Affaire n° : IT-01-48-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
Mme le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
16 décembre 2003

LE PROCUREUR

c/

SEFER HALILOVIC

_____________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS DE RENSEIGNEMENTS _____________________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Ekkehard Withopf 
M. Vladimir Tochilovsky
Mme Maria Tuma

Les Conseils de l’Accusé :

M. Stefan Kirsch
M. Guénaël Mettraux

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la requête aux fins de renseignements (Motion for Particulars) (la « Requête »), déposée le 17 novembre 2003 à titre partiellement confidentiel, par laquelle la Défense de Sefer Halilovic (l’« Accusé ») demande que soit rendue, en application de l’article 54 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement ») et de l’article 21 4) a) du Statut du Tribunal international (le « Statut »), une ordonnance enjoignant au Bureau du Procureur (l’« Accusation ») de fournir certains renseignements demandés par la Défense, qui sont mentionnés dans une lettre datée du 31 octobre 2003 adressée à l’Accusation (la « Lettre »)1,

ATTENDU que la Défense décrit les renseignements demandés comme relevant essentiellement de cinq catégories : i) le contexte général ; ii) les éléments des crimes reprochés ; iii) le rôle et la position allégués de l’Accusé ; iv) les auteurs présumés des crimes ; et v) les victimes2,

VU la réponse à la Requête (Prosecution’s Response to Defence Motion for Particulars), déposée par l’Accusation le 1er décembre 2003 (la « Réponse ») et le corrigendum à la Réponse, déposé par l’Accusation le 2 décembre 2003, par lesquels cette dernière demande que la Requête soit rejetée dans son intégralité pour des raisons tenant à la forme et au fond3,

VU les arguments avancés par l’Accusation quant à la procédure, selon lesquels l’article 54 du Règlement ne peut être invoqué car l’article 72 du Règlement est la disposition spéciale applicable en cas de vices de forme de l’acte d’accusation, notamment pour combler les lacunes éventuelles de l’acte d’accusation, et que même si l’on juge que l’article 54 peut être invoqué pour demander des renseignements, la méthode qui se dégage de la jurisprudence du Tribunal international n’a pas été suivie par la Défense4,

VU l’argument de fond de l’Accusation selon lequel les renseignements demandés par la Défense soit figurent dans l’acte d’accusation, le mémoire préalable au procès et les pièces et documents couverts par l’obligation de communication, soit sont des éléments de preuve qui concernent des questions à trancher au procès5,

VU la réplique relative à la Requête (Reply RE Motion for Particulars ), déposée par la Défense le 4 décembre 2003 (la « Réplique ») en réponse aux arguments quant au fond et à la forme soulevés dans la Réponse de l’Accusation, par laquelle la Défense réitère la demande qu’elle a formulée dans la Requête et se dit satisfaite de certains aspects de la Réponse pour ce qui est de certains des renseignements demandés6,

ATTENDU que par la Réplique, la Défense demande l’autorisation de déposer celle-ci en application de l’article 126 bis du Règlement et de dépasser le nombre de pages autorisé7,

ATTENDU que le délai pour le dépôt d’une exception préjudicielle était le 5 décembre 2001 et que la Chambre de première instance a déjà rendu des décisions refusant à la Défense de lever la renonciation découlant du fait que celle-ci n’a pas soulevé d’exception préjudicielle pour vice de forme de l’acte d’accusation dans les délais impartis8,

ATTENDU qu’il existe d’autres moyens d’obtenir des renseignements supplémentaires hormis le dépôt d’une exception pour vice de forme de l’acte d’accusation en application de l’article 72 A) ii) du Règlement et que les Chambres de première instance ont admis des requêtes aux fins de renseignements même lorsque l’acte d’accusation n’était pas imprécis au point d’être vicié mais que l’accusé avait cependant besoin de plus d’informations pour se préparer au procès9,

ATTENDU qu’avant de soumettre une requête aux fins de renseignements, la Défense doit avoir adressé une demande d’informations précise directement à l’Accusation, et ne pas avoir obtenu de celle-ci suffisamment d’informations en réponse10,

VU la Lettre de la Défense et la réponse de l’Accusation qui y fait suite, par laquelle cette dernière l’a informée qu’elle ne répondrait pas à la Lettre 11,

ATTENDU que les pièces et les documents couverts par l’obligation de communication contribuent à garantir le droit que reconnaît l’article 21 4) a) du Statut à l’Accusé d’être informé dans le plus court délai et de façon détaillée de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui, bien que ces pièces et documents ne puissent servir à remédier à l’insuffisance d’un acte d’accusation12,

ATTENDU que lorsque la Chambre de première instance examine une requête aux fins de renseignements, elle apprécie les pièces qui sont déjà en la possession de la Défense, y compris celles qui font l’objet d’une obligation de communication, afin de déterminer si les renseignements sollicités sont nécessaires pour permettre à l’Accusé de préparer sa défense et pour éviter une surprise préjudiciable13,

ATTENDU que les renseignements demandés sont soit i) contenus dans l’acte d’accusation, le mémoire préalable au procès de l’Accusation, ou les pièces et documents couverts par l’obligation de communication ; soit ii) des questions touchant aux éléments de preuve à trancher au procès et que, par conséquent, il n’a pas été porté atteinte au droit que reconnaît l’article 21 4) a) du Statut à l’Accusé d’être informé dans le plus court délai et de façon détaillée de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui,

ATTENDU EN OUTRE que le mémoire préalable au procès de la Défense a été déposé le 25 mars 200314,

EN APPLICATION de l’article 54 du Règlement,

ACCEPTE la Réplique comme dûment déposée et REJETTE la Requête.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Juge de la mise en état
___________
O-Gon Kwon

Le 16 décembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1 - Requête, par. 14. La Lettre figure à l’annexe confidentielle de la Requête.
2 - Ibid, par. 16.
3 - Bien que l’Accusation avance comme argument principal que la Requête est viciée du point de vue de la forme, elle répond « à toutes fins utiles » sur le fond de la demande de renseignements de la Défense. Voir la Réponse, par. 8 à 19.
4 - Réponse, par. 8 et 18 à 22.
5 - Ibid, par. 5.
6 - Réplique, par. 17.
7 - Ibid, par. 19. Voir la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes, 5 mars 2002, par. 5.
8 - « Décision relative à la Requête déposée par la Défense en application de l’article 65 ter K) du Règlement demandant au Juge de la mise en état de lever la renonciation et d’accorder des mesures en application de l’article 72 du Règlement », Le Procureur c/ Sefer Halilovic, Affaire n° IT-01-48-PT, 1er avril 2003 ; « Décision relative à la plainte introduite par la Défense concernant la décision de la Chambre de première instance », Le Procureur c/ Sefer Halilovic, Affaire n° IT-01-48-PT, 11 juillet 2003.
9 - « Décision relative à l’opposition de Vinko Martinovic à l’acte d’accusation », Le Procureur c/ Mladen Naletilic et Vinko Martinovic, Affaire n° IT-98-34-PT, 15 février 2000 (la « Décision Naletilic »), par. 17, citant la « Décision concernant l’exception préjudicielle de l’accusé Delalic relative à des vices de forme de l’acte d’accusation », Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts, Affaire n° IT-96-21-T, 2 octobre 1996 ; la « Décision relative à l’exception préjudicielle de l’accusé Mucic demandant des renseignements détaillés », Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts, Affaire n° IT-96-21-T, 26 juin 1996 ; et la « Décision sur l’exception préjudicielle de la Défense relative à la forme de l’acte d’accusation », Le Procureur c/ Dusko Tadic, Affaire n° IT-94-1-T, 14 novembre 1995.
10 - Ibid.
11 - Voir supra, note 4, par. 7 et note 7, par. 3.
12 - Voir Supra, note 9, par. 16.
13 - Ibid, par. 17.
14 - En application du Règlement, le mémoire préalable au procès de la Défense expose, en termes généraux, la nature de la défense de l’Accusé, les points du mémoire préalable du Procureur que l’Accusé conteste et les motifs de sa contestation.