Page 52
1 Le mardi 24 mai 2005
2 [Audience sur requêtes]
3 [Audience publique]
4 --- L'audience est ouverte à 12 heures 50.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Madame la Greffière,
7 veuillez donner le numéro de l'affaire, s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-04-84-PT, le
9 Procureur contre Ramush Haradinaj, Idriz Balaj, et Lahi Brahimaj. Il s'agit
10 de l'audience consacrée à la demande de mise en liberté provisoire
11 présentée par Ramush Haradinaj.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame.
13 Monsieur Haradinaj, bonjour. Je veux m'assurer que vous êtes en
14 mesure d'entendre les débats dans une langue que vous comprenez.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je suis l'audience en anglais pour
16 l'instant, mais je suis en train de rechercher l'albanais.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je veux être sûr que vous êtes en
18 mesure d'entendre l'albanais. Sur quel canal ?
19 Je vais reposer une fois encore ma question. Monsieur Haradinaj,
20 bien que vous sembliez comprendre et parler l'anglais, je veux m'assurer
21 que vous êtes en mesure d'entendre l'interprétation dans votre langue
22 maternelle.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Oui, Messieurs les Juges, je suis en
24 mesure d'entendre et de suivre l'interprétation en albanais.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Si à un moment quelconque vous
Page 53
1 avez du mal à entendre l'interprétation ou si le volume n'est pas assez
2 élevé, surtout n'hésitez pas à nous le signaler immédiatement.
3 Je vais demander aux parties de se présenter, à commencer par l'Accusation.
4 M. GROOME : [interprétation] Bonjour. Dermot Groome pour l'Accusation,
5 Marie Tuma, avec Salla Moilanen.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Pour M. Haradinaj.
7 M. EMMERSON : [interprétation] M. Ben Emmerson, M. Rodney Dixon, et M.
8 Michael O'Reilly.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
10 Je vois que nous avons ici également un représentant de la Mission
11 des Nations Unies au Kosovo. Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous, s'il vous
12 plaît, vous présenter pour le compte rendu d'audience.
13 M. ROSSIN : [interprétation] Oui. Bonjour, je m'appelle Lawrence Rossin.
14 Excusez-moi, excusez-moi. Je m'appelle Lawrence Rossin. Je suis l'adjoint
15 du représentant spécial du secrétaire général pour la MINUK au Kosovo.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, et bonjour à vous.
17 Comme vous avez entendu Mme la Greffière nous l'annoncer, nous sommes
18 réunis cet après-midi à l'occasion d'une audience qui a été accordée par la
19 Chambre de première instance aux fins d'entendre les arguments des parties
20 suite à la demande de mise en liberté provisoire présentée par l'accusé en
21 l'espèce, en vertu de l'Article 65 du Règlement de procédure et de preuve.
22 A titre d'information, je signale que nous avons, bien entendu, reçu un
23 exemplaire de la requête de l'Accusation déposée le 21 avril. Nous avons
24 également reçu la réponse de l'Accusation qui était déposée le 5 mai 2005,
25 et nous avons, bien entendu, pris connaissance de la réplique de la Défense
Page 54
1 à la réponse de l'Accusation, dernier document, qui porte la date du 12 mai
2 2005, c'est-à-dire, il y a à peine quelques jours. C'est sur la base de ces
3 documents et à leur lecture que nous avons décidé de tenir la présente
4 audience afin que vous soyez en mesure de résumer vos arguments à
5 l'attention de la Chambre maintenant que tous les documents requis ont été
6 présentés.
7 J'ai parlé de trois documents qui sont au dossier, mais il ne faut
8 pas oublier, non plus, les conclusions et les écritures qui nous viennent
9 de la Mission des Nations Unies au Kosovo et que nous avons reçues le 17
10 mai. D'après ce que l'on m'a fait savoir, ce document a été fourni aussi
11 bien à l'Accusation qu'à la Défense.
12 Nous sommes bien décidés à faire en sorte que l'audience de ce jour
13 ne dure pas plus que nécessaire pour prendre connaissance de vos arguments,
14 surtout si l'on se souvient du caractère approfondi des écritures des
15 parties, requête, réponse, réplique, et cetera. Si bien que nous avons
16 décidé d'organiser cette audience de la manière suivante : chaque partie
17 disposera de 15 minutes pour s'adresser aux Juges de la Chambre, et bien
18 entendu, le représentant de la MINUK, lui aussi, pourra s'adresser à la
19 Chambre pendant un certain temps.
20 Etant donné que nous avons un ordre du jour assez serré et un temps imparti
21 assez limité, je vous demande de vous concentrer sur les points essentiels
22 et sur les points où il y a désaccord entre l'Accusation et la Défense.
23 Dans vos arguments à la Chambre de première instance, n'hésitez pas à tenir
24 compte des informations qui vous ont été fournies par la MINUK dans son
25 mémo confidentiel auquel j'ai fait référence précédemment.
Page 55
1 Encore un autre élément que je souhaiterais que vous abordiez, c'est que,
2 pour l'instant, pour les Juges, il y a une chose qui n'est pas très claire.
3 Peut-être avons-nous mal compris; peut-être n'avons-nous pas bien lu. Mais
4 nous voudrions savoir si votre client, Maître, souhaite être remis en
5 liberté à Pristina ou dans sa ville natale de Glodjane. Il y a une autre
6 question à laquelle nous souhaiterions que vous répondiez, c'est quelle
7 serait la position de votre client en cas de mise en liberté provisoire ?
8 Quelle serait ensuite sa participation aux activités politiques du Kosovo ?
9 Comment envisage-t-il la chose ?
10 Maître Emmerson.
11 M. EMMERSON : [interprétation] [hors micro] En un mot --
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Votre micro.
13 M. EMMERSON : [interprétation] Mes excuses. Nous estimons que les arguments
14 en faveur de la mise en liberté de M. Haradinaj sont impérieux. Sur la base
15 des éléments que nous avons fournis, nous estimons que la Chambre doit être
16 pleinement satisfaite qu'il comparaîtra à son procès lorsque cela sera
17 nécessaire et qu'il ne mettra en danger aucun témoin, aucune personne,
18 aucune victime. Je vais vous présenter mes conclusions que je vais
19 articuler autour de cinq points.
20 Le premier point, qui est un peu plus important, a trait à la personnalité
21 de M. Haradinaj, a trait à son comportement après la publication de l'acte
22 d'accusation le concernant. Comme le sais pertinemment la Chambre de
23 première instance, lorsque l'acte d'accusation lui a été officiellement
24 signifié le 8 mars 2005, il a immédiatement démissionné de son poste de
25 premier ministre. Il a pris des dispositions volontairement pour se
Page 56
1 constituer prisonnier auprès du Tribunal le lendemain. Il est important que
2 j'évoque brièvement la dignité et la responsabilité dont il a fait preuve
3 en se constituant prisonnier aussi rapidement. Je pense que cela est très
4 important pour déterminer quelle est son attitude vis-à-vis de ce procès.
5 Nous souhaiterions que vous acceptiez que la réaction de M. Haradinaj,
6 suite à la publication de l'acte d'accusation, nous montre qu'on peut lui
7 faire confiance et aussi que c'est un homme d'Etat qui décide de gouverner
8 par l'exemple. C'est quelque chose qu'il a fait. C'est quelque chose qu'il
9 continue à faire en montrant son engagement pour le respect de l'état de
10 droit. Je crois que, même du côté de l'Accusation, on reconnaît que son
11 comportement doit être mis à son crédit et jouer un rôle extrêmement
12 bénéfique pour le travail de la communauté internationale pour la paix au
13 Kosovo ainsi que pour le travail du Tribunal.
14 La raison pour laquelle il a réagi de cette manière, on peut la distinguer
15 dans la déclaration qu'il a faite au Tribunal. Il est essentiel que je
16 relise ceci pour que cela figure au compte rendu d'audience. Il a dit : "Le
17 respect du droit international est essentiel pour garantir le futur
18 politique du Kosovo en tant qu'Etat indépendant et souverain, et au bout du
19 compte, en tant qu'Etat membre des Nations Unies et de l'Union européenne.
20 Pour moi donc, en tant que premier ministre ou en tant que citoyen de
21 l'Etat futur du Kosovo, il était inconcevable que je fasse autre chose que
22 de respecter immédiatement et sans réserve un ordre donné par le Tribunal,
23 et ceci va se poursuivre."
24 Quand il a annoncé publiquement sa démission au peuple du Kosovo, comme
25 vous le savez, M. Haradinaj a appelé au calme, à une réaction apaisée afin
Page 57
1 que le Kosovo puisse prendre la place qui lui revient au sein de la
2 communauté internationale. Il estime, en effet, que ceci implique la
3 coopération avec la justice internationale. Comme vous le voyez, dans les
4 documents, les lettres qui le concernent, qui concernent sa personnalité,
5 qui ont été jointes à notre mémoire, tous ceux qui se sont approchés de lui
6 pendant qu'il était premier ministre pendant cette brève période, le
7 reconnaisse, reconnaisse que c'est un homme dont la mission est de créer un
8 Kosovo démocratique, pluraliste, et tolérant, ou l'état de droit sera
9 prévalant. Tous reconnaissent que sa réponse, qui est basée sur ses
10 principes, sa réponse à l'acte d'accusation publié contre lui a contribué
11 au maintien de la paix au Kosovo suite à sa démission, et au maintien de la
12 stabilité au Kosovo.
13 Comme vous le savez, le représentant spécial du secrétaire général a
14 caractérisé la conduite de M. Haradinaj comme un exemple de la maturité
15 grandissante du Kosovo, maturité en matière politique, le Kosovo devenant
16 un membre responsable de la communauté internationale. L'ancien chef de la
17 KFOR, le général Klaus Reinhardt, a dit que M. Haradinaj était un homme
18 d'intégrité, qui continuera à faire face à ses obligations au vu de la
19 communauté internationale et de l'état de droit. Le sénateur Biden, dans
20 une déclaration faite au Congrès américain, a salué publiquement M.
21 Haradinaj pour son courage personnel et pour les qualités d'homme d'Etat
22 dont il a fait preuve en réagissant à l'acte d'accusation le concernant.
23 Ces sentiments, on les voit reflétés dans les propos de l'ancien ministre
24 des Affaires étrangères britanniques, Robin Cook, et on les voit reflétés,
25 également, dans les réactions de M. Rugova, dans M. Hashim Thaqi et de M.
Page 58
1 Kosumi.
2 C'est dans ce contexte, Monsieur le Président, que nous déclarons que le
3 Tribunal peut conclure qu'on peut croire
4 M. Haradinaj quand il s'engage et, que comme il l'a fait par le passé, il
5 va continuer à l'avenir à respecter le droit international et les règles
6 édictées par ce Tribunal en particulier.
7 Il est important de souligner qu'il ne demande pas de traitement de faveur.
8 Il demande simplement à être traité de la même manière que d'autres
9 personnes mises en accusation qui s'étaient constituées prisonnières et
10 qui, ensuite, ont bénéficié d'une mise en liberté provisoire étant donné
11 que ces personnes avaient reconnu la compétence du Tribunal. Il est
12 indéniable que le comportement de
13 M. Haradinaj va continuer à rester le même, un comportement exemplaire,
14 s'il est remis en liberté provisoire. Il s'est engagé formellement à
15 respecter pleinement tout ordre ou toute ordonnance délivrée par le
16 Tribunal. Il ne contactera aucun témoin, il n'essayera d'influencer aucun
17 témoin et il ne s'opposera nullement à la bonne administration de la
18 justice. Nous estimons que vu ce que nous savons de la personnalité, du
19 comportement de M. Haradinaj par le passé, le Tribunal peut avoir confiance
20 et penser que s'il est libéré, il tiendra parole. Voilà le premier point
21 que je souhaitais vous présenter.
22 Le deuxième point, c'est que de manière exceptionnelle, on voit qu'ici,
23 dans cette affaire, la MINUK est prête à donner des garanties pour faire en
24 sorte que toutes les conditions édictées par le Tribunal seront respectées.
25 Nous avons suggéré une série de
Page 59
1 21 conditions dans notre requête et beaucoup de ces conditions impliquent
2 la MINUK dans un rôle de surveillance; il y a également, notamment; une
3 disposition qui prévoit que s'il y a infraction aux conditions posées par
4 le Tribunal, la MINUK arrêtera M. Haradinaj pour le faire revenir à La
5 Haye.
6 Je voudrais revenir à la question que vous avez posée au sujet des
7 conditions, mais cela, si vous me le permettez, j'en parlerai à la fin de
8 mon allocution.
9 Le représentant spécial du secrétaire général, comme vous le savez, a
10 confirmé par écrit au Tribunal que la MINUK avait la capacité juridique et
11 la capacité pratique de fournir de telles garanties et de mettre en œuvre
12 ces garanties en arrêtant
13 M. Haradinaj, si la Chambre de première instance le lui en donne l'ordre,
14 mais je dois signaler que vu le comportement de M. Haradinaj par le passé,
15 il est très peu probable que la MINUK ne doive le ramener à La Haye contre
16 son gré. Si on lui donne l'ordre de revenir à La Haye, il le fera
17 honorablement et de son plein gré, comme il l'a fait par le passé.
18 Permettez-moi d'évoquer une question à huis clos partiel.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
20 Je ne sais pas si vous avez entendu ce qu'on vient de vous dire. On vous
21 demandait de ralentir.
22 M. EMMERSON : [interprétation] Oui
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je veux m'assurer que nous sommes à
24 huis clos partiel. Oui, continuez.
25 [Audience à huis clos partiel]
Page 60
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 [Audience publique]
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
16 Vous avez la parole, Maître Emmerson.
17 M. EMMERSON : [interprétation] M. Rossin, bien entendu, sera en mesure
18 d'entrer dans les détails sur ce point, mais pour ce qui nous concerne,
19 nous souhaitons dire deux choses. Premièrement, la volonté de la MINUK de
20 fournir ces garanties témoigne de la confiance de la MINUK en M. Haradinaj
21 et de l'influence qu'il aura pour stabiliser la situation. Deuxièmement,
22 les assurances fournies par le représentant spécial doivent éliminer tout
23 doute quant au respect pratique des conditions qui seront posées par le
24 Tribunal.
25 Troisième chose qui se décline en deux points : M. Haradinaj a bénéficié
Page 61
1 d'une mise en liberté provisoire pour assister aux obsèques de son frère,
2 au Kosovo, du 17 au 19 avril, et à cette occasion, la MINUK a fourni des
3 garanties quant à M. Haradinaj pendant qu'il était au Kosovo. La MINUK est
4 parvenue à gérer la situation de manière tout à fait efficace, a fourni le
5 personnel de sécurité destiné à accompagner M. Haradinaj pendant tout son
6 séjour au Kosovo et lorsqu'il est revenu au TPIY, le 19.
7 Il est manifeste que les circonstances sont différentes. Il s'agissait
8 d'une libération à caractère humanitaire qui était limitée et que les
9 conditions étaient beaucoup plus strictes que celles qui seraient mises en
10 place s'il y avait mise en liberté provisoire maintenant. Cependant, nous
11 estimons que le bon déroulement de cette première période de mise en
12 liberté provisoire augure bien de ce qui se passerait à l'avenir puisqu'il
13 n'y a eu aucune violation des conditions imposées par M. Haradinaj; cela
14 montre, une fois encore, qu'il est bien décidé à respecter les ordonnances
15 et les ordres donnés par le Tribunal.
16 Ce qui m'amène au quatrième point de mon argumentation, la question de
17 l'intimidation des témoins qui figurent en bonne place dans la requête de
18 l'Accusation. Je n'ai pas le temps, bien entendu, de répondre à tout ce qui
19 est dit dans les écritures de l'Accusation, mais permettez-moi de répondre
20 de manière générale. En premier lieu, il est établi, il est manifeste
21 qu'une simple inquiétude de manière générale au sujet de la sécurité des
22 témoins ne devrait pas empêcher la mise en liberté provisoire d'un accusé.
23 Il faut donner des exemples concrets qui ont un rapport avec le
24 comportement de l'accusé. Cela a été l'approche du Tribunal dans l'affaire
25 Prlic, Stanisic, Cermak, Milutinovic et plus récemment, dans Delic.
Page 62
1 L'Accusation, ici, n'a pas pu mettre le doigt sur tout autre acte, conduite
2 ou propos tenu par M. Haradinaj qui constituerait des menaces réelles à
3 l'égard de témoins éventuels.
4 Dans cet acte d'accusation, la requête a porté notre attention sur des
5 préoccupations d'ordre général sur l'intimidation de témoins au Kosovo et
6 indique un certain nombre d'attaques qui ont été fatales contre certains
7 individus qui ont témoigné dans des procédures, au Kosovo. Il est important
8 de signaler qu'il n'y a pas de lien manifeste entre ces attaques et le fait
9 de donner un témoignage, mais l'Accusation reconnaît de façon très claire
10 qu'aucune suggestion a été faite à l'égard de cet accusé, Ramush Haradinaj,
11 comme quoi il aurait pris part directement ou indirectement à toute forme
12 d'intimidation dans une quelconque procédure. C'est quelque chose qu'il n'a
13 jamais fait; il n'a jamais fait quoi que ce soit ou dit quoi que ce soit
14 pour entraver la justice et rien ne semble indiquer qu'il ferait quelque
15 chose de la sorte à l'avenir. Il a pris deux mesures très concrètes pour
16 s'assurer que les témoins, que les témoins éventuels pourront, en toute
17 confiance, déposer leur témoignage au cours de cette procédure.
18 Tout d'abord, comme la Chambre le sait, bien évidemment, il a approuvé
19 toute une série de mesures de protection demandées par l'Accusation qui
20 étaient le sujet d'amendements approuvés par la Chambre cette semaine. Il a
21 pris une position tout à fait responsable à ce stade de la procédure, alors
22 que cela n'était pas nécessaire de poser ces mesures, ce qui a eu pour
23 résultat la position suivante : tout témoin qui aurait peur ou qui serait
24 mal à l'aise sur un témoignage peut bénéficier de l'anonymat et tout
25 changement de sa position est quelque chose qui sera décidé par la Chambre
Page 63
1 de première instance au cas par cas.
2 Deuxièmement, il a pris des mesures tout à fait concrètes en rédigeant une
3 déclaration par l'intermédiaire de son représentant juridique au Kosovo
4 demandant à ce que les témoins puissent venir et témoigner devant ce
5 Tribunal de façon tout à fait libre et sans aucune pression. Cette
6 déclaration, comme vous le savez, a été faite le 11 mai. Il a été reconnu
7 en public, encore une fois, que
8 M. Haradinaj a montré la responsabilité personnelle qui était la sienne
9 lorsqu'il a répondu aux allégations qui sont portées contre lui par ce
10 Tribunal. Il a clairement montré qu'il avait confiance en ce Tribunal quant
11 à sa capacité à rendre un véritable verdict conformément aux éléments de
12 preuve qui seront présentés et il a insisté, encore une fois, sur
13 l'importance qu'il y a pour les individus de respecter l'état de droit à
14 tout moment et en toutes circonstances, et s'assurer que toute personne à
15 qui on demande de venir à La Haye doit venir de façon tout à fait libre et
16 sans aucune pression ou intimidation quelle qu'elle soit.
17 A l'égard de tout ceci, il est difficile de voir comment il aurait pu faire
18 quoi que ce soit pour entamer la confiance publique dans cette procédure et
19 la capacité de témoins à coopérer. Bien évidemment, vous vous souviendrez
20 certainement, Messieurs les Juges, qu'il y a eu une période de quatre mois
21 qui se sont écoulés entre le moment où lui a été tenu informé des détails,
22 de ces allégations portées contre lui et l'acte d'accusation qui a été
23 rédigée. On a pu constater qu'il s'agissait d'un homme qui n'avait rien à
24 voir avec quelqu'un qui aurait l'intention d'exercer une quelconque
25 pression sur les témoins. C'est à ce moment-là, évidemment, qu'on aurait pu
Page 64
1 voir des preuves ou des suggestions dans ce sens et ceci ne s'est jamais
2 produit.
3 Monsieur le Président, notre cinquième et dernier point est de savoir
4 si M. Haradinaj sera mis en liberté provisoire ou non, le procès, dans ce
5 cas, ne commencera pas avant le début de l'année 2007. Néanmoins, dès que
6 l'Accusation sera prête, les enquêtes et les préparatifs menés par la
7 Défense vont prendre un temps très considérable. Nous avançons, par
8 conséquent, que cela serait tout à fait disproportionné, eu égard aux
9 différents faits dans cette affaire, chaque cas doit être décidé sur la
10 base des faits, d'envisager une période de détention préalable au procès de
11 deux ans pour un homme qui a clairement montré que sa conduite pouvait être
12 exemplaire.
13 Finalement, en résumé, nous avançons qu'il s'agit d'un argument tout
14 à fait valable portant sur la mise en liberté provisoire. Le Tribunal peut
15 être tout à fait rassuré sur les conditions imposées qui seront respectées.
16 De surcroît, il y aura les garanties fournies par la MINUK et cela ne fait
17 aucun doute, M. Groome pourra peut-être y faire référence et parler des
18 incidents d'intimidation de témoins et de violence en d'autres cas, au
19 Kosovo, qui ne sont pas relatifs à cette affaire-ci, mais ne présentent
20 aucun fondement. Lorsqu'il s'agit de faire porter la responsabilité pour
21 ces événements à un homme qui a clairement réitéré en public et en privé
22 qu'il respectait l'état de droit et qui était décidé à établir son
23 innocence en assistant à un procès équitable au cours duquel tous les
24 éléments de preuve seront entendus devant ce Tribunal. Il pense que tous
25 les moyens de preuve seront entendus et vérifiés, qu'il sera acquitté, eu
Page 65
1 égard aux allégations qui ont été faites contre lui et à ce moment-là, il
2 pourra, évidemment, retourner au rôle proéminent qu'il a occupé dans la vie
3 politique du Kosovo. Il sait quels sont les dommages que cela pourrait
4 provoquer, personnellement, à l'avenir du Kosovo et s'il y avait une
5 quelconque intimidation de témoin dans cette affaire ou une quelconque
6 infraction à ces conditions, qu'il respecterait pas les conditions de sa
7 mise en liberté provisoire. Pour toutes ces raisons, je pense que la
8 Chambre doit se sentir tout à fait rassurée que cela ne se produira pas.
9 Pour ce qui est des deux points précis que vous avez soulevés,
10 Monsieur le Président, dès le départ, cette demande de mesure de mise en
11 liberté provisoire du Kosovo est la raison pour laquelle nous l'avons
12 faite. Nous reconnaissons qu'en termes pratiques, la Chambre souhaite
13 réduire l'étendue de sa liberté de mouvement au Kosovo. En application et
14 en raison de ces circonstances, s'il est relâché à Pristina, vous aurez son
15 adresse personnelle et une disposition sera mise en place, évidemment, au
16 début de sa mise en liberté provisoire pour qu'il puisse voyager
17 directement, être emmené directement à cet endroit-là.
18 Pour ce qui est de ses activités politiques, nous nous sommes
19 exprimés et nous avons posé 21 conditions pour M. Haradinaj, conditions
20 qu'il respectera de ne pas occuper un poste au gouvernement, au Kosovo.
21 Bien sûr, c'est un membre actif et un dirigeant d'un parti politique au
22 Kosovo et à moins que le Tribunal ne l'enjoigne de le faire, il ne souhaite
23 pas abandonner son droit de parole dans le processus politique qui est
24 celui entamé par le Kosovo. Bien sûr, il accepte que ce droit ne pourra pas
25 être un droit prorogé, étant donné sa position. Il ne pourra pas s'exprimer
Page 66
1 en public, ni devant les médias à propos de la procédure qui est en cours.
2 Monsieur le Président et membres de la Chambre, voici les arguments
3 que je souhaite faire.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Emmerson. Merci
5 beaucoup pour vous en être tenu au temps qui vous était imparti.
6 Monsieur Groome.
7 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, le Procureur a
8 clairement indiqué quelle était sa position dans les documents que vous
9 avez sous les yeux. Cela n'est pas notre intention de répéter tout ceci et
10 tout ce qui a été déjà couché sur le papier. Par conséquent, je m'en
11 tiendrai simplement aux facteurs pertinents que je vais vous présenter et
12 cela, en trois points.
13 Dès le départ, il y a eu toute une série de rapports présentés par le
14 secrétaire général des Nations Unies au conseil de Sécurité qui sont
15 pertinents, eu égard à la situation au Kosovo; également, eu égard aux
16 capacités de la MINUK, en même temps que la position qui sera celle des
17 témoins. J'ai, ici, rassemblé tous ces éléments dans un classeur. Je les ai
18 remis au Greffe et je demande à ce qu'il soit versé au dossier comme
19 pièces, au cours de cette audience. J'ai, également, un exemplaire
20 supplémentaire pour le jury sur place et le conseil de la Défense qui a été
21 fourni par avance, avant cette audience. Il y a 11 intercalaires dans ce
22 classeur, Monsieur le Président, la plupart constituent des rapports du
23 secrétaire général du conseil de Sécurité.
24 Deuxième point, dès le départ, Monsieur le Président, j'avais l'intention
25 de traiter ces lettres qui ont été soumises pas
Page 67
1 M. Rossin. Je reconnais que Me Emmerson en a parlé à huis clos partiel.
2 J'ai l'intention de le faire, également, à moins qu'il ne soit nécessaire
3 d'y faire référence à huis clos partiel. C'est ce que je vais faire.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] A ce stade, je pense que nous devrions
5 en parler à huis clos partiel et une fois qu'ils ont -- et nous réservons
6 notre position à cet égard, notre décision parce que nous aurons
7 certainement besoin de les évoquer et nous allons décider, par la suite,
8 s'il s'agit de considérer qu'il s'agit d'éléments confidentiels ou non.
9 Passons à huis clos partiel pendant quelques instants.
10 Une fois que nous aurons entendu vos arguments sur ce point, nous pourrons,
11 à ce moment-là retourner en audience publique.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
13 [Audience à huis clos partiel]
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 68
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 [Audience publique]
7 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je vais évoquer
8 les restrictions ou les limitations de ces garanties fournies par rapport à
9 l'accusé, par la MINUK.
10 Comme cela a été indiqué dans les arguments ou les écritures
11 présentées par l'Accusation dans l'affaire Limaj, la MINUK n'a pas souhaité
12 étendre ces garanties et ce, pour quatre raisons : la gravité des charges
13 retenues, le relief et la géographie du Kosovo, les ressources policières
14 limitées de la MINUK et le soutien ou l'appui de l'accusé. L'Accusation a
15 indiqué tout ceci par écrit. Je demande à ce que M. Rossin, lorsqu'il fait
16 ses remarques, parle de façon très détaillée de tout ceci et parle de ce
17 qui a changé à propos de ces quatre facteurs que je viens d'indiquer, des
18 difficultés qu'il y a car il est difficile d'étendre ces garanties pour M.
19 Haradinaj.
20 Nous allons repasser à huis clos partiel pour parler de la lettre de
21 M. Jessen-Petersen.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, passons à huis clos partiel
23 pendant quelques instants, s'il vous plaît.
24 Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur Groome.
25 [Audience à huis clos partiel]
Page 69
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 [Audience publique]
13 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, à supposer que
14 l'information fournie par M. Jessen-Petersen est exacte, la question qui se
15 pose alors, c'est le changement des circonstances concernant les forces de
16 la police. Est-ce que cela empêchera une récurrence de ce qui s'est passé
17 dans l'affaire Limaj, lorsque plusieurs jours après que la MINUK ait fourni
18 des mandats d'arrêt de M. Limaj, il est sorti de l'aéroport en son nom
19 propre et a quitté le pays. Nous devons nous pencher sur ceci en détail.
20 Un des points à soulever, il est important de constater que les officiers
21 de la police internationale qui sont encore au Kosovo au jour
22 d'aujourd'hui, quels sont-ils. Je souhaite attirer votre attention à
23 l'intercalaire numéro 9. C'est un rapport du site Internet de la MINUK sur
24 les effectifs de la police. Pour la Chambre de première instance, il serait
25 plus approprié de regarder le passage pertinent sur notre logiciel que je
Page 70
1 vais vous montrer à l'écran.
2 Ce que nous voyons en 2003, c'est qu'il y a eu une réduction notable des
3 effectifs de police présents au Kosovo. Ces chiffres que je viens
4 d'indiquer sont des chiffres qui datent de l'année 2003, bien que le site
5 de la MINUK n'en parle pas de façon très détaillée. Il s'agit simplement
6 d'indiquer qu'il y a eu des réductions d'effectifs entre 2004 et 2005. Je
7 crois qu'il serait utile pour M. Rossin également d'indiquer quels sont ces
8 effectifs de la police internationale.
9 Il y a eu une augmentation au niveau de la police locale, ce qui signifie
10 une diminution des forces de police internationale. La question qui se pose
11 est : est-elle efficace ?
12 Il y a 15 jours, le secrétaire général des Nations Unies a remis un rapport
13 au conseil de Sécurité des Nations Unies. Ceci s'est passé le 10 mai. Dans
14 son évaluation, il parle de contrebande. Un des éléments qui doit être
15 examiné et qui porte sur la police des frontières. Si vous regardez à ce
16 qu'aurait pu dire ou faire le secrétaire général il y a quelques jours,
17 lorsqu'il a parlé du crime organisé et d'incidents portant sur la
18 contrebande entre le mois de février et mars de cette année, alors qu'il y
19 avait plus d'officiers de la police locale. L'Accusation est très
20 soucieuse, car il n'y a pas de présence internationale efficace, et on
21 constate ceci à la lumière de la dégradation de la sécurité au niveau des
22 frontières au Kosovo.
23 Monsieur le Président, le deuxième point que je souhaite aborder avec vous,
24 c'est celui des institutions qui portent la responsabilité à remettre M.
25 Haradinaj dans les mois à venir. La Chambre d'appel, dans Ojdanic, déclare
Page 71
1 : "Il est important que la Chambre puisse examiner les circonstances qui
2 prévalent à l'époque au moment de la mise en liberté provisoire, mais il
3 est également important d'envisager les circonstances futures au moment où
4 la personne devra revenir pour son procès."
5 Dans cette affaire, la Chambre doit regarder un petit peu vers
6 l'avenir. Comme Me Emmerson l'a dit, cela ne sera pas avant l'année 2007
7 que cette affaire sera entendue, que le procès commencera si l'accusé est
8 remis en liberté provisoire. La MINUK, de par sa constitution, est une
9 institution provisoire. La MINUK est là pour un temps limité. C'est une
10 institution dont le mandant consiste à minimiser sa présence au fil des
11 mois. C'est une mission qui se terminera, et les fonctions de la police
12 seront remises aux autorités locales et les institutions locales. Par
13 conséquent, la Chambre de première instance doit se pencher sur la manière
14 dont fonctionnent ces institutions locales qui ont toute autorité pour
15 arrêter M. Haradinaj dans le cas où il déciderait de ne pas revenir pour
16 son procès.
17 En guise de définition, il y en a deux : les Corps de Protection du
18 Kosovo, le KPC. Il y a des organisations contrôlées par les civils qui ont
19 remplacé l'Armée de libération du Kosovo dont l'accusé était le commandant.
20 Le second est le service de police du Kosovo, le KPS, les services de
21 police que composent des citoyens locaux. Un bon nombre d'entre eux ont
22 été, par le passé, des combattants armés au cours de la guerre et également
23 des membres de l'UCK.
24 Je souhaite attirer votre attention à l'intercalaire numéro 6 ainsi
25 qu'à son contenu. C'est un rapport du conseil de Sécurité rédigé par le
Page 72
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page blanche insérée d’assurer la correspondance entre la
13 pagination anglaise et la pagination française.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 73
1 secrétaire général des Nations Unies qui décrit son intention à la mission
2 de la MINUK qui a été celle, au cours de la récente période, jusqu'au 14
3 février 2005. Ceci a transféré ses pouvoirs de plus en plus aux postes de
4 police locaux et au contrôle local KPS.
5 M. Jessen-Petersen lui-même, lorsqu'il s'est présenté devant le conseil de
6 Sécurité le 24 février 2005 - c'est quelque chose que vous voyez à l'écran,
7 intercalaire numéro 7 - M. Jessen-Petersen a décrit ceci en parlant des six
8 derniers mois, que le processus avait commencé à s'accélérer, le processus
9 de transfert de compétence de la MINUK à des institutions provisoires. Il
10 dit ensuite : "Je regarde ici les responsabilités qui seront celles dans le
11 domaine de la justice et de la police, responsabilités futures." Donc, nous
12 constatons que la MINUK est en train d'accélérer le processus et le
13 transfert d'autorité entre eux et le KPC et le KPS.
14 La question qui se pose est celle de la confiance. La Chambre de première
15 instance, peut-elle avoir confiance dans ces mandats d'arrêt lancés contre
16 M. Haradinaj dans le cas où il ne se représenterait pas ? Encore une fois,
17 certains éléments semblent indiquer qu'il y a suffisamment de pièces à
18 l'appui pour indiquer que la Chambre peut ne pas être rassurée par cela.
19 J'attire l'attention de la Chambre à l'intercalaire numéro 2. Encore une
20 fois, c'est un rapport du secrétaire général du conseil de Sécurité. Vous
21 voyez le passage qui nous concerne à l'écran.
22 Pour ce qui est de M. Annan et de ce qu'il a apporté à l'attention du
23 conseil de Sécurité, il a parlé du KPC, il a parlé de manière générale. Il
24 a parlé des commandants, des commandants du KPC ayant été écartés pour
25 avoir eu un lien avec une détonation et une explosion sur le pont le 12
Page 74
1 avril. Il a également indiqué que le conseil de Sécurité se préoccupait
2 toujours du problème de l'extrémisme parmi les membres du KPC, quelque
3 chose qui est toujours valable au jour d'aujourd'hui.
4 Le 31 mars 2004, il a parlé de l'allocution d'un autre brigadier, général
5 de brigade du KPC, et il a décrit l'arrestation et l'arrestation d'autres
6 personnes qui ont été arrêtées pour des crimes et un assassinat très grave.
7 Il s'agissait de membres du KPC.
8 Pour ce qui est de la question de savoir si les membres du KPC sont en
9 train de faciliter le passage à l'état de droit ou s'ils l'empêchent, il y
10 a un rapport de l'institut de la Guerre et de la Paix daté du 30 juin 2003,
11 qui déclare que la MINUK a confirmé qu'il y a différents membres du KPC qui
12 étaient détenus, suspects pour avoir voulu intervenir au niveau des
13 enquêtes de la police.
14 Monsieur le Président, pour ce qui est des enquêtes, nous avons
15 requis un nombre considérable de renseignements sur les anciens membres de
16 l'UCK. J'ai demandé aux enquêteurs de me présenter une estimation fiable et
17 assez conservatrice sur le nombre de personnes que cela pouvait
18 représenter.
19 Pour ce qui est du KPC, ils me disent que c'est aux alentours de 9 %,
20 que 9 % de cette force avaient des liens par le passé avec l'accusé. Pour
21 ce qui est du KPS, ils n'ont pas suffisamment de données pour leur
22 permettre d'avancer un chiffre qui serait plus de 9 % du KPC. En réalité,
23 Monsieur le Président, les gens qui ont pour responsabilité de renvoyer M.
24 Haradinaj, dans le cas où il omettrait de le faire, ceux qui auraient la
25 charge de le remettre devant ce Tribunal sont des gens avec lesquels il
Page 75
1 était en contact par le passé.
2 Messieurs les Juges, c'est la position de l'Accusation de dire que la
3 Chambre n'est peut-être pas satisfaite si, au moment où le procès
4 commencera à se dérouler, si la MINUK n'existe plus et qu'elle sera dans la
5 phase finale du transfert de son autorité à des institutions comme le KPC
6 et le KPS. Cette Chambre ne peut pas se satisfaire de l'existence de ces
7 institutions à ce stade de la procédure et d'avoir des garanties que M.
8 Haradinaj se présentera pour son procès.
9 Pour ce qui est du gouvernement lui-même, je crois qu'il est important de
10 noter que la Chambre, le 13 avril, que la MINUK a rapporté dans les médias,
11 et je cite : "Cela se fonde sur une recommandation faite par le
12 gouvernement du Kosovo. Le comité pour la défense de Ramush Haradinaj a été
13 établi et a tenu sa première réunion." C'est une déclaration faite par le
14 gouvernement du Kosovo. Cela indique clairement qu'il y a des préjugés en
15 faveur de l'accusé. Il s'agit d'institutions sur lesquelles la Chambre
16 devra se reposer toutes les fois qu'il faudra demander à M. Haradinaj de se
17 présenter pour son procès.
18 Pour ce qui est du troisième point, Monsieur le Président, mon troisième
19 point, c'est la sécurité des témoins. La situation pour les témoins au
20 Kosovo est très précaire, elle est différente d'autres situations, je
21 crois, qui ont été présentées devant ce Tribunal. Je vais brièvement passer
22 à huis clos partiel pour essayer de soulever un autre point.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
24 plaît.
25 Nous sommes à huis clos partiel, deux minutes, Monsieur Groome.
Page 76
1 [Audience à huis clos partiel]
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 77
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 78
1 [Audience publique]
2 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que la
3 meilleure indication que je puisse vous fournir concerne celle des témoins
4 dans cette affaire. Après examen minutieux d'un quadruple homicide dans
5 lequel des frères [comme interprété] de l'accusé ont été condamnés. La
6 position de l'Accusation est celle-ci : qu'il y a des intérêts qui sont les
7 mêmes entre ceux qui ont cherché à exercer des pressions au cours de ce
8 procès et ceux qui souhaitent entraver l'Accusation. Je souhaite indiquer
9 que l'un de ces accusés dans cette affaire, Idriz Balaj, a également été
10 poursuivi dans cette affaire et a été condamné et purge une peine de 15
11 ans. Le frère de l'accusé a également été condamné et purge une peine de 5
12 ans.
13 En bref, les faits de l'affaire sont celles-ci : il y a quatre personnes
14 auxquelles ont a dit que l'accusé Ramush Haradinaj souhaitait les voir et
15 on leur a demandé de monter dans une voiture. On les a emmenés au village
16 de Ratish, qui est environ à 2 kilomètres du quartier général ou de ce qui
17 était alors le quartier général de M. Haradinaj. Cela fait partie de la
18 région qui est citée dans l'acte d'accusation et sur laquelle l'accusé
19 exerçait le contrôle.
20 Une carte a été fournie dans ces documents et il est aisé de comprendre
21 quel lien il y avait entre les deux.
22 Messieurs les Juges, il n'y avait pas moins de dix personnes qui étaient en
23 contact avec l'Accusation dans cette affaire, y compris les témoins et des
24 observateurs innocents qui ont été tués de manière très violente. Quatre
25 d'entre eux -- trois d'entre eux étaient des témoins qui ont eu le courage
Page 79
1 de venir et coopérer avec les autorités de la région, deux étaient des
2 enquêteurs et ils ont été accusés d'avoir voulu mener une enquête sur le
3 meurtre d'un de ces deux témoins, et trois personnes qui se trouvaient par
4 hasard au poste de police, qui ont été attaqués dans une tentative qui
5 visait un autre témoin dans cette affaire.
6 La réaction, comme vous le savez, a été le verdict rapporté par le
7 secrétaire général le 2 septembre 2003. Il y a eu toute une série de
8 troubles et d'attaques dans les postes de police, y compris des attaques à
9 la grenade. M. Ramush Haradinaj lui-même a fait une déclaration publique
10 sur la réaction et a réagi à ce verdict, et vous avez ici son attitude
11 envers le système juridique qui apparaît à l'écran. Il a dit que la Mission
12 des Nations Unies qui constituait à organiser un procès qui avait des
13 motivations politiques contre son frère, il a dénoncé le verdict, il a
14 parlé d'un protectorat juridique qui était injuste.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Essayez de conclure, Monsieur Groome.
16 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, devant vous, vous avez
17 à l'écran un résumé de ce qui s'est passé dans cette affaire. Tous ces
18 témoins ont témoigné à l'automne de l'année 2002. Le 4 janvier, M. Tahir et
19 son neveu et son fils ont été tués. Le 22 janvier, il a été rapporté par le
20 secrétaire général une attaque à la roquette contre le poste de police sur
21 lequel enquêtait cette personne qui a été assassinée. Le 14 avril 2003, un
22 autre témoin a été tué dans une embuscade. Le 2 août 2003, tel que cela a
23 été décrit dans ces documents et un rapport fournit par le secrétaire
24 général du conseil de Sécurité, trois personnes innocentes, une fillette
25 âgée de 11 ans, ont été tuées au cours de l'attaque dans le poste de
Page 80
1 police, et tout ceci est décrit. Il y avait des personnes qui étaient là
2 par hasard qui étaient innocentes et d'autres personnes qui ont également
3 été abattues. Le 2 février, un autre témoin est assassiné après plusieurs
4 tentatives d'assassinat. Au mois de juillet 2002, plusieurs mois après le
5 début du procès et le témoignage. Je ne sais pas s'il y a un lien, Monsieur
6 le Président. Je suis simplement en train d'indiquer ce lien temporel qui
7 existe entre ces événements et le témoignage au cours de ce procès. Cet
8 accusé et son frère, à 1 heure du matin, ont essayé de faire le mur et ils
9 ont pénétré dans une maison, armés; il y a eu une bataille qui a suivi à
10 l'intérieur de l'enceinte de la maison de M. Haradinaj, et Daut Haradinaj a
11 été blessé. Il a également été tué avant le procès. Encore une fois, il
12 s'agit d'éléments spécifiques ici qui concernent l'accusé et auxquels il
13 aurait participé. Il s'agit évidemment d'un lien temporel entre les deux.
14 Monsieur le Président, je vais essayer de passer rapidement.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que je dois vous demander de
16 terminer, Monsieur Groome, parce que vous avez dépassé votre temps de dix
17 minutes. Si vous avez besoin de parler de questions précises, vous pouvez
18 les aborder au cours de votre réponse.
19 M. GROOME : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. Deux minutes
20 encore pour me permettre de conclure. Je souhaite indiquer que le porte-
21 parole de la MINUK a publié dans un article ce qui constitue une pièce à
22 conviction importante, la pièce à conviction la plus importante de
23 l'Accusation; qu'il s'agit de témoins qui ont été soumis à des menaces très
24 importantes au Kosovo. Je demande à la Chambre de prendre en compte tout
25 ceci.
Page 81
1 La position de l'Accusation, de la Chambre, concernant la communauté
2 internationale, sait combien la responsabilité est importante dans le
3 massacre de ces personnes et il s'agit des liens avec la communauté
4 internationale. Vous savez l'importance de tout ceci et la Chambre sait
5 qu'il n'y a aucun lien entre M. Haradinaj et la position de l'Accusation
6 que cette Chambre sait que la mise en liberté provisoire aurait un effet
7 délétère sur la sécurité de ces témoins.
8 Je souhaite indiquer encore une fois que l'Accusation demande un procès
9 rapide en la matière. Je demande encore une fois que l'on fournisse des
10 garanties personnelles à l'Accusation que nous puissions consacrer toutes
11 les ressources qui sont nécessaires pour répondre au temps qui nous est
12 imparti par la Chambre pour faire démarrer ce procès.
13 Monsieur le Président, pour la raison que l'Accusation vient de vous
14 soumettre, que cette demande soit rejetée. Je vous remercie de m'avoir
15 accordé ce temps supplémentaire pour pouvoir traiter de ces questions.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Groome.
17 Monsieur Rossin, vous avez entendu les deux parties et ce qu'ils avaient à
18 dire particulièrement, pour ce qui est du rôle de la MINUK, du rôle qu'elle
19 remplit actuellement et si dans lequel les parties provisoires, ceci
20 pourrait être accordé. En particulier, je souhaite vous parlez de ces trois
21 points qui ont été soulevés par
22 M. Groome, à savoir qu'il ne semble pas être satisfait des explications qui
23 ont été fournies le 12 mai, dans votre lettre, à savoir qu'il affirme que
24 les ressources de la MINUK permettront, étant donné la position prise par
25 votre mission par rapport au cas Limaj. Il souhaite avoir d'autres éléments
Page 82
1 d'informations.
2 Deuxièmement, il parle de -- quels que soient les éléments indiqués dans la
3 lettre du 12, qu'il y ait des documents à cet égard qui traitent de la
4 situation ou de la dégradation de la situation au Kosovo, malgré
5 l'augmentation des effectifs de police.
6 Troisièmement, ce n'est pas le moindre des points que je cite. L'Accusation
7 semble être soucieux du fait que la MINUK est limité dans le temps et par
8 conséquent, avant le début du procès, il se peut tout à fait que la MINUK
9 n'existe plus et que dans cette période provisoire, c'est un facteur qui
10 est préoccupant pour l'accusation, à savoir, il s'agit pour la MINUK de
11 transférer les responsabilités petit à petit aux autorités de la région, à
12 la KPC ou la KPC, qui ne sont pas entièrement fiables, d'après eux, en tout
13 cas, pour ce qui est de la question qui nous concerne, aujourd'hui. Je vous
14 demande de bien vouloir vous pencher sur ces trois questions, s'il vous
15 plaît.
16 M. ROSSIN : [interprétation] Merci. Souhaitez-vous que je me lève ?
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Sauf si vous préférez rester
18 assis.
19 M. ROSSIN : [interprétation] Oui, parce que je n'ai pas de pupitre.
20 Permettez-moi de me représenter : je suis l'adjoint du représentant spécial
21 pour la MINUK. J'ai le grade d'assistant du secrétaire général des Nations
22 Unies. Je représente la MINUK. Je vous remercie de m'avoir permis de
23 m'exprimer, aujourd'hui.
24 La MINUK, comme vous le savez, c'est l'organe des Nations Unies qui est
25 responsable de l'administration intérimaire du Kosovo aux termes de la
Page 83
1 Résolution 1244. En tant que tel, la MINUK a l'autorité et le pouvoir de
2 fournir les garanties demandées par le Tribunal puisqu'au paragraphe 14, il
3 est stipulé que la MINUK est obligé de coopérer pleinement avec le
4 Tribunal. C'est à la lumière de cet article que nous envisageons les
5 conditions qui pourraient être ordonnées par le Tribunal. La MINUK a tous
6 les pouvoirs de coercition en matière d'application de la loi au Kosovo et
7 continuera à le faire, jusqu'à la fin de son mandat et jusqu'à une autre
8 résolution du conseil de Sécurité.
9 J'ai connaissance des conditions qui sont posées par le Tribunal en cas de
10 mise en liberté provisoire. Je sais que cela change d'un cas à l'autre. La
11 MINUK, pour l'instant, n'a pas reçu de demande précise de garanties de la
12 part du Tribunal, mais il est clair que la MINUK fournira toutes les
13 garanties demandées et uniquement les garanties qu'elle estime qu'elle
14 pourra remplir. C'est une obligation du représentant spécial.
15 La MINUK a la capacité de fournir toute une série de garanties dont la
16 Chambre a certainement connaissance dans d'autre affaires. Ces garanties
17 incluent la réception de l'accusé lorsqu'il arrive, transfert, au moment de
18 son départ, aux représentants du TPIY, mise en place de dispositions pour
19 surveiller l'accusé, assurer la sécurité personnelle de l'accusé, prise de
20 mesures en cas d'infraction aux conditions de la mise en liberté
21 provisoire, faire en sorte, également, que l'accusé, si nécessaire,
22 retourne au TPIY.
23 Je répondrai à toutes les questions que vous auriez au sujet des garanties
24 que peuvent fournir et qu'est prête à fournir la MINUK et puisque vous me
25 l'avez demandé, je vais répondre à ce qui a été dit par le conseil de
Page 84
1 l'Accusation.
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.
3 M. ROSSIN : [interprétation] En premier lieu, je souhaiterais répondre au
4 sujet de la volonté de la MINUK parce que cela a été évoqué dans son
5 argumentation. Je souhaite insister sur le fait que le représentant spécial
6 a lu les résolutions, notamment, celle qui appelle à ces obligations envers
7 le Tribunal. La Résolution 1244 a trait à cette coopération avec le
8 Tribunal. Il y a d'autres résolutions qui ont trait à la sécurité, à la
9 coopération et nous estimons, quant à nous, qu'aux termes de la Résolution
10 1244, nous répondrons à nos obligations en fournissant les conditions qui
11 pourraient être demandées dans cette affaire.
12 L'Accusation a mentionné quatre restrictions dans son argumentation : le
13 sérieux, la gravité des charges, la capacité limitée de la MINUK de remplir
14 ses engagements, la nature géographique du Kosovo, ainsi que le réseau de
15 soutien dont bénéficie l'accusé. S'agissant de la gravité des charges qui
16 pèsent contre l'accusé, elles sont graves, effectivement --
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ne traitez pas de ce point, s'il vous
18 plaît. Vous n'avez pas à traiter du contexte géographique, ni de la gravité
19 des crimes qui lui sont reprochés. Mais nous voudrions savoir si vous
20 pourriez nous expliquer ce qui a changé s'agissant des ressources limitées
21 de la MINUK, le soutien qui pourrait être apporté au Tribunal et la
22 différence s'agissant de ces deux éléments entre l'époque et maintenant.
23 C'est cela que nous voudrions savoir.
24 M. ROSSIN : [interprétation] Comme nous l'avons noté dans la lettre que
25 nous avons envoyée au Greffe, le nombre total de policiers, au Kosovo, a
Page 85
1 doublé depuis 2003. Le nombre de policiers aux frontières a triplé. Nous
2 avons mis en place, depuis lors, un système juridique pour le contrôle aux
3 frontières ainsi que d'autres mesures. Nous avons les capacités concrètes
4 de mettre en place ces mesures de surveillance, ce n'était pas le cas en
5 l'an 2003. Voilà les moyens dont nous disposons et qui se sont beaucoup
6 améliorés depuis 2003. Nous avons mis en place une planification améliorée
7 au sein de la KFOR, au sein de la police de la MINUK; ceci on le voie dans
8 les dispositions qui ont été prises au moment où l'acte d'accusation
9 concernant M. Haradinaj lui a été notifié; à ce moment-là, fort
10 heureusement, nous n'avons pas eu à avoir recours à ces mesures prévues en
11 cas de situations un peu critiques.
12 S'agissant du nombre de policiers venant de l'étranger qui se trouvent au
13 Kosovo, leurs noms figurent dans la lettre du représentant spécial, lettre
14 envoyée au Greffe. Leur nombre se situe, à peu près, au niveau de 3 000.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais l'Accusation nous dit qu'en dépit
16 de ce fait, la situation se détériore; ce qui n'augure pas bien de votre
17 capacité à remplir tout engagement que vous prendriez suite aux conditions
18 qui seraient posées. Pouvez-vous répondre ?
19 M. ROSSIN : [interprétation] Oui. La situation évolue de moins à moins. Je
20 sais que l'Accusation a fait référence à février et mars. Il y a des
21 fluctuations de mois en mois, mais globalement, le chiffre total pour la
22 criminalité, et cetera, cela dépend aussi de l'époque de l'année. En mars,
23 en avril, il y a eu des incidents qui semblaient avoir une connotation
24 politique qui avait une relation avec le président du Kosovo, le frère du
25 premier ministre, l'ancien premier ministre. On ne sait pas exactement de
Page 86
1 quoi il retourne, on ne sait pas s'il a été motivé politiquement.
2 Mais je voudrais reprendre ce qui a été dit par le représentant
3 spécial. C'est que globalement, dans les rapports qui ont été préparés pour
4 le secrétaire général, également, la situation en matière de sécurité est
5 positive au Kosovo. La criminalité et la violence ont diminué, sont à un
6 niveau extrêmement bas, un niveau historique, sur ce point, depuis 1999,
7 bien qu'il y ait des évolutions, des fluctuations de mois en mois, mais on
8 peut dire que la situation est favorable et constante.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Dernier point qui a été évoqué : la
10 MINUK n'existera plus en 2007; or, 2007 est l'année qui est donnée aussi
11 bien par l'Accusation que par la Défense comme étant l'année pendant
12 laquelle, probablement, le procès en l'espèce s'ouvrira.
13 M. ROSSIN : [interprétation] La MINUK ne dispose pas d'une boule de cristal
14 qui lui permette de savoir quel sera le statut définitif du Kosovo. Je
15 pense qu'on peut prévoir raisonnablement qu'en 2007, la MINUK aura été
16 remplacée par une autre forme de présence internationale. Mais à ce moment-
17 là, on aura peut-être pris une décision définitive quant au statut du
18 Kosovo. Mais cela, on ne peut le dire avec certitude.
19 Ce que je peux vous dire, c'est que toutes les institutions présentes, le
20 représentant spécial, les Nations Unies ont pour objectif de garantir
21 l'état de droit, de garantir la présence ou l'existence d'un état, d'un
22 gouvernement transparent et que le Kosovo de quelque manière qu'il se
23 présente héritera d'institutions fonctionnant dans ce sens. Il n'est pas
24 possible de prédire l'avenir, de savoir quelle sera la situation politique
25 dans deux ans, bien entendu.
Page 87
1 Mais permettez-moi d'ajouter une chose au sujet des institutions chargées
2 de la sécurité qui vont nous succéder. L'Accusation a parlé longuement du
3 KPS et du KPC. Or, le Corps de protection au Kosovo n'a aucun rôle en
4 matière de sécurité au Kosovo. Il s'agit d'une institution qui a un rôle en
5 matière de sécurité civile en cas de catastrophe naturelle, et cetera. Le
6 représentant spécial a signalé au conseil de Sécurité que c'était bien dans
7 ce contexte que cette institution fonctionnait, il est possible que le KPC,
8 si le Kosovo devient indépendant, prenne le rôle de force de Défense du
9 Kosovo, mais je ne suis pas sûr que ce soit vraiment pertinent pour ce qui
10 est de M. Haradinaj et pour son arrestation, si elle devait s'avérer
11 nécessaire en 2007. Il s'agit d'une organisation qui n'est pas vraiment
12 pertinente, s'agissant de la détention, de la surveillance de M. Haradinaj.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Et la KPS ?
14 M. ROSSIN : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une unité séparée, elle
15 n'est pas parfaite. Elle est surveillée par l'ONU, elle fonctionne plutôt
16 bien.
17 Nous transférons à la KPS des responsabilités, de plus en plus, qui
18 est en train, d'ailleurs, de travailler sur le transfert de compétences en
19 matière judiciaire, en matière de police et tout cela sera décidé
20 conformément à la Résolution 1244 quand une décision définitive sera prise
21 sur le statut du Kosovo. On peut dire que la police du Kosovo s'est
22 beaucoup améliorée tant du point de ses fonctions que de son
23 professionnalisme. Le représentant spécial au terme de la Résolution 1244 a
24 des responsabilités dans ce sens et aucun transfert de compétences, ni de
25 responsabilités ne peut se faire, ne peut même être envisagé s'il y a des
Page 88
1 doutes pour le représentant spécial, s'agissant de cela. Il faut qu'il soit
2 convaincu qu'il remplit véritablement bien son mandat.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons, maintenant, passer à huis
4 clos partiel pendant quelques instants.
5 [Audience à huis clos partiel]
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Emmerson, vous avez trois
13 minutes pour répondre aux points, aux arguments qui vous paraissent
14 importants.
15 Nous sommes dans une situation un peu inhabituelle, ici, s'agissant des
16 relations entre les conseils et les accusés --
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ces trois minutes, je souhaiterais, si
18 c'était possible, intervenir.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il souhaite prendre votre place.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez la parole.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais dire que jusqu'à présent,
23 j'éprouvais le respect que j'avais pour l'état de droit, pour le droit
24 international et pour le Tribunal international. Cela a toujours été ma
25 détermination, par le passé et ce sera toujours le cas, à l'avenir, quelles
Page 89
1 que soient les circonstances.
2 Jamais, par le passé, je ne suis, de quelque manière que ce soit,
3 intervenu dans un processus judiciaire. Je n'ai jamais cherché à influencer
4 un témoin quel qu'il soit, dans le cas de l'administration de la justice ou
5 du maintien de l'ordre. Bien au contraire. Dans toutes les situations où je
6 me suis trouvé, j'ai toujours travaillé, j'ai toujours témoigné pour
7 l'établissement de l'état de droit et c'est également ce qui continuera à
8 se passer dans l'avenir quelles que soient les circonstances.
9 Merci.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Maître Emmerson, veuillez,
11 s'il vous plaît, vous limiter à deux minutes, si vous voulez conclure. Je
12 vais vous expliquer pourquoi : c'est que nous devons quitter cette salle
13 d'audience pour laisser place à l'affaire Limaj.
14 M. EMMERSON : [interprétation] Merci, je comprends bien. Mais il est
15 possible qu'il apparaisse nécessaire pour nous de soumettre des arguments
16 supplémentaires par écrit, des arguments brefs.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, effectivement. D'autant plus que
18 nous attendons une -- je ne sais pas si on appelle cela une requête -- ou
19 enfin des écritures supplémentaires de l'Accusation. Restons-en là.
20 Ce que je vous proposerais, ce serait la chose suivante, Messieurs
21 Groome et Emmerson : Monsieur Groome, vous allez déposer ces écritures
22 supplémentaires aujourd'hui, j'imagine ?
23 M. GROOME : [interprétation] Nous allons déposer une requête devant une
24 autre Chambre de première instance afin de demander la modification d'une
25 ordonnance pour nous permettre de déposer des écritures supplémentaires ou
Page 90
1 d'autres écritures. Dès que cette Chambre aura pris sa décision, nous
2 déposerons nos écritures supplémentaires. Tout ceci dépend de l'autre
3 Chambre de première instance.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Une suggestion, Monsieur Groome : dans
5 votre requête présentée à cette autre Chambre de première instance, essayez
6 de demander qu'on ne respecte pas les délais habituellement prévus pour la
7 réponse de la requête, et cetera, afin de réduire au maximum les délais
8 pour que la décision soit rendue le plus vite possible et pour ne pas
9 affecter notre affaire.
10 M. GROOME : [interprétation] Oui, tout à fait, d'autant plus que je
11 déposerai cette requête en tant que requête urgente.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Etant donné qu'un certain nombre
13 de questions ont été soulevées et nous ont un tout petit peu pris au
14 dépourvu et que j'imagine que nous allons être pris au dépourvu par ce qui
15 va se passer --
16 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'allais pas soulever d'objection, mais
17 il faut savoir que de nombreux arguments présentés par l'Accusation,
18 aujourd'hui, ce sont des arguments dont nous n'avions pas été notifié,
19 alors que ce matin, justement, nous leur avions demandé s'ils allaient
20 présenter de nouveaux arguments. Si bien qu'il est possible que nous ayons
21 des arguments supplémentaires à présenter quant à nous.
22 Permettez-moi de dire deux choses : notre position a toujours été que pour
23 ce qui est du transfert des compétences au Kosovo, à partir de la MINUK
24 vers les institutions locales, étant donné que l'accélération de ce
25 processus est due en grande partie au travail de M. Haradinaj en tant que
Page 91
1 premier ministre, lorsqu'il a adopté le programme présenté par les Nations
2 Unies pour son pays, dans ce contexte, notre position a toujours été que
3 bien entendu, l'Accusation a le droit de demander la modification d'une
4 ordonnance, vu les changements de circonstances, les garanties données par
5 la MINUK ne semblent plus être aussi fiables qu'on pourrait le penser au
6 premier abord. C'est la première chose.
7 Deuxièmement, on a parlé de l'affaire Dukadjin et de tout ce qui s'était
8 passé dans cette affaire. Mais si M. Groome ne peut pas nous donner des
9 preuves concrètes sur ce qui s'est effectivement passé, sur la vérité --
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous interromps parce que je sais
11 exactement ce que vous allez dire, vu votre formation.
12 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, vous pouvez anticipez. Je ne vais pas
13 m'appesantir sur ce point.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, inutile, en effet.
15 Etes-vous en mesure de nous présenter vos arguments supplémentaires par
16 écrit au plus tard demain soir ?
17 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que je le fasse
18 quel que soit ce qui se passe du côté de M. Groome ou en réponse à ce qu'il
19 va nous dire ou nous présenter ?
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je préférerais que vous prépariez vos
21 écritures supplémentaires --
22 M. EMMERSON : [interprétation] Bien.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] -- oui, parce qu'il est possible que la
24 requête qui est présentée par l'Accusation soit déboutée par l'autre
25 Chambre.
Page 92
1 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je --
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] -- pour cette question.
3 M. EMMERSON : [interprétation] Nous espérons, en tout cas, que tout ce qui
4 se passe ici ira sera interprété dans le sens des intérêts de M. Haradinaj,
5 la perturbation des débats, et cetera.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'en suis au même point que vous. J'en
7 sais encore moins, sans doute, si bien que la situation est la suivante :
8 veuillez déposer vos arguments supplémentaires, afin que nous puissions en
9 prendre connaissance et en délibérer sur ce point. Cela est essentiel.
10 Deuxième chose : je ne sais pas ce qu'il en sera dans deux jours, ce qui va
11 se passer. Il est possible que nous ayons besoin, également, des lumières
12 de la MINUK, qu'on vous demande de revenir, mais que cela ne soit pas
13 nécessaire et que vous puissiez procéder par écrit afin de perturber le
14 moins possible le fonctionnement de votre organisation.
15 Dernière chose : on a parlé du fait que la MINUK ne serait peut-être pas
16 dans la même situation dans deux ans que ce n'est aujourd'hui. Cela, on
17 pourra en traiter dans notre décision, si nous décidons d'accorder la mise
18 en liberté provisoire. Ce sera peut-être une condition, c'est-à-dire que la
19 MINUK sera tenue d'informer la Chambre de première instance de toute
20 modification de sa situation qui atténuerait la valeur des garantis
21 fournies par la MINUK.
22 Ceci étant dit, je lève l'audience. Un instant, je vous prie. Un instant --
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE BRYDENSHOLT : [interprétation] Dans votre requête, Maître, vous
25 pourriez approfondir un peu plus votre position au sujet des activités
Page 93
1 politiques de votre client, quelles seraient les limites que vous mettriez
2 en place, s'agissant des relations avec le public, les journaux, et cetera.
3 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, tout à fait. Je dois dire que nous en
4 avons déjà parlé avec mon client et M. Haradinaj est prêt à respecter
5 toutes les limites que vous présenterez. Mais nous sommes prêts, nous-même,
6 à présenter nos arguments quant aux limites qui peuvent lui être imposées,
7 s'agissant de ses activités politiques et qui dépassent les limites
8 nécessaires pour ce procès.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur le Juge Eser.
10 M. LE JUGE ESER : [interprétation] Une question à l'Accusation. Pourriez-
11 vous nous dire quelle est la différence que cela présente pour les
12 personnes qui se trouvent au Kosovo, la mise en danger de certaines
13 personnes, témoins, et cetera, pouvez-vous dire quelle est la différence
14 que fait la présence ou non de l'accusé à La Haye, pour ce point --
15 M. GROOME : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ESER : [interprétation] -- pour quelles raisons ce danger serait
17 plus important si l'accusé était au Kosovo.
18 M. GROOME : [interprétation] Bien.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Essayez d'être aussi rapide que
20 possible, aussi bref que possible.
21 L'audience est suspendue. Nous déciderons, en temps utile, s'il est
22 nécessaire de tenir une audience supplémentaire en l'espèce. Mais nous ne
23 le saurons qu'une fois que la requête présentée par l'Accusation à une
24 autre Chambre aura été déposée. Merci.
25 --- L'audience sur requêtes est levée à 14 heures 08.