Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 23 mars 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs.

6 Je prie Monsieur le Greffier d'audience d'appeler la cause.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour Monsieur le Président. Il s'agit

8 de l'affaire IT-01-48-T. Le Procureur contre Sefer Halilovic.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

10 Avant de commencer avec le témoignage du témoin suivant, est-ce que les

11 parties ont quelque chose à soulever ? Oui, Maître Morrissey, vous avez la

12 parole.

13 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse, est-ce

14 que vous alliez dire encore quelque chose ? Je vous ai interrompu.

15 Il y a quelques questions que je voudrais soulever. Hier, vers 16 heures

16 30, la Défense a reçu des documents que le Procureur utiliserait concernant

17 ce témoin.

18 Je pense que certains de ces documents demandent qu'on en parle maintenant,

19 et non pas au milieu du témoignage du témoin, parce que parfois les

20 témoins, lorsque je soulève une question comme cela lors de leur

21 témoignage, ils pensent qu'il s'agit d'une attaque. C'est pour cela que je

22 propose qu'on soulève ces questions maintenant pour voir comment on

23 pourrait les résoudre.

24 Tout d'abord, je voudrais demander si la Chambre dispose de la liste des

25 pièces à conviction que l'Accusation utilisera ou demandera le versement au

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1 dossier.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que non. Mais je pourrais

3 trouver cela parmi les fichiers de mon disque dur.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Je pourrais peut-être continuer pendant que

5 vous faites cela.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Les documents que le Procureur voudrait

8 utiliser dans le cadre du contre-interrogatoire comprennent les documents

9 suivants : Le journal de Sefko Hodzic; cela n'a pas encore été versé au

10 dossier. Le document porte le numéro 106, conformément à l'Article 65 ter.

11 C'est le journal.

12 Le document suivant que le Procureur proposerait au versement au dossier,

13 il s'agit des article de Hodzic, des articles qu'il a écrits et publiés au

14 journal Oslobodjenje, en 1999. Si vous regardez la liste des documents que

15 vous avez sous vos yeux, les trois premiers documents dont je parle sont

16 des ordres, comme vous pouvez le voir. Ces documents, je suppose que le

17 témoin les a déjà vus et que le témoin pourrait faire des commentaires là-

18 dessus. Je n'ai pas d'objection par rapport à ces documents, parce qu'ils

19 sont déjà versés au dossier.

20 Le quatrième document est le journal de Hodzic. Le cinquième, c'est une

21 catégorie particulière du document.

22 Le sixième document sont les articles de Sefko Hodzic, conformément à

23 l'Article 65 ter, numéro 126, qui ont été écrits et publiés en 1999,

24 janvier et février.

25 Le document suivant est un enregistrement audio fait par Sefko Hodzic, daté

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1 du 5 octobre 2000. Cela est présenté par le biais du système Sanction.

2 Finalement, nous avons des extraits du livre de Hodzic; ces extraits

3 portent le numéro conformément à l'Article 65 ter, c'est le numéro 183.

4 Si vous regardez de nouveau le document portant la cote provisoire

5 MFI281, vous allez voir que par le biais de ce témoin, on veut proposer au

6 versement au dossier une partie du livre de Sefer Halilovic, par le biais

7 de ce témoin. Les objections préliminaires, je les ai déjà présentées hier,

8 pendant le témoignage du témoin d'hier.

9 Ce que je voudrais soulever ici, c'est la chose suivante : il

10 s'agit de l'utilisation des documents devant la Chambre et maintenant, je

11 me demande si en ce moment même, ces documents pourront être utilisés dans

12 le prétoire.

13 D'abord, à la deuxième page, vous avez la transcription de l'enregistrement

14 audio. Je suppose qu'on dira qu'il s'agit de la copie de l'original qui a

15 été fait à l'époque. Si M. Hodzic dit cela, il ne faut pas entendre cela

16 dans le prétoire, en tant que document. Si cela est utilisé, c'est-à-dire

17 si on procède à cela en écoutant l'enregistrement et en suivant la

18 transcription, là il n'y aura pas de problème.

19 Comme j'ai déjà dit, ici nous utilisons le système électronique de

20 présentation des pièces à conviction dans ce prétoire, et j'espère que le

21 Procureur utilisera cela de façon limitée concernant ce document.

22 Peut-être que le Procureur pourrait nous dire plus là-dessus, pour

23 éclaircir la situation concernant cette question.

24 Quant à d'autres documents, nous sommes inquiets par rapport à ces

25 articles de journaux, qui seront proposés pour être montrés au témoin. Ces

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1 textes, je les ai vus, je les ai lus ces articles. Ces articles, de par

2 leur contenu, ressemblent aux informations présentées dans les livres.

3 Quant à ces articles de journaux, Monsieur le Président, il s'agit d'une

4 écriture datée du 30 août, d'une requête du Procureur qui à l'époque, a

5 avancé que les articles de journaux ne pouvaient pas être considérés comme

6 documents crédibles, comme moyens de preuve crédibles. C'était la position

7 du Procureur à l'époque.

8 Parfois les articles de journaux peuvent être pertinents, peuvent

9 aider à la Chambre, mais dans ce cas-là, il s'agit des articles qui ont été

10 écrits il y a plus de cinq ans, au début de l'année 1999. Je m'inquiète par

11 rapport au fait que ces documents sont utilisés en tant que moyens de

12 preuve. La raison pour laquelle je suis inquiet par rapport à cela,

13 Monsieur le Président, est la suivante : C'est cela en fait, --

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, nous sommes en train de régler le

15 problème ayant trait à l'ordinateur.

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je voudrais en ce moment même que ce

18 procès se déroule oralement, et que les choses se déroulent de façon

19 correcte. Nous devons entendre de la bouche du témoin ce qu'il avait vu, ce

20 qu'il avait entendu, quelle personne il avait rencontrée, et d'autres

21 choses qui sont d'une grande pertinence pour cette affaire. S'il a des

22 problèmes de mémoire, il n'y a aucun problème qu'on lui montre un document,

23 pour l'aider à rafraîchir la mémoire, par exemple sur ce journal, s'il ne

24 peut pas se souvenir d'une date, il peut regarder dans ce journal, pour

25 pouvoir se souvenir de cette date-là. Il n'y a aucun problème là-dessus,

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1 par rapport à la Défense.

2 Le fait qu'il s'appuie sur les articles de journaux, par rapport à

3 son témoignage, c'est une chose controversée, parce que ces articles de

4 journaux ont été écrits beaucoup de temps après cela. En 2005, dans le

5 contre-interrogatoire du témoin, on va lui demander de dire quelque chose

6 sur les événements qui se sont passés beaucoup de temps avant.

7 La deuxième chose qui me préoccupe, c'est la chose suivante :

8 lorsqu'on montre au témoin quelque chose qui a été écrit, le témoin peut

9 accepter cela comme une chose faite. Je ne peux pas contre-interroger le

10 témoin sur quelque chose qu'il avait écrit beaucoup de temps après la

11 survenue des événements. Je ne veux pas dire par cela que ce qu'il a été

12 écrit dans les articles n'est pas pertinent, cela est pertinent, et le

13 Procureur a le droit, tout à fait le droit, de poser des questions là-

14 dessus au témoin. Mon inquiétude concerne les articles de journaux. Les

15 articles de journaux n'ont pas été écrits au moment des événements, et le

16 témoin, il faut lui permettre de parler de cela avant qu'il n'ait vu le

17 texte.

18 Je voudrais dire quelque chose sur le livre.

19 Il est possible que le livre soit plus pertinent que les articles de

20 journaux, parce qu'il est possible que le témoin ait réuni tout ce dont il

21 pouvait se souvenir, y compris le journal et il a inclus tout cela dans son

22 livre. Il semble que le témoin, lors de la séance de récolement, ait dit au

23 Procureur que le livre n'avait pas de caractère propagandiste par rapport

24 aux articles de journaux.

25 Est-ce qu'il faut lui poser des questions concernant cette nature de

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1 propagande de ces articles ?

2 Quant au livre, la question qui se pose, c'est de savoir quelle est

3 la pertinence du livre. Je pense qu'il y a un danger par rapport au

4 versement au dossier de ce livre, parce que ce livre pourrait tenir place

5 des moyens de preuve. Si le livre est versé au dossier, le livre deviendra

6 un moyen de preuve et non pas le témoignage du témoin. Ce que je voulais

7 dire, c'est la chose suivante : le témoin ici devrait relater ce qu'il

8 avait vu et ce qu'il avait fait, c'est seulement après cela, s'il est

9 nécessaire pour une raison ou une autre, le document pourrait être versé au

10 dossier.

11 La Défense ne nie pas que les informations soient pertinentes. Notre

12 objection ne concerne la pertinence mais plutôt l'utilisation des

13 documents.

14 Lorsque je soulève l'objection par rapport au livre et par rapport aux

15 articles de journaux, je voudrais également souligner que le livre et les

16 articles de journaux jouissent d'un statut similaire que le statut des

17 dépositions de témoin.

18 Si je veux mettre en question la crédibilité du témoin, alors je peux dire

19 : "Vous dites cela maintenant et vous avez dit tout à fait une autre chose

20 dans votre déclaration et cela pourrait être pertinent." Si le témoin dit :

21 "Je ne peux pas me souvenir de la date mais je l'ai indiqué dans mon

22 livre." Bien sûr, la Chambre peut dire : "Vous pouvez regarder dans votre

23 livre." Il est possible que ces documents soient pertinents, qu'ils

24 deviennent pertinents mais nous ne savons pas ce que le témoin dira. Il est

25 possible qu'il se souvienne de tout cela parce qu'il a participé dans tous

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1 ces événements mais la Chambre devrait entendre tout ce dont il se

2 souvient. Le Procureur peut poser peut poser des questions suggestives

3 concernant une série de documents pour lesquels il considérait comme étant

4 pertinents.

5 Je crois que nous avons souvenir d'un témoin individuel, bien sûr, et les

6 Juges se souviennent de cela et vous le ferez certainement mais en même

7 temps. Les documents seront importants car à la fin du témoignage de ce

8 témoin, vous aurez sous les yeux son ouvrage, qui a été écrit dans un style

9 journalistique, facile à lire, et le compte rendu d'audience, qui

10 contiendra mes différentes interjections et questions, objections, peut-

11 être. Je crois que la Chambre de première instance n'a pas besoin de

12 s'efforcer de lire une partie ou l'autre pour savoir sur quelle partie elle

13 doit se reposer. Je sais que c'est quelque chose que vous faites tout le

14 temps mais il n'est pas nécessaire de le faire. Je crois que cela vous

15 prendra du temps et cela ne s'avérera peut-être pas nécessaire. Voici ma

16 position, eu égard à ces documents.

17 Pour ce qui est maintenant de l'ouvrage d'Halilovic, à la lumière des

18 documents que nous avons par rapport à ce témoin, je crois qu'il n'est pas

19 nécessaire de verser au dossier ce document en question. Peut-être qu'il

20 l'a lu et les Procureurs l'ont lu, bien sûr, je l'ai lu moi-même,

21 différentes personnes l'ont lu. Peut-être que d'autres personnes l'ont lu

22 aussi et probablement d'autres témoins qui vont témoigner dans cette

23 affaire.

24 Cela ne signifie pas ce témoin est la personne par le truchement de

25 laquelle ce document devrait être versé au dossier. Comme vous avez déjà

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1 remarqué, le Procureur n'a pas cité comme témoins des enquêteurs. Il n'y a

2 pas d'enquêteurs sur leur liste des témoins parce que les enquêteurs

3 pourraient dire : "Ce sont des documents qui ont été réunis lors de

4 l'enquête." Si la Défense veut contester quoi que ce soit, la Défense peut

5 contester certains documents. Dans cette affaire, aucun enquêteur n'a pas

6 été convoqué en tant que témoin, donc, on ne peut pas lui montrer des

7 questions que nous voudrions lui poser et le Procureur a des raisons pour

8 lesquelles il fait cela. Cela fait partie de sa stratégie. Ils ne peuvent

9 pas en même temps ne pas convoquer de tels témoins et verser au dossier

10 d'autres documents par le truchement d'autres témoins. Par exemple, c'est

11 un document ici avec lequel ce témoin n'a aucun lien, hormis le fait qu'il

12 a probablement lu une partie de ce livre ou le livre dans son ensemble.

13 Nous pensons que ce n'est pas correct et qu'il ne devrait pas le faire.

14 C'est pour cela qu'il faudrait demander au Procureur d'expliquer comment il

15 utilisera le logiciel Sanction concernant l'enregistrement audio. Ensuite

16 le Procureur pourrait présenter ses arguments par rapport à ce que j'avais

17 dit concernant le livre et les articles de journaux. Finalement, le

18 Procureur devrait dire en avance ce pourquoi ce témoin est le témoin par le

19 truchement duquel le livre d'Halilovic serait proposé au versement au

20 dossier ou des parties, des extraits de ce livre.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que je devrais

22 donner la possibilité à Mme Chana de présenter sa position.

23 Mme CHANA : [interprétation] La Défense a soulevé beaucoup de questions. Je

24 vais commencer par les questions-clés. Tout simplement, nous ne pouvons

25 pas, en utilisant ce logiciel, nous ne pouvons pas montrer l'enregistrement

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1 audio. Nous n'avons besoin que de deux minutes par rapport à ce logiciel

2 parce qu'il semble qu'on ne puisse pas entendre la voix en utilisant ce

3 logiciel. Nous ne pourrons pas utiliser ce logiciel comme il faudrait.

4 C'est la raison concernant le logiciel.

5 Deuxièmement, les articles et le livre. C'est M. Hodzic qui les a écrits,

6 ces articles, et par la suite, il a écrit le livre. Les articles datent de

7 l'année 1999. Une fois le témoin dans le prétoire, nous pouvons jeter la

8 base d'autres questions par rapport à ses souvenirs, au style qu'il a

9 utilisé, et cetera. Monsieur le Président, nous avons toute une série de

10 précédents, lorsqu'il s'agit du versement du dossier des articles et des

11 livres.

12 Permettez-moi de vous rappeler une décision de la Chambre d'appel par

13 laquelle il a été dit que quelque chose comme cela est admissible.

14 Monsieur le Président, j'ai fait des photocopies pour la Défense et pour la

15 Chambre de l'affaire "Le Procureur contre le général Talic et Brdjanin.".

16 Il s'agit de l'affaire IT-99-36. Il s'agit de la décision de la Chambre

17 d'appel datant du mois de décembre 1999, du 11 décembre. Cette décision est

18 obligatoire quant à cette Chambre, compte tenu du fait que c'était la

19 Chambre d'appel qui l'a rendue.

20 Monsieur le Président, le journaliste n'est pas dans le prétoire

21 maintenant. La Chambre d'appel dans cette affaire a reconnu l'intérêt

22 public, qui est plus important dans ce cas-là par rapport aux privilèges

23 accordés par le Tribunal et qui peuvent empêcher un journaliste de guerre

24 d'être convoqué.

25 Monsieur le Président, la Chambre d'appel a été claire dans cette décision

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1 même s'il n'est pas possible de convoquer le journaliste pour être contre-

2 interrogé concernant cet article, cet article pourrait être versé au

3 dossier.

4 La Chambre d'appel a décidé que : "L'article présenté, moyen de preuve par

5 ouï-dire et que le contre-interrogatoire du journaliste pourrait concerner

6 le poids que la Chambre d'appel pourrait accorder à cet article en tant que

7 moyen de preuve mais cela ne veut pas dire que cet article ne pourrait être

8 versé au dossier." Il s'agit du paragraphe 52 de la décision citée.

9 Monsieur le Président, dans ce cas-là, par rapport à la position à

10 l'affaire Brdjanin et Talic, le journaliste sera devant la Chambre. La

11 Défense pourrait le contre-interroger par rapport à l'exactitude du

12 document dont il est auteur, indépendamment du fait, à quel moment il a

13 écrit ce texte. Il y a des raisons fortes pour que ces documents, c'est-à-

14 dire le livre et les articles de journaux soient versés au dossier.

15 Monsieur le Président, notre position est la suivante : il y a des raisons

16 également pour lesquelles ces moyens de preuve tiennent une valeur probante

17 plus grande par la Chambre de première instance. Brièvement, ces documents

18 que le témoin a écrits sont admissibles en tant que moyens de preuve, et

19 c'est à vous, Monsieur le Président, de décider quel poids sera accordé à

20 cela et dans la plaidoirie et réquisitoire, les parties vont dire leur

21 dernier mot.

22 La Défense n'a pas montré quel serait le préjudice par rapport à leur

23 client si ces documents sont admis. M. Hodzic était le correspondant de

24 guerre. Il prenait des notes. On va lui poser des questions concernant les

25 dates, les événements, le contenu de ce qu'il avait écrit et il va nous

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1 dire si c'était exact ou pas. Après avoir jeté la base de ces questions,

2 Monsieur le Président, vous allez voir qu'on ne peut pas remettre en

3 question le fait que ce journaliste avait écrit ces articles et le livre

4 concernant les événements dont il était témoin. Par rapport à cela il peut

5 être contre-interrogé.

6 Monsieur le Président, il n'y a pas de règles strictes concernant

7 l'admissibilité des moyens de preuve dans ce Tribunal. On parle toujours

8 dans ce contexte de la valeur probante, de la pertinence et du poids à

9 accorder à des moyens de preuve par la Chambre.

10 Cela est ma position, c'est-à-dire mes arguments en faveur du versement au

11 dossier des articles et du livre écrits par M. Hodzic.

12 Monsieur le Président, je vais proposer ces documents pour le versement au

13 dossier. Je sais que le temps qui m'est accordé est limité concernant ces

14 moyens de preuve. Monsieur le Président, ces moyens de preuve ne vont pas

15 tenir place de son témoignage. Il ne s'agit pas du fait que son témoignage

16 soit remplacé par ces moyens de preuve, il s'agit de ne pas perdre trop de

17 temps, et la Chambre verra tous les détails de son travail pendant qu'il

18 était correspondant de guerre sur le terrain.

19 La Défense a mentionné une requête que le Procureur avait déposée et des

20 notes de bas de page pour dire que ces articles de journaux ne peuvent pas

21 être considérés comme moyens de preuve crédibles, mais ce n'est pas le cas.

22 C'est le journaliste qui a écrit ces articles. Il sera ici dans le prétoire

23 et on pourra lui poser des questions que la Défense considère comme

24 appropriées.

25 Monsieur le Président, quant il s'agit du livre "La stratégie de la ruse"

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1 écrit par M. Sefer Halilovic, le conseil de la Défense n'affirme pas que ce

2 document n'est pas pertinent, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un

3 document extrêmement pertinent, c'est-à-dire ils ne disent pas qu'il y a un

4 lien entre le livre de M. Halilovic et M. Hodzic. Mais, Monsieur le

5 Président, nous affirmons que le lien entre ces deux est très fort. M.

6 Hodzic parlait des événements survenus sur le terrain et y était impliqué,

7 et c'est là où se trouve ce lien. Pendant l'opération Neretva, il était

8 avec lui la plupart du temps, il était au courant des événements et il est

9 un témoin extrêmement important. Il peut parler des événements pertinents,

10 il peut aider la Chambre en parlant des événements, comment ils ont été

11 décrits par M. Halilovic dans son livre. Il se souvient de cela et il peut

12 dire si c'est exact ou pas.

13 Monsieur le Président, d'ailleurs il s'agit des documents qui ont été

14 publiés, que tout le monde peut voir. C'est une source ouverte. Je ne vois

15 pas ici le préjudice quelconque par rapport à l'accusé et la Défense n'a

16 pas montré de quelle façon concrète un préjudice aurait pu être fait à

17 l'accusé. Il s'agit d'un document public, d'une source ouverte.

18 Juste un instant, Monsieur le Président.

19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

20 Mme CHANA : [interprétation] Maintenant, le journal. M. Hodzic est l'auteur

21 de son journal, et quant au journal, nous allons parler seulement de dix

22 lignes dans ce journal qui sont vers la fin du journal. Encore une fois, je

23 dis qu'il s'agit du journal écrit par M. Hodzic et tout ce que nous avons

24 dit, concernant les articles et le livre, peut être appliqué à ce journal.

25 Monsieur le Président, ce sont mes arguments concernant notre position.

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1 J'espère que je n'ai rien omis. Je pourrais peut-être rajouter que les

2 journaux sont toujours admissibles dans ce Tribunal et je pense que la

3 Défense s'est mise d'accord avec cela.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

5 Aucune réponse, aussi concise possible ?

6 M. MORRISSEY : [interprétation] Pour ce qui est des articles de l'ouvrage,

7 ma consoeur a véritablement exposé les raisons de cela. Elle a dit qu'il y

8 avait un manque de temps par rapport à ce témoin. Elle a dit qu'elle ne

9 pouvait pas interroger à loisir ce témoin. Si vous voulez faire référence

10 au compte rendu d'audience.

11 C'est exactement ce à quoi j'ai fait allusion. C'est une tentative aux fins

12 de remplacer le témoignage direct. C'est une tentative qui vise à

13 introduire quasiment ou à reproduire une situation 89(F) ou 92 bis, où les

14 documents écrits sont présentés, et ensuite la Défense a la possibilité de

15 le contre-interroger. C'est exactement de cela dont il s'agit. Ma consoeur

16 a véritablement ouvert le pot aux roses et clairement indiqué qu'elle

17 faisait attention au temps parce qu'en réalité l'Accusation tente de faire

18 cela et de remplacer un témoignage oral avec ces documents-là.

19 A un stade ultérieur, ces documents peuvent être considérés comme

20 pertinents ou peuvent être utilisés, mais je ne souhaite pas que ce

21 document soit utilisé dans ce procès au lieu du témoignage et en

22 remplacement du témoignage. Nous souhaitons que le témoin puisse témoigner

23 au cours de ce procès.

24 Messieurs les Juges, lorsque qu'une référence a été faite à la décision

25 prise dans l'affaire Brdjanin, ceci n'était absolument pas pertinent.

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1 C'est une affaire qui concernait le privilège des journalistes, qui

2 devaient être convoqués au cours du contre-interrogatoire, un article qui,

3 par ailleurs, est pertinent et peut être admissible. La vraie question qui

4 se pose est celle de savoir si le journaliste doit être cité à la barre.

5 Ceci n'a rien à voir avec la situation actuelle. Dans ce cas plutôt que

6 d'aider ma consoeur dans la présentation des moyens, la vraie question qui

7 se pose, c'est que M. Hodzic est ici. Laissez-le parler de ce dont il se

8 souvient. Laissez-lui raconter ce qu'il s'est passé. S'il s'agit de quelque

9 chose de différent, à ce moment-là, s'il a du mal à se souvenir, vous

10 pourrez peut-être décider, selon les réponses qu'il va nous fournir, peut-

11 être que vous l'autoriserez à lui rafraîchir la mémoire concernant un

12 document en particulier. Pour ce qui est du livre et de considérer qu'il

13 remplace son témoignage, ceci n'est franchement pas quelque chose que l'on

14 peut autoriser. C'est en tout cas l'argument que j'avance.

15 Ce que mon éminente consoeur a dit, à la page 13, ligne 19 et tout ce qui

16 suit, elle l'a fait pour justifier son argumentation. Il est tout à fait

17 clair qu'il s'agit d'une tentative de présenter un témoignage en tant que

18 témoignage. L'Accusation n'a jamais dit que c'est un témoignage direct qui

19 est important et que ce document joue un autre rôle ou une autre fonction.

20 Le Procureur tente d'utiliser ce témoignage et ne devrait pas être autorisé

21 à le faire. Nous devons entendre tout ceci de la bouche de M. Hodzic. Vous

22 pourrez peut-être en décider différemment plus tard, mais laissez-lui cette

23 chance. C'est un témoin. Il est venu à La Haye. C'est ce que nous voulons

24 entendre de lui.

25 Ensuite, je me rapporte à la question de l'admissibilité de l'ouvrage de M.

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1 Halilovic. L'argument du Procureur pourrait être résumé comme suit : M.

2 Hodzic était là en même temps. C'est en tout cas dans ce sens que

3 l'argument a été présenté. M. Hodzic évidemment a tout intérêt à ce que cet

4 ouvrage soit présenté. Le Procureur l'a dit parce qu'il y était lui-même.

5 Messieurs les Juges, chaque témoin, qui a été cité à la barre et qui était

6 présent sur les lieux du crime, on peut dire la même chose à propos de

7 chaque témoin. Le Témoin D, apparemment, était présent aussi. Ne serait-il

8 pas approprié, par conséquent, de lui soumettre cet ouvrage par

9 l'intermédiaire du témoin D ? Je crois en tout cas que c'est ce qui est

10 avancé ici, c'est le seul argument qui est avancé ici, c'est en tout cas

11 mon argument.

12 Pour ce qui est de la question du journal, très honnêtement ma

13 consoeur a tout à fait raison, je crois qu'il faut clarifier la situation.

14 Il y a un risque évidemment, mais ce type de document doit être présenté au

15 témoin, et cela doit lui permette de lui rafraîchir la mémoire. Très

16 honnêtement, je sais que si on s'en tient à quelques minutes, ceci est

17 pertinent.

18 Voilà, c'est ce que j'avais à dire.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez répondre.

20 Merci beaucoup. Nous avons consacré 35 minutes à ce débat. Mais en réalité,

21 avant même le début de cette affaire, les Juges de la Chambre avaient rendu

22 une décision à propos des lignes directrices ou de la recevabilité de

23 certains éléments de preuve. J'espère que les deux parties trouveront le

24 temps d'en parler entre eux, et de lire très attentivement ce que contient

25 cette décision.

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1 Au cours de cette procédure, le conseil de la Défense, à juste titre, a

2 indiqué qu'il faut suivre la règle des meilleurs moyens de preuve, et que

3 ceci doit orienter les arguments dans ce procès. Si nous avons un témoin en

4 direct qui donne un témoignage au cours de cette procédure, je pense que

5 son témoignage constitue le meilleur élément de preuve, parce que ces

6 éléments de preuve-là peuvent être vérifiés au cours du contre-

7 interrogatoire effectué par l'autre partie, et c'est la règle que nous

8 devons appliquer ici.

9 Pour ce qui est des autres points, je crois que les arguments présentés par

10 la Défense sont confus, parce qu'on confond ici des documents qui

11 appartiennent à des catégories différentes. D'une part, il s'agit

12 d'utiliser ces documents au cours de la procédure, et d'autre part, il

13 s'agit de verser ces documents au dossier. Comme l'ont indiqué les Juges de

14 la Chambre, pour autant que le document soit pertinent, il est important

15 que le parti qui présente ce document puisse trouver sa cause, pour autant

16 que ce document ait une valeur probante, et que ce document peut être

17 utilisé au cours de la procédure.

18 Pour ce qui est du poids à accorder par les Juges de la Chambre, eu

19 égard à ces documents, c'est à eux de décider ce qui peut être versé au

20 dossier. Je pense que ces questions doivent être débattues après avoir

21 entendu la déposition du témoin, parce que le conseil de la Défense a tout

22 à fait le droit de récuser le versement au dossier au cours du contre-

23 interrogatoire, où il peut poser des questions au témoin. Dans ce cas, je

24 crois qu'à ce stade, que ce soit la cassette vidéo, l'ouvrage et les

25 articles, en même temps que le journal, que nous allons présenter au témoin

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1 au cours de la procédure, nous allons d'abord entendre le témoin avant d'en

2 décider.

3 Pour ce qui est des documents, à savoir s'ils seront versés ou non, nous

4 allons attendre la fin de la procédure.

5 Il en a été décidé ainsi.

6 Pouvons-nous faire entrer le témoin, s'il vous plaît.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir lire le

11 texte de la déclaration solennelle que Mme l'Huissière vous soumet.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: SEFKO HODZIC [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

17 asseoir.

18 Madame Chana.

19 Mme CHANA : [interprétation] Plaise à la Chambre.

20 Interrogatoire principal par Mme Chana :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hodzic.

22 R. Bonjour.

23 Q. Pourriez-vous nous donner votre nom ainsi que votre date de naissance,

24 pour le compte rendu d'audience, s'il vous plaît.

25 R. Je m'appelle Sefko Hodzic. Je suis né le 28 novembre 1945.

Page 18

1 Q. Quel métier exercez-vous ?

2 R. Je suis journaliste, je travaille pour le journal Oslobodjenje.

3 Q. Depuis combien de temps travaillez-vous comme journaliste pour le

4 journal Oslobodjenje ?

5 R. Cela fait maintenant 15 ans que je travaille pour Oslobodjenje. Pendant

6 les autres 20 années, j'ai travaillé pour les autres journaux.

7 Q. Cela fait combien de temps que vous êtes journaliste ? Combien d'années

8 en tout ?

9 R. Environ 35 ou 36 ans. Cela aurait été mieux si les années avaient été

10 moins nombreuses.

11 Q. Pourriez-vous nous dire quelles études que vous avez suivies ?

12 R. Je suis un professeur de littérature, j'ai obtenu un diplôme à la

13 faculté de philosophie de Sarajevo.

14 Q. En quelle année, je vous prie ?

15 R. J'ai obtenu mon diplôme en 1972.

16 Q. Avez-vous également travaillé pour Radio Sarajevo ?

17 R. Oui. J'y ai travaillé en 1973 et 1974 en tant que professionnel.

18 Q. N'avez-vous jamais reçu des prix pour vos articles ?

19 R. J'ai reçu un prix qui m'a été décerné par l'Association des

20 journalistes de Bosnie-Herzégovine. J'ai également reçu un prix, qui est un

21 prix annuel, qui m'a été décerné par Oslobodjenje.

22 Q. En quelle année était-ce, Monsieur Hodzic ?

23 R. Ce prix qui m'a été décerné par Oslobodjenje était en 1996. Pour ce qui

24 est de l'autre prix, je ne me souviens pas exactement.

25 Q. En 1994 et 1995, vous avez été nommé meilleur journaliste de l'année ?

Page 19

1 R. En 1992, j'ai été le correspondant de guerre de l'année, c'est un prix

2 que j'ai obtenu en même temps qu'un de mes collègues.

3 En 1994 et 1995, si je puis m'exprimer ainsi, je suis arrivé en finale si

4 je puis dire.

5 Q. Vous étiez correspondant de guerre en 1993 ?

6 R. Oui, en 1993 et pendant toutes les années de guerre.

7 Q. A ce moment-là, vous travailliez pour le journal Oslobodjenje ?

8 R. Oui. J'étais un journaliste et je travaillais pour Oslobodjenje.

9 Q. Combien d'autres journalistes y avait-il sur le terrain à ce moment-

10 là ?

11 R. Dans les premiers mois de l'année 1992, il y avait beaucoup de

12 journalistes. Ensuite, les chiffres diminuaient petit à petit. Pour finir,

13 nous n'étions plus qu'une poignée de journalistes.

14 Q. Pourquoi ce chiffre a-t-il tant diminué, Monsieur Hodzic ?

15 R. Je sais que mes collègues d'Oslobodjenje - je n'étais pas le seul

16 correspondant de guerre travaillant pour Oslobodjenje - certains de mes

17 collègues ont fui, ils sont partis à l'étranger, et d'autres avaient peur,

18 ils n'arrivaient plus à se rendre sur les lignes de front.

19 Q. Vous-même, vous avez persévéré.

20 R. Oui, jusqu'à la fin.

21 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, comment vous envoyiez vos

22 reportages, à Sarajevo, quelle méthode utilisiez-vous ?

23 R. Non, pas uniquement. Mais à Sarajevo par exemple, je me rendais dans

24 les bureaux, je les écrivais depuis chez moi ou je me rendais dans la salle

25 de presse. Mais lorsque j'étais à l'extérieur de Sarajevo, il y avait

Page 20

1 toujours un téléphone, et je faxais en général mes reportages ou mes

2 articles. Mais en général on utilisait un radioamateur.

3 Q. Lorsque vous étiez journaliste et que vous assuriez la couverture de

4 l'opération Neretva, comment envoyiez-vous vos articles ?

5 R. Uniquement par l'intermédiaire d'un radioamateur.

6 Q. Quel centre de communication ou de transmission utilisiez-vous en

7 particulier ?

8 R. Le centre de transmission de la 44e Brigade de Montagne à Jablanica.

9 A deux reprises, je l'ai envoyé depuis la centrale hydroélectrique. C'est

10 un endroit que nous appelions l'IKM.

11 Q. Qui recevait vos rapports ?

12 R. Je ne sais pas. Il y avait, je crois, quelqu'un qui avait un nom de

13 code qui s'appelait Zoka, et tous les opérateurs des radiosamateurs se

14 connaissaient. Je ne sais pas exactement où ils étaient physiquement, mais

15 ils recevaient les rapports, les reportages et les articles et les

16 envoyaient ensuite à notre centre de transmission. Nous avions notre propre

17 centre dédié à Oslobodjenje. On retapait les articles et depuis 1993, à la

18 demande de différentes personnes de Radio Sarajevo, mon rédacteur en chef

19 m'a autorisé à travailler pour eux aussi. Je travaillais également pour la

20 radio de Bosnie-Herzégovine.

21 Q. Autrement dit, vos articles étaient imprimés dans les journaux et

22 ensuite on vous entendait sur les ondes par l'intermédiaire de la radio.

23 R. Oui. On ne peut pas dire que ceci se passait au quotidien; c'était

24 surtout en 1992 et 1993 que j'étais très occupé. On pourrait le dire pour

25 ces dates-là. On ne peut pas dire que c'était tous les jours, mais c'était

Page 21

1 assez fréquent et je me rendais souvent à Zuc, sur le front, là où il y

2 avait des opérations de combat, et je devais rendre mon rapport à 15 heures

3 et 17 heures. J'allais dans la salle de presse, je travaillais jusqu'à 11

4 heures, je développais les photographies, et ensuite ceci était publié le

5 lendemain dans le journal.

6 Q. La date et l'endroit figuraient-ils toujours dans vos articles ?

7 R. Non. Seulement si j'oubliais quelque chose. Je faisais toujours très

8 attention d'indiquer la date et ensuite je prenais des notes. Lorsque je

9 travaillais ou que je faisais des enregistrements que je devais envoyer à

10 la radio, à ce moment-là, je le disais. Quelquefois j'oubliais, mais en

11 général, dans le micro, je disais : Voilà. Je donnais la date, je disais

12 que j'étais à tel ou tel endroit, je m'entretenais avec les combattants et

13 les commandants.

14 Q. Les informations eu égard à ces dates et à ces endroits, ces

15 informations étaient-elles suffisamment précises ou non ?

16 R. Quelquefois il y avait des erreurs qui se glissaient. Parfois je notais

17 ces erreurs, surtout dans les premières années de la guerre, au niveau des

18 dates et des lieux. Ceci pouvait se produire quelquefois. Il me semblait

19 que c'était une date et ensuite, je remarquais que c'était une autre date

20 et je corrigeais ces erreurs par la suite, lorsque je vérifiais la

21 publication de ces articles dans le Oslobodjenje. Si je l'avais publié le

22 25, cela voulait dire que j'avais envoyé mon article le 24.

23 Q. Comment se fait-il que ceci n'était pas clair pour vous ?

24 R. J'utilisais différentes méthodes, mais je me basais surtout sur mes

25 notes que j'avais prises pendant la guerre. Je les ai quasiment toutes

Page 22

1 gardées, bien que quelques pages soient déchirées.

2 Lorsque je partais sur le terrain, je recevais de la salle de presse une

3 autorisation qui me permettait de voyager. Je devais dire combien de temps

4 j'allais passer dans la zone de guerre. La première page, par exemple, de

5 mes articles, il y avait toujours cette autorisation me permettant de

6 voyager. Par exemple, lorsque je me suis rendu à Igman pour l'opération

7 Neretva, tout ceci était clairement indiqué et ces documents, je les ai

8 tous gardés.

9 Q. Est-il vrai qu'Oslobodjenje vous donnait des per diem ?

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne m'oppose à ce que le témoin fasse sa

11 déposition, mais je m'oppose à ce qu'on lui pose des questions suggestives.

12 Si les questions sont directrices, je soulèverai des objections à chaque

13 fois.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Dans le cas présent, je ne pense que

15 cette question est tout à fait suggestive. Je pense que l'Accusation doit

16 orienter le témoin et doit le guider et le mener sur certains sujets.

17 Sinon, nous n'y arriverons jamais.

18 M. MORRISSEY : [interprétation] C'est tout à fait exact. Le témoin est tout

19 à fait autorisé à en parler comme il le souhaite. Il n'est pas nécessaire

20 de le suggérer à la manière dont le fait le Procureur.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être que vous pourriez poser votre

22 question différemment.

23 Mme CHANA : [interprétation]

24 Q. Monsieur Hodzic, pourriez-vous nous dire pourquoi ces dates étaient

25 tout à fait claires ? Y avait-il autre chose ou quelque chose d'autre qui

Page 23

1 vous a permis de vous rappeler des dates ?

2 R. Comme je vous l'ai dit, pour ce qui est de cette opération en question,

3 l'opération Igman -- pour Igman, en réalité, j'avais davantage de documents

4 parce qu'il y avait des combats tous les jours, j'avais pris des notes tous

5 les jours, et comme je vous l'ai dit, cet article-ci qui portait sur Igman

6 et Neretva, c'est un reportage que j'ai compilé. Nous recevions 300 marks

7 allemands par jour, mais ce n'est que lorsqu'Oslobodjenje avait reçu une

8 donation de quelqu'un. Mais quelquefois, je ne recevais rien, je n'avais

9 pas de per diem. Comme, par exemple, lorsque j'ai couvert l'opération

10 Neretva, je n'ai rien reçu. On ne m'a donné de l'argent que lorsque je suis

11 rentré et quelquefois, je ne recevais rien avant six mois.

12 Q. Est-ce que vous deviez remplir des papiers pour pouvoir obtenir cet

13 argent, ces per diem ?

14 R. Non, ni à ce moment-là, ni aujourd'hui. Il fallait simplement remettre

15 un article et l'autorisation qui nous avait permis de travailler et les

16 factures ou les notes d'hôtel. Par exemple, je devais remettre ma note

17 d'hôtel, et ceci serait versé en sus de cet argent qui m'avait été versé,

18 mais il n'y avait pas d'autres dépenses hormis les frais de voyage.

19 Q. Monsieur Hodzic, vous dites que vous rédigiez les articles. Pourriez-

20 vous nous dire quelles étaient vos sources ? Quelles étaient les sources

21 que vous utilisiez lorsque vous rédigiez vos notes ? Sur quoi vous

22 reposiez-vous ?

23 R. Dans la zone de combat, j'étais un témoin oculaire. Mes articles ne

24 représentaient pas, ne faisaient pas état de la sagesse populaire. Je

25 m'entretenais avec les combattants, avec les commandants, je prenais des

Page 24

1 photos et je décrivais ce que je voyais et ce que j'ai vécu dans le théâtre

2 des opérations. Je relatais ce qui se passait.

3 Q. Vous avez pris des notes ?

4 R. Oui. J'ai quelques 120, 150 notes.

5 Q. Ensuite vous avez écrit un livre. Combien de livres avez-vous écrits

6 jusqu'à ce jour, Monsieur Hodzic ?

7 R. Avant la guerre, j'ai publié un certain nombre de choses, mais ce qui

8 est pertinent, important, maintenant, c'est que j'ai publié quatre ouvrages

9 qui parlent de la guerre.

10 Q. Lorsque vous avez rédigé vos ouvrages, vos livres, quelles étaient les

11 informations que vous utilisiez ?

12 R. Cela dépendait du livre. Le premier livre contient différents

13 reportages rédigés sur le front; j'ai corrigé quelques petites erreurs et

14 cela a été public comme tel.

15 Le troisième livre qui est celui qui est présenté ici. Il s'agit de

16 chapitres un peu plus longs. J'ai pris part aux évènements, et j'ai parlé

17 de Neretva. Je ne sais plus ce que ce livre contient. Je n'ai pas seulement

18 utilisé mes souvenirs pour cet ouvrage-là, mais le général Delic et le

19 général Dudakovic m'ont permis d'utiliser les archives. J'ai utilisé des

20 documents d'archive, ce que j'ai intégré à mon ouvrage ici. J'ai également

21 parlé avec des personnes qui ont pris part directement aux événements. Il

22 s'agit là de mon témoignage, ainsi que des témoignages de ceux qui ont pris

23 part aux événements, ainsi que des documents d'archive.

24 Q. Est-ce que vous dites que ceci est conforme aux critères les plus

25 élevés appliqués aux journalistes ?

Page 25

1 R. Oui. En tout cas, j'ai essayé de respecter ces normes dans la plupart

2 des cas, dans quasiment tous les cas. Quelquefois des erreurs se sont

3 glissées, mais mon objectif était de dire la vérité.

4 Q. Au moment où vous avez écrit ce livre, est-ce que vous avez corrigé des

5 erreurs, ou par exemple des erreurs à propos des dates qui se sont glissées

6 dans ces articles ?

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Pardonnez-moi, Messieurs les Juges, je ne

8 sais pas si le témoin a réellement parlé des dates de ces articles à ce

9 stade de la procédure.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, effectivement, il s'agit d'une

11 question directrice.

12 Mme CHANA : [interprétation] Ecoutez, je crois que le témoin a dit que,

13 hormis quelques dates, tout était exact.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non, qu'il n'y avait pas d'erreurs

15 commises intentionnellement.

16 Mme CHANA : [interprétation] Oui.

17 Q. Monsieur Hodzic, pourriez-vous aider les Juges de la Chambre, s'il vous

18 plaît, et leur dire combien d'erreurs avez-vous commises eu égard aux

19 dates, et combien d'erreurs y avait-il, d'après vous ?

20 R. En ce qui est de la question ici, il n'y avait qu'une erreur à propos

21 d'une date, qui est la date à laquelle j'ai rencontré M. Sefer Halilovic à

22 Konjic. Je ne sais pas comment cette erreur a pu se glisser, mais dans sa

23 déclaration dans cet ouvrage, et dans un long chapitre, j'ai écrit que ceci

24 avait eu lieu le 22 août. M. Sefer Halilovic avait émis un sauf-conduit

25 pour ma mère pour qu'elle puisse traverser le tunnel. Lorsque j'ai relu le

Page 26

1 document d'archives, j'ai vu que la date qui était citée était le 23 août.

2 Ensuite, j'ai vérifié à nouveau mes notes que j'avais écrites, lorsque

3 j'étais à cet endroit-là au moment des consultations de Zenica. J'ai

4 constaté que ceci avait en réalité eu lieu le 23.

5 Q. Y a-t-il eu d'autres erreurs commises à propos des dates, hormis celle

6 dont vous venez de nous parler ?

7 R. Je ne me souviens pas, peut-être qu'il y a eu d'autres erreurs, mais je

8 ne me souviens pas.

9 Q. Bien. Monsieur Hodzic, je vous demande de bien vouloir regarder vos

10 articles et les identifier, s'il vous plaît.

11 Mme CHANA : [interprétation] Numéro 65 ter 126. Je vais maintenant le lire

12 à haute voix : 03423148.

13 Q. Il s'agit des articles que vous avez écrits entre les dates du 15

14 janvier au 6 février 1999.

15 Mme CHANA : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être qu'il serait

16 plus facile de les montrer à M. Hodzic, tous ces articles, et lui demander

17 de les identifier mais je ne vais pas aller plus avant.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Ecoutez, je souhaite évoquer ce point. A la

20 lumière de la décision prise par les Juges de la Chambre, ces documents

21 sont tout à fait admissibles. Le témoin devrait être autorisé à déposer ou

22 à faire sa déposition avant. Il s'agit d'un témoignage en direct, je ne

23 m'oppose pas du tout à ce que le témoin regarde ces documents. Je suis sûr

24 qu'il les a vus à plusieurs reprises. Pour ce qui est de l'interrogatoire,

25 et si vous l'autorisez à regarder ces articles, je crois qu'il est

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1 important qu'il puisse dire ce dont il se souvient, c'est en tout cas ce

2 que j'avance.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous parlons toujours des erreurs à

4 propos des dates ?

5 Mme CHANA : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je souhaite

6 simplement qu'il soit marqué aux fins d'identification à ce stade, ensuite

7 je le présenterai. Je veux simplement qu'il reconnaisse ces articles.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poser les questions

9 préliminaires à propos de cet article, par exemple ce qu'il contient.

10 Mme CHANA : [interprétation] Très bien, merci, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien.

12 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder ces articles, les articles que

14 Mme l'Huissière, vient de vous montrer, s'il vous plaît. De quoi s'agit-il

15 ici ?

16 R. Il s'agit d'une série d'articles que j'ai écrits pour Oslobodjenje du

17 15 janvier au 6 février 1993, avec pour sous titre, "Témoin de l'opération

18 à Neretva," une série de 23 articles.

19 Q. Est-ce qu'il s'agit toujours de l'opération Neretva ou est-ce qu'il y a

20 d'autres sujets qui sont abordés dans ces articles ?

21 R. Oui, pour tous les articles, mais j'ai également écrit sur l'opération

22 du mont Igman qui avait lieu précédemment, parce qu'on y trouvait les mêmes

23 personnes. Il y a d'autres éléments qui apparaissent dans ces articles,

24 mais il y a des erreurs assez importantes, parce que mes articles je les

25 écrivais sur la base de mes notes. J'allais à une station radio, et on m'a

Page 28

1 donné des cassettes qu'ils avaient gardées, parce que moi, je ne les avais

2 pas gardées et il y avait quelques erreurs surtout quand je me suis inspiré

3 de ma mémoire. La plupart de ces erreurs ont été corrigées dans le livre.

4 Il y a peut-être des erreurs ici dans les articles, mais pas dans le livre,

5 parce que j'ai essayé de corriger toutes les erreurs quand j'ai écrit mon

6 livre.

7 Q. Est-ce qu'il s'agit là des articles que vous avez envoyés depuis le

8 terrain, quand vous étiez correspondant de guerre ?

9 R. Non. J'ai utilisé ces articles parce que c'est quelque chose que j'ai

10 écrit en janvier 1999. Je me suis servi des articles que j'avais écrits en

11 1993, des reportages que j'avais faits pour la radio, et cetera parce que

12 je ne pouvais pas me souvenir de tout cela, mais il n'y avait pas de

13 document particulier à l'exception de quelques documents, mais pas de

14 documents d'archives.

15 Q. Ces documents reposaient sur des articles envoyés depuis le terrain ?

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre le témoin. Il

17 s'agit d'une interruption à caractère juridique.

18 Premièrement, cette question est indéniablement une question à caractère

19 directeur. Ensuite, c'est complètement contradictoire avec la réponse qui

20 avait déjà été donnée par le témoin. Je ne m'oppose pas à ce que mon

21 éminente consoeur pose les questions habituelles, qu'on pose à un témoin de

22 ce genre, sur la manière dont le témoin a préparé ces articles, ou ces

23 reportages, comment il les a corrigés, quand il a écrit son livre. Mais il

24 ne faut pas guider les réponses du témoin, lui dicter ses réponses.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, il s'agit là

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1 d'une question directrice. Dans certaines circonstances, il est possible de

2 poser des questions directrices. Ici, les questions que nous entendons

3 n'ont pas trait au comportement de l'accusé. Il s'agit simplement d'établir

4 la source de cet article.

5 Nonobstant ce fait, Madame Chana, vous pourriez peut-être poser votre

6 question différemment.

7 Mme CHANA : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

8 Q. Ces articles de 1999 sur quoi reposaient-ils ?

9 R. Ces articles, je les avais préparés à partir des rapports quotidiens

10 que j'envoyais depuis l'Herzégovine, aussi bien pour la radio que pour

11 Oslobodjenje, et ils ont été écrits également sur la base des notes que

12 j'ai prises. Puis je pense avoir conservé une ou deux cassettes et d'autres

13 éléments. Je me suis également reposé sur mes souvenirs. J'ai aussi

14 consulté d'autres sources comme Bilajac, Karic, Suljevic et autres.

15 Mme CHANA : [interprétation] Je demanderais une cote aux fins

16 d'identification. Numéro 288. Bien.

17 Q. J'aimerais vous présenter, Monsieur le Témoin, le document portant cote

18 65 ter 183 et le numéro ERN est 01062078.

19 Mme CHANA : [interprétation] Je crois que ceci va être présenté à l'écran.

20 Q. Nous avons ici des extraits de votre ouvrage, Monsieur le Témoin, et

21 même si j'essayais, je ne crois pas que je pourrais prononcer le titre en

22 langue bosniaque, enfin en traduction cela signifie "enveloppe décachetée."

23 Vous allez voir apparaître ce document à l'écran. Nous avons des extraits

24 de ce livre que nous avons fait traduire.

25 Mme CHANA : [interprétation] J'aimerais maintenant que le témoin

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1 reconnaisse ces éléments.

2 Q. Procédons page par page, c'est là où on voit les quelques défaillances

3 de notre prétoire électronique.

4 R. Oui. On voit ici un titre qui a été bien traduit. Nous avons ici un des

5 épisodes, c'est-à-dire "La cène à la RAK."

6 Mme CHANA : [interprétation] Je ne sais pas s'il y a une façon meilleure de

7 procéder parce que sinon, cela risque de nous prendre beaucoup de temps si

8 on doit procéder page par page.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey.

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Je crois que M. Halilovic ne voit pas le

11 document.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous avions, je crois, conclu et vous

13 étiez d'accord pour qu'on donne un exemplaire écrit au témoin ?

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, je ne vois d'ailleurs pas pourquoi on

15 ne lui a pas donné. Pourquoi on lui donne uniquement des passages. Je n'ai

16 pas d'objection à ce qu'il soit autorisé à consulter son livre. Nous

17 n'allons pas demander à ce qu'on lui présente chaque passage pour qu'il le

18 reconnaisse. Il est manifeste qu'il a écrit ce livre. Il a le droit de

19 déposer à ce sujet. Mon éminente consoeur peut procéder de manière

20 directrice à ce sujet. Simplement, c'est l'Accusation qui a décidé de

21 présenter toute cette série d'extraits très courts. S'ils souhaitent

22 procéder de la sorte, cela ne me gène pas. Je ne m'oppose pas à ce qu'ils

23 présentent la totalité.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

25 Mme CHANA : [interprétation] Merci à la Défense. La raison pour laquelle

Page 31

1 nous procédons de la sorte c'est que tout n'a pas été traduit et nous nous

2 souvenons d'une décision que vous aviez prise quand vous avez décidé qu'il

3 ne fallait pas verser au dossier la totalité du livre. Nous ne voulons pas

4 que la Chambre soit encombrée sous un déluge de documents, mais nous

5 pouvons effectivement, c'est vrai, montrer au témoin son livre en B/C/S.

6 Q. Monsieur Hodzic, je vais vous remettre un exemplaire papier. Je l'ai

7 déjà dit aux Juges, vous l'avez entendu d'ailleurs, nous avons ici des

8 extraits que nous avons fait traduire. Pouvez-vous jeter un coup d'œil pour

9 nous dire si effectivement le livre que vous avez sous les yeux, c'est

10 votre livre. Si vous regardez la copie papier qui vient de vous être

11 remise.

12 R. C'est évident. On a ici des extraits de mon livre intitulé "Enveloppe

13 décachetée," un livre qui porte sur cette opération en particulier.

14 Q. Quand vous avez écrit ce livre de quel type d'information vous êtes-

15 vous inspiré ?

16 R. J'ai déjà dit. Je ne sais pas si vous voulez que je répète, je peux le

17 faire.

18 Q. Non, cela c'était au sujet des articles. Maintenant j'aimerais que vous

19 parliez du livre et des sources d'information que vous avez utilisées pour

20 le rédiger.

21 R. Oui, ceci vient du livre effectivement. Voilà le livre. Un livre qui

22 repose sur la série d'articles que j'avais publiés avec des documents ou

23 autres, et des articles que vous m'avez montrés précédemment. J'ai ajouté

24 un certain nombre de documents, au sujet de l'opération Neretva, que j'ai

25 trouvés dans les archives. Je me suis servi également de documents venant

Page 32

1 de la FORPRONU. J'ai consulté les numéros d'Oslobodjenje de cette période.

2 Je me suis également entretenu avec Pasalic, et cetera et d'autres

3 personnes dont j'ai donné le nom. J'ai tout compilé sur la base

4 d'informations dont je disposais précédemment et j'ai ensuite ajouté

5 d'autres informations. Excusez-moi de vous avoir dit que vous aviez répété

6 votre question. Je n'avais pas tout à fait bien compris.

7 Q. C'est très bien, Monsieur Hodzic.

8 Mme CHANA : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI289.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Mais quel est le titre du livre ?

10 Mme CHANA : [interprétation] Oui, excusez-moi, Monsieur le Président.

11 Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire quel est le titre de votre

12 livre ?

13 R. C'est "Enveloppe décachetée," et le titre ici, c'est le titre "Témoin

14 de l'opération Neretva," c'était une sorte de roman policier. Je me suis

15 inspiré d'une autre opération qui s'appelait "opération Enveloppe," et

16 c'est pourquoi j'ai décidé d'appeler mon livre "Enveloppe décachetée."

17 C'était une autre opération complètement.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Mais les documents n'ont pas été

19 traduits en anglais.

20 Mme CHANA : [interprétation] Nous avons traduit en anglais un certain

21 nombre d'extraits il y a quelques jours parce que ce sont des documents que

22 nous n'avons reçus que récemment.

23 M. LE JUGE LIU : Oui.

24 Mme CHANA : [interprétation] Je pense que nous pouvons toujours fournir les

25 documents en B/C/S.

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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Poursuivez.

3 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. Monsieur Hodzic, j'aimerais que vous parliez du 9 juin 1993 et que vous

5 nous disiez ce que vous avez fait ce jour-là ?

6 R. Le 8 juin, on a diffusé la nouvelle selon laquelle il y avait eu des

7 changements dans l'armée, c'est-à-dire que Sefer Halilovic était à un tel

8 endroit et que le commandant en chef c'était Rasim Delic. Le rédacteur en

9 chef m'a appelé et m'a dit : "Il faudrait écrire quelque chose sur ce

10 nouveau commandant." J'ai répondu que : "Je n'en avais jamais entendu

11 parler." Tout ce qu'on a publié, c'était un communiqué qui venait de la

12 présidence au sujet des changements qui venaient d'avoir lieu dans l'armée.

13 Et le matin, le rédacteur en chef m'a demandé d'aller voir le chef d'état-

14 major avec un photographe parce qu'on ne disposait même pas de sa

15 photographie. On voulait aussi recueillir sa déclaration au sujet des

16 compétences, des missions, et on voulait savoir si Sefer restait à sa place

17 et ce qu'il se passait. Je suis allé au petit matin au bureau de M. Sefer

18 Halilovic. Ils étaient en train de procéder à des changements, il y avait

19 une passation de consignes, une cérémonie officielle, et j'ai demandé si le

20 commandant pouvait nous recevoir, si on pouvait prendre sa photographie,

21 recueillir une déclaration, il n'y avait que Sefer et Delic, et les gens de

22 Sefer m'ont dit qu'il voulait démissionner. Parce qu'une demi-heure avant,

23 il avait dit qu'il allait être remplacé.

24 Ensuite, on m'a dit que le commandant m'attendait. Je suis entré dans

25 la pièce, j'étais avec Delic. Ce que je voulais, c'était le photographier

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1 et recueillir une brève déclaration de sa part. Mais on est resté un peu

2 plus longtemps que prévu. On a eu une discussion et l'un des sujets,

3 c'était la distribution des compétences, la répartition des compétences.

4 J'ai posé d'autres questions aussi; j'ai parlé aussi des changements qui

5 venaient d'avoir lieu.

6 Il a dit que tout le monde savait quelles étaient les compétences de

7 chacun, parce qu'il l'avait dit dans son livre, ce que j'ai d'ailleurs

8 repris dans mon livre, et il a dit : "On savait très bien ce que le chef

9 d'état-major était censé faire, mais que c'était le commandant qui avait le

10 dernier mot." Ensuite, Sefer est revenu, je lui ai parlé, je l'ai

11 interrogé au sujet de sa démission, il a répondu par la négative, ensuite

12 j'ai demandé à Delic s'il avait démissionné, il a dit : "Non." J'ai demandé

13 à Delic s'il avait vraiment présenté sa démission, il a utilisé une formule

14 très bureaucratique, je ne me souviens pas s'il a dit : "Il y a trop de

15 Sefers" ou "il n'y a qu'un seul Sefer." Enfin, quelque chose de ce type. Je

16 ne me souviens pas.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je sais bien que vous souhaitez

18 absolument nous faire part de ce que vous avez à nous dire, mais il ne faut

19 pas aller trop vite, pour qu'on puisse vous suivre, pour que les

20 interprètes puissent vous suivre et qu'on puisse consigner vos propos au

21 compte rendu d'audience.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

23 Mme CHANA : [interprétation] J'allais dire exactement la même chose au

24 témoin. Essayez de vous souvenir de ce que vient de vous dire Monsieur le

25 Juge Liu. Je demande aux interprètes de ne pas hésiter à interrompre, à

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1 intervenir si le témoin va trop vite.

2 Q. Vous avez interviewé Delic, vous avez parlé du comportement de

3 Halilovic en général. A quel moment Delic a-t-il été placé à la tête de

4 l'armée, au commandement Suprême de l'armée ? A quelle date ?

5 R. Cela a été publié le 8. La présidence a rendu la décision au sujet de

6 la nomination de Rasim Delic. A l'époque, il n'était pas général. C'était

7 une nouvelle fonction qui n'existait pas précédemment, et Sefer Halilovic

8 est resté à sa précédente fonction qui était celle de chef d'état-major. On

9 n'a pas beaucoup parlé de Sefer, d'ailleurs. J'ai demandé si c'était vrai

10 qu'il avait présenté sa démission.

11 Q. Pourquoi Sefer Halilovic voulait-il démissionner ?

12 R. Pendant que j'attendais que le commandant ne vienne, accepte de me

13 voir, ses collaborateurs m'ont dit qu'il allait démissionner, que tout cela

14 n'était pas juste, qu'on lui avait dit au tout dernier moment qu'il y

15 allait avoir quelqu'un de nouveau. Ensuite quand il est venu, quand j'étais

16 avec Delic, je lui ai demandé s'il allait démissionner et il m'a dit : "Le

17 moment venu, je le ferai savoir." Ensuite, Delic a dit ce que j'ai déjà

18 rapporté, ce que j'ai déjà dit précédemment, à savoir qu'il n'y avait

19 aucune information à ce sujet. Puis, il a dit quelque chose du genre : "Il

20 n'y a qu'un seul Sefer", il n'y a pas beaucoup de gens comme Sefer."

21 Q. Est-ce que vous avez pris une photographie de Sefer et Delic ensemble ?

22 R. Non. Il y avait un photographe. Je n'avais pas d'appareil photo, la

23 situation était assez intéressante au moment où Sefer est entré. Delic

24 était de l'autre côté du bureau, on était en train de parler. Sefer est

25 entré pour donner quelque chose à Delic, pour lui parler. J'ai pensé que

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1 cela ferait une bonne photo.

2 Q. Je suis désolé de vous interrompre mais on a beaucoup mal à vous

3 comprendre, à vous suivre, il faut vraiment faire un effort.

4 R. Je sais. Comme je l'ai dit, Sefer était debout, c'était très symbolique

5 du changement. Delic était assis, Sefer était debout derrière et j'ai

6 demandé au photographe de prendre cette photo. Le photographe s'est emparé

7 de son appareil photo mais Sefer a dit non. Je pensais qu'il était dommage

8 qu'une image aussi symbolique ne soit pas réalisée, mais ils n'ont pas

9 voulu.

10 Q. Ils n'ont pas voulu être photographiés ensemble ?

11 R. Non, ce n'est pas vraiment qu'ils aient refusé, il n'y avait rien de

12 vraiment de répréhensible à tout cela, enfin, ce n'était pas quelque chose

13 de fait dans un mauvais esprit, mais je crois qu'il n'aimait pas qu'on le

14 prenne en photo. Je n'ai pas pris cela comme un refus délibéré. Il n'aimait

15 pas, non plus, faire des déclarations à la presse. Une fois, j'ai parlé à

16 son chef de cabinet; il nous a dit qu'on voyait plus le pape dans la presse

17 que lui, alors que pourtant que c'était la guerre en Bosnie.

18 Q. Parlons du 23 août 1993. Qui avez-vous rencontré ce jour-là ?

19 R. J'en ai parlé en détails dans mon livre. Je suis allé pendant une

20 période de cinq jours en tant que reporter de Mostar, avec un groupe de

21 personnes de Mostar. J'ai appris que Razici, mon lieu de naissance, était

22 tombé dans la zone de Konjic. Je me suis séparé du reste du groupe, j'ai

23 trouvé ma mère, je suis revenu à Konjic au bout de cinq jours.

24 C'est la situation la plus difficile que j'ai connue pendant la guerre.

25 Qu'est-ce qu'il fallait que je fasse ? Il fallait bien que j'aille à

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1 Mostar, mais je ne pouvais pas laisser ma mère, elle ne voulait que je

2 parte. Je suis allé à Sarajevo. On m'a dit : Il n'y a que Sefer ou Delic

3 qui peuvent vous permettre, qui peuvent te permettre de passer. Les civils

4 ne peuvent pas passer. Il n'y a que Delic qui peut te permettre de passer

5 par le tunnel, parce que sinon, il n'y a pas de civils qui passent par là.

6 C'était une situation vraiment difficile.

7 Le lundi, il faut savoir que j'étais à Konjic chez des parents avec

8 ma mère. On a pris la direction de Konjic avec une jeep, il y avait Zuka au

9 volant, Sefer était endormi sur le siège du passager, c'était vraiment une

10 occasion unique, un "scoop", c'était le gros lot, quoi, j'étais

11 complètement enthousiaste de le voir à cet endroit, je suis allé dans la

12 zone où se trouvait le 6e Corps, je crois que c'étais la direction qu'il

13 prenait, il était là, Karavelic, Zuka aussi, ainsi que beaucoup d'autres

14 personnes.

15 Q. Que leur avez-vous dit ?

16 R. J'ai remarqué Sefer, il était là, il m'a vu, on est allé l'un vers

17 l'autre, tout le monde était de bonne humeur. Karavelic est venu et j'ai

18 dit : "Sefer, t'es vraiment quelqu'un que j'apprécie beaucoup

19 actuellement." Il a répondu : "Pourquoi ?" Je lui ai expliqué ma situation,

20 je lui ai expliqué que j'étais avec ma mère. Il m'a dit : "Ce n'est pas un

21 problème. J'ai un cachet. Je vais pouvoir faire les documents nécessaires

22 pour que ta mère puisse se déplacer comme elle l'entend," et cetera. Il a

23 préparé un papier dans lequel il demandait à toutes les unités d'apporter

24 leur aide à la personne concernée.

25 Q. Il vous a donné ce laissez-passer. Que vous a-t-il dit d'autre ?

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1 R. Je lui ai demandé -- plutôt, il m'a demandé où j'allais. J'ai répondu

2 que j'allais à Mostar avant tout cela. Je lui ai expliqué tout ce qui

3 s'était passé. Je lui ai dit que j'allais à Mostar, que Santic, Ulica le

4 Bulevar, tout cela c'était les artères symboliques pour la défense de

5 Mostar. Je lui ai dit que j'allais à Mostar pour faire un reportage sur la

6 rue Santic, et le Bulevar. Il a dit que lui-même, il allait à Mostar, qu'il

7 serait bientôt à Mostar, mais que c'était un peu différent ce qu'il allait

8 faire là-bas, puisqu'il allait lever le blocus de Mostar, et qu'il a dit

9 que soit Bilajac, Zicro, et cetera, étaient déjà là ou qu'ils se

10 préparaient à aller là-bas. Il a dit qu'il allait se rendre lui-même là-bas

11 pour mener l'opération. C'est à ce moment-là que je lui ai dit la chose

12 suivante : "Mon cher Sefer, je t'en prie laisse-moi venir avec toi. Je vais

13 renvoyer ma mère à Sarajevo. Allons tous ensemble joyeusement -- enfin pas

14 vraiment joyeusement, mais en tout cas en ce qui me concerne, libéré de ce

15 souci." Il a répondu par l'affirmative.

16 J'allais à Mostar parce que mon chef m'avait demandé de faire quelque

17 chose, mais je ne pouvais pas le faire à cause de ce qui s'était passé avec

18 ma mère. Il avait fallu retourner à Sarajevo, et cetera. On a décidé de se

19 mettre en route ensemble quand lui a décidé d'aller à Mostar. Je l'ai

20 appelé à plusieurs reprises. On est resté en contact afin d'organiser ce

21 déplacement.

22 Q. Quand il a dit : "Nous allons à Mostar," pour vous, que recouvrait ce

23 "nous" ?

24 R. Vous parlez de Konjic ou d'un autre endroit ?

25 Q. Vous nous avez dit que Sefer vous avait dit : "Nous allons lever le

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1 blocus de Mostar." C'est qui ce "nous ?"

2 R. L'ABiH, rien d'autre.

3 Q. Maintenant, j'aimerais que nous parlions du 31 août, que s'est-il passé

4 ce jour-là ?

5 R. Ce jour-là et la veille, je l'ai appelé parce que je l'appelais tous

6 les jours à ce moment-là. Je lui ai demandé : "Quand on pourrait y aller."

7 Il m'a dit de venir chez lui à 20 heures, le même soir.

8 Il fallait que je me prépare, que je fasse mes bagages. J'ai fais ma

9 valise. Je me trouvais dans une partie de la ville, une certaine partie de

10 la ville. Je suis descendu dans la rue pour essayer de trouver quelqu'un

11 pour m'aider à me déplacer. Il n'y avait pas beaucoup de véhicules. Soudain

12 une voiture s'est arrêtée à côté de moi, j'ai regardé à l'intérieur de la

13 voiture, c'était Sefer avec ses collaborateurs. C'est tout à fait par

14 hasard qu'il passait par là.

15 Q. Quelles étaient les personnes qui se trouvaient avec Sefer dans ce

16 véhicule ?

17 R. Je l'ignore totalement. Des gens d'escorte, peut-être y avait-il une

18 femme. Je ne sais pas. Mais il y avait un chauffeur.

19 Q. Où êtes-vous allé ?

20 R. Nous sommes allés à son QG. J'ai laissé tout mon équipement de

21 journaliste à cet endroit. Il m'a dit d'attendre un petit peu. Je suis

22 sorti, je suis allé me promener en ville. Puis tout à fait par hasard, j'ai

23 rencontré son ami, son collègue de la Ligue patriotique qui n'était pas

24 encore général, qui est Kemo Karisika. Il m'a dit qu'il descendait, qu'il

25 allait descendre là-bas aussi et qu'il allait à l'école des officiers de

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1 Zenica. Ensuite, je suis revenu chez lui, je suis revenu à l'endroit où

2 j'étais précédemment. Je crois que l'on est parti vers 9 heures, me semble

3 t-il.

4 Q. Vous êtes parti de Sarajevo vers 9 heures ?

5 R. Oui, peut-être à 10 heures aussi. Je ne me souviens pas. Avec ses

6 collaborateurs et lui, nous avons quitté son bureau. On est passé par le

7 tunnel. Il y avait une jeep qui nous attendait. Un certain Mesar était au

8 volant. On est allé au poste de commandement avancé du 1er Corps à Hrasnica,

9 Kemo est venu aussi. On a discuté. A un moment donné, on a pris la route

10 pour l'Herzégovine. Quand on est arrivé à Konjic, je ne sais pas qui on

11 cherchait, Slavko Gusic, peut-être on allait au 6e Corps, je ne me souviens

12 plus si on l'a trouvé ou pas. Ensuite, Karisika est allé à Zenica et nous

13 on est allé à Jablanica.

14 Q. Procédons par ordre. Vous nous dites qu'il y avait un certain Mesar.

15 D'où venait ce Mesar, qui était-ce ?

16 R. Mesar, c'était le chauffeur qui, pendant que je roulais dans la voiture

17 avec M. Sefer, c'était lui qui conduisait. Lorsque je n'étais pas avec lui,

18 avec Sefer à bord de la voiture, je ne sais pas s'il conduisait, mais il

19 était chauffeur qui conduisait la jeep au bord de laquelle se trouvait

20 Sefer. Il s'appelait Elmedin Causevic, il était de Sandzak, de la région de

21 Sandzak. Son surnom était Mesar, je ne sais pas pour quelle raison.

22 Q. Ce sera ma dernière question avant la pause. Est-ce qu'il était soldat,

23 et si oui, de quelle unité ?

24 R. Mesar était combattant de l'unité de Zuka. Je l'ai rencontré à Igman,

25 un mois auparavant, au moment où les forces serbes, sous le commandement

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1 direct de Mladic, attaquaient Igman, Bjelasnica, et commençaient à prendre

2 du terrain. Je l'ai vu, il avait peur parce qu'il a été envoyé à ces

3 fronts. C'est à ce moment-là, que je l'ai rencontré, je lui ai parlé un

4 peu.

5 Q. Je vous remercie, Monsieur Hodzic.

6 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, il est venu peut-être

7 le moment opportun pour faire une pause.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, nous allons continuer à 11 heures.

9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

10 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous avez la parole, Madame Chana. Vous

12 pouvez continuer.

13 Mme CHANA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 Q. Monsieur Hodzic, avant de continuer, je voudrais vous rappeler le fait

15 qu'il serait bien que vous parliez le plus lentement possible parce que les

16 interprètes doivent interpréter tout ce que vous dites. Plusieurs personnes

17 m'ont prié de vous transmettre cela, compte tenu du fait que vous disposez

18 des informations très importantes, et il est important que la Chambre

19 comprenne tout ce que vous dites.

20 Monsieur Hodzic, avant d'avoir interrompu l'audience pour la pause, vous

21 avez dit que vous êtes passé par le tunnel et que vous avez rencontré

22 quelqu'un de l'unité de Zuka. Nous sommes toujours à la date du 1er

23 septembre. Où êtes-vous allé le 1er septembre ?

24 R. Nous sommes partis pour Jablanica où nous sommes arrivés vers 18 heures

25 30. Nous avons continué jusqu'à Donja Jablanica, où il y avait la base de

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1 l'unité Zulfikar, et là-bas nous sommes restés. L'une des personnes de son

2 escorte qui s'appelait Sefko Halilovic et moi-même, nous sommes restés là-

3 bas. Nous étions logés dans une chambre. Sefer m'a dit, lorsque nous sommes

4 descendus de la voiture, il m'a dit : "Sefko, nous sommes arrivés. Occupe-

5 toi de tes affaires et moi je vais m'occuper des miennes." Je n'ai pas

6 compris ce qu'il voulait dire par là. C'est seulement après que j'ai

7 compris ce qu'il voulait dire. Tout simplement, il ne voulait pas que

8 j'assiste à des réunions militaires. D'ailleurs, je n'ai pas demandé cela

9 du tout.

10 Il est rentré à Jablanica et plus tard, j'ai appris qu'il a passé la nuit

11 chez Zuka. Souvent je venais dans l'appartement de Zuka.

12 Q. A l'époque, aviez-vous parlé avec Sefer Halilovic de son rôle dans

13 l'opération ?

14 R. A l'époque, nous avons parlé principalement, peut-être que j'ai

15 provoqué cette conversation, donc nous avons principalement parlé de la

16 Ligue patriotique, pendant un certain temps je m'intéressais à cela. Lui-

17 même et Kemo Karisik étaient les hommes principaux de cette Ligue

18 patriotique. On a parlé du plan Owen-Stoltenberg, concernant la division de

19 la Bosnie-Herzégovine en trois républiques. Les pourparlers étaient en

20 cours. Il m'a dit qu'à Zenica, un accord a été conclu lors d'une réunion

21 militaire, que la Bosnie-Herzégovine ne serait pas partagée. Il a parlé de

22 la rencontre avec M. le président, Alija Izetbegovic. C'était à peu près ce

23 dont nous avons parlé.

24 Q. Comment voyait-il son rôle et comment, vous-même, vous voyiez son

25 rôle ?

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1 R. En tant que chef de l'état-major, pour moi, il était commandant, Sefer

2 Halilovic. Il n'était que commandant seulement pendant un mois et il est

3 resté, pour moi, commandant Sefer et pour tous les soldats, pour tous les

4 combattants. Même l'adjointe à mon rédacteur en chef a écrit un poème en

5 prose qui a été publié à la première page d'Oslobodjenje. Ce poème parlait

6 de Sefer et s'appelait "Ô Commandant," je le voyais comme cela.

7 Q. Comment les combattants et les officiers de l'armée voyaient-ils

8 Sefer ?

9 R. Ils étaient heureux de le voir parmi eux. Le peuple était très heureux,

10 l'accueillait très bien. Les soldats et le peuple se sentaient un peu

11 abandonnés. Je pense que ce peuple, qui était isolé de Sarajevo, était très

12 content de voir Sefer et même moi-même.

13 Q. Lorsque vous écriviez vos rapports, de quelle façon décriviez-vous, M.

14 Halilovic ?

15 R. Au début, je ne l'ai pas mentionné du tout dans mes rapports. Et après

16 : il était pour moi commandant, lorsqu'il m'a dit qu'il dirigerait cette

17 opération, pour moi cela signifiait qu'il serait commandant de cette

18 opération. C'est comme cela que je le voyais, commandant Sefer, qui dirige

19 l'opération, pour moi, il était commandant. C'est tout. C'est seulement

20 après que j'ai compris, lors d'une conversation avec lui, que ce n'était

21 pas la même chose, c'est-à-dire diriger une opération et une armée.

22 Q. A l'époque, en 1993, lorsque vous avez écrit ce rapport dans lequel

23 vous l'avez appelé "commandant," est-ce que M. Halilovic vous a corrigé, ne

24 vous a jamais corrigé par rapport à cela ?

25 R. Tout d'abord, j'ai écrit le rapport. Il ne savait pas quand et où

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1 j'écrivais ce rapport. D'ailleurs, c'est la première fois que j'ai

2 mentionné cela devant lui dans un moment d'euphorie, le 19 septembre au

3 moment où nous avons appris que Medvjed a été libéré, et où il semblait que

4 l'opération devrait réussir et que tous les plans autour de l'opération

5 porteraient fruit. Lorsque j'ai parlé dans la base d'Adnan Solakovic à

6 Grabovica et lorsque que Zuka nous a dit que Medvjed a été libéré et

7 c'était un moment d'euphorie, peut-être même irrationnel. Je suis désolé de

8 ne pas avoir pu vous transmettre cet enregistrement au lieu, pour que vous

9 puissiez voir quelle était l'ambiance. Il m'a dit, à l'époque, il m'a dit

10 lorsque je suis arrivé là-bas et lorsque je lui ai demandé à lui et à Karic

11 "Quel était leur rôle dans l'opération," cela figure dans mes notes. J'ai

12 écrit : "Sefer," et je lui ai demandé : "Quel était son rôle," et il m'a

13 dit "coordonnateur de l'opération." J'ai écrit comme cela dans mes notes à

14 côté de son nom.

15 J'ai entendu pour la première fois qu'il existait cette fonction de

16 coordonnateur. Il y avait des combats qui se déroulaient et cela

17 m'apparaissait pas du tout approprié de parler de cette fonction de

18 "coordonnateur," à ce moment-là. J'ai écrit dans mon rapport également que

19 "c'était quelqu'un qui coordonnait l'opération," et même j'ai ajouté "qui

20 commande l'opération."

21 Peut-être qu'il ne voulait pas expliquer cela et ajouter quoi que ce soit

22 parce que ce n'était pas le moment approprié pour éclaircir cela.

23 Q. Le 1er septembre, Monsieur Hodzic, êtes-vous parti à l'unité Loups

24 d'Igman à Grabovica, qui se trouvait à proximité de la centrale

25 hydroélectrique ?

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1 R. Nous sommes partis : Bilajac, Karic, Sefer, Zuka et toute l'équipe est

2 partie. Il y avait Nihad aussi. Nous sommes tous arrivés à l'unité qui

3 s'appelait les "Loups d'Igman."

4 Q. Est-ce que vous avez vu là-bas des prisonniers ?

5 R. Non. Un peu plus tôt, j'ai vu vers la gauche dans une cabane où il y

6 avait des Musulmans qui étaient libérés des camps de détention croate en

7 Herzégovine. C'est avez eux que nous avons parlé. Sefer et Karic étaient

8 avec nous. Je leur ai parlé. Je les ai photographiés et après cela nous

9 nous sommes rendus à l'unité les Loups d'Igman.

10 Q. Est-ce que ces réfugiés vous ont parlé à vous et à Sefer de quelle

11 façon ils ont été traités aux camps de détention croates ?

12 R. Oui. Ils étaient exténués. Je les ai photographiés et peu après, j'ai

13 écrit un reportage là-dessus.

14 Q. Monsieur Hodzic, j'aborderai maintenant la date du 3 septembre. Pouvez-

15 vous nous dire ce que vous avez fait ce jour-là ?

16 R. Le 3 septembre, dans mon livre, j'ai écrit de façon plus précise là-

17 dessus concernant cette date-là, et je pense que le 3 septembre nous sommes

18 partis, Sefer Halilovic, Zuka et tout l'escorte. Nous sommes partis à un

19 endroit qui était un lieu pour pique-niquer pour les riches gens de Mostar.

20 C'est dans une montagne. Je ne sais pas comment s'appelle cette montagne.

21 Je ne savais pas de quelle sorte de logement il s'agissait, mais lorsque

22 nous sommes arrivés à cela, Zuka a dit, mais je ne savais pas encore que

23 les unités de Sarajevo arriveraient. Il a parlé du logement des soldats.

24 J'ai pensé au début que Zuka voulait loger à cet endroit, ses soldats. Nous

25 sommes passés par Grabovica et nous nous sommes dirigés vers la forêt. Ils

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1 ont dit que les soldats pourraient être y logés. Je pensais que non parce

2 que tout a été détruit. Nous sommes rentrés à Kostajnica après cela.

3 Q. Pour que tout soit tiré au clair, dites-nous pourquoi vous, Zuka et

4 Halilovic étiez-vous partis. Vous avez dit que vous vous êtes rendus de

5 Grabovica vers ce lieu.

6 R. J'ai compris que Zuka voulait trouver un logement pour ses soldats à

7 lui. Nous sommes passés par la forêt et nous sommes arrivés jusqu'à un

8 chalet qui était détruit.

9 Dans mon livre, comme cela a été écrit cinq ans après, j'ai appris par la

10 suite d'autre chose, mais dans le livre j'ai écrit que nous nous sommes

11 rendus à cet endroit-là pour essayer de trouver le logement destiné aux

12 soldats des unités de Sarajevo.

13 Q. Après cela, vous êtes partis à Grabovica ?

14 R. Nous avons quitté Grabovica et nous nous sommes dirigés vers les

15 forêts. Il y avait des mines, cela était marqué. Nous avions peur d'entrer,

16 de s'engager plus dans la forêt, mais nous sommes quand même entrés dans la

17 forêt et nous sommes tombés sur un chalet. Nous avons empruntés le même

18 chemin vers Jablanica et Konjic après cela.

19 Q. Monsieur Hodzic, lorsque vous êtes passés par Grabovica, qu'est-ce que

20 vous avez vu à Grabovica, comment était ce village ?

21 R. J'ai pu remarquer qu'il y avait des personnes âgées et des femmes. Il y

22 avait des gens en deuil et j'ai pu en conclure qu'il s'agissait de la

23 population croate, selon leur habit traditionnel.

24 Q. Ensuite, vous dites que vous vous êtes dirigés vers la forêt. Est-ce

25 que vous vous êtes arrêtés sur le chemin ?

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1 R. Leur voiture s'est arrêtée avant cet endroit-là, où se trouvaient les

2 maisons secondaires, les réserves secondaires, parce qu'il y avait des

3 champs de mines indiqués. Mesar s'est arrêté, Sefer a dit : "Il faut qu'on

4 parte quand même, il ne faut pas qu'on pense à cela, c'est-à-dire aux

5 mines, si c'est notre sort, que cela soit notre sort." Nous nous sommes

6 engagés dans la forêt.

7 Q. Après cela, où êtes-vous partis, quel était cet endroit-là où vous êtes

8 arrivés après ?

9 R. Cet endroit s'appelle Kostajnica ou Neretvica, Buturovic Polje, il y a

10 plusieurs appellations. Mais le village de Kostajnica et de Buturovic

11 Polje, c'était les deux villages où nous sommes arrivés et où se trouvait

12 le commandement de la 44e Brigade.

13 Q. Avant d'être arrivé à Kostajnica, je vous demande en fait, à propos de

14 ces chalets dans les montagnes où vous avez pu constater qu'ils n'étaient

15 pas habitables. Où étaient ces chalets ?

16 R. C'est eux qui ont conclu que les soldats pourraient être logés dans ces

17 chalets, mais moi je pensais que non. C'est Zuka qui a dit cela. Mais il

18 faut passer d'abord Grabovica pour arriver à cet endroit. Il faut traverser

19 la forêt, il y a une route à gauche, et encore il faut traverser une autre

20 forêt et les champs de mines.

21 C'était un endroit où les chasseurs de Mostar venaient, et c'est là

22 où le président du gouvernement de l'ex-Yougoslavie, Dzemal Bijedic, venait

23 souvent pour chasser.

24 Q. Comment cet endroit s'appelait ?

25 R. Cela s'appelle Diva Grabovica.

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1 Q. Après avoir examiné cet endroit-là, où êtes-vous partis ?

2 R. Sans s'arrêter, nous nous sommes dirigés vers le village de Kostajnica

3 dans la municipalité de Konjic. C'est d'ailleurs ma municipalité. Nous nous

4 sommes dirigés là-bas avec Sefer.

5 Q. Est-ce que vous avez vu des gens là-bas avec lesquels vous avez parlé ?

6 R. Dès que nous sommes arrivés à Kostajnica, dès que nous sommes descendus

7 de voiture, il y avait beaucoup de gens qui se sont rassemblés autour de

8 nous, il y avait des personnes âgées, des enfants, des femmes, il y avait

9 des soldats aussi de cette unité locale et d'autres unités. Ils ont

10 commencé à se rassembler autour de Sefer. Ils ont commencé à le menacer, à

11 se plaindre à lui. J'ai appris pour la première fois que dans ce village,

12 il y avait des personnes âgées, des Croates qui y sont restés. Ce jour-là,

13 j'ai parlé avec eux, et j'ai écrit un article sur ces Croates, sur ces

14 personnes âgées Croates qui sont restées dans ce village.

15 A ce moment-là, Sefer a commencé à leur parler, j'ai commencé à

16 enregistrer, mais Sefer m'a interdit de faire cela. Il y avait un chaos

17 total autour de lui. Ils ont commencé à se plaindre à lui. J'ai commencé à

18 enregistrer parce qu'on m'a donné un appareil d'enregistrement excellent,

19 et je l'ai déjà utilisé à Zuc parmi nos soldats. J'ai enregistré cela en

20 cachette en quelque sorte.

21 Q. Qu'est-ce que Sefer Halilovic disait ?

22 R. Compte tenu du fait qu'il y avait des menaces à son encontre de la part

23 des Croates qui sont restés dans ce village, il a dit : "Non." Ils lui ont

24 souvent coupé la parole. Il a dit: "Nous ne sommes pas l'armée qui se

25 venge. Aucune femme ou aucun enfant ne devrait pleurer à cause de nous.

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1 Nous combattons contre les Chetniks et contre les Oustachi. Nous allons les

2 vaincre." Il y avait des femmes qui le soutenaient. Il disait qu'il n'y

3 avait pas d'armée qui aurait gagné la guerre en attaquant les femmes, et

4 cetera. J'ai déjà dit cela, qu'il a dit qu'il ne fallait pas toucher aux

5 femmes et aux enfants. J'ai appelé cela "L'éthique de la guerre menée par

6 Sefer." J'ai tout transcrit de cet enregistrement. Cela a été préservé,

7 mais je ne sais pas si vous disposez de cela.

8 Q. Concernant cela, est-ce qu'il y a dit quelque chose des Chetniks et des

9 Oustachi ?

10 R. Il a dit : "Nous allons chasser des Chetniks et des Oustachi, et le

11 peuple, les femmes, les enfants, les personnes âgées, il ne faut pas les

12 toucher. L'armée ne doit pas les toucher." Il ne fallait pas donc toucher

13 les villageois croates qui sont restés dans ce village.

14 Q. Je vous remercie, Monsieur Hodzic. Maintenant, nous allons parler de la

15 date du 4 septembre. Où étiez-vous ce jour-là ?

16 R. Le 4 septembre dans la matinée, nous nous sommes rassemblés devant la

17 maison de Safet Cibo, qui était président de la présidence de Guerre de la

18 municipalité de Jablanica, de Konjic et d'une partie, la partie libérée de

19 la municipalité de Prozor. Nous étions devant la maison, et je ne sais pas

20 par quel ordre les gens sont arrivés. Je pense que Sefer est arrivé en

21 dernier. Je suis arrivé avant lui. Il y avait Karic, et lorsque Sefer est

22 arrivé, Karic lui a dit : "Sefer, il y a une dépêche pour toi d'Arif

23 Pasalic dans laquelle il a été écrit que les Oustachi," -- j'ai compris à

24 l'époque, mais dans l'ordre, il a été écrit que les Oustachi attaqueront

25 dans deux ou trois jours, attaqueront Mostar, Grabovica, les centrales

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1 hydroélectriques.

2 Sefer a dit : "Nous allons nous opposer à eux." Karic a dit que : "Les

3 unités de Jablanica," en fait, je m'excuse, "de Sarajevo et de Zenica

4 arriveront." De Zenica surtout, les unités d'artillerie. Il disait que

5 l'attaque surviendrait peut-être vendredi ou jeudi, mais il a été planifié

6 que notre contre-attaque surviendrait vendredi.

7 Q. Est-ce qu'ils ont parlé des unités de Sarajevo ?

8 R. Oui, mais je ne savais pas de quelles unités il s'agissait.

9 Dans mon livre j'ai dit - parce que j'ai reçu un document plus tard - dans

10 lequel ont été présentées les demandes de Karic par rapport à ces unités de

11 Sarajevo, c'est pour cela que dans mon livre, j'ai dit ce que je savais à

12 l'époque. Ce sont deux choses différentes; mes connaissances à l'époque et

13 ce que j'ai écrit dans mon livre.

14 Q. Je vais maintenant vous montrer un document, Monsieur Hodzic, MFI161.

15 C'est un document que vous allez voir apparaître sur votre écran. Est-ce

16 que vous y êtes, vous voyez ce document ?

17 R. Je le vois.

18 Q. Avez-vous déjà vu ce document auparavant ?

19 R. Ce sont les archives qui m'ont promis ces documents lorsque je

20 travaillais sur mon livre. Après la publication d'une série d'articles, à

21 l'époque, je ne savais même pas que ce document existait, mais je l'ai

22 intégré dans mon livre car -- comme on me l'avait remis.

23 Q. De quoi s'agit-il et que dit brièvement ce document, s'il vous plaît.

24 R. Il s'adresse au commandement, il est destiné au commandement. Le

25 commandant du 4e Corps, le commandant, et après l'introduction, qui évoque

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1 la situation difficile à Mostar, "J'ordonne au chef d'état-major, le

2 commandant adjoint assigné à la brigade de Delta, faisant partie de la 9e

3 et 10e Brigades de Montagne" et "Solakovic," c'est une erreur ici. "Toutes

4 les unités fortes de quelques 300 hommes doivent être prêtes vendredi soir

5 au plus tard", et cetera, "et doivent être envoyées à Bradina." Ceci est un

6 ordre qui vient de Sefer Halilovic envoyé à Vahid Karavelic, le commandant

7 du 1er Corps, aux fins d'envoyer les unités du Delta et un certain nombre

8 d'hommes des 9e et 10e Brigades ainsi que l'unité de Solakovic.

9 Q. Si vous regardez le point numéro 2, que dit Sefer Halilovic ici ?

10 R. "Si vous pensez que ceci compromettrait la défense de Sarajevo, j'en

11 porte l'entière responsabilité."

12 Q. Vous voyez que cet ordre a été donné le 2 septembre. Est-ce que ceci a

13 été évoqué au cours d'une conversation ?

14 R. Oui, le 2 septembre 1993. Moi-même, je n'en avais absolument pas

15 connaissance.

16 Q. Avez-vous entendu Sefer et d'autres évoquer cette question, à savoir le

17 contenu de ce document. Est-ce qu'il parlait des hommes, des troupes ?

18 R. Non.

19 Q. Les troupes étaient-elles arrivées à Sarajevo à ce moment-là ?

20 J'entends le 2 septembre. Les hommes de Sarajevo, étaient-ils arrivés ?

21 R. Je n'ai vu personne.

22 Q. Cela préoccupait-il Sefer ? Ce que vous aviez entendu parler, autrement

23 dit, que les troupes ou l'unité de Sarajevo n'étaient pas encore arrivées ?

24 R. Je ne sais pas mais, est-ce que c'est cité dans mon livre? Sans doute.

25 Lorsque je préparais ce livre, j'avais ce document et tout s'imbriquait car

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1 nous sommes rentrés à Sarajevo. Pour pouvoir l'intégrer et pour faire en

2 sorte qu'il y ait un lien avec les autres éléments, peut-être que j'ai

3 écrit cela, peut-être qu'il était préoccupé par cela, peut-être qu'il ne

4 l'était pas.

5 Q. Est-ce que vous vous êtes ensuite rendus au village de Deretcivi [phon]

6 après cela, ce jour-là ?

7 R. Neretvica, c'est là où se trouvait le commandement de la 45e Brigade de

8 Montagne. Nous sommes allés en direction de Cibo et ensuite en direction de

9 Neretva.

10 Q. Avez-vous rencontré quelqu'un en route ?

11 R. Sur le chemin entre Jablanica et Konjic, nous avons rencontré Alija

12 Loncevic à bord d'une jeep, ainsi que deux autres hommes. Nous venions

13 d'une direction, ils venaient d'une autre. Nous nous sommes assez arrêtés,

14 il y avait l'escorte de Sefer, Sefer lui-même et moi-même. Les deux hommes

15 étaient Rasim Delic et Sulejman Vranj. Ensuite Karic, Zico et Bilajac sont

16 arrivés de quelque part, je ne sais comment il se fait qu'ils étaient là.

17 Nous nous sommes tous retrouvés à cet endroit-là et nous sommes descendus

18 de voiture.

19 Q. Que s'est passé à ce moment-là ? Est-ce que vous avez eu une

20 conversation entre vous ?

21 R. Oui, Sefer a dit Delic que Pasalic lui avait envoyé un télégramme lui

22 disant qu'une offensive du HVO contre Mostar se préparait et que la

23 centrale hydroélectrique en faisait partie. Delic lui a dit qu'il avait des

24 renseignements là-dessus; il avait entendu parler d'une offensive serbe à

25 Igman. Dans cette direction, ceci se préparait également. Tout ceci se

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1 trouve dans mon livre. J'ai oublié mais quoiqu'il en soit, il s'agissait de

2 la coordination de ces différentes offensives qui devaient être faites par

3 ces hommes-là. C'est la première fois que j'ai eu peur; j'ai compris à ce

4 moment-là que la Bosnie pouvait tomber.

5 Q. Chacun est allé de son côté ?

6 R. A ce moment-là, nous nous sommes rendus en direction de Neretvica.

7 D'après ce que je pouvais comprendre, M. Halilovic devait rencontrer Salko

8 Gusic qui était le commandant du 6e corps, ainsi que le commandant de la

9 brigade Muderis. Ensuite, nous avons poursuivi notre chemin.

10 Q. Après être descendu de voiture et rencontré Delic, Sefer Halilovic a-t-

11 il dit quelque chose par rapport à cette rencontre avec Delic ?

12 R. Oui. Il s'est tourné vers le Dr Cibo et moi-même ou, plutôt, il a dit à

13 Cibo : "Cibo, dis à Delic que je n'ai pas besoin de lui ici. Je suis en

14 train de préparer l'offensive et je ne veux pas qu'il se mêle de tout

15 ceci." C'est ce qu'il a dit.

16 L'INTERPRÈTE : Apparemment, le témoin a dit : "Aucune interprète n'est

17 capable de traduire ce mot."

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite : "Si l'opération échoue, je serai le

19 seul à en porter la responsabilité," ce qui était un peu étrange, cela m'a

20 paru un peu étrange. "On a confié à Delic la tâche de m'enlever la plus

21 grande partie de mes pouvoirs, de façon à ce qu'on me laisse qu'une toute

22 partie de mon autorité." Je trouvais que cela était assez étrange que ceci

23 soit évoqué.

24 Q. Après cela, où vous êtes-vous rendus ?

25 R. Nous nous sommes rendus à Neretvica. Salko Gusic et Muderis n'étaient

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1 pas là. Ensuite nous sommes retournés, nous avons trouvé le commandant de

2 la 45e Brigade, Haso Hakalovic, nous sommes restés avec lui un petit moment

3 et ensuite nous sommes rentrés.

4 Alors que nous étions là-bas, nous nous sommes mis d'accord pour dire qu'à

5 Donja Jablanica, il y aurait une réunion dans la base de Zuka à midi. Donc,

6 nous sommes retournés à Donja Jablanica.

7 Mme CHANA : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur Hodzic, mais je

8 souhaite apporter une remarque eu égard au compte rendu d'audience. Vous

9 avez dit que : "Aucun interprète n'était capable de traduire ce terme." Je

10 souhaite que ceci soit confirmé, s'il vous plaît ? Messieurs, les Juges, je

11 n'en suis pas tout à fait sûr.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

13 Mme CHANA : [interprétation] Puis-je demander à l'interprète de la cabine

14 anglaise ?

15 L'INTERPRÈTE : C'est ce qu'a dit le témoin.

16 Mme CHANA : [interprétation] Je vois.

17 L'INTERPRÈTE : Nous pensons que nous l'avons traduit mais, lui a dit que

18 l'interprète n'était pas capable de traduire ce terme.

19 Mme CHANA : [interprétation] Oui.

20 R. Je ne sais pas en fait, j'utilise un dialecte bosniaque, et il semble

21 que les termes utilisés ne soient pas tout à fait les mêmes. La personne

22 qui a traduit mon livre a traduit cette phrase, et maintenant cette phrase

23 est différente en bosniaque.

24 Mme CHANA : [interprétation] Je vais en rester là sur ce point.

25 Q. Merci, Monsieur Hodzic.

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1 Y a-t-il eu une réunion lorsque vous êtes retournés à la base Zuka ?

2 R. Oui. Lorsque nous nous sommes rendus à cet endroit-là, il était à

3 l'entrée, Delic, le général Delic -- non, personne n'était général à ce

4 moment-là. Il y avait Delic, Karic et l'ensemble du groupe à l'exception de

5 Sefer Halilovic. Ensuite, Sefer est arrivé et ils se sont rendus dans la

6 salle de réunion, et moi-même je suis resté en arrière avec les commandants

7 de grades inférieurs et je n'ai pas assisté à la réunion.

8 Q. Avez-vous appris par la suite pourquoi cette réunion avait été

9 organisée ?

10 R. Je ne sais pas sur quoi cette réunion a porté. Tout ce que je sais

11 c'est que lorsque nous sommes partis, il avait été convenu que Delic se

12 rendrait en Bosnie centrale. Je ne sais pas s'il devait être responsable de

13 cette région. Ensuite, nous sommes allés à Konjic -- oui, et ils ont

14 convenu que chacun devait se rendre à Konjic, à la fois Delic et ce groupe,

15 ainsi que Sefer Halilovic.

16 Q. Très bien. Nous allons passer à la date du 5 septembre. Où êtes-vous

17 allé le 5 septembre ?

18 R. Nous sommes allés à Konjic et nous avons passé la nuit à la RAK. Delic

19 est parti et nous sommes allés en direction de Dobro Polje, où il y avait

20 le Bataillon de Prozor.

21 Q. Où vous êtes-vous rendus après cela ?

22 R. Nulle part. Nous étions là, là-haut à Dobro Polje parce que nous avons

23 traversé Neretvica et nous étions là-haut.

24 Q. Les unités de la 9e et 10e Brigades ont-elles été évoquées à ce moment-

25 là ?

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1 R. Non. Je ne savais toujours pas que ces brigades allaient venir.

2 Q. Je souhaite maintenant vous montrer ce document, Monsieur Hodzic. C'est

3 le numéro 65 ter de ce document est 44, et le numéro du document est

4 02122411. Il va apparaître sur votre écran dans quelques instants.

5 De quoi s'agit-il, que représente ce document, s'il vous plaît ? Si vous

6 auriez l'obligeance de le dire aux Juges de la Chambre.

7 R. C'est le commandant du 1er Corps de Sarajevo, qui envoie ceci au chef

8 d'état-major Sefer Halilovic en réponse à des problèmes concernant le

9 départ de ces unités de Sarajevo, Caco et Celo, parce qu'en résumé à cause

10 de la pluie, ils demandent à ce que ce départ soit retardé de 24 heures.

11 Ensuite, les choses sont devenues beaucoup plus compliquées et pour finir

12 ces unités ne sont jamais parties. Voilà en bref ce que contient ce

13 document. Il est signé par Vahid Karavelic, c'était le commandant du 1er

14 Corps.

15 Q. Il s'agit là d'un document en réponse au premier que je vous ai

16 montré ?

17 R. Je suppose que oui, cela serait logique.

18 Q. Mais à l'époque vous n'aviez pas connaissance de ces troupes. Vous

19 n'aviez pas eu de conversations avec eux.

20 R. Non, je n'avais aucune idée. Je ne savais pas qu'il y avait eu des

21 ordres, qu'il y avait eu des rapports, ou qu'il y avait eu ce type

22 d'échange. Encore une fois, j'ai publié mon livre en 1999, et il serait

23 ridicule de dire que je ne savais rien. Mais j'ai compilé tout ceci et je

24 me suis reposé sur mes propres souvenirs et les événements qui s'étaient

25 déroulés. J'ai intégré ce document. Si vous lisez ce livre, on a

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1 l'impression que j'en avais connaissance avant, mais cela n'est pas le cas.

2 J'ai rédigé ce livre cinq à six ans plus tard, et j'ai intégré certains

3 éléments, et je pensais pouvoir les inclure dans mon livre. Dans certains

4 paragraphes, lorsque je fais référence à une certaine date, je pensais

5 qu'il était bon d'intégrer ces documents. Je précisais ainsi ce qui se

6 passait sur le terrain. Mais à l'époque je n'avais aucune idée.

7 Q. Non, très bien.

8 Mme CHANA : [interprétation] Cette pièce porte le numéro MFI1290.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Si je puis avec tout le respect --

10 Mme CHANA : [interprétation] 1290.

11 M. MORRISSEY : [interprétation] Je crois que ce n'est pas un document MFI à

12 ce stade parce que le témoin a dit qu'il n'avait jamais vu, à l'époque,

13 qu'il n'avait rien à voir avec ce document.

14 Très honnêtement, Messieurs les Juges, à la manière dont je comprends tout

15 ceci, Vehbija Karic -- pardonnez-moi. Vahid Karavelic va venir témoigner

16 dans le cadre de cette affaire. C'est exactement la personne à laquelle il

17 faut soumettre ce document. Je ne m'oppose pas à ce que des questions

18 soient posées à ce propos, sur ce que connaissait ou savait le témoin. Il y

19 a des questions tout à fait appropriées qui peuvent être posées et si le

20 témoin y répond très honnêtement, je sais que je ne vais pas m'opposer à ce

21 document, à l'avenir s'il est présenté au témoin approprié. Il ne s'agit

22 pas véritablement du moment opportun pour donner un numéro MFI à mon sens

23 et si le Procureur insiste, très honnêtement, je sais que M. Karavelic va

24 venir, et je ne m'opposerai pas à ce que ce document soit marqué aux fins

25 d'identification. C'est ainsi que je vois les choses pour autant qu'on

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1 m'affirme que M. Karavelic va venir en réalité.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois ici qu'il s'agit de donner un

3 numéro simplement aux fins d'identification.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Comme, je l'ai dit précédemment, à un

6 stade ultérieur le Procureur pourra effectivement verser officiellement ce

7 document au dossier.

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être que le moment sera venu à ce

10 moment-là d'évoquer la question de l'admissibilité de ce document.

11 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, je comprends fort

12 bien. Je voulais simplement avoir une assurance de la part du Procureur que

13 M. Karavelic allait réellement être cité à la barre. Si c'est le cas, je ne

14 m'opposerai pas à ce document à ce stade de la procédure.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana, vous êtes en mesure de

16 faire la clarté là-dessus ?

17 Mme CHANA : [interprétation] Oui, bien sûr. M. Karavelic figure sur notre

18 liste de témoins et il va certainement venir. Quoi qu'il en soit, comme

19 vous avez dit, Monsieur le Président, ceci est marqué aux fins

20 d'identification et porte le numéro 290 -- je suis fort aise de constater

21 que mon éminent confrère a décidé de revenir sur l'objection qu'il avait

22 faite.

23 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien, non seulement cela. Je souhaite

24 rappeler au Procureur de donner un numéro MFI au document précédent car

25 elle a oublié de le faire. Il serait peut-être mieux si les deux ordres

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1 avaient un numéro MFI. Je crois que le premier document n'a pas eu de

2 numéro MFI pour autant que je sache.

3 Mme CHANA : [interprétation] Je crois que oui.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien, peut-être.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le précédent a été marqué aux fins

6 d'identification et porte le numéro MFI161.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Comme bon vous semblera.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame Chana.

10 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Est-ce que vous êtes retournés à Sarajevo le 5 septembre ?

12 R. Oui, ils ont eu une réunion, je ne sais pas. J'étais à l'extérieur.

13 J'étais en train de parler avec les combattants et ensuite j'ai découvert

14 que nous allions subitement nous rendre à Sarajevo le soir même.

15 Q. Saviez-vous, à ce moment-là, pourquoi vous alliez rentrer à Sarajevo ?

16 R. Non. Dans mon livre quand on le lit on a l'impression que je savais

17 parce qu'évidemment je citais les documents. J'étais simplement en train de

18 dire cela et j'ai simplement invoqué la raison pour laquelle Sefer partait,

19 mais j'ai évité de dire si je savais ou si je ne savais pas. Je racontais

20 simplement l'histoire. Je relatais les événements, c'est tout.

21 Q. Merci, Monsieur Hodzic. Nous allons maintenant repartir un petit peu en

22 arrière. Je vais vous reporter à la date du 7 septembre. A cette date-là,

23 est-ce que vous êtes retourné en Herzégovine ?

24 R. Non, le 7 septembre, je suis retourné voir le chef d'état-major, M.

25 Halilovic, et à 7 heures du soir, j'ai rencontré Celo dans le couloir, et

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1 j'ai dit : "Donc tu vas partir aussi Celo ?" Il a dit : "Oui." C'est à ce

2 moment-là que j'ai découvert que les autres unités partaient aussi.

3 Q. Qui était là, à ce moment-là, lorsque vous vous êtes rendus au poste de

4 commandement avancé du 1er Corps ?

5 R. Bien, nous avons traversé le tunnel et nous nous sommes rendus au poste

6 de commandement avancé du 1er Corps, Hrasnica et nous avons constaté que

7 Celo y était, Adnan Solakovic, Pezo et je crois que Cibo était avec nous

8 aussi, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. Je suis sûr que Cibo était

9 là. Je crois qu'il était dans la voiture avec nous, mais il avait sa propre

10 voiture. Donc, je ne sais pas. Il y avait également la brigade, la Brigade

11 Hrasnica, le commandant, or je ne m'en souviens plus, mon cerveau ne

12 fonctionne plus normalement. Je ne me souviens pas. Je crois qu'il y avait

13 Fikret Pravljak.

14 Q. Oui, Caco était là ?

15 R. Oui, Caco n'était pas là. Ils ont dit à Sefer que Caco ne souhaitait

16 pas se rendre en Herzégovine. Qu'il ne souhaitait pas diriger cette unité

17 en Herzégovine et Sefer lui a demandé : "De quoi s'agit-il ?" Ensuite, on

18 lui avait dit qu'il a eu un désaccord entre lui et Fikret Pravljak et

19 d'autres, parce qu'apparemment les combattants de Caco subissaient encore

20 les conséquences de l'opération sur le mont Igman. Apparemment, ils étaient

21 en train de voler des moutons dans la campagne. Fikret et ses hommes

22 avaient essayé d'intervenir.

23 Q. Bien. Sefer Halilovic, quel était son point de vue sur la question, et

24 sur le fait que Caco ne souhaitait pas l'accompagner ?

25 R. Je ne sais pas quelle était sa position, mais en réalité, je n'étais

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1 pas très sûr, et je ne savais pas s'il allait pouvoir convaincre Caco de

2 partir. Ensuite, il a demandé à Celo de l'accompagner et essayer de le

3 convaincre. Ensuite, Celo a dit : "Non, non, non, tu ne connais pas Sefer,

4 tu ne connais pas Caco. Si un de ces hommes meurt, je vais être obligé d'en

5 porter la responsabilité, je vais avoir des problèmes."

6 Q. Soyons très clair, Monsieur Hodzic. Vous avez dit que Sefer souhaitait

7 convaincre Caco; est-ce ce que vous dites dans votre témoignage ?

8 R. Il souhaitait demander à Caco, avec l'aide de Celo d'emmener son unité

9 à cet endroit-là. Je ne sais pas si c'était Caco lui-même, mais il

10 s'agissait bien de cette unité-là ?

11 Q. Qu'a fait Sefer à ce moment-là ?

12 R. Ils sont partis, mais ils sont revenus très rapidement. Ils ont dit

13 oui, que l'unité de Caco et Caco lui-même, ils allaient tous partir. Je ne

14 sais pas où ils allaient se rendre. Je ne sais pas où allait se rendre

15 Caco. C'était peut-être son unité. Pour l'essentiel, ils allaient partir,

16 c'était cela l'idée.

17 Q. Lorsqu'ils sont partis, où sont-ils partis ? Il fallait retrouver

18 Caco ? Lorsque vous avez dit : "Ils sont partis, ensuite ils sont revenus,"

19 pourquoi sont-ils partis et pourquoi sont-ils revenus ?

20 R. L'objectif était d'aller chercher Caco et de le convaincre d'envoyer

21 son unité.

22 Q. Caco est-il venu au poste de commandement avancé ?

23 R. Non, il n'est pas venu accompagné avec ces hommes-là, mais à un moment

24 donné quelqu'un a dit : "Mais Caco est dans le couloir." Ensuite, Adnan

25 Solakovic est allé dans le couloir et lui a dit : "Pourquoi ne rentres-tu

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1 pas ?" Il a dit : "Non." Après quelques instants, il est rentré. C'est la

2 première fois que je l'ai vu.

3 Q. Que s'est-il passé lorsqu'il est entré dans la pièce ?

4 R. Il est entré, et il avait l'air plutôt sceptique et méfiant, vis-à-vis

5 de moi-même et Cibo, car il nous regardait. Il avait une main qui avait été

6 blessée, ses doigts avaient été coupés. On le voyait nous regarder en

7 penchant la tête de façon sceptique. Tout à coup, il a réfléchi. On voyait

8 qu'il réfléchissait. Il a commencé à parler.

9 Q. Qu'a-t-il dit ?

10 R. Bien, c'est par rapport à Caco, et nous le connaissions, nous savions

11 qui c'était. Ensuite, on a commencé à parler de quelqu'un qui s'appelait

12 "Robin des bois" mais tout ceci était une blague, sur la manière dont ils

13 sont allés creuser. Je crois que cela portait sur les médias, la presse

14 internationale, on disait qu'il jouait le violoncelle. Il a emmené Smajlic

15 avec lui pour aller creuser. Il y avait beaucoup de gens qui se sont

16 intéressés à tout cela, et personne n'a pu faire quoi que ce soit.

17 Puis-je ajouter quelque chose, s'il vous plaît ? Quelques mois plus tôt,

18 nous avons commémoré le massacre d'Ulica. C'est là que le joueur de

19 violoncelle a joué un morceau de musique à cet endroit-là, à l'endroit où

20 une bombe avait tué un certain nombre de gens. Ceci a été diffusé sur les

21 chaînes internationales. Cette personne était censée repartir à cet

22 endroit, pour jouer à nouveau un instrument de musique. Mon journal m'a

23 envoyé là-bas pour que je puisse faire un reportage là-dessus. Tout le

24 monde pensait que Caco allait accepter. Caco n'a pas accepté. J'ai dit

25 quelque chose de l'ordre de, qu'il s'agissait d'une commémoration, je crois

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1 que le titre était plus favorable "Commémoration de la part des vétérans et

2 de quelqu'un accompagné de son violoncelle." Lorsque j'ai rendu mon article

3 au journal, on m'a dit : "Mais comment se fait-il que personne ne peut

4 faire quoi que ce soit à propos de ce Caco et Sefer ? Pourquoi ne peut-il

5 rien faire ?" Quelqu'un qui travaillait au journal a dit : "Non, ils ne

6 peuvent pas. Ni l'un, ni l'autre, car Caco a envoyé un message à tous, et

7 si Alija intervient pour quelqu'un, il aura 30 jours. Si Sefer intervient

8 en son nom, il sera pendu."

9 Nous nous sommes moqués de lui. Il a beaucoup parlé, et cetera.

10 L'INTERPRÈTE : Il s'agit du massacre de Bac Nijinska [phon].

11 Mme CHANA : [interprétation]

12 Q. Bien, je souhaite que les choses soient tout à fait claires. Vous

13 parlez de Vedran Smajlic, que l'on a emmené pour creuser des tranchées.

14 C'est ce que vous avez dit ?

15 R. Oui.

16 Q. Caco est celui qui l'a emmené ?

17 R. Oui. Il a dit : "Oui." Il a été appelé. Il a dit que cela lui plaisait,

18 et Caco a dit : "Tout le monde m'appelle, pour me dire que c'est un

19 artiste, et je suis un artiste aussi." Autrefois, il jouait l'accordéon. Il

20 jouait dans l'orchestre de la télévision. Il lui a dit : "Je suis un

21 artiste aussi, mais il nous faut défendre la Bosnie."

22 Q. C'est une conversation qui a eu lieu à ce moment-là avec Caco; c'est

23 exact?

24 R. Oui, mais c'était une plaisanterie tout cela.

25 Q. Sefer a-t-il dit quelque chose à propos de Vedran Smajlic ?

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1 R. Non, il a dit à Vedran, mais c'était une blague, c'était une boutade.

2 "On m'a demandé de t'appeler, mais peut-être que cela lui plaît là-haut."

3 Mais c'était une blague encore une fois.

4 "Peut-être qu'il va tromper sa femme, et sa femme a appelé en disant :

5 'Est-ce que mon mari est avec toi ?' Il a répondu : 'Oui.'"

6 Q. Sefer a-t-il dit quelque chose de l'ordre ou est-ce qu'il a insinué

7 qu'il avait essayé d'intervenir au nom de Caco, ou qu'il était intervenu à

8 propos de cette question ?

9 R. Non, Sefer, Adnan, Pezo et Celo étaient ceux qui l'ont encouragé à

10 raconter des histoires. C'est vrai qu'il s'est mis dans tous ses états.

11 Q. Bien. Que s'est-il passé ce jour-là ? Nous sommes toujours à la date du

12 7 septembre, Monsieur Hodzic, que s'est-il passé après.

13 R. Lorsque nous --

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Puis-je interrompre quelques instants, s'il

15 vous plaît ?

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Le témoin n'a pas dit que cette

18 conversation avait eu lieu le 7 septembre. Il a dit qu'il est parti en

19 compagnie de Sefer Halilovic le 7 septembre. Je crois que ceci doit être

20 clarifié car à ce stade, nous sommes maintenant aux premières heures du 8

21 septembre. Je ne sais pas s'il s'agit toujours du 7 septembre.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, absolument, il faut clarifier ce

23 point.

24 Mme CHANA : [interprétation] Oui, écoutez. Je suis en train d'entendre le

25 témoin, en suivant un ordre chronologique bien précis.

Page 65

1 Q. Monsieur Hodzic, pourriez-vous nous dire à quelle heure, quelle date,

2 cette conversation avec Caco a eu lieu ?

3 R. Nous sommes partis vers 8 heures, peut-être un peu plus tard, nous

4 avons traversé le tunnel. Il nous a fallu un certain temps pour traverser

5 le tunnel. Nous sommes arrivés à l'IKM et ensuite cela a duré quelques

6 heures. Nous étions toujours le 7 septembre lorsque nous étions à l'IKM, le

7 7 septembre lorsque nous étions à Hrasnica.

8 Q. A quelle heure a-t-on trouvé Caco, à quelle heure cette conversation a-

9 t-elle eu lieu ?

10 R. Je ne sais pas avec précision, c'était peut-être 9 heures ou 10 heures.

11 Je n'en suis absolument pas sûr. Quoiqu'il en soit, c'était dans la soirée.

12 C'était peut-être même à 23 heures.

13 Q. Avez-vous quoi que ce soit à dire au sujet de Sefer, de cette période,

14 des combattants de Sarajevo ?

15 R. La principale difficulté, c'est qu'il fallait amener les combattants à

16 Jablanica. Le commandant des brigades locales, Fikret Prevljak, refusait

17 pourtant d'apporter son aide avec ses véhicules. Mais le chef d'état-major

18 ne pouvait pas donner d'ordres à ce commandant de brigade afin d'emmener

19 les hommes à Jablanica, parce que celui-ci s'y refusait, tout simplement.

20 Q. Avant de poursuivre, j'aimerais savoir si vous-même et Sefer avez eu

21 une conversation au sujet de Caco, après ?

22 R. Vous voulez dire quand on est parti, quand il a été convenu que Cibo

23 allait essayer de trouver des moyens de transport. Quand on est partis,

24 j'ai dit à Sefer : "C'est la première fois que je vois ce Caco. Je ne crois

25 pas qu'il va tout à fait bien dans sa tête." Il m'a répondu : "Non." Je

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1 n'ai pas osé lui dire qu'il était complètement fou, moi-même, je ne sais

2 pas exactement le terme que j'ai utilisé, mais j'ai dit "qu'il y avait

3 quelque chose ne tournait pas rond chez lui". Il m'a répondu que c'était

4 cela la réalité de la guerre, que cet homme en faisait partie, qu'il avait

5 des qualités, que c'était un bon combattant.

6 Q. Il vous a dit "qu'il faisait partie de la réalité de cette guerre, mais

7 qu'il était utile." De quelle manière ?

8 R. "Utile." Bien entendu, quand on parle de Caco, il ne faut pas oublier

9 son unité, parce qu'il y a Caco d'un côté et son unité de l'autre. Son

10 unité gardait les régions, les zones les plus dangereuses de Trebevic, et

11 ils sont parvenus à repousser l'attaque serbe à plusieurs reprises -- en

12 1995, les attaques serbes. Il y a eu une offensive terrible de la part des

13 Serbes dans cette zone. Au niveau de ses tranchées, il avait réussi à

14 creuser ses tranchées, même de manière un petit peu illégale, mais

15 cependant, ils sont parvenus à assurer leur défense.

16 Q. Nous sommes en train de parler de la nuit du 7 septembre.

17 R. Nous sommes allés à Jablanica, il faisait déjà nuit. Vers 7 heures nous

18 sommes arrivés Donja Jablanica. Je suis descendu de la voiture parce que

19 j'étais sensé resté à cet endroit, pendant que Sefer retournait à

20 l'appartement de Zuka.

21 Q. Qu'avez-vous vu ? Avez-vous les soldats de Celo ce jour-là, ce matin-

22 là ?

23 R. J'ai essayé de dormir un petit peu, je me suis levé vers 10h, 10h30, je

24 ne sais pas exactement. Ensuite, j'ai vu Bilajac, Karic et Zicro Suljevic

25 devant le commandement, ainsi que deux collègues de l'université, d'anciens

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1 détenus. Plus tard j'en parlerai. J'ai parlé avec Karic, Sefer n'était pas

2 là. Le fils de Karic était là. J'avais développé des photos dans la salle

3 de presse. J'ai donné ces photos au fils de Karic pour qu'il les remette à

4 Zuka et aux autres soldats, et ensuite j'ai demandé à Cica: "Où allait

5 commencer notre offensive et quand ?" Il a répondu : "Le lendemain." Karic

6 a dit que c'était possible effectivement. J'ai joué un petit peu aux échecs

7 avec mes compagnons, mes anciens copains. Ensuite, je ne sais pas où ils

8 sont allés, par quels moyens, je ne sais pas pour Karic, Zicro, Bilajac, et

9 cetera. On est resté, on a joué aux échecs, ensuite, j'étais devant la

10 base, toujours.

11 Chaque jour, des personnes qui avaient été expulsées passaient par là. Des

12 personnes expulsées d'Herzégovine; ils passaient devant la base,

13 transportant toutes leurs affaires. Il y avait également des personnes

14 âgées, mais elles, c'était un peu différent de celles-là, parce qu'elles

15 allaient vers Capljina. Là, je me rappelle d'une femme qui manifestement

16 n'allait très bien, elle était en savates, elle a dit qu'elle devait aller

17 chercher les enfants de sa fille à Capljina. C'était environ 100 kilomètres

18 de là, à Capljina. Il n'y avait plus de Bosniens à Capljina, ils avaient

19 tous été expulsés. Elle a dit qu'elle allait chercher les enfants de sa

20 fille, et s'occupait des enfants de sa fille pendant que celle-ci était au

21 travail. On a essayé de la convaincre de ne pas se lancer dans cette

22 aventure. Ultérieurement, j'ai appris qu'ils avaient été tués en route

23 alors qu'ils prenaient la route de Mostar.

24 J'ai appris tout à fait par hasard qu'ils avaient été tués. Plus tard,

25 Kasim Korijenic m'a appris qu'un nouveau groupe de personnes étaient venues

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1 de Dretelj. Il m'a dit qu'ils allaient de venir d'Auschwitz. J'ai dit que

2 j'allais aller leur parler, J'étais très fatigué, j'étais ensommeillé et

3 puis avec ce jeu d'échecs, bon, je pensais à autre chose, donc, je n'y suis

4 pas allé ce jour-là. Mais, enfin bon, je ne veux pas continuer.

5 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Non, la question au départ était la suivante

6 : Avez-vous vu les soldats de Sarajevo passer par là ce matin-là, ce matin

7 du 8 septembre ?

8 R. Oui, je les ai vus. Je crois que certains se sont même arrêtés, et je

9 crois même avoir fait une photo d'eux quand ils ont arrêtés devant la base,

10 peut-être vers 11 heures. Ils sont passés, ils nous faisaient signe de la

11 main, ensuite, ils ont poursuivi leur chemin. Je crois que certains sont

12 restés quelque temps, mais je n'en suis pas très sûr parce que là, je ne me

13 souviens plus très bien.

14 Q. Est-ce que ce jour-là, vous avez vu Halilovic ?

15 R. Je n'ai eu aucun contact avec Sefer Halilovic à partir du moment où il

16 m'a laissé à cet endroit jusqu'à lendemain. Il est possible que je trompe

17 mais je crois, enfin, je crois qu'à un moment donné, je l'ai vu pendant

18 j'étais en train de jouer aux échecs. Je crois que je l'ai vu très

19 fugacement mais cela, je ne peux pas en être sûr. En tout cas, je n'ai pas

20 eu de communications et de contacts avec lui de ce matin-là jusqu'au soir

21 de la journée suivante, quand nous nous sommes retrouvés à la base.

22 Q. Monsieur Hodzic, on vous a demandé de ralentir un petit peu il y a

23 déjà quelque temps, vous avez été très discipliné, vous avez ralenti votre

24 débit, mais je souhaiterais quand même renouveler cette demande.

25 Vous nous dites avoir peut-être vu Sefer Halilovic, le 8. A quelle distance

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1 de vous se trouvait-il ?

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Question, éminemment, où on demande du

3 témoin de se lancer dans des conjectures, c'est manifeste. Il a dit qu'il

4 n'en était pas sûr.

5 Mme CHANA : [interprétation] Oui, le témoin a effectivement dit qu'il

6 n'était pas sûr s'il l'avait vu ou pas. Je pense que le témoin nous dit

7 pensait avoir vu M. Halilovic. J'aimerais préciser un peu la chose, je

8 voudrais savoir où il pensait l'avoir vu ?

9 LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être faudrait-il tout d'abord

10 s'assurer que le témoin a effectivement vu M. Halilovic ce jour-là. Ensuite

11 vous pourrez passer à votre deuxième question.

12 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Q. Monsieur le

13 Témoin, avez-vous vu Sefer Halilovic ce jour-là ? Nous parlons du 8

14 septembre.

15 R. J'ai une image, j'ai une image dans la tête. Pendant que j'étais en

16 tain de jouer aux échecs, il est possible que j'ai jeté un coup d'œil très

17 brièvement. Je l'ai vu brièvement pendant que je jouais aux échecs, mais

18 c'est tout. Je ne sais pas si je l'ai vraiment vu, j'ai l'impression que je

19 l'ai vu, mais je ne peux pas l'affirmer avec certitude. En tout cas ce qui

20 est sûr, c'est qu'il n'était pas là quand Zicro, Suljevic, Bilajac et Karic

21 étaient là.

22 Je ne sais pas s'ils l'attendait ou pas. En tout cas il n'est pas venu. Si

23 je l'avais vu, je l'aurais écrit dans mon livre à ce moment-là parce que

24 Bilajac, Karic et Zicro, je les mentionne dans mon livre. Mais lui, ce

25 jour-là, il ne figure pas dans mon livre.

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1 Q. Maintenant je passe au 9 septembre. Qu'avez-vous fait le 9 septembre ?

2 R. Avec mon collègue Kasim Korijenic, je suis allé à Jablanica, où étaient

3 logées les personnes détenues. Il y avait un groupe de détenus qui avait

4 été libéré de Dretelj. On les avait hébergés à l'école et nous sommes allés

5 à l'école. Il m'a dit que Gacanin était dans le groupe; on avait parlé

6 beaucoup de lui au moment de l'arrivée du premier groupe de détenus,

7 puisqu'au camp de Dretelj on avait essayé de l'égorger. Donc, lui il est

8 arrivé dans le premier groupe de réfugiés.

9 On est allé à l'école, il y avait là quelques 350 personnes détenues. Il a

10 été -- c'était pratiquement insupportable cette situation. J'étais

11 incapable de prendre des notes. J'ai simplement demandé à certains d'entre

12 eux, à plusieurs d'entre eux de sortir. Il régnait une puanteur atroce à

13 cet endroit. Pour moi, c'était l'odeur des cadavres qui régnait là. Quand

14 on était entré, cette odeur restait avec vous pendant plusieurs heures, une

15 heure ou deux. Ces gens-là au bout de 75 jours de détention, leur peau

16 commençait à dégager une odeur de mort, c'était comme d'entrer dans une

17 morgue. C'était insupportable. J'ai prétendu que mon flash ne marchait pas,

18 je leur ai demandé de sortir. Certains sont sortis et je les ai

19 photographiés. On avait l'impression qu'ils revenaient d'Auschwitz. Il y a

20 une photographie de cette scène dans mon livre. Je les regardais et ils

21 m'ont dit qu'il y avait des gens qui étaient encore en moins bon état

22 qu'eux. J'ai demandé où. Ils m'ont répondu "qu'ils étaient à l'hôpital."

23 Effectivement, je suis allé à l'hôpital et j'ai trouvé certains de ces

24 détenus. Je les ai interviewés, et puis il y avait là aussi des soldats du

25 HVO qui avaient été faits prisonniers, je leur ai parlé également. J'ai

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1 parlé avec les détenus bosniaques. J'ai parlé avec les combattants du HVO

2 qui avaient été blessés et qui recevaient des soins médicaux. Voilà.

3 Q. Etes-vous allé à Jablanica et avez-vous rencontré des gens que vous

4 connaissiez qui appartenaient au MUP ?

5 R. C'est vers 17 heures que j'ai fini les interviews. Ensuite j'ai regardé

6 la montre, je n'oublierai jamais, deux jours avant, on avait dit que Delic

7 et Sefer allaient venir. Je regardais ces détenus et j'étais -- c'était

8 plein de pessimisme. Je pensais que les Bosniaques ne pourraient pas être

9 sauvés. Ensuite je suis allé à Jablanica, j'ai rencontré un jeune homme qui

10 n'était pas très loin de mon quartier; je ne connaissais pas son nom. Je le

11 connaissais de vue simplement. Cela y est, il s'appelle Nedzad Surkovic. Je

12 me souviens de son nom maintenant. Il m'a demandé si je savais ce qui

13 c'était passé à Grabovica ? J'ai répondu par la négative. Il m'a raconté

14 que quelqu'un avait tué cinq membres d'une famille croate.

15 La première chose qui a traversé mon esprit, après ce que j'avais vu à

16 Kostajnica quand j'étais à cet endroit, et quand il y avait ce type qui

17 menaçait ces personnes âgées, j'ai pensé que ces personnes, certaines des

18 personnes expulsées, certaines des personnes qui avaient été détenues

19 avaient tué ces gens.

20 Je savais que je ne pouvais pas me rendre sur place, mais je voulais y

21 aller, je voulais y aller quand même pour au moins prendre des

22 photographies, filmer, enfin prendre des photographies en douce. On était

23 devant le MUP au moment où cette conversation a eu lieu. On est entré à

24 l'intérieur, et j'ai demandé s'il était possible de se rendre sur place. On

25 a répondu : "Non, pas question, que tout était complètement bloqué, qu'on

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1 ne pouvait pas aller là." Je n'ai pas insisté.

2 Q. Pourquoi vous ont-ils dit qu'il était impossible de se rendre à cet

3 endroit, que l'accès était interdit ?

4 R. Ils ont dit qu'on ne pouvait pas passer. C'est ce que Nedzad et les

5 autres ont dit. Ils ont dit qu'on ne pouvait pas passer. Qu'on ne pouvait

6 pas y aller.

7 Q. Vous ont-ils expliqué pourquoi il n'était pas possible de passer pour

8 se rendre jusqu'à Grabovica ?

9 R. Il me semble qu'on ne pouvait pas passer. L'accès était interdit;

10 c'est-à-dire qu'il y avait l'armée qui était là. Enfin, je ne sais, je

11 crois que c'est cela.

12 Q. Une fois que vous avez entendu parler de ce qui c'était passé, qu'avez-

13 vous fait ?

14 R. Je ne sais pas combien de temps je suis resté à Jablanica. Je suis

15 resté un petit peu. En tout cas, j'ai demandé à ce Necko [phon] de me

16 conduire parce qu'il avait à sa disposition une voiture. Je lui ai demandé

17 de m'amener à Donja Jablanica où je résidais. Je n'avais pas la volonté de

18 faire quoi que ce soit, d'écrire quoi que ce soit au sujet des détenus, des

19 prisonniers, des morts, de l'hôpital, et cetera. J'avais vraiment envie de

20 rien faire du tout et je suis allé à Donja Jablanica.

21 Q. A Donja Jablanica, quand vous êtes allés à Donja Jablanica, est-ce que

22 Sefer Halilovic est venu ?

23 R. Je me suis assis. Je ne peux pas vous dire combien de temps je suis

24 resté comme cela. Je me suis installé dans une sorte de salle d'attente,

25 une sorte de hall d'entrée. C'est là que les gens prenaient leur repas.

Page 73

1 C'est là que Delic et Sefer s'étaient rencontrés précédemment. J'étais

2 assis là devant ce bâtiment où étaient assis également des combattants.

3 Tout le monde avait le droit de s'asseoir là. Il y avait des bancs. On

4 pouvait boire le café. J'étais assis à une table, tout seul, au moment où

5 Sefer est venu de là-bas.

6 Q. Que s'est-il passé quand Sefer est venu ? Pouvez-vous nous indiquer le

7 moment et l'heure à laquelle Sefer est venu ?

8 R. Je ne peux pas vraiment. C'est très vague. Cela pourrait être 9 heures,

9 10 heures, 7 heures, 6 heures, non -- ce n'est pas

10 6 heures, c'était après 6 heures, cela c'est sûr, mais je ne peux pas vous

11 donner d'heure précise.

12 Il s'est assis à mes côtés.

13 Q. Est-ce que vous avez échangé des propos ?

14 R. Oui. Il ne disait rien alors je lui ai demandé où il avait été. Il m'a

15 répondu qu'il avait été à Neretvica, vers Konjic, quelque part, enfin dans

16 cette zone quoi. Il m'a dit qu'il était avec Rusmir Mahmutcehajic, qui

17 était le ministre chargé de l'Energie. C'est ce qu'il a dit. Les

18 combattants étaient là, assis, et dès que Sefer est arrivé, dès qu'il

19 arrivait quelque part, les soldats se levaient pour se réunir.

20 En chuchotant, je lui ai demandé ce qui s'était passé à Grabovica. Il a

21 répondu oui. Je lui ai demandé s'il pensait que certains des prisonniers ou

22 des personnes expulsées avaient tué la famille ? Il a répondu que c'était

23 ce qu'il pensait également. Il regardait les combattants qui étaient autour

24 de lui, les soldats qui étaient autour de lui, qui lui disaient, qui

25 l'interpellaient : "Sefer, comment ça va ? Qu'est-ce qui ce passe ?" C'est

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1 ainsi que s'est interrompue notre conversation.

2 Q. Quand vous lui avez chuchoté : "Qu'est-ce qui s'est passé là-bas à

3 Grabovica ?" et il a simplement répondu : "Oui." Pour vous, qu'est-ce que

4 cela voulait dire ce "oui ?"

5 R. Je suis parti du principe qu'il était au courant de ce crime. J'ai

6 pensé au début qu'il ne s'agissait que d'une seule et unique famille, une

7 famille de cinq personnes qui avaient été tuées.

8 Q. Vous a-t-il demandé comment vous aviez appris cela, et ce que vous

9 saviez au sujet de ces crimes, de ces meurtres ?

10 R. Non, parce qu'il y avait beaucoup de soldats qui nous entouraient et

11 qui interpellaient Sefer, lui posant des questions. Il était impossible de

12 communiquer.

13 Q. Quel type de questions ces combattants posaient-ils à Sefer ?

14 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas qu'ils lui aient demandé

15 quoi que ce soit au sujet des crimes. Non, je ne me souviens pas.

16 Q. Pouvez-vous nous parler du comportement de Sefer à ce moment-là, de son

17 attitude ?

18 R. Il était silencieux, calme. Enfin, peut-être que si je ne lui avais

19 rien demandé, peut-être n'aurait-il rien dit.

20 Q. A-t-il ajouté quoi que ce soit d'autre ? A-t-il parlé de ce qu'il

21 allait éventuellement faire, suite à ce qui c'était passé ?

22 R. Comme je vous l'ai expliqué, notre conversation ne s'est pas poursuivie

23 puisque 20 à 25 soldats s'étaient attroupés autour de nous et les gens lui

24 posaient diverses sortes de questions. Ce sont les combattants, en fait,

25 qui ont complètement changé de sujet si bien que nous n'avons pas continué

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1 notre conversation.

2 Q. Combien de temps êtes-vous restés là et à quel moment Sefer est-il

3 parti ?

4 R. Je ne sais pas combien de temps, mais il est parti vers Jablanica.

5 Q. Sefer ?

6 R. Il me semble, je n'en suis pas sûr. Oui, Sefer, je crois. Oui, mais je

7 ne sais pas. Je crois qu'il allait vers Jablanica, à ce moment-là, je n'y

8 prêtais pas vraiment attention. Mais je crois qu'il est allé à Jablanica.

9 Q. Vous a-t-il dit où il allait ?

10 R. Il ne me l'a pas dit, mais il me semble qu'il est allé à Jablanica,

11 mais je n'en suis pas sûr à 100 %, mais je crois. Il me semble que c'est

12 cela. C'est ce qui m'a semblé.

13 Q. J'imagine que vous êtes allé vous coucher ?

14 R. Oui, vraisemblablement, peut-être ai-je joué aux échecs. Je ne sais pas

15 exactement.

16 Q. Maintenant, passons à la journée suivante, le 10 septembre. Que s'est-

17 il passé, ce jour-là ?

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien --

19 Mme CHANA : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le moment est peut-être bien choisi de

21 faire une pause, avant de passer au 10 septembre.

22 Mme CHANA : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons nous interrompre et reprendre

24 à une heure moins le quart.

25 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

Page 76

1 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana.

3 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. Avant la pause, nous avions commencé à parler du 10 septembre. Pouvez-

5 vous nous dire où vous étiez, ce jour-là ?

6 R. J'avais l'intention d'aller à Jablanica dans la matinée. Moi, j'étais à

7 Donja Jablanica à une dizaine de kilomètres, dans la base. J'ai attendu de

8 trouver un moyen de transport devant la base pour aller à Jablanica, mais

9 je n'ai pas trouvé de voiture, et cetera. Personne n'est passé, Zuka ou

10 autre, sinon je leur aurais demandé.

11 A ce moment-là, Celo est arrivé et passait en voiture et il s'est arrêté

12 devant la base. Il est descendu de la voiture. Il est passé devant moi, et

13 je lui ai demandé : "Celo, est-ce que tu vas à Jablanica ?" Il a répondu

14 par l'affirmative. J'ai regardé à l'arrière de la voiture. Il y avait deux

15 garçons qui étaient assis. Il y avait de la place, et j'ai attendu Celo

16 pour qu'il revienne.

17 Nihad Bojadzic se tenait au bar de la base. C'est l'adjoint de Zuka. Ils

18 étaient en train de parler. J'ai regardé pour voir si Celo s'en allait,

19 mais ils ont continué à discuter. Je n'ai pas entendu ce qu'ils se

20 disaient.

21 Ensuite, Celo est sorti. Il a ouvert la portière de la voiture et il a

22 demandé aux deux jeunes garçons de descendre, ce qu'ils ont fait. Ensuite,

23 ils sont allés au commandement de Zuka, et il les a remis à Nihad Bojadzic.

24 Ensuite, il est revenu dans la voiture, et j'ai pensé que c'étaient peut-

25 être des gens des personnes qui avaient été expulsées, des enfants qui

Page 77

1 étaient fatigués. J'ai pensais que c'était cela.

2 Je suis allé à Jablanica avec Celo.

3 Q. Avez-vous vu Emin Zebic à cet endroit quand vous êtes allé à

4 Jablanica ?

5 R. Oui. Je suis allé au bâtiment du MUP immédiatement, au poste de

6 sécurité publique dont Zebic était le chef. On a mis à ma disposition une

7 machine à écrire. C'étaient les seuls à Jablanica à avoir une machine à

8 écrire en état de marche. On m'a donné du papier, et j'ai commencé à

9 travailler.

10 J'ai pris le café. J'ai appris que c'étaient des combattants de Sarajevo

11 qui avaient commis le crime de Grabovica, et il apparaissait que c'étaient

12 des soldats de Celo, et ce n'était pas uniquement la famille de cinq

13 personnes qui avaient tuée, mais il y avait peut-être 15 à 20 personnes qui

14 avaient été tuées. Ils parlaient d'un ingénieur. Tout le monde était

15 déprimé. Ils ont mentionné ce jeune ingénieur qui travaillait dans l'usine

16 de production d'armements, et ils l'avaient peut-être tué aussi. Ils ont

17 dit qu'il n'y avait que deux jeunes garçons qui avaient pu être sauvés. A

18 ce moment-là, j'ai pensé logiquement que c'étaient les deux jeunes garçons

19 que Celo avait emmenés ce matin à la base.

20 Q. Est-ce que vous leur avez posé des questions ? Est-ce que vous avez

21 demandé s'ils étaient allés à Grabovica ou pas ?

22 R. Non, je leur ai demandé s'ils étaient allés là-bas. Ils ont répondu :

23 "Ce n'était pas possible." Ils avaient essayé de se rendre sur place, mais

24 ce n'était pas possible. Ils ont dit à peu près cela.

25 Q. Ont-ils expliqué pourquoi ils n'étaient pas parvenus à entrer dans le

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1 village ?

2 R. Autant que je m'en souvienne, il y avait un point de contrôle et il

3 fallait passer par le point de contrôle si on voulait entrer, enfin quelque

4 chose comme cela. Un point de contrôle mis en place par l'armée.

5 Q. Avez-vous rencontré Bakir Alispahic ce jour-là ?

6 R. C'était l'après-midi, tard dans l'après-midi. Je suis resté assez

7 longtemps à Jablanica. Il y a une seule rue à Jablanica, et j'étais en

8 train de passer devant le MUP quand Bakir est sorti avec son escorte et

9 Zebic. Je lui ai parlé très brièvement. Il pleuvait et il continuait à

10 pleuvoir. Quand il est arrivé à la voiture, on a parlé un petit peu du

11 crime. A ce moment-là, il m'a parlé et il m'a dit quelque chose, j'en ai

12 parlé à Karic. J'ai compris qu'il avait mentionné Sefer et Karic. Mais,

13 j'ai compris qu'il parlait de la manière dont la commission dirigée par

14 Karic allait être formée. Ensuite, j'ai demandé à Karic, s'il était au

15 courant. Il m'a répondu que : "C'était la première fois qu'il entendait

16 parler de cette commission." Mais je me souviens. Je me souviens qu'il a

17 même mentionné le procureur public, enfin quelque chose de ce style.

18 C'était en passant, comme cela, quand on marchait. Il m'a dit qu'il allait

19 à ARK pour une réunion à Konjic où se trouvaient Sefer et Cibo. Il y allait

20 également avec Mahmutcehajic et il est parti.

21 Q. Est-ce qu'ensuite vous êtes rentré à Donja Jablanica ?

22 R. Ensuite, je ne sais pas. A ce moment-là, Zuka est passé. Il était

23 bouleversé parce qu'on avait tué un de ses hommes. Il a dit que : "C'était

24 un camouflet et que tout le monde allait penser que c'étaient ses hommes

25 qui avaient cela. Ces types devraient être arrêtés. Il faudrait les

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1 pendre," quelque chose comme cela. Saric a également dit que : "C'était un

2 camouflet pour l'armée." Ensuite, je lui ai dit : "Mais qu'en est-il de ces

3 deux jeunes garçons ?" Parce que j'avais déjà fait le lien. J'avais déjà

4 compris. Il a répondu qu'ils "étaient en lieu sûr, et qu'il allait les

5 protéger." Il a dit qu'il protégeait ces gens, qu'il les avait protégés

6 pendant tout le temps, les civils. Puis, il m'a dit : "Mais regarde ce

7 qu'ils ont fait, les autres."

8 Q. Mais pour vous, qui mettait-il en accusation ? Qui étaient "ces

9 personnes" qu'il accusait ?

10 R. Il s'agissait des meurtriers, de ceux qui avaient tué les gens.

11 Q. Oui, mais quand il a dit : "On va accuser mes soldats," de quoi

12 parlait-il, Zuka ?

13 R. En fait, il voulait dire qu'on allait peut-être lancer des fausses

14 accusations, que les gens ne savaient pas. Puisque, après tout, c'étaient

15 ses soldats qui étaient sur place cette nuit-là. Peut-être certains,

16 allaient-ils dire que c'étaient ses soldats qui avaient commis ces actes.

17 Q. Mais il ne vous a jamais dit qui il pensait devoir considérer comme

18 coupable de ces actes ?

19 R. Non. Plus tard, on en a parlé. On ne savait pas. Je suis retourné à

20 Sarajevo, mais je n'étais pas sûr. Pendant des années, on n'a pas su ce qui

21 s'était passé.

22 Q. Revenons maintenant au 11 septembre. Avez-vous rencontré qui que ce

23 soit d'Igmanski Vukovi qui est venu à Donja Jablanica, les Loups d'Igman ?

24 R. Oui. Comme je l'ai dit, on était dans cette pièce dans la base de Zuka;

25 pas d'électricité. Quelqu'un est venu vers moi et il s'est assis à côté de

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1 moi dans cette pièce. Je lui ai demandé : "Qui il était ?" Il m'a répondu :

2 "Tu m'as interviewé le premier jour de ton arrivée. Je suis des Loups

3 d'Igman." C'est là que j'ai compris que c'était le numéro un, enfin le

4 numéro deux, à côté de Saric. Je connaissais Saric. Mais quand j'étais sur

5 place, il n'était pas là. Il m'a dit ce qu'il savait des crimes, de la

6 façon dont ils s'étaient déroulés. Je lui ai demandé s'il avait vu. Il m'a

7 répondu que : "Oui, qu'il ne pouvait plus dormir, ni manger. Que c'étaient

8 des gens merveilleux. Ils nous ont tout donné, tout ce qu'on leur

9 demandait. Il y a deux jours, moi-même, j'étais dans cette famille." Il

10 voulait sans doute parler de la famille Zadro qui avait été tuée. Il a dit

11 que cette famille avait préparé une tarte, un gâteau, pour eux. J'ai

12 demandé : "Est-ce qu'on les a alignés pour les fusiller ?" Il a répondu :

13 "Non, ils sont allés de maison en maison pour tuer les gens." J'ai demandé

14 ce qu'ils avaient fait des corps. Il m'a répondu qu'on les avait jetés dans

15 la Neretva. Je lui ai demandé s'il avait pu faire quoi que ce soit. Il

16 avait répondu que : "Ces hommes étaient enivrés, qu'ils avaient pris de la

17 drogue et qu'ils avaient même attaqué quatre ou cinq femmes bosniaques

18 réfugiées, des Musulmanes. Ils avaient essayé de les violer. Certains

19 avaient essayé de se réfugier dans notre base," a-t-il dit, "mais ensuite

20 ils ont tiré, et nous avons riposté," et cetera.

21 Q. Parlons du 12 septembre, Monsieur Hodzic. Je voudrais savoir si vous

22 avez, ce jour-là, interviewé ces deux enfants ?

23 R. Le 12 au matin, Kasim Korijenic, celui dont j'ai parlé précédemment, il

24 a dit qu'ils avaient dormi la veille chez lui et que Zuka avait désigné

25 Sjenicak pour rester à côté de ces enfants. C'était un soldat très grand.

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1 Il était dans la même pièce, dans celle où se trouvait Kasim Korijenic. Il

2 avait une maîtrise. Il y en avait un autre qui était un poète. Il les avait

3 mis dans cette pièce pour qu'ils dorment avec tous ces gens qui étaient les

4 meilleurs du groupe. Le matin, il les a ramenés à la base. Il a dit :

5 "Voilà les enfants." Ensuite, je suis allé entre deux bâtiments, parce que

6 je ne pouvais pas vraiment sortir complètement à l'extérieur. On s'est

7 assis, et je leur ai parlé. Ils m'ont raconté ce qui s'était passé.

8 Q. Monsieur Hodzic, veuillez nous raconter, de manière extrêmement

9 concise, ce que vous ont dit ces enfants.

10 R. Les deux jeunes garçons, Goran et Zoran Zadro, j'ai noté leurs noms. Il

11 y en avait un qui avait 11 ans, l'autre 13 ans. Ils m'ont dit que, ce jour-

12 là, à 11 heures du matin, trois soldats étaient venus devant leur maison.

13 Ils avaient une coiffure assez particulière, l'arrière de la tête, ils

14 l'avaient rasé, donc ils étaient assez reconnaissables. Je leur ai demandé

15 de quelle appartenance ethnique étaient ces soldats. Ils ont répondu qu'ils

16 étaient croates. Ensuite, ils leur ont demandé s'ils avaient du bétail, ce

17 à quoi ils ont répondu : "Oui." A ce moment-là, le grand-père et la grand-

18 mère sont allés montrer aux soldats le bétail, et à ce moment-là, ils ont

19 entendu des tirs. Ils en ont conclu que les grands-parents avaient été

20 tués. Leur mère leur a fait signe de partir en courant vers la forêt.

21 Depuis la forêt, ils ont vu qu'on emmenait leur mère et leur sœur, c'était

22 une très jeune fille. Ils avaient faim et ils n'étaient pas suffisamment

23 habillés, donc au soir, ils sont revenus près de la route. Je crois qu'ils

24 m'ont dit que c'est à ce moment-là que trois soldats sont passés. Ils leur

25 ont dit -- non pas de se rendre, mais de venir auprès d'eux, qu'ils

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1 n'avaient rien à craindre. Les soldats les ont emmenés à la base, enfin où

2 ils étaient. Ils leur ont donné quelque chose à manger. Ensuite, ils les

3 ont ramenés chez eux pour qu'ils puissent y prendre des vêtements pour

4 s'habiller.

5 Ensuite, ils sont sortis devant la maison, et ils ont dit qu'ils y avaient

6 vu trois cadavres à côté de la grange. C'étaient probablement les corps du

7 père, de la grand-mère et du grand-père. Leur mère gisait, avec leur sœur,

8 devant la maison. Leurs corps étaient recouverts d'un drap. Un instant,

9 puis-je m'arrêter un instant, je vous prie ?

10 Q. Bien entendu, Monsieur Hodzic. Monsieur Hodzic, vous pouvez prendre

11 votre temps.

12 R. Ils ont dit que la mère, ils l'ont vue, et elle avait des blessures sur

13 la poitrine, des blessures provoquées par des balles. Ils ont vu leur

14 petite sœur de trois ans qui avait des blessures sur le visage. Il a

15 prononcé une phrase qui me persécute pendant des années. "Cette petite

16 fille de trois ans," il a dit "elle avait les cheveux blonds et les yeux

17 verts." Cela s'est enfoncé comme une sorte de flèche dans mon cœur.

18 Q. Oui, je comprends. Monsieur Hodzic, est-ce que ces enfants, ces

19 garçons, vous ont dit quoi que ce soit par rapport à la façon dont les gens

20 qui les ont retrouvés les ont traités ? Est-ce qu'ils ont fait des

21 commentaires par rapport au comportement de ces gens-là qui les ont

22 découverts ?

23 R. L'un des deux a dit qu'ils avaient tout. Il avait 10 ans. Il m'a dit :

24 "J'avais du bétail, des vaches, des chèvres, et maintenant je n'ai rien. Où

25 sont mes chèvres maintenant," et cetera.

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1 Q. Est-ce que Sefer Halilovic est arrivé dans la base à Donje Jablanica

2 pendant que ces deux garçons y étaient ?

3 R. Les garçons étaient partis, je ne sais pas où. Je suis resté avec

4 Kasim. Je les ai donc rencontrés, après quoi, ils sont partis dans une

5 maison où Sjenicak les a emmenés. Je ne sais pas où.

6 Peu après, à bord de la jeep, M. Halilovic est arrivé, et Cibo également.

7 Je pense que, dans la soirée, nous nous sommes parlés au téléphone pour y

8 aller. Je pense qu'ils sont arrivés me prendre, je ne sais pas pourquoi et

9 comment. Cela ne m'est pas clair. Mais en tout cas, je sais que nous nous

10 sommes rendus vers Dobro Polje et vers le Bataillon de Prozor.

11 Q. Est-ce que vous avez relaté à M. Halilovic votre conversation avec les

12 garçons ?

13 R. Non, je n'ai rien dit.

14 Q. Pourquoi vous ne lui avez rien dit ?

15 R. Je ne sais pas.

16 Q. Bien. Nous parlons toujours de la date du 12 septembre. Vous avez dit

17 qu'avec M. Halilovic, vous êtes parti dans la direction de Prozor.

18 Pourquoi ?

19 R. Pour préparer les activités de combat.

20 Q. Qui d'autre se rendait avec vous à Prozor ?

21 R. C'étaient le Dr Cibo et son escorte.

22 Q. En route, est-ce que vous avez parlé du massacre qui est survenu à

23 Grabovica ?

24 R. Je demandais à Sefer ce qui s'était passé lors de la réunion à ARK, à

25 Konjic, où se tenait cette réunion un ou deux jours auparavant. Cibo a dit

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1 -- je pense que Sefer a commencé à parler; peut-être que Cibo a commencé à

2 parler, je ne sais plus -- qu'il y avait eu une conversation là-dessus,

3 c'est-à-dire sur ce massacre, et que Bakir Alispahic a demandé que

4 l'opération cesserait, et Cibo interrompe pour dire -- et moi, je lui ai

5 dit : "Est-ce que t'es fou ? Il ne faut pas que l'opération cesse. Il ne

6 faut pas arrêter l'opération. Il faut sauver 100 000 personnes, 100 000

7 Musulmans d'Herzégovine." Sefer, il a essayé de le calmer. "Il faut que

8 vous compreniez que je n'approuve pas ce qui s'était passé là-bas, mais il

9 y a des choses qui sont prioritaires. Il faut qu'on lance cette offensive.

10 Il faut punir les auteurs des crimes aussi, mais il y a d'autres gens qui

11 s'occupent de cela, c'est-à-dire qui devront mener une enquête conformément

12 à la loi, ce qui était tout à fait conforme avec les positions de Sefer

13 dans d'autres situations dans lesquelles j'étais témoin. C'est-à-dire, il

14 résonnait de telle façon. Il savait bien quelles sont les tâches séparées.

15 C'était la même chose lorsqu'il y avait un désaccord entre Zuka et

16 Hakalovic -- le 2 septembre, il y avait une embuscade qui a été posée. Il a

17 dit : "Soyez prudent. Il y a ici une personne de l'état-major principal qui

18 s'occupe de cela. Il y a des lois qu'il faut appliquer. Cette personne

19 arrivera pour mener une enquête là-dessus donc il faut respecter la loi."

20 C'est dans ce sens-là qu'il avait dit cela quant aux massacres à Grabovica.

21 Q. Monsieur Hodzic, je veux vous montrer une pièce à conviction, un autre

22 document, il s'agit du document D157.

23 Cela va apparaître sur l'écran dans quelques instants. Monsieur Hodzic,

24 voyez-vous ce document sur l'écran ?

25 R. Oui.

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1 Q. Pourriez-vous nous dire ce que représente ce document et si vous l'avez

2 déjà vu auparavant ?

3 R. Oui, je l'ai vu. Il s'agit de la lettre. Je ne vois pas la signature,

4 mais je sais qu'il s'agissait du commandant Rasim Delic de Visoko. Il

5 écrit.

6 J'aimerais que le texte soit défilé un petit peu vers le haut, à

7 l'intention du commandant, la QG de Jablanica, le commandement du 6e Corps.

8 Delic a écrit comment il a appris du chef de l'état-major du 6e Corps à

9 propos des activités de combats planifiés dans les opérations de combat

10 dans la direction de Prozor et de Mostar. Par rapport à cela, il ordonne

11 qu'on examine la décision par rapport aux possibilités réelles, à

12 l'effectif existant, et il faut modifier la décision et la conformer à la

13 réalité. Deuxièmement, il faut vérifier l'exactitude des données par

14 rapport au génocide perpétré sur la population civile de la part des

15 membres de la 9e Brigade de Montagne du 1er Corps. Si cela est vrai, il faut

16 isoler les auteurs, il faut prendre des mesures énergiques et faire tout

17 pour que ces actes ne se répètent et ordonner à l'adjoint commandant de la

18 9e Brigade de Montagne du 1er Corps qu'il rentre illico à Sarajevo pour le

19 problème au sein de l'unité soit résolu. Il faut informer sur les mesures

20 prises et sur les tâches exécutées le commandant Rasim Dalic.

21 Q. C'est pour la première fois que vous avez vu ce document à l'époque ?

22 Qui vous a montré ce document ?

23 R. J'ai vu pour la première fois ce document dans la matinée du 9 lorsque

24 Sefer est arrivé à Jablanica. Il m'a dit, il m'a appelé pour qu'il me

25 montre quelque chose. Il m'a lu du document. Bien sûr, je ne portais pas

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1 mes lunettes, et je ne pouvais pas voir le document mais il m'a lu le

2 document et m'a dit : "Vois ce que Delic a écrit." Il a lu le premier point

3 du document pour que la portée de l'opération soit réduite. Il a dit que

4 cela ne sera pas le cas.

5 Q. Avant de continuer, dans le compte rendu il figure que vous l'avez vu

6 pour la première fois dans la matinée du 9. Regardez la date de ce

7 document, s'il vous plaît.

8 R. Non. Je n'ai pas dit le 9, j'ai dit le 12. Peut-être que je me suis

9 trompé. C'était dans la matinée pendant laquelle nous nous sommes rendus

10 vers Prozor. C'était le 12.

11 Q. C'était en route vers Prozor que ce document vous a été montré ?

12 R. C'était juste avant qu'on ne soit monté à bord du véhicule.

13 Q. Vous avez dit que Sefer vous avait dit que la portée de l'opération ne

14 serait pas réduite. Qu'est-ce qu'il a dit par rapport au génocide commis

15 contre la population civile par les membres de la 9e Brigade motorisée du

16 1er Corps et par rapport au commandant de cette brigade ? Est-ce qu'il a dit

17 quelque chose par rapport à cette partie de l'ordre de Rasim Delic ?

18 R. Non. Il n'a lu cette partie, il n'a rien dit là-dessus.

19 Q. Est-ce qu'il a dit d'autres choses concernant l'offensive et le

20 prolongement de l'offensive ?

21 R. Peut-être que cela existe dans mon livre, mais je ne peux pas m'en

22 souvenir maintenant. Une fois, il a dit que l'offensive contribuerait à ce

23 que le pays soit sauvé, mais je ne peux pas m'en souvenir.

24 Q. Est-ce qu'à un stade ultérieur, vous avez parlé avec Rasim Delic à

25 propos de l'ordre du 12 septembre ?

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1 R. Oui, à un moment donné, je lui ai parlé de cela.

2 Q. Qu'est-ce que vous lui avez dit par rapport à cela ?

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Je m'excuse auprès du témoin, juste un

4 instant.

5 Monsieur le Président, lorsque le Procureur a décidé de ne pas citer à la

6 barre, M. Delic en tant que témoin, alors, on ne peut pas même poser des

7 questions directrices. Lorsque le Procureur décide de ne pas citer à la

8 barre un témoin pour quelque raison que cela soit, dans ce cas-là, de

9 telles pièces à conviction ne peuvent pas être présentées devant la Chambre

10 parce que cela n'aidera la Chambre. Demandez ce que Delic avait pensé ou

11 avait compté faire à ce moment-là, cela ne pourrait pas aider beaucoup.

12 Tout d'abord, il faudrait savoir quand cette conversation s'était tenue.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense que cette conversation

14 était entre deux personnes, donc, nous pouvons entendre une personne qui a

15 participé dans cette conversation de quoi il s'agissait, quel était le

16 sujet de cette conversation.

17 Quelle importance, quel poids la Chambre accordera à cette

18 conversation ? C'est la Chambre qui en décidera à un stade ultérieur.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je comprends que M. Delic ne sera pas

21 cité à la barre en tant que témoin de l'Accusation à ce stade-là.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce qu'il y a la possibilité pour la

24 Défense qu'elle le cite à la barre ?

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Mais nous savons où il est.

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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien sûr.

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Je peux dire avec certitude, non. Mon

3 objection ne concerne pas le fait que le témoin relate quelque chose sur

4 cette conversation. Si la Chambre veut en entendre, la Chambre peut

5 décider. Mon objection était un peu prématurée parque que nous ne savons

6 pas quand cette interview a eu lieu.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

8 Madame Chana, vous pouvez peut-être jeter la base par rapport à l'endroit

9 et l'heure de cette conservation.

10 Mme CHANA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

11 Q. Monsieur Hodzic, pouvez-vous nous dire à quel moment vous avez

12 interviewé M. Delic ?

13 R. Je ne sais pas la date exacte, mais cette entrevue a été publiée à

14 Oslobodjenje, on peut s'informer là-dessus. Mais en ce moment même, je ne

15 peux pas me souvenir de la date.

16 Q. Est-ce que c'était avant la publication de votre livre ou après ?

17 J'essaie de vous rappeler la date.

18 R. Cela était avant la publication du livre. Peut-être qu'au moment de la

19 publication du livre, je lui ai posé des questions. Cela s'est passé peut-

20 être comme cela, peut-être non. Je lui ai posé des questions à lui et

21 Sefer. Il m'a dit que Sefer n'a rien envoyé de là-bas concernant ce

22 rapport, et d'ailleurs d'autres rapports aussi. Delic a dit qu'il n'a pas

23 reçu le rapport et Sefer a dit que oui, qu'il l'a informé quotidiennement

24 de tout. C'est ce que j'ai écrit dans le livre.

25 Q. Essayons de voir quelle était la date.

Page 89

1 R. Je ne sais pas.

2 Q. Par rapport à la date, dites-nous quand votre livre a été publié.

3 R. Je pense.

4 Q. Quelle année ?

5 M. MORRISSEY : [interprétation] Je pourrais peut-être aider. Monsieur le

6 Président, je n'ai rien contre le fait qu'on montre au témoin son livre et

7 peut-être que mon collègue pourrait poser des questions directrices ?

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Madame Chana, vous pouvez poser des

9 questions directrices au témoin.

10 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

11 R. Il y avait beaucoup de texte, et j'ai oublié.

12 Mme CHANA : [interprétation] Pourrais-je montrer au témoin -- ce n'est pas

13 en B/C/S.

14 Dans le livre, il figure que le livre a été publié en 1996.

15 R. Non. C'est le premier livre.

16 Q. En 2000.

17 R. Oui, en 2000. C'est possible. Oui, c'était en 2000.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

19 Mme CHANA : [interprétation]

20 Q. Est-ce que cela s'est passé avant ? Pouvez-vous nous dire combien de

21 mois avant la publication du livre ? Approximativement, combien de temps

22 avant la publication du livre ?

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Il y a tout un processus d'impression du livre. Je pense que pendant

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1 six mois, cela s'est déroulé, l'impression du livre. Par rapport à la fin

2 de l'impression, je ne sais pas. Cela pourrait être une période assez

3 longue. Si j'avais su que cette question serait posée, je me serais

4 renseigné quant à la date à Oslobodjenje.

5 Q. Oui. Mais est-ce qu'on peut dire que cela s'est passé en 2000, au cours

6 de l'année 2000, c'est-à-dire que vous avez parlé avec M. Delic, que vous

7 avez interviewé M. Delic ?

8 R. C'était peut-être en 1999. Mais je ne peux pas vous dire. C'était soit

9 en 1999, soit en 2000, parce que le feuilleton a été publié au mois de

10 janvier 1999, et c'était entre la publication du feuilleton et la

11 publication du livre. Donc, à un moment au cours de ces deux années.

12 Q. Dites-nous quelque chose de cette interview. De quoi parliez-vous ?

13 D'abord, le 12 septembre, l'ordre du 12 septembre, dites-nous quelque chose

14 sur cet ordre de septembre, l'ordre que je vous ai montré tout à l'heure.

15 R. Avec qui ? Vous voulez savoir avec qui j'ai parlé ?

16 Q. Avec M. Delic.

17 R. Je n'ai pas de --

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Je m'excuse. Je voudrais intervenir.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Maître Morrissey.

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Je m'excuse auprès du témoin, mais je dois

21 répéter mon objection. Le Procureur essaie d'introduire ici M. Delic --

22 non. Je m'excuse, non M. Delic, mais son histoire. Ils ont renoncé à ce

23 qu'il soit cité à la barre en tant que témoin ici. Je ne veux pas tenir un

24 discours ici. C'est évident ici. C'est quelque chose qui s'est passé en

25 2000. Il me semble qu'il est maintenant trop tard pour qu'on fasse comme

Page 91

1 cela. Bien sûr, le témoin peut témoigner de bonne foi, je ne conteste pas

2 cela. Mais la question qui se pose, c'est de savoir si quelque chose qui a

3 été dit lors de l'interview en 2000 pourrait aider la Chambre. Je ne pense

4 pas qu'on puisse continuer comme cela.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Au moment où la Chambre accordera

6 un poids, une valeur probante à ce document, à cette pièce à conviction, on

7 va parler de cela.

8 Vous pouvez continuer.

9 Mme CHANA : [interprétation]

10 Q. Monsieur Hodzic, lorsque vous avez interviewé M. Delic, est-ce que vous

11 lui avez posé des questions concernant l'ordre donné le 12 septembre 1993 ?

12 R. Je ne sais pas à quoi vous pensez, mais l'interview avec Delic, je l'ai

13 fait après la publication du livre. C'était sur la première page du journal

14 Oslobodjenje. Je lui ai posé des questions concernant Grabovica. Est-ce que

15 vous pensez à cela ? Si vous avez un document ayant trait à cela, vous

16 pouviez me le montrer. Je ne peux pas faire la connexion entre ces deux

17 choses et vous dire que quoi j'ai parlé avec lui. Est-ce que vous pensez à

18 cette autre interview ?

19 Q. Combien d'interviews avez-vous faits avec M. Delic ?

20 R. Beaucoup.

21 Q. Je parle du 12 septembre 1993. Je parle de l'ordre. Je vous ai montré

22 ce document que M. Delic a envoyé à M. Halilovic en demandant à ce que la

23 portée de l'opération soit examinée. C'est de quoi je parle.

24 R. [aucune interprétation]

25 Q. Est-ce que vous n'avez jamais eu l'occasion de parler avec M. Delic de

Page 92

1 cet ordre ?

2 R. Oui. Concernant cela, je vous ai tout dit. C'est-à-dire, Sefer ne l'a

3 pas informé de cela, après quoi, j'ai posé la même question à Sefer, et il

4 m'a répondu que oui, qu'il l'a informé de cela. Peut-être qu'il y a deux

5 aspects du texte. Mais je ne peux pas me souvenir de rien, d'un seul mot.

6 Tout a été écrit. Mais je peux me permette d'oublier, et j'ai oublié.

7 Q. Simplement pour que les choses soient bien claires. En fait, "cela

8 revient à dire que Sefer lui en a parlé, l'a tenu informé, et j'ai demandé

9 à Sefer, et il a dit qu'il l'avait fait." Pourriez-vous me dire de quoi il

10 s'agit, s'il vous plaît ?

11 R. Très honnêtement, je ne sais pas quoi répondre. Peut-être que cette

12 opération, à ce stade, je ne sais pas qui faisait quoi, il y avait

13 Dzankovic qui était chargé de la sécurité, et il devait sans cesse envoyer

14 des rapports. Mais ce n'est pas lui qui devait s'occuper de tout. En fait,

15 il y avait la question des tâches et des missions.

16 Q. Vous avez publié cet ordre du 12 septembre dans votre livre, n'est-ce

17 pas ?

18 R. Oui, effectivement. Je l'ai publié.

19 Q. Où vous êtes-vous procuré cela ?

20 R. J'ai fait une demande écrite en bonne et due forme. Je l'ai envoyé au

21 commandant des forces armées de Bosnie-Herzégovine. La demande a été

22 acceptée, je l'ai obtenu des archives de Bosnie-Herzégovine. J'ai obtenu

23 son autorisation et au sujet d'autres opérations, et ensuite un deuxième

24 commandant, et un troisième commandant. J'ai obtenu leur autorisation me

25 permettant de consulter les archives.

Page 93

1 Q. Très bien. Revenons un petit peu à cette question polémique que vous

2 avez contestée un peu plus tôt lorsque vous avez interviewé Sefer et

3 Halilovic -- pardonnez-moi, Delic, sur le fait d'être tenu informé. Je vous

4 ai demandé s'il était informé ou était tenu au courant des événements sur

5 le terrain en Herzégovine au moment du combat ? C'est à cela que vous

6 faisiez référence ?

7 R. Oui. Il s'agissait des combats en Herzégovine. Est-ce qu'il avait des

8 éléments d'information ? Il a répondu qu'il n'avait aucune information sur

9 le déroulement de ces combats. Je crois qu'il a dit que c'était ainsi, et

10 Sefer a dit que oui.

11 Q. Repartons maintenant à la date du 12. Vous êtes en route, et Sefer est

12 en train lire à voix haute cet ordre. Vous dites que vous ne pouviez pas

13 voir parce que vous n'aviez pas vos lunettes, et vous avez vu Sefer lire ce

14 document, n'est-ce pas ?

15 R. Au point 1. Au point 1.

16 Q. Pardonnez moi, Monsieur Hodzic ? "Point 1," pourriez-vous préciser s'il

17 vous plaît ?

18 R. Pour ce qui est de réduire l'ampleur de cette opération, il a répondu

19 qu'il ne le ferait pas. Sefer a dit qu'il ne le ferait pas, qu'il n'y

20 aurait pas de réduction, de diminution de cette opération.

21 Q. Est-ce que vous avez porté à son attention, les conséquences de cela,

22 si cette opération devait être maintenue, est-ce que vous avez entendu ou

23 écouté l'ordre de M. Delic ?

24 M. MORRISSEY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Eu égard à

25 cette question qui pourrait induire en erreur. Si vous regardez cet ordre,

Page 94

1 vous-même, cet ordre demande à Halilovic d'envisager la question. Ce n'est

2 pas un ordre qui lui demande de réduire cette opération. Sinon, le témoin

3 l'aurait exprimé de cette façon-là. Le témoin a vu l'ordre et il l'a publié

4 dans son livre. On devrait lui poser la question correctement et non pas à

5 la manière dont cela lui a été posé. C'est pour cela que je m'y oppose.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Madame Chana, je crois que vous

7 devriez poser vos questions au témoin, les unes après les autres.

8 Mme CHANA : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. A ce moment-là,

9 je crois que mon éminent confrère a tout à fait raison, lorsqu'il a soulevé

10 cette objection.

11 Q. Je vais vous poser ces quelques questions : lorsque Sefer vous a

12 demandé d'envisager une diminution de cette opération, vous avez dit qu'il

13 semblait ne pas être d'accord. Est-ce qu'on a parlé des conséquences de ce

14 désaccord ?

15 R. Non, non, pas des conséquences. Tout à fait le contraire. Lorsque nous

16 sommes arrivés sur place, nous n'avons plus du tout abordé la question.

17 Mais la même chose m'a été rapportée, dans les mêmes termes, par Vehbija

18 Karic, lorsque nous sommes arrivés sur place et nous avons trouvé l'équipe

19 en question, ensuite, Vehbija a dit : "Sefer, il y a un télégramme de Delic

20 qui t'attend," et c'est sans doute ce qu'il avait à l'esprit. Sefer a dit :

21 "Oui, je sais." Ensuite, Karic a dit : "Non, non, non, c'est hors de

22 question. Nous ne pouvons pas diminuer cette opération." Sefer a dit :

23 "Nous allons devoir nous en tenir au plan initial."

24 Q. Et --

25 R. De toute façon, ils formaient une équipe.

Page 95

1 Q. Lorsque Karic a dit cela, est-ce qu'il faisait référence au même

2 ordre ? Celui du 12 --

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Pardonnez-moi. Non, je m'y oppose --

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

5 M. MORRISSEY : [interprétation] Pardonnez-moi, puis-je --

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que oui.

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Avant que le témoin ne soit autorisé à

8 répondre à cette question - ce n'est pas de la faute du témoin - il faut

9 s'assurer que le témoin a bien vu l'ordre donné par Karic. Si cela peut

10 vous aider, ma consoeur proposait la question : "Est-ce qu'il a sous-

11 entendu qu'il s'agissait du même ordre ?" - cela peut avoir la même valeur.

12 Mais il doit clairement être établi qu'il a bien vu l'ordre avant que la

13 question ne lui soit posée.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

15 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, je pensais avoir fait

16 cela lorsque Karic a parlé de ce même ordre. Mais je vais reposer la

17 question au témoin.

18 Q. Lorsque Karic a dit : "Il y a un télégramme," qu'est-ce qu'il entendait

19 par là ? Pourriez-vous aider Messieurs les Juges.

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, mon objection n'a pas

21 été exprimée de façon claire et c'est de ma faute. L'objection est celle-

22 ci, pour être tout à fait clair, c'est de savoir si le témoin a

23 physiquement vu Karic avec le document ou s'il était simplement en mesure

24 de tirer ces conclusions. C'est important parce que ceci doit être clair

25 pour que tout un chacun puisse bien comprendre de quoi il s'agit. Nous

Page 96

1 avons des questions importantes, ici, à poser. Il ne s'agit pas de

2 questions qui sont posées contre le témoin, mais des questions qui portent

3 sur un ordre, sur un document, en particulier; il est très important que

4 ceci soit clair et il faut savoir si cette feuille a été vue ou non ou si

5 Karic a vu ce document ou non.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Quelquefois, il faut aller plus

7 lentement, Madame Chana.

8 Mme CHANA : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Hodzic, que vous a dit Karic ?

10 R. Non, Karic ne m'a rien dit, mais il a dit à Sefer qu'il y avait un

11 télégramme de Delic qui l'attendait et il a dit cela sur un ton

12 péremptoire. Il a parlé d'une opération qu'on allait réduire. Il a dit que

13 ceci était hors de question. Je n'ai pas vu le document. J'en ai conclu

14 qu'il faisait allusion au document, mais peut-être qu'il ne faisait pas

15 allusion au document.

16 Q. Lorsque Karic a dit oui, Karic a dit à Sefer qu'il avait un télégramme,

17 ensuite, il a dit de façon péremptoire "qu'il s'agissait de réduire

18 l'opération" avant d'entendre la réponse de Karic à sa propre question.

19 Quelle question a été posée à Halilovic et quelle était sa réponse, en tout

20 cas, d'après ce que vous avez entendu ?

21 R. Il n'y avait pas de question. C'était une affirmation, une observation

22 devant Sefer et il a dit à Sefer - il ne lui a pas posé de questions - il

23 lui a dit : "Il y a une lettre de Delic qui t'attend," ils l'ont reçu là-

24 haut, à cet endroit où ce groupe se trouvait Karic, Bilajac, Zicro, et

25 cetera. Il a dit : "Je sais, je l'ai reçu." Sefer a dit : "Je sais, je l'ai

Page 97

1 reçu." Il n'a rien dit de plus et Karic a dit : "De toute façon, une

2 réduction de cette opération est hors de question." Sefer a dit : "Nous

3 allons, de toute façon, agir conformément à nos plans." Il n'y a pas eu de

4 questions.

5 Q. Très bien. Est-ce que vous avez demandé à Sefer quelle était l'ampleur

6 de cette opération ?

7 R. Je lui ai posé la question une fois et je lui ai demandé quand cette

8 opération allait commencer et il m'a répondu qu'il ne savait pas et que si

9 cette opération devait bien se terminer, cela mettrait le président

10 Izetbegovic dans une position plus aisée pour négocier, si cette opération

11 devait réussir, quelque chose de ce genre.

12 A notre retour - c'est autre chose - lorsqu'ils sont revenus de là-bas,

13 Cibo, lui et moi, nous avons parlé. Cibo a dit, en premier, que c'était la

14 plus grande offensive jamais lancée depuis le début de la guerre et Sefer a

15 dit quelque chose de semblable -- ou Sefer a également parlé de cette

16 offensive. Je ne sais pas exactement. Mais c'est surtout Cibo, lui et moi-

17 même qui avons parlé de cette opération qui devait être un succès et que

18 cela devait se dérouler ainsi.

19 Q. Très bien, Monsieur --

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Pardonnez-moi. Je souhaite intervenir

21 encore une fois.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

23 M. MORRISSEY : [interprétation] D'après l'ordre qui est cité ici, nous

24 parlons "des actions de combat planifié." Ensuite, au premier paragraphe,

25 un ordre aux fins de "revoir la décision dans le sens d'une estimation

Page 98

1 réaliste des forces et des possibilités en présence permettant de remplir

2 cette mission." Je ne suis pas en train de dire qu'il s'agit d'une

3 tentative aux fins d'induire en erreur, c'est simplement un terme qui est

4 utilisé de temps en temps. Je crois qu'il ne faut pas entendre

5 "l'opération" comme étant -- semble être le terme utilisé lorsqu'on parle

6 de cet ordre et il ne s'agit pas des termes utilisés. Mais c'est

7 particulièrement pertinent dans cette affaire. Je ne souhaite pas un grand

8 discours au témoin. Je ne peux pas donner le nom, mais vous vous souvenez.

9 Je vais m'en tenir simplement au fait que je suis préoccupé par cela. Ce

10 n'est pas un problème qui concerne le témoin. Très honnêtement, ce n'est

11 pas une critique du Procureur, non plus, je suis simplement un peu sensible

12 à ce sujet lorsqu'on utilise "l'opération" dans le contexte de cet ordre.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Peut-être que la meilleure façon de

14 le dire et d'élucider cela, c'est de se tourner vers le document.

15 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. En fait, je suis

16 passé au document. On parle, ici, de la conversation et je crois que le

17 témoin a dit d'aller le clarifier pour nous, encore une fois.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

19 Mme CHANA : [interprétation] Quel terme a-t-il utilisé ?

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ecoutez, pour moi, cela convient, mais

21 peut-être qu'il y a une quelconque confusion, que les termes "opérations"

22 ont été mélangés

23 Mme CHANA : [interprétation] Oui. Je souhaite clarifier ceci avec le

24 témoin.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Le document a parlé "d'opération de

Page 99

1 combat planifié."

2 Mme CHANA : [interprétation] "Action de combat." Ensuite, il parle des

3 conversations que Cibo et les autres hommes ont eues --

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

5 Mme CHANA : [interprétation] -- à propos de quoi.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poser la question.

7 Mme CHANA : [interprétation] C'est, quel était le terme.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poser la question au témoin.

9 Mme CHANA : [interprétation] Bien. Alors, j'ai bien noté l'observation

10 faite par mon éminent confrère et c'est important de clarifier ce point;

11 donc, lorsqu'ils parlaient entre eux, à quoi faisaient-ils référence ?

12 Q. Monsieur Hodzic, vous avez entendu l'objection de mon éminent confrère

13 de la Défense, lorsqu'il parlait de la réduction de cette opération. Je ne

14 vais pas utiliser le terme. Quel terme ont-ils utilisé ?

15 R. Je peux simplement lire ce qui est écrit ici : "Il s'agit de revoir la

16 décision et de le faire revenir à quelque chose qui pourrait être considéré

17 comme réaliste." C'est tout ce que je puis dire.

18 Messieurs les Juges, dans mon livre, j'en parle parce que ceci est

19 arrivé plus tard. Mais je ne savais pas, à l'époque, que cette opération

20 allait être déployée, cette opération "Neretva." Lorsque nous en parlions

21 et sur ce qui allait se passer, aucune référence, ici, n'était faite, à ce

22 moment-là. L'opération Neretva, c'est plus tard que j'en ai parlé à Karic,

23 et cetera. On en parlait et on parlait, cette opération-là qui était votre

24 opération ? Je crois que Karic a parlé de "Mostar," je crois que Sefer a

25 également parlé de "Mostar." Je ne sais pas s'ils essayaient de me tromper.

Page 100

1 En réalité, je ne savais pas, je ne savais pas que cela s'appelait

2 "Opération Neretva," bien qu'il y ait une carte, que j'ai vue pour la

3 première fois dans un journal que quelqu'un avait publié.

4 Maintenant, j'utilise le terme "opération," mais à l'époque, ceci n'a

5 jamais été évoqué dans aucun de mes articles.

6 Q. Bien, Monsieur Hodzic. De quoi parlez-vous, lorsque -- je ne vous

7 demande pas maintenant de regarder cet ordre, quel que soit le mot utilisé

8 par cet ordre. Entre vous, quelle terminologie utilisiez-vous, lorsque

9 Karic vous disait -- on vous a demandé de faire ceci, cela - je ne veux

10 pas, évidemment, vous faire dire quelque chose - mais quelle terminologie

11 utilisaient-ils entre eux, lorsque Halilovic disait : "Je ne vais pas faire

12 ceci," quel type de thème utilisait-il ?

13 R. Je n'en ai aucune idée. Les soldats de l'armée utilisaient, en général,

14 le terme de "combat, opération de combat." Quelquefois, ils parlaient

15 "d'offensive" ou "opérations de combat." C'était, en général, les termes

16 les plus communément utilisés, mais je ne peux pas précisément vous dire

17 les termes utilisés par Sefer, lorsqu'il parlait "d'opération,"

18 "d'offensive" ou "d'activités de combat," ou quelque chose comme cela.

19 Q. Ecoutez, je souhaite vous rappeler ceci : nous sommes toujours à la

20 date du 12 septembre. Où vous êtes-vous rendu avec

21 M. Halilovic, ce jour-là ?

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Je suis intervenu plusieurs fois, mais là,

23 maintenant, il s'agit d'une question de traduction.

24 [Le conseil de la Défense se concerte]

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Je souhaite avoir un éclaircissement par

Page 101

1 rapport à la page 104, ligne 7. Le témoin a dit : "offensive" et parfois,

2 "opérations de combat." Je souhaite demander à l'interprète de préciser,

3 s'il vous plaît, car nous avons, ici -- je crois que d'après mon confrère

4 bosniaque, il s'agissait, plutôt, "d'activités de combat."

5 L'INTERPRÈTE : Effectivement, activités de combat.

6 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci.

7 Mme CHANA : [interprétation]

8 Q. Monsieur Hodzic, la question qui vous a été posée était celle-ci : où

9 vous êtes-vous rendu, le 12 septembre, en compagnie de Sefer Halilovic ?

10 Vous vous rendiez quelque part ?

11 R. Nous sommes arrivés à Dobro Polje et en route, nous avons été rejoints

12 par le commandant de la 45e Brigade, qui avait son unité là-haut, qui était

13 très proche des gens de Prozor. Ensuite, nous sommes allés à la rencontre

14 de ces combattants de Haso Hakalovic. Sefer leur a dit quelque chose, nous

15 avons traversé la forêt. Il y avait plusieurs groupes, à cet endroit-là.

16 Ensuite, nous sommes passés devant les gens de Prozor. Enver Buza leur

17 parlait dans le champ, il leur a parlé de quelque chose et Sefer,

18 également, mais très brièvement. Ensuite, je me souviens qu'il a dit, à ce

19 moment-là, "Votre tâche consiste à vous rendre en direction de Vilica

20 Guvno," qui s'appelle Makljen, je crois. C'est à ce moment-là que quelque

21 chose d'intéressant s'est passé, mais je ne m'en souviens pas,

22 malheureusement.

23 Il y avait Haso Hakalovic et M. Halilovic s'est adressé à ce groupe, et à

24 d'autres endroits, également; il y avait le groupe de Prozor, présent. Il a

25 littéralement tout répété aux combattants. Il leur a dit qu'ils devaient --

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1 comme à Kostajnica -- ce que j'ai consigné et ce que j'ai déjà dit.

2 J'avais l'intention de consigner tout ceci car je n'avais pas suffisamment

3 de pellicule, je n'avais pas suffisamment de cassettes audio, donc, je ne

4 voulais pas gâcher mes cassettes audio. Mais j'aurais aimé pouvoir

5 enregistrer tout cela car, en tant que journaliste, je m'étais dit

6 simplement que je n'avais pas besoin de tout cela.

7 Q. Ce jour-là, Halilovic s'est-il adressé au Bataillon indépendant de

8 Prozor ? S'est-il adressé à eux, une fois ou deux fois ?

9 R. Oui. Nous nous sommes rendus à Voljevac, il s'est adressé aux soldats à

10 cet endroit-là et c'est la photographie que vous m'avez montrée ici. Il

11 leur a dit que d'après nos plans, nous devions aller à Crni Vrh et il a dit

12 qu'il estimait qu'il devait à nouveau s'adresser aux soldats, aux

13 combattants de Prozor et Neretvica. De toute façon, nous sommes repartis,

14 nous avons rebroussé chemin, il n'y avait pas d'autre route.

15 Lorsque nous sommes arrivés à cet endroit-là, il leur a nouveau parlé. Je

16 ne l'ai pas enregistré, mais il a brièvement dit que l'offensive allait

17 commencer le lendemain et que ceci coïncidait avec la date du 13 septembre,

18 qui est la date à laquelle il a quitté la JNA pour venir en Bosnie-

19 Herzégovine et a pris part à la création de la Ligue patriotique. Ensuite,

20 un des combattants a dit : "Longue vie au deuxième Tito."

21 Il est vrai que les combattants étaient de bonne humeur. Ils chantaient des

22 chants en l'honneur de Sefer Halilovic, d'Alija Izetbegovic, de Buza, et

23 cetera.

24 Q. L'offensive a-t-elle commencé le lendemain, le 13 ?

25 R. Le 13 juin, l'offensive devait commencer à Bugojno, devait couvrir

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1 toute la région jusqu'à Mostar.

2 Q. Pardonnez-moi. Vous avez dit le 13 juin. Est-ce que vous vouliez dire

3 le 13 septembre parce que d'après le compte rendu d'audience --

4 R. Oui, bien sûr, le 13 septembre.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avant de parler de la date du 13

6 septembre. Je crois que nous devons nous arrêter pour aujourd'hui.

7 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Témoin, je crains que vous

9 allez devoir rester une journée de plus à La Haye. Je dois vous rappeler

10 que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez

11 faite, pendant le temps de votre séjour à La Haye. Ne parlez à personne et

12 ne laissez personne vous parler à propos de votre témoignage.

13 Mme l'Huissière va vous accompagner et je vous reverrai demain matin.

14 [Le témoin se retire]

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il nous reste deux minutes.

16 Madame Chana, pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, combien de temps

17 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président --

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] -- il vous faut pour terminer votre

19 interrogatoire principal ?

20 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons perdu

21 une demi-heure, ce matin. Ceci ne me permet pas de terminer en une seule

22 séance. C'est exactement le temps qu'il me faut encore, une demi-heure à

23 quarante minutes pour terminer mon interrogatoire.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois.

25 Maître Morrissey ? Je ne vais pas vous faire porter le blâme des 30 minutes

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1 que nous avons perdues ce matin, mais peut-être que vous pourriez me dire

2 brièvement le temps dont vous aurez besoin pour mener votre contre-

3 interrogatoire. Ceci nous permettra de décider si, oui ou non, nous devons

4 siéger demain après-midi ou si nous pouvons faire une pause après la

5 présentation des moyens à charge.

6 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, ayant entendu la

7 présentation des moyens ce matin, j'envisage la possibilité d'avoir un

8 contre-interrogatoire assez bref. Mais je dois y réfléchir encore parce que

9 les moyens de preuve ont été présentés d'une certaine manière, sous un jour

10 particulier. Le témoin a fait sa déposition en direct et d'une façon très

11 particulière. Ceci a vraiment une incidence sur les questions que je vais

12 poser moi-même.

13 Messieurs les Juges, est-ce que vous me permettez d'y réfléchir

14 quelques instants, et j'entrerai en contact avec vos associés ainsi qu'avec

15 le Procureur. J'essaie que ceci soit assez bref, mais j'ai besoin d'un

16 temps de réflexion. Je crois que ce témoin allait rester pendant un certain

17 temps, mais cela risque de ne plus être le cas.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien sûr.

19 Nous avons réservé la salle d'audience pour demain après-midi de 16 heures

20 à 17 heures 30. C'est le temps qui nous serait octroyé si nécessaire.

21 Je dois rappeler aux parties qu'il y a une réunion 65 ter dans la salle 177

22 cet après-midi à 14 heures 30. Parce que nous manquons de place, vous ne

23 pouvez envoyer que deux personnes pour représenter votre équipe. Ceci nous

24 permettra non pas d'évoquer cette affaire sur le fond, mais nous parlerons

25 des questions de calendrier. Il s'agit de choses qui ne feront évidemment

Page 105

1 pas partie du compte rendu d'audience.

2 L'audience est levée.

3 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 24 mars 2005,

4 à 9 heures 00.

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