquel a procédé la Chambre de

 17   première instance sur ce point, et elle se fondait sur le fait que rien

 18   n'avait été fait, rien n'avait été fait à part des négociations passives

 19   avec les Moudjahidines qui s'étaient emparé de civils croates. Auparavant,

 20   il y avait des menaces d'actes de violence de pilonnage, et cetera,

 21   d'emploi d'artillerie contre eux et ça avait entraîné des résultats plus

 22   positifs.

 23   Pour ainsi dire Hadzihasanovic, la Chambre de première instance passe

 24   seule en revue de manière très approfondie. La question qui se posait pour

 25   lui c'était : que puis-je faire ? Que dois-je faire ?

 26   La Chambre a compris qu'il ne pouvait pas lancer une attaque parce

 27   qu'il n'avait pas le temps. Il avait les ressources nécessaires pour lancer

 28   une attaque si ça s'était avéré nécessaire mais jamais on a pensé que

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  1   c'était nécessaire. En tout cas, il avait les moyens pour le faire.

  2   Pour déterminer si les mesures sont raisonnables et nécessaires, et

  3   cetera, il faudrait -- comme vous l'avez dit à très juste titre, Monsieur

  4   le Juge Meron, il faudrait prendre en compte tous les facteurs pertinents

  5   afin de savoir quelles ressources doivent être employées, quelles mesures

  6   raisonnables ou nécessaires doivent être mises en œuvre. Il faut prendre en

  7   compte notamment les effectifs de l'Unité des Moudjahidines : combien

  8   d'hommes y avait-il dans ces camps ?

  9   Me Bourgon me corrigera si je me trompe, mais d'après ce que j'ai vu

 10   dans le dossier, on comptait quelques 120 à 150 Moudjahidines au total dans

 11   ces deux camps. Il faut, cependant, se souvenir qu'à l'époque beaucoup

 12   d'entre eux étaient au front, étaient au combat et ne se trouvaient pas

 13   dans la région.

 14   Des témoins ont expliqué qu'à ce moment-là, qu'au moment où Alagic et

 15   son assistant sont allés au camp d'Orasac pour entamer des négociations,

 16   ils ont vu sur place un certain nombre d'hommes armés mais il y avait aussi

 17   des hommes qui n'avaient pas d'armes.

 18   Je dispose des pièces ici, des détails ici, mais je crois qu'il y

 19   avait environ trois hommes armés et dix hommes qui  n'étaient pas armés.

 20   On trouve au dossier des éléments qui indiquent que, dans l'autre camp,

 21   lors d'une des visites d'un témoin, il y avait un garde armé à l'entrée du

 22   camp, du camp de Poljanice.

 23   Quels étaient les effectifs ? Peut-être 150, 150 au maximum. Est-ce

 24   que les effectifs étaient vraiment à ce niveau-là ? Bon, selon nous, sans

 25   doute pas. Mais il appartenait à Hadzihasanovic d'obtenir cette

 26   information-là et de procéder à l'évaluation nécessaire.

 27   Est-ce qu'il y aurait eu des pertes parmi ces hommes s'il y avait eu

 28   attaque armée ? Tout dépendait des ressources des forces en présence. La

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  1   Chambre de première instance a conclu à très juste titre selon nous qu'une

  2   épreuve de force, une démonstration de force aurait pu mettre en terme aux

  3   prises d'otages. Mais nous ne savons pas quel aurait été l'impact puisque

  4   pratiquement rien n'a été fait.

  5   Quel aurait été le nombre des pertes, des pertes civiles ? Est-ce

  6   qu'il y en aurait eu ? Je crois que le dossier nous montre qu'à Mehurici,

  7   il y avait un poste de commandement avancé, là, il y avait surtout des

  8   militaires. Donc, dans ces camps -- dans les camps, tout du moins, il n'y

  9   aurait pas eu des dommages indirects qui auraient affecté les civils ou les

 10   biens civils.

 11   Quelle était la probabilité de résultat d'une telle opération ? Donc,

 12   tout dépendait, bien entendu, des mesures précises qui auraient été prises.

 13   La Chambre de première instance en est arrivé à la conclusion que la simple

 14   démonstration de la force ou de l'intension de faire usage de la force ou

 15   le rassemblement des ressources nécessaires pour faire usage de la force

 16   accompagné de menaces aurait pu être couronné de succès. C'est pourquoi la

 17   Chambre en est arrivé à la conclusion qu'il n'avait pas pris les mesures

 18   nécessaire et raisonnables. La Chambre n'a pas dit que l'usage de la force,

 19   que ces hommes étaient la seule mesure à sa disposition, mais elle a dit

 20   qu'un certain nombre de mesures nécessaires et raisonnables auraient pu

 21   arriver à un résultat.

 22   La conséquence exacte de telles opérations dépendait, bien entendu,

 23   des circonstances. Selon moi -- selon mon interprétation du jugement, la

 24   Chambre de première instance n'a pas conclu qu'il s'agissait de la seule

 25   mesure envisageable, de la seule mesure raisonnable, pas du tout, bien au

 26   contraire.

 27   Si je reprends les arguments de Me Bourgon, il prend un exemple

 28   extrême et il essaie d'en faire un règlement juridique -- un principe

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  1   juridique, mais cela ne fonctionne pas.

  2   Je crois que j'ai répondu à la question sur la proportionnalité. Tout

  3   dépend de la situation telle qu'elle évolue pendant la période concernée,

  4   et tout dépend, bien entendu, des informations dont disposent le commandant

  5   et qu'il continue à recevoir et qui font qu'il prend une décision raisonnée

  6   et qui a une influence également sur les mesures qu'il va prendre contre

  7   des criminels qui commettent des crimes ou s'apprêtent en à commettre.

  8   Si un crime est commis, si on sait qu'un meurtre va avoir lieu, à ce

  9   moment-là, le commandant doit faire une évaluation de la situation, selon

 10   moi, pour empêcher que ce crime ne soit commis. Alors, il doit se dire,

 11   qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour empêcher que ce meurtre soit commis;

 12   est-ce qu'il faut que je fasse usage de la force; dans quelle proportion,

 13   dans quel niveau, et cetera.

 14   Ce choix -- cette décision, elle est faite, vu les risques que cela

 15   comporte. Il faut donc tenir compte de cela comme dans toute situation de

 16   prise d'otage, aucune prise d'otage n'est semblable à aucune autre. Or, en

 17   l'espèce, on voit qu'on n'a même pas proféré des menaces un petit peu plus

 18   énergique au moment de la deuxième prise d'otage.

 19   Ceci, je pense, souligne bien et conforte la position prise  par la Chambre

 20   de première instance qui a déclaré qu'Hadzihasanovic était coupable parce

 21   qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour empêcher les crimes

 22   d'Orasac.

 23   Si je maintiens l'argument des jurés, la Chambre de première instance,

 24   selon nous, a été très avisée dans sa décision dans de nombreux paragraphes

 25   du jugement. Elle passe en revue la question du commandement de fait avant

 26   le 13 août et, comme je l'ai mentionné, de nombreuses reprises, on a

 27   beaucoup parlé des mesures qui pourraient aller dans le sens du contrôle de

 28   fait ou pas. Au bout du compte, la conclusion de la Chambre de première

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  1   instance était qu'on ne pouvait pas dire sans tout doute raisonnable qu'il

  2   y avait contrôle effectif.

  3   La Chambre de première instance a analysé avec beaucoup de soins les

  4   événements précédents, l'ordre de resubordination du

  5   13 août de Rasim Delic, dans lequel - je l'ai déjà dit, au moins deux ou

  6   trois reprises - il est question de la participation et des recommandations

  7   d'Hadzihasanovic.

  8   Ce groupe, le Détachement El Moudjahid, a été resubordonné et c'est

  9   ce fait corroborer par de nombreux éléments de preuve qui datent d'avant le

 10   13 août et d'après le 13 août également. Nous avons repris ces pièces dans

 11   notre mémoire en réponse aux arguments de

 12   Me Bourgon. D'autre part, au cours du mois d'août 1993, on voit au dossier

 13   des pièces qui indiquent que des soldats de d'autres unités qui suivaient

 14   une formation, avaient rejoint, en fait, les Moudjahidines, le Détachement

 15   El Moudjahid, pour suivre un entraînement auprès de cette unité-là. Ça

 16   avait un impact, c'est mentionné dans les documents parce que ça

 17   affaiblissait les unités concernées qui voyaient certains de leurs hommes

 18   s'en aller.

 19   Mais ceci nous montre que tous les intéressés étaient en train de se

 20   rassembler à Mehurici pour mettre en place les dispositifs de combat. Tout

 21   ceci avant un ordre qui avait pour objectif de créer un détachement

 22   indépendant.

 23   Les éléments du dossier montre que le 13 août, l'ordre portant commandement

 24   des jurés a été rendu, avec l'assentiment de ce qui était concerné avec le

 25   cautionnement des commandants concernés qui allaient avoir plus hommes sous

 26   ses ordres ensuite. Ils ont ensuite prouvé qu'il pouvait commander ces

 27   hommes. Mais le fait qu'il ait choisi de ne pas mettre en œuvre les mesures

 28   qui s'imposaient pour empêcher ces hommes-là de commettre des crimes, pour

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  1   les sanctionner s'ils le souhaitaient, ça c'est un choix qu'il a fait

  2   personnellement parce que, premièrement, il voulait utiliser ces hommes

  3   dans les opérations de combat, et puis, il a fait passé la nécessité

  4   militaire avant ses obligations en tant que commandant militaire, selon

  5   nous.

  6   On a conclu à juste titre qu'il était le commandant des jurés de ces hommes

  7   à l'époque et la preuve du contrôle effectif a été également analysée avec

  8   soin par le Chambre de première instance. La Chambre s'est penchée sur des

  9   messages échangés par Hadzihasanovic et d'autres qui montrent que le

 10   Détachement El Moudjahid était mentionné dans l'ordre même, qui auparavant,

 11   avant le 13 août, n'était pas chose courante.

 12   La Chambre a conclu qu'il était manifeste qu'Hadzihasanovic décidait où on

 13   allait envoyer cette unité, il y avait des messages, des communications qui

 14   sont mentionnés dans le jugement entre le commandant d'OG Istok et

 15   Hadzihasanovic sur ce point.

 16   On trouve également mention de ce fait dans le journal de guerre, il est

 17   question des pertes du Détachement El Moudjahid, avant le 13 août, tout

 18   cela n'avait jamais eu lieu. Il y a beaucoup d'éléments qui indiquent qu'il

 19   y a eu incorporation de Détachement El Moudjahid.

 20   Est-ce que ce détachement posait des difficultés -- posait des

 21   problèmes ? "Oui". Est-ce qu'il n'était pas ses subordonnés ? "Non." Est-ce

 22   qu'Hadzihasanovic avait un contrôle effectif sur ses hommes; est-ce qu'il

 23   avait la capacité matérielle donc de les empêcher de commettre des crimes ?

 24   Réponse : "Oui." Il commandait 30 000 hommes avec une force de police

 25   militaire à sa disposition, également, il avait l'autorité de donner des

 26   ordres à tous ceux qui étaient sous ses ordres dans une situation de combat

 27   quand les ordres comptaient vraiment. Il le savait au moment où il a

 28   incorporé ses hommes dans ses unités, mais il n'a rien fait pour que ses

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  1   hommes obéissent à ses ordres, et on voit qu'en a été la conséquence, le

  2   traitement cruel des civils croates en octobre et la mort de Dragan

  3   Popovic.

  4   Je suis prêt à répondre à toutes les questions que vous auriez, si non pour

  5   ce qui est du reste de ma réponse aux arguments présentés par M. Bourgon,

  6   je me fonde sur nos écritures.

  7   M. TRACOL : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais maintenant

  8   répondre au quatrième motif d'appel d'Hadzihasanovic, qui est relatif à

  9   l'école de musique de Zenica.

 10   Hadzihasanovic conteste les conclusions des Juges de première instance

 11   selon lesquelles premièrement, il y avait des raisons de savoir que ses

 12   subordonnés avaient commis des violences physiques graves à l'école de

 13   musique. Deuxièmement, Hadzihasanovic avait manqué de prendre toutes les

 14   mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher la commission et punir

 15   ses subordonnés.

 16   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Hadzihasanovic n'avait

 17   montré aucune erreur dans le jugement. L'Accusation se fonde sur son

 18   mémoire à réponse, qui soutient pleinement notre demande de rejet du

 19   quatrième motif d'appel d'Hadzihasanovic.

 20   Par exemple, s'agissant du dispositif du jugement auquel Me Bourgon s'est

 21   référé tout à l'heure, l'Accusation renvoie aux paragraphes 179 et 180 de

 22   notre mémoire d'appel auquel je n'ai rien à ajouter.

 23   Je souhaite simplement répondre aux arguments d'Hadzihasanovic relatifs à

 24   la tentative de ses subordonnés de cacher des violences physiques graves

 25   qui ont été infligées aux détenus à l'école de musique de Zenica.

 26   Le fait que les subordonnés d'Hadzihasanovic ont tenté de cacher ces

 27   violences physiques graves est dépourvu de pertinence et d'impact sur la

 28   responsabilité pénale d'Hadzihasanovic. Me Bourgon a consacré l'essentiel

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  1   de sa plaidoirie relative au quatrième motif d'appel à cette tentative. Son

  2   argumentation est cependant dénuée de pertinence. Elle ignore que les Juges

  3   de première instance ont conclu à juste titre qu'Hadzihasanovic avait des

  4   raisons de savoir depuis le 8 mai 1993 que ses subordonnés avaient commis

  5   des violences physiques graves à l'école de musique mais qu'il n'a pas agi.

  6   En effet, des sources extérieures à la 7e Brigade, à savoir la MOCE, le HVO

  7   et le Témoin Vlado Adamovic, qui était juge d'instruction à la cour

  8   militaire de district de Zenica en 1993 et 1994, lui avait fourni, je cite

  9   : "Des informations alarmantes relatives à la commission de mauvais

 10   traitements par ses subordonnés."

 11   Je renvoie en particulier aux paragraphes 1 230 et 1 236 du jugement.

 12   L'Accusation a produit de nombreuses preuves relatives à la connaissance

 13   d'Hadzihasanovic lors du procès. Je souhaite simplement souligner deux

 14   exemples de ces preuves sur lesquelles l'Accusation s'est fondée, aux

 15   paragraphes 224 et suivants, de son mémoire en clôture, donc, en première

 16   instance.

 17   Premièrement, le juge Vlado Adamovic a témoigné sur la réunion à

 18   laquelle ont participé Hadzihasanovic lui-même et des membres de la MOCE,

 19   qui était co-présidée par l'ambassadeur Jean-Pierre Thébault de la MOCE,

 20   son adjoint et le président la cour militaire du district de Zenica,

 21   réunion qui a eu lieu à l'hôtel international de Zenica.

 22   Pendant cette réunion, le juge Adamovic a témoigné avoir soulevé la

 23   question des mauvais traitements à l'école de musique de Zenica.

 24   Hadzihasanovic lui a répondu qu'il avait lui-même entendu parler de passage

 25   de personnes à tabac avec des manches de pelle. Hadzihasanovic a ainsi

 26   reconnu sa propre connaissance, et je me réfère spécifiquement au compte

 27   rendu d'audience du 24 juin 2004, aux pages 9 480 et 9 481.

 28   Les Juges de première instance ont dûment examiner les avertissements

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  1   du juge Adamovic à Hadzihasanovic, se référer à ces violences physiques

  2   graves subies par les détenus au paragraphe 1 221 du jugement.

  3   Deuxième exemple de preuve : le 7 mai 1993, Hadzihasanovic a été

  4   informé par une lette qui lui a été adressée par Tihomir Blaskic se

  5   plaignant, je cite : "D'extrêmes mauvais traitements des détenus." Je cite

  6   en anglais le même document : "Les gens emmenés au KP Dom depuis l'école de

  7   musique ont été passés à tabac et sont dans un état catastrophique,"

  8   spécifiquement à la pièce à conviction P593.

  9   De ce fait, Hadzihasanovic a été avisé de l'existence d'extrêmes

 10   mauvais traitements le 8 mai 1993. À nouveau, les Juges de première

 11   instance ont dûment examiné ces informations précises qui ont été fournies

 12   à Hadzihasanovic au paragraphe 1208 du jugement.

 13   Dans ces conditions, les Juges de première instance ont à juste titre

 14   accordé aucune importance au témoignage de HF, selon lequel Nesib Talic,

 15   qui était adjoint au commandant chargé de la sécurité militaire de la 7e

 16   Brigade, faisait une mauvaise utilisation du tampon de la 7e Brigade et

 17   cachait toujours des choses aux preuves accablantes de la connaissance

 18   d'Hadzihasanovic.

 19   Les conclusions des Juges de première instance sont donc parfaitement

 20   raisonnables.

 21   Contrairement aux allégations de Me Bourgon ce matin, les Juges de

 22   première instance n'ont pas écarté les témoignages de Dzemal Merdan qui

 23   était commandant en second du 3e Corps et du Témoin HF qui était un autre

 24   officier haut gradé du commandement du 3e Corps. Bien au contraire, les

 25   Juges de première instance ont examiné ces deux témoignages. Ils se sont

 26   interrogés à juste titre sur le bien fondé de leur déclaration.

 27   En premier lieu, les témoins Dzemal Merdan et HF n'ont pas mentionné

 28   de date précise quant à leurs visites respectives.

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  1   Je renvoie par exemple au témoignage de Dzemal Merdan, le

  2   16 décembre 2004, compte rendu d'audience page 13 632.

  3   Les Juges de première instance se sont référés précisément à ces

  4   comptes rendus d'audience à la note de bas de page 2 693 du jugement, et

  5   c'est également sur ces mêmes comptes rendus d'audience qu'Hadzihasanovic

  6   se fonde à la note de bas de page 324 de son mémoire d'appel.

  7   Les Juges de première instance se sont également référés au

  8   témoignage du Témoin HF - et je renvoie au compte rendu d'audience du 11

  9   mars 2005, aux pages 17 214 et 17 215 - ces témoignages ont donc bien été

 10   examinés par les Juges de première instance, qui ont accordé  qu'ils n'ont

 11   commis aucune erreur dans l'importance qui leur a été accordée.

 12   En second lieu, les Juges de première instance se sont interrogés sur

 13   le bien fondé des déclarations des témoins Dzemal Merdan et HF dans la

 14   mesure où les visites ne pouvaient se concentrer entre le 11 juin et le 15

 15   juin 1993. Ils se sont fondés pour cela notamment sur les propres

 16   déclarations des témoins Dzemal Merdan et HF.

 17   Donc, ces considérations démontrent que les Juges de première

 18   instance ont minutieusement analysé et examiné ces deux témoignages en

 19   profondeur et que les Juges de première instance ont motivé leur

 20   conclusion, de façon détaillée.

 21   Les motifs fournis par les Juges de première instance ne sont pas

 22   déraisonnables simplement parce qu'ils ont accordé plus d'importance à

 23   d'autres témoignages relatifs au mauvais traitement, notamment au

 24   paragraphe 1 238 du jugement.

 25   Les Juges de première instance ont évalué les témoignages de Dzemal

 26   Merdan et de HF par rapport aux nombreux témoignages d'anciens prisonniers

 27   de l'école de musique de Zenica entre le 18 avril 1993 et le 20 août 1993,

 28   par exemple au paragraphe 1 190 du jugement. Leurs conclusions sont donc

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  1   parfaitement raisonnables compte tenu de l'imprécision des témoignages de

  2   Dzemal Merdan et du Témoin HF.

  3   En conclusion, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en premier

  4   lieu, il n'est pas contesté que des violences physiques graves ont été

  5   commises à l'encontre des Croates de Bosnie, de Serbes de Bosnie et de

  6   prisonniers de guerre détenus à l'école de musique de Zenica.

  7   Hadzihasanovic l'a d'ailleurs lui-même reconnu par exemple au paragraphe

  8   110(A) de son mémoire en réplique.

  9   En second lieu, il n'est pas non plus contesté que des subordonnés

 10   d'Hadzihasanovic aient commis ces violences physiques graves.

 11   En troisième lieu, Hadzihasanovic avait des raisons de connaître ces

 12   violences, dans la mesure où il a reçu, et je cite, à nouveau : "Des

 13   informations alarmantes, le 8 mai 1993."

 14   En quatrième et dernier lieu, les Juges de première instance ont

 15   conclu à juste titre qu'Hadzihasanovic en tant que supérieur hiérarchique a

 16   manqué à son obligation de prendre les mesures nécessaires et raisonnables

 17   qui étaient adaptées à la situation. Il n'a pas déployé de véritables

 18   efforts pour ouvrir une enquête appropriée sur les accusations de mauvais

 19   traitements. Ce sont précisément les conclusions de la Chambre de première

 20   instance au paragraphe 1240 du jugement. C'est la raison pour laquelle les

 21   Juges de première instance n'ont commis aucune erreur en condamnant

 22   Hadzihasanovic pour ne pas avoir pris des mesures nécessaires et

 23   raisonnables afin d'empêcher et de punir les crimes commis par ses

 24   subordonnés à l'école de musique de Zenica.

 25   L'Accusation vous demande donc de rejeter le quatrième motif d'appel

 26   d'Hadzihasanovic. Je me tiens à votre disposition pour toute question.

 27   M. LE JUGE POCAR : Je comprends qu'il n'y a pas de questions à vous

 28   poser.

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  1   M. TRACOL : En ce cas, Monsieur le Président, cela conclut la réponse de

  2   l'Accusation à l'appel d'Hadzihasanovic.

  3   M. LE JUGE POCAR : Je vous remercie. Nous allons faire une pause maintenant

  4   de 20 minutes pour entendre ensuite la réplique de la Défense.

  5   --- L'audience est suspendue à 11 heures 45.

  6   --- L'audience est reprise à 12 heures 10.

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] C'est désormais la Défense de M.

  8   Hadzihasanovic qui va intervenir pour répondre.

  9   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Je vais aborder les questions qui auront un effet plus important sur la

 11   décision que vous allez prendre. D'abord, parlons des événements avancés

 12   par l'Accusation s'agissant de Bugojno.

 13   Vu les corrections apportées au compte rendu d'audience, nous

 14   estimons que les conclusions de la Chambre de première instance où elle

 15   disait que ce qu'elle "semblait indiquer" à propos du Témoin Muratovic est

 16   inexact. De plus, les termes utilisés dans la traduction révisée de

 17   l'enregistrement sonore initiale montre clairement à la lumière du contexte

 18   déjà cité qu'une plainte au pénal avait été déposée et que des mesures

 19   légales avaient été prises.

 20   On a parlé du Témoin Zeric, de lui on a dit qu'il n'avait pas reçu de

 21   plainte au pénal. Une première chose, ce n'est pas une question qui est des

 22   plus importante, et secondement, qu'a dit ce témoin au cours de sa

 23   déposition, il a dit qu'il divisé tous les rapports et que lui avait charge

 24   uniquement des rapports envoyés au procureur militaire du district de

 25   Travnik. En réponse pendant le contre-interrogatoire, il a dit qu'il

 26   n'avait pas vérifié les dossiers avant de venir témoigner, qu'il devrait le

 27   faire à son avis pour savoir s'il y avait eu dépôt de plaintes ou pas.

 28   S'agissant de la compétence du procureur municipal, contrairement à

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  1   ce que dit l'Accusation, le procureur militaire de Bugojno aurait pu être

  2   compétent si l'infraction avait été commise aussi bien par des civils que

  3   des soldats agissant conjointement. Nous avons, au vu des éléments de

  4   preuve, la participation de deux soldats et ces éléments de preuve révèlent

  5   qu'il y a d'autres auteurs impliqués. Etaient-ce des civils, nous ne le

  6   savons pas. Mais ce procureur municipal aurait pu avoir compétence, il

  7   aurait pu l'exercer si c'était un crime moindre que le meurtre, si ça avait

  8   été un meurtre, il aurait dû renvoyer l'affaire au Procureur régional de

  9   Zenica.

 10   Quoi qu'il en soit, ce qu'a dit l'Accusation aujourd'hui est

 11   significatif. Qu'est-ce qui a été dit ? On a dit en fait que ce procureur

 12   n'avait pas compétence et que, dans cette éventualité, il avait

 13   l'obligation de renvoyer le dossier au procureur militaire de district.

 14   Nous sommes d'accord. S'il n'y avait pas compétence, il avait,

 15   effectivement, l'obligation de renvoyer l'affaire -- de transmettre le

 16   dossier au procureur militaire de district.

 17   Mais qu'est-ce que ceci a comme effet sur notre espèce ? C'est que

 18   les militaires ont pris des mesures, ils ont emprisonné -- incarcéré les

 19   individus. Ils ont déposé une plainte et le procureur lui a une

 20   responsabilité qui est la sienne, qui est celle de renvoi du dossier. Le

 21   militaire -- le volet militaire est au courant et le commandant à tous les

 22   niveaux a rempli son devoir d'informer.

 23   Maintenant, pour ce qui est des mesures prises après le

 24   18 août, les critères ont été mis au point par la Chambre d'appel dans

 25   l'arrêt Celebici, et nous disons ici que la Chambre de première instance

 26   s'est écarté de ces critères.

 27   Si nous appliquons bien ces critères, critères annoncés par la

 28   Chambre d'appel dans l'affaire Krnojelac, l'analyse minutieuse, réalisée

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  1   par la Chambre d'appel dans cet arrêt, conclut que Krnojelac disposait

  2   d'informations alarmantes. Faisons la même analyse ici et regardons les

  3   conclusions de la Chambre de première instance, nous arrivons aisément à la

  4   conclusion qu'Hadzihasanovic n'avait pas de raison de savoir que ses

  5   soldats allaient commettre tout crime analogue après le 18 août.

  6   Il y a un fait important à cet égard ici en l'occurrence, une mesure a bien

  7   été prise par le général Hadzihasanovic. Il a bien pris une mesure par

  8   rapport à la 307e Brigade. Il y a des personnes qui ont été incarcérées.

  9   C'est important quand on essaie de faire l'équation entre ce fait et

 10   l'analyse qu'a réalisée la Chambre d'appel dans l'arrêt Krnojelac.

 11   Récemment, j'ai participé à une réunion d'expert du CICR concernant les

 12   sanctions, un rapport devrait sortir sous peu, et ce groupe, -- bien sûr ce

 13   n'est pas un droit, mais voici ce qu'ont dit les experts. Les meilleures

 14   sanctions permettant de garantir l'application du droit international

 15   humanitaire doivent être immédiates, visibles et la plus directe possible

 16   avec les événements et le lieu des événements.

 17   Ici, tout ce qui a été fait pour nous, dans ce dossier, remplit ces

 18   conditions et cette définition -- correspond à cette définition. Les

 19   soldats ont été incarcérés et qu'il y a eu dépôt de plaintes au pénal.

 20   Alors, je ne vois pas comment on pourrait qualifier ceci d'encouragement à

 21   se livrer à d'autres actes du même type à l'encontre de qui que ce soit.

 22   Parlons maintenant des Moudjahidines. En premier lieu, je souhaite

 23   signaler, aux fins du dossier, qu'apparemment, beaucoup de conclusions ont

 24   été citées, beaucoup de parties du jugement sans pour autant citer les

 25   éléments de preuve qui accompagnent ceci. Il faut regarder pourtant ces

 26   éléments de preuve pour voir de nombreuses conclusions et constatations de

 27   la Chambre de première instance étaient tout simplement incorrectes, et que

 28   ce n'est pas ce que pourrait conclure un Juge de fait raisonnable.

Page 187

  1   Parlons de la formation, la théorie de la notification préalable développée

  2   par l'Accusation est tout simplement inexacte. Ça voudrait dire si j'ose en

  3   croire, c'est que M. Hadzihasanovic était responsable de la moindre des

  4   choses qu'auraient pu faire les Moudjahidines après le 18 août 1993,

  5   pourquoi, parce qu'il ne les aurait pas formé. Mais, en fait, s'ils n'ont

  6   pas été formés il y a bien une raison à cela, c'est que ce n'était pas

  7   possible d'assurer la formation. Les éléments le prouvent, ces gens ne

  8   recevaient même pas d'appel téléphonique. Ils refusaient qu'on entre dans

  9   leurs camps. Les éléments le prouvent, les éléments de l'Accusation, le

 10   3e Corps, ne savaient même pas où se trouvait un de ces camps, le camp

 11   d'Orasac. Ceci ne tient pas compte non plus du fait qu'il faut voir quel

 12   était le crime que la formation était censée interdire. La théorie préparée

 13   par l'Accusation ne tient pas la route.

 14   Page 18, mon confrère a dit qu'en matière de formation, en matière

 15   d'établissement d'un système disciplinaire, tout ce qui a été fait et

 16   c'était la première fois. J'étais ravi d'entendre des termes aussi élogieux

 17   de la part de l'Accusation car c'est bien ce que prouvent les éléments de

 18   preuve. Vous avez un commandant vraiment, deux carrures, qui fait tout ce

 19   qui est possible et lorsqu'il ne le fait pas c'est parce que c'est

 20   impossible.

 21   Mais une fois de plus, l'Accusation contourne une question. Celle-ci,

 22   il n'y a aucune preuve qui réponde précisément à la question posée par la

 23   Chambre, à savoir qu'il n'aurait pas formé les Moudjahidines et qu'il n'a

 24   pas instauré un système disciplinaire.

 25   Mais la partie essentielle de son intervention c'est l'utilisation de la

 26   force, le recours à la force, et là, nous pensons aussi que la cause

 27   présentée par l'Accusation est tout à fait fausse. La responsabilité du

 28   commandement, du supérieur hiérarchique lui impose des obligations, mais

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  1   pour ses subordonnés à lui. C'est le choc même de toute cette

  2   responsabilité du supérieur hiérarchique. Il a des responsabilités envers

  3   ses subordonnés, qu'il doit former et qu'il doit obliger à appliquer la

  4   loi, faute de quoi il a certaines obligations envers eux.

  5   Mais le principe de base c'est celui de la subordination, et l'article 7.3

  6   du Statut le dit bien. Il faut qu'il y ait existence d'un lien de

  7   subordination. Ce lien, en fonction de la jurisprudence de ce Tribunal, il

  8   est prouvé lorsqu'on prouve qu'il y a contrôle effectif.

  9   La question est simplissime : est-ce que le contrôle effectif définit

 10   comme étant la capacité matérielle de prévenir et de punir ? D'après la

 11   jurisprudence de ce Tribunal, et bien, ne reprend pas l'utilisation de la

 12   force pour montrer qu'il y a capacité matérielle de prévenir et de punir.

 13   En fin de compte, ceci montre que ces Moudjahidines, ces éléments

 14   voyous, hors-la-loi, qui étaient présents, c'est indéniable. Ils étaient

 15   présents, mais ils n'ont jamais été des subordonnés du général

 16   Hadzihasanovic.

 17   Supposons que nous fassions la position de l'Accusation, à savoir

 18   qu'on inclut l'utilisation de la force dans la capacité matérielle. Mais à

 19   ce moment-là, nous disons que si la capacité matérielle dans ce cas inclut

 20   l'autorité en fonction du droit national, un commandant ne peut pas

 21   simplement attaquer ses subordonnés sans en avoir le droit donné par le

 22   droit national. On attaque un ennemi pendant la guerre, mais si on attaque

 23   les siens, on recourt à la force dans sa propre armée. C'est impossible, à

 24   moins d'en avoir le droit conféré par l'autorité du pays ou par l'autorité

 25   militaire agréée.

 26   On en a discuté pendant la présentation des moyens de l'Accusation.

 27   Effectivement, il est possible d'avoir recours à la force. Mais la question

 28   se pose alors de savoir si ce recours à la force était raisonnable et

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  1   nécessaire vu les circonstances.

  2   Des questions étaient posées par les Juges de la Chambre. On

  3   demandait la taille du contingent, des personnes qu'il fallait attaquer. On

  4   ne le sait pas. Les éléments de preuve ne le montrent pas. On peut supposer

  5   toute sorte de chose, vu ce qu'a dit l'Accusation. Mais les éléments de

  6   preuve n'établissent pas le nombre d'effectif présent, à partir du 20

  7   octobre à Orasac.

  8   C'est pire encore, ils ne savaient même pas où se trouvaient Orasac.

  9   Ils ne savaient même pas qu'Orasac était un camp. Alors, comment auraient-

 10   ils pu attaquer un lieu dont ils ne connaissaient même pas l'existence,

 11   alors, les chances de réussite ? La Chambre a conclu que ses chances

 12   étaient raisonnables. C'est tout à fait contraire à ce qu'a dit l'expert

 13   militaire.

 14   Nous avons eu des gens d'assez haut rang ici qui sont venus

 15   témoigner. Nous avons eu le général Karavelic. C'est un officier qui a

 16   défendu Sarajevo contre le pire siège qu'il y a eu pendant des années. Il

 17   est venu à la barre, et il a conféré, partagé ses connaissances, et aussi,

 18   l'expérience qu'il a acquise lorsque, lui, a dû attaquer des anciens

 19   subordonnés à lui, qui tout d'un coup n'étaient plus contrôlables, qui

 20   auparavant étaient partis de son armée, mais qui tout d'un coup n'étaient

 21   plus maîtrisables. Il est allé voir le président de Bosnie, il a dit :

 22   "Voilà, moi, il faut que je les attaque ces gens, mais je ne peux pas le

 23   faire si vous ne me donnez pas votre aval." Le président a dit :

 24   "D'accord." Il lui a donné ce droit après avoir procédé à une bonne analyse

 25   politique.

 26   Il faut du temps pour le faire. Or, ceci n'est pas du tout mentionné.

 27   La question du temps nécessaire n'est pas du tout mentionné dans le

 28   jugement. Pour ce qui est de l'incident sur la totalité de la campagne, ça

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  1   non plus, ça n'a pas été mentionné. Etait-il possible de déclencher une

  2   telle attaque à ce moment-là ? Ce n'est pas mentionné. Est-ce qu'il y avait

  3   assez de soldats ? Alors, l'Accusation dit : "Oui, il a 30 000 homme sous

  4   ses ordres." Est-ce que c'est possible ? Bien sûr, il peut faire tout ce

  5   qu'il veut. Mais ce n'est pas ce que révèlent les éléments de preuve du

  6   dossier. Ce qu'ils révèlent c'est qu'en fait il y avait une pénurie de

  7   personnel. Pour un soldat employé pour déclencher une attaque sur les

  8   Moudjahidines en octobre 1993, ça veut dire que ce soldat-là ne remplissait

  9   pas sa mission. C'était un sacrifice. Or, ceci n'a pas été mentionné.

 10   On ne s'est pas demandé si c'était une chose bonne à faire, possible

 11   ou pas. Moi, je peux dire que oui, c'est bien, et je crois vraiment. Mais

 12   qui suis-je pour dire ce genre de chose ?

 13   Ce qui compte ici, c'est les éléments du dossier. Combien de pertes

 14   auraient pu être subies suite à une telle attaque ? Rien dans le dossier ne

 15   l'indique. La question de la proportionnalité n'est pas non plus du tout

 16   évoquée dans le jugement. C'est une obligation pourtant. Si Hadzihasanovic

 17   allait déclencher une attaque sur Orasac, d'abord il aurait dû savoir où ça

 18   se trouvait, qui s'y trouvait, ce qui s'y passait. Comment Orasac était

 19   défendu, avec quelles armes ? A ce moment-là, effectivement, il pourrait --

 20   il devrait se poser la question de la proportionnalité, ce qu'il ne

 21   pourrait pas faire.

 22   Apparemment, on me dit que j'ai encore cinq minutes, j'irais vite.

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître, est-ce que vous voulez passer à

 24   un autre sujet maintenant, ou est-ce que --

 25   M. BOURGON : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si c'est le cas, j'aimerais vous

 27   demander ceci : si, au lieu de poser la question, de demander aux autorités

 28   si on peut avoir recours à la force, donc, interrogez le droit national en

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  1   vigueur. Si au lieu du droit national, on devait interroger le droit

  2   international parce que l'évaluation de la responsabilité du supérieur

  3   hiérarchique ne relève pas de l'examen du droit national mais du droit

  4   international, alors, où est-ce qu'on trouverait le droit et l'autorité de

  5   le faire en droit

  6   international ?

  7   M. BOURGON : [interprétation] Permettez-moi d'être en désaccord avec vous.

  8   Je ne pense pas qu'il faille recourir au droit international parce que,

  9   maintenant, la question qui se pose, c'est celle de savoir s'il était les

 10   mesures qu'il a prises étaient raisonnables et nécessaires et s'il avait la

 11   capacité matérielle, celle-ci se fonde sur un critère national pas

 12   international. Un commandant peut-il recourir à la force contre ses

 13   subordonnés, ce n'est pas la même chose que le droit d'utiliser la force

 14   contre l'ennemi dans un conflit armé, ce sont deux concepts différents. Le

 15   deuxième est tout à fait international alors que le premier, vous vous

 16   retournez contre vos propres subordonnés, ceci à notre avis, relève du

 17   droit national.

 18   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Poursuivez.

 19   M. BOURGON : [interprétation] Merci.

 20   J'aimerais soulever encore un point. L'Accusation a dit qu'il n'avait pas

 21   la volonté nécessaire d'attaquer les El Moudjahidines, c'est un manque de

 22   volonté.

 23   D'abord, les éléments de preuve ne prouvent pas qu'il ne soit pas animé de

 24   cette volonté d'attaquer, ceci ne découle pas de l'examen des preuves.

 25   A-t-il décidé d'attaquer, il va peut-être le faire. Il sera peut-être

 26   nécessaire qu'il ne prenne aucune attaque, mais ceci n'est pas du tout en

 27   rapport avec la responsabilité qu'il a à l'égard de ses subordonnés.

 28   S'il décide d'attaquer, c'est parce qu'il y a des éléments hors de

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  1   contrôle, voyons, qui constitue un obstacle à l'accomplissement de sa

  2   mission, alors, il s'est dit pour que je remplisse ma mission, il faut

  3   vraiment que je les attaque. Là, c'est tout à fait différent. Mais ceci

  4   prouve une fois de plus que s'il veut de débarrasser de certains individus,

  5   c'est parce qu'ils ne sont pas contrôlables et qu'ils ne se trouvent pas

  6   dans la chaîne hiérarchique sous le commandement du 3e Corps.

  7   Parlons rapidement du commandement de jure. L'ordre de Delic. La Chambre

  8   d'appel, lorsqu'elle va examiner les éléments du dossier, elle verra qu'il

  9   n'y a pas de suivi formel à cet ordre, aucun tampon qui avalise la

 10   procédure. Aucune de ses mesures n'a été prise, et c'est cela que je lisais

 11   lorsque j'ai parlé du Témoin Poparic.

 12   Il n'y a eu aucun ordre, et l'ordre lui-même ne donne pas la date du 13

 13   août. Il dit : "Voilà, vous devez commencer à prendre des mesures pour les

 14   intégrer dans l'organisation militaire." Mais il n'y a pas eu d'accord. Mon

 15   collègue a parlé d'une vidéo, mais on ne peut lui accorder aucune fois et

 16   jamais dans le dossier, vous verrez qu'il y a un accord entre l'armée et

 17   les Moudjahidines.

 18   Je vais terminer par un examen rapide l'école de musique. Tout simplement

 19   pour dire que les arguments soulevés par mon collègue, sauf le respect que

 20   je lui dois, se sont des arguments en fait tout logiques et qu'ils ne nous

 21   aident pas dans les circonstances. Il avait la connaissance, dit-il, quand

 22   il parle de M. Hadzihasanovic. C'est vrai, certaines choses ont été portées

 23   à sa connaissance, on lui avait dit qu'il y avait en puissance des mauvais

 24   traitements infligés à l'école de musique. Alors, la question est de savoir

 25   ce qu'il a fait. Il a envoyé ses officiers les plus hauts gradés qui sont

 26   allés sur place et n'ont rien trouvé. Ces témoins viennent témoigner et la

 27   Chambre de première instance ne les croit pas.

 28   Pourquoi ? C'est bien là la question qui se pose. Pourquoi est-ce que la

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  1   Chambre n'a accordé aucun crédit aux plus hauts officiers qu'Hadzihasanovic

  2   pourrait envoyer, qui sont revenus de leur visite bredouille ? Pourquoi ?

  3   On dit qu'il a tentative de dissimuler l'information et ceci cette

  4   tentative est consignée. Le dossier montre qu'on a fait des efforts. Ces

  5   gens étaient amenés en bus dans une des brigades toute proche.

  6   L'analyse faite par la Chambre, du moment où ceci se fait, ne suffit pas.

  7   En tout cas, on ne peut pas ne pas en tenir compte.

  8   Parlons d'Adamovic de la table de la réunion. Les éléments de preuve que la

  9   date n'est pas, on ne sait pas quand cette réunion a eu lieu. On ne sait

 10   pas non plus si c'était bien la réunion décrite par mon collègue.

 11   Enfin, ce dernier point que je viens d'évoquer était important, je n'ai

 12   qu'une petite correction à apporter à mon argumentaire principal, page 7,

 13   ligne 8. Je me suis trompé à propos de la cote DH337, en fait, il

 14   s'agissait de l'article 48, page du compte rendu d'audience 36, lignes 13 à

 15   17. J'ai mentionné les documents utilisés par le Chambre de première

 16   instance pour conclure qu'il y avait contrôle de jure. Mon collègue a

 17   mentionné ces documents, mais il a omis de dire qu'il n'en avait que six de

 18   documents, et moi, ce que je dis, c'est que sur ces six documents, il n'y

 19   en a qu'un qui a la signature du général Hadzihasanovic; les autres

 20   documents, il ne les a pas signés et nous avons notamment Kulenovic, qui

 21   explique ces documents qui se trouve dans le dossier.

 22   Voilà, la réponse que je voulais apporter aux arguments présentés par

 23   l'Accusation, nous sommes bien sûr à votre disposition si vous avez des

 24   questions.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Apparemment, il n'y a aucune question

 26   que les Juges veulent poser.

 27   Ceci met fin à la présentation des arguments des parties et à l'audience

 28   d'appel.

Page 194

  1   Je m'adresse maintenant conformément à l'ordonnance portant calendrier aux

  2   appelants pour leur demander s'ils souhaitent s'exprimer devant les Juges

  3   de la Chambre d'appel.

  4   Ne commençons pas M. Kubura.

  5   Monsieur Kubura, voulez-vous intervenir ? Vous aurez dix minutes au maximum

  6   pour le faire.

  7   [L'appelant Kubura se lève]

  8   L'APPELANT KUBURA : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  9   Juges, à plusieurs reprises, je me suis adressé à la Chambre, dans ce

 10   prétoire. Mes défenseurs se sont exprimés par écrit, ils ont fourni tous

 11   les éléments que doit contenir mon appel, ils viennent de s'exprimer

 12   oralement également.

 13   En rapport à ce qui a déjà été dit, je n'ai plus rien à ajouter. J'ai déjà

 14   souligné et je continue à souligner aujourd'hui que j'ai toujours fait

 15   confiance à ce Tribunal et je n'ai qu'à le redire encore une fois.

 16   Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur Kubura. Vous pouvez

 18   vous rasseoir.

 19   [L'appelant Kubura s'assoit]

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je me tourne maintenant vers M.

 21   Hadzihasanovic.

 22   [L'appelant Hadzihasanovic se lève]

 23   L'APPELANT HADZIHASANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président,

 24   Messieurs les Juges, je souhaite prendre la parole.

 25   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je souhaite vous remercier de

 26   m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous et je vais être très

 27   bref.

 28   La guerre qui a commencé en 1991 en a été une guerre terrible non seulement

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  1   en Bosnie-Herzégovine, mais il a eu des conséquences terribles dans toutes

  2   les républiques de l'ex-Yougoslavie. La Bosnie-Herzégovine a connu des

  3   souffrances très considérables à cause de cette guerre, et là, ceci se

  4   poursuit encore aujourd'hui. Cette guerre a emporté un nombre de victimes

  5   dans les rangs des civils, des militaires, dans les rangs dans toutes les

  6   parties présentes, et je regrette que cela a eu lieu. Je regrette en

  7   particulier les victimes tombées dans les rangs de l'armée de Bosnie-

  8   Herzégovine au cours des actions menées, et aussi je regrette qu'il y a eu

  9   des victimes dans les rangs des unités que j'ai commandées.

 10   Je suis aujourd'hui devant vous, en tant que commandant d'un corps d'armée,

 11   qui a été déclaré coupable par la Chambre de première instance, déclaré

 12   coupable d'avoir failli -- empêché des crimes commis par des hommes placés

 13   sous mon commandement, des crimes décrits à l'acte d'accusation. Je ne peux

 14   pas dire aujourd'hui qu'en 1993, j'ai été un commandant parfait. Je ne

 15   pourrais pas affirmer cela, on peut toujours agir autrement. Je ne m'arrête

 16   pas de m'interroger, je me demande si j'avais pu faire mieux.

 17   Mais ce que je peux trouver en guise de réponse, c'est que j'ai été un

 18   militaire professionnel. J'ai défendu mon pays, et en faisant cela sur le

 19   plan religieux, politique ou ethnique, je n'avais aucune partialité. De

 20   même, je peux dire -- je peux affirmer aujourd'hui que, durant la guerre,

 21   j'ai fait tout ce que j'ai pu pour empêcher que les soldats placés sous mon

 22   commandement ne commettent des crimes. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour

 23   les sanctionner conformément à la loi, si jamais ils avaient commis de tels

 24   crimes ou infractions. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en

 25   juillet 2001, lorsque l'acte d'accusation a été dressé contre moi, je n'ai

 26   pas hésité, je me suis présenté devant ce tribunal immédiatement.

 27   Il faut savoir que ce commandement, je l'ai exercé dans des circonstances

 28   très difficiles. En tant que militaire de carrière, je n'aurais pas pu

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  1   imaginer de telles circonstances. J'ai demandé de la part de mes défenseurs

  2   de vous représenter ces circonstances difficiles dans lesquelles j'ai été

  3   amené à agir pour que les juges puissent prendre connaissance de manière

  4   exhaustive de ce contexte dans lequel j'ai agi. Il me semble que les Juges

  5   ont bien compris, bien compris ce contexte même si cela est

  6   particulièrement dur pour quelqu'un qui n'a pas été sur place à ce moment-

  7   là.

  8   La présence des Moudjahidines, c'est un exemple, par exemple. Ça a été

  9   quelque chose de très difficile à l'époque. Al-Qaeda c'est un concept que

 10   tout le monde utilise aujourd'hui, dont tout le monde parle, mais à

 11   l'époque, personne ne savait qui était ces hommes, quels étaient leurs

 12   objectifs véritables, et j'ai été le premier à  poser cette question auprès

 13   de mes supérieurs. J'ai véritablement estimé que ces hommes constituaient

 14   un grand danger.

 15   Je ne suis pas un juriste. J'espère que vous allez comprendre

 16   -- vous allez essayer de comprendre à votre tour quelle a été la situation

 17   qui a prévalu en Bosnie-Herzégovine en 1993, que vous allez essayer de

 18   comprendre quelles sont les mesures que j'ai prises afin de maintenir une

 19   discipline rigoureuse au sein du 3e Corps que j'étais en train de créer

 20   tout en menant des combats.

 21   Malgré cela, indépendamment de cela et malgré le fait que j'ai été déclaré

 22   coupable par la Chambre de première instance, je continuais de faire

 23   confiance à ce Tribunal qui est un Tribunal bénéfique pour mon pays, la

 24   Bosnie-Herzégovine. J'ai déposé deux fois devant ce Tribunal dans les

 25   affaires Blaskic et Krstic, et avant cela, j'ai fait une déclaration auprès

 26   de M. Harmon, le Procureur.

 27   Ça a été une expérience difficile, ce procès qui a été mené contre moi,

 28   contre moi en tant qu'individu, mais contre les membres de ma famille

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  1   également. Ma vie s'est arrêtée à partir du moment où on a dressé l'acte

  2   d'accusation contre moi. D'autre part, je dois dire que le traitement qui

  3   m'a été réservé a toujours été correct et professionnel ici et à l'unité de

  4   détention. On m'a accordé une mise en liberté provisoire et je tiens à

  5   remercier tous ceux qui ont pris cette décision aujourd'hui.

  6   Je tiens à ajouter que je souscrits à tous les arguments qui ont été

  7   avancés en mon nom par mes défenseurs et je vous remercie encore une fois

  8   de m'avoir accordé la parole.

  9   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur Hadzihasanovic. Vous

 10   pouvez vous rasseoir.

 11   [L'appelant Hadzihasanovic s'assoit] 

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] C'est ainsi que se termine l'audience

 13   d'appel. Je tiens à remercier les parties. Je les remercie d'avoir respecté

 14   les délais impartis par voie d'ordonnance et, bien entendu, je voulais

 15   remercier tous ceux qui nous ont aidés au cours de cet appel, à différents

 16   titres en pensant tout particulièrement aux interprètes dont l'aide est,

 17   bien entendu, toujours essentielle dans nos débats.

 18   L'arrêt sera rendu en temps utile. L'audience est levée.

 19   --- L'audience est levée à 12 heures 40.

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