Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 17 mai 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mesdames et Messieurs, bonjour.

6 Monsieur le Greffier, veuillez appeler l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il

8 s'agit de l'affaire IT-01-48-T, l'Accusation contre Sefer Halilovic.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour. Je pense qu'avant

10 d'entendre le témoin, la Défense voudrait parler de quelque chose. Oui.

11 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. En fait, deux choses. Nous

12 avons ici une personne que je ne connais pas, qui se trouve là-bas

13 derrière. Il s'agit de quelqu'un qui est associé avec

14 M. Delalic. Il s'agit de M. Fahrija. Nous ne voyons pas pourquoi il est

15 ici. Nous voudrions que l'Accusation s'en justifie.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

17 Mme CHANA : [interprétation] L'Accusation a été devancée ici. Nous allions

18 présenter cette personne, Fahrija Kakin. J'avais demandé à vous, Messieurs

19 les Juges, l'autorisation de sa présence aujourd'hui, assis derrière

20 l'Accusation.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois, qu'effectivement, cette

22 demande a été accordée. C'est l'avocat de M. Ramiz Delalic.

23 M. Fahrija Kakin, est-ce que vous pourriez vous présenter, s'il vous

24 plaît, pour que cela soit consigné au compte rendu d'audience, s'il vous

25 plaît.

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1 M. FAHRIJA KAKIN : [interprétation] Je m'appelle Fahrija Kakin, et je suis

2 un avocat de Sarajevo.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Pardonnez-moi, je ne savais pas que mon

5 éminente consoeur de l'Accusation avait demandé autorisation, autorisation

6 particulière pour que cette personne soit présente dans le prétoire.

7 En revanche, la Défense a besoin de savoir pourquoi M. Fahrija Kakin

8 est ici aujourd'hui, quel rôle va-t-il jouer au cours de cette procédure et

9 pourquoi l'Accusation a-t-elle demandé à ce que cette personne puisse

10 assister à l'audience.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

12 Mme CHANA : [interprétation] M. Kakin a accompagné M. Ramiz Delalic. Ils

13 sont venus ensemble de Sarajevo. Il a demandé une autorisation

14 particulière, et M. Ramiz Delalic a demandé à être accompagné de son

15 avocat. Autorisation qui a été accordée. Il l'a accompagné jusqu'ici, et

16 c'est l'avocat de M. Ramiz Delalic. Il le représente dans un bon nombre de

17 domaines. Eu égard à la procédure en question, je ne pense pas qu'il

18 contribue pour beaucoup. M. Ramic Delalic va donc donner son témoignage, et

19 son avocat est présent simplement pour le cas où il parlerait de choses qui

20 auraient tendance à l'incriminer.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois que cela est une pratique

22 communément adoptée par ce Tribunal.

23 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, je dois dire qu'il

24 faudra voir comment ceci se déroulera parce qu'il pourrait aussi bien finir

25 à la barre des témoins. C'est une question, évidemment, qui doit être

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1 décidée par les Juges de cette Chambre et par ce Tribunal. Par rapport à ce

2 qui est dit ici, la Défense, en tout cas, c'est ainsi que je comprends les

3 choses, de toute façon, vous avez déjà rendu une décision à cet égard. Je

4 ne vais pas demander quelque chose ici, mais cela pourrait poser problème

5 par la suite au moment où les questions sont posées.

6 Le deuxième point que je souhaite invoquer, ce sont les notes de

7 récolement. Au cours de ce procès, les arguments ont été très clairs.

8 L'acte d'accusation était très clair ainsi que les mémoires rédigés ont été

9 très clairs à cet égard. Ce à quoi M. Halilovic est confronté aujourd'hui,

10 c'est la punition des crimes commis à Grabovica. On a effectivement indiqué

11 qu'il n'avait pas suffisamment agi. Lorsqu'il a appris ou eu connaissance

12 de ces crimes, il n'a pas réagi de façon appropriée. C'est, je crois, la

13 manière la plus succincte de le décrire ici. Maintenant, c'est l'avant-

14 dernier témoin que nous allons entendre. Il semblerait que Monsieur -- ou

15 cela dépendra de l'expert évidemment, Messieurs les Juges, il semble que M.

16 Halilovic ait fait partie d'une conspiration aux fins d'assassiner Rasim

17 Delic. Un projet avait été élaboré à cet égard. Maintenant, par

18 l'intermédiaire de ce témoin, on dit qu'il y avait un plan qui visait à

19 tuer Delic. Ce que se proposait de faire ce témoin, est que l'opération

20 Neretva semblait faire partie d'une étape de cette campagne lancée par M.

21 Halilovic. C'est cela. En tout cas, c'est ce qui est indiqué par ces notes

22 de récolement puisqu'il était le chef de l'armée.

23 Ces allégations ne font pas partie du tout de l'acte d'accusation qui a été

24 rédigé, et ceci met la Défense dans une position très difficile. Nous

25 n'avons pas encore traité de cette allégation avec les témoins qui sont

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1 venus à la barre jusqu'ici. Si nous savions, si nous avions su à l'avance

2 qu'il nous fallait répondre à cette allégation qu'il y avait un plan, un

3 projet de tuer qui était l'allégation indiquée ici, un plan qui visait à

4 tuer Rasim Delic, et si nous retournons maintenant à la question de M.

5 Halilovic qui était le chef de l'armée, alors il y a un certain nombre de

6 questions que nous aurions pu poser au témoin sur ce sujet précédemment.

7 Nous indiquons ici, qu'il n'y a aucune raison à ce stade de la procédure,

8 et qu'il s'agit ici d'arguments tout à fait particuliers, cela place la

9 Défense dans une position tout à fait particulière puisque nous n'avons pas

10 pu traiter de ces questions. Ce que je voulais dire par avance, avant de

11 procéder au contre-interrogatoire de ce témoin-ci, nous n'allons pas

12 demander de retarder la procédure ou tout autre délai complémentaire; nous

13 allons simplement poser des questions à ce témoin. Nous avons laissé passer

14 des témoins qui auraient pu faire des commentaires sur cette question-là si

15 la question avait été posée précédemment. Cela démontre simplement que

16 quelles que soient les parties du témoignage des témoins qui sont pris en

17 compte, l'Accusation se repose sur quels éléments ? Ceci a été précisé au

18 cours d'une conférence récemment, que M. Delalic était le commandant de ces

19 troupes. Malgré le fait qu'il l'ait nié, Ramiz Delalic a demandé que ces

20 corps soient enterrés. L'Accusation -- c'est quelque chose qu'avance

21 l'Accusation.

22 Maintenant, la Défense se trouve dans cette position-ci. Nous ne savons pas

23 quelle partie du témoignage de cet homme -- l'Accusation souhaite que nous

24 croyions quelles sont les parties auxquelles nous ne devons pas croire. Si

25 vous voulez, c'est un procès qui procède comme une embuscade, et cela met

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1 la Défense dans une position très difficile. Quelles sont les allégations

2 auxquelles dont il est question ici ? Est-ce que nous attaquons ce thème

3 sur les différents documents que l'Accusation ne souhaite pas prouver ?

4 Est-ce que l'Accusation est préparée à poser des questions à un témoin, et

5 ils ne savent pas si ce qu'ils avancent n'est pas vrai ?

6 Messieurs les Juges, la raison pour laquelle nous soulevons cette question

7 maintenant, c'est que la dernière fois, ce témoin va donner -- c'est que ce

8 témoin va procéder à son témoignage. Nous demandons à l'Accusation de nous

9 dire, s'ils sont en mesure de le faire, quelle partie du témoignage de ce

10 témoin l'Accusation avance ou va évoquer en disant qu'il croit cet élément

11 de son témoignage, et sur quelle partie ils vont se reposer pour dire que

12 le témoin est en train de mentir, puisque l'Accusation a indiqué -- parce

13 que c'est -- en tout cas, ce qui est indiqué dans l'acte d'accusation et

14 les documents préalables au procès. L'Accusation doit indiquer clairement

15 quelle partie de ce témoignage repose sur des éléments véridiques et

16 d'autres non, puisque -- et quelles sont les parties où le témoin est en

17 train de mentir.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très honnêtement, c'est la première fois

19 que j'entends une conspiration aux fins d'assassiner

20 M. Delic -- à laquelle aurait participé M. Delic ou organisé par

21 M. Halilovic. Je crois, qu'à ce stade, il nous absolument avoir une

22 explication de la part de l'Accusation.

23 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Ceci est apparu au

24 cours des notes de récolement lorsque nous avons préparé le témoin. J'ai

25 tout inscrit, tout ce qui était nouveau puisque je suis dans l'obligation

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1 de le faire. C'est tout ce que le témoin m'avait dit au cours de la séance

2 de récolement. Pour ce qui est de ce sujet-ci, ceci est survenu au moment

3 où nous avons évoqué ces rapports avec l'Accusation dans cette affaire,

4 rapports assez étroits. Les arguments n'ont aucunement changé, l'acte

5 d'accusation n'a pas changé non plus. Ceci porte sur des termes qui font la

6 clarté sur le type de rapport qu'avait le témoin avec M. Halilovic. C'est

7 ce qu'a dit le témoin. Donc, je l'ai écrit et je l'ai remis à la Défense.

8 Monsieur le Président, ce n'est pas à la Défense de nous poser, avant

9 l'audition du témoin, quelle partie de son témoignage sont les parties sur

10 lesquelles nous nous reposons. Il n'a pas encore témoigné. Il s'agit là de

11 notes de récolement simplement. Une fois que M. Delalic aura donné son

12 témoignage, à ce moment-là, la Défense pourra nous demander au moment de

13 l'Article 98 bis, à ce stade-là de la procédure ou des mémoires aux fins de

14 présentations des moyens, à ce moment-là, ils pourront nous poser la

15 question quelles sont les parties de son témoignage sur lesquelles nous

16 nous reposons. Nous n'avons pas changé les arguments. Nous n'avons pas

17 accusé

18 M. Halilovic de conspiration et de meurtre. Il s'agit simplement des liens

19 entre l'accusé et le témoin eu égard à l'opération Neretva. Comment cette

20 opération a-t-elle été préparée ? Il s'agit là de questions très

21 importantes par rapport à l'affaire qui nous concerne ici aujourd'hui.

22 Lorsque le témoin viendra témoigner, je crois que cela sera très clair,

23 puisque ceci sera placé dans le contexte, et le passage de -- et la partie

24 de son témoignage apparaîtra très clairement. Très honnêtement,

25 l'Accusation estime qu'il s'agit là de devancer ou que la Défense devance

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1 un peu les choses. D'une manière ou d'une autre, nous aurions tort ou vous

2 auriez eu raison. Si je n'avais pas tout inscrit au cours de la séance de

3 récolement, à ce moment-là, je n'aurais pas répondu à mes obligations

4 puisque je devais tout indiquer et tout inscrire.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien sûr, Madame Chana, vous allez de

6 toute façon poser des questions à ce témoin, qui doivent porter sur l'acte

7 d'accusation et qui doivent relever de l'acte d'accusation ici. Nous allons

8 parler de la question suivante à savoir, si M. Halilovic est responsable

9 des incidents de Grabovica et Uzdol, massacre plutôt que de toute autre

10 question.

11 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. L'Accusation dans

12 ses arguments, a toujours dit que c'est lui qui a fait venir ces troupes en

13 Herzégovine. Ce témoin est en train de nous fournir une autre explication,

14 c'est la raison pour laquelle ses troupes sont venues en Herzégovine. Cela

15 fait partie de la thèse de l'Accusation. C'est quelque chose qui a été

16 déclaré dans le mémoire préalable au procès, ainsi qu'au cours de nos

17 déclarations liminaires, à savoir que ceci a été clairement,

18 particulièrement choisi par M. Halilovic. La Défense, dans son mémoire

19 préalable au procès, a réfuté cela et a dit que ce n'était pas M. Halilovic

20 qui avait fait venir ces troupes. Donc, il s'agit là de l'essentiel de la

21 thèse de l'Accusation. Je m'en tiendrais à ces questions-là lors de

22 l'interrogatoire principal.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup, nous aimerons remercier

24 la Défense pour nous avoir rappelé cette question. Nous allons entendre le

25 témoignage de ce témoin, et pour ce qui est du poids à accorder à son

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1 témoignage, cela relève d'une décision de la Chambre qui sera prise plus

2 tard.

3 Cela étant dit, est-ce que vous pouvez faire entrer le témoin

4 maintenant, s'il vous plaît.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je ne

7 vous entends pas.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends fort bien.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

10 Veuillez lire la déclaration solennelle que vous trouvez sur le texte que

11 Mme l'Huissière est en train de vous remettre.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: AMIZ DELALIC [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie, veuillez vous asseoir.

17 Avant de commencer, je crois qu'il est de mon devoir de vous rappeler de

18 l'Article 90(E) qui précise : "Qu'un témoin peut soulever une objection, il

19 peut s'opposer à faire une déclaration qui pourrait l'incriminer. La

20 Chambre de première instance néanmoins pourra obliger le témoin à répondre

21 à la question, et un témoignage de la sorte, ne sera pas utilisé par la

22 suite comme éléments de preuve contre le témoin. Pour toute autre -- hormis

23 le cas de poursuite pour faux témoignage."

24 Est-ce que vous comprenez cela ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends fort bien.

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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Etes-vous disposé à

2 commencer votre témoignage ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana ?

5 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

6 Interrogatoire principal par Mme Chana :

7 Q. [interprétation] Pourriez-vous nous donner votre nom, ainsi que votre

8 date de naissance, s'il vous plaît.

9 R. Je suis né le 15 février 1963. Je m'appelle Ramiz Delalic.

10 Q. Avez-vous un surnom ?

11 R. Oui, j'ai un surnom. Depuis mon enfance on m'appelle Celo.

12 Q. Où êtes-vous né, Monsieur Delalic ?

13 R. Je suis né dans la République de Serbie à Priboj.

14 Q. À aucun moment, êtes-vous allé habiter à Sarajevo ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous souvenez-vous en quelle année ?

17 R. En 1985 ou 1986.

18 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, ai-je l'autorisation de

19 poser des questions à ce témoin, à propos de son passé criminel ?

20 Q. Monsieur Delalic, avant la guerre, avez-vous été accusé de vol ? Avez-

21 vous été acquitté en 1989 ?

22 R. Oui.

23 Q. En 1990, des charges ont été portées contre vous. Des charges de

24 meurtre, un double meurtre. Vous avez été acquitté également; est-ce

25 exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. En octobre 1993, on vous a accusé de différentes infractions. Un acte

3 d'accusation a été rédigé contre vous, dans lequel on parlait du fait que

4 vous avez utilisé des armes dans des lieux publics, et vous avez mis en

5 danger la vie de certains civils, des actes d'extorsion d'argent, et

6 cetera. Vous étiez --

7 R. Oui.

8 Q. -- vous avez été acquitté pour tous ces chefs d'accusation, à

9 l'exception du chef portant sur le refus de répondre à un ordre ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez été condamné à trois ans ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous y avez été placé en détention pendant sept mois et demie ?

14 R. Oui.

15 Q. Un pardon vous a été accordé, c'était une décision politique ?

16 R. Oui.

17 Q. -- pour de tels actes.

18 R. Oui.

19 Q. Pardonnez-moi, je n'ai plus suivi l'ordre chronologique. En l'an 2000,

20 vous avez été accusé d'avoir attaqué un membre -- fonctionnaires, et vous

21 avez été condamné à six mois de prison. Peine que vous avez purgée ?

22 R. Oui.

23 Q. En 2004, vous avez été accusé de comportement violent en public, et

24 vous avez été condamné à six mois de prison. Vous avez terminé votre peine

25 de prison, et vous avez été relâché le 28 février 2005 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous avez actuellement -- vous êtes accusé de meurtre ?

3 R. Oui.

4 Q. Commis en 1991, et vous êtes libéré sous caution ?

5 R. Oui.

6 Q. Quelles sont les conditions de votre libération sous caution ?

7 R. Ma libération sous caution est une question d'argent. Cela représente

8 quelque 360 000 marks convertibles, ce sont des marks bosniens. Je n'ai pas

9 l'autorisation d'avoir un passeport et je suis mis en liberté provisoire,

10 et je suis en train de préparer ma défense. J'ai été tenu pour responsable

11 déjà en 1996 par le juge d'instruction, et le procureur a laissé tomber ou

12 a abandonné les autres chefs d'accusation. L'Accusation a été de nouveau

13 entendue en 2001 et 2002.

14 Q. Vous avez reçu une permission spéciale pour venir à La Haye, pour venir

15 témoigner aujourd'hui. Votre passeport vous a été délivré à cette fin

16 uniquement, est-ce exact ?

17 R. Oui, c'est exact.

18 Q. Merci, Monsieur Delalic. Puis-je vous demander quelques questions à

19 propos de la JNA.

20 Avez-vous jamais fait votre service militaire au sein de la JNA -

21 pardonnez-moi - au sein de la JNA ?

22 R. Oui. J'ai fait mon service militaire à Tuzla en 1983.

23 Q. Avez-vous terminé votre service militaire ?

24 R. Oui, j'étais dans l'infanterie, et l'entraînement a duré six mois.

25 Après mon entraînement, un mois et demie après environ, on m'a retiré

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1 l'appendice. J'ai eu une intervention chirurgicale et j'ai été pendant

2 quatre ans -- je n'ai pas fait partie de l'armée.

3 Q. Etes-vous jamais retourné dans les rangs de la JNA ?

4 R. Après une période de quatre ans, j'ai de nouveau pratiqué des analyses

5 et une commission militaire m'a simplement relâché, et je n'ai pas terminé

6 mon service militaire.

7 Q. Parlons maintenant de la période qui a précédé la guerre, avant votre

8 entraînement au sein de l'armée bosniaque.

9 Quel rôle avez-vous joué dans la défense de Sarajevo ?

10 R. Au début de la guerre, et en réalité dans les premiers mois de la

11 guerre, le Bérets verts existaient déjà, et je faisais partie de ce groupe.

12 Lorsque la guerre a éclaté, vers le 6 avril en 1992, je faisais partie de

13 l'unité des Bosniens, des Bérets verts, et j'étais le commandant adjoint de

14 ce groupe d'une trentaine d'hommes. J'étais "komandir", ou le commandant

15 adjoint. Quelque soit le terme que vous utilisez.

16 Le commandant était Sakib Puskar. Ceci a duré quelques mois et ensuite j'ai

17 dirigé la police militaire dans la municipalité de Stari Grad. C'est une

18 municipalité de Sarajevo. Après quelques mois, ce poste, par décision de la

19 présidence du commandement Suprême, je suis devenu le commandant de la 3e

20 Brigade de Montagne.

21 Q. Pourriez-vous nous dire quel rôle vous avez joué en tant que commandant

22 adjoint de cette 31e Unité Bosna ?

23 R. La plupart des unités de Sarajevo étaient des petites unités qui

24 comprenaient quelques 30 à 40 hommes, et notre rôle consistait à défendre

25 Sarajevo.

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1 Q. A quel moment ces lignes de front sont-elles apparues à Sarajevo ?

2 R. Au début de la guerre -- mais il s'agissait là de lignes qui n'étaient

3 pas des lignes à proprement parler. Ce n'est qu'après le début la guerre

4 que ces lignes ont été fortifiées.

5 Q. A quel moment a été lancée la première attaque contre Sarajevo ?

6 R. Le 6 avril.

7 Q. Quel était votre rôle à l'intérieur de tout ceci ? Aviez-vous un rôle

8 défensif, offensif ? Etiez-vous sensés attaquer ?

9 R. Nous étions là pour assurer la défense. Nous n'avions rien à attaquer,

10 ce n'était pas -- nous n'étions pas là en position offensive, nous n'étions

11 pas équipés pour cela.

12 Q. Vous dites avoir travaillé pour la police militaire pendant quelque

13 temps. A quel moment, s'il vous plaît ?

14 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je sais que j'ai été

15 muté, et cela a eu lieu au mois de juin ou juillet 92, et j'y suis resté

16 pendant deux mois simplement, un court laps de temps.

17 Q. Vous dites avoir été nommé commandant de la 3e Brigade de montagne.

18 Combien de temps avez-vous été à ce poste ?

19 R. Pendant quelques mois également, étant donné que le commandement

20 Suprême, et le commandement du corps souhaitait élargir les unités. Donc,

21 le commandement Suprême a ordonné que les deux brigades, la 3e Brigade et

22 une autre brigade, soient regroupées au sein de la 9e Brigade motorisée.

23 Q. Savez-vous quand la 9e Brigade motorisée a été créée et quand la 3e

24 Brigade de Montagne et la 7e Brigade de Montagne ont été regroupées ?

25 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je crois que cela a eu

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1 lieu au début de l'année 1993, ou à la fin de l'année 1992, mais je crois

2 que c'était au début de l'année 1993.

3 Q. Combien d'hommes y avait-il dans cette brigade, dans cette seule et

4 même brigade ?

5 R. La 9e Brigade de Montagne avait environ 5 000 hommes.

6 Q. Vous dites être devenu le commandant adjoint de la 9e Brigade

7 motorisée. C'est exact, n'est-ce pas ?

8 R. C'est exact. C'était une idée de moi, car je n'avais pas une grande --

9 énormément de formation militaire, et que la brigade ne comportait que 5

10 000 hommes. J'ai donc proposé d'être nommé commandant adjoint, et Sulejman

11 Imjirevic était le commandant.

12 Q. A qui avez-vous proposé cette idée, à savoir que vous pouviez devenir

13 le commandant adjoint de cette brigade ?

14 R. Vahid Karavelic, qui était le commandant du corps, qui était assez

15 heureux d'entendre cela.

16 Q. Pourquoi était-il heureux d'entendre cela ?

17 R. A ce moment-là, tous les commandants étaient des hommes sans formation

18 particulière, des commandants de brigades. Ils ne disposaient pas de

19 formation aux opérations militaires. Pour diriger une brigade, vous devez

20 être formé, et il était prévu que le personnel militaire qui, par le passé,

21 appartenait à la JNA, soit placé à la tête des unités.

22 Q. Est-ce que c'était Sefer Halilovic qui était chef de l'armée, à ce

23 moment-là, au moment de la formation de la 9e Brigade motorisée ?

24 R. Oui.

25 Q. Que pensait-il au sujet du fait que vous soyez nommé commandant

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1 adjoint, et pas commandant ?

2 R. Il voulait que j'occupe un poste de commandement, mais c'était

3 difficile à réaliser car, comme je vous l'ai déjà indiqué, je ne disposais

4 pas de formation adéquate.

5 Q. Pourquoi Sefer Halilovic voulait-il vous voir au commandement ? Quels

6 motifs a-t-il fait valoir à votre endroit ?

7 R. La décision de nommer un commandant de brigade ne relève pas de Sefer

8 Halilovic, mais de la Présidence, même si le commandement Suprême jour le

9 rôle primordial en l'occurrence. Quant à savoir pourquoi il voulait que je

10 sois au commandement ? Je pense qu'il voulait disposer de quelqu'un qui

11 l'aide.

12 Q. Lorsque vous voulez dire aider, de quel genre de soutien ou d'aide

13 devait-il s'agir ?

14 R. Parmi les différents anciens officiers de la JNA, il existait

15 énormément de troubles, et lorsque les brigades avaient plusieurs unités,

16 plusieurs commandements, il était plus facile pour les commandants de

17 brigade de garder leurs fonctions.

18 Q. Je voudrais à présent vous poser des questions sur les structures

19 militaires à Sarajevo au début de 1993. Est-ce que vous pourriez nous

20 décrire brièvement la hiérarchie dans l'armée de Bosnie-Herzégovine, en

21 termes généraux, quant à sa parenté, cette hiérarchie, en commençant par le

22 commandement Suprême, la présidence, et cetera ?

23 R. Il y avait le président de la présidence, la présidence dirigée par le

24 président donc. Ensuite, en dessous, vous aviez le chef de l'état-major

25 principal, qui était Sefer Halilovic, ensuite, ses adjoints, ensuite les

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1 corps, brigades, et cetera.

2 Q. De quel corps la 9e Brigade relevait-elle à Sarajevo ? Quel était

3 le corps qui était responsable de Sarajevo ?

4 R. Le 1er Corps de l'ABiH commandé par Vahid Karavelic. La

5 9e Brigade motorisée appartenait au 1er Corps.

6 Q. Vous en avez déjà parlé précédemment. Est-ce que vous pourriez nous

7 dire quel était le type de commandant qui existait au départ ? Comment

8 décririez-vous les différents types de commandants dans l'armée bosnienne

9 au début de la guerre ?

10 R. Il existait une certaine animosité importante même entre les

11 commandants, ou plus exactement entre les commandants et les anciens

12 officiers. La plupart des anciens officiers de la JNA, qui avaient été

13 transférés dans l'ABiH, dès le début de la guerre ou en tout cas deux mois

14 après le début de la guerre, étaient animés par cette animosité car une

15 grande partie de ceux qui avaient appartenu à la JNA avaient pris part aux

16 attaques contre Sarajevo par le passé, avant le transfert dans l'ABiH. En

17 outre, il y avait énormément de méfiance entre les anciens officiers de la

18 JNA et les commandants qui étaient des hommes normaux.

19 Q. Comment est-ce que vous vous décririez vous-même ? Quel type de

20 commandant étiez-vous ?

21 R. J'étais un homme du peuple. Voilà comment je me décrirais comme

22 commandant. Qui plus est, je ne m'entendais pas bien avec les commandants

23 qui appartenaient à l'ancienne JNA.

24 Q. Quel type de commandant était Sefer Halilovic ?

25 R. Nous considérions Sefer comme un personnage positif car il avait quitté

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1 la JNA plusieurs mois avant le début de la guerre.

2 Q. Obéissez-vous aux ordres donnés par des commandants que vous ne

3 respectiez pas ?

4 R. Oui, j'obéissais à tous les ordres qui relevaient de la Défense de la

5 Bosnie-Herzégovine et les autres notamment, et surtout les ordres provenant

6 de Sefer Halilovic.

7 Q. De combien de bataillons disposait la 9e Brigade ?

8 R. La 9e Brigade motorisée disposait de quatre bataillons de combat, un de

9 logistique et plusieurs unités.

10 Q. Quelle était votre responsabilité, et quelles étaient les tâches -- ou

11 du moins quelles étaient les responsabilités, quelles étaient les tâches

12 dans votre brigade ?

13 R. La 9e Brigade avait une responsabilité qui s'étendait sur la quasi-

14 totalité de la rive droite de Sarajevo. Notre mission était la défense ce

15 secteur de Sarajevo.

16 Q. Je vous montrerai un document à sujet dans quelques instants. D'abord,

17 je voudrais vous poser une question. De quel type d'équipement disposait la

18 9e Brigade ?

19 R. Au contraire d'autres brigades, la 9e Brigade motorisée était bien

20 équipée; 65 à 70 % des soldats disposaient d'armes en comparaison avec

21 d'autres brigades; 25 à 30 % du personnel était équipé. Dans ma brigade, ce

22 pourcentage s'élevait à 65 à 70 %.

23 Q. Comment se fait-il que vous fussiez mieux équipés que les autres

24 brigades ?

25 R. Il y avait de nombreuses casernes à Sarajevo qui appartenaient

Page 18

1 auparavant à la JNA. Nous avons, plus que d'autres brigades, reçu beaucoup

2 d'armes provenant de là-bas. Qui plus est, nous avons également reçu de

3 l'argent du chef de l'état-major principal, Sefer Halilovic, pour acheter

4 des armes. Nous avions des filières spéciales pour nous procurer des armes.

5 Q. Avant de parler de ces filières, comment receviez-vous de l'argent de

6 Sefer Halilovic ?

7 R. Nous avons reçu de l'argent à plusieurs reprises de la part de Sefer

8 Halilovic, ou plus exactement de son chef de cabinet. Nous avons reçu

9 plusieurs fois de 50 000 à 100 000.

10 Q. Comment se fait-il que vous receviez davantage d'argent et davantage de

11 matériel ? Pourquoi votre brigade a-t-elle été choisie de la sorte ?

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, pour le moment, le

13 témoin n'a pas encore dit qu'il avait reçu plus d'argent que les autres

14 brigades. Il avait simplement dit que sa brigade était mieux équipée. Il ne

15 faudrait pas que cette question soit directive.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est un petit peu directif. Etant donné

17 que vous omettez une objection, d'accord. Je vous demanderais, Madame

18 Chana, de reformuler votre question.

19 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

20 Q. Comment savez-vous que la 9e Brigade était mieux équipée que les autres

21 brigades ?

22 R. Nous avions quasi quotidiennement des réunions de corps. Les

23 commandants de brigade informaient ou faisaient un rapport au commandant de

24 corps. Au cours de ces rapports, chacun des commandants de brigade devait

25 faire état de la situation au sein de sa brigade. On commençait par faire

Page 19

1 état du nombre d'effectifs, du matériel, du nombre d'armes disponibles, et

2 cetera. C'est la raison pour laquelle je sais que -- ou je savais que, par

3 rapport aux autres brigades, la mienne avait davantage d'armes. Ma brigade

4 était probablement une des mieux équipée et armée de toute la Bosnie-

5 Herzégovine.

6 Q. Pourquoi, Monsieur Delalic ? Comment se fait-il que votre brigade était

7 la mieux armée, la mieux équipée de toute la Bosnie-Herzégovine ?

8 R. Comme je viens de vous le dire, il y avait beaucoup d'animosité. Il y

9 avait beaucoup d'opposition entre les officiers qui appartenaient avant à

10 la JNA; c'étaient des officiers de carrière qui étaient ambitieux. Ils

11 souhaitaient faire progresser leur propre carrière, c'est-à-dire, obtenir

12 une promotion. Ils étaient moins intéressés par la défense de Sarajevo que

13 par leur carrière. Un officier qui avait davantage de commandants autour de

14 lui, pouvait se gagner un poste plus avantageux. C'est la raison pour

15 laquelle ils recevaient de l'argent et des armes de la part de Sefer

16 Halilovic. Il n'y a pas que ma brigade qui recevait cela; il y avait

17 également la 10e Brigade de Montagne, la 1ere Brigade de Montagne et l'unité

18 Delta.

19 Q. Ces autres brigades, étaient-elles aussi bien équipées que la vôtre,

20 c'est-à-dire, l'unité Delta, la 10e Brigade de Montagne et la 1ère Brigade de

21 Montagne ? Vous avez dit, qu'elles étaient mieux équipées que les autres,

22 mais qu'en est-il par rapport à la

23 9e Brigade ?

24 R. Non, non, elles n'étaient pas mieux équipées.

25 Q. Est-ce que ces trois autres brigades étaient aussi bien équipées que la

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1 9e ? Commençons d'ailleurs par la 10e Brigade de Montagne, par rapport à la

2 9e motorisée ?

3 R. Non, elles n'étaient pas aussi bien équipées que la

4 9e Brigade, mais par rapport aux autres brigades, cette brigade l'était. La

5 10e Brigade de Montagne ne disposait pas d'autant d'effectifs comme soldats

6 que la 9e, également Delta. En termes de pourcentage par rapport aux autres

7 unités, elles étaient mieux équipées et disposaient de plus d'armes

8 également.

9 Q. Quels étaient les autres modes de financement de votre brigade pour

10 l'achat d'armes et de munitions ? Quelles étaient les autres sources de

11 financement, si tant est qu'il en existait ?

12 R. A Sarajevo, il y avait beaucoup de commerces qui continuaient à être

13 ouverts; des commerces qui fonctionnaient, des cafés, des tavernes.

14 Certaines activités commerciales avaient toujours lieu. La brigade

15 recueillait de l'argent sur la base de contributions volontaires et par le

16 biais d'autres filières. Etant donné qu'un embargo imposé sur la Bosnie-

17 Herzégovine, nous devions utiliser des filières. Certains passaient par les

18 Croates, d'autres par les Serbes, et cetera.

19 Q. Etiez-vous habilité, autorisé, à recueillir de l'argent auprès de ces

20 commerces et cafés ? Est-ce que c'était officiel ?

21 R. Il s'agissait de contributions volontaires, de donations. Dans certains

22 cas, un soldat qui venait de revenir du front empêchait les soldats du

23 front de faire problème. Les propriétaires d'entreprise venaient de leur

24 propre gré, et donnaient une contribution volontaire. Il s'agissait de

25 personnes qui n'étaient pas dans l'armée. C'est ce qui énervait les

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1 soldats, même si certains civils étaient sous le coup de l'obligation de

2 travail. Les soldats étaient irrités par le fait que ces personnes ne

3 devaient pas aller combattre. C'est ainsi que les problèmes se

4 présentaient. Donc, l'argent était fourni sur une base volontaire.

5 Toutefois, plus tard, de nombreux entrepôts, de nombreux magasins furent

6 pillés à Sarajevo, ainsi que des usines où se trouvaient des marchandises.

7 Par décret de la présidence et du commandement Suprême, il a été ordonné

8 que chaque commandant, dans son domaine, dans son secteur de

9 responsabilité, devait trouver de telles marchandises, les entreposer dans

10 son propre entrepôt, ensuite, les distribuer au sein du corps ou de la

11 brigade. C'était un autre mécanisme qui nous permettait de nous financer en

12 tant que brigade.

13 Q. Quelle était l'expérience militaire des hommes qui appartenaient à la

14 9e Brigade ?

15 R. Commençons par la 3e Brigade de Montagne. La situation était assez

16 difficile, mais la 7e Brigade motorisée était mieux lotie.

17 Q. Comment procédait-on au recrutement des soldats qui étaient attachés à

18 la 9e Brigade ? D'où venaient-ils ?

19 R. La majorité des soldats de la 9e Brigade motorisée - en fait, je me

20 suis rendu compte, je viens de faire une erreur. J'ai dit "la 7e Brigade",

21 mais j'aurais dû dire la 9e Brigade motorisée. La majorité des hommes

22 étaient recrutés par le biais de centres militaires du ministère ou du

23 département militaire. Cela signifie, qu'au départ, au début de la guerre,

24 nous avions certains volontaires mais pas beaucoup, c'est-à-dire, un

25 pourcentage très faible. Par la suite, ce recrutement s'est fait par le

Page 22

1 biais des départements militaires, c'est-à-dire, par les canaux réguliers.

2 Toutefois, il faut également dire que les meilleures recrues, les plus

3 honnêtes, étaient destinées à la police, alors que les cancres, en tout

4 cas, ceux qui n'étaient bons à rien d'autres ont été envoyés à l'armée.

5 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par cela ? Qu'est-ce que vous entendez

6 par ces cancres ?

7 R. Lors du recrutement, les meilleurs soldats étaient destinés, comme je

8 le disais, à la police et aux meilleures brigades. Tous les autres, si vous

9 voulez, la lie, c'est-à-dire, des recrues qui n'étaient bons à rien

10 d'autre, étaient des quasi-délinquants pour ainsi dire; toutes ces autres

11 recrues étaient envoyées dans les autres brigades. Tout cela en respectant

12 la forme et la procédure par le biais des centres militaires des

13 départements militaires, et cetera.

14 Q. Quelle était la composition ethnique de votre brigade ?

15 R. C'était une composition pluriethnique, c'est-à-dire que dans ma

16 brigade, la plupart des hommes étaient Musulmans Bosniens, Musulmans de

17 Bosnie. Ensuite, il y avait des Croates, des Romains et un nombre important

18 de Serbes, une centaine.

19 Q. Quel a été l'impact du début de la guerre sur la composition ethnique

20 de la 9e Brigade ?

21 R. La guerre n'a pas eu d'impact particulier, car traditionnellement, à

22 Sarajevo, le style de vie était caractérisé par un mélange des ethnies,

23 même si certains membres du SDS n'étaient pas de cet avis. Un grand nombre

24 des membres du SDS sont restés à Sarajevo, et ont été protégés d'une

25 certaine manière. Toutefois, les membres de la 9e Brigade motorisée ne

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1 s'encombraient pas particulièrement de nationalisme.

2 Q. Quel type d'entraînement ont suivi vos troupes, si tant est qu'elles

3 ont suivi un entraînement ?

4 R. Il n'y a jamais eu d'entraînement, d'instruction, en tout cas, au sein

5 de ma brigade. Si instruction il y avait, elle avait été dispensée par un

6 service étranger. Je n'ai pas connaissance de cela, comme par exemple, la

7 formation des combattants de bataillons, des commandants de compagnies

8 était inexistante. Le commandement nommait des candidats sur la base de son

9 propre avis quant à leur compétence, mais il n'y avait pas de formation

10 particulière.

11 Q. Quelles étaient les missions ? D'abord, quelle était la mission

12 principale de la 9e Brigade ? Etait-ce davantage l'offensive ou plutôt la

13 défense ?

14 R. La mission de la 9e Brigade motorisée était de nature davantage

15 défensive même si nous avons mené quelques attaques, bien que très

16 rarement. Il s'agissait d'opérations limitées dans le temps et le nombre

17 d'hommes impliqués était plus élevé également. Cela vient du fait que,

18 nous, les commandants, qui étions des hommes du peuple, étions contre le

19 fait de mener des opérations offensives de grande envergure car nous

20 savions que nous ne disposions pas de la capacité à cet effet. C'était une

21 autre des raisons de la position qui existait entre les anciens membres de

22 la JNA et les autres. Nous estimions que nous devions défendre Sarajevo

23 alors qu'eux estimaient que nous devions mener une offensive à plus grande

24 échelle qui impliquerait la mort ou la perte d'un grand nombre de soldats.

25 Q. Est-ce que chaque unité disposait d'un détachement d'assaut en son

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1 sein ?

2 R. Chaque brigade et même chaque bataillon devaient avoir une unité de

3 sabotage. Lorsque j'ai parlé de la 9e Brigade motorisée, j'ai dit qu'elle

4 avait quatre bataillons, des bataillons de combat et des unités logistiques

5 et selon sa structure, chaque bataillon et chaque brigade devait avoir une

6 unité d'assaut, une unité de génie, une unité de minage, et cetera. Chaque

7 brigade devait avoir en son sein plusieurs unités de sabotage et plusieurs

8 unités d'assaut. En outre, par ordre du commandant du corps, Karavelic, les

9 commandants étaient tenus d'avoir toujours à leur disposition une unité de

10 cent hommes approximativement, qui soient capables à tout moment de venir à

11 la rescousse d'une autre brigade car souvent se présentait la situation où

12 une brigade était soumise à un attaque importante de l'ennemi et l'autre

13 brigade devait venir à sa rescousse ou d'autres brigades de déployées dans

14 d'autres secteurs. Celles-ci devaient avoir d'autres unités, des unités

15 légères qui soient bien équipées et qui devraient pouvoir aller ailleurs

16 très facilement.

17 Q. Comment décider justement de lancer ces petites unités dans la bataille

18 dans des situations que vous décriviez. Comment décidait-on cela ?

19 R. En ce qui concerne la 9e Brigade motorisée, la brigade dans sa

20 composition disposait d'un Détachement de Sabotage ou d'assaut et chaque

21 bataillon devait disposer d'un Peloton de Sabotage, c'est-à-dire, jusqu'à

22 30 soldats. Ensuite, le commandant de la 9e Brigade motorisée choisirait les

23 soldats les plus capables pour mener cette opération.

24 Q. Je voudrais à présent vous soumettre un document et vous allez avoir

25 l'aide de l'Huissier. Le document qui porte la référence D402.

Page 25

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'est cette carte ?

3 R. Il s'agit des zones de responsabilité de chacune des brigades à

4 Sarajevo. La 1ère Brigade de Montagne, 2e Brigade de Montagne, 9e Brigade

5 motorisée, 1ère Brigade motorisée, 2e Brigade motorisée, et cetera. Cette

6 carte décrit la zone de responsabilité de la 9e mais je pense que la zone

7 indiquée ici est plus petite que la réalité.

8 Q. Vous dites que ce n'est pas dessiné à l'échelle, ce n'est pas une

9 critique de l'auteur du dessein. Je pense que c'est un dessein qui a été

10 fait à la main. Est-ce que vous pourriez nous dire quel était le

11 pourcentage du front tenu par la 9e ?

12 R. Le pourcentage le plus élevé. Je ne pourrais pas vous dire combien

13 exactement, mais lorsque je vous disais qu'elle était responsable de la

14 totalité du flanc droit de Sarajevo, je veux dire le noyau de la ville.

15 Celui-ci était défendu par la 9e Brigade motorisée. En ce qui concerne le

16 pourcentage, on pourrait dire 20 à 25 mais je ne suis pas certain.

17 Q. En outre, s'agit-il d'une description correcte des différentes brigades

18 et de leur domaine de responsabilité sur le front à Sarajevo ?

19 R. Oui, cela ressemble plus ou moins. Cela a été dessiné à la main, donc

20 tout n'est peut-être pas tellement précis en ce qui concerne la 9e Brigade

21 motorisée que je connaissais. Il semble en fait que la zone décrite ici est

22 un peu plus petite que la zone qui existait en réalité.

23 Q. Merci.

24 Quelle était la réputation de la 9e Brigade motorisée ?

25 R. En raison de leur allégeance, si l'on peut dire, au commandant de

Page 26

1 l'état-major principal, Sefer Halilovic, la plupart des services à Sarajevo

2 souhaitaient décrire la 9e Brigade motorisée en tant qu'élément criminel

3 mais moi-même je ne crois pas en ces affirmations.

4 Q. Quelle était la vérité, selon vous, concernant la 9e Brigade

5 motorisée ?

6 R. D'après les événements qui ont eu lieu à Sarajevo, en d'autres termes,

7 les différents actes criminels qui ont été perpétrés, non seulement au sein

8 de ma brigade mais aussi au sein d'autres brigades. Je ne parle pas

9 uniquement de moi, un commandant de brigade ne peut pas tout maîtriser, ne

10 peut pas exercer un contrôle sur chaque soldat et c'est particulièrement

11 vrai de la 9e Brigade motorisée. Le commandant ne peut pas contrôler les

12 actions de chaque soldat. Ma brigade comportait près de 5 000 personnes, il

13 fallait tous les surveiller. Compte tenu des choses qui ont eu lieu au sein

14 d'autres brigades, par exemple, la 10e Brigade de Montagne, il y a eu de

15 nombreux crimes perpétrés contre des civils ou la 2e Brigade de Viteska,

16 qui a été ainsi nommées parce qu'il y avait de nombreuses brigades, de

17 nombreux crimes ont été perpétrés à l'encontre de civils et on peut aussi

18 tenir compte de la 5e Brigade motorisée. On nommait les gens pour

19 travailler dans les tranchées, ils disparaissaient. Donc, dans toutes les

20 brigades, des crimes ont été perpétrés contre des civils. Dans ma brigade,

21 il n'y pas eu un seul crime perpétré contre des civils pendant toute la

22 guerre à Sarajevo.

23 Q. Y a-t-il eu --

24 M. MORRISSEY : [interprétation] J'aimerais juste relever une erreur

25 possible ici, à la ligne 22 du compte rendu. Le témoin dit : "Un commandant

Page 27

1 ne peut pas tout contrôler, ne peut pas maîtriser les actes de chaque

2 civil," c'est plutôt à la page 25, ligne 1, il est dit : "A en juger par

3 les choses qui ont eu lieu au sein d'autres brigades, par exemple, la 10e

4 Brigade de Montagne, de nombreux crimes ont été perpétrés contre les

5 civils." On peut lire "9e Brigade". Je crois que le témoin en fait a parlé

6 de "Brigades de nuit". Il faudrait corriger cela.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, est-ce que vous pourriez préciser ?

8 Mme CHANA : [interprétation] En effet.

9 Q. Monsieur Delalic, vous avez entendu la question de la Défense, vous

10 parliez de la 9e Brigade motorisée ou de la Brigade de nuit ?

11 R. La 9e Brigade motorisée. L'autre brigade, la Brigade de Viteska dont

12 j'ai parlé qui était considérée comme l'une des brigades les plus honnêtes,

13 qui se comportait le mieux selon les critères de la présidence et du 2e

14 Corps, les membres de la brigade, les soldats de la brigade ont perpétré de

15 nombreux crimes à l'encontre de civils.

16 Q. Parlons de la 9e Brigade. Quel genre d'actes criminels ont été commis,

17 si tant est que des actes criminels aient été commis d'après vous ?

18 R. Bien entendu, comme au sein de n'importe quelle brigade, les soldats se

19 sont emparés de différents stupéfiants, surtout de l'alcool. Les soldats

20 avaient l'habitude de boire, de s'enivrer, et de faire des choses dans cet

21 état d'ébriété. Enfin, tous ces incidents ont été enregistrés, mais il est

22 certain qu'aucun civil n'a a été tué.

23 Q. Est-ce que vous saviez que le MUP rédigeait des rapports vous

24 concernant et concernant votre brigade ?

25 R. Oui.

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1 Q. -- décrivait votre brigade sous un jour peu favorable. J'aimerais vous

2 soumettre un rapport, sous 65 ter, chiffre 153, le numéro 0218-3117.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le MFI 415.

4 Mme CHANA : [interprétation] Merci.

5 Q. Vous allez voir apparaître ce document à l'écran. Vous avez eu

6 l'occasion de voir ce document déjà pendant la séance de récolement, n'est-

7 ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Dans ce document on peut lire un certain nombre d'affirmations,

10 d'allégations faites à l'encontre de votre brigade. Je vais vous montrer un

11 exemple mais comme vous le savez ce n'est pas le seul. Je vais simplement

12 mettre en lumière certaines choses qui ont été alléguées à votre propos et

13 à propos d'autres brigades. "Des actes illicites d'indiscipline, donc les

14 actes de Ramiz Delalic. Des rumeurs circulent à ce propos, depuis quelque

15 temps, actes qui auraient été commis par les troupes de la 9e Brigade

16 motorisée." Il parle du mois d'août 1992 et avril 1993. "Des troupes de

17 cette brigade ont emmené du bétail qui appartenait aux civils," puis il est

18 question de "la saisie de biens appartenant aux civils lors de fouilles

19 dans des appartements," puis il y encore le fait de "d'enlever des biens

20 dans des locaux privés," donc de nombreux actes de vol. Les renseignements

21 suggèrent : "Que Delalic a fouillé dans un certain nombre d'appartements au

22 centre de la ville." Il est aussi allégué qu'une Honda a été volée. Il a

23 des allégations de mauvais traitements à l'encontre de membres des brigades

24 sus mentionnées, ainsi que certaines unités de l'ABiH.

25 Il est allégué que vous avez mené des opérations, collaboration avec

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1 des Chetniks qui ont pilonné les positions du HVO selon les instructions de

2 Delalic. Vous avez organisé le port de badge portant l'image ou la photo de

3 Sefer Halilovic, que tous les membres de la

4 9e Brigade motorisée devaient porter. Puis, il est question de différents

5 montants d'argent, d'extorsion, argent utilisé pour acheter des armes et

6 des munitions. Evidemment. A la fin, il est question de massacres perpétrés

7 à l'encontre des civils croates sur les champs de bataille en Herzégovine,

8 les différents meurtres perpétrés en ces lieux.

9 J'aimerais vous donner la possibilité de vous prononcer sur des

10 documents, tel que celui que je viens de parcourir.

11 R. Tout d'abord, j'aimerais vous demander de me rappeler plus tard de dire

12 quelque chose au sujet de ces crimes perpétrés contre la population croate.

13 Tout d'abord, j'aimerais dire quelque chose sur ce que vous avez dit.

14 D'après ce document, il est indiqué que les différents services actifs à

15 Sarajevo s'occupaient en fait de bêtises, étaient plus préoccupés par ce

16 que l'on pouvait voler dans un appartement que par les meurtres de dizaines

17 de citoyens ailleurs. Dans la majorité des brigades, ainsi que dans la

18 mienne, différents crimes ont été commis et ces services ne s'intéressaient

19 pas à ces crimes. Il est dit que Ramiz Delalic, Celo a emmené une voiture,

20 a pris un poste de télévision, un pot de paprika et ou de poivron, mais il

21 n'est pas dit qu'il avait tué des civils, d'innocents, enfin il n'y a pas

22 eu de condamnation au sujet de ces actes que je viens d'énumérer. Je ne

23 sais pas qui a rédigé ce document. Ce sont des allégations, des

24 informations que quelqu'un a données, enfin j'aimerais bien voir un acte

25 d'accusation ou une condamnation ou une décision judiciaire ayant trait à

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1 toutes ces questions.

2 Q. Pourquoi est-ce que toutes ces choses ont été écrites à votre sujet, au

3 sujet de votre brigade ? Est-ce que vous aimeriez nous donner une tentative

4 d'explication ?

5 R. Cette allégation a été écrite par Sacir Arnautovic. Si je ne m'abuse,

6 il est le commandant adjoint pour la sécurité au sein du ministère de

7 l'Intérieur. Mais, il y a un autre document que vous m'avez montré hier,

8 émanant du ministère de l'Intérieur. Il y a un document similaire rédigé

9 par les services de Sécurité militaire, Sefer Halilovic n'était pas en bons

10 termes avec ces services, et même au début de la guerre, il y a eu une

11 dispute entre Jusuf Pusina, le ministre du MUP et Sefer Halilovic. Pusina a

12 été destitué, Halilovic est resté en fonction. Ses relations avec ces

13 services n'étaient pas bonnes, notamment, avec les services de Sécurité

14 militaire où le commandant adjoint pour la sécurité au commandement Suprême

15 était une personne du nom de Muslimovic, et l'adjoint assistant était

16 Arnautovic. Ses relations avec ces hommes n'étaient pas bonnes, en fait

17 cela était destiné à avoir un effet préjudiciable pour Halilovic et pas

18 pour moi. Cette brigade était connue sous le nom de Brigade de Sefer, la 9e

19 Brigade. Ces choses n'étaient pas censées porter atteinte à la réputation

20 de la 9e Brigade, mais à la réputation de Sefer Halilovic.

21 Q. D'après vous, est-ce qu'il s'agit de la vérité ou non, ce qui est écrit

22 dans ces rapports, par exemple, celui-ci ?

23 R. Certaines choses sont exactes. C'est vrai que les soldats de la 9e

24 Brigade motorisée ont commis quelques infractions, volé une voiture, des

25 choses de ce type. Tout cela était normal. Ces actes ont été punis. Il y

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1 avait des documents enregistrant ces actes. Nous avions une sécurité très

2 stricte, un service de Renseignement. Toutes ces choses ont été notées et

3 sanctionnées dans une certaine mesure et aussi communiquées afin qu'on

4 puisse en tirer les conséquences.

5 Q. A votre connaissance, est-ce que Sefer Halilovic était conscient de ces

6 crimes, crimes allégués être perpétrés par la

7 9e Brigade motorisée et vous-même ?

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Pardon, est-ce qu'on pourrait s'arrêter un

9 instant ?

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas de quels crimes il s'agit.

12 M. MORRISSEY : [interprétation] On devrait préciser si on lui pose des

13 questions concernant les crimes dont il est fait état dans ce document, ou

14 les crimes qu'il a qualifié de crimes normaux.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Un crime, ce n'est pas un terme exact.

16 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il y a peut-être quelques violations,

18 quelques infractions, indisciplines, mais cela ne représenterait pas un

19 crime.

20 Mme CHANA : [interprétation] Oui, en fait, je me référais à ce que le

21 témoin avait dit auparavant, les crimes que la 9e Brigade motorisée avaient

22 en fait perpétré.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

24 Mme CHANA : [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez préciser ?

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1 Mme CHANA : [interprétation] Merci.

2 Q. Je parle des crimes dont vous avez dit qu'il s'agissait de crimes

3 normaux, des crimes commis par les soldats de la 9e Brigade motorisée. Ma

4 question se rapporte uniquement à ces crimes-là. Est-ce que Sefer Halilovic

5 avait connaissance de ce genre de crimes, ceux que vous avez reconnus comme

6 des crimes perpétrés par la 9e Brigade motorisée ?

7 R. Oui.

8 Q. Comment savez-vous qu'il en avait connaissance ?

9 R. Comment aurait-il pu ne pas en avoir connaissance ? Je suis sûr qu'il

10 en avait connaissance.

11 Q. Est-ce que vous avez eu des discussions au sujet de ce genre de crimes

12 commis, enfin je sais que vous avez dit que d'autres brigades en ont commis

13 aussi, mais enfin je me concentre sur les crimes commis par la 9e Brigade

14 motorisée.

15 R. Oui. Au sein de l'état-major principal, on parlait de crimes perpétrés

16 par la 9e Brigade motorisée. L'état-major principal en discutait. Ensuite,

17 Sefer m'a appelé pour évoquer avec moi les choses dont le commandement

18 principal avait parlé et discuté, donc c'est en me fondant sur cela que je

19 dis qu'il avait connaissance de ces crimes.

20 Q. Est-ce que vous -- est-ce que la 9e Brigade, vous considériez comme

21 faisant partie de la hiérarchie militaire ? Est-ce que vous suiviez les

22 ordres qui étaient donnés à la brigade ? Ou est-ce que vous étiez en dehors

23 de la hiérarchie militaire ? Comment est-ce que vous perceviez votre

24 situation ?

25 R. Il n'y a pas eu un seul ordre que je n'ai pas respecté et appliqué. Si

Page 33

1 la Défense a des preuves d'une telle chose, j'aimerais bien les voir. Tous

2 les ordres reçus du commandement Supérieur ont été respectés par la 9e

3 Brigade motorisée.

4 Q. Quelles étaient vos relations avec le commandant du

5 1er Corps, votre supérieur hiérarchique direct ?

6 R. Je m'entendais bien avec eux. Nous avions de bons rapports, dans la

7 mesure où nous parlons d'opérations de combat, il y avait toujours de

8 différents malentendus. Lorsqu'un ordre nous était donné, visant à mener

9 des opérations de grande envergure, lorsque la brigade devait donner

10 l'assaut, ou lorsque plusieurs bataillons devaient le faire, alors il ne

11 s'agissait pas de conflits en tant que tel, mais j'entamais une discussion,

12 je disais que nous ne devrions pas engager dans le combat un grand nombre

13 d'unités, parce que cela aurait toujours pour conséquence une catastrophe,

14 et la mort de nombreux soldats.

15 Q. Quelle était la nature des désaccords entre vous-même et le

16 commandement ? Sur quel genre de questions est-ce que vous n'étiez pas

17 d'accord avec eux ? Est-ce qu'il y avait des divergences fondamentales ?

18 R. Cela concernait surtout ce genre de choses, non seulement moi-même,

19 mais la grande majorité des commandants n'étaient pas d'accord avec cela.

20 Normalement, lors des réunions du commandement du corps, il y avait des

21 discussions à ce sujet, donc, c'était une réunion qui rassemblait tous les

22 commandants de brigades, et le commandement du corps. Nous avions toujours

23 des débats, des discussions lorsqu'on nous demandait de mener une

24 offensive. Je n'étais pas le seul à me disputer ou avoir des divergences

25 avec le commandant du 1er Corps et le commandant adjoint. La plupart des

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1 commandants se comportaient ainsi. Pour l'essentiel, nous voulions défendre

2 les vies de nos combattants. C'était notre raison principale.

3 Q. Voulez-vous expliquer à la Chambre pourquoi vous étiez opposé aux

4 actions offensives, pourquoi vous vouliez vous limiter à des actions

5 défensives -- il semble que ce soit là l'objet principal des divergences et

6 des désaccords entre vous-même et le commandement Supérieur ?

7 R. Il est évident que nous avions raison. La guerre était terminée. Je

8 parle uniquement de Sarajevo. Nous ne pouvions plus faire de sorties, ou

9 capturer quoi que ce soit, et ils ne pouvaient pas non plus entrer à

10 Sarajevo -- ou la majorité des officiers. Je ne sais pas si vous souhaitez

11 que je mentionne des noms, mais peu avant le début de la guerre en Bosnie,

12 la majorité d'entre eux ont participé à la planification et à la création

13 de différentes lignes de défense autour de Sarajevo. Je parle, par exemple,

14 d'Enver Hadzihasanovic, qui était en poste dans la direction de l'aéroport.

15 Il a établi cette ligne et il a pilonné Sarajevo. Il y avait toutes ces

16 personnes qui planifiaient ces opérations de combat pour libérer Sarajevo.

17 Nous n'avions pas les moyens de lever le siège de Sarajevo. Nous savions

18 qu'il y avait un grand nombre d'armes lourdes autour de Sarajevo.

19 Nous n'en n'avions pas. Nous n'avions rien. Nous n'avions pas les moyens de

20 lever le siège ou le blocus de Sarajevo. Certains soldats voulaient trouver

21 faveur aux yeux de la présidence, et ont donc planifié ces opérations de

22 combat de grande envergure, qui auraient entraîné la mort de centaines de

23 gens. Pour eux, il ne s'agissait que de nombres, ou de chiffres, mais pour

24 nous c'étaient nos camarades.

25 Q. Est-ce que vous avez discuté de cette philosophie fondamentale, et de

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1 cette divergence concernant les opérations défensives et offensives avec

2 Sefer Halilovic ? Quelles étaient ses opinions, le cas échéant ?

3 R. Lorsque nous parlions de Sarajevo, il était favorable à cela. On ne

4 pouvait rien faire à Sarajevo. Ailleurs, les lignes étaient plus souples,

5 donc il était possible de mener des opérations de plus grande envergure.

6 Mais en ce qui concerne Sarajevo, il estimait que nous ne devrions pas

7 lancer des opérations de grande envergure, que nous devrions nous limiter à

8 des opérations défensives.

9 Q. Est-ce que vous pourriez dire quelques mots au sujet de la 10e

10 Brigade ? Qui était le commandant de la 10e Brigade ?

11 R. Le commandant de la 10e Brigade de Montagne était Musan Topalovic,

12 alias Caco.

13 Q. Quels étaient vos rapports avec lui, et quels étaient ses rapports avec

14 la 10e Brigade ?

15 R. J'avais de bons rapports avec lui. Il avait de bons rapports avec tous

16 les autres commandants. Ils l'appréciaient beaucoup, sauf pour un petit

17 nombre d'anciens membres de la JNA. Il ne pouvait pas supporter les anciens

18 officiers de la JNA, et dans sa brigade, il n'y avait aucun officier de

19 l'ex-JNA.

20 Q. Quelle était la réputation de la 10e Brigade, si vous le savez ?

21 R. Pendant longtemps, on ne savait rien concernant les choses

22 qu'il faisaient, mais vers la fin 1993, au milieu de l'année 1993, on a su

23 qu'il emmenait des civils pour creuser des tranchées, que certains civils

24 avaient disparu, qu'il y avait eu des punitions, mais pendant longtemps,

25 personne n'en savait rien.

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1 Q. Vous avez dit plus tôt dans votre témoignage, que des mesures

2 disciplinaires ont été prises à l'encontre des soldats qui avaient commis

3 des crimes, donc, des violations disciplinaires. Est-ce que vous avez fait

4 état de ces choses, consigné ces choses ? Est-ce que vous les avez

5 communiquées à la sécurité militaire ?

6 R. Cela ne m'incombait pas, j'étais commandant adjoint de la 9e Brigade

7 motorisée, ce n'étais pas à moi qu'il appartenait de faire des rapports à

8 ce sujet. Mais il y a eu des rapports à ce propos, au sein de la 9e Brigade

9 motorisée, nous avions des services de sécurité très efficaces. Le

10 commandant adjoint pour la sécurité était un homme très compétent, Tomislav

11 Juric, qui s'acquittait bien de ses tâches. Toutes ces choses ont été

12 consignées et punies. Il y a eu certains cas dans lesquels j'étais le seul

13 à avoir connaissance de ce qui s'était passé. Personne d'autre n'en avait

14 connaissance et il fallait bien rédiger un rapport.

15 Q. Qui était le chef de la sécurité militaire dans votre brigade ?

16 R. Tomislav Juric.

17 Q. Est-ce que des poursuites ont été intentées après la guerre, à votre

18 connaissance ?

19 R. Je n'ai pas compris la question.

20 Q. Est-ce que des poursuites ont été engagées après la guerre, portant sur

21 des crimes commis ou des infractions à la discipline ? Donc, des poursuites

22 à l'encontre des soldats de la 9e Brigade motorisée ?

23 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, je vais aborder un

24 autre sujet, alors peut-être conviendrait-il de faire la pause maintenant ?

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Prenons une pause d'une demi heure. Nous

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1 allons reprendre à 11 heures.

2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

3 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Madame Chana, vous avez la parole.

5 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

6 Q. Je souhaite maintenant vous poser un certain nombre de questions sur la

7 pratique qui consistait à creuser des tranchées à Sarajevo. Y avait-il une

8 telle pratique, et était-elle très répandue ?

9 R. Certaines brigades se livraient à cela. C'était très répandu. Pour

10 l'empêcher, la présidence et le commandement Suprême ont rendu une décision

11 à cet égard. Les municipalités et les communes locales devaient rassembler

12 les personnes en mesure de travailler, et les a envoyées dans des unités

13 qui se trouvaient dans leur zone de responsabilité pour les envoyer creuser

14 des tranchées.

15 Q. Autrement dit, c'était autorisé ? On pouvait creuser ces tranchées.

16 C'était quelque chose qui avait été autorisé officiellement. Il fallait

17 obtenir des hommes pour creuser ces tranchées; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Y avait-il une telle pratique qui n'était pas une pratique autorisée,

20 autrement dit, est-ce que l'on forçait des hommes à creuser ces tranchées ?

21 R. C'était le cas de certaines brigades; c'est vrai. Dans ma brigade, cela

22 n'arrivait que très rarement, sauf dans quelques très rares cas.

23 Q. Quelle était la conséquence pour les civils lorsqu'ils étaient ainsi

24 emmenés pour aller creuser des tranchées ?

25 R. Dans bon nombre de cas, les civils étaient tués et blessés. Ces gens-là

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1 travaillaient sur les lignes de front. Ces lignes étaient à une dizaine de

2 mètres souvent des positions ennemies. Les conséquences pouvaient être

3 tragiques.

4 Q. Pourriez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît ? Vous dites

5 que les lignes étaient proches des positions ennemies. Pourquoi cette

6 activité était-elle aussi dangereuse ?

7 R. Par le simple fait de la proximité, ces lignes étaient très proches des

8 positions ennemies, ce qui signifiait que ces hommes devaient travailler

9 très près des positions ennemies, à 15 ou 20 mètres de l'ennemi. L'ennemi

10 pouvait les voir très facilement. Peut-être que l'ennemi envoyait une

11 grenade ou un obus sur les personnes qui étaient en train de creuser. A

12 cette époque-là, la plupart des soldats se trouvaient dans des abris où ils

13 étaient protégés des mortiers, alors que les civils creusaient des

14 tranchées. Ils devaient creuser des tranchées pour le système de

15 transmission, et ils creusaient des tranchées pour les soldats. On pouvait

16 les voir très facilement, bien que ces travaux étaient, pour la plupart,

17 effectués pendant la nuit. Quelquefois, cela se passait pendant la journée.

18 Ces personnes-là constituaient une cible assez facile.

19 Q. Quelle était la position de Sefer Halilovic, eu égard à cette question,

20 ces tranchées qui étaient creusées, j'entends par là le fait que ceci ne se

21 passait pas de façon autorisée ?

22 R. Pour ce qui est de ces tranchées qui étaient creusées et qui étaient

23 tout à fait autorisées, la présidence et le commandement Suprême avaient

24 réglementé tout ceci, avaient pris des décisions à cet égard. Dans certains

25 cas, on envoyait des gens de façon arbitraire creuser ces tranchées. Il y

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1 avait de tels cas, c'est exact.

2 Q. Ma question est celle-ci : si vous le savez, quelle était la position

3 de Sefer Halilovic par rapport à cette question, autrement dit, les gens

4 que l'on envoyait creuser des tranchées de façon illicite ?

5 R. Des ordres étaient donnés oralement; ce n'était pas des ordres écrits

6 qui étaient donnés. Ces ordres étaient envoyés à des gens qui dirigeaient

7 des entreprises à Sarajevo ou des gens qui n'avaient pas de bons rapports

8 avec le commandement Suprême ou le commandement du corps. Des ordres

9 avaient été lancés pour que ces gens-là soient envoyés pour creuser les

10 tranchées. Certaines personnes n'ont pas rempli leurs obligations pendant

11 la guerre. Ils ne s'intéressaient qu'au butin de guerre, et souhaitaient

12 profiter de la situation. On considérait que ces gens-là étaient hostiles à

13 tout ceci. On emmenait ces gens-là justement creuser des tranchées.

14 Q. D'après vous, Halilovic n'a-t-il jamais donné un ordre pour que des

15 personnes soient envoyées pour creuser des tranchées ?

16 R. Dans certains cas, oui.

17 Q. Pourriez-vous nous citer de tels exemples, s'il vous plaît, l'un après

18 l'autre ?

19 R. Et bien --

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] L'affaire ici contre Halilovic porte sur la

23 connaissance qu'il avait de la réputation de la

24 9e Brigade en tant qu'individu.

25 Cette affaire ne porte pas sur le fait d'emmener des gens creuser des

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1 tranchées, et ceci n'a jamais été présenté comme argument devant cette

2 Chambre. Le témoin, Karavelic -- on n'a jamais posé des questions à ce

3 propos au témoin, Karavelic. Ceci ne devrait pas être autorisé, et je

4 m'oppose à la question. Cela n'est absolument pas pertinent eu égard aux

5 questions qui sont soulevées devant cette Chambre.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si, dans certains cas, Halilovic a donné

7 un ordre pour que quelqu'un soit emmené pour creuser des tranchées, il est

8 évident qu'il savait qu'Halilovic avait -- en tout cas, était au courant de

9 ce genre d'activités.

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien, Messieurs les Juges. Mais ceci

11 n'a jamais été versé au dossier; le numéro du document qui montre

12 qu'Halilovic avait connaissance de cela et a donné des ordres pour que cela

13 cesse. Messieurs les Juges, il s'agit là d'éléments de preuve.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, bien sûr. Ceci peut faire

15 partie de votre thèse. Vous pourriez vous étendre là-dessus lors de votre

16 contre-interrogatoire. Vous pouvez parler de ce point-là en particulier.

17 Nous allons d'abord entendre le témoignage ici portant sur la connaissance

18 de M. Halilovic à l'égard de ces différentes activités.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien, plaise aux Juges de la Chambre.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame Chana.

21 Mme CHANA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Delalic, pourriez-vous nous donner quelques exemples de ce

23 type, l'un après l'autre, s'il vous plaît.

24 R. Il y avait plusieurs exemples; l'un était -- portait sur Cesko. Cesko

25 avait une entreprise. J'ai moi-même reçu un ordre de ce Sefer Halilovic

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1 pour que cet homme soit emmené pour creuser des tranchées. Il y est resté

2 plusieurs jours; il a donc creusé des tranchées. A ce moment-là, cet homme

3 n'a pas mangé pendant plusieurs jours alors qu'il creusait des tranchées.

4 Après sept jours, il a été emmené l'hôpital de son plein gré. Plus tard,

5 une décision a été rendue, ou plutôt un ordre a été donné, et les soldats

6 de la

7 10e Brigade de Montagne l'ont arrêté suite à cet ordre. Il est resté là

8 pendant un mois environ.

9 Q. Avez-vous d'autres exemples qui vous viennent à l'esprit ?

10 R. Je ne connais pas les noms de ces gens-là, mais il y avait un homme qui

11 était gérant d'un hôtel, et qui était dans ma zone de responsabilité. Nous

12 l'avons emmené creuser des tranchées également. Il y avait de tels cas où

13 nous recevions des ordres oralement, qui venaient soit de Sefer Halilovic,

14 soit du commandant du 1e Corps.

15 Q. Le fils de Rasim Delic, a-t-il été emmené pour creuser des tranchées,

16 d'après vous ?

17 R. Non. A une occasion, il a été placé en garde à vue par la 9e Brigade de

18 Montagne, il a été passé à tabac. Tout le monde le savait, mais personne

19 n'est intervenu. Certains ordres ont même été donnés en indiquant que tel

20 était son destin.

21 Q. Est-ce que d'après vous Sefer Halilovic était au courant de la

22 situation du fils de Rasim Delic ?

23 R. Oui.

24 Q. Pourquoi dites-vous cela ?

25 R. A ce moment-là, je faisais partie du commandement de la

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1 10e Brigade de Montagne. C'est à ce moment-là que le fils de Rasim Delic a

2 été appréhendé. Il y avait une autre personne également. C'était un

3 chauffeur ou l'officier chargé de la sécurité de Rasim Delic. Caco a

4 contacté quelqu'un, et a demandé au commandant s'il devait être relâché. On

5 lui a dit : "Non. J'étais même présent lorsque cet homme a été frappé,

6 lorsque le fils de Rasim Delic a été frappé ainsi que le chauffeur. Un peu

7 plus tard, j'ai demandé à

8 Caco : 'A qui as-tu parlé' ?" Il a dit s'être entretenu avec le chef

9 d'état-major, Sefer Halilovic.

10 Q. Lorsque Sefer vous a demandé d'emmener cet homme Cesko et d'autres pour

11 aller creuser des tranchées, connaissait-il les conséquences de cela ou de

12 ce qu'il pouvait advenir de ces personnes ?

13 R. A la lumière des cas précédents, il devait savoir car il y avait bon

14 nombre de cas avant cela où bon nombre de personnes qui avaient été

15 emmenées pour creuser ces tranchées avaient été tuées ou étaient blessées.

16 Q. Monsieur Delalic, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, s'il vous

17 plaît, quand vous avez rencontré Sefer Halilovic pour la première fois ?

18 R. Cela devait être au début de la guerre. A un moment donné, au début de

19 la guerre, je l'ai rencontré à ce moment-là. Je ne le connaissais pas avant

20 la guerre.

21 Q. Quel type de rapport aviez-vous avec Sefer Halilovic avant la guerre,

22 après votre rencontre avec lui ?

23 R. Je ne le connaissais avant la guerre. Je l'ai rencontré au début de la

24 guerre. Nous étions en bons termes.

25 Q. Je souhaite maintenant parler de la date du 8 juin 1993 lorsqu'il y a

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1 eu un remaniement au sein de l'armée. Pourriez-vous nous en parler, s'il

2 vous plaît ?

3 R. Non, il ne s'agissait pas d'un remaniement au sein de l'armée. Vous

4 l'appelez comme cela. C'est simplement qu'un nouveau poste a été créé.

5 Jusqu'à ce moment-là, nous avions le chef d'état-major de l'état-major.

6 Ceci était un poste. Plus tard - donc, nous n'avions pas de commandant du

7 commandement Suprême de l'armée. Ce rôle incombait à Alija Izetbegovic.

8 Plus tard, Rasim Delic est venu. Il n'était pas content parce qu'il n'avait

9 pas été nommé à ce poste.

10 Q. Pourquoi dites-vous qu'il n'était pas content; est-ce parce que vous

11 lui en avez parlé lorsque la nouvelle a été annoncée ? Est-ce que vous

12 pourriez nous en dire plus, s'il vous plaît ?

13 R. Lorsque j'ai appris, et j'ai appris cela de lui, qu'un nouveau poste

14 avait été créé au sein de l'armée, à savoir, le commandement -- le

15 commandant de l'armée, il m'a appelé, et il m'a demandé de venir le voir

16 dans son bureau. J'étais là, dans le bâtiment dans lequel se trouvait son

17 bureau. Rasim Delic était là en présence d'autres membres de l'état-major

18 général. J'ai vu cet homme. J'ai vu qu'il était très en colère. Il s'était

19 exprimé -- avait exprimé son point de vue. Quelques jours plus tard, je lui

20 ai de nouveau parlé. Nous, les commandants, nous étions quelque peu surpris

21 par la création de ce nouveau poste et la nomination de Rasim Delic comme

22 commandant. Un mois après le début de la guerre, il a quitté la JNA, a été

23 muté et a rejoint les rangs de l'ABiH. Ceci s'est passé un mois après le

24 début de la guerre. Par conséquent, nous étions surpris également par sa

25 nomination en tant que commandant.

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1 Q. Avez-vous parlé de cela avec Sefer Halilovic ?

2 R. Oui. Nous étions tous en colère le fait qu'il ait été muté. Ceci a été

3 invoqué, bien sûr, le fait que Rasim Delic ait été limogé, non seulement à

4 Sarajevo mais à l'extérieur de Sarajevo. Un certain nombre de commandants

5 étaient mécontents avec Rasim Delic, comme l'était bon nombre de membres de

6 l'état-major général. Par conséquent, on parlait de son limogeage et du

7 fait qu'il ait été écarté.

8 Q. Pourriez-vous nous dire ce que tout ceci veut dire ? Qu'avez-vous dit à

9 cet égard ?

10 R. Il a été écarté physiquement. Il y avait un plan qui avait été élaboré.

11 On pensait lancer un ultimatum au président pour que Rasim Delic soit démis

12 de son poste aux fins de faire revenir Sefer Halilovic. Si la présidence

13 refusait d'accepter cela, certains commandants ont fait certaines

14 propositions aux fins de l'écarter.

15 Q. Qui étaient ces commandants qui soutenaient Sefer Halilovic ?

16 R. La plupart des commandants de la brigade. Les partisans qui ont le plus

17 affiché leur opinion étaient les commandants de l'unité Delta, de la 10e

18 Brigade de Montagne, de la 9e Brigade motorisée, Adnan Solakovic, qui était

19 le commandant du Bataillon indépendant, et cetera.

20 Q. Qui a proposé que Delic soit écarté physiquement ?

21 R. Ceci a été évoqué au cours de la conversation. En réalité, nous avons

22 eu plusieurs conversations entre nous. Nous voulions qu'il soit écarté, et

23 nous souhaitions lancer cet ultimatum. Après cela, nous souhaitions qu'il

24 soit écarté physiquement. Ceci a été abordé au cours de nos discussions.

25 Dans certains cas, Sefer Halilovic a dit cela ainsi que le commandant de

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1 l'Unité Delta et moi-même également.

2 Q. Une décision a-t-elle été prise à cet égard ? Si tel était le cas, s'il

3 en avait été décidé ainsi, qui devait procéder à cela, à ce limogeage ?

4 R. On disait que l'unité Delta devait s'en charger si les choses

5 évoluaient dans ce sens-là.

6 Q. Vous-même, vous êtes-vous porté volontaire ?

7 R. Dans certains cas, au cours de certaines discussions, oui, il est vrai

8 que je me suis proposé de mener à bien cette tâche.

9 Q. Qu'est-ce qui a finalement été décidé ?

10 R. Il fallait tout d'abord réhabiliter Sefer Halilovic, autrement dit,

11 nous devions monter une opération musclée qui permettrait de réhabiliter

12 Sefer Halilovic et d'asseoir sa crédibilité à nouveau; qu'il devait, en

13 même temps, entacher la réputation de Rasim Delic. Cette opération

14 s'appelait

15 Obrana Prava 93, qui était, en réalité, l'opération Neretva 93.

16 Q. Qu'est-ce qui a été évoqué, autrement dit, comment cette opération

17 devait-elle se dérouler, cette opération qui était censée réhabiliter Sefer

18 Halilovic, et comment est-ce que tout un chacun en serait averti ?

19 R. Etant donné que Konjic-Jablanica-Mostar, cette vallée de la Neretva,

20 les gens de la région étaient très mécontents de la nomination de Rasim

21 Delic en tant que commandant, ce qui signifiait que l'ensemble de cette

22 région en Bosnie-Herzégovine soutenait Sefer Halilovic. Nous devions

23 organiser une opération musclée de façon à lever le blocus de la ville de

24 Mostar. Mostar se trouvait dans une situation extrêmement difficile. La

25 décision qui devait être prise pour lever le siège de Mostar aurait

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1 réhabilité Sefer Halilovic, et l'aurait placé à nouveau au poste de

2 commandant.

3 Q. Comment la population était-elle tenue au courant de ces évolutions, de

4 ces succès ?

5 R. Aux côtés de Sefer Halilovic, il y avait toujours un journaliste

6 indépendant qui était un journaliste d'Oslobodjenje. Il avait couvert cette

7 opération, l'opération Neretva.

8 Q. Connaissez-vous le nom de ce journaliste ?

9 R. Sefko Hodzic.

10 Q. Avez-vous eu l'occasion de lire certains articles de Sefko Hodzic ?

11 R. Oui. J'ai lu ces articles.

12 Q. Quelle était votre opinion, ou votre point de vue sur ces articles ?

13 R. Ces articles n'étaient pas bons, par exemple, ils disaient qu'un

14 certain pont avait été pris, ils avaient pris le contrôle de certains

15 endroits, certaines positions, alors que cela n'était pas vrai. Dans bon

16 nombre de régions, les routes étaient censées avoir été coupées, et c'est

17 ce qui était indiqué dans ces articles. Ils disaient que certains éléments

18 -- certaines régions étaient placées sous le contrôle, avaient été prises,

19 alors qu'en réalité cela n'était pas vrai.

20 Q. Pourquoi cela était-il le cas, pourquoi ces reportages de ces succès,

21 de ces séparations militaires, qui consistaient à prendre le contrôle ou à

22 couper les routes, et à prendre de territoires, pourquoi ceci a-t-il été

23 rapporté de cette façon ?

24 R. Il fallait montrer à la population que la nomination d'un nouvel homme

25 au poste de commandement correspondait au limogeage de Sefer Halilovic.

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1 Ceci n'était pas bien, ceci avait été organisé à cet effet.

2 Q. Quelle était la position de Sefer Halilovic par rapport à Izetbegovic ?

3 R. Leurs rapports étaient tendus -- avant ce limogeage et ce limogeage,

4 comme nous l'appelions était le moment le plus difficile de leur rapport.

5 Les rapports entre le président et Sefer Halilovic étaient des rapports

6 extrêmement tendus.

7 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était la réaction des simples soldats

8 par rapport à la création de ce nouveau poste, le fait que Delic soit

9 commandant de l'armée, au lieu de Sefer Halilovic ?

10 R. La plupart des soldats de Sarajevo et en Bosnie-Herzégovine soutenaient

11 Sefer Halilovic. C'est quelque chose que l'on pouvait constater aisément,

12 lorsque les soldats commençaient à porter des badges, à montrer des

13 photographies, des affiches de Sefer Halilovic.

14 Q. Précédemment, je viens de vous montrer le document MFI 415. C'est vous

15 qui avez parlé de ces badges que les gens commençaient à arborer; est-ce

16 exact ? C'est vous qui avez été à l'origine de tout cela ?

17 R. Un homme appelé Mesar est venu me voir dans mon unité, il avait

18 l'habitude d'accompagner Sefer Halilovic. Lorsque Sefer Halilovic allait

19 quelque part, il jouait le rôle de chauffeur et d'homme chargé de sa

20 sécurité. C'est lui qui est venu avec un certain nombre de badges qu'il a

21 données aux hommes de mon unité -- ils ont ensuite été distribués à

22 d'autres soldats, mais ce n'est pas moi qui étais à l'origine de ces

23 badges.

24 Q. Je souhaite maintenant vous montrer un autre document portant sur la

25 question des badges. Numéro 65 ter, 168 -- pardonnez-moi, le document P210.

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1 C'est un document qui vient de l'administration de la Sécurité, je souhaite

2 porter votre attention sur le paragraphe qui commence

3 par : "Cette source prétend que la plupart des gens…" Est-ce que vous y

4 êtes ? Est-ce que vous avez retrouvé ce paragraphe ? Il dit: "La plupart

5 des personnes autour de Ramiz (Celo) viennent de Sandjak. Il s'agit surtout

6 d'hommes de la brigade militaire de police, ils portent tous des badges

7 montrant Sefer Halilovic, des badges de Sefer Halilovic."

8 Donc, c'était une réalité, n'est-ce pas, les hommes arboraient ces badges ?

9 R. Ce Kenan Kapur et un certain Brus venaient de Prije Polje [phon], ville

10 natale de M. Sefer Halilovic. Ils le connaissaient personnellement; le fait

11 qu'ils l'arborent, qu'ils le portent, venait de leur propre initiative,

12 pour montrer qu'ils soutenaient leur commandant. Il n'y avait pas d'ordre

13 dans ce sens.

14 Q. Y avait-il des conséquences pour ceux qui soutenaient Halilovic ?

15 R. Non. Pas à ce moment-là; plus tard, oui. Même les gens normaux

16 exprimaient leur soutien pour Halilovic, pas seulement les combattants.

17 Q. Lorsque vous dites "plus tard", qu'il y a eu des conséquences plus

18 tard, est-ce que vous pourriez nous dire quelles étaient ces conséquences ?

19 R. Tout ce qui est arrivé plus tard à des unités, brigades ou

20 commandements, et cetera, provenait du soutien accordé à Sefer Halilovic.

21 Beaucoup de gens ont été condamnés au pénal ou pour insubordination, car

22 ils avaient manifesté leur soutien à Sefer Halilovic.

23 Q. Pourriez-vous me donner des exemples ?

24 R. Je pense à Musan Topalovic, Caco; c'est la raison pour laquelle il a

25 été tué. J'ai été arrêté en 1993 parce que je l'ai soutenu, et c'est vrai.

Page 49

1 Nous avons été induits en erreur d'une certaine manière.

2 Q. Si Rasim Delic et Sefer Halilovic vous donnaient un ordre, lequel

3 obéissiez-vous ?

4 R. Pas seulement moi, mais également la majorité des commandants et des

5 combattants en Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, préféraient exécuter un

6 ordre de Sefer Halilovic.

7 Q. Connaissiez-vous un homme répondant au nom de Halid Cengic ? Excusez ma

8 prononciation.

9 R. Halid Cengic, si je ne m'abuse, était l'assistant commandant à la

10 logistique, ou quelque chose du genre. Il était en tout cas la personne en

11 charge de la logistique. Une personne d'une influence importante au sein de

12 l'ABiH, au sein de la présidence.

13 Q. Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

14 R. Rien ne lui était arrivé, mais son adjoint ou un de ses subordonnés fut

15 brutalement passé à tabac dans un village près de Jablanica. Je ne me

16 souviens plus du nom, je pense que vous devez

17 l'avoir quelque part dans vos dossiers. Je pense qu'il était surnommé

18 Efendija, quelque chose comme cela. M. Sefer Halilovic m'a appelé pour que

19 je me rende là-bas avec lui, où cette personne, Efendija - ou quelque chose

20 comme cela - ait été arrêté. A ce moment-là, nous avons été accompagnés par

21 Mesar, un commandant de la Brigade de la Neretva, un autre homme également,

22 Homeini, et le fils de Sefer. Ce jour-là, j'ai assisté à l'interrogatoire

23 de cet Efendija, donc la personne en question, sous la conduite de Halid

24 Cengic. Il s'agissait d'obtenir des informations de sa part, à savoir s'il

25 travaillait pour Rasim Delic et Cengic, ce qu'il a reconnu combien d'argent

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1 il gagnait en achetant et en vendant des armes et des munitions. Il

2 s'agissait d'obtenir des informations sur le côté négatif concernant le

3 travail de Rasim Delic et Halid Cengic. Ce jour-là, Efendija a été

4 violemment passé à tabac, tout simplement parce qu'il était l'homme d'Halid

5 Cengic.

6 Q. Qui a été le coupable du passage à tabac pour être au clair ?

7 R. Il s'agissait de Mesar. On a enlevé les chaussures et chaussettes de

8 l'homme, et pendant une demi-heure, on l'a frappé sur la plante des pieds.

9 Q. Est-ce que les autres personnes dont vous avez parlé regardaient cette

10 scène ?

11 R. Ils regardaient, oui. Ils observaient, et je dois dire appréciaient le

12 spectacle.

13 Q. Quelle était votre relation, et celle de la 9e Brigade, avec le MUP ?

14 R. Je m'entendais assez bien avec le MUP, le ministère de l'Intérieur.

15 Cependant compte tenu de ma relation avec M. Sefer Halilovic, ils

16 cherchaient toujours à manquer de respect à mon égard, en ma qualité

17 d'adjoint au commandant de la 9e Brigade. Comme commandant, lorsqu'il y

18 avait des dérapages en ce qui concerne les combattants de la 9e Brigade,

19 ces dérapages m'étaient toujours attribués.

20 Q. Est-ce qu'il y a eu un incident qui vous a concerné le 9 juin, vous et

21 le MUP ?

22 R. Pas spécifiquement le MUP. Je ne me souviens pas de la date exacte,

23 mais l'administration de la sécurité militaire, dont le chef ou commandant

24 était Muslimovic, a ordonné l'arrestation de Senad Pecar, adjoint au

25 commandant adjoint de la 10e Brigade de Montagne, ce qui a donné lieu à de

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1 l'agitation plus tard dans certaines sections de la brigade. Simultanément,

2 une attaque de grande envergure était menée contre la 2e Brigade de la

3 Viteska. Au cours du plus fort des hostilités, il a été décidé d'arrêter

4 Senad Pecar en secret, tout en sachant les conséquences, tout en sachant ce

5 que serait la réaction du commandant de la 10e Brigade de Montagne. Mais on

6 a procédé à cette arrestation malgré tout, ce qui a donné lieu à des

7 agitations et une rébellion plus tard.

8 Q. Est-ce que vous avez été informé que vous étiez en risque, ou que vous

9 courriez le risque d'être arrêté ?

10 R. Oui.

11 Q. Qui vous l'a dit ?

12 R. Après l'arrestation de Senad Pecar, le commandant de la 10e Brigade est

13 entré dans une rage folle. Nous avons tous deux appelé Sefer Halilovic pour

14 savoir ce qui se passait. Il a dit qu'il ne savait pas. C'est quelque chose

15 qui a été fait par Muslimovic, que Sefer Halilovic détestait cordialement,

16 et il a indiqué qu'il était également probable que nous allions également

17 être arrêtés. Je ne savais pas pourquoi, mais voilà c'est l'information qui

18 m'a été fournie.

19 Q. Est-ce que M. Halilovic vous a rappelé à ce sujet, et dans

20 l'affirmative, combien de fois ?

21 R. En ce qui concerne cette rébellion, nous avons parlé plusieurs fois

22 avec M. Halilovic, et nous avons dit plus ou moins que nous voulions que M.

23 Muslimovic soit remplacé. Il était chef de l'administration de la sécurité.

24 Nous avons émis cette exigence plus tard, et c'est intervenu plus tard.

25 Q. Quels étaient les propos que tenait M. Halilovic dans vos conversations

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1 suite à la rébellion ? Qu'est-ce qu'il fallait faire ? Qu'est-ce qu'il

2 préconisait ?

3 R. En ce qui concerne la rébellion, je n'en sais rien. Je sais que j'étais

4 en contact avec lui, et c'est tout. Il a demandé le remplacement de M.

5 Muslimovic, ce qui signifie que nous demandions, nous exigions son

6 remplacement. Je ne sais pas s'il demandait quoi que ce soit d'autre. Je me

7 souviens par la suite que nous avons eu un entretien avec le président et

8 d'autres, et leur avons indiqué que nous voulions que Muslimovic soit

9 remplacé.

10 Q. A-t-il été remplacé ?

11 R. Je sais qu'il a été remplacé plus tard, et qu'un nouveau commandant

12 adjoint à la sécurité a été nommé, c'était Jusuf Jasarevic.

13 Q. Je voudrais à présent aborder un autre thème avec vous.

14 M. Delalic, étiez-vous présent lors d'une réunion à Zenica, lorsque l'on a

15 parlé de l'opération Neretva avec plusieurs commandants ?

16 M. MORRISSEY : [interprétation] J'ai une objection car il y a deux

17 questions en une.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Effectivement, commençons d'abord par la

19 réunion, et après le contenu.

20 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'essayais de

21 gagner du temps simplement.

22 Q. Est-ce que, Monsieur Delalic, vous avez eu connaissance d'une réunion

23 tenue à Zenica ?

24 R. Oui, mais je n'y ai pas participé.

25 Q. Y a-t-il eu une réunion avec le 1er Commandant de Corps, Karavelic, pour

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1 une réunion consacrée à l'opération Neretva ?

2 R. Oui.

3 Q. Quand cette réunion s'est-elle tenue ?

4 R. Au moment où cette opération était en planification, j'ai été convoqué

5 chez Sefer Halilovic. Le commandant du 1er Corps, Karavelic, a également été

6 convoqué. Probablement s'était-il entretenu préalablement, et je me suis

7 rendu compte dans une conversation que Sefer Halilovic demandait que des

8 unités, en tout cas une partie de la 9e Brigade motorisée, l'Unité Delta,

9 le Bataillon indépendant d'Adnan Solakovic, et certaines Unités de la 10e

10 Brigade de Montagne, c'est-à-dire, 300 hommes au total, devraient être

11 armés afin de mener des opérations de combat dans la zone de Jablanica.

12 Q. A cette réunion --

13 R. M. Karavelic était contre un tel ordre, car il estimait que les lignes

14 de défense de Sarajevo s'en verraient affaiblies. C'est la raison pour

15 laquelle il était catégoriquement contre un tel ordre, et c'est la raison

16 pour laquelle Sefer Halilovic nous a appelé pour que nous participions à la

17 réunion. Il a appelé le commandant de la

18 10e Brigade de Montagne, le commandant de Delta, Adnan Solakovic, et moi-

19 même, afin que nous disions que nous étions en mesure de trouver une unité

20 pour -- ou de dégager une unité pour qu'elle participe à cette opération.

21 Voilà, les choses telles qu'elles étaient.

22 Q. Pourquoi Halilovic a-t-il demandé ces unités que vous venez de citer ?

23 R. Pour ce qui est des unités de la 9e Brigade motorisée, cette brigade

24 pourrait donner un certain nombre de combattants tout à fait équipés; ce

25 qui était le souhait de M. Sefer Halilovic. Les autres unités étaient

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1 également en mesure de le faire sans affaiblir les lignes de défense dans

2 leur domaine de responsabilité. C'était possible. D'autre part, ce que nous

3 avons, en fonction -- conformément à ce que nous avions prévu, ces unités

4 devaient s'en aller.

5 Q. Quelle était, selon vous, la relation qui existait entre Sefer

6 Halilovic et Vahid Karavelic ?

7 R. Pour autant que je puis m'en rendre compte, c'était une relation

8 officielle qui existait, par exemple, M. Karavelic qui était très

9 catégorique par rapport à l'idée de M. Halilovic, que des soldats puissent

10 quitter Sarajevo. Voilà, c'est ce que je peux dire. Tout ce que je peux

11 dire, c'est que leur relation était tendue. Il n'y avait pas de

12 convivialité, d'amitié dans leur relation.

13 Q. Quel était le climat général de cette réunion ?

14 R. Cette question me semble, en ce qui concerne le climat général. J'ai

15 l'impression que Vahid Karavelic ne souhaitait pas que des soldats du 1er

16 Corps quittent Sarajevo en tout état de cause. Je pense que c'est quelque

17 chose qui est apparu clairement plus tard.

18 Q. Je voudrais vous soumettre les ordres. Je vais commencer par la pièce

19 P161 que nous allons projeter sur le rétroprojecteur. Il s'agit d'un ordre

20 de la main de Sefer Halilovic, adressé au commandant du 1er Corps Vahid

21 Karavelic; est-ce bien cela ?

22 R. Oui.

23 Q. Ces quatre ordres reflètent-ils ce qui a été décidé lors de cette

24 réunion au sujet du déploiement des troupes ?

25 R. Pourriez-vous répéter la question.

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1 Q. Il s'agit d'ordre de déploiement -- enfin, je vous en montre un à la

2 fois. Est-ce qu'ils reflètent ce qui a été décidé lors de cette réunion ?

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Je pense qu'il faut parcourir ces ordres un

4 par un, selon moi.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

6 Mme CHANA : [interprétation]

7 Q. Premier ordre, quelle est la teneur de cet ordre ? L'ordre que vous

8 voyez sur l'écran, est-ce que vous pourriez dire de quoi il s'agit ?

9 R. Avant que cet ordre ne soit émis, il y a eu des réunions au cours

10 desquelles M. Karavelic s'est clairement prononcé contre le fait que des

11 unités quittent Sarajevo en tout état de cause, comme je l'ai dit. Ensuite,

12 il y a un ordre numéro 2 qui indique si l'on pense qu'un tel redéploiement

13 peut compromettre ou mettre en danger la défense de Sarajevo, je suis prêt

14 à en assumer toute la responsabilité. Karavelic était contre, mais Sefer

15 Halilovic a convaincu Karavelic, et sur la base d'ordres, Karavelic a

16 également, finalement, donné son consentement au déploiement de ces unités.

17 Q. Je vous prierais à présent d'examiner la pièce P382 qui apparaîtra tout

18 de suite sur votre écran. C'est un ordre de Halilovic destiné à Karavelic.

19 Quelle est la teneur de cet ordre ?

20 R. Nous devions normalement nous mettre en route le

21 3 septembre 1993, mais Karavelic n'a pas exécuté cet ordre. Nous n'étions

22 pas préparés, nous n'étions pas prêts. Cet ordre a été adressé au 1er Corps,

23 et portait sur le déploiement urgent des unités. Ce déploiement n'est pas

24 intervenu car il ne recueillait pas l'approbation de Karavelic.

25 Q. A présent, si je pouvais vous soumettre un ordre du

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1 4 septembre, un ordre adressé à vous et provenant de Karavelic.

2 Mme CHANA : [interprétation] P383, Monsieur le Juge.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandement de la 9e Brigade motorisée a

4 reçu cet ordre. Il connaît cet ordre, et cet ordre a été exécuté. Il y

5 avait tout simplement un problème en ce qui concerne cet ordre. L'accord

6 oral intervenu au cours de la réunion avec

7 M. Halilovic, était que la 9e Brigade motorisée fournirait 100 à 150

8 soldats, mais le commandant du 1er Corps demandait deux pelotons; ce qui

9 s'élevait à 25 soldats par peloton. Le commandement de la

10 9e Brigade motorisée a commencé à exécuter cet ordre, et a demandé aux

11 commandants de bataillon et à certaines unités de détacher ou d'affecter ce

12 nombre de soldats, 100 à 150; ce qu'a fait la

13 9e Brigade motorisée. Ils se sont rassemblés devant le commandement de la 9e

14 Brigade motorisée. M. Karavelic est arrivé à passer les troupes en revue,

15 et a émis un ordre oralement selon lequel il fallait diminuer de moitié le

16 nombre d'effectifs présents dans cette unité sans savoir que 50 hommes

17 devaient être envoyés dans le secteur de Jablanica. A cette occasion, Vahid

18 Karavelic a, personnellement, passé en revue l'unité. Il l'a diminué de

19 moitié, après quoi, il l'a envoyée à Jablanica.

20 Q. Je voudrais à présent vous soumettre un autre ordre, P290, daté du 5

21 septembre 1993, ordre de Karavelic à M. Sefer Halilovic. Pourriez-vous

22 commenter cet ordre ? De quoi s'agit-il ?

23 R. Est-ce que vous pourriez augmenter légèrement le volume, s'il vous

24 plaît.

25 Excusez-moi, je veux dire, est-ce que vous pourriez agrandir un petit

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1 peu le document, s'il vous plaît ?

2 Q. Oui, oui, tout de suite.

3 Vous le voyez a présent ?

4 R. Oui, je connais cet ordre.

5 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce sur quoi porte cet ordre ?

6 R. Le déménagement des unités depuis Sarajevo n'était subordonné au temps;

7 cela dépendait de M. Karavelic. Donc, ce n'est pas vrai qu'il y a eu une

8 agitation importante. Nous n'avons pas pu -- il n'y avait un orage

9 important comme c'est dit ici. Nous n'avons pas pu quitter simplement parce

10 que les différents commandants n'ont pas pu se mettre d'accord entre eux.

11 Q. Donc, le départ de vos troupes a été reporté ?

12 R. Oui.

13 Q. Nous savons que Sefer Halilovic était un chef d'état-major. Etait-il

14 habilité à émettre de tels ordres, un ordre portant dans son opération

15 Neretva, par exemple ?

16 R. Oui. Oui, il était habilité à émettre de tels ordres ?

17 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était la structure hiérarchique de cette

18 unité ? Autrement dit, dans quelle structure militaire cette unité allait-

19 elle s'inscrire pour cette opération ?

20 R. A l'occasion de certaines conversations avec M. Halilovic, mais d'abord

21 avec le supérieur direct, le commandement de la

22 9e Brigade, il a été conclu que ces unités resteraient autour de Jablanica

23 pendant sept jours pour y mener des opérations de combat. Ces Unités de

24 Sarajevo étaient censées fournir des hommes pour constituer un bataillon;

25 lequel aurait son propre commandant. Je pense que c'était Senad Pecar, si

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1 je m'en souviens bien. Il serait immédiatement resubordonné, donc replacé

2 sous l'autorité de l'Unité Zulfikar ou, plus exactement, des commandements

3 des Unités Zulfikar Alispago. La hiérarchie était la suivante; il y avait

4 le commandement de Prenar [phon], ensuite, Zulfikar Alispago, aussi

5 Alispago était commandant de cet axe et le commandant final, en fin de

6 chaîne, était Sefer Halilovic.

7 Q. Cette resubordination, quand devait-elle commencer ? A quel moment ces

8 hommes allaient-ils être placés sous l'autorité de Zulfikar Alispago ?

9 R. La simple élimination du commandant de bataillon signifiait que,

10 dorénavant, le commandant devait exécuter tous les ordres émis par Zulfikar

11 Alispago. Dès le moment du départ, et dès le moment de l'arrivée à

12 Jablanica, cette unité a été placée sous le commandement de Zulfikar

13 Alispago ou M. Sefer Halilovic.

14 Q. Comment le commandement de l'axe des attaques était-il configuré ?

15 R. L'opération, ou les opérations, dans leur ensemble, s'étendaient de

16 Prozor, ou plutôt de Bugojno à Mostar. Il y avait plusieurs axes. Le

17 commandant de l'opération, dans son ensemble, était M. Halilovic. On a

18 attaqué dans plusieurs directions. Je ne sais pas qui étaient les

19 commandants respectifs, mais là où il y avait les commandants de Sarajevo,

20 enfin, la zone où se trouvaient les commandants pour Sarajevo, était sous

21 le commandement de Zulfikar Alispago. Il y avait également des assistants,

22 des membres de l'état-major général, Rifat Bilajac, M. Vehbija Karic,

23 Zicro, Vehbija Karic et ainsi de suite. Il y avait là plusieurs membres de

24 l'état-major général, dont le rôle était d'apporter leur soutien aux

25 commandants de l'axe en termes opérationnels pour ce qui est de la

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1 planification, et aussi de la mise en œuvre ou l'exécution des opérations

2 de combat.

3 Mme CHANA : [interprétation] Est-ce que je peux demander à l'Huissière de

4 m'apporter la carte de l'opération de Neretva.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

6 Mme CHANA : [interprétation] J'aurais dû le demander plus tôt, je suis

7 désolée.

8 Q. Est-ce que vous voudriez bien examiner cette carte, Monsieur Delalic.

9 Est-ce que vous avez déjà vu cette carte ?

10 R. Oui.

11 Q. Quand est-ce que vous l'avez vue ? Quand l'avez-vous vue pour la

12 première fois ?

13 R. J'ai vu cette carte pour la première fois à peu près le deuxième ou le

14 troisième jour après le crime de Grabovica. Je ne l'avais pas vue

15 auparavant, mais je savais à peu près quelles zones devaient être attaquées

16 et ainsi de suite. Donc, je l'ai vue deux ou trois jours après mon arrivée

17 à Jablanica.

18 Q. Pourriez-vous expliquer à la Chambre comment se présentait l'axe de

19 l'attaque, en ce qui concerne Zulfikar Alispago ou des membres de votre

20 unité ?

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question

22 qui oriente le témoin. Le témoin a reconnu avoir été impliqué avec ces

23 troupes, qui participaient à ces activités de combat. Mais il vaudrait

24 mieux préciser ce que l'on entend par "votre unité."

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le témoin a dit dans son témoignage qu'il

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1 a vu cette carte, le deuxième ou le troisième jour après le crime de

2 Grabovica, mais il savait approximativement quelle zone devait être

3 attaquée.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] C'est ce que j'avais compris, et la

5 question semblait comporter une affirmation qui n'était pas celle du

6 témoin. Donc, c'est à lui de dire s'il est d'accord ou non.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

8 Veuillez préciser.

9 Mme CHANA : [interprétation]

10 Q. Je me réfère aux unités de la 9e Brigade, sous le commandement de M.

11 Alispago; quel était l'axe de l'attaque qu'elle était censée mener, est-ce

12 que vous pourriez nous la montrer ?

13 R. Oui, on le voit écrit en tout petit, à peu près dans cette zone vers

14 Vrda. Je connais les hauteurs qui devaient être attaquées, Medved et ainsi

15 de suite, je sais exactement où l'opération devait être menée, mais c'était

16 ici l'axe sous le commandement de Zulfikar Alispago, qui commandait les

17 unités de Sarajevo.

18 Q. Est-ce que vous voyez l'autre axe -- combien d'axes y avait-il en

19 tout ?

20 R. Plusieurs axes; je ne sais pas combien il y avait de commandants, mais

21 je sais qu'il y en avait plusieurs. Afin de lever le siège de Mostar, il

22 était nécessaire d'avoir plusieurs axes. Donc, ce que je sais, c'est qu'il

23 y en avait plusieurs, je connais donc l'axe qui était sous le commandement

24 de Zulfikar.

25 Q. Est-ce que ce terrain vous est familier ?

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1 R. Je ne dirais pas familier, mais j'en connais certains aspects.

2 Q. Est-ce que vous voyez les deux signatures qui sont apposées sur cette

3 carte, une signature en haut à gauche, et l'autre en bas à droite ?

4 R. Oui, je reconnais ces deux signatures.

5 Q. De qui sont ces signatures ?

6 R. En haut, c'est la signature du commandant, Rasim Delic, et en bas,

7 c'est la signature du chef d'état-major, Sefer Halilovic.

8 Q. Est-ce que ces signatures ont pour vous, en tant que militaire, un sens

9 ou une signification particulière ?

10 R. Cela veut dire que l'approbation de cette opération émanait de Rasim

11 Delic et Sefer Halilovic. C'est la conclusion à laquelle je parviens sur la

12 base de ce que je vois ici.

13 Q. Merci, Monsieur Delalic. J'aimerais vous parler de la manière dont les

14 troupes ont été sélectionnées. Pouvez-vous me dire comment les troupes ont

15 été sélectionnées ? Celles qui finalement ont participé, et où est-ce que

16 cette sélection a eu lieu ?

17 R. La sélection des soldats a eu lieu au sein de la 9e Brigade motorisée.

18 Lorsqu'on effectue une sélection de la sorte, sélection d'un grand nombre

19 de personnes, les commandants de bataillon sont invités à choisir plusieurs

20 soldats, de les envoyer au commandement de la brigade, donc tous ces

21 soldats ne venaient pas de la même unité, mais plutôt de différentes

22 unités, ou plutôt de différents bataillons et différentes unités. Le choix

23 des troupes a été effectué par les commandants de bataillon, et le

24 commandement de la 9e Brigade motorisée.

25 Q. Est-ce que vous avez participé à la prise de décision, concernant les

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1 hommes qui devaient se rendre en Herzégovine ?

2 R. Le commandant de la 9e Brigade motorisée donne un ordre, le commandant

3 ou le commandant adjoint ne peut pas faire ce choix, en allant d'un soldat

4 à l'autre. Non, un ordre est donné au commandant de bataillon ou au

5 commandant de l'Unité de Reconnaissance ou d'Assaut, et parmi toutes ces

6 unités, une sélection est faite.

7 Q. Je regrette d'insister fortement sur la question, mais est-ce que vous

8 pouvez nous dire précisément ce qui s'est passé à l'extérieur, là où les

9 soldats étaient alignés, est-ce qu'ils ont été sélectionnés ? Comment cela

10 s'est-il passé exactement et, de façon plus précise, quels soldats ont été

11 choisis ?

12 R. Le commandant de corps, lorsqu'il donne un ordre au commandant de

13 brigade, pour constituer une compagnie, ou rassembler des soldats, ce n'est

14 pas une sélection qui est faite personnellement par un commandant qui

15 choisit un soldat après l'autre individuellement, la brigade ne le fait pas

16 non plus. Il ne s'agit pas d'aller d'un soldat à l'autre et de les choisir

17 l'un après l'autre. L'ordre que nous voyons ici ressemble à un ordre émis

18 par la 9e Brigade motorisée au commandant, visant à créer une compagnie

19 composée de tant de soldats. Par exemple, le commandant du

20 1er Bataillon aurait envoyé quatre personnes; le commandant du

21 2e Bataillon, dix personnes; le commandant du 3e Bataillon, quatre

22 personnes; et ainsi de suite. Donc, la composition de cette unité envoyée à

23 Jablanica était mixte, conformément à l'ordre donné par le corps. Ils

24 avaient besoin de soldats d'infanterie, de personnes qui avaient de

25 l'expérience avec des armes anti-blindés, ils avaient besoin de personnes

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1 qui connaissaient le travail de reconnaissance, et ainsi de suite, donc,

2 l'unité devait être de composition mixte.

3 Q. Combien d'hommes ont été prêts à partir pour l'Herzégovine, à la fin de

4 ce processus ?

5 R. Le premier ordre que nous voyons ici, énonçait que la 9e Brigade

6 motorisée devait envoyer entre 100 et 120 soldats; c'est exactement le

7 nombre de soldats qui a été rassemblé; cela dit, lorsque Vahid Karavelic

8 est arrivé, il n'était pas d'accord avec cela, il a indiqué qu'il fallait

9 50 soldats. Les gens étaient alignés en deux lignes; M. Karavelic a tenté

10 d'opérer une sélection personnelle des soldats. D'abord, il a fait un

11 discours en termes éthiques sur la nécessité de se rendre à Jablanica, pour

12 mener une opération de combat. Il a leur décrit la situation à Mostar, ce à

13 quoi ils pouvaient s'attendre sur place, qu'ils pouvaient être tués ou

14 blessés, ainsi de suite. Un discours tout à fait typique d'un commandant

15 dans de telles circonstances. Puis, il a divisé l'unité en deux, il a

16 d'abord demandé des volontaires, il a dit qu'il n'était pas nécessaire

17 d'avoir 120 personnes, mais qu'il avait besoin d'environ 50 personnes. Cela

18 dit, quand il a demandé des volontaires, tout le monde s'est porté

19 volontaire. Puisque l'unité était alignée en deux rangées, il a demandé à

20 la première rangée de s'avancer, ce qu'elle a fait, et il a dit : "Ce sera

21 la première rangée qui va partir, et ceux qui sont dans la deuxième rangée

22 peuvent s'en aller." C'est ainsi que l'unité qui devait se rendre à

23 Jablanica a été constituée.

24 Q. Quelles tâches vous ont été confiées dans le cadre de cette opération,

25 si des tâches vous ont été confiées personnellement ?

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1 R. On ne m'a pas confié de tâches particulières, ou de tâches différentes

2 de celles de la 9e Brigade motorisée. Les tâches avaient été assignées à la

3 brigade, qui devait envoyer une unité afin de mener ces opérations de

4 combat dans le secteur de Jablanica. La tâche qui m'incombait précisément

5 était d'envoyer non pas 50, mais 120 soldats. C'était l'ordre qui m'avait

6 été donné par M. Halilovic. C'était ce qui avait été convenu lors des

7 première et deuxième réunions, donc la décision d'envoyer 120 soldats.

8 Les interprètes insistent pour que je parle plus lentement; c'est pour cela

9 que j'observe des pauses.

10 Q. Cela ne pose pas de problèmes. Ce que j'aimerais savoir, Monsieur

11 Delalic, c'est : est-ce que vous aviez un rôle à jouer dans l'opération

12 Neretva ? Est-ce que vous étiez censé accompagner vos troupes en

13 Herzégovine ?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce que vous aviez un rôle, personnellement, dans l'opération

16 Neretva ?

17 R. Non. Il y a des ordres qui sont donnés. Les membres du commandement

18 sont désignés; en fin de compte j'étais le commandant adjoint de la 9e

19 Brigade motorisée. Je n'étais pas un commandant de compagnie.

20 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous étiez

21 en train d'indiquer qu'il convenait de faire une pause ?

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, si cela vous convient.

23 Mme CHANA : [interprétation] Tout à fait.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons suspendre et reprendre à une

25 heure moins quart.

Page 65

1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

2 --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avant de faire rentrer le témoin, je vois

4 que M. Weiner est dans le prétoire. J'ai une question à vous poser,

5 Monsieur, eu égard au rapport d'expert. Vendredi dernier, nous avons reçu

6 la requête de la Défense portant sur l'utilisation et le versement au

7 dossier du rapport d'expert militaire. Je souhaite savoir si l'Accusation

8 souhaite répondre à ce rapport, et si oui, à quel moment il nous faut agir

9 le plus rapidement possible.

10 M. WEINER : [interprétation] La Chambre nous a dit que la réponse était

11 attendue aujourd'hui. C'est ce que nous allons faire; nous répondons à la

12 requête. Nous l'avons reçue vendredi. Nous y répondons. Nous nous sommes

13 réunis hier et dimanche également.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien.

15 Un autre point que je souhaite soulever. Si vous souhaitez soumettre des

16 rapports ou ce qui est communément appelé des rapports modifiés, l'expert

17 lui-même doit en être d'accord, ou en tout cas, il doit signer ce rapport.

18 M. WEINER : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est sur cette base-là que nous

20 pourrions l'admettre.

21 M. WEINER : [interprétation] En réalité, le juriste nous a contacté

22 vendredi pour nous rappeler cela car il lui faut une signature de la part

23 de l'expert.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

25 J'espère que nous allons pouvoir rendre une décision cette semaine

Page 66

1 concernant ce rapport d'expert. Je ne pense pas que la Défense souhaite

2 déposer une réponse portant sur ce point.

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Monsieur le

4 Président, je crois que vous avez une question, mais je ne sais pas si le

5 témoin a signé ce rapport ou non. C'est une question que nous avons.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne sais pas. Je souhaite simplement le

7 rappeler, que si un tel rapport est remis, il faut que ce rapport

8 corresponde à ce que souhaite y voir l'expert, le témoin expert lui-même.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien. Monsieur le Président, vous êtes tout

10 à fait en droit de poser cette question. Je souhaite simplement -- j'avais

11 une question à cet égard. Est-ce que ceci a été signé ou non ? C'est ma

12 question.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Weiner, êtes-vous en mesure de

14 répondre à cette question ?

15 M. WEINER : [interprétation] Je sais que nous l'étions ce week-end.

16 L'expert n'était pas prêt, donc, nous essayons de le contacter aujourd'hui.

17 Nous essayons de le contacter.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien, pas jusqu'à présent, en tout cas,

19 n'est-ce pas ?

20 M. WEINER : [interprétation] C'est exact.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Cela étant dit, pouvons-nous maintenant

22 faire entrer le témoin, s'il vous plaît.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana, vous avez la parole.

25 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

Page 67

1 Q. Monsieur Delalic, nous avons évoqué vos troupes qui allaient en

2 Herzégovine. A quel moment ces hommes sont-ils partis pour se rendre en

3 Herzégovine, autrement dit, les hommes qui ont été détachés pour y aller ?

4 R. Cela s'est passé immédiatement après la mise en rang de tous les

5 hommes. M. Karavelic, le commandant du corps, a demandé, ou a ordonné que

6 l'unité se mette en marche. Il s'agissait de se rendre à un endroit où il y

7 avait un tunnel sous la piste d'atterrissage. Il fallait attendre qu'il

8 fasse nuit pour permettre aux hommes de passer par ce tunnel, car il y

9 avait des bombardements incessants, et il craignait que certains soldats ne

10 soient tués. Donc, il fallait attendre la tombée de la nuit pour traverser

11 ce tunnel. En sortant de ce tunnel, le pilonnage était intense. Pendant un

12 certain temps, les soldats ont été mis à l'abri. Les véhicules utilisés

13 pour transporter ces hommes n'étaient pas prêts non plus. Les soldats

14 devaient être transportés en plusieurs étapes. Les véhicules ont été mis à

15 la disposition de ces hommes. On devait les mener en camion jusqu'au mont

16 Igman, mais ces véhicules n'étaient pas prêts. C'est là qu'il y a eu

17 quelques difficultés pendant un certain temps.

18 Les soldats étaient confrontés au mauvais temps. Ils sont restés à cet

19 endroit-là pendant plusieurs heures. On m'a fait venir à Hrasnica pour

20 aider à -- ou fournir les véhicules. Les véhicules ou les bus devaient

21 normalement être fournis par le commandant de la brigade à Hrasnica, Fikret

22 Plevljak. Lorsqu'on m'a dit qu'il y avait des problèmes, moi-même et une

23 escorte, nous nous sommes rendus à Hrasnica. Nous avons également dû

24 traverser le tunnel, et j'ai essayé d'organiser le transport de ces hommes.

25 L'ordre m'intimant d'y aller, était un ordre verbal rendu par Vahid

Page 68

1 Karavelic. J'étais censé les aider. Bon nombre de soldats étaient très

2 mécontents avec leur sort, et souhaitaient retourner à Sarajevo. Par

3 conséquent, on m'a demandé de me rendre à cet endroit-là pour prêter main-

4 forte et empêcher les soldats de repartir à Sarajevo. Mon arrivée à

5 Hrasnica était pour faciliter la mise à disposition des véhicules, des

6 camions. Il fallait que ceci se fasse le plus tôt possible. Les troupes

7 sont parties en direction de Bradina, et ensuite, en direction du mont

8 Igman.

9 Lorsque je suis arrivé à Hrasnica, ou plutôt au mont Igman; ce qui était

10 assez difficile, de nouveaux camions attendaient les soldats à cet endroit-

11 là. La route la plus carrossable est celle qui va à Bradina. Je les ai

12 accompagnés pour pouvoir pallier toute nouvelle difficulté. Le premier

13 endroit où nous nous sommes arrêtés pour nous reposer est Bradina. Bradina

14 se trouve tout près de Konjic, à 10 kilomètres peut-être en dessous de

15 Konjic. Les soldats se sont reposés à cet endroit-là. Ils ont ensuite

16 poursuivi leur chemin en direction de Jablanica, ou plutôt en direction de

17 la base et du commandement de Zulfikar Alispago. A ce moment-là, nous nous

18 sommes séparés. Je suis retourné à Konjic, et les troupes accompagnées de

19 leur commandant, Senad Pecina, ont poursuivi leur route en direction de

20 Bradina. Ce qui est arrivé après et comment ils étaient logés, je ne le

21 sais pas.

22 A Konjic, je suis allé voir Almir Habibija mon ami ainsi que sa femme Alma.

23 J'ai passé la nuit chez eux. Almir Habibija était chargé de

24 l'approvisionnement de la 9e Brigade de Montagne, autrement dit, le

25 matériel militaire et l'équipement technique, et était responsable de

Page 69

1 l'achat des armes. J'allais le voir de temps en temps pour aller chercher

2 ce matériel et le ramener à Sarajevo. Par conséquent, je suis allé à Konjic

3 pour le voir et voir quel matériel militaire avait été emmené. Donc, j'y ai

4 passé la nuit. Le lendemain --

5 Q. Pardonnez-moi, Monsieur Delalic, mais je souhaite parler -- je souhaite

6 que votre témoignage se déroule pas à pas.

7 Vous êtes arrivé à Konjic. Avant de vous y rendre, peut-être que vous

8 pourriez nous aider ici, à propos d'une date, je souhaite vous montrer ce

9 document qui comporte le numéro P207, qui émane des services de Sûreté de

10 l'Etat. Est-ce que vous l'avez sous les yeux, ou en tout cas, à l'écran ?

11 R. Oui.

12 Q. C'est ce qui s'est passé le 8 septembre à 4 heures 30 du matin. Pouvez-

13 nous parler de cet incident, s'il vous plaît. De quoi s'agissait-il ?

14 R. Voyez-vous, d'après ce que je sais ou d'après ce que je pouvais voir,

15 il y avait plusieurs membres. Je ne sais pas s'il s'agissait de membres de

16 la police ou de l'armée, mais plusieurs hommes qui se trouvaient là et qui

17 se trouvaient au poste de contrôle près de Hadzici. Je ne sais pas

18 exactement comment s'appelle cet endroit. Ils ont refusé de partir du poste

19 de contrôle et de cette rue où il y avait des obstacles. Il y avait quelque

20 chose à cet endroit-là qui avait été placé là à dessein. Ils ne

21 souhaitaient pas retirer ces obstacles avant que nous ne leur ayons remis

22 des documents. Ces hommes-là étaient assez ivres, et les soldats étaient

23 très irrités par cela, car les soldats sont ceux qui vont au combat et

24 peuvent être tués, et tout à coup, il y a ces trois ou quatre soldats qui

25 leur rend la vie difficile. Donc, c'était le poste de contrôle. Je ne sais

Page 70

1 pas qui assurait le contrôle de ce poste, si c'était la police ou l'armée.

2 Il y a eu une échauffourée. Je ne sais pas si quelqu'un avait tapé sur

3 quelqu'un d'autre. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, mais après

4 une courte altercation, ils ont poursuivi leur chemin.

5 Q. Ce qui est important ici, c'est la date du 8 septembre à

6 4 heures 30. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que vous étiez

7 effectivement à ce poste de contrôle à cette date-là ?

8 R. Oui. Cela, effectivement, s'est passé aux premières heures du matin.

9 C'est cela.

10 Q. Oui. Ensuite, vous dites que vous vous êtes rendu à Konjic, et vous

11 êtes allé chez vos amis à Habibija; vous êtes allé chez eux.

12 R. Oui.

13 Mme CHANA : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je passer à huis

14 clos partiel, s'il vous plaît ?

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous pouvons passer à huis clos

16 partiel.

17 [Audience à huis clos partiel]

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11 Page 71 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 [Audience publique]

4 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Monsieur Delalic, qu'avez-vous fait le lendemain ?

6 R. Il ne s'agissait pas pour moi de me rendre dans le secteur de

7 Jablanica. Néanmoins, comme je me suis trouvé dans le secteur de Konjic et

8 Jablanica avant cela pour pouvoir obtenir du matériel militaire, lors d'une

9 -- j'ai acheté un canon antiaérien, un DSK pour lequel j'avais versé

10 quelque 18 000 marks allemands. Donc, je m'y étais trouvé avant cela.

11 J'étais allé acheter cette arme anti -- ce fusil antiaérien, à ce --

12 puisqu'il y avait une procédure devant le tribunal à Sarajevo par rapport à

13 cette question. J'ai été accusé d'avoir outrepassé mes fonctions

14 officielles à l'époque ou mes devoirs officiels. Ce procès est toujours en

15 cours. A ce moment-là, je suis allé chercher cette arme ainsi que d'autres

16 éléments chez Almir Habibija. J'étais censé rentrer à Sarajevo avec tout

17 cela. Néanmoins, lorsque je suis arrivé chez Zulfikar Alispago où je suis

18 arrivé à sa base - je crois que c'était dans l'après-midi - j'ai découvert

19 qu'un crime avait été commis à Grabovica.

20 Q. Vous êtes arrivé à la base de Zuka. Vous dites que cela s'est passé

21 dans l'après-midi et c'était le 8, le même jour, n'est-ce pas ?

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, ces questions

23 directrices doivent cesser. Le témoin ne peut pas -- peut dire lorsqu'il

24 est arrivé, mais il ne -- l'Accusation ne peut pas lui dire à quel moment

25 il est arrivé.

Page 73

1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons y venir étape -- pas à pas.

2 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le témoin

3 avait dit qu'il est arrivé le même jour. Pardonnez-moi si ce n'est pas le

4 cas. Je vais effectivement procéder pas à pas.

5 Q. Quand vous êtes-vous rendu dans la base de Zuka ?

6 R. J'ai dit un peu plus tôt que j'ai quitté Almir Habibija. J'ai quitté

7 son appartement vers 10 ou 11 heures. Cela remonte à quelques années déjà.

8 Cela fait quelque 12 ou 13 ans que cela s'est passé. Je ne me souviens pas

9 de tout. Quoi qu'il en soit, cela s'est passé le matin vers 10 ou 11

10 heures. J'ai quitté l'appartement de Habibija, et je me suis rendu en

11 direction de la base de Zuka. Lorsque je suis arrivé là, c'était l'après-

12 midi. Comme je vous l'ai dit, devant la base de Zuka, j'ai rencontré

13 l'adjoint de Zulfikar, ceux qui commandaient l'unité de Zulfikar. Zulfikar

14 était là également. Il m'a dit tout de suite que certaines personnes qui

15 n'appartenaient pas à ma brigade, la 9e motorisée, mais des hommes qui

16 appartenaient à l'unité qui venaient d'arriver de Sarajevo, avaient commis

17 un certain nombre de crimes.

18 Q. Ceci vous a été rapporté ou dit par Zulfikar avez-vous dit ?

19 R. Oui.

20 Q. Qui d'autres se trouvaient à cet endroit-là ? Pourriez-vous nous citer

21 les noms de toutes les personnes qui se trouvaient dans la base de Zulfikar

22 [comme interprété] lorsque vous y êtes arrivé ?

23 R. J'ai garé ma voiture devant la base de Zulfikar, devant le bâtiment de

24 commandement de Zulfikar Alispago. La première personne qui m'en a parlé

25 était Nihad Bojadzic, le député de Zulfikar, Zulfikar lui-même et Nihad

Page 74

1 Bojadzic. Je me suis rendu directement dans son bureau où M. Sefer

2 Halilovic était assis, ainsi que d'autres membres de l'état-major, c'était

3 en fait en réalité le bureau de Zulfikar.

4 Q. Vous souvenez-vous des noms de ces personnes qui faisaient partie de

5 l'état-major ?

6 R. Lorsque je dis plusieurs d'entre eux, j'entends deux ou trois

7 personnes, Karic Vehbija Karic était là, Suljo -- je ne me souviens pas de

8 tous les noms -- Zicro aujourd'hui, je ne me souviens pas de tous les noms.

9 Q. Monsieur Delalic, je souhaite procéder lentement. Que vous a dit Sefer

10 Halilovic, pour autant qu'il vous ait adressé la parole ?

11 R. Zulfikar Alispago et Nihad Bojadzic m'ont d'abord informé du crime. Je

12 suis entré à l'intérieur. On ne s'occupait pas beaucoup du crime lui-même,

13 en tout cas, pour autant que j'ai pu m'en rendre compte. Rapidement, je me

14 suis rendu compte qu'ils parlaient de ce soi-disant crime qui avait été

15 commis, la seule chose qui était connue, c'est que certains hommes avaient

16 tué des civils dans le courant de la nuit. Mais mes conversations ne

17 portaient sur ce qu'il y avait lieu de faire, on parlait de grenades, de

18 canons et de mortiers qu'il fallaient obtenir. Je pense que la conversation

19 portait plutôt là-dessus lorsque je suis entré. Après avoir un certain

20 temps là-bas, M. Sefer Halilovic a dit à Zulfikar de se rendre à Grabovica

21 pour prendre connaissance de la situation. Là-bas, lorsque Zuka est parti,

22 j'ai également demandé l'autorisation de m'y rendre, car j'étais intéressé

23 par ce que qui s'était produit, parce qu'on parlait également, on avait

24 également mentionné le nom des membres de la 9e. A l'entrée de Grabovica,

25 dès qu'en fait vous --

Page 75

1 Q. Je voudrais en rester à la base de Zuka. Est-ce que dans la

2 conversation, il y a des éléments qui vous permettent de savoir depuis

3 combien de temps on avait connaissance de ces crimes prétendument commis à

4 Grabovica ?

5 R. Il est possible que dès la nuit ils en aient eu connaissance, ou tôt le

6 matin, car un réfugié avait pu quitter les lieux du crime, et avait été

7 arrêté par des soldats de Zulfikar Alispago à la sortie vers Grabovica.

8 Donc, il est possible que des crimes aient été connus dès l'aube, voire

9 durant la nuit.

10 Q. Vous dites que Zuka a été invité à se rendre là-bas et vous-même en

11 avez fait la demande. Est-ce que c'est exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu'on vous a demandé de faire quoi que ce soit, lorsque vous

14 êtes rendu là-bas ? Est-ce que vous aviez des ordres, des instructions ?

15 R. Non, personne n'a donné d'ordre, si ce n'est que nous devions inspecter

16 la situation, et faire rapport des événements survenus là-bas.

17 Q. Y avait-il des indications selon lesquelles le massacre avait pris

18 fin ?

19 R. Je n'en sais rien.

20 Q. Avez-vous été invité à prendre des mesures pour procéder à

21 l'interpellation, l'arrestation de soldats, ou pour les isoler ?

22 R. Non.

23 Q. Est-ce que vous avez dit à Sefer Halilovic de ne pas se rendre là-bas,

24 compte tenu du danger potentiel ?

25 R. Je ne vois pas pourquoi je lui aurais dit quelque chose comme cela.

Page 76

1 Q. Est-ce que vous pensiez que, vous-même, vous vous exposiez à des

2 risques ?

3 R. Comment cela, je ne comprends pas ce que vous voulez dire par des

4 risques ?

5 Q. Le fait qu'il y ait eu des crimes qui ont été commis dans cette zone,

6 est-ce que vous estimez que cela constituait un danger, un risque pour

7 vous ?

8 R. Je ne considérais pas la situation comme dangereuse. Je ne savais pas

9 de quoi il s'agissait, si ce n'est ce qu'on m'avait dit, qu'un crime avait

10 été commis là-bas, et que des membres des unités en provenance de Sarajevo

11 avaient commis des meurtres. Je ne voyais de danger personnel, ni pour moi,

12 ni pour M. Sefer Halilovic.

13 Q. À quelle heure vous vous êtes mis en route en compagnie de Zuka pour

14 vous rendre à Grabovica ?

15 R. Dans l'après-midi, mais je ne peux pas vous dire l'heure exacte. Je

16 pourrais peut-être essayer de conjecturer, 2 heures 30, 3 heures 30, je ne

17 sais pas, mais cela devait être entre 14 heures 30 et 15 heures 30, 16

18 heures 00, compte tenu de ce qui s'est passé plus tard.

19 Q. Est-ce que vous êtes arrivé au village ?

20 R. Oui. Il n'était pas très loin, peut-être à quinze minutes de la base de

21 Zuka. Nous sommes arrivés après avoir franchi un petit pont, qui permet de

22 passer de la rive gauche à la rive droite de la Neretva, après ce petit

23 pont à quelques mètres de là, nous avons vu une trace sur l'asphalte, comme

24 si quelque chose avait été tiré, une trace de sang. Zuka est sorti de la

25 voiture et a suivi cette trace, j'ai fait de même. Nous l'avons suivi

Page 77

1 jusqu'à la route qui mène au lac, il y avait deux corps près de l'eau. Nous

2 sommes rentrés dans la voiture et à 100-150 mètres de cet endroit, se

3 trouve un village où les soldats étaient cantonnés. Sur la route là-bas,

4 nous avons rencontré une sentinelle qui gardait cette sortie, près d'une

5 rampe. Nous lui avons posé la question à savoir s'il savait quelque chose

6 au sujet de ces corps; il a répondu qu'il ne savait rien. Il nous a laissés

7 entrer et nous avons trouvé les soldats. Nous nous sommes adressés à eux

8 pour savoir s'ils avaient entendu quoi que ce soit. Nous ne pouvions pas en

9 savoir davantage, simplement il nous a dit que des fusillades avaient été

10 entendues pendant la nuit. Les soldats ne voulaient pas en dire plus, peut-

11 être voulaient-ils se protéger les uns les autres, je ne sais pas. Mais

12 nous n'avons pas obtenu d'autres informations. Nous n'avons pas passé un

13 temps excessif là-bas. Nous sommes rentrés, Zuka a fait rapport à M. Sefer,

14 selon lequel l'information était exacte et que des civils croates avaient

15 été tués au village de Grabovica.

16 Par la suite, rien n'a été fait pour prévenir de nouvelles tueries,

17 pou réprimer celles-ci. Je suis resté là dix minutes-un quart d'heure, et

18 par radio on m'a déclaré que deux garçons avaient été trouvés dans les bois

19 au dessus du village de Grabovica, et donc je m'y suis rendu

20 précipitamment. Le responsable logistique, qui était en charge des unités

21 du bataillon de Sarajevo, est venu pour prendre possession de la nourriture

22 de ces soldats, je suis rentré au village de Grabovica avec lui, et j'ai vu

23 ces deux enfants lorsqu'ils m'ont dit tout ce qu'ils savaient --

24 Q. Monsieur Delalic, il faudrait que je vous ralentisse un moment. Je

25 voudrais vous reparler de la base de Zuka, vous y êtes retourné, vous avez

Page 78

1 fait un rapport. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges quelle était la

2 teneur de votre rapport, et ce que M. Halilovic vous a dit ?

3 R. Zulfikar Alispago a fait un rapport. Il a indiqué ce que nous avons vu;

4 il a dit qu'il y avait indication que des crimes avaient été commis là-bas.

5 M. Sefer Halilovic n'a pas réagi comme il aurait dû réagir; en d'autres

6 termes, des mesures qui s'imposaient n'ont pas été prises. Je n'ai pas

7 entendu un ordre visant à retrouver les auteurs de ces crimes, ou demandant

8 au commandant de retrouver les coupables, de les appréhender, et cetera. Il

9 n'a pas du tout réagi comme il aurait dû réagir.

10 Q. Donc, aucune instruction ne vous a été donnée à ce moment-là ?

11 R. Non. C'était toujours l'offensive qui était à l'ordre du jour,

12 l'attaque. Ni lui, ni aucun de ses collègues de l'état-major principal,

13 n'ont fait quoi que ce soit pour retrouver les coupables.

14 Q. Mais que disait-on au sujet de l'opération Neretva, l'offensive dont il

15 était question ? Qu'est-ce qui a été dit par rapport à ces tueries dans le

16 contexte de cette opération ?

17 R. Lorsque Zulfikar Alispago et moi-même sommes entrés dans le bureau,

18 Zuka a interrompu une conversation qui portait sur les préparatifs de

19 l'offensive, le déploiement d'armes à longue portée, l'achat d'obus

20 provenant de Zenica car les obus et les grenades venaient de Zenica. Zuka a

21 déclaré qu'il avait vu, ainsi que moi, les corps le long de la rivière. La

22 conversation s'est interrompue un moment, puis elle a repris pour porter

23 sur le sujet des préparatifs de l'offensive.

24 Q. Lorsque vous étiez au village, les soldats vous ont-ils parlé de la

25 manière dont ils étaient logés ?

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1 R. Nous sommes restés très peu de temps au village, dix minutes, 15

2 minutes, je ne sais plus, mais très peu de temps. La plupart des soldats

3 n'étaient pas logés, ils dormaient dans des champs, sur l'herbe, car

4 apparemment, les habitants des maisons croates où ils auraient dû être

5 cantonnés ne les autorisait pas à entrer. Donc, un grand nombre de soldats

6 dormaient devant les maisons. Certains soldats sont parvenus à être logés à

7 l'intérieur des maisons, mais la plupart, qui étaient logés à l'extérieur,

8 n'étaient pas logés, en fait. Notamment, Zuka s'est rendu de maison en

9 maison pour poser cette question au sujet du logement, mais, en fin de

10 compte, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait eu des fusillades et

11 des meurtres pendant la nuit, mais personne ne voulait en parler. Zuka a

12 fait rapport de ce qu'il avait vu à M. Halilovic.

13 Q. Vous a-t-on parlé un jour d'une réunion qui s'est tenue à Grabovica

14 avec l'état-major général ? Est-ce que les soldats vous en ont parlé ?

15 R. Après les crimes, j'ai entendu qu'un grand nombre de soldats n'était

16 pas d'accord avec la manière dont ils étaient logés à Grabovica, ils

17 n'avaient pas de bâtiments pour les loger. Les propriétaires croates des

18 maisons ne voulaient pas les laisser entrer. Un membre de l'état-major

19 principal est arrivé, et ce que j'ai entendu c'est que Vehbija Karic était

20 là et m'a dit : "Pourquoi les soldats dorment-ils devant les maisons ?" et

21 M. Karic a été très catégorique et a déclaré que les soldats devraient

22 faire usage de la force pour entrer dans les maisons, et si les Croates

23 devaient faire problème quant à leur logement, il fallait tout simplement

24 les jeter au lac.

25 Q. Est-ce que vos soldats vous ont dit qu'ils ont pris au sérieux cette

Page 80

1 remarque de Vehbija Karic ?

2 R. Je ne leur ai pas posé la question au cours de ces quelques jours. Ce

3 n'était pas logique. Mais il est très probable que certains des soldats

4 aient pris cela au sérieux. Il fallait s'y attendre. C'était une réaction

5 prévisible. Ceux qui avaient tout planifié auraient dû tenir compte du fait

6 que ces gens allaient attaquer les Croates -- les gens qui devaient être

7 logés dans des maisons de Croates. Certains incidents auraient dû être

8 prévus dans de telles circonstances -- incidents, voire crimes.

9 Q. Est-ce que vos soldats vous ont dit qui était là, lorsque Vehbija Karic

10 a tenu ces propos ?

11 R. Vehbija Karic était là; également un autre membre de l'état-major

12 principal, mais je ne sais pas qui. Je me rappelle juste des propos de

13 Vehbija Karic, c'est quelque chose qui m'a frappé. Pour moi, je n'arrivais

14 pas à comprendre que ces gens puissent tenir de tels propos.

15 Q. Est-ce que vos soldats vous ont dit si Sefer Halilovic était présent

16 lorsque Vehbija Karic a tenu ces propos ?

17 R. Plus tard, des soldats m'ont dit qu'il était là, et que Zuka était là

18 également. Mais je ne peux pas dire avec certitude qui était là et qui

19 n'était pas là. Il y a beaucoup de soldats qui disaient qu'il était là,

20 beaucoup de soldats qui disent qu'il n'était pas là. Ce dont je me souviens

21 très bien, ce qui a été d'ailleurs répété par plusieurs soldats, ce sont

22 les propos de Vehbija Karic.

23 Q. Est-ce que vous saviez où vos soldats seraient cantonnés lorsqu'ils ont

24 été autorisés à se rendre en Herzégovine ? Est-ce que quelqu'un avait

25 abordé avec vous le thème du logement ?

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1 R. Je pense que cela a été abordé à Jablanica -- en fait je pense qu'il a

2 été question de les loger à Jablanica. On n'a pas du tout parlé de

3 Grabovica, ou d'autres villages croates; donc, à cet égard, je n'ai aucune

4 connaissance de cela.

5 Q. Est-ce que quelqu'un vous a parlé de Diva Grabovica comme lieu de

6 cantonnement éventuel des troupes ?

7 R. Je ne me souviens pas qu'on m'en ait parlé ou pas, mais je ne pense pas

8 que le nom ait été évoqué.

9 Q. Est-ce que vous êtes allé inspecter Diva Grabovica vous-même ?

10 R. Avant que les soldats n'y soient cantonnés?

11 Q. Oui.

12 R. Non, jamais, parce que Diva Grabovica venait d'être libéré. Ce village

13 avait été sous le contrôle de l'armée croate. Je ne m'y étais jamais rendu

14 auparavant.

15 Q. Est-ce que vous l'aviez vu à distance ?

16 R. Oui. Environ deux ou trois mois auparavant, parce qu'on avait parlé

17 d'une action à laquelle mon unité aurait pu participer. J'ai observé cet

18 endroit à l'aide de jumelles. Je me trouvais à environ 4 ou 5 kilomètres.

19 J'ai pu observer le village. Je ne dirais pas que nous ayons pu voir les

20 maisons mêmes, mais nous avons pu voir quelques positions des soldats

21 croates. Je savais plus ou moins ce dont il était question, mais je n'ai

22 pas voulu y participer. Par la suite, l'unité de Zuka et quelques autres

23 unités - je ne suis pas sûr de quelles unités il s'agissait - ont pris ce

24 village. Ainsi, il est tombé sous le contrôle de l'ABiH.

25 Q. Est-ce que vous étiez avec une autre personne lorsque vous avez observé

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1 Diva Grabovica à l'aide de jumelles ?

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Avant qu'on ne réponde à cette question,

3 j'aimerais que l'on précise si ce témoin distingue bien entre le village de

4 Grabovica et Diva Grabovica, ou s'il pense qu'il s'agit du même endroit.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

6 Mme CHANA : [interprétation]

7 Q. Est-ce que Diva Grabovica et Grabovica sont, d'après vous, un seul et

8 même endroit, ou s'agit-il de deux endroits différents ?

9 R. Je ne sais vraiment pas, je ne sais pas s'il s'agit de deux endroits

10 différents. Il y a un côté gauche et un côté droit, sinon, je ne suis pas

11 certain. Je sais exactement où se trouvaient les positions de l'armée

12 croate. Tout cela se trouvait sous le contrôle des Croates, mais je ne sais

13 pas si Diva Grabovica et Grabovica sont un seul et même endroit.

14 Q. Lorsque vous avez vu ce que nous allons, pour l'instant, décrire comme

15 étant Diva Grabovica à l'aide de jumelles, est-ce que vous étiez en train

16 de regarder le village de Grabovica ?

17 R. On ne pouvait pas voir le village même, en réalité. Je l'ai déjà dit.

18 On pouvait seulement voir quelques positions tenues par l'armée croate et

19 les lignes de formation de l'armée croate. Il était très difficile de voir

20 le village même, peut-être une ou deux maisons.

21 Q. Vous n'êtes pas au clair sur la question de savoir s'il s'agit du même

22 endroit ?

23 R. Je ne sais vraiment pas.

24 Q. Très bien. Vous nous avez dit que vous êtes retourné au village, parce

25 que vous avez entendu dire que deux garçons ont été retrouvés.

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1 M. MORRISSEY : [interprétation] Avant de passer à cette question, Monsieur

2 le Président, je trouve que la situation reste très insatisfaisante. Nous

3 avons une carte. On peut très bien régler la question. Cela prête à

4 confusion sans que cela se justifie. L'Accusation a allégué certaines

5 choses au sujet de Diva Grabovica dans leur plaidoirie initiale. Je ne veux

6 pas que cela reste vague. Ce que je vous soumets, enfin je ne veux pas

7 qu'on se livre à de la paraphrase. Quant à ce que le témoin dit ou veut

8 dire, j'aimerais que cela soit très clair. Est-ce que le village qu'il a

9 observé à l'aide de jumelles c'est Diva Grabovica ou est-ce qu'il parle de

10 Grabovica; l'endroit où ces événements se sont déroulés par la suite ?

11 C'est une question très simple.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

13 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, ce serait le but du

14 contre-interrogatoire. Le témoin s'est expliqué clairement. Je lui ai posé

15 la question trois fois. Il a dit très clairement, il ne sait pas, cela se

16 trouvait assez loin. Peut-être que la Défense pourra préciser ces choses

17 pendant le contre-interrogatoire. Je ne pense pas que l'on puisse

18 poursuivre encore avec d'autres questions, à moins que vous ne souhaitiez

19 que je lui repose la question.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si le témoin dit qu'il ne sait pas, je

21 pense qu'il faut en rester là. Peut-être que la Défense pourra poser

22 d'autres questions dans le cadre du contre-interrogatoire.

23 Veuillez poursuivre, Madame Chana.

24 Mme CHANA : [interprétation] Merci.

25 Q. Vous avez entendu de deux garçons. J'aimerais que vous nous en disiez

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1 un peu plus à ce sujet. Vous êtes retourné au village, et qu'est-ce que

2 vous avez trouvé ?

3 R. Devant une des maisons où étaient logés les soldats, j'ai vu plusieurs

4 soldats de la 9e Brigade motorisée ainsi que des soldats d'autres unités,

5 que je ne connaissais pas. Avec les deux garçons - j'ai appris par la suite

6 leurs noms, Zadro Goran ou Zadro Vedran, quelque chose de ce genre. Dès que

7 je suis arrivé, je leur ai posé des questions, quels étaient leurs noms,

8 des questions au sujet de leurs familles. Ces garçons avaient peur, ils

9 avaient faim, ils avaient froid, ils étaient très malheureux. Avant de

10 commencer à leur poser des questions, j'ai demandé aux soldats s'il y avait

11 de la nourriture que l'on pouvait donner aux garçons. J'ai commencé à leur

12 parler. Ils m'ont raconté une histoire épouvantable, vraiment épouvantable.

13 Leurs parents avaient été tués, leur grand-mère et leur grand-père aussi et

14 leur petite sœur qui avait trois ans.

15 Q. Monsieur Delalic, avant de poursuivre, j'aimerais vous montrer une

16 photo, puis nous entendrons la suite de l'histoire. Il s'agit de la pièce

17 P3. On va vous demander d'apposer quelques marques sur cette photo. On va

18 vous aider. Est-ce que vous reconnaissez cette photo ?

19 R. Oui, en gros.

20 Q. Est-ce que vous pourriez bientôt, -- d'abord nous signaler où les

21 soldats vous ont dit qu'ils avaient les enfants. Est-ce que vous voudriez

22 entourer cet endroit d'un cercle.

23 R. Les soldats qui ont trouvé les enfants ont dit qu'ils les avaient

24 trouvés au-dessus du chemin de fer. On voit cela ici sur la photo, au-

25 dessus du village, à peu près ici.

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1 Q. Est-ce que vous voulez bien entourer cet endroit-là d'un cercle et

2 noter "enfants trouvés".

3 Mme CHANA : [interprétation] C'est un bon indice.

4 Q. Est-ce que vous voudriez bien juste entourer cet endroit d'un

5 cercle ou mettre une croix, comme vous le voulez.

6 R. [Le témoin s'exécute]

7 Q. Puis, écrire à côté "enfants trouvés".

8 R. [Le témoin s'exécute]

9 Q. Est-ce que vous voudrez bien aussi nous indiquer sur cette photo

10 l'endroit où vous les avez trouvés, les enfants, lorsque vous avez discuté

11 avec eux, lorsque vous vous êtes rendu sur place. Est-ce que vous voudriez

12 bien noter à côté de cet endroit, "parlé aux enfants" ou "parlé"

13 simplement.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Je vous remercie.

16 Mme CHANA : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier de

17 cette photo.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a aucune objection.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Pas d'objection.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons verser au dossier cette

21 pièce.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P416.

23 Mme CHANA : [interprétation] Merci.

24 Q. Monsieur Delalic, est-ce que vous voudriez nous dire assez brièvement

25 ce que les enfants vous ont raconté lorsque vous avez discuté avec eux.

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1 R. Un des garçons m'a raconté que pendant la nuit précédente, des soldats

2 étaient venus, avaient demandé à son père et à son grand-père de leur

3 montrer l'écurie. C'est ce qu'ils ont fait. Ils sont sortis de la maison en

4 direction de l'écurie. Après quelque temps, ils ont entendu des tirs. Les

5 garçons étaient restés avec leur mère dans la pièce où ils se trouvaient.

6 Après quelque temps, ils ont entendu des tirs, et la mère les a jetés par

7 la fenêtre en leur disant de partir en courant, de s'enfuir vers la maison

8 d'un ami ou peut-être la maison de leur oncle qui vivait à proximité, je ne

9 suis pas sûr. Les garçons sont sortis par la fenêtre, sont partis chez ces

10 amis ou l'oncle et la tante, enfin comme leur mère leur avait dit de le

11 faire, et ont trouvé que ces personnes avaient été tuées. Les garçons se

12 sont cachés dans la forêt jusqu'au matin. Ils avaient faim et froid, mais

13 ils sont restés dans la forêt. En raison du froid et de la faim, ils se

14 sont dirigés vers les rails, la voie ferrée. C'est là où les soldats les

15 ont trouvés.

16 Q. Comment avez-vous réagi à ce qu'ils vous ont raconté ?

17 R. La première chose que je leur ai demandée, était est-ce qu'ils savaient

18 ce qu'était devenu leurs parents et les enfants ?

19 R. Ils ont dit que tous avaient été tués. Ils ont commencé à pleurer. Je

20 leur ai demandé si, enfin j'étais atterré par cette histoire. Je leur ai

21 demandé s'ils seraient en mesure, capables de reconnaître l'un ou l'autre

22 des soldats. Un des garçons qui m'a appelé "oncle", il m'a dit : Je

23 n'oublierai jamais ce visage tant que je serai en vie. A ce moment-là, je

24 me suis levé. J'ai pris mon pistolet. J'ai pris le garçon qui m'avait

25 raconté l'histoire par la main. L'autre petit garçon avait été silencieux

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1 parce qu'il était terrifié, il ne cessait de pleurer. Il n'a pas prononcé

2 un seul mot. Le garçon qui m'avait raconté l'histoire, il était un peu plus

3 extraverti. Je l'ai pris par la main. Comme j'étais en colère, je lui ai

4 demandé s'il pouvait reconnaître l'un ou l'autre des soldats qui étaient

5 assis autour de nous, mais il n'a pas pu en reconnaître. Il n'a reconnu

6 aucun des soldats qui se trouvaient à proximité. J'ai demandé aux soldats

7 de s'approcher. Il y avait des soldats que je ne connaissais pas, des

8 soldats de la 10e Brigade de Montagne, de la

9 9e Brigade motorisée, et ainsi de suite. J'ai demandé à tous les soldats de

10 s'aligner. Je les menaçais avec mon pistolet. J'ai pris le garçon par la

11 main, et nous sommes passés d'un soldat à l'autre pour voir s'il pouvait

12 les reconnaître. Comme je l'ai dit, tous les soldats n'étaient pas là;

13 certains étaient partis en reconnaissance, d'autres s'étaient rendus à

14 Jablanica. Les garçons n'ont pu identifier les auteurs de ces actes parmi

15 les soldats qui étaient alignés.

16 J'étais prêt à tuer quelqu'un sur place, sans plus attendre, comme

17 j'étais absolument révolté par cette histoire. J'étais prêt à faire quelque

18 chose d'extrême. Quoiqu'il en soit, j'ai pris les enfants, je les ai

19 emmenés en voiture jusqu'à la base de Zuka. En arrivant à cette base, je

20 les ai emmenés au bureau de Zuka, là où se trouvait le bureau de Zuka et le

21 commandement, le poste de commandement avant, là où normalement on pouvait

22 trouver M. Sefer Halilovic et Zulfikar Alispago. Près de ce bureau, il y

23 avait un réfectoire, un lieu de réunion. J'ai assis les enfants autour de

24 la table. J'ai raconté à Zulfikar Alispago ce qui s'était passé. J'ai

25 décrit ce qui était arrivé à leurs parents, à leurs grands-parents, à leur

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1 petite sœur de 3 ans. Zuka a répondu que je n'aurais jamais dû les amener à

2 la base, que j'aurais dû les tuer en route. J'étais très en colère. Je lui

3 ai dit que s'il en était capable, il devrait le faire lui-même.

4 Ensuite, je suis entré dans le bureau où se trouvait M. Sefer

5 Halilovic et plusieurs membres de l'état-major principal. Zulfikar m'a

6 suivi. J'ai dit aux personnes qui se trouvaient dans ce bureau, que j'avais

7 emmené deux enfants dont la famille avait été assassinée, et qu'ils leur

8 appartenaient de décider ce qu'on allait faire de ces enfants. Je leur ai

9 dit qu'ils devraient écouter leur histoire.

10 Après avoir raconté l'histoire des deux enfants, après avoir entendu cette

11 histoire, la première réaction de M. Sefer Halilovic et de tous ceux qui

12 étaient réunis dans cette pièce, c'est qu'ils ne voulaient pas entendre

13 parler de ces enfants, qu'il fallait les faire disparaître, qu'il ne

14 fallait pas mettre en péril l'offensive, et qu'il valait mieux se

15 débarrasser du linge sale. Je leur ai demandé de m'autoriser à faire entrer

16 les enfants dans la salle afin qu'ils puissent entendre leur histoire. Ils

17 ont répété que cela ne les intéressait pas. Ensuite, j'ai amené le garçon

18 qui était plus loquace, plus sociable. Il a répété son histoire. Après, il

19 a quitté la pièce. J'ai demandé au personnel de leur donner quelque chose à

20 boire, puis je suis rentré dans le bureau où l'on a discuté du sort qu'il

21 fallait réserver aux enfants. Sur la base de ce qui a été dit, sur la base

22 de ce que les enfants ont dit, j'ai appris que les enfants avaient, à

23 Jablanica, un oncle et une tante, et qu'ils souhaitaient aller chez eux.

24 J'ai transmis ce vœu à M. Halilovic et aux autres. Ils l'ont refusé de

25 façon catégorique, en exigeant que les enfants soient emmenés ou qu'on les

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1 garde à la base jusqu'à la fin de l'offensive.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana, je crois qu'il est temps de

3 faire une pause, puisqu'il faut libérer la salle d'audience.

4 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'attendais juste

5 la fin de la réponse du témoin.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous devons nous interrompre pour le

7 moment.

8 Monsieur le Témoin, je vous rappelle que, pendant toute la durée de

9 votre séjour à La Haye, vous devez respecter la déclaration solennelle que

10 vous avez prononcée; vous êtes sous serment, donc, je vous prie de ne

11 parler à personne et de ne laisser personne vous parler de votre

12 témoignage. Vous pouvez discuter avec votre avocat des questions juridiques

13 concernant vos droits et d'autres questions administratives, ou des

14 questions de procédure, mais ne discutez pas avec lui des faits et, en

15 particulier, ne lui parlez pas du témoignage que vous allez nous donner

16 demain, et de ce que vous avez déjà dit aujourd'hui. Est-ce que vous me

17 comprenez ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien.

20 Alors la séance est levée pour aujourd'hui.

21 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 18 mai

22 2005, à 9 heures 00.

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