Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 24 mai 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

7 Madame la Greffière, veuillez annoncer l'affaire.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

9 Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre

10 Ramush Haradinaj et consorts.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

12 La Chambre a été informée que Me Guy-Smith n'aurait pas de questions à

13 poser. Me Emmerson bénéficiera donc des cinq minutes supplémentaires qu'il

14 a demandé et Me Harvey aura besoin de 15 à 20 minutes pour son contre-

15 interrogatoire.

16 M. HARVEY : [interprétation] Oui, c'est exact.

17 M. EMMERSON : [interprétation] M. Re a indiqué que les questions

18 supplémentaires dureront autant de temps, grosso modo, que les questions de

19 Me Harvey.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Crosland, cela vous donne

21 une idée de ce que vous pouvez attendre ce matin.

22 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais bon, tout dépend des questions qui

24 seront posées et des réponses que vous fournirez. Vous n'avez qu'à répondre

25 aux questions. Si cela prend deux heures, nous comprenons.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous souhaitons entendre votre

28 témoignage, mais je vous rappelle tout d'abord que vous êtes toujours tenu

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1 par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

2 déclaration.

3 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

4 LE TÉMOIN : JOHN CROSLAND [Reprise]

5 [Le témoin répond par l'interprète]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Peut-on présenter au témoin le classeur vert

8 ? Il s'agit d'une image que nous avons déjà vue.

9 Contre-interrogatoire par M. Emmerson : [Suite]

10 Q. [interprétation] Vous voyez l'image à l'écran. Si vous avez besoin de

11 voir la version papier, elle se trouve à l'intercalaire 3. Je vous

12 demanderais d'annoter cette image. Pour ce faire, je demanderais à

13 l'huissière de bien vouloir vous remettre le stylet approprié. Compte tenu

14 des remarques que vous avez faites hier, je ne vous demanderai pas

15 d'indiquer l'endroit précis où vous avez vu ces corps flotter, car vous en

16 avez parlé lors de l'interrogatoire principal.

17 Est-ce que vous voyez la route -- le sentier qui part du milieu de la page

18 environ et qui va vers la droite ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce par ce sentier que vous êtes arrivé sur les lieux ?

21 R. Je pense que oui, mais j'hésite, car j'essaie de me repérer.

22 Q. Peut-être puis-je vous aider ?

23 R. Excusez-moi, nous sommes arrivés sans doute par ce sentier. J'essaie de

24 ne pas semer la confusion dans votre esprit, car je suis allé une autre

25 fois avec Lord Ashdown à cet endroit.

26 Q. Oui, vous y êtes allé à deux reprises. Sur cette photographie, au-

27 dessus du sentier, nous l'avons vu également sur la carte, il y a des

28 rangées de buissons, dirait-on ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que les autorités serbes vous ont dit qu'elles avaient repéré

3 des corps dans ce secteur ?

4 R. Pas d'après mes souvenirs.

5 Q. Vous a-t-on dit quoi que ce soit au sujet de corps qui auraient été

6 retrouvés dans une ferme, y compris le corps d'une femme et celui d'un

7 enfant ? Cette ferme ou cette propriété agricole se trouve en haut à droite

8 de la photographie.

9 R. Je ne me souviens pas de cela.

10 Q. Voilà, c'est tout ce que je voulais vous demander au sujet de cette

11 photo. Il y a un autre sujet que je souhaiterais aborder avec vous. Vous

12 avez témoigné dans l'affaire Limaj, nous avons le compte rendu de votre

13 déposition, et vous avez dit à l'époque que de temps en temps, les corps de

14 civils étaient retrouvés sur le bas-côté de la route et à divers endroits,

15 dans différentes régions du Kosovo.

16 Premièrement, était-ce également le cas dans le secteur de Dukagjini ? Est-

17 ce que cela arrivait de temps à autre ?

18 R. On nous a demandé, me semble-t-il, d'aller voir les corps qui avaient

19 été abandonnés sur le bas-côté de la route. Si je me souviens bien, il est

20 arrivé une fois que l'on voie des cadavres sur la route qui mène de Pec à

21 Pristina près de Pec, vers Rakovina, également au nord-est de Djakovica.

22 Q. Je vais vous interroger à ce sujet en vous soumettant quelques

23 remarques que vous avez formulées par le passé. Est-il exact de dire que,

24 de façon générale, il était difficile de déterminer qui étaient les auteurs

25 de meurtres ?

26 R. Tout à fait.

27 Q. Il y avait des rumeurs circulant selon lesquelles les Serbes étaient

28 les auteurs de ces crimes et inversement ?

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1 R. Oui, il y avait énormément de rumeurs. Cela dépendait des personnes à

2 qui l'on parlait.

3 Q. Est-il exact de dire que d'après vous, certains de ces crimes étaient

4 liés à des activités criminelles, à des associations de malfaiteurs ou

5 autres à Peje ou Pec ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Vous avez également parlé de vendetta, de vengeance qui était monnaie

8 courante au Kosovo.

9 R. Oui. On essayait de faire croire aux gens qu'il s'agissait d'une

10 manière de vivre et que c'était comme cela.

11 Q. Merci.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

14 Etant donné que Me Guy-Smith n'a pas de questions à poser, Maître Harvey,

15 vous avez maintenant la parole. Vous pouvez contre-interroger M. Crosland.

16 M. HARVEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Contre-interrogatoire par M. Harvey :

18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Crosland.

19 R. [aucune interprétation]

20 Q. Je représente les intérêts de Lahi Brahimaj, qui est assis derrière

21 moi. C'est l'un des accusés en l'espèce. J'aurais quelques questions à vous

22 poser. Elles ne sont pas nombreuses. Je souhaiterais que l'on parle

23 essentiellement du rôle que vous avez joué lorsque vous avez recueilli des

24 informations au sujet de l'état-major général. En tant qu'attaché

25 militaire, est-il exact de dire que vous connaissiez bien le fonctionnement

26 de l'état-major général de l'armée yougoslave ?

27 R. Sauf le respect que je vous dois, il s'agit d'une question très

28 générale. Comme vous l'avez à juste titre indiqué, on m'a affecté à l'armée

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1 de Yougoslavie. Notre travail officiel et officieux était contrôlé par le

2 service de liaison qui faisait partie de l'état-major général. Comme dans

3 la plupart des pays, l'attaché militaire était informé par l'état-major

4 général en fonction de la situation. J'étais donc en contact avec l'état-

5 major général, c'est vrai.

6 Q. Votre rôle, entre autres, consistait à obtenir autant d'informations

7 que possible concernant les opérations menées par les forces de sécurité

8 serbes, qu'il s'agisse de l'armée ou des diverses branches de la police

9 déployées sur le terrain au Kosovo. Je pense que vous en avez déjà parlé.

10 R. Oui. On m'a autorisé à pénétrer dans ces secteurs, et je pense avoir

11 indiqué dans mes déclarations antérieures que je ne pense pas que ce soit

12 habituel, nous avons essayé de donner une idée juste et vaste de la

13 situation, au Kosovo et ces informations ont sans doute été utiles à

14 l'état-major général de l'armée de Yougoslavie dans ses tentatives visant à

15 régler le problème.

16 Q. Vous avez présenté de nombreux rapports à votre gouvernement au sujet

17 des informations que vous avez obtenues sur le terrain et par le biais de

18 vos contacts avec les forces serbes et les forces yougoslaves. Vous vous

19 êtes efforcé, comme vous l'avez dit, d'obtenir autant d'informations

20 fiables que possible au sujet de l'autre partie belligérante au Kosovo,

21 c'est-à-dire l'UCK, n'est-ce pas ?

22 R. C'est exact, afin de donner une idée plus juste et plus équilibrée du

23 problème qui avait commencé, comme je l'ai dit, en 1996 et 1997 -- la

24 situation se détériorera en 1998 et 1999.

25 Q. En 1998, qui est la période que nous intéresse plus particulièrement

26 ici, entre mars et septembre 1998, vous nous avez dit que vous vous étiez

27 rendu à maintes reprises au Kosovo, presque une fois par semaine, me

28 semble-t-il. A l'époque, avez-vous essayé d'entrer en contact avec ce qui

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1 aurait pu s'apparenter à l'état-major général du côté de l'UCK ?

2 R. Nous avons visité plusieurs QG de l'UCK, notamment à Crni Lug,

3 Malisevo, Glodjane, Dukadjin. Nous avons rencontré plusieurs personnes qui,

4 nous a-t-on dit, avaient le même grade que les personnes qui étaient

5 l'état-major général. A l'époque, nous n'avions pas d'informations très

6 détaillées au sujet de la structure de l'UCK.

7 Q. Vous avez fait plusieurs déclarations. Je ne vais pas les parcourir

8 avec vous de façon détaillée, mais maintenez-vous ce que vous avez dit en

9 juin 2006, à savoir, je cite : "L'UCK était organisée, mais il serait peut-

10 être erroné de désigner par 'état-major général' l'organe qui se trouvait

11 en haut de la hiérarchie."

12 R. C'est exact. Comme je l'ai dit dans d'autres déclarations, j'ai dû

13 mener diverses opérations contre d'autres forces contre-révolutionnaires.

14 On préfère éviter de leur accorder trop de crédit; c'est mon point de vue

15 personnel, ce n'est pas nécessairement le produit d'une défense.

16 Mais on essaie de replacer les choses en perspective, et en fonction

17 des rebondissements, de l'évolution de la situation, on fait preuve de bon

18 sens et on désigne les choses par leur nom. En 1998, cette organisation est

19 devenue une organisation beaucoup plus organisée.

20 Q. Vous nous avez dit à maintes reprises qu'au Kosovo, la situation

21 variait beaucoup en 1998. Confirmeriez-vous cela ?

22 R. C'est exact.

23 Q. L'UCK a subi plusieurs échecs importants, notamment entre mai et

24 septembre 1998. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

25 R. Comme nous l'avons dit hier, c'est à cette époque-là que les Serbes ont

26 mis en place l'une des premières offensives majeures au Kosovo.

27 Q. Vous êtes d'avis que l'UCK n'était pas bien organisée au plan tactique

28 et n'était pas suffisamment bien organisée pour résister à ces offensives

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1 serbes puissantes ?

2 R. Effectivement, je crois qu'il ressort assez clairement des documents

3 qui ont été présentés hier que les Serbes étaient en position de

4 supériorité et auraient pu monter n'importe quelle opération comme ils

5 l'auraient voulu. Je ne peux pas vous dire pourquoi ils ne l'ont pas fait,

6 mais je suis d'accord avec vous pour dire que les Serbes avaient la

7 capacité de le faire.

8 Q. Conviendrez-vous que l'UCK n'a véritablement commencé à se regrouper de

9 façon organisée, raisonnablement organisée, qu'après l'offensive majeure de

10 septembre 1998 ?

11 R. Oui, je suis d'accord avec vous. Je pense avoir déclaré cela.

12 Apparemment, il y a eu un ravitaillement en hommes et en matériel, et nous

13 avons vu qu'ils développaient la capacité à opposer la résistance contre

14 des forces potentiellement supérieures.

15 Q. N'avez-vous jamais rencontré qui que ce soit dont on vous a dit qu'il

16 était le chef de l'état-major général de l'UCK au cours de cette période ?

17 Et là je parle encore une fois de la période se situant entre mars et

18 septembre.

19 R. Pas pour autant que je m'en souvienne. Il n'a pas dit expressément

20 qu'il était chef de l'état-major général. Je ne m'en souviens pas.

21 Q. Connaissiez-vous le nom du chef de l'état-major général de l'UCK à

22 l'époque ?

23 R. Etait-ce le général Ceku ? Je ne sais pas. C'est un nom qui revenait

24 souvent, mais à mon niveau, et j'insiste, à mon niveau je ne saurais vous

25 répondre de façon fiable.

26 Q. Moi-même j'ai une très bonne mémoire, mais beaucoup de temps s'est

27 écoulé depuis les faits. Il est peut-être difficile de se rappeler qui

28 occupait quelles fonctions à quel moment. Je vois que vous hochez la tête.

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1 R. C'est exact.

2 Q. Vous avez dit dans l'une de vos déclarations, je cite : "Compte tenu de

3 mes contacts avec l'UCK et de la connaissance que j'avais du nombre de

4 leurs opérations, je ne pense pas que leur état-major général exerçait un

5 contrôle particulièrement efficace sur l'organisation."

6 Est-ce que cela résume ce que vous venez de dire ce matin ?

7 R. Oui, je suis d'accord avec cela, compte tenu des contacts que nous

8 avons eus avec l'UCK et qui sont peut-être difficiles à comprendre pour les

9 Juges de la Chambre. Nous travaillions dans un contexte très exigeant,

10 assez dangereux, et lorsque je circulais à bord de ma voiture rouge marron

11 qui a un drapeau britannique, il était assez facile de nous repérer, et je

12 pouvais facilement conduire à un QG de l'UCK si les Serbes nous avaient

13 suivis.

14 J'aurais pu mener les Serbes au QG de l'UCK si j'y allais. Par

15 conséquent, il était difficile de planifier les rencontres, et l'UCK

16 agissait de façon assez clandestine et ne disait pas grand-chose, bien sûr,

17 au sujet de leurs opérations et des personnes qui contrôlaient ces

18 opérations. Donc, pour ce qui est des combats organisés et planifiés par

19 l'UCK, d'après moi la situation était assez difficile. On a rencontré

20 toutes sortes de commandants, comme je l'indiquais dans mes rapports, qui

21 contrôlaient divers secteurs. Et à l'époque, si je ne m'abuse, ils ont

22 indiqué eux-mêmes qu'ils n'étaient pas seuls, mais qu'il y avait beaucoup

23 de contrôle coordonné à l'époque. Mais peut-être que je me trompe dans mon

24 appréciation de la situation.

25 Q. Je pense que vous avez tout à fait raison de dire cela et j'aimerais

26 même aller plus loin. Dans une autre déclaration que vous avez faite, vous

27 avez remarqué, je cite : "Je n'ai pas connaissance de l'existence d'une

28 doctrine de l'UCK et je ne sais pas quelle était la capacité de

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1 l'organisation en matière de discipline, notamment pour ce qui est des

2 actes criminels et de la prévention de tels actes. Je ne sais pas non plus

3 si des commandants de l'UCK ont jamais ordonné à quelque moment que ce soit

4 des attaques criminelles."

5 Est-ce que cela vous dit quelque chose ? Est-ce que vous maintenez ces

6 propos aujourd'hui ?

7 R. Oui, je maintiens ce que j'ai dit. Je pense qu'il y avait un lien

8 manifeste entre les actions militaires et l'activité criminelle dans la

9 société albanaise. Il est très difficile, de mon point de vue, de

10 déterminer la nature de ce contrôle.

11 Q. Mais vous maintenez que vous ignorez si des commandants de l'UCK ont

12 ordonné des attaques criminelles ?

13 R. Je ne suis pas en mesure de répondre.

14 Q. Merci. Vous avez également indiqué qu'au début, vous vous êtes rendu

15 dans un endroit appelé Jablanica; est-ce exact ?

16 R. J'hésite, car il y a deux endroits portant ce nom.

17 Q. Vous avez tout à fait raison.

18 R. Il y en a peut-être plus, mais enfin il y a au moins deux Jablanica.

19 Q. [aucune interprétation]

20 R. De quel Jablanica parlez-vous ?

21 Q. Je parle de l'endroit appelé Jablanica qui se trouve le long de l'axe

22 principal de ravitaillement de l'UCK, depuis la frontière albanaise jusqu'à

23 Drenica. Est-ce que cela vous dit quelque chose ?

24 R. Est-ce qu'il s'agit de l'endroit appelé Jablanica qui se trouve près du

25 secteur de Klina ou non loin de Klina ? Je pense que nous nous y sommes

26 rendus, effectivement.

27 M. HARVEY : [interprétation] Peut-on montrer la carte P10 au témoin, s'il

28 vous plaît ?

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1 [hors micro]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre microphone, Maître Harvey.

3 M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi.

4 Q. A droite de la carte, vers l'est, voyez-vous Jablanica ? On voit un

5 grand "O".

6 R. Oui, je le vois.

7 Q. C'est de ce Jablanica que je parle. D'après vos souvenirs, est-ce à cet

8 endroit que vous vous êtes rendus ?

9 R. Je pense que oui. Je me trompe peut-être, mais je crois que c'est le

10 cas.

11 Q. Dites-moi, je vous prie, si trop de temps s'est écoulé depuis pour que

12 vous vous en souveniez clairement, mais dites-moi, si vous vous en

13 souvenez, s'il y avait présence de l'UCK dans ce secteur à l'époque où vous

14 vous êtes rendus à Jablanica ?

15 R. Si c'est bien à cet endroit que nous sommes allés, il y avait quelques

16 membres de l'UCK, d'après mes souvenirs. Mais excusez-moi, je me trompe

17 peut-être.

18 Q. Vous souvenez-vous approximativement de la date à laquelle vous avez

19 effectué cette visite ?

20 R. Je dirais que c'était aux environs du mois de mars ou en avril, peut-

21 être en mai. J'avais rendu -- c'étaient des personnes qui se trouvaient à

22 Drenica, Vocnjak, et ensuite nous avons poursuivi notre chemin vers cet

23 endroit, je pense, mais je ne peux pas être plus précis, j'en ai peur.

24 Q. Très bien. Vous souvenez-vous avoir déclaré, je cite : "Je ne me

25 souviens pas si l'on m'a dit qu'il y avait des camps de détention à

26 Glodjane ou à Jablanica" ?

27 R. Je me souviens avoir déclaré cela et je maintiens ces propos

28 aujourd'hui.

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1 Q. Donc, vous dites que vous ne vous en souvenez pas. Merci beaucoup,

2 Monsieur Crosland. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Emmerson.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Avant les questions supplémentaires de M.

5 Re, il y a une réponse fournie par le témoin à la page 7, lignes 11 et 12

6 du compte rendu, qui d'après moi mérite des éclaircissements. En réponse à

7 une question posée par Me Harvey, aux lignes 11 et 12, le colonel Crosland

8 a établi une distinction entre l'UCK en tant qu'organisation naissante, un

9 terme qu'il a utilisé à plusieurs reprises, et l'UCK en tant

10 qu'organisation assez bien organisée. Il a dit qu'en 1998, la situation

11 avait changé. Peut-être qu'il serait utile pour les Juges de la Chambre que

12 le colonel Crosland dise si c'est 1998 que la transition a eu lieu.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si possible, Monsieur Crosland,

14 donnez-nous une idée de la période.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense avoir parlé de cela. Je crois que

16 c'est au début de l'automne, en septembre que j'ai constaté cette

17 transition. Je pense l'avoir dit dans ma déclaration précédente.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce stade aujourd'hui, vous n'avez pas

19 de raison de vous écarter de ce que vous avez dit plus tôt ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, si j'ai bien compris, vous

22 avez des questions supplémentaires à poser au témoin. Vous avez la parole,

23 allez-y.

24 Nouvel interrogatoire par M. Re :

25 Q. [interprétation] Colonel Crosland, je vous salue de nouveau. Il y a

26 plusieurs questions que je souhaiterais vous poser suite au contre-

27 interrogatoire mené par Me Emmerson hier. Tout d'abord, pourriez-vous, je

28 vous prie, examiner un document figurant à l'intercalaire 14 ? Il s'agit de

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1 la pièce D70. On vous a interrogé au sujet de ce document hier.

2 M. RE : [interprétation] Il s'agit d'un document de la VJ. Il peut être

3 diffusé à l'extérieur de ce prétoire.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Afin d'aider M. Re, les Juges de la Chambre

5 et le témoin, je signale que nous disposons maintenant de la traduction

6 officielle dudit document. Je pense que ce document a été enregistré dans

7 le système et remplacera la traduction provisoire qui y figure

8 actuellement. Je voulais évoquer ce point à la fin de la déposition du

9 témoin, mais si M. Re compte se servir de ce document dans le cadre de ses

10 questions supplémentaires, cela pourra peut-être aider tout le monde de

11 diffuser la traduction définitive.

12 M. RE : [interprétation] Je serais très reconnaissant à la Défense de nous

13 communiquer ce document. Pourrais-je me servir d'un exemplaire papier ?

14 M. EMMERSON : [interprétation] Nous en avons plusieurs. Je pourrais en

15 remettre trois aux Juges de la Chambre, deux au greffe, un au témoin et un

16 à M. Re. Il n'y a pas d'exemplaires pour les interprètes, mais peut-être

17 que Mme la Greffière a déjà substitué les documents. Ainsi, nous aurons le

18 bon document à l'écran.

19 M. RE : [interprétation]

20 Q. Monsieur, est-ce que vous avez ce document ?

21 R. Oui.

22 Q. Il s'agit donc de la traduction définitive. Je souhaiterais que l'on

23 examine le paragraphe 1, qui est à la première page. On parle d'actions

24 menées en coopération avec les forces voisines du MUP de la République de

25 Serbie afin de démanteler les groupes terroristes et de sabotage albanais

26 et d'assurer la sécurité des axes de ravitaillement pour les unités de la

27 VJ.

28 Il s'agit d'un document, d'un ordre plutôt, qui a été donné au mois de mai

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1 par le colonel Dragan Zivanovic, chez d'état-major de la 125e Brigade

2 motorisée. Ma question est la suivante : quelle est l'importance de cette

3 mission particulière qui consiste à assurer la sécurité des axes de

4 ravitaillement pour les unités de VJ, s'agissant des opérations que vous

5 avez pu observer et des conflits que vous avez pu observer opposant l'UCK

6 et les forces serbes à l'époque ?

7 R. Comme je l'ai dit, me semble-t-il, il y a très peu de routes

8 goudronnées au Kosovo, notamment dans la partie occidentale de la province.

9 La route principale qui relie le nord au sud allait de Pec à Decani,

10 Djakovica, pour se poursuivre jusqu'à Prizren. A la lecture de ce document,

11 vu les missions qui sont décrites, je pense qu'il s'agit d'assurer la

12 sécurité de cette route qui est le principal axe de ravitaillement pour le

13 sud du Kosovo.

14 Q. En quoi était-ce important pour la VJ, compte tenu du conflit en cours

15 ?

16 R. Comme je l'ai indiqué aux Juges de la Chambre, la zone frontalière avec

17 l'Albanie était plus ou moins comme un tamis. Les hommes et le

18 ravitaillement arrivaient d'Albanie lorsque c'était possible, et par

19 conséquent à environ 20 ou 25 kilomètres de la frontière, il y avait donc

20 ce que j'appelais une ligne rouge le long de laquelle les forces de

21 sécurité serbes s'efforçaient de mettre en place une position secondaire

22 pour bloquer cet approvisionnement avant que l'UCK puisse distribuer ce

23 ravitaillement jusqu'à Drenica et autres zones où elle opérait.

24 Q. A la page 4 638 du compte rendu d'audience d'hier, Me Emmerson vous a

25 interrogé au sujet d'opérations menées par la VJ et le MUP contre les

26 agents de l'UCK. Il a laissé entendre que vous n'avez pas besoin d'avoir

27 des forces de police paramilitaires sur le terrain ou du moins des tireurs

28 d'élite pour tirer sur les agents de l'UCK --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense qu'il serait beaucoup plus utile

3 que M. Re cite la question que j'ai posée et la réponse qui a été fournie,

4 parce que ce qui apparaît à la ligne 18, c'est que j'ai laissé entendre

5 qu'il n'était pas nécessaire d'avoir des forces de police paramilitaires

6 antiterroristes sur le terrain. Il y a une rupture grammaticale dans cette

7 phrase.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement.

9 M. RE : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il y a des objections à soulever sur

11 la manière dont on cite certains propos, la partie qui pose la question est

12 invitée à citer verbatim ce qui a été dit. Donc, si vous avez les

13 références, Monsieur Re, dites-les-nous et lisez le texte.

14 M. RE : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

15 Q. La question que vous aviez posée était la suivante, je cite : "Il

16 faudrait, n'est-ce pas, soit avoir des forces de police paramilitaires

17 antiterroristes sur le terrain, soit tout du moins des tireurs d'élite pour

18 tirer sur les agents de l'UCK ?"

19 Vous avez répondu, Monsieur le Témoin, je cite : "Sauf le respect que je

20 vous dois, c'est une manière de procéder. Il y a d'autres manières de

21 procéder s'agissant de l'encerclement."

22 Quelles sont ces autres manières de procéder, compte tenu de votre

23 expérience en matière de conflits et de lutte contre les insurrections ou

24 en matière d'encerclement ?

25 R. A nouveau, il s'agit d'une question assez générale. Les tactiques

26 concernant la lutte contre des insurgés peuvent être à la fois très simples

27 et très complexes. En fait, tout dépend des renseignements que l'on a et si

28 l'on rencontre ou non des forces qui se battent contre les insurgés. En

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1 fait, ce que j'essayais de dire à M. Emmerson, c'était que les tireurs

2 isolés sont utiles si vous avez des cibles sur lesquelles vous pouvez

3 tirer. Si vous n'encerclez pas une zone dans laquelle vous tentez de lancer

4 un assaut ou simplement vous souhaitez vous y rendre pour voir ce qui se

5 passe, si les gens ont peur - et beaucoup de gens avaient peur au Kosovo -

6 ils s'enfuyaient, qu'ils aient ou non eu une part active dans l'UCK ou non.

7 Je ne sais pas si cela a aidé la réponse ou si cela n'a fait que compliquer

8 les choses que j'ai dit, finalement, pour être honnête.

9 Q. Mais votre réponse a continué, et vous avez dit ce que vous avez

10 appelé, je cite : "La possibilité lourde," vous avez utilisé le terme

11 "lourd", "d'utiliser des troupes ordinaires ou peut-être une opération plus

12 précise et d'encercler la zone avec des moyens aériens ou des hélicoptères,

13 plutôt que ce que moi j'appellerais un assaut direct qui était plutôt ce

14 qu'auraient fait normalement les forces serbes."

15 Ce que j'aimerais que vous nous expliquiez, c'est : pouvez-vous nous

16 donner un peu plus de détails sur ce que vous avez dit lorsque vous dites,

17 je cite, que "c'était plutôt ce que faisaient normalement les forces

18 serbes" ? Qu'entendez-vous par "ce que faisaient normalement les forces

19 serbes", en termes de ce que vous avez pu observer, votre expérience des

20 choses sur le terrain lorsque vous étiez au Kosovo, et des renseignements

21 que vous aviez reçus concernant ce que faisaient les forces serbes ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que M. Crosland réponde à cette

23 question, j'aimerais que l'on soit bien clairs sur ce qui était la norme,

24 parce que la réponse était : "Il y avait une option, une possibilité qui

25 était très lourde d'utiliser des troupes ordinaires, et peut-être une

26 option plus précise qui était d'encercler en utilisant des moyens aériens

27 et des hélicoptères plutôt que ce que j'appellerais un 'assaut direct', qui

28 était plutôt ce que faisaient normalement les forces serbes."

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1 Cet assaut direct était-il plus probable selon l'habitude des forces serbes

2 ou s'agissait-il de cette option plus lourde d'utiliser des troupes

3 ordinaires ou peut-être une opération plus précise d'encercler la zone avec

4 utilisation de moyens aériens et d'hélicoptères ? Est-ce que c'était cela

5 qui était plutôt la norme de ce qui était fait par les forces serbes ?

6 J'aimerais savoir ce que vous entendez exactement avant que vous nous

7 donniez des explications supplémentaires, savoir ce que vous entendez par,

8 je cite, ce que faisaient normalement les forces serbes, "la norme en ce

9 qui concerne les forces serbes".

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'espère que

11 dans mes rapports et mes ordres que vous avez vus concernant la VJ, il y

12 avait des forces très lourdes et directes qui étaient utilisées pour monter

13 la plupart de ces opérations qui comprenaient également des forces

14 spéciales à la fois de la VJ, du MUP et du RDB.

15 Les Serbes avaient très peu d'hélicoptères, autant que de ce que je

16 m'en souvienne quand j'étais au Kosovo. Donc, ce type d'opération n'était

17 pas possible pour eux. Ils utilisaient ce que moi j'appellerais une

18 opération très lourde, qui normalement implique de l'artillerie ou des tirs

19 d'artillerie indirects comme prélude à tout assaut dont l'effet était de

20 faire fuir la population civile, et dans la plupart des cas sans qu'il y

21 ait beaucoup de blessés ou de personnes tuées, bien qu'il soit difficile

22 d'en être sûr.

23 Mais avec les personnes qui travaillaient avec les personnes

24 déplacées à qui nous avons parlé, la plupart des villageois semblaient être

25 en mesure de s'enfuir avant que l'assaut lui-même commence dans la zone

26 ciblée. Je dirais que dans la plupart des cas, les assauts étaient des

27 assauts lourds et directs en utilisant toute une série de forces à celles

28 que j'ai indiquées tout à l'heure. Voilà.

Page 4715

1 M. RE : [interprétation]

2 Q. Comment évaluiez-vous l'efficacité générale de cette tactique qui était

3 utilisée par les forces serbes contre l'UCK ?

4 R. Il me semble que j'ai dit à de nombreuses occasions que la destruction

5 sans motif par les forces de sécurité serbes dans l'ensemble de la province

6 du Kosovo n'a pu que monter la population civile contre leurs activités,

7 qu'ils aient été en faveur de l'UCK ou non. Si votre maison est brûlée, si

8 votre station-service est détruite, si votre récolte est brûlée, si votre

9 bétail est tué, je ne pense pas que cela vous prête à avoir de l'affection

10 pour les personnes qui font ce genre de choses.

11 Q. J'aimerais à présent que vous vous tourniez à --

12 M. RE : [interprétation] A moins que vous ayez quelque chose à dire,

13 Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai une question assez longue qui

15 est là depuis longtemps dans mon esprit. J'aimerais en avoir une

16 définition.

17 Comme beaucoup de gens, vous utilisez le terme "artillerie". Souvent,

18 les gens ont été capables de dire quelles armes étaient de l'artillerie.

19 Mais à partir de quel moment ce n'est plus de l'artillerie ? Je n'ai pas

20 encore eu de définition bien claire jusqu'à maintenant. Je vais réessayer,

21 dans la mesure où vous utilisez le terme "artillerie", Monsieur Crosland.

22 Est-ce que vous pouvez m'aider ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer. Je ne suis pas un homme de

24 l'artillerie.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, les gens à qui on pose cette

26 question commencent toujours leur réponse de cette manière-là.

27 Alors, je vous en prie, poursuivez.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question intéressante parce que le

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1 terme serbe, c'est la différence entre différents calibres; je ne vais pas

2 rentrer dans les détails parce que --

3 Artillerie, dans mon expérience et d'après ce que je sais, est conçue

4 pour lancer des projectiles qui vont de 100 millimètres jusqu'à 155

5 millimètres, ce qui fait que dans le cas d'un projectile de 155 millimètres

6 qui a une portée énorme, cela peut produire un trou dans le sol, ce qui

7 fait à peu près 5 mètres sur 5 mètres. Ce qui veut dire que vous avez un

8 obus de 90 livres qui peut faire des dommages considérables à des personnes

9 ou des biens, des objets.

10 Les plus petits calibres de 105 à plus, bien sûr, ont un impact et

11 causent des dommages, en particulier s'ils sont tirés en direction d'une

12 maison ou d'une personne. Mais en général, l'artillerie est tirée en

13 groupes de trois ou six, ce qui fait qu'on a une batterie ou une demi-

14 batterie qui a la possibilité de lancer des projectiles. En fait, c'est une

15 arme pour une région. C'est précis, mais la portée -- ce qui veut dire, en

16 fait, si vous ciblez un village, vous allez frapper plusieurs maisons dans

17 ce village qui peuvent être sur une zone de 100 mètres ou plus.

18 Tout dépend du matériel. Cela dépend s'il est bien entretenu, d'où on

19 tire, s'il est bien installé, s'il est bien enterré, bien fixé au sol, si

20 les armes sont bien "well surveyed in", c'est-à-dire si elles sont bien

21 fixées, si elles sont stables, elles ne se déplacent pas, elles ne bougent

22 pas au moment où on tire avec ces armes. Le mouvement de ces armes, bien

23 entendu, donne pour résultat une portée qui peut varier dans la zone dans

24 laquelle on tire.

25 Au-dessus de 155 millimètres, autant que je le sache, il y a peut-

26 être encore un ou deux autres calibres; là il s'agit d'artillerie qui est

27 propulsée par roquette, il s'agit ici de 122 millimètres. C'est un plus

28 petit calibre avec une portée plus longue, mais avec le même degré d'angle

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1 en ce qui concerne l'objectif.

2 J'espère que cela vous aide.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que l'artillerie se

4 caractérise plus ou moins par le calibre. Je résume.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qu'on appelle le feu indirect.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est contrôlé par les personnes qui sont en

8 avant. Si vous voyez la cible, vous pouvez tirer dessus; c'est ce qu'on

9 appelle la ligne de vue. Mais s'il y a une colline, il faut élever le pas

10 de tir de façon à pouvoir tirer par-dessus la colline, donc on a des

11 mortiers qui ont un plus petit calibre qui permettent de tirer par-dessus

12 une colline ou tout ce qu'il peut y avoir entre l'arme et ce qui est dans

13 la ligne de tir.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, il s'agit ici d'une

15 combinaison, d'un mélange de calibres, d'utilisation, d'effets et bien sûr

16 de la distance par rapport au calibre qui finalement définit le fait qu'on

17 appelle certaines armes de l'artillerie ou pas, n'est-ce pas ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

20 Je vous prie, poursuivez.

21 M. RE : [interprétation]

22 Q. Colonel Crosland, est-ce que vous pouvez à présent passer à

23 l'intercalaire 24 des documents ? Il s'agit du document D77 qui est un

24 rapport qui a été écrit par le colonel Vladimir Lazarevic, du 15 juillet

25 1998, du poste de commande avancé de Pristina à plusieurs unités

26 subordonnées.

27 Hier, à la page 4 645, M. Emmerson vous a fait passer en revue ce

28 document particulier, au paragraphe 7 de la première page où il est dit, je

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1 cite : "A partir d'aujourd'hui et pour les sept jours qui vont suivre,

2 l'UCK envisage, planifie une attaque de la VJ dans le secteur du lac de

3 Radonjic, dans la mesure où le déploiement de la VJ, dans cette zone, les

4 empêche de mener à bien leurs objectifs."

5 Ma question est, simplement, lorsque vous lisez ce document, est-ce que

6 cela vous permet de dire que le lac Radonjic, de quel secteur il s'agit

7 quand on parle du lac Radonjic ? Je vous demande simplement de lire ce

8 document et de ne faire référence à rien d'autre.

9 R. D'après ce que je comprends, lorsqu'on parle du lac Radonjic, tel que

10 cela a été montré hier, il s'agissait d'une zone de déploiement très

11 importante pour les Serbes, et cela, bien sûr, a eu une influence sur la

12 capacité de l'UCK à se déplacer à l'intérieur de cette zone comme axe de

13 ravitaillement pour les zones opérationnelles qui étaient plus en avant,

14 plus à l'est de Drenica et même après. Je comprends que l'UCK souhaite

15 poser des problèmes dans cette zone de façon à attirer l'attention des

16 forces de sécurité serbes pendant qu'ils mènent leurs propres opérations.

17 Q. En fait, ce que je vous demande ici, c'est simplement de vous limiter,

18 de vous concentrer à l'expression "lac Radonjic" ou le secteur du "lac

19 Radonjic". D'après ce document, êtes-vous en mesure de dire, simplement en

20 regardant ce document, ce que l'on entend par le secteur du "lac Radonjic"

21 ? Je ne vous pose aucune autre question que celle-ci.

22 R. Si je comprends bien votre question, Monsieur, il s'agit d'une zone de

23 déploiement de la VJ, mais en fait je ne comprends pas très bien la

24 question.

25 Q. Lorsque vous lisez ce document, est-ce que vous pouvez dire quel est

26 exactement ce secteur ? Est-ce que dans un endroit ou à un autre dans ce

27 document il est dit quel est réellement ce secteur ? Est-ce qu'on sait

28 exactement de quoi on parle, ici ?

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1 R. En dehors du lac Radonjic, non.

2 Q. Page 4 671, hier, M. Emmerson vous a posé une question concernant un

3 texte provenant des forces serbes concernant Irzniq, et la question était

4 la suivante, je cite : "D'après ce que vous avez compris, ils lançaient

5 périodiquement des opérations --

6 L'INTERPRÈTE : Le reste de la phrase est inaudible pour l'interprète.

7 M. RE : [interprétation]

8 Q. -- pendant cette période; cela est-il exact ?"

9 Vous avez répondu : "Oui, c'est exact."

10 Il y avait eu avant cela une clarification concernant ce que vous entendiez

11 par "périodiquement".

12 R. Il me semble ici que nous sommes en train de parler de Prilep ou

13 Irzniq.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Pour aider le témoin, je pense qu'il sera

15 utile qu'il sache que c'est une autre prononciation; Rznic et Irzniq, c'est

16 le même endroit.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

18 J'ai dit souvent hier que lorsque l'UCK attaquait la route principale

19 de ravitaillement qui partait de Pec, traversait Decani et qui descendait

20 jusqu'à Djakovica et qui passait Prilep et Irzniq, il y avait toujours des

21 attaques de représailles par les forces de sécurité serbes, soit selon

22 l'occasion ou, comme nous l'avons entendu hier, en mai c'était beaucoup

23 plus organisé sur plusieurs axes qui -- dans les ordres ou les ordres

24 écrits, il était indiqué quelles unités devaient libérer ces axes.

25 Maintenant, de savoir s'ils ont effectivement ou pas dégagé ces axes, cela

26 est ouvert à débats.

27 M. RE : [interprétation]

28 Q. Lorsque vous avez dit hier, concernant votre compréhension du fait

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1 qu'ils lançaient périodiquement ou qu'ils tentaient de prendre Rznic ou

2 Irzniq, ce que j'essaie de vous faire dire est ce que vous entendiez par

3 "périodiquement" et lorsque vous avez répondu également "c'est exact".

4 R. Je viens de dire que le MUP allait en prendre contrôle sur la route

5 principale, qui a été attaquée de nombreuses fois et plusieurs personnes

6 ont été tuées, et qu'ils menaient des représailles dans la zone adjacente,

7 ce qui me semble tout à fait compréhensible.

8 Q. Lorsque vous dites "prendre", est-ce que vous dites qu'il y a une

9 différence entre prendre un territoire, le contrôler, et puis en anglais

10 "overrun", le déplacer totalement ?

11 R. En fait, j'ai essayé de montrer à la Chambre de première instance que

12 la situation bougeait beaucoup pendant cette période et que les villages

13 étaient parfois attaqués, que des zones d'importance tactique étaient

14 prises pour une période très courte. Puis, les positions ne tenaient pas,

15 la situation changeait pratiquement comme la marée sur une plage.

16 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de dire avec précision combien de fois

17 les forces serbes ont pris, "overran", Irzniq pendant cette période ?

18 R. Je ne peux pas le dire vraiment en dehors du fait qu'à la fin, les deux

19 villages ont été très endommagés, comme je l'ai dit dans mes rapports.

20 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous donner une idée ? S'agissait-il

21 d'une fois, deux fois, 10, 20, cinq ?

22 R. Ecoutez, moi je ne peux pas vous dire parce que je n'ai pas été là-bas

23 pendant toute la période. Nous avons vu les dommages qui se sont succédé

24 les uns après les autres pendant toute l'année 1998 et en 1999, qui étaient

25 le résultat de plusieurs assauts qui avaient eu lieu. Mais de tenter de

26 chiffrer cela en un nombre de fois, et bien non, cela ne me semble pas

27 possible.

28 M. RE : [interprétation] Je ne sais pas si les Juges ont des questions à

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1 poser à ce sujet, donc je vais continuer.

2 Q. M. Emmerson vous a demandé hier ce que vous aviez vu au lac lorsque

3 vous y êtes allé en septembre, le 8 septembre 1998. A la page 4 681, il

4 vous a rappelé une position essentielle où vous avez dit aux autorités

5 serbes qu'ils devaient donner à la communauté internationale la preuve

6 qu'ils avaient fait des examens de médecine légale avec, vous dites, "des

7 gants propres". Ma question de suivi est la suivante : étiez-vous au

8 courant, ou quel était du moins ce que vous saviez concernant le matériel

9 d'examens légaux et des moyens dont disposaient les Serbes pour faire les

10 examens légaux dans cette région à cette époque ?

11 R. Je n'ai aucune idée du type de moyens qu'ils avaient. Je leur ai

12 simplement dit qu'afin de fournir des preuves prima facie, il fallait

13 qu'ils le fassent d'une façon assez particulière, de façon à ce qu'il ne

14 puisse pas y avoir de problème par la suite. Mais je crois que cela a été

15 fait par le MUP auprès duquel je n'étais pas accrédité; c'est la raison

16 pour laquelle je n'en ai pas de connaissance précise.

17 Q. On vous a également montré deux documents de la VJ hier, qui sont aux

18 intercalaires 28 et 29. Le premier est en date du 7 août 1998, et le

19 deuxième est en date du 10 août 1998. Ils concernent des actions des forces

20 serbes contre l'UCK.

21 Je vous demande de vous reporter à l'intercalaire 29. Il s'agit de la pièce

22 D82, je pense. Je vais vous demander de vous reporter au premier

23 paragraphe. Il s'agit d'un ordre du lieutenant-général Pavkovic du 10 août

24 1998, où il est dit -- je vais simplement lire le début, je cite : "J'ai

25 décidé : avec les forces du MUP et les forces de la VJ, écraser les forces

26 DTS de sabotage et leurs bastions et établir un contrôle sur la zone

27 générale du village de Crnobreg," et cetera.

28 Ensuite, on lit la chose suivante, je cite : "Avec le but suivant, par des

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1 attaques et des opérations actives contre le flanc et l'arrière, avec des

2 opérations de diversion et de soutien du BG de la VJ, écraser et repousser

3 les DTS en dehors de la route Djakovica-Decane-Pec. Ensuite, détruire

4 l'ennemi dans la région du village de Crnobreg, du village de Rznic, du

5 village de Glodjane et du village de Prilep. Par la suite, capturer cette

6 zone et empêcher les opérations supplémentaires par les DTS."

7 Ce que j'aimerais vous demander, c'est quelle sorte d'opération est décrite

8 ici en termes militaires ?

9 R. Ce que j'ai dit hier, c'est que l'intention du commandement est un

10 prélude à un ordre d'opération pour une opération très lourde. Ensuite, il

11 me semble que nous avons eu d'autres détails qui montraient, donnaient une

12 idée des groupes de combat qui devaient participer à cette opération. Il

13 semble clair, d'après ce que le général Pavkovic dit ici, qu'il était

14 déterminé à écraser les forces et à repousser les forces de l'UCK de ces

15 différentes zones, ce qui me semble malheureusement être tout simplement

16 une pratique militaire ordinaire.

17 Q. M. Emmerson, à la page 4 657, vous a demandé s'il s'agissait ici d'une

18 opération d'encerclement, en faisant référence à une que vous aviez décrite

19 plus tôt. Avant que vous répondiez à cette question, j'aimerais que vous

20 jetiez un coup d'œil sur la carte de cette zone. Il s'agit de la pièce D32

21 que vous êtes en train de regarder et des zones qui sont décrites dans

22 cette pièce particulière. J'aimerais que vous décriviez le type d'opération

23 en termes de repoussée et d'encerclement, de terminologie militaire que

24 vous utilisez pour décrire les mouvements réels planifiés en termes de

25 mouvement de troupes.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Dans la mesure où M. Re décide de citer le

27 compte rendu, il faudrait qu'il cite également la réponse du témoin.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] La question était : "Il s'agissait ici d'une

2 question d'encerclement, n'est-ce pas, du type que vous décriviez avant ?"

3 Et la réponse a été, je cite : "Il semblerait que ce soit le cas,

4 oui, Monsieur."

5 M. RE : [interprétation] Je ne pense pas qu'il y ait de problème à ce

6 sujet.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je n'avais pas l'impression que

8 M. Re déformait le témoignage, mais maintenant c'est dans le compte rendu

9 d'audience de façon à ce que la question et la réponse d'hier à présent y

10 figurent. Mais il faut tout de même répondre à cette question par M. Re,

11 donc je vais vous demander de répondre à la question.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais je suis un peu perturbé,

13 Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si la question n'est pas assez claire,

15 on va demander à M. Re de vous la reposer.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'espère que la réponse que j'ai donnée hier,

17 le but du commandement tel qu'il était décrit ici, d'après moi est assez

18 claire. Il y a une différence entre l'intention d'un commandant sur comment

19 il souhaite commander ses troupes et puis la situation sur le terrain.

20 Cela, c'est tout à fait naturel. L'intention du commandement est de mener

21 une opération très importante dans cette zone de façon à, comme il dit,

22 écraser l'UCK, l'influence de l'UCK dans cette région.

23 Clairement, cela ne s'est pas passé sur le terrain, parce que comme

24 j'ai tenté de le dire à Chambre de première instance, les forces de

25 sécurité serbes, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas choisi, n'ont

26 pas réussi ou n'ont pas choisi de tenir le terrain alors qu'il y a un

27 terrain là-bas qui domine la zone, mais plutôt de se concentrer dans une

28 zone sans pour autant patrouiller activement et contrôler activement cette

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1 zone par des points de contrôle des véhicules, par des points d'observation

2 qui permettent d'observer les choses d'en haut, d'obtenir des

3 renseignements. Et bien, sans tout cela, et bien vous ne contrôlez pas le

4 terrain.

5 L'UCK était très active, était très habile à passer outre les

6 positions du MUP et de la VJ et d'utiliser le terrain et leur connaissance

7 locale du terrain. Donc, une opération d'envergure a visiblement été

8 planifiée et, j'imagine, a eu lieu. La raison pour laquelle cette opération

9 ne justifiait pas les efforts énormes qui ont été mis dedans, et bien cela

10 est dû aux raisons que je viens d'exposer. Est-ce que cela vous aide ? Je

11 ne sais pas.

12 M. RE : [interprétation]

13 Q. En fait, excusez-moi, j'ai secoué la tête, j'ai hoché la tête

14 involontairement. En fait, ce que j'essaie de vous dire, c'est que M.

15 Emmerson a dit la chose suivante : "C'est une opération d'encerclement,

16 n'est-ce pas ?" Et vous avez dit : "Oui, c'est le cas." Mon souvenir d'hier

17 est que M. Emmerson vous a montré l'ordre, mais avant que ne répondiez à la

18 question, vous n'aviez pas regardé la carte. Donc, ce que j'aimerais

19 maintenant que vous fassiez, c'est que vous regardiez la carte et que vous

20 vous familiarisiez avec les villages et les axes qui sont décrits.

21 Si l'on regarde la carte, une fois que vous aurez regardé la carte,

22 d'informer la Chambre de première instance s'il s'agit ou pas d'une

23 opération d'encerclement, tel que vous l'avez dit dans votre réponse d'hier

24 où vous avez dit : "Oui, cela semble être le cas."

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson.

26 M. EMMERSON : [interprétation] De façon à répondre à cette question, le

27 témoin doit regarder les ordres de mission des unités et marquer sur la

28 carte les axes pour chaque unité de Gllogjan à Shaptej pour commencer,

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1 Gramocelj à Rastavica --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout au moins, c'est ce que vous

3 suggérez que M. Re demande au témoin de faire.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Il s'agit des ordres de mission qui

5 détermineraient les réponses quant à savoir s'il s'agissait d'un

6 encerclement ou pas.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si cela peut être fait en annotant une

8 carte ou pas, ça c'est une autre question.

9 Mais, Monsieur Re, si vous pouvez prendre, utiliser cette suggestion,

10 la Chambre n'y voit pas d'inconvénients, mais dans la mesure où il s'agit

11 d'une longue liste qui vous a été lue par M. Emmerson hier, donc il se

12 pourrait que vous la relisiez à nouveau, donc c'est à vous de décider.

13 M. RE : [interprétation] Bien sûr, cela nous aiderait, mais cela nous

14 aurait aidé si on l'avait fait comme cela hier aussi.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, mais aujourd'hui nous

16 savons ce que nous n'avons pas fait hier et que nous aurions pu faire. Ça,

17 c'est l'expérience qui nous apprend ça.

18 M. RE : [interprétation]

19 Q. Donc, je vais vous demander de vous familiariser avec ces zones sur la

20 carte et je vais vous demander de tracer des lignes sur l'ordinateur. Il

21 s'agira de la pièce D32 et qui sera uniquement sur l'écran juste devant

22 vous. Peut-être qu'il faudrait mieux que vous regardiez la version papier

23 d'abord.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La greffière va vous aider. Il

25 s'agit de la pièce D32.

26 Donc, vous avez choisi la taille qu'il vous fallait, n'est-ce pas,

27 pour faire ces annotations ? Parce que vous savez qu'une fois qu'on a

28 commencé à annoter, on ne peut plus bouger le zoom.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre. Il me

2 semble que tous ces endroits sont déjà marqués sur la pièce P10, qui est

3 beaucoup plus claire et qui est à plus petite échelle et qui, pour ce que

4 veut faire M. Re, sera peut-être plus facile à utiliser, parce que dans P2

5 [phon], il y a tout ce dont on a besoin.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais P10, en fait, c'est D31 -- D32 sans

7 les marques, n'est-ce pas, à une différente échelle ? Donc, c'est à vous de

8 choisir, Monsieur Re.

9 M. RE : [interprétation] D10 est certainement mieux.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D10 à l'écran, s'il vous plaît.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous prie de bien vouloir m'excuser; en

12 fait, c'est P10.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous prie de bien vouloir

14 m'excuser.

15 Cela prend un certain temps pour que cela soit téléchargé.

16 Monsieur Re, pourriez-vous, s'il vous plaît, vérifier avec soin si ce que

17 vous voulez que le témoin marque figure bien à l'écran en ce moment ou s'il

18 est nécessaire de rapprocher l'image ou de l'agrandir ? Peut-être qu'il

19 serait nécessaire d'agrandir l'image un petit peu, ou est-ce que je me

20 trompe ?

21 M. EMMERSON : [hors micro]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout est sur l'écran ?

23 C'est bien le cas, Monsieur Re ?

24 M. RE : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, tout est bien visible à l'écran.

26 Bien.

27 M. RE : [interprétation]

28 Q. Est-ce que vous pouvez voir les villages de Crnobreg, Rznic, Glodjane,

Page 4728

1 Gramocelj, Prilep, secteurs de tous ces villages ?M. EMMERSON :

2 [interprétation] Excusez-moi d'interrompre à nouveau, mais si M. Re pose

3 des questions concernant l'encerclement, alors à ce moment-là il faut

4 demander quelles instructions ont été données aux forces, et non pas quels

5 sont les axes qu'ils essayaient de rompre. Et les instructions données aux

6 forces se trouvent aux points 2.1 à 2.5. Si chacun de ces axes est marqué

7 sur la carte, nous verrons à ce moment-là ce qu'était la manœuvre qui était

8 ordonnée, tandis que s'il demande au témoin de marquer une série d'axes à

9 partir du paragraphe 1, il demande au témoin de marquer les objectifs, et

10 non pas les manœuvres.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, peut-être que nous

12 pourrions demander au témoin s'il est d'accord qu'il a vu précédemment ce

13 document, s'il serait d'accord que les tâches sont bien exposées et que

14 c'est bien entendu ce qui est suggéré par le titre en 2.1 et 2, et quels

15 sont les objectifs que l'on trouve au 1.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si vous permettez,

17 peut-être que je peux aider un peu.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout simplement, le général ou enfin son chef

20 d'état-major qui a écrit ce texte précis énoncerait pour le général,

21 exposerait pour le général en gros les axes selon ce qu'il a décidé. Les

22 tâches précises seraient alors confiées aux différentes unités. Selon ce

23 que vous voulez ou si vous voulez avoir des tâches particulières qui sont

24 examinées ou les axes que le général a demandé que l'on nettoie, que l'on

25 dégage, je pense, probablement, en fin de compte, cela devient la même

26 chose, donc on ne va pas très loin du point de vue de l'amélioration.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que vous dites.

28 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

Page 4729

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation]

2 LE TÉMOIN : [aucune interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le premier

3 paragraphe expose la direction générale que le général veut voir dégager.

4 Puis, ensuite, on passe aux unités et aux tâches qui sont mentionnées au

5 paragraphe 2, qui donnent à chaque unité ses objectifs et ses tâches

6 précises. Cela devient un peu plus complexe, et je crois que ce n'est que

7 les militaires qui peuvent le faire, c'est-à-dire que si ces objectifs

8 tombent rapidement, alors l'unité va exploiter plus avant la situation si

9 le commandant pense que la situation lui donne cette possibilité.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je suggère ceci maintenant aux deux

11 parties. Je voudrais demander à M. Crosland qu'il veuille bien apposer sur

12 la carte des marques pour illustrer quelles sont les tâches qui étaient

13 attribuées d'après le paragraphe 2, et une fois qu'il aura fait cela, qu'on

14 regarde au paragraphe 1 et que l'on voie s'il reste quelque chose au

15 paragraphe 1 qui pourrait illustrer encore quel ordre ceci couvre, en fait,

16 dans l'ensemble. Est-ce que ce serait une bonne suggestion ?

17 M. EMMERSON : [interprétation] Je peux y souscrire.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Et alors, on peut voir chacune des manœuvres

20 telles qu'elles se déroulent sur la carte.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois que M. Re est également en

22 train d'opiner affirmativement.

23 M. RE : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, Monsieur Crosland, vous êtes

25 maintenant invité, sur la base des précisions qui se trouvent au 2, les

26 tâches confiées à une unité, d'illustrer essentiellement en traçant un axe

27 sur la carte, ensuite de regarder au paragraphe 1 si ceci donne un tableau

28 complet ou incomplet ou une impression juste de ce qui concerne cet ordre.

Page 4730

1 Mme l'Huissière pourra peut-être aider le témoin lorsqu'il utilisera

2 le stylet.

3 Vous voyez que lorsque vous commencez à écrire sur l'écran, cela

4 marque.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connaissais pas cette possibilité.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il y a une possibilité de

7 corriger si vous pensez que vous avez tracé quelque chose d'erroné.

8 Veuillez, s'il vous plaît, commencer et peut-être expliquer ce que vous

9 marquez en commençant par le paragraphe 2. Je crois que c'est le paragraphe

10 2.1.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

12 Le 2.1, c'est le Groupe de combat 52 avec différentes forces, tel que ceci

13 est décrit en commençant par le point trigonométrique 509 que j'ai quelque

14 difficulté à retrouver. Mais à partir du 509, ils vont vers Glodjane. Ils

15 vont probablement avoir commencé --

16 M. HARVEY : [interprétation] Le 509 se trouve juste au-dessus de Shaptej,

17 si ça peut vous aider.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il y a en fait deux Shaptej, Maître

19 Harvey, comme vous le savez.

20 Pourriez-vous simplement regarder le Shaptej juste au-dessus, où vous voyez

21 marqué 509 ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous remercie.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous le voyez.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Je me demande si nous pourrions demander au

26 témoin de marquer ces axes que vous avez indiqués, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

28 M. EMMERSON : [interprétation] En d'autres termes, de marquer la ligne

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1 entre les deux points plutôt que de créer une ligne entre les deux points.

2 A ce moment-là, nous pourrons voir le croquis qui se développe.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez bien suivre cette

4 suggestion.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais m'y efforcer, Monsieur le Président.

6 Ceci a commencé à Saptej en allant ensuite vers le nord en direction de

7 Glodjane.

8 Paragraphe 2.2, c'est partant de Gramocelj à Babaloc et l'axe de Rastavica.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous marquer cet axe sur la

10 carte ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons Babaloc, Gramocelj. Je regarde

12 maintenant pour le troisième, Rastavica.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous regardez un peu vers le nord-

14 ouest.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le vois.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que si vous voulez bien marquer

17 cet axe de sorte qu'il s'agisse de la ligne qui relie ces trois lieux.

18 Maintenant, nous nous déplaçons et nous passons au paragraphe 2.3 --

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 2.3.1 --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- qui est subdivisé.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] -- et qu'il là encore part de --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien que 2.3.1 soit suivi non pas par

23 2.3.2, il s'agit simplement de 2.3, d'après ce que j'ai compris.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, de Gramocelj à Glodjane.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, marquer

26 cela ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons Gramocelj ici jusqu'à Dubrava, le

28 village qui se trouve en ce point-ci, et Glodjane qui est déjà marqué,

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1 Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez essayer de --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je présume que c'est dans ce sens.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, je fais remonter vers Glodjane.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite, en direction de --

6 Le 2.4 semble suivre -- si je me rappelle bien, il y avait des bois du côté

7 ouest de la route à Drenovacke, ici, puis la ligne descend en suivant cette

8 direction ici par Prilep et poursuit jusqu'à Rznic; ensuite en descendant

9 vers Glodjane.

10 Le 2.5, c'est à partir du village de Crnobreg vers le nord, comme c'est

11 indiqué. La tâche confiée consiste à s'assurer du flanc gauche de Beleg, et

12 ceci semble être le point extrême de leur progression.

13 J'aurais pensé, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que ceci

14 indique un assaut qui englobe, en quelque sorte, si vous avez des soldats

15 qui viennent du sud de Dubrava vers Glodjane. Vous avez un axe

16 supplémentaire de Drenovac en passant par Prilep, Rznic, le niveau sud de

17 Glodjane, avec une projection sur le flanc. Maintenant, c'est ce que disent

18 les ordres. Quant à savoir si ça s'est bien passé comme cela, c'est une

19 autre question.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Emmerson.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Je me demande si, à la lumière de cette

23 réponse, M. Re pourrait poser à nouveau sa question pour savoir si on a

24 raison de décrire les choses comme étant un encerclement.

25 M. RE : [interprétation] Je vais --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson. Maître Emmerson.

27 M. Re est en train de poser des questions supplémentaires au témoin. Il

28 n'est pas nécessaire d'agir -- enfin, je ne sais pas très bien comment on

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1 appelle cela en anglais, mais en français il n'est pas nécessaire

2 d'intervenir en tant que "souffleur" dans la fosse par rapport à la scène

3 si un acteur a oublié ce qu'il doit dire.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, cela s'appelle en anglais un "prompt",

5 p-r-o-m-p-t.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que M. Re a entendu votre

7 question. Nous n'étions pas là lorsque le témoin a été invité à voir s'il

8 avait bien marqué sur la carte, si ce qu'il avait marqué donnait bien une

9 image exacte de ce que l'on trouve au paragraphe 1 et si quelque chose

10 devait être rajouté, donc nous laissons la question à M. Re pour qu'il

11 puisse poser cette question.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre. Poursuivez,

14 Monsieur Re, je voudrais dire.

15 M. RE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 Q. Colonel Crosland, vous avez maintenant marqué sur la carte cet axe qui

17 est décrit pour la bataille, ou en fait les plans décrivent cet ordre

18 particulier. Sur la base de votre expérience, de quelle sorte de manœuvre

19 ou d'opération s'agit-il, en termes militaires ?

20 R. Ceci est une opération consistant à manœuvrer. Ce n'est pas un

21 encerclement complet, parce que si vous regardez la carte, l'UCK,

22 certainement c'était l'UCK, ne serait pas restée à Glodjane. Elle serait

23 allée vers l'est, et par conséquent vous pouvez dire qu'il ne s'agit pas

24 d'une opération d'encerclement complet. Je pense qu'il faut que nous

25 comprenions, si je peux suggérer cela aux membres de la Chambre, il faut

26 bien se rendre compte que si vous avez à faire face à une situation où il y

27 a ce type de dangers auxquels l'UCK aurait à faire face au mois de mai de

28 cette année, en particulier cette opération, à ce moment-là il serait très

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1 mal avisé de rester là et de combattre contre les forces très supérieures

2 qui sont actuellement déployées sur la carte.

3 Par conséquent, le temps joue en faveur des terroristes. Il va

4 probablement se retirer vers l'est. Je ne peux pas répondre à cette

5 question parce que premièrement, je n'étais pas sur place; et la personne

6 qui pourrait probablement répondre, c'est M. Haradinaj.

7 Q. Colonel, je souhaite simplement éclaircir un point avant d'en finir

8 avec cette pièce à conviction. Vous avez tracé une ligne, une ligne rouge

9 qui va de Drenovac, à partir de l'ouest vers l'est, et qui ensuite suit la

10 route qui allait vers le sud, ensuite traverse le haut de Prilep en

11 direction de Rznic avec une flèche; ensuite, une autre flèche descend de

12 Rznic en direction de Glodjane et ceci va vers le sud, il y a d'autres

13 flèches qui remontent du secteur de Dubrava-Saptej.

14 Je suis en train d'essayer de comprendre. Est-ce que par cela vous voulez

15 dire que les forces serbes devaient venir en empruntant la route traversant

16 Prilep, puis aller à Glodjane, ou est-ce que vous êtes en train de décrire

17 quelque chose d'autre ?

18 R. Il s'agit là des tâches qui sont énoncées au paragraphe 2. Je les ai

19 tracées sur la carte. Comme je l'ai indiqué, ce qui s'est passé sur le

20 terrain dépend de la situation et de savoir de combien de résistance a été

21 manifestée contre les forces de sécurité serbes au moment où elles

22 approchaient. Cela dépend de savoir jusqu'où elles ont progressé. Il est

23 évident que l'on ne veut pas commencer à tirer les uns sur les autres, si

24 c'était arrivé à Glodjane.

25 Voilà ce qui est tracé, et je reviens au point que je suis en train

26 de faire pour faire le meilleur plan possible et donner le détail le plus

27 grand pour les tâches en question, mais sur ce plan d'une façon générale,

28 il y a un ennemi qui ne veut pas particulièrement se faire tuer ni

Page 4735

1 s'opposer aux forces serbes, comme je l'ai indiqué, qui sont très

2 supérieures, ni tenir le terrain et combattre un autre jour.

3 M. RE : [interprétation] Ce sont les questions que je voulais poser

4 concernant cette pièce à conviction. Juste du point de vue du temps, il y a

5 encore un autre domaine dans lequel je souhaitais poser au colonel des

6 questions.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais alors nous ferons cela après

8 la suspension. Je crois que pour la transcription, vous avez encore besoin

9 de temps, et les interprètes aussi et les sténos. Il est temps maintenant

10 de suspendre.

11 Nous allons faire une suspension de séance, Monsieur Crosland, et il

12 est probable que nous ne continuerons pas longtemps après la suspension.

13 Nous reprendrons à 11 heures 05.

14 M. RE : [interprétation] Est-ce que ceci peut être enregistré et présenté

15 comme pièce à conviction ?

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela doit être enregistré. Nous

17 pouvons le faire maintenant ou après la suspension, à moins qu'il ne faille

18 apposer d'autres marques.

19 La carte P10, vous l'avez maintenant, Madame la Greffière ?

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce numéro P223

21 [comme interprété], marquée pour identification.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

23 Est-ce que nous pouvons admettre ceci comme élément de preuve ? Les cartes,

24 d'habitude, il y a un raccourci pour le faire. Oui, c'est admis comme

25 élément de preuve.

26 Nous suspendons jusqu'à 11 heures 05.

27 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

28 --- L'audience est reprise à 11 heures 12.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, c'est à vous.

2 M. RE : [interprétation]

3 Q. Colonel Crosland, hier, Me Emmerson vous a parlé du document qui se

4 trouve à l'intercalaire 28, à savoir la pièce à conviction D80 ou D81. Je

5 viens juste de perdre l'index.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 28, c'est la 81, Monsieur Re.

7 M. RE : [interprétation]

8 Q. Il s'agit du D81, qui est un rapport du commandement du Corps de

9 Pristina daté du 7 août 1998. Si vous pouviez y référer, s'il vous plaît.

10 Hier, Me Emmerson vous a posé des questions concernant ce document, et à la

11 page 4 654 à 4 655 du compte rendu, il vous a lu le paragraphe 1 du rapport

12 qui émane du colonel Mladen Cirkovic qui décrit ceci : "Entre le 25 juillet

13 et le 6 août 1998, des unités du MUP ont été engagées par la décision du

14 commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija le long des axes suivants,"

15 puis il y a description de certains de ces axes. Je voudrais vous demander

16 de jeter un coup d'œil aux axes qui sont décrits.

17 M. RE : [interprétation] Pour la pièce, il s'agit d'une nouvelle pièce à

18 conviction P10 qui peut-être placée sur l'écran, s'il vous plaît.

19 Q. Je vais vous en parler dans un instant. Si vous regardez les axes, les

20 villages de Komorane, Lapusnik, Kijevo qui ne se trouvent pas dans le

21 secteur de Dukagjin; c'est bien cela ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Se trouve-t-il que les seuls par rapport à ces axes qui sont décrits

24 dans ce paragraphe se trouvent en fait dans la zone Dukadjin, Gradjanica et

25 Bandera, au point trigonométrique 490, et le village de Glodjane ?

26 R. C'est exact, oui.

27 Q. Nous avons noté tout à l'heure qu'il y a un autre secteur, le Peje --

28 excusez-moi. Vous pourriez le décrire comme étant le secteur de Klina,

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1 entre Klina et Peje, mais ce n'est pas celui auquel nous nous référons ici.

2 Ce que je souhaiterais que vous fassiez, c'est que vous regardiez ce

3 rapport, et c'est un rapport d'actions militaires, et je voudrais que vous

4 jetiez un coup d'œil à la carte. Pour commencer, vous saviez, n'est-ce pas,

5 qu'il y a deux Glodjane ? Il y a celui qu'on appelle le Glodjane catholique

6 ?

7 R. Oui.

8 Q. Puis, il y a Glodjane d'où M. Haradinaj est originaire ?

9 R. Oui, j'ai bien compris cela.

10 Q. Hier, on vous a décrit que l'axe qui figurait là est un axe qui va au

11 Glodjane non catholique, c'est-à-dire le Glodjane de M. Haradinaj. Je ne

12 crois pas que l'on vous ait donné la possibilité de regarder la carte

13 lorsque Me Emmerson -- il me corrigera évidemment si je me trompe.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Ce n'est pas cela. C'est juste que pour

15 retrouver ces positions sur lesquelles M. Re a posé des questions, il a

16 besoin de la D32, et non pas de la P10. Cela n'apparaît pas sur la pièce

17 P10, tous, en tous les cas. Mais tous apparaissent sur la D32.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai D32

19 devant moi.

20 M. RE : [interprétation] Pour autant que je puisse voir, tous figurent

21 également sur la pièce P10.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les autres Glodjane, oui, bien sûr, vous

23 pouvez vous référer également à Klina, et bien entendu celle-ci n'est que

24 sur la D32. Mais l'autre Glodjane qui figure sur cette carte, sur D -- non,

25 je veux dire P10, Maître Emmerson, si nous nous limitons à cela et pas à

26 Klina, comme vous l'avez dit précédemment. Veuillez poursuivre.

27 M. RE : [interprétation] Je suis seulement intéressé par ceux qui sont

28 pertinents par rapport à l'acte d'accusation et le secteur de Dukagjin.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. RE : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous pouvez voir les deux Glodjane, Glodjane catholique qui

4 se trouve sur la route depuis Peje qui va jusqu'à Nepolje, je crois ?

5 R. Oui, j'ai bien cela, oui.

6 Q. Maintenant, ce que je souhaiterais que vous fassiez, c'est que vous

7 lisiez le rapport que vous avez ici à la main et que vous regardiez la

8 carte et que vous voyiez l'axe Gradjanica-Bandera (point trigonométrique

9 490)-Glodjane-village de Jablanica, et, d'après ce que vous avez compris,

10 que vous traciez l'axe qui est décrit dans ce texte.

11 R. Si j'ai bien compris, Monsieur -- non, excusez-moi.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être que, Monsieur Re, si vous

13 vouliez désigner de façon précise l'axe que vous souhaitiez qu'il marque de

14 façon à ce qu'il sache exactement de quoi il s'agit, parce qu'il y a une

15 longue liste au numéro 1, paragraphe 1.

16 M. RE : [interprétation]

17 Q. Je parlais uniquement de ceux qui se trouvent à la fin du paragraphe où

18 l'on peut lire : "Gradjanica village-Bandera (point trigonométrique 490)-

19 village Gllogjan-Jablanica." Pourriez-vous marquer, d'après ce que vous

20 avez compris, s'ils sont sur la carte, sur ce plan ?

21 R. Nous avons Gradjanica qui est tout en haut, là. Puis, ça descend en

22 direction de Bandera, le point 490 que je suis en train de souligner

23 maintenant. Excusez-moi, en descendant jusqu'à Glodjane, et ensuite on

24 poursuit vers Jablanica.

25 Q. Pour que les choses soient bien claires, sur la carte que vous avez

26 marquée, donc il s'agit bien du Glodjane catholique, et non pas du Glodjane

27 de M. Haradinaj ?

28 R. C'est exact. C'est comme cela que je comprends les choses, oui.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les marques ont été mises sur la

2 carte, alors il faudrait également lui attribuer un numéro.

3 Madame la Greffière, ce sera ?

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

5 pièce à conviction numéro P324, marquée aux fins d'identification.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

7 M. RE : [interprétation]

8 Q. Je voudrais clarifier un point. Lorsque vous avez dit hier, à la page

9 4 655, répondant à une question de Me Emmerson relative au deuxième axe, je

10 répète la question : "Ce deuxième axe," enfin, il vous a décrit "un axe

11 allant de Glodjane au village de Jablanica. Est-ce qu'il faut que vous

12 traversiez la zone où coule le canal, n'est-ce pas ?"

13 Votre réponse a été : "C'est possible, oui. Il va sans dire que le deuxième

14 entre Glodjane et Jablanica, qui est beaucoup plus vague, parce que les

15 deux se trouvent dans un secteur en pleine campagne."

16 "Question : Oui. Qui aurait pu traverser la zone du canal ?"

17 Vous avez répondu : "Je ne sais pas."

18 Maintenant, ayant à l'esprit que ceci est l'axe que Me Emmerson vous a

19 décrit comme allant de Jablanica jusqu'au Glodjane catholique, jusqu'à

20 Jablanica ou de Jablanica juste en traversant le Glodjane de M. Haradinaj ?

21 R. J'ai compris que nous parlons, si j'ai compris, de la maison de M.

22 Haradinaj à Glodjane en traversant vers Jablanica, et non pas ce que

23 j'appellerais le Glodjane du nord. Cela, c'est l'axe que j'ai compris que

24 voulait désigner Me Emmerson. Mais si je me suis trompé, je vous prie de

25 m'excuser.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander s'il y a

27 désaccord à ce sujet entre les parties ?

28 Maître Emmerson, d'habitude les axes sont décrits avec une assez

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1 grande précision. Ceci donc veut dire qu'il y a des points de référence qui

2 ne sont pas très éloignés les uns des autres --

3 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- donc de façon à ce qu'on puisse voir

5 clairement où passe l'axe.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, Glodjane-Jablanica ici, ça

8 ferait une distance considérable sans aucun point de repère. Par

9 conséquent, si nous parlons de Gradjanica-Bandera-Glodjane-Jablanica, dans

10 ce système de description des axes, alors c'est davantage compréhensible.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis d'accord, cet ordre-là est plus

12 compréhensible.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

14 M. EMMERSON : [interprétation] A l'évidence, aucun d'entre nous n'est à

15 même de savoir avec certitude.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Mais l'ordre dans lequel les villages

18 apparaissent est plus logique si l'axe est bien tel que l'a tracé le

19 colonel Crosland.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, maintenant --

21 M. EMMERSON : [interprétation] Ceci, si la référence faite à Glodjane est

22 du côté occidental.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que j'ai compris de cela,

24 l'axe s'étend entre Glodjane et Jablanica, et toutefois traverserait le

25 cours d'eau, mais pas le canal.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, c'est comme ça que j'ai compris les

28 choses.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Pour commencer, je voudrais dire oui, mais

2 il y aurait deux lignes distinctes des questions posées au colonel Crosland

3 à cet égard, une de façon générale, et je n'ai pas le compte rendu sous les

4 yeux, mais c'est là que l'UCK se serait retirée vers l'est de Glodjane à

5 Jablanica, et ceci impliquerait pour eux de traverser le canal en gros.

6 Ensuite, si vous souhaitez, pour couper la retraite, il faudrait, du point

7 de vue militaire, que vous vous assuriez qu'ils ne puissent pas le faire. A

8 cet égard --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est différent --

10 M. EMMERSON : [interprétation] Quelque peu, excusez-moi --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je voudrais voir maintenant,

12 c'est voir comment, si nous pouvons commencer à commenter et interpréter

13 ces éléments.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, excusez-moi --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question est de savoir s'il y a un

16 désaccord entre les parties et de savoir si nous devons entrer davantage

17 dans les détails.

18 M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais indiquer que là, il y a une

19 question à un moment que je voudrais évoquer.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous devons d'abord donner la

21 possibilité à M. Re de finir ses questions supplémentaires. Juste pour être

22 complet pour la question suivante, Me Emmerson avait dit qu'après que M.

23 Crosland avait dit --

24 M. RE : [interprétation] La question suivante posée par Me Emmerson était :

25 "Mais la zone du canal, n'est-ce pas, ne compte pas l'itinéraire le plus

26 direct de Glodjane, Jablanica ?"

27 "Réponse : Elle le fait.

28 "Question : Donc, c'est cet axe-là ?

Page 4743

1 "Réponse : Oui."

2 Dans ce contexte, on se référait à cet axe tel qu'il est dans

3 l'ordre.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois que ceci est entendu, ceci

5 a été clarifié et que ceci va d'un lieu à l'autre. Dépendamment de ce que

6 M. Crosland nous dit à ce sujet, on peut le vérifier sur les cartes, et la

7 Chambre va certainement le faire.

8 Veuillez poursuivre.

9 M. RE : [interprétation] Je n'ai rien d'autre à demander.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Rien d'autre.

11 Alors, à ce moment-là, s'il est nécessaire --

12 M. EMMERSON : [interprétation] Avant que vous-mêmes, Monsieur le Président

13 et Messieurs les Juges, ne posiez d'autres questions, je voudrais évoquer

14 une question moi-même en réponse à M. Re, en commentant sur les marques

15 apposées par le témoin sur la pièce P10 qui est devenue P -- excusez-moi,

16 qui est devenue P323. Le colonel Crosland a dit, à la page 36, ligne 5 du

17 compte rendu, que la formation qu'il avait marquée comme étant une

18 opération planifiée pour le 10 août était -- non, mais écoutez, excusez-

19 moi, mais je vais lire le passage. Citation : "Ce n'est pas un encerclement

20 complet, parce que si vous regardez la carte, l'UCK, certainement, si

21 c'était l'UCK, ne serait pas restée à Glodjane, elle serait allée vers

22 l'est, et par conséquent vous pouvez voir que ce n'est pas une opération

23 complète d'encerclement."

24 Maintenant, quelques lignes plus bas, la ligne 13, la réponse se

25 poursuit : "Par conséquent, le temps joue pour les terroristes. Il se

26 retire probablement vers l'est."

27 Maintenant, si on regarde la chronologie, l'axe, le témoin a maintenant

28 marqué quelque chose qui est tiré de l'intercalaire 28 qui est, pour le

Page 4744

1 compte rendu --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 7 août.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, le D28 daté du 7 août et qui décrit les

4 activités qui ont eu lieu le 6 avril; en d'autres termes, le déploiement

5 serbe venant dans une direction sud vers ce que je voulais demander au

6 témoin à la lumière des faits, qu'il y avait une avancée serbe juste trois

7 jours avant le 10 août, qui venait en direction de Grabanica et poursuivait

8 en direction de Jablanica. Par conséquent, effectivement, ceci plaçait des

9 troupes serbes sur le flanc est si en réalité aurait pu fermer le cercle en

10 empêchant qu'on puisse s'échapper dans la direction de l'est.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crosland, je crois que vous

12 avez compris la question. Si vous voulez jeter un coup d'œil d'un peu plus

13 près sur les marques que vous avez apposées sur le précédent, je vais

14 demander à Mme la Greffière, parce que je crois que pour le moment vous

15 n'avez pas l'axe Grabanica-Bandera-Glodjane-Jablanica en mémoire. Donc, je

16 souhaiterais que vous regardiez l'autre, s'il vous plaît.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

18 suis prêt à répondre à la question telle que je l'ai comprise. Comme je

19 l'ai dit plus tôt aux membres de la Chambre, j'accepte ce que Me Emmerson a

20 dit, à savoir qu'il y a des forces qui se déplacent en direction de

21 Jablanica et par conséquent qui, du point de vue militaire, constituent un

22 point d'arrêt pour que l'UCK puisse se déplacer vers l'est, mais il y reste

23 encore une distance considérable. Je crois qu'il y a là, sur ce carroyage,

24 des kilomètres.

25 Par conséquent, approximativement de Glodjane où se trouve le

26 domicile de M. Haradinaj jusqu'à Jablanica, cela fait environ 10 à 12

27 kilomètres. C'est un secteur considérable pour que les forces puissent y

28 disparaître. Et ce secteur est, comme je l'ai indiqué sur la carte, très

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1 boisé et plein de collines, et par conséquent je voudrais suggérer que cet

2 encerclement n'est pas complet si les forces se sont arrêtées à Jablanica,

3 comme c'est indiqué dans l'ordre que nous avons là. Donc, il y a tout

4 l'espace nécessaire pour que les membres de l'UCK puissent disparaître au

5 beau milieu de cette zone.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout ce que je peux répondre à cette

8 question.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, il est bon que l'on ait

10 attiré notre attention sur le plan militaire, mais il faut également voir

11 ce qui s'est passé sur le terrain. Qu'il s'agisse d'un encerclement total

12 ou non, cela n'a peut-être pas tant d'incidence que ça sur les questions

13 qui nous intéressent en l'espèce.

14 Je vois que personne d'autre n'a de questions à poser.

15 Monsieur le Juge Hoepfel a une question à vous poser.

16 Questions de la Cour :

17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Oui, Monsieur. Je souhaiterais que

18 l'on revienne sur une réponse que vous avez donnée au sujet de la visite

19 que vous avez effectuée dans le secteur du canal en septembre 1998. Vous

20 avez déclaré, en réponse à une question posée par M. Re qui vous avait

21 interrogé -- un instant, je vous prie. C'était à la page 24, ligne 24 du

22 compte rendu. Donc, il vous a demandé en quoi consistaient l'équipement et

23 les installations médicolégales disponibles pour les Serbes dans ce secteur

24 à l'époque. Vous souvenez-vous de cette question ?

25 Vous avez répondu : "Je ne sais pas de quoi ils disposaient. J'ai

26 simplement demandé que pour obtenir des preuves prima facie concernant les

27 auteurs de ces actes," et cetera.

28 Ma question est la suivante : lorsque vous leur avez posé la

Page 4746

1 question, lorsque vous leur avez conseillé d'apporter des preuves prima

2 facie ou des indices de preuves, était-ce avant votre visite sur les lieux

3 ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je pense que c'était à

5 l'issue de cette visite. Ma remarque s'adressait à l'un des officiers

6 supérieurs du MUP, et je leur ai suggéré de suivre cette procédure afin

7 d'identifier comme il convient les auteurs de ce crime. Car comme vous le

8 savez bien, Monsieur le Juge, malheureusement des crimes étaient commis sur

9 l'ensemble du territoire du Kosovo.

10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie. Vous avez

11 répondu à ma question, et je vous en remercie.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crosland, comme je n'ai

13 pas d'autres questions à vous poser et comme vous avez répondu à toutes les

14 questions qui vous ont été posées par les parties et par les Juges de cette

15 Chambre, je souhaite vous remercier non seulement d'être venu témoigner,

16 mais d'être venu témoigner deux fois. D'habitude, nous faisons partir le

17 témoin lorsque l'on parle de pièces à conviction, mais peut-être que vous

18 souhaitez rester et peut-être que votre aide pourrait s'avérer précieuse

19 dans la gestion des pièces à conviction. Nous vous en serions très

20 reconnaissants.

21 J'ai demandé à Mme la Greffière d'audience d'établir une liste. Elle

22 est en train de l'imprimer. Dans cette liste sont consignées toutes les

23 pièces à conviction qui ont été présentées dans le cadre de la déposition

24 de M. Crosland.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Vous devez avoir l'index depuis ce

26 matin. Dans cet index il y a toutes les cotes qui ont été attribuées hier.

27 Ces cotes ont été incluses. Donc, les documents qui n'ont pas été

28 enregistrés aux fins d'identification peuvent l'être maintenant.

Page 4747

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si toutes ces

2 pièces ont été utilisées. Il faut d'abord vérifier cela, car le simple fait

3 que ces pièces figurent sur votre liste ne me suffit pas pour leur

4 attribuer un numéro.

5 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons procéder de la manière

7 suivante, Maître Emmerson. Dans l'index se trouvent plusieurs documents qui

8 n'ont pas encore été enregistrés aux fins d'identification. Nous allons les

9 laisser de côté pour le moment, car il y a deux possibilités : soit ils

10 n'ont pas été utilisés, soit on ne leur a pas attribué de numéro lorsqu'ils

11 ont été utilisés. Nous allons vous demander, à vous et aux membres de votre

12 équipe en compagnie de Mme la Greffière, de voir en dehors du prétoire si

13 des documents ont été utilisés et n'ont pas été enregistrés aux fins

14 d'identification, auquel cas la greffière préparera une liste

15 supplémentaire. Pour le moment, nous allons adresser uniquement aux

16 documents qui ont déjà été enregistrés aux fins d'identification.

17 Dans le courant de la journée ou demain, nous nous attendons à recevoir une

18 liste supplémentaire des documents qui ont été utilisés, mais qui n'ont pas

19 été enregistrés aux fins d'identification.

20 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

22 M. EMMERSON : [interprétation] En fait, la plupart des documents qui n'ont

23 pas enregistrés aux fins d'identification ont été utilisés, mais il y a une

24 poignée de documents qui n'ont pas été utilisés.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous devons vérifier cela et préparer

26 une nouvelle liste. Pour le moment, nous allons nous intéresser uniquement

27 aux documents qui ont été enregistrés aux fins d'identification.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Très bien.

Page 4748

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, pourriez-vous

2 imprimer cette liste, je vous prie ?

3 Monsieur Crosland, il s'agit de questions administratives qui sont vraiment

4 importantes, mais qui prennent parfois du temps.

5 Monsieur Re.

6 M. RE : [interprétation] Pour ce qui est des pièces utilisées par

7 l'Accusation par le truchement de M. Crosland, nous avons remarqué qu'il y

8 avait deux catégories. La catégorie des pièces Limaj.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. P92 constitue la liasse complète --

10 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Essayons de voir si nous pouvons -

12 -

13 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord --

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous avons réglé tous les

17 problèmes.

18 Je vais d'abord commencer par les pièces à conviction portant le

19 préfixe D. Nous avons d'abord D36.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que vous commencez par

21 les derniers et vous remontez ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Le D34 doit se trouver sur la liste.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous avons déjà versé au

25 dossier plusieurs documents. Mme la Greffière va vérifier la situation pour

26 ce qui est de D34. Moi-même je vais essayer de voir ce qu'il en est sur mon

27 ordinateur.

28 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après la greffière, ceci concerne un

2 autre témoin.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Vous avez sans doute raison.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai ensuite D36, une carte annotée par

5 M. Crosland, extraite de D32. Je dois encore procéder à quelques

6 vérifications. Nous allons mettre de côté D36 pour le moment. Cela commence

7 par D70, ensuite il y a une interruption, et on reprend à D87.

8 Monsieur Re, y a-t-il des objections de votre côté ?

9 M. RE : [interprétation] Pas d'objection par rapport aux documents annotés

10 par M. Crosland.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, donc les documents D70 à D87

12 compris sont versés au dossier. En ce qui concerne les pièces de

13 l'Accusation, nous avons d'abord P70, j'ai ensuite une liste ininterrompue

14 de pièces jusqu'à P116. Y a-t-il des objections de la part de l'une

15 quelconque des équipes de la Défense pour ce qui est des pièces présentées

16 entre P70 et P116 ?

17 M. EMMERSON : [interprétation] Non.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, les pièces P70 à P116

19 comprises sont versées au dossier.

20 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me corrige. J'ai dit qu'il y avait

22 une succession ininterrompue de pièces. Ce n'est pas vrai, car sur cette

23 liste nous ne voyons pas P99. Mais il existe un risque réel que l'on

24 confonde -- je me reprends. P99 n'a pas été versé au dossier. Nous allons

25 vérifier la situation en ce qui concerne P99, si cette pièce a déjà été

26 versée au dossier ou non. La Chambre réserve donc sa décision concernant

27 l'admission de cette pièce. Les pièces P70 à P98 comprises sont versées au

28 dossier, puis les pièces P100 à P116 comprises. Nous allons procéder à des

Page 4751

1 vérifications supplémentaires concernant P99 à un stade ultérieur.

2 P323 est une carte annotée par M. Crosland. Ce document a déjà été versé au

3 dossier, ainsi que l'autre carte annotée par M. Crosland. P324 n'a pas

4 encore été versée au dossier. Je suppose qu'il n'y a pas d'objections

5 concernant l'admission de P324 ?

6 Nous devons maintenant nous intéresser aux pièces D36 et P99.

7 Je signale que le compte rendu de la déposition du témoin dans l'affaire

8 Limaj a déjà été versé au dossier. Toutefois, même si la Chambre a pris

9 note qu'il n'y avait pas d'objections formulées contre le versement au

10 dossier de l'une quelconque de ces pièces pendant la déposition, qu'il

11 s'agisse -- et j'ai à l'esprit la pièce P92 dans l'affaire Limaj, étant

12 donné qu'il n'y a pas eu d'objections, nous décidons à titre provisoire de

13 verser au dossier les 52 documents portant la cote P92 dans l'affaire

14 Limaj.

15 Mme la Greffière attribuera des cotes à ces documents et complètera la

16 liste. La raison de leur admission provisoire, c'est en fait que les Juges

17 souhaiteraient aussi examiner ces documents afin de déterminer s'ils

18 remplissent les conditions requises pour être admis. Nous prenons note du

19 fait que la Chambre n'élève aucune objection, mais les Juges de la Chambre

20 souhaitent vérifier que ces documents peuvent bel et bien être admis.

21 Donc, ces documents sont versés au dossier à titre provisoire, mais si la

22 Chambre, après analyse, estime que l'un quelconque de ces 52 documents qui

23 doivent être enregistrés par la greffière ne remplit pas les conditions

24 requises pour être admis, nous en informerons les parties en conséquence.

25 S'il n'y a pas de problème, ces documents seront versés au dossier, mais la

26 Chambre se penchera plus en avant sur la question.

27 Monsieur Re.

28 M. RE : [interprétation] Pour enchaîner sur ces questions administratives,

Page 4752

1 il y a peut-être un petit problème logistique concernant certaines de

2 pièces que vous avez déjà versées au dossier en se servant des dépêches

3 télégraphiques de la Défense et utilisées dans l'affaire Limaj, par exemple

4 D87 --

5 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

6 M. RE : [interprétation] J'ai procédé à la vérification. J'ai remarqué que

7 les trois documents étaient concernés. Il s'agit davantage de documents de

8 l'affaire Limaj qui ont déjà été versés au dossier par la Défense.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, nous changeons le contenu

10 de notre décision en ce qui concerne ces 52 documents joints au compte

11 rendu de la déposition du témoin dans l'affaire Limaj. Tous les documents

12 qui n'ont pas encore été versés au dossier en l'espèce seront versés au

13 dossier sous réserve que la Chambre, après examen, estime qu'ils peuvent

14 l'être. Ceci a été consigné au compte rendu d'audience. J'invite les

15 parties à aider la greffière à établir une comparaison entre les 52

16 documents de l'affaire Limaj et la liste des pièces que nous avons à notre

17 disposition.

18 Monsieur Crosland, je pense que nous avons réussi à effectuer notre tâche

19 sans vous, ce qui est un véritable succès vu ce qui s'est passé les 19 et

20 20 avril. Merci beaucoup, nous vous souhaitons un bon retour chez vous.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, veuillez

23 raccompagner le témoin hors du prétoire.

24 [Le témoin se retire]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, êtes-vous prêt à appeler à

26 la barre le témoin suivant ?

27 M. EMMERSON : [interprétation] Avant cela, Monsieur le Président, il y a

28 deux questions en souffrance concernant les pièces à conviction.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez parler de P99 et D36 ?

2 M. EMMERSON : [interprétation] Non, D70, qui figure à l'intercalaire 14. Il

3 s'agit d'un document au sujet duquel, pendant les questions supplémentaires

4 posées par M. Re, j'ai distribué des exemplaires de la traduction

5 officielle en version papier.

6 Je souhaiterais savoir si ce document a remplacé la traduction

7 provisoire de D70.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que la traduction officielle

9 doit remplacer la traduction provisoire qui portait sur D70 ?

10 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela a déjà été fait.

12 Mme la Greffière me le confirme.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Très bien. L'autre document est le D34 qui

14 figure à l'intercalaire 17. Il s'agit du document dont vous avez examiné la

15 version originale. Il y a deux versions, une version avec des mentions

16 manuscrites et une autre portant un tampon; or, une seule traduction

17 indique la présence du tampon, mais il semblerait qu'il y ait une

18 traduction de certaines mentions manuscrites.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Les parties ont convenu à titre provisoire,

21 si la Chambre est d'accord, que D34 qui est actuellement le premier des

22 deux documents le demeure et que le deuxième document se voit attribuer une

23 cote distincte. Ainsi, les deux documents seront enregistrés dans le

24 système à titre distinct.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Les parties pourront être sûres que les

27 traductions de ces deux documents sont liées. Peut-être que cela ne fait

28 aucune différence en définitive, mais cela permettra d'éviter toute

Page 4754

1 confusion, et les choses seront bien claires. Donc, si la Chambre est

2 d'accord, nous allons traiter de cette question en dehors du prétoire dans

3 les 24 ou 36 heures à venir.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous avons déjà demandé à la

5 greffière d'attribuer une cote à la deuxième version de ce document,

6 l'ordre du commandement du Corps de Pristina daté du 28 mai 1998.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D88, enregistrée

8 aux fins d'identification.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

10 Les décisions qui viennent d'être rendues au sujet des documents à verser

11 au dossier correspondent à ce qui a été dit plus tôt concernant

12 l'enregistrement aux fins d'identification sous pli scellé ou pas. Nous

13 allons réexaminer ça. Monsieur Re, je suppose que la liste des pièces

14 présentées dans l'affaire Limaj, dans cette liste, il y a des documents qui

15 ont été versés sous pli scellé.

16 M. RE : [interprétation] Tous les documents de l'affaire Limaj sont versés

17 au dossier sous pli scellé.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Sous pli scellé.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agissant de l'absence d'objections

21 concernant P324, lorsque j'en ai parlé, j'ai oublié de préciser que P324

22 avait déjà été versé au dossier.

23 Donc, s'il n'y a pas d'autres questions --

24 Monsieur Re, êtes-vous prêt à appeler à la barre le témoin suivant ?

25 M. RE : [interprétation] Le témoin suivant est Ded Krasniqi. Il n'a pas

26 demandé de mesures de protection. C'est M. Di Fazio qui va interroger ce

27 témoin. Je souhaiterais simplement présenter une nouvelle avocate qui nous

28 a rejoints il y a quelques semaines, Mme Rut Ley. Elle aidera M. Di Fazio.

Page 4755

1 Je remarque que Me Guy-Smith veut intervenir.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je vous souhaite d'abord la

3 bienvenue, Madame Ley, et je donne maintenant la parole à Me Guy-Smith.

4 Maître Guy-Smith.

5 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous souhaite également la bienvenue,

6 Madame Ley.

7 Je souhaite intervenir concernant le témoin suivant, M. Krasniqi.

8 Hier soir, tard, nous avons reçu, donc à 18 heures 30 environ, des éléments

9 à décharge indiquant entre autres que le témoin suivant a été déclaré

10 coupable de meurtre suite à un litige concernant la pâture des vaches, et

11 cela a fait l'objet d'un article. Nous avons reçu plusieurs articles de

12 presse en serbo-croate ainsi que d'autres documents.

13 Je ne sais pas et je n'ai aucun moyen de savoir si ces articles de

14 presse présentent une quelconque pertinence. Il faut procéder à des

15 enquêtes à ce stade. Nous les avons reçus très tard, ils n'ont pas encore

16 été traduits. J'en ai été informé par M. Di Fazio qui m'a dit qu'il avait

17 préparé une traduction officieuse de ces documents. Si j'ai bien compris,

18 un traducteur les a lus rapidement. Quel que soit le résultat de cette

19 traduction, il a estimé qu'il y avait des éléments relevant de l'article

20 68, des éléments à décharge, et a pensé qu'il était de son devoir de nous

21 les communiquer.

22 Hormis les difficultés que présente ce type de communication tardive

23 d'information, je voulais savoir s'il y avait d'autres éléments à décharge

24 dont dispose l'Accusation au sujet de ce témoin ou du témoin suivant, et

25 ce, compte tenu notamment des remarques faites précédemment par

26 l'Accusation selon lesquelles il existe un système en place pour identifier

27 toutes les informations relevant de l'article 68 et pour que celles-ci nous

28 soient communiquées rapidement afin que nous puissions les utiliser comme

Page 4756

1 il convient.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, je suppose que les

3 informations qui ont été communiquées hier à la Défense ont été reçues

4 récemment par le bureau du Procureur ? S'il s'agit d'articles de presse,

5 nous pourrions examiner d'abord la date de leur parution.

6 M. RE : [interprétation] Je ne peux pas vous dire quand nous les avons

7 reçus. Je peux replacer les choses dans leur contexte. Au premier

8 paragraphe, le témoin parle de son emprisonnement. C'est clair.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Venons-en au fait. Savez-vous quand vous

10 avez reçu ces informations ? Savez-vous quand ces informations ont paru

11 dans le journal ?

12 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

13 M. RE : [interprétation] M. Di Fazio me dit que c'est assez vieux.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si ces informations datent de l'époque à

15 laquelle le témoin a été emprisonné --

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-être puis-je vous aider, Monsieur le

17 Président.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Apparemment, ce communiqué de presse

20 date de 1982. Il y a une cote ERN qui lui a été attribuée et qui semble

21 être assez ancienne, d'après ce que j'ai compris avec les numéros, les

22 cotes ERN de cette affaire. L'article, je crois, date de 1995, parce qu'il

23 a également une cote ERN assez ancienne.

24 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

25 L'INTERPRÈTE : Le Président pose une question qui est inaudible pour

26 l'interprète.

27 M. RE : [interprétation] Je ne peux pas répondre à cela. En fait, ce que je

28 peux dire, c'est qu'il s'agit d'un document, un document public qui fait

Page 4757

1 partie de la série de cotes ERN qui est sur la liste des pièces

2 communiquées et qui peut être trouvé par la Défense. Cela a été porté à

3 notre attention hier, et donc nous sommes en train de faire des recherches

4 concernant ce témoin et ce que nous venons de communiquer, en fait des

5 documents qui semblent assez publics concernant ce témoin.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, il est clair -- ce qui est

7 important, c'est qu'il est clair que la déclaration qui a été fournie aux

8 Juges commence par une peine de prison qui est assez longue, si l'on peut

9 dire.

10 Alors, ces renseignements, autant que vous le sachiez, donnent-ils

11 des renseignements autres que le type d'infractions pour lesquelles il a

12 été condamné, ou bien y a-t-il des renseignements concernant la portée, en

13 termes pénaux, de cette condamnation ?

14 M. DI FAZIO : [interprétation] Il s'agit simplement d'un article d'un

15 journal assez rudimentaire qui ne va pas tellement au-delà des simples

16 faits. Il s'agit simplement d'une dispute de voisinage, comme M. Guy-Smith

17 l'a dit. Il s'agit d'une dispute, un litige concernant des pâturages.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui.

19 M. TROOP : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que

20 l'Accusation, concernant l'un des articles, nous donne des renseignements,

21 parce que l'article, je crois, date de 1995. D'après ce que nous avons

22 compris, M. Krasniqi a été libéré en 1994. Parce que cet article est en

23 serbe et en cyrillique, nous ne sommes pas en mesure de comprendre la

24 pertinence de cet article.

25 Comme l'Accusation a la capacité, les capacités pour lire cet

26 article, ils ont peut-être un idée de ce que contient, de la teneur de ce

27 document. Peut-être que donc l'Accusation pourrait nous donner un certain

28 nombre d'indications sur ce qui est dit dans cet article et ce qu'il

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1 contient.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Tout ce que je puis vous dire, c'est que

3 j'ai simplement eu une entrevue rapide avec un interprète concernant cet

4 article de presse --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle est la longueur de cet article ?

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Une page.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est trop long à lire à voix

8 haute.

9 M. DI FAZIO : [interprétation] Je crois qu'il s'agit de la page dont ils

10 sont en train de parler. J'ai parlé avec cet interprète, et en parlant avec

11 ce traducteur, plutôt, j'ai compris que cela avait un rapport avec cet

12 incident. Et les autres documents que j'avais en anglais concernaient

13 également cet incident. Il a été décidé donc qu'il s'agissait d'un document

14 tombant sous le coup de l'article 68, et j'ai donc décidé de communiquer

15 cet article de presse également. Mais ce qui est dit en détail, je ne sais

16 pas. Je n'ai même pas à ma disposition une traduction officieuse.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, une des questions qui

18 pourrait devenir pertinente dans ce contexte, Monsieur Di Fazio, serait de

19 savoir si la victime ou la famille de la victime de cette infraction à

20 cette époque, ont-ils joué un rôle quelconque dans le témoignage que nous

21 devons entendre. Si je me souviens bien, il y avait un commentaire

22 supplémentaire concernant qui était l'ennemi du témoin.

23 M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, bien entendu, ici, si nous sommes

25 en train simplement de parler de quelque chose par le passé concernant du

26 bétail, bien sûr cela pourrait avoir une importance, eu égard à ce

27 témoignage.

28 M. DI FAZIO : [interprétation] Et bien, non, je n'ai pas aucun

Page 4759

1 renseignement m'indiquant cela. Mais en fait, je ne sais pas. Cela, c'est

2 la réponse. Tout ce que je dis, c'est que dans le rapport en anglais bref

3 que j'ai regardé, il semblerait qu'il s'agit de personnalités, de personnes

4 en tous les cas qui ont un rapport avec cette affaire.

5 Bien entendu, si la Défense a des renseignements à ce sujet, nous

6 serions heureux de savoir quels ils sont. Dans tous les cas, l'Accusation

7 n'a pas de renseignements.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous dire comment vous

9 avez trouvé cet article récemment ? Comment se fait-il qu'il a été porté à

10 votre attention ?

11 M. DI FAZIO : [interprétation] En fait, j'étais en train de chercher

12 des documents et j'essayais de trouver les documents tombant sous le coup

13 de l'article 68, et j'ai trouvé ceci.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez donc fait une recherche

15 par ordinateur, Monsieur Di Fazio ?

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, cela nous a été donné par quelqu'un qui

17 avait fait une recherche, et les paramètres étaient différents.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Les définitions, et cetera, qu'ils ont

20 utilisé pour faire cette recherche dans la base de données informatique, je

21 ne sais pas.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

23 M. DI FAZIO : [interprétation] Dans la mesure où ils ont donné ces

24 documents pour que je les lise, je n'en sais pas plus.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela s'est passé quand ?

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Hier.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hier. Donc, la dernière question que

28 j'ai est que vous avez de manière implicite répondu à ma question de savoir

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1 s'il y a d'autres documents tombant sous le coup de l'article 68 en plus,

2 parce qu'à ce moment-là j'aimerais que vous nous les communiquiez

3 immédiatement. Si vous pensez qu'il y en aura d'autres, et bien il faudrait

4 nous le dire.

5 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne pense pas qu'il y a d'autres documents

6 de ce type.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le témoin suivant.

8 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne sais pas pour le témoin suivant. C'est

9 M. Re qui va en parler.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que votre équipe devra s'en

11 occuper.

12 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, cela nous conviendrait.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.

14 Non, c'est M. Guy-Smith.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne souhaite pas passer plus de temps.

16 Peut-être qu'il faudrait que j'envoie une explication par écrit du système

17 central EDS, mais il me semble assez souvent, et en fait c'est un problème

18 assez récurrent, mais j'aimerais peut-être -- il faudra peut-être que je

19 soumette une requête écrite à ce sujet.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, vous pouvez le faire, et nous

21 l'étudierons.

22 Monsieur Emmerson.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Il semblerait que ce document a été utilisé

24 par l'Accusation dans l'affaire Slobodan Milosevic, pour le contre-

25 interrogatoire d'un témoin qui avait été appelé par M. Milosevic. Cela

26 apparaît dans la genèse de ce document.

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je vais corriger

28 quelque chose à ce sujet. Ma commise à l'affaire pourra peut-être me

Page 4761

1 corriger si je me trompe.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, attendez. Je propose la chose

3 suivante. Je propose que nous fassions une pause et que nous ne commencions

4 pas à faire des supputations et puis à corriger des choses tant que nous

5 n'avons pas d'informations sûres.

6 Je propose aux parties de faire une pause d'une heure, de faire une pause

7 d'une heure, de façon à avoir au moins des copies des originaux qui soient

8 données à l'ensemble des parties et que nous utilisions nos ressources

9 aussi bien que possible de façon à avoir la meilleure impression possible

10 de ce que ces articles de presse disent. C'est la raison pour laquelle je

11 propose -- j'allais dire pour débattre plus avant de la chose, mais il

12 semblerait que nous n'aurons pas le temps d'avoir beaucoup de débats et de

13 discussions concernant ce sujet parce que nous saurons évidemment mieux de

14 quoi nous parlons.

15 En général, la Chambre de première instance n'étudie pas des documents qui

16 n'ont pas encore été produits au cours de l'audience, mais vu les

17 circonstances et vu le fait que la Chambre, pour avoir à statuer sur le

18 fait de savoir s'il y a eu violation des dispositions de l'article 68, nous

19 aimerions que la Chambre puisse étudier ces documents.

20 Nous demandons donc à avoir des copies papier de ces articles de

21 journaux et nous allons demander à nos assistants de nous aider. Nous

22 essaierons de nous entretenir les uns avec les autres au cours de ce

23 processus.

24 Monsieur Di Fazio.

25 M. DI FAZIO : [interprétation] Pendant la pause, peut-être que nous

26 pourrions demander à ce qu'un résumé soit tapé par nos interprètes

27 concernant cet article en cyrillique ? Ensuite, nous vous donnerons les

28 documents à vous, Messieurs les Juges, par l'intermédiaire de l'huissière,

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1 si j'ai bien compris.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, effectivement, je vais vous

3 demander de le donner au juriste de la Chambre, qui nous le communiquera.

4 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons donc faire une pause, et

6 après la pause, nous verrons si nous pouvons commencer la déposition de ce

7 témoin, à moins qu'il y ait des raisons qui nous empêchent de le faire.

8 Nous allons donc faire une pause jusqu'à 12 heures 35.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 11.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'un résumé a été distribué;

12 vous avez tous eu 45 secondes pour le lire.

13 L'ayant lu et sur le fondement des renseignements que la Chambre a reçus,

14 il semble que cet article de 1995 aborde un événement ayant eu lieu en

15 1982, le décrit en détail, et en particulier l'endroit où l'incident a eu

16 lieu, un endroit où il semblerait qu'il y avait un contexte de conflit

17 ethnique, entre autres. Il décrit ensuite la difficulté de continuer à

18 vivre.

19 D'après ce que la Chambre a compris, aucun des voisins qui sont

20 mentionnés ici n'apparaît où que ce soit dans la déclaration du témoin. Il

21 y a uniquement un petit point sur lequel il nous faudrait peut-être nous

22 pencher un peu plus avant. C'est un fait que dans les modifications que le

23 témoin a faites dans sa déclaration, une personne est nommée comme être

24 l'ennemi du fils. S'il s'agissait du fils d'un ennemi, cela changerait

25 totalement les choses, mais tout au moins, cela ne semble pas être ce que

26 la Chambre a cru comprendre.

27 Si l'une quelconque des parties considère le présent article de

28 presse auquel nous avons eu accès comme étant une raison impérative pour ne

Page 4764

1 pas entendre ce témoin, j'aimerais que nous poursuivions avec ce témoin. Je

2 vois des hochements de tête de part et d'autre. Monsieur Emmerson, oui.

3 Monsieur Di Fazio, est-ce que vous êtes prêt à entendre votre témoin ?

4 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. J'aimerais simplement passer une petite

5 minute pour replacer les choses en perspective.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je comprends qu'il y

7 a eu un problème de communication concernant l'heure à laquelle nous avons

8 commencé. Je trouve intéressant que nous ayons ce résumé écrit. La Chambre

9 ne voit là aucun élément nouveau par rapport à ce qu'elle avait cru

10 comprendre jusque-là. Je crois qu'il faut que nous commencions tout de

11 suite, à moins qu'il n'y ait une raison impérative pour que nous ne le

12 fassions pas tout de suite. Mous pourrons mettre les choses en perspective

13 plus tard.

14 M. DI FAZIO : [interprétation] Je voulais tout simplement dire que je

15 venais de remettre un document à l'instant à la Défense. Si la Défense se

16 reporte à la page 3 888, elle verra la partie importante de ce document. Il

17 fait référence à Miodrag Saric, qui a 43 ans. C'est la partie importante.

18 Il vient d'être communiqué, parce qu'hier il y a eu une faute de frappe.

19 Nous avions regardé le document, nous avions cru qu'il avait déjà été

20 communiqué dans une autre série de documents. C'était en fait quelque chose

21 qui était faux, bien sûr. Du point de vue de l'Accusation, cet article nous

22 semble être sans conséquence, mais si la Défense souhaite soulever la

23 moindre objection, il faut qu'elle le fasse actuellement. Je pense, s'ils

24 peuvent le lire maintenant, cela serait une bonne chose. Il faut à peu près

25 huit secondes pour le lire.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les huit secondes sont écoulées. Je ne

27 sais pas si vous voulez plus de temps.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Non. Je l'avais déjà lu et je sais ce qu'il

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1 contient.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

3 Monsieur Di Fazio.

4 M. DI FAZIO : [interprétation] Je suis prêt à continuer, Monsieur le

5 Président. J'aimerais appeler Ded Krasniqi.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

7 Madame l'Huissière, je vous prie de bien vouloir faire entrer M. Krasniqi

8 dans le prétoire.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous aimerions informer les parties que

11 la Chambre, pour des raisons administratives, que toute pièce qui sera

12 utilisée pour le Témoin 8, quelles que soient les cotes qui seront

13 attribuées à ces documents par la suite, auront des cotes qui leur seront

14 attribuées dans l'ordre, de façon à ne pas les perdre et à ne pas les

15 égarer par rapport à nos listes. Donc, pour des raisons administratives,

16 nous allons procéder de cette manière, mais peut-être que les choses seront

17 modifiées par la suite.

18 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que ce

19 que vous venez d'indiquer concerne non seulement des pièces qui ont déjà

20 été utilisées, mais des pièces qui vont être utilisées. En d'autres termes,

21 tous les documents qui seront utilisés pour les contre-interrogatoires, et

22 pas uniquement --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, c'est celles qui ont été

24 utilisées, mais il faudra que nous vérifiions avec la liste. En général, on

25 n'attribue pas de cotes aux documents qui n'ont pas été encore utilisés,

26 mais si vous comptez utiliser des documents, une cote leur sera attribuée.

27 M. EMMERSON : [interprétation] La raison pour laquelle j'hésite un peu,

28 c'est que l'huissière m'a très aimablement remis la liste des documents

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1 pour le contre-interrogatoire dont nous avons parlé tout à l'heure lors de

2 l'audience. Il y a en fait deux points qui ont été marqués pour

3 identification, mais qui n'ont pas été versés au dossier. Il s'agit d'une

4 déclaration qui a été remise assez tard et qui vient de l'Accusation tout à

5 la fin. Je crois que celle-ci n'a pas été marquée aux fins

6 d'identification.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Tous les documents de la liasse du contre-

9 interrogatoire, autant que je m'en souvienne, nous n'en sommes pas arrivés

10 jusqu'au point où nous avons pu les utiliser.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vérifierons cela, mais le plus

12 important est qu'ils soient utilisés dans l'ordre dans lequel ils sont

13 utilisés dans le prétoire --

14 M. EMMERSON : [interprétation] Marqués aux fins d'identification.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- marqués aux fins d'identification de

16 façon à ce que nous ne les perdions pas de vue.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie de vos éclaircissements.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

19 Madame la Greffière, je pense que cela vous suffira.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Décision concernant la requête de

22 l'Accusation aux fins de la délivrance d'une injonction de témoigner au

23 Témoin 50.

24 La Chambre estime que les raisons pour délivrer une injonction de témoigner

25 à ce témoin ne sont pas réunies. En particulier, la Chambre estime que

26 l'Accusation n'a pas prouvé au paragraphe 5 de sa requête que le témoin est

27 susceptible de fournir des renseignements qui constitueront des éléments de

28 preuve importants pour l'Accusation.

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1 La Chambre a étudié le résumé 65 ter du témoignage attendu du témoin ainsi

2 que d'autres résumés 65 ter d'autres témoins qui doivent déposer concernant

3 les mêmes chefs d'accusation. Notre conclusion est que le témoignage

4 attendu du témoin en question ne fait que corroborer les autres témoignages

5 et est basé et fondé en grande partie sur des ouï-dire et ne couvre aucun

6 élément important des accusations de l'acte d'accusation qui ne sont pas

7 déjà couvertes par d'autres témoignages d'autres témoins, des témoignages

8 qui semblent être de meilleure qualité.

9 La Chambre souhaite souligner que l'application est rejetée sans préjudice

10 des droits de l'Accusation; en d'autres termes, l'Accusation a le droit, si

11 elle le souhaite, de soumettre une autre requête aux fins de la délivrance

12 d'une injonction de témoigner à ce témoin, mais uniquement si elle est en

13 mesure de présenter des éléments plus convaincants.

14 Voici la fin de la décision de la Chambre.

15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne commenciez votre

19 déposition devant cette Chambre, le Règlement de procédure et de preuve

20 exige que vous fassiez une déclaration solennelle selon laquelle vous direz

21 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je vous invite à donner

22 lecture de cette déclaration dont le texte vous est tendu par Mme

23 l'Huissière.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

25 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

26 LE TÉMOIN : DED KRASNIQI [Assermenté]

27 [Le témoin répond par l'interprète]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krasniqi, veuillez vous

Page 4768

1 asseoir.

2 Monsieur Krasniqi, vous allez d'abord être interrogé par M. Di Fazio, qui

3 est conseil de l'Accusation.

4 Monsieur Di Fazio, vous avez la parole.

5 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

6 Messieurs les Juges.

7 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :

8 Q. [interprétation] Monsieur Krasniqi, quelle est votre origine ethnique ?

9 R. Je suis Albanais.

10 Q. En 1998, je voudrais que vous essayiez de donner aux membres de la

11 Chambre de première instance une idée de la composition de votre famille,

12 des membres de votre famille en 1998. Donc, si vous voulez bien nous dire -

13 -

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander tout d'abord s'il

15 y a une objection quelconque à poser des questions sur ces aspects

16 personnels.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Aucune.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les dates de naissance, la composition

19 de la famille, et cetera.

20 Monsieur Di Fazio, peut-être que vous pouvez accélérer.

21 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.

22 Q. En 1998 --

23 M. DI FAZIO : [interprétation] A vrai dire, si vous le voulez, Monsieur le

24 Président, je n'ai pas besoin de connaître la réponse à cela, donc je vais

25 poser une question directement au témoin.

26 Q. Combien de fils aviez-vous en 1998, au début de 1998 ?

27 R. J'en avais trois.

28 Q. Vous aviez également une fille ?

Page 4769

1 R. Une fille, oui.

2 Q. A l'époque, vous viviez dans la ville de Peje ou Pec ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que l'un de vos fils était Pal Krasniqi ?

5 R. Oui.

6 Q. En 1998, est-ce que votre fils a décidé de rejoindre l'UCK ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous vous rappeler à peu près à quelle époque de l'année c'était

9 ?

10 R. C'était en 1998, le 10 juillet.

11 Q. Bien. Est-ce que c'est la date à laquelle il est parti pour rejoindre

12 l'UCK ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous et lui aviez parlé du fait qu'il rejoindrait l'UCK ?

15 R. Oui.

16 Q. Donc, le 10 juillet 1998, vous étiez au courant de ses plans ?

17 R. Oui.

18 Q. Merci. Connaissiez-vous en 1998 un homme du nom de Mahir Dema ?

19 R. Oui, je le connais.

20 Q. Est-ce que c'était un ami de vos fils ?

21 R. Oui.

22 Q. Avait-il lui aussi fait des plans en 1998 pour rejoindre l'UCK ?

23 R. Oui. Il m'en a parlé.

24 Q. Qui vous a parlé des plans de M. Mahir Dema ? Est-ce que c'est votre

25 fils ou est-ce que Mahir Dema lui-même vous a parlé de son plan de

26 rejoindre l'UCK ?

27 R. C'est Mahir Dema et mon fils qui m'en ont parlé. Tous deux m'en ont

28 parlé.

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1 Q. Je vous remercie. Très bien. Vous dites que le 10 juillet 1998, ils

2 sont partis pour rejoindre l'UCK. J'ai bien compris ce que vous avez dit ?

3 R. Oui.

4 Q. Ce que je souhaite savoir c'est : est-ce que vous avez été mis au

5 courant exactement où ils allaient de façon à exécuter leur plan qui était

6 de rejoindre l'UCK ?

7 R. Oui, ils m'ont dit cela.

8 Q. Que vous ont-ils dit ?

9 R. Ils m'ont dit qu'ils allaient se rendre à Jablanica, mais qu'il fallait

10 qu'ils aillent à Klina d'abord pour aller chercher ma femme et l'amener

11 ici, ensuite aller à Jablanica. En route, ils ont été appréhendés au point

12 de contrôle de la police de la Krusha e Madhe. Ils ont été passés à tabac

13 et amenés à Klina.

14 Q. Bien. Arrêtons-nous un instant ici. Je voudrais vous demander de bien

15 vouloir me dire si ce que j'ai compris est exact dans votre déposition.

16 Mahir Dema et votre fils vous ont dit qu'ils allaient chercher votre femme

17 à Klina et qu'ils allaient revenir avec elle chez-vous, dans votre maison

18 de Peje ou de Pec. Je vous ai bien compris ?

19 R. Oui.

20 Q. Merci. Et j'ai bien compris que le plan, c'était qu'après avoir fait

21 cela, ces deux jeunes gens seraient ensuite allés à Jablanica pour

22 rejoindre l'UCK ? Je vous ai bien compris ?

23 R. Oui.

24 Q. Merci. Maintenant, vous avez commencé à dire qu'il leur est arrivé

25 quelque chose à un poste de contrôle de la police. J'aimerais d'abord que

26 vous disiez aux membres de la Chambre de première instance comment vous

27 savez ce qui leur est arrivé à ce point de contrôle. Comment avez-vous

28 obtenu ce renseignement ? Comment se fait-il que vous soyez en mesure de

Page 4771

1 nous en parler ?

2 R. Lorsqu'ils sont allés à Klina, ils ne sont pas revenus avant le

3 lendemain matin. A 6 heures du matin, ils m'ont appelé au téléphone de

4 Klina et j'ai demandé à mon fils : "Où es-tu ?" Il m'a dit que la police

5 les avait passés à tabac et qu'ils se sentaient très faibles, est-ce que je

6 pourrais venir les aider. J'ai répondu : "Je ne peux pas venir vous aider

7 parce que la police me recherche aussi." Je lui ai demandé : "Où es-tu ?"

8 Il m'a dit : "Je suis à l'église."

9 J'ai pu entendre qu'une porte s'ouvrait et se fermait, et je n'ai pas

10 cru mon fils, qu'il se soit trouvé à l'église ou au poste de police. J'ai

11 pensé que peut-être la police l'avait forcé à m'appeler, mais il m'a juré

12 qu'il était à l'église. Néanmoins, je ne l'ai toujours pas cru. Je ne

13 savais pas entre quelles mains il se trouvait. Donc, j'ai dit à mon fils :

14 "Tu sais, mon fils, nous avons parlé de quelque chose ensemble, est-ce que

15 tu t'en souviens ?" Il a répondu : "Oui." Je lui ai dit : "Va, s'il te

16 plaît, à l'endroit où nous avons parlé précédemment et essaie de ne pas

17 tomber entre les mains de l'ami que tu connais." Quand il est arrivé à cet

18 endroit-là, il devait prendre des armes, tout au moins prendre une arme

19 pour moi aussi et venir me chercher à Peje. Je ne savais pas où aller.

20 Q. Bien.

21 R. C'était ça, la conversation.

22 Q. Bien. Je vous remercie. Merci de nous avoir relaté cela.

23 Je voudrais juste être bien au clair sur un point. Vous dites que vous avez

24 dit à votre fils que vous aviez discuté de quelque chose avec lui, et vous

25 lui avez demandé de se souvenir de cela pendant la conversation

26 téléphonique. A quoi vouliez-vous faire allusion lorsque vous avez dit cela

27 à votre fils ? De quoi aviez-vous parlé et qu'est-ce que vous vouliez

28 l'inciter à faire ?

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1 R. J'avais encore peur qu'il ne soit entre les mains des Serbes, je ne

2 voulais donc pas mentionner l'UCK. C'est pourquoi je lui ai dit : "Va à

3 l'endroit dont nous avons déjà parlé." Mais l'idée, c'était qu'ils aillent

4 rejoindre l'UCK.

5 Q. Pour vous, lorsque vous lui avez dit d'aller là où vous aviez parlé de

6 se rendre, vous vouliez parler de Jablanica. Je vous ai bien compris ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci. Avez-vous revu ce jeune homme, Mahir Dema ?

9 R. Après la guerre.

10 Q. Bien. Pouvez-vous nous dire quand cela a eu lieu ? Est-ce que c'était

11 en 1998 que vous l'avez vu ou peut-être l'année d'après ? Pourriez-vous

12 être un peu plus précis, s'il vous plaît ?

13 R. Après la libération, après la guerre.

14 Q. Bien. Savez-vous combien de mois après cette conversation téléphonique

15 vous avez vu, comme vous venez de nous le dire, Mahir Dema, vous l'avez

16 revu ?

17 R. A partir de ce moment-là, je n'ai plus revu mon fils. Mais après la

18 guerre, j'ai vu Mahir Dema à Peje et je lui ai demandé s'il savait quoi que

19 ce soit concernant mon fils, mais il avait peur. Je lui ai demandé :

20 "Pourquoi est-ce que tu as peur ?" Il a dit : "S'il vous plaît, ne le

21 cherchez pas, n'allez pas le chercher. Personne n'ose dire quoi que ce soit

22 à ce sujet. Il faut que les choses se calment d'abord." Il a dit : "J'ai un

23 ami à Pristina, et nous allons essayer de le trouver." C'était ça, la

24 conversation qui a eu lieu.

25 Q. Est-ce que vous savez si Mahir Dema est allé à l'hôpital ?

26 R. Il se trouvait à l'hôpital militaire de Jablanica; avant cela, il avait

27 été à Peje, il avait subi une opération.

28 Q. A-t-il subi cette opération avant cet épisode dont vous parlez pendant

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1 lequel votre fils est allé ?

2 R. Oui.

3 Q. Bien. Alors, ce n'est pas cela qui m'intéresse. Est-ce que Mahir Dema

4 ne vous a jamais dit quand il avait vu votre fils pour la dernière fois ?

5 R. Il m'a dit qu'ils étaient allés à Jablanica, et Mahir avait été battu

6 plus fort que mon fils.

7 Q. Oui.

8 R. La police lui a demandé : "Pourquoi es-tu venu à Klina ?"

9 Q. Bien. Maintenant, pour être absolument clairs à ce sujet, ces passages

10 à tabac que Mahir et votre fils aussi ont subi, est-ce que c'était par la

11 police serbe ?

12 R. La police serbe à Klina.

13 Q. Bien. D'accord. Je vous remercie. Maintenant, poursuivons. Je vous

14 posais des questions concernant Mahir Dema et je vous demandais s'il ne

15 vous a jamais parlé du moment où il avait, pour la dernière fois, vu votre

16 fils. Continuez, s'il vous plaît.

17 R. Il m'a parlé de l'époque où ils étaient allés ensemble à Jablanica.

18 Notre armée avait amené Mahir à l'hôpital pour qu'il puisse être soigné et

19 guéri, et mon fils avait rejoint ses compagnons, ses camarades. Quelques

20 jours plus tard, mon fils était allé lui rendre visite à l'hôpital, ils se

21 sont salués réciproquement, et c'est là que je l'ai vu pour la dernière

22 fois, mon fils.

23 Mahir Dema a été envoyé à Istok, l'ancienne Istok aujourd'hui appelée

24 Burim, puis il est allé au Monténégro pour subir une cure parce qu'il était

25 très malade. C'est cela qu'il m'a dit.

26 Q. Bien. Je vous remercie. Maintenant, je vais simplement vous demander

27 ceci : d'après ce que vous a dit Mahir Dema, avez-vous une idée quelconque

28 du temps qui s'est écoulé après que ces deux jeunes gens se soient mis en

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1 route et aient rejoint l'UCK à Jablanica, que cette visite à l'hôpital a eu

2 lieu, environ combien de temps après qu'ils soient partis ensemble pour

3 rejoindre l'UCK est-ce que Mahir a vu votre fils à l'hôpital ? Est-ce que

4 vous avez eu des renseignements à ce sujet par Mahir ?

5 R. Oui. Il m'a parlé de cinq jours plus tard, après cela, ils ne se sont

6 pas à nouveau réunis. Ça, c'est ce que Mahir m'a dit parce que je n'ai eu

7 aucun message ou je n'ai reçu rien d'autre de mon fils.

8 Q. Bien. Nous comprenons tous que vous êtes en train de parler maintenant

9 de ce que Mahir vous a dit. Je voudrais simplement qu'on passe à un autre

10 sujet. Juste avant cela, je voudrais que nous soyons absolument certains,

11 afin que les Juges de la Chambre de première instance puissent comprendre

12 ce que vous dites. Vous avez compris, vous me le direz si je ne me trompe

13 pas, vous avez compris que les deux jeunes gens étaient partis pour

14 Jablanica le 10 juillet --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 10.

16 M. DI FAZIO : [interprétation]

17 Q. -- le 10 juillet 1998, et qu'en route ils ont été passés à tabac par la

18 police serbe et qu'environ cinq jours plus tard, Mahir a vu votre fils à

19 l'hôpital. Maintenant, est-ce que ce que j'ai compris est exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Pour autant que vous le sachiez, de ce que Mahir vous a dit, mais

22 c'était la dernière fois que Mahir l'a vu aussi ?

23 R. Oui.

24 Q. Je vous remercie.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne veux pas -- je ne sais pas, peut-être

27 que c'est juste moi qui ai fait une confusion, mais j'ai des problèmes avec

28 les mots "à l'hôpital". Je sais que Mahir --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien sûr, ceci pourrait être

2 compris de deux manières différentes. Nous avons lu la déclaration du

3 témoin. Nous avons entendu ce qu'il vient de dire dans sa déposition. Les

4 deux dernières questions étaient superflues. Donc, vus à l'hôpital, bien

5 sûr, il est clair que Mahir, c'est celui qui était le patient et que

6 l'autre était là en visite. Ceci découle clairement -- par conséquent, les

7 termes employés n'étaient pas clairs, mais dans ce contexte, c'est

8 parfaitement clair, et je me demande comment vous pourriez avoir compris sa

9 déposition d'une autre manière telle que vous l'avez résumée. Par

10 conséquent, ce résumé n'était pas nécessaire.

11 Veuillez poursuivre.

12 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Est-ce que vous avez commencé à essayer de retrouver votre fils ?

14 R. Oui, j'ai fait plusieurs tentatives. Pour commencer, je suis allé à

15 Jablanica. De là, je n'ai rien pu apprendre à cet endroit-là, donc je suis

16 allé à Klina.

17 Q. Bien. Est-ce que je peux juste vous interrompre un instant, ici ? Je

18 souhaiterais vous poser une question concernant d'abord Jablanica. A peu

19 près combien de temps après le 10 juillet 1998 diriez-vous que vous êtes

20 allé à Jablanica ?

21 R. C'était après la guerre; avant cela, je ne pouvais pas m'y rendre.

22 Q. C'est une question qui portait sur certains mois.

23 R. C'était la fin de l'automne, septembre, octobre.

24 Q. De la même année que celle où votre fils est parti pour rejoindre l'UCK

25 ?

26 R. Non, non. Avant que la guerre n'ait pris fin, je n'ai pas pu aller

27 rechercher mon fils.

28 Q. A qui avez-vous parlé à --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons d'éclaircir ce point.

2 Est-ce que tout le monde comprend bien ? Est-ce que les parties comprennent

3 bien que c'était après que la guerre a été finie ?

4 M. DI FAZIO : [interprétation] Mais je --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il y avait une guerre.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Le point important, c'est de comprendre ce

7 témoin, si vous le permettez.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Vous lui demandez la même année, il

9 a dit : non, non, non, avant que la guerre n'ait pris fin. A ce moment-là,

10 il semble que vous passiez à la question suivante de sorte que la Chambre

11 ne sait toujours pas où il est allé.

12 Est-ce que ce serait peut-être -- demandons au témoin nous-mêmes.

13 Vous dites : "Après que la guerre a été finie." Combien de temps cela

14 a-t-il pris avant que la guerre ne soit finie après que votre fils ait

15 quitté le 10 juillet ?

16 Monsieur Krasniqi, pourriez-vous, s'il vous plaît, répondre à la question ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était après la guerre un ou deux mois après

18 la guerre. Les choses se sont un peu calmées, et j'ai commencé à demander

19 aux gens s'ils avaient vu mon fils.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous avez dit : "Après la

21 guerre." Quand, à votre avis, la guerre a-t-elle pris fin ? Est-ce que

22 c'était ce même été 1998 ? Est-ce que c'était dans l'hiver qui a suivi ?

23 Est-ce que c'était au cours de l'été après cela ? Pourriez-vous, s'il vous

24 plaît, nous dire quand vous considérez que la guerre a pris fin ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en l'an 2000. C'est à ce moment-là que

26 j'ai commencé à le rechercher.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci veut dire deux ans après que votre

28 fils soit parti; est-ce que j'ai bien compris ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.

3 M. DI FAZIO : [interprétation]

4 Q. Pourquoi avez-vous attendu deux ans ?

5 R. Je ne savais pas où aller pour le chercher.

6 Q. Très bien. Vous vous êtes rendu à Jablanica. Maintenant, est-ce que

7 vous connaissiez une personne, est-ce que vous connaissiez le nom d'une

8 personne à qui vous avez parlé à Jablanica ?

9 R. Oui.

10 Q. Quel est le nom de la personne ou des personnes à qui vous avez parlé à

11 Jablanica ?

12 R. C'était Hamez Ukshini de Jablanica. Pour l'essentiel, c'est à lui que

13 j'ai parlé, mais il y avait une autre personne, Abdul Zeneli, mais il ne

14 pouvait me donner aucun renseignement.

15 Q. Qui précisément était Hamez Ukshini ?

16 R. Je le connaissais. Je connaissais également son père. C'est la raison

17 pour laquelle je suis allé le trouver pour lui demander s'il avait des

18 informations à me communiquer. Mais il n'a rien dit. Il ne m'a donné aucune

19 information. Il m'a dit qu'il ne connaissait pas ce nom, qu'il n'y avait

20 personne de ce nom à Jablanica.

21 Q. Est-ce qu'il connaissait d'autres noms de personnes à Jablanica ?

22 R. Oui. Il connaissait d'autres noms parce qu'il m'a dit qu'il allait

23 regarder dans un carnet. C'est là qu'il m'a dit que le nom de cette

24 personne était introuvable, que cette personne ne s'était jamais trouvée

25 là.

26 Q. Merci. C'est ce que je voulais savoir. Lorsque vous étiez en sa

27 compagnie, est-ce qu'il a regardé un document ou un registre, d'après ce

28 que vous avez pu voir ? C'est cela qui m'intéresse.

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1 R. Non.

2 Q. Dans ce carnet qu'il avait, y avait-il des noms ?

3 R. Il n'a fait que me parler.

4 Q. Et tandis que vous lui parliez, est-ce qu'il consultait un carnet ?

5 R. Il n'avait pas de carnet sous les yeux.

6 Q. Vous a-t-il dit qu'il allait consulter un carnet ?

7 R. Oui.

8 Q. Hamez Ukshini était-il membre de l'UCK ?

9 R. Oui.

10 Q. Savez-vous s'il exerçait des fonctions particulières au sein de l'UCK ?

11 Faisait-il quelque chose de spécial dans son organisation ?

12 R. Oui. Il exerçait certaines fonctions.

13 Q. Lesquelles ? Quel poste occupait-il ?

14 R. Il m'a dit à son domicile : "Je travaille au dispensaire. Je m'occupe

15 des vivres et des allées et venues de notre armée. Je ne vois nulle part

16 dans la liste le nom de votre fils." C'est la dernière fois que je lui ai

17 parlé ou que je l'ai vu. Je ne l'ai pas revu depuis.

18 Q. Merci.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je pourrais poser une

20 question pour tirer les choses au clair ?

21 Lorsqu'il vous a parlé de ces listes, vous a-t-il expliqué en quoi

22 consistaient ces listes ? Est-ce qu'il s'agissait d'une liste des membres

23 de l'UCK, d'une liste de patients, d'une liste de villageois ? Pourriez-

24 vous nous le dire ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il avait la liste des membres de l'UCK qui

26 étaient arrivés à cet endroit avant de repartir dans diverses directions.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

28 Poursuivez, Monsieur Di Fazio.

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1 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

2 Q. Après cela, avez-vous essayé de nouveau de retrouver votre fils ?

3 R. Oui.

4 Q. Qu'avez-vous fait ensuite ?

5 R. Je connaissais quelqu'un, un autre commandant de l'UCK. J'ai essayé

6 d'entrer en contact avec lui, mais c'était très difficile. Le policier m'a

7 aidé à entrer en rapport avec lui. Je l'ai rencontré à Klina. J'ai attendu

8 qu'il sorte d'un hôtel. Le policier m'a dit : "Attends, il arrive." Je l'ai

9 donc accompagné; nous nous sommes salués. Puis, nous sommes allés dans son

10 bureau, au deuxième étage.

11 Q. Merci. Un instant, je vous prie. Vous avez dit que vous connaissiez un

12 autre commandant de l'UCK. Pourriez-vous nous donner son nom ?

13 R. Il s'appelle Alush Agushi, alias Pipi.

14 Q. Depuis combien de temps connaissiez-vous Alush Agushi, alias Pipi ?

15 R. Lorsque je suis sorti de prison en juin 1994, il est venu me voir à mon

16 domicile en compagnie du frère de mon épouse.

17 Q. Donc, vous connaissiez cet homme depuis plusieurs années ?

18 R. Oui.

19 Q. Le connaissiez-vous avant 1994 ?

20 R. Non.

21 Q. L'aviez-vous revu depuis 1994, depuis le moment où il était venu vous

22 voir en compagnie du frère de votre épouse ?

23 R. Non, pas avant cela.

24 Q. Vous l'avez rencontré en compagnie du frère de votre épouse. Après

25 cette occasion, l'avez-vous revu, outre l'incident à Klina ? Est-ce que

26 vous l'avez revu entre ces deux occasions ?

27 R. Non, non.

28 Q. Lorsque vous l'avez vu à Klina alors que vous essayiez d'en savoir

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1 davantage sur le sort de votre fils, avez-vous eu des problèmes à le

2 reconnaître ou à l'identifier ? Saviez-vous qui il était ?

3 R. Oui, oui. Je le connais, nous nous sommes rencontrés à l'occasion des

4 obsèques des martyrs. Nous sommes allés présenter nos respects. Nous nous

5 sommes vus, mais nous n'avons pas eu la possibilité de parler.

6 Q. Très bien. Donc, vous l'avez rencontré en 1994 lorsqu'il est venu chez

7 vous en compagnie du frère de votre épouse, puis vous l'avez revu à une

8 autre occasion et au moment de obsèques tenues à Klina, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Merci. Que s'est-il passé avec M. Agushi ? Que vous a-t-il dit et que

11 lui avez-vous dit ?

12 R. Lorsque nous sommes montés au deuxième étage, nous nous sommes assis et

13 avons commencé à parler. Je lui ai demandé s'il savait qui j'étais. Il m'a

14 répondu : "Non." J'ai souri. Je lui ai demandé : "Vous souvenez-vous quand

15 vous êtes venu me voir en 1994 lorsque je suis sorti de prison ?" Il s'en

16 est souvenu, et c'est alors que je lui ai dit que j'étais là quand je

17 cherchais mon fils, et j'avais entendu de la part de ses compagnons d'armes

18 qu'il les avait accompagnés jusqu'à Jablanica. Il m'a dit : "Attendez un

19 instant," il est allé dans un autre bureau pour chercher une feuille de

20 papier et il a commencé à prendre des notes. Je lui ai expliqué en détail

21 ce que je savais, et il m'a dit qu'il me dirait deux semaines plus tard ce

22 qu'il en était. Je lui ai dit : "Un mois suffira." Notre conversation s'est

23 terminée. Je suis retourné chez moi. J'ai attendu longtemps, mais aucune

24 réponse.

25 J'ai essayé de nouveau d'entrer en contact avec lui, mais des amis m'ont

26 dit qu'il avait été muté à Pristina. J'étais chez moi, tout seul. Il était

27 très difficile à l'époque de se rendre à Pristina. J'y suis allé. Ils m'ont

28 indiqué l'endroit où se trouvait la caserne de notre armée. A l'entrée se

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1 trouvaient des soldats. Je me suis présenté à eux, je leur ai donné mon nom

2 et mon prénom, et ils m'ont demandé ce que je voulais. Je leur ai répondu

3 que je voulais rencontrer le commandant. Je leur ai donné tous les

4 renseignements nécessaires me concernant, j'ai mentionné le surnom de

5 Ramush Haradinaj et celui Alush Agushi, alias Pipi. Ils m'ont dit que je

6 devais attendre, car ils étaient en réunion.

7 J'ai entendu assez longtemps. Je n'avais pas de montre, mais j'ai remarqué

8 qu'il se faisait tard. Il y a eu une relève de la garde - les gardiens

9 étaient là depuis plusieurs heures - ils ont été relevés, et j'ai dû

10 recommencer mon histoire. J'ai expliqué au nouveau gardien ce que

11 j'attendais, pourquoi j'étais là, et l'un d'entre eux s'est précipité dans

12 un bâtiment non loin de là. Il m'a demandé d'attendre.

13 J'ai attendu assez longtemps, il est revenu et il m'a dit : "Vous

14 devez rentrer chez vous et ne plus jamais revenir, car il n'y a pas de

15 commandant ici." Je lui ai répondu que l'on m'avait dit qu'ils étaient en

16 réunion, et ils m'ont dit : "Rentrez chez vous." Je n'ai pas posé de

17 questions, mais lorsque je suis allé à l'enterrement de mes neveux, Ramush

18 Haradinaj était présent, mais nous ne nous sommes pas salués.

19 Q. J'en déduis que vous n'avez rien appris à la caserne de Pristina

20 concernant votre fils ?

21 R. Non.

22 Q. Connaissez-vous le village de Bardosan ?

23 R. Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, comme vous le savez,

25 la Chambre dispose des déclarations préalables et de tous les éléments

26 apparemment nouveaux. Au paragraphe 15 de la déclaration préalable de ce

27 témoin, quatrième ligne, on trouve certains éléments d'information qui ne

28 semblent pas dénués de pertinence.

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1 M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

2 M. EMMERSON : [interprétation] Or, ils n'ont pas été mentionnés jusqu'à

3 présent dans le cadre de la déposition de ce témoin. J'ai l'impression que

4 vous allez passer à un sujet, et par conséquent je me demande si au cours

5 de la séance de récolement, il y a eu des changements sans que la Chambre

6 n'en soit informée ou si vous pensez toujours que le témoin peut parler de

7 cela. Cela pourrait aider les Juges de la Chambre à mieux comprendre

8 l'ensemble de la déposition de ce témoin. Si vous voulez en revenir plus

9 tard, très bien, mais j'ai eu l'impression que vous alliez passer à autre

10 chose.

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Tout d'abord, je tiens à dire qu'il n'y a

12 rien eu de nouveau au moment à la séance de récolement. Le témoin n'a pas

13 parlé de cela.

14 M. EMMERSON : [interprétation] M. Di Fazio peut poser des questions

15 directrices sur ce point.

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous aviez parlé de Bardosan.

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais en parler avec lui.

19 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous êtes allé au poste de police pour

20 rencontrer Alush Agushi, alias Pipi, lorsqu'il est allé chercher du papier

21 pour noter les renseignements concernant votre fils et vous a dit qu'il

22 vous contacterait plus tard, a-t-il dit quoi que ce soit au sujet du fait

23 que votre fils aurait été avec lui jusqu'à l'offensive serbe du mois de

24 septembre ?

25 M. TROOP : [interprétation] Puis-je intervenir ?

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourriez-vous d'abord entendre

27 la réponse du témoin ? A moins que vous n'ayez des objections à lever par

28 rapport à la question.

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1 M. TROOP : [interprétation] C'est par rapport à la question. M. Di Fazio

2 n'est pas en train de donner lecture de la déclaration préalable. Il

3 n'utilise pas la même formulation que dans la déclaration préalable. S'il

4 doit poser des questions directrices, je préférerais qu'il utilise le

5 libellé exact.

6 Il y a une différence entre "l'offensive serbe" et "la première offensive";

7 c'est ce qui est dit dans la déclaration.

8 M. DI FAZIO : [interprétation] L'offensive serbe de 1998 ou plutôt,

9 excusez-moi, "la première offensive".

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de demander au témoin

11 d'éclairer notre lanterne.

12 M. Agushi vous a-t-il dit quoi que ce soit indiquant que vous fils se

13 trouvait avec lui jusqu'à l'offensive de septembre ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il m'a dit, le jour où il a pris ses

15 notes, qu'il était avec nous. "Nous étions encerclés par l'armée serbe.

16 J'ai dit à mes soldats d'aller dans la direction qu'ils jugeaient

17 appropriée."

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites "avec nous". Pendant combien

19 de temps ? A-t-il précisé cela ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'à la fin du mois de septembre, m'a-t-il

21 dit.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Di Fazio. En fait,

23 je vois l'horloge.

24 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense que je n'ai plus de temps pour

25 aujourd'hui. Il me reste un sujet à aborder et j'en aurai terminé demain

26 pour ce qui est de l'interrogatoire principal.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

28 Monsieur Krasniqi, nous devons lever l'audience. Je souhaiterais vous

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1 revoir demain matin, le 25 mai. Nous serons dans une autre salle

2 d'audience, la salle d'audience numéro I. Je vous enjoins de ne parler à

3 personne de votre déposition, qu'il s'agisse de la déposition que vous avez

4 faite aujourd'hui ou celle que vous ferez demain. Est-ce que vous me

5 comprenez bien ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, veuillez

8 raccompagner M. Krasniqi, hors de ce prétoire.

9 [Le témoin se retire]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, est-il exact de dire

11 que nous n'avons pas encore reçu la déclaration du témoin suivant ?

12 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est M. Re qui s'en occupe, mais je peux

13 demander ce qu'il en est à notre commis à l'affaire.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si cette déclaration n'a pas encore été

15 communiquée, nous souhaiterions qu'elle le soit aussi rapidement que

16 possible.

17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Si c'était ce matin, vous devriez l'avoir.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me suis peut-être trompé.

20 M. DI FAZIO : [inaudible]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons donc nos travaux demain

22 matin, dans la salle d'audience numéro I.

23 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le vendredi 25 mai

24 2007, à 9 heures 00.

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