Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 18 avril 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 09.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez citer l'affaire, s'il vous

6 plaît, Monsieur le Greffier d'audience.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour Messieurs les Juges. Il s'agit de

8 l'affaire IT-01-48-T, l'Accusation contre Sefer Halilovic.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Bonjour, Mesdames et Messieurs.

10 Pardonnez-nous pour ce retard ce matin, et avant d'entendre le témoin

11 suivant, je crois qu'il y a quelque chose que la Défense souhaite soulever

12 à l'attention des Juges de la Chambre.

13 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Il y a

14 deux points que je souhaite aborder. Le premier ne concerne pas ce témoin-

15 ci, et l'autre concerne ce témoin. Le premier porte sur une enquête qui

16 doit être menée, à savoir le rapport d'expert.

17 L'Accusation, par le passé, a présenté un rapport d'expert qui

18 faisait partie des documents présentés et il y a eu un échange avec

19 l'Accusation à ce stade au début pour savoir ce qui allait advenir de cet

20 expert. Nous allons arriver à l'intervalle, une pause, avant la fin de la

21 présentation des moyens à charge, et si nous allons entendre un témoin

22 expert, il nous faut ce rapport, car au cours des vacances judiciaires,

23 nous allons pouvoir l'analyser. Nous espérons ne pas devoir demander un

24 temps supplémentaire. Si nous pouvions recevoir ce rapport d'ici deux

25 jours, à ce moment-là, nous pourrions poursuivre comme convenu et nous ne

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1 demanderons pas un délai si c'est nécessaire. Bien évidemment, avec des

2 témoignages d'experts, il nous faut faire des recherches pour pouvoir bien

3 cerner le sujet. Donc, puis-je demander à l'Accusation ce qu'il en est eu

4 égard à ce rapport d'expert et que va-t-il advenir de ce rapport, s'il vous

5 plaît.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Traitons d'abord de ces deux points un

7 par un, s'il vous plaît.

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Weiner.

10 M. WEINER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

11 Monsieur le Président, nous en avons parlé au cours de la réunion que nous

12 avons eue dans la salle 177 sur le rapport d'expert. Nous attendons le

13 témoignage de M. Karavelic. Après quoi, nous entendrions l'expert après

14 cela, après M. Karavelic. C'est la réunion que nous avons eue il y a trois

15 semaines, et la discussion a porté là-dessus, et nous attendons toujours la

16 fin du témoignage de M. Karavelic et nous entendrons l'expert après cela.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Donc, cela signifie qu'au cours de cette

18 semaine, vous serez en mesure de tenir informée la partie adverse, à savoir

19 si vous allez pouvoir leur remettre un rapport d'expert ou non.

20 M. WEINER : [interprétation] D'ici la fin de la semaine. Mais encore une

21 fois, il nous faut entendre le témoignage de M. Karavelic, qui est un

22 témoin spécialiste des questions militaires.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois.

24 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien sûr, nous allons voir. Le plutôt sera

25 le mieux.

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1 Le deuxième point concerne Kate Adie. Nous avons reçu les notes de

2 récolement concernant ce témoin. Je ne vais pas en parler en détail

3 maintenant, mais je suis un petit peu inquiet à propos de deux choses.

4 La première porte sur le fait qu'il semble y avoir, en tout cas si je

5 regarde les notes de récolement, il semble qu'il y ait l'intention de

6 demander, au cours de son témoignage, de donner l'avis de ce témoin pour

7 savoir s'il y a eu un massacre ou non. Je ne sais pas exactement si mon

8 confrère souhaite procéder ainsi et je m'opposerais à ce que le témoignage

9 soit donné par ce témoin sur ce sujet. Je ne m'oppose pas à ce que le

10 témoin parle de ce qu'elle a vu et de ce qu'elle a remarqué et ce qu'elle

11 sait à propos de certaines personnes qui sont décédées. Elle dira peut-être

12 : "J'ai vu une blessure sur ce corps. J'ai déjà vu une telle blessure

13 avant. Je ne suis pas médecin, mais j'ai vu déjà des blessures dues à des

14 armes à feu." Bien sûr, je souhaite être réaliste. Elle peut parler de ce

15 qu'elle a vu.

16 Mais de donner un avis dans son témoignage, je crois qu'il faut

17 vraiment que ceci soit suffisamment fondé. D'après ce que j'ai pu lire, en

18 tout cas, je crois qu'il s'agit ici d'une journaliste qui est assez

19 expérimentée dans son domaine et qui a été blessée elle-même, puisqu'elle a

20 couvert des conflits au cours des dernières années, puisque c'est ce que

21 j'ai pu lire d'après les notes de récolement. Le point que je souhaite

22 soulever est celui-ci : si on doit donner un avis sur des scènes de crimes,

23 cela ne suffit pas de nous remettre les notes de récolement la veille. Si

24 c'est quelqu'un qui doit nous présenter un avis d'expert sur des traces de

25 balles, sur les murs ou des cratères provoqués par les obus en l'absence de

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1 tirs de feu, nous avons besoin de le savoir à l'avance. Ce qui allait être

2 un contre-interrogatoire assez court à mon sens va maintenant prendre

3 beaucoup plus de temps. Quoi qu'il en soit, je vais m'opposer à ce qu'un

4 avis général soit donné.

5 Je ne dis pas que c'est exactement ce qui va se passer, mais je m'y

6 opposerais. Je veux simplement que cela soit consigné au compte rendu

7 d'audience.

8 C'est important que les personnes se présentent en qualité d'expert

9 pour que le Tribunal soit en mesure de comprendre ce que quelqu'un avance,

10 évidemment de par son intelligence et son expérience. Je sais qu'on peut

11 avoir un domaine d'expertise. Je ne sais pas si la personne est qualifiée

12 ou non pour ce faire et si elle peut parler en qualité d'expert. Si nous

13 devons entendre d'avantage d'éléments portant sur son expertise, je crois

14 qu'il faudrait l'entendre avant l'audition du témoin.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] L'Accusation souhaite-elle répondre ?

16 M. WEINER : [interprétation] Non. Je n'ai absolument pas l'intention de lui

17 demander son avis sur les massacres. De tels éléments n'ont pas été

18 présentés devant ce Tribunal, et je n'ai pas l'intention de poser ce type

19 de questions pendant l'interrogatoire principal.

20 Mais nous allons essayer de recueillir ses remarques, certaines

21 fondées sur son expérience, d'autres sur son domaine d'expertise et des

22 observations d'ordre général, ce qu'elle a vu. Est-ce qu'elle a vu de

23 cratères ? Est-ce qu'elle a vu l'intérieur d'un appartement avec des

24 personnes mortes à l'intérieur ? Ce sont là des observations d'ordre

25 général que les gens font.

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1 En outre, Monsieur le Président, comme vous le savez, dans d'autres

2 affaires, des journalistes correspondants de guerre expérimentés ont eu

3 l'occasion d'émettre toutes sortes d'avis. Comme Paul Davies d'ITN news qui

4 a témoigné dans l'affaire Strugar et dans l'affaire Milosevic, a donné son

5 avis lors de son témoignage, le type d'armes utilisées par l'armée de la

6 JNA et des armées croates. Par exemple, les différences de force entre les

7 deux armées, la capacité à ces deux armées à frapper leurs cibles, et le

8 type d'obus utilisés pour endommager certains éléments.

9 Ce témoin, dans l'affaire Galic, Morten Hvaal, H-v-a-a-l, le

10 journaliste de Norvège a témoigné à propos des personnes qui ont été

11 abattues, le type de tirs utilisés, les décès provoqués suite à l'analyse

12 du sang, personnes qui avaient été abattues, perte de sang. Van Linden de

13 Sky Television, dans l'affaire Galic, a témoigné sur certains domaines

14 comme les tirs embusqués, l'endroit d'où venaient les tirs, à savoir, si on

15 avait pris pour cible des civils où non.

16 Ce que j'entendais par cela, c'est que des correspondants de guerre

17 ont couvert différents conflits, choses qu'ils ont déjà présentées aux

18 Juges de ce Tribunal. Des gens qui ont été le témoin de sortes d'attaques

19 et de batailles qui se sont déroulées sous leurs yeux ont eu l'occasion de

20 parler de certains faits et de donner leur opinion sur ces faits. La cause

21 de la mort, par exemple, à savoir si un massacre est survenu ou non. Je ne

22 veux pas lui demander de témoigner sur ce genre de point, à savoir, si elle

23 a vu des blessures, qu'elle puisse décrire ce type de blessure, oui. Elle

24 pourra dire : "J'ai vu ce qui ressemblait à des blessures par balle."

25 Lorsqu'elle entre dans une pièce : "Qu'avez-vous vu à l'intérieur de cette

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1 pièce ? Qu'il y avait, derrière les victimes, des traces de balles; les

2 fenêtres étaient intactes et les maisons étaient intactes. On n'avait pas

3 déplacé les éléments dans la pièce. On n'avait pas vandalisé la maison."

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, beaucoup. Je crois que, dans

5 certaines juridictions, les avis qui découlent des témoins de fait ne sont

6 pas autorisés. Néanmoins, il s'agit ici d'un Tribunal international et il

7 ne s'agit pas d'un procès avec des jurés.

8 Les Juges décideront au cas par cas s'il s'agit de domaine

9 d'expertise qu'il faudrait étudier ou non et décideront si oui ou non le

10 témoin est en mesure de témoigner sur ces domaines.

11 De façon générale, toutes les questions et toutes les réponses

12 devraient porter sur ce qu'a vu le témoin ou ce qu'elle a remarqué au cours

13 de cette période. Néanmoins, nous allons également fournir une certaine

14 marge de manœuvre dans certains domaines. Tout dépend de la manière dont la

15 situation évolue au cours des débats. Quoi qu'il en soit, nous allons

16 essayer de voir si ceci fonctionne ainsi ou non.

17 Pourriez-vous faire entrer le témoin, s'il vous plaît.

18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir vous

22 lever pour faire la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 LE TÉMOIN: KATHRYN ADIE [Assermentée]

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1 [Le témoin répond par l'interprète]

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Veuillez

3 vous asseoir

4 Monsieur Weiner, vous pouvez maintenant interroger le témoin.

5 Le témoin est à vous.

6 Interrogatoire principal par M. Weiner :

7 M. WEINER : [interprétation]

8 Q. [interprétation] Bonjour. Pourriez-vous épeler votre nom, s'il vous

9 plaît.

10 R. Je m'appelle Kate Adie.

11 Q. Dans quel pays résidez-vous ?

12 R. Au Royaume-Uni.

13 Q. Quelle est votre profession ?

14 R. Je suis journaliste.

15 Q. Depuis combien de temps ?

16 R. Depuis 30 ans.

17 Q. Pour qui travaillez-vous aujourd'hui ?

18 R. Je travaille comme travailleur indépendant pour la BBC. J'ai travaillé

19 pendant 33 ans et j'étais le principal correspondant pour la BBC.

20 Q. En tant que correspondant principal, que couvriez-vous ?

21 R. Pas seulement la guerre; le terrorisme, des grands procès, ainsi que

22 des incidents majeurs, à la fois au Royaume-Uni et à l'étranger.

23 Q. Pour ce qui est de la guerre, quelles guerres avez-vous couvertes en

24 tant que journaliste ?

25 R. J'ai couvert le conflit en Iran, Irak, la guerre civile au Liban,

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1 différents conflits et guerres en Afrique, Sierra Léone, au Tchad, en

2 Angola, la guerre lorsque les Russes se trouvaient en Afghanistan, la

3 Tchétchénie, et des conflits moins importants, comme la guerre des

4 Malawiens, la guerre où j'ai travaillé pour l'armée britannique, la guerre

5 du Golf en 1990; j'ai passé six mois avec l'armée et j'étais présente aux

6 côtés des troupes qui sont entrées au Koweït et en Irak du Sud. A la fin de

7 cette occupation de deux ans, j'ai ensuite passé quatre ans et demie en ex-

8 Yougoslavie.

9 Q. Nous allons venir à la question de l'ex-Yougoslavie. Avez-vous couvert

10 des incidents terroristes ?

11 R. Un nombre très important, hormis le conflit en Irlande du Nord, où

12 j'étais journaliste pendant quelque 25 ans au début des années 1970, où il

13 y avait tout une série d'incidents terroristes : des fusillades, des

14 pilonnages, quelque chose qui ressemblait à des nettoyages. Les Brigades

15 rouges en Italie, l'ETA au Pays Basque, en Espagne, les groupes terroristes

16 des années 1970 et 1980 opérant en Palestine, le Front de libération de la

17 Palestine, Septembre noir, le PLO, et tout l'ensemble du Moyen-Orient et

18 l'Europe pendant 15 ans, du début des années 1970 jusqu'à la fin des années

19 1980.

20 Q. Au cours de cette période, lorsque vous avez couvert ces différents

21 conflits et incidents, avez-vous été blessée ?

22 R. A plusieurs reprises, mais surtout en ex-Yougoslavie, j'ai été assez

23 grièvement blessée.

24 Q. Pourriez-vous nous dire comment cela s'est produit ?

25 R. J'ai été touchée par balles à quatre reprises, j'ai eu énormément de

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1 chance, j'ai simplement-- ceci m'a effleuré la jambe. C'était simplement

2 des fragments de balles et des éclats d'obus. Un des ces incidents s'est

3 produit en Chine, un au Moyen-Orient et trois incidents de ce type en

4 Bosnie.

5 Q. Vous avez indiqué que vous étiez en Bosnie et en ex-Yougoslavie; à quel

6 moment avez-vous été correspondante de guerre en ex-Yougoslavie ?

7 R. Pardonnez-moi ?

8 Q. Quand avez-vous été correspondante ?

9 R. Je me suis tout d'abord rendue en Slovénie, au début du démantèlement

10 de l'ex-Yougoslavie. Je me souviens avoir rédigé un article sur le premier

11 char que l'on avait pu voir en Europe, au plan technique si vous voulez,

12 depuis la deuxième Guerre mondiale. Il est vrai que lors du soulèvement

13 Hongrois et à Berlin, on avait pu voir de tels chars; c'est la première

14 fois que j'ai vu un tel char traverser un champ de choux, et la Slovénie

15 souhaitait rompre avec l'ex-Yougoslavie.

16 Q. Qu'en est-il de la Croatie; avez-vous couvert la guerre croate en

17 Yougoslavie ?

18 6R. J'ai couvert la guerre entre les Croates slovènes et les Serbes. J'ai

19 vu également les opérations de différentes régions de la Krajina, autour

20 des zones frontières du fleuve. Toute la région autour de Vukovar, Osijek,

21 Pakrac et tous les centres importants, toutes les échauffourées si vous

22 voulez.

23 Q. Et finalement, la guerre en Bosnie.

24 R. J'ai couvert la guerre en Bosnie à plusieurs endroits pendant trois

25 ans. À Sarajevo, j'étais correspondante à Sarajevo et dans la vallée de la

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1 Lasva, Kiseljak et Vitez-Zenica, cette région-là. Je travaillais également

2 à d'autres endroits comme à Mostar, Tuzla, Bihac et Gorazde; les grandes

3 zones de conflits.

4 Q. Est-il exact de dire que vous avez couvert l'ensemble de la guerre

5 entre 1991 et 1995 ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Avez-vous reçu une formation particulière alors que vous étiez intégrée

8 à l'armée britannique dans la guerre du Golfe ?

9 R. Nous étions tous journalistes, nous avons reçu une formation médicale.

10 Tous les journalistes qui étaient dans l'armée, nous avons reçu une

11 formation très accélérée.

12 Q. N'avez-vous jamais travaillé comme médecin au cours de ces guerres ?

13 R. Je ne sais pas si j'ai effectivement joué ce rôle, mais j'ai vu

14 beaucoup de gens qui avaient été blessés. Dans certains cas, j'ai eu

15 l'occasion d'intervenir, des collègues qui avaient été blessés, ainsi que

16 certains civils qui avaient été blessés. Nous leur avons prodigué des

17 premiers soins, et parfois nous les transportions à l'hôpital, et ce n'est

18 pas la première fois.

19 Dans d'autres conflits également, j'ai agis de la sorte, et plus

20 particulièrement à Sarajevo au cours de bombardements très lourds. Deux

21 fois, je me suis retrouvé à l'hôpital, la principale de Sarajevo, et j'ai

22 dirigé le triage dans les zones d'urgence. La situation était complètement

23 chaotique, il y avait une centaine de personnes qui avaient été très

24 grièvement blessées, et qui arrivaient à l'hôpital en l'espace d'une heure.

25 On devait examiner ces patients, et soit les emmener au bloc, ou soit ces

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1 personnes devaient attendre.

2 Q. Vous avez donc indiquée que vous dirigiez le triage. Cela signifie

3 qu'il y avait des scènes absolument chaotiques, des personnes qui souffrent

4 terriblement, qui sont hystériques, qui sont blessées, qui rentrent avec

5 des membres de la famille, alors que le pilonnage se poursuit dans la

6 région autour de l'hôpital. Dans cette situation chaotique, il faut prendre

7 un décision et savoir quel -- nous savons que les possibilités

8 d'interventions chirurgicales étaient limitées, et qu'il fallait traiter

9 les cas les plus graves et faire attendre les autres. Peut-être faire en

10 sorte qu'un médecin ou quelqu'un qui est là puisse se pencher sur le cas.

11 Il s'agit de situations extrêmes, il faut examiner les patients très

12 rapidement, pour essayer de comprendre la nature de leurs blessures

13 rapidement.

14 Q. Avez-vous vue des personnes avec des éclats d'obus dans le corps ?

15 R. Ecoutez, je ne plus compter le nombre de cas tellement il en avait.

16 Q. Et les blessures par armes à feu ?

17 R. Encore une fois, des centaines de fois. Je me suis rendu dans des

18 hôpitaux en Afghanistan, en Irak, ainsi qu'à Pékin en Chine, lors des

19 événements sur la place Tiananmen, après que les manifestations aient été

20 dissoutes par l'armée, j'ai vu de centaines de personnes ayant été blessées

21 par balles.

22 Q. Passons maintenant à la Bosnie au mois de Septembre 1993. Pourriez-vous

23 nous dire où vous étiez, s'il vous plaît ?

24 R. J'étais basée dans la vallée de la Lasva, près de la ville de Vitez.

25 Nous avions la zone de Vitez, de Sarajevo, Jablanica et Zenica, c'était

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1 notre zone.

2 Q. Le 15 au matin, vous souvenez-vous où vous étiez ?

3 R. A Vitez.

4 Q. Qui d'autre était là en même temps que vous ?

5 R. Il y avait une petite équipe : un caméraman, un producteur, deux

6 spécialistes des antennes satellites; également deux personnes faisant

7 partie de l'équipe de presse. C'était utilisé, la Vitez était notre base

8 parce que là se trouvait le quartier de l'armée britannique, et nous étions

9 en liaison permanente avec eux. Parfois nous avons travaillé avec eux. On

10 ne travaillait pas pour eux mais à leurs côtés, et ils étaient très ouverts

11 et nous fournissaient certains éléments d'informations. C'était parfois du

12 renseignement sur les opérations, qu'ils nous donnaient.

13 Q. Avez-vous appris quelque chose de particulier ce matin-là ?

14 R. L'armée britannique avait reçue des rapports à propos d'un incident

15 près de, ou dans la ville de Prozor.

16 Q. Que vous ont-ils dit d'autre à propos de cet incident ?

17 R. Ils semblaient dire qu'un certain nombre de personnes avaient été

18 tuées, et que ce n'est pas ce qu'on peut dire un incident courant.

19 Autrement dit, il y avait eu un échange de feu entre des milices et autres.

20 IL s'agissait-là de civils qui avaient été tués, et ils savaient qu'il y

21 avait des corps que l'on pouvait voir.

22 Q. Vous ont-ils dit où se trouvaient ces corps ?

23 R. On leur avait dit parce qu'ils avaient reçu un message, je ne sais pas

24 d'où venait ce message, mais quelqu'un à Prozor leur avait dit que certains

25 de ces corps se trouvaient dans la ville de Prozor.

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1 Q. Qu'avez-vous fait ?

2 R. Nous avons décidé de partir Non, ce n'est pas une décision que nous

3 prenions de façon systématique, car il fallait analyser chaque élément

4 d'information sur son bien fondé. Quelquefois ces renseignements pouvaient

5 induire en erreur, et parfois ces renseignements n'étaient rien

6 d'important, car il y avait beaucoup de rumeurs qui circulaient en Bosnie,

7 après y avoir passé 3 ans, c'était des choses que nous savions, et parfois

8 certains récits n'étaient absolument pas fondés.

9 Mais cet incident-là semblait être quelque chose d'important, et

10 Prozor n'était pas trop difficile d'accès. Ces éléments faisaient partie de

11 notre prise des décisions. Nous avions l'ensemble d'une journée devant

12 nous, et nous devions calculer, voir si nous pouvions nous y rendre prendre

13 les images, puisque la télévision insiste sur cela. Il faut absolument

14 revenir avec des images et il nous fallait évaluer le niveau de risque. En

15 Bosnie, c'était toujours quelque chose de très délicat, car la presse

16 pouvait être prise pour cible, et toutes les factions en présence pouvaient

17 les prendre pour cible. Les routes comportaient beaucoup de barrages

18 routiers à l'époque. Les différentes milices tenaient ces postes de

19 contrôle. Souvent, ces hommes étaient saouls; il y avait des mines, des

20 tireurs embusqués, des positions d'artillerie, des bandits et des voleurs

21 au nord de Prozor. Il y avait des gangs armés qui circulaient dans la

22 région, et qui assaillaient n'importe quelle personne qui prenait cette

23 route.Il fallait faire très attention quand on prenait ce genre de

24 décision. Il semblait que ce récit-là était un récit fondé.

25 Q. Vous êtes-vous rendus ?

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1 R. Nous sommes descendus à Prozor en passant pas Gornji Vakuf. Je crois

2 que nous avons pu retrouver -- mais je ne me souviens pas, pardonnez-moi.

3 Nous avons retrouvés un petit groupe d'hommes armés qui était allé de

4 Gornji Vakuf vers le sud et aussi sont partis de Vitez. La route de Vitez

5 n'était pas trop difficile, de Vitez à Gornji. Nous avons vérifié qu'il n'y

6 avait pas d'incident particulier sur la route. Je conduisais un véhicule

7 blindé. J'étais accompagnée d'un caméraman. Nous n'étions que deux, une

8 équipe de deux, c'était le cas. Nous n'étions que deux dans une situation

9 dangereuse, de façon à ce que l'autre puisse aider l'autre personne en cas

10 d'incident. Nous n'étions jamais plus de deux, et je crois que nous avons

11 pris avec nous un groupe d'hommes armés, une petite unité. C'était des

12 soldats de l'armée britannique, avec un capitaine Gurka qui s'appelait

13 Bullock, et nous nous sommes dirigés en direction de Prozor. La route était

14 bonne, il n'y avait pas de barrages trop importants, c'était la principale

15 route qui servait de ravitaillement et d'approvisionnement pour tout le sud

16 de la Bosnie.

17 Q. Quand vous êtes arrivés à Prozor, où êtes-vous allés ?

18 R. On nous a dirigés vers une grande pièce qui devait faire partie de la

19 municipalité, je suppose. Une pièce assez importante. Il n'y avait pas mal

20 d'activité à l'extérieur. La ville de Prozor n'était pas une ville très

21 animée. Quasiment la moitié de ses bâtiments avaient été brûlés au début de

22 la guerre, la partie de la ville qui avait été bosnienne. Il y avait

23 quelques Musulmans de Bosnie qui y étaient encore, mais la ville était

24 quasiment entièrement croate.

25 Il y avait cette salle. Nous avons donc fait le tour de cette grande

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1 pièce. Il y avait quelques personnes qui étaient là en uniforme, des

2 hommes, surtout des Croates, des femmes en costumes traditionnels, quelques

3 représentants officiels. Je crois qu'il y avait un médecin. Nous sommes

4 rentrés dans cette grande pièce, et il y avait 22 corps, je les ai comptés.

5 Ils étaient recouverts de couvertures. Ces corps gisaient sur le sol.

6 Q. Avez-vous enlevée les couvertures pour pouvoir regarder les corps ?

7 R. Je n'ai pas fait cela immédiatement. J'ai pris d'abord quelques

8 "general visions", c'est-à-dire quelques instantanés et quelques images de

9 cette pièce. J'ai ensuite indiqué que je voulais regarder de plus près.

10 Lorsqu'il y a des cadavres, il faut faire attention. Il faut tenir compte

11 de la sensibilité des personnes qui sont autour. Bien sûr, il y avait des

12 personnes qui étaient très touchées par cela et qui pleuraient leurs morts.

13 En général, en Bosnie, on ne s'oppose pas à ce que vous regardiez de plus

14 près un cadavre. Nous n'avons pas senti trop de sensibilité de part et

15 d'autre, d'un groupe religieux ou l'autre. J'ai indiqué que c'est ce que je

16 voulais faire, et j'ai retiré les couvertures tout doucement, pour pouvoir

17 regarder.

18 Une raison pour laquelle je fais ceci : ce n'est pas parce que nous

19 souhaitons à tout prix avoir des images, et à la BBC, nous n'utilisons pas

20 ces images pour les rediffuser. Mais il faut comprendre ce qui s'est passé.

21 Nous sommes absolument convaincus qu'il faut un témoignage d'un témoin

22 oculaire. Autrement dit, il faut vérifier dans la mesure de ce qu'on peut

23 vérifier. On ne peut pas toujours compter sur ce que vous disent les

24 autres, surtout dans le cas d'une guerre, où pour des bonnes raisons, et

25 des raisons aisément compréhensibles, les gens ne disent pas toujours la

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1 vérité. Bien que cela puisse paraître répugnant pour un reporter d'agir

2 ainsi, j'estime qu'il était normal et approprié d'inspecter les corps

3 autant que faire se peut.

4 J'ai retiré la couverture et d'après ce que je pouvais voir, il y

5 avait des traces de balles sur les corps de ces cadavres. La plupart de ces

6 personnes étaient des personnes âgées. Il y avait un enfant, et je n'ai pas

7 pu estimer l'âge de l'enfant, mais il y avait 21 autres cadavres qui

8 étaient des cadavres des personnes âgées. Qu'est-ce que j'entends par

9 "âgées" ? Je ne sais pas : 60 ans, 70 ans. C'étaient des villageois,

10 d'après les vêtements qu'ils portaient. Les femmes portaient des foulards à

11 la tête, des pull-overs tricotés à la main, des châles. Les hommes

12 portaient des costumes assez mal taillés, des chemises à col ouvert. Il y

13 avait des villageois, des personnes âgées et je n'ai pas regardé, inspecté

14 tous les cadavres, une demi-douzaine. Tous portaient des traces de

15 blessures par balles. Certaines étaient blessées une fois, d'autres deux

16 fois. On leur avait tiré dessus au niveau du torse. Je ne me souviens pas

17 avoir vu une blessure au niveau de la tête, la plupart étaient au niveau du

18 torse.

19 Q. Vous avez dit que d'après leur habillement c'étaient des villageois.

20 Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'ils portaient sur leurs pieds ?

21 R. Beaucoup d'entre eux ne portaient pas de chaussures du tout; cela ne

22 m'a pas beaucoup surpris, car à la fois dans les maisons de Musulmans, de

23 Croates et de Serbes, pas simplement les Musulmans, beaucoup de gens

24 enlèvent leurs chaussures avant de rentrer dans la maison. Quasiment dans

25 toute les régions du pays, tout le monde portait de grosses chaussures de

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1 travail, et par conséquent, il était de la moindre politesse d'éviter de

2 salir la maison, et donc il serait normal d'enlever ses chaussures.

3 Certaines personnes mettaient de petits souliers en cuir, des mules. Vous

4 pouvez les mettre et les enlever facilement. Dans d'autres cas, il y a

5 certaines personnes qui portaient des chaussons tricotés avec de la laine

6 très épaisse. Pour moi, cela n'était pas très étonnant. C'était plutôt des

7 gens qui étaient à l'intérieur de leurs maisons.

8 Q. Avez-vous parlé avec qui que ce soit concernant le moment où se sont

9 produits ces morts ?

10 R. Je n'avais pas d'interprète. Parfois, j'avais un interprète, mais

11 puisqu'il s'agissait de traverser des frontières, peut-être pas des lignes

12 de front, et qu'il y avait des problèmes énormes entre les communautés

13 croates et musulmanes, partout dans cette zone à l'époque, la vallée de la

14 Lasva était carrément en guerre. Je n'avais donc pas un interprète, car je

15 ne pouvais pas trouver quelqu'un qui était disposé à se déplacer dans ces

16 zones. Ces interprètes étaient très courageux et parfois c'était à nous de

17 décider de ne pas les emmener, car nous ne pouvions pas garantir là où nous

18 allions ni leur sécurité.

19 Je n'avais pas d'interprète, mais je comprends un petit peu de serbo-

20 croate, très peu et j'écoutais les conversations. Je ne pouvais pas

21 comprendre suffisamment pour traduire de manière précise, et surtout pas

22 poser des questions et mener une conversation. Mais l'armée avait un

23 interprète, et à travers cet interprète, à partir des récits des deux

24 personnes locales, et une ou deux personnes en uniforme qui étaient là-bas,

25 nous avons pu comprendre que ces gens provenaient d'un village proche. Nous

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1 avons pu avoir le nom de ce village, et il nous a été dit que quelque chose

2 s'était produit hier. Lorsque je me rends quelque part, en fait, j'essaye

3 de trouver des faits de base, je veux savoir qui est impliqué, qu'est ce

4 qui s'est passé, à quel moment, et où ? Des questions donc très simples.

5 Concernant le moment, les personnes ont dit hier. C'est toujours très

6 difficile en Bosnie, car parfois le mot hier pour certains villageois,

7 certaines communautés, veut dire la semaine dernière ou même il y a 10 ans.

8 Il faut faire très, très attention quant aux hypothèses qu'on peut faire

9 quand on entend de telles choses. Mais j'ai regardé ces corps à nouveau et

10 il me semblait, quant à moi, qu'il s'agissait simplement d'un intervalle de

11 24 heures depuis qu'ils étaient morts. Le sang ne s'était pas retiré dans

12 leur corps, d'après ce que je pouvais constater, 24 heures, peut-être, tout

13 au plus, 36 heures.

14 Hier, quelque chose s'était effectivement produit, et les Croates disaient

15 que c'étaient les Musulmans qui étaient rentrés dans le village et que

16 c'étaient eux qui avaient commis ces actes.

17 Q. Combien de temps avez-vous passé dans ces locaux à Prozor?

18 R. Vingt minutes, une demi-heure au maximum. Il n'y avait pas d'intérêt à

19 y rester davantage. En ce qui me concernait, et le capitaine de l'armée

20 pensait comme moi, qu'il fallait se rendre aussi vite que possible dans ce

21 village pour voir s'il se passait encore quelque chose ou ce qui s'était

22 passé.

23 Q. Vous vous êtes rendus en automobile au village d'Uzdol ?

24 R. Oui. Nous nous sommes rendus à Uzdol. Je conduisais un véhicule blindé.

25 Nous étions un certain nombre de véhicules de l'armée. Il n'y pas eu

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1 d'incidents. Il y a eu une discussion quant à comment s'y rendre. Prozor ne

2 se trouve qu'à 15 kilomètres, 10 milles, d'Uzdol, mais c'est une route très

3 difficile qui tourne beaucoup; il y a toute une série de hameaux haut

4 perchés. Nous avons traversé un ou deux de ces hameaux. Nous nous sommes

5 posés la question de savoir quel itinéraire prendre. Il n'y avait pas de

6 route directe. Il n'y a pas, cependant, eu d'incidents. Mais le village se

7 trouvait assez haut perché et donc il fallait grimper.

8 Q. Est-ce que vous avez vu quelque chose aux alentours d'Uzdol ?

9 R. Juste à proximité d'Uzdol, et nous le savions car nous avions des

10 cartes très détaillées, on utilisait des cartes de l'armée. J'étais celle

11 qui conduisait, et mon caméraman regardait cette carte. On pouvait

12 constater qu'on était tout proche du village et que tout en haut de la

13 crête il y avait un édifice blanc qui était sans doute l'école. On nous

14 avons dit que c'était un point de rendez-vous; c'était l'armée qui nous l'a

15 indiqué.

16 On était environ à un mille, un kilomètre et demi - en tout cas, on

17 voyait le village. On a vu, dans un champ vert - il s'agissait de la fin de

18 l'été - qu'il y avait quelque chose là dans ce champ à 50, 60 mètres de

19 nous. Nous nous sommes arrêtés. Le caméraman a utilisé sa caméra pour

20 regarder de quoi il s'agissait. Il a dit : "C'est un cadavre." J'ai regardé

21 également, Oui, c'était un cadavre.

22 Nous ne nous sommes pas rapprochés parce qu'il pouvait y avoir un

23 piège. On ne savait pas exactement de quoi il s'agissait. On ne savait pas

24 à quoi s'attendre, donc il faut faire très attention.

25 Ensuite, on a vu ce qu'on a pensé être un autre cadavre dans un

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1 autre champ un peu plus loin. Nous avons pris des images des deux cadavres.

2 Ensuite, nous sommes rentrés dans le véhicule et rendus au village.

3 Q. A quel moment êtes-vous arrivés au village d'Uzdol ?

4 R. A environ 11 heures du matin; je ne peux pas être précise. Je ne

5 regardais pas l'heure, mais c'était à peu près le moment le plus chaud de

6 la journée; je me souviens de cela. C'était une journée de septembre

7 chaude, et il y avait un soleil très éclatant. Je dirais qu'il était aux

8 alentours de 11 heures, midi.

9 Q. Qu'avez-vous fait une fois que vous êtes arrivée au village ?

10 R. J'ai un système selon lequel, à moins que cela ne soit tout à fait

11 nécessaire pour des raisons de sécurité, ce que je veux dire c'est que nous

12 étions physiquement menacés, on risquait d'être pris pour cible, et c'était

13 une menace toujours présente. Je n'accompagne pas automatiquement les

14 soldats. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose; je suis une

15 journaliste et donc indépendante.

16 Eux, ils se sont rendus dans certaines maisons, et ils nous ont mis

17 en garde contre les pièges. Mais c'était quelque chose d'assez rare. Cela

18 pouvait arriver, mais c'était rare, et nous, nous avions l'impression que

19 ce ne serait pas le cas ici.

20 Nous nous sommes rendus aux premières maisons que nous voyions. La

21 plupart des portes étaient ouvertes et donc nous avons décidé de rentrer et

22 de regarder ce qu'il y avait dedans.

23 Q. Il y avait une procédure, un plan, ou une politique que vous suiviez

24 quand vous vous rendiez dans des maisons, dans des zones où il y a eu des

25 meurtres ?

Page 21

1 R. Je cherche des faits. J'essaie d'avoir les images qui me disent

2 exactement ce qui s'est passé. J'essaie de connaître les circonstances. Je

3 veux savoir quels sont les détails. Je ne cherche pas simplement des

4 cadavres.

5 J'ai passé pas mal de temps dans plusieurs pays bien avant ces

6 incidents et j'ai appris que les choses ne sont pas toujours ce qu'on peut

7 croire et que les cadavres peuvent être positionnés. Par exemple, dans la

8 guerre entre l'Iran et l'Irak, un des protagonistes prenait des camions et

9 jetait les cadavres par-dessus bord parfois, de façon à faire croire qu'il

10 y avait eu un combat. On peut se rendre dans d'autres endroits et on

11 découvre que des cadavres ont été tirés d'un endroit à l'autre. Donc,

12 automatiquement, on est un petit peu prudent, on fait attention.

13 J'essaie de voir s'il y eu un combat, une échauffourée. J'essaie de

14 savoir ce qui s'est passé. Evidemment, je fais des suppositions, parce

15 qu'ensuite je vais essayer de rechercher des témoins oculaires, des gens

16 qui sont encore en vie et qui étaient là au moment des faits.

17 Mais puisque dans ce village il n'y avait aucun villageois -- il n'y

18 avait pas d'animaux, il n'y avait pas de chiens qui aboyaient, il n'y avait

19 pas de poules. En fait, ce village donnait l'impression d'être vide. Il n'y

20 avait pas d'enfants qui venaient nous voir. Il y avait absolument rien.

21 Avant de nous rendre dans les maisons, je me souviens qu'il y avait

22 un groupe de maisons, un hameau avec des maisons jonchées ici et là. Nous

23 avons vu déjà, devant une maison, un cadavre sur les marches de cette

24 maison, et nous l'avons filmé.

25 Puis, nous nous sommes rendus dans une autre maison. Je ne me

Page 22

1 souviens pas exactement de la séquence malheureusement. Mais en tout cas,

2 nous nous sommes rendus dans une maison, et ensuite l'autre, et ainsi de

3 suite. Dans chaque maison, nous avons découvert des personnes mortes,

4 parfois une, parfois deux; parfois dans le salon qui était devant. Il

5 s'agissait de maisons toutes petites, donc des cadavres sur des canapés,

6 par terre. Dans une maison, il y avait un cadavre dans un lit et le linge

7 de lit était ensanglanté.

8 Je me suis rendue dans une autre maison et il y avait un cadavre dans

9 un angle. Le sang s'était éparpillé sur les murs, sur un mur blanc. Toutes

10 ces personnes étaient âgées, toutes.

11 Il y avait un couple dans une grange. C'est l'armée qui les a

12 trouvés. Ils m'ont appelée. Il y avait un homme et une femme. Il y avait un

13 homme qui était par-dessus la femme, qui la prenait dans ses bras comme

14 s'il voulait la protéger. Les deux étaient blessés par balle.

15 Chaque cadavre que j'ai vu était blessé par balle.

16 Q. Combien de maisons avez-vous inspectées ?

17 R. Seize, 17.

18 Q. Pouvez-vous décrire l'intérieur de ces maisons.

19 R. [aucune interprétation]

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne voudrais pas que le témoin décrive en

21 général ces maisons. Cela n'existe pas. Il n'y a pas de maisons générales.

22 Il faudrait demander au témoin d'expliquer cas par cas.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait regarder des

24 questions générales et on pourrait parler d'une maison spécifique.

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, bien sûr, il y a des

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1 mortes qui sont mentionnées dans l'acte d'accusation dont nous pourrions

2 parler, et de toute façon, je me propose de le faire. Mais si vous pensez

3 que cette façon de procéder serait utile, allez-y.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] On va voir les impressions générales.

5 M. WEINER : [interprétation]

6 Q. Les maisons dans lesquelles vous vous êtes rendue, pouvez-vous nous les

7 décrire en général ?

8 R. J'ai vu des centaines de maisons bosniaques, croates, musulmanes,

9 serbes et je pense qu'il y a un certain nombre de choses communes. Ces

10 maisons ont tendance à être très bien rangées. Quasiment dans chaque

11 maison, il y a une petite armoire où il y a des petits ornements en

12 porcelaine; c'est quelque chose qu'on voit dans beaucoup, beaucoup de

13 familles, avec ces petits ornements, leurs meilleures tasses à café. Cela

14 serait quelque chose de tout à fait partagé dans l'ensemble de la Bosnie;

15 le fait d'offrir du café aux visiteurs, qui est une tradition très

16 importante. Puis, dans une maison croate, par exemple, on trouverait

17 facilement des icônes religieuses, dans le sens d'une petite image de la

18 Vierge Marie ou un crucifix ou des petites images. C'est quelque chose

19 qu'on trouverait facilement dans une maison croate. Dans une maison

20 musulmane, il y aurait une imagerie aussi d'une certaine façon, des images

21 de certains endroits. Dans les maisons Serbes, des images, des petits

22 ornements, concernant les saints serbes. C'est quelque chose que

23 j'appellerais un petit peu démodé. Il y aurait toujours aussi des

24 chaussures devant la porte d'entrée. Les gens enlèvent leurs chaussures

25 d'extérieur pour rentrer dans la maison. Aussi des salons, des salons tout

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1 à fait comparables à ceux qu'on trouve en occident, avec des canapés, avec

2 des meubles en bois sculpté. Je le dis parce que, parfois, il y avait des

3 éclats de bois qu'on pouvait trouver, pendant les attaques, provenant de

4 ces meubles très lourds, des armoires, des sofas, des lits. J'étais dans

5 une de ces chambres à Sarajevo, par exemple, et on trouve beaucoup de ces

6 éclats.

7 Il y a certaines choses que je trouve communes à toutes ces maisons.

8 Q. Quelle était la condition de ces maisons ?

9 R. Tout à fait normal. Pas de signe de combat, d'échauffourée. C'est la

10 première chose que j'ai vue. Rien n'était cassé, rien n'avait été dérangé,

11 rien n'avait été endommagé. Autre chose, pourquoi j'ai parlé des petits

12 ornements en porcelaine et les petits trésors personnels ? Bien, il y avait

13 quelque chose qui était tout à fait constant pendant les quatre années.

14 C'est que parfois, pendant le nettoyage ethnique, comme on l'a appelé, tous

15 les ornements personnels avaient été jetés, absolument abîmés. C'est

16 quelque chose qu'on voit très, très souvent, pas simplement dans les

17 Balkans, mais partout où les gens essaient de détruire les conditions de

18 vie d'autrui.

19 Rien n'était cassé ici, absolument rien. Il n'y avait pas eu de combats,

20 d'échauffourées, de résistance. Même pas les meubles n'étaient retournés;

21 rien du tout. Ce qui faisait que c'était extrêmement bizarre pour moi. Je

22 pensais, à ce moment-là, pouvoir émettre un certain nombre d'hypothèses

23 concernant comment sont advenues ces décès.

24 Q. Est-ce que vous avez vu des éléments indiquant qu'il y a eu des tirs de

25 balles ?

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1 R. Oui, il y avait deux cas. Une des personnes dans un lit, et un autre

2 contre le mur, où il y avait eu des tirs à bout portant apparemment. Le

3 point d'entrée de la balle était assez petit, et la sortie, je peux vous le

4 dire, en ce qui concerne le cadavre contre le mur, que le point de sortie

5 avait produit un énorme projeté de tissu, des éléments corporels et du sang

6 sur le mur pendant 30 centimètres, 40 centimètres.

7 Quelque chose de tout à fait classique.

8 Q. Est-ce que vous avez vu beaucoup de trous de balles de cette

9 façon dans les maisons ?

10 R. Quelques-uns, pas beaucoup. Beaucoup de personnes avaient été blessées

11 par balle, parfois avec deux balles. Je n'ai pas regardé dans le détail,

12 mais en tout cas, il s'agissait de blessures sur la cage thoracique, bien

13 qu'il y en a eu un avec une blessure grave au niveau du cou, avec sa tête

14 partiellement endommagée.

15 Q. Avez-vous vu des éclats de bois, du bois endommagé, comme vous avez

16 dit, en ce qui concerne Sarajevo ?

17 R. Non, absolument pas. Toutes les vitres étaient encore en place. Si vous

18 faites un tir de balles par mitrailleuse, et cetera, évidemment les vitres

19 vont se casser immédiatement. Toutes les vitres étaient encore là. La

20 porcelaine était intègre, et cetera, et cetera. Donc, manifestement, il n'y

21 avait pas eu d'échauffourées. Personne n'avait rien fait tomber. Rien ne

22 pouvait indiquer qu'il y avait eu des salves. On aurait dit qu'il y avait

23 des AK47. Je ne sais pas ce qui avait été utilisé, mais en tout cas, il n'y

24 a pas eu de salves. Il n'y avait pas eu d'armes automatiques. Il n'y avait

25 que des tirs simples où doubles.

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1 Q. En dehors de ces maisons, avez-vous vu des éléments indiquant qu'il y a

2 eu des tirs d'obus, cratères ?

3 R. Absolument pas. Pas de cratères sur les maisons, ni la routes, ni dans

4 les murs. S'il y avait eu des pièces d'artillerie ou des positions de

5 mortier, l'armée britannique aurait mis en place une surveillance et nous

6 aurait fait rapport de la présence de tels éléments.

7 Q. Avez-vous pris des vidéos de ces faits ?

8 R. Oui.

9 Q. Une fois que vous avez fini de filmer, qu'est-ce que vous avez fait ?

10 R. Nous nous sommes rendus dans un bâtiment plus grand, en haut de la

11 crête, un bâtiment blanc qu'on nous avait dit être l'école.

12 Q. Pouvez-vous nous décrire l'intérieur de ce bâtiment.

13 R. C'était vide. C'était un peu bizarre. Parce que, là aussi, il y avait

14 des tâches de sang sur les murs dans la halle principale. On aurait pu

15 croire que quelqu'un avait peut-être essayé de nettoyer cet endroit.

16 Je ne pouvais pas me faire une idée très précise de ce qui s'était

17 passé dans ce bâtiment. Il n'y avait pas de cadavres. Il n'y avait personne

18 dans le village qui était présent au moment des faits et qui était encore

19 en vie. Il n'y avait pas de témoins oculaires, pour autant que j'ai pu

20 découvrir. Nous avons demandé aux gens autour de nous, mais apparemment, on

21 n'a pas pu avoir un témoin oculaire, ce qui était, évidemment, un problème

22 pour un journaliste. Je n'aime pas beaucoup spéculer; j'aurais pu. Mais

23 tout ce que je pouvais vous dire, c'est qu'il y avait du sang sur les murs

24 dans ce bâtiment, qu'il y avait eu des tentatives de nettoyage, et des

25 éléments indiquant qu'il y avait eu des balles, des tirs de balles. Là

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1 aussi, le toit était intact, de même que les vitres. Simplement des tirs de

2 balles.

3 Q. Est-ce qu'il y avait des soldats croates présents ?

4 R. Il y avait des Croates portant une uniforme militaire. J'hésite

5 toujours à désigner qui ils étaient, parce qu'à l'époque, tout le monde

6 pouvait porter n'importe quel uniforme. Il y avait des Croates qui

7 portaient des uniformes. Ils étaient venus avec nous depuis Prozor.

8 Q. Avez-vous reçu des informations concernant ce qui s'était passé à

9 l'école ?

10 R. Oui, à la fois à Prozor et dans le village.

11 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire ?

12 R. Des remarques. Il y a eu des commentaires. Tout d'abord, que c'était la

13 faute aux Musulmans de Bosnie, qu'ils s'étaient rendus au village. Mais il

14 semblait y avoir une complication. Il était difficile de savoir exactement

15 ce qui s'était passé. L'impression que j'ai eue, c'est qu'il y a eu là un

16 acte de vengeance qui se produisait. Clairement, il y a avait eu une

17 action, quelque chose entre des hommes de combat, des hommes en mesure de

18 porter les armes, de se battre, des hommes jeunes avec des armes, pas des

19 villageois, mais des jeunes hommes avec des armes, qu'il y a eu quelque

20 chose, à un moment donné, les Musulmans étaient rentrés dans le village. Il

21 nous semblait quant à nous que les hommes, les combattants croates,

22 n'étaient plus présents, parce que comme je vous l'ai déjà dit, il

23 semblerait que les personnes âgées -- et il n'y a pas eu de morts en

24 action, il n'y a pas eu d'échange de tirs. Il semblerait qu'ils auraient

25 quitté le village, je ne peux pas vous dire pourquoi, c'est plutôt les

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1 hommes âgés, les hommes et les femmes âgées qui ont été tués par des hommes

2 avec des fusils, qui se sont rendus de maison en maison assez rapidement

3 sans pillage, sans faire de dommages, sans -- mais je ne peux pas vous dire

4 exactement, je ne peux pas vérifier ce qui s'est passé.

5 Q. Pendant votre visite à Uzdol, est-ce que vous avez filmé, est-ce que

6 le caméraman a pris des vidéos ?

7 R. Oui, beaucoup.

8 Q. Pendant combien de minutes à peu près la vidéo dure, qui a été prise

9 entre Prozor et Uzdol -- ou les deux vidéos ?

10 R. Oui, il y avait eu probablement deux cassettes, je dirais probablement

11 10 à 12 minutes pour chacune d'entre elles, y compris des entretiens assez

12 longs qui ont été édités pour l'émission -- et que les deux moniteurs, les

13 deux observateurs de l'Union Européenne, il y en avait deux. L'un d'entre

14 eux était Hollandais, je ne me souviens pas pour l'autre, peut-être Grec,

15 mais je n'en suis pas sûre.

16 L'observateur hollandais, Rudy Gerritsen, j'ai fait un entretien

17 avec lui, de même que l'un des hommes croates qui portait un uniforme, qui

18 disait qu'il connaissait l'identité de deux des victimes, qui étaient

19 parents de celui-ci. Ce n'est pas quelque chose d'inhabituel, puisque

20 toutes les milices étaient généralement de la zone Clairement, il

21 connaissait le village, il montrait aux gens ce qu'il en était. Il y a eu

22 également deux entretiens assez longs avec eux, plus une troisième partie

23 avec moi, ce qu'on appelle la pièce caméra qui explique aux auditeurs ce

24 qu'il en est, peut-être 12-15 minutes de vidéo.

25 Q. Le soldat croate qui connaissait l'identité de deux des victimes;

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1 s'agissait-il des deux personnes âgées qui ont été trouvées dans la grange,

2 et qui étaient dans les bras l'un de l'autre ?

3 R. Il les appelait Ratkic, il a donné le nom Ratkic.

4 Q. Est-ce que cette vidéo a été mise sur l'antenne, ainsi que les

5 entretiens ?

6 R. Nous sommes revenus à Vitez l'après-midi et j'ai pris une partie de la

7 vidéo pour la BBC, le journal de 18 heures, et qui a été mis sur antenne ce

8 soir là à Londres. Nous avions de l'équipement d'émission satellite à

9 vitesse, pour pouvoir transmettre jusqu'à Londres, et nous avons ensuite

10 fait une autre pièce plus tard dans la même soirée, mais ceci pouvait aller

11 à d'autres émissions partout dans le monde.

12 Q. Merci.

13 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander

14 votre permission pour pouvoir montrer le premier de ces deux vidéos.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

16 M. WEINER : [interprétation] Cela dure environ trois minutes.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

18 M. WEINER : [interprétation] Nous allons utiliser le système Sanction car

19 il s'agit d'une vidéo. Monsieur le Président, c'est la pièce VOOO2725, qui

20 porte le numéro 65 ter, numéro 140.

21 L'HUISSIER : Il s'agira de MFI373.

22 M. WEINER : [interprétation] Il y a le transcript qui porte le même

23 numéro.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, il porte le même numéro.

25 M. WEINER : [interprétation] Pouvez-vous demander au technicien de nous

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1 donner le son s'il vous plaît ?

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, bien sûr.

3 [Diffusion de cassette vidéo] [Difficulté technique]

4 M. WEINER : [interprétation] Nous essayons de résoudre un problème

5 technique. Ils vont envoyer quelqu'un de la division technique, Monsieur le

6 Président.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être aurions-nous dû prendre une

8 pause avant ? On pourrait prendre une pause maintenant ? Monsieur

9 Morrissey, vous êtes d'accord ?

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] D'ailleurs, vous aviez dit la semaine

12 dernière qu'on aurait une audience supplémentaire cet après-midi.

13 Nous allons prendre une pause de 30 minutes et nous reviendrons dans

14 20 minutes.

15 --- L'audience est suspendue à 10 heures 11.

16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 41.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner.

18 M. WEINER : [interprétation] Nous ressayons à nouveau. La vidéo VOOO2725.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "Le village d'Uzdol est en altitude dans les plaines de Bosnie centrale. Le

22 bâtiment de l'école a été utilisé par l'état-major militaire des Croates.

23 Hier, l'ABiH est passée par Uzdol, puis est partie du village en laissant

24 des traces terribles de sa visite. Nous avons parcouru les fermes

25 éparpillées avec des soldats britanniques et les observateurs européens, en

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1 essayant de comprendre ce qui s'était passé. Très vite, il est apparu que

2 chaque maison avait fait l'objet d'une visite par les soldats de l'ABiH

3 avec massacres systématiques, pénétrations dans chaque pièce. Il y avait

4 des balles sur les murs des chambres. Une vieille femme tuée dans son lit.

5 Les victimes étaient toutes âgées, et un enfant, incapable d'avoir pris la

6 fuite. Certains avaient essayé de se cacher. Un couple de 67 ans, Martin

7 Ratkic et sa femme Cara, s'était réfugié dans leur grange. Ils

8 s'étreignaient et ils avaient été tués par quelqu'un qui était debout au-

9 dessus d'eux.

10 "Le terme 'atrocité' a été utilisé beaucoup dans cette guerre. Il est

11 très difficile de savoir exactement ce qui s'est passé, du fait de la

12 propagande et des mythes. De toute évidence, il y a eu tuerie indiscriminée

13 de civils. Quant aux raisons, il est impossible à un observateur de les

14 deviner.

15 "Une réponse a été apportée par un soldat croate, qui est revenu dans

16 la maison de ses parents ce matin, pour trouver le corps de sa mère

17 incendiée dans les ruines.

18 "'C'est une guerre, c'est une guerre', a-t-il dit. 'Ils haïssent les

19 civils et nous haïssent.'

20 "Pour les Nations Unies dans ce cas, les soldats britanniques et les

21 observateurs européens, il n'y a rien à faire, sauf observer et faire un

22 rapport au comité européen.

23 "L'observateur européen, oui, c'était peut-être -- parce qu'il y a

24 des civils massacrés, et peut-être qu'à l'avenir, il y aura enquête à la

25 Cour de justice de La Haye ou quelque chose de ce genre.

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1 "Vingt-deux des victimes ont été acheminées vers une morgue de

2 fortune dans la ville proche de Prozor. Là encore, les Nations Unies et la

3 commission européenne ont observé sans faire de commentaire, très

4 conscientes de la manière dont les faits, dont ce type d'incidents dans les

5 guerres sont, soit déformés, soit niés et récupérés dans la propagande de

6 part et d'autre. Les Nations Unies sont considérées comme un bouc émissaire

7 et c'est pratique. La nature de la tuerie est telle que les récriminations

8 n'ont pas encore pris leur envol, et le deuil ne fait que commencer.

9 "Kate Adie, de BBC News, Uzdol. Pour ABC News, Kate Adie de la BBC à

10 Uzdol, en Bosnie centrale."

11 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

12 M. WEINER : [interprétation]

13 Q. Madame Adie, est-ce que vous reconnaissez ce film ?

14 R. Oui.

15 Q. Qu'est-ce que c'est ?

16 R. C'est l'histoire -- la version montée, tout d'abord, que nous avons

17 diffusée aux nouvelles et il y avait d'autres images que nous n'avons pas

18 retransmises pour des raisons de bon goût, des plans rapprochés, de

19 cadavres où des plans prolongés ne sont pas acceptés par la BBC. Mais nous

20 avons probablement montré, dans cette occasion, plus que d'habitude, du

21 fait de la nature de l'histoire. J'ai eu des conversations avec la BBC à

22 Londres en disant que si nous ne montrions pas l'état des cadavres, nous ne

23 pouvions pas rendre compte de l'impact de l'histoire.

24 Q. Merci.

25 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, il y une autre vidéo

Page 33

1 avec une introduction différente. L'essence de la vidéo est la même, mais

2 elle ne comprend pas la dernière minute, à la fin, qui n'a pas de son. Est-

3 ce que la Cour aimerait la voir ?

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, si vous le souhaitez. C'est votre

5 dossier.

6 M. WEINER : [interprétation] D'accord. C'est la vidéo

7 V000-2632.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera MFI374.

9 M. WEINER : [interprétation] Merci. C'est 65 ter, 154.

10 [Diffusion de cassette vidéo]

11 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

12 "Les négociations pour la paix ont fondé les forces musulmanes qui ont

13 continué à assurer leur position défensive en Bosnie centrale et ont pris

14 le territoire par la force. Le massacre a eu lieu à Uzdol, à 60 kilomètres

15 à l'ouest de Sarajevo, après le départ des soldats croates. Le village a

16 été pris par l'armée musulmane de Bosnie. Vous allez peut-être constater

17 que certaines images dans ce rapport sont perturbantes.

18 "Le village d'Uzdol se trouve en altitude dans les collines de Bosnie

19 centrale. Le bâtiment de l'école a été utilisé par l'état-major de l'armée

20 croate. Hier, l'ABiH est arrivée à Uzdol, puis, s'est retirée en laissant

21 des traces terribles de sa visite.

22 "Nous avons parcouru les fermes et les maisons avec des soldats

23 britanniques et des observateurs européens en essayant de comprendre ce qui

24 s'était passé. Très vite, il est apparu que chaque maison avait fait

25 l'objet d'une visite par les soldats de l'ABiH avec massacres

Page 34

1 systématiques, pénétrations dans chaque pièce. Il y avait des balles dans

2 les murs des chambres. Une vieille femme avait été tuée dans son lit. Les

3 victimes étaient toutes des personnes âgées, à l'exception d'un enfant qui

4 n'avait pas pu prendre la fuite. Un couple s'était réfugié dans sa grange,

5 les Ratkic. Ils s'étreignaient.

6 "Le terme 'atrocité' était utilisé énormément dans cette guerre. Il

7 est habituellement très difficile de savoir exactement de ce qui s'est

8 passé du fait de la propagande et des mythes. Dans ce cas, il semblait y

9 avoir tueries indiscriminées de civils. Quant à la raison, il était

10 impossible à un observateur de la deviner. Une réponse a été apportée par

11 un soldat croate qui est revenu dans la maison de ses parents pour

12 retrouver le corps de sa mère brûlée dans les ruines.

13 "'C'est une guerre. C'est une guerre,' a-t-il dit. 'Ils haïssent les

14 civils. Ils nous haïssent.'

15 "Pour les Nations Unies, dans ce cas, les soldats britanniques et les

16 observateurs européens, il n'y a rien à faire, sauf observer et faire un

17 rapport au comité européen.

18 "L'observateur européen, peut-être -- c'était peut-être parce qu'il y

19 a des civils massacrés. Peut-être, à l'avenir, y aura-il une enquête à la

20 Cour de justice de La Haye ou quelque chose de ce genre.

21 "Vingt-deux des victimes avaient déjà été transférées à la morgue de

22 fortune dans la ville de Prozor toute proche. Là encore, la commission

23 européenne et les Nations Unies ont observé sans faire de commentaire et du

24 fait de la conscience qu'on a que de tels incidents dans la guerre sont,

25 soit déformés, soit niés ou sont récupérés par la propagande."

Page 35

1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 M. WEINER : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce clip vidéo ?

4 R. Oui.

5 Q. Pour vous, c'est quoi ?

6 R. C'est la version des informations de 9 heures. En gros, c'est la même.

7 Q. Merci.

8 M. WEINER : [interprétation] Nous aimerions présenter comme pièce à

9 conviction ces deux vidéos.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Des objections ?

11 M. MORRISSEY : [interprétation] Non, aucune.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Les pièces sont admises.

13 M. WEINER : [interprétation]

14 Q. Enfin, Madame Adie --

15 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, votre Honneur, est-ce qu'on

16 pourrait avoir les numéros ?

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] La première vidéo ERN

19 ETV000-2725, la pièce à conviction P373 et le deuxième ERN

20 ETV000-2632, la pièce à conviction P374.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Vous pouvez poursuivre, Monsieur

22 Weiner.

23 M. WEINER : [interprétation]

24 Q. Madame Adie, Est-ce que quelqu'un du gouvernement de Bosnie ou des

25 contacts militaires vous a contacté sur vos observations à Uzdol ?

Page 36

1 R. Oui, cela s'est produit dans les quatre années de guerre.

2 Q. Est-ce que quelqu'un vous a demandé une copie de la vidéo ?

3 R. Même réponse. Il n'y a aucune organisation qui était suffisamment

4 compétente pour fonctionner au cours des quatre années de guerre en Bosnie,

5 pour même avoir conscience du fait qu'il y avait des transmissions vidéo.

6 Il n'y avait pas de télévision en Bosnie. La plupart des gens n'avaient

7 même pas d'électricité, la plupart du temps. L'idée que les gens pourraient

8 suivre ce qui se passait était même inconnue de quelque côté que ce soit.

9 Bien entendu, parfois, pourtant, je disais que les gens prétendaient être

10 informés. Ils disaient : "Oui, on a vu cela à la BBC, à CNN." Mais nous

11 savions qu'ils n'avaient ni l'électricité, ni la télévision. A notre avis,

12 il n'y avait même pas de gouvernement qui fonctionnait.

13 Q. Merci.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Monsieur Morrissey, pour le

15 contre-interrogatoire.

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci beaucoup.

17 Contre-interrogatoire par M. Morrissey :

18 Q. [interprétation] Merci, Madame Adie. J'ai quelques questions, tout

19 d'abord, sur la nature de l'information que vous avez récupérée à Uzdol.

20 Est-ce que cette information est venue directement de source croate ou est-

21 ce qu'elle vous est parvenue par des sources militaires ?

22 R. Par des sources militaires, par les opérations militaires britanniques.

23 Q. Je comprends que c'est sans doute une information par ouï-dire avec

24 trois filtres différents, mais je vais quand même vous la poser. Qu'ont dit

25 les sources britanniques qui vous ont contacté pour vous dire d'où venait

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1 l'information, à l'origine ?

2 R. Elles n'étaient pas précises. Ils ont dit que cela venait de Prozor; je

3 suppose que c'est une source croate.

4 Q. Oui. Vous avez utilisé le terme "milice," précédemment. Est-ce que vous

5 connaissez une organisation particulière intitulée HVO ?

6 R. Oui. Il y a plusieurs unités qui ont fonctionné au cours des quatre

7 années en Bosnie et qui s'intitulaient d'une manière ou d'une autre.

8 Certaines étaient directement connectées à l'état-major, certaines

9 fonctionnaient comme des seigneurs de la guerre, d'autres comme des

10 milices. "Milice" est un terme commun qui est utilisé à la BBC, comme nous

11 ne savons pas exactement de quel groupe militaire il s'agit. Il y en avait

12 beaucoup, beaucoup d'opérations militaires ad hoc, des unités militaires

13 qui fonctionnaient de tous les côtés. HVO, bien sûr, je connais, mais avant

14 de pouvoir vérifier, j'utiliserais le terme "milice," de manière générale.

15 Q. Très bien. A l'époque, lorsque vous êtes allée à Prozor, est-ce que

16 vous avez fait une enquête pour voir s'il s'agissait du HVO ?

17 R. Auprès de qui aurais-je pu faire cette enquête ?

18 Q. Est-ce que vous avez fait cette enquête ?

19 R. A qui j'aurais pu poser la question ?

20 Q. Je demande simplement si vous aviez fait cette enquête.

21 R. Il n'y avait personne à qui poser la question. On a supposé qu'il y

22 avait des sources d'informations officielles qui fonctionnaient.

23 Q. Je ne vous critique pas pour ne pas poser la question. Je voulais

24 simplement savoir si vous aviez posé la question ?

25 R. Vous ne pouvez pas poser la question, lorsqu'il y a un vide.

Page 38

1 Q. Après l'époque où vous êtes allée à Prozor, lorsque vous êtes arrivée à

2 Prozor, est-ce que vous avez inspecté les cadavres tels qu'ils sont montrés

3 dans la vidéo ?

4 R. Ils sont sur le sol. Je ne les ai pas inspectés pour le film parce que

5 je ne pensais pas que nos téléspectateurs voudraient que les reporters le

6 fassent. Je l'ai fait, lorsque ce n'était pas filmé et j'ai retiré les

7 couvertures pour pouvoir regarder les cadavres et il n'y avait pas

8 d'objection; je l'ai fait, de toute façon, de manière très discrète.

9 Q. Qui était-là, qui était présent lorsque vous avez fait cela ?

10 R. Excusez-moi ?

11 Q. Qui était présent lorsque vous avez fait cela ?

12 R. Il y avait un nombre de civils, certaines personnes âgées. On ne savait

13 pas très bien si ces gens -- on pouvait supposer que c'étaient des gens de

14 Prozor, mais personne ne pouvait revendiquer leur appartenance au village.

15 Il y avait un médecin, je crois et de toute évidence, quelques travailleurs

16 locaux, un homme avec du désinfectant, pas beaucoup de gens autour, mais ce

17 n'était pas un village particulièrement animé; à moitié désert.

18 Q. Très bien. Juste pour définir les gens qui étaient présents, est-ce que

19 vous pourriez -- vous nous avez indiqué qu'il y avait quelques civils âgés

20 et je voulais vous demander qui étaient ces civils âgés présents, lorsque

21 vous avez fait l'inspection des cadavres que vous avez décrits.

22 R. Les gens allaient et venaient. Personne n'est intervenu, lorsque j'ai

23 fait cela; personne n'a remarqué ce que je faisais. Je suis arrivé avec les

24 militaires britanniques. Ils imposaient le respect dans la région et

25 personne ne s'attendait à ce qu'ils fassent quelque chose d'incorrect.

Page 39

1 J'étais avec eux, les journalistes faisaient fréquemment ce genre de choses

2 et quand je l'ai dit, cela n'avait pas l'air d'offenser une faction ou une

3 autre en Bosnie. Fréquemment, par exemple, j'étais dans des unités de soins

4 intensifs ou dans des morgues de fortune dans le pays tout entier et très

5 souvent, ces cadavres nous ont été montrés par les gens, l'hyper-

6 sensibilité qui existe dans certaines cultures n'existait pas en Bosnie.

7 Q. Non, non. Pour la présence de, je pense que vous avez dit qu'il y avait

8 des jeunes gens en uniforme croate. Est-ce que vous avez enquêté pour voir

9 à quelle unité ils appartenaient ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que quelqu'un des forces britanniques avec lesquelles vous étiez

12 vous a indiqué de quelles unités ils provenaient ?

13 R. Ils ont fait leur propre rapport comme l'ont fait les observateurs

14 européens. J'ai supposé que ces rapports sont présents dans cette cour. Il

15 y a des rapports officiels qui ont été faits par les observateurs.

16 Q. Oui. Je vais vous donner l'occasion de regarder ces rapports par la

17 suite, mais j'ai une question qui concerne ce que vous avez observé et la

18 question que j'ai à vous poser est : est-ce que quelqu'un vous a dit s'il y

19 avait une source britannique ou une source des nations unies qui vous

20 accompagnait et qui vous a permis d'avoir ces renseignements ?

21 R. La réponse était qu'il y avait le HVO opérationnel dans la région à

22 Gornji Vakuf et d'autres régions de la région. J'étais allé à Prozor, dans

23 les mois précédents, sans incident majeur et Prozor était relativement

24 calme et je ne savais pas, je ne connaissais pas bien la région, ni les

25 unités.

Page 40

1 Q. Bien sûr. Je vous repose la question : est-ce que vous avez demandé

2 quelles unités opéraient dans la région ?

3 R. Non.

4 Q. Pourquoi pas ?

5 R. Pourquoi aurais-je dû le faire ?

6 Q. Bien --

7 R. Quelles autres unités auraient pu fonctionner du côté croate. Je vous

8 demande qui d'autre aurait pu être là. Il y avait, au moins, trois autres

9 unités croates dont je savais qu'elles opéraient en Bosnie, mais à une

10 distance lointaine, quelques-unes autours de la frontière bosniaque,

11 d'autres dans la région de Tomislavgrad au nord de Travnik. Il y avait

12 différents groupes, à différents moments. Le HVO était un terme générique

13 utilisé pour les forces croates.

14 Q. Est-ce que vous avez entendu parler d'une institution qu'on appelait le

15 "Home Guard ?"

16 R. C'est le terme anglais pour quelque chose ? Vous pouvez préciser.

17 Q. C'est le terme anglais pour une unité HVO dont on a pu entendre parler

18 ici.

19 R. En serbo-croate, ce serait ?

20 Q. Domobrani ?

21 R. Pas un terme spécifique qui a été utilisé par les journalistes ou par

22 les militaires britanniques, autant que je sache.

23 Q. D'accord.

24 R. Je dois dire que dans les circonstances, il y avait un tel chaos qui

25 régnait que nous avons dû -- il y avait aussi une nature en quelque sorte

Page 41

1 ad hoc pour ces unités, des noms spécifiques leur étaient assignés. Ils

2 s'appelaient "les Tigres de combats," "les Lions de Bosnie," et cetera. Il

3 y avait toutes sortes de noms que les unités se donnaient à elles-mêmes. On

4 essayait d'être très très vigilants avant de nommer les unités.

5 Q. Très bien. Maintenant pour le nombre réel de personnes décédées que

6 vous avez inspectées, est-ce que vous avez remarqué si ces personnes à

7 Prozor étaient habillées ou pas habillées ?

8 R. Elles portaient des vêtements.

9 Q. Est-ce que vous avez retiré ces vêtements ?

10 R. Il n'y avait aucun besoin de le faire.

11 Q. Vous devez traiter mes questions comme elles viennent, je suis désolé.

12 Est-ce que vous avez retiré les habits de ces personnes ?

13 R. Je n'avais aucune raison de le faire.

14 Q. D'accord. La réponse est que vous ne l'avez pas fait; c'est exact ?

15 R. Absolument.

16 Q. D'accord.

17 R. Si vous essayez de retirer les vêtements d'un cadavre, c'est

18 extrêmement difficile, je tiens à le rajouter.

19 Q. D'accord. Est-ce que vous pensez que, normalement, les pathologistes

20 enlèvent les habits des cadavres, avant de faire leur autopsie ?

21 R. Parce que de toute évidence, ils vont le faire pour une inspection

22 interne.

23 Q. D'accord. A votre connaissance, comment évaluez-vous s'il y avait

24 lividité post mortem chez les cadavres ?

25 R. Il y a des niveaux très professionnels d'autopsie ou d'inspection de

Page 42

1 cadavres, si vous êtes un pathologiste. Je ne le suis pas et je dirais que

2 j'ai constaté la présence de blessures par balle, de fragments de balles,

3 d'éclat de balles, de grenades et de blessures, en général.

4 Q. Bien sûr. Mais simplement pour traiter de la question de la lividité

5 post mortem, est-ce que vous l'avez constaté ?

6 R. Je l'ai vu dans la région d'Uzdol et j'ai regardé précisément un

7 cadavre.

8 Q. Mais pouvons-nous traiter de la question de Prozor ?

9 R. Non, pas à Prozor. Il y avait simplement des blessures par balles

10 à Prozor et je peux parler simplement de blessures par balle.

11 Q. Pour revenir à cette question de la lividité post mortem par rapport

12 aux gens de Prozor, est-ce que -- vous avez dit que vous n'aviez pas

13 regardé les cadavres.

14 R. J'ai regardé, par exemple, leurs visages et constaté leur rigidité. Je

15 me demandais si c'était ce qui s'était passé à ce moment. Est-ce qu'on peut

16 contester le fait que c'était au cours des 24, 36 heures qui s'étaient

17 écoulées que la mort s'était produite. Cela serait peut-être une

18 conjoncture que je pourrais faire en tant qu'amateur.

19 Q. En termes de définition du nombre de personnes que vous avez regardées,

20 vous avez indiqué 22 personnes dont un enfant, et les autres dont vous avez

21 dit qu'ils étaient relativement, --

22 R. Oui, j'utilise un terme culturel. Agé, c'est un terme relatif dans

23 différentes cultures.

24 Q. En tout état de cause, je ne pense pas qu'il y ait question sur leur

25 âge. Mais je voulais être tout à fait clair sur qui étaient ces 22 civils;

Page 43

1 d'accord ? C'était tous des civils; c'est exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous dites qu'ils étaient civils parce qu'ils portaient des vêtements

4 civils; c'est exact ?

5 R. Ils étaient également plus âgés que tout autre groupe en Bosnie, à mon

6 expérience, que tout groupe qui aurait pu faire partie d'une unité

7 militaire.

8 Q. Est-ce qu'on vous a indiqué si les personnes âgées avaient des armes

9 dans leurs foyers ?

10 R. Personne ne pouvait donner des indications dans ce sens dans le

11 village, et je supposerais qu'en Bosnie, dans tous les foyers, des armes

12 étaient conservées. Les personnes âgées, même si elles n'étaient pas

13 susceptibles de les avoir pour le combat, pouvaient en avoir pour leurs

14 fils ou de part leurs fils, et il y avait une arme dans chaque foyer.

15 Q. Est-ce qu'on vous a déjà dit si ces individus possédaient des armes à

16 ce moment en septembre ?

17 R. Personne ne pouvait donner cette réponse. Il y avait peut-être des

18 AK47s, des fusils d'assaut.

19 Q. Par rapport aux gens d'Uzdol, comment le saviez-vous ?

20 R. En fait, je fais une référence croisée avec plusieurs centaines

21 d'autres villages que j'ai visités au cours des quatre années de conflit.

22 Q. Est-ce que vous aviez déjà été à Uzdol avant cette occasion ?

23 R. Non.

24 Q. Prozor ?

25 R. Oui.

Page 44

1 Q. Combien de temps à Prozor ?

2 R. Je ne sais plus parce que c'était sur l'axe principal nord-sud, et j'ai

3 sûrement traversé Prozor plein de fois.

4 Q. Vous avez vu également un certain nombre de soldats tués ou de soldats

5 morts à proximité de l'endroit où vous avez vu ces personnes âgées mortes ?

6 R. Je n'ai pas fait de référence à cela. Je ne sais pas d'où vient cette

7 idée.

8 Q. Bien --

9 R. Pas à ma connaissance.

10 Q. Je vous demande simplement si vous avez, en fait, vu cela.

11 R. Non.

12 Q. Aucun ?

13 R. Non, non, non. Nous n'avons pas vu.

14 L'INTERPRÈTE : Est-ce que les orateurs pourraient, s'il vous plaît,

15 ralentir.

16 M. MORRISSEY : [interprétation] J'avais oublié cette question de

17 l'interprétation.

18 Q. Mes excuses. Madame Adie, nous devons ralentir. Très bien.

19 Vous venez de faire référence dans votre déclaration au fait que les

20 enquêteurs -- je devrais vous poser la question suivante : est-ce que vous

21 avez eu l'occasion d'examiner votre déclaration avant de venir témoigner

22 ici ?

23 R. Ma déclaration a été validée à Londres sous serment, et je l'ai vue

24 plusieurs fois.

25 Q. Bon. Je n'essaie pas du tout de vous coincer, mais vous avez fait une

Page 45

1 référence au fait que vous disiez que : "Vous pensiez avoir vu certains

2 soldats croates de Bosnie à la morgue." Vous parliez de soldats vivants

3 lorsque vous avez fait ce commentaire ?

4 R. Oui.

5 Q. D'accord.

6 R. Vous pouvez les voir sur la vidéo.

7 Q. Oui, c'est exact, et c'est pour cela que je vous pose la question. Très

8 bien. Donc, la réponse est qu'à Prozor, vous n'avez vu aucun soldat mort du

9 côté bosniaque ou croate ?

10 R. Nous n'avons vu que des civils.

11 Q. Lorsque vous êtes allée à Uzdol - j'anticipe - c'était la même chose.

12 Vous n'avez pas vu de soldats morts, vous n'avez pas vu de soldats

13 bosniaques ou croates; c'est exact ?

14 R. C'est exact.

15 Q. D'accord. Est-ce qu'on vous a dit que des soldats avaient été tués ?

16 R. Nous avions confiance que quelque chose s'était sans doute produit

17 avant l'attaque sur les personnes âgées. C'est-à-dire, ce que j'ai indiqué

18 dans la vidéo, on ne savait pas exactement ce qui s'était passé. Il

19 semblait que l'école avait été utilisée comme état-major des Croates, mais

20 bon, ce n'est que pure spéculation. Il semblait que des soldats bosniaques

21 étaient entrés dans le village, qu'il y avait eu un type ou un autre de

22 lutte, mais c'était quelque chose qui se produisait souvent.

23 Je ne sais pas exactement, mais quelque chose s'était produit en tout

24 cas pour que les Bosniaques puissent entrer dans le village.

25 Q. Madame Adie, je ne vais pas vous demander de spéculer. Nous avons

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1 entendu des éléments de preuve sur tout cela. Mais ce que je dois vous

2 demander c'est, vous dites avoir vu 22 civils apparemment. Combien en avez-

3 vous vu à Uzdol ?

4 R. Je pense 12 ou 13. Je dis "je pense" parce que, finalement, je n'ai pas

5 pu compter précisément. Les cadavres étaient éparpillés dans plusieurs

6 bâtiments et des champs.

7 Q. En tout, votre calcul de civils tués était de 34 ou 35 ?

8 R. Peut-être. Je ne peux pas vous donner de chiffre précis.

9 Q. Il y a peut-être un doute sur le nombre que vous avez vu à Prozor ou à

10 Uzdol ?

11 R. Non, je ne sais pas précisément à Prozor.

12 Q. Combien de temps avez-vous passé à Uzdol ?

13 R. Une bonne heure, une bonne heure et demie, je pense. Je ne me souviens

14 plus; c'était peut-être plus.

15 Q. Bon, très bien. Est-ce que cela vous satisfait si nous pensons que vous

16 y étiez une heure et demie ?

17 R. Oui, mais ma mémoire est un peu floue sur cela. Je calcule sur la base

18 de la durée du film.

19 Q. D'accord. Il n'y a pas de difficultés là-dedans. J'ai encore quelques

20 questions pour revenir à Prozor. En fait, les gens que vous avez vu tués,

21 personne n'avait reçu une balle dans la tête; c'est exact ?

22 R. En tout cas, pour autant que je puisse voir. Ils portaient tous des

23 blessures à la poitrine.

24 Q. Vous avez remarqué que personne n'avait reçu plus de deux balles; c'est

25 exact ?

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1 R. Je n'ai pas constaté de cadavre qui portait plus de deux blessures par

2 balles, mais je n'ai pas inspecté tous les cadavres donc je ne peux pas

3 dire cela de manière claire et sûre.

4 Q. Combien de cadavres avez-vous inspectés ?

5 R. Six ou sept environ.

6 Q. En regardant la vidéo que vous avez vue, est-ce que vous avez pu

7 identifier par référence aux couvertures ou identifier ces cadavres que

8 vous aviez regardés ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce qu'on vous a donné le nom de ces corps que vous regardiez ?

11 R. Non.

12 Q. Est-ce que quelqu'un, parmi les Britanniques ou les gens qui étaient

13 avec vous, pouvait parler à la fois anglais et bosniaque, serbe ou croate ?

14 R. L'armée britannique avait un interprète.

15 Q. D'accord. Est-ce que cette personne pouvait vous aider à poser des

16 questions ?

17 R. Oui. C'était un soldat de l'armée britannique.

18 Q. En fait, cette personne vous a assistée pour poser des questions de

19 temps à autre ?

20 R. De temps à autre. Mais en fait, il y avait très peu de gens qu'on

21 pouvait vraiment interroger. Je ne suis pas en train de les critiquer, mais

22 en fait, sur les questions, c'est qu'il n'y avait que des témoins

23 oculaires, et forcément, c'étaient des témoins de seconde mains et je

24 devais être très vigilante pour la gestion des informations, notamment dans

25 ce type de situation. Je cherchais un témoin oculaire et je n'en ai pas

Page 48

1 trouvé.

2 Q. Quant aux personnes de la milice croate que vous avez décrites, est-ce

3 que vous aviez un interprète pour leur poser des questions pour savoir

4 s'ils avaient été témoins oculaires ?

5 R. Ils semblaient ne pas avoir été témoins oculaires.

6 Q. Je comprends cela, mais la question est, est-ce que vous avez eu un

7 interprète pour poser des questions précises ?

8 R. Non, ce n'était pas aussi précis que cela. Il y a des circonstances

9 formelles. Parce qu'en fait, on se déplaçait dans une pièce avec des

10 cadavres, il y avait des gens en état de panique et en grand état de

11 détresse. Nous étions extrêmement vigilants. Parfois, quelqu'un nous

12 donnait ces informations, mais j'ai vraiment une conscience du fait qu'il

13 n'y avait pas de témoin oculaire qui soit venu nous voir.

14 Q. D'accord. Mes questions, ne les comprenez pas comme étant une critique,

15 mais je dois poser cette question de manière précise pour le transcript. La

16 question est : est-ce que vous avez eu un interprète pour poser ces

17 questions aux jeunes soldats croates que vous constatiez ?

18 R. Je pense que j'étais consciente du fait que l'information m'était

19 parvenue par des gens qui n'avaient pas été témoins oculaires.

20 Q. D'accord. De manière générale, lorsque vous étiez sur le terrain, est-

21 ce que vous avez reçu de l'information de la part de plusieurs personnes,

22 les soldats qui se trouvaient à proximité, les caméramans, quelqu'un

23 d'autre qui aurait pu remarquer quelque chose ?

24 R. L'information, vous le prenez d'où elle vient. Mais vous devez

25 l'évaluer et vous devez, en même temps, avoir conscience qu'il y a toujours

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1 en Bosnie quelqu'un qui peut avoir, de près ou de loin, une expérience de

2 quelque chose de ce type et qui peut ne pas dire la vérité, notamment s'ils

3 n'ont pas été témoin oculaire. Les raisons sont évidentes et elles sont

4 nombreuses.

5 Q. D'accord. Maintenant, revenons à votre voyage de Prozor à Uzdol. Au

6 cours de ce voyage, vous avez indiqué que vous avez remarqué que quelqu'un

7 -- peut-être, je devrais vous demander si vous avez constaté la présence de

8 plusieurs cadavres dans la campagne avoisinante.

9 R. Deux.

10 Q. D'accord.

11 R. Nous avons vu deux cadavres.

12 Q. Est-ce que ces deux cadavres -- je vais vous poser simplement deux

13 questions : est-ce que ces deux cadavres étaient des personnes décrites

14 dans le film ?

15 R. Oui. L'un apparaît dans le deuxième plan, et --

16 L'INTERPRÈTE : Une petite pause s'il vous plait.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, effectivement. Je suis ralenti par les

18 interprètes, Monsieur le Président, et je vais essayer de ralentir.

19 Q. Excusez-moi, Madame Adie. Où en étais-je ? Très bien.

20 Quant à la période où ces deux cadavres ont été vus, ils étaient dans

21 une position où il semblait dangereux de se rapprocher d'eux ?

22 R. Oui. Il y avait beaucoup de rumeurs qui circulaient sur les terrains

23 minés et les dangers qu'il y avait à traverser. Les gens criaient : "Minar,

24 minar." Cela arrivait parfois que l'on soit coincé et qu'il y ait des

25 blessures. L'armée britannique, comme toute armée professionnelle, était

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1 extrêmement vigilante avant de s'approcher d'un cadavre qui était exposé,

2 parce que justement il y avait ces pièges dans des terrains minés.

3 Q. Alors juste pour ces deux cadavres, pour de très bonnes raisons, vous

4 n'avez pas inspecté les cadavres. Vous ne vous en êtes pas approchée ?

5 R. Non. Mais mon caméraman a fait un zoom avant et il pouvait dire que

6 c'étaient des civils qui étaient dans les champs.

7 Q. Ils étaient morts par balles ?

8 R. Ils étaient morts. Ils avaient été surpris et tués. Ils semblaient

9 avoir reçu des balles.

10 Q. D'accord. Vous dites civils. Est-ce que vous pensez que ces individus

11 qui étaient dans le champ appartenaient à une organisation ou une autre ?

12 R. Ils avaient l'air d'habitants locaux. L'homme portait des habits de

13 paysan.

14 Q. D'accord.

15 R. Je crois aussi une casquette.

16 Q. Vous étiez consciente du fait que les habitants locaux portaient des

17 costumes de paysan et des casquettes. Est-ce que vous saviez qu'ils

18 pouvaient être membres du "Home Guard" ou du HVO ou pas ?

19 R. Je ne reconnais pas cette expression "Home Guard," et vous suggérez une

20 organisation qui aurait pu difficilement exister étant donné le chaos qui

21 régnait en Bosnie et l'incurie administrative en Bosnie à l'époque. Vous

22 suggérez quelque chose qui se rapprochait d'une organisation. Nous n'avons

23 jamais rencontré d'organisation de ce type.

24 Q. D'accord. Je vais maintenant vous renvoyer à certains faits, à

25 certaines des observations que vous avez pu faire dans le village, et votre

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1 récit.

2 Est-ce que vous savez si, en juillet 1993, des civils du village

3 d'Uzdol avaient été invités par le HVO à quitter le village ?

4 R. Je ne sais pas.

5 Q. D'accord. Est-ce que vous savez si la plupart des enfants en âge

6 scolaire, en fait, avaient quitté le village, étaient partis à Prozor et à

7 d'autres villages avoisinants ?

8 R. Je ne sais pas.

9 Q. Est-ce que vous aviez conscience de fortifications autour des hameaux

10 constituant le village d'Uzdol ?

11 R. Est-ce que vous pouvez décrire ce que vous entendez par

12 fortifications ?

13 Q. Mais il y a des fortifications de plusieurs types. Je peux

14 effectivement éclaircir, mais en termes généraux, est-ce que vous avez vu

15 s'il y avait des tranchées par exemple ?

16 R. On ne nous a rien indiqué de ce type, ou d'organisations de ce type qui

17 existaient en Bosnie.

18 Q. Pour autant que vous puissiez en juger, il n'y avait pas de tranchées

19 ou d'emplacements d'où tirer dans la région d'Uzdol ?

20 R. Je n'en avais pas conscience. L'armée britannique pourrait vous le

21 dire, parce qu'elle connaissait tout cela, et s'il y en avait eu, l'armée

22 britannique en aurait eu connaissance. Nous avions des services spéciaux

23 d'information sur le terrain.

24 Q. Lorsque vous êtes allée à Uzdol, est-ce que vous avez remarqué les

25 restes d'un tank militaire à proximité du bâtiment scolaire ?

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1 R. Non.

2 Q. Est-ce que quelqu'un vous a dit s'il y avait un tank de l'armée qui

3 avait été détruit, malheureusement, la veille ?

4 R. Non. Personne n'a mentionné ce fait. Il était intéressant qu'un tank

5 soit monté dans ce village. C'est tout ce que je pourrais dire. Je ne

6 pouvais pas voir pourquoi ce tank était là, en termes tactiques.

7 Q. Oui, bien --

8 R. Excusez-moi. C'est pure spéculation. Mais ce n'était pas ce que je

9 cherchais.

10 Q. Mais c'est un peu difficile de louper un tank s'il est là, n'est-ce pas

11 ?

12 R. Non, non, vous vous trompez. C'est très facile de dissimuler un tank

13 dans la campagne derrière des ruines. Deux arbres et un peu de terre

14 suffisent à le faire.

15 Q. Oui, mais des réponses essentielles à ma question : est-ce que vous

16 avez vu un tank ou est-ce que quelque chose vous a montré la trace d'un

17 tank ?

18 R. Non.

19 Q. Quant aux ruines des bâtiments, est-ce que vous avez vu des ruines de

20 bâtiments ?

21 R. Oui. Deux ou trois bâtiments avaient été incendiés.

22 Q. Vous, vous avez vu des bâtiments qui brûlaient encore ?

23 R. Il y en avait un qui était toujours là et qui avait été détruit par une

24 unité ou une autre.

25 Q. [aucune interprétation]

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1 R. Qui brûlait. Mais il n'y avait pas de cratère de mortier ou de quelque

2 chose qui ressemblait à des armes ayant été utilisées à large échelle. Mais

3 il y avait des bâtiments en ruine dans tout le territoire de la Bosnie ou

4 la moitié du territoire bosniaque. Visiblement, cela n'avait été que des

5 petites armes à feu qui avait été employées.

6 Q. Les bâtiments, étaient-ils encore incendiés ou endommagés ? Est-ce que

7 vous les avez inspectés ?

8 R. Les structures étaient tombées et les murs s'étaient effondrés.

9 Q. En bref, il est impossible de tirer les conclusions sur le fait de

10 savoir si ces bâtiments avaient été touchés par des tirs d'artillerie.

11 R. Il n'y avait aucune preuve de tirs d'artillerie.

12 Q. Pour revenir à ces bâtiments brûlés, est-ce que l'incendie avait été

13 déclenché par quelque chose ?

14 R. J'ai vu plusieurs maisons incendiées au cours de la purification

15 ethnique, qui visiblement avaient été incendiées par essence et allumettes.

16 Q. Est-ce que vous avez remarqué la présence d'essence à cette occasion ?

17 R. Vous ne trouveriez pas de preuve, à moins que vous ne fassiez une

18 enquête, et ce serait difficile de faire une enquête. Q. Lorsque vous

19 dites que c'est difficile, est-ce que vous avez pu sentir la trace

20 d'essence ?

21 R. Non. On ne peut rien sentir. Tout scientifique d'autopsie ou de

22 médecine légale vous dira que c'est très difficile de sentir l'essence.

23 J'avais vu plusieurs bâtiments en feu au cours des trois années.

24 Q. Puis-je vous demander ceci -- excusez-moi.

25 R. Juste à l'époque, on pouvait incendier un bâtiment avec n'importe quel

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1 moyen. Peut-être je n'aurais pas dû parler d'essence. On pouvait utiliser

2 des rideaux, les matériaux à l'intérieur, ou de la paille venant de la

3 ferme. C'était très facile d'incendier des maisons qui étaient faites, pour

4 la plupart, de bois, avec des meubles en bois.

5 Q. Mais vous n'avez pas senti d'essence, n'est-ce pas ?

6 R. Peut-être je devrais retirer le terme essence, parce qu'effectivement,

7 à plusieurs reprises, j'avais constaté qu'il y avait d'autres moyens

8 d'incendier des bâtiments.

9 Q. Je vois. Est-ce qu'on vous a dit s'il y avait des soldats du HVO qui

10 vivaient dans les hameaux, qui s'étaient rendus à Uzdol la nuit de

11 l'attaque ?

12 R. Je n'ai eu vent d'aucune information de ce type, je pouvais simplement

13 faire un commentaire sur la base du fait que cela aurait pu être possible,

14 mais aucune information ne m'a été donnée.

15 Q. Je vois. Je ne veux pas vous fassiez de commentaire sur l'hypothèse.

16 Est-ce que vous avez posé la question par le truchement d'un interprète,

17 s'il y avait des soldats armés dans le village où les tueries ont eu lieu ?

18 R. Il n'y avait personne aux alentours qui pouvaient m'apporter une telle

19 réponse.

20 Q. Les Croates ?

21 R. Les Croates, c'étaient des gens de la campagne qui n'avaient pas

22 d'informations spécifiques, qui étaient de toute évidence des locaux et qui

23 n'avaient pas d'informations détaillées sur des opérations d'envergure.

24 C'étaient des gens locaux.

25 Q. Pourquoi leur avez-vous posé la question ?

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1 R. En tant que journalistes, nous n'avions qu'un temps limité, et ce n'est

2 pas le type de questions qui aurait abouti à une réponse honnête.

3 Q. Essayons de procéder étape par étape. Tout d'abord, vous ne leur avez

4 pas posé la question; c'est exact ?

5 R. Non.

6 Q. Désolé si ma question suffit. Est-ce que vous leur avez posé la

7 question ?

8 R. Non.

9 Q. La raison pour laquelle vous ne leur avez pas posé la question,

10 c'étaient des locaux et que vous ne pensiez pas obtenir une réponse

11 honnête ?

12 R. Je pose des questions aux gens dans certaines circonstances, lorsque je

13 pense que ce serait valable de les écouter, et de savoir si leurs réponses

14 sont honnêtes ou pas. J'ai supposé que les gens portant des uniformes

15 croates me donneraient une réponse qui permettrait de recadrer un petit

16 peu, ou d'avoir leur opinion sur ce qui s'était passé.

17 Q. Pourquoi avez-vous interrogé un soldat croate à la BBC, si c'était le

18 cas ?

19 R. Parce qu'il prétendait connaître la famille, et que c'était une

20 prétention dont je pensais qu'elle pourrait être avérée ou invalidée par la

21 suite. C'était le premier lien à une preuve par témoin oculaire.

22 Q. Est-ce que vous avez constatée si c'était vrai ou faux par la suite ?

23 R. Non.

24 Q. Quelle vérification avez-vous essayée de faire ?

25 R. Je n'ai pas essayé de faire cela dans la mesure où cela ne fait pas

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1 partie de mes compétences, je ne suis pas enquêteur.

2 Q. Peut-être on vous a dit, si vous aviez constaté qu'il y avait des

3 questions à poser en cas de conflit militaire dans le village, est-ce qu'il

4 vous semblait important de savoir s'il y avait eu un conflit militaire, ou

5 une purification ethnique brutale ?

6 R. Oui. Je pensais que c'était important de le savoir, et j'ai

7 effectivement constaté que -- et cela c'était dans le rapport que vous avez

8 vu -- je ne pouvais pas tout vérifier de toute forme. Il semblait que

9 l'armée britannique avait examiné les bâtiments scolaires, et ils ont

10 indiqué qu'il y avait eu "une action d'arrière-garde." C'est comme cela

11 qu'il la qualifiait.

12 Q. Pour revenir aux jeunes gens croates que vous avez indiqués, je vais

13 essayer d'être très clair sur la position. Vous ne leur avez pas posé de

14 questions par le truchement d'un interprète, mais vous n'aviez pas

15 conscience de quelqu'un qui aurait pu poser la question directement ou

16 indirectement sur une action militaire éventuelle à Uzdol ?

17 R. Il n'y avait pas de témoin oculaire.

18 Q. Comment le savez-vous ?

19 R. Parce que je savais qu'il n'y avait pas de témoin oculaire. Cela, je le

20 savais de ma présence à Uzdol. Personne n'avait de témoin oculaire sur ce

21 qui s'était passé, cela a été ma première enquête. Est-ce que quelqu'un ici

22 sait ce qui s'est passé ? Dès le début, on savait que personne n'avait été

23 présent au moment où les personnes âgées avaient été tuées.

24 Q. Comment avez-vous su que personne n'était là au moment où les personnes

25 âgées avaient été tuées ?

Page 57

1 R. Parce que lorsque nous sommes arrivés à Prozor, nous avons dit : "Est-

2 ce que quelqu'un a vu ce qui s'est passé ?" La réponse a été : "Non."

3 Q. Est-ce que vous avez demandé s'il y avait des survivants ?

4 R. Oui. Pour autant que je le sache, c'est dans mon rapport. Il n'y en

5 avait pas. Personne n'est venu nous voir. Si vous avez des cadavres et les

6 Croates sont satisfaits de voir que nous avons vu les cadavres. Bon, pour

7 les britanniques militaires et les journalistes, je sais qu'il y a eu des

8 cas où même ces choses ont parfois été couvertes ou dissimulées. Ils leur

9 suffisaient que nous puissions voir les cadavres et de voir ce qui s'était

10 passé, qu'il y ait des témoins de ce qui s'était passé.

11 Q. Je reviens à la question. La question était : est-ce que vous avez

12 demandé s'il y avait des survivants ? Je voudrais que vous répondiez à la

13 question précisément.

14 R. D'accord. Vous êtes en train de me suggérer une interview formelle dans

15 la situation.

16 Q. Je vous demande à qui vous avez posé la question ?

17 R. Je parlais avec l'interprète de l'armée qui essayait de glaner des

18 informations. C'était cela : glaner des éléments d'information à partir des

19 gens qui étaient présents. Je lui posais des questions directes, et ils

20 pouvaient effectivement avoir conscience de tout cela. Nous posions tous la

21 question : "Est-ce que quelqu'un a vu ce qui s'est passé ? Est-ce qu'il y a

22 des témoins oculaires ?"

23 Q. Quelle a été la réponse ?

24 R. La réponse était non. "Nous n'avons pas vu ce qui s'est passé."

25 Q. De qui est venu cette réponse ?

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1 R. Cela venait des gens qui étaient à proximité et à qui nous pouvions

2 parler.

3 Q. Ces gens étaient des soldats en uniforme et des civils; c'est exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Au moins, vous pouvez dire que les soldats disaient à ceux qui étaient

6 avec vous qu'il n'y avait pas de survivants; c'est exact ?

7 R. Ils n'ont pas dit cela précisément. Ils n'ont pas apporté de

8 survivants.

9 Q. Une seconde. Soyons clairs. Est-ce qu'ils ont dit qu'il y avait eu des

10 témoins oculaires, ou est-ce qu'ils ont dit qu'il n'y avait pas de témoins

11 oculaires ?

12 R. Ils n'ont dit ni l'un l'autre. Ils n'ont pas emmené de témoins

13 oculaires. Lorsque vous demandez dans une pièce remplie de personnes si

14 quelqu'un a vu quelque chose, et il lève les bras au ciel, et remue la

15 tête, et personne ne vient. Vous vous dites que ce n'est peut-être pas le

16 moment de poser la question. Bon.

17 Q. En tant qu'avocat, je peux comprendre que ce n'est pas toujours

18 possible de poser une question directement, mais vous êtes une journaliste

19 expérimentée, et vous savez comment poser des questions correctes. Pourquoi

20 n'avez-vous pas posé des questions à certains des soldats que vous aviez ?

21 R. Je n'avais pas besoin de le faire. Je le savais déjà au bout de deux

22 minutes dans cette salle, que personne n'allait venir nous voir. J'ai été

23 dans des circonstances à maintes reprises où je suis arrivée en tant que

24 journaliste, et s'il y a des gens qui souhaitent apporter de l'information

25 sur ce qui s'est passé, ils le font. Ils arrivent. Ils donnent des noms.

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1 Ils indiquent d'où ils viennent. Si personne ne le fait, on ne peut que

2 supposer qu'il n'y a pas eu de témoin oculaire.

3 Q. D'accord. C'est l'hypothèse que vous en avez tirée ?

4 R. Oui, à l'époque.

5 Q. Certainement, personne ne vous en a parlé, qu'il y avait une personne

6 qui -- le nom n'a pas été repris à Zelenika, qui aurait pu vous

7 intéresser ?

8 R. Des noms particuliers sont rarement évoqués dans ces occasions-là par

9 les gens de la région en Bosnie.

10 Q. Des noms précis vous ont-ils été donnés ?

11 R. C'est lui qui vous a indiqué le nom de Ratcik ?

12 R. Oui.

13 Q. Les autres questions à ce propos; avez-vous menée des enquêtes sur les

14 forces armées croates, le HVO, ou d'autres forces qui ont, en réalité,

15 bombardé ou tiré des tirs d'artillerie le matin où les massacres ont eu

16 lieu ?

17 R. Quelques enquêtes ont été faites par des journalistes, mais celles-ci

18 se sont avérées vaines, car il n'y avait pas de quartier général à

19 proprement parler ou une organisation vers laquelle nous pourrions nous

20 tourner pour avoir des éléments d'information.

21 Q. La personne croate qui faisait partie de l'armée, et qui occupait un

22 rang élevé que vous avez rencontré à Prozor où à Uzdol ?

23 R. Non, il n'y avait pas de militaires de haut rang.

24 Q. Y avait-il quelqu'un qui semblait avoir dirigé l'opération avec les

25 autres soldats ?

Page 60

1 R. Non.

2 Q. Y avait-il quelqu'un qui portait un insigne ou une autre indication,

3 qui aurait pu vous permettre de comprendre quel rang il occupait ?

4 R. Tous ces éléments-là n'avaient aucun sens, en terme de milice qui

5 opérait en Bosnie dans la région rurale. Ils s'appelaient généraux ou

6 caporaux. Parfois le terme commandant était utilisé, lorsque c'est

7 quelqu'un qui avait une certaine responsabilité au sein d'une unité

8 particulière. Pour d'autres, il s'agissait de non-sens en termes

9 militaires, je dois dire. Je suis simplement en train d'indiquer qu'il n'y

10 avait pas d'organisation à la manière dont vous nous le présentez. Cela

11 n'était pas tout évident sur le terrain.

12 Q. Il y a un instant, je viens de vous poser une question sur les

13 fortifications autour du village d'Uzdol, et vous avez répondu plus

14 particulièrement, vous avez parlé de tranchées le long de Borak. Est-ce que

15 ceci a été porté à votre attention à ce stade ?

16 R. Non.

17 Q. Y avait-il d'autres places fortes, à défaut d'un autre terme, à 500

18 mètres des emplacements que vous avez évoqués à Borak ?

19 R. Des places fortes ? Pourriez-vous décrire ce que vous entendez par là ?

20 Très honnêtement, je ne sais pas ce que vous voulez dire.

21 Q. La réponse peut bien être qu'on ne vous a rien dit à ce sujet.

22 R. Je réfléchis. Vous parlez de tranchées, de places où des soldats

23 auraient assuré la garde de la ligne de front.

24 Q. De telles tranchées auront été creusées dans certaines régions, mais

25 c'était surtout une tactique de dernière minute qui était le plus

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1 communément appliquée. Pour ce qui est d'une place forte, lorsqu'il y avait

2 des armes, c'était parce qu'il était trop difficile de se procurer des

3 fusils des deux côtés. On changeait de position tout simplement. On ne

4 cherchait pas de position permanente ou de base à ce moment-là en Bosnie.

5 C'était difficile à trouver de toute façon. On ne voyait pas non plus

6 quelque chose comme des terrassements. Ce genre de chose n'existait pas.

7 Q. Ce que je cherche, c'est à parler plus précisément de la question

8 d'Uzdol. En réponse à ma question, vous m'avez répondu que non.

9 R. Non, nous ne cherchions pas ce genre de choses, parce qu'il n'y avait

10 pas de région phare qui avait un sens particulier au plan technique, à la

11 différence de Gornji Vakuf, qui était une ligne de front entre deux groupes

12 de combattants très proches.

13 Q. Très bien.

14 R. Il n'y avait aucune action particulière autour de Prozor dans les

15 premiers jours, là où la plupart des Bosniaques ont dû quitter leurs

16 domiciles, parce qu'ils ont été incendiés.

17 Q. Saviez-vous si oui ou non, l'armée bosnienne menait toute une série

18 d'attaques le long des différents axes, le 13 et le 14 ?

19 R. S'il y avait un groupe un peu déguenillé d'unités disparates, qui

20 avaient très peu de moyens de communication, et qui agissait de façon non

21 cordonnée dans la région, l'idée était d'assurer une certaine coordination

22 entres ces différents groupes armés, mais l'idée qu'il puisse y avoir une

23 quelconque forme de coordination entre ces unités armées m'était totalement

24 inconnue. L'idée de dire qu'il y avait des actions spécifiques menées,

25 quelque chose de la sorte, c'est quelque chose dont je n'avais pas

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1 connaissance. Je n'ai jamais vu une stratégie qui aurait pu s'appliquer à

2 tout ceci.

3 Q. D'après vous, cette armée était composée de quelques seigneurs de

4 la guerre qui s'étaient portés volontaires, et qui obéissaient à qui ils

5 voulaient obéir.

6 R. Pas tout à fait. J'ai dit qu'il y avait des commandants à Travnik, et

7 il y avait le 3e Corps et le 2e Corps de Tuzla. Ils manquaient de tous les

8 éléments essentiels pour toute armée digne de ce nom. Il y avait des hommes

9 très disciplinés. Je me souviens de deux commandants, un à Travnik et un à

10 Zenica. Il y en avait deux autres qui agissaient comme des seigneurs de la

11 guerre, et cetera. Ceci était assez courant à la fois du côté croate, serbe

12 et des Musulmans de Bosnie, lorsque les Musulmans de Bosnie avaient moins

13 de ressources que les autres.

14 Q. Pour en revenir à la question plus précise des batailles.

15 R. Des "batailles" n'est pas le terme que j'utiliserais. La "bataille,"

16 c'est quelque chose qui est une opération militaire à grande échelle. Je

17 n'ai jamais vu cela en Bosnie.

18 Q. Je comprends que vous parlez de Waterloo ici, mais peut-être que le

19 terme "bataille" peut-être utilisé au sens large ?

20 R. Non. Vous comprenez mal la nature de ce combat en Bosnie, qui

21 ressemblait à de la violence domestique dans un village, à l'échelle d'une

22 ville.

23 R. Bien. Connaissez-vous une colline qui s'appelle Crni Vrh ?

24 R. Non.

25 Q. Vous connaissez Makljan ?

Page 63

1 R. Non.

2 Q. Savez-vous si une attaque a été lancée par les unités des Musulmans de

3 Bosnie, pour reprendre ou prendre contrôle de la ville de Crni Vrh, le long

4 de la route de --

5 R. Crni Vrh signifie colline noire. Je crois qu'il y avait quelques

6 milliers de ce type de colline en Bosnie.

7 Q. Nous parlons ici d'une seule route, c'était votre réponse ? Y avait-il

8 une attaque ou non ?

9 R. Je ne connais pas ce terme. La ville ou le nom de la ville ? Ce n'était

10 pas une ville aussi grande que Prozor. Prozor est une toute petite région,

11 de toute façon.

12 Q. Bien.

13 R. De façon générale, nous ne savions pas cela. Je ne sais pas cela, à

14 quoi vous faites référence.

15 Q. Je ne suis pas en train de vous critiquer du tout. J'essaie simplement

16 de savoir si vous saviez s'il y avait une armée dans la région. C'était

17 pour cela que je vous pose ces questions.

18 R. Oui. Mais cela n'est pas une grande ville, d'après moi.

19 Q. Non ?

20 R. Non.

21 Q. Je reviens à ma première question. Vous m'avez demandé aujourd'hui si

22 nous obtenions des éléments d'information, quelles étaient les sources de

23 première main ou de quatrième main sur ces activités, entre guillemets bien

24 sûr, sur l'ensemble de la région au quotidien. Tout ceci était assez

25 significatif mais ne se passait pas ainsi, à moins que nous ne soyons pas

Page 64

1 dans la région même, c'est la raison pour laquelle nous nous sommes rendus

2 à Uzdol. Ceci était important. En général, nous aurions tendance à croire

3 les différents rapports des actions militaires. C'était difficile.

4 Q. Je ne peux pas vous demander, alors je comprends ce que vous dites sur

5 l'armée, s'il y avait des batailles ou non.

6 R. Je peux également vous signaler quelque chose à propos de Prozor, je

7 crois que c'est pertinent.

8 Q. Bien sur.

9 R. Prozor était une des principales routes qui permet d'assurer le

10 ravitaillement et l'approvisionnement le long de côte, jusqu'à la vallée de

11 la Lasva et jusqu'à Zenica, la grande ville, en direction de Tuzla. C'était

12 une des routes patrouillées par l'armée pour l'OTAN, et précédemment par

13 les Nations Unies. C'était l'artère principale qui traversait toute la

14 Bosnie centrale. S'il y avait eu une activité militaire conséquente en

15 l'espace de quelque cinq ou six milles le long de cette route, cela nous

16 aurait été signalé, surtout durant la période ou nous étions là, parce que

17 cela aurait signifié que nous avions coupé ce principal axe.

18 Je ne me souviens pas d'un point particulièrement important, à l'exception

19 d'un point qui se trouvait au nord de Prozor, près de Gornji Vakuf, où il y

20 avait une pièce d'artillerie qui s'y trouvait au début de l'année 1993. Il

21 n'y a eu aucun problème particulier, parce que la route a été fermée.

22 C'était une route à risque. Toute activité importante me semble -- cela

23 n'était pas le cas. Il s'agissait simplement des combats de moindre

24 importance de la région.

25 Q. Ma dernière question, les services de Renseignement britanniques, est-

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1 ce qu'il leur arrivait d'omettre quelque chose ?

2 R. Il faudrait les poser la question directement.

3 Q. Tournons nous maintenant vers un autre point, relativement à ce que

4 vous avez vu lorsque vous étiez à Uzdol. Tout d'abord, est-ce que Uzdol se

5 composait de trois à quatre hameaux ?

6 R. Oui, parce que nous avons mené une enquête sur le nom de ce village,

7 entre guillemets. Il y avait différents points, différentes régions qui

8 apparaissaient à cet endroit là, et qui s'appelaient Uzdol.

9 Q. Je ne sais pas si vous avez répondu de façon précise, mais je dois vous

10 reposer la question. Saviez-vous qu'il y a un village ou un hameau qui

11 s'appelle Kriz ?

12 R. Je ne vous ai pas demandé de noms précis.

13 Q. Bien.

14 R. Uzdol semblait être un nom générique pour représenter la région.

15 Q. Je vais vous poser des questions assez précises, et voir si vous vous

16 en souvenez. J'ai parlé de Kriz et de Rajici.

17 R. Je dois dire que ce nom est assez courant en Bosnie. Si je devais m'en

18 souvenir, peut-être que je l'avais déjà entendu ailleurs.

19 Q. Bien. Et Cer ?

20 R. Non.

21 Q. Zelenika ?

22 R. Zelenika ?

23 Q. Non, vous entendez l'équipe de football Zelenika ?

24 R. Oui. La raison pour laquelle ceci a été utilisé par des correspondants

25 de la télévision, c'est que nous utilisions un minimum des noms d'endroits,

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1 et quelquefois des noms des personnes, parce que nous ne voulions pas

2 truffer nos rapports de ce type de nom. Il fallait que cela soit assez

3 simple.

4 Q. Si c'est possible, il y a une photographie ici que je puis vous

5 montrer, si cela peut vous aider, Est-ce que vous êtes en mesure de vous

6 rappeler la route que vous avez empruntée pour aller dans ce village ?

7 R. En arrivant au village, je me souviens qu'à notre droite, il y avait

8 une crête vers l'est, et une courbe, et cela tournait à l'endroit de

9 l'école, sur le haut de la crête, légèrement sur notre droite.

10 Q. C'était sur le chemin de Prozor ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous avez traversé le village qui s'appelait Donja Vas en

13 chemin ?

14 R. Non. Il n'y avait aucune pancarte indiquant le nom du village. Nous ne

15 nous sommes pas arrêtés pour demander. Nous étions en véhicule blindé dans

16 région inconnue pour nous. Nous n'avons pas demandé la direction ni les

17 noms.

18 Q. Hormis cela, je vais maintenant parler des personnes qui ont été tuées

19 et que vous avez vues, quelques questions particulières sur ces personnes,

20 les personnes que vous avez décrites, l'important, -- le nom de famille de

21 Ratkic -- il y en avait d'autres à qui on attribue un nom que l'on vous a

22 donné.

23 R. Non.

24 Q. Aucun des soldats, vous les avez appelés les milices - si vous êtes

25 satisfaits de ce terme - des milices croates que vous avez vues, est-ce

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1 qu'ils ont indiqué que ces personnes portaient des noms ? Est-ce qu'ils

2 vous ont communiqué ces noms ?

3 R. Non. Nous ne cherchions pas de noms précis. Je suppose que je

4 n'utilisais pas ces noms dans mon rapport. Deuxièmement, ils semblent avoir

5 été tués dans leur propre maison. Donc, pour un certain nombre de raisons,

6 il aurait fallu les identifier. Dans certains cas, nous avons relaté

7 certains récits où des corps ont été découverts dans différentes

8 circonstances, et il fallait les identifier, peut-être pour aider l'enquête

9 qui aurait été menée par la suite lorsque les gens sont tués chez eux dans

10 leur propre village.

11 Q. Vous ne souhaitiez pas connaître leurs noms ?

12 R. Non, je n'avais pas besoin de les nommer.

13 Q. Pourquoi vous vous êtes donné autant de mal pour interviewer les

14 soldats, simplement pour que vous puissiez retrouver le nom de Ratkic ?

15 R. Mais je ne me suis pas donné beaucoup de mal pour essayer de rédiger

16 mon rapport.

17 Q. Vous m'avez posé une autre question il y a quelques instants à propos

18 des questions que nous avons posées au soldat parce qu'il connaissait le

19 nom de Ratkic ?

20 R. Vous avez répondu à la question. Vous avez dit qui ils étaient.

21 Q. Nous avons utilisé des noms à la télévision nationale; c'était une

22 bonne idée.

23 R. Non pas du tout. Vous avez mal compris la raison pour laquelle nous

24 avons mené ces entretiens. Pour identifier une personne en particulier avec

25 un nom générique, cela nous permet d'identifier les autres personnes du

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1 village. C'est une technique communément utilisée à la télévision lorsqu'il

2 s'agit de citer un nom, d'identifier ou essayer de reconnaître des

3 personnes dans un village. Mais ce n'est pas quelque chose que nous faisons

4 pour chaque famille.

5 Q. Bien. Votre position est-elle celle-ci ? Pourquoi avez-vous posé des

6 questions à propos de Ratkic et pourquoi le nom vous intéressait-il ?

7 Pourquoi n'avez-vous pas procédé de la même manière pour toutes les autres

8 personnes qui avaient été tuées ?

9 R. J'ai cru que j'avais répondu à la question, mais je vais répéter ce que

10 je viens de dire. Si vous interviewer quelqu'un dans la foule lors d'un

11 match de football, vous allez peut-être demander à supporter ce qu'il en

12 pensait, et vous lui demanderiez son nom pour pouvoir vérifier son identité

13 ainsi que l'authenticité de l'interview. Vous n'allez pas demander au

14 37 000 autres personnes qui se trouvent dans la foule quel est leur nom.

15 Q. Mais vous n'avez pas demandé au soldat. Vous avez demandé quels étaient

16 les noms de ces personnes que l'on avait reconnues, qui avaient été

17 identifiées ?

18 R. Oui.

19 Q. Bon. Quoi qu'il en soit --

20 R. Il a dit qu'il avait un lien de parenté avec cette personne.

21 Q. Je ne sais pas si vous avez remarqué que cet homme Ratkic qui était

22 décédé, cet homme, était-il mutilé, ses oreilles avaient-elles été coupées

23 lorsque vous l'avez vu ?

24 R. C'est du folklore qui circulait en Bosnie à ce moment-là. Ce n'est pas

25 quelque chose qu'on pourrait utiliser comme témoignage. C'est quelque chose

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1 que l'on m'avait indiqué, mais ses oreilles avaient été brûlées.

2 Q. Vous avez dit, dans votre déclaration au bureau du Procureur : "Je n'ai

3 pas vu de personnes mutilées, blessées, torturées ou passées à tabac ou

4 brûlées." C'est ce que vous avez dit dans votre témoignage, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Je souhaite parler de corps mutilés. Je ne souhaite pas du tout être

7 condescendant ici, mais je pense que, lorsque quelqu'un a les oreilles

8 brûlées, il s'agit de mutilation, n'est-ce pas ?

9 R. Il y a une tradition primitive qui remonte à la nuit des temps dans

10 certains pays, et ceci a fait surface dans les Balkans à plusieurs

11 reprises, et a pris différentes formes de mutilations et différentes

12 allégations de mutilations. Quelques fois, cela pouvait s'avérer exacte,

13 mais le plus souvent, ceci était monté de toutes pièces et remontait à des

14 traditions folkloriques. Lorsqu'on coupe les oreilles, le nez, les doigts,

15 en particulier des enfants ou des bébés, ce sont des contes que l'on a

16 entendus répétés à plusieurs reprises dans les Balkans à partir des années

17 90. Si nous entendions cela et si quelqu'un l'avançait, on essayait d'en

18 retrouver les preuves. Il était très rare pour un journaliste de constater

19 cela. Mais ce sont des choses qu'on nous a répétées sans cesse.

20 Q. Dans le cas concret de Martin Ratkic, vous avez vu son corps dans les

21 bras d'une femme. Il avait été tué. Vous n'avez pas remarqué que ses

22 oreilles aient été coupées ?

23 R. Personne ne m'a dit que ses oreilles avaient été coupées, donc je ne me

24 suis pas rapprochée du corps pour le voir. Si vous voulez regarder la

25 vidéo, à ce moment-là, on pourrait constater qu'il y avait beaucoup de

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1 sang. Je suppose que c'est le cas si les oreilles avaient été coupées; la

2 personne aurait perdu beaucoup de sang.

3 Q. Je vais y revenir pour que nous puissions vérifier cela. Mais

4 certainement, à l'époque, lorsque vous avez regardé, personne ne vous l'a

5 signalé, Nous sommes sur le point de voir l'exemple de cette tradition ?

6 R. [aucune interprétation]

7 Q. Est-ce que nous pouvons voir la vidéo à nouveau, P373. Je vais

8 simplement demander à faire des arrêts sur les images à quelques endroits

9 et je vais faire un arrêt sur l'image à certains endroits et recueillir

10 votre commentaire à ce moment-là, s'il vous plaît.

11 M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne sais pas si c'est la régie technique

12 ou le représentants du greffe qui vont nous aider ici. Peut-être que c'est

13 l'Accusation, car nous utilisons le logiciel Sanction pour ce faire. Je

14 crois que c'est l'Accusation en fait. Est-ce que je peux demander, par

15 conséquent, que l'on -- Monsieur le Juge, cela va peut-être prendre un

16 certain.

17 Q. Pardonnez-moi, s'il vous plaît, Madame Adie.

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai l'intention de

19 faire un arrêt sur image lorsqu'on nous montre des cadavres de certaines

20 personnes, parce que je souhaite poser des questions au témoin à ce moment-

21 là.

22 Pouvons-nous commencer, s'il vous plaît.

23 [Diffusion de la cassette vidéo]

24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

25 "Le village d'Uzdol se trouve sur les hauteurs en Bosnie centrale et

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1 a été utilisé pour servir de quartier général."

2 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

3 M. MORRISSEY : [interprétation]

4 Q. Je vais vous arrêter quelques instants. Nous n'avons pas besoin de

5 repartir en arrière. J'ai une question à vous poser à propos de l'école.

6 Pour ce qui est de l'école, est-ce qu'on vous a montré les étages

7 supérieurs de l'école ?

8 R. Non.

9 Q. Des équipements de transmission dans l'école ?

10 R. L'école semblait quasi vide, en tout cas, dans ce nous avons pu

11 constater au rez-de-chaussée.

12 Q. Pour ce qui est de savoir s'il y avait un centre de transmission, vous

13 n'êtes pas en mesure de faire un commentaire ?

14 R. De quoi parlez-vous ? Je ne reconnais même pas le terme utilisé par les

15 milices rurales. Je n'ai jamais vu ces unités utiliser quoi que ce soit

16 hormis un petit téléphone.

17 Q. Peut-être ce qui me vient à l'esprit ce sont des membres du HVO portant

18 un uniforme, avec des radios.

19 R. Il n'y avait rien à l'étage supérieur, car si l'armée britannique était

20 venue leur rendre visite, ils seraient partis se réfugier dans les collines

21 avec ce type de matériel de transmission.

22 Q. [aucune interprétation]

23 R. Ils ne souhaiteraient rien montrer à l'armée britannique. Cela, en tout

24 cas, c'était une position communément adoptée.

25 Q. Bien.

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1 R. Il n'y avait, en tout cas, pas de soldats. Les soldats britanniques

2 traversaient ces bâtiments et serait tombés dessus et nous l'auraient dit;

3 nous l'aurions vu. Ils ont bien fouillé les bâtiments.

4 Q. Pour ce qui vous concerne, au moment où vous êtes arrivée à l'école, il

5 n'y avait pas de matériel de transmission, il n'y avait pas d'armes, il n'y

6 avait pas de soldats ?

7 R. S'il y avait eu des armes, les soldats britanniques - c'est la pratique

8 adoptée par l'armée - auraient fouillé l'ensemble du bâtiment, ce qui est,

9 en général, effectué lorsque tout soldat arrive dans un village considéré

10 comme hostile. Tous les dépôts de munitions, toutes les caches d'armes,

11 tout aurait été retrouvé et nous aurait été signalé pour notre propre

12 sécurité, et l'armée britannique en aurait été informée.

13 Q. J'entends bien.

14 R. Vous pouvez supposer qu'ils n'ont rien trouvé aux étages supérieurs, je

15 pense.

16 Q. Bien sûr. Nous allons maintenant passer à l'image que vous avez devant

17 votre écran. Est-ce que vous remarquez qu'il y a une maison ici, à droite

18 de cette image. Est-ce que vous voyez cette maison ?

19 R. C'est une maison bosnienne en train de brûler, typique.

20 Q. Il semble que la fumée émane de la maison et peut-être de l'endroit qui

21 se trouve à côté.

22 R. Avec une maison dont s'échappe la fumée comme cela, c'est impossible à

23 dire. Il aurait pu y avoir un certain nombre de troncs d'arbres entreposés

24 du côté. Il aurait pu y avoir un canapé aussi contre le mur de l'autre

25 coté. C'est impossible à dire.

Page 73

1 Q. Peut-être que je vais vous poser cette question-ci maintenant : vous-

2 même, avec la connaissance que vous avez pu acquérir au fil des ans comme

3 correspondante de guerre, vous ne pouvez par faire de commentaires. Vous ne

4 savez pas ce qui a été à l'origine de cet incendie ?

5 R. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un éclair.

6 Q. Non, certainement pas d'un éclair. Mais comme journaliste britannique,

7 vous ne souhaiteriez pas dire ce qui était à l'origine de cet incendie ?

8 R. En Bosnie, des maisons en feu était quelque chose que nous voyions

9 tellement souvent que des enquêtes sur des origines de ces incendies

10 étaient quelque chose qui véritablement n'avait pas beaucoup de sens.

11 Q. Pour le compte rendu, je dois dire que, lorsque, Madame Adie, on vous a

12 posé une question sur cette photographie, il s'agit du numéro 00.16.6 du

13 transcript, si jamais nous avons besoin d'y revenir.

14 Est-ce que nous pouvons poursuivre maintenant ?

15 [Diffusion de cassette vidéo]

16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

17 "…et nous sommes descendus à Uzdol" --

18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

19 M. MORRISSEY : [interprétation]

20 Q. Veuillez arrêter la cassette, s'il vous plaît. Nous avons arrêté la

21 cassette à 00.22.3. On voit ici une personne décédée, enveloppée dans une

22 couverture brune et rose. Vous souvenez-vous avoir vu cette personne, sans

23 tenir compte de la photographie qui vous est présentée ici ?

24 R. Je ne comprends pas très bien votre question. Pardonnez-moi.

25 Q. Bien. Mes questions sont parfois formulées de façon bizarre. Je vais

Page 74

1 essayer de vous la reformuler.

2 R. [aucune interprétation]

3 Q. Par rapport à la personne qui se trouve ici sur cette photographie, on

4 la voit sur cette photographie, vous souvenez-vous de l'apparence physique

5 de cette personne, hormis ce que vous voyez sur cette photographie.

6 R. Non.

7 Q. D'autres détails concernant cette personne ?

8 R. Je regarde ceci. Je sais que quelqu'un l'a enveloppée dans une

9 couverture, je dois me poser la question qui a fait cela ? Quelqu'un a

10 déplacé le corps depuis que le corps a été abattu.

11 Q. Pourriez-vous nous dire quel type de blessure avait cette personne-là

12 en question ?

13 R. Je n'ai pas enlevé la couverture de ce corps. Cette personne semble

14 saigner de la bouche, ce qui semble indiqué qu'il a été touché à la

15 poitrine.

16 Q. Bien.

17 R. Il semble également avoir décédé rapidement, eu égard la position de

18 ses bras et de ses poignets, ce qui signifie qu'il n'a pas été couché sur

19 le sol.

20 Q. Je crois que je ne peux pas tenir compte de vos déductions.

21 R. Bien. Merci.

22 Q. Je vais tenir compte de ce que vous avez observé sur le moment. Vous

23 souvenez-vous si oui ou non vous avez remarqué une trace de blessure par

24 balle sur ce corps ?

25 R. Non, je ne m'en souviens pas.

Page 75

1 Q. D'accord.

2 R. Mais tout en haut ici, ce qui est en noir, cela représente peut-être du

3 sang. Mais je n'en suis pas sûr, car c'est difficile de voir avec la

4 couverture.

5 Q. Ce que nous pouvons glaner de la photo. Ce qui m'intéresse, c'est ce

6 que vous avez remarqué à l'époque. Eu égard à cette personne, j'allais vous

7 demander le nombre de blessure que cette personne avait eu. Mais d'après

8 vous, vous ne pouvez pas en être sûre ?

9 R. On ne se rapproche pas trop d'un corps qui se trouve dans un champ

10 comme celui-ci, car il pourrait y avoir un piège. C'est quelque chose que

11 l'on évitait de faire.

12 Q. J'entends bien. Est-ce que nous pouvons avancer, s'il vous plaît, et

13 entendre la cassette vidéo à nouveau.

14 [Diffusion de cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 "Nous avons traversé ces villages et ces maisons disparates

17 accompagnés des observateurs de la MCCE."

18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

19 M. MORRISSEY : [interprétation]

20 Q. Arrêtez, s'il vous plaît. Cette maison semble avoir fait l'objet des

21 tirs et il y a des destructions par le feu ici à l'extérieur. Vous

22 souvenez-vous de l'apparence de cette maison, hormis ce que l'on voit ici à

23 l'écran et si cela est décrit ailleurs. Qu'est-ce que l'on peut constater

24 ici ?

25 R. Les toiles ici sont tombées du toit. L'incendie s'est propagé depuis

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1 l'intérieur de la maison. C'est ce qu'on peut voir, en fait, d'après les

2 fenêtres. Les gouttières sont tombées; les tuiles des maisons sont tombées;

3 et c'est l'intérieur de la maison qui a brûlé, et le toit s'est effondré.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Ceci se trouve à 00.32 de la cassette. J'ai

5 bien compris ce que vous pouviez déduire d'après cela. Mais la question que

6 je vous pose maintenant : vous souvenez d'autre chose à propos de cette

7 maison hormis ce que l'on peut voir ici sur cette image ?

8 R. De quelle manière, s'il vous plaît ? Veuillez m'aider. Je ne comprends

9 pas très bien votre question.

10 Q. Vous souvenez-vous de cette maison, hormis ce que vous voyez ici ?

11 R. Pas si vous ne me montrez pas un autre plan.

12 Q. Je vais vous montrer un autre plan pour voir si cela vous permet de

13 vous rafraîchir la mémoire. Peut-être que nous pourrons revoir cette

14 maison, peut-être que non. Pour ce qui est de cette maison en particulier,

15 ma dernière question : s'agit-il de la même maison que celle que nous avons

16 vue précédemment ?

17 R. La vue panoramique que nous avons vue représente l'école.

18 Q. Juste après cela, après avoir vu la maison incendiée. Est-ce la même

19 maison que l'on voit brûler ici ?

20 R. Non.

21 Q. Est-ce que nous pourrions poursuivre, s'il vous plaît ?

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Bien sûr, il semblait tout à fait clair que les différentes maisons que

25 nous avons visitées avaient été systématiquement incendiées."

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1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 M. MORRISSEY : [interprétation]

3 Q. Est-ce que nous pouvons repartir en arrière. On voit ici des traces de

4 sang sur le mur.

5 [Diffusion de la cassette vidéo]

6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

7 "Il semble tout à fait clair que ces maisons que nous avons visitées"

8 --

9 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez, s'il vous plaît.

11 Q. Est-ce qu'on vous a cité le nom de cette personne ?

12 R. Non.

13 Q. Vous a-t-on dit qui a enveloppé cette personne dans cette couverture ?

14 R. Non. Tous les corps de Prozor étaient enveloppés de couvertures donc

15 nous avons supposé qu'une opération avait été menée entre ces massacres et

16 les corps que nous avons découverts à Prozor à 9 heures du matin, qui

17 avaient été transportés; les couvertures sont des couvertures grossières

18 que l'on trouve en Bosnie, et nous ne savions pas qui avait fait cela.

19 Q. Très bien. Avez-vous posé la question aux jeunes soldats qui vous

20 accompagnaient qui avaient fait cela ?

21 R. Non.

22 Q. Pour ce qui est de cette personne ici que l'on voit sur la photo, qui a

23 été tuée, avez-vous inspecté le corps ? Je comprends, vous n'êtes pas

24 médecin légiste. On ne vous demande pas de rédiger un rapport ici de

25 pathologiste, et quelquefois, en fait, je vous mets en situation. Mais

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1 avez-vous remarqué si cette personne avait été tuée ou non, ou ce qui était

2 arrivé ici, si on avait tiré sur cette personne ?

3 R. Oui, on avait tiré dessus.

4 Q. Bien.

5 R. Il y avait du sang.

6 Q. Combien ?

7 R. Il y avait, en tout cas, une blessure par balle. Il n'y avait pas

8 d'autre -- ni les vêtements ni le visage n'ont été touchés, par ailleurs.

9 Ceci se produit lorsqu'il y a une explosion, lorsqu'il y a un pilonnage ou

10 un éclat d'obus. Le visage et les mains ont été protégés. A ce moment-là,

11 on recherche plutôt une blessure à la poitrine.

12 Q. Avez-vous remarqué cette blessure en particulier lorsque cette personne

13 a été tuée ?

14 R. J'ai regardé de près. Il y avait du sang; cela, je le sais.

15 Q. Vous n'avez pas identifié une blessure par balle en particulier ?

16 R. Non.

17 Q. Vous ne savez pas combien de blessures par balle cette personne a

18 eues ?

19 R. Pour ce qui est de cette personne en particulier, non.

20 Q. Excusez-moi un instant.

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Cela se trouve au numéro 00.37.

22 Q. Egalement, avez-vous remarqué beaucoup de sang par terre sur le tapis

23 que l'on peut voir ?

24 R. Je crois que c'est sous elle.

25 Q. Ma question : peut-être qu'il y a du sang sous le corps ou peut-être

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1 que non, d'après la photographie.

2 R. Je ne crois pas qu'il y avait du sang ailleurs dans cette pièce, mais

3 il est vrai que ma mémoire est un peu floue à cet égard aujourd'hui.

4 Q. D'accord.

5 R. Ce que je cherchais en particulier c'était de voir - je sais que ceci

6 parait assez épouvantable - que l'on avait arrangé le corps. C'est quelque

7 chose dont on est très conscient lorsqu'on regarde un décor comme ceci dans

8 des circonstances très difficiles. On va de maison en maison, on essaie de

9 voir ou de comprendre si ces corps ont été placés de cette manière, posées

10 en quelque sorte.

11 Q. Oui.

12 R. Il semble qu'ils aient été enveloppés de couvertures, qu'on ait soulevé

13 les jambes, qu'on les ait soulevées pour pouvoir les envelopper de la

14 couverture. En travers de la porte comme cela, on avait l'impression que le

15 corps n'avait pas été tiré. Il n'y a pas de traces de sang sur le tapis, ce

16 qui aurait pu être le cas si le corps avait été déplacé d'un endroit à un

17 autre.

18 Q. La vraie question que je souhaite vous poser : avez-vous remarqué du

19 sang immédiatement sous le corps de ces personnes ou vous ne vous en

20 souvenez pas ?

21 R. Je ne sais pas. Je sais qu'il n'y avait pas de corps ailleurs et aucune

22 trace de sang qui aurait pu conduire à ce corps.

23 Q. Des traces noires -- enfin, je ne sais pas de quoi il s'agit.

24 R. Non, ce n'est pas du sang. C'est la couleur des murs. Je cherche le

25 terme. C'est le bois -- c'est dans le bois.

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1 Q. Vous vous souvenez en fait des traces de sang sur le seuil de la

2 porte ?

3 R. Non.

4 Q. Je ne suggère pas que cela devrait être le cas.

5 M. MORRISSEY : [interprétation] Peut-être qu'il serait temps de faire une

6 pause, mais je serais tout à fait disposé à poursuivre.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Tout dépend du temps dont vous allez

8 consacrer à cette question.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Ecoutez, je vais parler de chaque personne

10 en particulier, donc trois minutes par personne. Je vais parler de chaque

11 personne dans le détail.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons faire une pause de 30 minutes

13 et nous reprendrons à midi 35.

14 --- L'audience est suspendue à 12 heures 05.

15 --- L'audience est reprise à 12 heures 34.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Morrissey, continuons avec la

17 bande vidéo.

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Q. Madame Adie, vous avez devant vous l'image de la personne avec la

20 couverture verte. Je vais d'abord --

21 R. Oui, je l'ai.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vais demander à l'Accusation de

23 commencer à montrer à nouveau cette vidéo.

24 [Diffusion de cassette vidéo]

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Voilà, arrêtez-vous là.

Page 81

1 Q. Lorsque vous y étiez, vous n'avez pas vu la personne dont le sang est

2 visible sur le mur ?

3 R. Non.

4 Q. C'est exact. Est-ce qu'il y avait des personnes décédées dans cette

5 maison à cette époque-là ?

6 R. Je ne m'en souviens pas.

7 Q. Nous savons à partir d'autres éléments qu'une jeune fille avait été

8 trouvée, et nous avons vu évidemment d'autres bandes vidéo. Est-ce que cela

9 vous aide à vous souvenir d'une jeune fille de 10 ans ?

10 R. Peut-être qu'il s'agit de la jeune fille qui était à Prozor.

11 Q. A Prozor ?

12 R. Malheureusement, il y a deux jeunes filles dans cette affaire.

13 Q. Dans cette maison-là, vous ne vous souvenez pas ?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce que vous vous souvenez s'il y avait des marques de balles dans

16 cette maison-là, mais pas dans cette pièce ?

17 R. Je ne me souviens pas. Il y avait très peu de balles. Les maisons, en

18 général, c'est tout ce que je peux dire, n'avaient pas reçu de salves de

19 tirs, ce qui était très souvent le cas en Bosnie. C'était un peu spécial

20 ici. Lorsque nous avons regardé le mur d'une autre image précédente, il n'y

21 avait pas de marques de balles au-dessus ou partout dans la pièce, alors

22 que d'habitude, c'est le cas lorsqu'il y a des attaques, les personnes ont

23 tendance à envoyer des salves de tirs. Il n'y avait pas d'indication de

24 cela. Au contraire, ici, les marques de balles étaient concentrées dans un

25 coin.

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1 Q. Un certain témoin qui était associé avec cette maison a dit qu'il avait

2 vu pas mal d'indications de tirs dans les alentours. Désolé, je vais

3 essayer de poser une autre question.

4 Quand est-ce que vous essayiez de voir s'il y avait eu ou non des

5 marques de balles ? Vous le faisiez à chaque fois, systématiquement, sur

6 tous les murs du village ou simplement lorsqu'il y avait quelqu'un de mort

7 ou s'il y avait du sang ?

8 R. En aucun de ces deux cas. Lorsque je me promenais dans le village, je

9 prenais note si oui ou non il y avait eu des éléments indiquant qu'il y

10 avait eu des tirs, et surtout lorsque nous entrions dans une maison où

11 apparemment il y avait eu une attaque sur l'édifice, et que les techniques

12 classiques que chacun utilise lorsqu'ils ont un fusil d'assaut. On s'attend

13 à ce qu'il y ait des mesures défensives, mais là, ce n'était pas la

14 question.

15 Q. Est-ce qu'on vous a donné des informations selon lesquelles des

16 soldats du HVO avaient passé la nuit, dormi dans la maison et avaient

17 ouvert le feu sur les forces de l'envahisseur ?

18 R. De quelle nuit s'agit-il ?

19 Q. La nuit avant les tueries.

20 R. La nuit avant. Je ne peux pas vous dire que j'ai vu quoi que ce soit

21 indiquant qui a eu des échanges de tirs.

22 Q. A travers votre interprète ou à travers d'autres personnes, est-ce que

23 quelqu'un, qui que ce soit, a mentionné qu'il y a eu des soldats de la HVO

24 qui avaient riposté ou commencé des tirs ?

25 R. Non.

Page 83

1 Q. Qui avaient tout simplement tiré ?

2 R. Non.

3 Q. Est-ce qu'on vous a dit s'il y avait des civils qui avaient des

4 grenades dans leurs maisons ?

5 R. Ces grenades étaient très rares au niveau des maisons, et c'était très

6 rarement utilisé par les forces. La JNA aurait pu les utiliser, mais

7 concernant les Croates et les Musulmans, je ne connais pas d'exemple

8 d'utilisation de ces grenades.

9 Q. Est-ce qu'on vous a emmené dans des maisons où il y aurait eu une

10 association ?

11 R. Non, il n'y avait pas d'élément indiquant qu'il y a eu utilisation

12 d'une grenade. On peut reconnaître à cause de la fragmentation.

13 Q. Est-ce que vous avez vu une maison associée avec la famille portant le

14 nom de Celic ?

15 R. Comme vous le savez, on m'a donné qu'un seul nom. Ce n'était pas celui-

16 ci.

17 Q. Bien. On va continuer.

18 [Diffusion de cassette vidéo]

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez-vous, s'il vous plaît. Il s'agit de

20 00.48, le cadavre que l'on voit ici.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez de quelles blessures, si vous les avez

22 remarquées, souffrait ce cadavre ?

23 R. Touché par balle.

24 Q. Où ?

25 R. Un peu en dessous de la clavicule droite.

Page 84

1 Q. Vous souvenez-vous de l'avoir vu vous-même ?

2 R. Oui.

3 Q. Pour autant que vous le sachiez, il s'agissait de la seule blessure ?

4 R. Je n'ai vu qu'une seule blessure par balle. Je n'ai pas cherché d'autre

5 blessure.

6 Q. Cette personne était déjà couverte lorsque vous l'avez vue ?

7 R. Non. On peut voir également qu'il n'y a pas de tache de sang sur la

8 partie blanche de la couverture.

9 Q. Est-ce que vous avez vu des tâches de sang sur l'herbe en-dessous ?

10 R. Peut-être, mais je ne m'en souviens pas. De toute façon, le sang aurait

11 séché. En tout cas, il n'y a pas de grosse quantité de sang sur la

12 poitrine. Il semblerait du moins qu'il était déjà par terre lorsque le sang

13 commença à couler. Si non, tout le sang aurait coulé sur le devant de sa

14 chemise.

15 Q. Ce que vous dites, en fait, c'est que vous vous ne souvenez pas s'il y

16 a du sang par terre ou pas ?

17 R. Je ne me souviens pas. De toute façon, on n'aurait pu plus le voir.

18 Q. Pour terminer, on ne vous a jamais indiqué quel était son nom ?

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que vous avez demandé ?

21 R. Je n'ai pas demandé. J'ai remarqué également que sur le mur derrière,

22 il y a des cratères, deux, trois, et que les vitres sont néanmoins

23 présentes. Il n'y a rien d'autre dans la maison qui indique autre chose que

24 ce qui est un ou deux tirs.

25 Q. Est-ce que vous pouvez voir ce qui se passe avec la vitre en bas à

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1 droite ?

2 R. Il y a une vitre --

3 Q. Est-ce qu'il manque également une partie de la vitre ?

4 R. Je ne sais pas.

5 Q. Est-il possible de faire un zoom ?

6 R. On ne voit quasiment pas de vitres brisées. On est quasiment toujours

7 immédiatement conscient de tels fragments de vitre, parce quand on y met

8 les pieds, on entend le bruit que cela fait.

9 Q. Non, apparemment, il n'y a pas de possibilité de faire un zoom.

10 Bon. On va continuer.

11 [Diffusion de cassette vidéo]

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez-vous pour un instant. Pouvez-vous

13 revenir à la personne précédente ? Il semblerait qu'il y avait une

14 chaussure. Encore en arrière, s'il vous plaît.

15 Voilà, arrêtez-vous.

16 Q. Est-ce que vous avez enlevé la couverture de cette personne ou avez-

17 vous eu l'opportunité de regarder cette personne de près ?

18 R. Il se peut. J'ai regardé une demi-douzaine de cadavres.

19 Je ne peux pas honnêtement vous le dire maintenant. Il y a un certain

20 nombre de personnes d'ailleurs que nous avons regardées et qui n'ont pas

21 été prises sur la vidéo. Nous n'avons pas pris des images de tous ces

22 cadavres. Nous n'avons pas filmé chacun d'entre eux. Honnêtement, je ne

23 peux pas véritablement me souvenir de quel cadavre il s'agit, que j'ai

24 regardé de plus près ou pas.

25 Il n'y a pas eu d'incohérence entre les différents cadavres. Tous ont

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1 subi des tirs de balles.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez si dans ce cas précis ?

3 R. Je ne me souviens pas.

4 Q. Vous vous souvenez qui était cette personne ?

5 R. Non.

6 Q. Vous vous souvenez de l'emplacement exact de cette personne ?

7 R. Non.

8 Q. Autre chose ?

9 R. Non.

10 Q. Vous avez dit six ou sept cadavres. Quand vous dites que vous "les avez

11 regardés," cela veut dire que vous les avez regardés de près, vous avez

12 regardé de quel type de blessure il s'agit ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous avez dit que vous en avez vu encore sept autres ?

15 R. Nous en avons vu une douzaine, et il faut que je reste floue parce que

16 je ne peux pas être précise.

17 Q. Ce que je vais vous demander, c'est ceci : Parmi ces six ou sept dont

18 nous avons parlé, que vous avez regardé de près, est-ce qu'on les voit tous

19 dans cette bande ?

20 R. Non.

21 Q. C'est exactement ce que je voulais dire. Il n'y a pas de corrélation

22 entre ceux que j'ai regardés de près et ceux qu'on voit sur la vidéo.

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. On va continuer. Parmi ceux qu'on a déjà vus sur la vidéo, Combien

25 d'entre eux avez-vous regardés de près ?

Page 87

1 R. Je suis désolée, ma mémoire n'est pas si présente que cela.

2 Q. Bon, je vais essayer de vous aider à vous rappeler. Vous vous souvenez

3 de la femme sur les jolis tapis ?

4 R. Oui.

5 Q. C'était l'une d'entre eux ?

6 R. Oui.

7 Q. Et celui qui était sur l'herbe à l'angle de la maison ?

8 R. Oui.

9 Q. Donc, il n'y avait deux ?

10 R. Deux.

11 Q. Et celui-ci ?

12 R. Je ne pense pas.

13 Q. Et la personne que nous avons vue au début dans le champ ?

14 R. Deux dans les champs, oui.

15 Q. Merci.

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez-vous là, s'il vous plaît.

18 Q. Concernant cette image que vous voyez, est-ce que c'est dans cette

19 posture là que vous avez vu ces deux individus ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que c'était leur position ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que vous vous êtes vous-mêmes déplacée pour enlever quelque

24 chose autour d'eux ?

25 R. Non.

Page 88

1 Q. La personne à gauche me semble être un homme, est-ce que c'est le cas ?

2 R. Oui.

3 Q. Lorsqu'on regarde ceci, on voit très clairement l'oreille droite, on la

4 voit très clairement, n'est-ce pas ?

5 R. Très clairement, bien, non, mais oui.

6 Q. Donc il a une oreille ?

7 R. Oui.

8 Q. C'est comme cela que vous l'avez vu ?

9 R. Oui.

10 Q. Si le pathologiste dit que son oreille n'était plus là, vous allez en

11 déduire que cela a été enlevé par la suite ?

12 R. Oui. Mais concernant cette histoire d'oreille, parfois les lobes

13 d'oreilles étaient enlevés, mais on m'a dit que c'est très difficile

14 d'enlever une oreille. Il y aurait énormément de sang.

15 Q. J'allais demander le point de vue d'un expert à ce propos, mais puisque

16 --

17 R. C'est une hypothèse.

18 Q. Mais où -- regardez cette personne, est-ce que vous pensez --

19 R. S'il avait eu une blessure très importante à l'oreille, j'aurais

20 regardé de plus près, je pense qu'il y aurait eu beaucoup de sang. Oui,

21 j'aurais regardé.

22 Q. Cela, c'est si c'était arrivé pendant qu'ils étaient encore en vie.

23 R. Oui.

24 Q. La question de ces deux personnes qui sont enlacées, c'est peut-être ma

25 façon de voir les choses, mais je ne vois pas de bras. Est-ce que vous

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1 pouvez me dire --

2 R. Son coude droit se voit sous le sac et peut-être qu'on voit une main

3 près du costume traditionnel noir de la femme.

4 Q. Oui. Il ne s'agit pas d'une critique, je voudrais essayer d'être clair.

5 Vous avez basé votre commentaire sur le fait qu'ils soient enlacés, sur

6 cette vision que vous avez eu d'eux.

7 R. Oui. Il me semble peu probable qu'ils aient été placés dans cette

8 position.

9 Q. Nous avons d'autres éléments de personnes qui ont eu d'autres

10 impressions, on pourra peut-être y revenir plus tard, mais continuons.

11 [Diffusion de cassette vidéo]

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez-vous s'il vous plaît.

13 Pouvons-nous revenir à l'image précédente s'il vous plaît ?

14 Q. Voilà cet édifice qui a été détruit. Est-ce que c'est quelque

15 chose qu'on a déjà vu plutôt ?

16 R. Je crois qu'il s'agit d'un autre bâtiment, je ne suis pas sûr, il me

17 semble que c'est un autre bâtiment, parce que nous nous déplacions le long

18 d'un autre bâtiment qui était beaucoup moins endommagé.

19 Q. Continuez, mais très peu de temps.

20 [Diffusion de cassette vidéo]

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Voilà, arrêtez-vous. Revenez au bâtiment à

22 moitié détruit.

23 Q. Ce bâtiment à moitié détruit, il avec l'autre bâtiment que nous venons

24 de voir ou c'est autre chose ?

25 R. Vous pensez à une association géographique ou quoi ?

Page 90

1 Q. Géographiquement, je veux dire.

2 R. Je pense que oui. J'essaye de ne pas trop mélanger les choses lorsqu'on

3 fait des montages.

4 Q. Nous allons continuer.

5 [Diffusion de cassette vidéo]

6 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez-vous.

7 Q. Où a été pris ce plan ? Uzdol ou Prozor ?

8 R. Uzdol.

9 Q. A l'école ?

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. Allons un peu plus loin. On va voir si cela devient plus clair.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, je ne peux pas vous le dire.

14 L'école, il me semble c'était un bâtiment plus important, je ne me souviens

15 pas.

16 M. MORRISSEY : [interprétation]

17 Q. Cer avait deux églises, une ancienne et une nouvelle. Est-ce que vous

18 les avez vues ?

19 R. Absolument pas.

20 Q. Concernant les deux Ratkic que nous avons vus, le couple avec les sacs,

21 sont-ils compris dans une liste de personnes, dans la liste des personnes

22 que vous avez examinées, pour voir de quel type de blessures ils

23 souffraient ?

24 R. Je me suis penché sur l'homme et j'ai également vu qu'il y avait du

25 sang derrière la tête de la femme. Il est impossible pour moi de dire si

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1 oui ou non ils étaient tombés dans cette position, je ne peux pas vous le

2 dire, peut-être qu'il est tombé par-dessus elle, ils étaient manifestement

3 ensemble, il y avait également une marque de balle au mur derrière la tête

4 de la femme, je pense.

5 Q. Continuez s'il vous plaît avec la vidéo.

6 [Diffusion de cassette vidéo]

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez-vous, revenez en arrière. Il

8 y avait un homme en civil qui faisait des gestes. Est-ce que vous pouvez

9 vous y arrêter ?

10 Q. Vous voyez l'homme avec les lunettes ? Vous savez de qu'il

11 s'agit ?

12 R. Je ne sais pas, mais il parlait anglais et les soldats

13 britanniques ne comprenaient pas le serbo-croate. Il s'agit peut-être d'un

14 interprète, je ne me souviens pas.

15 Q. Vous ne vous souvenez pas de cet homme ?

16 R. Peut-être que je ne me trouvais même pas à côté du caméraman à ce

17 moment précis, peut-être que je faisais autre chose dans une autre partie

18 de la pièce, et dans le court espace de temps que nous avons passé là-bas,

19 une vingtaine de minutes, je ne peux pas vous dire minute par minute ce qui

20 se passait partout. Certains des plans étaient pris par mon caméraman, tout

21 autour de la salle. C'est un caméraman expérimenté, il n'avait pas besoin

22 de mes directions pour faire ces plans.

23 Q. Nous allons continuer.

24 [Diffusion de cassette vidéo]

25 M. MORRISSEY : [interprétation] On peut s'arrêter là je pense maintenant.

Page 92

1 Q. J'aurai un certain nombre de questions concernant cette vidéo tout à

2 l'heure.

3 Mais pouvez-vous nous indiquer maintenant, parmi les personnes que

4 nous avons vues, il y avait une demi-douzaine de cadavres jusqu'ici, dont

5 deux étaient les Ratkic, et l'un était la femme qui était par terre sur le

6 tapis. Nous avons également vu deux personnes dans les champs, et un autre

7 sous un tissu quelque part à l'extérieur.

8 Parmi ceux qui restent, ils ne sont pas dans les images, mais où se

9 trouvaient-ils ?

10 R. Il y en avait un à l'étage dans un lit.

11 Q. Vous l'avez vu dans son lit ?

12 R. Oui.

13 Q. De quelles blessures s'agissait-il ?

14 R. C'était une femme. Il y avait énormément de sang, et je n'ai pas

15 regardé de très près. Le sang était autour de son cou et de ses épaules. Il

16 me semble --

17 Q. Oui.

18 R. Il peut vous sembler que je suis un dur à cuir, mais il y a un certain

19 nombre de choses qui me sont très difficiles. C'était très difficile.

20 J'essayais de faire des observations factuelles, mais il y avait un certain

21 nombre de choses où je n'ai pas eu le courage de me rapprocher; je dois le

22 dire.

23 Q. Ce n'est pas grave. Je vais vous poser des questions concernant cette

24 personne à l'étage.

25 Est-ce que vous vous souvenez s'il s'agissait d'un escalier à

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1 l'intérieur de la maison ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous vous êtes rendue en haut par cet escalier et vous avez trouvé une

4 personne dans son lit et vous l'avez regardé très rapidement.

5 R. Une sorte de canapé-lit. Très souvent, dans les maisons à la campagne,

6 c'étaient des lits qui n'avaient pas quatre pieds, mais ils se trouvaient

7 contre les murs. C'étaient à la fois des bancs qui pouvaient servir de

8 canapés de couchage, et parfois de lits. Il y en avait dans les maisons

9 traditionnelles.

10 Q. On vous a donné un nom ?

11 R. Non.

12 Q. Y a-t-il eu d'autres informations concernant cette personne ?

13 R. Non.

14 Q. Maintenant, passons à d'autres personnes.

15 R. Il y en avait un sur le seuil d'une porte.

16 Q. Homme ou femme ?

17 R. Homme.

18 Q. Combien de traces de blessure ?

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. S'agissent-ils de tirs de balles ou d'autres mécanismes ?

21 R. Aucun autre mécanisme n'était visible. J'ai essayé de voir s'il y avait

22 d'autres moyens rapprochés, type couteau, baïonnette.

23 Pas de blessures aux mains ni au visage, ce qui vous donne une idée du type

24 de combat, s'il y a eu des combats. Pas d'abrasions, pas de petites

25 échardes qui pourraient indiquer qu'il y ait eu des explosions importantes;

Page 94

1 simplement des balles.

2 Q. Cette personne sur le seuil, est-ce qu'il y avait un nom ?

3 R. Non.

4 Q. Y avait-il une blessure de balle particulière que vous avez constatée ?

5 R. Non. Blessure thoracique, rien. J'essaie de chercher dans ma mémoire

6 quelque chose qui m'aurait frappé sur un cadavre et qui soit différent de

7 ce que j'avais vu. C'était toujours la même chose.

8 Q. Bon. On va continuer. Voilà pour deux d'entre eux. Les autres qui n'ont

9 pas été vus, vous vous en souvenez ?

10 R. Il y en avait au moins deux ou trois autres sur le pas de la porte. Un

11 dans une maison où les soldats m'avaient di : "Encore la même chose. Encore

12 et toujours la même chose."

13 Il y avait des soldats qui perquisitionnaient ces maisons en même

14 temps, et s'ils avaient découvert quelque chose de différent, de notable,

15 ils nous en auraient avertis.

16 Q. Je n'essaie pas de vous critiquer. Mais votre position donc c'est ceci

17 : il y avait une paire de cadavres ou un petit nombre de cadavres que vous

18 n'avez pas vus vous-même, mais vous en avez entendu parler à travers les

19 soldats ?

20 R. Je pense que j'ai vu -- je passais ma tête à travers la porte et je

21 voyais un cadavre rapidement et je me disais - je n'ai pas besoin d'aller

22 examiné de près chacun de ces cadavres. Il n'y avait pas de besoin, disons,

23 en matière d'expertise médicale, de le faire. J'avais vu un certain nombre

24 de cadavres, et c'était toujours la même chose.

25 Q. Ceux que vous avez vus, et même très brièvement, vous ne les incluez

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1 pas dans la catégorie de ceux que vous inspectez ou que vous regardez de

2 près ?

3 R. Je les ai regardés brièvement, dans le sens que je pouvais constater

4 qu'il y avait effectivement des cadavres.

5 Q. Je comprends. Vous n'avez pas constaté d'armes à feu ou d'armes dans

6 aucune de ces maisons ?

7 R. Absolument. Les soldats britanniques m'en auraient immédiatement

8 avertie et les auraient prises dans leur possession.

9 Q. Je pense que je vous ai déjà posé cette question, mais en aucun cas,

10 vous n'avez vu de soldats croates décédés ou de soldats bosniaques

11 décédés ?

12 R. Absolument pas. Aucun uniforme militaire n'a été vu par nous.

13 Q. Revenons à la vidéo, si vous le voulez bien. Sur la vidéo on a vu un

14 chien.

15 R. Oui.

16 Q. Peut-être que nous allons immédiatement pouvoir passer cette image du

17 chien. En fait, je regarde le transcript. Pouvons-nous avancer vers l'image

18 où il y avait ce chien. C'est au point 3:54, je pense. Arrêtez-la. J'ai

19 manqué quelque chose. Si on peut revenir à ce corps dans le champ.

20 Cela, c'est le deuxième des corps dans le champ. Vous remarquez qu'il

21 semble y avoir une botte.

22 R. Hm-hm.

23 Q. Est-ce que c'est le deuxième cadavre dont vous avez parlé ?

24 R. Oui. Oui, c'est le cas.

25 Q. Que pouvez-vous dire sur les habits portés par ce corps ?

Page 96

1 R. Cela semble être une tenue militaire. C'est Nigel qui a regardé de

2 près.

3 Q. [aucune interprétation]

4 R. [aucune interprétation]

5 Q. Est-ce que vous pouvez faire une remarque sur l'âge de cette personne ?

6 R. Non, je ne peux rien en dire.

7 Q. On ne peut pas voir d'après la photo, mais simplement pour plus de

8 prudence, est-ce que vous avez pu voir des signes de blessures ?

9 R. Non, pas vu sous cet angle. Mais effectivement, vu du dessus, on voyait

10 quelque chose qui pouvait être du sang séché.

11 Q. Mais à l'époque, cela c'est vraiment la vue que vous avez eue à

12 l'époque, parce que ce n'était pas vous qui utilisiez la caméra; c'est

13 exact ?

14 R. Oui.

15 Q. On reprend la vidéo.

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez ici.

18 Q. Ce chien, était-il blessé lorsque vous l'avez vu d'abord ?

19 R. Non, pas celui-là. Cela, c'était un chien mort. En fait, il y en avait

20 deux, et je crois peut-être un troisième en fait; deux chiens morts, et un

21 autre a été trouvé par un soldat britannique. Il était tellement blessé

22 qu'un autre soldat a mis fin à ses souffrances.

23 M. MORRISSEY : [interprétation] Je voulais simplement interrompre la vidéo

24 pour revenir à un document que j'aimerais montrer au témoin. C'est le

25 document DD001337, 65 ter, Défense 252. Excusez-moi. Est-ce que je pourrais

Page 97

1 demander le numéro MFI pour celui-là ?

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI375.

3 M. MORRISSEY : [interprétation] La version B/C/S apparaît à l'écran à

4 l'heure actuelle. Je me demandais si j'avais aussi la version en anglais.

5 Excusez-moi. Ne faites rien encore. Je crois que nous sommes sur le mauvais

6 canal.

7 Q. Vous l'avez en anglais ?

8 R. Je l'ai en serbo-croate.

9 Q. Oui, on a l'habitude de procéder ainsi avec les témoins ou d'avoir des

10 témoins qui ont besoin des documents en B/C/S. Dites-moi quand le document

11 apparaît en version anglaise, s'il vous plaît. C'est un document procuré

12 par la Défense, et je vais vous demander de -- pardon, fourni par

13 l'Accusation. Excusez-moi.

14 [Le conseil de la Défense se concerte]

15 Procuré par la Défense.

16 J'aimerais que vous fassiez un commentaire.

17 R. Je n'ai pas encore la version anglaise.

18 Cela devient plus clair. Je l'ai maintenant.

19 Q. C'est un rapport analytique daté de septembre 1993, 1er septembre.

20 Vous lisez : "1. A montré des animaux domestiques blessés. J'en ai un. Des

21 chiens croates massacrés vont certainement causer beaucoup plus d'émoi

22 auprès des téléspectateurs que cinq Croates massacrés. On voit aussi un

23 animal à trois pattes avec une patte blessée que les enfants soignent."

24 Tout d'abord, est-ce que vous avez vu déjà un document croate de

25 cette nature ? Lorsque je dis "croate," je ne veux pas dire croate, je veux

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1 dire un document HVO, qui utilise ce type de propagande ?

2 R. Non. La seule fois où j'ai pu voir de telles méthodes de propagande,

3 c'était dans des vidéos de compilation utilisées à la télévision par les

4 trois factions pour mettre en place des sortes de motifs de propagande pour

5 promouvoir leur cause.

6 Q. Pour promouvoir l'effort de guerre. De toute façon, nous allons y venir

7 dans une minute. Il y a peut-être un domaine dans lequel vous pouvez aider

8 la Cour.

9 Là, est-ce qu'il semblait que les scènes de tragédies qui vous ont

10 été montrées par le HVO ou des Croates feraient apparaître de telles

11 choses ?

12 R. Jamais.

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. Cela serait quelque chose imaginé par quelqu'un assis à un bureau.

15 Q. D'accord.

16 R. Cela est quelque chose qu'on ne voyait jamais sur le terrain.

17 Q. Et pour les chiens, où étaient-ils positionnés lorsque vous êtes

18 arrivée ?

19 R. Il y en avait un qui était entre les maisons. En fait, le chien qui

20 avait été blessé avait été découvert dans le même bâtiment, et c'était un

21 bâtiment très sombre.

22 Q. Je n'en suis pas en train de suggérer que vous l'ayez placé là de

23 manière intentionnelle, mais est-ce que vous pouvez vous souvenir de la

24 manière dont ce chien a été découvert ?

25 R. Un soldat faisait des recherches. Tous les bâtiments faisaient l'objet

Page 99

1 de recherche par les soldats britanniques.

2 Q. Merci. Mais en bref, ce document vous le connaissez ?

3 R. Elle est risible.

4 Q. Alors, je ne veux pas insister lourdement sur ce point, ce n'était pas

5 vraiment ma question. Mais est-ce que vous connaissez bien ce document ?

6 R. Cela n'a pas l'air de correspondre à la réalité que j'ai pu constater

7 sur le terrain; c'est ce que je veux dire. Nous avons conscience ici qu'il

8 y avait plusieurs types de personnes. Je savais précisément que les médias

9 télévisés avaient des idées sur la manière de conduire la propagande sur le

10 terrain.

11 Q. Très bien.

12 M. MORRISSEY : [interprétation] J'aimerais peut-être proposer que cela soit

13 fait pour ce témoin, avec un numéro.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Des objections ?

15 M. WEINER : [interprétation] Pas si c'est simplement aux fins

16 d'identification en cet état des choses.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Nous pouvons le verser au dossier; c'est

18 tout ce que nous demandons en l'état actuel des choses, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pouvons-nous avoir un numéro MFI.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI375.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci. Je vous en suis reconnaissant.

23 Pouvons nous revenir à la vidéo.

24 Q. Il y a un autre moment --

25 R. Je ne sais pas quel bouton presser.

Page 100

1 Q. On va vous aider.

2 R. Merci.

3 Q. Est-ce qu'on peut passer au passage suivant. Nous allons voir un autre

4 personnage. Vous pouvez passer la vidéo.

5 [Diffusion de la cassette vidéo]

6 M. MORRISSEY : [interprétation] Arrêtez là.

7 Q. Cette personne qui est représentée ici, est-ce que c'est la même que

8 celle que nous avons vue dans le champ quelques secondes auparavant ?

9 R. Oui, oui.

10 Q. Là, vous voyez, effectivement, au moins une blessure grave ?

11 R. Oui.

12 Q. Cela, c'est la blessure dont vous vous souvenez ?

13 R. Oui, c'est le cas.

14 Q. On peut continuer, s'il vous plaît.

15 [Diffusion de la cassette vidéo]

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien, merci. On peut s'arrêter. Cela,

17 c'est effectivement les passages de la vidéo que je voulais montrer au

18 témoin.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez demandé s'il y avait du sang sur

20 la femme sur le tapis et vous pouvez le voir sur ce plan.

21 M. MORRISSEY : [interprétation]

22 Q. [aucune interprétation]

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Vous m'avez demandé si je pouvais voir du sang. En fait, on voit du

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1 sang sur la gauche de la tête et c'est du sang séché.

2 Q. Est-ce que vous vous en souvenez ou est-ce que vous supposez cela à

3 partir de ce que vous pouvez voir ?

4 R. Oui, je vois que c'est une prise de vue prise par mon caméraman. Je ne

5 pouvais pas la montrer de plus près parce que vous voyez comment est pris

6 le plan rapproché.

7 Q. Je comprends cela. Mais est-ce que vous avez le souvenir que c'était du

8 sang, ou est-ce que vous reconstituez cela en le voyant ?

9 R. Je ne comprends pas très bien le sens de votre question parce que

10 j'étais à côté de mon caméraman, et c'est du sang.

11 Q. Oui, mais--

12 R. Qu'est-ce que cela pourrait être d'autre ?

13 Q. Oui, mais quoi d'autre pourrais-je vous demander ?

14 R. Je suggère que c'est du sang.

15 Q. Oui, mais alors, bon. Simplement, répondez à mes questions. A l'époque,

16 avez-vous remarqué que c'était du sang ou est-ce que vous reconstituez cela

17 a posteriori ?

18 R. A l'époque, je savais que c'était du sang.

19 Q. D'accord. Merci. On va peut-être repasser la scène pour voir s'il y a

20 quelque chose qui puisse étayer vos propos.

21 R. Il ne semble pas y avoir de sang ailleurs qui soit visible.

22 Q. Très bien.

23 [Diffusion de la cassette vidéo]

24 M. MORRISSEY : [interprétation] Bon. On peut s'arrêter maintenant.

25 Q. Après avoir visité ces maisons, une question sur ce point : est-ce que

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1 vous vous souvenez d'un hameau -- on sait que le nom du hameau était Kriz.

2 Mais est-ce que vous vous souvenez d'un hameau qui était du coté de la

3 colline un peu à l'écart des autres, peut-être à 500 mètres des autres

4 hameaux ?

5 R. Pas particulièrement, non.

6 Q. Y avait-il un village voisin qui se situait sur une crête, qui aurait

7 été un village habité ?

8 R. Non, mais j'avais conscience du fait qu'il y avait des villages à la

9 fois musulmans et croates dans la région et que les villages pouvaient être

10 voisins les uns des autres.

11 Q. Après avoir fini cela, votre visite dans les hameaux, vous êtes revenue

12 au bâtiment scolaire ?

13 R. Nous sommes revenus au hameau et nous avons abouti au bâtiment

14 scolaire.

15 Q. Lorsque vous étiez dans cette école, vous avez remarqué du sang sur un

16 mur.

17 R. [aucune interprétation]

18 Q. Vous avez remarqué que le sang avait été essuyé ou lavé ?

19 R. Il semblait avoir été essuyé. En tout cas, cela n'était pas du sang qui

20 coulait. Il était comme épongé sur le mur.

21 Q. Mais ce sang qui était sur le mur ne se limitait pas à une petite

22 partie du mur; il couvrait une partie importante de ce mur.

23 R. Oui, c'est le cas. Le sol avait été nettoyé.

24 Q. Le sol, était donc parfaitement propre ?

25 R. Je ne pourrais pas en dire autant. Mais, en tout cas, il n'y avait pas

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1 de traces de sang en grande quantité sur le sol.

2 Q. Est-ce que les hommes de la milice croate qui étaient présents vous ont

3 raconté comment cela s'était produit ?

4 R. Nous n'avions pas d'éléments de preuve suffisant. Mais, à l'époque,

5 plusieurs remarques ont été faites à Prozor, et en fait, les soldats

6 britanniques ont pu reconstituer parce qu'ils avaient un interprète, et les

7 deux observateurs ont pu aussi reconstituer que quelque chose s'était passé

8 dans le village avec les personnes âgées et que l'école, dont on disait

9 qu'elle avait été utilisée comme état-major pour les Croates, avait été

10 impliquée dans l'opération. Je ne peux pas être plus précise. A l'époque,

11 j'étais très inquiète de ne pas pouvoir obtenir d'information. C'était une

12 position extrêmement inconfortable pour moi, et il n'y avait pas de preuves

13 évidentes de ce qui passé.

14 Q. Est-ce que vous avez pu vous adresser à des journalistes locaux ou à

15 des représentants des médias ?

16 R. Il n'y avait aucun journaliste. Il n'y avait pas de journaux, pas de

17 journalistes.

18 Q. N'avez-vous jamais --

19 R. C'est totalement fou de penser cela. C'est un pays chaotique où les

20 institutions et les sources d'information n'existent pas.

21 Q. Vous n'avez pas, par exemple, branché votre poste radio sur un canal

22 appelé Rama à un moment donné ?

23 R. Pas du journalisme.

24 Q. Je ne parle pas simplement de l'existence de --

25 R. Toutes les trois factions avaient, de toute façon, des moyens de

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1 disséminer leur propagande et ne faisaient que répercuter les informations

2 totalement incrédibles.

3 Q. Ma question a trait aux médias croates ou du HVO parce que c'est

4 pertinent dans ce cas. Est-ce que vous aviez eu l'expérience de médias qui

5 feraient état d'informations dont ils pensaient qu'elles pourraient les

6 aider dans leur cause ?

7 R. Oui, y compris en inventant des choses.

8 Q. Est-ce qu'il y a eu parfois des revendications excessives au sujet

9 d'atrocités commises, justement transmises par ces postes médiatiques ?

10 R. A une telle fréquence que nous ne les écoutions jamais.

11 Q. Dans votre position professionnelle, pour vous, est-ce que cela ne

12 valait pas la peine d'écouter simplement ces moyens médiatiques; c'est

13 exact ?

14 R. Oui, vous pouviez les écouter, mais il fallait, à ce moment-là, les

15 écouter 24 heures par jour et avoir, en même temps, des informations

16 locales pour étayer leurs propos, pour pouvoir en vérifier la tonalité

17 parce que sinon, c'était très souvent hystérique, agressif, totalement sans

18 fondement et il ne paraissait pas possible d'obtenir de la bonne

19 information de la part de ces médias.

20 Q. Si vous deviez faire cet exercice de filtrage et de renseignements,

21 justement --

22 R. Ce n'est pas du renseignement. C'est le contrôle, simplement. Le

23 contrôle à cette échelle aurait été tout simplement impossible. Là, je

24 parle de la BBC.

25 Q. D'accord. Je pense que vous avez répondu à la question. Pour parler en

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1 termes un peu familiers, ce que vous avez entendu à la radio croate, ce

2 n'était pas vraiment de l'information, à votre sens ?

3 R. Non. On ne pensait pas que cela pouvait être considéré comme de

4 l'information.

5 Q. D'accord. Merci. Est-ce qu'on pourrait avoir une réunion à huis clos

6 partiel pour ce document ? Monsieur le Président, est-ce que je peux vous

7 demander qu'on passe à une réunion à huis clos partiel ?

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons passer à une réunion à huis

9 clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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14 [Audience publique]

15 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, effectivement, nous sommes à

16 nouveau en audience publique.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] D'accord.

18 Q. Vous avez dit dans votre déclaration, au sujet des conclusions que vous

19 avez tirées de Prozor, vous avez dit que -- excusez-moi, vous n'avez pas

20 vraiment répondu à la question. Vous indiquez dans vos conclusions que vous

21 avez cité les bases sur lesquelles vous avez pu fonder vos commentaires.

22 Dans votre déclaration, je ne vois pas de corps mutilés, torturés, ou

23 battus. C'est un fait ?

24 R. Oui.

25 Q. Aucun des corps ne présentait des traces de blessures ou de coups,

Page 116

1 c'est un fait ?

2 R. C'est un fait.

3 Q. Et les maisons n'avaient pas fait l'objet des pillages, n'est-ce pas ?

4 R. Est-ce que je peux utiliser un autre terme ? Les maisons n'avaient pas

5 été -- pillées n'est pas le terme qui convient ici. Dans cette région, nous

6 avions souvent l'expérience des maisons qui étaient attaquées. Quand les

7 maisons étaient attaquées, le contenu était cassé, jeté par les fenêtres,

8 ou empilé en tas sur le terrain, détruit, mais il était rare de voir du

9 pillage. Simplement, les maisons étaient dévastées. Cela, c'est le terme le

10 plus spécifique que je pourrais employer. La conclusion que j'aurais J'ai

11 eu l'impression que c'était un schéma de tuerie, c'était effectivement --

12 ils entraient dans les maisons pour tirer, et c'est cela qui se produisait.

13 Mais ils n'avaient pas l'intention de s'emparer du village.

14 Q. Est-ce que quelqu'un vous a dit si ces villageois avaient été pris par

15 les soldats musulmans qui étaient connus d'eux, et maintenus dans des

16 cellules ?

17 R. Personne n'a mentionné cela.

18 Q. Pour les personnes qui étaient tuées dans les champs, est-ce que vous

19 avez pensé que peut-être ces personnes étaient en compagnie des soldats de

20 l'HVO armée, au moment où ils ont été tués ?

21 R. Un soldat qui court dans un champ sans être à l'abri serait totalement

22 stupide. En revanche, les personnes âgées, dans leur terreur, pourraient

23 effectivement choisir de faire cela. Mais un soldat ne traverserait pas un

24 champ à découvert.

25 Q. Par soldat, vous voulez dire --

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1 R. Un combattant. N'importe qui doté de neurones fonctionnant de

2 traverserait pas un champ ouvert. Généralement, on aurait choisi un chemin

3 à couvert le long des haies bordant le chemin.

4 Q. Mais s'il n'y avait aucun choix ?

5 R. Je ne vois pas comment on peut choisir la mort. On essaye toujours la

6 meilleure solution.

7 Q. Est-ce que vous seriez prête à concéder cela ? Est-ce que je peux vous

8 soumettre des scénarios, ou est-ce qu'on est toujours dans la spéculation ?

9 R. Non. Mais je crois que les soldats ne traversent pas un champ à

10 découvert.

11 Q. Donc, est-ce qu'on peut être d'accord sur cela, et dire que peut-être

12 vous avez à 100 % tort ?

13 M. WEINER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux faire une remarque sur ce

15 point, Monsieur le Juge ? Tout ceci devient très argumentatif et je ne vois

16 pas la nécessité.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Je crois que le témoin, en tout

18 objectivité, est en train de présenter son opinion sur des choses que

19 l'Accusation a pu montrer et verser au dossier, et la Défense n'est pas

20 d'accord, mais je vais m'en tenir là.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je reconnais que je spécule. Ce que j'essaye

22 de faire, c'est effectivement, essayer de réorganiser a posteriori une

23 situation qui était extrêmement chaotique, sans discipline, et une

24 situation de conflit. Donc, on essaye de voir ce que les gens pourraient

25 dire dans des circonstances de conflits traditionnels.

Page 118

1 M. MORRISSEY : [interprétation]

2 Q. Excusez-moi, Madame Adie.

3 [Le conseil de la Défense se concerte]

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci. Voilà les questions.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Donc, nous pouvons nous interrompre

6 pour la pose déjeuner. Nous reprendrons à 2 heures 30. Est-ce que cela vous

7 convient ? Nous avons encore deux minutes pour la séance du matin.

8 Nous reprendrons à 2 heures 30 cet après-midi. Merci.

9 --- L'audience est suspendue à 13 heures 44.

10 --- L'audience est reprise à 14 heures 31.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Weiner, avez-vous des

12 questions supplémentaires ?

13 M. WEINER : [interprétation] Deux simplement.

14 Nouvel interrogatoire par M. Weiner :

15 Q. [interprétation] Bonjour Madame Adie.

16 R. Bonjour.

17 Q. Deux questions. La première est celle-ci : le conseil de la Défense

18 vous a posé des questions sur le fait que vous ayez entendu que des

19 officiers de police étaient impliqués. Néanmoins, lorsque vous avez diffusé

20 votre rapport, quelques heures plus tard, vous avez dit que "l'ABiH était

21 descendue à Uzdol," et un peu plus tard, "chaque petite maison avait reçu

22 la visite des soldats de l'ABiH." Pourquoi avez-vous utilisé le terme

23 "ABiH" ?

24 R. Parce que l'ABiH était quelque chose que mon auditoire pouvait

25 reconnaître, à savoir, une organisation qui chapeautait le tout. Toute

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1 action de type militaire souscrirait à cette armée. En d'autres termes, à

2 mois d'avoir des renseignements très précis sur la question, nous ne

3 citions pas de noms différents à propos de groupes différents. Quand bien

4 même ce serait considéré comme plus exact par les gens de la région, on ne

5 parlait que des "bosniaques" ou de "l'ABiH." Quelquefois nous faisions la

6 distinction, mais de façon générale on utilisait le terme de "bosniaque" ou

7 "ABiH."

8 Q. L'autre question que j'avais pour vous est celle-ci. On vous a posé des

9 questions sur vos conclusions à la fin du contre-interrogatoire, et vous

10 répondez à la page 117, vous dites "absolument," à savoir, si la

11 destruction des maisons signifiait cela est le mépris pour ceux-là.

12 Ensuite, on parle de "grade au cas," et la question est difficile à

13 comprendre et vous répondez en disant : "Oui, la conclusion que j'ai pu en

14 déduire est qu'il n'y avait peut-être pas le temps nécessaire. On avait

15 l'impression qu'ils étaient entrés et qu'ils procédaient au massacre dans

16 ces maisons de façon systématique."

17 R. Oui, ils allaient systématiquement d'une maison à l'autre.

18 Q. "Il ne fallait pas rester sur les lieux." Pourriez-vous nous dire ce

19 que vous aviez à l'esprit lorsque vous disiez cela ?

20 M. MORRISSEY : [interprétation] J'ai une objection ici. J'ai soulevé

21 l'objection dès le début, et Messieurs les Juges, vous avez indiqué, avec

22 beaucoup de bon sens qu'il fallait voir comment les questions allaient être

23 posées. Le témoin a répondu, mais je ne crois pas que cela puisse être

24 utile pour les Juges de Chambre. Certains éléments présentés ici sont peut-

25 être valables dans d'autres contextes, mais si on s'engage sur les propos

Page 120

1 mêmes du témoin, je crois qu'à ce moment-là on entre dans le domaine de la

2 spéculation. Je ne vois pas en quoi ceci peut être d'une quelconque utilité

3 aux Juges du Tribunal. Je ne suis pas en train d'en attaquer la bonne foi,

4 je soulève une objection quant à la question, la tentative qui consiste à

5 essayer d'obtenir une autre version du même récit. Le fait qu'il y ait une

6 façon de pénétrer dans ces maisons de façon systématique, je crois que

7 c'est quelque chose qui ne peut pas être très utile.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être qu'il faudrait demander à

9 l'Accusation de poser la question différemment de façon appropriée. Vous

10 demandez au témoin d'expliquer où elle voulait en venir sur ce point.

11 Néanmoins, je crois que la question qui a été posée par l'Accusation est

12 une question qui porte sur un point de clarification, et nous parlons

13 toujours du même domaine. Sur ce point, je vais autoriser Mme le témoin à

14 clarifier ce qu'elle entendait par là, lorsqu'elle dit "de façon

15 systématique".

16 M. WEINER : [interprétation]

17 Q. Oui. La question qui a été posée, étant donné que cela n'est pas très

18 clair d'après le compte rendu d'audience : qu'est-ce que vous entendiez par

19 la fouille systématique de chaque maison, et pas suffisamment de temps ?

20 Cela n'est tout simplement pas compréhensible.

21 R. Ce que j'entendais par là c'est que, dans de bon nombre de villages

22 dans lesquels je m'étais rendue auparavant où des gens avaient été tués et

23 où les maisons avaient été endommagées, il y avait beaucoup plus de

24 dommages et l'impression que les gens étaient entrés dans le village et

25 avaient pris possession de ce même village. C'est quelque chose qui se

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1 produisait lors de nettoyages ethniques. C'est lorsque ce qu'on appelait

2 les lignes de front se déplaçaient d'avant en arrière. En fait, on entrait,

3 on voyait les maisons brûler, et il s'agit de marquer son territoire. Il

4 fallait vandaliser les biens. Il fallait rendre ces habitations non

5 habitables. Il s'agit d'acquisition ou de prise de contrôle territorial.

6 Dans ce cas, il me semble que toute personne qui était entrée, n'y avait

7 pas consacré beaucoup de temps. C'est ce qu'on avait vu partout ailleurs.

8 Ils étaient entrés, mais un nombre très important de personnes avaient été

9 tuées in situ, individuellement, dans différentes maisons et ce, à quelques

10 mètres de distance. Parfois davantage, et dans certains cas, ces corps se

11 trouvaient dans les champs. J'avais l'impression que ceci avait été fait à

12 dessein, qu'on était allé à la recherche de ces personnes dans leurs

13 maisons, dans leurs lits au premier étage. Pour moi, cela me donnait

14 l'impression qu'il y avait quelque chose de systématique. Ce que

15 j'entendais par là, c'est que quelqu'un avait dû prendre cette décision. Je

16 ne sais pas si nous parlons maintenant d'une seule personne ou d'un ordre

17 reçu, mais quelqu'un a dû prendre cette décision et une voix a dû se lever

18 en disant : "Tuez toutes les personnes que vous trouverez." C'est cela, ce

19 qui s'est passé. En tout cas, c'est l'impression que j'en avais retirée

20 moi-même, qu'il fallait aller rechercher ces personnes et les trouver pour

21 pouvoir les tuer.

22 M. WEINER : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

23 Président.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup. Y a-t-il des questions

25 des Juges de la Chambre ?

Page 122

1 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Monsieur le Président.

2 Questions de la Cour :

3 M. LE JUGE EL MAHDI : Madame Adie, je me permets de vous adresser en

4 français. Je crois bien que vous parlez bien le français, aussi bien que

5 l'anglais. Alors, les clarifications concernent certains points de votre

6 témoignage.

7 Le premier concerne plutôt ce que vous avez mentionné comme les

8 désinformations. Vous avez dit que les parties dans le conflit essayaient,

9 de tous leurs moyens, de désinformer. Vous avez aussi bien exclus la

10 possibilité que ce que vous avez vu était manipulé en quelque sorte. Vous

11 avez dit que c'est bien ce qui est arrivé.

12 Alors, comment vous avez pu, tout en étant consciente de la

13 désinformation pratiquée par les parties aux conflits, affirmer, pour cet

14 incident même, que ce que vous avez vu, ce n'était pas arrangé, mais

15 c'était véridique ?

16 R. C'est une remarque très pertinente que vous faites, et j'en étais tout

17 à fait consciente lorsque je suis entrée dans ce village, en partie, parce

18 que nous étions accompagnés d'hommes croates en uniformes. Des Croates

19 étaient également entrés dans le village de l'extérieur, de façon à faire

20 sortir les corps et les emmener à Prozor. Nous sommes arrivés 24 heures

21 après que cet événement ne se soit déroulé, 24 heures au moins. C'est

22 quelque chose dont j'étais tout à fait consciente et je recherchais les

23 signes, les indices de quelque chose qui avait été mis en scène. C'est

24 quelque chose que j'ai déjà vu par le passé dans d'autres conflits.

25 D'après ce que nous pouvions voir et d'après les corps, il me

Page 123

1 semblait que ceux-ci avaient été abattus à l'endroit où ils se trouvaient.

2 Il est certain que certains corps étaient enveloppés de couvertures et

3 qu'il aurait fallu bouger les corps pour ce faire. Mais à aucun moment, et

4 dans bon nombre de cas, je dois dire qu'il s'agissait d'organisations

5 militaires peu élaborées. Je n'ai jamais pu constater d'exagération ou de

6 poses ou de positions dramatisées. Quelque chose que nous utiliserons comme

7 une présentation des corps; ce que l'on utiliserait dans les médias, à la

8 télévision. On aurait recherché ce genre de choses, quelque chose qui

9 aurait voulu présenter une mise en scène un petit peu dramatique. Il me

10 fallait partir à la recherche de ces corps. D'après nous, ces hommes ont

11 été abattus à l'endroit où nous les avons trouvés.

12 Je n'ai pas eu la sensation qu'il y avait une manipulation à grande

13 échelle. Il est vrai qu'en recouvrant les corps de couvertures, peut-être

14 qu'on nous cachait quelque chose, mais je ne voyais pas quoi. On pouvait

15 voir les blessures, on pouvait voir l'endroit où se trouvaient les corps, à

16 l'endroit où ils avaient été tués physiquement. C'est ce que j'appelle

17 quelquefois la réorganisation sentimentale d'un corps. C'est quelque chose

18 que j'ai déjà vu auparavant. Cela me semblait assez réaliste.

19 M. LE JUGE EL MAHDI : Ma deuxième question est la suivante : il y a des

20 corps qui ont été emportés à Prozor, et d'autres ont été laissés à

21 l'endroit où ils étaient tués, présumés tués. Est-ce qu'on vous a expliqué

22 comment ils ont fait le triage ? Les corps qu'ils ont emportés étaient où,

23 et pourquoi laisser certains corps et amener certains autres ?

24 R. Non, aucune explication ne nous a été fournie. C'était tout à fait

25 troublant. Nous ne savions pas pourquoi certains étaient enlevés et

Page 124

1 pourquoi d'autres corps étaient restés là. Je n'en ai aucune idée. Personne

2 ne nous en a parlé. Personne ne nous a fourni une explication à cet égard.

3 Je pourrais me livrer à des conjectures, mais je ne pense pas que ce soit

4 très constructif.

5 M. LE JUGE EL MAHDI : Ma dernière question concerne ce que vous avez

6 mentionné à propos de l'école. Vous avez dit qu'à l'école, vous avez

7 observé au moins quelques signes de batailles, d'échanges, et que cela à

8 été nettoyé, qu'il y avait des traces de sang sur les murs, mais le

9 plancher était propre. Ce qui veut dire - et je demande votre confirmation

10 - que quelqu'un a nettoyé les lieux. Alors, il a nettoyé l'école et il n'a

11 pas nettoyé ailleurs.

12 Alors, vous étiez accompagnée par des officiers, je crois, croates.

13 Est-ce qu'ils ont expliqué le pourquoi de nettoyer un endroit et de laisser

14 les autres endroits en état ? Est-ce que c'était pour vous montrer

15 expressément ce qu'ils voulaient montrer ?

16 R. A ce moment-là, j'avais beaucoup d'appréhension sur ce qui s'était

17 passé. Je me sentais mal à l'aise. Je me sentais très préoccupée, car je me

18 demandais ce qu'il s'était passé. Personnellement, je cherchais à

19 comprendre ce qui s'était déroulé dans cette école. Je me suis demandée si

20 des personnes avaient été exécutées à cet endroit-là. Par rapport au nombre

21 de corps que j'ai vus à Prozor. Mais d'un autre côté, on n'a pas vu

22 d'exemples ou de signes d'utilisation d'une arme automatique, ou de balles,

23 ou de vêtements déchirés, ce qui aurait été le cas si cela avait été un

24 lieu d'exécution. Mais je ne savais pas.

25 J'ai trouvé - je vais être très honnête - je dois dire que tout ceci

Page 125

1 avait quelque chose d'extrêmement gênant, de perturbant, le fait que

2 quelqu'un ait vouloir nettoyer, on pense évidemment à la dissimulation. Je

3 ne savais pas ce qu'on souhaitait cacher, mais je n'ai pas obtenu de

4 réponse à ma question.

5 J''étais très mal à l'aise, car je savais que je ne saurais jamais ce

6 qui s'était passé et je devais diffuser quelque chose. Pour moi, c'est

7 important de diffuser l'actualité le jour même, la nuit même, avec autant

8 de faits possible et aussi précisément que possible. Je savais que je

9 n'allais pas recueillir des informations de cette nature.

10 Parce que quelqu'un a nettoyé une pièce et qu'il y a d'autres

11 personnes qui ne sont pas enterrées et qui se trouvent dans le village, que

12 se passe-t-il ? Je n'ai pas de réponse à cette question. Je suis très

13 méfiante. Mais cela ne m'empêche pas de m'en tenir à l'impression que j'ai

14 eue par rapport à ces corps qui se trouvaient dans les maisons. Là, je

15 crois que ce qui s'était passé me semblait assez clair. Ce qui s'est passé

16 dans l'école, très honnêtement, je ne sais pas. Ce sont les soldats de

17 l'armée britannique qui ont évoqué des combats. Je leur ai demandé :

18 "D'après le tir de feu ou d'après la destruction provoquée par ces tirs,

19 que s'est-il passé ?" Ils m'ont répondu en disant que cela ressemble à une

20 action menée par l'arrière-garde, et j'ai accepté cela.

21 M. LE JUGE EL MAHDI : Ma dernière question concerne l'état des corps. Est-

22 ce que vous pouvez vous souvenir ? C'est une scénario assez désagréable,

23 mais est-ce que l'état des corps que vous avez vus, observés à Prozor était

24 le même, c'est-à-dire que vous pouvez, a priori, nous dire, nous confirmer,

25 que ces corps, enfin, les personnes étaient tuées au même moment, c'est-à-

Page 126

1 dire à la date du 14 septembre ?

2 R. Non, je n'ai pas l'expertise professionnelle nécessaire pour vous dire

3 à quelle heure ces personnes ont été tuées. Mais il semblerait qu'il n'y a

4 pas de différence notable entre l'état de ces corps que j'ai vus à Prozor

5 et à Uzdol. Avec mon œil d'amateur, je n'ai pas constaté de différences

6 sensibles. Ils étaient enveloppés de couvertures propres. Il me semblait

7 que toutes ces couvertures se ressemblaient. Elles étaient très propres, et

8 tous les corps avaient été enveloppés dans ces mêmes couvertures.

9 Les blessures par balles semblaient être les mêmes. Ce qu'il était

10 arrivé des corps semblait être la même chose. Je n'avais aucune raison,

11 mais je n'ai aucune preuve non plus, pour dire qu'ils sont morts à peu près

12 en même temps. Je n'ai pas de preuves, je ne peux pas le prouver. Mais je

13 n'ai pas constaté de différences notables entre ces groupes.

14 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci beaucoup.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge El Mahdi.

16 Y a-t-il des questions qui découlent des questions posées par M. le

17 Juge El Mahdi ? Il semblerait que non.

18 A ce stade, est-ce qu'il y a des documents à verser au dossier ?

19 M. WEINER : [interprétation] Non.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Un document que nous souhaiterions verser

22 au dossier, mais simplement pas dans l'immédiat. Je n'ai pas l'intention de

23 le verser par l'intermédiaire de ce témoin, mais simplement, c'est quelque

24 chose que nous gardons sous le coude.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] De toute façon, ce document comporte un

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1 numéro.

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ce n'est pas quelque chose que nous avons

4 omis.

5 Je vais faire une annonce à propos de la correction des cotes de ces

6 documents.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Un seul

8 document qui a été versé sous pli scellé, qui a été décrite comme étant la

9 pièce de l'Accusation, ce qui n'est le cas; c'est le document de la Défense

10 D376.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame le Témoin, nous vous remercions

12 beaucoup d'être venue à La Haye pour votre témoignage. Nous vous souhaitons

13 un bon retour, et Mme l'Huissière va vous raccompagner.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez quitter.

16 [Le témoin se retire]

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Nous avons un petit problème avec LiveNote.

19 Nous avons l'ancienne version que nous utilisons actuellement, la version

20 Ringtail du transcript ne fonctionne pas. En fait, je ne l'ai pas sur mon

21 ordinateur.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Cela fonctionne très bien.

23 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait demander à un

25 technicien d'y remédier.

Page 128

1 Etes-vous prêt à entendre le témoin suivant ?

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien sûr. Mais si cela pose problème, je le

3 mentionnerai.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

5 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pourriez-vous lire le texte de la

10 déclaration solennelle que vous remet Mme l'Huissière, s'il vous plaît.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN: VAHID KARAVELIC [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

16 s'il vous plaît.

17 Maître Re, vous avez la parole.

18 M. RE : [interprétation] Merci.

19 Interrogatoire principal par M. Re :

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karavelic. Quelques questions un

21 petit peu officielles que je dois vous poser. Votre nom et surnom, s'il

22 vous plaît, c'est Vahid Karavelic ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous êtes né le 7 avril 1956; c'est exact ?

25 R. Oui.

Page 129

1 Q. Est-ce que vous diriez que vous êtes bosnien ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous avez un surnom ?

4 R. J'ai eu différents surnoms, mais le dernier, c'est Vaha.

5 Q. On vous a appelé Vaha pendant la guerre ?

6 R. Oui, très souvent.

7 Q. Concernant votre profession, vous êtes un général de division à la

8 retraite. Vous avez pris votre retraite le 31 août de l'année dernière, et

9 vous occupiez un poste très élevé. Vous étiez numéro 3 au sein de l'ABiH.

10 R. C'est exact.

11 Q. Quel était votre titre officiel lorsque vous avez pris votre retraite ?

12 R. Chef des services administratifs, chargé de la politique des plans et

13 des opérations, rattaché à l'état-major du commandant des armées de l'armée

14 fédérale.

15 Q. C'est la troisième fois que vous témoignez devant le TPIY ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Vous étiez un témoin de l'Accusation de l'affaire Galic; n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Récemment, à savoir le mois dernier, vous étiez témoin de la Défense en

20 tant qu'expert témoin, expert militaire dans l'affaire le Procureur contre

21 Hadzihasanovic et Kubura ?

22 R. Oui.

23 Q. A l'époque qui nous concerne, qui concerne cet acte d'accusation.

24 Pendant la guerre, vous étiez commandant du 1er Corps de Sarajevo; est-ce

25 exact ?

Page 130

1 R. J'étais l'adjoint au commandant du 1er Corps jusqu'à la mi-1993, et à

2 partir du mois d'août 1993, j'étais le commandant du 1er Corps de l'ABiH.

3 Q. Retournons un petit peu en arrière. Nous allons parler de ce qui vous a

4 permis de venir témoigner devant cette Chambre de première instance,

5 puisque vous avez une certaine expertise sur toutes les questions

6 militaires. Vous avez rejoint la JNA en 1975, et vous avez obtenu votre

7 diplôme de l'Académie militaire de Belgrade en 1979 ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Vous étiez commandant de peloton de 1979 à 1982, et vous étiez

10 lieutenant en second, n'est-ce pas à ce moment-là ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous étiez à ce moment-là basé à Ljubljana, vous étiez le commandant

13 adjoint de la Brigade motorisée d'élite dans les années 80.

14 R. Oui. Commandant adjoint du Bataillon motorisé, c'est exact. Je crois

15 qu'il y une erreur ici.

16 Q. Donc, entre 1988 et 1991, étiez-vous le commandant de ce même

17 bataillon ?

18 R. Jusqu'en 1991, oui, c'est exact.

19 Q. Où avez-vous été muté après cela ?

20 R. Après le conflit armé, à savoir l'agression contre la république de

21 Slovénie, Belgrade a décidé que les hauts gradés à Belgrade devaient être

22 redistribués, et les différentes formations armées de la JNA sur le

23 territoire en république de Slovénie et aux régions centrales de ce qui

24 restait de la Yougoslavie. A ce moment-là, ma brigade et moi-même et mon

25 bataillon, nous avons été cantonnés dans les casernes de Ljubljana, et nous

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1 sommes allés dans les casernes de Zenica, et plus précisément ceci a eu

2 lieu le 20 août 1991. Deux mois plus tard, à savoir le 22 octobre 1991,

3 j'ai été mutée moi-même et mon bataillon. Nous avons été envoyés dans les

4 casernes de Tuzla. Nous sommes donc allés de Zenica à Tuzla. L'intention

5 derrière cela était de nous préparer à l'attaque de Vukovar au nord-est de

6 la république croate.

7 Q. Est-ce que c'est du fait de cette intention que vous avez quitté la JNA

8 en 1991, à la fin du mois de juin ?

9 R. Oui, à la fin du mois de décembre.

10 Q. Vous avez rejoint la Ligue patriotique à Visiko ?

11 R. Pas à Visiko, mais j'ai rejoint la Ligue patriotique en effet.

12 Q. Sefer Halilovic à l'époque, était-il son commandant adjoint, son

13 dirigeant adjoint ?

14 R. Oui. Lui, ainsi que feu le général Karesik, m'ont accepté à la ligue.

15 Q. Connaissiez vous à l'époque le général Sefer Halilovic ?

16 R. Pas à l'époque.

17 Q. En avril 1992, vous êtes devenu commandant de la Défense territoriale à

18 Tuzla. On vous a désigné commandant ?

19 R. Les 12 et 13 du mois d'avril 1992, après la reconnaissance de la

20 Bosnie-Herzégovine en tant qu'état reconnu internationalement, et à la

21 suite de l'établissement de la nouvelle armée de la Bosnie-Herzégovine, qui

22 s'appelait la Défense territoriale, à savoir le 8 avril 1992, au bout d'un

23 certain nombre de jours, je fût désigné comme commandant de la Défense

24 territoriale du district de la municipalité de Tuzla, et j'étais également

25 membre de la Ligue patriotique.

Page 132

1 Q. J'essaie d'être assez bref, peut-être que vous pouvez m'aider avec

2 ceci. Avez vous été capturé par les forces serbes le 27 avril 1992 ? Est-ce

3 qu'on vous a emmené à la prison militaire de Sremska Mitrovica près de

4 Belgrade ?

5 R. C'est le cas.

6 Q. Avez-vous reçu de mauvais traitements, fait l'objet d'une cour martiale

7 par la JNA serbe ? Est-ce que vous avez fait l'objet d'une sentence de mort

8 ?

9 R. Oui.

10 Q. Le 9 mai 1992, avez-vous été transféré en hélicoptère à Pale près de

11 Sarajevo ?

12 R. Oui.

13 Q. Quatre jours plus tard, avez vous fait l'objet d'un échange contre des

14 officiers militaires de la JNA de haut rang ou de Serbes de haut rang ?

15 R. Oui, c'était des gens de forces de sécurité, les adjoints des

16 dirigeants de cette partie de l'armée populaire Yougoslave.

17 Q. Après votre échange, avez-vous été désigné à l'état-major de l'armée

18 bosniaque, en formation, entre mai et août 1992 ?

19 R. Après quelques temps de repos, je fus rattaché à l'état-major de la

20 Défense territoriale républicaine par Hasan Efendic, qui était le

21 commandant à l'époque. Vers la fin du mois de mai de cette même année,

22 après que ce soit le général Sefer Halilovic qui ait pris le commandement,

23 j'ai continué le même travail sous ses ordres, jusqu'à ce que je fût

24 désigné comme commandant adjoint du 1er corps, le 1er septembre 1992.

25 Q. Sefer Halilovic, c'est lui qui vous a recommandé ou qui a pris des

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1 dispositions pour que vous soyez désigné à la Défense territoriale

2 républicaine ?

3 R. Je ne suis pas sûr mais il me semble que oui, que c'était bien lui qui

4 était responsable de cela. En fait, avant la désignation du général Sefer

5 Halilovic, j'étais déjà membre de l'état-major de la TO république, c'était

6 Efendic qui était à sa tête, et lorsque le général Halilovic a pris le

7 poste de commandement de la Défense territoriale, j'ai continué à avoir les

8 mêmes responsabilités.

9 Q. Qui était le commandant du 1er Corps à Sarajevo lorsque vous avez été

10 désigné comme commandant en second ?

11 R. Jusqu'à ce moment-là, il y avait eu un district ou plutôt un état-major

12 régional à Sarajevo, tout comme il y avait eu ce même type de commandement

13 à Tuzla, là où j'étais lorsque j'ai été arrêtée, et capturé. Hajrulahovic

14 Mustafa était à la tête de ceci, qui portait aussi le nom aussi de Talijan,

15 l'italien en quelque sorte. Après la création du 1er corps de l'armée de la

16 Bosnie-Herzégovine, le 1er Corps de celui-ci, il a été désigné commandant et

17 je fus désigné son second, c'était le 1er septembre 1992.

18 Q. Puisque nous en sommes là, est-ce que vous êtes cousin de quelqu'un qui

19 s'appelle Hasan Cengic ?

20 R. Non, aucun lien de parenté avec cette personne. Je ne le connaissais

21 pas non plus avant l'époque où j'étais membre de la Ligue patriotique.

22 Q. D'après votre réponse avant la dernière, vous avez dit que le 1er Corps

23 était crée le 1er septembre 1992, cela veut dire que ce Corps n'existait pas

24 auparavant ?

25 R. C'est exactement cela.

Page 134

1 Q. Quelle était la zone de responsabilité du 1er Corps ?

2 R. Cela changeait de temps en temps. Tout au début, sa zone de

3 responsabilité, d'après la première variante, lorsque le Corps a été mis en

4 classe établie à l'intérieur de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, cette

5 zone incluait la ville de Sarajevo, son voisinage, et tout le territoire à

6 l'est jusqu'à la frontière qui se trouve sur la rivière Drina, y compris

7 Gorazde, Rudo, Visegrad et même Zepa et Sokolac, ainsi que d'autres, et

8 aussi Pale. Ensuite cela a changé.

9 Q. A partir du printemps et de l'été 1993, est-ce que sa zone de

10 responsabilité a été diminuée ?

11 R. Une partie du territoire à la partie Est de la Bosnie-Herzégovine a été

12 diminuée, mais une autre partie a été rajoutée, qui contenait un groupe

13 d'opérations à Visoko, qui faisait partie auparavant du 3e Corps jusque-là;

14 à plusieurs reprises il a été séparé du 1er Corps puis rattaché, en ce qui

15 concernait sa composition organique.

16 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre quelle était la composition du 1er Corps,

17 quelle était sa structure à partir du printemps-été 1993. Le commandement

18 du Corps avec vous et Talijan, en tant que commandant et commandant en

19 second, la structure du Corps, le chef d'état-major, les brigades, la

20 hiérarchie, les départements, et cetera.

21 Tout d'abord, la structure du 1er Corps était-elle la même que la

22 structure de tous les autres corps de l'armée bosniaque ?

23 R. La plupart du temps, l'organisation de la structure de tous les corps

24 de l'ABiH, surtout en ce qui concerne le commandement de ces corps, était

25 la même, quasiment identique pour chacun des corps. Cela dépendait de la

Page 135

1 puissance, du nombre d'hommes de chaque corps; cela avait une incidence sur

2 le commandement. Cela dépendait de la façon dont les différentes unités à

3 l'intérieur du corps étaient à cours ou non de personnel. Par exemple, le

4 1er Corps de l'armée BH de Sarajevo, dont j'étais le commandant, tout au

5 cours de 1993, le personnel a changé. Au début, il y avait 75 000 soldats,

6 c'était donc naturel que le commandement de ce corps comprenait davantage

7 de membres que le commandement du corps du 4e ou 5e Corps, car au maximum,

8 il y avait peut-être 15 000 hommes chacun. Globalement, la structure de

9 commandement des corps, et plus spécifiquement la structure du 1er Corps

10 était la suivante : il y avait le commandant du Corps, son second, le

11 commandant en second, le secrétaire, le cabinet, ou comme vous voulez

12 l'appeler, et certains départements et services qui avaient des contacts

13 permanents avec le commandement. Tout d'abord, l'état-major. Cet état-major

14 était en général mené par le chef d'état-major, et cela était valable à

15 partir du niveau de la brigade jusqu'en haut, c'étaient eux qui étaient

16 chargé de la composition des différents services, qui s'occupaient de la

17 planification, de la surveillance et du contrôle des activités de combat.

18 Les différentes branches étaient également représentées au niveau de

19 l'état-major, et en particulier les officiers qui étaient à la tête de

20 chacune de ces branches. Notre armée comptait sept branches différentes. Il

21 y avait le chef de l'artillerie, de l'unité mécanisée et blindée, de

22 l'infanterie, de la défense atomique et biochimique, et le chef de

23 l'infanterie des télécommunications. Tout ceci avait un contact permanent

24 avec le commandement du corps et avec les organes suivants : le commandant

25 en second pour le moral de l'armée, la formation à la propagande, la

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1 religion, toutes ces affaires étaient sous la responsabilité d'une seule

2 personne, ensuite il y avait l'assistant pour la sécurité, l'adjoint pour

3 les affaires juridiques, un adjoint pour la logistique et un adjoint pour

4 les affaires financières.

5 Globalement, c'est en quoi consistait le commandement, la structure

6 du commandement du Corps. Parfois, le commandement pourrait comprendre

7 jusqu'à 50 ou 60 personnes, même jusqu'à 150, selon la taille de chaque

8 corps.

9 Q. Chacun de ces commandants en second, était-il directement sous votre

10 responsabilité en tant que commandant du corps ou quel que soit d'ailleurs

11 ce commandant ?

12 R. Les personnes que j'ai mentionnées auraient été en contact directement

13 avec le commandement, en tous cas sous sa responsabilité.

14 Q. L'adjoint pour la sécurité, est-ce qu'il était à la fois sous vos

15 ordres et ceux du service de sécurité militaire ?

16 R. Contrairement à tous ces adjoints, l'adjoint pour la sécurité --

17 Q. Il y a un certain nombre d'éléments --

18 M. MORRISSEY : [interprétation] S'il vous plaît, n'interrompez pas.

19 M. RE : [interprétation] Le témoin va nous donner des explications pour

20 lesquelles il y avait déjà eu des éléments très importants. Je voudrais une

21 réponse très courte.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] J'aimerais donner au témoin la possibilité

23 de répondre.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Cela dépend si oui ou non, le témoin a

25 terminé sa réponse.

Page 137

1 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous. Demandons-

2 lui.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-on demander au témoin s'il avait

4 terminé sa réponse ou non ?

5 M. RE : [interprétation]

6 Q. Il semblerait que vous n'aviez pas tout à fait fini de répondre à votre

7 question. On apprécierait si vous vouliez donner une courte réponse à la

8 question que je vous ai posée.

9 R. Si on voit tous les adjoints qui sont sous les ordres du commandant du

10 corps, bien, l'adjoint pour la sécurité avait une position spéciale du fait

11 de la nature de son travail. Quand je dis "spécial," ce que je veux dire

12 c'est quelque chose de très particulier, une question particulière. Tous

13 les adjoints, par exemple, à l'intérieur d'un commandement de corps, bien,

14 d'une manière ou d'une autre, étaient sous la responsabilité à leur

15 supérieur hiérarchique à un niveau de commandement supérieur, mais

16 seulement pour ce qui concernent des questions professionnelles. L'adjoint

17 pour la sécurité, quant à lui, et je parle d'une institution sur le niveau

18 personnel en tant professionnel, je n'ai jamais approuvé. C'est en tout cas

19 comme cela que cela fonctionnait au niveau du service de la sécurité.

20 L'adjoint n'informait que le commandant du corps lorsqu'il pensait

21 que cela était nécessaire. Il n'avait aucun devoir explicite ou

22 d'obligation explicite de les informer quant à tout. Néanmoins, il faisait

23 passer toutes les informations qu'il avait à sa disposition à son propre

24 supérieur hiérarchique à l'intérieur du service de Sécurité. Celui-ci nous

25 les remettait à son tour. En quelque sorte, en plus de la chaîne

Page 138

1 hiérarchique et officielle à l'intérieur de l'ABiH, cela se passait de

2 cette manière-là. C'était quelque chose de propre au service de Sécurité.

3 Il y avait une sorte de système parallèle en plus de la chaîne de

4 commandement officielle.

5 Q. Avez-vous pu donner des directions ou des instructions à votre adjoint

6 de la sécurité ?

7 R. Oui.

8 Q. Devait-il y obéir, s'exécuter ?

9 R. Oui, il devait, et c'était la plupart du temps le cas, mais ce n'était

10 pas toujours le cas.

11 Q. Dans quelles circonstances vos ordres n'ont pas été suivis par celui-

12 ci ?

13 R. C'est difficile pour moi de le dire précisément. En tant que commandant

14 du 1er Corps, je me suis retrouvé dans toute une série de situation. Je

15 n'étais pas en position de savoir exactement ce que faisait mon adjoint à

16 la sécurité, quelle tâche il effectuait à un moment donné. Ce n'est que

17 plus tard, une fois que tout ait été terminé que j'étais mis au courant.

18 Q. Pour en revenir à la structure. Est-ce qu'il y avait une police

19 militaire qui était rattachée au commandement du corps plutôt qu'au niveau

20 de la brigade ?

21 R. Oui.

22 Q. Sous quels ordres se trouvait ce bataillon ? Quelle était sa

23 composition ?

24 R. Le bataillon de police militaire était de la même catégorie de

25 n'importe quelle unité qui était rattachée à l'état-major. Chaque corps

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1 comprenait plusieurs unités rattachées à l'état-major de quatre ou cinq

2 types différents. Le bataillon de police militaire était un parmi ces

3 unités qui étaient rattachées à l'état-major.

4 Normalement, un bataillon de police militaire comprendrait, mais il

5 faut tenir compte du fait que le nombre d'hommes n'étaient pas toujours les

6 mêmes, mais en général, il s'agissait d'entre 300 et 400 hommes, parfois un

7 peu plus, parfois un peu moins. Cela pouvait changer dans le temps.

8 Quand je dis "les unités rattachées à l'état-major," je le dis au

9 sens formel. Il s'agissait d'unités qui étaient sous les ordres du

10 commandement du corps, mais devaient également faire rapport au chef

11 d'état-major, à ses chefs pour les différentes branches, et les armes et

12 les services. Surtout lorsqu'il s'agit du bataillon de police militaire,

13 une unité qui devait mener des tâches, des instructions qui leur sont

14 données par le chef adjoint pour la sécurité, c'est eux qui connaissent le

15 terrain, la situation, et qui sont dans une position pour donner des

16 instructions justifiées quant à ce que devrait faire le bataillon de police

17 militaire.

18 Q. Vous avez dit qu'il devait faire rapport au chef d'état-major, est-ce

19 que vous parliez du chef d'état-major du corps ?

20 R. Dans le cas de beaucoup d'autres unités qui étaient rattachées à

21 l'état-major, oui, il s'agissait du chef d'état-major du corps. Pour le

22 bataillon de police, le commandant devait à la fois répondre vis-à-vis du

23 chef de sécurité et du commandant du corps.

24 Q. Etiez-vous en mesure de donner des ordres ou des directions vis-à-vis

25 de la police militaire directement ou deviez-vous passer par le chef de la

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1 sécurité ?

2 R. Oui, ce n'était pas quelque chose qu'on faisait en pratique. La raison

3 est qu'il n'était pas du tout clair quant à ce qu'étaient les compétences

4 d'un chef de corps pour donner des ordres clairs et efficaces vis-à-vis

5 d'un bataillon de police militaire pour mener telles ou telles enquêtes ou

6 faire une enquête sur place où d'autres tâches. Le commandant du corps le

7 faisait à travers son chef de sécurité.

8 Q. Est-ce que votre chef de sécurité s'appelait M. Sacir Arnautovic ?

9 R. Pendant un certain temps, oui.

10 Q. Quand vous dites que lorsque le commandant du corps le faisait à

11 travers son propre chef de sécurité, pouvez-vous nous expliquer ce que vous

12 voulez dire ? Voulez-vous dire que vous donniez des instructions ou vous

13 demandiez à votre chef de sécurité de la faire ou est-ce qu'il y avait une

14 autre procédure impliquée ?

15 R. C'est exactement cela. Je donnais des ordres à mon chef de sécurité

16 pour qu'il fasse ceci ou cela. Ensuite, il utilisait ses propres officiers

17 de son propre service pour effectuer ces tâches et pour exécuter toutes les

18 autres tâches. Il avait toujours à sa disposition le bataillon de la police

19 militaire.

20 Q. Qui était le chef de l'état-major du 1er Corps en 1993 ?

21 R. Au début, il me semble, mais je ne suis pas tout à fait certain pendant

22 combien de temps cela a duré, c'était Asim Dzambasovic, et ensuite, Alija

23 Ismet qui a été succédé par Nedzad Ajnadzic. Donc, je parle de 1993, trois

24 chefs différents.

25 Q. Passons maintenant aux brigades. Combien de brigades étaient

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1 subordonnées au commandement du 1er Corps en 1993 ? D'abord combien, et

2 ensuite donnez-moi les noms, s'il vous plaît. C'est tout ce que je voudrais

3 que vous nous donniez.

4 R. Nous parlons d'unités, peu importe le niveau, peu importe qu'il

5 s'agisse d'une brigade ou d'un bataillon. Tout au long de l'année 1993, le

6 1er Corps de l'ABiH, bien que cela ait changé avec le temps, comprenait une

7 trentaine d'unités sous ses ordres, y compris celles qui se trouvaient à

8 l'intérieur de Sarajevo, de même que celles qui étaient en dehors de

9 Sarajevo.

10 Si je tiens compte, et selon le moment exact, je pense qu'il y a eu

11 des opérations dans la partie est de Gorazde qui ont été détachées. Jusqu'à

12 ce moment-là, il y avait eu une trentaine de brigades seulement qui étaient

13 sous les ordres du corps, à cause des difficultés pratiques de continuer de

14 la sorte, car d'après toutes les doctrines, si vous regardez toutes les

15 forces militaires partout dans le monde --

16 Q. Je suis désolé de vous interrompre mais nous devons vraiment nous

17 concentrer sur le contenu. Je ne veux connaître que le nombre et les noms

18 au niveau des brigades. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, combien de

19 brigades étaient subordonnées à votre commandement plutôt que les unités en

20 1993. On va dire au printemps ou à l'été.

21 R. Il faudrait que je les compte, puis, je pourrais vous donner le

22 chiffre, mais je dirais plus de 20. Il s'agit de brigades maintenant. Je

23 pourrais vous les énumérer si vous le voulez. La 1re Brigade mécanisée, la

24 2e Brigade motorisée, la 1re Brigade de Montagne, la 2e, la 3e, la 7e et la

25 10e Brigade de Montagne, et la 3e et la 7e ont été fusionnées pour former la

Page 142

1 9e, la Brigade motorisée 101, 104 et 105 la Brigade de Montagne à

2 l'extérieur de Sarajevo, la Brigade Delta et la 2e Brigade indépendante.

3 Q. Quant à ces brigades, quels étaient les effectifs moyens de ces

4 brigades ou est-ce qu'elles changeaient ?

5 R. Les bataillons comprenaient entre 300 et 500 soldats, alors que les

6 brigades montagnardes comprenaient environ 2 000 soldats. Les brigades

7 mécanisées, motorisées avaient en moyenne, entre 3 000 et 4 000 soldats.

8 Q. Est-ce que chacune de ces brigades avait leur propre zone de

9 responsabilités, au plan géographique j'entends, dans la zone, celle du 1er

10 Corps ?

11 R. La réponse est oui par rapport à la plupart de ces brigades, mais pas

12 toutes d'entre elles.

13 Q. La Brigade Delta, avait-elle une zone de responsabilité définie au plan

14 géographique ?

15 R. Non.

16 Q. Quel était son rôle ?

17 R. Peut-être qu'à un moment, cela a été le cas, mais pendant un court

18 laps de temps.

19 Q. Quel était son rôle, quel rôle jouait-elle au sein du corps ?

20 R. Au cours du printemps et de l'été, mais je ne me souviens pas de la

21 date exacte, cela a été fusionné avec le 1er Corps. Jusqu'à cette date là,

22 c'était une brigade mobile qui a continué à exercer ce rôle mais au sein du

23 1er Corps.

24 Q. Qu'en est-il du 2e Bataillon indépendant, avait-il sa propre zone de

25 responsabilité ?

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1 R. De façon générale, non. Peut-être qu'à un moment donné, mais tout au

2 long de la guerre, non.

3 Q. Mais quel était le rôle qu'il jouait au sein du corps ?

4 R. C'était également une unité mobile, une unité de réserve, une unité

5 d'intervention.

6 Q. Qu'est-ce que cela signifie ? Quel était son rôle, que faisait-elle ?

7 R. Cela signifie que ces unités n'étaient pas des unités de combats, elles

8 s'entraînaient sans cesse, étaient toujours disposées à intervenir et

9 préparées tout le long de la ligne de défense ou quel que soit l'endroit où

10 était la ligne de défense, si l'ennemi attaquait, ce qui était souvent le

11 cas. Ces unités étaient utilisées, en même temps que d'autres unités,

12 autres unités de brigades, car c'étaient les unités les mieux préparées et

13 qui pouvaient le mieux répondre à ces types de situations.

14 Q. La 2e Brigade -- pardonnez-moi, le 2e Bataillon indépendant était

15 commandé par Adnan Solakovic, n'est-ce pas ?

16 R. Solakovic, oui.

17 Q. Où ce bataillon était-il basé ?

18 R. Ce bataillon découlait de la Juka Prazina brigade. C'est comme cela que

19 ceci a été créé. Cela datait de 1992, 1991-1992, qui, à un moment donné, je

20 crois, était dépendant du commandement Suprême et devrait rendre des

21 comptes au commandement Suprême directement. Ensuite, a été rattaché à

22 l'état-major de la Défense territoriale ou plutôt à l'ABiH. Lorsque Juka

23 Prazina a quitté Sarajevo, la brigade s'est décomposée et une nouvelle

24 brigade a été créée parce qu'il y avait un manque d'hommes. Ensuite, il y a

25 eu le bataillon indépendant. Ce bataillon a été basé à différents endroits

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1 de Sarajevo. Le quartier général, à proprement parler, était --

2 Q. Oui, c'est ce qui m'intéresse. Où était-il basé ?

3 R. Dans l'enceinte de la faculté de médecine de Sarajevo. Je peux vous

4 montrer sur une carte, mais je ne suis pas tout à fait sûr du nom.

5 Q. Qu'en est-il des 9e et 10e Brigades ? La 9e Brigade avait-elle sa propre

6 zone de responsabilité au plan géographique ? J'entends, bien sûr, la 9e

7 Brigade motorisée.

8 R. La 9e Brigade motorisée a été créée suite à la fusion de la 3e et 7e

9 Brigade de Montagne. Le commandant de la 3e Brigade de Montagne avait été

10 Ramiz Delic, Celo, et le commandant de la 7e --

11 Q. Je vais y venir. Mais je vous demande pour l'instant s'ils avaient une

12 zone de responsabilité au plan géographique et quelle était-elle ?

13 R. La plus grande partie de la région sud de la municipalité de Stari Grad

14 est le centre, le centre était Grdonj. Cela se trouvait au centre de leur

15 zone de responsabilité.

16 Q. Où était le QG de -- où était basée la 9e Brigade de Montagne ?

17 R. La 9e Brigade motorisée, ou plutôt son commandement, était basé dans un

18 bâtiment qui se trouvait près du poste de police, poste de police civile.

19 Je ne sais plus à qui appartenait les locaux.

20 Q. Qu'en est-il de la 10e Brigade ? La 10e Brigade, avait-elle sa propre

21 zone de responsabilité, au plan géographique, dans la région de Sarajevo ?

22 R. Oui. De même, elle avait sa propre zone de responsabilité pendant toute

23 la durée de la guerre, comme la 9e Brigade. Sa zone de responsabilité se

24 trouvait derrière celle de la 9e Brigade en réalité. La frontière entre les

25 deux était le fleuve Miljacka. Sa zone de responsabilité s'étendait sur les

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1 collines du mont Trebevic, le secteur nord autrement dit, ou le secteur

2 nord-ouest de la ville de Sarajevo, la région connue sous le nom de Centar

3 ou municipalité centrale.

4 Q. Ces deux brigades avaient des frontières, ou étaient limitrophes de la

5 ligne de front des positions serbes, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Il y a quelques instants, je vous ai demandé de marquer une pause

8 lorsque j'ai parlé de la création de la 9e Brigade. Je souhaite que l'on

9 reparte un petit peu en arrière. Vous avez évoqué le nom de Ramiz Delalic,

10 Celo, qui était le commandant de la 3e Brigade avant qu'elle ne fusionne

11 avec la 7e Brigade de Montagne pour devenir la 9e Brigade motorisée. Ce qui

12 m'intéresse maintenant ce sont les activités de Celo lorsqu'il était

13 commandant de la 3e Brigade de Montagne, et comment s'est passé la fusion

14 ou le regroupement de ces deux brigades.

15 R. Ramiz Delalic, Celo, comme je vous l'ai dit, en 1992 et jusqu'au début

16 de l'année 1993, mais je ne peux pas vous donner des dates exactes, était

17 le commandant de la 3e Brigade de Montagne. En résumé, c'était un excellent

18 soldat. C'était un homme d'expérience. C'est un homme qui était très aimé

19 de ses hommes, et ses hommes le suivaient. Mais plus tard, vers la fin de

20 l'année 1992, les gens se plaignaient souvent, et ces plaintes étaient

21 envoyées au commandant du commandement du corps, et portaient sur le

22 commandant de la 3e Brigade de Montagne. Ceci avait trait, pour la plupart,

23 à un manque de cohérence, parce que les ordres du commandement du corps

24 n'étaient pas suivis régulièrement.

25 Q. Qu'étaient-ils --

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1 R. Ecoutez, il n'y avait pas de faits à l'appui. Néanmoins, à la lumière

2 des autres incidents relatifs à ce corps, je crois qu'en somme, il y a

3 avait deux raisons pour que cette brigade motorisée soit ainsi créée. La

4 première est qu'il était important de regrouper ces unités, de faire en

5 sorte que cela soit plus aisé pour le commandant du corps d'assurer

6 l'exercice du commandement. Il y avait trop de différents systèmes de

7 communication venant au commandant du corps, et ceci permettait, par

8 conséquent, de limiter les interférences et faire en sorte que le contact

9 soit plus direct.

10 L'autre raison était sans doute qu'il était important d'écarter Ramiz

11 Delalic, Celo, qui était, à ce moment-là, le numéro un et dirigeant de la

12 brigade. C'est la raison pour laquelle on lui a attribué un autre poste au

13 sein de la 9e Brigade motorisée comme commandant adjoint.

14 Q. Comment avez-vous utilisé le terme "rukovedjenje" dans votre dernière

15 réponse, qui a été traduit par le terme exercice du commandement, "command

16 and control." Vous avez expliqué qu'il était plus aisé pour le commandant

17 du corps d'exercer l'exercice du commandement. Quel était ce manque de

18 cohérence au respect des ordres émanant du commandement du corps auquel

19 vous avez fait allusion il y a quelques instants ? J'entends par là, que

20 faisait-il ou que ne faisait-il pas ?

21 R. Lorsqu'il s'agissait de différentes questions relatives à l'exercice du

22 commandement à mettre en œuvre par le 1er Corps, lorsque les membres du

23 corps rentraient de la 3e Brigade de Montagne, ils se plaignaient souvent

24 du fait qu'il mettait en doute les membres de ce commandement du corps, et

25 n'était pas sûr de vouloir exécuter les tâches qu'on leur avait demandées,

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1 ou que la 3e Brigade motorisée leur avait demandé de faire. Cela, c'était

2 une chose.

3 Deuxièmement, pour ce qui est des renseignements collectés par les services

4 de sécurité, il semblerait que c'était Ramiz Delalic, Celo - je ne sais pas

5 si ceci a jamais été établi comme fait, ni devant un Tribunal - en réalité,

6 il obligeait des uns à faire certaines choses pour pouvoir faire des

7 donations à la brigade, et des choses de ce genre.

8 Q. Qui a pris la décision de regrouper ces deux brigades ?

9 R. Le commandement Suprême, la présidence de Bosnie-Herzégovine, est

10 l'organe compétent chargé de la création des brigades, de la dissolution de

11 ces brigades, et pour la nomination des commandants de brigades.

12 Q. Cette décision, avait-elle été prise lorsque Sefer Halilovic était au

13 poste de commandant suprême ou lorsque Rasim Delic l'était ?

14 R. Je crois que c'était lorsque général Sefer Halilovic était le numéro un

15 dans l'ABiH.

16 Q. Je remarque que mon éminent confère allait dire quelque chose puisque

17 j'ai, par inadvertance, appelé Halilovic le "commandant suprême". Je retire

18 ceci. Ce n'est pas le commandement Suprême. Il était numéro un dans

19 l'armée, c'est tout. J'ai fait un usage un peu libéral de ce terme.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

21 M. RE : [interprétation]

22 Q. Ramiz Delalic, comment a-t-il pris la décision de l'écarter, d'écarter

23 le commandant de la brigade pour le nommer commandant adjoint d'une autre

24 brigade ? Comment a-t-il réagi à cela ?

25 R. Je crois que j'ai moi-même pris part à la réorganisation de cette

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1 brigade. Pour l'essentiel, nous avons débattu de ceci. On a indiqué à Ramiz

2 que l'on appréciait beaucoup ses qualités personnelles, son courage et son

3 aptitude au combat. On le respectait pour tout ceci. Néanmoins, cette

4 brigade motorisée comprenait quelques 3 000 à 4 000 hommes, et il y avait

5 déjà un professionnel qui assurait le commandement d'une telle brigade.

6 Nous avons nommé à ce poste Sulejman Imsirovic, un officier et ancien

7 colonel de la JNA. Après quelques conversations avec Ramiz Delalic - je ne

8 me souviens pas de combien d'entretiens de ce type il y a eus - il a

9 accepté le poste de commandement adjoint de cette brigade.

10 Q. Est-ce que Sulejman Imsirovic était efficace en tant que commandant

11 alors qu'en même temps, Ramiz Delalic était son adjoint ?

12 R. Généralement, il était le commandant de la brigade, mais quant à son

13 efficacité, difficile de dire. On peut dire, en quelque sorte, que lui et

14 Ramiz Delalic étaient deux personnes bien différentes, avec des natures

15 très différentes en ce qui concerne tous leurs traits de caractère.

16 Sulejman Imsirovic était une personne tout d'abord très sérieuse, cultivée,

17 qui voulait faire tout ce qu'il pouvait avec raison et en harmonie avec les

18 autres, alors que Ramiz Delalic était très différent comparativement. Dans

19 certaines situations, très souvent, Sulejman Imsirovic, en tant que

20 commandant de la brigade, en fait, se pliait aux demandes de Ramiz Delalic

21 et à ses désirs. Evidemment, ce n'était pas toujours le cas.

22 Q. Quelles étaient vos informations concernant les soldats de la 9e

23 Brigade et qui ils considéraient comme étant le vrai commandant de leur

24 brigade ?

25 R. Je dirais que beaucoup de membres de la brigade, je ne peux pas vous

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1 dire un pourcentage particulier des soldats, mais en tout cas, un nombre

2 considérable considérait que c'était Sulejman Imsirovic leur commandant.

3 Q. Et les autres --

4 R. Les autres, moins d'hommes, moins de soldats de la brigade,

5 probablement ceux qui restaient de l'ancienne 3e Brigade, la brigade de

6 Celo, eux, ils respectaient et appréciaient Ramiz Delalic. C'est mon

7 opinion en tout cas.

8 Q. Le commandant de la 9e Brigade était-il subordonné directement au

9 commandant de la brigade ?

10 R. Jusqu'aux divisions des groupes opérationnels, jusqu'à ce que les

11 divisions ne soient formées, oui. Mais après que les groupes opérationnels

12 soient formés en 1993, ce n'était plus le cas.

13 Q. C'était avant ou après l'opération Neretva ?

14 M. MORRISSEY : [interprétation] [hors micro]

15 M. RE : [interprétation] Je crois que je peux poser cette question, les

16 deux choses à la fois. Je pense que le témoin peut nous dire s'il

17 s'agissait d'avant ou après l'opération Neretva.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous n'avons pas entendu d'objection.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] L'objection, c'est qu'il faudrait regarder

20 les choses chacune à leur tour. Si on demande au témoin de savoir dans le

21 temps où se passe quelque chose, l'Accusation doit lui poser la question

22 une par une. Ce n'est pas la peine de relier deux questions. Cela pourrait

23 donner lieu à confusion.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense qu'il faut effectivement

25 clarifier la chose.

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1 M. RE : [interprétation]

2 Q. Vous avez déjà dit, il y a quelques instants, que vous n'étiez pas sûr

3 de la date exacte à laquelle les groupes opérationnels ont été formés.

4 J'essaie de vous orienter. Il y a des choses qui se sont passés en 1993 qui

5 peuvent vous aider à vous en souvenir. Tout d'abord, l'opération Neretva,

6 et ensuite, l'opération Trebevic. Tout d'abord, en ce qui concerne Neretva.

7 M. MORRISSEY : [interprétation] De quoi s'agit-il avant ou après

8 l'opération Neretva ?

9 M. RE : [interprétation] Cela parait très clairement dans le compte rendu

10 d'audience. C'est le moment où se sont formés les groupes opérationnels.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] En tout cas, c'est ce que j'ai compris.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'était après l'opération

13 Trebevic; à la fin de 1993, au début 1994.

14 M. RE : [interprétation]

15 Q. Quelle était la nature de la relation entre le commandement du 1er Corps

16 et la 9e Brigade motorisé en 1993, en ce qui concerne le contrôle et le

17 commandement ? Est-ce que les ordres émanaient du commandement du corps, et

18 comment réagissait la 9e Brigade motorisée ?

19 R. Tous les ordres donnés en 1993, dirigés vers la 9e Brigade motorisée,

20 provenant du commandement 1er Corps, étaient toujours donnés par le

21 commandant de la brigade. Je peux dire que tous ces ordres qui se

22 référaient à l'exécution d'activités de combat, en ce qui concerne la

23 défense des lignes de défense dans la zone de responsabilité, de même que

24 l'exécution de toute autre activité de combat ordonnée, tout ceci était

25 fait, pour la plupart, par la 9e Brigade motorisée. Il n'y avait pas de

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1 véritable problème, ou très grave, en ce qui concerne l'exécution des

2 tâches de base et des missions de base de la brigade. Il n'y a pas eu de

3 problème de ce type.

4 Q. A part ces tâches de base de combat, y avait-il d'autres domaines dans

5 lesquels il y a eu des problèmes ?

6 R. C'est une question tout à faite différente. Quand j'ai pris le poste de

7 commandant du corps, et après être revenu d'Igman à la ville de Sarajevo,

8 et avoir pris mes fonctions, il me semble que j'ai donné le premier ordre,

9 le 18 août 1993. Il s'agissait d'expulser, ou plutôt localiser l'une des

10 unités à l'extérieur de Sarajevo pour arrêter les lignes de défense et

11 tenir le périmètre extérieur de la ville de Sarajevo. J'ai procédé de la

12 sorte pour une raison. C'était parce que j'avais trop de soldats à

13 l'intérieur de la ville même, la ville de Sarajevo. Car il y avait une

14 concentration trop importante de la population dans la ville et il y avait

15 moins de soldats à l'extérieur, dans le périmètre extérieur de la ville de

16 Sarajevo. J'ai donné cet ordre à plusieurs brigades, y compris la 9e

17 Brigade motorisée, de sorte que ceux-ci prennent le contrôle des parties

18 compartimentalisées de la ligne de défense et qu'ils puissent partager la

19 tâche entre eux et faire les missions de combat pour lesquelles on leur

20 donnait des responsabilités.

21 A l'époque, le plus souvent, les unités de la 9e Brigade motorisée,

22 qu'il s'agisse de suivre des ordres donnés par le commandant de la brigade

23 ou pas, je ne sais pas le dire, Ramiz Delalic, Celo, était la plupart du

24 temps la personne qui était à la tête. Pendant le mois d'août 1993, c'était

25 précisément Ramiz Delalic, Celo, à Igman, qui a fait une contribution très

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1 importante et a empêché que Sarajevo ne tombe aux mains de l'agresseur.

2 Mais en même temps, étant donné un certain nombre d'actes un peu

3 arbitraires de sa part, il y a eu parallèlement un certain nombre de

4 problèmes qui ont surgi.

5 Q. Pouvez-vous nous dire de quel type de problèmes il s'agissait, ces

6 actes arbitraires ?

7 R. Ramiz Delalic, Celo, est quelqu'un qui a beaucoup de caractère et qui

8 ne supporte pas très bien une stricte subordination. Il est capable de

9 faire tout ce que vous lui demandez si vous lui demandez de manière polie.

10 C'est quelqu'un qui ne reste pas en place. Il a tendance à commettre des

11 actes arbitraires et qui ont pour effet de diminuer, disons, miner un petit

12 peu le système de contrôle et de commandement, et ceci peut donner lieux à

13 des problèmes.

14 Q. Quels étaient ces actes arbitraires ? Qu'est-ce qu'il a fait qui

15 constitue un acte arbitraire ?

16 R. C'est difficile de dire sans regarder les notes et les papiers. Par

17 exemple, si on lui disait, Faites ceci, faites cela, restez sur place 24

18 heures sur 24, il en serait incapable. Il serait obligé de partir quelque

19 part, faire quelque chose de personnel. Il laisserait les hommes sur place;

20 des choses de ce genre.

21 M. RE : [interprétation] Il est 4 heures, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Il est temps de nous arrêter pour

23 aujourd'hui.

24 Monsieur le Témoin, je suis désolé, vous allez devoir rester ici à La Haye

25 pendant quelques jours. Pendant toute cette période, il vous faut bien

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1 comprendre que vous êtes sous votre déclaration solennelle, et de ce fait,

2 ne devez parler à personne, ni permettre à qui que ce soit de vous parler

3 de votre déposition et de votre témoignage.

4 Nous allons reprendre demain à 9 heures dans cette même salle.

5 --- L'audience est levée à 16 heures 01 et reprendra le mardi 19 avril

6 2005, à 9 heures 00.

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