Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 10 mars 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 09 heures 01.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Madame la

6 Greffière, veuillez, s'il vous plaît, faire appeler l'affaire.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] [hors micro]

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Votre micro, s'il vous plaît.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

10 s'agit de l'affaire IT-01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avant de faire entrer le Témoin, je

12 souhaiterais révoquer la décision faite hier concernant l'ordre du jour.

13 Hier après-midi, notamment, j'ai reçu un avis concernant la teneur

14 extraordinaire m'informant qu'il a été annulé. Ce qui veut dire que

15 vendredi matin, nous aurons notre emploi du temps régulier. Merci.

16 Y a-t-il d'autres questions que les parties souhaiteraient soulever à

17 cette étape de la procédure ?

18 Je vous écoute, Monsieur Morrissey.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

20 Messieurs les Juges. Désolé de mettre mes écouteurs si longuement.

21 M. Weiner m'a informé hier soir que dû au problème du déplacement de

22 témoins, je dois vous informer que le témoin Eminovic doit être poussé à

23 plus tard. En fait, le plan a été, je crois que Salihamidzic soit appelé à

24 la barre et qu'ensuite, il sera au tour de M. Eminovic. Puisque pour des

25 raisons personnelles M. Eminovic ne peut pas se déplacer, l'Accusation le

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1 faire venir. Je souhaiterais vous dire que c'est la raison pour laquelle

2 nous avons donné notre aval pour que ce témoin soit déplacé.

3 Il y aura un léger délai.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie de votre

5 coopération.

6 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] S'il y a quelques changements concernant

8 l'ordre des témoins, les parties qui désirent changer de témoins de place

9 doivent informer les parties le plus tôt possible, afin que toutes les

10 parties soient informées et que l'on puisse s'accommoder.

11 Pourrait-on faire entrer le témoin, je vous prie.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, vous pouvez

14 vous asseoir.

15 Est-ce que vous vous êtes bien reposé, Monsieur le Témoin ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous êtes prêt à poursuivre

18 votre interrogatoire ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 LE TÉMOIN: MUSTAFA KADIC [Reprise]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

23 Je vous écoute, Monsieur Sachdeva. C'est à vous.

24 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges.

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1 Interrogatoire principal par M. Sachdeva : [Suite]

2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kadic.

3 R. Bonjour.

4 Q. Je souhaiterais vous ramener très brièvement à quelque chose que vous

5 avez dit, hier, à la Chambre. Vous nous avez raconté de quelle façon vous

6 avez été placé dans cette maison de Grabovica. C'est là que vous étiez

7 cantonné.

8 Pourriez-vous relater aux Juges de la Chambre combien y avait-il de

9 personnes dans cette maison, outre vous-même ?

10 R. Nous étions environ 30, une trentaine.

11 Q. Est-ce qu'il s'agissait de soldats ?

12 R. Oui.

13 Q. Etait-ce des soldats de votre compagnie, du 2e Bataillon indépendant ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous nous avez dit, hier, avoir vu Celo et ses soldats et qu'ils

16 étaient alignés, c'était le jour après votre arrivée et ensuite, vous nous

17 avez décrit qu'il y a eu des tirs, ce jour-là, des tirs intermittents. Je

18 souhaiterais, maintenant, vous ramener à la soirée, à cette soirée-là.

19 Dites-nous si vos soldats se sont entretenus avec les soldats de Celo.

20 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

21 légère objection concernant l'alignement. Je ne crois pas que le témoin

22 nous ait dit que cet alignement s'est produit le jour après son arrivée, le

23 lendemain de son arrivée. Je crois qu'il faudrait préciser ce point.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous avons entendu certains éléments

25 de preuve nous parlant d'alignement, mais je ne sais pas duquel on parle

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1 exactement ici. Vous pourriez peut-être, Monsieur Sachdeva, poser des

2 questions concernant le temps, le moment où cet alignement a eu lieu.

3 M. SACHDEVA : [interprétation] Je vais demander au témoin de préciser ce

4 point.

5 Q. Monsieur, cet alignement quand est-il survenu par rapport à votre

6 arrivée ?

7 R. Nous sommes arrivés après-midi, après 12 heures et, le lendemain, dans

8 l'après-midi, ils sont venus, Celo, le lendemain matin, il y avait cet

9 alignement.

10 Q. Le jour de l'alignement, dans l'après-midi, vos soldats se sont-ils

11 entretenus avec les soldats de Celo ?

12 R. Non. Nous n'avions pas de contacts avec l'autre groupe.

13 Q. Dans la soirée du jour de l'alignement, qu'ont fait vos soldats ce

14 jour-là et je parle de la soirée, plutôt ?

15 R. On nous a dit de ne pas nous éloigner des maisons et de rester tout

16 près de l'endroit où nous étions cantonnés.

17 Q. Les soldats et vous-même, vous vous trouviez dans la maison et autour

18 de la maison; est-ce exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Pendant la soirée, qu'ont fait vos soldats dans la maison ?

21 R. Je n'ai pas compris votre question.

22 Q. Est-ce que vous avez eu à manger ce soir-là, par exemple ?

23 R. Nous avions reçu des paquets de lunch, des paquets de sandwich, mais

24 nous recevions également de la viande préparée par l'armée.

25 Q. Est-ce que vous avez mangé ces sandwichs, le soir de l'alignement ?

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1 R. Le soir, il y avait des soldats qui étaient assis en face de la maison,

2 sur le pré qui se trouvait en face.

3 Q. Vers quelle heure, à peu près ?

4 R. Vers 9 heures du soir.

5 Q. Lorsque vos soldats étaient assis sur ce pré, étiez-vous présent ?

6 R. Non, je me trouvais dans la maison dans laquelle nous étions logés.

7 Q. Est-ce que vous savez à qui parlaient vos soldats ?

8 R. Il y avait quelques soldats qui étaient venus nous rendre visite de

9 l'unité de soldats, ils nous ont dit qu'ils allaient tirer quelques coups

10 de feu et ils nous ont dit de ne pas porter attention, que cela n'avait

11 rien à voir avec nous.

12 Q. Comment savez-vous que cet échange de paroles a eu lieu et comment

13 connaissez-vous la teneur de cette conversation ?

14 R. C'est le matin, le lendemain matin, Zdenko Jelusic m'a raconté cela.

15 Lui, il était assis avec ce soldat.

16 Q. Où était logé Zdenko Jelusic ?

17 R. Dans la même maison que nous.

18 Q. Passons maintenant au lendemain matin. Etes-vous sorti de Grabovica, ce

19 matin-là ? Etes-vous allé ailleurs ?

20 R. Ce matin-là, nous nous sommes rendus devant le commandement, c'est là

21 que se trouvait notre commandant ainsi que le commandement et nous sommes

22 allés nous aligner, nous présenter, nous rapporter et, le lendemain matin,

23 on nous a dit qu'une action allait commencer et que nous devions nous

24 rendre à Dreznica.

25 Q. Où étiez-vous alignés, ce jour-là ? Où est-ce que vous êtes allés vous

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1 aligner ?

2 R. Devant la maison du commandant.

3 Q. Quelle heure était-il ?

4 R. Il était 7 heures du matin.

5 Q. Après cela, après cette réunion qui a eu lieu avec le commandant, après

6 la réponse à l'appel, où est-ce que vous êtes allé ?

7 R. Nous avons pris la vieille route qui mène vers le tunnel, qui se

8 trouvait à la sortie de Grabovica.

9 Q. Comme je vous ai dit, je vais vous montrer une photographie et vous

10 allez pouvoir nous montrer cette route afin que nous puissions la voir.

11 Mais dites-moi : alors que vous vous trouviez sur cette route, est-ce que

12 vous avez remarqué quelque chose de particulier ?

13 R. Nous avons vu une femme morte sur la route. Cette femme avec laquelle

14 nous nous étions entretenus, deux jours auparavant

15 et nous avions été cantonnés, d'ailleurs, dans sa maison.

16 Q. Que portait ce cadavre de cette femme ?

17 R. Je me souviens qu'elle portait une robe à manches courtes, mais je ne

18 peux pas me rappeler d'autres détails.

19 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quelle distance vous trouviez-vous,

20 lorsque vous l'avez vu ?

21 R. A peu près à deux mètres d'elle.

22 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de voir de quelle façon elle a été

23 tuée ?

24 R. Sur la route, il y avait des morceaux de crâne. Je n'ai pas

25 vu d'autres blessures.

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1 Q. Est-ce qu'il y avait des armes autour d'elle, peut-être plantées dans

2 son corps ?

3 R. Non.

4 Q. Alors que vous poursuiviez votre chemin sur cette route, est-ce que

5 vous avez vu autre chose ?

6 R. Il y avait un autre cadavre en contrebas de la route, peut-être à 15

7 mètres de la route, tout près de là.

8 Q. S'agissait-il d'un corps d'homme ou de femme ?

9 R. C'était un corps d'homme.

10 Q. Est-ce que vous pourriez dire l'âge de cet homme ?

11 R. Non, il était absolument impossible de remarquer quel âge il pouvait

12 avoir. Son visage était plutôt tourné vers le sol, vers l'eau. Je ne

13 pourrais pas vous dire quel âge il pouvait avoir.

14 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de remarquer les vêtements qu'il

15 portait ?

16 R. Il portait des vêtements de travail, survêtement de travail.

17 Q. Lorsque vous parlez d'un "habit de travail régulier", est-ce que vous

18 parlez des vêtements civils ou des vêtements militaires ?

19 R. Non, c'étaient des vêtements de travail civils, bien sûr, un pantalon

20 et une blouse.

21 Q. Outre ce corps de femme et d'homme que vous avez décrit, est-ce que

22 vous avez vu d'autres personnes, d'autres civils tués à Grabovica ?

23 R. J'ai également vu un autre civil qui avait été tué. C'est Miroslav qui

24 m'a dit lorsque nous nous trouvions dans le tunnel. Il l'avait vu. Lorsque

25 nous sommes passés à côté de ces cadavres, nous avons passé cette journée-

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1 là la nuit dans le tunnel, nous avions parlé de ce que nous avions vu, et

2 c'est là que Miroslav Masal m'a raconté qu'il avait vu un autre cadavre

3 tout près d'une maison, à côté de laquelle nous sommes passés. Il devait

4 être au côté de la route de la maison devant laquelle nous étions alignés

5 auparavant.

6 Q. Lorsque vous étiez alignés devant cette maison, est-ce que vous savez

7 qui était logé à l'intérieur de la maison ?

8 R. Il s'agissait de la maison du commandement. C'est là que s'était tué le

9 commandement du 2e Bataillon. Je me souviens qu'Adnan Solakovic, il y avait

10 également le frère de son épouse, je crois que Samir était là aussi.

11 Q. Que vous a dit Miroslav Masal concernant ce civil qu'il avait vu ?

12 R. Après avoir vu ces civils tués, bien sûr, que nous avons parlé entre

13 nous pour essayer de comprendre ce qui s'était passé. Nous avions vu les

14 deux civils. Ils étaient le long de la route. Lui, il a dit qu'il avait vu

15 un autre civil un peu plus loin, un civil qui se trouvait dans des

16 buissons. S'agissant de ce civil-là, on ne l'avait pas tous vu, ce

17 troisième corps.

18 Q. Est-ce qu'il vous a dit comment il savait que ce corps était un corps

19 de civil ?

20 R. C'était un homme qui portait des vêtements civils.

21 Q. Fort bien. Vous nous avez dit être restés dans le tunnel. Où êtes-vous

22 allés après le tunnel ?

23 R. Il nous fallait nous rendre à Dreznica en empruntant ce vieux tunnel,

24 ou plutôt en empruntant cette vieille route qui mène vers Dreznica. Puisque

25 cette route faisait l'objet d'un pilonnage constant de la part du HVO, nous

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1 ne pouvions pas passer par là. C'est ainsi qu'il nous a fallu passer par le

2 mont pour nous rendre à Dreznica. Finalement, nous avons réussi à nous

3 rendre à Dreznica.

4 Q. Est-ce que vous êtes revenus à Grabovica ?

5 R. Nous sommes revenus à Grabovica deux jours et deux nuits, plus tard

6 après avoir passé ce temps, mais je ne me souviens plus de l'endroit.

7 Q. Où êtes-vous allés après cela lorsque vous êtes revenus à Grabovica ?

8 R. Nous sommes retournés à Grabovica pendant la nuit. Des camions nous y

9 attendaient, enfin nous attendaient plutôt. Nous sommes montés à bord de

10 ces camions, et nous sommes allés vers la base de Zuka et, par la suite,

11 nous nous sommes dirigés vers Sarajevo.

12 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

13 permission, je souhaiterais que l'on montre au témoin la photographie P4.

14 Q. Monsieur Kadic, pouvez-vous apercevoir cette photo sur l'écran ?

15 R. Oui.

16 Q. Que représente cette photographie ?

17 R. C'est le village de Grabovica.

18 Q. Est-ce que vous pouvez voir la maison où vous et les de soldats, ou vos

19 soldats étaient logés, avaient logé ?

20 R. Oui.

21 Q. Pourriez-vous nous l'indiquer, je vous prie ?

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Voilà, c'est cette maison-ci.

24 Q. Pourriez-vous tracer un cercle autour de cette maison, je vous prie, et

25 indiquer le chiffre "1" juste à côté ?

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1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Pourriez-vous faire la même chose pour la maison d'Adnan Solakovic, je

3 vous prie, et indiquer le numéro "2" juste à côté ?

4 R. [Le témoin s'exécute]

5 Q. Est-ce que vous pouvez voir l'endroit où Celo et ses soldats s'étaient

6 alignés.

7 R. Oui, nous pouvons voir cet endroit. Il est tout à fait visible d'ici.

8 Q. Pourriez-vous également tracer un cercle autour de cet endroit et

9 placer le chiffre "3" ?

10 R. [Le témoin s'exécute].

11 Q. Si vous le pouvez, je souhaiterais que vous indiquiez avec une ligne en

12 trait pointillé, la route que vous avez empruntée ce matin-là, alors que

13 vous vous dirigiez à Dreznica. Est-ce que vous ne pourriez peut-être tracer

14 cette ligne en pointillé, un peu plus loin et je vous prierais de placer

15 également une flèche. Dessiner une flèche au bout de cette ligne en

16 pointillé.

17 R. [Le témoin s'exécute].

18 Q. Merci. Pourriez-vous, si vous le pouvez, tracer un cercle autour ou

19 tout près de cet endroit où vous avez vu ce corps de femme en allant vers

20 Dreznica ?

21 R. [Le témoin s'exécute].

22 Q. Pourriez-vous indiquer cet endroit avec un "4," je vous prie ?

23 R. [Le témoin s'exécute].

24 Q. Pourriez-vous faire la même chose pour le corps de l'homme que vous

25 avez vu tout près de l'eau ?

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1 R. [Le témoin s'exécute].

2 Q. Pourriez-vous, je vous prie, placer le chiffre "5" au-dessus du

3 cercle ?

4 R. [Le témoin s'exécute].

5 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres

6 questions pour ce témoin. Je souhaiterais que ce document soit versé au

7 dossier.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Je présume qu'il n'y a

9 aucune objection de la part de la Défense.

10 M. METTRAUX : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

11 Mme CHANA : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ce document est versé au dossier.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document portera la cote 265.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

15 Est-ce qu'il y a des questions en guise de contre-interrogatoire ? Je

16 vous écoute, Monsieur Mettraux.

17 M. METTRAUX : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour

18 Messieurs les Juges.

19 Contre-interrogatoire par M. Mettraux:

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Guenael

21 Mettraux. Je représente les intérêts de Sefer Halilovic.

22 Pour commencer, je souhaiterais vous poser quelques questions

23 concernant le 2e Bataillon indépendant. Avant que vous soyez déployés en

24 Herzégovine, le 2e Bataillon indépendant n'avait pas reçu pour assignation

25 une partie de la ligne de front précise pour défendre Sarajevo. Est-ce que

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1 j'ai raison de dire cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Le 2e Bataillon indépendant fonctionnait plutôt en tant que bataillon

4 léger et mobile qui devait être déployé sur diverses parties de la ligne de

5 front, là où on avait besoin de renfort; est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est cela.

7 Q. A partir du mois de juillet, le 2e Bataillon indépendant avait

8 également été déployé afin de procéder à des opérations militaires à

9 l'extérieur de Sarajevo, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Certaines parties du 2e Bataillon indépendant pouvaient, par exemple,

12 être envoyées à Igman, Bjelasnica, où en novembre 1993, à Bradina; est-ce

13 exact ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Chacune de ces missions était particulièrement bien réussie pour ce qui

16 est du 2e Bataillon indépendant; est-ce exact ? Il a reçu une très bonne

17 réputation pour cela.

18 R. Oui.

19 Q. A l'été, à l'automne, en 1993, le 2e Bataillon indépendant était

20 composé d'environ 200 soldats; est-ce exact ?

21 R. Je crois que c'est une bonne estimation.

22 Q. Vous avez dit que le commandant de ce bataillon s'appelait Adnan

23 Solakovic; est-ce exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Il avait la réputation d'être un vaillant combattant. C'était un homme

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1 très respecté par ses hommes; est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. En tant que commandant, il avait l'habitude de participer avec ses

4 hommes, à des opérations militaires ?

5 R. Pas toujours.

6 Q. Il l'a quand même pour ce qui est de l'opération menée en Herzégovine ?

7 R. Il a été sur le terrain en Herzégovine, mais il se trouvait en fonction

8 de commandement et au commandement, pendant tout ce temps. Il n'a pas passé

9 à l'action avec ses hommes.

10 Q. Pour ce qui est de la réputation qu'avait ce bataillon comme vous

11 l'avez dit précédemment, il bénéficiait d'une bonne réputation. On ne

12 disait nulle part que c'était un Bataillon de Criminels. Cette réputation

13 n'était pas dans le sens de dire qu'ils avaient une mauvaise réputation

14 d'être des bandits ?

15 R. Non.

16 Q. Hier, lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit au substitut du

17 Procureur que M Solakovic a été le commandant du 2e Bataillon indépendant

18 et que celui-ci faisait partie du 1er Corps d'armée, qui lui-même était

19 commandé par un certain Vahid Karavelic ?

20 R. Oui.

21 Q. Hier, vous avez dit que vous ne saviez pas qui avait décidé du

22 déploiement de ce 2e Bataillon indépendant. Mais, vous avez dit que c'était

23 Senad Sakovic, qui vous avait dit de partir en Herzégovine lorsqu'il est

24 revenu d'une réunion. Là, je reprends vos mots : "Réunion qu'il avait eu

25 avec le commandant," avez-vous dit; est-ce bien exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. Ce commandant, c'était le commandant du 1er Corps d'armée, M. Vahid

3 Karavelic ?

4 R. Je ne sais pas qui a assisté à la réunion, à l'issue de laquelle notre

5 commandant nous a transmis cet ordre. Tout ce que je sais, c'est que Senad

6 Sakovic est celui qui nous a transmis l'ordre.

7 Q. Est-ce que vous dites dans votre déposition, dès lors, c'est que vous

8 ne savez pas qui a donné l'ordre à Senad Sakovic ?

9 R. Exact.

10 Q. Tous les hommes, du 2e Bataillon indépendant, n'ont pas été envoyés en

11 Herzégovine. Seulement, une centaine d'entre eux, peut-être 120 ont été

12 envoyés; est-ce exact ?

13 R. Oui.

14 Q. C'est votre commandant de bataillon, Adnan Solakovic, qui a choisi des

15 hommes qui allaient être dépêchés en Herzégovine. C'est votre commandant de

16 section, M. Sakovic, qui vous a transmis l'ordre que Solakovic avait donné;

17 c'est bien cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Prenons une autre partie de votre déposition, dans votre interrogatoire

20 principal. Lorsque vous êtes arrivés en Herzégovine, vous avez compris que

21 votre bataillon devrait être subordonné à l'unité de Zulfikar ou de Zuka,

22 encore appelé ainsi ?

23 R. Au moment où on est arrivés, je ne le savais pas. C'est plus tard que

24 j'ai appris qu'on était censés être resubordonnés, et avoir pour commandant

25 Sulfikar, effectivement.

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1 Q. Votre commandant, Adnan Solakovic, s'est opposé à cette resubordination

2 sous les ordres de Zuka. Il ne la voulait pas; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Comme il a résisté à cet ordre de resubordination, finalement, vous

5 n'avez pas été resubordonnés à l'unité de Zulfikar et vous êtes demeurés

6 indépendants ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez également dit que vous vous étiez arrêtes à la base de Zuka

9 lorsque vous étiez arrivés à Jablanica. A votre arrivée, vous avez été

10 salués par des hommes de l'unité de Zuka ?

11 R. Oui.

12 Q. C'était là, la première fois qu'on vous a dit qu'on vous a dit vous

13 alliez rester dans le village de Grabovica ?

14 R. Oui.

15 Q. Il y a plusieurs hommes de l'unité de Zuka qui vous ont accompagnés au

16 village de Grabovica lorsque vous y êtes allé; est-ce exact ?

17 R. Cela, je ne le sais pas.

18 Q. Pourtant lorsque vous êtes arrivés à Grabovica, il vous a été dit que

19 trois maisons des villages avaient été prévues pour vous loger.

20 R. Lorsque nous sommes arrivés à Grabovica, notre commandant nous a dit

21 dans quelle maison on devait être logés, où notre 3e Compagnie devait être

22 logée. C'est tout ce que je sais.

23 Q. Vous dites, "notre commandant," vous parlez de M. Sakovic, votre chef

24 de section plutôt votre commandant de compagnie.

25 R. Oui. Oui, oui. Senad Sakovic.

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1 Q. Vous n'avez pas eu à vous mettre à la recherche de maisons, c'est lui,

2 c'est cet homme-là qui vous a dit dans quelle maison vous alliez être

3 logés.

4 R. Oui.

5 Q. Si j'ai bien compris la déposition que vous avez faite au principal, il

6 y avait trois maisons distinctes, maisons dans lesquelles les membres du 2e

7 Bataillon indépendant étaient cantonnés.

8 R. Oui.

9 Q. La première maison, est-ce que c'était la première maison à l'entrée du

10 village celle que vous avez indiquée. Adnan Solakovic, c'est là qu'il y

11 avait été logé, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. D'autres officiers du 2e Bataillon indépendant y avaient été logés avec

14 lui; c'est cela ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez déjà dit que Samir Pezo était resté dans la même maison qu'

17 Adnan Solakovic, mais qu'il y avait d'autres hommes comme Jasmin Panjeta,

18 cette maison également; est-ce exact ?

19 R. Il était surnommé, ou plutôt, oui, il avait un surnom, je ne sais pas

20 si c'était vraiment son nom.

21 Q. Est-ce qu'il était surnommé Pike ?

22 R. Oui, oui.

23 Q. Il avait été logé dans la même maison que celle où se trouvait Adnan

24 Solakovic ?

25 R. Je pense que oui, mais je n'en suis pas sûr, je pense que oui

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1 cependant. Pike était toujours au commandement; c'était logique qu'il soit

2 logé dans cette maison-là.

3 Q. Il aurait été aussi logique que Zakir Okovic soit placé dans cette

4 maison-là.

5 R. Zakir Okovic ? Oui, oui, cela aurait été logique. Il est parti en

6 reconnaissance. Je ne sais pas s'il était présent ou quand il a été

7 présent.

8 Q. Qu'en est-il de Haris Svrakic, surnommé aussi Pilot ? Est-ce qu'il

9 était aussi dans cette maison ?

10 R. Je pense que oui.

11 Q. Il y avait une deuxième maison dans laquelle vous vous avez été logé et

12 que vous avez indiqué par le chiffre "1" sur la photo que vous a fournie le

13 Procureur. Hier, vous avez dit qu'à votre arrivée dans cette maison, cette

14 maison était vide, ses habitants n'étaient pas là.

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez aussi indiqué que le jour de votre arrivée, vous avez

17 rencontré la propriétaire de cette maison et que vous lui aviez parlé.

18 R. Oui.

19 Q. Cette personne n'a pas laissé comprendre que quelque part elle avait

20 été chassée de sa maison ou qu'elle aurait été mécontente d'avoir dû

21 quitter sa maison ?

22 R. Non. Tout ce qu'elle a dit, c'est que c'était sa maison à elle et que,

23 pour le moment, elle était dans une autre maison avec d'autres personnes.

24 Q. Elle a ajouté que les meubles, qui s'étaient trouvés dans sa maison,

25 avaient été emmenés par des soldats, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Elle ne vous avait pas indiqué à quelque moment des soldats avaient

3 emmené ces meubles ?

4 R. Non.

5 Q. Vous avez dit qu'une trentaine de soldats du 2e Bataillon indépendant

6 avaient été cantonnés dans la même maison que vous. Essayez de vous

7 remémorer ces moments. Je vais vous donner plusieurs noms. Je vais vous

8 demander si ces hommes s'étaient trouvés dans cette même maison que vous.

9 Senad Sakovic, est-ce qu'il était dans la maison avec vous ?

10 R. Oui.

11 Q. Mustafa Mujo Karic, est-ce qu'il était dans la maison avec vous ?

12 R. Oui.

13 Q. Zdenko Jelesic, est-ce qu'il était dans la maison ?

14 R. Oui.

15 Q. Miroslav Masal, lui aussi dans la maison ?

16 R. Oui.

17 Q. Svonko Ivisic ?

18 R. Oui.

19 Q. Dzevad Gobelic ?

20 R. Oui.

21 Q. Zoran Kovacevic ?

22 R. Oui.

23 Q. Si je ne m'abuse, il y avait une troisième maison du village dans

24 laquelle avaient été cantonnés des membres du

25 2e Bataillon indépendant; c'est bien cela ?

Page 19

1 R. [aucune interprétation]

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu votre réponse.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

4 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce de

5 l'Accusation P4.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il vous faut l'original ?

7 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, s'il vous plaît.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

9 M. METTRAUX : [interprétation]

10 Q. Est-ce que vous voyez cette troisième maison sur la photo que vous avez

11 sous les yeux ?

12 R. Oui.

13 Q. Je vais vous demander de tracer un cercle autour de cette maison et d'y

14 apposer le chiffre "1."

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 Q. A droite de la maison où vous vous étiez cantonnés, est-ce que vous

17 voyez une espèce de petite maison, une maison plus petite, grisâtre sans

18 toit, vous la voyez ?

19 R. Oui, oui. On voit sur l'image qu'elle n'a pas de toit.

20 Q. Au moment des faits, ces maisons étaient aussi sans toit, n'est-ce pas

21 ?

22 R. Je ne me souviens pas.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez s'il y avait des gens qui vivaient dans

24 cette maison au moment des faits au village de Grabovica ? Est-ce que vous

25 vous en souvenez ?

Page 20

1 R. Non.

2 Q. Non, est-ce que vous voulez dire que personne ne vivait dans cette

3 maison ou que non, vous vous ne souvenez pas ?

4 R. Non, je ne me souviens pas.

5 Q. Est-ce que vous avez vu des gens qui entraient ou sortaient de la

6 maison à l'époque ? Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

7 R. A l'époque, les gens ne quittaient leur maison que très rarement.

8 Q. Très bien. Suis-je --

9 M. METTRAUX : [interprétation] Je demande le versement de ce document en

10 premier lieu.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pas d'objections, je suppose.

12 M. SACHDEVA : [interprétation] Non.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ce document est versé au dossier.

14 M. METTRAUX : [interprétation] Merci.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 266.

16 M. METTRAUX : [interprétation] Je vous remercie.

17 Q. Suis-je en droit de penser que vous êtes resté au village de Grabovica

18 tout le temps depuis le moment de votre arrivée au village de Grabovica

19 jusqu'au moment où vous êtes parti pour combattre ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Vous, vous n'êtes pas allé à Jablanica à quelque moment que ce soit.

22 Vous n'êtes jamais sorti du village pendant cette période ?

23 R. Non.

24 Q. A tout moment, vous avez passé le plus clair de votre temps dans cette

25 maison, et de temps en temps vous alliez au balcon ou devant cette maison;

Page 21

1 est-ce exact ?

2 R. Il y avait une espèce de terrain plat devant la maison. En général,

3 c'est là qu'on était assis.

4 Q. Hier, vous avez déclaré également à la Chambre de première instance

5 qu'à votre arrivée, le climat, l'atmosphère était paisible dans le village;

6 est-ce exact ?

7 R. Oui.

8 Q. Il n'y avait pas de conflit avec les habitants du village. En fait,

9 ceux-ci vous ont plutôt bien accueilli ?

10 R. Oui.

11 Q. Rien n'indiquait, à ce moment-là, que quelque chose de terrible allait

12 se passer dans le village ?

13 R. Non.

14 Q. Vous avez déclaré que le lendemain de votre arrivée à Grabovica, des

15 membres de l'Unité de Celo sont arrivés eux aussi dans ce village; est-ce

16 exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Ce fut la seule unité qui est arrivée ce jour-là au village ?

19 R. Exact.

20 Q. Mis à part les hommes du 2e Bataillon indépendant et ceux de l'Unité de

21 Celo, il n'y avait aucune autre unité de Sarajevo qui était cantonnée dans

22 ce village; est-ce exact ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous saviez que les soldats de Caco, eux, ils avaient été cantonnés à

25 Jablanica; est-ce bien exact ?

Page 22

1 R. On savait qu'ils étaient arrivés, mais on ne savait pas où ils avaient

2 été cantonnés.

3 Q. Fort bien. Hier, au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit

4 que l'Unité de Celo - et là je reprends vos termes - "était une unité qu'on

5 ne pouvait pas placer sous le commandement de l'armée." Ceci suscite une

6 question de ma part. Lorsque vous avez déclaré cela hier, est-ce qu'au

7 fond, vous répétiez ce que vous aviez dit à l'Accusation pendant la séance

8 de récolement de la semaine dernière, au cours de laquelle vous avez dit

9 que l'Unité de Celo avait pour réputation de ne pas obéir aux ordres. Est-

10 ce que dans le fond, c'est ce que vous disiez aux Juges de la Chambre

11 hier ?

12 R. Oui.

13 Q. En fait, ce que vous laissiez entendre, ce que vous suggériez, c'était

14 qu'apparemment, certains membres de cette unité pouvaient décider du moment

15 où ils allaient obéir à certains ordres venant de l'extérieur de leur

16 brigade, et du moment où ils n'allaient pas le faire; est-ce que bien

17 cela ?

18 R. Oui.

19 Q. En dépit de ce manque apparent de discipline, cette Unité de Celo, elle

20 avait la réputation d'être une forte unité et une unité courageuse à

21 Sarajevo, n'est-ce pas ? En fait, il y avait beaucoup d'habitants de

22 Sarajevo qui admiraient cette unité.

23 R. Oui.

24 Q. Hier, vous avez également déclaré qu'il y avait plusieurs réfugiés au

25 village de Grabovica lorsque vous êtes venu dans ce village. Vous avez dit

Page 23

1 à la Chambre aussi que vous aviez rencontré un de ces réfugiés, un vieux

2 monsieur, qui avait été juge à Sarajevo. Vous vous souvenez de ce que vous

3 avez déclaré ?

4 R. Oui.

5 Q. Ce vieux monsieur que vous avez rencontré dans le village, que vous a-

6 t-il dit ? Pourriez-vous le dire aux Juges de la Chambre ?

7 R. Il est venu vers nous, et il nous a demandé d'où nous étions, à quelle

8 unité nous appartenions. Il nous a dit qu'il était originaire de Mostar, et

9 qu'avant la guerre, il avait été juge à Sarajevo, qu'il avait été

10 emprisonné au camp de Dretelj, avait fait l'objet d'un échange, et qu'il

11 était logé sur la rive gauche de la Neretva.

12 Q. Qu'est-ce que c'est que ce camp de Dretelj ?

13 R. C'est un camp où l'armée du HVO avait emprisonné des Musulmans.

14 Q. Ce vieux monsieur, vous a-t-il dit ce qu'il avait vécu dans ce camp,

15 pendant sa détention ?

16 R. Il nous a dit qu'il avait subi des mauvais traitements et qu'il avait

17 subi différentes formes de torture.

18 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres réfugiés ou d'autres détenus du camp ?

19 Excusez-moi, je reformule ma question.

20 Est-ce que pendant le temps que vous avez passé dans le village de

21 Grabovica, vous avez rencontré d'autres réfugiés ou d'autres détenus du

22 camp ?

23 R. Non.

24 Q. Est-ce que vous en avez vus ?

25 R. Non, personne d'autre que cet homme à qui on a parlé.

Page 24

1 Q. J'aimerais aborder un autre sujet avec vous. Au moment où vous êtes

2 arrivés dans le village de Grabovica, il n'y avait pas de poste de contrôle

3 aux abords du village, n'est-ce pas ?

4 R. Nous étions dans des camions. Je n'ai pas vu de poste de contrôle.

5 Q. Vous êtes certain d'une chose, c'est qu'il y en avait un qui avait été

6 érigé après l'arrivée des membres de l'Unité de Celo dans ce village; est-

7 ce exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Les officiers du commandement du 2e Bataillon indépendant et l'Unité de

10 Celo s'étaient rencontrés, et il avait été décidé d'ériger de tels postes

11 de contrôle. Est-ce bien cela ?

12 R. Oui.

13 Q. C'est ce que Senad Sakovic vous a dit lorsqu'il est revenu de cette

14 réunion ?

15 R. Oui.

16 Q. Ce poste de contrôle a été, à tout moment, tenu par des hommes; l'un du

17 2e Bataillon indépendant et l'autre de la 9e Brigade, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. D'après ce que vous avez pu en juger, jamais il n'y a eu de renforts

20 apportés à cette équipe pendant votre séjour dans le village ?

21 Q. Vous n'avez pas vu, vous n'avez pas entendu parler de personnes à qui

22 on aurait interdit l'entrée dans le village à l'époque ?

23 R. Non.

24 Q. Ce matin, vous avez relaté un incident que Zvonko Ivisic vous a apporté

25 d'autres soldats. Il s'était approché de vos soldats ou de soldats du 2e

Page 25

1 Bataillon indépendant, et aurait dit qu'il y aurait quelques tirs, mais

2 qu'il ne fallait pas s'en faire.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

4 M. SACHDEVA : [interprétation] Petite objection. Je pense qu'il ne fallait

5 pas mentionner le nom.

6 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, le nom n'était pas exact. Je pense

7 qu'il s'agissait de Zdenko Jelusic.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

9 M. METTRAUX : [interprétation] Merci.

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que Jelesic vous a donné le nom -- le surnom de ces trois ou

12 deux ou trois hommes qui s'étaient approchés de ce groupe de soldats ? Est-

13 ce que lui les connaissait ces hommes-là ?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce qu'il vous les a décrits ?

16 R. Non, il ne me les a pas décrits non plus. Il s'est contenté de dire

17 qu'ils appartenaient à l'Unité de Celo.

18 Q. Par la suite, vous avez effectivement entendu le bruit de tirs, de

19 coups de feu ?

20 R. Il ne m'a pas dit que les tirs avaient commencé; c'est seulement après.

21 Pour ce qui est des tirs, il y a eu tout le temps des tirs sporadiques.

22 Q. Ces tirs sporadiques, ce n'était rien d'inhabituel, par conséquent ?

23 R. Non.

24 Q. Cependant, vu le regain de tension dans le village, beaucoup de membres

25 non musulmans du 2e Bataillon indépendant, ont été emmenés à la maison de

Page 26

1 Solakovic; est-ce exact ?

2 R. Il y avait des Croates et des Serbes dans cette maison-là aussi, mais

3 on avait dit qu'il ne fallait pas donner leur nom, et qu'il ne fallait pas

4 leur dire -- leur faire monter la garde; qu'il fallait leur donner des

5 surnoms.

6 Q. Ces Serbes et ces Croates sont restés dans votre maison ?

7 R. Oui, il y en avait quelques-uns dans ma maison.

8 Q. A ce moment-là, il n'y a pas eu d'alignement, d'appel, au cours duquel

9 Adnan Solakovic vous aurait dit ce qui se passait dans le village, vous

10 aurait donné des armes et des ordres, pas en ce moment-là, n'est-ce pas ?

11 R. Non, à ce moment-là, il n'y a pas eu d'appel.

12 Q. Une question de temps. La 9e ou l'Unité de Celo, avez-vous dit, était

13 arrivée le lendemain de votre arrivée à vous; c'est bien cela ?

14 R. Oui.

15 Q. Que c'est le jour qui a suivi leur arrivée que vous avez vu Celo qui

16 est revenu dans le village, et a procédé à l'appel, à l'alignement d'une

17 trentaine d'hommes dans le village; est-ce que bien exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous êtes partis à Dreznica ce jour-là, le même jour ?

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui --

21 R. Je n'ai pas compris.

22 M. SACHDEVA : [interprétation] Je pense, que d'après les dires du témoin,

23 ils sont partis le lendemain.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Posons d'autres questions au témoin.

Page 27

1 Q. Est-ce que vous avez quitté le village ce jour-là même ou le

2 lendemain ?

3 R. Le lendemain, le lendemain matin.

4 Q. Est-ce qu'à un moment quelconque on a repris les armes que vous aviez

5 au cours de votre séjour dans le village de Grabovica, ou est-ce que vous

6 avez conservé vos armes ?

7 R. Nous avions des armes.

8 Q. Vous les avez conservées tout le temps ?

9 R. Oui.

10 Q. Dans la matinée, le matin, vous avez dit que c'était vers

11 7 heures lorsque l'appel a été fait, et vous avez été mis en rang par Adnan

12 Solakovic, qui vous a parlé de partir pour le combat. C'était la seule fois

13 que vous avez été alignés pour autant que vous puissiez vous en souvenir ou

14 pour autant que vous pouviez les voir, c'est la seule fois que vous avez

15 été alignés lorsque cela a été organisé par Adnan Solakovic au cours de

16 cette période; c'est bien cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous tous, tous les membres du 2e Bataillon indépendant, vous êtes

19 partis à ce moment-là. Personne n'est resté à Grabovica, personne n'est

20 resté derrière ?

21 R. Certains hommes sont restés à Grabovica. Je ne sais pas combien.

22 Certains sont restés là-bas. Ils étaient peu nombreux; un très petit

23 nombre.

24 Q. Pendant votre séjour à Grabovica, vous n'avez jamais vu Vehbija Karic,

25 n'est-ce pas ?

Page 28

1 R. Non.

2 Q. Vous n'avez pas non plus vu Caco Zuka incidemment ou Sefer Halilovic.

3 R. Non, personne à part ces deux-là.

4 Q. Aucun membre de votre bataillon ne vous a dit, à l'époque, qu'il avait

5 vu M. Halilovic ?

6 R. Non, pas à ce moment-là.

7 Q. Personne n'est revenu dans la maison où il y avait ce balcon, qui vous

8 aurait dit depuis le balcon : Je viens juste de voir passer Sefer

9 Halilovic. Ceci n'a pas eu lieu ?

10 R. Non. Mais je ne saurais pas cela.

11 Q. Il est constant, il est certain que vous avez dit à l'enquêteur du

12 bureau du Procureur M. Nikolai Mikhailov, lorsqu'il vous a interviewé,

13 c'est cela que vous avez dit, vous avez dit : "Je n'ai pas vu Sefer

14 Halilovic dans le village, et personne d'autre de mon bataillon ne m'a dit

15 avoir vu Sefer Halilovic." Est-ce que c'est exact ?

16 R. Non, c'est exact. Oui.

17 Q. Monsieur le Témoin, vous étiez dans le village à l'époque. Vous avez

18 dit que vous aviez vu un certain nombre de cadavres à ce moment-là, mais

19 que vous aviez passé la plus grande partie de votre temps à l'intérieur de

20 la maison où vous étiez logé. Serait-il possible, selon vous, que des

21 réfugiés aient pu prendre part au meurtre à Grabovica ?

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Sachdeva.

23 M. SACHDEVA : [interprétation] C'est une question spéculative sur une

24 hypothèse.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, c'est une question basée sur une

Page 29

1 hypothèse. Le témoin a également dit, dans sa déposition, qu'il ne savait

2 pas qu'il y avait des réfugiés dans ce village.

3 M. METTRAUX : [interprétation] Je vais reformuler ma question. Ma question

4 était mal posée.

5 Q. Après avoir parlé avec les membres de votre bataillon, est-ce que vous

6 avez entendu quelqu'un dire ou est-ce que quelqu'un de votre bataillon a

7 suggéré que les réfugiés auraient pu prendre part aux meurtres ?

8 R. Non.

9 Q. Monsieur le Témoin, les crimes qui ont été commis à Grabovica à

10 l'époque, n'avaient rien à voir avec l'opération, n'est-ce pas; c'est exact

11 ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Cela n'avait rien à voir avec ce pourquoi vous ou les membres de votre

14 bataillon combattiez, à savoir, une Bosnie multiethnique; c'est exact ?

15 R. Exact.

16 Q. Ceci était tout à fait contraire à la cause pour laquelle vous

17 combattiez et à laquelle vous croyiez ?

18 R. Oui.

19 Q. Il demeure difficile, pour vous, de comprendre comment une partie

20 de l'armée de Bosnie aurait dû protéger certains de ses membres contre une

21 autre partie de l'armée de Bosnie, n'est-ce pas ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Vous avez dit, je crois, qu'après deux ou trois jours au combat, on

24 vous a donné l'ordre de retourner à Sarajevo; est-ce exact ?

25 R. Oui.

Page 30

1 Q. Lorsque vous êtes revenu à Grabovica, tous les corps, tous les tas, les

2 corps que vous aviez vus avaient disparus du village, n'est-ce pas; est-ce

3 exact ?

4 R. Nous sommes revenus pendant la nuit. Je ne peux pas dire si on les

5 avait enlevés ou s'ils se trouvaient encore là. Il faisait nuit. Je n'ai

6 rien vu.

7 Q. Mais vous n'avez vu aucun cadavre, n'est-ce pas ?

8 R. Non.

9 Q. Il n'y avait pas d'autres soldats qui étaient présents dans le village,

10 à l'époque, n'est-ce pas ?

11 R. Non.

12 Q. Je voudrais, pour finir, vous poser un nombre limité de questions sur

13 ce qui s'est passé en octobre 1993. A la fin du mois d'octobre 1993, il y a

14 eu une vaste opération à laquelle un grand nombre de ceux qui avaient

15 participé à l'opération de Grabovica a été arrêté. Cette opération a été,

16 par la suite, connue sous le nom de Trebevic. Est-ce que vous avez entendu

17 parler de cette opération, Monsieur le Témoin ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous en avez connaissance parce que vous en avez entendu

20 parler dans les médias, la presse; est-ce exact ?

21 R. Par les médias, oui. Mais aussi, nous nous trouvions à la base, à ce

22 moment-là, on nous a dit que nous devions rester prêts à combattre parce

23 que ceci était en train d'avoir lieu en ville et qu'il y avait une

24 présentation de ces unités.

25 Q. Mais, vous-même, vous n'avez pas été arrêté au cours de cette

Page 31

1 opération, Monsieur le Témoin ?

2 R. Personne de notre unité ne l'a été.

3 Q. Vous aviez anticipé mes deux dernières questions et je vous remercie

4 beaucoup.

5 M. METTRAUX : [interprétation] C'est tout pour nos questions. Je vous

6 remercie.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des questions supplémentaires ?

8 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui, une question, Monsieur le Président.

9 Nouvel interrogatoire par M. Sachdeva :

10 Q. [interprétation] Monsieur Kadic, en réponse au conseil de la Défense,

11 vous lui avez dit que les membres non Bosniens de votre unité avaient reçu

12 des surnoms. Est-ce que vous vous rappelez avoir dit cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Pourquoi est-ce qu'on leur a donné des surnoms ?

15 R. C'était pour leur sécurité personnelle.

16 Q. Pourquoi étaient-ils en danger ?

17 R. C'est ce qu'on nous a dit, à ce moment-là. On nous a dit qu'il ne

18 fallait pas les appeler par leurs vrais noms, il fallait qu'on leur donne

19 des surnoms ou qu'on les appelle par un surnom. Si quelque chose devait se

20 produire, il n'était pas opportun, à l'époque, de les appeler autrement.

21 Q. Oui, mais que pourrait-il se passer ?

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

23 M. METTRAUX : [interprétation] C'est un tout petit peu hypothétique, je

24 pense, spéculatif.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne pense pas. Je pense que c'est

Page 32

1 simplement un pas de plus par rapport à la question précédente et je

2 permets que cette question soit posée.

3 M. SACHDEVA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Q. Excusez-moi. Mais qu'est-ce qui aurait pu se produire ?

5 R. Cela, je ne le sais pas, mais je suppose qu'au commandement ou les

6 commandants ont dû tenir une réunion et c'est là qu'ils ont décidé. Nous

7 avions interdiction de bouger ou d'aller et venir ou de nous mêler avec les

8 membres de cette unité qui venaient d'arriver et c'est la raison pour

9 laquelle, ils nous ont dit de ne pas appeler ces gens par leurs noms, je

10 suppose.

11 Q. Lorsque vous dites qu'on leur a donné des surnoms pour assurer leur

12 sécurité personnelle, qui aurait pu mettre en danger leur sécurité

13 personnelle ?

14 R. Peut-être des gens de cette unité, certaines personnes de cette unité

15 qui étaient arrivées à l'époque, à ce moment-là.

16 Q. De quelle unité parlez-vous ?

17 R. L'Unité de Celo.

18 M. SACHDEVA : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

19 Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Juge El Mahdi.

21 M. LE JUGE EL MAHDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Questions de la Cour :

23 M. LE JUGE EL MAHDI : Je voudrais, s'il vous plaît, clarifier un point qui

24 a une réponse à une question, je cite en anglais :

25 [interprétation]

Page 33

1 "Question : Est-ce que vous avez vu Caco, Zuka ou Sefer Halilovic ?

2 Réponse : Non, aucune personne, sauf les deux."

3 [en français] Vous vous rappelez cette réponse ?

4 R. Oui, certainement. J'ai vu Adnan Solakovic et Ramiz Delalic, des

5 commandants; ce sont ces deux personnes que j'ai vues.

6 M. LE JUGE EL MAHDI : Les deux que vous avez vus étaient qui ?

7 R. Adnan Solkakovic et Ramiz Delalic.

8 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci. J'ai une autre question pour vous, Monsieur.

9 Quand vous avez dit que vous aviez gardé vos armes lorsque vous êtes resté

10 dans la maison montrée dans la photo, est-ce que tous les soldats ont

11 également gardé leurs armes ?

12 R. Oui, tous les soldats, sauf que, lorsque nous sommes entrés dans la

13 maison, il y avait des armes qui se trouvaient dans la maison. Les

14 personnes qui sortaient de la maison ne prenaient pas leurs armes avec eux.

15 M. LE JUGE EL MAHDI : Oui, mais vous avez gardé les armes.

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE EL MAHDI : Est-ce que vous avez eu ainsi des munitions ?

18 R. Oui.

19 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci.

20 [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce qu'il y a des questions émanant de

22 la question du Juge ?

23 M. METTRAUX : [interprétation] Pas de questions, merci.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Je pense que nos canaux étaient

25 confus.

Page 34

1 [Interprétation française sur le canal anglais]

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce qu'il y aurait d'autres questions

3 à poser, à ce stade ?

4 M. METTRAUX : [interprétation] Non, il n'y a plus d'autres questions.

5 M. SACHDEVA : [interprétation] Non, il n'y a plus d'autres questions.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Y a-t-il des documents

7 dont on demande le versement au dossier ? Non.

8 Monsieur le Témoin, je vous remercie beaucoup d'être venu à La Haye pour

9 faire cette déposition. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour chez

10 vous. L'Huissière va vous escorter en dehors de la salle d'audience.

11 [Le témoin se retire]

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons poursuive avec le témoin

13 suivant ou est-ce que nous allons suspendre la séance un moment ? Y a-t-il

14 des demandes de l'Accusation concernant le témoin qui vient ? Y a-t-il des

15 mesures de protection qui sont demandées ?

16 M. SACHDEVA : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. METTRAUX : [interprétation] La seule demande de la Défense serait que si

19 l'on pouvait suspendre maintenant, ce serait un bon moment.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vous remercie beaucoup.

21 Nous suspendons la séance et nous reprendrons à onze heures moins le quart.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 16.

23 --- L'audience est reprise à 10 heures 46.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Madame Chana, est-ce que vous êtes

25 prête pour le témoin suivant ?

Page 35

1 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y a une

2 question que je souhaiterais soulever avant que le témoin suivant n'entre

3 dans le prétoire. Ceci concerne les documents à propos desquels j'étais sur

4 le point de vous dire que la Défense les a présentés par le truchement de

5 Jusuf Jasarevic. La Défense n'a pas d'objection à ceux qui ont été

6 présentés.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous voulez dire pour le compte de la

8 Défense ?

9 Mme CHANA : [interprétation] Excusez-moi, pour le compte de l'Accusation.

10 L'Accusation n'a pas d'objection. Excusez-moi, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vous remercie.

12 Mme CHANA : [interprétation] Il s'agit de documents présentés par la

13 Défense.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

15 Mme CHANA : [interprétation] Le témoin suivant peut maintenant être appelé

16 à la barre. Je vous remercie.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le témoin suivant est cité au titre de

18 l'Article 89(F).

19 Mme CHANA : [interprétation] Oui, 89(F) du Règlement.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des objections ?

21 M. METTRAUX : [interprétation] A nouveau, bonjour, Monsieur le Président.

22 Il n'y a pas d'objection de la part de la Défense pour le témoin entendu au

23 titre de 89(F). Mais il y a certaines questions que nous souhaiterions

24 également voir inscrites au procès-verbal de l'audience.

25 La première chose est que l'Accusation va chercher à demander à verser une

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1 nouvelle déclaration, en l'occurrence, de ce témoin qui a été recueillie,

2 déclaration qui a été recueillie récemment. Nous sommes très reconnaissants

3 à l'Accusation de nous l'avoir fait tenir à temps, Monsieur le Président.

4 Il y a une question qui demeure. Nous pensons que lorsqu'une nouvelle

5 déclaration de témoin est recueillie et signée pas ce témoin et ensuite est

6 présentée en vertu de cette disposition, ceci, à ce moment-là, relève de

7 l'Article 66(A) du Règlement du point de vue de la communication; ce qui

8 veut dire qu'une telle déclaration aurait dû être fournie à un moment donné

9 précis par rapport à ce que l'Accusation prévoit. Nous avons informé M.

10 Halilovic de ceci, et il a renoncé à son droit d'avoir une traduction en

11 B/C/S. Nous serions reconnaissants à l'Accusation si elle voulait bien

12 présenter ce document à l'avenir en nous donnant également une traduction

13 en B/C/S.

14 Il y a une deuxième question que nous souhaiterions soulever à propos de

15 cette question. Il s'agit d'une préoccupation évoquée par les membres de la

16 Chambre. La Défense note que l'Accusation a demandé des mesures de

17 protection à au moins six reprises, et a demandé de pouvoir présenter ses

18 éléments de preuve en vertu--à la suite d'un interrogatoire principal en

19 vertu de l'Article 89(F) à trois reprises. Il a été fait droit à deux

20 reprises.

21 La Défense a mentionné ce fait, parce qu'elle est très préoccupée pour les

22 droits de M. Halilovic. Dans l'intérêt public, il s'agit d'un procès

23 public, et nous pensons que M. Halilovic devrait avoir le droit à -- que

24 son droit à un procès public devrait être garanti et que ces requêtes

25 devraient être limitées à ce qui est absolument nécessaire.

Page 37

1 Enfin, peut-être pas finalement, mais en l'occurrence, en outre, la Défense

2 souhaiterait faire remarquer que l'élément de preuve par rapport à ce qui a

3 été dit verbalement, devrait se voir attribuer moins de poids que les

4 éléments de preuve qui ont été faits sur la base d'une déposition orale.

5 Le dernier point que nous voudrions évoquer est celui-ci : c'est que la

6 thèse de la Défense est que lorsque l'Accusation a décidé de présenter ses

7 preuves et ses dépositions lors de l'interrogatoire principal sous une

8 forme écrite, sous la forme d'une déclaration, le Règlement concernant le

9 nouvel interrogatoire, devrait être interprété d'une façon particulièrement

10 stricte dans un tel contexte, et que la Défense ne devrait pas être

11 autorisée à poser des questions supplémentaires sur ce qu'elle avait

12 décliné de faire en interrogatoire principal. Je veux dire, l'Accusation,

13 je souffre de la même carence que mon collègue de l'autre côté. Je veux

14 dire que l'Accusation ne devrait pas être autorisée à le faire.

15 Je vous suis reconnaissant. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, nous

16 n'avons pas d'objection à ce que ce témoin particulier soit entendu

17 conformément aux dispositions de l'Article 89(F) du Règlement.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup de votre

19 coopération.

20 Juste un point à clarifier. Vous avez dit qu'il y avait une nouvelle

21 déclaration qui est tombée sous le coup des dispositions de l'Article 66(A)

22 du Règlement. D'après ce que j'ai compris, ce n'est pas une nouvelle

23 déclaration; c'est juste un résumé des déclarations précédentes qui ont été

24 fusionnées en un seul document. Je me demande si ce type de pratique, je

25 veux dire, celle qui consiste à faire des résumés, tombe bien sous le coup

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1 de l'Article 66(A) du Règlement.

2 M. METTRAUX : [interprétation] Naturellement, la décision vous appartient,

3 Monsieur le Président, à ce sujet. Nous pensons qu'il s'agit d'une nouvelle

4 déclaration dans la mesure où, c'est non seulement un résumé de la

5 déposition du témoin, dans la mesure où la source est mentionnée et les

6 documents sont précisés, mais il y a un certains nombre de questions

7 concernant des faits qui avaient été laissées de côté par l'Accusation.

8 Vous avez tout à fait raison de faire remarquer que certains paragraphes de

9 ce document sont tout simplement ce qui avait été pris dans d'autres

10 déclarations. Nous n'avons pas de problème à ce sujet. Mais, dans la mesure

11 où ceci constituerait une modification de la déposition, tout au moins, sur

12 certains points relativement importants, dans la mesure où un certain

13 nombre de faits ou de questions ont été laissés de côté par une partie qui

14 présentait le document, nous voudrions dire que ceci constituerait une

15 nouvelle déclaration.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense, que vous savez, c'est un point

17 purement théorique; nous allons en traiter un peu plus tard. Pour le

18 moment, nous avons le témoin qui attend à l'extérieur du prétoire.

19 Je voudrais demander que l'on fasse maintenant entrer le témoin.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

24 faire la déclaration solennelle qui figure sur le texte qui est présentée

25 par l'Huissier.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

2 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 LE TÉMOIN: SABAN NEZIRIC [Assermenté]

4 [Le témoin répond par l'interprète]

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Vous

6 pouvez vous asseoir.

7 Madame Chana, c'est à vous.

8 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Interrogatoire principal par Mme Chana:

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin Saban Neziric.

11 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner votre nom et prénom complets.

12 R. Je suis Saban Neziric.

13 Q. Monsieur Neziric, je voudrais vous montrer une déclaration, vous

14 demander d'y jeter un coup d'œil. Pourriez-vous dire aux membres si ceci

15 est bien votre signature sur chacune des pages de cette déclaration.

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce qu'on vous a donné lecture de ce texte dans une langue que vous

18 comprenez ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous confirmez que la teneur de cette déclaration est

21 exacte ?

22 R. Oui, je l'ai fait.

23 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

24 voudrais vous demander le versement de ce document comme élément de preuve

25 au dossier.

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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

2 Y a-t-il des objections ?

3 M. METTRAUX : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Le document est versé

5 au dossier comme élément de preuve.

6 Mme CHANA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 Messieurs les Juges --

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Madame la Greffière d'audience.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro sera le 267.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

11 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, je vais donner un bref

12 résumé des éléments de la déposition de ce témoin, sur lesquels ce témoin

13 va déposer. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, son nom est Saban

14 Neziric.

15 Q. En novembre 1992, Monsieur le Témoin, vous avez commencé à travailler

16 dans le service de Sécurité de l'usine hydroélectrique en tant que garde.

17 R. Oui.

18 Q. Sur la rive gauche de la Neretva, vous pouviez voir ce qui se passait

19 sur la partie droite du village de Grabovica où se trouvaient des résidents

20 croates. A l'automne, des soldats sont arrivés et ont été logés sur la rive

21 droite de la Neretva à Grabovica. A un moment donné en septembre, vous

22 étiez de service, en train de garder le bâtiment administratif du côté

23 gauche, sur la rive gauche de la Neretva, et vous avez entendu des coups de

24 feu qui provenaient du côté droit du village. Ces tirs et détonations se

25 sont poursuivis pendant un certain temps. Zuka, c'est-à-dire, Alispago

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1 Zulfikar a été appelé pour l'informer de ces tirs et pour qu'il puisse

2 prendre des mesures.

3 Après dix minutes suivant cet appel, la voiture de Zuka est arrivée du côté

4 droit de la Neretva. Quand est-ce que la voiture de Zuka se trouvait à

5 Grabovica sur la rive droite de la Neretva, les tirs ont cessé. Lorsque la

6 voiture de Zuka est partie, les tirs ont cessé à ce moment-là. Le même

7 jour, vous vous êtes rendu au village et vous avez appris que certains

8 civils à Grabovica, des deux côtés de la rivière, avaient été tués.

9 M. METTRAUX : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je dois

10 interrompre. Je crois que le compte rendu donne à penser que lorsque la

11 voiture de Zuka est partie, les tirs ont cessé. Je comprends, d'après la

12 déclaration du témoin, que c'est à ce moment-là que les tirs ont commencé.

13 Mme CHANA : [interprétation] Oui, excusez-moi, Monsieur le Président.

14 C'était évidemment une erreur.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

16 Mme CHANA : [interprétation] C'était une erreur typographique.

17 Oui, je peux corriger cela, bien entendu. Je voudrais qu'on corrige cela au

18 compte rendu.

19 Lorsque la voiture de Zuka est arrivée à Grabovica, les tirs ont cessé, et

20 lorsque la voiture de Zuka est repartie, les tirs ont commencé.

21 Mme CHANA : [interprétation] Je suis reconnaissance à mon confrère pour

22 avoir fait remarquer ce point.

23 Le même jour, le témoin est entré dans le village et a appris que des

24 civils à Grabovica, des deux côtés de la rivière, avaient été tués. Vous

25 avez également mentionné la rive gauche de la Neretva. Vous avez dit que

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1 vous aviez vu un corps, un cadavre, un corps d'un homme qui était mort.

2 Quelques jours plus tard, vous avez vu que le cadavre en question était

3 brûlé. A ce moment-là, vous avez remarqué qu'il avait un trou à l'arrière

4 de la tête. Vous avez également découvert un corps qui était enterré dans

5 le sol. Quelque temps après, vous avez vu une main, une main humaine qui

6 sortait du sol, qui apparaissait au ras du sol. A une reprise, après les

7 événements de Grabovica, vous êtes entré dans les toilettes d'une gare de

8 chemin de fer, et vous avez remarqué qu'il y avait trois crânes humains

9 dans ces toilettes.

10 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas

11 exactement une objection que je veux formuler, mais la Défense voudrait

12 simplement comprendre quel est le but de ce résumé parce que nous avons

13 déjà reçu ceci. Nous avons reçu un résumé écrit de ce que l'Accusation a

14 l'intention de présenter comme étant un résumé écrit de la déposition en

15 question. Est-ce que nous avons là une deuxième version de cette

16 déposition ? Nous voudrions simplement comprendre si c'était une pratique

17 pour l'Accusation, ou s'il s'agit simplement d'un résumé pour les besoins

18 de la Chambre, et qu'il ne sera pas demandé au témoin -- s'il sera demandé

19 au témoin d'adopter tel quel, ou s'il faudra qu'il en soit donné lecture à

20 ce moment-là. On souhaiterait clarifier quand même les questions à ce

21 stade.

22 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

24 Mme CHANA : [interprétation] C'est un bref résumé de la déclaration aux

25 fins d'inscription au procès-verbal d'audience, et pour que le public soit

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1 au courant d'éléments de preuve sur lesquels ce témoin particulier va

2 témoigner. Ceci est une partie de mon résumé, Monsieur le Président. C'est

3 très exactement la déclaration sous la forme prévue à l'Article 89(F) du

4 Règlement. Rien n'a été ajouté ni supprimé.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense que c'est la pratique

6 normale pour l'application de l'Article 89(F) du Règlement. Ce résumé doit

7 être très concis et très bref.

8 Vous pouvez poursuivre, Madame Chana.

9 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Vous allez également dire dans votre déposition que vous avez rencontré

11 Zulfikar Alispago avant les événements à Grabovica, et Zulfikar Alispago

12 vous a dit qu'il voulait s'occuper des Croates à Grabovica, et qu'il

13 voulait que des médecins viennent. Des médecins sont venus de façon

14 régulière à Grabovica.

15 Monsieur le Président, avec cela, mon interrogatoire principal est

16 terminé.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

18 Y a-t-il un contre-interrogatoire ?

19 M. METTRAUX : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

20 Contre-interrogatoire par M. Mettraux :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Mon nom est Guenael

22 Mettraux. Je comparais comme co-conseil pour le compte de Sefer Halilovic.

23 R. Bonjour.

24 Q. Vos responsabilités, vos fonctions au bureau de l'usine hydroélectrique

25 à Grabovica était de garder les bâtiments administratifs, les bureaux qui

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1 se trouvaient sur le rive gauche du village ainsi que de participer à une

2 patrouille autour du périmètre de ce bureau; c'est bien cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous aviez des tours de garde. Vous étiez deux, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Pendant que l'un d'entre vous restait dans le bâtiment, l'autre pouvait

7 faire le tour du périmètre. Il y avait toujours quelqu'un, autrement dit,

8 dans le bureau, à tout moment, dans le bureau de ces bâtiments; est-ce

9 exact ?

10 R. Non, pas nécessairement. Des fois, il nous arrivait de marcher

11 ensemble, et d'autres fois, c'était comme vous le décrivez.

12 Q. Je vous remercie. Pouviez-vous voir à la droite du village depuis le

13 bureau où vous travailliez ?

14 R. Nous pouvions voir le côté droit ou la rive droite de la Neretva depuis

15 les fenêtres du bâtiment.

16 Q. Merci. Vous faisiez des relèves de douze heures; est-ce que c'est

17 exact ?

18 R. Non, de 24 heures.

19 Q. Donc 24 heures. Vous pouviez commencer, par exemple, à 7 heures du

20 matin ou vous pouviez commencer à 7 heures du soir et vous travailliez 24

21 heures comme cela jusqu'à la même heure, mais le lendemain matin ou le

22 lendemain soir ?

23 R. Du matin jusqu'au matin, c'est-à-dire, de 8 heures du matin jusqu'à 8

24 heures du matin le lendemain matin.

25 Q. Pendant votre relais, vous ne travailliez pas toujours en équipe avec

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1 la même personne; il vous arrivait d'avoir d'autres co-équipiers.

2 R. Au début, nous travaillions deux par deux. Plus tard, on nous a

3 demandés de travailler seul. Nous avons été déplacés vers les barrages.

4 Q. Cette fois-là, la fois pertinente, vous étiez en train de le raconter

5 au Tribunal, vous avez été accompagné d'Alija Turkic, n'est-ce pas ?

6 C'était lui votre co-équipier.

7 R. Oui.

8 Q. Je souhaiterais vous poser maintenant quelques questions générales

9 concernant le village de Grabovica.

10 En 1993, au mois de mai, le village a été repris par l'ABiH. L'atmosphère

11 dans le village était bonne, stable, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. S'agissant de l'ABiH, il n'y avait pas de problèmes entre eux et les

14 Croates, les habitants croates ?

15 R. Non, je ne crois pas, selon mes observations.

16 Q. Les habitants locaux étaient bien traités, il y avait beaucoup de

17 respect envers eux, d'après ce que vous avez pu voir vous-même ?

18 R. Oui.

19 Q. Il y avait une personne qui s'appelle Zulfikar Alispago, cette personne

20 était appelée Zuka, il s'assurait que les habitants locaux soient traités

21 avec dignité, avec beaucoup de respect, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Il faisait de son mieux, non seulement pour s'assurer que les habitants

24 locaux ne soient pas malmenés, mais il s'assurait qu'il y ait un médecin

25 sur les lieux une fois par semaine, il faisait venir un médecin tous les

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1 vendredis; est-ce que c'est exact ?

2 R. Non, je ne me souviens pas si c'était tous les jeudis ou tous les

3 vendredis, je ne me souviens pas de la journée. Mais il est vrai qu'une

4 fois par semaine, le médecin venait au village, jusqu'à l'événement en

5 question.

6 Q. Ne vous inquiétez pas pour les dates, beaucoup d'années se sont

7 écoulées depuis, nous ne vous en tiendrons pas rigueur. Mais s'agissant de

8 ces consultations avec le médecin, elles avaient lieu dans le même bureau

9 là où vous travailliez; est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Les habitants croates étaient aimables, ils étaient particulièrement

12 reconnaissants envers Zuka de leur avoir permis cela ?

13 R. Je ne me suis pas entretenu avec qui que ce soit concernant ce fait.

14 Q. Mais selon vous, est-ce que vous avez remarqué qu'ils étaient très

15 aimables envers vous, par exemple, qui travaillait dans le même bâtiment et

16 envers les membres de l'ABiH ?

17 R. Oui, c'est exact.

18 Q. Vous avez également entendu Zulfikar Alispago, Zuka, dire, à plusieurs

19 reprises, que personne ne doit être touché dans ce village, qu'il ne

20 faudrait pas faire du mal à personne dans le village ?

21 R. Je m'étais entretenu avec lui, il disait que personne ne devait toucher

22 les Croates et personne ne devait s'adonner au pillage, c'est certain,

23 c'est ce qu'il a dit.

24 Q. Outre les habitants du village, il y avait également des soldats

25 cantonnés dans ce village, n'est-ce pas ?

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1 R. A l'époque, non.

2 Q. Mais il y avait des unités appelées les Loups de Cedo et ces unités

3 étaient logées dans le même bâtiment que celui dans lequel vous vous

4 trouviez, n'est-ce pas, où vous travailliez ?

5 R. Pas au début, mais plus tard, les Loups de Cedo sont arrivés dans ce

6 bâtiment, c'est à ce moment-là que les soldats sont entrés dans Grabovica.

7 Q. Mais il n'y avait absolument aucun problème entre les Loups de Cedo et

8 les habitants du village, à ce moment-là ?

9 R. Non.

10 Q. Plus tard, en septembre 1993, de nouveaux soldats sont arrivés à

11 Grabovica; est-ce exact ?

12 R. Oui. Ils se sont déployés sur la rive droite de la rivière Neretva.

13 Q. C'est à ce moment-là qu'on vous a interdit de vous rendre sur les rives

14 droites, sur les berges droites de la rivière Neretva ?

15 R. Personne ne peut rien m'interdire, moi.

16 Q. Mais vous n'y alliez pas, n'est-ce pas ?

17 R. Non, pas à l'époque.

18 Q. Vous n'avez pas personnellement rencontré des membres de ces unités ?

19 R. Je les rencontrais de près, de loin, mais je ne faisais toujours que

20 passer.

21 Q. Vous ne vous êtes pas arrêté pour vous entretenir avec l'un d'eux ?

22 R. Oui. Je m'étais arrêté une fois pour parler avec l'un d'eux.

23 Q. Est-ce qu'il s'était présenté à vous ?

24 R. Non.

25 Q. Portait-il des insignes ?

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1 R. Non.

2 Q. Vous n'êtes pas sûr, vous ne savez pas, avec certitude, quelles étaient

3 les unités qui étaient cantonnées à Grabovica, à l'époque, selon vos

4 propres observations et selon ce que vous avez pu entendre, c'est-à-dire

5 que vous l'avez su par la suite, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Oui. Au début, je ne le savais pas, mais je l'ai su, par après.

8 Q. Vous avez entendu, par exemple, dire que l'Unité de Celo avait été

9 cantonnée dans ce village ?

10 R. Oui, je l'ai su, mais beaucoup plus tard.

11 Q. Quand était-ce, Monsieur, quand avez-vous appris que l'Unité de Celo

12 avait été cantonnée dans le village ?

13 R. Je ne me souviens pas avec exactitude.

14 Q. Vous souvenez-vous, Monsieur, qui vous a dit que l'Unité de Celo avait

15 été cantonnée dans le village, à l'époque ?

16 R. Je ne pourrais vraiment pas vous le dire, je ne me souviens pas.

17 Q. Est-ce que c'est également ainsi pour ce qui est de l'unité de Caco ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous ne savez pas quand vous avez entendu cette rumeur, vous ne vous

20 souvenez pas qui vous a informé de cette histoire, qui vous a raconté cette

21 histoire ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Est-ce que vous avez entendu parler d'autres unités qui avaient été

24 cantonnées dans le village ? Est-ce que vous avez entendu des rumeurs qui

25 ressemblent à cela ? Est-ce que vous avez entendu parler d'autres unités ?

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1 R. Non.

2 Q. Outre ces unités et les habitants du village, il y avait également un

3 certain nombre de réfugiés qui avaient été logés dans le village au même

4 moment, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Pour ce que vous avez pu voir, ils avaient été placés aux deux endroits

7 dans le village ?

8 R. Au tout début, oui, mais par la suite, seulement sur la rive gauche.

9 Q. Pendant la période pertinente, il y avait des réfugiés qui étaient

10 placés des deux côtés du village, vous pouviez les voir se déplacer de

11 gauche à droite et ainsi de suite ?

12 R. Oui, mais c'était seulement lorsqu'ils étaient à la recherche de

13 vivres.

14 Q. Parmi ces réfugiés, y avait-il un certain nombre de personnes qui

15 avaient été emprisonnées dans des prisons croates; est-ce exact ?

16 R. Les réfugiés étaient venus, d'abord et les prisonniers, ensuite.

17 Q. Monsieur, du meilleur de votre souvenir, pourriez-vous nous dire à quel

18 moment ces prisonniers sont arrivés dans le village de Grabovica ?

19 R. J'ignore la date exacte, mais ils sont arrivés en passant par Dreznica

20 pour arriver à Grabovica.

21 Q. De nouveau, Monsieur, je ne vous demande pas de faire des miracles,

22 mais je fais appel à votre mémoire, dites-nous si vous le savez : à quel

23 moment les détenus sont arrivés à Grabovica, peu de temps après les

24 réfugiés ?

25 R. Oui, ils sont arrivés avant l'incident en question.

Page 50

1 Q. Est-ce que c'est le jour où vous avez travaillé, vous avez décrit dans

2 votre déclaration que vous faisiez la relève, à ce moment-là ?

3 R. Oui, lorsque les prisonniers sont arrivés, oui.

4 Q. Vous nous avez dit, Monsieur, que les réfugiés allaient d'un côté du

5 village à l'autre, à la recherche de la nourriture, mais n'est-il pas exact

6 de dire que toutes les personnes se trouvant dans cette région, mais plus

7 particulièrement, les prisonniers étaient affamés, essayaient de se

8 procurer des vivres ?

9 R. Oui, tout le monde essayait de se procurer des vivres.

10 Q. Est-ce que vous avez remarqué que ces prisonniers avaient perdu

11 énormément de poids pendant leur séjour dans les camps ?

12 R. Oui.

13 Q. L'accusation a donné lecture d'un résumé de votre déclaration et a

14 évoqué un incident lors duquel le commandant des Loups de Cedo est venu

15 dans votre bureau et vous a demandé d'appeler le commandement de Zuka.

16 N'est-il pas exact de dire, Monsieur, que vous n'aviez vu que la voiture de

17 Zuka arriver dans le village, mais vous n'avez pas vu Zuka, lui-même.

18 R. Oui. Oui.

19 Q. De nouveau, Monsieur, je vous demanderais de me dire si vous vous

20 souvenez, lorsque vous avez vu la voiture de Zuka arriver dans le village,

21 il faisait encore jour ?

22 R. Oui.

23 Q. L'Accusation a également fait référence à l'incident où vous avez

24 appris que des meurtres avaient eu lieu dans le village. Vous avez appris

25 qu'il y a eu des meurtres le matin où vous avez terminé votre relève; est-

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1 ce exact ?

2 R. Non.

3 Q. Etait-ce le lendemain ?

4 R. J'étais venu pour ma relève le matin, alors que cet incident s'est

5 déroulé dans la soirée ?

6 Q. J'aimerais savoir à quel moment on vous a appris que des civils avaient

7 été tués dans le village. Est-ce que c'était le lendemain matin lorsque

8 vous avez terminé votre relève ? Ou est-ce que c'est à ce moment-là que

9 vous l'avez appris le matin où vous avez entendu des coups de feu dans le

10 village ?

11 R. Non. Le matin, lorsque je suis arrivé à ma relève, j'ai entendu parler

12 de Nena, d'une Musulmane, qui a eu des coups de feu.

13 Q. Monsieur, vous souvenez-vous si c'était le lendemain matin, si c'était

14 deux jours plus tard, trois jours plus tard ou est-ce que trop de temps

15 s'est écoulé depuis ? Je ne vous demande pas de nous donner des évaluations

16 approximatives, mais dites-nous si vous vous en souvenez ?

17 R. Le lendemain matin, après cet incident, je suis venu pour prendre la

18 relève et c'est à ce moment-là que je l'ai appris.

19 Q. Vous nous avez expliqué que vous êtes allé voir un ami qui portait le

20 prénom d'Andrija, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, avant cet événement.

22 Q. Andrija était un Croate, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Lorsque vous êtes arrivé chez lui, au lieu de voir Andrija, des

25 réfugiés musulmans vous ont ouvert la porte et ils vous ont dit qu'Andrija

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1 s'était fait emmener par la police afin de se faire protéger par eux; est-

2 ce que c'est exact ?

3 R. Oui, une Musulmane répondant au nom de Nena.

4 Q. Nena vous a dit qu'Andrija avait été emmené par la police, lui et

5 d'autres civils croates; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Que c'était pour assurer leur protection que ces personnes avaient été

8 emmenées ?

9 R. Oui.

10 Q. Nena a ajouté que d'autres personnes dont Andrija avaient été emmenées

11 la veille ou au cours de la nuit qui avait précédé votre visite chez elle;

12 est-ce exact ?

13 R. Le matin, j'ai rendu visite à Nena à la maison d'Andrija, mais cela

14 s'était passé au cours de la nuit.

15 Q. Il faudrait que tout soit clair pour ce qui est de l'heure. L'incident

16 s'est produit pendant la nuit et le lendemain matin, vous êtes allé chez

17 Nena dans l'espoir de voir Andrija et c'est à ce moment-là qu'elle vous a

18 raconté ce qui s'était passé au cours de la nuit précédente, qu'il avait

19 été emmené; c'est cela ?

20 R. Oui, qu'ils avaient été emmenés au cours de la nuit, c'est exact.

21 Q. Fort bien. Plus tard, lorsque vous avez appris qu'on avait, en fait,

22 emmené Andrija aux locaux du musée de Jablanica, vous avez eu l'occasion

23 d'aller le voir, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. A cette occasion-là, vous avez dit à Andrija que vous aviez vu ce que

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1 vous croyiez être le cadavre de son frère; est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Quelques questions à ce propos. Lorsque vous avez vu ce corps pour la

4 première fois, il ne portait aucune trace particulière de nature à indiquer

5 la cause du décès, n'est-ce pas ?

6 R. Exact.

7 Q. On ne voyait pas de blessures montrant l'entrée ou la sortie d'un

8 projectile dans le corps, pas de façon visible, à l'œil nu ?

9 R. Je ne l'ai pas vu. Je n'ai pas vu de point d'entrée, ni de sortie.

10 Q. Ce corps ne présentait pas d'ecchymoses ?

11 R. Je n'en ai pas remarqué.

12 Q. Vous n'avez pas constaté, vu de traces de sang, que ce soit sur le

13 corps ou autour de celui-ci ?

14 R. Non.

15 Q. Sur les lieux même, vous n'avez pas pu déterminer de quoi cette

16 personne avait pu mourir ?

17 R. Lorsque j'ai vu le corps, je me suis dit qu'il n'avait pas été abattu,

18 qu'il n'avait pas été tué. Je ne sais pas pourquoi il était mort.

19 Q. Est-ce que vous avez dit ceci à l'enquêteur du bureau du Procureur qui

20 est allé vous interroger à Jablanica ? Vous lui avez dit, "Je ne sais pas

21 de quoi cette personne est morte et peut-être qu'elle était morte de mort

22 naturelle ?" N'est-ce pas ce que vous avez dit à l'enquêteur représentant

23 le bureau du Procureur qui était venu vous voir ?

24 R. Oui, c'est à Sarajevo. C'est là que nous avons parlé et j'ai dit que

25 oui, l'enquêteur a dit non; finalement, on a dit que c'étaient les Juges

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1 qui devaient décider.

2 Q. Mais est-ce que vous avez insisté auprès de l'enquêteur pour dire que

3 cet homme avait pu trouver une mort naturelle ? Est-ce que, cependant,

4 l'enquêteur n'a pas refusé d'accepter ce que vous disiez et a refusé

5 d'inclure ceci dans votre déclaration ?

6 R. Si, mais on s'est mis d'accord pour dire que c'était le Tribunal qui

7 devait décider de cela à Sarajevo.

8 Q. Très bon conseil. Est-ce que vous vous souvenez du nom de cet

9 enquêteur ?

10 R. C'était un Russe, mais je ne me souviens pas de son nom.

11 Q. Est-ce qu'il s'est présenté comme étant un certain Nikolai ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez revu ce cadavre, mais un jour ou deux plus tard ?

14 Est-ce qu'à ce moment-là, lorsque vous l'avez revu, le corps avait été

15 brûlé ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous ne savez pas qui avait brûlé ce corps ?

18 R. Non.

19 Q. Cette deuxième fois-là, lorsque vous avez vu ce cadavre, vous dites

20 avoir vu un orifice de près de 5 centimètres, à l'arrière de la tête ?

21 R. Oui.

22 Q. En 1999, dans une déclaration faite au juge d'instruction du tribunal

23 cantonal de Sarajevo et je cite : "Je peux confirmer avec certitude que cet

24 orifice présent au crâne n'y était pas lorsque j'ai vu, la première fois,

25 ce corps." Vous explicitez, Monsieur ?

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1 R. Oui.

2 Q. Encore quelques questions à poser, et elles concernent la période qui a

3 suivi cet incident. Est-ce que vous êtes au courant du fait, Monsieur,

4 qu'un de vos collègues de la centrale électrique, un certain Osman

5 Kovacevic, a été interrogé à propos des événements de Grabovica ? Est-ce

6 que vous êtes au courant de ce fait-là ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que ce sont les autorités locales de Jablanica qui ont mené cet

9 entretien, peu de temps après la survenue de l'incident ?

10 R. Cela, je ne me souviens pas.

11 Q. Est-ce que vous vous souvenez si celui qui posait les questions

12 s'appelait Ahmet Salihamidzic, membre de la police civile du MUP de

13 Jablanica ?

14 R. Osman ne m'en pas parlé, je ne peux pas vous dire grand-chose.

15 Q. Savez-vous si d'autres personnes, que ce soit des collègues de la

16 centrale hydro-électrique ou d'autres personnes que vous connaissiez aussi,

17 ont également été interrogées, peu de temps après les incidents par les

18 autorités locales ? Est-ce que vous, vous-même, vous avez été interrogé ?

19 R. Non, je n'ai pas été interrogé; d'ailleurs, je ne peux pas dire grand-

20 chose.

21 Q. Est-ce que vous savez si Alija Turkic, un de vos collègues, a été

22 interrogé peu de temps après l'incident ?

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

24 Mme CHANA : [interprétation] Le témoin l'a dit, il ne le sait pas. Il était

25 très clair et mon estimé confrère lui donne davantage. Non, je ne vois pas

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1 l'intérêt. Le témoin était tout à fait clair qu'il ne sait pas qui a été

2 interrogé, cela devrait suffire.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

4 M. METTRAUX : [interprétation] J'essaie simplement d'essayer de rafraîchir

5 la mémoire du témoin en lui soumettant tel ou tel nom dont il pourrait se

6 souvenir, nom de personnes avec qui il a, éventuellement, discuté de la

7 question, mais je n'ai pas d'autre nom à soumettre au témoin.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais vu les réponses données par le

9 témoin, tout est clair. Il a dit, "Voilà, je ne sais pas." Il dit, "Je ne

10 sais pas dire grand-chose à ce propos."

11 M. METTRAUX : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. De toute

12 façon, ceci aurait été notre dernière question à l'intention du témoin.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

14 Questions supplémentaires, Madame Chana ?

15 Mme CHANA : [interprétation] Une seule, si vous m'y autorisez.

16 Nouvel interrogatoire par Mme Chana :

17 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, on vous a demandé où étaient les

18 réfugiés. Est-ce que vous pourriez tirer au clair un point. Vous avez

19 d'abord dit qu'ils étaient des deux côtés et, uniquement, sur la rive

20 gauche. Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Si on prend l'incident de Grabovica, comme point de référence, où

23 étaient les réfugiés ? Avant ce point ? Où étaient-ils pendant ce point et

24 après ?

25 M. METTRAUX : [interprétation] Objection à ce que le témoin réponde parce

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1 qu'il a indiqué qu'à l'époque, ils étaient des deux côtés.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Malgré tout, ce n'est pas encore clair

3 dans mon esprit. Il ne serait pas inutile d'entendre la réponse du témoin.

4 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 R. Si vous prenez un point, à ce moment-là, les réfugiés étaient des deux

6 côtés sur les deux rives, jusqu'au moment où l'armée est venue de Sarajevo.

7 Lorsque l'armée de Sarajevo est venue, les réfugiés ne se sont plus trouvés

8 que sur la rive gauche de la rivière. Ils étaient à la recherche de

9 nourriture et à ce moment-là, quand ils le faisaient, ils étaient des deux

10 côtés, mais ils étaient logés sur la rive gauche.

11 Mme CHANA : [interprétation]

12 Q. Lorsqu'ils étaient à la recherche de nourriture, c'était après

13 l'incident, n'est-ce pas ?

14 M. METTRAUX : [interprétation] Objection. Pas de questions directrices, on

15 est en questions supplémentaires.

16 Mme CHANA : [interprétation] Non, c'est ce que le témoin a dit. Je demande

17 simplement confirmation.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ce n'est pas une question directrice, à

19 mon avis.

20 Mme CHANA : [interprétation]

21 Q. Oui. Pourriez-vous --

22 R. Les réfugiés étaient sur les deux rives, à la recherche de nourriture,

23 sur les deux côtés. Une fois que les soldats sont arrivés, les réfugiés

24 n'ont plus été que sur la rive gauche parce que sur la rive droite, il ne

25 restait plus rien. On avait, à mon avis, fini.

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1 Q. Quand est-ce que les réfugiés se sont remis à chercher de quoi manger ?

2 R. Quand les réfugiés sont venus de Capljina à Grabovica, ils étaient

3 affamés, il n'y avait rien à manger. Ils ont aussitôt commencé à chercher

4 quelque chose à mettre sous la dent.

5 Q. Parlons de cette rive et de ce camp de détenus. Quand est-ce qu'ils

6 sont arrivés ? Je veux dire avec comme point de référence l'incident. Avant

7 ou après ?

8 R. Avant.

9 Q. Ces gens-là, où est-ce qu'on les a logés ? Où est-ce qu'ils ont trouvé

10 où se loger ?

11 R. Ce n'était pas vraiment du logement. Où ils sont arrivés, ils sont

12 restés, à l'endroit où ils sont arrivés.

13 Q. Mais une fois que ces effectifs de l'ABiH sont arrivés de Sarajevo, où

14 est-ce que ces autres personnes, ces détenus de camp se sont trouvés ?

15 R. Ils étaient sur la rive gauche.

16 Mme CHANA : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, à consulter

17 ma commise à l'affaire.

18 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

19 Mme CHANA : [interprétation] Je n'aurai pas d'autres questions. Merci,

20 Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

22 Est-ce que les parties demandent le versement des documents ?

23 M. METTRAUX : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Président.

24 Mme CHANA : [interprétation] Non.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Témoin,

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1 d'être venu déposer à La Haye. Madame l'Huissière va vous aider à sortir de

2 ce prétoire et nous vous souhaitons un bon retour chez vous.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

4 [Le témoin se retire]

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey, y a-t-il quelque chose

6 à dire à propos du témoin suivant ?

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'allais peut-

8 être proposer de faire la pause maintenant avant qu'il ne commence, mais M.

9 Re vient d'arriver, à lui de décider, pour savoir s'il commence

10 l'interrogatoire principal maintenant ou pas.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re, vous allez procéder à

12 l'interrogatoire principal du témoin ?

13 M. RE : [interprétation] Oui, je viens de lui parler. Il est prêt à

14 commencer, si vous êtes prêt à commencer aussi, Messieurs les Juges.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Fort bien. Est-ce que nous pouvons avoir

16 le témoin suivant.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous m'entendez ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vais vous demander de prononcer la

23 déclaration solennelle dont le texte vous est présenté par Madame

24 l'Huissière.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 LE TÉMOIN: NERMIN EMINOVIC [Assermenté]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur. Veuillez

5 vous asseoir.

6 Monsieur Re, vous avez la parole.

7 Interrogatoire principal par M. Re :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Eminovic. Quelques détails

9 personnels aux fins du dossier d'audience. Je vais vous faire parcourir

10 certains éléments vous concernant.

11 Vous vous appelez bien Nermin Eminovic ? Etes-vous bien né le 12 octobre

12 1955 ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Aujourd'hui - et ceci depuis un certain temps - vous êtes employé au

15 sein de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et plus exactement, au

16 ministère de la Défense.

17 R. Oui. Ministère fédéral de la Défense, effectivement.

18 Q. Vous avez fait votre service militaire dans la JNA en 1982 dans une

19 unité du génie et vous avez d'ailleurs des qualifications en tant

20 qu'ingénieur, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. A l'aide de ces qualifications que vous avez acquises en tant

23 qu'ingénieur, lorsque a commencé la guerre en 1992 en Bosnie-Herzégovine,

24 vous étiez employé dans une usine de Sarajevo ou de la région de Sarajevo ?

25 R. Oui.

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1 Q. En avril 1992, vous avez rejoint les rangs de la Défense territoriale à

2 Sarajevo ?

3 R. Oui.

4 Q. Là, je saute une année, j'arrive au mois de juin 1993. A ce moment-là,

5 au moment où se forme le 6e Corps d'armée, vous devenez adjoint au

6 commandant chargé de la Sécurité militaire de ce corps; est-ce exact ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous êtes resté dans l'armée de Bosnie-Herzégovine jusqu'au début de

9 1996 ?

10 R. Oui.

11 Q. Après la signature des accords de Dayton ?

12 R. Oui.

13 Q. En juin 1993, lorsque vous avez été adjoint au commandant chargé de

14 sécurité militaire, est-ce que vous étiez membre des services de Sécurité

15 militaire ?

16 R. Non. Il faudrait que je vous explique. Je n'étais pas officiellement

17 accepté au sein de ce service de Sécurité militaire. J'ai travaillé dans ce

18 service, mais jamais, je n'en suis devenu un membre officiel. C'est plus

19 tard que j'ai été admis dans ce service.

20 Q. Qui était votre supérieur immédiat lorsqu'à partir, disons, de juin

21 1993, lorsque vous étiez engagé dans ce commandement du 6e Corps ?

22 R. Mon commandant immédiatement supérieur, c'était un commandant du corps,

23 Salko Gusic. C'était mon supérieur hiérarchique direct.

24 Q. Qu'en est-il de Jusuf Jasarevic ? Est-ce que vous deviez répondre à lui

25 exactement ? Est-ce qu'il était votre supérieur ?

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1 R. Oui. Maintenant, vous parlez de la voie hiérarchique, organique,

2 officielle, la voie hiérarchique officielle.

3 Q. La Chambre a déjà entendu beaucoup d'éléments de preuve faisant état

4 des voies par lesquelles les rapports se faisaient au sein de services de

5 Sécurité militaire. N'en parlons pas trop longuement. Je voulais simplement

6 tirer une chose au clair : est-ce que vous voulez dire qu'il y avait une

7 voie parallèle par laquelle les gens faisaient rapport, une allant jusqu'à

8 Salko Gusic et l'autre, à Jusuf Jasarevic, vu vos attributions ?

9 R. Oui. Gusic était plutôt mon supérieur immédiat et je devais exécuter

10 les ordres qu'il donnait. Pour ce qui est de la voie hiérarchique

11 organique, cela était en rapport aussi avec ma profession et j'avais aussi

12 des obligations envers Jasarevic qui était le chef de l'administration de

13 la sécurité. Je devais l'informer de toute évolution importante intervenant

14 dans le domaine de responsabilité, dans les unités et dans les

15 commandements.

16 Q. Est-ce que vous étiez cantonné au QG du 6e Corps à Konjic ?

17 R. Oui. Le commandement du corps à Konjic.

18 Q. Pourriez-vous, à l'intention des Juges, énumérer les attributions qui

19 étaient les vôtres à ce poste ?

20 R. Est-ce que vous pourriez être un peu plus précis ? Vous parlez de

21 quelles attributions ? De quelles obligations ?

22 Q. Il y a un instant, vous avez dit à la Chambre que vous aviez des

23 obligations envers M. Jasarevic qui était le chef de l'administration de la

24 sécurité. Vous deviez l'informer de toutes les choses importantes qui se

25 passaient dans sa zone de responsabilité. Je vous demande, maintenant, de

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1 dire aux Juges ceci : vous faisiez rapport à M. Jasarevic de ces questions,

2 mais quelles autres attributions, quelles autres responsabilités aviez-

3 vous ? Qu'est-ce que vous avez fait, en un mot ?

4 R. J'avais toute une gamme de responsabilités. S'il se passait des

5 événements importants en rapport avec la question du contrôle du

6 commandement, je devais en faire rapport au commandant. J'avais également

7 pour obligation d'assurer la protection de l'unité sur toutes les facettes

8 du commandement et ma tâche la plus importante, c'était la protection par

9 contre-espionnage des unités et des personnes en situation de commandement.

10 J'avais également pour tâche de diriger la police militaire.

11 Q. Prenons ces tâches une à la fois. Vous parlez d'assurer la protection

12 sous toutes ses facettes du commandement. Qu'est-ce que vous avez fait

13 exactement ?

14 R. Quand je dis "protection," il faut prendre cela au sens large,

15 protection, s'il y a sabotage, pour éviter des sabotages, pour éviter qu'il

16 y ait découverte; enfin, c'était toute une série de mesures, d'activités

17 visant à assurer la protection de l'unité pour éviter qu'il y ait fuite

18 d'information confidentielle. Je pourrais vous en dire davantage, mais

19 c'était pratiquement cela.

20 Q. Est-ce que vous pourriez illustrer ceci par un exemple ? Nous aurons

21 une idée plus concrète du genre de travail que vous avez fait.

22 R. Un exemple : des munitions, des armes disparaissaient, armes et

23 munitions appartenant à l'unité. C'était un problème à cause de la

24 situation qui régnait en Bosnie. Beaucoup de gens sont arrivés dans notre

25 zone de responsabilité, beaucoup de gens ont acheté des minutions en

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1 échange contre de l'argent, du tabac, des gens ont acheté des fusils, des

2 grenades à main, d'autres armes aussi. Cela s'est toujours fait de façon

3 individuelle. Bien souvent, il arrivait des groupes organisés et nous, il

4 fallait surveiller ces mouvements et essayer d'assurer la protection.

5 Autre exemple, la construction d'une piste d'atterrissage et de décollage

6 pour les hélicoptères. Il a fallu surveiller cela parce qu'on s'est dit

7 qu'il risquait d'y avoir une attaque ennemie dans ce contexte.

8 Q. Merci.

9 R. Je ne sais pas si ceci vous suffit.

10 Q. Oui, pour ce qui est de cette fonction-là, oui.

11 Prenons un autre aspect; celui du contre-espionnage. Est-ce que vous

12 pourriez, en quelques mots, dire aux Juges qu'elles étaient précisément vos

13 activités de contre-espionnage dans le 6e Corps, dans la région de Konjic

14 en 1993 ?

15 R. Dans la région de Konjic en Herzégovine à l'époque -- comment dire ?

16 Cette zone a été fort touchée par la guerre d'abord, la guerre avec

17 l'agresseur qui était la Serbie-et-Monténégro et la trahison du HVO. La

18 région connaissait beaucoup de problèmes qui n'avaient pas été résolus. Il

19 y avait un problème de subordination, de resubordination entre les unités,

20 la question de la communication entre les unités. Tout ceci a été la cause

21 de nombreux problèmes. A cause des événements qui c'étaient produits

22 auparavant, il régnait beaucoup une situation très précaire, beaucoup

23 d'insécurité. On me disait souvent : "Voilà, oui, vous êtes un nouveau

24 commandement. Les commandants, ils vont et viennent, et nous nous restons."

25 Ce qui a été le plus difficile, c'était d'instaurer un climat de confiance

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1 parmi les effectifs et aussi au niveau des unités.

2 Un des problèmes que j'ai personnellement rencontré au sein du service,

3 était le développement et l'établissement du service en tant que tel. Il y

4 avait bien des gens sur les lieux, mais ces gens, on les y avait placés

5 sans tenir compte de critères particuliers, ou sans les critères

6 personnellement établis par le commandant. Ce n'était pas une bonne chose.

7 Il a fallu, petit à petit, établir, construire ces services. Cela a pris

8 beaucoup de temps. Il a fallu sélectionner du personnel. Pour moi, c'était

9 quelque chose de nouveau. Je ne connaissais pas les gens. Ce n'était pas

10 quelque chose qu'on pouvait faire très rapidement. Voilà quelques-uns des

11 problèmes généraux que j'ai rencontrés.

12 Q. Quand vous parlez du service, est-ce que vous parlez du service de

13 Sécurité militaire ?

14 R. Oui. Excusez-moi, je n'ai pas été très clair. Je n'ai pas toujours été

15 précis, parce que dans je dis "service", je veux dire service de Sécurité

16 militaire. J'essaierai d'être plus précis maintenant.

17 Q. Ce service de Sécurité militaire, est-ce que c'est un "service de

18 commandement" ?

19 R. Est-ce que vous pourriez être un peu plus clair ? Je ne comprends pas

20 très bien ce que vous voulez dire par "service de Commandement".

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Moi non plus je ne comprends pas.

22 M. RE : [interprétation] Je vais retirer cette question.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

24 M. RE : [interprétation]

25 Q. Monsieur Eminovic, au quotidien, combien de contacts avez-vous eus

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1 d'abord avec M. Gusic, et en second lieu avec

2 M. Jasarevic ?

3 R. J'avais des contacts quotidiens avec M. Gusic. S'il était là, s'il

4 voulait me voir, ou si je devais le voir. Très souvent, nous étions dans

5 des lieux différents, et nous ne nous sommes pas vus pendant quelques

6 jours.

7 Pour ce qui est de M. Jasarevic, j'ai eu des contacts avec lui lorsqu'il

8 fallait qu'il me parle ou qu'il fallait qu'il me donne des instructions ou

9 encore lorsqu'il voulait que je l'informe sur telle ou telle chose. A

10 l'époque, des demandes de rapports à faire à

11 M. Jasarevic sont bien venus. Mais vu l'évolution de la situation dans la

12 zone, il a été impossible de répondre à cette demande.

13 Q. A partir du mois de juin 1993, pourriez-vous nous dire, de façon

14 générale, si vous avez eu beaucoup de contacts avec

15 M. Jasarevic ?

16 R. Vous voulez parler de mes contacts que j'ai eus avec lui, ou est-ce que

17 vous parlez de transmissions via les moyens de transmission ?

18 Q. Les deux.

19 R. Pour ce qui est des contacts que j'ai eus personnellement avec lui,

20 cela se situe peut-être à quatre ou cinq contacts, pas plus. Je me trompe

21 peut-être. Peut-être y en a-t-il eu deux ou trois de plus, mais ce furent

22 des contacts personnels lorsque je suis allé à Sarajevo, lorsque j'ai

23 rencontré à Sarajevo, M. Jasarevic.

24 Pour ce qui est des communications établies par les voies de transmission,

25 si nous devions nous parler, nous ne parlions pas verbalement. Nous

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1 communiquions par message ou par des lignes sécurisées. C'est comme cela

2 que nous nous sommes transmis des documents.

3 Q. Troisième responsabilité qui était la vôtre dont vous avez parlé

4 auparavant concernait la police militaire. Quelles étaient vos obligations

5 pour ce qui est de la police militaire au sein du

6 6e Corps ?

7 R. La police militaire faisait partie du corps d'armée. Son commandant, le

8 commandant du corps était aussi le commandant de la police militaire. Par

9 rapport à la police militaire, j'étais chargé de faire ceci : je devais

10 préparer des textes spécialisés qui devaient assurer la sécurité de

11 certaines installations. J'apportais des corrections. C'est de cette façon-

12 là que je les aidais.

13 Lorsque la police militaire devait intervenir pour des tâches précises, si

14 le besoin se faisait sentir, par exemple, lorsque le tribunal a commencé à

15 fonctionner, lorsqu'une personne ayant été arrêtée devait être emmenée au

16 tribunal, je les aidais à faire ce genre de choses. Voilà quelles étaient

17 mes responsabilités par rapport à la police militaire. Je n'avais pas de

18 rôle de commandement.

19 Q. Est-ce que vous pouviez donner des ordres à la police militaire ?

20 R. Le commandant m'a autorisé, dans certains cas, à donner des ordres,

21 mais cet ordre ne considérait que des tâches très, très précises, pas des

22 tâches plus générales.

23 Un exemple, s'il fallait assurer le transport d'un détenu de la prison au

24 tribunal, voilà j'avais ce pouvoir-là, mais je n'avais pas de pouvoirs

25 généraux.

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1 Encore, si on réquisitionnait tel ou tel matériel, si le ministère de la

2 Défense me le demandait, je pouvais envoyer la police militaire qui avait

3 aidé à l'exécution de ladite tâche.

4 Q. Est-ce que vous avez joué un rôle quelconque pour ce qui est d'enquêtes

5 diligentées suite à des actes criminels répréhensibles commis par des

6 membres de l'armée ?

7 R. Si nous avions des indices dans ce sens. D'abord, je vais vous dire

8 ceci : la police était un organe, qui souvent, recevait des informations.

9 La police nous ramenait ces informations, et nous essayions d'enquêter.

10 J'avais pour obligation, de discuter de tous ces renseignements avec la

11 police, de les analyser, d'effectuer certaines mesures s'inscrivant dans

12 les activités de la police. Après quoi, nous exécutions ces mesures. Si

13 nous déterminions qu'un crime, une infraction avait été commise, nous

14 envoyions un rapport d'instruction ou une ordonnance de renvoi au tribunal

15 qui poursuivait la procédure. A ce moment-là, la police militaire avait

16 tous les pouvoirs qu'avait la police civile, mais ceci ne s'appliquait

17 qu'au personnel militaire. Nous pouvions garder quelqu'un en détention

18 pendant 72 heures si on soupçonnait cette personne d'être l'auteur d'une

19 infraction. S'il était, ou il y avait des preuves indiquant qu'il y avait

20 eu commission d'un crime, le commandant devait signer un rapport instiguant

21 une poursuite contre l'auteur de ce crime. Je parle ici du commandant

22 d'unité. C'était quelque chose qui était très particulier à la police

23 militaire.

24 Q. Il y a un instant, vous avez parlé du tribunal. Vous vouliez parler du

25 juge d'instruction ?

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1 R. Oui, c'est ce que je voulais dire.

2 Q. A quel tribunal pensiez-vous ?

3 R. A l'époque, il y avait le tribunal qui était saisi des délits et

4 contraventions, au moment où le 6e Corps a été établi. Il n'y avait, mis à

5 part le tribunal municipal, il n'y avait aucune instance judiciaire ayant

6 les compétences nécessaires pour se saisir de tels dossiers. J'ai insisté

7 parce qu'il y avait un besoin qui se faisait ressentir. Vers la fin du mois

8 d'août, un service, ou une section du tribunal militaire de district ou

9 régional a été créé à Konjic. Disons que le procès s'est mis en branle à ce

10 moment-là, la procédure. En octobre, ou peut-être un peu plus tôt, c'est

11 seulement à ce moment-là que cette section a commencé à fonctionner de

12 façon, disons, un peu plus sérieuse.

13 Q. Avant la commission des crimes à Grabovica, est-ce que vous, en

14 personne, vous aviez participé à une quelconque enquête suite à des

15 infractions qui auraient été le fait des membres du

16 6e Corps ?

17 R. Oui, il y a eu, à l'époque, des renseignements concernant certains

18 délits, crimes. Nous avons eu à nous occuper de certaines enquêtes. Nous

19 avions même des plans au niveau de certaines des unités. La tâche de tous

20 les assistants dans les brigades, était de recueillir tous les

21 renseignements utiles et de préparer les rapports concernant les

22 infractions pénales. Il y avait des renseignements de ce genre. Par la

23 suite, dans plusieurs affaires, des procédures judiciaires ont été

24 entamées. A l'époque, nous étions en train de nous occuper d'un certain

25 nombre d'enquêtes. Pour l'essentiel des cas, dans une certaine mesure,

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1 impliquaient des contacts avec l'ennemi. Je peux même préciser quelles

2 affaires et quel type d'actes j'ai à l'esprit, quel type de crimes ou de

3 délits j'ai à l'esprit.

4 Pour commencer, il y avait de la contrebande à laquelle participait la

5 partie adverse, les ennemis. Ceci était l'un de nos plus grands problèmes.

6 Il y avait également un certain nombre de délits qui entraient, ou même de

7 crimes qui entraient dans la catégorie des crimes de guerre, qui avaient

8 été commis précédemment.

9 Q. Par qui ?

10 R. Essentiellement par des membres de l'armée, des membres de l'armée et

11 de ce qui était à l'époque le 6e Corps. Il y avait également d'autres

12 unités. Ils s'étaient trouvés dans d'autres unités. Comme ils s'étaient

13 retrouvés sous le commandement du

14 6e Corps, il y avait des hommes qui avaient commis des crimes en tant que

15 membres de l'armée, mais qui n'étaient plus membres de l'armée.

16 Q. Monsieur, combien d'hommes de la police militaire se trouvaient au 6e

17 Corps ?

18 R. Il y avait un Bataillon de la Police militaire au 6e Corps. Il

19 comportait deux compagnies; une des compagnies était à Jablanica, et

20 l'autre à Konjic. A l'époque, lorsque l'unité de la Brigade motorisée, je

21 crois qu'elle était appelée ainsi. C'était la

22 302e Brigade motorisée de Visoko. Elle faisait partie du corps. Elle avait

23 aussi une compagnie militaire, mais qui n'était pas là tout le temps. Nous

24 avions essayé de faire en sorte que cette compagnie puisse renforcer le

25 Bataillon de la Police militaire. Ces deux compagnies à Jablanica et

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1 Konjic, qui, de façon continue, représentaient -- bon, il se peut que je me

2 trompe, mais environ 60 hommes chacune. Je crois, qu'à ce moment-là, ce qui

3 avait été prévu comme effectif, c'était 76. Mais les compagnies n'étaient

4 pas à 100 % de leurs effectifs prévus.

5 Egalement il y avait une dizaine d'hommes dans le Bataillon de

6 Commandement, environ 10.

7 Q. Vous avez dit qu'il y en avait un à Konjic, et l'autre à Jablanica. Où

8 se trouvait la police militaire ?

9 R. Oui.

10 Q. Où se trouvait baser la police militaire à Jablanica ?

11 R. C'était dans une école qui s'y trouvait. Je ne sais pas très bien

12 comment expliquer. Il y avait un bâtiment d'école dans laquelle le

13 commandement de la 44e était également situé. Une somme de bataillons,

14 c'était une unité militaire qui s'y trouvait. Le département chargé des

15 Enquêtes de cette compagnie était situé dans un bâtiment en ville. Je ne

16 sais pas exactement quelle était l'adresse.

17 Q. Quelle est la distance entre Konjic et Jablanica ?

18 R. Environ 20 kilomètres.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que le moment ne serait pas bien

20 venu pour suspendre l'audience ?

21 M. RE : [interprétation] Pourrais-je être autorisé à poser encore une

22 question sur cet aspect.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, allez-y.

24 M. RE : [interprétation]

25 Q. Combien de temps fallait-il -- c'est en 1993, combien de temps vous a-

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1 t-il fallu pour vous rendre de Konjic à Jablanica ?

2 R. Avec un véhicule, environ six heures, disons. En gros, je pense que

3 cela aurait pris de quatre, à cinq, à six ou sept heures. Cela dépendait du

4 véhicule. A pied, on aurait pu y parvenir en quatre ou cinq heures. La

5 raison de cela, c'était qu'il fallait prendre une route par la forêt qui

6 faisait un grand détour car la route asphaltée était interrompue à Dretelj,

7 qui était dans l'Etat du HVO. Il y avait environ 400 à 500 mètres ou peut-

8 être un kilomètre, tout au plus. On ne pouvait pas passer par là. Voilà

9 comment était la situation en septembre.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous reprendrons à 12 heures 30. La

11 séance est suspendue.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 32.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Re. Vous pouvez

15 poursuivre.

16 M. RE : [interprétation]

17 Q. Qui était le commandant de la police militaire du 6e Corps au mois

18 d'août et au mois de septembre 1993 ?

19 R. Nusret Sahic. C'était son nom, son prénom et son nom.

20 Q. Sefer Halilovic, qui était-il ? Quelles étaient ses fonctions en août,

21 septembre 1993 ?

22 R. Le général Halilovic avait le poste de chef d'état-major de l'ABiH, de

23 la République de Bosnie-Herzégovine.

24 Q. Est-ce qu'il est jamais venu visiter le quartier général du 6e Corps à

25 Konjic ?

Page 73

1 R. Personnellement, je sais que le général Halilovic est venu rendre

2 visite une fois au commandement du 6e Corps et je crois que c'était vers la

3 fin du mois d'août. Je ne peux pas en être absolument sûr, toutefois.

4 Q. Qu'a-t-il fait lorsqu'il est venu au quartier général du 6e Corps ?

5 R. Le général Halilovic, je crois, avait une visite à faire, bien qu'il

6 n'avait pas été annoncé. C'était, en fait, en passant. Je ne peux pas

7 vraiment expliquer, mais il se trouve qu'il était là, à ce moment-là. Il

8 est probable que je ne me souviendrais même pas de cette visite, si je

9 n'avais ce souvenir du fait qu'il y avait eu plusieurs commandants de

10 brigades qui s'étaient trouvés là, ainsi que Mirko Pitkic, commandant de la

11 43e Brigade était présent. C'est cela qui reste dans ma mémoire et pour

12 être très sincère, je ne sais même pas pourquoi j'étais là. Peut-être en

13 tant que hôte. Je n'en suis pas sûr. A mon avis, il avait été assez dur

14 avec le commandement de la 43e Brigade. A mon avis, ceci n'était pas

15 justifié. C'est la raison pour laquelle je me souviens de cette visite.

16 Q. Est-ce que vous vous rappelez maintenant si M. Gusic, le commandant, se

17 trouvait à cette réunion ?

18 R. Je ne suis pas sûr. Vraiment, je ne suis pas sûr. La raison pour

19 laquelle je me souviens de ce que je vous ai dit, c'est que le général

20 Halilovic avait été très dur avec le commandant de la

21 43e Brigade. Cet homme avait pleuré. C'est pour cela que je m'en souviens.

22 C'est la raison pour laquelle je m'en souviens. Je ne sais pas qui avait

23 d'autre sur place. C'est le seul détail qui me revient. Il n'y a rien

24 d'autre dans ma mémoire à ce sujet.

25 Q. Sur quoi portait cette réunion ? Est-ce que vous pouvez vous souvenir

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1 de l'objet de cette réunion ?

2 R. Je ne pense pas que c'était une réunion militaire au sens d'un briefing

3 ou d'un débriefing ou de l'attribution de mission ou de tâche. C'était

4 plutôt des discours politiques et le genre de choses dont on parle en

5 général. C'était juste une visite en passant. Il n'a fait que passer. Voilà

6 comment je l'ai vécu.

7 Q. Est-ce que vous savez ce que c'est qu'un poste de commandement avancé ?

8 R. Oui.

9 Q. Y avait-il des postes de commandement avancés dans le secteur dans

10 lequel vous travailliez en 1993 ?

11 R. D'après ce qui figurait dans les documents écrits et ce que disaient

12 les gens, il existait un poste de commandement avancé à Donja Jablanica,

13 poste de commandement avancé du commandement Suprême. C'est tout ce que je

14 peux dire pour le moment.

15 Q. Comment est-ce que vous avez appris l'existence de ce poste de

16 commandement avancé à Donja Jablanica, poste de commandement avancé du

17 commandement Suprême ?

18 R. Je n'ai pas su grand-chose. C'est seulement que le chef d'état-major y

19 était, le général Halilovic. Qu'avec lui dans son équipe, il y avait ce

20 monsieur, ou plutôt par la suite, le général de brigade Vehbija Karic, le

21 général Suljevic et, je crois, le général Bilajac, et qu'il y avait Namik

22 Dzankovic.

23 Q. Qui était chargé de ce poste de commandement avancé ? Qui était le

24 commandant du poste de commandement avancé ?

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, j'objecte à cette

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1 question.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Il y a eu des éléments de preuve très

4 clairs selon lesquels il n'y avait personne qui exerçait le commandement

5 dans les postes de commandement avancés. C'est un poste de commandement.

6 C'est une question qui a déjà été posée, que l'on a déjà -- qui a déjà eu

7 une réponse. Cela je n'y objecte pas, mais c'est la question de savoir qui

8 commandait cette équipe.

9 M. RE : [interprétation] D'accord, je vais poursuivre de façon à gagner du

10 temps.

11 Q. Monsieur Eminovic, vous dites qu'il y avait une équipe. Quel était le

12 nom de cette équipe ?

13 R. Personnellement, je ne sais pas quel était le nom donné à cette équipe.

14 Pour être exact, j'ai appris, par la suite, quel était son nom, mais à ce

15 moment-là, je ne le savais pas. A ce moment-là, pour moi, c'était juste un

16 poste de commandement avancé. Je veux parler du mois d'août et du mois de

17 septembre 1993. C'est la période dont je parle. J'ai appris d'autres

18 détails par la suite. Peut-être que ceci pourrait m'amener à dire certaines

19 choses.

20 Q. Qu'est-ce que vous avez appris quand au nom donné à cette équipe par la

21 suite ?

22 R. Je pense que c'était une équipe d'inspection ou quelque chose comme

23 cela.

24 Q. Qui était le commandant le plus ancien de ce poste de commandement

25 avancé à Donja Jablanica ?

Page 76

1 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

2 c'est une objection que j'ai déjà évoquée. Mon objection porte sur

3 l'utilisation du terme "commandant" juxtaposé à "poste de commandement

4 avancé". Je n'objecte pas à ce que ce témoin fasse sa déposition quant à

5 savoir qui était le plus ancien parmi les personnes qui se trouvaient là;

6 ce n'était pas mon objection. Je dis cela pour que mon confrère comprenne

7 ce à quoi j'objecte. C'est la juxtaposition de "commandant" plus "poste de

8 commandement" qui me préoccupe, étant donné la déposition qui a déjà été

9 faite.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Puisqu'il existe un poste de

11 commandement, il faut bien qu'il y ait quelqu'un ou un groupe de personnes

12 qui était chargé de ce poste.

13 M. MORRISSEY : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que c'est

14 un problème de doctrine militaire, que votre Tribunal pourra avoir à

15 traiter par la suite, parce que les éléments de preuve que nous avons

16 cherchés pour essayer de savoir ce qu'il en était, je crois que le compte

17 rendu montrerait que nous avons entendu avec M. Cikotic et d'autres, qu'un

18 poste de commandement avancé en tant que tel n'a pas de commandant; c'est

19 un poste de commandement, c'est un lieu, c'est un endroit. A la question de

20 ce commandant, était que je ne veux pas faire un discours à ce sujet, mais

21 je suis conscient de la situation. Ce n'est pas un problème de savoir qui

22 était le plus ancien, mais sinon, bien sûr, il pourra répondre à la

23 question.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, bien sûr.

25 Vous pouvez poursuivre.

Page 77

1 Oui, Monsieur Re, vous pourrez poursuivre.

2 M. RE : [interprétation]

3 Q. Ma question était de savoir qui était le commandant le plus ancien qui

4 se trouvait au poste de commandement avancé.

5 R. L'officier le plus ancien était le chef d'état-major; le général

6 Halilovic. Il n'y avait pas d'autorité militaire supérieure plus élevée à

7 l'époque.

8 Q. Qui commandait l'équipe qui se trouvait au poste de commandement

9 avancée ?

10 R. A vrai dire, je ne comprends pas votre question, qui était de savoir

11 qui commandait l'équipe. De quelle équipe voulez-vous parler ? Est-ce que

12 vous pourriez préciser ou clarifier ?

13 R. Le poste de commandement avancé, d'après vous -- non je retire ma

14 question. Vous avez dit que le général Halilovic était l'officier supérieur

15 le plus ancien au poste de commandement avancé, et qui était chargé, ou

16 excusez-moi, qui exerçait le commandement de ceux qui se trouvaient poster

17 dans ce poste de commandement avancé ?

18 R. A vrai dire je n'ai pas eu connaissance, je n'ai participé à une tâche

19 quelconque. Pour moi, c'était simplement des gens qui venaient du

20 commandement supérieur. Personnellement, je n'ai rien eu à voir avec leurs

21 travaux. Je n'étais pas présent. Je ne sais pas comment tout ceci

22 fonctionnait. Ce que je sais, c'est que le général Halilovic était

23 l'autorité militaire la plus élevée qui se trouvait là. Voilà comment j'ai

24 compris les choses. Si je peux être utile d'une manière ou d'une autre, je

25 serais heureux de l'être. Voilà comment j'ai compris la situation.

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1 Q. Bien. Où à Donja Jablanica se trouvait ce poste de commandement

2 avancé ?

3 R. Tout à l'heure, j'ai dit que je ne me trouvais pas là à cet endroit-là,

4 mais je sais où cela se trouvait exactement puisque je passais par là.

5 C'est là que se trouvait selon mes connaissances la base de Zuka. Il s'agit

6 de quelques maisons. Lorsqu'on parlait de base de poste de commandement

7 avancé, il n'y avait pas vraiment d'endroit particulier. C'était simplement

8 une région dans laquelle se trouvaient des maisons habitées. C'était notre

9 poste de commandement avancé, si vous voulez. Il n'y avait pas d'autres

10 endroits plus précis que cela.

11 Q. Zuka, c'est Alispago Zulfikar, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Son unité était subordonnée à qui, selon vous ? Est-ce que vous le

14 savez ?

15 R. C'était un détachement chargé des tâches spéciales telles que nommées

16 par le commandement. C'était une unité du QG principal de l'état-major qui

17 était chargé des tâches spéciales ou particulières.

18 Q. Savez-vous où se trouve le village de Grabovica ?

19 R. Oui, certainement.

20 Q. Pourriez-vous nous dire maintenant si ce village se trouvait dans la

21 zone de responsabilité du 6e Corps d'armée en septembre 1993 ?

22 R. Je crois que oui, mais ce sont les employés mêmes, les personnes

23 chargées des opérations qui pourraient vous le dire. C'est eux qui

24 s'occupaient de cette zone. Ils sont le mieux en mesure de vous le dire.

25 Q. Je vous pose cette question aujourd'hui pour savoir si vous êtes mieux

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1 habilité aujourd'hui de savoir si cette zone se trouvait dans la

2 responsabilité du 6e Corps d'armée, ou si en septembre vous le saviez

3 également, en septembre 1993.

4 R. A l'époque, vous savez, en septembre 1993, j'aurais pu poser des

5 questions à ce sujet, j'aurais pu me renseigner. Je dis cela, parce que

6 s'agissant de l'ordre selon lequel le 6e corps a été créé, ce 6e Corps selon

7 conformément aux municipalités. Je ne savais même pas en septembre 1993 que

8 Grabovica appartenait à la municipalité de Mostar, par exemple. C'est selon

9 les municipalités que l'on a procédé. Je dois vous avouer, qu'à l'époque,

10 je ne savais pas à quelle municipalité certaines zones appartenaient.

11 Maintenant, pour la municipalité de Mostar, selon l'ordre organisationnel,

12 elle n'appartenait pas au 6e Corps. La municipalité de Mostar ne faisait

13 pas partie de ce 6e Corps; elle n'était pas dans leur zone de

14 responsabilité. Il est certain que si vous demandiez aux officiers

15 opérationnels, ils pourront être mieux à même de vous répondre à cette

16 question.

17 Q. N'avez-vous jamais entendu parler d'une opération militaire qui

18 s'appelle Neretva ?

19 R. Mon Dieu, opération qui porte le nom de Neretva. Oui. Voilà, j'en ai

20 entendu parler, oui, oui.

21 Q. Quand ? Je voulais simplement savoir une date approximative, et je vais

22 passer à une autre question. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner une

23 réponse brève à cette question ?

24 R. C'était environ, à cette époque-là, lorsque tous ces événements se sont

25 déroulés, pour être bien franc avec vous, je n'ai pas pris part à la

Page 80

1 planification de cette opération.

2 Q. Pourriez-vous, je vous prie, essayer de donner des réponses peut-être

3 plus précises ? Ecoutez attentivement la question que je vous ai posée ou

4 que je vous pose, et répondez peut-être de façon plus précise. Je vous

5 remercie de nous avoir relaté ce que vous venez de nous dire il y a

6 quelques instants, mais j'aimerais savoir si vous pouvez nous dire de quels

7 événements il s'agit. Vous avez fait référence à des événements, les

8 événements de Grabovica. De quels événements avez-vous parlé ?

9 R. Je faisais référence aux événements de Grabovica.

10 Q. Vous croyez avoir entendu parler de l'opération Neretva avant les

11 événements de Grabovica ?

12 R. Je savais que l'on procédait à la planification de quelque chose, d'une

13 opération. Il y avait un mouvement de l'armée, un déplacement de certains

14 soldats. Je savais qu'on préparait quelque chose, mais je ne savais rien de

15 plus.

16 Q. Vous parlez d'un mouvement de l'armée. A quoi faites-vous référence

17 précisément ici ?

18 R. A l'époque, il y avait certains mouvements dans le sens où l'armée

19 venait de Sarajevo. Voilà. C'est pour vous dire simplement de quoi il

20 s'agissait. C'étaient des unités de Sarajevo, des unités appartenant à

21 l'armée. Elles venaient de Sarajevo. C'est l'information que je détenais à

22 l'époque sans savoir exactement de quoi il s'agissait ?

23 Q. De quelle façon avez-vous obtenu cette information, à savoir que des

24 troupes arrivaient de Sarajevo, que des soldats arrivaient de Sarajevo ?

25 R. Sur la base de rapports de police; de la police militaire. C'était eux

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1 qui établissaient le contrôle sur le territoire. Je savais qu'il y avait un

2 mouvement, et que l'armée allait venir de Sarajevo. Je parle d'unités de

3 Sarajevo.

4 Q. Où étaient-ils cantonnés ?

5 R. Pour être bien franc avec vous, la plupart de ces soldats étaient

6 cantonnés à Jablanica et à Grabovica. Plus tard, il s'est avéré que c'était

7 ainsi. Quand je vous parle de Jablanica, je vous parle de la municipalité

8 de Jablanica. Je ne savais pas s'ils étaient cantonnés ailleurs.

9 Q. Est-ce que vous saviez, à l'époque où les soldats de Sarajevo avaient

10 été cantonnés dans la municipalité de Jablanica, est-ce que vous saviez

11 s'il y avait des membres de la police militaire qui accompagnaient ces

12 soldats ?

13 R. Je ne le savais pas.

14 Q. Est-ce que vous savez qui avait emmené les soldats de Sarajevo ? Qui

15 était leur commandant ?

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il

17 s'agit de deux questions. Pourrait-on scinder cette question en deux ?

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Effectivement, vous pourriez peut-être

19 poser cette question en la scindant en deux, lui poser deux questions.

20 M. RE : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. Merci.

21 Q. Est-ce que vous savez qui était le commandant de ces soldats de

22 Sarajevo ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Est-ce que vous savez qui les avait emmenés ?

25 R. Dans cette région, dans la région de Jablanica ? Non. Je ne le sais

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1 pas.

2 Q. Selon votre connaissance au sein du poste de commandant avancé, quel

3 était le rôle de M. Dzankovic ?

4 R. J'avais rencontré M. Dzankovic vers la fin du mois d'août. C'était la

5 première fois que je l'ai rencontré. C'est là que j'ai fait sa connaissance

6 d'ailleurs. Je savais qu'il venait de la direction du centre de Sécurité

7 militaire. C'était le QG, et je savais qu'il était un membre de l'équipe

8 chargé des Questions qui ont trait à la Sécurité militaire et nous nous

9 sommes mis d'accord qu'il devait mener à bien son travail de la façon qui

10 était la plus adéquate et que j'allais lui donner mon appui. Nous nous

11 étions mis d'accord à ce que je lui apporte mon aide dans la mesure où

12 c'est possible et tout ceci, bien sûr, dans le cadre du service de Sécurité

13 militaire.

14 Q. Au compte rendu d'audience, nous pouvons lire : "Que je savais qu'il

15 venait de la maison supérieure." Est-ce qu'effectivement, vous avez dit

16 "maison" en anglais, car en anglais, nous pouvons lire que vous avez parlé

17 d'une maison, la maison mère ?

18 R. Oui, effectivement. J'ai utilisé ce terme "la maison mère" ou "la

19 maison hiérarchiquement supérieur". Je voulais parler de l'état-major, en

20 fait. Il venait du service de Sécurité militaire, de l'état-major. C'est

21 cela que je voulais dire. Je suis désolé, il m'arrive parfois de ne pas

22 être tout à fait précis.

23 Q. Il n'est pas nécessaire de vous excuser, Monsieur Eminovic. Pourriez-

24 vous nous dire la chose suivante : vous avez dit que vous avez rencontré M.

25 Dzankovic, pour la première fois, vers la fin

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1 août 1993; est-ce que c'est exact ?

2 R. Si je ne m'abuse, c'était vers la fin août. Je crois qu'il était venu

3 au commandement du corps. Nous nous étions rencontrés là, à deux ou trois

4 reprises.

5 Q. Quand avez-vous entendu, pour la première fois, que quelque chose

6 s'était passé à Grabovica ? Et de quelle façon est-ce que vous en avez

7 entendu parler ?

8 R. Je crois que c'était le 10 septembre 1993. Le commandant du Bataillon

9 de la Police militaire m'a informé par téléphone -- lui, il se trouvait à

10 Jablanica, à ce moment-là. A cette époque, nous avions plusieurs lignes

11 téléphoniques à notre disposition, mais, étant donné qu'il s'agissait d'une

12 ligne ouverte, la communication ne pouvait pas être ouverte. Elle était

13 plutôt fermée. Ce qu'il m'a dit, à ce moment-là - je vais essayer de le

14 résumer, enfin de vous le raconter - il a dit quelque chose de très mauvais

15 s'était passé là-bas et c'était, grosso modo l'information que j'avais

16 reçue.

17 Q. Comment avez-vous compris ces paroles : "Quelque chose de mauvais

18 s'était passé là-bas" ?

19 R. Quand je parle de "mauvais", il a peut-être dit qu'il y avait des

20 victimes, qu'il y a eu des meurtres. Je crois que c'est comme cela que

21 j'avais compris ses propos. Vous savez, je ne fais que répéter ce que j'ai

22 su, à l'époque. Je vous fais un résumé de l'information que j'avais reçue,

23 à l'époque. Je ne pourrais pas être plus précis, malheureusement.

24 Q. Lorsqu'il vous a dit que quelque chose s'était passé là-bas, c'était où

25 "là-bas", pour vous ?

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1 R. "Là-bas", pour moi, veut dire -- lorsque nous parlions au téléphone,

2 ils nous étaient impossible de parler de façon précise puisque les

3 communications étaient ouverte et puisque je savais qu'il était à

4 Jablanica. S'il me dit que c'est quelque chose qui s'était passé plus au

5 sud, je savais et je pouvais conclure, déduire que c'était dans cette

6 région-là, sans avoir des détails plus précis, à l'époque. Ce n'était

7 qu'une information que j'avais reçue et que j'avais comprise en tant que

8 tel.

9 Q. Qu'est-ce que vous avez répondu, Monsieur Eminovic ?

10 R. Je lui ai répondu qu'il fallait qu'il vérifie ces dires et que, s'il

11 était possible, qu'il devait se rendre sur les lieux pour vérifier ce qu'il

12 avait entendu dire.

13 Q. M. Dzankovic, était-il impliqué de quelque façon que ce soit ?

14 R. Oui. Oui. Je lui ai proposé d'entrer en contact avec

15 M. Dzankovic.

16 Q. Qui était le commandant du Bataillon de la Police militaire qui vous a

17 transmis cette information ? Vous souvenez-vous de son nom ?

18 R. Nusret Sahic.

19 Q. Vous nous avez parlé de M. Gusic. Vous avez dit que, d'une part, vous

20 étiez subordonné à lui et d'autre part, vous étiez subordonné à M.

21 Jasarevic du service de Sécurité du 6e Corps. Est-ce qu'effectivement,

22 suite à cette information, vous avez eu des contacts avec M. Gusic ou avec

23 M. Jasarevic ?

24 R. J'ai communiqué avec M. Jasarevic. S'agissant de M. Gusic, le

25 commandant, j'ai eu des contacts avec lui, également. Mais je ne me

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1 souviens pas des instances précises. De toute façon, c'était mon devoir de

2 les informer, tous les deux, des événements. Mais je ne me souviens pas à

3 combien de reprises je les ai appelés ou à quel moment j'ai pu avoir des

4 contacts avec eux.

5 M. RE : [interprétation] Très bien. Pourrait-on montrer au témoin,

6 maintenant, la pièce D224.

7 [Le conseil de la Défense se concerte]

8 M. RE : [interprétation] Ou plutôt, la pièce MFI224.

9 Q. Cela devrait être affiché à l'écran, Monsieur, sous peu.

10 Il s'agit ici d'un document signé par M. Jasarevic en date du 12 septembre

11 1993.

12 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avez-

13 vous le document à l'écran ?

14 L'INTERPRÈTE : Les Juges opinent du chef.

15 M. RE : [interprétation]

16 Q. Monsieur, est-ce que vous aviez déjà vu ce document, auparavant ?

17 R. Oui.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le document est en B/C/S. Pourrait-on

19 rendre le document en version anglaise, je vous prie.

20 Bien, nous l'avons.

21 M. RE : [interprétation]

22 Q. Monsieur Eminovic, avez-vous l'original en bosnien, sous les yeux ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce ce document que vous aviez reçu dans le cadre de votre travail

25 effectué en 1993 ?

Page 86

1 R. Oui.

2 Q. De quelle façon l'avez-vous reçu ?

3 R. Probablement par fait de communication protégée qui était la nôtre. Il

4 n'y avait aucune autre façon de l'obtenir.

5 Q. Cette lettre est envoyée à qui ? Ici, on peut voir qu'elle a été

6 adressée à l'intention du commandant du 6e Corps au chef du service de

7 protection militaire."

8 R. C'était une lettre qui était adressée à moi.

9 Q. Vous souvenez-vous si vous aviez reçu des communications avec M.

10 Jasarevic ou si vous aviez eu des communications avec

11 M. Jasarevic, soit par téléphone ou par voie radio ou de façon écrite,

12 avant que cette lettre ne vous soit renvoyée, cet ordre du 12 septembre ne

13 vous soit envoyé ?

14 R. Si j'ai communiqué concernant quoi ?

15 Q. Du contenu de l'ordre, ici, nous pouvons lire qu'il s'agit de la chose

16 suivante et je cite : "Nous sommes en possession d'information non vérifiée

17 concernant une unité de Ramiz Delalic, connu sous le nom de Celo,

18 s'agissant du fait qu'il avait massacré des civils dans un village croate

19 dans la zone de responsabilité du 6e Corps."

20 Ce que je vous demande c'est : est-ce que vous aviez eu des communications

21 avec M. Jasarevic concernant Grabovica avant de recevoir cet ordre de lui ?

22 R. Je crois que non. Je crois qu'il n'y avait aucune communication

23 concernant Grabovica.

24 Q. De quelle façon avez-vous répondu à cet ordre ? Qu'avez-vous fait ?

25 Comment avez-vous réagi ?

Page 87

1 R. Le 13 octobre, j'ai reçu du commandant du bataillon de la police

2 militaire un rapport concernant sa visite à Grabovica.

3 Dans cette communication, il m'informe des faits concernant cet événement

4 et j'ai envoyé immédiatement au chef, M. Jasarevic, chef de

5 l'administration, ensuite, j'ai essayé de donner suite aux tâches assignées

6 qui m'avaient été assignées dans ce document par

7 M. Jasarevic.

8 M. RE : [interprétation] Je souhaiterais qu'on montre au témoin une

9 deuxième pièce, la pièce P119.

10 Q. Monsieur, vous avez dit avoir essayé de donner suite à cette demande.

11 Qu'est-ce que vous avez essayé de faire, effectivement ?

12 R. J'ai dirigé le commandant du bataillon de la police militaire, je lui

13 ai indiqué l'endroit où le crime avait été commis, je lui ai dit de

14 communiquer avec M. Dzankovic qui avait beaucoup plus d'informations que

15 moi, de communiquer avec

16 M. Namik Dzankovic et, d'une certaine façon, je voulais qu'il me donne une

17 réponse, qu'il m'informe de quoi il s'agissait exactement. C'était ce que

18 j'ai fait, d'abord.

19 Ensuite, j'ai essayé d'obtenir d'autres renseignements qui pourraient

20 éventuellement élucider cet événement.

21 Q. Il y a quelques instants, vous avez fait référence à la réception d'un

22 rapport émanant du commandant du Bataillon de la Police militaire. Le

23 transcript dit qu'il s'agissait du 13 octobre. Etait-ce au mois d'octobre

24 ou de septembre ?

25 R. C'était en septembre. J'ai peut-être fait une erreur. Cela n'aurait pas

Page 88

1 pu être en octobre. J'ai dû me tromper. C'était en septembre.

2 Q. Cela ne fait rien. C'est bien facile de faire une telle erreur. Je vous

3 demanderais, maintenant, d'examiner le document - qui se trouve affiché à

4 l'écran - ce document porte la date du 30 septembre 1993 [comme

5 interprété], il est signé par Nusret Sahic, adressé à votre attention. Est-

6 ce que c'est un rapport qui émane du Bataillon de la Police militaire, que

7 ce document provient du commandant du Bataillon de la Police militaire ?

8 R. Oui, c'est ce document-là.

9 Q. Est-ce que vous avez eu d'autres communications avec

10 M. Sahic concernant ce que vous deviez faire ?

11 R. Oui. Plus tard, j'ai eu d'autres communications orales, également.

12 Q. Pour être tout à fait limpide : est-ce que vous lui avez dit de se

13 rendre sur la scène du crime après que vous ayez reçu ce rapport ou avant ?

14 R. Avant.

15 Q. Après avoir reçu ce rapport qui provenait de lui, est-ce que vous lui

16 avez donné d'autres informations, d'autres tâches à faire ?

17 R. D'abord, je voulais qu'il obtienne d'autres informations concernant les

18 auteurs du crime. Je voulais également avoir des informations sur les

19 victimes, si cela était possible, bien sûr, eu égard aux circonstances. Ce

20 qui découle de son rapport ici, c'est qu'on peut voir qu'ils ont communiqué

21 avec M. Dzankovic et qu'il a dit qu'il savait tout, il connaît le poste de

22 commandement avancé et du commandement supérieure et qu'il ait donné

23 l'ordre qu'il ne faut absolument rien entreprendre eu égard à l'action

24 planifiée dans le sens des arrestations.

25 Q. De quoi s'agissait-il, l'action planifiée ? En anglais, nous pouvons

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1 voir une "opération planifiée". On peut parler d'une action planifiée, ce

2 n'est pas vraiment bien grave. Mais simplement pour mieux vous comprendre,

3 quelle était cette opération qui était en cours, qu'on était en train de

4 planifier ou qui avait été déjà planifiée ?

5 R. Chez nous, on employait souvent le terme "actija" [phon], "action",

6 s'il s'agissait d'opérations militaires de plus petite envergure. C'est

7 pour cela que vous pouvez peut-être trouver cette légère différence.

8 Lorsqu'on parle d'opérations planifiées, on parle d'opérations qui

9 ont déjà été planifiées et dont on a déjà commencé l'exécution. Je fais

10 référence à cela. Je ne sais pas comment vous répondre autrement.

11 Q. De quelles activités militaires parlez-vous exactement ?

12 R. Il s'agit de l'opération Neretva 1993. C'est ainsi qu'elle s'appelait

13 officiellement. A l'époque, je ne savais pas qu'elle portait ce nom. Je

14 savais qu'il y avait une opération, toutefois.

15 Q. Quelle était votre opinion professionnelle ayant reçu ce document qui

16 vous informait que le commandement supérieur ou l'état-major du

17 commandement supérieur du poste de commandement avancé avait donné l'ordre

18 qu'aucune arrestations ne soit faite, eu égard à l'opération qui était en

19 cours ou qui allait arriver ?

20 R. Mon opinion, je savais qu'il fallait suivre ces instructions, il

21 fallait obéir à l'ordre, c'est tout. C'est l'une des raisons, mais il y a

22 également d'autres raisons.

23 Q. Quelles étaient ces autres raisons ?

24 R. Les autres raisons, c'était qu'il s'agissait d'unités qui ne faisaient

25 pas partie du 6e Corps d'armée et qui ne se trouvaient pas sous le

Page 90

1 commandement du 6e Corps.

2 La troisième raison était la suivante. On ne pouvait s'appuyer, compter sur

3 rien d'officiel. Ici, je ne parle pas de la voie hiérarchique du contrôle,

4 du commandement. Le "commandement", c'est autre chose. Je n'avais personne

5 à qui je pouvais parler, avec qui je pouvais communiquer au sein du service

6 afin d'obtenir de nouveaux renseignements. C'était, notamment, à l'époque

7 parce que toute action policière, si elle n'était pas bien soutenue et bien

8 planifiée, était sans doute vouée à l'échec et que, finalement, il y aurait

9 du sang versé. A l'époque, il n'y avait pas assez d'effectifs, et par

10 rapport à l'opération militaire, on n'était pas très enclin à se lancer à

11 ce genre de choses.

12 Q. Vous avez reçu un ordre du général Jasarevic, lequel dit avoir des

13 informations non vérifiées selon lesquelles l'Unité de Celo a massacré des

14 civils dans un village croate. En plus de cela, vous avez reçu un rapport

15 du commandant du Bataillon de la Police militaire, lequel dit que le poste

16 de commandement avancé du QG suprême avait ordonné de ne rien faire, de ne

17 pas procéder à des arrestations vu l'éminence de l'attaque. Il y a

18 juxtaposition de ces deux choses. D'un côté, on fait état d'un massacre, et

19 de l'autre, on ordonne de ne procéder à aucune arrestation. Vous avez dit

20 qu'il vous fallait obéir à cet ordre. Ceci mis de côté, vous qui étiez un

21 professionnel de sécurité militaire, ou qui étiez adjoint au commandant

22 chargé de la sécurité militaire, qu'est-ce que vous avez pensé de cela, de

23 cette juxtaposition ?

24 R. Je ne vois pas ce que vous voulez dire quand vous parlez d'un avis d'un

25 professionnel. Est-ce que vous auriez la possibilité d'être plus précis,

Page 91

1 quand vous dites un "avis professionnel", qualifié ?

2 Q. La réponse dans ce document, le document de M. Jasarevic, de ce poste

3 du commandant avancé, d'après ce document. Est-ce que c'est ce genre de

4 réponse à laquelle on peut s'attendre si on suivrait le règlement de

5 service, aussi tout ce qui régit la discipline ainsi que le code pénal de

6 Bosnie-Herzégovine

7 R. Franchement, il m'est vraiment très difficile de répondre à votre

8 question. Il existe une possibilité. Le commandement peut sans doute

9 surseoir à l'exécution de certaines activités pendant un certain temps,

10 parce que si on l'exécutait maintenant, cela pourrait beaucoup nuire. Il

11 était possible de surseoir à l'exécution de certaines activités en les

12 reportant. C'est un risque que prend le commandement. Enfin, c'est mon avis

13 professionnel que je vous livre.

14 Q. Avez-vous répondu à l'ordre de M. Jasarevic ?

15 M. RE : [interprétation] Le témoin peut-il voir la pièce P214. Je relève

16 aux fins du compte rendu d'audience qu'apparemment, elle ressemble à la

17 pièce MFI D234 si ce n'est que pour le premier document. Il a été traduit

18 par l'Accusation et l'autre par la Défense, mais c'est le même document.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Qu'en est-il du document pour ce qui est

20 du document P199 ? Est-ce qu'il est versé au dossier ?

21 M. RE : [interprétation] Il y a une cote P, j'en suis sûr. Je suis sûr que

22 c'état versé, parce que lorsque le document porte une cote MFI, c'est-à-

23 dire, "marked for indentification" ou code provisoire, il n'a pas encore

24 été versé au dossier.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, c'était la pièce P199.

Page 92

1 M. MORRISSEY : [interprétation] Si je me souviens bien, cela a été versé,

2 mais nous n'avons pas la cote maintenant. Cela avait été versé au dossier

3 lorsque M. Gusic, il y a pas mal de temps de cela, est venu déposé.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

5 M. MORRISSEY : [interprétation] Une chose m'inquiète. Apparemment, ce

6 document, on le voit tout seul dans une liste 65 ter mais aussi en annexe à

7 un autre document. Il se peut qu'il soit versé en annexe à un document dont

8 on va demander le versement maintenant. M. Cengic essaie de voir maintenant

9 où il se trouve dans la liste des pièces. Je pense qu'il a été versé.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 00199. Je l'ai dans ma liste, mais il

12 n'y a pas de document versé en annexe.

13 M. RE : [interprétation] P199 [comme interprété].

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Excusez-moi, j'avais mis trop de zéros.

15 C'est la pièce P199 [comme interprété] dont vous parlez.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] De toute façon, continuez, Monsieur Re.

17 M. RE : [interprétation] Merci. Maintenant. Je voudrais montrer au témoin

18 un autre document. Le document P214. Le Président parlait du document P199

19 [comme interprété].

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, le document dont vous avez parlé,

21 cette pièce P199 [comme interprété] a bien effectivement versée au dossier.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Grand merci.

23 M. RE : [interprétation]

24 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez le document sous les yeux ?

25 R. C'est un document à moi; celui que j'ai envoyé au général Jasarevic.

Page 93

1 Q. Les informations qu'il contient sont-elles exactes d'après ce que vous

2 savez, vous saviez à l'époque ?

3 R. Oui, elles sont exactes. Enfin, c'est des informations dont nous

4 disposions à l'époque. Franchement, personne n'avait un tableau complet des

5 événements à l'époque. C'était plutôt par fragment, et ceci en constitue

6 un.

7 Q. Comment M. Jasarevic réagit-il à votre rapport ?

8 M. RE : [interprétation] Peut-on présenter au témoin le document qui porte

9 la cote provisoire MFI D225.

10 Q. Comment a-t-il réagi après avoir reçu votre rapport? Nous avons la

11 pièce, alors autant aborder cette question.

12 R. Jusqu'au moment de ce rapport, jusqu'au moment de cet incident, il n'y

13 a pas vraiment beaucoup de communication, et tout à coup, il y a eu une

14 avalanche, une avalanche de demandes. Le 15,

15 M. Jasarevic m'a envoyé une liste de tâches à effectuer. Il a demandé que

16 des rapports lui soient envoyés, et cette demande, elle a été envoyée par

17 le biais du commandement du 6e Corps. Ici, j'ai sous les yeux un document

18 qui fait référence, grâce à M. Dzankovic, mais, à l'époque, c'était quelque

19 chose un peu bizarre ou particulier pour communiquer. Mais mon service

20 avait l'habitude ou était utilisé pour envoyer une lettre à un autre

21 individu. Mais ce document m'a aussi été envoyé. Vous voyez que moi-même et

22 Dzankovic recevons une mission conjointe, commune.

23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

24 M. RE : [interprétation]

25 Q. Fort bien. Vous, après avoir reçu cet ordre de

Page 94

1 M. Jasarevic, en date du 15 septembre, comment avez-vous réagi ?

2 R. J'ai essayé de recueillir des renseignements du mieux que je pouvais, à

3 l'époque, parce que je savais - et j'étais sûr - que Namik Dzankovic,

4 puisqu'il était membre du service, il avait aussi des communications avec

5 le général Jasarevic, en même temps qu'avec moi -- ou que moi. J'ai essayé

6 de préciser du mieux possible la situation vu sous mon angle qui était

7 celui du chef de l'administration, et aussi vu sous l'angle du chef de

8 corps d'armée.

9 Q. Vous dites que vous avez essayé de relier des renseignements du mieux

10 que vous pouviez, mais qu'est-ce que vous avez fait pour cela ?

11 R. J'envoie des demandes à l'adjoint au commandement de la

12 44e Brigade, Zajko Sihilic, je pense que c'est comme cela qu'il s'appelait.

13 Je lui ai demandé de recueillir des renseignements et de rencontrer Namik

14 Dzankovic et de l'aider aussi. Le Bataillon de la Police militaire a été

15 chargé d'obtenir des renseignements, renseignements qu'il fallait me

16 transmettre.

17 M. RE : [interprétation] Peut-on maintenant montrer le document suivant, à

18 savoir le document portant la cote provisoire MFI226.

19 Q. Dans l'intervalle, je vous demande ceci. Puisque ces renseignements ont

20 été recueillis, est-ce que vous avez fait rapport à M. Jasarevic ?

21 R. Bien sûr. Un rapport bref portant sur les événements et j'essaie de

22 faire la synthèse de tous les renseignements recueillis jusqu'alors.

23 Q. Ce document-ci, le document MFI226, avec les informations qu'il

24 contient, constitue-t-il votre rapport du 17 septembre, à

25 M. Jasarevic, et est-ce qu'il se fonde sur toutes les sources, tous les

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1 renseignements que vous aviez demandés au cours des journées précédentes ?

2 R. Je suppose que oui. C'est ici un résumé, une synthèse de tous ces

3 renseignements. A franchement parler, à l'époque, il semblait se dessiner

4 deux sources principales. Il y avait le poste de police, d'une part, et

5 d'autre part, la situation sur le terrain. Mais il n'y avait pas beaucoup

6 d'information qui venait de la situation sur le terrain, vu l'absence de

7 communication de transmission. Je pense que la plupart des informations

8 venaient de sources policières. Par là je veux dire de "postes de civils de

9 la police," de poste de la police civile de Jablanica parce qu'en fait, on

10 travaillait bien, on collaborait bien entre les polices civiles et

11 militaires. Cela se faisait de façon assez professionnelle. Leur filière de

12 commandement, leur voie hiérarchique était distincte, séparée de la nôtre

13 et les voies de transmission l'étaient aussi.

14 Q. Une phrase soulignée dans le document vers la fin qui dit ceci : "Tout

15 le poste de commandement avancé du SVK de Jablanica a reçu un briefing à

16 propos de cet événement."

17 M. RE : [interprétation] Page 2 dans la traduction en anglais. Je voudrais

18 que ceci soit montré à la Chambre de première instance.

19 Q. Pourriez-vous nous dire comment le poste de commandement avancé de

20 Jablanica a été informé de la chose ?

21 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas de quelle façon ces gens ont été

22 informées. Je suppose qu'il savait de quoi il s'agissait, mais je ne sais

23 pas comment ces gens ont été informés.

24 Ici je vois que le destinataire c'est le commandement Suprême ou plus

25 exactement le poste de commandement avancé du commandement Suprême. Vous

Page 96

1 verrez peut-être en regardant le corps du document comment ils ont été

2 informés. On voit Edib Saric --

3 Attendez, je voudrais pouvoir regarder le texte.

4 Q. Oui, oui, prenez le temps qu'il faut.

5 R. Il est dit ici que seul Zuka est autorisé à entrer dans cette zone sans

6 qu'il y ait de conséquences. Il y est dit qu'il a fait rapport de la

7 situation et nous n'en connaissons pas la teneur et ce rapport aurait été

8 transmis au commandement de Sarajevo. On dit d'après nos agents, et les

9 informations qu'ils nous ont transmises, et cetera. Il est possible qu'on

10 fasse référence à Zulfikar Alispago, qui a fait un rapport. Je pense qu'il

11 y avait un membre de l'équipe du poste de commandement avancé, enfin, je ne

12 sais pas d'où cela vient exactement. Mais je pense qu'il y avait des

13 renseignements à partir desquels ce document a été rédigé puisque c'est une

14 espèce de synthèse.

15 Q. Maintenant, vous dites que vous ne vous rappelez plus d'où il venait ?

16 R. Mais je dis que la plupart des renseignements émanaient de sources

17 policières. Quand je dis "la police comme source," je pense en tout premier

18 lieu au commissariat, au poste de police, au poste de sécurité publique

19 comme on l'appelait à l'époque. Le chef c'était

20 M. Zebic. En d'autres termes, les renseignements venaient des agents de

21 service, les policiers qui ont collaboré avec la compagnie de police

22 militaire. Je vous ai dit que ces liens étaient très étroits. Je pense que

23 l'essentiel, la majorité des renseignements est venu de là. Je n'avais pas

24 d'organes, d'instances, de groupes ou représentants légitimes avec qui je

25 pouvais communiquer. Je parle des unités qui sont venus de Sarajevo et qui

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1 apparemment ont participé à ces crimes.

2 Q. Je vous ai demandé d'apporter un commentaire à la phrase surlignée

3 qu'on trouve à la page 2 en anglais, mais tout juste en dessous, on dit :

4 "Pour l'instant, il est impossible de mener une enquête sur les lieux en

5 raison du grand nombre d'unités de l'état d'esprit des unités se trouvant

6 sous les ordres de Ramiz Delalic, et la peur que, si on donne trop

7 d'importance à ces événements, ceci va semer la révolte et faire que les

8 toutes les unités vont rentrer à Sarajevo, ce à quoi a fait illusion de

9 façon peu déguisée, Ramiz Delalic dans des conversations à propos

10 d'événements à l'appartement de Zuka. Vous avez dit que les six étaient

11 simplement un rapport de synthèse, pourquoi y avoir insérer une phrase de

12 ce goût-là ?

13 R. Je vous le dis, ce rapport est un rapport de synthèse, qui a été établi

14 à partir de plusieurs éléments d'information. Impossible de vous dire d'où

15 vient cet élément-ci.

16 Pourquoi est-ce que j'ai consigné ceci dans le rapport ? Je me

17 livrais à une espèce d'analyse de la situation. Celle qui prévalait dans

18 l'unité qui avait à sa tête Ramiz Delalic. On parle de l'esprit dans lequel

19 étaient les soldats de cette unité, d'où cette phrase. Edib Saric était

20 présent, lors de cette conversation, Edib Saric à l'époque était le

21 commandement d'une section qui s'appelait les Loups, quant à Zijad - je ne

22 sais pas s'il s'appelait comme cela - il y avait Salihamidzic, qu'on

23 trouvait la station de radio de police, et Brankovic était aussi un

24 policier, mais on n'avait pas bon rapport avec lui, je pense qu'en fait cet

25 élément d'information peut provenir de l'une quelconque de ces sources, que

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1 ce soit Brankovic ou Salihamidzic.

2 Q. Ligne suivante : "La situation est maîtrisée actuellement à Grabovica,"

3 ce qui vient du fait, et la partie suivante est soulignée, c'est que;

4 "Suite à ces événements Ramiz Delalic, a exécuté un soldat."

5 Nouvelle phrase : "Vous serez informé en temps utile de tout nouveau

6 détail."

7 Essayez de vous remémorer, est-ce que vous pourriez nous dire d'où vient

8 cette information, quelle était votre source qui parlait de cette exécution

9 présumée d'un soldat ?

10 R. Franchement, je ne sais pas. Je ne sais pas qui était la source de ce

11 renseignement-ci. Impossible de vous répondre. Mais je ne sais pas si cet

12 homme a été exécuté ou pas.

13 Je l'ai dit il y a un instant, c'était là une manière habituelle de

14 communiquer avec le chef de l'administration, dans ce genre de cas.

15 M. RE : [interprétation] Document suivant à montrer au témoin, c'est le

16 document portant la cote provisoire MFI D228.

17 Q. En attendant je vous demande ceci, c'est un rapport que vous avez

18 envoyé à M. Jasarevic. Ce dernier, comment a-t-il réagi à ce rapport ?

19 R. Vous parlez du document précédent, celui qui était affiché à l'écran ?

20 Vous voulez savoir comment réagir à ce document-là ?

21 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de M. Re.

22 Q. [aucune interprétation]

23 R. En guise de réponse, il a demandé qu'on obtienne de nouvelles

24 informations, de nouveaux renseignements. Vous le verrez dans le document

25 suivant.

Page 99

1 Q. Oui, il s'agit du document portant la cote provisoire, MFI228, portant

2 la date du 18 septembre 1993, et qui est adressé au chef responsable des

3 opérations de service de Sécurité militaire. C'était vous, comme vous nous

4 l'avez dit, est-ce que vous avez reçu le document ?

5 R. Oui. Je suppose que oui. Mais il m'est impossible de me souvenir de

6 chacun des documents que j'ai reçus. Enfin, il m'était adressé, j'ai dû le

7 recevoir. Je ne vois pas pourquoi je ne l'aurais pas reçu.

8 Q. L'ordre dit ceci : "Afin d'informer la présidence de la république, et

9 l'état-major suprême de l'armée, transmettait un rapport concernant

10 massacre de la population civile d'Uzdol, et de Kriz, en précisant les

11 municipalités, Prozor et Grabovica, Jablanica, aussi étant mentionné comme

12 municipalité. Le rapport devrait inclure la place, le lieu de l'événement,

13 ainsi que l'unité qui aurait participé."

14 Si nous laissons de côté pour un instant, et si nous nous intéressons

15 surtout à Grabovica, quelle était votre réponse après avoir reçu cet ordre

16 qui était un ordre de suivi de la part du chef des services de Sécurité

17 militaire ?

18 R. Lorsque le général Jasarevic m'a envoyé cette demande, il n'avait pas

19 en main le rapport précédent. Voici comment j'ai répondu en recevant ceci

20 : J'ai essayé d'entrer en communication puisqu'on demande des

21 renseignements, en ce qui concerne Kriz et Uzdol, se trouvant dans la

22 municipalité de Prozor, j'ai essayé d'entrer en contact avec ces lieux,

23 mais je me suis heurté à énormément de problèmes. A plusieurs reprises, M.

24 Jasarevic nous a demandé de lui envoyer ce rapport, quoiqu'il en soit, j'ai

25 répondu que j'avais en partie cédé à la demande, comme cela avait été le

Page 100

1 cas pour le document précédent, et qu'on essaie d'entrer en contact avec le

2 2e Bataillon indépendant à Prozor, pour obtenir plus de renseignement, mais

3 franchement c'était la première fois que j'apprenais que quelque chose

4 s'était peut-être passé à Uzdol, auparavant, je ne savais pas du tout.

5 M. RE : [interprétation] Est-ce que le moment se prête bien à lever

6 l'audience, Monsieur le Président ?

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. L'audience d'aujourd'hui se termine.

8 L'audience reprendra demain matin.

9 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le vendredi 11 mars

10 2005, à 9 heures 00.

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