Page 4061
1 Le lundi 14 mai 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le
6 prétoire.
7 Madame la Greffière, le numéro de l'affaire, je vous prie.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il
9 s'agit de l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj et
10 consorts.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
12 Avant de demander à l'Accusation de faire entrer le témoin suivant,
13 j'aimerais que soit consigné au compte rendu d'audience le fait que dans un
14 courriel, la Section chargée des Victimes et des Témoins a annoncé que le
15 Témoin 68 mesurait 1 mètre, 58 centimètres. Est-ce que c'est une taille sur
16 laquelle les deux parties peuvent se mettre d'accord ?
17 Maître Guy-Smith.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pour ce qui me concerne, la réponse à cette
19 question est oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
21 Maître Harvey, Maître Emmerson ? Je vois que vous hochez tous deux de la
22 tête, ce que je comprends comme étant une réponse affirmative.
23 Monsieur Di Fazio.
24 M. DI FAZIO : [interprétation] J'ai toute confiance dans la capacité de la
25 Section chargée des Victimes et des Témoins de mesurer une personne, en
26 l'occurrence le témoin.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
28 Je suppose que ceci représente également une adhésion par rapport à
Page 4062
1 la mesure dont j'ai parlé tout à l'heure, donc une réponse affirmative. Je
2 vous remercie.
3 Monsieur Di Fazio, le témoin suivant, pas de mesures de protection
4 jusqu'à présent, comme je peux le lire sur le document que j'ai devant mes
5 yeux, même si on aurait pu s'attendre à ce qu'une telle demande soit
6 présentée compte tenu de la déclaration de 2006 --
7 M. DI FAZIO : [interprétation] En effet, en effet.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- mais ce n'est pas le cas.
9 M. DI FAZIO : [interprétation] Un point simplement, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
11 M. DI FAZIO : [interprétation] Je me propose de demander le versement au
12 dossier de la déclaration 92 ter de ce témoin.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
14 M. DI FAZIO : [interprétation] Il y a des références dans les quelques
15 derniers paragraphes, notamment au paragraphe 29 qui vont jusqu'à la fin de
16 la déclaration, à la nécessité de confidentialité.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
18 M. DI FAZIO : [interprétation] Je me demandais comment nous pourrions
19 procéder ? J'ai parcouru les diverses versions de la déclaration 92 ter;
20 l'une de ces versions est intégrale et comporte tous les paragraphes, et
21 une autre se présente avec les paragraphes en question couverts de noir.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien, nous pourrions --
23 M. DI FAZIO : [interprétation] Interdisant la lecture de ces paragraphes au
24 public.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A toute utilisation par le public.
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, et sous pli scellé.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
28 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense que nous pourrions procéder de
Page 4063
1 cette façon.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les deux versions ont été
3 chargées dans le système électronique ? Je crois que --
4 M. DI FAZIO : [interprétation] On me dit que le système est prêt.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, est-ce que la
6 version publique et la version non destinée au public ont le même numéro,
7 ou est-ce que chaque document se verra attribué un numéro séparé ? Bien.
8 Dans ce cas, nous pourrions peut-être entendre le numéro de la
9 déclaration 92 ter qui est interdite au public.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
11 pièce 270, enregistrée aux fins d'identification à conserver sous pli
12 scellé.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La version publique sera donc la pièce
14 271, enregistrée aux fins d'identification et qui n'aura pas besoin d'être
15 conservée sous pli scellé; c'est bien cela ?
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois au compte rendu d'audience que
20 j'ai peut-être fait un lapsus en disant que le Témoin 68 mesurait 1 mètre
21 58. Il s'agit bien sûr du Témoin 61 dont la taille a été mesurée. Je
22 demande que ceci soit corrigé au compte rendu d'audience.
23 Maître Emmerson.
24 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais vous donner mon avis au sujet de
25 la déclaration du témoin.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Emmerson.
27 M. EMMERSON : [interprétation] En effet, c'est une question qu'il
28 appartient à la Chambre de trancher. Mais les déclarations préalables ne
Page 4064
1 sont pas référencées correctement s'agissant des sources. Je ne pense pas
2 que quiconque hésiterait à les considérer comme fiables, mais en tout cas
3 elles relèvent désormais de l'article 92 ter du Règlement.
4 Je regarde le paragraphe 35 de la version consolidée de la déclaration du
5 témoin qui, je crois, correspond au paragraphe 23 de la déclaration 92 ter.
6 Avec le respect que je dois à la Chambre, je dirais qu'on n'y trouve pas la
7 mention d'un seul élément qui pourrait faire l'objet d'une déposition de
8 témoin. Donc, le témoin peut en parler dans sa déposition bien sûr, mais --
9 M. DI FAZIO : [interprétation] Je n'ai aucun problème par rapport à votre
10 avis sur ce point.
11 M. EMMERSON : [interprétation] Les témoins MOCE, sauf votre respect, ne
12 sont pas censés présenter des déductions quant aux relations que l'on peut
13 faire par rapport à un élément d'information partiel et une situation
14 globale générale. Je dis cela pour que cela figure au compte rendu
15 d'audience. Donc, pas d'objection s'agissant d'admettre la déclaration 92
16 ter, mais l'admission devra faire l'objet d'une décision en temps utile.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. M. Di Fazio est d'accord là-dessus
18 ?
19 M. EMMERSON : [interprétation] Apparemment. J'aimerais dire cependant que
20 dans la déclaration du témoin, il y a des éléments qui sont tout à fait
21 inadmissibles et qui ne devraient pas se retrouver dans une déclaration 92
22 ter, car inclure un élément dans une déclaration 92 ter est déjà une
23 manière d'accepter une pièce à conviction.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
25 Monsieur Di Fazio, êtes-vous prêt ?
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que l'autre conseil de la
28 Défense est d'accord avec ce qu'a dit Me Emmerson ?
Page 4065
1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, en effet.
2 M. HARVEY : [interprétation] Tout à fait.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
4 Monsieur Di Fazio ?
5 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre que votre témoin
7 suivant est M. Pappas ?
8 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous êtes prêt à le faire entrer, je
10 demanderais que M. l'Huissier fasse entrer le témoin dans le prétoire.
11 M. DI FAZIO : [interprétation] J'ai l'intention de lire le résumé de la
12 déposition, cela peut se faire bien en présence du témoin.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est même une nécessité.
14 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Pappas. M'entendez-
17 vous dans une langue que vous comprenez ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends dans quelle langue vous venez
20 de vous exprimer, je suppose que vous déposerez en anglais ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, merci. Avant que votre déposition
23 ne commence, Monsieur Pappas, je vous signale que le Règlement de ce
24 Tribunal requiert de vous que vous prononciez la déclaration selon laquelle
25 vous affirmez que vous direz la vérité, toute la vérité et rien que la
26 vérité. Pouvez-vous lire le texte de cette déclaration sur le petit carton
27 que vous tend M. l'Huissier ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je déclare
Page 4066
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4067
1 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
2 vérité.
3 LE TÉMOIN: ACHILLEAS PAPPAS [Assermenté]
4 [Le témoin répond par l'interprète]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur
6 Pappas.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous serez d'abord interrogé par M. Di
9 Fazio. Je ne sais pas si ce dernier vous a expliqué comment les choses se
10 passent, mais votre déposition est pour partie une déclaration écrite. M.
11 Di Fazio va donner lecture d'un résumé de votre déclaration écrite pour que
12 le public en soit informé, mais ce n'est pas un résumé de votre déposition.
13 Plus tard, vous avez à répondre à des questions oralement qui concerneront
14 cette déclaration écrite. La lecture en question a uniquement pour but
15 d'informer le public et de rendre tout à fait transparent le processus qui
16 se déroule dans le prétoire.
17 Monsieur Di Fazio, veuillez procéder.
18 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Voici le résumé de la déclaration d'Achilleas Pappas aux termes de
20 l'article 92 ter du Règlement :
21 "Achilleas Pappas est officier des forces aériennes grecques. Au début du
22 mois de janvier 1998, il a été envoyé en Bosnie-Herzégovine avec la Mission
23 européenne de vérification. En juillet 1998, il a été transféré au Kosovo.
24 Il faisait partie de l'équipe de Pec 1 pour la MOCE qui était basée à Pec.
25 Il a commencé ses missions de vérification qui incluaient de suivre le
26 déplacement des troupes serbes, les réunions des représentants de
27 communautés locales, de recueillir des informations au sujet de l'UCK.
28 "Le territoire sur le plan géographique dans lequel il faisait son
Page 4068
1 travail incluait la zone s'étendant au sud jusqu'à la municipalité de
2 Djakovica, au nord jusqu'à la frontière monténégrine, à l'est jusqu'à la
3 municipalité de Klina et à l'ouest jusqu'à la frontière albanaise.
4 "Il a constaté que les forces serbes contrôlaient les grandes villes,
5 telles que Pec et Djakovica, ainsi que les grandes routes reliant ces
6 villes à l'ouest du Kosovo. Des postes de contrôle serbes existaient sur
7 ces grandes routes.
8 "Lorsqu'il a observé les postes de contrôle de l'UCK, il s'est rendu compte
9 que ces postes de contrôle sur la route reliant Pec à Djakovica étaient
10 tenus par de jeunes gens sur la portion de route qui se situe au nord de
11 Decane. Il a vu la même chose sur la route reliant Pec à Pristina. Les
12 jeunes gens qui tenaient ces barrages routiers ne déclaraient pas être
13 membres de l'UCK. Mais dans les zones situées un peu en dehors de la route
14 Pec-Djakovica, au sud de Decane, il a remarqué la présence de barrages
15 routiers de l'UCK.
16 "Dans les villages situés à la campagne, il a constaté que l'UCK
17 bénéficiait d'un appui public de la part de villageois de la région, mais
18 lors des conversations privées, il a constaté que certains villageois
19 avaient un peu peur de l'UCK. Il a remarqué que l'UCK occupait tous les
20 villages situés en dehors des grandes routes. Toutefois, une fois il a vu
21 un char serbe et des soldats serbes qui pillaient et mettaient le feu à un
22 village au sud de la route Pec-Pristina.
23 "Dans le cadre de sa mission, il a participé à la rédaction de rapports et
24 a eu des informations détaillées au sujet des activités menées par son
25 équipe. Grâce à ces rapports, il est capable de commenter un certain nombre
26 de documents qui rendent compte en détail des activités des observateurs
27 internationaux de la MOCE.
28 "Le 17 septembre 1998, il s'est rendu au tribunal local de Pec, et a parlé
Page 4069
1 à des représentants de ce tribunal. Suite à cela, il s'est rendu dans une
2 morgue de fortune sise dans un hôtel de Djakovica et dans la zone située
3 non loin du lac Radonjic le 18 septembre 1998. Il y a vu 24 os mortuaires.
4 Après avoir visité la zone du canal, il s'est rendu dans une ferme toute
5 proche en compagnie de représentants officiels serbes et a vu des câbles
6 qui étaient censés avoir servi à ligoter les victimes. Sur l'un de ces
7 câbles, on voyait encore ce qu'il a pensé être des cheveux humains. Il a
8 également vu un petit terrain d'exercice dans cette ferme, et a remarqué
9 des cibles destinées à la pratique du tir avec des impacts de balles et
10 d'autres équipements qui semblaient constituer une course d'obstacle.
11 "M. Pappas a rencontré Ramush Haradinaj une fois le 11 août 1998. Des
12 questions lui seront posées oralement sur cette rencontre au cours de sa
13 déposition. Il le décrit comme un homme posé qui exerçait un contrôle
14 strict sur ses subordonnés."
15 Voilà le résumé de la déclaration écrite du témoin, Monsieur le Président.
16 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi de me lever.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
18 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais demander à M. Di Fazio - même si
19 c'est peut-être un malentendu qui est dû à moi - mais j'aimerais savoir de
20 quel paragraphe de la déclaration intégrale sont tirées la première et la
21 deuxième phrase du paragraphe 3 du résumé dont il vient d'être donné
22 lecture.
23 M. DI FAZIO : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas de quel passage vous
25 parlez exactement, Monsieur Di Fazio --
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne sais pas très bien pourquoi, mais mon
27 exemplaire semble incomplet. Cela se trouve sans doute au paragraphe 11.
28 Oui.
Page 4070
1 M. EMMERSON : [interprétation] C'est peut-être un malentendu mais je ne
2 vois pas qu'il soit fait mention de barrages routiers sur les grandes
3 routes qui seraient tenus par des jeunes gens autres que des Serbes dans ce
4 paragraphe 11. Sauf le respect que je dois à la Chambre, cela ne me semble
5 pas correspondre. Car il était fait référence à des barrages routiers sur
6 des territoires situés en dehors de la grande route.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
8 M. EMMERSON : [interprétation] Et bien --
9 M. DI FAZIO : [interprétation] Ils circulaient tous les jours sur la route
10 Pec-Djakovica --
11 M. EMMERSON : [interprétation] Les deux premières phrases du paragraphe 3
12 du résumé, et même les trois première phrases du paragraphe 3, semblent
13 indiquer qu'il y avait des barrages routiers qui étaient tenus par des
14 hommes en armes qui manifestement n'étaient pas Serbes, et cela ne me
15 semble pas reprendre ce qui est dit dans la déclaration intégrale écrite.
16 M. DI FAZIO : [interprétation] Excusez-moi. En fait, ces barrages routiers
17 étaient en dehors de la grande route --
18 M. EMMERSON : [interprétation] Le résumé dit : "Sur la grande route."
19 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le résumé ne constitue pas une pièce à
21 conviction, on doit lire "en dehors de la grande route."
22 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui --
23 M. EMMERSON : [interprétation] Dans la deuxième phrase, on doit lire
24 également "en dehors de la grande route."
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Me Emmerson a tout à fait raison. Pour le
26 compte rendu d'audience, il convient de lire que ces barrages routiers
27 tenus par des jeunes gens se trouvaient "en dehors des grandes routes."
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
Page 4071
1 Monsieur Di Fazio, veuillez procéder.
2 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.
3 Monsieur le Président, je me demandais si l'on pourrait montrer au témoin
4 la version publique de sa déclaration 92 ter qui est la pièce à conviction
5 271.
6 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :
7 Q. [interprétation] Monsieur Pappas, je vais vous soumettre diverses
8 versions de votre déclaration préalable; l'une est destinée au public,
9 l'autre sera traitée à huis clos partiel. Je vous demanderais pour
10 l'instant de vous pencher sur la version qui vient de vous être remise et
11 que vous pouvez voir à l'écran.
12 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais qu'on fasse défiler le texte
13 jusqu'à la signature, à l'écran.
14 Q. Monsieur Pappas, est-ce que c'est votre signature que l'on voit au bas
15 de ce document ?
16 R. Oui.
17 Q. On y trouve des détails au sujet d'un certain nombre d'entretiens, des
18 lieux où ont eu lieu ces entretiens et des personnes qui vous ont interrogé
19 pour rédiger cette déclaration préalable. Tous ces détails sont-ils exacts
20 ?
21 R. Pour autant que je puisse le voir, tout est exact.
22 Q. Très bien. Vous avez eu la possibilité de relire cette déclaration que
23 vous avez faite devant plusieurs représentants du bureau du Procureur de ce
24 Tribunal ?
25 R. Je l'ai relue et je l'ai signée, et lue encore après signature.
26 Q. Est-ce que les renseignements qu'on trouve dans ce document
27 correspondent à ceux que vous fourniriez si vous étiez interrogé
28 aujourd'hui sur les mêmes sujets ?
Page 4072
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4073
1 R. Oui.
2 Q. Merci.
3 M. DI FAZIO : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, je ne crois pas
4 que j'aie besoin de poser les mêmes questions au témoin pour chaque page de
5 sa déclaration et pour chaque signature sur ces différentes pages. Je
6 demande donc immédiatement le versement au dossier de ce document.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, l'article 92 ter
8 (A)(iii) exige que le témoin dise bien qu'il dirait la même chose que dans
9 sa déclaration. Vous lui avez posé une question qui revient à peu près à
10 cela, mais il faut que lui posiez cette question deux fois.
11 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pappas, est-ce que vous
13 fourniriez les mêmes réponses si vous étiez interrogé aujourd'hui sur
14 toutes ces questions ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections contre le versement ? Pas
17 d'objection. La déclaration 92 ter, je parle de la version publique, pièce
18 à conviction 271, est versée au dossier.
19 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Pas d'objection de ma part, Monsieur le
21 Président, sauf votre respect --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous aviez déjà exprimé un avis --
23 M. EMMERSON : [interprétation] -- je parlais de l'admissibilité de
24 certaines conclusions.
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien, merci.
26 J'aimerais maintenant que nous passions à huis clos partiel.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, nous sommes à huis clos partiel,
Page 4074
1 Monsieur le Président.
2 [Audience à huis clos partiel]
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 4075
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 [Confidentialité levée par une ordonnance ultérieure de la Chambre]
8 M. DI FAZIO : [interprétation]
9 Q. Monsieur Pappas, vous avez remis aux parties et à la Chambre de
10 première instance un certain nombre de renseignements qui figurent dans
11 votre déclaration écrite. Je vais maintenant vous interroger au sujet des
12 grands domaines que l'on voit détaillés dans cette déclaration faite devant
13 les représentants du bureau du Procureur au sujet des événements qui ont eu
14 lieu le 11 août 1998.
15 R. Oui.
16 Q. Le 11 août 1998, depuis combien de temps vous trouviez-vous à peu près
17 au Kosovo ?
18 R. Depuis à peu près un mois, peut-être un peu moins.
19 Q. A ce moment-là, est-ce que vous aviez déjà circulé sur toutes les
20 grandes routes qui reliaient les grandes villes, et notamment sur la route
21 reliant Pec à Decani et à Djakovica ?
22 R. Presque tous les jours, sauf les trois ou quatre premiers jours.
23 Pratiquement tous les jours, je circulais pour mieux connaître la région, y
24 compris dans la ville de Pec.
25 Q. Est-ce que l'une des missions d'observation qui étaient les vôtres
26 consistaient à observer les combats qui opposaient les forces serbes et
27 l'UCK ?
28 R. C'est exact, oui.
Page 4076
1 Q. Le 11 août 1998, est-ce que vous êtes parti en patrouille, selon
2 l'expression consacrée ?
3 R. Oui, nous avons eu la même activité que tous les jours.
4 Q. Vous avez voyagé dans quelles conditions, ce jour-là ?
5 R. Nous avions notre propre Land Rover blindé et nous avions des
6 inscriptions sur les véhicules qui étaient en deux langues; serbe et
7 albanais.
8 Q. Le véhicule à bord duquel vous vous trouviez, ce Land Rover, est-ce
9 qu'il arborait des insignes ou des inscriptions particulières ?
10 R. Tous les véhicules arboraient des insignes et des inscriptions.
11 Q. Très bien. Quels étaient ces insignes et inscriptions ? Qu'est-ce qu'on
12 lisait sur ces inscriptions, en d'autres termes ?
13 R. On y lisait un seul mot : "observateurs", en deux langues, en langue
14 serbe et en langue albanaise. Les véhicules étaient également équipés de
15 drapeaux de grande taille de l'Union européenne et de deux drapeaux plus
16 petits.
17 Q. Il serait peut-être bon que vous vous rapprochiez du micro quand vous
18 répondez pour qu'on puisse vous entendre, car ce n'était pas le cas jusqu'à
19 présent.
20 D'ailleurs, je vous indique également la nécessité d'attendre la fin
21 de mes questions avant de commencer à répondre, puisque nous sommes
22 interprétés et il ne faut pas que notre dialogue se déroule plus vite qu'un
23 dialogue normal.
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Je voudrais vous montrer une photographie.
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Je voudrais que l'on montre au témoin
27 la pièce 65 ter --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais toujours pas quels sont ces
Page 4077
1 petits drapeaux dont vous parlez.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de deux petits drapeaux de mon pays,
3 deux petits drapeaux de la Grèce, un qui était à l'avant de la voiture et
4 l'autre à l'arrière.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
6 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien.
7 Je vais montrer une photo, s'il vous plaît. Pouvez-vous montrer au
8 témoin la photographie 1334 de la liste 65 ter, s'il vous plaît ?
9 Q. Il s'agit bien d'une photographie de votre véhicule?
10 R. Oui.
11 Q. Pour ce véhicule, nous voyons ces fameux insignes dont vous nous avez
12 parlé; sur les portières il y a ces fameuses décalcomanies qui montrent
13 bien que c'est un véhicule de la Commission européenne ?
14 R. Oui, très bien.
15 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais poursuivre avec une autre chose,
16 car il y a une date --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, Monsieur Di Fazio,
18 vous avez demandé à passer à huis clos partiel au début de la session
19 puisque vous vouliez montrer au témoin la version non publique de sa
20 déclaration, mais je pense que nous pourrions maintenant revenir en
21 audience publique.
22 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, j'ai oublié. J'en suis désolé.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons revenir en audience
24 publique, et la Chambre décide que tout ce qui a été dit en audience à huis
25 clos partiel après la confirmation de la déclaration confidentielle du
26 témoin sera rendu public.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
28 [Audience publique]
Page 4078
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4079
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
2 Allez-y, Monsieur Di Fazio.
3 M. DI FAZIO : [interprétation]
4 Q. Parlons de cette photographie, puisque maintenant nous sommes en
5 audience publique. Vous avez dit que c'était votre véhicule et celui de
6 votre équipe; pour cette photographie, j'ai encore une chose à vous
7 demander. La date est-elle correcte ou non ?
8 R. Non, la date n'est pas correcte.
9 Q. Pourquoi donc ?
10 R. J'avais acheté l'appareil photo en Bosnie lorsque j'étais en mission
11 là-bas, mais malheureusement je n'arrivais pas à le faire fonctionner
12 correctement parce qu'il était programmé dans une langue que je ne
13 comprenais pas.
14 Q. Je crois que vous avez dit que vous aviez acheté cela au PXO norvégien.
15 C'est une espèce de magasin pour officier, c'est cela ?
16 R. Absolument.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais verser la photographie au
18 dossier.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, donnez-nous une
20 cote.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P272 marquée pour
22 identification.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, pas d'objection ?
24 Donc cela est versé au dossier.
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.
26 Q. Pouvez-vous maintenant nous dire ce que vous avez fait le 11 août quand
27 vous êtes parti avec votre patrouille, et qui était dans l'équipe ?
28 R. Il y avait moi-même bien sûr, Wolfgang Kaufmann, un Allemand. Il y
Page 4080
1 avait un visiteur de Belgrade qui s'appelait Penti, il était Finlandais. Il
2 y avait aussi un interprète au cas où nous quittions la route et nous
3 aurions pénétré dans le territoire tenu par l'UCK, nous voulions avoir un
4 interprète albanais avec nous.
5 Q. Très bien. Mais qui était le chef d'équipe ?
6 R. C'était l'Allemand, Wolfgang Kaufmann.
7 Q. Très bien. Vous avez parlé d'un visiteur qui venait du CR Belgrade; CR,
8 c'est le raccourci de centre régional, "Regional centre" en anglais ?
9 R. Oui, tout à fait.
10 Q. Ce jour-là, vouliez-vous observer des combats ?
11 R. Dès qu'on est parti vers le sud, en route vers Decani à partir de Pec,
12 bien sûr, parce qu'on était stationnés à Pec, on a entendu des explosions
13 d'obus au loin et on a essayé de s'approcher. C'était notre but, notre
14 mission.
15 Q. Mais quelle était la direction que vous avez empruntée, quel était
16 l'endroit qui vous intéressait plus particulièrement ?
17 R. Comme toujours, on allait vers le sud, on allait vers Decani, voire
18 plus loin, jusqu'à Djakovica éventuellement. Alors qu'on avait quitté la
19 route entre Decani et Djakovica, là on est partis plutôt vers l'est.
20 Q. Mais pourquoi avez-vous quitté la route ? Pourquoi avez-vous quitté la
21 grande route ? Quelle était la raison qui vous a poussé à cela ?
22 R. Nous savions que c'était un endroit où il y avait une présence très
23 importante de l'UCK en ce qui concerne notre zone de responsabilité.
24 Q. Mais pourquoi ne pas prendre la grande route pour aller au sud ?
25 R. Nous avons entendu des explosions d'obus, donc nous avons saisi
26 l'occasion, du moins Wolfgang, M. Kaufmann, a décidé d'emprunter une petite
27 route plutôt que la grande route pour ne pas être retardés ou être arrêtés
28 à des points de contrôle serbes.
Page 4081
1 Q. Très bien, je vous comprends. Donc vous vouliez arriver le plus vite
2 possible à un endroit bien précis ?
3 R. Oui.
4 Q. Mais dans une situation idéale, vous auriez peut-être pu vous y rendre
5 par la grande route ?
6 R. Oui, on aurait pu, certes, mais on aurait pu être retardés
7 éventuellement.
8 Q. Mais qu'est-ce qui aurait pu vous retarder si vous aviez emprunté cette
9 grande route ?
10 R. Parfois, quand les Serbes ne voulaient pas que l'on voie certaines
11 choses, ils prenaient l'excuse de raisons de sécurité pour nous empêcher de
12 passer. Alors, il fallait palabrer, et après finalement on pouvait passer.
13 Q. Si j'ai bien compris, vous avez quitté la grande route parce que vous
14 aviez peur de vous faire arrêter par les Serbes à un moment ou un autre sur
15 un point de contrôle ?
16 R. Tout à fait.
17 Q. Vous souvenez-vous exactement de la route que vous avez empruntée après
18 avoir quitté la grande route pour vous rendre là où vous étiez ?
19 R. Je pense que je me souviens pratiquement de tous les villages, enfin
20 pas de tous, mais presque tous les villages de la route.
21 Q. Vous allez regarder la pièce D32 pour vous aider à vous rafraîchir la
22 mémoire.
23 Monsieur Pappas, nous avons bien sûr une carte affichée sur l'écran.
24 R. Très bien.
25 Q. A droite de l'écran que vous avez sous les yeux - peut-être que
26 l'huissier pourrait vous aider - il y a un stylet magique qui va vous
27 permettre d'annoter l'écran tactile.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez aider le
Page 4082
1 témoin.
2 M. DI FAZIO : [interprétation]
3 Q. Avec ce stylet magique, vous pourrez nous marquer exactement la
4 route que vous avez empruntée. Je vais vous demander de procéder à cet
5 exercice. Mais il faudrait peut-être que la carte soit un peu agrandie. Je
6 suis intéressé par le quart supérieur gauche de la carte.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Si vous pouviez zoomer encore un peu.
8 Q. Vous avez la carte. S'il vous plaît, dites-nous quelle route vous avez
9 empruntée, en nous donnant le nom des villages que vous avez emprunté
10 jusqu'à l'endroit où vous êtes arrivé ce jour-là.
11 R. Nous sommes partis de Pec, donc vers le sud, vers Rausic. De là -- je
12 crois qu'il faudra agrandir la carte parce que vraiment je n'arrive pas du
13 tout à la lire.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a un problème, parce que si l'on
15 commence à annoter la carte avec le stylet magique et si l'on zoome
16 ensuite, on annule les marquages. Je suggérerais --
17 M. EMMERSON : [interprétation] Je peux peut-être vous venir en aide, car
18 nous avons des copies papier format A3, je pense que si le témoin a cette
19 copie papier A3 sous les yeux, il pourra ensuite se repérer sur la carte
20 tactile.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
22 Monsieur Pappas, est-ce que cela vous aiderait si vous aviez cette copie de
23 la carte ? Cela vous aiderait, je pense, ensuite à repérer les endroits sur
24 la carte qui est à l'écran. Car nous vous invitons vraiment à faire les
25 marquages sur la carte à l'écran et non sur la carte papier.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Donc nous avons quitté la grande
27 route aux environs de Rausic. Ensuite, on a suivi cette petite route de
28 campagne jusqu'à Krusevac --
Page 4083
1 M. DI FAZIO : [interprétation]
2 Q. Pourriez-vous nous l'indiquer ?
3 R. Krusevac se trouve ici.
4 Ensuite, nous sommes allés vers Brolic qui se trouve un peu au sud de
5 Krusevac, à peu près ici, je pense. Puis nous avons atteint Ljumbarda,
6 Donja Luka, Pozar et enfin Rznic.
7 Q. Merci. Avez-vous marqué toutes ces localités ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas encore.
9 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
10 M. DI FAZIO : [interprétation]
11 Q. Merci.
12 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais que l'on verse cette carte au
13 dossier.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, une cote ?
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P273, marquée pour
16 identification.
17 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La pièce est versée au
19 dossier.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] Je remercie l'aide de Me Emmerson avec sa
21 carte papier.
22 Q. J'aimerais savoir maintenant, Témoin, ce que vous avez vu le long de
23 cette route. Ne me parlez pas de ce qui s'est passé à Rznic. J'aimerais
24 savoir ce qui s'est passé lors du voyage.
25 Y avait-il des postes de contrôle ?
26 R. Oui, de temps en temps il y en avait à Rausic et au-delà aussi.
27 Parfois, un point de contrôle, il y avait un gros d'ailleurs à Krusevac.
28 Q. Mais de quel type de points de contrôle s'agissait-il ?
Page 4084
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4085
1 R. Il s'agissait de points de contrôle qui étaient tenus par des civils.
2 Ce n'était pas des gens en uniforme.
3 Q. Faisaient-ils partie d'une organisation quelconque ?
4 R. Je ne peux pas répondre, parce que si l'on demandait s'ils faisaient
5 partie de l'UCK, parce qu'ils n'avaient pas d'uniforme, personne
6 n'admettait qu'ils étaient membres de l'UCK. Ils disaient qu'ils étaient
7 combattants, mais pas membres de l'UCK.
8 Q. Avez-vous vu des insignes sur leurs vêtements ?
9 R. Non. A ce moment-là, aucun -- pas juste avant Krusevac.
10 Q. Que s'est-il passé à Krusevac ?
11 R. A ce moment-là, on a vu des gens qui quittaient la zone, des civils.
12 Q. Je vous parle des points de contrôle.
13 R. Jusqu'à Rznic, nous n'avons pas rencontré des points de contrôle.
14 Q. Très bien, mais avez-vous vu des civils lors de ce voyage à Rznic ?
15 R. Oui, tout à fait. De Krusevac pratiquement jusqu'à Kodralija, on en a
16 vu énormément; Kodralija, qui est juste à côté de Rznic.
17 Q. Vous nous dites que vous en avez vu beaucoup, mais combien exactement ?
18 Pouvez-vous nous donner un ordre d'idée ?
19 R. En gros, je peux juste vous dire à peu près 2 500, 3 000. Ça, c'est une
20 estimation assez vague.
21 Q. S'agissait-il de civils ? Etaient-ils tous albanais ?
22 R. Oui, tous.
23 Q. Comment se déplaçaient-ils ?
24 R. A pied. Certains avaient des charrettes tirées par des chevaux et
25 d'autres des tracteurs.
26 Q. Alors que vous approchiez de Rznic à ce moment-là, est-ce que vous
27 entendiez les obus qui tombaient ?
28 R. Oui. Plus on rapprochait de Rznic, plus on entendait les obus
Page 4086
1 fortement.
2 Q. Très bien. Vous étiez en train d'arriver dans une zone de bombardement,
3 zone de pilonnage ?
4 R. Oui.
5 Q. A ce moment-là, aviez-vous la moindre idée de l'endroit où ou avaient
6 lieu ces pilonnages ?
7 R. On se disait que cela devait être de Rznic à Babaloc. Il s'agit d'une
8 zone qui fait environ dix kilomètres.
9 Q. Alors que vous vous déplaciez le long de la route et que vous voyiez
10 tous ces convois de réfugiés, avez-vous demandé l'aide de quelqu'un, d'un
11 guide ?
12 R. Des gens ont essayé de trouver une hauteur, un endroit où on serait en
13 sûreté et où on pourrait bien voir ce qui se passait.
14 Q. Oui, c'est ce que vous essayiez de faire, mais comment est-ce que vous
15 y êtes arrivés ?
16 R. A Kodralija, cet endroit qui était à côté de Rznic, il y avait un jeune
17 homme qui nous a dit qu'il pourrait nous amener sur les hauteurs de la
18 sorte. Donc, Kaufmann lui a dit : "Ecoutez, montez dans la voiture et venez
19 avec nous."
20 Q. Où vous a-t-il emmenés ?
21 R. Il nous a emmenés directement à Rznic. Rznic n'est pas vraiment une
22 hauteur.
23 Q. Il vous a laissés à Rznic ensuite, ce jeune homme ?
24 R. Oui, oui, tout à fait.
25 Q. Merci. Maintenant, je vous parle de ce qui s'est passé à Rznic. Tout
26 d'abord, les pilonnages étaient-ils autour de Rznic ou dans Rznic ?
27 R. Il y avait beaucoup de pilonnages près de Rznic, un peu dans Rznic,
28 mais les obus principalement ont tombé au sud-est de Rznic.
Page 4087
1 Q. Très bien. Maintenant, que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés à
2 Rznic ?
3 R. Une fois qu'on est arrivés à Rznic, la ville était complètement
4 abandonnée. Il n'y avait absolument personne. L'endroit était désert. On
5 est arrivés dans la place du village, cela doit être la place principale du
6 village. On a arrêté la voiture. On est descendus de la voiture. On
7 essayait de voir s'il y avait qui que ce soit aux alentours, et j'ai vu que
8 Penti essayait de convaincre Kaufmann que l'endroit était trop dangereux et
9 qu'il devenait pire. Il a décidé en effet que l'on allait partir.
10 Q. Vous avez essayé de partir, qu'est-ce qui s'est passé ?
11 R. On est remontés dans la voiture. On a fait un demi-tour pour essayer de
12 s'en aller, et une petite jeep est arrivée avec deux hommes à bord, et ils
13 nous ont empêchés de passer.
14 Q. Etaient-ils en uniforme ?
15 R. Oui. Ils avaient une espèce d'uniforme allemand.
16 Q. Quel genre "d'uniforme allemand" ? S'agissait-il d'un uniforme de
17 camouflage ?
18 R. Ça ressemblait bien à l'uniforme allemand. Ça ressemblait beaucoup aux
19 uniformes que j'avais vu en Bosnie pour la première fois.
20 Q. Très bien. Donc, il s'agissait d'uniformes de camouflage, mais ça
21 ressemblait à l'uniforme de camouflage allemand.
22 R. Oui.
23 Q. Y avait-il des insignes sur les uniformes ?
24 R. Oui, l'insigne de l'UCK, en effet.
25 Q. L'UCK ou ALK ?
26 R. Oui, ALK, UCK.
27 Q. Etaient-ils armés ?
28 R. Oui.
Page 4088
1 Q. Très bien. Vous ont-ils posé des questions ?
2 R. Oui, ils nous ont arrêtés. Ils nous ont demandé qu'est-ce qu'on faisait
3 là, qui on était, ce genre de questions-là. Ils nous ont demandé de faire à
4 nouveau demi-tour et de revenir dans Rznic.
5 Q. Lors de votre premier contact avec ces hommes, y a-t-il eu toujours des
6 pilonnages ?
7 R. Oui, oui. On s'est arrêtés pratiquement au même endroit que le premier
8 endroit où nous nous étions arrêtés. Ils nous ont demandé de les suivre
9 dans une cour qui était entourée de hauts murs. Ils nous emmenaient vers
10 une maison, il y a eu une explosion, explosion d'un obus, qui était juste à
11 côté de la maison.
12 Q. Très bien.
13 R. A 40 mètres à peu près.
14 Q. Merci.
15 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais que le témoin regarde deux
16 photographies rapidement. Il s'agit des pièces 1331 de la liste 65 ter, les
17 pages 13 à 14 de cette pièce.
18 Q. Si vous pouvez regarder ces photographies et nous dire si vous
19 reconnaissez quoi que ce soit.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] Une à la fois tant que cela s'affiche --
21 Q. Reconnaissez-vous cet endroit ?
22 R. Oui.
23 Q. De quoi s'agit-il ?
24 R. C'est pris depuis la route que nous avons empruntée pour entrer dans
25 Rznic. On voit cet endroit qui était complètement recouvert d'herbe, cette
26 place herbeuse. A gauche, où est la voiture, c'est là qu'on a garé notre
27 voiture, avec la porte de garage qui va vers la cour de la maison.
28 Q. Merci.
Page 4089
1 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on voir l'autre photo, s'il vous plaît.
2 Q. J'imagine que c'est exactement une photo du même endroit ?
3 R. Oui, absolument.
4 Q. Très bien.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, ces deux
6 photographies sont --
7 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, les annexes B et C à
9 la déclaration du témoin ne me semblent pas très claires. Je voudrais
10 vérifier. Il y a trois pièces jointes, or les documents dont le témoin nous
11 parle ne font pas partie de ces pièces jointes ?
12 M. DI FAZIO : [interprétation] Non. Je ne vais pas peut-être d'ailleurs
13 verser ces photographies puisque --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous n'avez pas besoin puisqu'elles
15 font déjà partie de la déclaration et elles ont déjà été versées avec la
16 déclaration.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien. Merci.
18 Q. J'aimerais savoir si vous avez parcouru Rznic soit à pied, soit en
19 voiture avec ces deux hommes de l'UCK ?
20 R. Non, on venait de rentrer dans la maison quand l'obus a explosé.
21 Ils étaient peut-être un petit peu inquiets à propos de notre sécurité,
22 alors ils nous ont dit : Maintenant vous pouvez partir, et on est rentrés
23 dans la voiture pour s'en aller.
24 Q. Mais avant de faire cela, avez-vous vu des dégâts ? Est-ce qu'on vous a
25 montré les dégâts qui ont été occasionnés à Rznic ?
26 R. Pas dans ce quartier de Rznic.
27 Q. Donc vous avez décidé de partir, avez-vous essayé de partir ?
28 R. Oui, on a quitté le portail, on a passé par le portail de la maison,
Page 4090
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4091
1 puis on a vu encore un groupe de personnes. Ils étaient cinq ou six. Ils
2 venaient vers nous. Ils étaient encore membres de l'UCK. Ils étaient eux
3 aussi en uniforme et ils avaient l'air assez mécontents.
4 Q. Très bien. Il s'agissait d'hommes en uniforme et armés qui arboraient
5 des insignes de l'UCK sur leurs uniformes ?
6 R. Oui, tout à fait. Comme les autres.
7 Q. Très bien. Que s'est-il passé ensuite ?
8 R. Ils étaient absolument furieux. Ils étaient très énervés. Ils nous ont
9 dit de les suivre, ils nous ont montré les endroits qui venaient d'être
10 pilonnés, comme la mosquée qu'on voit d'ailleurs à droite de la
11 photographie, des endroits qui étaient pilonnés depuis très peu de temps.
12 C'était aussi extrêmement près quand même d'un hôpital de campagne un peu
13 rudimentaire.
14 Q. Et alors ?
15 R. Bien, cet hôpital a été aussi endommagé.
16 Q. Très bien. Combien de temps êtes-vous restés avec eux pour voir tous
17 ces dégâts ?
18 R. Environ un quart d'heure. On a marché tout le long de la ville. Ils
19 nous disaient plein de choses en albanais. Ils nous montraient des tas de
20 choses.
21 Q. Votre interprète albanais essayait de vous interpréter ce qu'ils
22 étaient en train de dire ?
23 R. Oui, il essayait de le faire, mais comme tout le monde parlait
24 ensemble, il avait beaucoup de mal, donc il me faisait plutôt un résumé de
25 ce qui était dit.
26 Q. Très bien, très bien. Visiblement, ils étaient assez furieux de tous
27 ces dégâts qui avaient été infligés au village ?
28 R. Oui.
Page 4092
1 Q. Très bien. Maintenant, cela a eu lieu pour un quart d'heure, après
2 qu'avez-vous fait ?
3 R. Avec l'autre groupe des deux hommes, ils nous ont dit exactement la
4 même chose que ce que les autres nous avaient dit, donc de nous en aller,
5 on est remontés dans la voiture et on a essayé de s'en aller.
6 Q. Avez-vous réussi à partir ?
7 R. Non, non, parce que là, on n'a pas réussi à partir. Il y a encore eu
8 une nouvelle voiture qui est arrivée, une grosse jeep noire.
9 Q. Combien d'hommes y avait-il dans cette voiture ?
10 R. Ils étaient trois.
11 Q. Quel genre d'uniforme avaient-ils ?
12 R. Ce n'était pas le même uniforme. Eux, ils étaient en noir, des
13 uniformes noirs avec l'emblème de l'UCK.
14 Q. Etaient-ils armés ?
15 R. Il y en avaient deux qui avaient des fusils au poing, puis ils avaient
16 des ceinturons avec des -- ils avaient des gilets avec des poches pour les
17 munitions, pour les couteaux, et cetera.
18 Q. Très bien. Que vous ont-ils dit ?
19 R. Toujours les mêmes questions : Qui êtes-vous ? Que faites-vous ?
20 Q. Quelle était leur attitude ? Quel était leur état d'esprit, d'après
21 vous ?
22 R. Ils étaient beaucoup plus agressifs que ceux qu'on avait vus
23 précédemment. Enfin, pas tous. Pas les trois.
24 Q. Très bien. Poursuivez votre récit, s'il vous plaît. Vous dites qu'ils
25 étaient assez agressifs, qu'ils avaient des questions à vous poser. Vous
26 pouvez continuer pour nous dire ce qui s'est passé.
27 R. Ils hurlaient, ils faisaient des grands gestes, des moulinets de bras,
28 surtout celui qui avait l'air d'être le chef. Après, mettons, une à deux
Page 4093
1 minutes à peine, on nous a ordonné de rentrer dans notre voiture et de
2 suivre sa propre voiture.
3 Q. Avez-vous obtempéré ?
4 R. Oui.
5 Q. Pourquoi avez-vous obtempéré ? J'aimerais que vous nous expliquiez un
6 petit peu votre état d'esprit, votre raisonnement. Pourquoi avez-vous
7 décidé de les suivre plutôt que de faire demi-tour et de vous en aller ?
8 Qu'est-ce qui vous a obligé -- qu'est qui a fait que vous vous êtes sentis
9 obligés ?
10 R. [aucune interprétation]
11 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis désolé, la question est quand même
12 beaucoup trop directrice. On vient de nous dire "obligés." Là, ce n'est pas
13 possible.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Reformulez, s'il vous plaît.
15 M. DI FAZIO : [interprétation] Je reformule. Je reformule.
16 Q. Ma question est beaucoup plus simple. Pourquoi les suivre ?
17 R. On avait l'impression qu'il ne serait pas très sage de ne pas
18 obtempérer.
19 Q. C'était le sentiment que vous aviez ou est-ce que vous en avez parlé
20 avec les autres hommes qui étaient à bord de votre voiture ?
21 R. On en a parlé ensemble. On était assez inquiets parce qu'on arrivait en
22 plus au centre de l'endroit qui était pilonné.
23 Q. Vous alliez où, en fait ?
24 R. On allait vers Gllogjan.
25 Q. Vous êtes arrivés à Gllogjan ?
26 R. Oui, on y est arrivés deux ou trois minutes plus tard.
27 Q. Où vous êtes vous arrêtés ?
28 R. Sur une petite route. Il y avait des maisons aux alentours, toujours
Page 4094
1 entourées de grands murs comme la maison qu'on avait vue à Rznic. Il y
2 avait une maison bien précise où il y avait des gens qui rentraient et
3 sortaient tout le temps, on s'est dits que ça devait être un QG de l'UCK.
4 Q. Très bien. Pourriez-vous, s'il vous plaît, maintenant regarder la pièce
5 65 ter 1332 ?
6 Est-ce que vous reconnaissez cet endroit ?
7 R. Oui.
8 Q. De quoi s'agit-il ?
9 R. C'est l'endroit devant lequel nous sommes arrêtés ce jour-là. Nous
10 pensions qu'il s'agissait là du QG.
11 Q. Le jour où vous vous êtes arrêtés à cet endroit, est-ce qu'il y avait
12 des décombres comme nous le voyons ici ?
13 R. Non. Non. Ce jour-là, non.
14 Q. Savez-vous qui a pris cette photographie et quand ?
15 R. C'est moi qui ai pris cette photographie. C'était peut-être à la mi-
16 septembre.
17 Q. Bien. Pourquoi avez-vous pris cette photo ?
18 R. Nous nous trouvions dans le secteur en patrouille de nouveau, je
19 reconnais le portail. Je reconnais l'endroit précis où l'incident s'est
20 produit, de mémoire j'ai reconnu l'endroit et j'ai pris une photo.
21 Q. Bien. Lorsque vous avez pris cette photo, est-ce qu'il y avait des
22 bâtiments derrière ces murs dans ce secteur ?
23 R. Il y en a un qu'on ne voit pas ici qui se trouvait à gauche du portail.
24 Manifestement, il y avait une pièce à l'intérieur dans cette enceinte, mais
25 il y avait un étage par-dessus.
26 Q. Est-ce que l'on voit cet autre étage ?
27 R. Non, il a été complètement détruit.
28 Q. Merci.
Page 4095
1 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne crois pas que cette photographie fasse
2 partie du document 65 ter --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, c'est la raison pour
4 laquelle nous avons du mal à nous y retrouver. Nous avons l'annexe A, B, C,
5 lorsqu'on joint une annexe à un document, généralement dans ce document on
6 énumère le contenu des annexes. Or, je ne vois nulle part ce qu'il en est,
7 peut-être que je n'ai pas bien lu, mais je ne vois pas dans cette des 92
8 ter la moindre référence aux annexes.
9 M. DI FAZIO : [interprétation] A ces annexes-là, certes, car en fait elle
10 font partie intégrante de la déclaration --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais tout cela est un peu
12 compliqué. Nous avons ici deux annexes dont il n'est pas indiqué qu'il
13 s'agit d'annexes. On voit maintenant que l'annexe D ne fait pas partie de
14 ces annexes, contrairement aux annexes A, B et C. Mais nous avons vu
15 précédemment les annexes B et C et les photographies de Rznic. Si j'ai bien
16 compris, le document relatif aux renseignements concernant ce témoin,
17 document joint en l'annexe n'est pas mentionné dans la déclaration.
18 L'annexe D est la photographie que nous venons de voir et qui n'est pas
19 jointe à la déclaration 92 ter.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est exact.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame La Greffière, quelle est la cote
22 que l'on peut attribuer à cette photo ?
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P274, marquée
24 aux fins d'identification.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
26 Est-ce qu'il y a des objections à son admission ? Je vois que non, le
27 document est donc versé au dossier.
28 Monsieur Di Fazio, essayons de bien comprendre les choses.
Page 4096
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4097
1 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de résumer les choses. Si
3 j'ai bien compris, le témoin a pris cette photographie. Oui ?
4 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà ce que le témoin a vu à l'époque.
6 M. DI FAZIO : [interprétation] Un mois plus tard.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, un mois plus tard. Oui, à la mi-
8 septembre, c'est vrai. Oui. Oui, j'avais oublié cela.
9 Oui, Maître Emmerson.
10 M. EMMERSON : [interprétation] Puis-je demander à M. Di Fazio de demander
11 au témoin, si possible, de nous raconter en détail quand cette photographie
12 a été prise par rapport aux visites qu'il a effectué à Gllogjan ?
13 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, oui. Je peux tout à fait lui demander.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y. Puisque vous parlez de cela,
15 peut-être peut-on évoquer avec le témoin la question de savoir qui est
16 responsable de ces pilonnages.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Si vous le souhaitez, je peux demander cela
18 au témoin.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
20 M. DI FAZIO : [interprétation]
21 Q. Monsieur le Témoin, jusqu'à présent, nous avons parlé des événements
22 survenus le 11 août ?
23 R. Oui.
24 Q. Par rapport à ce jour-là, quand avez-vous pris la photographie que nous
25 avons vue à l'écran ?
26 R. Je pense que c'était le même jour, le jour où nous avons effectué une
27 visite avec le reste de l'équipe à l'endroit où l'on a retrouvé des
28 cadavres dans un charnier, c'est-à-dire le 18 septembre.
Page 4098
1 Q. Oui, vous en parlez dans votre déclaration. Il s'agit de la visite
2 effectuée au lac ?
3 R. Oui.
4 Q. Lorsque vous avez effectué cette visite, en fait, c'est le jour où vous
5 vous êtes arrêté à cet endroit, à Glodjane pour prendre cette photographie,
6 n'est-ce pas ? D'après vos souvenirs, c'est ainsi que les choses se sont
7 passées ?
8 R. Oui.
9 Q. Merci. Autre question que les Juges souhaiteraient que nous évoquions,
10 ce sont les décombres, les décombres que vous avez observés à cet endroit,
11 contre le mur, ces gravats. D'après vous, qui en est responsable et comment
12 ces dégâts ont-ils été occasionnés ?
13 R. Je ne sais pas.
14 Q. Lorsque vous avez vu cet endroit, le 11 août, est-ce qu'il n'y avait
15 aucuns gravats au niveau du mur ?
16 R. Il n'y avait aucuns gravats.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Je crois que c'est tout ce dont le témoin
18 pourra se souvenir.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.
20 M. DI FAZIO : [interprétation]
21 Q. Bien. Vous nous avez dit que vous aviez suivi la jeep et que vous
22 vous étiez arrêté à l'endroit que nous voyons à l'écran. Y avait-il
23 d'autres personnes à cet endroit, hormis les hommes que vous aviez suivis
24 et le reste de votre équipe ?
25 R. Oui, il y avait beaucoup de personnes qui entraient et sortaient de ce
26 bâtiment.
27 Q. Quel type de personnes ? Comment étaient-elles habillées ces personnes
28 ?
Page 4099
1 Q. La plupart d'entre elles portaient ces tenues de camouflage dont nous
2 avons parlé plus tôt, avec les emblèmes de l'UCK. Certaines personnes, très
3 peu, portaient des uniformes noirs, à l'exception de l'homme qui nous a
4 conduits là.
5 Q. C'est un peu différent de ce que vous avez déclaré plus tôt. Donc
6 l'homme vous a conduits là-bas, l'homme dont vous avez parlé plus tôt,
7 celui qui était vêtu d'un uniforme noir ?
8 R. Oui.
9 Q. Outre les hommes que vous avez suivis dans la jeep, y avait-il d'autres
10 hommes à cet endroit vêtus d'uniformes noirs ?
11 R. Seulement quelques-uns.
12 Q. Seulement quelques-uns. Bien. Combien de temps êtes-vous restés à
13 l'extérieur de l'enceinte à l'extérieur de cette propriété ?
14 R. Deux ou trois minutes peut-être. C'est tout.
15 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre ce qui s'est
16 produit à cet endroit, lorsque vous êtes arrivés pour la première fois et
17 que vous êtes restés deux ou trois minutes ?
18 R. Nous avons arrêté la voiture et nous nous sommes garés juste derrière
19 jeep noire. On nous a donné ordre de sortir de la voiture. Lorsque nous
20 sommes sortis, l'homme qui était responsable de ce groupe de trois
21 personnes et dont j'ai parlé plus tôt était très mécontent. Il proférait
22 des jurons en albanais, disait toutes sortes de choses. Il nous a traités
23 d'espions serbes.
24 Q. Comment avez-vous su cela ? Est-ce que vous avez compris ce qu'il
25 disait ou est-ce que ce sont des informations que vous avez apprises par la
26 suite ?
27 R. A l'époque, nous ne savions pas ce qu'il nous disait. Nous ne pouvions
28 pas comprendre. Après l'incident en question, nous avons appris ce qu'il en
Page 4100
1 était.
2 Q. Par le truchement de votre interprète albanais ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce qu'il y avait toujours ces insignes sur la voiture ?
5 R. A l'époque, oui, mais l'homme, au bout de quelques instants, s'est mis
6 à crier, à faire de grands gestes et à décoller les adhésifs.
7 Q. De qui voulez-vous parler ?
8 R. De la personne qui semblait être le chef de ce groupe qui nous a
9 conduits à cet endroit.
10 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire l'apparence physique --
11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Di Fazio, est-
12 ce que vous pourriez ménager une petite pause entre les questions et les
13 réponses ?
14 M. DI FAZIO : [interprétation] Je suis vraiment désolé, Monsieur le Juge,
15 je devrais garder cela à l'esprit et je devrais faire attention. Je
16 m'excuse.
17 Q. Monsieur Pappas, c'est de ma faute. Je vais trop vite. Peut-être que
18 les interprètes feront preuve d'indulgence à mon égard, ce sont eux qui
19 doivent interpréter nos propos.
20 Pourriez-vous décrire l'apparence physique de l'homme que vous avez
21 décrit comme étant le chef de ce groupe de trois hommes ? De quelle couleur
22 étaient ses cheveux, est-ce que vous pouvez parler de son teint, de sa
23 taille et de son âge, si possible ?
24 R. A l'époque, j'ai rédigé un rapport, et pour être tout à fait franc avec
25 vous, j'ai parcouru de nouveau ce rapport afin de me remémorer les
26 événements et les personnes que j'ai décrits. Ce rapport a été envoyé à
27 l'ambassade de Grèce à Belgrade et à Sarajevo. En décrivant cette personne,
28 j'ai dit qu'il mesurait environ 1 mètre 70; qu'il avait des cheveux de
Page 4101
1 couleur sombre; et qu'il avait un teint matériel; et il était mince.
2 Q. Les Juges de la Chambre doivent savoir si vous êtes en mesure de
3 décrire cette personne sur la base de vos souvenirs, ou s'il vous faut vous
4 appuyer sur un rapport que vous avez rédigé ?
5 R. Je pourrais facilement le reconnaître, je me souviens facilement des
6 visages. Mais pour ce qui est de la description générale, il me faut
7 vérifier ces informations dans les documents que j'ai rédigés. Il avait
8 environ 20 ou 25 ans à l'époque, d'après mes estimations.
9 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur le
10 Président. Je me demande si M. Di Fazio pourrait nous expliquer d'où vient
11 le document, peut-être ai-je mal compris, mais je demande si nous avons
12 reçu un exemplaire de ce rapport rédigé par le témoin, un document envoyé à
13 l'ambassade grecque. J'ai un autre rapport émanant de ce témoin envoyé aux
14 autorités grecques, et un rapport envoyé à la MOCE, mais je ne me souviens
15 pas avoir vu un document tel que celui mentionné par le témoin comme étant
16 le document qu'il a consulté pour rafraîchir sa mémoire.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Me Emmerson a tout à fait raison. Il s'agit
18 d'un rapport qui a été communiqué la semaine dernière à la Défense. Il
19 s'agit d'un rapport rédigé par le témoin concernant ses observations au
20 lac.
21 Il existe un deuxième rapport que le témoin a communiqué. Je n'ai pas vu ce
22 rapport personnellement. Je sais que le témoin a un exemplaire. Est-ce que
23 nous pourrions peut-être passer à huis clos partiel pour quelques instants
24 pour en parler ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.
26 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
28 [Audience à huis clos partiel]
Page 4102
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Pages 4102-4123 expurgées. Audience à huis clos partiel
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4124
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 [Audience publique]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela me laisse la possibilité d'évoquer
24 une autre question que nous avons tout à fait la possibilité de traiter en
25 audience publique. Une correspondance liée au Témoin 60 a été remise sous
26 forme de photocopies à la Chambre, et la Défense a indiqué que cette
27 correspondance pourrait être utile pour la décision que la Chambre doit
28 rendre en matière de récolement.
Page 4125
1 Dans ces conditions, et je ne suis pas en train de dire que nous
2 allons utiliser cette correspondance dans l'intérêt de l'une ou l'autre des
3 parties, mais il pourrait être bon de déposer officiellement cette
4 correspondance puisqu'elle est évoquée au compte rendu d'audience.
5 [Le témoin vient à la barre]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis, Monsieur Di Fazio, puisqu'il a été
7 indiqué que cette correspondance pourrait être utile pour la décision de la
8 Chambre, il serait bon que l'Accusation réponde par rapport à la pertinence
9 de ces éléments dès qu'elle en aura la possibilité. Cette correspondance a
10 été portée à votre attention, la Défense va effectuer un dépôt officiel,
11 vous pourriez examiner le contenu de cette correspondance et dans le 24
12 heures, ou 36 heures, l'Accusation pourrait en dire quelques mots. C'est un
13 élément supplémentaire sur lequel l'attention des Juges a été appelée. Il
14 ne vous est pas demandé une argumentation, mais simplement quelques mots.
15 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le
16 Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
18 Monsieur Pappas, nous avons réfléchi à la question, et nous vous
19 donnons les consignes suivantes : vous avez déclaré être prêt à le faire,
20 donc nous vous demandons effectivement de supprimer un certain nombre de
21 parties du texte que vous voulez supprimer, sur une copie de votre
22 déclaration écrite, et de remettre la déclaration écrite expurgée au
23 Tribunal pour qu'elle soit traduite, de façon à ce que les parties puissent
24 au moins en prendre connaissance.
25 Vous êtes invité par la Chambre à vous montrer aussi économe que possible
26 dans les suppressions que vous demanderez au texte original; donc il vous
27 est demandé de réduire au minimum les suppressions demandées par vous en
28 vous limitant au minimum, à savoir à des questions relatives aux noms de
Page 4126
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4127
1 personnes, aux numéros de téléphone ou à des considérations stratégiques
2 risquant de mettre en cause la sécurité des uns ou des autres.
3 La Chambre n'a pas encore décidé ce qu'elle allait faire du document une
4 fois que ces suppressions seront proposées. La Chambre n'a pas encore
5 décidé si elle demandera la remise du texte expurgé intégralement à la
6 Chambre ou si elle chargera l'Accusation dans le respect de la
7 confidentialité de déterminer s'il existe dans cette partie du texte des
8 éléments à décharge pour l'accusé, auquel cas il pourrait être considéré
9 comme inéquitable de ne pas en informer la Défense qui sera en possession
10 du reste du document. C'est une décision qu'il appartient encore à la
11 Chambre de rendre.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous réfléchirons à cette question, mais
14 en tout cas vous êtes invité pour le moment à vous saisir d'un marqueur de
15 couleur noire pour supprimer les parties que vous voulez voir supprimées,
16 et plus ces parties seront réduites, plus la Défense sera heureuse. Ne
17 faites pas preuve d'une précaution abusive. Une simple précaution suffira.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis, je voudrais de ne pas vous défaire
20 du document intégral s'agissant de l'original de votre déclaration écrite.
21 Il ne faudrait pas que vous le déchiriez, ou que vous le perdiez, ou que
22 vous le brûliez. Gardez-le, et la Chambre pourra par la suite examiner
23 l'intégralité du document. Mais nous acceptons votre proposition de
24 commencer par nous pencher sur une déclaration expurgée.
25 Tout est clair ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Di Fazio, vous pouvez
28 poursuivre.
Page 4128
1 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Vous avez donné des descriptions de cet homme qui, selon vous, était le
3 chef de ce groupe de trois hommes. Vous avez fait référence ensuite à autre
4 chose. Mais en ne vous basant que sur vos souvenirs, pouvez-vous faire une
5 description physique de l'homme que vous avez vu, cet homme qui selon vous
6 était le chef ?
7 R. Oui.
8 Q. Très bien. Pourriez-vous nous dire exactement à quoi il ressemblait ?
9 M. HARVEY : [interprétation] Je suis désolé, je voudrais prendre la parole.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harvey.
11 M. HARVEY : [interprétation] Avant que le témoin ne s'exécute, peut-être
12 pourrait-il savoir s'il a rafraîchi sa mémoire en relisant ce document
13 avant de venir ici dans le prétoire, si cela l'a vraiment aidé à se
14 souvenir de la description qu'il va nous faire. On lui a déjà posé cette
15 question, et il a déjà répondu assez précisément, mais ce qui m'inquiète
16 ici, c'est de savoir s'il se souvient en se fondant sur ce qu'il a vu en
17 1998 ou s'il se souvient en se fondant sur ce qu'il a relu récemment.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
19 Monsieur Pappas, dans vos réponses, pourriez-vous nous dire dans quelle
20 mesure vous nous parlez de mémoire, en vous basant sur les souvenirs de ce
21 que vous avez vu en 1998, ou si vous nous faites une description en vous
22 basant sur ce que vous avez écrit et que vous avez relu dans votre document
23 ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose dont je me souviens en ayant --
25 je me suis aidé grâce au document, c'est la taille de la personne, parce
26 pendant l'incident, nous étions l'un à côté de l'autre, donc j'ai réussi
27 ainsi à savoir quelle était sa taille. Mais pour ce qui est des visages, ou
28 des traits du visage, ou des cheveux, et cetera, cela, je peux vous dire
Page 4129
1 que je n'ai pas besoin de me plonger dans quoi que ce soit pour me
2 souvenir. Enfin, il me suffit de me plonger dans mes souvenirs. Cela me
3 suffit. Je me souviens de tout.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous nous dites que la taille
5 d'une personne, c'est quelque chose dont vous vous êtes rappelé en relisant
6 le rapport, alors que tous les autres éléments de la description sont des
7 éléments qui viennent directement des souvenirs que vous avez de l'incident
8 de 1998.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allons-y.
11 M. DI FAZIO : [interprétation]
12 Q. Ne parlez pas de la taille de cette personne, mais des autres traits
13 dont vous dites vous souvenir. Je parle bien sûr de traits physiques de
14 cette personne qui selon vous était le chef.
15 R. Il était mince, bien bâti, comme je l'ai dit, les cheveux foncés, peau
16 mate, les yeux foncés aussi.
17 Q. Donc, c'est un teint mat ?
18 R. Oui et les yeux aussi foncés ?
19 Q. Pourriez-vous nous dire, combien de temps vous êtes resté devant la
20 maison avant que quitter cet endroit ?
21 R. Quelques minutes; deux ou trois minutes, pas plus.
22 Q. Au cours de ces deux ou trois minutes, vous avez pu voir cette personne
23 qui selon vous était le chef du MUP ? En deux ou trois minutes, vous avez
24 eu le temps de le dévisager ?
25 R. Mais c'est lui qui nous a ordonné de descendre de la voiture, puis j'ai
26 l'impression qu'il proférait des jurons, je n'en suis pas certain, parce
27 qu'il n'y avait pas de traduction à l'époque, et en plus il était en train
28 d'arracher les adhésifs de la voiture.
Page 4130
1 Q. Merci. Au cours de ce moment, entre l'arrivée à la maison et le moment
2 où vous êtes reparti pour aller ailleurs, est-il arrivé quoi que ce soit à
3 l'interprète qui vous accompagnait ?
4 R. Oui. Ce chef, comme j'ai dit, a d'abord arraché les adhésifs, ensuite
5 il a commencé à battre et à frapper l'interprète avec ses pieds, à
6 l'insulter, à faire des gestes, comme s'il voulait défourailler son arme
7 pour lui tirer dessus.
8 Q. Il utilisait ses poings ?
9 R. Oui.
10 Q. D'autres personnes, M. Penti, M. Kaufmann ou vous-mêmes, avez-vous
11 réussi à prêter assistance à celui qui était en train de se faire battre ?
12 R. Non, pas tout de suite. On nous a ordonné de rentrer dans la maison, et
13 dans la cour il continuait à battre et à frapper l'interprète. Il
14 continuait avec ses gestes aussi. Kaufmann était un peu plus près de lui
15 que nous et il a essayé de s'interposer pour protéger l'interprète. Mais
16 alors les autres types qui étaient autour de là ont commencé à armer leurs
17 armes, du coup, nous nous sommes arrêtés.
18 Q. Très bien. Vous me dites qu'il y avait des soldats ou des hommes en
19 uniforme à cet endroit-là. Vous avez dit que vous étiez à l'intérieur de la
20 cour de cette maison. A l'intérieur de la cour de cette maison, avez-vous
21 pu voir d'autres personnes qui auraient encore été présentes, d'autres
22 soldats, mis à part ceux étaient déjà là, mis à part ce groupe de trois qui
23 était dans la grosse jeep ?
24 R. Oui, il y avait beaucoup de personnes dans la cour. Il y en avait
25 certains qui étaient extrêmement jeunes. Je me souviens avoir vu trois ou
26 quatre personnes qui ne devaient pas avoir plus de 13 à 16 ans.
27 Q. Combien de temps d'après vous êtes-vous restés dans la cour avant de
28 repartir ?
Page 4131
1 R. Environ cinq à dix minutes.
2 Q. Donc trois minutes à l'extérieur de la cour, quand vous êtes arrivés;
3 ensuite cinq à dix minutes à l'intérieur de la cour ? C'est bien cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Pendant ces cinq à dix minutes, la personne que vous avez décrite comme
6 étant le chef de ce groupe de trois individus était toujours là ?
7 R. Oui.
8 Q. Ensuite, où êtes-vous allés ?
9 R. On nous a donné l'ordre de monter l'escalier pour aller à l'étage de ce
10 bâtiment que nous avons vu. Comme je vous ai dit avant, il y avait un étage
11 supérieur sur le bâtiment. On nous a demandé de prendre l'escalier, de
12 monter l'escalier pour arriver à l'étage. Il y avait une petite salle là-
13 haut avec des bancs en bois, quelques chaises, on nous a demandé de rester
14 là.
15 Q. Mais qui était dans la salle quand vous êtes rentrés ? Donnez les noms,
16 s'il vous plaît.
17 R. Il y avait Penti, le Finlandais; Kaufmann qui était l'Allemand; moi et
18 l'interprète.
19 Q. Mis à part ce groupe, y avait-il d'autres personnes dans la pièce ?
20 R. Oui, une personne en uniforme noir à qu'il a été demandé de nous
21 surveiller.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, ménagez, s'il vous
23 plaît, une pause entre les questions et les réponses.
24 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais m'efforcer de la ménager. Je vous
25 remercie de me rappeler cela.
26 Q. Avez-vous parlé avec ce garde, ou peut-être ce garde s'est-il entretenu
27 avec vous ?
28 R. On essayait de savoir ce qui se passait par le truchement de
Page 4132
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4133
1 l'interprète, mais il ne pouvait pas répondre, il ne pouvait pas discuter
2 avec qui que ce soit pendant longtemps d'ailleurs. Il nous a juste dit
3 qu'ils considéraient qu'on était des espions. Puis il nous a dit ce qu'a
4 dit le garde : "On attend le chef et le chef saura quoi faire."
5 Q. Le chef est-il arrivé ?
6 R. Oui, au bout d'un certain temps passé le moment où on nous a traduit
7 ces propos.
8 Q. Combien de temps avez-vous attendu le chef ?
9 R. A peu près un quart d'heure avant que l'interprète n'arrive à savoir
10 que le chef allait arriver, ensuite on a attendu encore dix minutes avant
11 de voir arriver ce fameux chef.
12 Q. Pourriez-vous maintenant nous décrire cet homme auquel il était fait
13 référence comme étant le chef, sa stature, à quoi il ressemblait, comment
14 il était habillé ?
15 M. EMMERSON : [interprétation] Nous ne contestons absolument pas le fait
16 que l'homme qui est entré dans la pièce était Ramush Haradinaj.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, il n'y a pas besoin de
19 demander de description.
20 M. DI FAZIO : [interprétation]
21 Q. M. Haradinaj, que vous a-t-il demandé ?
22 R. Il a posé les mêmes questions, comme les autres, il voulait savoir qui
23 on était, ce qu'on faisait là. Mais il s'y prenait de façon complètement
24 différente et son comportement aussi était extrêmement différent.
25 Q. Comment cela ? Pouvez-vous vous expliquer ?
26 R. Il était poli, d'abord il s'est adressé à nous en anglais pour qu'on le
27 comprenne. En fait, tout cet entretien était très civilisé.
28 Q. S'est-il adressé à tout le monde de votre groupe ?
Page 4134
1 R. Oui, il s'est adressé à tout le monde séparément, l'un après l'autre.
2 Il commencé avec Penti et il lui a demandé de signer une feuille vierge
3 pour pouvoir voir si sa signature correspondait à celle de son passeport.
4 Il lui a demandé quelque chose à propos d'une dispute entre les Russes et
5 les Finlandais à propos d'un lac. Il semblait vouloir savoir s'il était
6 vraiment Finlandais.
7 Q. Très bien. C'est ce que vous avez pensé ?
8 R. Oui.
9 Q. Continuez. Quelles autres questions a-t-il posées aux autres personnes
10 dans la pièce ?
11 R. Ensuite, il a parlé à l'interprète albanais, mais c'est une
12 conversation qui s'est tenue entièrement en albanais. Même après
13 l'incident, l'interprète ne nous a pas vraiment tout raconté. Il n'a parlé
14 qu'une ou deux minutes avec l'interprète albanais. Ensuite il m'a demandé
15 qui j'étais, ce que je faisais en Grèce. Je lui ai répondu franchement, je
16 lui ai expliqué notre présence, comment nous nous étions retrouvés à Rznic,
17 notre mission au Kosovo en général, en lui demandant de faire plus ou moins
18 attention à nous, parce que la zone était en train d'être pilonnée et nous
19 n'étions là que pour faire rapport sur ce qui se passait, rien d'autre.
20 Q. Il a accepté vos propos ?
21 R. Oui, il était très ouvert et il a visiblement compris.
22 Q. A un moment s'est-il arrêté de poser des questions, ensuite vous avez
23 pu quitter la pièce ?
24 R. Non. Ensuite, il s'est entretenu avec Kaufmann en anglais et en
25 français. Il reposait les mêmes questions, d'où il venait, ce qu'il
26 faisait, rien de plus.
27 Q. Après cela, que s'est-il passé ?
28 R. Après cet interrogatoire, si je puis dire, il nous a demandé si nous
Page 4135
1 avions des armes, soit sur nous, soit dans la voiture. Nous lui avons
2 répondu en disant que nous n'étions pas armés. C'était une mission où les
3 personnes n'étaient pas armées. Alors, il nous a escortés jusqu'à notre
4 voiture en dehors de la cour. Il a lui-même inspecté la voiture, ouvert les
5 portes, regardé à l'intérieur, puis au bout de deux ou trois minutes, il
6 nous a laissés partir, nous a demandé si on voulait une escorte pour
7 retrouver la route.
8 Q. Lorsque vous étiez revenus à votre véhicule, en dehors de la cour, est-
9 ce que d'autres soldats sont arrivés ?
10 R. Oui, deux voitures se sont arrêtées quand on est ressorti par le
11 portail de la cour. Il y avait environ huit personnes à bord de ces deux
12 véhicules, parmi lesquelles une femme. Ils sont sortis de la voiture. Ils
13 ont salué Haradinaj en mettant leur poing sur la tête. Ensuite il a dit
14 quelque chose, ils sont remontés dans les voitures et sont partis vers le
15 front d'où venaient les tirs.
16 Q. Très bien. Avez-vous eu une escorte ?
17 R. Les trois personnes qui nous avaient amenés dans la même jeep nous ont
18 escortés jusqu'à Kodralija, si je me souviens bien. Ensuite, on a repris le
19 chemin du retour, seuls.
20 Q. Mais ces trois hommes qui vous ont escortés, c'étaient les trois qui
21 vous avaient au départ cueillis, si je puis dire, à Rznic. Est-ce qu'ils
22 vous ont escortés de leur propre chef ou est-ce qu'on leur a ordonné de le
23 faire ?
24 R. Non, c'était un ordre qui venait de M. Haradinaj.
25 Q. Merci. D'après vous, vous êtes retournés à Kodralija ?
26 R. Oui.
27 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait une fois là ?
28 R. Pendant qu'ils nous ont escortés ? La jeep noire a fait demi-tour et
Page 4136
1 est partie ailleurs; nous, on est retourné en reprenant exactement le même
2 itinéraire que nous avions emprunté pour venir.
3 Q. Avez-vous parlé à qui que ce soit dans ce village ?
4 R. Oui. Lorsqu'on s'est rapproché de Kodralija, je ne me souviens plus
5 très bien de l'endroit où nous étions, nous avons trouvé un homme qui
6 venait de Rznic. Cinq ou six hommes sont arrivés et nous ont montré un peu
7 les dégâts dans Rznic. Il y avait un type qui était là. Il nous a demandé
8 ce qui nous était arrivé, si on avait été détenus, et si voulait le suivre
9 jusqu'à un hôpital qui était proche. Donc, on y a été. On a discuté avec
10 environ cinq à six personnes dans une petite pièce, une petite discussion
11 amicale et calme.
12 Q. De quoi avez-vous parlé ?
13 R. De ce qui venait de nous arriver. Ils s'excusaient à propos de ce qui
14 s'était passé. Ça faisait à peu près cinq minutes qu'on parlait quand un
15 autre homme est arrivé qui avait environ 50 ans. Ils se sont tous levés.
16 Q. Vous êtes en train de nous décrire ce qu'ils faisaient, mais qui sont
17 ces "ils", s'il vous plaît ?
18 R. Mais les hommes dont j'ai parlé précédemment, les trois hommes en
19 uniformes noirs qui nous avaient plus ou moins capturés pendant un court
20 moment.
21 Q. Oui. Cet autre homme qui est arrivé, qui avait environ 50 ans et à
22 l'arrivée duquel tout le monde s'est levé, qui était-ce d'après vous ?
23 R. Je ne connaissais pas son nom à l'époque, et je ne le sais toujours pas
24 d'ailleurs. Il s'est présenté en nous donnant son surnom, commandant Toni.
25 Q. Arborait-il un uniforme de l'UCK et des insignes ?
26 R. Il était en tenue de camouflage de l'UCK avec les insignes.
27 Q. Que vous a-t-il dit ?
28 R. C'est les autres membres de l'UCK qui lui ont raconté devant nous ce
Page 4137
1 qui nous était arrivé. Il a dit qu'il était extrêmement désolé de ce qui
2 était arrivé, mais il a dit qu'il y avait des groupes d'extrémistes au sein
3 de l'UCK qui étaient assez autonomes dans leurs opérations.
4 Q. Très bien.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, n'oubliez pas de
6 ralentir.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.
8 Q. Récemment, vos supérieurs sont-ils rentrés en contact avec vous en vue
9 d'un éventuel témoignage en l'espèce ?
10 R. Je n'ai pas compris votre question.
11 Q. Avez-vous déjà regardé le site Web du TPIY ?
12 R. Oui.
13 Q. Veuillez-vous nous dire pourquoi vous l'avez fait, et dans quel but ?
14 R. Il y a environ un an, j'ai reçu un rapport du QG de mon état-major de
15 l'armée de l'air grecque et, par ce biais, j'ai été informé qu'on me
16 demandait de venir témoigner dans une affaire bien précise au TPIY
17 concernant -- et là, j'ai vu trois noms dans le document. Mais à l'époque,
18 je ne savais pas du tout qui c'était. Donc, pour avoir un peu plus
19 d'information --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harvey.
21 M. HARVEY : [interprétation] Je remets en question la pertinence de ce type
22 de question. Je pense savoir où M. Di Fazio veut aller, et s'il a
23 l'intention de se livrer à quelque chose qui ressemble à une identification
24 dans le prétoire, je pense qu'il devrait s'arrêter maintenant.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, vous nous demandez de
26 répondre de la base des suppositions en fait.
27 Monsieur Guy-Smith.
28 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense à nouveau qu'il faudrait que cette
Page 4138
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4139
1 conversation se fasse en dehors de la présence du témoin. Le témoin parle
2 anglais, et je pense qu'il n'est pas bon qu'il entende tout ce qui va être
3 dit.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pappas, nous avons encore des
5 points de procédure à discuter, malheureusement en votre absence. Donc, je
6 vais vous demander à nouveau de quitter le prétoire pour que nous puissions
7 parler, et que nos propos ne vous influencent en rien.
8 [Le témoin quitte la barre]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Guy-Smith préfèrerait que le
10 témoin quitte le prétoire.
11 [Le témoin quitte la barre]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, vous pourriez peut-
13 être répondre à M. Harvey pour savoir si vous voulez bel et bien en venir à
14 une identification dans le prétoire. C'est bien votre but ?
15 M. DI FAZIO : [interprétation] Absolument pas. Absolument pas, en tout cas,
16 pas une identification bien carrée portant sur les accusés qui sont dans ce
17 prétoire. Mais je m'attends à ce que le témoin nous dise qu'après avoir
18 reçu la demande de témoignage, il s'est renseigné sur le site Web du TPIY,
19 a regardé un petit peu les détails de l'affaire en l'espèce, a regardé les
20 photographies des accusés en l'espèce, a imprimé les pages et a reconnu les
21 deux autres hommes auxquels il avait parlé. Il a reconnu que ces deux
22 hommes -- que ces deux autres dont il avait parlé dans sa déclaration
23 étaient M. Balaj et M. Brahimaj. Bien sûr, M. Haradinaj, là ce n'est pas un
24 problème. Maintenant qu'il a vu les photographies sur le site Web, il a
25 reconnu M. Balaj comme étant la personne à laquelle il a fait référence
26 comme étant le chef du groupe et M. Brahimaj comme l'autre homme qui était
27 dans la cour quand on lui a demandé de rentrer dans la cour. Je pense que
28 c'est ce qui est arrivé.
Page 4140
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harvey.
2 M. HARVEY : [interprétation] Oui, je suis vraiment prophète, parce que
3 j'étais certain qu'on allait en arriver là. A mon avis, c'est absolument
4 identique à une identification en prétoire.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est-à-dire que ce n'est pas un
6 prétoire, c'était sur le site Web, mais c'était la même chose. C'est sur un
7 écran.
8 M. HARVEY : [interprétation] Absolument. Cela n'a absolument aucune valeur
9 en tant que preuve. Tout d'abord, je suis dans une situation un peu
10 étrange, mais la photographie de mon client n'était même pas sur le Web. Il
11 y a deux photographies de M. Balaj, l'une avec le nom de M. Balaj, et
12 l'autre avec le nom de M. Brahimaj. Je ne sais absolument pas à quoi
13 ressemblait le site Web à l'époque quand le témoin a cliqué pour avoir des
14 informations en l'espèce, mais je suis certain en tout cas que la photo qui
15 nous concerne n'était pas sur le site à l'époque. Enfin, en tout cas, je
16 n'en suis pas sûr. Je ne vois comment on pourrait en être sûrs.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que le Web maître le saurait.
18 M. HARVEY : [interprétation] Mais oui, peut-être le Web maître le saurait,
19 mais M. Emmerson pense que peut-être je lui cause du tort. Peut-être que la
20 photographie de mon client était disponible quand même à l'époque.
21 M. EMMERSON : [interprétation] Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire.
22 Mais je pense que dans une de ces déclarations de témoin, le témoin déclare
23 qu'il avait les photographies qu'il a obtenues de l'internet. De toute
24 façon, on sait très bien à quelle date il a fait cela. On peut très bien
25 enquêter là-dessus.
26 M. HARVEY : [interprétation] Oui, c'est un point subsidiaire, quand même.
27 Ce qui m'importe, c'est vraiment le point principal.
28 M. EMMERSON : [interprétation] Si je puis vous aider, pour ce qui est de
Page 4141
1 mon client, en tout cas, nous savons nous ne contestons pas
2 l'identification, mais en revanche, selon lui bien sûr, M. Brahimaj a été
3 identifié par erreur.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
5 M. HARVEY : [interprétation] Oui, c'est aussi ma thèse, bien sûr.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je m'en doute.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Moi aussi, j'ai besoin de parler.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez souvent besoin de parler,
9 d'ailleurs.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Dans le procès de notre cause, nous faisons
11 valoir que l'identification de mon client à l'époque n'est pas précise,
12 mais que peut-être en revanche sa description pourrait l'être. Il y était,
13 c'est vrai, mais les activités qui ont été attribuées à la personne à qui
14 il a été fait référence comme étant le chef du groupe ne sont pas du tout
15 de son fait.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Pour ce qui est de
17 l'identification, en tout cas le problème visiblement c'est
18 l'identification de M. Brahimaj. C'est le problème principal.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Tout à fait et d'ailleurs, je vais à
20 nouveau me pencher sur la taille d'une personne lors du contre-
21 interrogatoire.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre sait que cela ressemble fort
25 à une identification dans le prétoire, même si nous ne sommes pas tout à
26 fait dans la même situation ici. M. Di Fazio n'a pas demandé au témoin s'il
27 reconnaissait quelqu'un dans le prétoire comme étant quelqu'un qui était
28 présent sur les lieux à l'époque. On lui a demandé s'il savait de quoi
Page 4142
1 parlait l'affaire. Par conséquent, la Chambre considère qu'il faut prendre
2 avec des pincettes ce témoignage. Bien entendu, il sera possible de tester
3 la fiabilité de ce témoignage par la suite. Compte tenu des arguments
4 avancés par Me Harvey, s'il est question de photographies, ce qui sera en
5 rapport avec la question de la fiabilité du témoignage, la Chambre
6 demandera aux parties de se pencher sur cette question, et Me Di Fazio a
7 demandé au témoin s'il avait gardé cette photographie. Vous pourrez traiter
8 de cette question dans le cadre du contre-interrogatoire et si cela ne vous
9 intéresse pas, la Chambre posera la question.
10 Maître Emmerson.
11 M. EMMERSON : [interprétation] Bien entendu, je ne suis pas directement
12 concerné par ceci, mais puisqu'il est question d'identification de façon
13 générale et d'indentification dans le prétoire en particulier, la Chambre
14 se souviendra de la position exprimée par l'Accusation en l'espèce selon
15 laquelle l'Accusation ne cherchera pas à obtenir une identification dans le
16 prétoire, mais ils se réservent le droit d'évoquer cette question et de
17 présenter des arguments sur ce point.
18 Je souhaite simplement faire remarquer que dans sa déclaration, le
19 témoin n'a pas pu dire quoi que ce soit au sujet du rôle joué par M.
20 Brahimaj. Il l'a vu brièvement, d'après ce qu'il a déclaré dans son
21 témoignage.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
23 Maître Harvey, vous avez exprimé certaines préoccupations. Nous en
24 avons pris acte et nous avons décidé que nous ne pouvions pas interdire à
25 M. Di Fazio de poser des questions au sujet de ce que le témoin a vu sur le
26 site internet. Mais, il est peut-être opportun de savoir si le témoin s'est
27 appuyé sur d'autres sources pour préparer son témoignage.
28 Monsieur Di Fazio, nous allons faire entrer le témoin dans le
Page 4143
1 prétoire et vous allez pouvoir poursuivre votre interrogatoire. Je suppose
2 que vous avez écouté attentivement ce que nous venons de dire.
3 [Le témoin vient à la barre]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pappas, je vous remercie de
5 votre patience.
6 Monsieur Di Fazio, vous pouvez poursuivre l'interrogatoire.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.
8 Q. Vous nous avez dit que vous aviez regardé le site internet du TPIY.
9 Est-ce que vous pourriez expliquer une fois de plus aux Juges de la Chambre
10 pourquoi vous avez consulté ce site ?
11 R. J'ai vu sur une feuille de papier qu'il était question de l'affaire IT,
12 et cetera. En soi, cela ne veut rien dire pour moi, mais il y avait des
13 noms qui ne me disent rien et je me suis demandé pourquoi on me demandait
14 de témoigner dans l'affaire concernant une personne que je ne connaissais
15 pas. J'ai essayé d'obtenir certaines informations au sujet des personnes
16 concernées au sujet de l'affaire. C'est la raison pour laquelle j'ai
17 consulté le site internet du TPIY.
18 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pourriez nous dire quand, si vous
19 vous en souvenez, vous avez consulté ce site internet ?
20 R. C'était peut-être à la fin du mois d'avril, au début du mois de mai
21 2006.
22 Q. Etait-ce la première fois que vous consultiez le site internet du TPIY
23 ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce que vous l'avez consulté plus tard ?
26 R. Non, une seule fois à cette occasion.
27 Q. En consultant ce site, qu'avez-vous vu, constaté ?
28 R. Au début, je n'ai pas très bien compris, après j'ai utilisé le moteur
Page 4144
1 de recherche en indiquant le numéro de l'affaire et c'est là que j'ai pu
2 lire les allégations concernant ces personnes. J'ai lu le paragraphe
3 traitant des charniers au lac Radonjic, et je me suis dit que c'était bien
4 cette affaire. Ensuite, j'ai vu des photographies.
5 Q. Merci. Avez-vous imprimé des pages du site internet ?
6 R. Oui, j'ai imprimé trois passages concernant chacun des accusés avec sa
7 photographie, ainsi que les allégations générales concernant cette affaire.
8 Q. Est-ce que vous avez gardé les photographies ?
9 R. Oui, j'ai gardé ces photographies.
10 Q. Est-ce que vous les avez amenées ici ?
11 R. Oui, elles se trouvent dans mes papiers.
12 Q. Quand avez-vous apporté ces photographies à La Haye ?
13 R. Le 2 mai, à mon arrivée.
14 Q. Merci. Encore une question : est-ce que vous avez communiqué ces
15 photographies à l'Accusation ?
16 R. Oui.
17 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.
19 M. HARVEY : [interprétation] C'est incroyable. Apparemment, ces
20 photographies ont été communiquées à l'Accusation --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elles ne vous ont pas été communiquées à
22 vous ?
23 M. HARVEY : [interprétation] Non, encore une fois, elles n'ont pas été
24 communiquées à la Défense. J'ai peut-être mal suivi, mais si tel est le cas
25 je m'excuse, mais je regarde mes collègues et je vois qu'ils hochent tous
26 de la tête. Ils ont du mal à croire ce qui est en train de se passer.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Di Fazio est apparemment d'accord
28 avec vous et il va vous expliquer ce qui s'est passé.
Page 4145
1 Monsieur Di Fazio.
2 M. DI FAZIO : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, la déclaration
3 a été communiquée dans son intégralité avec ses annexes --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Celles de 2006 et 2007.
5 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, la déclaration dans son intégralité
6 ainsi que la déclaration 92 ter. Bien sûr qu'elle a été communiquée, ou
7 peut-être qu'il y a eu une terrible erreur. Il y ait fait référence
8 également dans le corps de la déclaration.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble qu'il y a une certaine
10 confusion au sujet des annexes à la déclaration datant de 2007. Accordez-
11 moi quelques instants que je l'examine.
12 Le témoin dit : "Le 2 mai, lorsque je suis arrivé."
13 Que ce soit en 2006 ou en 2007, les déclarations ont été faites au
14 mois de mai.
15 Maître Guy-Smith.
16 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai procédé à une nouvelle vérification et
17 j'ai consulté mes collègues. Ces documents ont été communiqués.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ils m'ont été communiqués. Je les ai. Je ne
20 sais pas si Me Harvey les a.
21 M. DI FAZIO : [interprétation] J'avais compris qu'ils avaient été
22 communiqués. Bien entendu, il s'agissait de documents d'une importance
23 primordiale. Je n'aurais pas pu oublier de les communiquer à moins qu'il ne
24 s'agisse d'une erreur.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un document joint à la
26 déclaration de 2007 ou à celle de 2006 ?
27 M. DI FAZIO : [interprétation] J'ai ici une lettre -- plutôt, un courriel
28 daté du 10 mai 2007. Ce courriel a été envoyé à 20 heures 35. Il est dit :
Page 4146
1 "Chers conseils de la Défense, cher M. Zahar, voici la liste des
2 témoins qui comparaîtront la semaine prochaine," et cetera. Voici la liste
3 concernant M. Pappas, les différentes pièces qui seront présentées, y
4 compris un extrait du site internet sur deux pages où l'on voit les
5 photographies des trois accusés. Il y a un numéro ERN.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson.
7 M. EMMERSON : [interprétation] J'avais l'impression de n'avoir reçu aucun
8 des documents mentionnés, mais on les a retrouvés dans notre système.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
10 Maître Harvey.
11 M. HARVEY : [interprétation] Je dois vous avouer que j'ai finalement
12 retrouvé ces documents. Il n'est pas très difficile de s'y retrouver, je
13 dois présenter mes excuses à l'Accusation.
14 M. DI FAZIO : [interprétation] N'en faites rien, voyons. Si ces documents
15 n'avaient pas été communiqués, il se serait agi d'une grave erreur, mais je
16 pensais bien qu'ils avaient été communiqués.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.
18 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.
19 Q. Pouvez-vous examiner la pièce 1333, il s'agit, me semble-t-il, d'un
20 document de deux pages. Est-ce là l'une des pages que vous avez imprimée ?
21 R. Oui, oui.
22 Q. Nous voyons ici tous les renseignements concernant les accusés ?
23 R. Ce que nous voyons ici, c'est tout ce que j'ai lu.
24 Q. Merci.
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la page suivante,
26 s'il vous plaît ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
28 M. DI FAZIO : [interprétation]
Page 4147
1 Q. Il s'agit là des deux pages que vous avez communiquées à l'Accusation
2 lorsque vous êtes arrivé il y a peu de temps à La Haye ?
3 R. Oui.
4 Q. Merci.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne s'agit pas d'annexes, n'est-ce pas
6 ? J'ai du mal à me retrouver.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Elles --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les annexes A, B et C sont jointes à la
9 déclaration de 2007, mais elles viennent de la déclaration de 2006
10 auxquelles elles étaient rattachées précédemment. D'après ce que j'ai
11 compris maintenant, les annexes D et E sont distinctes. Il s'agit de
12 documents distincts.
13 Quelle cote attribuerons-nous à ces documents, Madame la Greffière.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P275. C'est une
15 cote provisoire.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections ? On voit simplement ce
17 que le témoin a pu lire à l'époque. C'est maintenant consigné au compte
18 rendu.
19 M. EMMERSON : [interprétation] Pas d'objection.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Compte tenu de ce que vient de dire la
22 Chambre, nous n'avons aucune objection à soulever.
23 M. HARVEY : [interprétation] Il faudra tenir compte de la réserve exprimée,
24 sinon nous n'avons aucune objection.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document P275 est versé au dossier.
26 Poursuivez, Monsieur Di Fazio.
27 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.
28 Peut-on revoir la première page, je vous prie ? Voilà. Peut-on faire
Page 4148
1 défiler le texte. Très bien.
2 Q. L'homme que nous voyons sur la photographie du haut, c'est M.
3 Haradinaj. Personne ne le conteste. L'homme que nous voyons au bas de la
4 page, vu ce que vous avez observé le 11 août 1998, pourriez-vous nous dire
5 qui est cette personne ?
6 R. [aucune interprétation]
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson --
9 M. GUY-SMITH : [interprétation] -- M. Di Fazio ne fait pas ce qu'il a
10 annoncé.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Di Fazio, vous êtes en
12 train de procéder à une identification dans le prétoire. Vous pouvez
13 demander au témoin s'il a vu ces photographies ou à quoi il a pensé
14 lorsqu'il a vu ces photographies ?
15 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien, je vais reprendre votre formulation,
16 Monsieur le Président.
17 Q. Lorsque vous avez examiné ces photos sur le site internet, notamment la
18 photo de la personne que l'on voit au bas de la page, qu'avez-vous pensé ?
19 R. J'ai aussitôt reconnu l'homme qui a frappé l'interprète. C'est lui qui
20 dirigeait le groupe de trois hommes.
21 Q. Groupe qui vous a conduits de Rznic à Glodjane ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci.
24 M. DI FAZIO : [interprétation] Pouvons-nous maintenant voir la deuxième
25 page ?
26 Q. Même question. Lorsque vous avez consulté le site du TPIY et que vous
27 avez vu cette photo, qu'avez-vous pensé ?
28 R. Son visage m'a dit quelque chose. Je l'ai vu dans la cour de la maison,
Page 4149
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4150
1 mais il n'a pas pris part ni aux sévices ni à la détention.
2 Q. Vous n'avez donc rien eu à voir avec cet homme ?
3 R. Non.
4 Q. Mais il se trouvait dans la cour ?
5 R. Oui.
6 Q. Merci.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, ce document -- il a
8 été versé au dossier. Merci.
9 Q. [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il a déjà été versé au dossier.
11 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande quand
12 est-ce que nous allons faire la pause car je voudrais aborder la question
13 de certains documents et j'aurais vraiment besoin de consulter la Défense
14 sur ce point. Peut-être que le moment serait bienvenu pour faire la pause.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout à fait. Nous allons faire une pause
16 et nous reprendrons les travaux à 18 heures 05.
17 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.
18 --- L'audience est reprise à 18 heures 07.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Je vous suis reconnaissant d'avoir
21 ordonné la pause plus tôt que prévu. J'espère que cela nous sera utile pour
22 la suite du témoignage.
23 Q. Monsieur Pappas, dans votre déclaration 92 ter, vous parlez d'une
24 visite au secteur du lac de Radonjic. Je souhaiterais que vous examiniez
25 très brièvement plusieurs séquences vidéo ainsi qu'une photographie afin de
26 nous dire ce que vous reconnaissez, peut-être pourrez-vous faire quelques
27 commentaires à ce sujet.
28 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on montrer au témoin l'extrait de la
Page 4151
1 pièce P72 ?
2 Q. Veuillez regarder l'écran, Monsieur le Témoin.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez tout voir ?
4 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
5 Q. Monsieur le Témoin, veuillez suivre ce qui apparaît à l'écran.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 M. DI FAZIO : [interprétation]
8 Q. Nous faisons un bref arrêt sur image. Je sais que la qualité de l'image
9 n'est pas très bonne, mais reconnaissez-vous cet endroit ?
10 R. Oui, il s'agit de l'endroit où nous sommes allés le 18 septembre.
11 Q. Est-ce le canal qui mène au lac Radonjic ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que vous avez remarqué quelque chose de particulier sur les
14 murs, des traces que vous avez constatées sur les murs lorsque vous étiez à
15 cet endroit ?
16 R. Oui, nous avons vu des traces nombreuses sur le mur. On nous a dit
17 qu'il s'agissait d'impacts de balles. Je ne suis pas expert en la matière,
18 mais j'en ai vu beaucoup.
19 Q. Merci.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on poursuivre la diffusion de cette
21 séquence vidéo ?
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 M. DI FAZIO : [interprétation]
24 Q. Est-ce que vous voyez ici des traces semblables à celles que vous avez
25 pu observer ?
26 R. Oui.
27 Q. Qui vous a dit qu'il s'agissait d'impacts de balles ?
28 R. Le jour où nous sommes allés sur le site, nous étions accompagnés par
Page 4152
1 le chef du parquet ou des juges -- je crois qu'il s'appelait Cvejic.
2 Q. C'était un fonctionnaire serbe du tribunal, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Merci.
5 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que cette
6 séquence a déjà été versée au dossier.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je note simplement pour le besoin du
8 compte rendu d'audience qu'il s'agit d'un extrait situé au chronomètre
9 entre 8 minutes et 10 secondes et 8 minutes et 50 secondes.
10 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.
11 Q. Ces impacts de balles que nous avons pu voir --
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Di Fazio, encore
13 faut-il prouver cela.
14 M. DI FAZIO : [interprétation] Maître Guy-Smith a tout à fait raison. Je
15 lui suis reconnaissant d'avoir fait cette remarque.
16 Q. Ces traces, dont on vous a dit qu'il s'agissait d'impacts de balles, se
17 trouvaient-elles des deux côtés du canal sur le mur ?
18 R. Simplement sur la partie extérieure du mur et pour ce qui est du mur
19 opposé - en fait ces murs se trouvent de part et d'autre du canal - les
20 traces se trouvaient à l'extérieur, mais pas de part et d'autre du même
21 mur.
22 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. On peut demander au témoin de
23 reconnaître quelque chose, mais s'il s'agit de lui demander de réfuter
24 autre chose, encore faut-il établir qu'il a inspecté les deux murs, des
25 deux côtés et sur toute leur longueur, car son témoignage ne cadre pas avec
26 ce qui apparaît sur les photographies.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Di Fazio.
28 M. DI FAZIO : [interprétation] J'essaie simplement de produire des éléments
Page 4153
1 de preuve afin de déterminer si le témoin a pu observer la présence de ces
2 impacts --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Monsieur Di Fazio, je pense que Me
4 Emmerson apprécierait énormément que vous traitiez convenablement de cette
5 question. On ne doit pas demander expressément ce qu'il en était -- enfin,
6 seulement dans une certaine mesure. Le témoin a dit : "Non, ces impacts ne
7 se trouvaient pas des deux côtés du même mur." Voilà ce que j'ai compris.
8 Mais il me semble que Me Emmerson souhaiterait savoir si le témoin a
9 examiné attentivement les deux parties du mur afin de parvenir à une telle
10 conclusion, et qui lui permet d'affirmer qu'il n'y avait pas d'impacts de
11 balles de l'autre côté du mur ou de l'autre côté des deux murs.
12 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Je ne vais pas m'appesantir sur le
13 sujet. Je souhaiterais montrer au témoin une autre séquence vidéo, si vous
14 m'y autorisez.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
16 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, mais nous souhaiterions avoir
17 un fondement à l'affirmation selon laquelle il y avait des impacts de
18 balles d'un côté seulement de chacun des murs, si c'est bien ce que le
19 témoin affirme.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez invité M. Di Fazio à poser la
21 question au témoin. Si aucun fondement n'a été posé, il s'agit simplement
22 d'une affirmation.
23 Monsieur Di Fazio, bien entendu, ceci limite la pertinence et la valeur
24 probante du témoignage. Vous en êtes conscient, je
25 suppose ?
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Tout à fait. Veuillez m'accorder un instant
27 afin que je consulte mon collègue, je vous prie.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
Page 4154
1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
2 M. DI FAZIO : [interprétation]
3 Q. Est-ce que vous avez inspecté la partie interne des murs longeant le
4 canal ?
5 R. Seulement d'un côté, lorsque nous nous sommes rapprochés du canal, mais
6 pas de l'autre côté.
7 Q. Où vous trouviez-vous lorsque vous avez procédé à cette inspection,
8 vous en souvenez-vous ? De quelle partie du canal s'agissait-il ?
9 R. C'était peut-être la partie ouest du canal, là où les cadavres ont été
10 retrouvés, essentiellement dans ce secteur.
11 Q. Lorsque vous parlez de "la partie ouest du canal où les cadavres ont
12 été retrouvés" -- en fait, vous-même vous n'avez vu aucun cadavre ?
13 R. Non.
14 Q. Donc vous vous êtes appuyé sur ce que vous ont dit les fonctionnaires
15 serbes, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Merci. Lorsque vous avez procédé à cette inspection, comme vous l'avez
18 dit, à partir de la partie ouest du canal, est-ce que vous avez vu ces
19 traces dont on vous a dit qu'il s'agissait d'impacts de balles sur la
20 partie interne des murs longeant le canal ?
21 R. Non, pas à cet endroit du canal.
22 Q. Est-ce que vous avez procédé à l'inspection d'autres parties du canal ?
23 R. Non.
24 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez examiner cette séquence vidéo, s'il
25 vous plaît ?
26 [Diffusion de la cassette vidéo]
27 M. DI FAZIO : [interprétation]
28 Q. Pourriez-vous me dire tout d'abord si vous reconnaissez ce que l'on
Page 4155
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4156
1 voit ici à l'écran ?
2 R. Oui.
3 Q. De quoi s'agit-il ?
4 R. Il s'agit d'un autre groupe de traces visibles sur le mur qui se trouve
5 sur la partie opposée du canal, à l'époque où nous avons procédé à
6 l'inspection. Là encore, on nous a dit qu'il s'agissait d'impacts de
7 balles.
8 Q. Peut-être l'ignorez-vous, mais est-ce que vous avez vu personnellement
9 ces impacts de balles, ou avez-vous vu des impacts de balles analogues à
10 ceux-ci sur la partie interne du mur longeant le canal ?
11 R. Non.
12 Q. Il faut que les choses soient bien claires. Est-ce que vous dites que
13 vous ne vous souvenez pas avoir vu cette portion du canal avec ces impacts
14 de balles-ci ?
15 R. Oui. C'est exact. Je suis monté sur le mur en béton pour voir ce qu'il
16 y avait en contrebas, mais je ne me souviens pas avoir vu de traces sur la
17 partie interne de ce mur. Mais je n'ai pas examiné d'autres endroits dans
18 les parages.
19 Q. Etait-ce cet endroit que vous avez vu dans la séquence vidéo, où vous
20 avez vu les impacts de balles ?
21 R. Oui.
22 Q. Merci.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu
24 d'audience, au chronomètre on peut lire 7 minutes, 28 secondes. C'est là
25 qu'on voit l'image.
26 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivons.
28 M. DI FAZIO : [interprétation] Enfin, tant que nous sommes sur ce sujet,
Page 4157
1 est-ce que l'on pourrait montrer la pièce P45 au témoin ?
2 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais de regarder avec attention
3 cette photographie, et de nous dire si vous reconnaissez ce qu'on voit sur
4 cette photographie ?
5 R. Oui. Je dirais que je reconnais cet endroit, car il se trouve juste
6 avant l'extrémité du canal. Il y avait une espèce de ravin naturel qui
7 commençait à cet endroit. Je dirais donc que je reconnais cet endroit, oui.
8 Q. Merci. J'aimerais, si vous le voulez bien, que vous vous saisissiez
9 d'un marqueur de couleur rouge, et que vous indiquiez sur cette
10 photographie la ou les zones où vous savez que vous êtes allés le jour où
11 vous vous êtes rendus dans le secteur du lac.
12 R. Nous sommes allés ici. C'est là que nous avons vu les impacts de
13 balles, ou en tout cas ce qui semble être des impacts de balles.
14 Q. Merci. Etes-vous allés à d'autres endroits le long du canal, le long de
15 cette espèce de ravin naturel, des endroits que l'on voit sur la
16 photographie ?
17 R. Nous sommes allés dans un autre endroit. Je ne suis pas sûr qu'il se
18 situe bien en haut de la photographie, là où je trace un cercle maintenant.
19 Mais je sais que nous sommes allés dans la direction est, sud-est, à partir
20 du mur en béton que l'on voit ici. Je crois que c'est bien l'endroit que
21 j'ai indiqué. Oui, à un kilomètre, un kilomètre et demi.
22 Q. D'accord. Mais s'agissant du canal, est-ce que lorsque vous avez visité
23 la zone du canal, vous n'êtes allés qu'à l'endroit où vous avez inscrit le
24 premier cercle ?
25 R. Ce jour-là, oui.
26 Q. Merci. Peut-être pourriez-vous inscrire vos initiales à côté du cercle
27 qui indique l'endroit le long du canal où vous vous êtes rendu ?
28 R. L'endroit où j'ai vérifié le canal, vous voulez dire ?
Page 4158
1 Q. Oui. Mettez vos initiales à côté du cercle.
2 R. Oui.
3 Q. Merci. Et l'autre cercle, à côté duquel il n'y a pas d'initiales,
4 représente l'endroit dont vous pensez qu'il s'agit de la ferme que vous
5 avez également visitée le même jour ?
6 R. Oui.
7 Q. Merci.
8 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
9 versement au dossier de la photographie.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, quelle est la cote
11 ?
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
13 pièce P276, enregistrée aux fins d'identification.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections du côté de la Défense ?
15 M. EMMERSON : [hors micro]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La photographie est donc admise en tant
17 que pièce à conviction.
18 Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.
19 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur l'Huissier, je n'ai plus besoin --
20 Q. Pendant l'accomplissement de votre mission, est-ce que votre équipe
21 rédigeait des rapports de temps en temps ?
22 R. Vous me demandez si mon équipe rédigeait des rapports ?
23 Q. Oui, l'équipe Pec 1.
24 R. Nous étions censés faire rapport tous les jours.
25 Q. A qui faisiez-vous rapport ?
26 R. Nous avions une hiérarchie qui allait du bas, donc le niveau des
27 différentes équipes, Pec 1, Pec 2, et des équipes dont les noms
28 commençaient par Mitrovica, d'autres équipes pour Pristina, qui étaient
Page 4159
1 toutes subordonnées à un centre de coordination.
2 Q. Très bien. Où se trouvait ce centre de coordination ?
3 R. A Pristina.
4 Q. D'accord, merci. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre comment se
5 déroulait ce processus de rapport au quotidien ?
6 R. Nous avions des réunions qui étaient planifiées lorsque nous savions
7 que les autorités serbes prévoyaient quelque chose. Il y avait des numéros
8 de téléphone qui étaient échangés, des numéros pour des contacts. Nous
9 avions des réunions régulières et des entretiens, nous pouvions poser les
10 questions que nous voulions et nous prenions des notes. Il y avait aussi
11 les patrouilles et tous les jours nous rédigions un résumé de ce qui
12 s'était fait ce jour-là, et nous étions censés envoyer nos rapports avant 3
13 heures au centre de coordination.
14 Q. Très bien. Quand vous dites 3 heures, vous pensez à 3 heures de
15 l'après-midi ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous avez utilisé un sigle. Vous
18 envoyez les rapports au CC ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui --
20 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous voulez dire, centre de
21 coordination ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.
24 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.
25 Q. Dans votre équipe, l'équipe Pec 1, qui était chargé de la rédaction des
26 rapports ? Ou est-ce que les rapports n'étaient pas toujours rédigés par la
27 même personne ?
28 R. Pour les deux équipes de Pec 1 et Pec 2, c'est la plupart du temps
Page 4160
1 German Kaufmann qui rédigeait les rapports.
2 Q. Est-ce que vous-même avez participé à la rédaction de ces rapports en
3 fournissant des éléments d'information à Kaufmann ?
4 R. Oui, j'y ai participé un grand nombre de fois, mais c'est lui qui était
5 l'auteur du dernier libellé.
6 Q. Merci. Quand le rapport était mis noir sur blanc, quelle était l'étape
7 suivante ?
8 R. Nous avions notre propre réseau qui permettait d'envoyer les rapports
9 par informatique au centre de coordination, qui ensuite rassemblait tous
10 les rapports relatifs à la même journée provenant de toutes les équipes qui
11 se trouvaient au Kosovo, et établissait un résumé, donc un rapport concis
12 qui reprenait les points les plus importants de tous les rapports émanant
13 des équipes. Ce rapport concis était envoyé au CR de Belgrade, au centre
14 régional de Belgrade.
15 Q. Est-ce que vous savez si les autres équipes parallèles à la vôtre
16 faisaient ce même travail partout au Kosovo ?
17 R. Ils faisaient le même travail, vous voulez dire --
18 Q. Je veux dire, est-ce qu'ils faisaient la même chose que vous ?
19 R. Oui, bien sûr.
20 Q. Sur tout le territoire du Kosovo ils établissaient un rapport quotidien
21 ?
22 R. Tous les jours. Oui.
23 Q. Et ils l'envoyaient au centre de coordination ?
24 R. Oui.
25 Q. A partir du centre de coordination, un texte était envoyé au centre
26 régional ?
27 R. Oui.
28 Q. D'accord. Est-ce que vous avez eu la possibilité d'avoir sous les yeux
Page 4161
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4162
1 les rapports envoyés par le centre de coordination au centre régional ?
2 R. Officieusement seulement, voyez-vous. Quand j'allais au centre de
3 coordination de Pristina et que des collègues à moi étaient en train de
4 rédiger le rapport, je voyais le rapport --
5 Q. Merci.
6 R. -- si j'étais assez près de celui qui le rédigeait.
7 Q. Merci.
8 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais maintenant
9 traiter de certains documents précis, et j'aurais besoin de passer à huis
10 clos partiel.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à
13 huis clos partiel.
14 [Audience à huis clos partiel]
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 4163
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Pages 4163-4179 expurgées. Audience à huis clos partiel
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4180
1 (expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pappas, dès que vous l'aurez
4 fait, s'il vous plaît, donnez les documents à la Section des Victimes et
5 des Témoins. Vous n'êtes pas censé être en contact avec l'Accusation, donc
6 c'est la Section des Victimes et des Témoins qui transmettra le document au
7 greffe, et le greffe ensuite le fera traduire.
8 Combien y a-t-il de pages dans ce document ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] A peu près quatre ou cinq pages, je crois que
10 c'est uniquement quatre.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. D'après vous le passage qui
12 restera sera à peu près quelle taille ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] A peu près quatre pages aussi.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
15 Nous reprendrons donc la séance demain à 14 heures 14 heures, même
16 prétoire.
17
18 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mardi 15 mai 2007,
19 à 14 heures 15.
20
21
22
23
24
25
26
27
28