Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 16 septembre 2005

2 [Audience sur requêtes]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est absent]

5 --- L'audience est ouverte à 15 heures 15.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour. Monsieur le Greffier, veuillez

7 donner le numéro de l'affaire, je vous prie. Un instant, je remarque que

8 l'accusé n'est pas là. D'accord, il ne va pas être avec nous.

9 Pendant un instant, j'ai pensé qu'il était venu assister à cette audience

10 des plus intéressantes.

11 Poursuivons. Veuillez nous donner le numéro de l'affaire.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-04-84-PT, le

13 Procureur contre Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Je vais

15 demander aux parties de se présenter, à commencer par l'Accusation.

16 M. MOORE : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Moore, je suis premier

17 substitut du Procureur. Je suis accompagné par M. Gilles Dutertre et de Mme

18 Sandra D'Angelo.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup. Bonjour à vous et à

20 votre équipe.

21 Maintenant, passons aux défenseurs de M. Haradinaj.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'appelle Emmerson, et je suis accompagné

23 ici de M. Rodney Dixon et de M. Michael O'Reilly. Nous intervenons dans

24 l'intérêt de M. Haradinaj.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Bonjour à vous et à votre

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1 équipe.

2 L'objectif de l'audience de cet après-midi, c'est d'en terminer de la

3 présentation des arguments relatifs à la requête présentée par la Défense

4 le 15 août au nom de l'accusé Ramush Haradinaj, requête dans laquelle la

5 Défense demande un réexamen de ses conditions de liberté provisoire,

6 l'Accusation a ensuite répondu à cette requête. Cette réponse a été déposée

7 le 12 septembre, et le rapport du représentant spécial du secrétaire

8 général, M. Jessen-Petersen pour la MINUK, rapport adressé au Greffier du

9 Tribunal est également à notre disposition, et enfin, il y a la réponse

10 déposée à titre confidentiel par la Défense au rapport de la MINUK, ainsi

11 qu'à la réponse de l'Accusation à la requête de la Défense qui a été

12 déposée il y a quelques heures, d'après ce qu'on m'a dit, et dont nous

13 avons reçu un exemplaire avant cette audience. Inutile de préciser que nous

14 n'avons pas eu le temps de lire ce document, mais nous l'avons parcouru,

15 donc nous sommes au courant de sa teneur.

16 L'objectif de la présente audience est d'examiner la requête présentée par

17 la Défense, ainsi que les écritures qui ont ensuite été déposées, et ceci

18 non pas parce que les écritures déposées ne soient pas suffisamment

19 claires. En fait, ce sont des écritures qui sont d'une très grande clarté

20 et d'une grande exhaustivité s'agissant des informations communiquées à la

21 Chambre de première instance, mais maintenant que les opinions des uns et

22 des autres sont connues, qu'il y a eu un échange entre les parties, et il

23 faut également que je mentionne le représentant de la MINUK, donc nous

24 avons une réponse dans les temps de la MINUK pour permettre à la Chambre de

25 statuer sans retard. Vu tous ces éléments, nous estimons que la meilleure

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1 manière de procéder, c'est de traiter cette question de la manière la plus

2 transparente qui soit, sans qu'il soit nécessaire de répéter tous les

3 arguments déjà présentés de manière excessive. Non, l'idée ici, c'est de

4 donner aux parties la possibilité de poser des questions au représentant de

5 la MINUK si cela s'avère nécessaire, surtout vu certains des éléments

6 contenus dans la réponse de l'Accusation. Il y a peut-être des questions

7 qui restent encore en suspens.

8 L'idée de cette audience est également de vous permettre de

9 poursuivre vos échanges, d'autant plus que nous disposons maintenant d'une

10 réponse définitive de la Défense à la réponse qui avait été, en son temps,

11 déposée par l'Accusation.

12 Ce que nous avions l'intention de faire, c'était en tout premier lieu de

13 donner la parole à un des conseils de la Défense. J'imagine que sera vous,

14 Maître Emmerson, je vais ainsi vous donner la possibilité de nous expliquer

15 quelle est votre position, de résumer ce qui figure dans votre requête en

16 tenant compte de tout ce qui s'est passé après le dépôt de cette requête.

17 Vous serez ensuite suivi au micro par M. Moore j'imagine, et ensuite nous

18 donnerons la parole au représentant de la MINUK s'il y a des questions en

19 suspens, j'imagine que cela sera le cas, à ce moment-là nous traiterons

20 desdites questions en temps utile.

21 J'avais pensé vous accorder à chacun dix, 15 minutes au maximum, et je vais

22 vous demander de faire votre possible pour respecter ce temps que je vous

23 impartis ainsi.

24 Maître Emmerson, c'est à vous.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

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1 je vais commencer par vous exprimer toute ma gratitude, gratitude

2 personnelle car la Chambre a réussi à maintenir la date de l'audience de ce

3 jour bien que je sais que cela a posé un certain nombre de difficultés.

4 Comme vous le savez, mous demandons une modification des conditions

5 assorties à la liberté provisoire prévue par la décision de la Chambre de

6 première instance du 6 juin 2005. Ce que nous demandons, c'est que l'on

7 annule les restrictions placées aux activités politiques publiques de M.

8 Haradinaj pour lui permettre de jouer un rôle plus important dans la vie

9 publique au Kosovo.

10 Lorsque la Chambre a imposé les conditions actuelles, elle l'a fait en

11 stipulant que ces restrictions seraient réexaminées au bout de 90 jours sur

12 la base de l'expérience acquise pendant ces 90 jours.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vais vous demander de ralentir un

14 petit peu pour les interprètes.

15 M. EMMERSON : [interprétation] La Défense a compris l'objectif de cette

16 condition, pour nous, enfin j'espère vous nous avez bien compris, c'était

17 que M. Haradinaj soit éloigné de la scène politique au Kosovo pendant un

18 période suffisamment longue pour permettre une transition pendant sa

19 première période de liberté provisoire. Comme vous le savez, nous avons, de

20 notre part, produit un protocole écrit afin de respecter la lettre et

21 l'esprit des conditions posées par la Chambre et pour que celles-ci soient

22 remplies.

23 Comme vous le savez, l'expérience a montré qu'on a eu raison de faire

24 confiance à M. Haradinaj. Il a fait, comme d'habitude, preuve d'une

25 attitude extrêmement responsable, il a complètement respecté toutes les

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1 restrictions qui avaient été imposées à ses activités politiques. Il s'est

2 limité à des activités d'ordre administratif ou relatif à l'organisation de

3 son parti politique, et il a fait preuve d'un esprit de coopération très

4 avancé s'agissant des rapports qui sont établis au sujet de ses activités

5 ce qui a permis à la MINUK de suivre les conditions de sa liberté

6 provisoire de manière très exacte.

7 Vu le calendrier qui s'applique actuellement en l'espèce, il est apparent

8 que M. Haradinaj restera en liberté provisoire pendant au moins une année,

9 voire plus, et nous estimons qu'il n'est que juste de permettre un

10 allègement des conditions actuelles de sa liberté provisoire pour lui

11 permettre de mieux participé à la vie politique au Kosovo. Il est important

12 d'expliquer ce que cela recouvre.

13 M. Haradinaj ne demande nullement à avoir la possibilité d'occuper des

14 fonctions gouvernementales, il ne demande pas à représenter le Kosovo lors

15 des négociations à venir sur le statut du Kosovo, mais il demande à avoir

16 la possibilité d'exprimer librement ses points de vue politiques en public.

17 Ceci signifie deux choses. D'abord, cela signifie qu'il continue à donner

18 le message, message qu'il a toujours donné que l'avenir du Kosovo ne peut

19 être garanti que dans le cadre du droit international et en collaboration

20 pleine et entière avec les institutions internationales; et deuxièmement,

21 cela signifie qu'il continue sans aucune condition à se prononcer pour

22 l'intégration pleine et entière des minorités nationales. A ces deux

23 égards, il est en mesure d'apporter une contribution importante et

24 extrêmement précieuse, selon nous, au Kosovo à une époque de l'histoire du

25 Kosovo où ses prises de position peuvent avoir une grande importance. Nous

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1 le reconnaissons. Contrairement à ce que dit l'Accusation, M. Haradinaj n'a

2 jamais fait secret de son désir de contribuer à ce qui se passait au Kosovo

3 de cette manière. Dans un discours extrêmement digne qu'il a prononcé lors

4 des funérailles de son frère Enver lorsqu'il a été, pour la première fois,

5 mis en liberté provisoire pour une brève période, il a appelé à la

6 coopération et au calme à un moment particulièrement volatile de l'histoire

7 du Kosovo. Les observateurs ont pu constater que, depuis mars de cette

8 année, M. Haradinaj s'est prononcé pour la stabilité de la région et a

9 œuvré pour la stabilité de la région et non pas le contraire.

10 Je souhaiterais qu'on passe à huis clos, s'il vous plaît.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Huis clos total ou huis clos partiel ?

12 M. EMMERSON : [interprétation] Passons à huis clos partiel pour quelques

13 instants.

14 M. LA GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

15 [Audience à huis clos partiel]

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3 [Audience publique]

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

5 Veuillez poursuivre.

6 M. EMMERSON : [interprétation] L'Accusation, dans sa requête, semble mettre

7 en doute l'indépendance du représentant spécial, elle semble émettre

8 quelques doutes à ce sujet. Vu l'expérience de M. Jessen-Petersen, c'est

9 assez surprenant. Comme l'Accusation le signale, M. Petersen a une très

10 bonne opinion de M. Haradinaj justement du fait de ses activités à son

11 poste de premier ministre. Une fois encore la Défense estime que cette

12 expérience directe, la connaissance de la situation au Kosovo met la MINUK

13 dans la meilleure position possible pour permettre d'apporter son

14 assistance à la Chambre de première instance. Mais je suis sûr que M.

15 Rossin pourra nous apporter plus d'éléments sur ce point.

16 L'Accusation, dans sa requête, s'appuie sur une déclaration qui a été faite

17 par M. Dusan Janic qui est le coordinateur du forum pour les relations

18 ethniques à Belgrade. Il est indéniable que ce monsieur a le doit d'avoir

19 son opinion, mais c'est un représentant bien connu de Belgrade, on ne peut

20 donc pas dire qu'il s'agisse là d'un intervenant impartial dans cette

21 question et nous estimons que l'on ne peut pas donner autant de poids à son

22 évaluation qu'à celle du représentant spécial du secrétaire général.

23 Monsieur le Président, je vais maintenant passer en revue quatre arguments

24 bien précis qui ont été soulevés par l'Accusation. D'abord, l'Accusation

25 nous dit que si M. Haradinaj devait se voir autoriser à jouer un rôle dans

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1 la vie publique, cela viderait les autres conditions de sa liberté

2 provisoire de toute leur valeur. L'Accusation nous dit qu'à ce moment-là,

3 il serait impossible pour la MINUK de suivre les déplacements de M.

4 Haradinaj puisqu'il est impossible de prévoir les déplacements ou le

5 calendrier d'un homme politique. On nous dit que la MINUK ne pourrait pas

6 remplir son obligation qui est la sienne d'arrêter M. Haradinaj en cas de

7 non respect des conditions qui lui ont été imposées parce que sa position

8 politique serait trop importante.

9 Ces affirmations qui ne sont étayées par rien vont à l'inverse de ce qui

10 est dit par la MINUK.

11 Huis clos partiel rapidement, je vous prie, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Huis clos partiel

13 [Audience à huis clos partiel]

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24 [Audience publique]

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique à

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1 nouveau, Maître Emmerson.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, bien entendu,

3 l'intervention de M. Haradinaj dans la vie politique nécessitera beaucoup

4 de précaution, de sensibilité mais, comme la MINUK pourra le confirmer, il

5 a fait preuve d'une grande discrétion sur la scène politique. Dans sa

6 décision du 6 juin 2005, quand la Chambre de première instance a envisagé

7 un allègement des conditions de sa liberté provisoire, elle a bien stipulé

8 que cela se ferait vu l'expérience acquise, et cette expérience est tout à

9 fait positive. Le seul élément, le seul élément de non coopération qui a pu

10 être signalé par l'Accusation, c'est le moment où on a vu M. Haradinaj hors

11 de chez lui le 7 août.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Inutile d'insister sur ce point. Il

13 s'agit d'un incident mineur, et je ne pense pas que cela entraînera, de la

14 part de l'Accusation, une demande de révocation de la liberté provisoire.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Tout à fait.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc inutile d'insister.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Le deuxième argument qui est présenté par

18 l'Accusation, c'est que s'il était fait droit à cette requête, cela

19 reviendrait à intimider les victimes et les témoins. C'est-à-dire si on

20 faisait droit à la demande de participer à la vie politique publique. Mais

21 comme vous vous en souviendrez, l'Accusation a déjà dit, a déjà fait

22 valoir, que le simple fait que l'accusé soit mis en liberté provisoire

23 entraînerait, de manière indirecte, un sentiment de crainte chez les

24 témoins, ceci a été rejeté par la Chambre de première instance, et nous

25 estimons qu'elle a eu raison. Car l'Accusation n'a jamais pu nous donner

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1 d'exemples d'un témoin qui ait été intimidé ou qui ait hésité à se

2 présenter suite à la décision de mise en liberté provisoire. Nous estimons

3 qu'il est difficile d'imaginer un accusé qui aurait pu en faire plus pour

4 garantir la sécurité des témoins potentiels. Comme nous l'avons indiqué

5 dans notre réponse écrite à l'Accusation déposée ce matin, M. Haradinaj a

6 tout fait, à tous moments, pour que les témoins n'hésitent pas à déposer.

7 Il est tout à fait confiant, il pense que le Tribunal peut établir la

8 vérité, il a tenu des propos en public pour rassurer les témoins potentiels

9 par le biais de ses avocats qu'ils ne devaient pas hésiter à venir déposer.

10 Il a maintenant désigné une équipe d'enquêteurs internationaux d'un niveau

11 très élevé afin que la Défense puisse préparer sa cause sans risquer

12 d'intimider les témoins ou de leur faire peur.

13 En bref, nous estimons que l'Accusation n'a nullement montré, n'a présenté

14 aucune raison montrant que la limitation des activités politiques de M.

15 Haradinaj pouvait compromettre la sécurité des témoins. Le représentant

16 spécial n'aurait, si ce n'avait pas été le cas, pas produit le rapport

17 qu'il a produit.

18 Troisièmement, s'agissant de l'allègement des restrictions quant aux

19 limites géographiques imposées à M. Haradinaj, l'Accusation nous dit que M.

20 Haradinaj a fait un secret de ses motivations. Ce n'est pas le cas. Il est

21 manifeste que cette demande est liée à ses activités politiques. S'il veut

22 jouer un rôle important, il doit pouvoir se rendre dans les bureaux

23 principaux de son parti politique et la MINUK a dit très clairement que

24 cette mesure ne remettrait pas en cause sa capacité à suivre et à faire

25 respecter les termes de la liberté provisoire. Nous avons abordé d'autres

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1 arguments relatifs aux limites géographiques dans la réponse que nous avons

2 déposée ce matin.

3 Enfin, un mot sur la requête de l'Accusation aux fins de sursis à statuer,

4 aux motifs que des enquêtes sont actuellement en cours. Vu l'état de

5 l'affaire, vu l'état du dossier, nous ne sommes pas surpris d'apprendre que

6 l'Accusation a l'intention de poursuivre ses enquêtes. Ce processus va

7 indéniablement se poursuivre, mais il n'y a aucune raison-là pour surseoir

8 à statuer en l'espèce, puisque c'est une requête qui se dessinait déjà dans

9 la décision du 6 juin rendue par la Chambre de première instance. C'est

10 pourquoi je vous demande de faire droit à notre requête.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Emmerson. Je vous

12 remercie d'avoir respecté les 15 minutes qui vous avaient été imparties.

13 Maintenant, est-ce que je pourrais donner la parole à M. Moore ?

14 M. MOORE : [interprétation] Dès le départ, je souhaite parler de la

15 deuxième question qui a été soulevée par mon éminent confrère, Me Emmerson.

16 Je souhaite rappeler aux Juges de la Chambre que lorsque la Chambre de

17 première instance a rendu sa décision eu égard à la première demande, elle

18 a clairement indiqué que l'accusé pouvait -- mais qu'aucun élément ne

19 permettait de croire que l'accusé pouvait constituer une menace pour

20 quiconque, y compris des victimes et des témoins.

21 Dans notre réponse au paragraphe 13, nous avons clairement fait

22 référence ici, de façon elliptique, je reconnais que le Procureur d'après

23 nous est en mesure actuellement de présenter à la Chambre de première

24 instance dans une procédure ex parte, les documents que nous souhaiterions

25 présenter et qui, d'après nous, permettraient d'indiquer tout le contraire

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1 eu égard à cette préoccupation. Bien évidemment, étant donné les

2 circonstances dans lesquelles seraient présentés ces documents, ce n'est

3 pas quelque chose, d'après nous, qui devrait être rendue public, c'est

4 quelque chose néanmoins qui a été abordé avec le plus grand soin et, par

5 conséquent, nous aimerions déposer une demande pour que ces documents

6 soient présentés à la Chambre de première instance et que la Chambre de

7 première instance puisse l'examiner non seulement par le biais de cette

8 requête, mais peut-être également en ce qui concerne la question de la mise

9 en liberté provisoire en tant que telle. Par conséquent, je souhaite à ce

10 stade faire une demande particulière pour que la Chambre puisse entendre

11 ces éléments-là et que nous puissions faire une demande d'audience ex

12 parte. Je me remets entièrement entre les mains des Juges de la Chambre

13 pour savoir comment procéder.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Monsieur Moore, écoutez, abordons

15 le reste pour l'instant.

16 M. MOORE : [interprétation] Je ne peux pas parler du reste et des autres

17 éléments, car nous avançons, dans notre argument, qu'il y a quatre exemples

18 précis où l'Accusation dispose d'éléments qui indiquent très clairement

19 qu'à deux reprises des témoins ont été intimidés par certaines parties, je

20 ne vais pas entrer dans le détail ici, et approchés par des parties

21 lorsqu'ils ont fait des dépositions devant ce Tribunal.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Comment pensez-vous que la Chambre de

23 première instance ou la Chambre de la mise en état puissent prendre ceci au

24 sérieux étant donné que ces éléments d'information n'ont pas été

25 communiqués à la Défense ?

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1 M. MOORE : [interprétation] Ecoutez. Nous aimerions vous dire que la

2 procédure qui doit être suivie est celle-ci, car la Chambre de première

3 instance est néanmoins conservatrice de la liberté de l'accusé. Néanmoins,

4 alors que l'accusé a certains droits, à savoir aussi les témoins. Je ne

5 veux pas rendre public les éléments dont nous disposons, car nous estimons

6 que les personnes en question mettraient en danger la liberté ou voir même

7 peut-être la vie de cette personne en question.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous n'acceptez pas que cela a été le

9 cas dans d'autres affaires, étant donné que les éléments ne seront pas

10 communiqués à l'accusé d'accord, mais il faut du moins les communiquer à

11 ses avocats, au conseil de la Défense autrement dit. Je pense que si vous

12 avez des raisons de douter de cela, je crois que vous ne devriez pas douter

13 du -- enfin, vous devriez -- je comprends fort bien que vous n'ayez pas

14 envie de remettre des éléments à l'accusé, mais vous devriez pouvoir les

15 remettre aux avocats de la Défense.

16 M. MOORE : [interprétation] Il ne s'agit pas ici de ne pas faire confiance,

17 ou d'avoir le sujet de préoccupation eu égard à l'intégrité du conseil de

18 la Défense. Le fait porte, estime le bureau du Procureur, sur la sécurité

19 des témoins, et nous pensons que nous avons raison de croire que la

20 sécurité a déjà été compromise. Par conséquent, si nous fournissons des

21 éléments complémentaires, d'après nous, ceci constituerait un risque pour

22 ces personnes qui sont venues déposer devant le Tribunal dans le sens où

23 ces personnes sont disposées à faire une déposition devant cette Chambre de

24 première instance.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vais vous arrêter pendant quelques

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1 instants, Monsieur Moore, et donner la parole à Me Emmerson s'il souhaite

2 répondre à ce que vous venez de dire.

3 M. EMMERSON : [interprétation] La Chambre de première instance devrait

4 poursuivre et parler des éléments qui ont été présentés et qui sont dans le

5 domaine public. Je ne sais pas si M. Moore comprend très bien ce qu'il

6 entend présenter ici. Autrement dit, il s'éloigne pour beaucoup de cette

7 notion d'un procès équitable en proposant une audience inter partes, car il

8 s'agit de rendre une justice contradictoire. Dans une brève conversation

9 qu'il m'a ainsi donnée, il m'informe que la demande qu'il souhaite faire

10 devant la Chambre est quelque chose qui est conforme à une procédure ex

11 parte utilisée devant les tribunaux pénaux britanniques qui permettent de

12 décider si, oui ou non, des éléments de preuve doivent être communiqués à

13 la Défense dans un procès devant un jury, dans les circonstances où les

14 éléments de preuve ne sont pas communiqués et n'ont aucune incidence sur la

15 procédure qui ressemble à une procédure qui est celle appliquée ici, à

16 savoir l'Article 66(C) de ce Tribunal, il s'agit à ce moment-là d'une

17 audience ex parte qui permet de déterminer si, oui ou non, il faut

18 communiquer ces éléments. Mais ce que M. Moore demande à la Chambre de

19 faire est d'agir en tant que Tribunal en se reposant sur les éléments qui

20 ont été communiqués et ne permettant pas ici de procéder à l'équité et de

21 permettre à la partie adverse de tenir compte de ces éléments-là et d'y

22 répondre. Donc, il n'y a aucune autorité à mon sens, et je crois qu'il n'a

23 pas donné le préavis nécessaire dans sa demande. Il y a trois ou quatre

24 ans, la situation a été très exactement la même lorsqu'il y a eu une

25 violation de l'Article 6.

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1 Je respecte beaucoup ce dit M. Moore, mais il ne souhaite pas se

2 reposer sur des éléments qui sont présentés en audience publique. Donc,

3 nous devons ne plus nous reposer là-dessus et notre position est celle-ci.

4 Il nous vaut convaincre les Juges de le voir en privé et si une seule des

5 parties présentes à la procédure est représentée et peut agir en présentant

6 des éléments différents, alors le bureau du Procureur ne pourra pas se

7 reposer dessus, et c'est à eux d'en faire ce choix.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il s'agit une question de liberté

9 personnelle. Si quelqu'un est déjà mis en liberté provisoire, il s'agit de

10 question liberté personnelle. Avec tout le respect que je vous dois, je ne

11 souhaite pas parler d'un procès équitable à ce stade, je ne pense pas que

12 nous soyons parvenus à ce stade-là encore.

13 Mais d'après vous, M. Moore, cela correspond à demander à la Chambre

14 de première instance d'examiner les archives de toutes les enquêtes, de

15 tout ce qui a été présenté de façon confidentielle, ne permettant pas un

16 seul élément d'information à être communiqué à la Défense, et ensuite, de

17 rendre une décision qui serait de dire si nous sommes pour ou contre la

18 demande de la Défense portant sur des éléments dont n'a pas pris

19 connaissance la Défense. La réponse de la Chambre de première instance

20 serait de dire, nous faisons droit à votre demande ou votre demande est

21 retardée, nous allons attendre le résultat de certaines enquêtes puisque

22 que nous allons attendre d'être contacté par le Procureur, mais nous ne

23 pouvons pas vous dire de quoi il s'agit.

24 Mous parlons ici de la liberté de quelqu'un, d'une personne, d'un

25 être humain qui doit être libre. Nous pourrions, effectivement, en parler à

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1 huis clos, pour ce qui est du contenu ou des résultats de toutes ces

2 enquêtes, mais pas au point d'avoir une conversation entre vous, le bureau

3 du Procureur, et nous, les trois Juges de la Chambre. C'est comme si, bon -

4 - ce n'est pas dans votre intérêt, je ne sais pas ce qui se passe. Je crois

5 que ceci est tout à fait dans l'intérêt des conseils de la Défense dans

6 toute affaire de savoir si la suspicion est fondée ou non, et si les

7 clients de la Défense ou les personnes qui sont associées pourraient

8 prendre part aux activités qui sont celles que vous semblez nous indiquer.

9 Je serais, comme conseil de la Défense, je serais le premier à être en

10 droit de m'attendre à avoir ces informations.

11 M. MOORE : [interprétation] Bien, écoutez, il est vrai que j'étais à la

12 fois avocat de l'Accusation et de la Défense, que les témoins ont également

13 des droits. Il est important de se rappeler les fondamentaux ici, et on ne

14 parle pas ici d'une Chambre de première instance qui parle exclusivement

15 des droits d'un accusé. Les témoins ont également des droits. Ils ont le

16 droit d'être protégés. Ils ont le droit à la vie dans certains cas et

17 situations extrêmes.

18 Par voie de conséquence, je manquerais à tous mes devoirs si je remettais

19 des éléments qui, par leur nature même, communiqueraient l'identité de ces

20 témoins, soit en citant leurs noms, soit en décrivant ces personnes, ce qui

21 permettrait aisément des les identifier. Par voie de conséquence, nous

22 disons dans notre argument qu'il y a des éléments dont nous disposons qui

23 indiquent que M. Haradinaj a pris part depuis sa mise en liberté provisoire

24 à des actes d'intimidations contre des témoins. Egalement, sans parler dans

25 le détail, j'avancerais que nous sommes à ce stade, à un stade

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1 préliminaire, et malheureusement, les enquêtes prennent un certain temps.

2 Le bureau du Procureur du Procureur à l'intention de faire la clarté sur

3 toutes ces questions et de savoir si les éléments dont nous disposons sont

4 fondés ou présentent une certaine ou sont valables, mais nous ne pouvons

5 pas communiquer des éléments d'information qui révéleraient l'identité de

6 ces victimes. Il s'agit de trouver un équilibre ici.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'entends bien ce que vous dites M.

8 Moore. Je vous demande de bien vouloir nous présenter vos arguments sur les

9 autres parties de la requête de la Défense.

10 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] De toute façon, nous reviendrons vers

12 vous, vers les deux parties concernant cette question-là. Nous n'allons pas

13 prendre une décision maintenant. Mais quoi qu'il en soit, cela n'est

14 certainement pas quelque chose qui va prendre tout notre temps aujourd'hui.

15 Nous allons en parler entre nous, et voir quel poids nous souhaitons

16 accorder à ce stade de la procédure à cette question-là, et nous vous

17 indiquerons si la nécessité se fait sentir pour remettre ces documents au

18 Tribunal et dans quelle condition ceci sera fait. Je crois que nous pouvons

19 dire que nous n'envisageons pas à ce stade cette situation où nous allons

20 prendre une décision à propos d'éléments qui n'ont pas été présentés ou

21 communiqués à la Défense. Je ne parle pas de l'accusé, mais je parle des

22 conseils de la Défense ou, en tout cas, de les mettre dans une position où

23 ils sont en mesure de défendre leurs clients.

24 M. MOORE : [interprétation] Bien sûr, je suis tout à fait tenu de me

25 conformer à ce que disent les Juges de la Chambre.

Page 126

1 Mais je souhaite faire une demande dans les règles.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, j'ai déjà noté.

3 M. MOORE : [interprétation] Oui, je souhaite que ceci soit reporté pour une

4 période d'un mois pour faciliter les enquêtes en cours portant sur cette

5 question-là. Il se peut que dans l'intervalle, la Chambre de première

6 instance puisse tout à fait, par exemple, stipuler que certains éléments

7 doivent être communiqués à la Défense. Il y aura peut-être des éléments

8 complémentaires qui vont nous être présentés. Mais quoi qu'il en soit, je

9 vais faire une demande tout à fait formelle pour qu'on puisse retarder la

10 décision rendue à cet égard.

11 Je dois dire que les allégations ici sont très graves, et ont beaucoup de

12 poids, comme toutes les questions qui sont présentées devant ce Tribunal.

13 Ce qui est important, c'est que cet accusé a pris part à des crimes où il a

14 exercé le contrôle sur d'autres parties sans participer directement à ceux-

15 ci. Je suis tout à fait conscient du fait qu'il y a une décision de la

16 Chambre à cet égard et que nous n'avons pas d'éléments concrets sur

17 lesquels les Juges puissent se reposer concernant les témoins.

18 Tout ce que nous avançons, c'est ceci : c'est que premièrement, en

19 autorisant M. Haradinaj ou en lui permettant de reprendre ce que

20 j'appellerais ses activités politiques, où c'est quelqu'un qui sera

21 certainement sous les feux de la rampe, car on le verra dans la presse et à

22 la télévision, je n'entends pas par là le critiquer en quoi que ce soit,

23 ceci pourrait avoir une incidence sur les enquêtes en cours surtout eu

24 égard aux témoins qui pourraient avoir peur ou avoir certaines craintes

25 lorsqu'ils viennent témoigner contre M. Haradinaj ou d'autres accusés.

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1 Egalement, un autre élément qui concerne les éléments dont dispose la

2 Défense. Ceci pourrait affaiblir la détermination des témoins qui sont

3 disposés à venir faire des dépositions ici, car ceci pourrait augmenter la

4 crainte de ces personnes si M. Haradinaj est au devant de la scène

5 politique. A ce moment-là, ces personnes, comme ils l'ont déjà indiqué, ne

6 souhaiteraient pas, dans ce cas, venir déposer devant ce Tribunal. Donc, je

7 crois qu'au cours des délibérations ici, et c'est le cas en général ou la

8 position de la Chambre d'appel, il est très important d'avoir un procès

9 équitable, et lorsque nous avons un procès équitable, cela signifie que les

10 témoins sont en mesure d'être protégés, qu'ils peuvent venir témoigner sans

11 sentir une quelconque oppression, et qu'ils puissent présenter des éléments

12 de façon juste, équitable et raisonnable. M. Haradinaj, s'il doit reprendre

13 son activité politique, nous estimons qu'ici nous allons franchir le

14 Rubicon.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore.

16 Pardonnez-moi, au début de cette audience, il y a quelque chose qui m'a

17 échappé et j'ai omis d'annoncer votre présence ici, Monsieur. Vous êtes le

18 représentant de la MINUK. Pardonnez-moi Monsieur. Je pourrais vous

19 présenter, Monsieur.

20 M. ROSSIN : [interprétation] Merci beaucoup, Messieurs les Juges et les

21 membres de la Chambre. Je vous remercie. Je m'appelle Larry Rossin,

22 Lawrence Rossin. Je suis le représentant spécial adjoint du Secrétariat

23 général du Kosovo, et l'adjoint de la MINUK. Je m'occupe de la mission

24 intérimaire de l'administration du Kosovo. Ici, j'ai été présent lors d'une

25 audience à la fin du mois de mai concernant la demande de la mise en

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1 liberté provisoire de M. Haradinaj.

2 Si vous me le permettez, je vais rappeler ici quelques éléments concernant

3 l'autorité de la MINUK à propos du Kosovo. La MINUK est un organe des

4 Nations Unies qui a pour responsabilité d'assurer l'administration dans

5 l'intérim du Kosovo au nom de la résolution 1244 du conseil de Sécurité des

6 Nations Unies. La MINUK a l'autorité pour ce faire.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Les interprètes m'ont demandé

8 d'intervenir et de ralentir un petit peu, à moins que vous n'ayez un texte

9 à leur remettre.

10 M. ROSSIN : [interprétation] Aux termes du paragraphe 14 de la Résolution

11 1244 de 1999, la MINUK est tenue de coopérer avec le Tribunal.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant. Nous recevons le serbe sur

13 le canal anglais.

14 Monsieur Rossin, vous pouvez reprendre la parole.

15 M. ROSSIN : [interprétation] La MINUK remplira de son mieux les conditions

16 prévues par le Tribunal pénal international.

17 S'agissant de la lettre du 1er septembre envoyée par le représentant spécial

18 du Secrétaire général au Greffier du Tribunal, nous avons présenté

19 l'évaluation faite par la MINUK des demandes présentées dans le cadre de la

20 requête de la Défense du 15 août 2005 au nom de M. Haradinaj.

21 Depuis sa mise en liberté provisoire à la garde de la MINUK le 9 juin 2005,

22 la MINUK estime que M. Haradinaj a pleinement respecté les termes de la

23 décision accordée par la Chambre de première instance le 6 juin 2005. La

24 MINUK estime, d'autre part, qu'elle sera en mesure de suivre et de

25 surveiller les activités politiques de M. Haradinaj en vertu du paragraphe

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1 9 de la requête. En troisième lieu, la MINUK a fait part du fait qu'elle

2 estime que si la Chambre devait modifier la décision, l'intervention de M.

3 Haradinaj dans la vie politique au Kosovo aurait un effet positif.

4 Quatrièmement, s'agissant des déplacements de M. Haradinaj au Kosovo, la

5 MINUK n'a pas d'objection aux demandes qui sont faites dans la requête de

6 la Défense, à l'exception du paragraphe 27(B) qui est indiqué dans la

7 lettre. S'agissant de ce paragraphe, pour que la MINUK soit en mesure

8 d'assurer la protection adéquate de M. Haradinaj, il lui est nécessaire

9 d'être informé à l'avance de ses déplacements. Il convient de maintenir ce

10 préavis de 24 heures avant tout déplacement. Cependant, comme nous l'avons

11 déjà dit, un préavis d'une heure pourra être acceptable dans des

12 circonstances exceptionnelles.

13 Je vous remercie de votre attention. Monsieur le Président, Monsieur le

14 Juge, je suis prêt à répondre à toutes questions que vous auriez.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Rossin.

16 Est-ce que d'un côté ou de l'autre, on souhaite poser des questions

17 particulières à M. Rossin ?

18 M. MOORE : [interprétation] Non, merci.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Rossin, il y a un sujet que je

20 souhaiterais aborder avec vous. Le document, le rapport, la réponse du

21 représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo en date du 1er

22 septembre a trait à la requête présentée par la Défense.

23 M. ROSSIN : [interprétation] C'est exact.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Dans ce rapport, vous ne répondez pas,

25 bien entendu, aux préoccupations qui ont été soulevées dans la réponse de

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1 l'Accusation.

2 M. ROSSIN : [interprétation] C'est exact, puisque nous avons répondu avant.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Dans cette réponse, l'Accusation évoque

4 un certain nombre de préoccupations qu'elle a, et qui ont trait à la

5 personnalité de M. Jessen-Petersen.

6 M. ROSSIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ici, il y a une sorte d'allusion

8 subtile au fait que la MINUK serait trop favorable dans ce domaine. La

9 question, d'autre part, une autre question a été soulevée, troisième

10 question, troisième point qui, bien entendu, est très grave, ce sont les

11 allégations qui ont été faites dans ce prétoire aujourd'hui par M. Moore,

12 et qu'il est inutile, je pense, que je répète. Nous n'en connaissons pas,

13 bien entendu, les détails, ni moi, ni mes collègues, ni vous-même, ni les

14 membres de l'équipe de la Défense.

15 Je voudrais savoir si vous souhaitez intervenir sur ce point au nom de la

16 MINUK. Je vous rappelle que vous êtes ici non à titre personnel, mais en

17 tant que représentant de la MINUK.

18 M. ROSSIN : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Je

19 n'interviens pas ici à titre personnel.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je n'essaie nullement de vous donner

21 des leçons.

22 M. ROSSIN : [interprétation] S'agissant de votre première question au sujet

23 de M. Jessen-Petersen, de son rôle personnel, de ses manifestations

24 personnelles, expressions personnelles, propos qui ont été cités dans la

25 réponse de l'Accusation, M. Jessen-Petersen, et nous tous d'ailleurs au

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1 sein de la MINUK, avons depuis longtemps des relations avec M. Haradinaj au

2 fil des divers postes politiques qu'il a occupés. Tout au long de sa

3 carrière, en particulier pendant la brève période pendant laquelle il a

4 occupé le poste de premier ministre du Kosovo, cette expérience a été très

5 positive. M. Jessen-Petersen avait, au terme de la Résolution 1244, la

6 mission de rétablir la stabilité au Kosovo, de permettre au Kosovo d'aller

7 de l'avant, de créer des institutions politiques dignes de ce nom,

8 d'apporter son concours au processus politique en garantissant la sécurité,

9 la multiethnicité, et cetera.

10 Dans tous ces domaines, M. Haradinaj s'est montré éminemment constructif.

11 Il a joué un rôle moteur dans tous ces domaines pendant les périodes qu'il

12 a passées au gouvernement, et c'est ce que M. Jessen-Petersen a répété à de

13 nombreuses reprises en public. Il ne s'agit, bien entendu, pas là d'un

14 commentaire sur les charges qui pèsent contre lui devant ce Tribunal. Il

15 appartiendra à la Chambre de se décider, de statuer sur ces charges.

16 Deuxièmement, s'agissant de la MINUK, on nous dit que nous sommes trop

17 favorables à l'accusé. Nous avons, au terme de la Résolution que j'ai déjà

18 citée, l'obligation de coopérer avec le Tribunal, et le représentant

19 spécial, ainsi que nous tous, nous interprétons cela de manière assez

20 générale, c'est-à-dire, que nous devons tout faire pour aider la Chambre.

21 Donc, si nous avons la possibilité de fournir des garanties, de répondre de

22 manière positive aux demandes du Tribunal, suivre les déplacements d'une

23 personne, assurer sa sécurité et cetera, lorsque ladite personne a été mise

24 en liberté provisoire, dire à la Chambre que nous sommes en mesure de

25 fournir ces conditions, cela rentre dans le cadre de nos obligations. Je

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1 pourrais vous fournir des informations à ce sujet. S'agissant, par exemple,

2 du rôle politique de l'accusé, et du rôle qu'il pourrait jouer à l'avenir,

3 nous, nous avons dit que c'était très constructif dans le cadre des

4 responsabilités qui sont les nôtres au terme de la Résolution 1244.

5 Nous ne sommes pas en faveur de M. Haradinaj en tant que tel, en

6 faveur d'un rôle pour lui au sein du Kosovo, sur la scène politique du

7 Kosovo. Ce n'est pas à nous de le dire. Nous estimons que s'il jouait un

8 rôle sur cette scène politique, cela serait positif.

9 Troisièmement, s'agissant de nos relations avec la police, bien entendu, je

10 me suis préparé avant de venir ici. Nous recevons deux fois par semaine des

11 rapports. J'en parle même au paragraphe 9, cela se rapporte au paragraphe 9

12 de la décision, et si nous avions des informations sur l'intimidation de

13 témoins, à ce moment-là, nous les fournirions, bien entendu, parce que

14 c'est quelque chose de très grave. J'ai parlé ce matin avec le Greffe. J'ai

15 une relation de nature -- une discussion de nature générale au sujet de nos

16 responsabilités s'agissant des témoins. Franchement, je n'ai pas

17 d'information particulière à ce sujet, sauf que nous devons assurer la

18 protection de l'accusé, des témoins, et la police ne nous a rien fait

19 connaître qui entrerait dans le cadre de l'intimidation de témoins.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Cela ne signifie pas qu'il ne

21 connaît ces informations, des informations qui pourraient récuser vos

22 arguments, Monsieur Moore. Je pense que nous pouvons en rester là à moins

23 qu'il y ait d'autres arguments.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Un instant, je vous prie. Une question de

25 procédure s'agissant des documents ex parte.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Essayez d'être aussi rapide que

2 possible.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'y efforcerai.

4 Que le procès soit équitable ou pas, que ceci aille dans ce sens ou pas, ce

5 que dit M. Moore dans son argumentation pourrait déboucher sur une requête

6 aux fins d'annuler la liberté provisoire de M. Haradinaj. Donc, quelle que

7 soit la procédure adoptée s'agissant de la demande de M. Moore, cela

8 entraînera une révocation de la liberté d'une personne. Or, nous estimons

9 que cela n'est pas très différent des critères qui s'appliquent pour

10 garantir l'équité du procès.

11 Deuxièmement, on nous fait part de préoccupations de manière extrêmement

12 tardive sans nous donner aucun détail, sans aucun fondement. Vous avez dit,

13 Monsieur le Président, qu'une solution éventuelle serait la communication

14 des pièces au conseil de la Défense. Je voudrais vous donner une référence,

15 une référence unique, qui n'en est pas la seule, bien entendu.

16 Je voudrais vous dire ce qui se passe au Royaume-Uni dans ces conditions.

17 On estime que c'est une violation de la déontologie professionnelle pour un

18 avocat de recevoir les documents s'ils lui sont communiqués uniquement à

19 lui et non pas à son client, parce que cela remet en question les relations

20 qu'il a avec son client, et parce que moi, pour intervenir ensuite suite à

21 la lecture de ces pièces, pour intervenir devant la Chambre, il faudrait

22 que je prenne les instructions de mon client.

23 Il est manifeste que l'Accusation n'est pas en train de nous dire qu'ils

24 sont en mesure de fournir des preuves à l'appui de ce qu'ils disent. Si

25 c'est le cas, si c'est le cas plus tard au cours de la procédure, et on a

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1 du mal à penser que ce sera le cas, on a un peu du mal à y penser

2 puisqu'ils nous disent qu'ils ne savent pas si cela sera dans trois mois ou

3 dans un mois peut-être. Enfin, s'il arrive un moment où ils sont en mesure

4 de présenter ces pièces inter partes dans le cadre du système

5 contradictoire, il faudra qu'ils présentent une requête dans ce sens au

6 moment qui conviendra.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que votre point de vue sur le

8 respect de la déontologie pourrait changer si votre client acceptait que

9 vous receviez vous, seul, ces documents.

10 M. EMMERSON : [interprétation] Dans mon pays, cela serait inacceptable,

11 mais effectivement, ce n'est pas un critère. Le seul critère que je vais

12 prendre à considération ici, est ce qui se passe dans mon pays, dans mon

13 système.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Parce que cela s'est déjà fait ici,

15 c'est une pratique je j'ai moi-même suivie.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, tout à fait.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous n'êtes pas le seul, et cela s'est

18 déjà procédé précédemment, cela a eu lieu précédemment.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Dans le droit britannique, on peut désigner

20 un autre conseil qui représente les intérêts de l'accusé sans intervenir

21 directement dans son intérêt, sans le représenter directement.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Inutile de poursuivre sur ce point.

23 Monsieur Moore.

24 M. MOORE : [interprétation] Je remercie mon confère de nous rappeler ce qui

25 se fait au Royaume-Uni. Pour moi c'est nouveau, c'est un texte nouveau

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1 qu'on me présente là, c'est une procédure nouvelle. On pourrait l'emprunter

2 si cela permet de garantir l'équité du procès pour toutes les parties. S'il

3 est possible pour un conseil indépendant de protéger les intérêts de

4 l'accusé, je suis sûr que l'Accusation serait a priori assez favorable à

5 une telle solution. Bien entendu, il faudrait se pencher sur la question

6 auparavant.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je pense que nous avons fait le

8 tour de la question. Je réserve mon point de vue et ainsi que celui de mes

9 confrères.

10 Nous allons maintenant délibérer et nous rendrons notre décision en

11 temps utile.

12 --- L'audience sur requêtes est levée à 16 heures 07.

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