Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 18 septembre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous. Monsieur Repic, je

7 voudrais vous rappeler que vous êtes encore - mais d'abord, Monsieur le

8 Greffier, s'il vous plaît, pourriez-vous appeler la cause.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président et à tous

10 dans cette salle. C'est l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush

11 Haradinaj et consorts.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

13 Oui, Monsieur Repic, j'avais oublié de demander au greffier de citer

14 l'affaire. Je voudrais vous rappeler que vous êtes encore tenu par la

15 déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre déposition. Me

16 Emmerson va continuer son contre-interrogatoire.

17 Maître Emmerson, veuillez reprendre. C'est à vous.

18 LE TÉMOIN: RADE REPIC [Reprise]

19 [Le témoin répond par l'interprète]

20 Contre-interrogatoire par M. Emmerson : [Suite]

21 Q. [interprétation] Monsieur Repic, hier je vous ai posé certaines

22 questions, hier après-midi, concernant ce que vous saviez ou non concernant

23 la participation des forces PJP à l'incident qui a eu lieu le 5 mars dans

24 le lieu protégé, du 28 févier et du 1er mars, aux villages de Lukoshan et de

25 Qirez. Je voudrais vous demander, s'il vous plaît, à nouveau, en ce qui

26 concerne l'opération du 5 mars sur Prekaz, d'avoir la possibilité d'y

27 réfléchir, et j'aimerais savoir si des officiers, ou des policiers du PJP

28 participaient à cette opération ?

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1 R. Je vais devoir à nouveau répondre par la négative. Je n'ai pas pris

2 part à l'opération ni à ses préparatifs. Ma tâche était de commencer mon

3 service à l'usine de munition pour armes de chasse et de prendre la suite

4 de mes collègues. Maintenant, quant à savoir s'ils avaient participé à

5 cette opération, cela ne je le sais pas.

6 Q. C'est là un point sur lequel je voudrais creuser la question, Monsieur

7 Repic. Certainement, en arrivant dans ce secteur où des forces du PJP

8 avaient été stationnées, dix jours après l'incident de Prekaz, vous avez

9 parlé de cet incident avec les collègues que vous remplaciez ou que vous

10 veniez relever, n'est-ce pas ?

11 R. Je ne me rappelle pas de telles conversations ou entretiens. Je ne peux

12 que brièvement vous dire quels étaient les renseignements officiels qui

13 nous ont été donnés lorsque nous avons relevé l'autre équipe.

14 Q. Bien, si c'est la réponse à la question que je vous pose, dans ce cas-

15 là, dites-le-nous.

16 R. Comme je vous l'ai dit hier dans ma déposition, nous devions préparer

17 notre unité pour qu'elle puisse être déployée avant que nous n'arrivions

18 dans le secteur de Kosovska Mitrovica, et nous avons reçu des

19 renseignements officiels selon lesquels nous devions aller relever l'unité

20 qui se trouvait dans le secteur de Serbica, à l'usine de munition pour

21 armes de chasse qui tenait ces positions. Nous devions assurer la sécurité

22 de l'usine et quelques autres positions autour de Serbica proprement dit.

23 On nous a également dit qu'à Jashari Mahala il y avait eu un affrontement

24 armé après que Jashari et d'autres hommes de sa famille avaient résisté

25 lorsqu'on avait voulu les arrêter, une arrestation tentée par la police.

26 Alors, quant à savoir qui a participé à cette opération, en réalité je ne

27 le sais pas.

28 Q. Bien, je vois. En ce qui concerne Likoshan et Qirez, les opérations qui

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1 avaient eu lieu une semaine plus tôt, quelle était la situation là ? Est-ce

2 que vous savez si des forces PJP avaient participé à ces opérations ?

3 R. Non, je ne le sais pas.

4 Q. Je vais vous présenter un passage tiré d'un jugement rendu par une

5 autre Chambre de première instance de ce Tribunal en ce qui concerne ces

6 incidents, et je voudrais vous inviter à faire des commentaires sur ce que

7 vous saviez par rapport à ce qui est dit dans ce texte. Je vais vous le

8 lire lentement de façon à ce que cela puisse être traduit. Il s'agit du

9 paragraphe 49 du jugement Limaj.

10 "Le 28 février et le 1er mars 1998, des forces de police serbes ont lancé

11 une attaque sur les village de Qirez et Likoshan situés à

12 2 kilomètres de distance du secteur de Drinaica. Des hélicoptères, des

13 véhicules militaires blindés, des mortiers, des mitraillettes et des

14 mitrailleuses ont été utilisés lors de l'attaque. Dans les deux cas, les

15 forces de police spéciale serbes ont attaqué sans semonce et ont tiré de

16 façon indiscriminée sur des civils.

17 "Le 5 mars, ou près de cette date, les forces de sécurité serbes ont

18 attaqué la ferme de la famille du chef de l'UCK, Adem Jashari à Prekaz,

19 village situé pas très loin de Likoshan et Qirez, également situés dans le

20 secteur de Drinaica. Les combats dans lesquels les véhicules blindés ont

21 été utilisés se sont poursuivis pendant environ 36 heures. D'après les

22 éléments dont on dispose, au cours des attaques février-mars 1998 dans le

23 secteur de Drenica,

24 83 Albanais du Kosovo ont été tués. Parmi les morts, il y avait des

25 personnes âgées ainsi qu'au moins 24 femmes et enfants.

26 "Au cours de l'attaque contre Qirez, une femme enceinte a reçu une

27 balle au visage et un bébé a été tué à Prekazi i Poshtem. Un grand nombre

28 de victimes ont été tuées à bout portant. Les rapports ont indiqué que des

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1 hommes avaient été exécutés sommairement devant leurs domiciles et que

2 certaines des victimes avaient été tuées alors qu'ils étaient sous la garde

3 de la police. Au cours de l'attaque contre Prekaz, l'ensemble de la famille

4 Jashari, à l'exception d'une fille de 11 ans, a été tué. Tous les autres

5 membres ont été tués."

6 Ce que je voudrais vous demander c'est y a-t-il eu une enquête pour voir

7 quelle était la légalité et l'opportunité de ces actions de la police à ces

8 dates lorsque vous êtes arrivé ?

9 R. Je ne sais pas cela.

10 Q. Pour autant que vous sachiez, est-ce que des efforts ont été déployés

11 pour essayer d'identifier et d'isoler les forces de police spéciale qui

12 avaient pris part à ces opérations ?

13 R. Je dois encore une fois souligner que je commandais une compagnie. Ce

14 que vous me demandez est en dehors de mes connaissances. Peut-être que cela

15 vous paraît étrange, mais en ce qui concerne ces points sur lesquels vous

16 me posez des questions, a savoir s'il y a eu enquête, si les participants

17 ont été identifiés, et ainsi de suite, en vérité je ne sais rien de cela.

18 Q. Mais dans ce cas-là, vraisemblablement, vous ne savez pas si des

19 mesures disciplinaires ont été prises contre les forces de police spéciale

20 qui ont participé à cette opération ?

21 R. Non.

22 Q. Alors, poursuivons et parlons de votre mutation à Junik à la mi-mai.

23 Juste avant que nous ne passions à cela, je vous demande un instant. Vous

24 nous avez dit qu'il y avait d'autres unités PJP stationnées dans le secteur

25 à l'ouest de la grande route qui relie Pec à Gjakovica [comme interprété];

26 c'est bien cela ?

27 R. Je ne me rappelle pas avoir dit cela. Je ne sais pas de quel contexte

28 vous avez tiré cela.

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1 Q. Alors, je vais vous poser à nouveau la question pour le cas où j'aurais

2 mal compris ce que vous disiez dans votre déposition. Lorsque vous êtes

3 arrivé à la mi-mai à Junik --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, pourriez-vous, s'il

5 vous plaît, indiquer quel est le numéro de la page ?

6 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais essayer de la retrouver et de vous

7 la fournir plus tard.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

9 M. EMMERSON : [interprétation]

10 Q. Alors, je vous pose à nouveau la question, Monsieur le Témoin. Lorsque

11 vous êtes arrivé à Junik à mi-mai, vous êtes venu remplacer et relever un

12 contingent PJP qui se trouvait là; c'est exact ?

13 R. Oui, oui.

14 Q. Y avait-il d'autres contingents du PJP qui étaient stationnés à l'ouest

15 de la route principale reliant Pec à Gjakove, par exemple, dans le secteur

16 autour de Penosvac, au moment où vous êtes arrivé ?

17 R. Là, vous me prenez par surprise un peu. C'est difficile pour moi

18 d'évoquer une image mentale concernant l'endroit, mais je voudrais vous

19 donner une explication dans toute la mesure où je peux le faire. Il y avait

20 d'autres forces dans ce secteur qui étaient stationnées dans le secteur qui

21 se trouve autour de Decane, à Pec, à Djakovica. Il y avait des unités qui

22 se trouvaient là.

23 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous maintenant passer à l'intercalaire 9

24 dans le classeur rouge pendant un moment, s'il vous plaît.

25 Pendant que vous faites cela, la référence que vous avez demandée,

26 Monsieur le Président, est, je crois, la page 8 489,

27 ligne 15. Il se peut que dans une certaine mesure ceci soit dépassé à cause

28 des réponses que le témoin vient de faire.

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1 Le document que vous regardez, Monsieur Repic, est un rapport de

2 situation qui a été présenté par le bureau de l'attaché militaire à

3 Belgrade qui, comme vous vous en souvenez, se trouve au sud de Junik du

4 côté ouest de la route, et il s'agit du 11 et du 12 mai. Cela commence par

5 : "Rendre compte de la situation dans le secteur," en disant que cette

6 situation est très tendue. "Les secteurs de Djakovica, Pec et Decane ont

7 des patrouilles d'éléments du JSO et du PJP qui se comportent de façon très

8 lourde. Des habitants des villages se sont enfuis vers le nord à Junik."

9 C'est le résumé, puis au paragraphe 2, où sont donnés les détails, on

10 lit : "Penosvac, routes au sud de Penosvac, qui sont tapissées de douilles

11 vides, y compris des grenades de 40-millimètres, les villages au sud de

12 Penosvac abandonnés, déserts, le bétail massacré dans les champs, les

13 maisons ont été criblées de balles. Penosvac est vide, sauf pour des

14 éléments de la JSO/PJP qui effectuent des patrouilles de Decane à bord de

15 véhicules blindés APC," c'est-à-dire des véhicules de transports de

16 personnel blindés, "y compris le TABC 79 et l'IPR, qui est analogue au M-

17 60. La plupart des villageois maintenant sont regroupés et concentrés à

18 Junik, environ 30 qui ont suffisamment de vivres et d'eau, mais pas de

19 téléphone."

20 Enfin, sous le titre évaluation au paragraphe 7 de la page suivante,

21 il est indiqué dans le rapport : "Il y a eu des actions très lourdes dans

22 le secteur de Penosvac. Ceci indique que le processus tactique n'a pas

23 changé." Il y a là une référence au processus tactique des forces serbes

24 déployées là, Monsieur Repic.

25 Maintenant, vous êtes arrivé, je crois, que vous avez dit dans la deuxième

26 partie du mois de mai. Est-ce que vous étiez au courant du fait qu'il y

27 avait eu là une opération au sud de Junik à laquelle la JSO et les forces

28 PJP avaient massacré le bétail, avaient arrosé les maisons de tirs de

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1 balles et fait en sorte que la population civile s'enfuit vers le nord,

2 vers Junik ?

3 R. Pour le fait qu'il y ait eu des opérations dans le secteur que vous

4 avez mentionné, oui, nous étions informés de cela. Mais l'on ne nous a pas

5 parlé de tous les détails, les descriptions exactes, des conséquences et

6 descriptions que vous venez de donner. On ne nous a pas parlé de cela.

7 M. RE : [interprétation] Avant qu'il ne poursuive, pourrais-je simplement

8 demander que le compte rendu reflète que la pièce en question était, je

9 crois, la D110, que l'on présente au témoin ?

10 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. Merci.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

12 M. EMMERSON : [interprétation]

13 Q. Je vous ai demandé hier si vous étiez au courant du fait que les forces

14 de police spéciales serbes avaient tué du bétail, avaient brûlé des meules

15 de foin, avaient rendu les secteurs inhabitables. Lorsque vous êtes arrivé,

16 est-ce qu'il y a eu des renseignements détaillés concernant l'opération qui

17 avait eu lieu au sud de Junik ? Est-ce que vous en avez eu connaissance ?

18 R. Non.

19 Q. J'essaie tout simplement de comprendre, dans ces deux cas, à la fois

20 lorsque vous êtes arrivé à Prekaz -- excusez-moi, dix jours après

21 l'incident de Prekaz, lorsque vous arrivez à Junik dix jours après cette

22 opération qui est décrite ici, dans chaque cas, vous nous avez dit qu'il y

23 avait un processus selon lequel vous releviez des forces qui se trouvaient

24 là, donc il y avait une passation. Mais dans aucun des deux cas, il n'y a

25 eu de briefing qui a eu lieu concernant ce qui s'était passé pendant la

26 quinzaine avant votre arrivée; c'est bien cela ?

27 R. Il faut que je précise que le passage des missions entre les deux

28 unités ne comprend pas de discussion détaillée ou de briefing au niveau des

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1 commandants de compagnie à propos des activités qui ont déjà eu lieu.

2 Q. Bien. Je voudrais maintenant passer à l'opération que vous avez décrite

3 comme ayant commencé le 25 mai, après premièrement la disparition de M.

4 Popadic et de M. Jovanovic, et après cela, l'attaque concernant Milutin

5 Novakovic. Dans votre déclaration de témoin dans la présente affaire, vous

6 indiquez que le 24 mars -- non, excusez-moi : "Le 25 mai 1998, des unités

7 de la PJP, je crois, de Djakovica, ont commencé des recherches pour trouver

8 nos collègues portés manquants dans les villages du secteur, plus

9 particulièrement le secteur qui se trouve près des villages de Babaloc et

10 Juni." Vous avez décrit cela hier dans votre déposition comme étant une

11 opération comprenant des mesures précises et particulières pour ratisser le

12 terrain. Je me demande si vous pourriez nous aider de façon un peu plus

13 détaillée en ce qui concerne cette opération ?

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, n'y aurait-il pas lieu

15 de présenter cette déclaration ? Parce qu'il n'est pas officiellement

16 présenté que le témoin a fait cette déclaration. Je comprends que vous vous

17 référez à la déclaration faite le

18 15 décembre 2006. C'est bien cela --

19 M. EMMERSON : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être pourriez-vous demander au

21 témoin s'il a bien fait cette déclaration, parce que je ne crois pas qu'il

22 en ait été fait mention avant maintenant.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. Vous avez fait une déclaration sur cette question au bureau du

25 Procureur; est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Dans cette déclaration, vous avez mentionné l'opération du 25 mai dont

28 vous nous avez parlé dans votre déposition d'hier ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. Est-ce que votre compagnie a participé à cette opération de ratissage ?

3 R. Non.

4 Q. Mais d'autres compagnies de la PJP ont participé ?

5 R. Oui.

6 Q. Je voudrais vous poser des questions, si vous permettez, sur deux

7 points qui ont trait aux événements qui ont eu lieu le

8 25 mai ou vers cette date. Les organisations des droits de l'homme ont

9 rendu compte du fait qu'au cours de la semaine du 25 mai, un grand nombre

10 de villages de Pec à Gjakove ont subi des tirs d'artillerie alors que des

11 civils s'y trouvaient. Est-ce que je peux vous demander, s'il vous plaît,

12 si vous étiez au courant du fait que ces tirs d'artillerie avaient lieu ?

13 R. Votre question n'est pas très claire dans mon esprit. Est-ce qu'il

14 s'agit de villages ? Que voulez-vous dire par tirs d'artillerie ? Des tirs

15 d'obus, d'artillerie ou quoi ?

16 Q. Peut-être pouvez-vous nous aider. D'après vos propres souvenirs au

17 cours de cette opération que vous avez décrite, y a-t-il eu des tirs

18 d'artillerie, des tirs d'obus, sur les villages de la région ?

19 R. Non.

20 Q. Je vois. Y a-t-il eu d'autres formes de grenades utilisées pour

21 attaquer les villages dans le secteur au cours de la semaine du 25 mai dans

22 le cadre de cette opération de ratissage ?

23 R. Là encore vous me posez une question concernant quelque chose à quoi je

24 n'ai pas personnellement participé. Je n'exclus pas la possibilité que des

25 lance-roquettes à main aient été utilisés ou peut-être des grenades à main.

26 C'était une opération qui comprenait le ratissage du terrain, donc cette

27 possibilité existe, oui.

28 Q. Juste pour que nous puissions bien comprendre, dans ce contexte, vous

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1 reconnaissez que le ratissage du terrain, c'est quelque chose qui pourrait

2 comprendre l'utilisation de lance-roquettes et de grenades. Quel est le but

3 du ratissage ? Qu'est-ce que le mot "ratissage" "sweeping" ou "balayage"

4 veut dire dans ce contexte ?

5 R. Ratisser le terrain, balayer le terrain, c'est l'équivalent de

6 l'expression employée par la police "recherche sur le terrain." Le but de

7 cette opération était de retrouver les deux policiers qui étaient portés

8 disparus ainsi que le véhicule à moteur dans lequel ils se déplaçaient.

9 Q. A la suite de cette opération, est-ce qu'il y a eu une situation dans

10 laquelle un grand nombre d'habitants du village ont quitté leurs villages

11 parce qu'ils subissaient une attaque des forces serbes ?

12 R. Je ne sais pas s'ils avaient quitté leurs villages, mais l'une des

13 conséquences de telles opérations, c'est certainement la peur.

14 Q. Là encore, des organisations s'occupant des droits de l'homme ont noté

15 que dans le cadre des activités qui ont eu lieu au cours de la semaine du

16 25 mai, il y avait des non-combattants qui s'enfuyaient de leurs villages

17 et qui ont essuyé des coups de feu de la part des forces serbes. Est-ce que

18 c'est quelque chose sur lequel vous sauriez quelques éléments ?

19 R. Non.

20 Q. Et qu'après cette opération, de nombreux villages ont été

21 systématiquement détruits et le bétail abattu pour s'assurer que personne

22 ne pourrait retourner à court terme sur les lieux.

23 R. Je ne suis pas au courant de cela.

24 Q. Je voudrais maintenant vous demander de regarder le document qui est à

25 l'intercalaire 10 dans le classeur rouge, et pour le compte rendu il s'agit

26 de la pièce P6 et de la page 23 de cette pièce. Il s'agit là d'un autre

27 incident qui a eu lieu le 25 mai dans le village de LuBench, qui se trouve

28 sur le tronçon de route qui va de Pec à Decane, et ce qui est dit là, je

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1 vais juste vous lire deux brefs passages aux fins de leur inscription dans

2 le compte rendu, de façon à ce que cela puisse vous être traduit : "Sur la

3 base de ces recherches concernant les événements qui ont lieu au village

4 près de Pec au Kosovo, le centre de droit humanitaire a établi qu'au moins

5 cinq Albanais de souche ont été tués le 25 mai 1998. Toutes ces victimes

6 étaient des hommes dont les âges allaient de 23 à 68 ans. Tous étaient des

7 membres de la famille Hamzi et ont été tués dans leur maison. Les corps ont

8 été trouvés dans les cours ou jardins que partageait la famille Hamzi, et

9 les corps étaient vêtus uniquement de sous-vêtements et des marques de

10 torture étaient clairement visibles. Deux maisons ont été détruites et

11 quatre ont été incendiées."

12 Un peu plus loin, il y a une description de ceux qui avaient

13 participé à cette opération. "Vers 1 h 30 de l'après-midi, le même jour,

14 une unité de la police, forte d'environ 250 à 300 hommes, est arrivée

15 venant de la direction du village de Ljubenic dans des camions, des cars,

16 des 4x4, et plusieurs véhicules de transport de personnel blindés. La

17 police était équipée et armée pour des combats sur le terrain. Ils sont

18 entrés dans le village après avoir d'abord soumis ce village à des lourds

19 tirs d'artillerie ainsi que des tirs d'armes légères, certains des

20 policiers portaient la barbe, ce qui indique qu'ils n'étaient pas membres

21 des forces régulières de ces unités. Les tirs d'artillerie et les tirs

22 d'armes légères ont duré plus d'une heure et ont été entendus par un

23 chercheur du HLC qui se trouvait dans ce secteur à ce moment-là."

24 Maintenant je m'arrête un instant pour que la traduction puisse rattraper.

25 Avant de vous poser de nouvelles questions à ce sujet, je me demande si

26 vous pourriez regarder l'intercalaire 11. Il y a là un extrait d'un rapport

27 de l'OSCE, et si vous regardez la deuxième page de ce rapport.

28 M. RE : [interprétation] Il s'agit de la pièce D72. Je dis ça pour le

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1 compte rendu.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Re.

3 M. EMMERSON : [interprétation]

4 Q. Si vous regardez à la deuxième page, vous voyez ceci : "Juste à côté de

5 la route principale à Decane, 7 kilomètres au sud de Pec se trouve un

6 village mixte situé au pied de falaises escarpées qui s'élèvent très haut

7 au-dessus de la plaine. C'était le site où il y a eu massacre en masse dont

8 il a été rendu compte, qui a eu lieu le 25 mai 1998, dans lequel huit

9 personnes ont été exécutées sans autre forme de procès par la police serbe.

10 A ce moment là, des vérificateurs indépendants n'ont pas réussi à atteindre

11 ce secteur de combat intense. Au cours des combats qui ont commencé

12 quelques jours plus tard, environ 40 maisons ont été détruites ou très

13 fortement endommagées, et la plupart des membres de la population albanaise

14 kosovare les ont quittées."

15 Vous verrez, Monsieur Repic, qu'il y a une note de bas de page, la note de

16 bas de page 88, faisant référence à un rapport "d'Amnesty International,"

17 et si vous pouvez juste regarder les quelques photographies publiées à

18 l'époque dans un journal où il est question de personnes qui ont trouvé la

19 mort dans cet incident, et ceci est évoqué à la note de bas de page 88 du

20 rapport de l'OSCE. Je voudrais vous poser une question en ce qui concerne

21 cette opération de nettoyage ou de ratissage. A votre connaissance, quel

22 était le secteur couvert par l'opération de ratissage que vous avez décrite

23 et qui avait eu lieu le 25 mai ?

24 R. Si je me rappelle bien, l'opération couvrait le secteur du nord de

25 Junik, jusqu'au côté gauche de la route, si vous regardez dans la direction

26 de Decane, et une partie du village de Rastavica. Je ne sais pas jusqu'à

27 quelle profondeur cela allait du côté droit de la route. Je ne peux pas

28 vous dire parce que je n'ai pas participé à cette action. Mais dans la

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1 direction de Decane, en ce qui concerne la profondeur, quant à savoir s'ils

2 sont vraiment tous allés jusqu'à Decane, je ne peux pas vous le dire, mais

3 c'était les axes fondamentaux. Pour autant que je puisse m'en souvenir,

4 c'est cela que je peux confirmer, sur la base de mes souvenirs.

5 Q. Je voudrais maintenant m'assurer que nous avons bien compris votre

6 déposition concernant les axes. Est-ce que vous dites que l'opération de

7 ratissage est entrée dans le territoire des deux côtés de la route

8 principale, bien que vous ne sachiez pas jusqu'où elle est allée de chaque

9 côté ?

10 R. Je pense que c'était des deux côtés de la route, parce que l'objectif

11 était de retrouver nos collègues et les véhicules, donc si vous regardez

12 dans le direction de Decane, c'était des deux côtés de la route, mais je ne

13 peux pas vous dire jusqu'à quelle profondeur cela allait à partir de la

14 route.

15 Q. Vous avez dit un peu plus tôt, qu'étant donné le fait qu'il y avait une

16 opération de ratissage en cours, vous n'excluiez pas l'utilisation de

17 lance-roquettes à main. Je me demande si vous pourriez tout simplement

18 expliquer comment ce type de lance-roquettes tenus à la main pourrait être

19 utilisé dans une opération de

20 recherche ?

21 R. Des lance-roquettes manuels sont utilisés dans de telles actions pour

22 neutraliser les points de résistance, et si le point qui résiste est un

23 blockhaus, un bunker, une casemate, une maison fortifiée, une cour, un

24 emplacement de mitrailleuses, un endroit où ils ont leurs lance-roquettes

25 manuels qui tirent des salves à partir d'un point de résistance.

26 Q. Est-ce que vous savez où ces points de résistance se trouvaient, c'est-

27 à-dire où ces combats ont eu lieu durant cette opération ?

28 R. Non, je ne sais pas.

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1 Q. Qu'en est-il de cet incident à Ljubenic ? Est-ce que vous étiez au

2 courant de cela ?

3 R. De la façon dont vous me posez la question, je n'étais pas au courant.

4 Je savais qu'il y avait des actions dans le secteur, qui se déroulaient

5 aussi, comme vous l'avez dit, au sud de Pec, mais je n'étais pas au courant

6 des événements qui se sont succédé de la façon que vous venez de décrire.

7 Q. Ces actions au cours desquelles vous étiez, qui ont eu lieu au sud de

8 Pec, est-ce qu'elles faisaient partie de la même opération de ratissage ?

9 R. Je ne le sais pas.

10 Q. Bien. Vous nous avez dit que vous étiez au courant de ces actions.

11 Alors, aidez-nous si vous le pouvez, pour nous dire, est-ce qu'il y avait

12 deux opérations différentes en cours le 25 mai ou est-ce que ceci faisait

13 partie d'une de vos actions coordonnées. C'est la même date, comme vous le

14 voyez, et c'est quelque peu plus au nord. Vous nous avez dit que vous étiez

15 au courant de ces opérations vers Pec. Est-ce qu'elles faisaient partie de

16 la même opération de ratissage ?

17 R. Je pense que vous m'avez mal compris lorsque vous dites que j'étais au

18 courant de l'opération. Je savais que des unités avaient des activités dans

19 le secteur, mais quant à savoir quand ça avait lieu et si c'était une

20 action synchronisée, ça je ne le savais pas.

21 Q. Je voudrais maintenant que l'on progresse un petit peu au point de vue

22 dans notre calendrier, juste pour avoir une idée de ce que vous savez

23 concernant certains autres événements. Vous aviez des tours de garde, des

24 missions au Kosovo, jusqu'à et, y compris l'été 1999. Je crois que vous

25 avez confirmé cela hier. Est-ce que vous pourriez nous aider sur la

26 question de savoir quand en 1999 vous avez été déployé au Kosovo ?

27 R. Laissez-moi simplement clarifier, en 1998, j'étais là, juste pour

28 quelques tours de garde, mais pas pendant tout le temps allant de mars

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1 jusqu'à la fin de l'année. Donc cela pourrait faire au total trois ou

2 quatre mois en tout. Quant à 1999, nous sommes venus là la veille de ce

3 jour lorsque les frappes aériennes ont commencé.

4 Q. Est-ce que je pourrais vous demander, s'il vous plaît, en gardant à

5 l'esprit que je vous demande ce que vous savez de façon aussi large que

6 possible concernant les opérations de police dans ce secteur à cette

7 époque, je voudrais vous poser des questions concernant deux événements qui

8 ont eu lieu en avril 1999 pour voir si vous pouvez nous aider avec cela.

9 Pour commencer, le 1er et le 2 avril 1999, une action de la police

10 dans Qerim, Q-e-r-i-m, il y a eu une action à Gjakove qui a eu pour

11 résultat -- à Djakovica -- qui a résulté dans la mort d'un nombre important

12 de femmes et d'enfants. Il y a eu notamment 25 personnes tuées à la rue

13 Milos Gilic [phon], au numéro 163. Toutes les victimes, à une seule

14 exception près, étaient des femmes. Il y avait parmi ces victimes neuf

15 enfants qui avaient moins de 10 ans. Est-ce que vous aviez connaissance de

16 cette action menée par la police au début d'avril ?

17 M. RE : [interprétation] Je ne sais pas si Me Emmerson veut mettre à

18 l'épreuve la crédibilité du témoin, mais vous savez que cet incident n'est

19 pas retenu dans l'acte d'accusation.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous essayez de savoir si le

21 témoin a des connaissances et vous évoquez beaucoup de détails, des détails

22 très cruels d'événements qui se sont produits, et le témoin dit qu'il n'est

23 pas au courant. Si on faisait la chose inverse. Si on fournissait un bref

24 descriptif des événements pour savoir d'abord si le témoin a connaissance,

25 puis vous pourrez aborder la question de façon détaillée si c'est le cas.

26 Puis, il y a la pertinence en ce qui concerne les événements survenus en

27 1999. Je ne vous ai pas arrêté, mais quelquefois vous vous écartez de

28 beaucoup des faits retenus dans l'acte d'accusation. Je pense qu'il faut

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1 que vous agissiez plus promptement.

2 M. EMMERSON : [interprétation] J'en tiendrai compte.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, veuillez poursuivre.

4 M. EMMERSON : [interprétation]

5 Q. Est-ce que vous savez, Monsieur Repic, s'il y a eu à Gjakove des

6 opérations de police dans la première quinzaine

7 d'avril 1999 ?

8 R. J'étais à l'époque à Kosovska Mitrovica, et je n'étais pas au courant

9 de telles actions.

10 Q. Parlons, si vous le voulez bien, de la fin de ce mois. Où est-ce que

11 vous étiez, à quel endroit étiez-vous basé à la fin du mois ?

12 R. En avril, en avril, nous avons passé le plus clair de notre temps dans

13 la zone de Kosovska Mitrovica ou plutôt à Serbica. J'ai passé un certain

14 temps du mois d'avril à Serbica. En tout cas, je le suppose.

15 Q. Fort bien. Je vous présente une hypothèse, et s'il y a une objection,

16 attendez que celle-ci soit abordée avant de répondre. Vers la date du 17

17 avril [comme interprété] ou ce jour-là, un grand nombre d'hommes ont été

18 placés en détention et tués par des opérations conjointes de la police et

19 de l'armée dans le village de Maja. Leurs corps ont été retrouvés dans une

20 caserne de la SAJ à Batajnica, en Serbie, en 2001 et 2002.

21 M. RE : [interprétation] Objection. Là, vraiment, on ne se contente

22 vraiment plus d'essayer de prouver la crédibilité du témoin. Si Me Emmerson

23 avait des éléments suffisants pour évoquer la déposition du témoin en

24 disant qu'il avait connaissance d'attaques menées sur des civils en 1998,

25 il l'aurait déjà dit à ce témoin. Alors maintenant, vraiment, on va à la

26 pêche de l'information comme cela sans rien savoir.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci n'aidera pas la Chambre. Bien sûr,

28 si vous voulez laisser entendre qu'il y a eu participation du témoin, c'est

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1 autre chose.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Non, je ne peux invoquer la déposition du

3 témoin, et je ne laisse pas non plus entendre qu'il ait participé à l'une

4 ou l'autre de ces opérations. Je ne pose pas ces questions pour voir s'il

5 est crédible, mais c'est plutôt pour savoir s'il peut nous éclairer sur des

6 événements qui étaient concernés par des opérations conjointes tactiques

7 des forces spéciales de la police et de l'armée. Je pense que nous avons

8 besoin de ceci pour vous donner la situation.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez savoir si le témoin est au

10 courant du genre de chose qui s'est peut-être passé, bon, c'est une raison,

11 mais c'est aussi pour savoir s'il avait des connaissances d'initié qui

12 allaient plus loin qu'une simple rumeur ou qu'un ouï-dire.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je vous permettrai de poser

14 cette question, puis nous passons à autre chose.

15 M. EMMERSON : [interprétation]

16 Q. Est-ce que vous étiez au courant de cela ou est-ce que vous en êtes

17 informé aujourd'hui ?

18 R. Je ne le savais pas.

19 Q. Fort bien. Je vous demande une confirmation : M. Popadic et M.

20 Jovanovic étaient équipés d'armes automatiques, n'est-ce pas, lorsqu'ils

21 ont disparu ?

22 R. Oui, ils avaient des armes de poing.

23 Q. Je veux que toute la lumière soit faite sur ce point. Est-ce qu'ils

24 n'étaient pas dotés d'un fusil automatique M-70 ?

25 R. Du M-99 ou un pistolet TZ-99, et un fusil automatique, effectivement.

26 Q. Il ne reste qu'un sujet que je voudrais examiner avec vous. Vous aurez

27 reçu un petit classeur supplémentaire qui était également remis aux Juges

28 auparavant.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Je dois précéder cet examen d'une brève

2 explication que je dois vous donner, Messieurs les Juges.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voulez-vous que le témoin sorte ?

4 M. EMMERSON : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Ceci enchaîne sur les questions posées par

7 M. Re à propos de la forme des documents qui ont été retrouvés dans la

8 pièce 1973, la liste 65 ter.

9 Q. On vous a demandé de les identifier hier. Qu'est-ce qu'on voit ici dans

10 ce dossier ? Je vous demande de faire preuve d'un peu de patience. Le point

11 numéro 2, c'est la pièce P90 [comme interprété]. Apparemment, c'est une

12 déclaration de Zenelj Alija que nous avons déjà vue et qui était versée au

13 dossier dans un autre contexte. Le -- excusez-moi, le point numéro 2, c'est

14 une déclaration de Bekim Kalamashi. Le numéro 1, c'est la même déclaration

15 que celle qui figure dans le classeur que M. Re a fait examiner par le

16 témoin, et on a à peu près la même chose pour les points 3 et 4. Point 4,

17 c'est la pièce P871, déjà versée au dossier. Quant au point numéro 3, c'est

18 la même déclaration sous la forme dont elle figure dans la pièce 65 ter

19 1973.

20 Pouvez-vous nous aider sur ce point, Monsieur le Témoin. On vous a

21 posé quelques questions sur la forme que revêtait cette déclaration.

22 Regardez le point 1, la déclaration numéro 1 et la déclaration 2. Il suffit

23 de jeter un coup d'œil pour voir qu'il s'agit du même document. Est-ce que

24 vous le voyez aussi ?

25 R. Vous me demandez si cette déclaration cadre avec les autres

26 déclarations que j'ai examinées hier ?

27 Q. Non, je vous demande si la déclaration qui figure à l'intercalaire

28 premier est celle qui figure à l'intercalaire 2, constituant en fait un

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1 seul et même document. Je vais vous aider. Prenez la déclaration qui figure

2 au premier intercalaire. Vers le milieu de cette déclaration, on trouve un

3 paragraphe qui commence par les mots suivants : "Nedelju," N-e-d-e-l-j-u.

4 Regardez le dernier mot de cette déclaration, on voit que là on a tapé au-

5 dessus de la première frappe, où il y a deux lettres du dernier mot sur

6 lesquelles on a retapé.

7 Excusez-moi de vous interrompre, mais vous ne regardez pas le bon endroit.

8 Ecoutez-moi bien. Première page de la déclaration figurant à l'intercalaire

9 premier. Vers le milieu, on a un paragraphe qui commence par le mot

10 "Nedelju." Vous le voyez, ce paragraphe, Monsieur ?

11 R. Oui.

12 Q. Le tout dernier mot de ce paragraphe, est-ce que vous voyez qu'on a

13 tapé sur les deux dernières lettres de ce mot ? C'est quatre ou cinq lignes

14 plus loin. La ligne commence par "Raspolzivi" et on voit qu'on a retapé sur

15 les deux dernières lettres du dernier mot. Vous le voyez ?

16 R. Est-ce que vous pourriez m'aider, parce ce qu'on parle de tous les

17 derniers moyens jusqu'à notre dernière goutte de sang. Est-ce que c'est

18 cela ?

19 Q. Non, non, je ne vous parle pas du contenu, mais de la forme. Est-ce que

20 vous voyez le paragraphe qui commence par le terme "Nedelju" ?

21 R. Oui.

22 Q. Cinq lignes plus loin, il y a une ligne qui commence par "Raspolzivi."

23 Vous voyez ?

24 R. Oui.

25 Q. A la fin de cette ligne-là, on voit Krivi, puis il y avait deux lettres

26 sur lesquelles on a retapé quelque chose. Est-ce que vous le voyez ?

27 R. Oui.

28 Q. Maintenant, regardez la page 2 de la déclaration. Regardez l'avant-

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1 dernière ligne du texte et le tout dernier mot de cette ligne. Voyez que là

2 aussi on a tapé quelque chose d'autre sur ce dernier mot. Vous le voyez ?

3 R. Oui.

4 Q. Prenons la déclaration qui se trouve à l'intercalaire 2. Pouvez-vous

5 confirmer le fait que ces deux erreurs typographiques se retrouvent à la

6 même place exactement dans cette deuxième déclaration ?

7 R. Oui, c'est vrai à la première page, et à la deuxième aussi.

8 Q. Je vous remercie. Il y a une différence entre ces deux documents, et là

9 voici. C'est que le document se trouvant en intercalaire 2 est estampillé,

10 alors que ce n'est pas le cas pour la déclaration qui se trouve au premier

11 intercalaire.

12 R. Effectivement.

13 Q. Maintenant, parlons uniquement de la forme, est-ce qu'il était

14 coutumier d'apposer un sceau au-dessus de la signature ?

15 R. Les documents sont vérifiés à l'aide des tampons ou des sceaux. Je

16 parle des documents qui sont envoyés. Mais pour ce qui est des documents

17 archivés dans nos archives, ceux-là ne sont pas estampillés. C'était la

18 coutume que nous respections.

19 Q. Donc il y a un document qui est destiné aux archives, et l'autre qui

20 est destiné à être envoyé. Est-ce que c'est la raison de la différence

21 qu'on constate au niveau du tampon ?

22 R. Oui, on pourrait le dire de cette façon-là.

23 Q. Prenons le document qui a été estampillé, à

24 l'intercalaire 2. Est-ce que vous voyez la date ? C'est la date du

25 3 septembre 1998. Cela se trouve en début de la déclaration, Monsieur

26 Repic. Monsieur Repic, tout au début de la déclaration. En haut de la

27 première page, c'est là que vous voyez la date.

28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] A gauche.

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1 M. EMMERSON : [interprétation]

2 Q. En haut à gauche. Est-ce que vous voyez la date du

3 3 septembre ?

4 R. Oui, c'est dit 3 septembre.

5 Q. Et le document en intercalaire premier, qui à tout autre égard est

6 identique à celui-ci, quelle date présente-il ? Veuillez regarder.

7 R. J'ai du mal à voir. Je ne sais pas si ici on a modifié quelque chose.

8 Je vois 13 ou 14. Je ne vois vraiment pas très bien. C'est très peu clair.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, hier des questions

10 étaient posées à ce témoin, qui visaient à lui poser des questions sur la

11 forme des documents, et en général on parle de situation ordinaire. Alors,

12 on se demande où vous voulez en venir. Il est peut-être clair, c'est du

13 moins ce que la Chambre a cru comprendre s'agissant de l'attitude de la

14 Défense, vous voulez laisser entendre que ceci est le résultat de

15 manipulation. La connaissance de la forme, ces questions qui y sont

16 relatives ne sont pas de nature à révéler --

17 M. EMMERSON : [interprétation] Si je pose ces questions à ce témoin, c'est

18 parce que cela vient du même document que celui utilisé par M. Re hier --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous comprenez, si vous voulez

20 simplement vous intéresser à la forme, d'après les questions que vous avez

21 posées jusqu'à présent, il semblerait que vous souhaitez attirer

22 l'attention du témoin sur des différences au niveau de la forme, et si vous

23 vous en tenez à la forme, cela me convient. Mais si vous voulez autre

24 chose, si vous cherchez une autre explication pour montrer telle ou telle

25 contradiction ou manipulation éventuelle, il faut d'abord savoir si le

26 témoin a une connaissance quelconque de la création de ce document.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Mais je pense qu'on a déjà établi que ce

28 témoin ne connaissait pas la teneur de ces dossiers, donc je ne vais pas

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1 m'y prendre comme cela. Mais nous avons ces documents aux intercalaires 1

2 et 3. Je vais peut-être demander une cote provisoire aux fins

3 d'identification, et je vais simplement vous inviter, Messieurs les Juges,

4 vu les circonstances, de relever qu'il y a eu manifestement, s'agissant des

5 deux jeux de documents, une modification de la date. On a modifié cette

6 date en ajoutant ou en retirant un chiffre.

7 M. RE : [interprétation] Si Me Emmerson veut le voir, on peut

8 facilement trouver l'information tout de suite, et vous informer, Monsieur

9 le Président, dès qu'on a reçu ce document, et sans doute que ceci est le

10 fruit d'une demande d'aide aux autorités serbes. Mais ceci peut être

11 facilement réglé.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En tous cas, des questions ont été

13 posées à ce témoin à ce sujet. Sans que la Chambre se prononce aucunement

14 sur la valeur probante du document, il n'y a pas d'inconvénient à donner

15 une cote provisoire.

16 Pour le moment, ce sera donc le document 1973 de la

17 liste 65 ter, page 27.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce

19 D163.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Quant à l'autre, c'est le même

21 numéro 1973, mais c'est la page 29 de la liste 65 ter, ce sera --

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièces aux fins

23 d'identification D164.

24 M. RE : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas déjà la pièce P390 [comme

25 interprété], d'après le sommaire fourni par la Défense ?

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. On parle des intercalaires 1 et 3,

27 alors que la pièce P390 se trouve, elle, à l'intercalaire 2. En tout cas,

28 c'est ce qu'a dit la Défense.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je m'étais trompé ?

2 M. EMMERSON : [interprétation] Pas du tout.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons à

4 l'intercalaire 2 un numéro de pièce qui indique quel est le témoin. Enfin,

5 vous pourrez revenir là-dessus au niveau des questions supplémentaires,

6 Monsieur Re.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

8 témoin, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.Maître Guy-Smith ?

10 Monsieur Repic, Me Guy-Smith est l'avocat qui défend les intérêts de

11 M. Balaj, et c'est lui qui va maintenant procéder à son contre-

12 interrogatoire.

13 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :

14 Q. [interprétation] Je n'ai que quelques questions à vous poser, Monsieur

15 Repic. Lorsque vous étiez au Kosovo au mois de mai, est-ce qu'il y avait un

16 point de contrôle érigé à Dolovo qui était tenu par la police serbe ?

17 R. Je ne connais pas du tout Dolovo sur le plan topographique. Je ne sais

18 pas s'il y avait un poste de contrôle. Je ne sais même pas où cet endroit

19 se trouve.

20 Q. Vous êtes ici assis aujourd'hui dans ce prétoire, est-ce que vous vous

21 souvenez aujourd'hui de l'endroit où se trouvaient les postes de contrôle

22 serbes sur la route qui allait de l'endroit où vous étiez cantonné à Junik

23 et Djakovica ?

24 R. Je ne me souviens que du poste de contrôle qui était aux abords de

25 Djakovica. Je ne me souviens pas d'autres postes de contrôle.

26 Q. Vous qui aviez des responsabilités de commandant d'une unité spéciale,

27 vous nous en avez parlé, en tant que tel, est-ce que vous aviez un contact

28 radio avec ces postes de contrôle ?

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1 R. Non. Nous avions nos radios locales, et au besoin nous contactions le

2 siège du secrétariat.

3 Q. Dans le cadre de vos responsabilités de commandant, est-ce que vous

4 avez rédigé et déposé des rapports quotidiens quant à vos activités et

5 contacts avec la population civile ou, comme les avez appelés, les Albanais

6 armés ?

7 R. Oui. Nous avons rendu compte auprès de l'état-major, il y a eu des

8 briefings quotidiens. Cet état-major se trouvait au QG du secrétariat.

9 Q. Ces briefings, ces réunions d'information quotidiennes, est-ce qu'elles

10 ont été consignées quelque part ? Ce qui veut dire qu'il y a quelque part

11 des procès-verbaux de ces réunions que vous avez eu l'occasion d'examiner ?

12 R. Je ne sais pas du tout si des notes ont été prises suite à nos

13 rapports, et si ce fut le cas, si ces documents ont été archivés. Nous

14 avons transmis les informations que nous avions par radio ou par téléphone.

15 Q. Je vais être plus précis. Puisque vous étiez commandant, lorsque vous

16 transmettiez des informations ou renseignements, est-ce que vous les

17 transmettiez à un individu à qui vous étiez chargé précisément de les

18 transmettre ?

19 R. Ces rapports quotidiens étaient établis par les officiers de permanence

20 des unités. Ces rapports étaient transmis à l'officier de permanence au

21 secrétariat. Personnellement, j'ai établi des rapports, j'ai préparé des

22 briefings hebdomadaires, j'ai informé le chef du secrétariat et le

23 commandant du détachement.

24 Q. Qui était ce chef du secrétariat à qui vous transmettiez des

25 informations hebdomadaires ?

26 R. A l'époque, il y avait un certain Adamovic. Je ne connais pas son

27 prénom.

28 Q. Vous avez également fourni ces rapports hebdomadaires à un chef de

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1 détachement. Qui était-il ?

2 R. C'était le colonel Branko Prljevic.

3 Q. En tant que commandant, avez-vous pu à faire une vérification des

4 rapports quotidiens envoyés par l'officier de permanence pour être sûr que

5 ce qui était envoyé était exact ?

6 R. Vous parlez d'information transmise par mon officier de permanence à

7 son interlocuteur au secrétariat ?

8 Q. Oui.

9 R. Les informations ainsi transmises par l'officier de permanence,

10 c'étaient des informations que nous avions recueillies suite aux briefings

11 quotidiens. Je l'ai expliqué hier déjà.

12 Q. Ces briefings matinaux disaient s'il y avait des activités auxquelles

13 s'était livrée votre unité la veille, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Lorsque votre unité était cantonnée à Junik et à Babaloc, est-ce que

16 vous portiez des uniformes ?

17 R. Oui.

18 Q. De quel type d'uniformes s'agissait-il ?

19 R. Il s'agissait de tenues de camouflage. C'étaient les uniformes de la

20 PJP. Il s'agissait d'uniformes de couleur grise avec différentes teintes de

21 gris.

22 Q. Est-ce que les membres de votre unité étaient en uniforme quand ils

23 étaient de service à Junik et Babaloc ? Est-ce qu'ils pouvaient garder

24 leurs uniformes ?

25 R. Oui. Ils avaient l'obligation de prendre soin de leurs uniformes.

26 Chaque matin, on inspectait les hommes et ils devaient s'efforcer de bien

27 entretenir leurs uniformes. Mais parfois ils ne portaient pas leurs

28 uniformes. Par exemple, Rade Popadic et Jovanovic, quand ils sont partis

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1 chercher les vivres, ils sont partis dans un véhicule civil, habillés en

2 civil, pour être aussi peu voyants que possible.

3 Q. Je vous entends bien. Quand ces deux messieurs sont arrivés, au moment

4 du déchargement des vivres, est-ce que vous étiez présent. Est-ce que vous

5 étiez là quand les vivres ont été

6 déchargés ?

7 R. Malheureusement, ils ne sont arrivés qu'à Babaloc, ils ne sont pas

8 revenus à Junik, donc je n'étais pas là.

9 Q. Vous nous avez dit que leurs camarades les avaient aidés à décharger

10 les vivres à Babaloc. Est-ce que ces collègues, est-ce que ces camarades

11 dont vous parlé sont d'autres membres de l'unité spéciale ?

12 R. Je ne vois pas ce que voulez dire lorsque vous parlez d'autres membres

13 de l'unité spéciale. Ils étaient tous membres de mon unité.

14 Q. La question que je vous pose est la suivante : leurs camarades les ont

15 aidés à décharger les vivres. Ces camarades, c'étaient des membres de votre

16 unité, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Comme vous nous l'avez expliqué, ces hommes étaient en uniforme.

19 R. Oui.

20 Q. Je n'ai plus de questions à poser au témoin.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Maître Harvey.

22 M. HARVEY : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser au témoin.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 Questions de la Cour :

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez expliqué que vous étiez

26 commandant de compagnie. Est-ce que j'ai bien compris ? Est-ce que ça

27 correspond à environ 150 hommes qui étaient sous vos ordres, 100 se

28 trouvaient à Babaloc ou aux environs, et les 50 autres étaient à Junik,

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1 est-ce que j'ai bien compris ?

2 R. Dans une compagnie, vous avez jusqu'à 150 hommes. Je ne me souviens pas

3 exactement du niveau de mes effectifs pendant cette période là. Je crois

4 qu'il y avait environ 42 à 43 hommes à Junik, les autres étaient à Babaloc.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Savez-vous quels étaient les effectifs

6 des unités PJP dans les villages environnants. Je pense, par exemple, à

7 Gjakove, à Decan. Est-ce que vous avez une idée quelconque des effectifs ?

8 R. Non. Je ne dispose pas de cette information.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui concerne les villages

10 avoisinants, êtes-vous en mesure de nous dire s'il y avait là des unités

11 PJP ? Si j'ai bien compris, vous êtes arrivé sur place pour apporter un

12 appui aux unités locales. Quels étaient les effectifs de ces unités PJP

13 avant votre arrivée sur la zone ?

14 R. Vraiment, je n'en sais rien du tout.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agissait de 15, 70

16 hommes, ou pouvez-vous nous donner une idée, aussi imprécise qu'elle soit,

17 des effectifs des unités locales ?

18 R. Vous me parlez des effectifs qui se trouvaient sur place ? Celles que

19 nous sommes venus soutenir -- appuyer ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne parle pas que de la police

21 régulière, je parle des unités de police spéciale, de la PJP.

22 R. Il y avait une équipe de la police locale, c'est-à-dire que ça

23 correspond à cinq ou huit fonctionnaires de police. L'unité que nous sommes

24 venus soutenir avait à peu près les mêmes effectifs que nous. Mais je ne

25 peux pas vous dire combien elle comptait d'hommes avec précision.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que l'unité

27 qui avait les mêmes effectifs, ce n'était pas une unité locale, mais

28 c'était une unité qui elle aussi venait d'une autre région ?

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1 R. Oui.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette unité à qui vous êtes venus

3 fournir un appui, est-ce qu'elle est restée sur place, donc est-ce que les

4 effectifs étaient doubles à ce moment là ?

5 R. Non. Nous les avons remplacées. Il s'agissait d'une relève. Nous avons

6 pris leur place. Il y a une unité qui est venue prendre la relève d'une

7 autre.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les hommes qui se trouvaient là avant

9 votre arrivée, ils sont partis où exactement ?

10 R. Là, je ne peux que formuler des hypothèses. Je ne sais pas exactement

11 où ils sont allés. Il est fort probable qu'ils sont retournés sur le

12 territoire de leur secrétariat local. Mais peut-être, je ne sais pas, il y

13 avait peut-être des missions particulières qui leur ont été confiées. Je

14 n'en sais rien. Il s'agit d'hypothèses que je lance ici, parce qu'il

15 s'agissait d'une relève. Donc je pars du principe qu'ils ont regagné leur

16 secrétariat, l'endroit d'où ils venaient précédemment.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je reviens à Gjakove. Vous n'avez aucune

18 idée des effectifs de l'unité locale. Est-ce que vous parlez là de l'unité

19 qui se trouvait sur place au départ, ce groupe qui se trouvait à Junik, ou

20 est-ce que vous parlez d'autres unités qui venaient d'ailleurs, qu'elles

21 aient été relevées ou pas ?

22 R. Non. Je ne dispose d'aucune information quant aux effectifs des forces

23 locales qui relèvent du secrétariat à la défense locale. Et je ne sais pas

24 non plus combien d'hommes de la PJP ont été envoyés à Djakovica, dans cette

25 zone, pendant cette période.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que votre zone de responsabilité

27 était délimitée précisément, du point de vue géographique, et si c'est le

28 cas, quelles étaient ses limites ?

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1 R. Ma mission pendant cette période de service était très particulière.

2 Nous sommes venus sur place avec notre compagnie pour assurer la sécurité

3 de deux zones où étaient rassemblés des réfugiés. Il s'agissait du centre

4 de réfugiés de Junik et de celui de Babaloc. C'est-à-dire que nous étions

5 une unité stationnaire qui n'avait aucune mission impliquant des

6 déplacements ou des manœuvres.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est également la raison

8 pour laquelle vous n'avez pas participé aux opérations de ratissage du

9 terrain, parce que votre mission avait un caractère statique plutôt

10 qu'opérationnel ?

11 R. C'est exact. Nous étions une unité stationnaire et nous nous

12 contentions de fournir un appui logistique aux unités qui étaient venues

13 participer à des opérations. Je parle d'appui logistique, cela recouvre

14 l'hébergement, la sécurisation de leur cantonnement d'où ils allaient en

15 opération et où ils revenaient. Il s'agissait de l'approvisionnement en

16 vivres de ces bases ou de ces cantonnements où ils pouvaient demeurer en

17 toute sécurité en dehors des opérations.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va commencer par le centre de

19 réfugiés de Babaloc. Vous souvenez-vous du nombre de réfugiés qui s'y

20 trouvaient ?

21 R. Ce dont je me souviens, c'est qu'il y avait là environ une centaine de

22 maisons, et une maison ça correspond à peu près à un appartement de une ou

23 deux pièces avec un petit lopin de terre autour. Toutes les maisons à cet

24 endroit n'étaient pas habitées. A partir de cela, je suppose qu'il y avait

25 environ 200 réfugiés à Babaloc, et à Junik vous aviez également environ 100

26 maisons qui avaient à peu près les mêmes dimensions, un petit peu de

27 terrain autour. Je le répète là encore, toutes les maisons n'étaient pas

28 habitées.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous dites que la plupart des

2 hommes de votre compagnie se sont rendus à Babaloc, et qu'un nombre

3 inférieur s'est rendu à Junik. Vous nous avez dit qu'il y en a un peu plus

4 de 40 qui sont allés à Junik. Une compagnie aux effectifs complets devrait

5 normalement compter 150 hommes. Je suppose donc qu'il y avait environ 150

6 hommes de la PJP à Babaloc. Est-ce que c'est une supposition qui est

7 correcte ?

8 R. Oui, à peu près.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me pose la question suivante. Quand

10 on a un lieu où il a 100 maisons et 200 réfugiés, est-ce que 100 hommes de

11 la PJP, ce sont les effectifs normaux pour assurer la sécurité de ces

12 maisons, pour remplir cette mission-là ?

13 R. Il faut tenir compte de la situation qui était celle de Babaloc à

14 l'époque. On peut se demander comment il se fait que deux tiers des hommes

15 de l'unité se soient trouvés à Babaloc et un tiers à Junik. A l'époque, à

16 Junik, c'est un village où on n'avait encore enregistré aucun problème,

17 aucun incident. On faisait des patrouilles à Junik avec la police locale,

18 on entrait en contact avec les résidents, on allait voir les résidents

19 serbes qui se trouvaient aux environs de Junik à l'extérieur.

20 Il y avait beaucoup plus d'exemples de provocations contre les

21 résidents et les policiers de Babaloc. C'était beaucoup plus intense, parce

22 que ce village est adjacent à un territoire beaucoup plus compliqué. Des

23 tentatives y avaient été entreprises de se regrouper, d'établir un QG, de

24 faire revêtir l'uniforme civil, et cetera. Il s'agit d'un hameau qui

25 s'étend environ sur 100 à 200 mètres, un hameau dont il faut assurer la

26 sécurité en équipe. Pour remplir une telle mission, il faut faire appel au

27 nombre de policiers que vous avez donné, c'est-à-dire 90 à 100 hommes.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Monsieur Re, avez-vous des

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1 questions supplémentaires à poser au témoin ?

2 M. RE : [interprétation] Non.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais si la Défense souhaite poser

4 des questions suite à celles qui ont été posées par la Chambre. Non. Bien,

5 dans ces conditions, Monsieur le Témoin, nous en sommes arrivés à la fin de

6 votre déposition. Je vous remercie d'avoir parcouru une bien longue

7 distance pour venir à La Haye répondre aux questions de l'Accusation, de la

8 Défense et des Juges de la Chambre. Je vous souhaite un bon retour chez

9 vous.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière.

12 [Le témoin se retire]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des pièces qui ont déjà été

14 versées ou dont on a déjà demandé le versement, des pièces sur lesquelles

15 la Chambre doit se prononcer ? Monsieur Emmerson ?

16 M. EMMERSON : [interprétation] Intercalaire 2, nous avons un ordre signé

17 par le colonel Zivanovic, je l'ai soumis au témoin. Document du 8 août,

18 document 1945 sur la liste 65 ter.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document a-t-il une cote ? Non pas

20 encore. Monsieur le Greffier ?

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D165.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections de la part de

23 l'Accusation ?

24 M. RE : [interprétation] Non.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D165 est versée au dossier.

26 Maître Emmerson, encore un document ? Monsieur Re ?

27 M. RE : [interprétation] Hier, j'ai demandé à ce qu'un certain nombre de

28 documents soient enregistrés aux fins d'identification. Pour l'instant, je

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1 ne demande pas le versement.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous avions précisé que nous

3 attendrions à un stade ultérieur pour voir si vous souhaiteriez à ce

4 moment-là demander leur versement.

5 M. RE : [interprétation] C'est juste une question de temps. Etant donné le

6 temps dont nous disposons, je préfère ne pas perdre de temps parce que nous

7 avons un témoin qui attend en coulisse, mais plus tard j'y reviendrai.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith ?

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai l'impression d'avoir compris tout à

10 fait clairement que M. Re voulait citer un autre témoin pour verser ces

11 documents au dossier. Je voudrais être sûr de bien comprendre --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous attendrons que M. Re évoque à

13 nouveau cette question, à ce moment-là nous lirons avec attention le compte

14 rendu d'audience quand il a dit qu'il ne souhaitait demander le versement

15 des documents tout de suite. La Chambre avait répondu à cette intervention.

16 Il y a deux autres documents qui ont reçu une cote aux fins

17 d'identification. Si j'ai bien compris vous ne demandez pas le versement,

18 Maître Emmerson.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Pas à ce stade de la procédure.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez demandé par ailleurs à la

21 Chambre d'examiner les différences, cela peut donc être un problème s'ils

22 sont seulement enregistrés aux fins d'identification.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que je peux me réserver le droit

24 d'intervenir à ce sujet plus tard ? Vous vous souviendrez que par le passé

25 on a contre-interrogé des témoins qui ont donné des explications au sujet

26 de cette liasse de documents. Au moment de ce contre-interrogatoire, nous

27 ne disposions pas de deux autres versions avec des dates différentes. Il

28 est possible, je ne le sais pas encore avec certitude, mais il est possible

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1 qu'un autre témoin vienne déposer et qui évoque cet aspect de l'affaire. En

2 tout cas, il y a quelqu'un qui est sur la liste des témoins de l'Accusation

3 et qui parle de cela.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de nouvelles versions de

5 documents qui se ressemblent beaucoup. Il y a une question qui s'est posée

6 à moi, nous n'allons pas trancher tout de suite, mais les parties pourront

7 y réfléchir. Je me suis demandé si on avait peut-être utilisé un papier

8 carbone, parce que parfois, dans ce cas-là, quand on fait une faute de

9 frappe, on la corrige sur l'original, sur la première copie, mais pas sur

10 les autres. Je ne dis pas que c'est l'explication idoine ici, parce qu'il

11 s'agit uniquement de photocopies qui nous ont été présentées, mais je me

12 dis que c'est peut-être ce qui s'est produit. Monsieur Re, je ne sais pas

13 si vous avez reçu ces documents sous leur forme originale ou s'il

14 s'agissait de photocopies, mais parfois en les regardant, j'ai l'impression

15 qu'on a utilisé du papier carbone, ce qui peut peut-être compliquer encore

16 la chose. Cependant, ça peut être aussi une explication.

17 M. RE : [interprétation] Je vais procéder à une vérification. Je sais qu'il

18 y a des documents que nous avons reçus, des originaux que nous avons reçus

19 récemment des services de Sécurité serbe. Je crois qu'ils nous les ont

20 donnés par accident, parce que d'habitude ils ne nous fournissent que des

21 copies.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le mot "original" a une

23 signification bien particulière ici. Parfois, on peut parler d'original

24 lorsqu'il s'agit d'une copie carbone. Je demande donc aux parties de

25 réfléchir à la question. J'ai bien compris qu'elles se réservaient le droit

26 d'intervenir.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Les discordances entre ces deux jeux de

28 documents semblent être les mêmes, dix jours de différence.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je n'étais pas en train de vous

2 demander de nous faire part de vos commentaires au sujet de ces documents.

3 Est-ce que vous pourrez citer à la barre votre prochain témoin après

4 la pause ?

5 M. RE : [interprétation] Il est là. Il est prêt à déposer. J'imagine

6 qu'il est dehors et qu'il attend.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais on va d'abord faire une

8 pause et nous reprendrons à 16 heures 15.

9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 --- L'audience est reprise à 16 heures 18.

12 M. LE JUGE ORIE : Bonjour, Monsieur Dourel, soyez le bienvenu dans cette

13 salle d'audience. Si vous me permettez je continuerai en anglais.

14 [interprétation] Monsieur Dourel, avant que vous ne commenciez votre

15 déposition dans cette salle d'audience, le Règlement de procédures et de

16 preuve demande à ce que vous fassiez une déclaration solennelle sur

17 laquelle vous direz la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Le

18 texte vous est présenté en version française. Je voudrais vous inviter à

19 faire cette déclaration solennelle.

20 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la

21 vérité et rien que la vérité.

22 LE TÉMOIN: LAURENT DOUREL [Assermenté]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, est-ce que c'est vous

24 qui allez interroger le témoin ?

25 M. DUTERTRE : Effectivement, Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors c'est à vous.

27 Interrogatoire principal par M. Dutertre :

28 Q. Monsieur Dourel, j'aimerais que vous puissiez me confirmer vos éléments

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1 d'identité, mais tout d'abord une question d'ordre pratique. Attendez sur

2 l'écran qui défile que la traduction en anglais soit terminée avant de

3 répondre à mes questions, cela permettra d'avoir des versions

4 complètes.Monsieur Dourel donc, vous vous appelez bien Laurent Dourel et

5 vous êtes de nationalité française, n'est-ce pas ?

6 R. Tout à fait.

7 Q. Est-ce que vous pouvez me donner votre lieu et votre date de naissance

8 ?

9 R. Je suis né à Albi dans le département de Tarn en France et je suis né

10 le 22 juillet 1972.

11 Q. Monsieur Dourel, j'aimerais examiner votre curriculum vitae avec vous

12 et je vais demander qu'apparaisse sur l'écran la pièce numéro 65 ter, 1984.

13 Q. Vous avez --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ceci fait déjà partie du

15 rapport qui a été présenté, Monsieur Dutertre ? Je pose simplement la

16 question, parce que si vous allez utiliser des

17 cotes 65 ter, je me demande si ça n'est pas déjà avec une cote pour

18 identification. Je pense --

19 M. DUTERTRE : Il me semble qu'il y a une traduction.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors j'ai une bibliographie ici.

21 Je vois la version anglaise, les deux dernières pages, expérience

22 professionnelle, et ainsi de suite, mais pour ce qui est du français,

23 j'essaie de le retrouver dans la version française.

24 M. DUTERTRE : Dans la version française, sauf erreur, ici se serait donc le

25 numéro 65 ter, 1985, sauf erreur, les deux dernières.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que ceci fait partie du

27 rapport qui est présenté - et dans ce cas-là, si vous voulez, il y a une

28 annexe A à la présentation du rapport d'expert Laurent Dourel, par

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1 l'Accusation. Alors, l'annexe A c'est la version française et se termine

2 par le numéro ERN-69767 [comme interprété] et une lettre datée du 25

3 juillet qui émane de vous, Monsieur Dutertre, adressée au lieutenant

4 Dourel. Les annexes précédentes, il y a les bibliographies, puis je vois

5 comme conclusion à la version anglaise -- oui, je vois c'est l'annexe C.

6 C'est à la fois le français et l'anglais ensemble. Bien. Je vous remercie.

7 Je crois que vous avez l'intention d'interroger le témoin sur son

8 curriculum. C'est à vous.

9 M. DUTERTRE : Oui, on a reçu plusieurs jeux c'est ce qui explique la

10 confusion, on dirait.

11 Q. Monsieur Dourel est-ce que vous pouvez confirmer que ce que vous voyez

12 à l'écran est bien votre curriculum vitae tout d'abord.

13 R. Tout à fait.

14 M. DUTERTRE : Je souhaite donc le déposer comme élément de preuve, Votre

15 Honneur, et je souhaite approfondir certains points pour éclairer la

16 Chambre.

17 Q. Monsieur Dourel vous avez une spécialité professionnelle bien peu

18 commune. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre en quoi consiste

19 exactement votre métier d'entomologiste médico-légal ? Je ne crois pas

20 d'ailleurs qu'il y ait d'autres affaires devant ce Tribunal qui ait donné

21 lieu à l'intervention d'un entomologiste tel que vous. Est-ce que vous

22 pourriez indiquer quelle est votre spécialité ?

23 R. Oui, tout à fait. Donc je suis adjoint au chef du département

24 d'entomologie de l'Institut des recherches criminelles de la Gendarmerie

25 nationale en France. Notre objectif est de réaliser des expertises auprès

26 de magistrats ou, si on l'on demande, d'officiers de police judiciaires, en

27 vue de dater la mort des individus, ou du moins de faire l'estimation de

28 l'intervalle post mortem à partir des insectes.

Page 8587

1 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez préciser si votre spécialité

2 est une spécialité récente ou ancienne ?

3 R. C'est une discipline qui est ancienne. Les premiers écrits datent du

4 12e siècle en Chine. Cependant, en termes de formation, il n'y a pas de

5 formation universitaire à proprement dite dans la discipline.

6 Q. Je vous remercie. Si je me fie à votre curriculum vitae, vous avez

7 d'abord travaillé un an à l'IRCG en 97-98, et puis vous êtes à nouveau à

8 l'IRCG depuis 2002. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est le -

9 d'abord quand l'IRCG a été créé, et puis quel est le rôle du IRCG en

10 général ?

11 R. Donc, l'IRCG a été créé en 1987 et sous sa forme actuelle en 1992.

12 L'IRCG se compose de quatre divisions criminalistiques qui se subdivisent

13 en 12 départements. Chacun de ces départements regroupant l'ensemble des

14 disciplines criminalistiques qui peuvent intéresser la Justice. Donc

15 l'objectif de l'Institut de recherches criminelles de la Gendarmerie est de

16 réaliser des expertises au profit des officiers de police judiciaires ou

17 des magistrats.

18 Q. Merci. Combien de personnel le département entomologique de l'IRCG

19 comprend-il ?

20 R. Le département comprend cinq personnels.

21 Q. Vous y compris ?

22 R. Moi compris.

23 Q. Vous avez indiqué que les magistrats saisissent l'IRCG afin de retenir

24 des expertises, notamment en matière entomologique. Est-ce que vous pouvez

25 préciser si la police a un département

26 entomologique ?

27 R. La police nationale n'a pas de département en entomologie. Elle a une

28 personne au laboratoire de police de Marseille qui, en plus de ses

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1 activités au sein d'analyse sur les véhicules et sur le sol, essaie de

2 lancer une activité.

3 Q. Compte tenu de votre réponse, est-ce qu'il est correct de dire que

4 c'est à l'IRCG, laquelle est située en Rosny Sous Bois près de Paris - je

5 ne pense pas qu'il y ait de litigation sur ce point - est-ce donc à l'IRCG

6 que tous les cas de demandes d'expertise convergent ?

7 R. Tout à fait. La police nationale nous saisi à la hauteur de 10 % de nos

8 dossiers, le reste étant les affaires de la Gendarmerie ou du magistrat.

9 Q. Entendu. Et donc, est-il correct de dire que vous êtes les spécialistes

10 français dans ce domaine ?

11 R. Tout à fait.

12 Q. Est-ce qu'il y a d'autres spécialistes de la matière dans le domaine

13 universitaire, par exemple, en France ?

14 R. En France, non.

15 Q. Et en Europe ?

16 R. En Europe, oui. Il y a des laboratoires qui essaient de développer

17 l'activité ou qui traitent déjà des cas, mais ce ne sont pas des

18 laboratoires de police. Ce sont soit des instituts

19 médico-légaux ou des universités.

20 Q. Et d'après vous, est-ce que vous êtes, votre département d'entomologie,

21 est une des unités en Europe qui travaille du matin au soir et qui en fait

22 son pain quotidien, d'une certaine manière - c'est un mauvais jeu de mots -

23 des demandes d'expertise en matière entomologique ?

24 R. Tout à fait. Nous sommes le seul département en Europe qui a une

25 activité qui est exclusivement consacrée à l'entomologie légale.

26 Q. Merci. Combien d'expertises le département a-t-il réalisé depuis sa

27 création ?

28 R. Au jour d'aujourd'hui, nous sommes à 717 expertises, et nous réalisons

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1 à peu près entre 70 et 80 expertises depuis 3, 4 ans pour chaque année.

2 Q. Entendu. Et sur ces 70 à 80 expertises que le département effectue

3 chaque année, combien en effectuez-vous vous-même, vous personnellement ?

4 R. Cela dépend des années, mais entre 10 et 15.

5 Q. Donc au total, vous avez mené combien d'expertises dans le domaine ?

6 R. Depuis 2003, j'en suis à peu près à une trentaine d'expertises.

7 Q. Entendu. Est-ce que l'IRCG, le département entomologique, a des

8 activités de recherche, procéder à des expérimentations ?

9 R. Tout à fait. Chaque année, nous menons des programmes de recherche, de

10 programmes de recherche appliquée, pour essayer de répondre à des

11 problématiques qui nous ont été posées tout au long de l'année ou les

12 années précédentes.

13 Q. Est-ce que qu'il vous serait possible de donner un exemple de ce type

14 de recherche, d'expérimentation ?

15 R. Oui. Nous menons beaucoup de recherches sur la biologie des espèces qui

16 nous intéressent pour la datation, et puis nous menons aussi une série

17 d'expérimentations sur les corps enfouis.

18 Q. Sur les corps enfouis ? Est-ce que - je rebondis sur votre réponse -

19 est-ce que vous pourriez être un peu plus détaillé, un peu plus explicite ?

20 Qu'est-ce que vous avez fait ? Quels sont vos résultats ?

21 R. Alors, nous avons enterré en 2004, 21 moutons. Nous les avons laissé

22 enterrés pendant une année, à différentes profondeurs, trois profondeurs

23 différentes. Moins 10, moins 30 et moins 90 centimètres, et nous avons

24 déterré régulièrement. Et à chaque déterrage, nous avons prélevé la faune

25 entomologique et nous avons analysé cette faune.

26 Q. J'en déduis de votre réponse qu'il y avait bien une faune entomologique

27 créée et présente sur ces cadavres de moutons

28 enterrés ?

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1 R. Tout à fait. Même après un an. Et à moins de

2 90 centimètres, nous avons retrouvé des insectes.

3 Q. Entendu. Vous avez, je le vois sur votre curriculum vitae, écrit un

4 mémoire sur l'estimation d'intervalle post mortem, je ne reviens pas sur ce

5 point, je vois aussi que vous étiez membre de l'Association européenne

6 d'entomologie médico-légale qui a notamment tenu un congrès à Londres en

7 2004. Est-ce que vous pouvez dire quelques mots sur cette association et

8 ses objectifs ?

9 R. C'est une association qui a été créée en 2002, une initiative de notre

10 département. C'est une association qui regroupe tous les spécialistes de la

11 discipline en Europe, qu'ils soient policiers, universitaires ou médecins

12 légistes. Et c'est une association dont le but est de partager les données

13 sur la faune qui nous intéresse et d'essayer de développer les échanges par

14 l'intermédiaire des essais faits en laboratoire.

15 Q. Je repasse maintenant à des questions de fond. Des questions d'ordre

16 général. Monsieur Dourel, les Juges sont particulièrement intéressés par le

17 rapport de Mme Lecomte en date du 15 juin 2007, et les aspects

18 entomologiques qui y sont contenus.

19 Mme Lecomte établit un lien entre, d'une part la présence et l'absence de

20 larves, et d'autre part la durée de présence des corps sur la scène du

21 crime et d'éventuelles manipulations. Et dans ce lien, il apparaît que

22 l'aspect entomologique est essentiel. Vous avez établi ---

23 M. EMMERSON : [interprétation] Deux choses, s'il vous plaît. Il serait très

24 utile, je crois, si l'on pouvait ralentir un petit peu le rythme.

25 Deuxièmement, le commentaire que M. Dutertre vient de faire à la dernière

26 ligne de la dernière question. Ce sont des questions qui doivent être

27 posées au Pr Lecomte, notamment pour les facteurs entomologiques, le fait

28 qu'ils étaient essentiels en l'occurrence, plutôt qu'avec ce témoin-ci.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce n'est pas à exclure avec ce

2 témoin-ci pour autant. Dans son domaine d'expertise, je pense que c'est

3 important aussi. Donc ce n'est pas un domaine dans lequel on ne peut pas

4 poser de questions avec ce témoin. Mais je suis d'accord avec vous en même

5 temps que, bien sûr, le poids à accorder à certains éléments pourrait être

6 commenté par un observateur extérieur. Bien sûr, les questions devraient

7 d'abord être posées à l'auteur du rapport.

8 [en français] -- M. Emmerson a demandé de ralentir un petit peu, parce que

9 votre vitesse --

10 M. DUTERTRE : J'ai une demande qui m'est faite de ma droite également, et

11 je compte bien y faire droit.

12 M. LE JUGE ORIE : Continuez, s'il vous plaît.

13 M. DUTERTRE :

14 Q. Monsieur Dourel, vous avez été amené à commenter le rapport de Mme

15 Lecomte. Votre propre rapport comporte une partie générale et une partie

16 spécifiquement dédiée aux conclusions entomologiques de Mme Lecomte. Pour

17 résumer vos propres conclusions en tant que spécialiste, vous indiquez à la

18 fin de votre rapport - et c'est visible sur le document 65 ter numéro 1985,

19 page 11 de la version anglaise - mais je vais demander à ce qu'on le

20 diffuse dans Sanction, parce que c'est plus rapide. Vous indiquez, et je

21 lis : "Au regard des éléments en notre possession", qu'il ressort que :

22 premier alinéa, "Compte tenu de l'absence de prélèvements entomologiques,

23 il n'est pas possible d'identifier les larves citées comme appartenant à

24 l'espèce des diptères. Il n'est pas possible d'identifier les larves citées

25 comme appartenant à l'espèce des diptères.

26 "Deuxième alinéa : "Compte tenu de l'absence de prélèvements sur les

27 corps dans leur environnement immédiat et lors des opérations d'autopsie,

28 et de l'absence de données sur les conditions environnementales antérieures

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1 à la découverte des corps, il n'est pas possible : i) d'établir un lien

2 entre la présence de larves et la durée de présence d'un corps; ii) entre

3 la présence et l'absence de larves et une manipulation de corps."

4 Pour être tout à fait exact, je dis que c'est moi qui rajoutais petit

5 un et petit deux pour la clarté de la lecture.

6 Cela étant rappelé, Monsieur Dourel, j'aimerais vous poser quelques

7 questions à la fois d'ordre général, ensuite plus spécifiques sur les

8 conclusions. Des questions de principe tout d'abord qui ont trait au

9 fonctionnement général de l'entomologie, à l'identification des insectes,

10 au prélèvement des larves et au développement des larves. Vous indiquez -

11 et on le voit sur le document 65 ter 1985, en anglais page 5, mais on peut

12 le mettre dans Sanction pour aller plus vite - vous indiquez donc, ce sont

13 les odeurs particulières dégagées au cours des différentes phases

14 d'altération du cadavre, ce sont des odeurs particulières dégagées au cours

15 des différentes phases d'altération du cadavre qui attirent sélectivement

16 des espèces nécrophages. J'ai deux questions à vous poser sur ce point afin

17 d'être bien sûr d'avoir compris et d'éclairer l'ensemble des intervenants.

18 Première question : si je comprends bien, il y a différents types

19 d'insectes, des squats d'insectes, qui viennent coloniser un cadavre en

20 fonction d'écoulement du temps, et chaque stade de décomposition d'un

21 cadavre correspond à un ou plusieurs types d'insectes précis; est-ce

22 correct ?

23 R. Tout à fait.

24 Q. Entendu. Et donc, ma deuxième question qui suit : en conséquence, est-

25 il correct de dire que d'un point de vue entomologique, l'identification

26 des spécimens présents sur une scène de crime, mais aussi la détermination

27 du stade d'évolution des spécimens en question, sont essentiels dans la

28 mesure où chaque espèce arrive à un stade donné, et à ses propres rythmes

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1 d'évolution, ce qui permet, entre autres, de donner une idée de la date de

2 la mort; est-ce que c'est bien exact ?

3 R. Tout à fait.

4 Q. Entendu. Le mécanisme général de la matière étant un peu clarifié,

5 j'aimerais maintenant aller à un deuxième point, qui est l'identification

6 des insectes mêmes. Ma première question est la suivante sur ce point :

7 est-ce qu'il faut l'expérience et une formation particulière pour

8 distinguer par observation macroscopique les larves de différentes espèces

9 ?

10 R. Oui, tout à fait. Il faut - au département, nous comptons à peu près

11 une année d'expérience uniquement dans l'identification d'une espèce

12 immature.

13 Q. Merci. Ma deuxième question : pour se limiter aux seuls diptères,

14 pouvez-vous préciser combien de sortes différentes il y en a ?

15 R. Alors les diptères -- est un groupe qui est relativement vaste. On ne

16 les connaît pas tous, et au niveau de la faune nécrophage, on peut estimer

17 qu'on travaille régulièrement sur 20,

18 25 espèces.

19 Q. Je vous remercie. Est-il vrai qu'il s'est développé une pratique dans

20 certains cas qui consiste à procéder à des analyses génétiques pour

21 déterminer à quelle espèce appartient telle ou telle larve prélevée sur une

22 scène de crime ?

23 R. Tout à fait. Il existe des espèces qui appartiennent à la même famille,

24 qui sont très proches, qui sont difficilement identifiables par les

25 critères morphologiques. Donc, on est obligé de recourir à l'analyse ADN.

26 Q. Entendu. Dans ce contexte, si on n'a pas à sa disposition un

27 prélèvement de larves effectué sur place, et si on n'a pas une description,

28 à défaut, une description détaillée des larves dans un rapport d'autopsie,

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1 est-il possible d'indiquer de façon certaine de quel type de larves il

2 s'agirait ?

3 R. Non.

4 Q. J'aimerais maintenant faire une citation de la page 14 du rapport du Dr

5 Lecomte, page 14 en français mais page 13 en anglais, et c'est la pièce 65

6 ter, si je ne m'abuse, 1986.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le premier ou le deuxième rapport ?

8 Précisez.

9 M. DUTERTRE :

10 Q. Second rapport, effectivement. Je vais en faire la citation. Il

11 est marqué. Il s'agit du corps R-1. Présence de larves de diptères sur les

12 vêtements et au niveau de la cavité crânienne.

13 J'aimerais, cela dit, afficher la pièce P802, première page en

14 anglais. Le document va apparaître sur votre écran, Monsieur Dourel, dans

15 quelques instants. C'est la page 2, excusez-moi. Voilà, on pourrait

16 agrandir le premier paragraphe, mais il se lit de la façon suivante :

17 [interprétation] "Le corps était habillé et les vêtements étaient imprégnés

18 de matières putrides et de terre, et couvert par une masse de vers de forme

19 cylindrique, mobiles, d'environ 5 à

20 20 centimètres de longueur.

21 [en français] Je suppose qu'il doit y avoir une coquille, parce que, à part

22 dans le film "Men in Black", je n'ai jamais vu personnellement de "maggots"

23 de 20 centimètres. Mais admettons qu'il s'agisse de millimètres, est-ce que

24 sur la base de cette description, Monsieur Dourel, vous pourriez conclure

25 qu'il s'agit de larves de diptères ainsi que l'a fait Mme Lecomte ?

26 R. Il est difficile de conclure de façon affirmative à la présence de

27 larves de diptères. Il faut savoir que sur les corps, il y a aussi des

28 larves de coléoptères, qui sont blanches, qui ont juste la particularité

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1 d'avoir des pattes, mais des pattes qui sont très petites, et qu'on ne peut

2 pas toujours distinguer à l'œil nu. Donc il est quand même assez difficile

3 d'affirmer de façon certaine qu'il s'agisse de larves de diptères.

4 Q. Je vous remercie, Monsieur Dourel. De manière générale, est-ce que vous

5 pensez que sur des photos numériques représentant un cadavre de la tête au

6 pied, des photos non numériques qu'on ne pourrait donc pas agrandir, sauf à

7 perdre du détail, il serait possible d'identifier l'espèce de larves

8 éventuellement présentes sur la photographie ?

9 R. Absolument pas.

10 Q. Je vous remercie. Ce point du fonctionnement général d'entomologie de

11 l'identification des espèces étant fait, je passe maintenant au prélèvement

12 des larves et à leur conséquence, la conséquence des prélèvements.

13 Vous nous avez donné l'exemple des diptères, et c'est sur la pièce 65

14 ter, 1985, en anglais page 6, mais on peut le jouer dans Sanction. Vous

15 avez donné donc l'exemple des diptères et indiqué qu'il y a un œuf pondu

16 sur le corps qui devient larve et qui migre pour se métamorphoser sous une

17 enveloppe plus pâle. Ma première question est la suivante sur ce point :

18 pouvez-vous indiquer où, vers quel endroit la larve migre exactement ?

19 R. Lorsqu'il y a eu ponte sur un corps, après la période de l'incubation

20 des œufs, les œufs se transforment en larves et vont se nourrir du corps en

21 question. Une fois qu'elles ont accumulé suffisamment d'énergie, ces larves

22 pour réaliser leur métamorphose ont besoin d'obscurité et de se mettre à

23 l'abri des prédateurs. Donc, naturellement, en milieu extérieur, les larves

24 vont migrer à l'extérieur du corps et vont venir s'enfouir dans le sol à

25 une profondeur de 5 à 10 centimètres de profondeur et dans un rayon de 1 à

26 2 mètres autour du corps et sous le corps.

27 Q. Merci. Pour être tout à fait clair, l'insecte n'est donc plus sur le

28 corps, mais dans le sol à partir d'un certain moment ?

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1 R. Tout à fait. Il a besoin d'être à l'abri de la lumière et des

2 prédateurs.

3 Q. Pour effectuer une expertise en matière entomologique, il faut donc

4 disposer soit de prélèvements d'insectes sur le corps, quand il y en a,

5 et/ou dans le sol ?

6 R. Tout à fait.

7 Q. Pouvez-vous préciser comment se font les prélèvements dans le sol ?

8 R. Le prélèvement dans le sol est relativement simple. Il suffit de faire

9 le carottage de sol d'une profondeur de 5 à

10 10 centimètres de profondeur dans un rayon de 11 à 2 mètres autour du corps

11 et sous le corps, et l'ensemble de cette terre prélevée est mise dans un

12 même contenant, et ensuite, envoyée au département, par exemple, pour tri

13 et mise en élevage des insectes.

14 Q. Je vous remercie. Et faute de prélèvements effectués dans le sol, est-

15 il possible d'exclure qu'un corps n'a pas été colonisé sur les lieux où il

16 a été trouvé ?

17 R. On ne peut pas exclure complètement l'absence d'un passage d'insectes

18 nécrophages sur un corps en l'absence de prélèvements de sol.

19 Q. Pour prendre un exemple concret, si je me réfère au corps R-3, page 18

20 du rapport du Dr Lecomte - qui est donc toujours la pièce numéro 65 ter

21 1986, second rapport du Dr Lecomte, page 18 en français et page 15 en

22 anglais - sur ce corps R-3, il est indiqué : "Absence de mouches, de larves

23 de diptères décrites, pas de colonisation du corps par les vers, pas de

24 dessèchement des vêtements." L'ensemble évoque un très court séjour sur les

25 lieux.

26 Ma question est la suivante, est-il fondé d'un point de vue entomologique

27 et compte tenu de ce que vous nous avez indiqué, de faire intervenir le

28 critère de l'absence de mouches et de larves de diptères décrites pour

Page 8598

1 parvenir à la conclusion qui est celle du Dr Lecomte concernant le corps R-

2 3 ?

3 R. Absolument pas. On ne peut pas à partir d'une absence de larves sur un

4 corps, en déduire un temps réduit de présence d'un corps sur les lieux.

5 Q. Et donc parce qu'il pourrait y avoir des pupes dans le

6 sol ?

7 R. Tout à fait, il peut y avoir des pupes dans le sol et, par ailleurs, en

8 l'absence de la connaissance des conditions climatiques, et notamment de la

9 température, on ne veut pas faire une quelconque estimation d'un temps de

10 présence des insectes sur un corps.

11 Q. C'est le propos que je veux aborder tout de suite, qui concerne le

12 développement des larves maintenant, d'après les conditions de leur

13 prélèvement et les conséquences de l'absence de prélèvement.

14 Mon quatrième point de cette seconde grande partie concerne le

15 développement des larves. Vous avez indiqué qu'il y avait grosso modo plus

16 d'une vingtaine, enfin entre 20 et 30, je crois que c'est 25 sortes de

17 diptères que vous rencontrez régulièrement. Maintenant, la question est la

18 suivante : est-ce que les insectes nécrophages sont les mêmes dans tous les

19 pays ?

20 R. Les insectes nécrophages sur lesquels nous travaillons en France sont

21 exactement les mêmes que nous allons rencontrer dans l'Europe continentale,

22 c'est-à-dire de la France jusqu'à la Russie.

23 Q. Entendu. Est-ce qu'en fonction des terrains montagneux, terrains

24 humides, il peut y avoir des espèces d'insectes qui vont être plus

25 présentes que dans des terrains secs ou non montagneux, par exemple, et

26 qu'on retrouverait donc sur les corps de manière différente ?

27 R. Ce n'est pas une question de terrain. C'est une question de température

28 et de conditions climatiques. Il n'y a pas de différence dans la

Page 8599

1 répartition des espèces en fonction d'un terrain ou d'un autre, mais c'est

2 une différence dans l'intervention des insectes sur un corps en fonction

3 des conditions climatiques.

4 Q. Est-ce que vous pouvez être un peu plus détaillé sur l'effet des

5 conditions climatiques sur le développement des

6 insectes ?

7 R. Les insectes sont des animaux à sang froid, ce qui signifie que leur

8 développement est étroitement lié aux températures environnantes. Par

9 ailleurs, chaque espèce d'insecte a un seuil thermique, c'est-à-dire qu'il

10 a une température en dessous de laquelle il ne vieillit pas, il ne se

11 développe pas. Cette température seuil est propre à chacune des espèces.

12 Certaines espèces ont un seuil à 3 degrés. D'autres ont un seuil à 10

13 degrés, ce qui signifie que lorsque les conditions environnementales sont

14 supérieures à 3 degrés, la première espèce va avoir une activité et la

15 seconde espèce n'aura pas d'activité.

16 Q. Entendu. Et c'est la raison pour laquelle il est bien important

17 d'identifier l'espèce présente sur un corps.

18 R. Tout à fait. C'est la condition pour pouvoir réaliser une analyse

19 entomologique.

20 Q. Est-ce qu'il y a d'autres facteurs en dehors de la température qui

21 peuvent affecter le rythme de développement, les conditions de

22 développement d'une espèce, et donc, à terme, l'appréciation que vous

23 pouvez avoir en termes de durée et de datation de la mort ?

24 R. Les autre critères climatiques qui interviennent pour l'activité des

25 insectes sont plus liés à l'activité des adultes des insectes, et non pas

26 des insectes immatures, c'est-à-dire que par exemple, le vent, un trop fort

27 vent va réduire les chances ou va augmenter le délai d'arrivée des insectes

28 sur un corps. C'est le cas aussi lorsque la pluviométrie est importante. Il

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1 ne pleut -- lorsque la pluviométrie est élevée, les insectes adultes n'ont

2 pas d'activité de vol.

3 Q. Cela affecte plus concrètement la pondaison.

4 R. Tout à fait. Ça affecte la capacité de l'insecte à détecter les odeurs

5 qui se dégagent du corps et à venir pondre sur ce corps.

6 Q. Je vous remercie, Monsieur Dourel. Est-ce que vous pouvez aller à la

7 page 9 de votre rapport en français ? Vous l'avez devant vous. C'est la

8 pièce 65 ter 1985, page 10 dans la version anglaise. On peut le mettre,

9 l'ajouter dans Sanction, en version anglaise. Est-ce que vous pourriez

10 commenter ce tableau que vous avez fait ?

11 R. Ce tableau a été réalisé à partir d'une publication qui est référencée

12 en point 9. Ce sont des travaux scientifiques qui ont été menés sur ces

13 deux espèces qui sont très communes. Ce tableau montre que l'insecte soumis

14 à des températures différentes va avoir une vitesse de développement qui

15 est sensiblement différente. Une espèce comme calliphora vomitoria, qui est

16 la mouche bleue la plus classique, si on la place à une température

17 ambiante de 12,5 degrés, elle mettra près de 19 jours pour réaliser son

18 cycle de développement complet, c'est-à-dire de l'œuf jusqu'à l'adulte.

19 L'œuf, les trois stades larvaires, la phase de pupésat, c'est-à-dire la

20 métamorphose, et ensuite l'émergence adulte. Placé à 23 degrés, cette

21 espèce mutera huit jours.

22 Le schéma est identique pour la deuxième espèce, protophormia terranovae,

23 qui est une espèce très répandue. A 12,5 degrés, elle mettra 50 jours pour

24 réaliser l'ensemble de son cycle, et à 23 degrés elle mettra plus que

25 pratiquement cinq jours. Tout dépend en fait de leur seuil de

26 développement, ce seuil thermique dont j'ai parlé tout à l'heure.

27 Q. Je vous remercie. Lorsque vous parlez du cycle, c'est jusqu'à la phase

28 de pupation, c'est-à-dire le moment où la larve va dans le sol, ou -- est-

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1 ce que vous pouvez préciser cela ? Quel est le --

2 R. Non, c'est l'ensemble du cycle, c'est-à-dire à partir du moment où

3 l'œuf a été pondu jusqu'à l'émergence de l'adulte de la pupe. C'est-à-dire

4 l'œuf, les trois stades larvaires, la pupe et l'émergence de l'adulte.

5 Q. Entendu. Autre question. A supposer qu'on sache de façon absolument

6 certaine, à 100 %, l'espèce présente sur un cadavre, et si on ne dispose

7 pas de coupe de température, de relevé quelconque à cet égard, est-il

8 possible de tirer des conclusions sur le temps qu'il a fallu pour qu'une

9 larve se développe ?

10 R. Il n'est possible de tirer des hypothèses qu'à partir de températures

11 constantes, c'est-à-dire, déduire un temps de développement à partir de

12 l'hypothèse d'une température constante de 20 degrés, par exemple, ou de 16

13 degrés, ou de 24 degrés. Ensuite, on obtiendrait un écart relativement

14 important entre chaque développement soumis à ces différentes températures.

15 Q. Donc il y a une hypothèse de départ faite et de là on extrapole ?

16 R. Voilà, tout à fait.

17 Q. Entendu. Je prends le cas du corps R-4 dans le rapport du Dr Lecomte,

18 toujours la pièce 65 ter 1986. Et il est indiqué en prenant --

19 M. LE JUGE ORIE : Quelle page, Monsieur Dutertre ?

20 M. DUTERTRE : Oui, Monsieur le Président, je vous la donne tout de suite.

21 Je vais devoir la compter. Un instant --

22 C'est la page 20. ERN U0166616.

23 M. LE JUGE ORIE : C'est la page -- oui, R-4.

24 M. DUTERTRE : R-4.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup.

26 M. DUTERTRE : Je vous en prie, Monsieur le Président.

27 Q. Il est indiqué, en prenant considération le contexte de découverte et

28 l'environnement, vêtements avec larves de diptères, vêtements et corps non

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1 colonisés par l'herbe, pas de dessèchement du corps. Je répète : vêtements

2 avec larves de diptères, vêtements et corps non colonisés par l'herbe, pas

3 de dessèchement du corps, l'ensemble évoque un très court séjour sur les

4 lieux.

5 Est-ce que d'un point de vue entomologique, on peut faire intervenir la --

6 est-ce que d'un point de vue entomologique, on peut faire intervenir la

7 présence de larves sur les vêtements, sans autre information

8 complémentaire, d'ordre de la température, comme élément permettant de

9 parvenir à cette conclusion ?

10 R. Non, les deux éléments pour réaliser une première estimation sont

11 l'identification des espèces et les conditions de température qui régnaient

12 avant la découverte du corps.

13 Q. Je vous remercie. Je passe maintenant plus précisément à votre examen

14 des conclusions du rapport de Mme Lecomte. Je vais m'intéresser tout

15 d'abord aux corps du canal. C'est la pièce 65 ter 1985, en anglais pages 8

16 et 9. Et vous commentez le passage du rapport de Mme Lecomte dans lequel

17 elle indique, s'agissant des corps du canal, que rien ne permet d'éliminer

18 que les corps très altérés en l'état de squelette -- que les corps très

19 altérés en l'état de squelette, sans larves de diptères, n'aient été

20 rapportés secondairement dans le canal. Concernant ces corps, vous faites

21 une distinction de manière générale - une distinction théorique - vous

22 faites une distinction entre les corps immergés et émergés. La question est

23 la suivante : doit-on comprendre que d'un point de vue entomologique,

24 scientifique, il faudrait distinguer d'abord les corps émergés des corps

25 immergés avant de tirer toute conclusion ?

26 R. Au niveau de l'entomologie légale, tout à fait. L'entomologie légale,

27 comme on l'entend, concerne des insectes aériens, donc qui n'interviennent

28 que sur des substrats aériens. Un corps immergé, et donc sous l'eau, l'eau

Page 8603

1 joue le rôle de barrière pour à la diffusion des odeurs, elle joue aussi le

2 rôle de barrière pour l'arrivée des insectes sur ce corps. L'entomologie

3 légale traditionnelle ne permet que de dater la phase émergée d'un corps et

4 non immergée.

5 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer en quoi la phase émergée est différente

6 ? Qu'est-ce qui peut se passer éventuellement en phase émergée ?

7 R. Lorsque le corps remonte à la surface, et lorsqu'il y reste, il va

8 diffuser des odeurs. Ces odeurs vont attirer des insectes et ces insectes

9 vont pouvoir venir pondre sur ce corps. Dans l'hypothèse où, bien sûr, le

10 corps ne revient pas -- ne redescend pas en profondeur. Ces insectes vont

11 se développer sur le corps, du moins pour leur phase larvaire, leur phase

12 immature. Ensuite pour la phase de métamorphose qui doit se dérouler à

13 l'abri de la lumière et des prédateurs, lorsqu'il est migration de ces

14 larves du corps vers le milieu environnant, les larves vont disparaître et

15 vont se noyer dans le liquide.

16 Q. Dans l'hypothèse où on ne sait pas exactement si des corps étaient

17 immergés, puis émergés, compte tenu de l'absence d'information et

18 documentation précise; est-il possible de tirer une quelconque conclusion

19 d'ordre entomologique ?

20 R. Non, pas du tout.

21 Q. Entendu. Est-ce que sur les corps immergés - cela dépasse peut-être

22 votre domaine de compétence, mais c'est assez connexe et je ne pense pas

23 que la Défense émette d'objection, enfin, c'est -- est-ce que vous savez si

24 sous les corps immergés, donc dans l'eau, il y a des colonisations par des

25 espèces aquatiques ?

26 R. Tout à fait. Dans l'eau, il y a une colonisation des espèces,

27 colonisation du corps, mais en fait ce ne sont pas que des insectes, il y a

28 aussi des gastéropodes, il y a aussi des crustacées, c'est toute une faune

Page 8604

1 aquatique qui vient, non pas se nourrir du corps, mais qui vient se nourrir

2 du film biologique, du film végétal qui vient se déposer sur le corps. Donc

3 ces insectes on va les rencontrer -- pas ces insectes, ces arthropodes au

4 sens large on va les prélever essentiellement au niveau des vêtements.

5 Q. Est-ce qu'il y a également des -- enfin, vous parlez d'arthropodes, je

6 pense à des animaux. Est-ce qu'il y a des végétaux également, des algues,

7 qui se développeraient sur des corps

8 immergés ?

9 R. Je ne peux pas vous répondre. Là, ça dépasse ma compétence.

10 Q. Entendu, je le comprends parfaitement. En l'absence donc de

11 prélèvements aux corps et de documentation, il serait difficile de tirer

12 des conclusions pour un spécialiste de la faune aquatique ?

13 R. Tout à fait.

14 Q. Donc, si on a un corps immergé et qu'on n'a pas de matériel prélevé,

15 pas d'information qui confirme ou infirme une colonisation par des espèces

16 aquatiques, y a-t-il des raisons particulières de penser qu'un tel corps

17 immergé a été ramené secondairement ?

18 R. Ça me semble difficile.

19 Q. Entendu. Je viens aux corps qui sont en dehors du canal et c'est dans

20 votre rapport, toujours pièce 65 ter 1985, en anglais

21 page 9, vous commentez --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nos pages en anglais ne sont pas

23 numérotées. Est-ce que vous pourriez nous mentionner le paragraphe peut-

24 être ?

25 M. DUTERTRE : C'est le paragraphe qui commence "Outside the canal. Chapter

26 3, paragraph C." En fait, il y a deux paragraphes qui commencent comme ça,

27 mais c'est celui qui est vers le haut de la page avec une cotation du

28 rapport de Mme Lecomte "without dipterous larvae, although they were found

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1 on the surface of the ground in open air".

2 M. LE JUGE ORIE : Vous pouvez continuer.

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Il y a

4 une chose qui n'est pas claire. Cette dernière série de questions qui

5 s'appuyaient sur une hypothèse d'un corps totalement immergé ? Est-ce que

6 M. Dutertre parlait des corps dans le canal. Je ne sais pas si c'étaient

7 des corps totalement immergés ou partiellement émergés ou s'il fait une

8 distinction entre ces deux éléments. Ce serait peut-être utile de le

9 savoir. En effet, il y a peut-être une supposition, un postulat où l'on

10 parlerait d'une pleine immersion, mais je me trompe peut-être.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre.

12 M. DUTERTRE : Oui, c'était bien le point de mes questions. C'est de savoir

13 s'il faut faire une différence immergé et émergé. Mais pour répondre au

14 point de Me Smith, par émerger, j'entendais un corps flottant dont une

15 partie du corps au moins apparaît à l'air. Peut-être que je peux demander

16 au témoin si c'est bien comme ça qu'il avait compris la question. Vous

17 voulez réagir ?

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais j'ai compris.

19 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

20 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Donc on s'intéresse aux corps en dehors du canal et qui, dans ce

22 paragraphe de Mme Lecomte, sont évoqués comme sans larves de diptères alors

23 qu'ils sont trouvés en surface du sol à l'air libre. Dans votre rapport,

24 Monsieur Dourel, vous évoquez un certain nombre d'hypothèses qui expliquent

25 l'absence éventuelle de larves de diptères. Nous en avons déjà abordé

26 certaines comme la pupéson qui est la migration de la larve dans le sol. Je

27 n'y reviens donc pas. Mais votre troisième explication a trait à l'absence

28 d'attractivité du corps, qui expliquerait donc l'absence de larves de

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1 diptères.

2 Est-ce que vous pouvez dire ce que vous entendez par un corps qui n'est pas

3 plus attractif, qu'est-ce que cette notion d'attractivité ?

4 R. Un corps qui n'est plus attractif, c'est un corps qui ne dégage plus

5 d'odeurs spécifiques qui sont liées, en décomposition pour attirer les

6 insectes. Un corps sans tissu mou, donc un squelette ne va pas attirer de

7 diptères. Un corps momifié n'attirera pas de diptères; attirera peut-être

8 des coléoptères mais pas de diptères.

9 Q. Est-ce qu'il est exact de dire qu'un corps squelettonisé [phon] est un

10 corps qui n'est plus attractif ou est-ce que ça dépend d'autres facteurs ?

11 R. A partir du moment où il n'y a plus de tissu mou sur le corps, les

12 insectes n'ont pas besoin d'intervenir, puisque les insectes sont des

13 nécrophages, donc se nourrissent de tissus morts.

14 Q. Entendu. Et pour être tout à fait clair, un corps qui n'est plus

15 attractif peut être un corps qui a fait l'objet d'une colonisation

16 antérieure sur le même site ?

17 R. Tout à fait.

18 Q. Et donc, là encore des prélèvements sont indispensables pour se faire

19 une opinion ?

20 R. Tout à fait.

21 Q. Entendu. L'un des autres points que vous évoquez --

22 M. LE JUGE ORIE : Monsieur Dutertre, est-ce que vous voulez ralentir un

23 petit peu.

24 M. DUTERTRE :

25 Q. L'un des autres points que vous évoquez pour expliquer l'absence ou la

26 présence de larves sont les transports. Mais si je comprends bien - vous me

27 direz si j'ai mal saisi votre rapport - normalement, si un corps a des

28 larves et qu'on le transporte, on le transporte avec les mêmes larves ?

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1 R. Dans l'hypothèse où il y aurait une colonisation du corps par les

2 larves, avec une quantité de larves significative, un transport ponctuel

3 d'un corps ne va pas faire disparaître les larves.

4 Q. Merci.

5 R. S'il n'y a pas de larves du tout sur un corps, comme explication y a-t-

6 il une raison de privilégier l'hypothèse d'un transport plutôt que celle de

7 la perte d'attractivité du corps en question ?

8 R. Non, il n'y a pas forcément - à partir de l'absence d'insectes sur un

9 corps, on ne peut pas déterminer s'il y a eu manipulation de corps ou pas.

10 La seule façon d'évoquer une manipulation de corps, c'est de retrouver, par

11 exemple, sur un corps enterré, des pupes dans le sol, après carottage.

12 Q. Entendu. Compte tenu de ce que vous avez indiqué au début de votre

13 audition concernant la présence d'une faune nécrophage sur des corps

14 enfouis - en tout cas, la possibilité qu'une faune nécrophage se développe,

15 y a-t-il, d'un point de vue entomologique, des raisons particulières de

16 faire un lien entre l'absence de larves et l'idée d'enfouissement antérieur

17 ?

18 R. L'enfouissement d'un corps ne constitue en rien enfin à l'arrivée des

19 insectes sur ce corps. Cela va dépendre de la nature de l'enfouissement,

20 c'est-à-dire est-ce que le corps est emballé ? Est-ce qu'il est dans un

21 contenant hermétique ? Cela va dépendre de la profondeur de l'enfouissement

22 ? Cela va dépendre aussi de l'état d'altération du corps. Mais le fait

23 d'enterrer un corps n'arrête pas l'arrivée des insectes. Ça la retarde,

24 mais ça ne l'arrête pas. Par contre, ce retard est difficilement

25 quantifiable.

26 Q. Donc si un corps enfoui a des larves sur lui et qu'on le transporte,

27 est-ce que normalement on devrait y retrouver des larves à l'arrivée ?

28 R. C'est difficile à dire. Cela va dépendre de la manipulation du corps.

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1 Si la quantité de larves est significative pour une manipulation, si le

2 corps a été enterré à faible profondeur, on retrouvera toujours des larves

3 -- il y a de grandes chances pour que l'on retrouve des larves, pardon, ne

4 serait-ce qu'emprisonnées les vêtements ou sous les vêtements.

5 Q. Entendu. Et donc, le lien entre l'absence de larves et l'idée d'un

6 enfouissement est inexact, erroné, vrai, faux ?

7 R. Il est inexact.

8 Q. Entendu. J'ai encore quelques questions, et ça sera assez rapide. Je

9 souhaite comparer deux cas, le cas du corps R-1 dans le second rapport de

10 Mme Lecomte, et c'est la page 14, dans sa version française, et le corps R-

11 9, qui est à la page 30, qui est à la

12 page 30 dans la version française toujours.

13 Et je cite s'agissant du corps R-1, il est indiqué : "En prenant en

14 considération le contexte de découverte et l'environnement," premier

15 alinéa, "présence de larves de diptères sur les vêtements, présence de

16 larves de diptères sur les vêtements et au niveau de la boîte crânienne,

17 pas de liaison de prédateurs décrite. Deuxième alinéa : "Pas de

18 colonisation du corps ou du proche -- ou du proche environnement par

19 l'herbe. Pas de colonisation du corps ou du proche environnement par

20 l'herbe. L'ensemble évoque un très court séjour sur les lieux."

21 Je vois que le transcript comporte deux fois la même phrase que

22 j'avais répéter qu'à des fins didactiques sur l'herbe.

23 Je passe maintenant au corps R-9, qui se lit ainsi : "En prenant en

24 considération le contexte découverte et l'environnement, pas de larves de

25 diptères, pas de mouches décrites, pas d'herbe envahissante colonisante

26 décrite. L'ensemble des évoque un très court séjour sur les lieux."

27 Dans les deux cas, R-1 et R-9 il n'y a pas d'herbe décrite, et la

28 différence entre les deux corps semble l'absence de larves de diptères pour

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1 R-9, et la présence de diptères pour R-1.

2 D'un point de vue - et voilà ma question, Monsieur Dourel, d'un point

3 de vue entomologique, dans la mesure où la différence apparente pour ces

4 deux corps est la présence ou l'absence de larves de diptères, avez-vous

5 une explication, d'un point de vue entomologique, qui explique pourquoi la

6 conclusion est finalement la même et se lit ainsi, l'ensemble évoque un

7 très court séjour sur les lieux ?

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, c'est

10 une question qui doit être posée à M. Lecomte [comme interprété], au Pr

11 Lecomte, parce qu'une explication, c'est peut-être qu'elle a pensé que la

12 question entomologique n'était pas décisive ici. Le facteur entomologique

13 n'était pas décisif.

14 M. DUTERTRE : -- posé à mon confrère, parce qu'elle cite expressément le

15 critère entomologique comme étant un critère qu'elle rencontre. Et il me

16 semble donc que la question est bien fondée à être posée au témoin, M.

17 Dourel.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous pouvez poser la

19 question au témoin. D'abord, comme je l'ai dit précédemment, c'est une

20 question qui devrait être posée à Mme Lecomte. Bien entendu, il y a un

21 petit problème, donc il faudrait lui demander son explication, c'est-à-dire

22 que s'agissant de la deuxième question, elle commence par faire une

23 déclaration d'ordre assez général. Je vais la lire en français :

24 [en français] "Le contexte des découvertes et l'environnement" --

25 [interprétation] et ensuite on met deux points, deux tirets. Est-ce que ces

26 tirets constituent une explication de sa déclaration d'ordre général

27 qu'elle a faite ? Est-ce qu'il s'agit d'un point sur lequel elle s'est

28 concentrée à ce moment-là ou est-ce qu'il s'agit de quelque chose en

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1 supplément qui -- un élément supplémentaire qui s'ajoute au contexte

2 qu'elle décrit, alors l'environnement, au milieu. Il faudrait lui poser la

3 question. Mais parallèlement, nous pouvons quand même demander à ce témoin

4 s'il a une explication à nous fournir. Posez-lui la question. S'il a une

5 explication, nous allons l'entendre. S'il n'a pas d'explication, il peut

6 nous le dire également. Mais en tout cas, cela ne saurait remplacer une

7 explication qui nous serait donnée par Mme Lecomte elle-même.

8 M. DUTERTRE : [hors micro]

9 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

10 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith ?

12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que la manière dont la question

13 est posée pose problème. C'est une question très hypothétique et on part du

14 principe que tout le reste est identique entre les deux corps. Tous les

15 autres facteurs sont identiques. C'est la raison, c'est l'hypothèse dont

16 parle M. Dutertre. Il dit que la seule différence est une différence

17 d'ordre entomologique. Alors je pense qu'il reformule sa question, parce

18 qu'il n'a pas pris en considération des facteurs que notre témoin n'a peut-

19 être pas, lui, pris en considération.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. J'imagine que

21 M. Dourel a utilisé la totalité du rapport et pas uniquement les

22 paragraphes qui portent sur ces questions-là. Parce qu'il est un petit peu

23 difficile, sinon d'imaginer qu'on lise un rapport en lisant uniquement les

24 paragraphes qui ont trait aux questions d'ordre entomologique. Je crois que

25 sur la base des observations qui ont été faites, M. Dourel sait

26 pertinemment que les corps, les similitudes, et cetera, l'interprétation du

27 rapport de Mme Lecomte peut poser problème. Il a peut-être quelques

28 explications à nous donner. C'est possible.

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1 Monsieur Dutertre, il serait peut-être bon que vous attiriez

2 l'attention de M. Dourel sur le fait que votre question, même si elle est

3 posée de manière fort clair, fort simple, est une question complexe. Peut-

4 être faudrait-il répéter la question pour voir quelle est la réponse que

5 peut y apporter M. Dourel.

6 M. DUTERTRE : Oui, les choses sont complexes et j'essaie de reformuler,

7 Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur Dourel, les deux passages lus du corps R-1 et R-9 mentionnent

9 sous réserve des explications qui nous seront données par Mme Lecomte elle-

10 même, semblent mentionner comme élément important à la fois la présence et

11 l'absence de larves de diptères, la colonisation par l'herbe ou l'absence

12 de colonisation par l'herbe. Dans les deux cas R-1 et R-9, il y a un

13 élément commun qui est qu'il n'y a pas d'herbe envahissante. Reste donc,

14 tel qu'on le lit, la référence à l'absence ou la présence de larves de

15 diptères sur ces corps R-1 et R-9. D'un point de vue entomologique, est-ce

16 que vous avez une explication qui permet d'éclairer le fait que sur cette

17 seule différence apparente présence de larves de diptères, on parvienne à

18 la même conclusion, c'est-à-dire un séjour court sur les lieux ?

19 R. La simple constatation --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, pour que l'expert

21 puisse répondre à cette question, il ne faut pas se limiter à cette seule

22 différence, par exemple, R-9 est arrivé à l'état squelette, alors qu'il

23 n'en est pas de même pour R-1. Je pense qu'il est juste de dire à notre

24 expert qu'il y a d'autres éléments qui sont différents entre ces deux

25 corps. Il est peut-être bien ainsi de demander au témoin s'il est de sa

26 compétence, s'il est à même de comparer tous ces éléments, des éléments qui

27 ne relèvent pas directement de sa spécialité. Peut-il faire cela ? Peut-il,

28 de cette manière, se prononcer sur des conclusions qui sont différentes,

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1 mais qui semblent différenciées en un point.

2 Maître Emmerson.

3 M. EMMERSON : [interprétation] C'est peut-être une question de traduction,

4 mais si la question à laquelle M. Dutertre veut avoir une réponse est la

5 suivante : est-ce qu'on peut, du point de vue entomologique, avoir deux

6 corps qui ont été déplacés récemment, avec un n'ayant aucune larve et

7 l'autre des larves ? A ce moment-là, peut-être le témoin peut-il se

8 prononcer de manière assez simple. Je ne sais pas si c'est ce que M.

9 Dutertre voulait en venir.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas clair non plus pour moi. On

11 va laisser M. Dutertre poser sa question. Bien entendu, Maître Emmerson,

12 vous voulez poser cette question lors du contre-interrogatoire, vous

13 pourrez tout à fait le faire.

14 Monsieur Dutertre, essayez de poser votre question en tenant tout à fait

15 compte de la simplicité de ces questions et non pas en simplifiant.

16 M. DUTERTRE : Monsieur le Président.

17 Q. Monsieur Dourel, vous avez lu le rapport sur R-1 et le rapport sur le

18 corps R-9. Je me demande si cela paraît à l'écran devant vous ou pas, au

19 moins l'un des deux rapports. En tout cas, vous en avez la version papier à

20 votre disposition. Les corps R-1 et R-9 présentent un certain nombre de

21 différences. Il est indiqué que le corps R-1 est découvert en surface, à

22 l'air libre, qu'une partie de squelette est mis à nu dans des vêtements

23 imprégnés d'un liquide de décomposition de larves de diptère et que le

24 corps R-9, découvert sous le sol, en terre, est squelettonisé avec

25 ossements visibles dans des vêtements souillés imprégnés de matières

26 putrides.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, je vais indiquer une

28 autre voie, si on veut, une autre solution envisageable. Bien entendu,

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1 j'hésite à demander à M. Dourel à travailler pendant sa pause, mais ce

2 qu'on pourrait lui demander c'est de comparer les conclusions pour R-1 et

3 pour R-9, ensuite en tenant compte, bien entendu, de sa spécialité à lui,

4 lui demander s'il voit des discordances ici, une incohérence dans les

5 conclusions qui sont indiquées ici. Il est fort possible, enfin, bien

6 entendu, il y a plusieurs sujets qui sont abordés, cela c'est vrai, mais il

7 y également des éléments d'ordre général qui sont indiqués comme, par

8 exemple, l'autopsie, et cetera. Ensuite, on pourra demander à M. Dourel

9 s'il a des observations à faire. Vu la question que vous avez posée

10 précédemment, il semble assez clair que selon vous ou ce que vous suggérez

11 c'est qu'il y a une incohérence, et on va demander à M. Dourel après la

12 pause s'il est d'accord avec vous.

13 Monsieur Dourel --

14 M. DUTERTRE : [hors micro]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez d'autres questions

16 à poser ? Vous nous avez dit que vous aviez encore quelques questions à

17 poser précédemment.

18 M. DUTERTRE : -- Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous pourriez peut-être les poser

20 maintenant, ensuite on fera la pause.

21 M. DUTERTRE :

22 Q. Monsieur Dourel, est-ce que vous savez quel est l'effet d'un corps en

23 décomposition sur l'environnement proche ? Est-ce que cela favorise, est-ce

24 que cela nuit, est-ce que c'est indifférent à la poussée de l'herbe, si

25 c'est toutefois un domaine que vous connaissez ? Ce n'est pas exactement

26 votre spécialité, mais vous pourriez, par connexité, avoir quelques

27 éclaircissements sur la question.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, Maître Guy-Smith ?

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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que nous nous levons pour la même

2 raison.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne vois aucun élément dans les éléments

4 qui nous ont été fournis au sujet de ce témoin nous indiquant qu'il s'agit

5 de son domaine de spécialité.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous pouvons poser la question au

7 témoin.

8 Est-ce que Monsieur le Témoin, vous avez des connaissances de

9 spécialiste, d'expert au sujet de la croissance de l'herbe, de l'influence

10 que peut avoir la décomposition d'un corps sur l'environnement qui

11 pourrait, par exemple, avoir un impact sur la croissance de l'herbe sur la

12 poussée de l'herbe ? Si vous avez des connaissances d'expert, de

13 spécialiste à ce sujet, pouvez-vous nous expliquer comment il se fait que

14 vous ayez ces connaissances-là ?

15 LE TÉMOIN : Monsieur le Président, il m'est difficile de répondre à cette

16 question étant donné que je suis hors de mon domaine de compétence.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, Monsieur Dutertre,

18 je vous demande de passer à votre deuxième question.

19 M. DUTERTRE :

20 Q. Monsieur Dourel, est-ce qu'il aurait été avisé avant de prendre en

21 compte des éléments -- avant d'avoir eu une approche entomologique pour se

22 prononcer sur la durée de présence d'un corps sur un lieu et sur des

23 manipulations éventuelles ? Est-ce qu'il aurait été avisé de faire une

24 expérience in situ avec des cadavres d'animaux placés dans les mêmes

25 conditions, à la même époque de l'année, si possible avec les mêmes

26 conditions météorologiques ou

27 non ?

28 R. Il existe déjà des publications scientifiques sur l'enfouissement des

Page 8616

1 corps et ses conséquences sur l'arrivée des insectes nécrophages. Par

2 ailleurs, on peut toujours mener une expérimentation en parallèle pour

3 essayer de reproduire les conditions initiales, mais les conditions

4 climatologiques ne sont jamais les mêmes, les vitesses de décomposition des

5 corps qui dépendent aussi des conditions climatiques peuvent être

6 différentes des conditions initiales donc, une expérimentation en parallèle

7 permettrait d'avoir une idée mais certainement pas d'apporter des

8 affirmations.

9 Q. Entendu. J'ai été un peu vite en disant deux questions. C'est ma

10 conclusion. Est-ce que finalement, les éléments d'ordre entomologique que

11 vous voyez présents à travers le rapport du

12 Dr Lecomte permettent ou non finalement d'avoir une véritable expertise en

13 matière entomologique dans cette affaire ?

14 R. La condition pour réaliser une expertise en entomologie c'est avoir

15 collecte d'insectes et donc avoir réalisé des prélèvements. Sans

16 prélèvement, il n'y a pas d'identification, donc il n'est pas possible

17 d'apporter une quelconque conclusion à partir d'une simple constatation sur

18 la présence ou absence de larves de diptères.

19 Q. Je vous remercie, Monsieur Dourel.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant la pause, j'ai encore une question

21 au sujet de l'avant-dernière question qui vous a été posée par M. Dutertre.

22 Je parle de votre expérience. Est-ce que vous avez l'expérience de la mise

23 en place d'un projet de recherche sur une scène de crime pour arriver à

24 bien comprendre ce qui se trouvait sur un lieu de crime ? Je suis en train

25 de parler à l'expérimentation qu'a évoquée M. Dutertre. Est-ce que c'est la

26 pratique ? Est-ce que cela existe ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe des expérimentations pour essayer de

28 recréer les conditions suite à une découverte de cadavre, mais cela ne peut

Page 8617

1 être considéré comme des hypothèses et non pas comme des conclusions

2 affirmatives.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci d'avoir apporté cette réponse. Je

4 peux vous demander de faire cette comparaison, Monsieur le Témoin, entre

5 les corps R-1 et R-9 pour voir si, selon votre compétence, vous relever des

6 incohérences ou des contradictions ou si vous avez des commentaires

7 particuliers à faire. Vous comprendrez, bien sûr, que M. Dutertre pense à

8 certains éléments précis, donc ne les oubliez pas lorsque vous allez

9 procéder à cette comparaison.

10 Nous allons faire une pause et nous reprendrons à 6 heures 05.

11 --- L'audience est suspendue à 17 heures 45.

12 --- L'audience est reprise à 18 heures 11.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dourel, je voudrais vous prier

14 de nous parler maintenant des devoirs que vous avez faits dans

15 l'intervalle, et encore une fois je vous présente nos excuses pour ne pas

16 vous avoir permis de vraiment vous reposer pendant la suspension de

17 l'audience.

18 LE TÉMOIN : Monsieur le Président, si vous me le permettez, je vais

19 articuler mon propos en deux remarques. La première est liée à la

20 différence de décomposition des deux corps.

21 Le corps R-1 est en état de décomposition de putréfaction avancée, mais il

22 y a une persistance de tissus mous. Le corps R-9 est en état de

23 squelettisation avec une présence relativement faible de tissus mous. Donc

24 pour le corps R-1, qu'il y ait une présence de larves de diptères visibles,

25 c'est tout à fait normal. Pour le corps R-9, qu'il y ait une absence de

26 larves visibles est tout à fait normal aussi.

27 Cependant, comme je l'ai dit en tout début, les insectes arrivent en phases

28 successives sur un corps en fonction de son état de décomposition, et

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1 notamment en fonction de la ressource nutritive disponible. Plus on avance

2 dans la décomposition du corps, moins il y a de ressources nutritives et

3 donc plus les diptères qui interviennent sur son corps sont de petite

4 taille. Donc ici, l'absence pour le corps R-9 de larves visibles ne veut

5 pas dire qu'il n'y a pas de larves de diptères. Il peut y avoir des larves

6 de diptères qui sont de très petite taille et qui appartiennent, en fait, à

7 la famille des calliphoridae, qui est une famille réputée pour intervenir

8 sur des corps en dernière phrase de décomposition, et qui sont de très,

9 très petite taille. D'accord.

10 Deuxième remarque. Dans l'hypothèse où les deux corps sont soumis aux

11 mêmes conditions climatiques et aux mêmes conditions environnementales, il

12 n'est pas possible d'expliquer la différence notée ici entre le corps R-1

13 et R-9 au niveau entomologique. Cela voudrait dire en effet que pour des

14 corps qui ont été soumis exactement aux mêmes conditions climatiques et

15 environnementales, et dans l'hypothèse d'une arrivée d'insectes peu de

16 temps après la mort, que ces insectes évoluaient de façon différente, et

17 ceci n'est pas possible, puisque ces insectes sont liés à la température et

18 aux conditions environnementales. Voilà, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de ces observations. Je

20 voudrais vous poser une question à ce sujet. Vous avez dit que parfois on

21 ne voit pas de larves, on ne voit plus de larves. Je vais essayer de

22 retrouver cela.

23 Cette partie dans votre rapport, vous écrivez ceci : "L'absence de

24 larves sur un corps en décomposition dans un environnement à l'air peut

25 avoir plusieurs causes. Le stade larvaire correspond au stade actif des

26 diptères qui existent au cours d'une période définie. Après que ce stade

27 soit achevé, les larves commencent leur métamorphose dans la phase de

28 pupation en dehors du nouveau substrat nutritionnel. L'effet de ceci, c'est

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1 la présence de pupes essentiellement dans le sol. L'absence de larves

2 visibles n'exclut pas par conséquent une colonisation antérieure d'insectes

3 nécrophages.

4 Si ces larves ont quitté le corps et si on trouvait la présence de

5 pupes dans le sol, pourriez-vous nous dire - vous nous avez parlé de vagues

6 successives. Est-ce qu'il n'y aurait pas une vague suivant dans laquelle on

7 pourrait encore trouver des larves, peut-être pas la même vague, mais peut-

8 être de la vague suivante ?

9 J'essaie de comprendre comment ce développement pourrait avoir pour

10 résultat une absence totale de larves, ou tout au moins de larves visibles

11 sur le corps. Vous serait-il possible de nous expliquer cela ?

12 LE TÉMOIN : L'arrivée d'une vague successive aux premières vagues qui

13 arrivent juste dans les premiers temps de la mort, est possible, mais elle

14 est dépendante du facteur -- de la quantité de matière organique qui reste

15 sur le corps. S'il n'y a pas assez pour se nourrir, les insectes ne vont

16 pas venir sur le corps. Par ailleurs, ce phénomène de succession, qui fait

17 l'objet de nombreuses publications, est assez mal connu, c'est-à-dire qu'on

18 ne sait pas encore exactement si la vague qui suit arrive au début de la

19 pupéson ou en fin de pupéson, c'est-à-dire est-ce que la vague qui suit

20 arrive alors qu'il y a encore une activité résiduelle entomologique de la

21 vague précédente ou est-ce qu'elle arrive lorsque le corps est complètement

22 libre de tout activité entomologique, tout ceci pour éviter les phénomènes

23 de prédation.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, pour moi ceci est clair maintenant.

25 Question suivante : si les larves ont quitté le corps, est-ce qu'elles

26 laissent des traces, c'est-à-dire qu'elles ne sont plus présentes, mais y

27 a-t-il une autre manière quelconque de découvrir qu'à un moment donné il y

28 avait eu des larves ?

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1 LE TÉMOIN : Le seul élément qui puisse nous permettre de dire qu'il y a eu

2 une activité entomologique serait de retrouver dans les fibres des

3 vêtements, par exemple, des larves ou des pupes qui seraient restées

4 emprisonnées. C'est tout. Sinon, il n'y a aucun moyen de savoir s'il y a eu

5 une activité entomologique avant, si ce n'est le prélèvement de sol.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais une fois que les larves sont

7 parties, les restes du corps -- il n'y a pas en quelque sorte d'empreintes

8 digitales, j'utilise peut-être une expression mal choisie, mais elles ne

9 laissent pas de traces chimiques ou d'autres traces de ce genre ?

10 LE TÉMOIN : Non, pas du tout.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, vous dites "pas du tout," est-ce

12 que ceci veut dire que des recherches ont été effectuées sur la question ou

13 est-ce que c'est simplement que vous nous dites que si on ne voit plus

14 rien, même pas avec une loupe -- est-ce que des études ont été faites à un

15 moment donné concernant la possibilité de restes chimiques de larves qui

16 auraient quitté le corps ?

17 LE TÉMOIN : A ma connaissance, il n'y a pas de publication dans ce sens-là.

18 Les publications sont plutôt dans l'autre sens, c'est-à-dire est-ce qu'on

19 est capable de retrouver des éléments de traces humaines dans les larves.

20 C'est-à-dire, est-ce qu'on est capable de retrouver de l'ADN humain dans

21 l'estomac des larves.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela c'est une autre question très

23 intéressante, mais elle ne va pas pouvoir nous aider ce coup-ci.

24 Maître Emmerson, est-ce que vous êtes prêt à procéder au contre-

25 interrogatoire ?

26 Monsieur Dourel, vous allez maintenant être interrogé par

27 Me Emmerson qui est le conseil de la Défense pour M. Haradinaj.

28 LE TÉMOIN : Oui.

Page 8621

1 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

2 Q. [interprétation] Permettez-moi de revenir à la première des deux

3 observations que vous avez faites à votre retour de la pause. J'examine le

4 compte rendu d'audience, page 67, ligne 20, pour ce faire et les lignes

5 suivantes. Vous avez dit qu'à supposer que les deux corps R-1 et R-9

6 auraient été soumis aux mêmes conditions climatiques et environnementales,

7 il n'est pas possible d'expliquer la différence qu'il y a entre ces deux

8 corps pour ce qui est de la présence de larves dans un des corps et

9 l'absence de larves dans l'autre, vous ai-je bien compris ?

10 R. Tout à fait.

11 Q. Par conséquent, à première vue, il y avait deux explications possibles

12 à cette différence. La première explication possible, c'est que les restes

13 se trouvent à un stade de décomposition différent, que ces corps ont trouvé

14 la mort à un moment différent, est-ce possible ?

15 R. C'est une hypothèse.

16 Q. Ce qui expliquerait la différence potentiellement ?

17 R. C'est une hypothèse.

18 Q. Une autre hypothèse, c'est que ces corps se sont trouvés dans des

19 endroits de par le passé ?

20 R. C'est une hypothèse, mais dans la mesure où ils n'ont pas été soumis

21 aux mêmes conditions climatiques et environnementales, des lieux

22 différents, mais pas les mêmes conditions.

23 Q. Tout à fait. Puis-je revenir au début de ce que nous avons fait avant

24 de vous poser d'autres questions. Puis-je vous demander quels documents

25 vous ont été remis, quels sont les éléments qui vous ont été remis

26 lorsqu'on vous a prié de rédiger ce rapport ?

27 R. J'ai reçu la lettre de mission de M. Dutertre et j'ai reçu le rapport

28 du Pr Lecomte et du Dr Vorhauer, le 30 juillet ou le

Page 8622

1 30 août, je ne me souviens plus.

2 Q. Manifestement, vous verrez dès les premières pages du rapport du Pr

3 Lecomte qu'elle avait étudié et avait à sa disposition des CD ROM qui

4 contenaient des éléments de preuve prélevés sur les lieux du crime ou des

5 rapports d'autopsie, des photographies, des vidéos qui montraient les corps

6 retrouvés in situ. Est-ce que ces documents vous ont été également remis ?

7 R. Je n'ai eu que le rapport du Pr Lecomte et du Dr Vorhauer.

8 Q. Ce qui veut dire qu'aucun des documents sur lesquels ils se sont

9 appuyés ne vous ont été soumis à examen ?

10 R. Non.

11 Q. Deuxième question liminaire. Après vous avoir entendu jusqu'à présent

12 et à la lecture de votre curriculum vitae, je suppose que vous n'avez pas

13 de formation particulière pour ce qui est de la pathologie médico-légale en

14 tant que telle; est-ce exact ?

15 R. C'est exact.

16 Q. Comme M. le Juge l'a déjà dit, vous avez examiné la totalité du

17 rapport; est-ce exact ? Il n'y a pas seulement les éléments relatifs à

18 l'entomologie ?

19 R. Tout à fait.

20 Q. Nous le voyons, s'agissant de la comparaison effectuée entre R-1 et R-

21 9, vous êtes d'accord pour dire qu'il n'y a pas nécessairement

22 d'incohérence qui découlerait du fait que dans un cas, il y avait présence

23 de larves, et dans l'autre, absence de larves; est-ce exact ?

24 R. C'est exact, mais avec la -- avec toujours l'hypothèse d'une absence

25 réelle de larves sur le corps R-9, et non pas uniquement des larves

26 visibles sur les photos.

27 Q. Merci. Si vous prenez la totalité du rapport du Pr Lecomte - nous en

28 avons tous le texte - il apparaît clairement que plusieurs critères ont été

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1 cernés qui étaient considérés comme étant pertinents pour différents corps

2 pour parvenir à un avis qui est de savoir s'il est possible que les corps

3 aient été déplacés à un moment donné après la mort. Par exemple, un des

4 facteurs identifiés par le Pr Lecomte s'agissant de corps qu'on a trouvé à

5 la surface du sol, c'est la présence de terre à l'intérieur des vêtements

6 se trouvant sur le corps comme étant en puissance un indice d'un

7 enfouissement primaire, et puis d'un déterrage.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre

9 M. DUTERTRE : Est-ce que vous pouvez préciser -- [hors micro] qui avaient

10 été enterrés et donc il n'est pas forcément illogique qu'on trouve de la

11 terre sur les vêtements de ces corps-là ? Donc si on -- est-ce qu'on peut

12 préciser à quels corps on se réfère ?

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que Me Emmerson donne un

14 exemple de facteurs pris en compte par Mme Lecomte, sans pour autant

15 contester quoi que ce soit de particulier.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Pour vous donner un exemple,

17 M. Dutertre, le corps R-4, on dit qu'il se trouvait par terre à l'air

18 libre, et qu'apparemment il a été placé sous le sol, et on constate que les

19 vêtements sont quand même souillés de terre. C'est un exemple.

20 Q. Dans la même veine, Mme Lecomte attire notre attention dans certaines

21 parties de son rapport sur le fait qu'il manque des ossements. Est-ce qu'il

22 y a ou non preuve de l'intervention de blessures provoquées par des

23 prédateurs ? Donc est-ce qu'effectivement il y a eu prédation ? Elle attire

24 notre attention sur le fait que pour certains corps, il y a eu dissociation

25 du corps, et qu'on trouve divers éléments de ce corps à des endroits

26 différents, et comme M. Dutertre l'a dit avec vous tout à l'heure,

27 s'agissant de certains corps, elle attire notre attention sur le fait qu'il

28 n'y a pas preuve de présence de colonisation par des herbes ou des racines.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre.

2 M. DUTERTRE : Oui. Sur cette histoire de terre, j'y reviens, parce que Mme

3 Lecomte - page 119 de son rapport concernant les corps près du mur, et R-4

4 est un corps près du mur - indique que les corps contre la paroi bétonnée

5 ont été recouverts par la terre et la boue charriée par les pluies. Donc il

6 y a bien une explication. Si on cite -- autant qu'on choisisse un exemple

7 qui soit --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, nous sommes ici à un niveau

9 différent. Nous ne nous intéressons pas pour le moment à des chiffres, des

10 nombres particuliers. Nous parlons de la méthode, de la question de savoir

11 si d'autres facteurs ont été pris en compte de façon générale. Bien sûr,

12 l'étape suivante pourrait, pas nécessairement, mais pourrait être d'aborder

13 le détail. Mais pour l'heure, nous parlons de la méthode avant toute chose.

14 C'est bien comme ça que je vous ai compris, Maître Emmerson. Donc, restons-

15 en là pour le moment. Est-ce que l'exemple est bien choisi ou pas, ce n'est

16 pas tellement important pour ce qui est de la méthode. D'autres éléments

17 ont été pris en compte, n'est-ce pas, Monsieur Dutertre ?

18 M. DUTERTRE : Bien sûr. Les éléments généraux sont des éléments de détail.

19 C'est ce que je voulais faire remarquer.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

21 M. EMMERSON : [interprétation]

22 Q. Excusez-moi, Monsieur le Témoin, d'avoir eu cet échange de vues.

23 Vous avez vu ce rapport. Si je peux réunir ces différents exemples, ils

24 montrent clairement, n'est-ce pas, que le Pr Lecomte et M. Vorhauer ont

25 tenu compte d'une gamme de facteurs pour conclure que les corps qu'ils ont

26 examinés par voie de photos, de vidéos, de rapports d'autopsie, ont pu

27 avoir été déplacés et placés dans la position où on les a trouvés.

28 R. Oui.

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1 Q. Par exemple, l'aspect des corps trouvés sur les lieux, lorsqu'on le

2 compare à la date apparente de la mort établie post mortem, la question de

3 savoir si apparemment encore est resté dans la même position pendant

4 quelque trois mois, ou ce qui semblerait être le temps qui s'est écoulé

5 depuis la mort, c'est un domaine qui est celui d'un pathologiste plutôt que

6 d'un entomologiste légal; est-ce exact ?

7 R. En l'absence de prélèvements entomologiques, effectivement.

8 Q. Pour résumer votre déposition, j'espère que j'y serai fidèle, mais

9 j'aimerais le dire simplement, est-ce que ça revient à dire ceci ? Sans

10 connaître les espèces des insectes qui ont colonisé, sans connaître

11 l'environnement précis qui régnait à cet endroit depuis que le corps y a

12 été placé pour la première fois, il est impossible d'avoir des conclusions

13 positives précises pour dire à quel moment le corps a perdu la vie ou

14 pendant combien de temps il est resté in situ, simplement du seul point de

15 vue entomologique ?

16 R. Oui, à partir de l'entomologie, on ne peut pas apporter ces éléments de

17 réponse.

18 Q. Mais si on prend en compte d'autres facteurs, manifestement un

19 pathologiste légal peut être à même de tirer certaines

20 conclusions ?

21 R. Ce n'est pas de mon domaine de compétence. Je ne peux pas répondre.

22 Q. Merci. Les conclusions tirées par Mme Lecomte à propos de ces restes,

23 si l'on prend en compte tous les facteurs - permettez-moi de les résumer,

24 c'est qu'il n'est pas possible d'éliminer la possibilité que les corps

25 trouvés à cet endroit y auraient été amenés à un moment donné peu de temps

26 avant qu'on les découvre. Corrigez-moi si je me trompe, mais ce n'est pas

27 une conclusion que vous êtes à même de contester, n'est-ce pas ?

28 R. Ne disposant pas de prélèvements entomologiques, et notamment de

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1 prélèvements entomologiques du sol, enfin des prélèvements de sol,

2 l'entomologie légale ne peut pas apporter une réponse.

3 Q. Précisément. Il n'est pas possible de montrer entomologiquement que ces

4 corps ont été déplacés ni pas plus qu'ils n'ont pas été déplacés ?

5 R. C'est possible dans l'hypothèse où il y a des prélèvements.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

7 Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith ?

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas de questions.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey ?

11 M. HARVEY : [interprétation] Pas de questions.

12 Questions de la Cour :

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dourel, j'aimerais vous poser

14 une question. Me Emmerson, avec beaucoup de compétence, a résumé la teneur

15 de votre déposition, à savoir que si vous n'avez pas suffisamment de

16 données, il n'est pas possible de tirer de conclusions. J'aimerais aller un

17 peu plus loin pour voir dans quelle mesure vous seriez en accord ou en

18 désaccord avec ce que je vais dire. Quelles qu'aient pu être les autres

19 données, dans le rapport de Mme Lecomte et de M. Vorhauer, ces personnes

20 incluent dans leur raisonnement des données entomologiques.

21 Est-ce que j'ai bien compris votre déposition ? Est-ce que vous nous

22 avez dit qu'à certains des moments illustrés au cours de l'interrogatoire

23 principal, vous avez dit que lorsque l'on introduit des données

24 entomologiques comme apport à la conclusion que, sur le plan

25 méthodologique, ce n'était pas une chose correcte à faire, parce qu'en

26 l'absence de détails supplémentaires, ces facteurs n'auraient pu jouer

27 aucun rôle dans le raisonnement qui a abouti aux conclusions tirées ? Est-

28 ce que je vous ai bien compris ou est-ce que je vous ai mal compris ?

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1 J'attire aussitôt votre attention sur le fait que mon résumé de votre

2 déposition n'est pas le même que celui que vient de faire Me Emmerson. J'y

3 ajoute un élément.

4 R. En l'absence de prélèvements entomologiques et de données

5 environnementales, notamment climatologiques, et notamment la température,

6 il n'est pas possible d'apporter une quelconque réponse ou une quelconque

7 hypothèse à partir de l'entomologie, à partir de la présence ou non de

8 larves. En sachant que nous ne savons toujours pas si ce sont des larves de

9 diptères ou pas. Voilà.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Auparavant, vous avez dit qu'il n'était

11 pas possible de tirer de conclusions. Ces données incomplètes, pouvez-vous

12 les utiliser pour vous faire une idée de ce qui s'est passé ou est-ce qu'on

13 devrait les écarter parce qu'il n'y a pas suffisamment d'informations ?

14 R. Concernant l'entomologie légale, il n'y a pas suffisamment

15 d'informations pour pouvoir les prendre en compte.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui veut dire que non seulement il

17 n'est pas possible de tirer de conclusions, mais que ceci ne suffit pas, ne

18 fut-ce que pour tenir compte de ces informations et tirer des conclusions

19 sur la totalité des données disponibles ?

20 R. Tout à fait.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, il semble que les

22 questions posées par les Juges suscitent une question de votre part.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Une chose.

24 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Emmerson :

25 Q. [interprétation] Oublions pour un instant ce rapport et partons de

26 l'hypothèse que l'étude anthropologique post mortem et toutes les autres

27 données disponibles en ce qui concerne ces corps, supposons que tout cela

28 aille indique une conclusion relative à la date du décès et à la période

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1 passée par le corps à un endroit donné, est-ce qu'à ce moment-là il serait

2 pertinent, peut-être pour déterminer s'il y a cohérence ou incohérence,

3 est-ce qu'à ce moment-là il serait pertinent de noter s'il y avait sur

4 place des larves ou pas ? Est-ce que ce serait pertinent de faire ça ?

5 R. Non. Le simple fait de noter ou pas n'apportera pas plus d'informations

6 pour une analyse entomologique.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, avez-vous des

9 questions supplémentaires à poser ? Maître Guy-Smith ? Maître Harvey ? Non,

10 pas de questions supplémentaires.

11 [en français] Monsieur Dourel, vous -- [hors micro] ici dans ce Tribunal.

12 J'aimerais bien vous remercier pour venir, pour avoir répondu à toutes ces

13 questions, et je vous souhaite un bon retour chez vous.

14 LE TÉMOIN : Merci, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

16 LE TÉMOIN : -- en français. Dans la mesure de mes compétences, il n'y a pas

17 de problème.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais également vous demander

19 de ne pas parler avec d'autres de votre témoignage, de ne pas en parler

20 avec des tiers de votre déposition, pour que des influences externes ne se

21 manifestent pas. Ce sont les consignes que je donne généralement aux

22 témoins. Bien entendu, nous ignorons si vous aurez l'occasion de revenir

23 parmi nous à une date ultérieure. Donc, pour l'instant, je vous demande de

24 bien vouloir ne parler à personne de votre déposition, et je parle aussi

25 bien des parties au présent procès que de tiers. Je vous demande de ne

26 parler à personne de votre déposition.

27 En tout cas, je vous remercie une fois encore, et je vais demander à

28 l'huissier de bien vouloir vous raccompagner. Il nous reste 15 minutes pour

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1 aborder des questions de procédure.

2 [Le témoin se retire]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a un certain nombre de questions à

4 aborder. Nous aurons un petit peu de temps à y consacrer.

5 Première chose, la décision de la Chambre relative à la demande présentée

6 par l'Accusation aux fins de réexamen de la décision portant sur les

7 résumés 92 ter. Le 12 septembre, la Chambre de première instance a invité

8 les parties à se mettre d'accord sur les résumés 92 ter afin que ceci

9 puisse être lu lorsque le témoin vient déposer. Nous avons également décidé

10 de ne pas inviter l'Accusation à donner lecture de ces résumés 92 ter pour

11 les témoins qui avaient déjà déposé. Compte rendu d'audience, page 8 375 et

12 8 376.

13 Un peu plus tard au cours de cette même journée d'audience,

14 l'Accusation - et je pense que c'était vous, Monsieur Re - a demandé à la

15 Chambre de première instance de revoir sa décision par laquelle la Chambre

16 de première instance avait demandé à l'Accusation qu'il ne fallait pas

17 donner lecture des déclarations et des résumés 92 ter des témoins qui

18 avaient déjà déposé. Est-ce qu'il s'agissait d'une décision ou d'une

19 invitation, peu importe. Vous nous avez présenté deux arguments à l'appui

20 de votre demande. Premièrement, ça risquait de déformer la vision qu'on a

21 de l'extérieur de cette procédure, ça risquerait de décourager certains

22 témoins de déposer à l'avenir. Et deuxième argument, il est plus facile

23 pour le public d'avoir accès au compte rendu d'audience, aux articles des

24 médias qu'aux pièces du dossier.

25 La Chambre de première instance a décidé d'autoriser l'Accusation à

26 donner lecture de résumé 92 ter, de une page chacun, pour chacun des

27 témoins 92 ter pour lesquels on n'avait pas donné lecture de résumé. Nous

28 invitons l'Accusation à consulter la Défense avant de se faire. Et s'il y a

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1 des difficultés quelconques qui se posent quant à ces résumés - entre

2 parenthèses, ces résumés n'ont pas un caractère d'éléments de preuve, il

3 s'agit simplement un quelconque problème, je vous invite bien entendu à

4 prendre contact avec mon bureau à 7 heures du matin pour résoudre

5 d'éventuelles difficultés.

6 Je souhaiterais maintenant prononcer une décision relative à la

7 demande de l'Accusation aux fins de délivrance d'une injonction à

8 comparaître pour le Témoin 51. Le 7 septembre 2007, la Chambre de première

9 instance a refusé le versement au dossier de la déclaration du Témoin 51

10 aux termes de l'article 92 bis du règlement. La Chambre a permis à la

11 Défense à procéder à un contre-interrogatoire.

12 Le 13 septembre 2007, l'Accusation a déposé une demande aux fins

13 d'injonction de comparaître, donnant pour consigne au Témoin 51 de déposer

14 devant la Chambre le 3 octobre 2007 ou vers cette date.

15 L'Accusation fait valoir que le témoin devrait normalement fournir

16 des éléments de preuve importants relatifs aux chefs 7 et 8 de l'acte

17 d'accusation.

18 La teneur de ces moyens de preuve figurent à l'annexe confidentielle

19 A, annexe de la demande présentée par l'Accusation.

20 La Chambre de première instance observe qu'une bonne partie des

21 éléments de preuve que doit normalement présenter ce témoin figure dans la

22 déclaration 92 ter du Pr Dusan Dunjic, qui a déjà été versée au dossier,

23 sous la cote P618. La Chambre de première instance note, d'autre part que

24 si l'on en croit la troisième liste modifiée des témoins à charge déposée

25 le 13 septembre 2007, deux autres témoins sont censés déposer au sujet de

26 ces chefs d'accusation : le Témoin 1 et le Témoin 28. Comme les parties le

27 savent, le Témoin 1 est décédé.

28 Avant de délivrer une injonction de comparaître, la Chambre de première

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1 instance doit être convaincue que la déposition du témoin concerné est

2 susceptible de fournir des informations qui vont conforter de manière

3 significative la thèse de l'Accusation. Etant donné que les éléments de

4 preuve apportés ou à apporter par le

5 Témoin 51 figurent déjà en filigrane dans le rapport du Pr Dunjic, et que

6 les éléments de preuve significatifs relatifs aux chefs 7 et 8 pourraient

7 éventuellement être fournis par les témoins susmentionnés, la Chambre

8 estime qu'elle ne peut conclure que les éléments fournis, ou à fournir par

9 le Témoin 51, sont d'une telle importance pour la thèse de l'Accusation

10 qu'elle justifie la délivrance d'une injonction à comparaître avant que la

11 Chambre n'ait reçu des informations au sujet de la nature des éléments de

12 preuve relatifs aux chefs 7 et 8.

13 La Chambre de première instance refuse donc pour l'instant de délivrer

14 l'injonction à comparaître demandée. Elle reviendra sur l'examen de cette

15 question lorsqu'elle recevra les éléments relatifs à la nature de la

16 déposition que l'on peut attendre de la part du témoin au sujet des chefs 7

17 et 8 de l'acte d'accusation.

18 Voici donc la décision de la Chambre suite à la demande faite par

19 l'Accusation au sujet de la délivrance d'une injonction à comparaître.

20 Dernière question que je souhaite aborder. Il s'agit des mesures de

21 protection -- mais un instant je vous prie.

22 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les raisons relatives à l'octroi de

24 mesures de protection pour le Témoin 65 ont été présentées à huis clos

25 partiel. Selon le règlement, ces raisons doivent être fournies en audience

26 publique seulement si la déposition a été faite à huis clos.

27 La Chambre estime cependant qu'ici, même si les mesures de protection

28 vont moins loin, il faut malgré tout les annoncer, ces raisons, ces

Page 8633

1 motivations en audience publique. Les mesures de protection demandées sont

2 l'octroi d'un pseudonyme, la distorsion de la voix et de l'image à l'écran.

3 Ces mesures de protection ont été accordées le 10 septembre. La règle

4 veut qu'il existe un risque objectif quant à la sécurité du témoin ou de sa

5 famille, au cas où il serait révélé que le témoin est venu déposé ici.

6 Ces conditions peuvent être remplies si on montre qu'une menace a été

7 proférée à l'intention du témoin ou à l'intention de sa famille. Or ça n'a

8 pas été le cas. Mais il y a une autre manière de satisfaire à cette

9 condition, et qui est une combinaison de trois éléments. Premièrement,

10 c'est que la déposition du témoin puisse susciter l'émoi ou l'agressivité

11 de personnes qui vivent dans un territoire donné. C'était le cas, puisque

12 le témoin est témoin oculaire de ce qui est décrit au paragraphe 82 de

13 l'acte d'accusation. Le témoin ou sa famille vivent ou habitent dans cette

14 zone et disposent de bien immobiliers, ou ont l'intention de retourner

15 vivre sur ce territoire. La sœur du témoin vit au Kosovo, donc cette

16 branche du critère est respectée.

17 Troisième branche: instabilité de la situation en matière de sécurité

18 sur le territoire, et on a convenu que c'était effectivement le cas

19 s'agissant du Kosovo.

20 Est-ce qu'il y a d'autres questions de procédure que vous souhaitiez

21 aborder ?

22 M. RE : [interprétation] Oui. Premièrement, les témoins pour le reste

23 de cette semaine. Nous n'avons pas pu trouver de témoins pour demain, mais

24 il est possible que nous ayons un témoin pour jeudi. Mais ça dépend de

25 savoir si le témoin peut obtenir un visa et venir du Kosovo en avion. Je ne

26 pourrai le savoir que demain. Nous avons fait tout ce qui était en notre

27 pouvoir, mais je ne peux pas faire plus. Nous nous en remettons à la

28 Chambre. Nous ne pourrons pas savoir avant midi.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, c'est entièrement la Chambre

2 qui dépend de vous.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, la Chambre souhaite être

5 informée le plus rapidement possible du témoin envisagé. Pourquoi ? Bien,

6 parce qu'un des Juges ne sera pas disponible jeudi, si bien que les autres

7 Juges vont devoir décider s'il convient de continuer à siéger. Bien

8 entendu, la nature de la déposition que va faire le témoin joue un rôle

9 dans cette décision. Il faudrait donc nous informer aussi rapidement que

10 possible de ce qu'il en est.

11 M. RE : [interprétation] Je n'y manquerai pas. L'autre question que je

12 souhaite évoquer porte sur le contre-interrogatoire par

13 Me Emmerson de M. Repic. On a posé la question de documents qui avaient

14 reçu une cote aux fins d'identification, D163 et D164. Certains de mes

15 collaborateurs se sont procurés ces documents, les originaux, et la pièce

16 D164 c'est une pièce qu'apparemment nous avons reçue en avril de cette

17 année. Non, c'est le contraire. La pièce D163 c'est en août 2007 que nous

18 l'avons reçue. Elle porte le tampon d'une des archives officielles, pas

19 l'autre pièce. La Chambre souhaite peut-être examiner ces documents. Je les

20 ai présentés à la Défense.

21 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

22 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais que la Chambre examine ces

23 documents, parce que la question que je souhaitais voir résolu n'est pas

24 résolu par l'examen de ces pièces.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez parler du 13 ou du 14e -- du

26 3 ou du 13; c'est cela ?

27 M. EMMERSON : [interprétation] Même chose pour la déclaration datée soit du

28 4 soit du 14 --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il ne serait pas mieux de

2 verser tout cela au dossier, avec les documents que vous fournissez aussi ?

3 Cela montrerait à la Chambre de première instance qu'il existe plusieurs

4 versions de ces déclarations. Et s'il n'y a pas désaccord quant à la

5 provenance de ces documents, qu'ils viennent d'une source -- enfin pas de

6 la même source, mais qui ont été préparés à peu près au même moment, à ce

7 moment-là on aurait l'intégralité du contexte à notre disposition.

8 M. RE : [interprétation] Non, cela ne me gêne pas de vous présenter ces

9 pièces, de vous les soumettre, mais si vous voulez déterminer ce qu'il en

10 est, le mieux ce serait encore que nous envoyions une demande d'assistance

11 aux autorités serbes pour savoir exactement où on a trouvé ces documents.

12 Parce qu'il est manifeste que ces documents émanent de sources différentes

13 au sein du gouvernement serbe, à différentes périodes. Donc peut-être,

14 j'imagine que ce qui s'est passé c'est qu'on a puisé dans différentes

15 archives, les archives de la police et les archives d'Etat. Enfin, cela me

16 paraît assez simple finalement.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous aviez des informations

18 supplémentaires sur la provenance de ces documents, cela ajouterait à

19 l'exhaustivité des documents fournis à la Chambre.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrons en reparler une

21 fois que nous en aurons discuté entre nous ? Car je sais qu'il est possible

22 d'avoir un autre témoin par le truchement duquel on pourra voir des

23 références plus précises, et si ce n'est pas le cas, il se peut

24 effectivement qu'on en demande le versement officiel.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, que les parties en discutent

26 davantage et voyez comment informer au mieux la Chambre de tous les aspects

27 concernés par ces documents.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

Page 8636

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith ?

2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voulais revenir à la question des

3 témoins éventuels. Est-ce qu'on pourrait nous donner une idée pour savoir à

4 qui se préparer ? Est-ce qu'il est prévu déjà dans la liste ou est-ce que

5 c'est un témoin qui vient une nouvelle liste, qui n'a toujours pas fait

6 l'objet d'une décision de la Chambre ? Pour qu'on ait une idée.

7 M. RE : [interprétation] Mais je vous l'ai dit. Je peux vous le redire. Je

8 peux le dire. On en a discuté auparavant en privé.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, pas de problème. M. Re est tout à

10 fait prêt à vous donner des informations que vous dites avoir estimé

11 nécessaires.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Autre question que je voulais évoquer

13 officiellement. Vous savez qu'il y a la question des dispositions à prendre

14 pour veiller à ce que Mme Lecomte reçoive non seulement le compte rendu

15 d'audience ou l'enregistrement de la déposition faite aujourd'hui par le

16 témoin, mais aussi le rapport de M. Dourel.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suppose --

18 M. RE : [interprétation] Oui, j'ai déjà mis ce processus en branle. Nous

19 allons recevoir le compte rendu français, l'audio. Dès qu'on la, on la

20 remettra.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne veux pas ici être procédurier, mais

22 je ne sais pas qui est le prochain témoin.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous le saurez dans un instant. Je

24 ne sais pas si vous avez raté le coche -- le message --

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais dans la mesure où ce témoin devait

26 être ajouté à une liste de témoins, cela impose des questions de procédure

27 qu'il faudra peut-être ou peut-être pas évoquer.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce témoin à qui vous pensez, est-ce

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1 qu'il fait déjà partie d'une liste, par exemple, la dernière ?

2 M. RE : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La réponse est affirmative.

4 M. RE : [interprétation] M. Dutertre me rappelle qu'il n'y a toujours pas

5 de cote pour le rapport de M. Dourel. Est-ce qu'on peut s'en charger ?

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et je pense -- non, les autres

7 rapports -- oui, Monsieur le Greffier ?

8 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

9 M. DUTERTRE : Plus exactement, j'avais -- je n'ai pas formellement demandé

10 à ce que le rapport soit versé comme élément de preuve. Je le fais

11 maintenant, mais peut-être c'est déjà -- déjà --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose, le rapport d'expert, qu'il a

13 été soumis le 16 août, et je ne pense pas qu'il y ait eu des objections à

14 son versement. La présentation d'un rapport d'expert, si le témoin vient

15 déposer, la soumission suffit. Le greffier nous parle de quelques annexes.

16 On ne sait pas trop à quoi cette annexe est l'annexe. Est-ce que c'est une

17 annexe aux arguments au rapport ? Le greffier va vous faire une proposition

18 et une décision définitive sera prise après cela.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Je croyais avoir déjà fait part de la

20 position de la Défense qui partait du principe qu'on allait avoir la

21 déposition de Mme Lecomte.

22 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience pour le

24 moment sine die. Et si nous nous retrouvons jeudi, ce sera à 14 heures 15.

25 Lundi, 1er octobre, puisque nous n'allons pas siéger la semaine prochaine,

26 et le 1er octobre ce sera aussi à

27 14 heures 15, ici même. L'audience est levée.

28 --- L'audience est levée à 19 heures 04.