Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 3 avril 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes et bonjour au

6 personnel technique.

7 Madame la Greffière, voulez-vous nous présenter l'affaire, s'il vous

8 plaît.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

10 s'agit de l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj et

11 consorts.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci, Madame la Greffière.

13 Bonjour.

14 Maître Di Fazio, hier j'ai demandé s'il y avait des objections par

15 rapport aux pièces D27, D28, D29 ou D30.

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Il n'y en a pas.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection ?

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Non.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors --

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Donnez-moi un instant, s'il vous plaît.

21 L'une des pièces est peut-être déjà une pièce du Procureur. Il faudrait

22 peut-être la conserver sous pli scellé. Je vais vérifier avec notre commis

23 à l'affaire. A part cela, il n'y a pas d'objections.

24 Oui, en effet, nous avions quelques préoccupations s'agissant de P30.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D30, notes de récolement, n'est-ce pas ?

26 Y a-t-il des objections quant au versement sous pli scellé de cette

27 pièce ?

28 M. EMMERSON : [interprétation] Je crois que M. Di Fazio a parlé de P30. Il

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1 voulait sans doute dire D30.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement.

3 Monsieur Di Fazio, c'est D30.

4 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, je n'ai aucune difficulté s'agissant

5 des pièces de la Défense. C'est tout ce que j'essayais de dire.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons vérifier si les pièces de la

7 Défense -- peut-être que Maître Emmerson, vous souhaiteriez vérifier vous-

8 même pour voir s'il y a quoi que ce soit dans ces pièces qui est protégé.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, tout à fait, je le ferai.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après la pause, nous vous entendrons là-

11 dessus ou peut-être plus tard dans le courant de la journée.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une chose qui est réglée.

14 D'autre part, la Chambre aimerait savoir quand elle saura de la part de la

15 Défense s'il y a des objections par rapport à la réorganisation des pièces

16 pour le témoin Andjelkovic ? Il me semble que tout ceci a été réorganisé.

17 Une lettre a été communiquée à la Chambre. Des exemplaires de cette même

18 lettre ont été transmis aux équipes de la Défense en date du 2 avril.

19 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais vous en reparler après la pause.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, aucun problème.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Là, vous m'avez un petit peu pris par

22 surprise sur cette question. C'est sans doute ma faute, mais --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si nous avons à attirer votre

24 attention sur la question, l'objet de mon intervention est rempli.

25 Je voulais vous informer également que nous n'allons pas siéger les jours

26 suivants, ce sont tous des vendredis. C'est la même condition que nous

27 avons déjà appliquée plus tôt, à moins que nous devions siéger une partie

28 de ces journées-là pour conclure une déposition de témoin ou pour régler

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1 une question de procédure urgente. Ce n'est pas une exclusion absolue, mais

2 disons que nous préférerions ne pas siéger. Il s'agit des jours suivants :

3 le 27 avril, le 18 mai, le 25 mai et le 8 juin. Il me semble que vous étiez

4 déjà informés d'un certain nombre de ces dates, mais pas de toutes.

5 Monsieur Di Fazio, êtes-vous prêt à citer le témoin suivant ?

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président,

7 mais j'aimerais simplement évoquer deux petites questions.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

9 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense que les parties et la Chambre de

10 première instance ont été informées que j'ai l'intention d'utiliser un

11 extrait très bref d'une vidéo qui figure déjà sur la liste de nos éléments

12 de preuve depuis un certain temps. La semaine dernière nous avions dit que

13 nous n'avions pas l'intention d'utiliser la moindre pièce à conviction. Je

14 voulais simplement vous en informer dès maintenant pour éviter tout

15 problème avec la Chambre ou avec les équipes de la Défense.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois qu'il n'y a pas d'objections de

17 la part de la Défense.

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. L'autre question, le témoin d'après

19 le témoin suivant --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. DI FAZIO : [interprétation] Je lui ai parlé ce matin. La Défense a reçu

22 des éléments d'information indiquant qu'il y a eu récolement.

23 Au cours de cette conversation, il m'a dit qu'il était épuisé,

24 fatigué. Il a subi des blessures importantes pendant la guerre. Il a dit

25 qu'il était réticent à témoigner aujourd'hui.

26 Je me suis engagé à vous faire part de ces observations. Je ne sais

27 pas si la Défense pourrait me dire de combien de temps il lui faudra pour

28 le témoin suivant. Celui qui arrivera ensuite, je peux vous dire d'emblée

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1 qu'il ne me faudra pas beaucoup de temps. Si, pour une raison ou pour une

2 autre, la Défense a besoin du reste de la journée, il faudrait peut-être

3 envisager de ne pas aller au-delà du témoin suivant.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois.

5 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est tout ce que je souhaitais vous dire,

6 Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez avoir besoin de moins que

8 l'heure et demie qui est prévue ?

9 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, j'ai vraiment l'intention d'être le

10 plus bref possible avec ce témoin. Je pense que ce sera possible et que

11 j'aurai besoin de moins d'une heure et demie.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien. S'agissant de la

13 Défense, que pensez-vous faire ?

14 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que j'aurai besoin d'une heure et

15 demie avec ce témoin.

16 J'aimerais aborder une autre question s'agissant des estimations de temps

17 et de durée par rapport à ce que vient de dire M. Di Fazio. Bien entendu,

18 nous ne voulons pas utiliser avec un témoin fatigué plus de temps que

19 l'Accusation n'en aura passé avec lui. Le contre-interrogatoire de ce

20 témoin, en l'occurrence, devrait être beaucoup plus court que

21 l'interrogatoire principal.

22 En revanche, pour le témoin à suivre, j'ai peur que le

23 contre-interrogatoire ne prenne beaucoup plus de temps. Je vous explique.

24 C'est le Témoin 8. M. Re, ce matin, m'a dit - et je ne vais pas rentrer

25 dans les détails - mais pour des raisons qu'il vous expliquera peut-être,

26 propose d'obtenir auprès du Témoin 8 une partie de son témoignage, mais pas

27 la totalité des informations qui figurent dans sa déclaration, ce qui veut

28 dire que l'interrogatoire principal pourrait être plus court que prévu.

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1 Toutefois, pour des raisons que je ne souhaite pas développées pour

2 l'instant, la partie du témoignage que l'Accusation n'entend pas obtenir de

3 la bouche du témoin nous paraît essentielle pour bien saisir la crédibilité

4 et la fiabilité du témoin. Par conséquent, ceci ne va pas raccourcir le

5 contre-interrogatoire; cela aura peut-être même l'effet inverse. Il se peut

6 que nous ayons à évoquer des éléments que l'Accusation n'aura pas couverts.

7 Pourquoi suis-je en train de vous dire tout ceci. Si ce témoin-ci qui

8 était prévu après le témoin qui va comparaître dans un instant ne témoigne

9 pas cet après-midi, et s'il nous faut, par exemple, la moitié de la session

10 de demain pour l'entendre, nous risquons de nous retrouver coincés par le

11 temps toute à la fin de la journée de jeudi.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends tout à fait. Il n'est pas

13 possible de déborder sur mardi puisque c'est un jour férié pour les

14 différentes organisations des Nations Unies, nous ne pouvons donc faire

15 preuve d'aucune souplesse.

16 Maître Di Fazio, pourriez-vous voir avec la Défense quelles sont les

17 parties dont la Défense pense qu'elles pourraient être traitées de manière

18 plus efficace au cours de l'interrogatoire principal de manière à gagner du

19 temps à un stade ultérieur ? Je vous invite à débattre de la question

20 ensemble, peut-être qu'il ne s'agit pas de l'intégralité de la déposition,

21 mais peut-être de certaines parties d'entre elles. Peut-être que Me

22 Emmerson, vous pourriez parler avec Me Di Fazio. Vous n'avez pas évoqué les

23 motifs qui président à votre position, mais vous pourriez peut-être le

24 faire avec Me Di Fazio.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, au cas où je n'ai pas été tout à fait

26 clair, le témoin dont j'ai parlé il y a un instant n'est pas le témoin dont

27 M. Di Fazio parlait lui, mais le suivant sur la liste.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Je peux tout à fait discuter avec M. Di

2 Fazio s'agissant du témoin que j'ai évoqué ou de cet homme qui est fatigué.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Je parlais de

4 celui dont vous avez parlé, vous.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, s'agissant de l'autre, je ne pense pas

6 qu'il y ait possibilité d'un quelconque débat sur la question.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord, j'ai essayé --

8 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, nous pourrions envisager de réduire la

9 durée de l'interrogatoire principal du témoin que l'on envisage de citer

10 après le témoin qui va être cité dans un instant.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parlons du premier témoin d'aujourd'hui,

12 et peut-être du deuxième, du témoin dont vous avez dit qu'il était fatigué.

13 Quand est-ce qu'il est arrivé à La Haye ?

14 M. DI FAZIO : [interprétation] Hier, si j'ai bien compris.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, donc assez récemment.

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, en effet. Ce n'est pas simplement le

17 voyage de la capitale du pays où il habite. Il a parcouru un long trajet de

18 chez lui jusqu'à l'une de nos antennes. Le voyage qui l'a emmené de chez

19 lui vers l'aéroport a commencé tôt hier, ensuite le voyage a été long

20 jusqu'à Amsterdam.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Nous envisageons de le

22 citer à comparaître plus tard dans le courant de la journée, peut-être même

23 à 6 heures. Nous l'entendrions pendant une heure. Peut-être que l'on

24 pourrait demander à la Section d'aide aux Victimes et aux Témoins de voir

25 s'il peut prendre du repos suffisamment au cours de l'après-midi. Je ne

26 sais pas s'il y a encore des discussions en cours avec ce témoin-ci. Nous

27 pourrions voir si nous pourrions faire en sorte de l'entendre aujourd'hui,

28 de manière à ce que nous ne perdions plus de temps, parce 125 heures, cela

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1 passe vite, Monsieur Di Fazio.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] En effet.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons voir si effectivement le

4 témoin est suffisamment en forme pour répondre à des questions pendant une

5 heure. Nous verrons si la situation est gérable.

6 Sinon, il faudra en prendre notre partie.

7 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, oui, pas d'autres questions à aborder

8 de la part de l'Accusation.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je voulais simplement vous dire que le

11 témoin qui suivra tous les témoins dont nous venons de parler me demandera

12 beaucoup de temps dans le cadre du contre-interrogatoire.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. C'est le numéro 4

14 dans l'ordre, n'est-ce pas ?

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Tout à fait.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parfait. Tout ceci figure au compte

17 rendu.

18 Madame l'Huissière, j'aimerais que vous fassiez entrer le témoin.

19 Il n'y a pas de mesures de protection, Monsieur Di Fazio, si j'ai

20 bien compris ?

21 M. DI FAZIO : [interprétation] Non.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est M. Zvonko Markovic qui va entrer

23 en salle d'audience, oui ?

24 M. DI FAZIO : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. En tout

25 cas, je l'espère.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

27 En attendant, puisque j'en ai l'occasion, il me semble qu'un petit message

28 a été envoyé aux parties hier s'agissant des annotations de carte. Ce petit

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1 message vous a été envoyé suite à ce qui s'est passé hier après-midi.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, je pense que c'est une excellente

3 suggestion, Monsieur le Président. Malheureusement, je vais devoir faire

4 référence à certaines cartes cet après-midi, en tout cas, une carte.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Je n'ai pas pu reprendre cette suggestion

7 pour cet après-midi, mais je le ferai à l'avenir.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je n'ai pas entendu d'objection de

9 la part de la Défense. Tant que le témoin n'est pas encore là, peut-être

10 qu'il faut préciser ce dont il s'agit. Il s'agit d'annotations relatives à

11 des questions neutres sur des cartes, annotations portées hors prétoire. Il

12 s'agit ensuite de cartes qui seront présentées en audience et qui seront

13 versées au dossier.

14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. M'entendez-vous dans une langue

16 que vous comprenez ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Markovic, en tout cas si c'est

19 bien vous, avant de déposer devant cette Chambre, le Règlement de procédure

20 et de preuve exige que vous prononciez une déclaration solennelle selon

21 laquelle vous direz la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Mme

22 l'Huissière va vous remettre le texte que vous êtes invité à lire. Veuillez

23 prononcer cette déclaration solennelle, s'il vous plaît.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

26 LE TÉMOIN: ZVONKO MARKOVIC [Assermenté]

27 [Le témoin répond par l'interprète]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

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1 Monsieur Markovic.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est M. Di Fazio qui va d'abord vous

4 poser des questions. M. Di Fazio représente le bureau du Procureur.

5 Monsieur Di Fazio, allez-y.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :

8 Q. [interprétation] Monsieur Markovic, ces informations sont-elles

9 exactes : vous êtes né le 26 mai 1964 à Decani, et vous êtes d'appartenance

10 ethnique serbe ?

11 R. Oui.

12 Q. Au début de l'année 1998, vous étiez postier ?

13 R. Oui.

14 Q. Dans un petit village - et excusez ma prononciation - mais je crois que

15 c'est Gornji Streoc ou quelque chose qui ressemble à cela ?

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on d'abord confirmer le prénom du

18 témoin, s'il vous plaît ?

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etes-vous M. Zvonko Markovic ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, merci.

23 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quel est le nom du village qui vient

25 d'être mentionné ? Gornji --

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Streoc.

27 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

28 M. DI FAZIO : [interprétation] S-t-r-e-o-c, me semble-t-il.

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1 Q. Quelques questions encore sur votre emploi. Depuis combien de temps

2 occupiez-vous ce poste de postier ?

3 R. Neuf ans.

4 Q. Autres détails vous concernant, si vous le voulez bien ? Pourriez-vous

5 donner à la Chambre de première instance le nom de vos frères et sœurs, en

6 commençant par l'aîné, en vous évoquant vous-même et en finissant par le

7 cadet ou la cadette ?

8 R. Sonja, Zvonko, Rade.

9 Q. Trois enfants ?

10 R. Oui.

11 Q. Que faisait Rade dans les années 1990 ? Quel emploi occupait-il ?

12 R. Il était directeur d'une société qui faisait du commerce à Decani.

13 Q. Merci. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur les premiers

14 mois de l'année 1998. Vous nous avez dit que vous étiez postier et que vous

15 travailliez à Gornji Streoc. Y travailliez-vous seul ou y avait-il d'autres

16 employées à la poste ?

17 R. J'étais chargé du bureau de poste. Il y avait également un employé, et

18 il y avait un facteur.

19 Q. Quels étaient les villages que desservait votre bureau de poste ?

20 R. Le bureau de poste était à Gornji Streoc et couvrait des villages.

21 L'INTERPRÈTE : Le témoin pourrait-il énumérer les noms des villages plus

22 lentement pour les interprètes.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Il y avait neuf villages en tout

24 qui étaient desservis.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Si vous donnez le nom des

26 villages, veuillez le faire lentement de manière à ce que les interprètes

27 puissent suivre.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.

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1 M. DI FAZIO : [interprétation]

2 Q. Je ne pense pas que nous avons entendu les noms des villages.

3 J'aimerais que vous nous les redonniez, que vous nous redonniez le nom des

4 villages desservis par votre bureau de poste, et lentement, s'il vous

5 plaît. Enumérez-les lentement.

6 R. Gornji Streoc, Ljubisa, Istinic, Papic, Papracane et Donji Streoc.

7 Q. Merci. J'aimerais que l'on revienne au premier mois de l'année 1998.

8 Avez-vous pu continuer à exercer vos fonctions de postier à Gornji Streoc ?

9 R. Fin mars ou en avril, l'un de mes amis de Gornji Streoc, que je

10 fréquentais beaucoup, c'était Sinan Musaj. Sinan Musaj m'a dit que venir au

11 village travailler n'était plus sûr du tout parce qu'il y avait maintenant

12 des terroristes et qu'il fallait mieux que je ne vienne plus travailler

13 pour ma propre sécurité.

14 J'ai informé mes supérieurs à Djakovica et ils m'ont dit que j'avais

15 attendu trop longtemps parce qu'un postier s'était déjà fait tué près de

16 Pristina, et qu'il y avait eu une recommandation et des directives

17 adressées à tous les bureaux de poste. Ceux-ci et leurs employés devaient

18 déterminer eux-mêmes s'ils souhaitaient poursuivre leurs activités en

19 raison des problèmes de sécurité.

20 Avec leur aval, j'ai fermé le bureau de poste de Gornji Streoc et je

21 suis allé travailler au bureau de poste à Decani. On m'a affecté à un

22 comptoir et j'ai pu poursuivre mon travail, procéder au paiement des

23 retraites, à la remise de lettres, et cetera.

24 Q. Ce Sinan Musaj, de quelle appartenance ethnique était-il ?

25 R. Il était Albanais.

26 Q. Vous a-t-il donné d'autres détails outre ceux que vous venez de

27 dire sur ces terroristes qui étaient apparus et sur le fait qu'il valait

28 mieux que vous ne veniez plus travailler pour votre propre sécurité ? Vous

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1 a-t-il dit autre chose ou il s'est limité à cela ?

2 R. Non.

3 Q. Donc, il n'a rien dit d'autre et vous avez suivi son conseil ?

4 R. Oui.

5 Q. A l'époque lorsque vous avez fermé le bureau de poste, où habitiez-

6 vous ?

7 R. A Decani.

8 Q. Bien. Vous nous avez dit que vous êtes ensuite allé à Decani, et que

9 vous avez ouvert un comptoir de manière à ce que vous puissiez poursuivre

10 vos activités, remettre des lettres, payer les retraites, et cetera.

11 Desserviez-vous un groupe particulier de population ou l'ensemble du

12 secteur ?

13 R. Non. Je fournissais des services à toute la population du secteur que

14 je couvrais à Gornji Streoc, c'est-à-dire tous ceux et celles qui venaient

15 recevoir leur retraite ou récupérer leur courrier à Decani.

16 Q. Merci. Avant de passer à autre chose, vous avez dit qu'il y avait une

17 recommandation et des directives qui avaient été adressées à tous les

18 bureaux de poste afin que ceux-ci déterminent eux-mêmes si oui ou non la

19 poursuite de leurs activités posait des problèmes de sécurité. Avez-vous,

20 vous-même, procédé à cette évaluation ? Avez-vous déterminé si oui ou non

21 il était dangereux ou pas de poursuivre les activités au sein de votre

22 bureau de pose ou est-ce quelqu'un d'autre qui l'a fait à votre place ?

23 R. J'ai suivi la recommandation de Sinan, le conseil de Sinan. Il m'avait

24 dit que les choses n'étaient plus sûres. J'ai demandé l'avis de mes

25 supérieurs à Djakovica, ensuite j'ai fermé le bureau de poste.

26 Q. Bien. Je crois vous avoir entendu dire que ceci s'était produit en

27 avril. Pouvez-vous préciser la date exacte à laquelle vous avez fermé le

28 bureau de poste ?

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1 R. Au cours du mois d'avril, mais quand exactement, je ne sais pas. A la

2 mi-avril peut-être, mais ce n'est qu'une supposition.

3 Q. Vous êtes ensuite allé travailler à Decani. Avez-vous poursuivi vos

4 activités de postier à Decani ?

5 R. Non. J'y ai travaillé pendant un mois à peu près. Ensuite, j'ai payé

6 toutes les retraites, toutes les allocations diverses, ensuite j'ai été

7 appelé au sein de la police de réserve. J'ai répondu à cet appel. J'ai

8 fermé mon guichet, et c'est le bureau de poste de Decani qui a pris la

9 suite alors que j'ai rejoint la police.

10 Q. Bien. Il faut tirer au clair certains points ici. D'abord, vous ne

11 savez pas très exactement quand vous êtes allé de Gornji Streoc à Decani,

12 vous dites que c'était en avril, mais vous êtes néanmoins certain d'avoir

13 poursuivi vos activités pendant environ un mois. Donc, vous avez occupé les

14 fonctions de postier à Decani au moins jusqu'au début du mois de mars, mais

15 peut-être plus, n'est-ce pas ?

16 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Début mai, vous voulez dire ?

17 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, excusez-moi, je vous prie. En effet.

18 Q. Début mai, oui ?

19 R. Oui, en gros.

20 Q. Bien. Une autre question pour tirer au clair un élément de votre

21 réponse précédente. Vous avez dit que vous aviez fermé votre guichet et que

22 c'est le bureau de poste de Decani qui a pris la suite. Si je vous ai bien

23 compris, après Gornji Streoc, vous avez été travailler dans le bâtiment de

24 poste de Decani pendant encore un mois; c'est bien cela ?

25 R. Oui.

26 Q. Bien. Parlons maintenant de votre mobilisation. Vous nous avez dit que

27 vous aviez été mobilisé. Dans quelle condition cette mobilisation a-t-elle

28 eu lieu et qu'avez-vous fait ?

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1 R. Ils m'ont appelé au téléphone. Je ne sais pas exactement comment

2 s'appelait cette personne et quel était son poste au sein de la police,

3 mais en tout cas, il était chargé d'appeler les réservistes pour les

4 mobiliser. Ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait, c'était

5 arrivé en 1997, en 1998. On m'avait mobilisé pour un mois ou deux en

6 fonction des besoins. Je me suis présenté au poste de police et on m'a

7 remis un uniforme et une arme.

8 Q. Il y a une partie de votre réponse que je ne comprends pas très bien.

9 Avez-vous déjà été mobilisé en tant que membre de la police de réserve

10 avant la date de mai 1998 ?

11 R. Je suis membre de la police de réserve depuis 1990. Je suis sur la

12 liste de la police de réserve depuis 1990. En 1997, j'ai passé un mois dans

13 la réserve. Selon les nécessités, c'est ce qui se passait. Quand ils

14 avaient besoin de quelqu'un, ils l'appelaient pour un mois ou deux mois,

15 après quoi, ils lui rendaient sa liberté.

16 Q. D'accord. En 1997, quand on vous a appelé, où avez-vous exercé vos

17 activités ?

18 R. En principe, devant le poste de police de Decani. On montait la garde.

19 Q. Merci. J'aimerais maintenant que vous nous parliez de ce deuxième appel

20 en 1998 dont vous nous avez déjà parlé, cet appel qui a mis un terme à

21 votre emploi en tant que postier à Decani, n'est-ce pas ? C'est bien ce qui

22 s'est passé ?

23 R. Oui.

24 Q. Où avez-vous pris vos fonctions à ce moment-là en tant qu'officier de

25 police de réserve ?

26 R. Au poste de police de Decani.

27 Q. J'aimerais que vous donniez aux Juges une idée de vos tâches

28 quotidiennes à cet endroit en tant qu'officier de police de réserve.

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1 D'abord, pourriez-vous nous donner des détails quant à la description de

2 l'uniforme que vous portiez éventuellement ou des armes que vous portiez

3 éventuellement, et dire aux Juges quelles étaient vos tâches au quotidien

4 et à quel endroit vous accomplissiez ces tâches ?

5 R. L'uniforme était un uniforme bleu de camouflage, celui de la police.

6 Comme armes, j'avais un pistolet de police et un fusil automatique. Quant

7 au lieu, en général on montait la garde devant le poste de police à moins

8 que l'on escorte des véhicules qui se rendaient à Pec pour s'approvisionner

9 en vivres; ce genre de chose. Ce n'était pas établi au départ. C'était

10 selon les ordres.

11 Q. Merci. Cet uniforme de camouflage bleu, avait-il un sens particulier ou

12 était-ce l'uniforme normal des réservistes de la police ?

13 R. Non, c'était un uniforme courant qu'utilisaient les policiers dans leur

14 travail. Les policiers avaient un uniforme de cérémonie et un uniforme de

15 travail, c'était l'uniforme de travail normal.

16 Q. Est-ce que les autres réservistes de la police comme vous portaient

17 également un uniforme de camouflage bleu ?

18 R. Les réservistes et les policiers d'actif portaient cet uniforme.

19 Q. Merci. J'aimerais maintenant que vous repensiez aux conditions de

20 circulation sur les routes dans votre région au moment où vous êtes devenu

21 réserviste de la police. Quelles sont les routes principales qui conduisent

22 à Decani et d'où proviennent-elles, de quelles villes ?

23 R. Il y en une qui vient de Pec, une autre qui va vers Djakovica, et une

24 troisième qui va vers le monastère de Visoki Decani. Donc, trois routes qui

25 se terminent au centre de Decani.

26 Q. D'accord. Concentrons-nous sur la route reliant Decani et Djakovica.

27 Avant même que vous ne soyez réserviste de la police, en tout cas, au cours

28 du premier trimestre 1998, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de

Page 2310

1 première instance si la circulation était aisée ou malaisée sur cette

2 route; en d'autres termes, est-ce qu'il était facile, difficile de

3 circuler ? Est-ce qu'il y avait des problèmes ou est-ce que tout se passait

4 normalement ?

5 R. A ce moment-là, on ne pouvait pas aller à Djakovica du tout. Quand je

6 suis devenu policier de réserve, il était à l'époque impossible d'aller

7 vers Djakovica, et d'ailleurs impossible aussi d'aller vers Pec.

8 Q. Donc, cette situation a existé pour certaines destinations, en tout

9 cas, depuis le début du mois de mai, parce que c'est bien à ce moment-là

10 que vous avez rejoint la police de réserve, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. D'accord. Est-ce que vous savez s'il était plus facile de circuler le

13 long de cette route avant que vous n'entriez dans la police de réserve ?

14 Est-ce qu'avant il y avait des problèmes ?

15 R. Pour la route menant à Djakovica, je ne sais pas. Mais pour la route

16 menant à Pec, je sais, parce que j'allais à Streoc au travail, et quand on

17 m'a dit de fermer la poste de Streoc et d'aller travailler à Decani,

18 pendant deux ou trois jours il a été impossible de se rendre à Pec ou à

19 Djakovica. Pendant deux ou trois jours après que j'ai fermé le bureau de

20 poste de Streoc, il n'était plus possible d'aller ni à Djakovica ni à Pec.

21 Je le sais parce que deux policiers ont été obligés de se loger dans

22 l'appartement de mon frère alors qu'ils travaillaient à Djakovica. Comme

23 ils ne pouvaient pas se rendre à leur travail, ils ont été obligés de se

24 loger chez lui.

25 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

26 M. DI FAZIO : [interprétation]

27 Q. Comment avez-vous déterminé qu'il n'était plus possible de circuler sur

28 ces routes, sur les deux routes sortant de Decani, pour aller vers Pec au

Page 2311

1 nord et vers Djakovica au sud ?

2 R. C'était impossible. On ne pouvait pas circuler en voiture. Les gens qui

3 utilisaient l'autobus ou la voiture pour aller à Djakovica ne pouvaient

4 plus y parvenir. Ils restaient bloqués à Decani. Ceux qui travaillaient à

5 Pec ne pouvaient plus s'y rendre non plus parce qu'ils subissaient des

6 coups de feu tirés à partir des collines environnantes. Leur sécurité

7 n'était plus assurée. Par conséquent, ils ont tous décidé de rester à

8 Decani.

9 Q. D'accord, mais soyez un peu plus précis. Vous nous avez dit quels

10 étaient les problèmes. Notamment, vous avez dit que les voitures

11 subissaient des tirs à partir des collines environnantes. Est-ce que ceci

12 est valable également pour les grandes routes du secteur, celles qui

13 allaient vers Pec au nord et vers Djakovica au sud ?

14 R. Je ne sais pas ce qu'il en était de la route menant à Djakovica. A

15 l'époque, je n'ai pas eu l'occasion d'aller à Djakovica, donc je n'ai pas

16 utilisé cette route. Quant à la route allant vers Pec, oui, c'était bien le

17 cas. Il était impossible de l'utiliser parce qu'on tirait à partir des

18 collines derrière Ljubuski et Streoc. Je sais que certains des passagers à

19 bord de véhicules utilisant cette route ont été blessés : Momo Antic;

20 Miloje aussi, qui était un officier de police et dont je ne me souviens pas

21 du nom de famille. Certaines personnes ont été blessées; par conséquent, la

22 route n'était pas sûre à cause des tirs. Je parle de la voie de circulation

23 allant vers Streoc et Pec.

24 Q. Qui vous a informé de cela ? Comment est-ce que vous avez appris tout

25 cela ? Dites-nous si c'est quelque chose qu'on vous a dit personnellement

26 ou si vous l'avez appris par les médias, ou si c'est quelque chose que vous

27 avez constaté de vos yeux, de façon à ce que les Juges de la Chambre

28 comprennent bien ce qu'il en est ?

Page 2312

1 R. Je sais que Miloje et Momo Antic ont été blessés. Ce sont eux qui me

2 l'ont dit, qui m'ont raconté ce qui s'était passé. Ils rentraient de Pec,

3 et Momo a été blessé. Il a perdu une jambe. Miloje a été blessé également.

4 C'est lui qui m'a raconté cela. Je l'ai appris par des récits de première

5 main.

6 Q. Oui. Est-ce que vous avez eu d'autres sources d'information?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous lisiez les journaux, est-ce que vous écoutiez la radio

9 à cette époque-là ?

10 R. Les journaux n'arrivaient pas.

11 Q. Qu'en est-il du moment où vous avez rejoint les forces de police de

12 réserve, avez-vous reçu des informations à ce moment-là au sujet des

13 possibilités ou d'impossibilités de circuler sur les routes sortant de

14 Decani vers le sud et vers le nord ?

15 R. En général, comme nous étions chargés surtout d'assurer la sécurité du

16 poste de police, on entendait le commandant qui était de service en

17 permanence parler avec les autres chefs qui passaient par là. Ils

18 s'asseyaient sur le banc à l'extérieur devant le poste de police, ils

19 parlaient ensemble en disant qu'il n'était pas sûr du tout de se diriger

20 vers Pec ou Djakovica. Il n'était pas conseillé d'utiliser ces routes, car

21 on savait très bien que les Serbes utilisaient ces routes pour se déplacer.

22 Les gens se déplaçaient tous en voiture. On savait exactement qui utilisait

23 quelle voiture et qui circulait sur ces routes.

24 Q. Est-ce que vous avez reçu des renseignements quant à l'identité de ceux

25 qui tiraient sur les véhicules, comme vous l'avez dit il y a quelques

26 instants ?

27 R. Les gens disaient que c'étaient les terroristes qui faisaient cela.

28 Q. Quand vous utilisez le terme "terroristes," est-ce que vous faites

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1 référence à une organisation particulière ?

2 R. Je pense à des particuliers albanais qui participaient aux actions de

3 guerre.

4 Q. D'après ce que vous avez compris, est-ce que ces Albanais qui

5 participaient à des opérations de guerre avaient un nom ?

6 R. On les désignait par le sigle "UCK" en albanais, et par le sigle "OVK"

7 en serbe.

8 Q. D'accord, quand vous êtes devenu policier de réserve, avez-vous circulé

9 sur l'une ou l'autre de ces deux routes ou même sur l'une quelconque des

10 routes situées dans le voisinage immédiat de Decani ? Pour l'instant, nous

11 avons parlé de la route principale qui sort de Decani vers le sud et vers

12 le nord. Ma question porte également sur les routes secondaires.

13 R. Oui, j'allais à Pec. On ne circulait qu'escorté par un gros véhicule

14 armé d'une mitrailleuse qui assurait notre sécurité.

15 Q. Avez-vous à quelque moment que ce soit vu un convoi de ce genre ?

16 R. Oui.

17 Q. Etait-ce des convois de la police ou de l'armée, ou dépendant d'un

18 autre organisme ?

19 R. Au début, c'étaient des convois policiers. Il y avait une voiture de la

20 police à l'avant, ensuite deux ou trois voitures civiles derrière la

21 voiture de police et le blindé tout à fait à la queue. Par la suite, il y a

22 eu aussi des convois militaires.

23 Q. Vous venez de décrire un mélange --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je me demandais si M. Di Fazio pourrait

26 avoir la gentillesse de préciser encore une fois la période dont nous

27 parlons à ce moment. Je ne sais plus si nous parlons du premier trimestre.

28 Je ne comprends tout simplement pas de quel moment nous parlons.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Avant que M. Di Fazio ne réponde à cette

2 invitation --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai écouté avec soin les réponses qui ont

5 été apportées par le témoin.

6 Je me demandais si le témoin pourrait enlever ses écouteurs ?

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Demandons-lui d'abord s'il comprend

8 l'anglais.

9 Monsieur Markovic, comprenez-vous la langue anglaise ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Cela n'a pas une très grande importance.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

14 M. EMMERSON : [interprétation] M. Di Fazio est passé à plusieurs questions.

15 En ce moment, je ne sais plus très bien de quelle période il parle dans les

16 questions qu'il pose au témoin. Si les Juges ont eu la possibilité de lire

17 la déclaration préalable du témoin, ils verront qu'il y a une certaine

18 incertitude qui pèse quant à la période sur laquelle porte les questions

19 que M. Di Fazio pose de temps en temps.

20 Après Me Guy-Smith, je demanderais également que la période soit

21 précisée pour que cette question puisse être explorée en

22 contre-interrogatoire par la Défense.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio --

24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Et --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ne perdons pas de vue ce que vient de dire

27 Me Emmerson. Je retire ma proposition.

28 M. DI FAZIO : [interprétation] Il n'en reste pas moins que c'est une très

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1 bonne proposition et je vais l'adopter.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'adoptez pas la proposition mais

3 vous adoptez une nouvelle démarche ?

4 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais interroger --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais poser une question simple, Monsieur

7 le Président, si vous le voulez bien.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Di Fazio.

9 M. DI FAZIO : [interprétation]

10 Q. Monsieur Markovic, vous avez décrit des voitures de police et des

11 voitures particulières circulant ensemble. Pouvez-vous nous dire quand vous

12 avez eu connaissance de cela ? Quand durant l'année 1998 vous avez eu

13 connaissance de cela ?

14 R. Au début du mois de mai.

15 Q. Est-ce qu'il s'agissait de véhicules civils et de véhicules de la

16 police ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez dit que cela se passait au mois de mai. Qu'en est-il au mois

19 de juin 1998, est-ce que cela s'est poursuivi au mois de juin ?

20 R. Oui, au mois de juin aussi. Il fallait bien que des gens aillent

21 chercher un approvisionnement en vivres à Pec parce que Decani était fermé.

22 Une voiture civile seule ne pouvait pas sortir de Decani. Elle ne pouvait

23 le faire que si elle était escortée par une voiture de la police ou de

24 l'armée pour aller s'approvisionner en vivres à Pec.

25 Q. Merci. Des vivres destinées à qui ?

26 R. Destinées à la population habitant Decani.

27 Q. J'aimerais que vous décriviez ce processus à la Chambre, cet

28 approvisionnement en vivres destiné à la population de Decani. Pouvez-vous

Page 2316

1 dire aux Juges comment cela se faisait, quels étaient les véhicules

2 utilisés, quelles étaient les personnes qui participaient à cette activité

3 et à quel moment cette activité se déroulait ?

4 R. Je ne saurais vous le dire certainement, car je ne suis jamais allé

5 personnellement m'approvisionner en vivres. Je ne saurais pas vous répondre

6 précisément.

7 Q. Quand avez-vous eu connaissance de l'existence de ce convoi ?

8 R. C'étaient les habitants qui racontaient qu'ils devaient entrer dans le

9 convoi pour aller acheter des vivres à Pec.

10 Q. Ces personnes qui vous en ont parlé, était-ce des civils ou des

11 officiers de police, ou des soldats ou les trois ?

12 R. Des civils.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question complémentaire, s'il vous

14 plaît. Vous venez de dire que vous ne saviez pas à quel moment ces convois

15 allaient chercher des vivres. En même temps un peu plus tôt, quand on vous

16 a demandé si vous pouviez utiliser les deux routes allant vers le sud et

17 vers le nord, vous avez dit à un moment, je cite : "Oui, oui. J'ai emprunté

18 la route allant à Pec, mais on ne pouvait le faire que si on était escorté

19 par un blindé en convoi, un blindé armé d'une mitrailleuse."

20 Ce qui permet de penser que vous avez fait partie de ce convoi une

21 fois. Plus tard vous avez dit que ce n'était pas le cas. Pourriez-vous, je

22 vous prie, vous expliquer ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je n'étais jamais allé acheter à

24 manger à Pec, mais j'ai fait parti d'un convoi, oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.

27 M. DI FAZIO : [interprétation]

28 Q. Quel était le convoi dont vous avez fait partie ? Il est parti d'où

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1 pour aller d'où; et si possible, pouvez-vous nous dire à quel moment ?

2 R. Je ne me rappelle pas.

3 Q. Qu'est-ce que vous ne vous rappelez pas, est-ce que vous ne vous

4 rappelez pas quelle était la destination de ce convoi ou le moment où il a

5 circulé où les deux ?

6 R. Le moment. C'est un convoi qui allait à Pec.

7 Q. Pouvez-vous nous dire si cela s'est passé au moment où vous étiez

8 employé de la poste ou au moment où vous étiez policier ?

9 R. Au moment où j'étais policier.

10 Q. Pouvez-vous dire quels étaient les convois qui ont fait partie de ce

11 convoi allant à Pec dans lequel vous vous êtes trouvé ?

12 R. Il y avait un véhicule blindé, il y avait des transports de troupes,

13 deux ou trois. A ce moment-là, il n'y avait pas de véhicules civils.

14 Q. Vous rappelez-vous éventuellement quel était l'objectif de ce voyage ?

15 R. Non.

16 Q. Est-ce que vous aviez un grade particulier dans la réserve de la

17 police ?

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je vais poser une

19 question témoin.

20 Monsieur, vous avez fait un voyage, si j'ai bien compris, escorté par un

21 blindé transport de troupes jusqu'à Pec. Vous ne vous souvenez pas de la

22 raison qui vous a poussé de vous rendre à Pec ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand êtes-vous revenu de Pec ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le même jour, trois ou quatre heures plus

26 tard.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'avez-vous fait à Pec ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'assurais l'escorte, c'est un convoi qui

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1 allait à Pec. Par exemple, le chef de la police va à Pec et il emmène une

2 dizaine d'hommes dont je faisais partie dans des blindés transport de

3 troupes pour assurer son escorte. Une fois sur place, nous restons dans le

4 blindé en attendant. Quand il a terminé ce qu'il est venu faire, il revient

5 dans le blindé et nous le raccompagnons sur le chemin de retour.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre fonction consistait à escorter

7 d'autre personnes dans ce convoi ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, c'est clair.

10 Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

12 Q. Quel était votre grade, si vous en aviez un, dans la police de réserve

13 ?

14 R. Non, je n'avais pas de grade, j'étais simple policier.

15 Q. Merci. Vous avez décrit les conditions de circulation dans une certaine

16 mesure lorsque vous alliez à Pec. Un peu plus tôt dans votre déposition

17 aujourd'hui, vous avez parlé d'une autre route, la route menant à un

18 monastère non loin de Decani, si je me souviens bien. Vous vous rappelez

19 avoir dit cela dans votre déposition ?

20 R. Oui.

21 Q. Pour que tout soit clair, veuillez expliquer aux Juges de la Chambre de

22 quelle route vous parliez exactement à ce moment-là ?

23 R. C'est la route qui part de Decani pour aller vers le monastère et qui

24 aboutit dans les montagnes aux environs du monastère. A cette époque-là, il

25 n'était pas sûr d'aller plus loin que le monastère. Plus haut que le

26 monastère c'était la montagne, ce n'était pas sûr.

27 Q. Quelle est la distance entre le monastère et Decani ?

28 R. Deux kilomètres.

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1 Q. Cela se trouve où ? A l'ouest ? Au nord ? A l'est ? Au sud de Decani ?

2 R. Je ne sais pas.

3 Q. Vous avez vous-même emprunté cette route pendant une certaine période à

4 partir du moment où vous êtes devenu policier ?

5 R. Oui.

6 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qui vous a amené à conclure

7 que cette portion de route de deux kilomètres était sûre ?

8 R. Dans le monastère était installé une unité de la police. Le voyage se

9 faisait sans interruption. Il y avait des gens qui allaient au monastère

10 tous les jours, il y avait même des piétons qui y allaient.

11 Q. A partir du moment où vous êtes devenu officier de police de réserve,

12 est-ce que vous avez constaté la présence de barrages routiers à quelque

13 endroit que ce soit ?

14 R. Oui. Quand on allait vers Pec, du côté gauche et droit de la route,

15 quand la circulation est redevenue possible, il y avait des obstacles qui

16 ont été posés sur cette route. Ce sont des obstacles hérissés de pointes.

17 Quand on les place d'un certain côté à travers la route, plus aucun

18 véhicule ne peut passer. Si le véhicule a des roues comme par exemple une

19 voiture civile, les pneus sont crevés et même un blindé ne peut pas passer.

20 R. Je vais vous demander quelques détails sur ce sujet. Vous avez dit

21 d'abord que vous aviez vu ces obstacles avec des pointes sur le bord de la

22 route allant à Pec à un moment où il était possible d'emprunter cette

23 route. Est-ce que cela se passait au moment où vous étiez déjà policier de

24 réserve ?

25 R. Oui.

26 Q. A un certain moment, alors que vous étiez déjà policier de réserve, il

27 était toujours possible de circuler dans la direction de Pec ?

28 R. En convoi, oui.

Page 2321

1 Q. Avez-vous une idée de l'origine de ces obstacles hérissés de pointes ?

2 Comment sont-ils arrivés là, en d'autres termes ?

3 R. Ce que j'ai entendu dire c'est que c'étaient les terroristes albanais

4 qui les avaient placés là.

5 Q. Qui vous a dit cela ?

6 R. Des policiers.

7 Q. Des collègues à vous ?

8 R. Oui.

9 Q. Ils vous l'ont dit à quelle occasion ? Dans des conversations

10 informelles entre vous ou dans des réunions officielles, ou est-ce que vous

11 avez surpris une conversation entre plusieurs policiers ? Comment est-ce

12 que vous avez appris quelle était l'origine de ces dispositifs hérissés de

13 pointes ?

14 R. Je l'ai appris au cours de conversations informelles.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. Si l'interprétation est bonne,

16 page 26 ligne 23 du compte rendu d'audience, le témoin a parlé d'espèce

17 d'engins agricoles hérissés de pointes. Nous entendons depuis quelques

18 temps M. Di Fazio utiliser le terme de dispositif. Pourrait-il préciser ?

19 M. DI FAZIO : [interprétation]

20 Q. Vous avez entendu ce qui vient d'être dit, Monsieur, puisque vous

21 comprenez l'anglais. Est-ce qu'il s'agissait de machines destinées à

22 labourer la terre ou est-ce qu'il s'agissait d'autre chose ?

23 R. Ce n'était pas vraiment des machines agricoles, c'était un engin de

24 forme carré, hérissé de pointes qui avaient normalement une longueur 15 à

25 20 centimètres.

26 Q. D'accord.

27 R. La longueur de cet obstacle était d'un mètre, un mètre et demi et il en

28 sortait des pointes.

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1 Q. Ce dispositif, qu'il s'agisse d'une charrue ou d'un autre engin

2 agricole ou quelque soit l'obstacle en question, c'est bien tout de même

3 une machine utilisée dans l'agriculture ?

4 R. Oui.

5 Q. Cette machine agricole, normalement, est-ce qu'elle est équipée de

6 pointes ?

7 R. Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question complémentaire. Si j'ai

9 bien compris ce que vous avez dit, cette machine était tournée à l'envers

10 du sens dans lequel elle est utilisée normalement, et ce, aux fins

11 d'arrêter les voitures. Alors que si on l'utilise dans l'autre sens, cela

12 sert d'outil agricole, n'est-ce pas ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. DI FAZIO : [interprétation]

15 Q. D'accord. Donc, c'est simplement un outil agricole qui a été détourné

16 de son usage initial; c'est bien cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Merci. A partir de cet objet avec des pointes, avez-vous vu quoi que ce

19 soit d'autre faisant obstacle à la circulation sur la route sortant de

20 Decani ?

21 R. J'ai vu cela sur la route vers Pec, mais sur la route vers Djakovica,

22 lorsqu'elle est devenue praticable, j'ai vu des tranchées des deux côtés de

23 la route, à partir de Livade jusqu'à Prilep, sur la gauche. Sur la droite,

24 puisque c'est un peu du côté des collines, on en voyait jusqu'à Prilep,

25 plus ou moins, disons sur trois kilomètres.

26 Q. Au début de votre réponse, vous avez dit avoir vu ces tranchées le long

27 de la route menant à Djakovica, lorsqu'elle est devenue praticable. Quand

28 ne l'était-elle pas et pourquoi ?

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1 R. J'ai entendu dire qu'il n'était pas possible d'emprunter cette route,

2 que ceux qui avaient essayé de le faire avaient essuyé des coups de feu et

3 avaient dû faire demi-tour. A Crnobreg, à un kilomètre de Decani, il y

4 avait des barrages routiers, mais je ne les ai pas vus. Je ne sais pas à

5 quoi ils ressemblaient.

6 Q. Très bien. Nous passerons à la question de vos sources dans quelques

7 instants, mais pour que les choses soient tout à fait claires, vous avez

8 dit qu'il y avait des barrages routiers à Crnobreg. Avez-vous compris qu'il

9 s'agissait de barrages routiers qui avaient été érigés par la police ou par

10 l'armée serbe ou pas ?

11 R. Non.

12 Q. Qui occupait ces barrages routiers, à votre connaissance ?

13 R. Les terroristes albanais.

14 Q. J'en viens maintenant à la source de vos informations. Qui vous a parlé

15 de ces barrages routiers situés à Crnobreg et occupés par des terroristes

16 albanais ? Qui vous en a parlé ?

17 R. Mes collègues, lors de discussions informelles. Ils ont essayé de se

18 rendre à Djakovica.

19 Q. Est-il exact de dire que vous avez obtenu ces informations après avoir

20 rejoint les rangs de la police de réserve, après avoir été mobilisé ?

21 R. Oui.

22 Q. Pendant combien de temps êtes-vous resté au sein des rangs de la police

23 de réserve ?

24 R. Jusqu'à mon départ du Kosovo en 1999, en juin de cette année.

25 Q. Bien. Nous savons à peu près quand vous avez rejoint les forces de

26 réserve de la police. Ces barrages routiers à Crnobreg sont apparus combien

27 de temps après la date de votre mobilisation ou quand en avez-vous entendu

28 parler pour la première fois au cours de ces conversations qui ont porté

Page 2324

1 sur les barrages à Crnobreg ?

2 R. Le même jour ou un ou deux jours plus tard.

3 Q. Merci. Revenons maintenant aux villages environnants Gornji Streoc et

4 au secteur proche de Djakovica, et notamment à la région est de la route

5 qui vers le nord va vers Pec et vers Djakovica au sud. Au début de 1998, y

6 avait-il des petites cellules en quelque sorte de Serbes qui vivaient dans

7 certains de ces villages du secteur ?

8 R. Oui. Je ne sais pas combien, très peu. Il y avait quelques maisons,

9 quelques foyers de Serbes dans le secteur, mais très peu. Dans la

10 municipalité de Decani, il y en avait à peu près 700 au total. Pour ceux

11 qui vivaient en ville, ils vivaient tous sur la route qui menait vers le

12 monastère. Ils étaient là pour la plupart.

13 Q. Lorsque vous dites "ceux qui vivaient en ville," de quelle ville

14 parlez-vous ?

15 R. De Decani.

16 Q. Merci. Dans les villages aux environs de Streoc, y avait-il des Serbes

17 dans ces villages ?

18 R. Non. Il y avait deux maisons à Papracani, disons trois. Il y avait une

19 famille à Gornji Streoc -- en fait, c'était une maison, mais personne n'y

20 habitait depuis 1996.

21 Q. Bien. Les autres villages vers le sud, y avait-il des Serbes qui

22 habitaient ces villages ?

23 R. Oui.

24 Q. Comment savez-vous, parce que vous les connaissiez ou parce que

25 quelqu'un d'autre vous l'a dit ?

26 R. Ma famille était originaire de Dasinovac, et il a déménagé à Decani.

27 Donc, on connaissait bien le secteur vers Streoc, Rznic et d'autres

28 villages.

Page 2325

1 Q. Alors que vous étiez encore au bureau de poste de Gornji Streoc, y

2 avait-il des familles serbes qui vivaient à Dasinovac, à votre

3 connaissance ?

4 R. Oui.

5 Q. Sont-elles restées ?

6 R. Non.

7 Q. Que leur est-il arrivé ?

8 R. Elles ont été expulsées par les Albanais du secteur.

9 Q. Sur la foi de quelles informations affirmez-vous cela ?

10 R. Je parle à Milka et Milovan Vlahovic et leur famille. Je ne sais pas

11 quand c'est arrivé exactement, mais ils sont restés dans le village de

12 Gornji Ratis. Milka Vlahovic est en fait la sœur de mon père, et je sais

13 qu'ils n'ont jamais pu quitter le village en vie. Ils ont été tués. Le

14 corps de Milovan a été retrouvé dans le canal de du lac Radonjicko.

15 Q. Merci. Outre les habitants du village de Gornji Ratis et de Dasinovac,

16 y avait-il d'autres Serbes d'autres villages qui sont partis ?

17 R. Oui. Il y a Ljubarda.

18 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre combien de Serbes vivaient à Ljubarda au

19 début de l'année 1998 ?

20 R. J'ai du mal à me souvenir du nombre de maisons ou de familles, mais je

21 dirais six environ.

22 Q. Que leur est-il arrivé à ces familles serbes ?

23 R. Elles sont toutes déménagées à Decani.

24 Q. Mais encore, comment le savez-vous ? Quelle est la source de votre

25 information ?

26 R. Ils me l'ont dit à Decani.

27 Q. Quand vous l'a-t-on dit, vous en souvenez-vous ?

28 R. A l'époque où ils partaient, nous nous sommes retrouvés à Decani, et

Page 2326

1 Decani, c'est petit. On n'arrête pas de rencontrer et de se rencontrer les

2 uns les autres, et on se parle.

3 Q. Oui, je comprends, mais ce qui m'intéresse, c'est de savoir quand vous

4 avez eu cette information selon laquelle les gens de Ljubarda quittaient le

5 village. D'abord, c'était en 1998 ?

6 R. Oui.

7 Q. Ensuite, est-ce au cours de la période où vous étiez encore employé au

8 bureau de poste ou lorsque vous êtes devenu policier de réserve ?

9 R. Lorsque j'étais encore employé au bureau de poste.

10 Q. Les gens à qui vous avez parlé vous ont-ils dit pourquoi ils avaient

11 quitté Ljubarda ?

12 R. Ils m'ont dit qu'ils partaient parce que le village n'était plus sûr,

13 que les terroristes albanais traversaient le village et qu'ils tiraient

14 avec leurs armes. Ils ne se sentaient plus en sécurité et ils ont dû

15 partir.

16 Q. Vous souvenez-vous les noms des familles de Ljubarda qui vous ont donné

17 ces informations, ou les noms des membres de ces familles qui vous les ont

18 donné ?

19 R. Oui.

20 Q. Qui était-ce ?

21 R. Le fils de feu Slobo Radosevic, Stanisa; sa mère, Rosa; il y avait

22 également Kojo Stijovic; et Vesko Stijovic. Voilà les gens qui avaient été

23 frappés dans leur propre village.

24 Q. En 1998, connaissiez-vous Milos Radunovic et Slobodan Radosevic ?

25 R. Oui, c'était mes voisins dans le village.

26 Q. Bien. Quel village ?

27 R. A Dasinovac.

28 Q. Vous dites que c'était des "voisins". J'aimerais que tout soit tout à

Page 2327

1 fait clair. Vous n'habitiez pas à Decani ? Il me semble que c'est ce que

2 vous avez dit. Alors, comment pouvez-vous appeler quelqu'un qui vit à

3 Dasinovac votre voisin ?

4 R. Je vivais à Decani, mais je passais l'été avec mes grands-parents à la

5 campagne. Milos et Slobo étaient en fait les voisins directs de ma grand-

6 mère, c'est-à-dire, la mère de ma mère.

7 Q. Comment s'appelait-elle, votre grand-mère, la mère de votre mère ?

8 R. Mileva Bojcic.

9 Q. Bien. Quand avez-vous rencontré Milos et Slobodan pour la première

10 fois; en d'autres termes, était-ce au cours de votre enfance, de votre

11 adolescence, un peu plus tard ?

12 R. Pendant l'enfance.

13 Q. Que leur est-il arrivé en 1998 ?

14 R. Milos et Slobo ont été tués par les terroristes en 1998. C'est son fils

15 qui me l'a dit, et par la suite, lors d'une conversation informelle, je

16 l'ai entendu dire devant le poste de police où il montait la garde.

17 Q. Merci. Leurs dépouilles ont-elles jamais été retrouvées ?

18 R. Oui. J'ai participé à la recherche qui a conduit à la découverte de

19 l'endroit où ils avaient été enterrés.

20 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par la recherche qui a mené à la

21 découverte ? Est-ce que vous l'avez trouvé vous-même ?

22 R. Lorsque j'ai dit qu'il y avait "découverte", en fait nous étions huit,

23 et un jeune Albanais nous a servi de guide. Il avait été arrêté plus tôt

24 alors qu'il transportait des armes, et il avait dit à la police qu'il avait

25 vu deux cadavres à côté de la route qui mène à Dasinovac. Nous l'avons

26 emmené avec nous et nous lui avons demandé de nous montrer l'endroit. C'est

27 à l'entrée même du village de Dasinovac. Je crois que cela s'appelle

28 Vidiste.

Page 2328

1 Q. Bien. Vous étiez huit, c'est-à-dire, huit policiers ?

2 R. Oui.

3 Q. Y avait-il quelqu'un qui était à la tête de ce groupe de policiers

4 chargé de cette recherche ?

5 R. Oui.

6 Q. Qui était-ce ?

7 R. Je ne me souviens plus.

8 Q. Etait-ce vous ?

9 R. Non.

10 Q. Avant d'arriver à Dasinovac et de retrouver ces cadavres, où étiez-

11 vous ? Etiez-vous à Decani ou ailleurs ?

12 R. A Decani. Nous sommes partis de Decani. Il était possible d'aller

13 jusqu'à Dasinovac. Nous avons pris un Pinzgauer. C'est un véhicule tout-

14 terrain, mais pas un véhicule blindé. Lorsque nous sommes arrivés plus ou

15 moins à l'endroit qui nous avait été indiqué par ce jeune, il y a deux

16 routes; il y a une route plus importante et une petite route. Il nous a

17 expliqué qu'à droit de la route, il avait aperçu ces deux cadavres. Nous

18 avons commencé à chercher, et au début de cette petite route on a vu une

19 espèce de monticule. Il y avait une botte où le bout d'une botte qui

20 dépassait du sol. J'ai commencé à creuser d'abord avec mon pied, et j'ai vu

21 la jambe. J'ai essayé de tirer dessus. Je n'ai pas réussi à sortir le

22 corps. Nous avons creusé sur place et nous avons découvert les dépouilles

23 de Milos et de Slobo.

24 Q. Après cette découverte, est-ce que d'autres unités ou services de la

25 police sont intervenues ?

26 R. Oui.

27 Q. Lesquels ? Vous souvenez-vous ? Je vous parle de représentants

28 officiels. Y avait-il seulement des membres de la police ou des

Page 2329

1 représentants d'autres organisations sont-ils arrivés également ?

2 R. Je crois que des techniciens de la police scientifique sont arrivés,

3 mais nous étions tous en uniforme parce qu'il y avait encore des échanges

4 de tirs à proximité. C'est eux qui ont procédé à l'analyse du lieu de la

5 découverte de ces cadavres.

6 Q. Tout ceci s'est produit le jour où vous vous êtes rendu sur place et

7 vous avez aperçu pour la première fois cette botte qui sortait du sol ?

8 R. Oui.

9 Q. Quand était-ce ? Vous en souvenez-vous ? Si vous ne vous souvenez pas,

10 dites-le-moi, mais si vous avez une idée du mois, par exemple, indiquez-le.

11 R. Non. Le moment, non. A l'époque, cela n'avait aucune importance pour

12 moi, les dates. C'est pour cela que j'ai du mal à m'en souvenir.

13 Q. Cet Albanais, il s'est rendu sur place avec vous, avec les agents de

14 police ?

15 R. Oui.

16 Q. C'était l'été ?

17 R. Oui.

18 Q. J'aimerais que vous visionniez un extrait vidéo bref.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut lui attribuer une cote ou il

20 figure déjà au dossier ?

21 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est un extrait d'une pièce qui figure déjà

22 sur notre liste 65 ter. C'est le 866, mais c'est un extrait seulement. Ce

23 que je suggère c'est de le montrer au témoin. C'est la pièce P39. Ensuite,

24 il faudra que cet extrait devienne une nouvelle pièce.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il s'agit de la pièce P39, je

26 suppose que c'est la retranscription.

27 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

28 M. DI FAZIO : [interprétation] Excusez-moi --

Page 2330

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous suggérez que nous lui donnions le

2 numéro P39.

3 M. DI FAZIO : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas bien compris. C'est

4 866. Je propose d'utiliser seulement une partie. Cette partie, dépendant ce

5 qui arrivera, je propose le versement, si nécessaire et si la Chambre de

6 première instance est d'accord.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La vidéo tout entière est --

8 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et vous sélectionnez maintenant une

10 partie seulement.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Il se peut que lorsque la séquence vidéo

12 apparaîtra sur vos écrans, qu'il y ait une date ou une référence de temps

13 au bas de l'écran. Il y a de bonnes raisons de croire que cette date ou

14 cette référence de temps n'est pas bonne, si tant est que ceci paraît à

15 l'écran --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. EMMERSON : [interprétation] – ce n'est pas quelque chose qui est accepté

18 comme étant correct.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Ce n'est pas un problème.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre de première instance va

22 ignorer le temps --

23 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] – la date ou la référence de temps sur

25 la vidéo.

26 Madame la Greffière, cela serait alors P… ?

27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera P39,

28 marquée aux fins d'identification.

Page 2331

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Il n'y a pas de son sur cet extrait.

3 [Diffusion de la cassette vidéo]

4 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais vous le remonter.

5 Q. Mais d'abord, l'avez-vous vu ?

6 R. Oui.

7 Q. Savez-vous où est cet endroit que l'on voit sur cet extrait ?

8 R. Oui, c'est l'endroit que je viens de vous décrire il y a une minute.

9 Q. Merci. J'aimerais que l'on re-visionne cet extrait.

10 [Diffusion de la cassette vidéo]

11 M. DI FAZIO : [interprétation]

12 Q. Avez-vous vu cet homme ?

13 R. Oui.

14 Q. Pouvez-vous nous dire qui c'est ?

15 R. C'est l'Albanais qui est venu avec nous.

16 Q. Quel est son nom ?

17 R. Je ne sais pas.

18 Q. Bien. Finalement --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, pour que nous

20 puissions suivre le témoignage de M. Markovic, on vous a demandé qui était

21 la personne que l'on a vue au moment indiqué par la référence 36 minutes

22 17,5 secondes.

23 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le

24 Président.

25 Q. Une autre question. L'homme qui une main derrière le dos, pouvez-vous

26 nous dire s'il était menotté ce jour-là ou pas ?

27 R. Je suppose, oui.

28 Q. Merci.

Page 2332

1 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on poursuivre le visionnage de cet

2 extrait.

3 [Diffusion de la cassette vidéo]

4 M. DI FAZIO : [interprétation]

5 Q. L'homme qui porte un costume bleu, savez-vous qui c'est ? Seulement,

6 si vous en êtes sûr.

7 R. Non.

8 Q. Merci.

9 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

10 de cet extrait, s'il vous plaît.

11 M. EMMERSON : [Hors micro]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de la verser au dossier, cet

13 extrait fait partie, n'est-ce pas, d'une vidéo plus longue ? Si vous isolez

14 cet extrait, l'heure et la date, resteront-elles les mêmes ?

15 M. DI FAZIO : [interprétation] Ceux qui s'y connaissent davantage dans ce

16 domaine pourront me corriger si j'ai tort, mais s'il y a une copie qui est

17 faite d'un extrait donné, je pense que les références restent les mêmes.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je l'espère. J'aimerais simplement

19 que la numérotation ne commence pas à zéro. Nous avons commencé à visionner

20 cet extrait à partir de 36 minutes 09,6. La première question que vous avez

21 posée est intervenue par rapport à ce que l'on a vu à 36.17.5, et la

22 question relative à l'homme portant un costume bleu correspond au 36.36.1.

23 Est-ce que c'est la fin de l'extrait ou pas ?

24 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, il y a encore quelques secondes

25 supplémentaires, ensuite cela s'arrête.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, j'aimerais que nous visionnions le

27 tout, de manière à ce que nous ayons le temps correspondant à la dernière

28 image.

Page 2333

1 M. DI FAZIO : [interprétation]

2 [Diffusion de la cassette vidéo]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est environ 36.44. Nous savons

4 maintenant que c'est un extrait de 34 secondes à peu près.

5 Veuillez poursuivre.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Je regarde l'horloge, Monsieur le Président.

7 Il me reste encore une petite question à aborder --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si vous allez pouvoir

9 finir avant la pause. Si tel n'est pas le cas, nous ferons la pause.

10 J'aimerais que vous en ayez terminé avant.

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. DI FAZIO : [interprétation]

14 Q. Connaissez-vous le lac Radonjic ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous y êtes-vous rendu au début du mois de septembre ?

17 R. Oui.

18 Q. Je ne crois pas qu'il y ait litige sur ce point. C'était après la

19 découverte d'un certain nombre de cadavres dans le secteur, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Y êtes-vous allé dans le cadre de vos activités policières ?

22 R. Oui.

23 Q. Qu'étiez-vous chargé de faire au lac lorsque vous y êtes allé ce jour-

24 là ?

25 R. Je devais assurer l'intégrité des lieux et aider le cas échéant.

26 Q. Avez-vous procédé à des examens techniques, à des tests scientifiques

27 quels qu'ils soient ?

28 R. Non, j'ai monté la garde, c'est tout.

Page 2334

1 Q. Quelqu'un a-t-il ramassé les corps ?

2 R. En l'occurrence, au lac Radonjic, il y avait un groupe de Rom et nous

3 les aidions chaque fois qu'ils en sentaient le besoin ou chaque fois que

4 cela était nécessaire.

5 Q. Vous avez dit vous vous êtes rendu sur place, vous avez dit que vous y

6 aviez monté la garde. Nous savons cela, que vous avez monté la garde.

7 Ensuite, vous avez dit qu'il y avait des Rom et que vous les aidiez

8 en cas de besoin. Que faisaient ces Rom et comment les aidiez-vous ?

9 R. Il y avait aussi des membres de la police scientifique et d'autres

10 unités. Il y avait beaucoup de gens qui étaient là en train d'essayer

11 d'identifier les cadavres et de recueillir des éléments de preuve, mais

12 c'est les Rom qui récupéraient les cadavres du canal du lac Radonjic et du

13 lac. Nous leur avons donné un coup de main. Il y avait une pente raide pour

14 aller jusqu'au canal et nous avons essayé de leur donner des coups de main.

15 Ils retiraient les corps, ils devaient les remonter le long de cette pente

16 et les placer dans les sacs qui servaient à emballer les cadavres.

17 Q. Bien. Vous avez dit "nous." Vous leur donniez un coup de main. Est-ce

18 que vous, personnellement, vous avez aidé ces Rom à sortir les corps et à

19 les tirer le long de cette pente raide ?

20 R. Oui.

21 Q. A part cela, à part le coup de main donné aux Rom pour récupérer les

22 cadavres et à part la garde que vous avez montée, avez-vous fait quoi que

23 ce soit d'autre sur la scène ce jour-là au lac Radonjic ?

24 R. Non.

25 Q. Merci.

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Di Fazio.

28 S'agissant de la pièce P39, il ne me semble pas qu'il y ait d'objection.

Page 2335

1 Elle ne peut pas être chargée dans le système du prétoire électronique.

2 Puisqu'il n'y a pas de texte, il est impossible de le présenter sur le

3 prétoire dans le système électronique. Il ne nous reste qu'un DVD à

4 communiquer à

5 Mme la Greffière contenant cet extrait. C'est la seule solution possible.

6 Avant la pause --

7 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai oublié de dire qu'il y a une

9 feuille qui a été en réalité chargée dans le système électronique. C'est ce

10 que l'on trouvera au moment de consulter le prétoire électronique si l'on

11 recherche ce document.

12 Avant de faire la pause, Monsieur Markovic, j'ai une question à vous poser.

13 Vous étiez policier de réserve. Est-ce que toutes les ethnies étaient

14 représentées au sein de ces forces de réserve, ou y avait-il un groupe

15 d'une appartenance ethnique particulière qui était plus présent que les

16 autres ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1998, il y avait des Serbes, des Musulmans

18 de Bosnie, et c'est tout.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y avait pas d'Albanais au sein de

20 cette force de police ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas dans la police de réserve. Il y avait

22 des Albanais qui travaillaient dans les forces actives.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous ai-je bien compris ? Vous

24 semblez avoir dit qu'une partie importante de la population qui vivait dans

25 la région était constituée d'Albanais ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Savez-vous pourquoi néanmoins ces

28 Albanais n'étaient pas présents dans la police réserve ?

Page 2336

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux formuler une hypothèse.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si ce n'est qu'une hypothèse, vous

3 pourriez néanmoins nous dire sur quoi elle est fondée. Pourquoi pensez-vous

4 que vous êtes en mesure de nous dire quelle est la raison de cela.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Compte tenu de la mentalité des gens avec

6 lesquels je vivais, une grande partie d'entre eux ne souhaitait pas

7 travailler au sein de la police, qu'elle soit de réserve ou d'active. Parmi

8 ceux-ci, il y en avait qui souhaitaient, mais qui n'y étaient pas autorisés

9 pour leur propre sécurité.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit, "les gens avec lesquels

11 je vivais." Vous parliez d'Albanais en particulier ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux; Serbes et Albanais. Lorsque j'étais

13 encore postier à Gornji Streoc, il n'y avait pas de Serbes là-bas. Six

14 jours par semaine, de 8 heures du matin à 3 heures de l'après-midi, la

15 seule langue que j'utilisais dans le cadre de mes fonctions était

16 l'albanais. Je m'entendais particulièrement bien avec les gens qui vivaient

17 là-bas.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Vous dites : "Certains de ceux

19 qui le voulaient n'étaient pas autorisés à le faire pour des raisons de

20 sécurité." Pouvez-vous préciser cela ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] En général, si quelqu'un veut travailler et

22 que d'autres veulent l'en empêcher, ils vont le menacer en disant qu'ils

23 vont tuer son frère ou les membres de sa famille. C'est là le moyen le plus

24 efficace d'empêcher que quelqu'un fasse quelque chose qui ne vous va pas.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci vaut-il pour tous les groupes

26 ethniques, ou plus particulièrement pour les Serbes, pour les Bosniaques,

27 pour les Albanais ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour les Albanais.

Page 2337

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner une idée du

2 pourcentage d'Albanais qui travaillaient au sein de la police d'active, pas

3 de la police de réserve ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Très peu. Je dirais 1 ou 2 % peut-être, en

5 1998.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Comment êtes-vous devenu policier

7 de réserve ? Vous êtes-vous porté candidat ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il y a eu ce qu'on appelle une

9 affectation en temps de guerre, et l'on vous affecte aux forces de réserve.

10 C'est le bureau d'enrôlement qui vous envoie, qui vous affecte à la police

11 ou a l'armée.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je crois vous avoir entendu

13 dire que vous étiez devenu policier de réserve dès 1990 ou 1991. A cette

14 époque-là, avez-vous demandé à devenir policier de réserve ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est obligatoire ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie d'avoir répondu à

19 toutes les questions.

20 Nous allons faire une pause de 25 minutes et nous nous retrouverons à

21 16 heures 20.

22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 54.

23 --- L'audience est reprise à 16 heures 23.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, si j'ai bien compris,

25 mais confirmez-le je vous prie, vous êtes le premier à contre-interroger le

26 témoin ?

27 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

Page 2338

1 Monsieur Markovic, vous allez maintenant répondre aux questions du

2 conseil de la Défense de M. Haradinaj, qui va vous poser les questions de

3 contre-interrogatoire.

4 Veuillez procéder, Maître Emmerson.

5 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

6 Q. [interprétation] Monsieur Markovic, lorsque vous décriviez la période

7 que vous avez passée à Dashinoc durant l'opération de récupération des

8 cadavres qui a donné lieu à la découverte des cadavres de Slobodan

9 Radosevic et de Milos Radunovic, vous avez dit, je cite : "Quant au moment,

10 je ne m'en souviens pas, car le temps n'a guère d'importance pour moi. J'ai

11 vraiment des difficultés à me rappeler les dates."

12 Est-ce que de façon générale, Monsieur Markovic, vous avez cette difficulté

13 à vous rappeler les dates ?

14 R. Je ne faisais pas particulièrement attention à ce qui se passait à

15 l'époque par rapport à quelle date. Il m'est très difficile d'être précis

16 au sujet des dates et du temps de façon générale. Je me rappelle les

17 événements, mais il m'est difficile de les resituer dans le temps. Je ne

18 suis pas très doué pour cela.

19 Q. Je voulais apprendre de vous ce qu'il en était, parce qu'au cours de

20 votre déposition un certain nombre d'hypothèses de dates ont été faites

21 quant à certains événements, et je souhaitais voir avec vous si je pouvais

22 tirer au clair certains détails.

23 Vous avez convenu de ce que vous a dit M. Di Fazio à un certain

24 moment, en se fondant sur une de vos réponses antérieures, lorsque vous

25 avez dit que vous aviez continué à travailler en tant qu'employé de la

26 poste jusqu'au début mai, date à laquelle vous avez été appelé à prendre

27 vos fonctions de réserviste de la police. Vous vous rappelez avoir dit

28 cela ?

Page 2339

1 R. Oui.

2 Q. Un grand nombre d'événements ont été décrits par vous ensuite qui

3 étaient liés à cette date. Vous nous avez dit notamment que les trois

4 routes aboutissant à Decani, ou en tout cas deux d'entre elles, ont été

5 fermées deux ou trois jours après que vous ayez pris vos fonctions de

6 policier, si je me souviens bien.

7 R. C'est exact.

8 Q. Vous avez dit avoir entendu parler de barrages routiers à peu près au

9 moment où vous avez pris vos fonctions de policier. Vous vous rappelez

10 avoir dit cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Voyons si nous pouvons préciser un peu vos souvenirs au sujet de ces

13 dates. Dans votre déclaration préalable de témoin, Monsieur Markovic, je

14 n'ai pas nécessité de vous soumettre le texte immédiatement, mais dans

15 cette déclaration préalable de témoin que vous avez faite en 2002, vous

16 citez deux dates différentes pour le moment où vous êtes devenu réserviste

17 de la police, après avoir cessé de travailler au bureau de poste.

18 D'abord, vous avez dit que c'était au mois de mars, puis page 2,

19 paragraphe 2, vous dites que c'était au mois de mars. En page 3, paragraphe

20 3, vous dites que c'était à la mi-avril.

21 Pourriez-vous nous aider en essayant de vous rappeler si c'était bien

22 au début du mois de mars que vous avez été appelé à devenir policier de

23 réserve ?

24 R. Comme je l'ai dit, je ne me souviens vraiment pas bien des dates. Je

25 crois que cela s'est passé en avril.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Je vois que M. le Juge Hoepfel voudrait

27 faire un commentaire.

28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce qu'il n'y a pas deux

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1 événements qui ont pu se situer à deux dates différentes ? D'abord, la

2 fermeture du bureau du poste, puis ensuite la prise des fonctions de

3 policier ?

4 M. EMMERSON : [interprétation] Je lis les passages en question dans la

5 déclaration préalable du témoin. Le premier passage se lit comme suit, je

6 cite : "A partir de mars 1998 et jusqu'à mon départ du Kosovo le 15 ou 16

7 juin 1999, j'ai travaillé dans la police. J'ai été policier à partir du

8 mois de mars 1998."

9 Dans le deuxième passage auquel je faisais référence, nous lisons, je cite

10 : "A peu près à la mi-avril, j'ai été convoqué pour travailler en tant que

11 réserviste de la police."

12 Je pense qu'il est clair que dans sa déclaration préalable, le témoin

13 a cité deux dates différentes pour le même événement.

14 Q. Monsieur Markovic, est-ce que maintenant vous pourriez dire avec

15 certitude si c'est au mois de mars ou au mois d'avril que cela s'est

16 passé ou est-ce que vous ne savez pas ?

17 R. Comme je l'ai dit, le temps ne signifie rien pour moi.

18 Q. Est-ce que cela aurait pu se passer à l'une ou l'autre de ces deux

19 dates ?

20 R. Je pense que c'était en avril, mais je n'en suis pas sûr.

21 Q. Est-ce que vous avez été informé à quelque moment que ce soit d'une

22 bataille qui a été lancée par les forces de police serbes à Gllogjan le 24

23 mars qui a causé la mort d'un policier dont le nom est Otovic ?

24 R. J'en ai entendu parler, oui. J'ai su qu'Otovic avait été tué. Je ne

25 suis pas sûr de la date, là encore.

26 Q. Bien, si vous voulez me faire confiance, je vous dis que la date de cet

27 événement est le 24 mars. Je vous demande si c'est après ou avant cet

28 incident de Gllogjan que vous avez été convoqué au sein de la police de

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1 réserve ?

2 R. Après cette date.

3 Q. Pouvez-vous nous dire à peu près combien de temps après ?

4 R. Non.

5 Q. J'aimerais voir si j'ai bien compris votre réponse.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, pourriez-vous, je vous

7 prie, explorer également avec le témoin le rapport entre la date du 24 mars

8 et la fermeture du bureau du poste ainsi que l'entrée dans --

9 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, bien sûr.

10 Q. Monsieur Markovic, est-ce que vous savez si vous avez cessé de

11 travailler en tant qu'employé de la poste avant ou après le 24 mars ?

12 R. Je ne me souviens pas.

13 Q. Si je vous ai bien compris, il y a eu un intervalle de temps d'environ

14 un mois entre le moment où vous avez cessé de livrer le courrier et le

15 moment où vous avez été convoqué pour prendre vos fonctions de policier à

16 plein temps; c'est bien cela ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, ne serait-il pas plus

18 clair de parler de la fermeture du bureau du poste de Streoc ? Je crois

19 avoir entendu le témoin nous dire que c'est à ce moment-là qu'il est parti

20 travailler à Decani.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est la raison pour laquelle j'ai

22 utilisé l'expression que j'ai utilisée. Peut-être n'ai-je pas été

23 suffisamment clair.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

25 M. EMMERSON : [interprétation]

26 Q. Monsieur Markovic, encore une fois pour que tout soit clair, répondant

27 à une question du Juge, vous avez dit qu'un certain jour le bureau de poste

28 de Streoc a été fermé. A partir de la fermeture de ce bureau de poste de

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1 Streoc, vous avez continué à travailler pendant un certain temps au bureau

2 de poste de Decani; est-ce bien cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que le laps de temps qui s'est écoulé entre la fermeture du

5 bureau de poste de Streoc et le moment où vous avez pris vos fonctions de

6 policier de réserve à plein temps, est-ce que ce laps de temps a bien été

7 d'environ un mois ?

8 R. Un mois à peu près, entre 20 jours et un mois.

9 Q. Maintenant, revenons précisément sur la question que vous a posée M. le

10 Juge. Vous rappelez-vous maintenant si la fermeture du bureau du poste de

11 Streoc a eu lieu avant ou après l'incident de Gllodjan au cours duquel le

12 policier répondant au nom d'Otovic a été tué ?

13 R. Je ne me souviens pas.

14 Q. Très bien. M. le Juge, avant la pause vous a posé un certain nombre de

15 questions auxquelles vous avez répondu, qui portaient sur les circonstances

16 dans lesquelles vous avez été appelé au sein de la police de réserve. Vous

17 avez répondu, je cite : "Ce n'était pas un choix de ma part. C'était

18 obligatoire. On obtient une affectation." Je crois même que vous avez dit

19 "affectation de guerre." Est-ce que c'est bien cela ?

20 R. Oui.

21 Q. Encore une fois pour que tout soit clair, est-ce que tout le monde

22 pouvait avoir une affectation de guerre ou est-ce que pour avoir cette

23 affectation de guerre il fallait au préalable avoir son nom consigné sur

24 des registres officiels ?

25 R. Je ne sais pas. Je sais qu'il existe une liste des réservistes de la

26 police qui est établie soit par la poste militaire, soit par la police.

27 Cela, je n'en suis pas sûr.

28 Q. Je vais essayer de vous poser cette question de façon un peu

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1 différente. Est-ce que nombreux de vos amis ou des membres de votre famille

2 étaient également enregistrés sur les listes de la police en 1998 ?

3 R. Oui.

4 Q. Je vais vous poser des questions à leur sujet dans quelques instants.

5 Vous nous avez dit, n'est-ce pas, que vous aviez reçu un pistolet et une

6 arme automatique; c'est bien cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Dites-moi si je me trompe, mais je crois que tous les policiers de

9 réserve qui ont été appelés à prendre des fonctions au sein de la police de

10 réserve, ont reçu un pistolet et un fusil automatique, n'est-ce pas ?

11 R. Non.

12 Q. Ce n'est pas exact ?

13 R. Non.

14 Q. Dans ces conditions, pourquoi est-ce que vous avez été choisi pour que

15 vous soient donnés un pistolet et un fusil automatique, si vous avez

16 compris pourquoi, Monsieur Markovic ?

17 R. Je n'en ai pas la moindre idée.

18 Q. Vous en avez certainement parlé avec vos collègues qui n'avaient pas

19 reçu d'arme, d'après ce que vous nous avez dit. Comment est-ce que la

20 décision de délivrer une arme automatique où un pistolet a été prise ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Etes-vous en train de dire qu'il y avait des officiers de la police de

23 réserve qui ne recevaient aucune arme ?

24 R. Non.

25 Q. Je crains fort que votre réponse ne soit un peu ambiguë. Je vais vous

26 poser la question un peu différemment. Est-ce que vous êtes en train de

27 dire dans votre déposition qu'il y avait certains réservistes de la police

28 qui n'avaient aucune arme ?

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1 R. Non.

2 Q. Encore une fois, il faudra que je vous demande de répondre par une

3 phrase complète. Pourriez-vous, je vous prie, nous redire tout cela dans

4 vos mots.

5 R. Pour autant que je le sache, il n'y avait pas un seul policier qui

6 n'avait pas d'arme, pour autant que je le sache. Peut-être y en avait-il,

7 mais je ne suis pas au courant.

8 Q. Je vois. Vous nous avez dit il y a peine un instant, que tous les

9 policiers n'avaient pas une arme automatique. Vous nous avez dit que tous

10 les policiers de réserve n'avaient pas de fusil automatique. Vous nous avez

11 bien dit cela, n'est-ce pas ?

12 R. En effet. Certains avaient un fusil semi-automatique.

13 Q. Je vois, je vois. L'AK-47, qu'est-ce que c'est, un fusil automatique ou

14 fusil semi-automatique ?

15 R. Un fusil automatique.

16 Q. Est-ce que c'est un fusil de ce type que vous aviez ?

17 R. Oui.

18 Q. Mais vous n'avez pas la moindre idée des raisons pour lesquelles vous

19 avez reçu une telle arme ?

20 R. Non.

21 Q. Etes-vous en train de dire dans votre déposition que vous ne l'avez

22 jamais utilisé ?

23 R. Non.

24 Q. Encore une fois, je vous prie, votre réponse est ambiguë. Etes-vous en

25 train de dire aux Juges que vous n'avez personnellement jamais utilisé

26 votre fusil automatique pour tirer à quelque moment que ce soit ?

27 R. Non, j'ai tiré avec mon fusil automatique.

28 Q. Pourriez-vous nous dire quand vous l'avez utilisé, je vous prie ?

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1 R. Je crois que c'était à Kodralija, quand nous avons été attaqués alors

2 que nous venions chercher les corps de quatre policiers de Novi Sad qui

3 avaient été tués. C'est à ce moment-là que j'ai tiré.

4 Q. Avez-vous tué quelqu'un ?

5 R. Pour autant que je le sache, non.

6 Q. Cela s'est passé à peu près à quel moment ?

7 R. Je ne me souviens pas du moment.

8 Q. Est-ce le seul jour où vous avez utilisé votre fusil automatique pour

9 tirer ?

10 R. Oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, j'aimerais poser une

12 question au témoin.

13 Monsieur Markovic, vous avez prononcé le nom d'un lieu qui n'a pas été

14 consigné clairement au compte rendu d'audience en anglais. Est-ce que

15 c'était Kodralija, peut-être ? Je vois sur ma carte Kodralija qui est tout

16 près de Pozar. Est-ce que c'était bien là ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Kodralija.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela se trouve entre Pozar et

19 Rznic ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

22 Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. Est-ce que cela s'est passé en 1998 ou en 1999 ?

25 R. Je crois que cela s'est passé en 1999.

26 Q. Mais vous n'en êtes pas sûr ?

27 R. Non.

28 Q. Est-ce qu'il vous est à quelque moment que ce soit arrivé d'aller à cet

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1 endroit durant l'année 1998 ?

2 R. Je suis passé par là quand je suis allé chercher les corps de Slobo et

3 de Milos.

4 Q. Est-ce que c'est la seule fois où vous êtes allé dans ce secteur durant

5 l'année 1998, Monsieur Markovic ?

6 R. Oui.

7 Q. Votre pistolet, avez-vous eu à quelque moment que ce soit l'occasion de

8 l'utiliser ?

9 R. Non.

10 Q. J'aimerais, si vous me le permettez, vous poser une question générale

11 maintenant, Monsieur Markovic. Vous saviez, n'est-ce pas, que durant

12 l'année 1998 des combats avaient eu lieu dans plusieurs villages situés à

13 l'ouest du Kosovo, des combats opposant l'armée yougoslave et la police

14 yougoslave d'un côté, et des groupes d'Albanais armés de l'autre côté. Vous

15 saviez que ces combats avaient eu lieu en 1998 à plusieurs reprises ?

16 R. Oui.

17 Q. Des combats en bonne et due forme, des combats importants ?

18 R. Je ne suis pas au courant de combats importants.

19 Q. Avez-vous su qu'une offensive majeure avait été lancée par les Serbes,

20 par exemple, au cours de la deuxième quinzaine du mois de mai dans la zone

21 où vous résidiez, à l'ouest du Kosovo ?

22 R. Non.

23 Q. Je vois. Que diriez-vous du début du mois d'août, moment où les forces

24 de police ont investi Gllogjan et Irzniq et en ont expulsé l'UCK, est-ce

25 que vous avez été informé de cela ?

26 R. J'en ai entendu parler, mais je n'y ai pas participé.

27 Q. Je vois. Je vais maintenant vous demander ce qui suit : est-ce qu'après

28 avoir surpris toutes les conversations qui pouvaient se dérouler à

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1 l'intérieur du poste de police, vous avez appris que les unités de la

2 police et les unités paramilitaires entraient dans les villages pour y

3 procéder à un travail d'assainissement dès lors que les bombardements

4 avaient cessé.

5 R. Que voulez-vous dire par "nettoyage" ou "assainissement" ?

6 Q. Je veux dire mettre le feu aux maisons, piller les propriétés, tirer

7 sur les animaux pour les tuer, mettre le feu aux meules de foin, tuer les

8 civils qui se trouvaient encore là, ce genre de nettoyage. Est-ce que vous

9 êtes au courant de cela ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous avez --

12 R. Je ne suis pas au courant de départs.

13 Q. Excusez-moi, je ne pense pas avoir compris votre réponse. Est-ce que

14 vous pourriez la répéter ?

15 R. Vous m'avez interrogé au sujet du moment où ils se retiraient, en

16 disant qu'ils tuaient à ce moment-là. Je n'ai jamais été au courant de

17 choses de ce genre.

18 Q. Je vois. Est-ce que vous n'avez jamais participé à une opération de ce

19 genre, une opération durant laquelle vous auriez pénétré dans un village

20 après que celui-ci ait été investi par les forces militaires serbes ?

21 R. Non.

22 Q. Nous y reviendrons dans quelques instants.

23 Votre frère cadet Rade, vous nous avez dit qu'il était directeur

24 d'une société commerciale. Il était également versé dans la police de

25 réserve, n'est-ce pas ?

26 R. Non.

27 Q. Je vais maintenant vous donner lecture d'un passage de votre

28 déclaration préalable de témoin, car en ce moment vous mentez à la Chambre,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Non.

3 Q. Votre frère Rade a à peu près un an de moins que vous, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez le même père dont le nom est Radovan, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Je vais vous lire un passage de sa déclaration préalable de témoin

8 qu'il a faite devant les représentants du bureau du Procureur et signée le

9 10 mai 2002. Il dit, votre frère, je cite : "J'ai un diplôme d'enseignement

10 secondaire et j'ai suivi deux années d'enseignement supérieur dans une

11 école économique. J'ai accompli une année de service militaire obligatoire

12 dans les rangs de la JNA entre 1984 et 1985. J'étais opérateur dans les

13 transmissions. J'ai été officier de la police de réserve à Decane en 1991,

14 et depuis 1997 jusqu'à quatre mois à peu près avant l'arrivée de l'OSCE au

15 Kosovo. Mes tâches en 1998 consistaient à assurer la garde du poste de

16 police de Decane. Je portais un uniforme bleu et étais armé d'un fusil

17 automatique AK-47. Je n'ai jamais participé à une opération active contre

18 l'UCK."

19 Donc, votre frère déclare qu'il était stationné devant le poste de police

20 de Decane. Quelle est votre explication à ce sujet, Monsieur Markovic ?

21 R. Entre 1991 et 1997, il lui arrivait de travailler au sein des forces de

22 réserve de la police. Il assurait la garde du poste de police, comme je

23 l'ai dit, ensuite il est tombé malade, il a pratiquement contracté la

24 tuberculose et il n'a plus jamais pu travailler.

25 Q. Il y a quelques instants, vous m'avez dit, sans l'ombre d'une

26 ambiguïté, qu'il n'avait pas fait partie de la police de réserve. Mais

27 laissons cela de côté. Je relis le passage de sa déclaration préalable de

28 témoin, je cite : "Mes tâches en 1998 consistaient à assurer la garde du

Page 2350

1 poste de police de Decani. Je portais un uniforme bleu et j'étais armé d'un

2 fusil automatique d'assaut AK-47."

3 Votre frère à cet endroit de sa déclaration parle de ce qu'il faisait en

4 1998, Monsieur Markovic. Vous avez menti à ce sujet devant la Chambre,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Non.

7 Q. Votre frère a fait cette déclaration préalable le

8 10 mai 2002. Vous-même vous avez également fait une déclaration préalable

9 devant les représentants du bureau du Procureur le

10 10 mai 2002, n'est-ce pas, Monsieur Markovic. Vous rappelez-vous avoir été

11 dans le même bâtiment que votre frère lorsque vous avez fait votre

12 déclaration préalable ?

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Markovic, tout à l'heure, Me

15 Emmerson vous a posé une question. Il vous a demandé si votre frère était

16 aussi policier de réserve. Vous avez dit qu'il l'était, n'est-ce pas, et

17 vous dites, non. Vous dites qu'à certains intervalles il l'était

18 maintenant. Pourquoi est-ce que maintenant vous dites, non, à la question

19 de Me Emmerson ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Me Emmerson avait posé sa question et je

21 pensais à 1998 et 1999. Mon frère était policier de réserve de 1991 à 1997,

22 jusqu'à ce qu'il tombe malade. Après cela, il ne s'est plus trouvé dans a

23 réserve de la police.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Markovic, vous avez fait une

25 déclaration solennelle selon laquelle vous diriez la vérité, toute la

26 vérité et rien que la vérité. Je souligne, toute la vérité.

27 Si Me Emmerson vous demande si votre frère était dans la police, s'il ne

28 l'a jamais été vous devriez nous dire qu'il y avait été peut-être, ou que

Page 2351

1 c'était à un autre moment. Je voudrais vous inviter à être aussi complet

2 que possible dans vos réponses.

3 Veuillez poursuivre Me Emmerson.

4 M. EMMERSON : [interprétation]

5 Q. Monsieur Markovic, pourriez-vous nous dire s'il y a eu une raison

6 quelconque pour laquelle votre frère aurait dit au Procureur qu'il

7 travaillait à l'extérieur du poste de police de Decani et qu'il avait un

8 AK-47 en 1998 ?

9 R. Je sais qu'il travaillait en 1997. Je suis sûr qu'il ne travaillait pas

10 en 1998.

11 Q. Vous nous avez dit que vous n'étiez pas très fort sur les dates. N'y a-

12 t-il pas une possibilité que vous puissiez vous tromper, ou est-ce qu'il

13 est possible que votre frère ait dit quelque chose au bureau du Procureur

14 qui n'était pas vrai ?

15 R. Il se peut qu'il en est fait partie en janvier ou

16 février 1998, mais je ne le crois pas.

17 Q. Nous allons maintenant aller de l'avant. Il se peut qu'il l'ait été en

18 janvier ou février 1998. Vous ne pouvez pas être sûr de façon catégorique

19 qu'il ne l'était pas en mars. C'est cela votre déposition ?

20 R. Non. Ce que je voulais dire c'est que nous n'étions pas ensemble dans

21 la réserve de la police. Les deux frères n'y étaient pas ensemble. Quand je

22 me trouvais dans la réserve de la police, il n'y était pas. C'est cela que

23 je voulais dire. C'est pour cela que je suis sûr qu'en 1998, lorsque

24 j'étais policier de réserve, il ne l'était pas.

25 Q. Bien sûr, nous ne savons pas exactement quand vous avez commencé,

26 n'est-ce pas ? Vous ne savez pas comment vous avez commencé. Le savez-

27 vous ?

28 R. Cela doit être aux environs d'avril, vers la fin d'avril, je ne suis

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1 pas sûr.

2 Q. Je vois. Maintenant gardons à l'esprit ce que le Président de la

3 Chambre vient de vous dire pour ce qui est d'être bien sûr que vous ne nous

4 donnez pas de renseignements inexacts alors que vous déposez sous serment.

5 Je vais vous poser des questions concernant d'autres personnes. Pour juste

6 à votre égard, Monsieur Markovic, je dois vous dire que nous avons des

7 documents. Si on vous posait des questions concernant certains de vos

8 autres amis, Slobodan Markovic était-il policier ?

9 R. Oui.

10 Q. L'avez-vous vu porter une arme ?

11 R. Il travaillait à Djakovica pas à Decani. Je suppose qu'il avait une

12 arme.

13 Q. Ce n'était pas un agent de la circulation, par exemple, avec des gants

14 blancs au cours de cette période du conflit, n'est-ce pas ?

15 R. Je ne sais pas. Je sais qu'en 1997, il était agent de la circulation.

16 Q. Vous aviez des policiers qui s'occupaient de la circulation alors que

17 les routes avaient des barrages. Vous aviez décrit ceci que vous deviez

18 conduire en suivant des convois. Est-ce qu'il y avait des policiers chargés

19 de la circulation à ce moment-là, de façon générale ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, le témoin a dit : "Je

21 sais qu'il était agent de la circulation en 1990."

22 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je comprends.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez maintenant vous référer à

24 cette partie de la déposition, ce n'était pas en 1997.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Non, je pose la question concernant 1998. Au

26 cours de 1998 -

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la façon dont vous posez la

28 question rend les choses confuses.

Page 2353

1 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi.

2 Q. Au cours de 1998, y avait-il des policiers chargés de la circulation en

3 gants blancs et qui dirigeaient la circulation sur les routes ?

4 R. Vous voulez dire qui dirigeaient la situation aux intersections ?

5 Q. Oui.

6 R. Non.

7 Q. Quel qu'il ait pu être en 1997, certainement vous ne vous seriez pas

8 attendu à voir Slobodan Markovic en train de régler la circulation en 1998,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce qu'il est parent Slobodan Markovic ?

12 R. Oui, il l'est.

13 Q. Est-ce qu'il est votre cousin ?

14 R. Oui.

15 Q. Rade Vlahovic, le connaissez-vous ?

16 R. Oui.

17 Q. Il était policier, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce qu'il faisait partie de la police régulière ou est-ce qu'il

20 faisait partie de la réserve ?

21 R. Il faisait partie de la police régulière.

22 Q. Est-ce que vous l'avez vu à Decani au cours de 1998 ?

23 R. Non.

24 Q. Ljubica Radunovic, il s'agit là du fils de Milos Radunovic dont vous

25 avez participé à la découverte de ce corps. Ljubica Radunovic c'était un

26 vieil ami à vous, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. C'était un policier, n'est-ce pas ?

Page 2354

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous l'avez vu au cours de l'année 1998 ?

3 R. Non.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, j'aimerais appeler

5 attention sur ce qui est dit à la page 59, ligne 9. On voit là un "il" qui

6 est là. On ne voit pas très clairement de qu'il s'agit lorsqu'on dit, "il",

7 qui est-ce ?

8 M. EMMERSON : [interprétation] Non, je pense, en fait, que ma question n'a

9 pas été correctement transcrite. La question était : "Est-ce que c'est un

10 parent à vous, Slobodan Markovic ?"

11 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

12 M. EMMERSON : [interprétation] "Réponse : Est-ce que c'est --" Il a

13 répondu : "Oui, c'est un parent."

14 "Q : Est-ce que c'est votre cousin ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair.

16 Veuillez poursuivre.

17 M. EMMERSON : [interprétation]

18 Q. Predrag Stojanovic, le connaissiez-vous ?

19 R. Si on l'appelle Dragan, oui. Mais Predrag Stojanovic, non.

20 Q. Predrag et Dragan sont la même personne d'après les éléments de preuve

21 dont nous avons entendus. Vous connaissez Dragan Stojanovic, oui ?

22 R. Oui.

23 Q. Il était policier, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. L'avez-vous vu au cours de l'année 1998 ?

26 R. Non, mais vous me posez des questions concernant des policiers qui

27 travaillaient à Djakovica alors que je me trouvais à Decani.

28 Q. Je vois. Veselin Stojanovic, c'était un policier, son frère, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. Non.

3 Q. Stanisa Radosevic ?

4 R. Oui.

5 Q. Merci. Quand est-ce que Stanisa Radosevic a été appelé pour entrer dans

6 la police, ou est-ce que c'était un policier permanent ?

7 R. Je pense qu'il a été mobilisé.

8 Q. Quand a-t-il été mobilisé ?

9 R. Je ne sais pas.

10 Q. Se trouvait-il en même temps que vous à Decani ? Parce que vous nous

11 avez dit que vous l'aviez vu à Decani.

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que c'est oui ? Vous voulez dire qu'il a été mobilisé en même

14 temps que vous ?

15 R. Je ne sais pas.

16 Q. Monsieur Markovic, vous nous avez déjà dit dans votre déposition que

17 vous lui avez parlé à Decani. C'était un endroit où il n'y avait pas

18 beaucoup de monde. Vous ne pouviez pas éviter de rencontrer des gens et de

19 leur parler. Comme c'était un ami depuis longtemps, un de vos amis n'est-ce

20 pas, il habitait à la porte à côté de votre grand-père. Est-ce qu'il était

21 policier de réserve en même temps que vous ?

22 R. Oui.

23 Q. Je vous remercie. Pourquoi vous a-t-il fallu si longtemps pour donner

24 une réponse à une question directe et simple, Monsieur Markovic ?

25 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Le témoin --

28 M. EMMERSON : [interprétation] Je retire ma question.

Page 2356

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que si vous regardez la

2 question, "en même temps," ce n'est pas dépourvu d'ambiguïté. C'est ce qui

3 s'est passé en même temps.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Et bien --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre. La dernière

6 question était un peu différente.

7 Veuillez poursuivre.

8 M. EMMERSON : [interprétation]

9 Q. Il a été mobilisé en même temps que vous. Est-ce que ceci veut dire

10 qu'il a été mobilisé au cours du mois d'avril ?

11 R. Je ne sais pas.

12 Q. Quand --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, il semble que le témoin

14 fasse une distinction entre être de service au même moment et entre

15 mobilisé.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je comprends.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au moment où il est entré dans la

18 police, il semble que ceci crée de la confusion.

19 Veuillez poursuivre.

20 M. EMMERSON : [interprétation]

21 Q. Lorsque vous avez été appelé, était-il déjà policier dans la réserve de

22 la police ?

23 R. Je ne m'en souviens pas.

24 Q. Combien de temps après que vous ayez été appelé, pouvez-vous nous dire

25 avec certitude qu'il était dans la réserve de la police ?

26 R. Je sais avec certitude qu'il était dans la police lorsque nous avons

27 découvert le cadavre de son père.

28 Q. Oui, je vous remercie. Au moment où vous êtes allé à Dashinoc en

Page 2357

1 septembre, il était déjà policier ?

2 R. Oui.

3 Q. Je vais maintenant vous poser une question d'ordre général, Monsieur

4 Markovic. Stanisa Radosevic a dit dans sa déposition qu'il n'a jamais été

5 dans la police ni dans la réserve de la police. Vous, vous avez dit dans

6 votre déposition que votre frère n'y était pas, en dépit du fait qu'il a

7 fait une déclaration selon laquelle il y était. Je voudrais vous poser la

8 question : y a-t-il quelqu'un qui vous a dit que vous ne devriez pas dire

9 la vérité au Tribunal, la vérité sur qui se trouvait dans la police et qui

10 n'y était pas ?

11 R. Non.

12 Q. Vous avez parlé dans votre déposition de cet homme serbe qui était venu

13 pour voir juste avant que vous ne soyez appelé à témoigner et vous avez

14 discuté avec lui.

15 R. De quel homme serbe me parlez-vous ? Personne n'est venu m'avertir de

16 quoi que ce soit ou me parler.

17 Q. Excusez-moi, je retire ma question. C'est une erreur de ma part qui est

18 tout à fait involontaire.

19 Est-ce que vous connaissez la signification du sigle PJP ?

20 R. Unité spéciale de la police.

21 Q. Certains policiers étaient choisis pour être versés dans ces unités

22 spéciales de la police, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce qu'on pouvait être choisi pour être versé dans une unité

25 spéciale de la police à partir de la police de réserve aussi bien qu'à

26 partir de la police d'active ?

27 R. Pour autant que je le sache, non.

28 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur la

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1 pièce D14, je vous prie.

2 Q. Monsieur Markovic, vous avez là la liste des policiers qui, en mars

3 1999, recevaient leur solde en tant que membres d'une PJP.

4 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas le cas.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Si, cela l'est.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-être que j'ai mauvaise mémoire, mais je

7 pensais qu'il s'agissait de la création. Est-ce qu'on pourrait poser la

8 question au témoin ?

9 M. EMMERSON : [interprétation] Il parle anglais.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il parle anglais.

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pensais que c'était une création.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais l'un ne contredit pas l'autre.

13 M. DI FAZIO : [interprétation] Cela ne me pose pas problème que M. Emmerson

14 laisse entendre que --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous de devrions pas

16 discuter de cela en présence du témoin.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais poser la question sans définir la

18 nature de la liste. Nous savons tous ce qu'est cette liste.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, non, je ne mets pas cela en doute le

20 moins du monde. Je comprends parfaitement.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais reformuler, Monsieur Di Fazio.

22 Q. Monsieur Markovic, la liste de noms que vous avez sous les yeux est

23 bien une liste de noms correspondant à des individus payés par la PJP en

24 mars 1999. Ce n'est pas une liste complète, bien entendu, mais certains de

25 ces noms se retrouvent sur les registres de la PJP. Si nous descendons la

26 liste, nous pouvons voir qui parmi ces hommes vous pouvez reconnaître. Vous

27 nous avez parlé de Rade Vlahovic. Est-ce que vous saviez qu'il faisait

28 partie de la PJP ?

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1 R. Non.

2 Q. Stanisa Radosevic ?

3 R. Non.

4 Q. Vous nous avez dit que d'après ce que vous pensiez savoir, on ne

5 pouvait pas entrer dans une PJP à partir de la police de réserve. Soyons

6 clair. Est-ce que Stanisa Radosevic était un police de réserve ou un

7 policier d'active ?

8 R. Pour autant que je le sache, c'était un policier de réserve.

9 Q. Slobodan Markovic, votre cousin, que diriez-vous à son sujet ?

10 R. Je ne sais pas. Ce sont des gens qui travaillaient à Djakovica. Je ne

11 suis pas au courant pour tous ces hommes. Il y a simplement un certain

12 Stijovic sur cette liste d'après ce que je vois, Danilo Stijovic, que je ne

13 connais absolument pas.

14 Q. Très bien. Mais les autres vous les connaissez tous, n'est-ce pas ?

15 R. Rade Vlahovic, oui; Stanisa Radosevic, oui; Zeljko Radosevic, je pense

16 que je le connais, si c'est le Zeljko Radosevic auquel je pense, il est

17 originaire du Monténégro, mais je ne suis pas sûr qu'il s'agisse bien du

18 même homme. Slobodan Markovic, je le connais, c'est mon cousin; Momcilo

19 Markovic, je ne sais pas qui c'est; Predrag Stojanovic, s'il s'agit de

20 celui qui se surnommait Dragan, je le connais; Veselin Stojanovic, je ne

21 savais même pas qu'il était policier; Ljubisa Radunovic, je le connais. Je

22 ne sais pas que tous ces hommes aient pu être membres d'une PJP.

23 Q. Très bien. Parmi les noms sur cette liste, Monsieur Markovic, l'un

24 d'entre eux est celui de votre cousin et les autres sont les noms d'amis

25 d'enfance à vous, originaires de Dashinoc, comme Stanisa Radosevic et

26 Ljubisa Radunovic, n'est-ce pas ?

27 R. Non. Rade Vlahovic est mon cousin germain. C'est un membre très proche

28 de ma famille; Slobodan Markovic, c'est un parent assez éloigné; Stanisa

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1 Radosevic et Ljubisa Radunovic sont des voisins à moi du village. Quant à

2 Predrag Stojanovic, je le connais par l'intermédiaire de mes frères.

3 Q. Je vais vous poser maintenant quelques questions plus générales au

4 sujet de la période mars, avril 1998. Vous nous avez dit n'est-ce pas, qu'à

5 un certain moment deux sur les trois routes menant à Decane ont été

6 bloquées. Vous rappelez-vous avoir dit cela au cours de votre déposition ?

7 R. Oui.

8 Q. Dans votre déclaration préalable à votre déposition,

9 page 4, paragraphe 5, vous dites que ces deux routes ont été coupées durant

10 le mois de mars. Ceci est-il exact ou faux ?

11 R. J'ai dit que les dates n'avaient guère de sens pour moi. Je ne sais pas

12 si cela a eu lieu en mars ou en avril, mais je pencherais plutôt pour

13 avril.

14 Q. Dans votre déclaration écrite, page 4, paragraphe 5, vous dites

15 également qu'au moment où cela s'est passé il n'y avait que

16 15 policiers à Decane; est-ce que ceci est vrai ?

17 R. A peu près.

18 Q. Je vois. Après quoi vous-même et d'autres ont été mobilisés et versés

19 dans les rangs de la police de réserve, et le nombre des policiers a gonflé

20 pour atteindre 130; c'est bien cela ?

21 R. Cent trente, c'est beaucoup, c'était une centaine.

22 Q. Encore une fois, je lis ce qui est écrit dans votre déclaration

23 préalable à votre déposition, page 4, paragraphe 5, dans lequel vous dites

24 qu'une centaine de policiers étaient stationnés dans le camp de vacances

25 des enfants et une trentaine devant le poste de police de Decane. Ceci est

26 exact ou faux ?

27 R. Oui.

28 Q. Donc, il y avait bien 130 policiers à Decane, n'est-ce pas ?

Page 2361

1 R. Oui.

2 Q. Pourquoi nous avez-vous dit il y a un instant que le chiffre était trop

3 important ?

4 R. Je n'en sais rien.

5 Q. Est-ce que vous êtes en train de dépeindre une situation fausse devant

6 la Chambre de première instance s'agissant des effectifs présents à

7 Decane ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous saviez qu'il y avait des représentants de la communauté

10 internationale dans la zone à partir du 24 mars ?

11 R. Non.

12 Q. Je vous dirais - et ce faisant je vous soumets une partie d'un rapport

13 dont l'auteur est l'attaché militaire britannique à Belgrade qui se

14 trouvait à Decane le 24 mars - selon lui, il y avait environ 8 et 10 000

15 policiers du MUP dans l'ouest du Kosovo, dont 5 à 700 membres des PJP au

16 mois de mars 1998. Puis-je vous demander quelle est votre réaction à cela ?

17 R. Je n'ai pas la moindre idée.

18 Q. Je vais vous dire encore autre chose, Monsieur Markovic. Ce même homme

19 a établi une déclaration dans laquelle il affirme que les PJP étaient

20 appuyés par - et je le cite - "des voyous importés qui ont été amenés sur

21 place pour provoquer le trouble de façon à ce que le MUP puisse intervenir

22 et régler le problème parmi les participants."

23 Est-ce que vous pourriez imaginer de qui il parle en parlant de "voyous

24 importés qui ont été amenés sur place pour semer le trouble" au mois de

25 mars 1998 dans le secteur où vous vous trouviez ?

26 R. Non.

27 Q. Savez-vous qui est le général Bozidar Delic ?

28 R. Oui, je l'ai vu pendant le procès intenté à Slobodan Milosevic.

Page 2362

1 Q. Vous avez suivi le procès sur un écran, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Donc, vous savez qu'à l'époque, au mois de mars, cet homme était un

4 colonel qui commandait la 549e Brigade dans la zone où vous-même agissiez

5 en tant que policier, n'est-ce pas ?

6 R. Non.

7 Q. Qu'est-ce qui n'est pas exact dans ce que je viens de dire ?

8 R. Je ne suis pas au courant qu'il était colonel.

9 Q. Je vois --

10 R. Je ne le connaissais pas à l'époque.

11 Q. Vous nous avez dit que vous aviez suivi sa déposition dans le procès

12 Milosevic. Vous saviez qu'il commandait l'armée yougoslave à cette époque-

13 là dans le secteur où vous agissiez en tant que policier, n'est-ce pas ?

14 R. Je ne suis pas au courant.

15 Q. Je vais vous demander ce que vous savez puisque vous avez suivi sa

16 déposition.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, lorsque vous demandez

18 au témoin s'il sait quelque chose, il serait bon que vous lui demandiez

19 s'il le sait aujourd'hui ou s'il le savait à l'époque, car dans le cas

20 contraire il peut y avoir confusion.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je comprends très bien, Monsieur le

22 Président. Absolument.

23 Q. Monsieur Markovic, lorsque vous avez suivi sa déposition dans l'affaire

24 Milosevic, est-ce que vous l'avez entendu dire dans sa déposition que le 24

25 mars il y avait 400 représentants des forces de sécurité serbes dans le

26 petit village de Dubrave ? Vous l'avez bien entendu dire cela au cours de

27 sa déposition ?

28 R. Non, j'ai suivi les choses de temps en temps, quand j'avais le temps;

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1 je n'ai pas suivi en permanence.

2 Q. Puisque vous entendiez les conversations entre les personnes qui

3 entraient et sortaient du poste de police, à partir du moment où vous avez

4 été versé dans la police de réserve, est-ce que cela vous a donné une idée

5 assez claire du nombre de policiers qu'il y avait à Gllogjan ?

6 R. Non.

7 Q. Je vois. Je vais vous poser une autre question : je pense qu'il est

8 exact, n'est-ce pas, que vous admettez - en tout cas, vous l'admettiez au

9 moment où vous avez été interrogé par le représentant du bureau du

10 Procureur il y a quelques jours - vous admettiez, n'est-ce pas, qu'au

11 moment où vous avez été convoqué dans la police de réserve, que ce soit au

12 mois de mars ou au mois d'avril, les unités spéciales et l'armée yougoslave

13 commençaient déjà à arriver dans le secteur environnant Decane, n'est-ce

14 pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Pourriez-vous, je vous prie, commencer par dire quels étaient les

17 effectifs que vous avez vu arriver dans votre région au moment où vous avez

18 été versé dans la police de réserve ?

19 R. Non.

20 Q. Que vouliez-vous dire lorsque vous avez dit au représentant du bureau

21 du Procureur que les unités spéciales étaient en train d'arriver dans votre

22 secteur à ce moment-là ?

23 R. Une unité de chars, des canons, ce genre de choses.

24 Q. Vous ne parliez pas d'unités paramilitaires de la police, Monsieur

25 Markovic, par conséquent ?

26 R. Pour autant que je le sache, il n'y avait pas d'unités paramilitaires

27 de la police.

28 Q. Nous reviendrons là-dessus dans quelques instants. Il y a un point sur

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1 lequel nous pouvons être clair, à savoir que l'armée yougoslave était en

2 train d'arriver sur les lieux au moment où vous avez été versé dans la

3 police de réserve, parce que c'est ce que vous venez de nous dire, n'est-ce

4 pas ?

5 R. A peu près, peut-être quelques jours après, à peu près, oui.

6 Q. Je vois. Peut-être ne vous ai-je pas bien compris, mais j'avais cru

7 entendre il y a quelques lignes dans le compte rendu d'audience que vous

8 aviez dit qu'au moment où les routes ont été coupées, il n'y avait qu'une

9 quinzaine de policiers à Decane. Est-ce que vous maintenez cela dans le

10 cadre de votre déposition ?

11 R. Oui.

12 Q. Mais il y a quelques instants, vous nous avez dit que les routes

13 avaient été coupées quelques jours après que vous avez été versé dans les

14 rangs de la police de réserve. Est-ce que l'armée yougoslave et ses unités

15 spéciales étaient présentes lorsque les routes ont été coupées ?

16 R. Je ne suis pas au courant.

17 Q. Pouvez-vous confirmer, je vous prie, que durant toute la guerre en 1998

18 et 1999, vous n'avez personnellement jamais vu un seul membre de l'UCK en

19 uniforme ?

20 R. En uniforme complet, non; en uniforme partiel, assorti de quelques

21 vêtements civils, oui. Mais je n'ai jamais vu un membre de l'UCK portant un

22 uniforme complet.

23 Q. Je vais vous lire une partie de votre déclaration écrite, page 5,

24 paragraphe 4, pour voir si cela vous ravive la mémoire.

25 Vous avez dit, je cite : "Je n'ai jamais vu le moindre membre de l'UCK en

26 uniforme, même pas en 1999, avant mon départ du Kosovo. Ils portaient tous

27 des vêtements civils et ils ne se comportaient pas comme une armée."

28 Est-ce que ceci coïncide bien avec votre déposition ?

Page 2366

1 R. Oui, mais je l'ai un petit peu modifiée en ajoutant que je les ai

2 parfois vus portant une tenue mixte composée de vêtements civils et de

3 parties d'uniforme.

4 Q. L'armée yougoslave, toutefois, que vous avez vu arriver là dans votre

5 secteur au moment où vous avez été versé dans les forces de la police de

6 réserve, se comportait comme une armée, elle, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Je vais vous interroger sur ce sujet : les représentants internationaux

9 présents dans la zone déclarent dans leurs rapports que des véhicules de

10 l'armée yougoslave étaient peints en bleu pour ressembler à des véhicules

11 de la police, mais qu'on pouvait discerner la peinture verte en dessous de

12 la peinture bleue, et que par conséquent ces véhicules avaient été repeints

13 en bleu pour se faire passer pour des véhicules militaires. Est-ce que vous

14 avez vu des véhicules de l'armée yougoslave repeints en bleu ?

15 R. Non.

16 Q. Peut-être devrions nous essayer d'être un peu plus clair sur les routes

17 qui ont été coupées. Je m'appuie sur votre déclaration écrite également et

18 sur ce que vous avez dit oralement, et l'impression que cela produit c'est

19 que les civils serbes qui se trouvaient à l'intérieur de Decane se sont

20 retrouvés isolés pendant un certain temps; c'est bien cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Effectivement coupés du reste du monde pendant une période assez

23 courte ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que cela s'est passé avant ou après le 24 mars ? Quand je dis 24

26 mars, je parle de l'incident de Gllogjan. Est-ce que cela s'est passé avant

27 ou après l'incident au cours duquel Otovic a été tué ?

28 R. Cela s'est passé après que j'ai cessé de travailler à la poste de

Page 2367

1 Streoc, après mon arrivée à Decani. Je ne sais rien de l'incident de

2 Glodjane.

3 Q. Puisque vous nous avez dit que vous étiez en très bons termes avec les

4 Albanais de votre secteur, je peux sans doute vous demander si lorsque vous

5 travailliez au poste de police vous savez ce qui s'est passé à Drenica, ou

6 plus précisément à Likoshan et Prekaze le 28 février et le 5 mars ? Je vois

7 que vous foncez les sourcils. Est-ce que vous savez ce qui s'y est passé ?

8 R. Tout cela, c'est loin de Decani. Non, je ne l'ai pas su.

9 Q. Vous n'avez pas entendu dire ou lu dans les journaux que

10 80 Albanais, y compris des femmes, et notamment une femme enceinte, de

11 personnes âgées et un certain nombre d'enfants avaient été abattus par la

12 police ?

13 R. Non.

14 Q. Est-ce que c'est la première fois que vous entendez parler de ce qui

15 s'est passé à Prekaze ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que c'est vraiment la vérité, Monsieur Markovic ?

18 R. Vous voulez dire l'attaque contre la maison d'Adem Jashari ?

19 Q. Oui, exactement, donc vous savez où vivait Adem Jashari, où il vivait

20 avant ainsi que sa famille a été entièrement tuée, exterminée. Vous savez

21 où ils vivaient ?

22 R. Non.

23 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de cette attaque contre la famille

24 d'Adem Jashari à l'époque ?

25 R. A l'époque, je ne me rappelle pas. J'ai bien entendu dire quelque chose

26 à ce sujet, mais je ne sais pas quoi exactement ni quand. Je suis au

27 courant de l'incident, toutefois.

28 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait que 80 Albanais ont été tués

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1 sur une période de sept jours lorsque la police est entrée dans ces

2 villages ?

3 R. J'ai entendu dire que des personnes avaient été tuées, mais je n'étais

4 pas au courant du chiffre exact.

5 Q. Bien.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur --

7 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Markovic, un peu plus tôt Me

9 Emmerson vous a posé une question sur le point de savoir si vous aviez

10 entendu dire - enfin, je vais relire la question. Ce qui c'était passé à

11 Drenica, c'est-à-dire à Likoshan et Prekaze le

12 28 février et le 5 mars. Vous avez dit : "Cela, c'est très loin de Decani,

13 non, je ne sais pas." Alors que quelques lignes plus loin, lorsque Me

14 Emmerson vous demande si c'est vraiment la vérité et si c'est vraiment la

15 première fois que vous entendez parler de ce qui s'est passé à Prekaze,

16 alors à ce moment-là vous avez répondu : "Vous voulez dire l'attaque contre

17 la maison d'Adem Jashari ?"

18 Ceci donne l'impression, puisque vous avez prononcé spontanément ce nom,

19 que vous saviez quelque chose de ce qui s'était passé à Prekaze, alors que

20 vous aviez dit plus tôt : Cela c'est loin de Decani, non, je ne sais pas.

21 Il semble que vous saviez quelque chose à ce sujet, et même si vous n'aviez

22 pas connu les détails, vous auriez dû nous en parler à ce moment-là. Aucun

23 détail n'avait été mentionné encore du fait que vous étiez au courant ou

24 que vous auriez pu entendre parler de ce qui s'était passé ou du fait qu'il

25 y avait eu une attaque contre la maison d'Adem Jashari. Parce que vous avez

26 commencé par nier savoir quoi que ce soit, tandis que quelques lignes plus

27 tard, plus bas, il se révèle que tout au moins vous avez un souvenir

28 spontané du nom de l'homme dont la maison a été attaquée. Ou est-ce que je

Page 2369

1 vous ai mal compris ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout le monde savait qu'il y avait eu une

3 attaque de la maison d'Adem Jashari, mais je pensais que la question avait

4 trait à quelque chose de particulier, de spécial. Je croyais que le conseil

5 demandait quelque chose de précis concernant - enfin, je n'ai aucune raison

6 de cacher que je savais ceci ou cela concernant l'incident. Je suis au

7 courant de l'incident qui concernait la maison d'Adem Jashari, oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Markovic, alors votre réponse à

9 la première question aurait dû être : Est-ce que vous me demandez quelque

10 chose de précis ou est-ce que vous posez une question sur quelque chose que

11 nous savions tous, à savoir l'attaque contre la maison d'Adem Jashari.

12 C'est cela qui aurait été la réponse correcte. Si vous n'êtes pas sûr, si

13 vous n'êtes pas au clair de ce qu'est la question précise ou si on vous

14 demande si vous avez une connaissance générale de quelque chose, veuillez

15 demander les éclaircissements.

16 Poursuivez, Maître Emmerson.

17 M. EMMERSON : [interprétation]

18 Q. Ce que je suis en train d'examiner avec vous, Monsieur Markovic, c'est

19 de savoir quelles auraient pu être les raisons pour lesquelles les gens

20 voulaient bloquer l'accès au village du côté est, du côté oriental de la

21 route principale, voyez-vous. Maintenant vous nous avez dit que tout le

22 monde était au courant de ce qui s'était passé pour l'incident Jashari.

23 Peut-être pourrions-nous revenir aux questions que je vous ai posées il y a

24 une minute. Est-ce que vous étiez au courant - laissons de côté pour le

25 moment la question des chiffres ou des nombres - que les victimes

26 comprenaient des femmes, une femme enceinte, des personnes âgées, un

27 certain nombre d'enfants qui avaient été tués de sang froid. Est-ce que

28 vous savez cela ?

Page 2370

1 R. Non, je ne sais pas. Je savais que certaines avaient été tuées, mais je

2 ne savais rien d'une femme enceinte.

3 Q. Est-ce que vous saviez qu'il y avait eu des enfants et des personnes

4 âgées parmi les victimes ?

5 R. J'ai entendu des récits concernant des enfants parmi les victimes, oui.

6 Q. Je vous remercie. Saviez-vous qu'il y avait des personnes qu'on avait

7 fait sortir, qu'on avait arrêtées, tout simplement, qu'on avait alignées et

8 qui avaient été tuées par la police ?

9 R. Non, je ne savais pas.

10 Q. Cela devait être une question qui vous avait vivement préoccupé, vous

11 en tant que policier, d'entendre dire que les enfants faisaient partie des

12 victimes d'actions conduites par la police, n'est-ce pas ?

13 R. Personne n'aime pas quand un enfant est tué, n'est-ce pas ?

14 Q. Est-ce qu'on en a parlé parmi les policiers à Decane pour être bien sûr

15 que rien de ce genre ne pourrait plus se produire ?

16 R. Je ne sais pas. Je n'étais pas avec les policiers de réserve à ce

17 moment-là. Je suppose que oui.

18 Q. Je vois. Maintenant, vous nous avez dit -- non, excusez-moi, c'était

19 dans votre déclaration de témoin, Monsieur Markovic, qu'à un moment donné

20 des barrages sur les routes ont été enlevés. Je voudrais juste être bien au

21 clair. Vous avez également à un autre moment dans votre déclaration décrite

22 qu'il y a un moment où les terroristes se sont échappés.

23 Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quand et comment les forces

24 serbes ont repris un contrôle complet, le contrôle complet de Decane ?

25 R. Il était possible d'aller à Decani. Il y avait un secteur par lequel on

26 pouvait passer, et ainsi la police et les militaires ont commencé à arriver

27 et ce secteur est devenu beaucoup plus grand. Je ne sais pas quelle est la

28 date à laquelle Decani a été prise ou reprise.

Page 2371

1 Q. Je vais vous dire quelque chose et vous prier de faire des commentaires

2 à ce sujet, n'est-ce pas, pour savoir si c'est exact ou non. Dans un autre

3 procès qui se déroule dans ce bâtiment pour le moment, l'Accusation allègue

4 que du côté de Pâques, c'est-à-dire en gros vers la mi-avril, une unité de

5 chars de l'armée a attaqué Decane. Est-ce que c'est exact ? Est-ce que vous

6 vous rappelez qu'il y ait eu des combats et qu'une unité de chars de

7 l'armée yougoslave ait attaqué Decane du côté de Pâques ?

8 R. Je ne m'en souviens pas.

9 Q. Y a-t-il eu des combats à Decane du tout au cours de la première moitié

10 de 1998 ? Y a-t-il eu des tirs en ville ou des obus ont-ils été tirés ?

11 R. Il n'y a pas eu de combats. Il y a eu des tirs de l'extérieur sur

12 Decane. Un policier nommé Slavko Tomasevic a été blessé. Je pense qu'il y a

13 eu bombardement ou tirs d'obus aussi, mais je ne peux pas me rappeler si

14 c'était en 1998 ou 1999. Deux obus ont touché terre juste à côté de la

15 station service d'essence.

16 Q. Est-ce que vous avez su à un moment quelconque au cours du premier

17 semestre de 1998 que l'armée yougoslave aurait lancé une attaque contre la

18 population albanaise de Decane ?

19 R. Non.

20 Q. Je voudrais reprendre ce que vous avez dit dans votre déposition

21 concernant les unités de l'armée yougoslave qui sont arrivées à ce moment-

22 là, ou vers ce moment-là, lorsque vous avez été appelé. J'ai déjà mentionné

23 tout à l'heure le fait qu'il y avait l'attaché militaire britannique à

24 Belgrade, et je voudrais simplement vous poser la question suivante : les

25 documents qui ont été déposés par cette personne pour la période qui est

26 aux alentours du 24 mars indiquent qu'il y a eu des unités d'artillerie de

27 l'armée yougoslave qui étaient autour de Decane et étaient défendues par le

28 JSO.

Page 2372

1 Maintenant, je vous pose la question suivante, pour commencer : savez-vous

2 ce que ces lettres JSO représentent ?

3 R. Unité d'opérations spéciales.

4 Q. Il s'agit de forces spéciales des services de Sécurité de l'Etat

5 serbes, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Leur commandant, je vous le suggère, est une personne dont le nom vous

8 est bien connu, appelé Franko Simatovic, connu sous le nom de Frenki. C'est

9 un nom que vous avez entendu ?

10 R. Oui.

11 Q. Cette unité était connue sous le nom familier des "gars de Frenki,"

12 n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Avant cela, on les appelait les "Bérets rouges" lorsqu'ils ont

15 participé au conflit en Croatie et en Bosnie, n'est-ce pas ?

16 R. J'en ai entendu parler à la télévision.

17 Q. Vous savez que Frenki Simatovic est accusé par ce Tribunal pour des

18 crimes de guerre qui ont été commis avec cette unité en Bosnie et en

19 Croatie, n'est-ce pas ?

20 R. J'en ai aussi entendu parler.

21 Q. Les membres de la JSO se trouvaient stationnés juste à l'extérieur de

22 Decane, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Où étaient-ils stationnés ?

25 R. Dans ce camp de vacances pour enfants.

26 Q. Il s'agit de celui où Stanisa Radosevic travaillait comme garde de

27 sécurité; c'est bien cela ?

28 R. Oui.

Page 2373

1 Q. Quand sont-ils arrivés ?

2 R. Je ne sais pas.

3 Q. Essayez de vous souvenir, Monsieur Markovic, s'il vous plaît. Quand

4 sont-ils arrivés; avant ou après votre mobilisation ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. Très bien. Je reviens sur toutes les informations que vous avez

7 recueillies auprès des officiers de police de rang supérieur qui

8 dépendaient du poste de police mais qui sortaient également. Avez-vous

9 entendu dire quoi que ce soit sur la tactique et sur les techniques

10 employées par les JSO dans les villages albanais ou pas ?

11 R. Non.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, j'aimerais comprendre

13 l'une de vos questions. Vous avez dit qu'il y avait des documents qui

14 avaient été déposés par la personne que vous avez citée pour la période du

15 24 mars et de ses environs, des documents indiquant qu'il y avait des

16 unités d'artillerie de l'armée yougoslave aux environs de Decani défendues

17 par le JSO. Est-ce que c'est Decani qui était défendue par les JSO contre

18 les unités d'artillerie de la VJ, ou c'est autre chose ?

19 M. EMMERSON : [interprétation] Non, ce que je dis, c'est que les JSO

20 gardaient et défendaient les unités d'artillerie de l'armée yougoslave.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant c'est clair. Merci.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense qu'il est également clair à

23 entendre la réponse du témoin, il est également clair quelle est la réponse

24 et la position de ce témoin par rapport aux événements qui se sont produits

25 au moins le 24 mars.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne sais pas si c'est clair, mais M. Di

27 Fazio pourra à loisir poser au témoin des questions supplémentaires sur

28 cette partie-là du témoignage, s'il le souhaite.

Page 2374

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivons, Monsieur Emmerson.

2 M. EMMERSON : [interprétation]

3 Q. J'aimerais vous dire la chose suivante : les JSO avaient une base à

4 proximité du monastère de Decane. Est-ce à peu près le même secteur que

5 celui où vous décriviez cette colonie de vacances ou ce camp de vacances ?

6 R. Oui.

7 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions d'autres déploiements que vous

8 connaissiez. La VJ, et en particulier la

9 549e Brigade motorisée commandée par Bozidar Delic, était cantonnée sur les

10 trois grosses collines qui se trouvaient à proximité immédiate du lac

11 Radoniq. Le saviez-vous ?

12 R. Non.

13 Q. Etes-vous en train de me dire que vous ne saviez qu'elle n'était pas

14 là, ou êtes-vous en train de me dire que vous ne savez pas ?

15 R. Je ne sais pas.

16 Q. Mais vous entendiez le pilonnage en provenance de Donji Bites ?

17 R. Je ne suis pas sûr, non, que j'aurais pu entendre tout cela, parce

18 qu'il y a une grande distance entre le lac Radonjic et Decani, 10

19 kilomètres environ.

20 Q. Bien. Permettez-moi de vous reposer la question : puisque vous avez

21 suivi la déposition du général Delic dans l'affaire Milosevic, suiviez-vous

22 le procès au moment où il a dit au Tribunal qu'il y avait eu des forces

23 cantonnées sur ces trois collines à partir du mois d'avril 1998 ?

24 R. Je ne m'en souviens pas.

25 Q. Vous n'êtes pas en train de nous dire qu'il n'y avait pas de forces

26 serbes dans le secteur qui se situe autour du lac pendant toute l'année

27 1998, n'est-ce pas ?

28 R. Je n'ai aucune information s'agissant de l'armée.

Page 2375

1 Q. Qu'en est-il du bataillon de la police militaire, parce qu'ils étaient

2 déployés sur place également dans le secteur du lac ? Aviez-vous des

3 informations là-dessus, ou ceci vous était-il complètement étranger?

4 R. Je n'ai aucune information sur l'armée.

5 Q. Savez-vous quoi que ce soit sur le déploiement des JSO, sur leur

6 implication dans certaines opérations ?

7 R. Non.

8 Q. Je suppose que vous n'êtes pas en mesure de nous dire si les JSO

9 menaient à bien des opérations à l'est de la route Peje-Pristina au cours

10 de l'année 1998 ?

11 R. Non, je n'en sais rien.

12 Q. J'aimerais que nous parlions de votre propre implication, Monsieur

13 Markovic, notamment sur certaines des réponses que vous avez données par

14 rapport à votre déplacement à Dashinoc ou Dasinovac, lorsque l'on a

15 retrouvé les corps de Slobodan Radosevic et de Milos Radunovic.

16 Nous avons entendu Stanisa Radosevic et (expurgé)

17 (expurgé) nous dire que les maisons albanaises de Dasinovac avaient été

18 réduites en cendres et rasées. C'est dans cet état-là qu'elles étaient au

19 moment où les cadavres avaient été découverts. Quand pour la première fois,

20 êtes-vous allé à Dasinovac ?

21 R. C'était à ce moment-là, lorsque nous avons trouvé les cadavres de

22 Slobodan et Milos.

23 Q. Combien de temps après l'entrée des forces serbes dans le secteur vous

24 êtes-vous rendus sur place ?

25 R. Je ne sais pas. Quand les forces serbes sont arrivées. Nous y sommes

26 allés de notre propre initiative. Nous n'étions pas escortés.

27 Q. Vous avez dit en réponse à une question posée par M. Di Fazio, que vous

28 vous y étiez rendu dans un Pinzgauer, n'est-ce pas ?

Page 2376

1 R. Oui.

2 Q. Vous avez dit : "Nous étions tous en uniforme parce qu'il y avait

3 encore des tirs." C'est à la page 36, ligne 7. Y avait-il encore des tirs

4 dans ce secteur de Dasinovac au moment où vous y vous êtes rendus ?

5 R. Oui, des tirs sporadiques.

6 Q. Vous les entendiez ?

7 R. Oui.

8 Q. Ces maisons albanaises avaient-elles été réduites en cendres ?

9 R. Je n'étais pas en mesure de m'en rendre compte, de l'endroit où je me

10 trouvais. Je ne suis pas entré dans le village. La première maison à

11 proximité du lieu où nous nous trouvions était à 300 mètres de là. C'est la

12 maison de Marko Vukicevic. Après cette maison-là, il y en a plein d'autres,

13 mais on ne les apercevait pas de l'endroit où je me trouvais.

14 Q. Avez-vous vu de fumée s'élever dans le ciel, une fumée produite par les

15 tas de foin en flammes ?

16 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne faisais pas attention à ce genre de

17 chose.

18 Q. Quel a été l'itinéraire qu'a suivi votre Pinzgauer pour aller jusqu'à

19 Dasinovac ?

20 R. Nous avons pris la route de Ljubarda.

21 Q. Alors de Ljubarda jusqu'où, Pozar ?

22 R. Oui, Pozhare, le canal, Ljubarda, ensuite Dasinovac.

23 Q. En route, Monsieur Markovic, avez-vous vu des maisons en train de

24 brûler ?

25 R. Des maisons en flammes, non, je ne me souviens pas. Il y avait des

26 maisons qui avaient été complètement détruites par le feu. Je ne sais pas

27 s'il y en avait encore qui étaient en train de brûler à notre passage.

28 D'abord, ce qu'il faut dire c'est qu'il n'y avait pas beaucoup de maisons

Page 2377

1 le long de la route que nous avons empruntée.

2 Q. Parlez-nous des maisons que avaient été complètement détruites par le

3 feu. Où se trouvaient-elles ?

4 R. Le long de la route qui relie Decani à Luka et Pozar, même s'il n'y a

5 pas beaucoup de maisons le long de cet axe. Sur la route Pozar-Kordolija il

6 y a quelques maisons. Sur la gauche de la route, il y avait quelques-unes

7 de ces maisons. Il y a peut-être deux ou trois maisons le long de la route.

8 Il n'y en a pas tant que cela.

9 Q. Sans parler des maisons que vous avez vues, est-ce que vous avez

10 entendu des agents de police dire par la suite combien de maisons

11 albanaises avaient été brûlées ?

12 R. Je n'ai jamais posé la question.

13 Q. Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui vous intéressait, Monsieur

14 Markovic, en tant qu'agent de police ?

15 R. Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez dire.

16 Q. Savez-vous qui a mis le feu à ces maisons ?

17 R. Non.

18 Q. Ceci vous gênerait-il d'apprendre que des maisons albanaises auraient

19 été réduites en cendres par des policiers ?

20 R. Oui, ce serait déplaisant.

21 Q. Ce serait impardonnable, n'est-ce pas ? Impardonnable, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Ce que j'affirme, c'est que vous savez pertinemment bien qui était à

24 l'origine de tout cela, parce que vous avez participé aux pillages de

25 maisons et aux incendies qui ont suivi à Dasinovac. Attention, je ne suis

26 pas en train de plaisanter ici. Je suis en train de vous dire que vous avez

27 participé à ces actes.

28 R. Vous vous trompez, c'est tout.

Page 2378

1 Q. Avez-vous vu Stanisa Radosevic dans le secteur proche de Dasinovac au

2 moment où vous y allez, vous ?

3 R. Non.

4 Q. Puisque vous avez dit que vous le voyiez souvent à Decane, que vous

5 parliez avec lui de chose et d'autre, lui avez-vous dit que vous étiez sur

6 place lorsque le corps de son père a été découvert ?

7 R. Oui.

8 Q. Lui avez-vous dit cela ? Vous a-t-il dit que lui aussi se trouvait à

9 Dasinovac approximativement à cette période ?

10 R. Je ne me souviens pas qu'il m'ait dit qu'il s'était trouvé à Dasinovac.

11 Q. Parce qu'il y a quelques instants, lorsque je vous ai demandé quand

12 Stanisa Radosevic avait été mobilisé dans les rangs de la police de

13 réserve, vous nous avez dit que la seule chose dont vous étiez sûr c'est

14 qu'il avait été mobilisé à peu près à l'époque où ces corps avaient été

15 retrouvés à Dashinoc. Comment pouvez-vous être aussi sûr que cela qu'il

16 était alors dans les rangs de la police ?

17 R. Je suis sûr qu'il était là. Pourquoi, je ne sais pas. C'est simplement

18 quelque chose qui est gravé dans ma mémoire. Lui et moi, ensemble au sein

19 des rangs de la police.

20 Q. Eclairez-moi. Pourquoi ceci est-il gravé dans votre mémoire, s'il

21 n'était pas sur place --

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Il a dit qu'il n'en savait rien. Vous pouvez

23 le lire. C'est écrit dans le compte rendu. Vous posez la question et le

24 témoin répond : "Je ne sais pas."

25 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'en remets à vous, Monsieur le

26 Président.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'il faudrait d'abord essayer

28 de déterminer ce qui est gravé dans la mémoire du témoin.

Page 2379

1 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

2 Q. Expliquez-nous ce qui est gravé dans votre mémoire, Monsieur Markovic,

3 précisément.

4 R. Vous m'avez demandé si je me souvenais avec certitude de la date à

5 laquelle Stanisa a rejoint les rangs de la police et j'ai répondu, après y

6 avoir réfléchi, que c'était à peu près au moment où son père avait été

7 retrouvé qu'il avait rejoint la police. C'est cela qui est gravé dans ma

8 mémoire.

9 Q. Vous l'avez vu à ce moment-là ou à peu près, n'est-ce pas ?

10 R. Decani, c'est une petite bourgade. Il y a une rue en réalité,

11 évidemment on y rencontre tout le monde.

12 Q. Où était-il policier ?

13 R. Je crois que c'était à Decani. Cela doit être Decani. Je n'en suis pas

14 complètement sûr, mais cela doit être Decani.

15 Q. Vous le connaissez bien, n'est-ce pas ?

16 R. Assez bien.

17 Q. Vous êtes de bons amis ?

18 R. Il faut que je vous le répète, il y a 700 Serbes à Decani. Tout le

19 monde sait tout sur tout le monde. Il est impossible de ne pas connaître

20 quelqu'un.

21 Q. Pourriez-vous suggérer la moindre raison pour laquelle il aurait

22 souhaité nier devant ce Tribunal avoir jamais fait partie de la police ou

23 des forces de réserve de la police ?

24 R. Je n'en sais rien.

25 Q. C'est parce que vous et lui, avec Novak, Miloica, Goran et Momo

26 Stijovic, avez pillé et brûlé les maisons du village dont étaient

27 originaires vos parents, n'est-ce pas ?

28 R. Non, je n'étais pas avec lui. Je ne sais pas s'ils étaient là.

Page 2380

1 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais passer à autre chose. Je me demande

2 si nous pouvions faire la pause.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Il me reste à peu près

5 20 minutes.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui effectivement, comme vous nous

7 l'aviez indiqué, une heure et demie ne suffira pas.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, excusez-moi, j'ai besoin d'un peu plus

9 de temps que je l'avais prévu.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez 20 minutes, ensuite, Monsieur

11 Di Fazio, aurez-vous d'autres questions dans le cadre de l'interrogatoire

12 supplémentaire ?

13 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, j'en ai peur. Elles seront très brèves.

14 Je le saurai avec certitude au cours de la prochaine demi-heure. Elles

15 seront brèves, s'il y a des questions.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y aurait-il des questions des autres

17 équipes de la Défense ?

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très peu.

19 M. HARVEY : [interprétation] Je pense que Me Emmerson couvre toutes les

20 questions que nous souhaitions poser nous-mêmes à ce témoin.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La raison pour laquelle je vous

22 pose la question, c'est qu'il y a un autre témoin. Je dois vous dire

23 également que nous commencerons une demi-heure plus tard que d'habitude

24 demain. Nous n'aurons pas toute la journée par rapport à ce que nous avons

25 l'habitude. Par conséquent …

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

28 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 2381

1 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre.

2 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

3 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi de vous

4 interrompre, s'agissant du temps nécessaire.

5 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

6 M. EMMERSON : [interprétation] Si nous prenons une pause aussi longue que

7 d'habitude, il restera que peu de temps avant 19 heures.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Sous réserve de ce qu'auront à dire les

10 autres équipes de la Défense, je pense que nous pourrions faire très bref

11 s'agissant du témoin à venir. Je parle de l'interrogatoire principal

12 notamment.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Il se peut que nous gagnions du temps, en

15 fait, à l'entendre demain plutôt qu'à le commencer ce soir. Je doute que

16 son interrogatoire principal et son contre-interrogatoire durent très

17 longtemps.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. La Chambre hésite un peu

19 à perdre une demi-heure, s'il reste une demi-heure ce soir. Nous allons

20 voir pendant la pause ce qu'en pense la Section de l'aide aux Victimes et

21 aux Témoins s'agissant de la santé du témoin. Nous n'excluons pas de

22 poursuivre une fois ce témoin-ci terminé.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Parfait.

24 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire la pause jusqu'à

26 18 heures 10.

27 --- L'audience est suspendue à 17 heures 51.

28 --- L'audience est reprise à 18 heures 14.

Page 2382

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, vous pouvez reprendre.

2 M. EMMERSON : [interprétation]

3 Q. Monsieur Markovic, je voudrais poser des questions sur ce qui s'est

4 passé lorsque vous êtes allé dans le secteur du canal pendant cette période

5 où l'on retirait les cadavres du canal. Dans votre déclaration préalable de

6 témoin, vous avez dit que lorsque vous êtes arrivé au canal du lac

7 Radonjic, il y avait ce que vous avez décrit comme étant des policiers et

8 la police scientifique qui étaient déjà sur les lieux. Est-ce que vous

9 savez à quelle date cela est arrivé ?

10 R. Non.

11 Q. Combien de temps cela a duré dans le secteur du canal ? Depuis combien

12 de temps était-elle en cours lorsque vous êtes arrivé, le savez-vous ?

13 R. Non.

14 Q. Est-ce que des cadavres avaient déjà été retirés au moment où vous êtes

15 arrivé ?

16 R. Je ne crois pas.

17 Q. Vous ne pensez pas qu'il y a eu de cadavres qui étaient enlevés au

18 moment où vous êtes arrivé ?

19 R. Je ne crois pas qu'on les ait enlevés.

20 Q. Je vois. Est-ce qu'il y avait des représentants de la presse lorsque

21 vous êtes arrivé sur place ?

22 R. Je ne me rappelle pas.

23 Q. Vous rappelez-vous s'il y avait des observateurs de la communauté

24 internationale sur place au moment où vous êtes arrivé, ou pendant que vous

25 vous trouviez là ?

26 R. Je ne sais pas s'il y en avait.

27 Q. Est-ce que vous êtes trouvé au canal avant ou après qu'on ait récupéré

28 les cadavres à Dasinovac ?

Page 2383

1 R. Après.

2 Q. Vous en êtes sûr ?

3 R. Je crois que c'était comme cela.

4 Q. Je ne comprends pas votre réponse. Je vous demande si vous êtes sûr que

5 vous êtes rendu dans le secteur du canal après avoir été à Dasinovac, ou

6 est-ce que vous êtes trouvé au canal avant d'aller à Dasinovac ?

7 R. Non, non, c'était après Dasinovac.

8 Q. Lorsque vous êtes allé à Dasinovac, saviez-vous qu'il y avait une

9 opération qui était déjà en cours dans le secteur du canal ?

10 R. Non.

11 Q. L'un des observateurs de la communauté internationale qui s'est rendu

12 dans le secteur du canal le 9 septembre ou autour de cette date, a dit

13 qu'alors qu'il s'approchait du lac venant de la direction de Prilep, il

14 avait pu voir combien il y avait de maisons dans le secteur qui avaient été

15 incendiées et que les meules de foin étaient encore en feu.

16 Là encore, pourriez-vous nous aider avec cela, s'il vous plaît.

17 D'après vos souvenirs, est-ce que vous avez vu des maisons et des meules de

18 foin en feu dans le secteur proche du canal ?

19 R. Prilep est très loin du canal. Je ne suis pas passé par Prilep. Je ne

20 peux pas vous dire quoi que ce soit à ce sujet.

21 Q. Est-ce que vous avez vu des forces serbes engagées dans des opérations

22 pendant lesquelles vous vous rendiez en voiture en route vers le canal ?

23 R. Je ne crois pas.

24 Q. Combien de jours êtes-vous allé au canal ? Est-ce que vous y êtes allé

25 une fois ou plusieurs fois ?

26 R. Je crois que je n'y suis allé qu'une seule fois.

27 Q. Vous dites qu'il y avait là des policiers actifs. Que voulez-vous dire

28 par "policiers actifs" ?

Page 2384

1 R. Je suis un policier de réserve et eux c'étaient des policiers d'active.

2 Ils étaient des policiers de carrière pleinement employés par la police.

3 Q. Cela se passait à la fin de l'été. Pour autant que vous puissiez vous

4 en souvenir, comment était la température au moment où vous étiez là ?

5 R. Il ne faisait pas froid. C'était le climat habituel. Pas trop chaud,

6 pas de nuage, juste le type de temps habituel.

7 Q. Il n'y avait pas eu de grande pluie pendant que vous étiez là ?

8 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, non.

9 Q. Maintenant vous saviez, n'est-ce pas, qu'il y avait eu une grande

10 offensive serbe dans le secteur immédiatement avant cela, n'est-ce pas ?

11 R. Non, je ne le savais pas.

12 Q. Monsieur Markovic, vous saviez, n'est-ce pas, que les forces serbes

13 avaient pris le contrôle de Gllogjan et Irzniq et de tous ces villages qui

14 se trouvaient là immédiatement avant que cette opération n'ait eu lieu ?

15 R. Non.

16 Q. Pourquoi avez-vous l'impression que la police pouvait s'y rendre en

17 toute sécurité ?

18 R. Si quelqu'un vous dit, vous pouvez aller là-bas, il n'y a pas de

19 problèmes de sécurité et si c'est une personne qui appartient au poste de

20 police, je suppose qu'il n'y avait pas de problèmes pour que nous puissions

21 y aller.

22 Q. Pour que nous soyons bien au clair, vous n'aviez aucune idée qu'il y

23 avait eu là des combats dans le secteur entre les forces serbes et l'UCK

24 autour de Gllogjan et Irzniq dans les voisinages au cours des journées et

25 semaines qui ont précédé le moment où vous êtes allé au canal ?

26 R. Pas à ce moment-là. J'ai appris plus tard qu'il y avait eu des combats,

27 mais pas à ce moment-là.

28 Q. Vous avez appris plus tard qu'il y avait eu des combats, c'est bien

Page 2385

1 cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Combien de temps après que vous soyez allé à Dasinovac, êtes-vous allé

4 au canal ?

5 R. Ce n'a pas duré longtemps, une semaine approximativement, plus ou

6 moins.

7 Q. Voyez-vous, maintenant avec tout le respect que je vous dois, Monsieur

8 Markovic, ce n'est tout simplement pas possible d'après les documents que

9 nous avons concernant cette opération de récupération. Si vous avez raison

10 en disant que vous avez été au canal après Dasinovac, il faut que c'eut

11 été, le lendemain ou dans un délai d'un ou deux jours. Est-ce que vous

12 pensez que peut-être cela était dans un délai d'un ou deux jours ?

13 R. Je pourrais être d'accord avec vous, mais je ne peux pas vous donner un

14 délai précis. Cela aurait pu être deux jours, cela aurait pu être une

15 semaine. Je sais que ces deux incidents étaient proches l'un de l'autre,

16 mais je ne pourrais pas dire exactement.

17 Q. Lorsque vous étiez à Dasinovac, vous nous avez dit que vous aviez

18 entendu des bruits de tirs, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, j'ai dit que j'avais entendu des tirs intermittents.

20 Q. Vous saviez qu'il y avait des combats qui se déroulaient au moment où

21 vous étiez à Dasinovac, n'est-ce pas ?

22 R. Ce que nous avons entendu à ce moment-là ne révélait pas qu'il y avait

23 des combats très durs. C'était juste des coups de feu sporadiques.

24 Q. Voyez-vous, là encore nous pouvons écouter cela une autre fois. Sur

25 cette séquence vidéo où l'on voit le canal pendant l'opération de

26 récupération qui était en cours, il est possible d'entendre des coups de

27 feu. Est-ce que vous aviez conscience de ces coups de feu pendant que vous

28 étiez au canal ?

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1 R. Je ne vous comprends pas. Vous voulez dire au moment précis ou avant

2 cela ?

3 Q. Lorsque vous étiez au canal, le seul jour où vous êtes allé là-bas,

4 avez-vous entendu des coups de feu pendant que vous vous trouviez au

5 canal ?

6 R. Je ne me souviens pas.

7 Q. Je voudrais vous poser la question suivante : vous nous avez dit que

8 vous avez appris par la suite qu'il y avait eu des combats dans le secteur;

9 est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Je vais vous demander ceci : en laissant cet incident de côté pour le

12 moment, savez-vous d'une façon générale ce que les forces paramilitaires

13 serbes ont fait avec les cadavres des civils qu'ils avaient tués ?

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. Vous ne savez pas comment ils s'en sont débarrassés ?

16 R. Je ne sais pas.

17 Q. Est-ce que vous étiez au courant d'une pratique consistant à essayer de

18 cacher des cadavres de citoyens albanais ?

19 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est la troisième fois. S'il vous plaît,

20 Monsieur le Président, "Savez-vous d'une façon générale que" --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est rejeté.

22 Maître Emmerson, nous ne cherchons pas à savoir cinq ou six fois quelque

23 chose, veuillez poursuivre.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Non, non, c'est une question différente en

25 ce qui concerne une pratique spécifique que je pose maintenant.

26 Q. Est-ce que vous aviez connaissance d'une pratique des paramilitaires

27 qui essayaient de cacher des cadavres de citoyens albanais qui avaient été

28 tués ?

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1 R. Non, je ne sais pas.

2 Q. Il est probable maintenant, pourtant vous êtes au courant, n'est-ce

3 pas, par les médias, si ce n'est d'une part ailleurs, qu'un grand nombre de

4 cadavres, de civils albanais, y compris des civils qui avaient été tués

5 dans le Kosovo occidental, ont été envoyés en Serbie et cachés là-bas. Vous

6 savez cela, n'est-ce pas ? On est encore en train de les rapatrier au

7 Kosovo, n'est-ce pas ?

8 R. J'en ai entendu parler dans les médias.

9 Q. Il s'agit de cadavres de personnes qui ont été classés dans des

10 conteneurs et cachés dans le Danube. Vous avez entendu parler de cela ?

11 R. Oui, j'en ai entendu parler seulement dans les médias.

12 Q. Ceux qui ont été enterrés dans les fosses communes en Serbie et qui

13 sont maintenant en train d'être rapatriés en Albanie, vous en avez entendu

14 parler aussi à Batajnica ?

15 R. Non, je n'ai pas entendu parler de cela.

16 Q. Est-ce que vous savez qu'ils faisaient partie --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, je suis en train de me

18 demander la pertinence de --

19 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis simplement en train d'aller en ce

20 sens.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

22 M. EMMERSON : [interprétation]

23 Q. Est-ce que vous savez si quelqu'un avait été tué ou est-ce que vous

24 avez appris si quelqu'un avait été tué par des forces serbes au cours de

25 l'offensive de septembre dont vous nous aviez dit que vous aviez appris

26 qu'elle avait eu lieu plus tard ?

27 R. On entendait des récits à ce sujet, mais rien de concret. C'était des

28 histoires selon lesquelles il y avait des gens qui avaient été tués au

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1 cours des échanges de coups de feu.

2 Q. Est-ce que vous avez entendu dire ce qu'on avait fait de leurs

3 cadavres ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que vous avez jamais visité la ferme pendant que vous étiez en

6 train de procéder à cette opération, pendant que vous étiez présent dans le

7 secteur du canal ? Il y avait à côté une ferme économique. Est-ce que vous

8 y êtes allé vous-même ?

9 R. Non.

10 Q. Je vais vous poser la question suivante et je voudrais que vous fassiez

11 très attention avec votre réponse. Faites très attention à votre réponse.

12 Lorsque vous êtes arrivé sur les lieux du canal ou à un moment quelconque

13 pendant que vous étiez là, est-ce que vous avez vu des cadavres entiers qui

14 flottaient en haut dans la partie du canal qui était en béton, ciment ?

15 R. Je ne me rappelle pas avoir vu de cadavres flotter dans l'eau.

16 Q. Juste pour qu'on soit bien au clair, je vous parle du tronçon du canal

17 qui était en ciment, pas de la ravine qui se trouvait plus bas. Je vous

18 parle du secteur du canal qui était en ciment, en béton. Je suggère qu'il y

19 avait des cadavres de personnes qui avaient été tuées récemment et qui

20 flottaient dans l'eau dans le tronçon en ciment du canal. Est-ce que vous

21 les avez vus ?

22 R. Non.

23 Q. Maintenant, vous nous avez dit déjà que, pour autant que vous le

24 sachiez, aucun cadavre n'avait été enlevé de cet endroit. C'est toujours

25 exact, n'est-ce pas ?

26 R. Oui, pour autant que je sache, oui.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Madame l'Huissière, je me demande si je peux

28 vous demander de présenter ceci au témoin, aux Juges de la Chambre et à

Page 2390

1 l'Accusation, présenter un exemplaire de cette photographie, s'il vous

2 plaît.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, il faudrait une

4 cote et un numéro pour cette pièce qui va bientôt apparaître sur le système

5 électronique; c'est bien cela ?

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

7 pièce numéro D31, cote provisoire aux fins d'identification.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que ceci pourrait être

9 placé sur le rétroprojecteur.

10 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

11 Q. Voici une photographie, Monsieur Markovic, qui a été prise d'un jeu de

12 photographies apparemment prises pendant l'opération de récupération. Est-

13 ce que vous voyez ces deux cadavres qui flottent dans l'eau, là. Encore, je

14 vous demande, ayant vu cette photographie, est-ce que vous voyiez ces deux

15 cadavres ?

16 R. Non.

17 Q. Voyez-vous, parce que, Monsieur Markovic, ces deux cadavres

18 n'apparaissaient dans aucune des autopsies. Ils ont tout simplement

19 disparus. On ne les a pas comptés. Est-ce que vous pourriez nous aider du

20 tout et nous dire pourquoi ces cadavres de personnes qui avaient été si

21 récemment tuées pourraient avoir disparu ? Est-ce qu'il y a quelque chose

22 que vous auriez vu qui pourrait nous aider à ce sujet ?

23 R. Non, je ne sais rien à ce sujet. Je n'ai aucune idée.

24 Q. Où se trouvaient les victimes des paramilitaires serbes ? Où est-ce

25 qu'on s'en débarrassait dans ce secteur, Monsieur Markovic ?

26 R. Je ne sais pas.

27 Q. Lorsque vous avez emmené des cadavres de ce secteur, d'où les avez-vous

28 pris ?

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1 R. Nous les avons chargés sur un véhicule et on les a emmenés à Djakovica.

2 Q. Ce que je vous ai demandé c'est d'où vous les avez pris exactement ? Où

3 les avez-vous pris ?

4 R. De l'endroit où se termine la partie en béton du canal et où commence

5 le passage où il n'y a pas de couverture de ciment ou de béton.

6 Q. Si je peux utiliser cette expression, c'est dans la partie ravine,

7 c'est à cet endroit-là que vous enleviez les cadavres ?

8 R. Oui.

9 Q. Y a-t-il eu un moment où les cadavres d'hommes et de femmes ont été

10 alignés dans des lignes séparées dans le secteur du canal ?

11 R. Je ne sais pas.

12 Q. Je voudrais maintenant vous poser des questions concernant ces Roms

13 dont vous nous avez parlé. Que faisaient-ils ?

14 R. Vous voulez dire plus particulièrement en ce qui concerne le canal ?

15 Q. Commençons avec cela. Quelles fonctions remplissaient-ils en ce qui

16 concerne le canal ?

17 R. Ils ont aidé à récupérer les cadavres qui se trouvaient dans le canal.

18 Q. Qui était-ce ?

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. Est-ce que c'était des policiers ?

21 R. Non, c'était des civils.

22 Q. Y avait-il une raison quelconque pour laquelle des civils roms étaient

23 utilisés pour cette tâche ?

24 R. Je n'en ai aucune idée.

25 Q. Est-ce que vous saviez si soit ces civils roms ou d'autres civils roms

26 étaient employés ou utilisés par la police pour d'autres tâches ?

27 R. Je ne sais pas.

28 Q. Là encore, de façon à ce que nous soyons bien au clair, est-ce que cela

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1 veut dire que vous ne saviez pas s'il y avait d'autres circonstances dans

2 lesquelles des civils roms avaient été utilisés par la police ?

3 R. Je ne sais pas.

4 Q. C'était un problème de traduction. J'aurais juste besoin d'une réponse

5 claire à la question, si possible. Est-ce que, oui ou non, vous avez

6 connaissance d'autres circonstances dans lesquelles des civils roms

7 auraient été employés ou utilisés par la police dans une forme quelconque

8 d'enquête, une sorte d'enquête ?

9 R. Je n'en ai pas connaissance. Je n'en sais rien.

10 Q. Merci. Je n'ai plus de questions.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Emmerson.

12 Maître Guy-Smith.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 Monsieur Markovic, votre contre-interrogatoire va se poursuivre. C'est Me

16 Guy-Smith, le représentant de M. Balaj, qui va vous poser des questions.

17 Allez-y, Maître Guy-Smith.

18 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :

19 Q. [interprétation] Pendant que vous retiriez les corps de la section

20 ravinée du canal, comme nous l'avons appelée, avez-vous aperçu une voiture

21 dans les environs ?

22 R. Il y avait un véhicule. Il y avait des voitures de police et une

23 ambulance, je crois.

24 Q. Je parle d'une voiture qui se serait trouvée dans la section ravinée du

25 canal, une voiture sur le toit, à l'endroit même ou vous récupériez les

26 cadavres.

27 R. Peut-être, je ne m'en souviens plus.

28 Q. Vous n'avez aucun souvenir de cela ? Pendant combien de temps êtes-vous

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1 resté sur place dans cette partie ravinée du canal à retirer les corps,

2 Monsieur ?

3 R. Trois ou quatre heures.

4 Q. Vous êtes resté trois ou quatre heures dans la section ravinée du

5 canal. Avez-vous également parcouru à pied le secteur qui se trouve

6 directement en contrebas de l'endroit où la dalle en béton du canal ?

7 R. Oui, dans les environs.

8 Q. Vous nous dites ici aujourd'hui, que vous ne vous souvenez pas s'il y

9 avait une voiture renversée dans le secteur; c'est cela ?

10 R. Je ne me souviens plus. Je ne faisais pas attention. Je n'exclus pas la

11 possibilité qu'il y ait eu une voiture, mais je ne m'en souviens plus.

12 Q. Vous souvenez-vous de qui que ce soit qui aurait tenté de faire levier

13 pour essayer de soulever la voiture en utilisant un grand morceau de bois

14 pour soulever cette voiture qui se trouvait au fond du canal ?

15 R. Non.

16 Q. Merci.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harvey.

18 M. HARVEY : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser au témoin.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.

20 Nouvel interrogatoire par M. Di Fazio :

21 Q. [interprétation] Aux environs du canal, avez-vous aperçu des

22 paramilitaires ?

23 R. Non.

24 Q. Avez-vous vu des conteneurs ?

25 R. Je ne sais pas ce que vous entendez par "conteneurs."

26 Q. Je ne sais pas, un conteneur qui est utilisé pour transporter des

27 matériaux.

28 R. Non.

Page 2394

1 Q. Avez-vous aperçu des cadavres de personnes tuées récemment sur les

2 bords de la partie ravinée du canal ?

3 R. Non.

4 Q. En réponse aux questions de Me Emmerson, vous avez dit qu'il y avait

5 des unités de forces spéciales qui gardaient des unités d'artillerie de la

6 VJ. Savez-vous quand vous avez appris que les JSO gardaient les unités

7 d'artillerie de la VJ ?

8 M. EMMERSON : [interprétation] Avant que le témoin réponde, là je crois

9 qu'il y a confusion dans l'esprit de M. Di Fazio entre deux parties

10 distinctes de la déclaration du témoin.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, pourriez-vous, s'il

12 vous plaît, donner des références précises lorsque vous évoquez les

13 réponses données par le témoin et nous indiquer les passages pertinents.

14 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

15 Page 76, Messieurs les Juges.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, un instant.

17 M. DI FAZIO : [interprétation] On a demandé au témoin s'il savait ce que

18 voulait dire JSO.

19 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Il a répondu que c'étaient des unités

21 chargées d'opérations spéciales.

22 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

23 M. DI FAZIO : [interprétation] Ensuite, il y a eu des questions sur Frenki.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. DI FAZIO : [interprétation] Ensuite, on lui a demandé --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais --

27 M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- je recherche sa réponse, puisque

Page 2395

1 c'est ce que vous avez dit. Vous avez dit au témoin, vous avez, en réponse

2 à des questions de Me Emmerson, dit qu'il y avait --

3 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais aider. Il y a eu deux types de

4 questions distincts. D'abord, des questions qui ont porté sur le fait que

5 les JSO gardaient les unités de l'artillerie de la VJ, c'est en page 78,

6 ligne 11. Le témoin a confirmé que c'était bien le cas et que les JSO

7 avaient une base à proximité du monastère de Decani.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si vous voulez dire au témoin qu'il

9 a confirmé que ces forces spéciales gardaient bien l'artillerie de la VJ,

10 je ne retrouvais pas cela dans les réponses du témoin. Mais si vous

11 m'indiquez l'endroit où il a confirmé cela, très bien. Je vois la question.

12 La question se trouve en page 76, à la ligne 8, 9 disons. La seule question

13 posée a été de savoir à quoi correspondait le sigle JSO. Je ne vois pas de

14 confirmation donnée par le témoin.

15 M. DI FAZIO : [interprétation] Ecoutez --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Or, c'est là-dessus que reposait votre

17 question.

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Voici la question de Me Emmerson : "Les

19 documents qui ont été déposés par cette personne autour du 24 mars

20 indiquent qu'il y avait des unités d'artillerie de la VJ aux environs de

21 Decani défendues par les JSO."

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est bien la question, mais pas la

23 réponse. Je ne vois pas d'éléments indiqués par le témoin sur ce point.

24 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais tirer cela au clair.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Je crois que M. Di Fazio devrait examiner ce

26 qui figure à la ligne 11 de la page 78.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je trouve une confirmation, mais

28 pas très exactement de ce que dit M. Di Fazio.

Page 2396

1 M. DI FAZIO : [interprétation] Il me semble que Me Emmerson guidait le

2 témoin vers cette confirmation. Nous n'avons pas obtenu de réponse claire

3 de sa part.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce que vous avez fait, vous,

5 Monsieur Di Fazio, c'est de faire référence aux réponses données par le

6 témoin. Les réponses ne disent rien. Vous pourriez obtenir de lui certaines

7 réponses afin d'essayer d'obtenir confirmation de ce qui n'a pas été

8 demandé précisément par

9 Me Emmerson au moment du contre-interrogatoire. J'aimerais que l'on soit

10 précis dans les références données.

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, non, bien sûr, vous avez raison, et je

12 --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez obtenir des informations

14 supplémentaires de la part du témoin, je n'y vois pas d'inconvénient.

15 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, revenons à des questions plus simples

16 et plus directes.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 M. DI FAZIO : [interprétation]

19 Q. A votre connaissance, les JSO assuraient-elles la garde des unités

20 d'artillerie de la VJ ?

21 R. Je n'en sais rien.

22 Q. On vous a posé des questions sur leur présence dans le secteur.

23 Etaient-elles présentes dans votre secteur en même temps que les unités de

24 l'artillerie de la VJ ?

25 R. Je pense.

26 Q. Bien. Pourriez-vous nous donner une idée du moment où cela aurait pu se

27 produire, pour la Chambre de première instance, à savoir le moment où les

28 JSO et les unités d'artillerie de la VJ se sont trouvées dans le secteur en

Page 2397

1 même temps ?

2 R. Je crois que c'était en mai, fin avril. En mai à peu près, à ma

3 connaissance.

4 Q. Merci.

5 M. DI FAZIO : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

6 Président.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 Questions de la Cour :

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à vous poser, Monsieur

11 le Témoin, quelque chose qui continue à me gêner un peu. Peut-être avez-

12 vous compris en entendant les questions de Me Emmerson, qu'il essayait de

13 déterminer pourquoi vous étiez si certain que - quel est son nom déjà,

14 Maître Emmerson --

15 M. EMMERSON : [interprétation] Stanisa.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- que Stanisa était avec vous au sein

17 de la police à l'époque et certainement pas après le moment où vous avez

18 retrouvé le corps de son père. Etes-vous certain que vous n'êtes pas allé

19 sur place avec lui ? Etes-vous certain que vous n'êtes pas allé avec lui à

20 l'endroit où le cadavre de son père a été retrouvé ? Que vous n'y êtes pas

21 allé avec lui plus tard ? Etes-vous certain qu'il ne vous a pas parlé du

22 fait qu'il aimerait y aller ?

23 R. Je suis sûr qu'il n'était pas avec moi à ce moment-là. Je suis sûr que

24 je n'y suis pas allé avec lui. Nous avons parlé de l'endroit où le corps de

25 son père a été découvert.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes également sûr qu'il ne vous a

27 pas dit qu'il y est allé ?

28 R. J'en suis certain, je suis sûr, que nous ne sommes pas rentrés dans les

Page 2398

1 détails et que nous n'avons pas parlé qu'il ait pu s'y rendre plus tard. Je

2 n'en sais rien.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, il y a vraisemblablement un petit

4 désaccord sur le moment où il est devenu membre des forces de police. Etes-

5 vous certain qu'il n'a pas d'une quelconque manière participé à l'opération

6 que vous décrivez, à savoir l'opération qui s'est déroulée plus tard dans

7 le secteur du canal du lac Radonjic ?

8 R. Je n'en sais rien. Je ne sais pas s'il était là ou pas.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pensez-vous que ce soit possible ?

10 R. Il faisait partie de la police, non ? C'était possible. C'était un

11 policier de réserve. Ce faisant, je ne pense pas qu'il aurait pu être là.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous étiez vous aussi policier de

13 réserve.

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourquoi pourrait-on se surprendre qu'il

16 soit là alors que c'était un policier de réserve et que vous étiez aussi

17 policier de réserve ?

18 R. Je ne faisais que monter la garde sur les lieux. Je n'ai pas participé

19 à l'opération.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie d'avoir répondu à ces

21 questions.

22 Ceci met à un terme à votre déposition. Je ne pense pas que les

23 parties souhaitent vous poser d'autres questions. Bien, ceci met

24 effectivement un terme à votre déposition. J'aimerais vous remercier d'être

25 venu jusqu'à La Haye pour répondre aux questions des parties et de la

26 Chambre. Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous

27 raccompagner, Monsieur Markovic.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] De rien.

Page 2399

1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au cas où pour tout ce ne serait pas

3 encore tout à fait clair, la pièce P39 est versée au dossier, puisque le

4 compte rendu ne le reflétait pas de manière claire.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P39, c'est la vidéo. C'est la vidéo.

7 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous en avons parlé, mais nous n'avions

9 pas rendu de décision tout à fait claire. Il n'y a pas eu d'objection, je

10 crois.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, j'aimerais demander le versement au

12 dossier de la photo.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame la Greffière, il y a déjà

14 une cote n'est-ce pas attribuée à ce document ? C'est le document D31.

15 Y a-t-il des objections ?

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, il est versé au dossier.

18 M. EMMERSON : [interprétation] S'agissant du passage que j'ai soumis au

19 témoin de la déclaration préalable de son frère, --

20 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

21 M. EMMERSON : [interprétation] -- j'ai demandé à M. Di Fazio ce qu'il en

22 pensait. Soit nous pourrions demander le versement au dossier de la

23 déclaration préalable une fois qu'une cote sera attribuée à ce document,

24 soit Me Di Fazio pourrait procéder à une stipulation établissant que le

25 passage que j'ai présenté au témoin fait bien partie de la déclaration

26 préalable de témoin. Il y a bien signature du témoin à la date pertinente.

27 Nous allons éventuellement y réfléchir ce soir et nous vous dirons ce que

28 nous en pensons demain.

Page 2400

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Il y a trois autres pièces. Vous nous avez

3 donné la possibilité de répondre.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que --

5 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est P30, D30 et les carnets de note

6 d'Andjelkovic, je crois.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement.

8 Maître Emmerson, je sais que les questions demeurent en suspens, mais

9 elles ne sont pas urgentes, toutes ces questions.

10 M. EMMERSON : [interprétation] Non, en effet.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous avons encore dix minutes.

12 Nous pouvons faire deux choses. Soit nous renvoyons le témoin dans son

13 hôtel, ce qui n'est pas très élégant, soit nous l'invitons à entrer dans le

14 prétoire et nous lui faisons faire sa déclaration solennelle. Nous

15 l'interrogeons pendant quelques minutes et nous lui expliquons quelle est

16 la situation. Je crois que cela sera la meilleure manière de procéder.

17 Madame l'Huissière, j'aimerais que vous fassiez entrer le témoin suivant

18 dans le prétoire.

19 Y a-t-il des mesures de protection, Monsieur Di Fazio ?

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Une chose avant.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais que nous passions en audience à

23 huis clos partiel.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, votre témoin suivant sera ?

25 M. DI FAZIO : [interprétation] Momcilo Antic.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Momcilo Antic.

27 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

Page 2401

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonsoir, Monsieur Antic. M'entendez-vous

2 dans une langue que vous comprenez ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Antic, avant de déposer devant

5 ce Tribunal, le Règlement de procédures et de preuve exige que vous

6 prononciez une déclaration solennelle dont le texte va vous être remis par

7 Mme l'Huissière. Je vous invite à bien vouloir prononcer cette déclaration

8 solennelle.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 LE TÉMOIN: MOMCILO ANTIC [Assermenté]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur

14 Antic.

15 Monsieur Antic, tout d'abord j'aimerais vous présenter mes excuses. Vous

16 avez dû attendre extrêmement longtemps cet après-midi. La Chambre sait que

17 votre voyage vous a sans doute épuisé. En réalité, nous pensions pouvoir

18 consacrer un peu plus de temps à votre témoignage ce soir.

19 Nous allons commencer à vous poser quelques questions, mais très

20 brièvement. Nous poursuivrons demain. Au moins vous avez vu le prétoire,

21 sans quoi vous auriez pu être préoccupé de ce à quoi vous vous exposiez en

22 venant déposer ici. Quoi qu'il en soit, nous allons procéder à votre

23 interrogatoire pendant une dizaine de minutes et nous poursuivrons demain.

24 C'est d'abord M. Di Fazio qui représente le bureau du Procureur, qui va

25 vous poser des questions.

26 Monsieur Di Fazio.

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

28 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :

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1 Q. [interprétation] Monsieur Antic, j'aimerais parcourir quelques

2 informations vous concernant à l'attention de la Chambre.

3 Veuillez confirmer les éléments suivants.

4 Vous vous appelez Momcilo Antic, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai entendu le témoin, mais peut-être

8 que le témoin devrait se rapprocher un petit peu du micro, sans quoi j'ai

9 peur que les interprètes ne l'entendent pas. Je vous demanderais de bien

10 vouloir parler directement dans le micro. Vous avez confirmé être Momcilo

11 Antic, n'est-ce pas ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

13 M. DI FAZIO : [interprétation]

14 Q. Merci. Vous avez un petit surnom, n'est-ce pas, Momo ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous êtes né le 12 juillet 1962 ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous êtes Serbe et vous avez passé le plupart de votre vie au Kosovo,

19 n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Où êtes-vous né ?

22 R. A Locane, dans le village de Locane.

23 Q. Combien d'années aviez-vous passé à Locane en 1998 ?

24 R. Vingt-sept ans.

25 Q. Avec qui viviez-vous à Locane ?

26 R. Avec ma famille; ma femme, deux fils, mon père.

27 Q. Bien, j'aimerais que vous nous parliez de votre vie au tout début de

28 1998. Dans quel village viviez-vous et avec qui viviez-vous et que faisiez-

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1 vous à l'époque ?

2 R. Je vivais à Locane avec mes deux fils, mon épouse et mon père. Mes

3 cousins étaient là aussi, ma tante, mes voisins et mes amis.

4 Q. Très bien. Nous en reparlerons. Dans votre foyer, vous étiez présent

5 avec votre père à vos côtés, vos deux fils et votre épouse, ou y avait-il

6 également vos cousins et votre tante dans le même bâtiment ?

7 R. Non, non. Ils avaient leur propre maison et j'avais la mienne.

8 Q. Qui vivait chez vous, dans votre maison, sous le même toit que vous ?

9 R. Chez moi ?

10 Q. Oui. Chez vous, oui.

11 R. Mon père, moi-même, ma femme et nos deux fils.

12 Q. Merci. Quel était votre emploi ?

13 R. J'étais réceptionniste dans une usine à Istinic, une usine qui

14 fabriquait des pompes.

15 Q. Combien d'années avez-vous travaillé dans cette usine d'Istinic avant

16 1998 ?

17 R. Pendant huit ans. Après cela, j'ai rejoint les forces de police de

18 réserve de Decani, le SUP de Decani.

19 Q. Tirons ce point-ci au clair. Quand avez-vous rejoint les forces de

20 réserve de la police ?

21 R. En 1990, et j'y suis resté jusqu'au dernier jour au moment où j'ai été

22 blessé.

23 Q. Vous avez fait partie des forces de réserve de la police à plein

24 temps ? C'était votre occupation quotidienne ?

25 R. Je rejoignais les forces de réserve chaque fois que cela s'avérait

26 nécessaire, pas à temps plein, pas tous les jours. J'étais affecté cinq à

27 six mois d'affilée, ensuite je cessais d'y servir pendant un mois à peu

28 près, puis je reprenais.

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1 Q. Très bien. Au cours de la période qui a précédé 1998, alliez-vous à

2 l'usine d'Istinic ? Y travailliez-vous ?

3 R. Non, pas en 1998. En 1998, j'étais au sein de la police.

4 Q. Bien. D'accord. Donc, en 1998 vous n'alliez plus à l'usine, et chaque

5 jour vous accomplissiez les tâches qui vous revenaient en tant que policier

6 de réserve, si j'ai bien compris ?

7 R. Oui, effectivement, pendant toute l'année 1998, jusqu'à ce que je sois

8 blessé. Par la suite, j'ai été envoyé à l'hôpital de l'académie militaire

9 de Belgrade, et je n'ai plus été en mesure d'exercer mes fonctions.

10 Q. Bien. Merci beaucoup.

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'heure

12 est venue.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

14 Monsieur Antic, comme je vous l'ai dit, votre déposition d'aujourd'hui

15 allait être très brève. Nous reprendrons demain à

16 14 heures 45 dans une autre salle d'audience, la salle d'audience numéro I,

17 mais on vous y accompagnera.

18 Madame l'Huissière, je vous demande de bien vouloir accompagner M. Antic

19 hors du prétoire.

20 Nous nous reverrons demain, Monsieur Antic, mais d'abord, je dois vous

21 ordonner de n'aborder avec qui que ce soit la teneur de la déposition que

22 vous avez faite aujourd'hui, même si elle a été relativement courte, et de

23 celle que vous serez amené à faire demain.

24 Madame l'Huissière.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais passer en audience à huis

27 clos partiel pour une petite seconde.

28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

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1 partiel, Monsieur le Président.

2 [Audience à huis clos partiel]

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9 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 4 avril

10 2007, à 14 heures 45.

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