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1 Le lundi 1er octobre 2007
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Monsieur Le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, appeler la
7 cause.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
9 Messieurs Les Juges. C'est l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush
10 Haradinaj et consorts.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
12 Greffier.
13 La Chambre a été informée du fait que les deux parties souhaitaient
14 s'adresser à la Chambre.
15 Maître Emmerson, je vous donne la parole.
16 M. EMMERSON : [interprétation] Je peux le faire très brièvement.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
18 M. EMMERSON : [interprétation] Je voulais simplement évoquer la question du
19 témoin qui, provisoirement, est censé déposer jeudi. Il s'agit de Zoran
20 Stijovic.
21 L'Accusation a communiqué à la Défense dans la nuit, tard dans la
22 nuit de mercredi une déclaration de témoin 92 ter avec les pièces à
23 conviction qui devaient suivre le jeudi. J'ai avisé M. Re et
24 M. Zahar directement, qu'étant donné la teneur qu'on pouvait s'attendre de
25 cette déclaration, la Défense souhaiterait déposer une requête concernant
26 l'admissibilité de parties importantes de la déposition qui devait être
27 produite en particulier sous la forme de résumé de document annexé à la
28 déclaration du témoin des annexes proprement dites.
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1 Cette requête est presque définitivement mise au point et elle sera
2 déposée ce jour, mais l'une des conséquences pourrait être certainement
3 qu'il y ait des difficultés en ce qui concerne le fait d'entendre la
4 déposition de M. Stijovic de façon complète le jeudi, parce qu'étant donné
5 la nature de cette déposition, telle qu'on la prévoit, et la mesure dans
6 laquelle se base sur des documents auxquels des objections sont formulées,
7 il s'agit d'une question qui, à notre avis, comme nous l'exposons en détail
8 dans notre requête, nécessite d'être réglée avant que le témoin ne dépose.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr, la Chambre ne pourra
10 répondre d'aucune manière avant que nous n'ayons vu vos arguments, mais
11 nous étions déjà avisés du fait que la Chambre pourrait s'attendre au dépôt
12 d'une requête concernant ce témoin.
13 Maintenant, pour commencer, je pense que vous avez soigneusement évité de
14 mentionner le nom, mais peut-être - enfin, j'étais dans l'incertitude sur
15 le point de savoir s'il y aura des mesures de protection ou non.
16 M. EMMERSON : [interprétation] Non, en fait, j'ai effectivement mentionné
17 ce nom.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc vous l'avez fait.
19 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. J'ai été informé du fait qu'il
20 n'y avait pas de requête ou de demande de mesures de protection en ce qui
21 concerne ce témoin.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il n'y a pas de demande --
23 M. RE : [interprétation] Non. En ce qui concerne les quatre témoins que
24 nous avons indiqués sur la liste de cette semaine, il n'y a pas de demande
25 de mesures de protection.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc nous allons
27 attendre et ce soir nous verrons les arguments présentés dans la requête.
28 Y a-t-il d'autres questions de la Défense souhaite évoquer ?
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] En ce qui concerne la même question, nous
2 nous joignons dans les arguments présentés. Il se peut que nous déposions
3 des arguments supplémentaires, ce que nous ferons demain matin au plus
4 tard.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. HARVEY : [interprétation] Nous prenons la même position.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
8 Alors, Monsieur Re.
9 M. RE : [interprétation] Je me rends compte de voir ce n'est pas comme
10 critère le fait de savoir si la Défense, elle a des objections et des
11 parties des déclarations et à quelles parties, mais je voudrais également
12 aviser la Chambre de première instance que si M. Stijovic, qui est censé
13 arriver mercredi, ne dépose pas jeudi, à ce moment-là, il est probable que
14 n'aurons pas de témoins à partir de jeudi. Pr Lecomte va venir mercredi et
15 est disponible, on nous a dit cela, seulement mercredi, au milieu du
16 procès, est au milieu d'un procès à Paris. Donc ce sont nos plans, et si M.
17 Stijovic ne vient pas, nous aurons des difficultés. Nous avons essayé
18 d'avoir un témoin de réserve.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 M. RE : [interprétation] Mais nous n'avons pas réussi.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, nous pouvons nous attendre à
22 une situation qui, dans une certaine mesure présente des caractères
23 inconnus pour la Chambre, mais nous sommes légalement avisés de cela.
24 Y a-t-il d'autres questions que l'Accusation souhaite évoquer ?
25 M. RE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, est-ce que l'Accusation est prête
27 maintenant à faire déposer le témoin suivant ? Je comprends que le témoin
28 suivant c'est M. Shaban Balaj.
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1 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Je
2 prévois que cette position sera un mélange de dépositions présentées au
3 titre de l'article 92 ter du Règlement --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
5 M. DI FAZIO : [interprétation] -- et d'une déposition faite verbalement.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et j'ai été affermi du fait que
7 vous avez préparé un résumé 92 ter pour les 17 premiers paragraphes de sa
8 déclaration. Y a-t-il des objections contre tout cela ?
9 Me Emmerson fait signe que non.
10 Me Guy-Smith, M. Haradinaj, donc ça fait trois fois non.
11 Alors, Madame l'Huissière, pourriez-vous, s'il vous plaît, faire
12 entrer le témoin dans la salle d'audience.
13 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que vous allez lire quelque chose à
14 partir du compte rendu ?
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que si vous le lisez, on pourra
16 le faire quand le témoin sera là.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Certainement.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce moment-là, il sera également au
19 courant.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, oui, je suis d'accord.
21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Balaj. Pouvez-vous
23 m'entendre dans une langue que vous comprenez ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Balaj, avant que vous ne
26 commenciez votre déposition devant cette Chambre, le Règlement de procédure
27 et de preuve exige que vous fassiez une déclaration solennelle indiquant
28 que vous dirai la vérité, toute la vérité rien que la vérité. Je voudrais
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1 donc vous prier de faire cette déclaration solennelle.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la
3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je le jure.
4 LE TÉMOIN: SHABAN BALAJ [Assermenté]
5 [Le témoin répond par l'interprète]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Balaj.
7 Veuillez prendre siège.
8 Monsieur Balaj, vous allez tout d'abord être interrogé par les conseils de
9 l'Accusation. Je ne sais pas si vous avez été informé de la manière dont
10 ceci se déroule. Comme vous avez déjà fait une déclaration, une partie de
11 cette déclaration va être résumée, de sorte que vous n'avez pas besoin de
12 répéter ce qui est dit dans cette partie-là, mais il y a d'autres parties
13 de votre déposition sur lesquelles des questions vous seront posées et sur
14 lesquelles vous serez appelé à répondre aux questions posées.
15 Monsieur Di Fazio, c'est à vous.
16 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous le
17 permettez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais demander au
18 témoin de bien vouloir s'identifier, identifier également sa déclaration,
19 et une fois qu'il l'aura fait, je demanderai à ce moment-là le versement de
20 la déclaration au dossier, et je propose de lire le résumé si cela vous
21 convient.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, puis indépendamment de lui demander
23 d'identifier sa déclaration, les questions habituelles obligatoires qui y
24 ont trait.
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
27
28 M. DI FAZIO : [interprétation] Je voudrais demander que l'on montre au
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1 témoin sa déclaration à l'écran, à savoir la pièce 2067 de la liste 65 ter.
2 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :
3 Q. [interprétation] Pourrions-nous aller vers le bas de la page ?
4 Monsieur Balaj, voudriez-vous regarder, s'il vous plaît, le bas de
5 cette page. Voyez-vous votre signature sur le commencement de la page de
6 cette déclaration ?
7 R. Oui.
8 Q. Si vous voulez, vous pouvez peut-être rapprocher votre chaise de
9 l'écran et des micros, en fait, un peu plus près de façon à ce que nous
10 puissions vous entendre, et je voudrais - donc comme vous avez passé un
11 certain temps, détendez-vous.
12 R. Bien.
13 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin
14 la page suivante, s'il vous plaît, au bas de la page, encore une fois.
15 Donc question, Monsieur Balaj. Est-ce que c'est bien votre signature au bas
16 de la page ?
17 R. Oui.
18 Q. Je vous remercie. Page suivante, s'il vous plaît. Là encore, au bas de
19 la page, même question. Est-ce que c'est bien votre signature ?
20 R. Oui.
21 Q. Merci. Page suivante, s'il vous plaît. Même question. Est-ce que c'est
22 bien votre signature qui figure au bas de la page ?
23 R. Oui.
24 Q. Donc, une dernière fois, s'il vous plaît. Page suivante. Est-ce qu'au
25 bas de la page, c'est bien votre signature, ou tout au moins une partie de
26 votre signature qui apparaît là ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce bien là une déclaration que vous avez faite à des fonctionnaires
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1 du bureau du Procureur le 2 et le 8 juin ?
2 R. Oui.
3 Q. Je vous remercie. Est-ce que cette déclaration contient bien des
4 éléments que vous auriez fournis lors d'une déposition ici devant cette
5 Chambre, si on vous avait posé les questions sur ce sujet ? Ceci est
6 important.
7 R. Je répondrais dans toute la mesure où je peux le faire.
8 Q. Oui. Mais ma question était tout simplement celle-ci : les 17 premiers
9 paragraphes de cette déclaration traitent de différentes questions, toutes
10 sortes de questions, notamment des voyages en Albanie pour acheter des
11 armes, et ainsi de suite. Si on vous posait des questions sur ce sujet,
12 est-ce que vous répéteriez ce qui est contenu dans votre déclaration
13 jusqu'au paragraphe 17 ?
14 R. Oui.
15 Q. Merci.
16 M. DI FAZIO : [interprétation] Si vous me permettez, Monsieur le Président,
17 je voudrais demander le versement de cette déclaration comme élément de
18 preuve en vertu de l'article du Règlement.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Y a-t-il des objections contre cela
20 ? Non, je ne vois pas d'objections. Alors, le document est admis, est versé
21 comme élément de preuve au dossier.
22 Juste pour me renseigner, Monsieur Di Fazio, nous avons reçu un
23 exemplaire de la déclaration qui dit simplement "2 juin 2007," et là je
24 vois que ceci est une version combinée --
25 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est cela.
27 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense que c'est simplement une petite
28 erreur. Ce qui concerne le 2 juin c'est à tous égards, pratiquement
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1 identique à ce qui était daté du 2 et du 8 juin. Il a fallu faire des mises
2 au point, en quelque sorte peaufiner le texte, et quelques points mineurs
3 ont été réglés.
4 Donc ce que vous devez avoir c'est la traduction en anglais qui porte
5 pour date "2 et le 8 juin."
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Ceci est la dernière version pour finir la
8 déclaration donc, pour ainsi dire.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc je l'ai à mon écran pour le
10 moment. J'ai la traduction.
11 M. DI FAZIO : [interprétation] Donc, ces 2 et 8 juin.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il n'y a pas de différence
13 importante d'après ce que je comprends.
14 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, non. Je suis sûr qu'il n'y a pas de
15 différence du tout.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de différence du tout.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, mais néanmoins, juste pour être bien
18 sûr, pour la sécurité de la chose nous pouvons traiter de la question 2 et
19 8 juin.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je l'ai. J'ai cette version
21 maintenant à l'écran. Veuillez poursuivre.
22 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais maintenant --
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais avant de pouvoir verser comme
24 élément de preuve, il faudrait qu'on lui attribue un numéro, une cote.
25 Monsieur le Greffier, que sera ce numéro ?
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera P922.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
28 Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.
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1 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Si vous le permettez, je vais
2 maintenant lire un résumé, c'est uniquement un résumé de la déposition qui
3 est contenue dans ces parties, la déclaration de
4 M. Balaj qui vient d'être présentée comme élément de preuve.
5 Shaban Balaj n'a rejoint l'UCK en mars 1998 dans son village de
6 Strellc. Une garde lui avait établi après avoir entendu que Gllogjan avait
7 également organisé une telle garde à la suite de la création de cette garde
8 du village. Le témoin et environ 40 personnes de son village sont partis
9 pour se procurer des armes en Albanie et rejoindre d'autres groupes
10 également engagés dans les mêmes tâches.
11 Le témoin et son groupe sont arrivés jusqu'à Tropoje et ont acheté
12 des armes et ensuite repris la direction du Kosovo avec des armes qui
13 étaient transportées à dos de cheval. Puis ils sont revenus au Kosovo et
14 ils sont allés jusqu'à Junik, Rracaj et Gllogjan. De Gllogjan, ils sont
15 allés à Strellc alors que les forces serbes se trouvaient situées sur les
16 routes principales.
17 M. Balaj était conscient du fait que de tels voyages de ce genre en
18 Albanie pour acheter des armes vers la fin de mars et certains de ses
19 compagnons villageois sont allés avec ce type de convois. La plupart
20 d'entre eux sont passés par Gllogjan et c'était l'itinéraire le plus sûr,
21 bien qu'il y ait existé d'autres itinéraires plus dangereux passant par
22 Carabreg et Strellc.
23 Du côté du 7 au 8 mai 1998, M. Balaj a escorté un groupe important
24 de personnes qui étaient en route de Drenica via l'Albanie pour obtenir des
25 armes et il a fait fonction de guide et a aidé ce groupe jusqu'à Gllogjan.
26 Les convois voyageaient de nuit, parce que les forces serbes
27 n'avaient pas d'activité de nuit.
28 M. Balaj parle de méthodes de communication adoptées par les villages
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1 et ceci consistait à utiliser des téléphones satellites.
2 M. Balaj a noté les positions des forces serbes. Des points de
3 contrôle existaient le long de la route Peja-Gjakova, y compris deux points
4 de contrôle près de Strellc du haut. Un autre point de contrôle se trouvait
5 sur la même route près de Prilep, avec 100 ou 200 forces serbes
6 paramilitaires et de police. D'autres positions serbes existaient à
7 d'autres points le long de cette route ainsi que dans divers villages tels
8 que Ljubenic et Decane proprement dit.
9 A l'occasion, des forces serbes s'avançaient depuis la route
10 principale pour de brèves périodes. Les forces serbes sont entrées à
11 Ljubisa ou Ljubisa, Prilep, Carabreg. En mai, Vranoc et Baran ont été pris
12 pendant peu de temps par les forces serbes.
13 Un peu plus lentement. Excusez-moi.
14 Toutefois, entre la fin du mois de mars et la mi-août 1998, les
15 forces serbes, d'une façon générale, s'étaient limitées à des lieux suivant
16 le long de la route Peja-Gjakova, bien qu'ils aient tenu des positions à
17 Suka Herec, Suka Radonicka, Suka Babaloq et Suka Bites.
18 M. Balaj a d'abord reçu un uniforme de l'UCK d'Albanie à l'occasion
19 d'un voyage qu'il avait fait là-bas en mars 1998 et qui était un uniforme
20 de camouflage portant des insignes de l'UCK.
21 Des lettres ou des cartes de limitation d'autorisation étaient émises
22 par les commandants de l'UCK autorisant le voyage dans les zones tenues par
23 l'UCK. De telles cartes ou laissez-passer étaient nécessaires pour
24 permettre à une personne de traverser les points de contrôle de l'UCK.
25 Presque tous les villages au nord et à l'ouest du lac Radonjic avaient des
26 points de contrôle de l'UCK. Il était nécessaire de disposer d'autres
27 cartes pour chaque voyage qu'une personne entreprenait.
28 Si vous le permettez, ceci donc, Monsieur le Président, est le résumé
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1 de la partie rédigée de la déposition de M. Balaj et qui vient juste d'être
2 présentée aux fins de dépôt au dossier.
3 Un dernier point concernant cette déclaration avant que nous ne passions à
4 une déposition verbale, je voudrais vous demander si vous pouvez remonter
5 le texte jusqu'à l'endroit où on retrouvera le paragraphe 5 de cette
6 déclaration, s'il vous plaît.
7 Q. Monsieur Balaj, pourriez-vous, s'il vous plaît, jeter un coup d'œil à
8 ce texte au paragraphe 5.
9 Et peut-être on pourrait l'agrandir.
10 Est-ce que vous pouvez le lire facilement tel qu'il paraît à l'écran
11 ?
12 R. Oui, oui.
13 Q. Peut-être voudriez-vous apporter une modification à la date ici. Il est
14 dit : à la fin du mois de mars, un groupe de personnes ont quitté le
15 village partant pour l'Albanie, pour obtenir - est-ce que vous voulez que
16 l'on change la date et est-ce que vous voulez nous donner une autre date ?
17 Ne serait-ce pas exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Quand est-ce que cette expédition --
20 R. Oui. Oui. Ça eu lieu à la fin du mois d'avril parce que c'est une
21 erreur qui est là.
22 Q. Bien. Donc vous souhaitez que l'on corrige cela et le paragraphe 5
23 devrait donc dire "à la fin du mois d'avril," et tous les événements qui
24 sont rapportés là c'est écrit dans ce paragraphe.
25 R. C'est exact. Vous avez raison.
26 Q. Bien.
27 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie. Si vous le permettez,
28 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'en ai fini avec ce témoin -
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1 pardon, avec cette déclaration précise.
2 Q. Bien. Monsieur Balaj, pourriez-vous me dire si ces détails personnels
3 sont exacts. En 1998, vous viviez à Strellc du bas; est-ce exact ?
4 R. C'est exact.
5 Q. En ce qui concerne vos frères et sœurs, je pense que vous aviez deux
6 sœurs et deux frères; est-ce exact ?
7 R. Oui.
8 Q. L'une de vos sœurs s'appelait Sanije ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Elle est née, je crois, le 5 décembre 1963, ce qui fait qu'elle avait
11 environ 35 ans en 1998; est-ce que ce serait exact ?
12 R. C'est exact.
13 Q. En 1998, elle était propriétaire -- en 1998, elle avait une petite
14 agence de voyage à Peja ?
15 R. En 1997.
16 Q. Je vois. En 1998, est-ce qu'elle vivait auprès de vous ?
17 R. Oui.
18 Q. Elle n'était pas mariée ?
19 R. Non, elle n'était pas mariée.
20 Q. Merci. Je voudrais maintenant que vous vous rappeliez, s'il vous plaît,
21 les événements qui ont eu lieu le 11 août 1998.
22 R. Oui.
23 Q. Excusez-moi, je retire ce que je viens de dire et je présente mes
24 excuses. Je vais reformuler ma question. J'aimerais appeler votre attention
25 sur les événements qui ont eu lieu le
26 12 août 1998.
27 R. Voulez-vous que je commence ?
28 Q. Non, attendez ma question. Ce jour-là, votre sœur se trouvait habitant
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1 chez vous, auprès de vous ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce qu'elle s'est rendue quelque part ce jour-là ?
4 R. Oui.
5 Q. Où avait-elle l'intention d'aller et quelle était la raison qu'elle
6 avait de s'y rendre ?
7 R. Elle avait l'intention d'aller à Peje.
8 Q. Et pourquoi cela ? Pour faire quoi ?
9 R. Elle voulait acheter un téléphone cellulaire.
10 Q. Comment a-t-elle commencé son voyage ? Quand s'est-elle mise en route
11 pour y aller ?
12 R. A 8 heures 30 de la matinée, Hamdija et Haziri sont venus, ce sont mes
13 cousins. Ils sont venus dans la voiture. Hamdija était au volant. Et je
14 leur ai demandé : "Où allez-vous ?" ils ont répondu, [inaudible]. J'ai dit
15 : "Est-ce que ma soeur peut vous accompagner jusqu'au village du haut et
16 passer par Gllogjan ?" Parce que c'était la route la plus sûre que
17 pouvaient employer les femmes, parce que sans ça elles ne pouvaient pas se
18 rendre à Peja.
19 Ils ont dit : "Oui." Je leur ai donné 2 000 -- enfin, j'ai donné à ma
20 sœur 2 700 deutschemarks, parce que c'était le prix d'un téléphone mobile,
21 un téléphone cellulaire, et ils se sont mis en route alors qu'il était 3 ou
22 4 heures, je crois, dans l'après-midi.
23 Q. Bien. Je vais vous demander de nous arrêter un moment. Ici, je
24 voulais simplement quelques détails supplémentaires, s'il vous plaît.
25 Premièrement, est-ce qu'il y avait des enfants qui étaient du voyage
26 en plus de votre sœur et de vos deux cousins ?
27 R. Non. Il y avait un cousin qui avait environ 18 ans. Il allait
28 aussi à Peje pour voir son père, parce que sa famille vivait à Peje. Il
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1 allait -- enfin, il n'avait rien à voir avec les autres. C'était un simple
2 passager, disons. Ensuite, à partir de Rosulje, il irait chez un ami de sa
3 famille, puis il y attendrait l'autocar qui allait à Peje.
4 Donc ils sont allés à Baran. Il y avait un point de contrôle de l'UCK qui
5 s'y trouvait, donc l'UCK, en fait.
6 Q. Bien. Je vais vous demander, est-ce que vous - laissez-moi vous poser
7 des questions à ce sujet. Est-ce que je pourrais --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je remarque que la
9 traduction française a quelques lignes de retard. Donc si vous voulez, s'il
10 vous plaît, ralentir un petit peu afin que tout le monde ait le temps de --
11 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- transcrire et interpréter.
13 M. DI FAZIO : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. Je vous
14 prie de m'excuser et excusez-moi de la vitesse à laquelle je parle.
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je pouvais également avertir, mettre en
16 garde M. Di Fazio de faire bien une distinction entre les renseignements
17 qui constituent les connaissances personnelles du témoin et les
18 renseignements qui constituent du ouï-dire comme renseignement.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je pense que vous avez bien noté
20 ça, Monsieur Di Fazio.
21 M. DI FAZIO : [interprétation] Certainement.
22 M. EMMERSON : [interprétation] Une autre question en ce qui concerne ce
23 témoin à la page 13, ligne 2. L'itinéraire qui devait être pris est
24 consigné par écrit comme "passant par Gllogjan ?"
25 Je crois que le témoin aurait dit Leshane plutôt que Gllogjan.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,
27 éclaircir ce point.
28 M. DI FAZIO : [interprétation] Certainement. En fait je vais lui montrer
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1 une carte et je vais lui demander un peu plus tard d'indiquer où se
2 trouvent certains lieux, mais peut-être que d'abord je pourrais juste
3 éclaircir ce dernier point.
4 Q. L'itinéraire suivi par votre sœur ce matin-là, en route pour aller
5 prendre ce téléphone, acheter ce téléphone, est-ce que ça passait par
6 Gllogjan ou est-ce qu'elle aurait évité Gllogjan ?
7 R. Non. Non. La route ne passait pas par Gllogjan, mais par Baran. Il y a
8 le village de Leshane, où passait l'autocar. C'est là que le bus
9 s'arrêtait. Il y avait un arrêt de bus, parce que cet autocar n'allait pas
10 à Rosulje, mais au village de Leshane. C'est de là que partait l'autocar
11 qui allait à Peje, c'est là qu'il s'arrêtait.
12 Q. Une question de plus concernant votre sœur. Est-ce qu'elle a jamais été
13 membre de l'UCK, pour autant que vous le sachiez ?
14 R. Elle était censée acheter des aliments, des vivres pour les familles
15 que j'avais chez moi à Malisheve. Elle portait un uniforme, il s'agissait
16 d'un uniforme que je lui avais donné, et elle portait un fusil que je lui
17 avais donné. Elle était allée là-bas pour acheter des provisions. Elle a
18 rencontré des filles qui chantaient l'hymne albanais et qui hissaient le
19 drapeau. Elle a chanté quelques chansons avec eux, puis elle s'est mise en
20 rang avec eux. C'est en ce qui concerne l'UCK toute sa participation; c'est
21 tout ce qu'elle a duré.
22 Q. Je vous remercie d'avoir expliqué cela. Ce jour-là, lorsqu'elle est
23 partie dans cette voiture pour aller acheter un téléphone portable, est-ce
24 qu'elle était en uniforme de l'UCK ou est-ce qu'elle portait des vêtements
25 civils ?
26 R. Non. Elle portait des vêtements civils normaux, des sandales, et elle
27 portait un sac.
28 Q. Une fois qu'elle était partie avec vos cousins en voiture, après cela
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1 est-ce que vous l'avez revue vivante ?
2 R. Jamais. Je ne l'ai revue que le jour où j'ai réceptionné son cadavre de
3 la morgue.
4 Q. Très bien. Merci. Tout à l'heure, vous commencez à nous dire que vous
5 aviez ce jour-là appris certaines choses. Est-ce que vous pouvez dire à la
6 Chambre si vous aviez revu vos cousins, les hommes avec qui elle était
7 partie ce matin-là ? Et si oui, où, quand et dans quelles circonstances.
8 R. Ils ont été arrêtés à Baran. Il y avait un soi-disant commandant qui
9 s'est nommé commandant lui-même, commandant de l'UCK.
10 Q. Je vais vous interrompre. Je vais vous demander de nous donner des
11 détails de ce qui aurait été dit par vos cousins, mais nous souhaitons
12 savoir - toute la Chambre souhaite savoir comment vous saviez certaines
13 choses. Tous les avocats souhaitent le savoir. Pour l'instant, je vous
14 demande de nous dire, de dire à la Chambre ce que vos cousins vous ont dit
15 ce jour-là lorsque vous les avez revus.
16 R. Mes cousins sont allés à Rosulje, ils sont revenus à Baran, et ont
17 demandé à voir ma sœur. On leur a dit qu'elle s'était rendue à son village,
18 à Strellc. Ils sont revenus de Baran. Ils sont venus me voir vers 15 heures
19 30, 16 heures. Je ne sais plus, 2 heures et demie, je ne sais plus. Ils
20 m'ont demandé si "Sanije était de retour." J'ai dit : "Non." J'ai dit :
21 "Que s'est-il passé ?" Ils ont dit : "Mete Krasniqi est sorti, les a
22 arrêtés." Il y en avait d'autres avec lui : les Krasniqi et la personne qui
23 l'a tuée. Son pseudonyme est Galani. Je ne le connaissais pas à l'époque.
24 Il s'appelle Idriz Gashi. J'ai discuté avec eux, j'ai pris ma voiture, j'ai
25 pris mon fusil.
26 Q. Je vais vous arrêter là. Ces informations que vous venez de nous
27 donner, le fait qu'elle aurait été arrêtée, il y avait toutes ces personnes
28 parmi ceux qui l'ont arrêtée, les Krasniqi, et cetera, Ahmet, Iber
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1 Krasniqi, et cetera. Est-ce que ce sont vos cousins qui vous ont dit les
2 noms dès leur retour ou est-ce que c'est quelque chose que vous avez appris
3 par la suite ?
4 R. Non, ils me l'ont dit. Ils m'ont montré quelle personne nous a arrêtés.
5 Je me suis habillé, j'ai pris ma voiture, j'ai pris mon fusil, et ensemble,
6 avec Hamdi et Hazir, nous nous sommes allés à Baran.
7 Q. Je voudrais être tout à fait clair. C'est peut-être moi qui ai provoqué
8 la confusion. Vous avez parlé de Mete Krasniqi, n'est-ce pas, et non pas
9 d'Ahmet ?
10 R. Oui, c'est cela. Mete Krasniqi.
11 Q. Vous avez commencé à raconter ce que vous étiez en train de faire.
12 Expliquez-nous qu'est-ce que vous avez décidé de faire une fois que vos
13 cousins étaient de retour ?
14 R. J'étais vraiment extrêmement perturbé. Je ne leur devais rien du tout.
15 J'étais triste. J'étais en colère en même temps. Je voulais les rencontrer.
16 Nous sommes allés à l'école rouge, Shkolle e Kuqe en Albanie, là où se
17 trouvait la police militaire.
18 Q. Je vais vous arrêter là. Vous étiez avec qui ?
19 R. J'étais avec Hamdi et Hazir, mes cousins.
20 Q. L'école se trouve où ? L'école vers laquelle vous êtes allées ?
21 R. A Baran.
22 Q. Réfléchissez bien avant de répondre. Est-ce que vous vous êtes arrêté
23 sur le chemin de Baran ?
24 R. Je me suis arrêté à Gani Gjukaj. D'ailleurs j'ai oublié de le
25 mentionner.
26 Q. D'accord. Expliquez-nous. Qui est Gani Gjukaj et pourquoi vous vous
27 êtes arrêté chez lui ? Qu'est-ce que vous avez fait chez lui ?
28 R. Gani Gjukaj était commandant du village. C'était quelqu'un de très
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1 sincère. Je me suis arrêté chez lui pour lui demander - d'ailleurs j'ai
2 oublié de le mentionner - que le 11 août, je suis allé chez lui et j'ai
3 obtenu une autorisation officielle pour que ma sœur puisse se rendre à
4 Rosulje. Je ne voulais pas qu'elle entre dans le territoire sous le
5 contrôle des Serbes, mais à Rosulje qui était contrôlé par l'UCK. Je me
6 suis arrêté chez lui. J'ai demandé à Gani : Est-ce que tu sais ce qui s'est
7 passé ? Il dit : "Non." Puis, j'ai continué mon chemin vers Baran. Une fois
8 arrivé à Baran, je suis allé à l'école rouge - à l'époque ça s'appelait
9 l'école rouge, c'était rouge, maintenant ça a été peint en blanc - je suis
10 entré dans l'école. Je n'y ai trouvé personne et je suis allé pour
11 rencontrer Mete Krasniqi." Sur le chemin à Vranoc, Hazir m'a dit : "Voilà
12 Mete dans la camionnette blanche."
13 Q. Je vous interromps. Vous avez dit que vous êtes allés à Vranoc.
14 R. Oui. Nous étions sur le chemin de Vranoc.
15 Q. C'était pour rencontrer Me Krasniqi.
16 R. C'était notre but, d'aller à Vranoc, mais nous l'avons rencontré à
17 l'entrée de Vranoc. Il y a une station-service là.
18 Q. Ma question est la suivante : avant de rencontrer
19 Me Krasniqi, quelle était votre intention ? Qu'est-ce que vous vouliez
20 faire ? Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit ?
21 R. Nous voulions lui demander où se trouvait ma sœur et pourquoi il
22 l'avait arrêtée en premier lieu ?
23 Q. Donc si j'ai bien compris, vous étiez à la recherche de
24 Me Krasniqi?
25 R. C'est ce que m'avait dit mes cousins. Ils m'avaient dit que c'était la
26 personne principale qui les avait arrêtés.
27 Q. D'accord. Donc vous l'avez rencontré, il était dans une camionnette
28 blanche. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre ce qui s'est produit
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1 lorsque vous l'avez rencontré ?
2 R. J'ai bloqué son chemin avec ma propre voiture. Je suis descendu de ma
3 voiture avec Hamdi et Hazir. Lui, il était avec une autre personne que je
4 ne connaissais pas, et d'ailleurs je ne sais même pas maintenant qui
5 c'était, comment cette personne s'appelait. J'ai ouvert la portière de sa
6 camionnette en lui demandant de descendre de son véhicule et de me dire où
7 se trouvait ma sœur. Il a répondu, il m'a dit qu'on l'avait emmenée. J'ai
8 dit : "Pourquoi ?" Il a dit : "Ils l'ont arrêtée, ils l'ont emmenée à
9 Gllogjan." Je lui ai
10 dit : "Si ma sœur ne revient pas de Gllogjan, tu vas payer de ta propre
11 vie." J'ai fermé sa portière. Il n'a rien dit, il a continué son chemin.
12 Lorsque j'ai commencé à trouver le chemin de Gllogjan, je pensais que
13 c'était un mensonge ce que m'avait dit Me Kranisqi, mais il n'y avait rien
14 que je ne pouvais faire. A Gllogjan, on ne prend pas les gens, on ne tue
15 pas les gens. Il l'a dit pour mentir.
16 Donc je me rendais vers Gllogjan, et à mi-chemin, il y avait des
17 combats. J'ai essayé de rentrer dans Gllogjan. Je n'ai pas pu.
18 Q. Je vous demande de vous arrêter pour l'instant. Est-ce qu'il y a un
19 village dans votre région qui s'appelle Zllapek ?
20 R. Oui. Je l'avais oublié. Désolé.
21 Q. Je voulais juste savoir, ce jour-là vous êtes allés à ce village ?
22 R. Oui. Oui. Nous sommes allés à Zllapek. Nous avons appelé Vesel Dizdari.
23 Nous avons discuté avec lui et on m'a dit : "Ecoutez, il faudrait suivre ce
24 dossier, parce que Mete et ses frères, surtout Galan, sont très dangereux."
25 Je ne le connaissais pas.
26 Nous avons poursuivi notre chemin. Et avec Hazir, nous sommes allés à
27 Gllogjan. Sur le chemin vers Gllogjan, il y avait beaucoup de combats.
28 Q. Merci. Je souhaite avoir encore quelques détails en ce qui concerne
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1 Zllapek.
2 Vous avez parlé à Vesel Dizdari ?
3 R. Oui.
4 Q. Et vous avez dit : "Suivez cette issue parce que Mete et ses frères
5 sont dangereux ?"
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que d'autres noms ont été mentionnés en plus de celui de Mete
8 Krasniqi ?
9 R. Ces personnes étaient connues. Avni, Iber - les gens le savaient. Les
10 gens savaient qu'ils constituaient un groupe. Il y avait la personne qui
11 s'appelle Galani. Tout le monde aujourd'hui sait de qui il s'agit, mais à
12 l'époque personne ne connaissait son nom.
13 Jusqu'en 2000, 2001, je ne savais pas quel était son vrai nom, à
14 savoir Idriz Gashi. Je l'ai connu sous le nom de Galani, commandant Galani
15 de Lugu.
16 Q. Voilà, c'est pour cela qu'il faut absolument être précis. Voilà ce que
17 je souhaite savoir. Ce jour-là, vous vous teniez là avec Vesel Dizdari. Pas
18 plus tard, mais ce jour-là, ce jour même, est-ce que quiconque aurait
19 mentionné d'autres noms autres que Me Krasniqi ? C'est cela que je souhaite
20 savoir. Non pas ce que vous avez appris par la suite, mais ce qui s'est
21 passé ce jour-là.
22 R. Ce jour-là, je n'ai rencontré personne d'autre qui m'a dit son nom.
23 Mais après, j'ai appris qu'il y avait eu deux Krasniqi qui auraient
24 interrogé ma sœur et j'ai appris le soir même qu'il avait interrogé ma
25 sœur. Mais pas le jour même, pas quand j'étais en train de me rendre à
26 Gllogjan. Je ne l'ai pas appris ce jour-là, en ce qui concerne Me Krasniqi,
27 mais plutôt le soir même le lendemain.
28 Q. Dites-nous, qui vous l'a appris ?
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1 R. Je ne comprends pas votre question.
2 Q. Qui vous l'a dit ? Qui vous a dit que Cufe Krasniqi avait interrogé
3 votre soeur ?
4 R. Vesel Dizdari, lorsque je suis revenu de Gllogjan. Car je suis retourné
5 le voir. C'est lui qui m'a dit que Cufe Krasniqi, qui était le commandant
6 adjoint, l'avait interrogée.
7 Q. Très bien. Revenons à votre première visite à Zllapek, la première fois
8 que vous avez discuté avec Vesel Dizdari.
9 R. C'était --
10 Q. Attendez que je vous pose la question, s'il vous plaît.
11 Avez-vous expliqué, avez-vous formulé, exprimé votre préoccupation quant à
12 votre soeur ?
13 R. Oui, je l'ai fait. Il me regardait et il ne s'est pas approché de ma
14 voiture. Il a parlé à Hamdi et à Hazir plus parce qu'il voyait bien que
15 j'étais très perturbé. Il ne s'est pas approché de moi.
16 Q. Vous nous avez déjà dit que ce jour-là, à ce moment-là, il a mentionné
17 le nom de Mete Krasniqi. Est-ce qu'il vous a dit quelque chose en ce qui
18 concerne ce que -- ou quel lien il y avait entre Mete Krasniqi et votre
19 préoccupation par rapport à votre soeur ?
20 R. Je ne comprends pas la question.
21 Q. Vous avez dit que vous lui avez parlé de votre préoccupation en ce qui
22 concerne votre sœur ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce qu'il vous a dit quelque chose en ce qui concerne Mete Krasniqi
25 ? Si oui, qu'est-ce qu'il vous a dit précisément ?
26 R. Vous parlez de qui ? Mete ?
27 Q. Qu'est-ce que Vesel Dizdari vous a dit au sujet de Mete ?
28 R. Vesel Dizdari a dit : "Elle a été arrêtée et suivez."
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1 Q. Est-ce qu'il a dit quelque chose en ce qui concerne la personne qui
2 l'aurait arrêtée ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce qu'il vous a donné des noms en ce qui concerne les personnes qui
5 l'auraient arrêtée ?
6 R. Elle avait été arrêtée par Mete Krasniqi. C'était la première personne
7 qu'il avait arrêtée. Mes cousions m'ont dit que Mete Krasniqi était le
8 premier. Mes cousins connaissaient Mete Krasniqi, Avni, Iber et cette autre
9 personne, Galani, ils ne connaissaient pas.
10 Il y avait d'autres personnes, 30, 40, 50. Je ne sais pas combien.
11 Mais ce n'était pas ces personnes-là qui l'avait arrêtée. Seulement les
12 personnes dont j'ai mentionné les noms.
13 Q. Merci. Très bien. Après Sllapek, où est-ce que vous êtes allé après
14 avoir parlé avec Vesel Dizdari ?
15 R. Je suis rentré chez moi. Tout le monde était là, mes amis, ma famille,
16 à cause de cette tristesse qui frappait notre famille. Pourquoi est-ce que
17 cela nous arrivait à nous ? Les gens savaient qu'elle avait été arrêtée.
18 Les gens se demandaient pourquoi et comment. Des familles de l'UCK étaient
19 venues chez moi. Des voisins, des parents. Je suis allé à Gllogjan avec
20 Hazir. Hamdi n'est pas venu avec nous. Il est descendu avant, mais nous
21 étions déjà proches de Gllogjan. Il pleuvait. Il y avait des combats. On
22 n'a pas pu rentrer dans Gllogjan. Et c'est là où on a rencontré un soldat
23 de Gllogjan, qui venait de Gllogjan, et j'ai fait demi-tour en voiture. Le
24 soldat, son nom de famille était Dervishaj. Je ne sais pas quel était son
25 prénom.
26 Nous sommes allés jusqu'à Gllogjan et nous sommes rentrés à la
27 maison.
28 Q. Très bien. Ai-je bien compris ? Vous n'avez pas réussi à entrer dans le
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1 village de Gllogjan ? Oui ou non ? Et sinon, c'était à cause des combats ?
2 R. Non, nous n'avons pas pu entrer dans le village à cause des combats.
3 Q. Merci. Voulez-vous bien dire à la Chambre pourquoi en premier lieu vous
4 vouliez aller à Gllogjan ? Qu'est-ce que vous aviez l'intention de faire ?
5 Si vous aviez réussi à entrer dans le village, qu'est-ce que vous vouliez y
6 faire ?
7 R. Je savais que c'était une provocation de la part de Mete. Mais je
8 voulais savoir et je voulais montrer qu'il nous avait menti, qu'il m'avait
9 menti. Parce que je savais qu'il m'avait menti. Il avait menti. Il avait
10 trahi. Il ne me disait pas la vérité. Je savais qu'il n'y avait aucune
11 vérité dans ce qu'il me disait.
12 J'ai dit à Hamdi et à Hazir, une fois que nous étions partis, qu'il
13 nous avait menti et qu'il nous avait trahis.
14 Q. C'est peut-être ce que vous pensiez, mais comment est-ce que le fait de
15 vous rendre à Gllogjan aurait pu vous aider ? Qu'est-ce que vous aviez
16 l'intention de faire ? Ou plutôt : qu'est-ce que vous auriez fait si vous
17 aviez réussi à entrer dans Gllogjan ?
18 R. J'avais l'intention d'aller chez l'oncle de mon père qui habitait à
19 Gllogjan, Sejfijaj, c'est son nom de famille. Et j'allais leur poser des
20 questions. J'avais l'intention de rencontrer Ramush car je savais que Mete
21 Krasniqi avait menti. Je voulais tout simplement révéler ce mensonge, car
22 je n'avais jamais entendu parler de méfaits qui se seraient produits à
23 Gllogjan. Je pensais qu'on m'avait trahi. J'étais perdu. Il m'avait trahi.
24 C'est pour cela que je voulais m'y rendre.
25 Q. Merci. Vous parlez de Ramush Haradinaj, n'est-ce pas ?
26 R. Où ?
27 Q. Vous avez dit que vous aviez l'intention de rencontrer Ramush. Je
28 voudrais si vous parlez de Ramush Haradinaj.
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1 R. Oui, oui. Je voulais le rencontrer en personne parce que c'était
2 quelqu'un de très politique. Je n'avais aucune difficulté à le rencontrer.
3 J'aurais pu le rencontrer, si je l'avais souhaité.
4 Q. Je voulais juste être sûr d'avoir compris. Donc vous alliez lui exposer
5 votre problème et lui demander de l'aide, si possible ?
6 R. Oui, bien sûr.
7 Q. Donc vous n'avez pas réussi à entrer dans Gllogjan à cause des combats.
8 Vous êtes-vous rendu chez vous ?
9 R. Non, je n'ai pas pu y aller, donc je suis rentré chez moi.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Balaj, c'est moi le Président
11 qui vous parle en ce moment.
12 Je vous demanderais de ne pas regarder pour l'instant l'accusé. Je
13 vous demande de vous concentrer sur M. Di Fazio, qui vous pose des
14 questions, et je demande aussi à l'accusé de ne pas réagir à ces tentatives
15 d'établissement de contact visuel de la part du témoin.
16 Veuillez poursuivre.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.
18 Q. Je vous demanderais maintenant de vous remémorer ce qui s'est passé le
19 lendemain, c'est-à-dire le 13. Est-ce que vous avez continué votre enquête
20 pour essayer de savoir où se trouvait votre soeur ?
21 R. Oui, tôt le lendemain matin, j'ai continué -- je suis allé à Lugu i
22 Baranit, où elle a été exécutée. Nous avons demandé à des gens dans les
23 alentours s'ils l'avaient vue. J'ai réussi à trouver le chemin pour Cufe
24 Krasniqi, mais il n'était pas là. Le deuxième jour. j'ai demandé à d'autres
25 gens. Je suis allé voir Tahir Zemaj.
26 Q. Le 13, nous parlons du 13. Vous dites que vous êtes allé à Lugu i
27 Baran.
28 R. Oui. Je suis allé à Lugu i Baranit et à Tahir Zemaj le même jour.
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1 Q. Merci. Est-ce que vous êtes allé au village de Baran également en plus
2 de Lugu i Baran ?
3 R. J'y suis allé, mais je n'ai pas pu rencontrer les gens qui ont arrêté
4 ma sœur. J'ai vu d'autres personnes. J'ai vu des soldats. Je suis entré à
5 l'intérieur, mais je n'ai pas pu rencontrer ni Avni, ni Iber, ni d'autres.
6 Iber, je le connaissais très mal.
7 J'ai vu d'autres personnes que je ne connaissais pas. J'ai demandé à
8 voir Cufe Krasniqi, un soldat qui est sorti qui m'a dit qu'il ne savait pas
9 où il était. Je suis allé voir Tahir Zemaj et je lui ai raconté l'histoire.
10 Il a dit qu'ils allaient prendre des mesures. Je pense qu'il a sûrement
11 mené son enquête.
12 Q. Tout ça se passait, si j'ai bien compris, le lendemain, c'est-à-dire le
13 13. C'est ce jour-là que vous avez vu Tahir Zemaj, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. Oui.
15 Q. Vous avez parlé de ce M. Cufe Krasniqi dans votre déposition.
16 R. Oui.
17 Q. Vous l'avez vu ?
18 R. Le lendemain, je crois, c'était le 14. C'est le 14, je crois que je
19 l'ai rencontré. J'y suis allé le matin. Je n'ai pas pu le voir, ensuite j'y
20 suis retourné vers 14 heures, 15 heures, et il se trouvait à l'intérieur.
21 Il y a un soldat qui l'a appelé. Cufe est sorti. Il m'a supplié de --
22 Q. Je vous poserai des questions sur Cufe Krasniqi par la suite, mais nous
23 allons suivre l'ordre chronologique. Pour l'instant, revenons au 13.
24 Vous avez dit que vous vous êtes rendu à Baran ?
25 R. Oui.
26 Q. Vous avez parlé à Tahir Zemaj ?
27 R. Oui.
28 Q. Il a dit qu'ils allaient prendre des mesures. Savez-vous quelles
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1 mesures ont été prises ?
2 R. Oui. Tahir Zemaj avait appelé Mete Krasniqi, Avni Krasniqi, Iber et
3 Cufe Krasniqi et d'autres personnes aussi dont je ne connais pas les noms,
4 et leur avait posé des questions. Mais Idriz Gashi était parti; il ne s'est
5 pas présenté à Tahir Zemaj pour répondre aux questions. Donc il n'y est pas
6 allé.
7 Q. Connaissez-vous un monsieur qui s'appelait Hysen Gashi ?
8 R. Oui.
9 Q. Connaissez-vous --
10 R. Hysen Gashi.
11 Q. Connaissez-vous Fadil Nimani ?
12 R. Oui, je connais cette personne. C'était quelqu'un de très bon. C'était
13 un bon stratège. Il venait d'une bonne famille.
14 Q. Est-ce que vous avez vu l'un ou l'autre pendant vos tentatives de
15 retrouver votre sœur ?
16 R. Oui, oui. Je les ai rencontrés.
17 Q. Comment est-ce que vous les avez rencontrés ?
18 R. Tahir Zemaj m'a emmené les rencontrer. Lorsque j'y suis allé la
19 deuxième fois il me les a présentés et ils ont commencé à me poser des
20 questions sur ce qui serait advenu de ma sœur. Ils ne se trouvaient pas à
21 la caserne de Tahir Zemaj. Ils se trouvaient à la clinique proche de la
22 route, près de l'école où se trouvait la caserne.
23 Je suis entré dans leur bureau. Ils ont commencé à prendre des notes.
24 Nous avons commencé à parler de ma sœur. Pendant quatre ou cinq jours, j'y
25 suis allé et ils m'ont posé des questions et je voulais obtenir de leur
26 part des informations concernant le décès de ma sœur.
27 Q. Merci beaucoup. Donc en tout état de cause c'était Tahir Zemaj qui vous
28 a présenté à eux; je vous ai bien compris ?
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1 R. Oui.
2 Q. Après qu'il vous ait présenté à eux, c'est à ce moment-là qu'ils ont
3 commencé à poser des questions ?
4 R. Oui. Ils ont commencé à poser des questions dans le genre : où est-ce
5 que votre sœur avait l'intention d'aller ? Qu'est-ce qu'elle voulait
6 acheter ? Ils me demandaient comment je me sentais et ils disaient ne vous
7 précipitez pas. Tout va être éclairci et Fadil éclaircira tout."
8 Donc je suis allé là tous les jours de 14 heures jusqu'à la soirée,
9 ou depuis 8 heures du matin jusqu'à midi. Parfois j'allais le matin,
10 parfois j'allais l'après-midi, en soirée. Je les ai remerciés de la façon
11 dont ils ont coopéré avec moi, dont ils ont travaillé. Le quatrième ou le
12 cinquième jour, je les attendais, ils sont entrés et Fadil Nemani m'a dit :
13 "Bien, je te présente mes condoléances parce que ta sœur est décédée." A ce
14 moment-là, je me suis évanoui. Ils m'ont donné de l'eau à boire et je suis
15 parti.
16 Q. Je vous remercie. Puisque nous parlons précisément de ce sujet, je
17 voudrais vous demander s'ils vous ont expliqué comment elle avait trouvé la
18 mort ?
19 R. Non. Non. Ils ont simplement dit que ma sœur était décédée, qu'elle
20 était morte, et qu'ils allaient faire une enquête pour en savoir davantage
21 en ce qui la concerne, essayer de retrouver son corps. Je les ai salués et
22 je suis parti - enfin, je les ai également remerciés à cause de ce qu'ils
23 avaient fait. Simplement, j'ai insisté auprès d'eux pour que je puisse être
24 en mesure de récupérer son corps, et ils m'ont dit qu'ils continueraient à
25 pousser leur investigation. C'est comme ça que nous nous sommes quittés.
26 Q. Je vous remercie de cette explication.
27 Maintenant, nous avons avancé de quelques jours. Je voudrais revenir
28 à la journée du 13. Bien ? Ce jour-là, après que vous ayez pour la première
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1 fois appris que votre sœur avait disparu, c'est bien cela ?
2 Vous nous avez dit que ce jour-là, vous aviez rencontré Tahir Zemaj
3 et que plusieurs choses s'étaient passées. Vous avez dit aussi que vous
4 n'aviez pas rencontré Cufe Krasniqi ce jour-là mais le lendemain. Ce qui
5 nous emmène à la date du 14; est-ce exact ?
6 R. Le 13 ou le 14, je ne suis pas vraiment sûr, mais c'était une de ces
7 deux dates. Ça pourrait être celle à laquelle je l'ai rencontré.
8 Q. Bien, bien, je comprends. Je ne veux pas vous obliger à préciser, c'est
9 compréhensible.
10 Pouvez-vous simplement nous dire ceci, tout au moins : est-ce vous
11 diriez que vous avez rencontré Cufe Krasniqi le même jour que celui où vous
12 avez rencontré Tahir Zemaj où est-ce que c'est un jour plus tard ?
13 R. Il se peut que c'était le même jour ou le lendemain. Je n'arrive pas
14 exactement à m'en souvenir. Ça fait longtemps que ça s'est passé.
15 Toutefois, je l'ai rencontré, comme je vous l'ai dit, j'ai demandé après
16 lui à la grille de la caserne. Un soldat est allé le chercher. Cufe est
17 sorti.
18 Q. Veuillez, s'il vous plaît, ralentir. Ralentissez, s'il vous plaît. Pour
19 commencer, où cela ? Quel village ? Où est-ce que vous l'avez vu, M. Cufe
20 Krasniqi ?
21 R. A Baran, là où se trouvait la caserne, la caserne militaire.
22 Q. Merci. Est-ce que vous l'avez vu sortir ?
23 R. Oui, je l'ai vu.
24 Q. Quel était votre but, et pourquoi lui ?
25 R. Je voulais lui poser des questions concernant ma sœur. Je voulais lui
26 demander ce qui lui était arrivé, où elle se trouvait.
27 Q. Je vous remercie. En fait, est-ce que vous avez réussi à vous réunir
28 avec lui et à lui parler de cette question ?
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1 R. Oui. Ça s'est passé de façon très calme. Nous nous sommes serré la
2 main. Il m'a demandé qui j'étais. Je lui ai répondu que j'étais Shaban
3 Balaj de Strellc et que j'étais venu ici pour poser des questions
4 concernant ma sœur, et ce qui lui était arrivé parce qu'on m'avait dit
5 qu'il l'avait interrogée.
6 Il y avait là un petit café, un endroit où on vendait du café, et il m'a
7 dit que nous pouvions aller à cet endroit-là et prendre quelque chose. J'ai
8 dit : "Non." Il a dit : "Alors, retournons dans la caserne." J'ai dit :
9 "Non." Je n'étais pas rasé. J'avais à la main une kalachnikov, mais pas
10 pour le menacer ou quoi que ce soit.
11 Alors, nous sommes montés dans la voiture, une Lada rouge, et il m'a
12 expliqué ce qui s'était passé. Il m'a dit qu'il s'était trouvé dans le
13 bureau de Nazif Ramabaja, et que dans le bureau de Nazif Ramabaja, et
14 qu'Azif Krasniqi et Iber Krasniqi étaient venus et lui avaient dit qu'ils
15 avaient capturé un collaborateur serbe, une personne qui était soupçonnée,
16 et il lui a demandé de l'interroger.
17 Il était allé là-bas, il l'avait salué. Ils étaient donc trois à cet
18 endroit-là, Avni, Iber et Galani. Avni et Iber avaient quitté la pièce, le
19 bureau. Il lui avait posé des questions. Il lui aurait demandé d'où elle
20 était ? Ma sœur lui avait répondu, et il a dit : "J'ai trouvé le nom d'une
21 personne," mais je ne suis pas sûr que ça été vrai ou quoi. Je pense que
22 c'était une calomnie. Dragan Curovic.
23 Q. Je voudrais simplement vous demander de vous arrêter un moment là. Ça
24 se passe très bien jusqu'à maintenant, mais ce que je vais vous demander
25 simplement c'est ne nous dites pas ce qui est vrai ou ce qui est
26 calomniateur, et cetera. Dites-nous simplement ce qu'il a dit. Dites à la
27 Chambre de première instance ce qu'il vous a dit, alors que vous étiez
28 assis avec lui dans la voiture. Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
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1 R. Bien, il n'a rien dit de cela, de ce genre, en ce sens lorsque nous
2 étions dans la voiture. Il a juste dit qu'il n'y avait rien la concernant
3 et qu'il l'avait relâchée, et même lors du procès à Peje il n'a pas
4 mentionné cela. Toutefois, même si elle avait vraiment une adresse dans son
5 carnet -, car il avait une agence de voyage - lorsqu'elle avait cette
6 agence, il y avait un grand nombre de Serbes qui vivaient à Peje et qui
7 voyageaient, bien sûr, tout comme nous.
8 Il a dit que Galani était resté dans le bureau tout le temps alors
9 qu'il interrogeait Sanije, alors qu'Avni et Iber étaient sortis. Lorsqu'il
10 avait ouvert le sac de ma sœur, il avait trouvé les 2 800 deutschemark qui
11 s'y trouvaient également. Galan était dans le bureau. Je ne sais pas
12 pourquoi cette personne se trouvait dans le bureau pendant qu'il procédait
13 à cette tâche.
14 Toutefois il est parti, il est sorti de la voiture et j'ai repris ma
15 route.
16 Q. Je vous remercie. Bien. Alors, vous avez dit que M. Cufe -- excusez-
17 moi, Cufe Krasniqi a dit, je cite : "J'ai trouvé un nom d'une personne."
18 Bien, je ne suis pas sûr si c'était vrai. Il vous a en fait réellement dit
19 ces mots ? Est-ce que c'est ça ce que vous dites dans votre déposition ?
20 R. Oui.
21 Q. Ce nom de Dragan Curovic, est-ce que c'est le nom qu'il a effectivement
22 dit ou mentionné, alors que vous étiez assis ensemble dans la voiture pour
23 parler de la question ?
24 R. Non. Il n'a pas mentionné cela dans la voiture. Je l'ai entendu dire.
25 Ici, il ne l'a pas mentionné, cet événement, même lorsqu'il a fait une
26 déclaration au sujet de Peje lorsque l'accusé a été condamné.
27 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que vous me pourriez me donner un
28 instant, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
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1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
2 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien.
3 Q. Vous avez dit au début de votre déposition d'aujourd'hui que vous étiez
4 allé à Gllogjan pour tenter d'entrer dans ce village, et dans cette partie
5 de votre raisonnement vous aviez voulu aller présenter votre affaire à M.
6 Ramush Haradinaj. Pour autant que vous le sachiez, est-ce que M. Haradinaj
7 a répondu d'une façon quelconque pour le problème que vous aviez ?
8 R. Je ne me rappelle pas la date. Je ne me la rappelle pas, parce qu'en
9 fait, j'étais très troublé au bout de trois, quatre ou cinq jours, je ne
10 suis pas sûr, je suis retourné à Gllogjan avec Hazir. Il y avait Tafi qui
11 nous a accompagnés, nos amis à Gllogjan dans ma voiture, mais il n'a rien à
12 voir avec cette affaire. Il n'a fait que nous accompagner. Il ne savait
13 rien de tout cela.
14 Nous sommes entrés à Gllogjan, nous avons rencontré un homme âgé, nous
15 l'avons salué. Nous lui avons demandé : "Est-ce qu'il y a une prison ici ?"
16 Il a souri en retour. Il m'a dit : "Il n'y a pas de prison ici." Il a dit :
17 "Oui, mais quelqu'un, un traître à la nation m'a pris en traître. Il a
18 souri un petit peu, puis il m'a offert une cigarette. Tafaj se trouvait
19 dans la voiture. Il ne savait pas ce qui se passait, ce qui se disait entre
20 moi et cette personne âgée, cet homme âgé. Nous avons parlé et j'ai dit au
21 revoir à ce vieillard. Je suis retourné à la voiture, puis nous avons pris
22 la direction de Strellc.
23 Au bout de deux ou trois jours, Gani Gjukaj m'a dit - je n'étais pas
24 chez moi, je n'étais pas à la maison - tout le temps que j'ai passé à
25 chercher sa sœur, je voulais la trouver même si elle était décédée. Gani
26 Gjukaj m'a dit que Ramush et Gani Gjukaj étaient venus chez moi pour
27 présenter leurs condoléances à cause de ma sœur. Ce qui voulait dire qu'il
28 n'avait rien à voir avec cela. Je savais cela même avant que Ramush - bon,
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1 que Ramush n'était pas mêlé à cette affaire du tout. Il n'avait rien à voir
2 avec cela. Il n'avait joué aucun rôle. J'ai mentionné cela, j'ai dit cela
3 dans toutes mes déclarations. Et j'ai juré de dire la vérité et de ne rien
4 dire contre des personnes innocentes.
5 C'est ce que ma femme m'a dit, et je les ai remercié en leur absence.
6 J'étais heureux de cela, je dirais, qu'un commandant vienne faire des
7 condoléances chez moi.
8 J'ai mentionné ce nom ici que depuis 2001, lorsque j'ai commencé à répondre
9 à des questions à Prizren, jusqu'à ce jour, que Ramush Haradinaj n'avait
10 rien à voir avec la mort de ma sœur.
11 Q. Bien. Ceci est très clair. Je vous remercie de nous avoir expliquer
12 cela.
13 Maintenant passons donc à un autre sujet, si vous le voulez bien. Il
14 s'agit de ceci : dans le cadre de vos recherches, de votre enquête, est-ce
15 que vous êtes jamais allé avec d'autres hommes à la maison de Mete Krasniqi
16 ?
17 R. J'y suis allé. Je ne me rappelle pas bien quand, mais au cours d'une de
18 ces journées, avec une vingtaine de personnes, une fois j'ai rencontré Mete
19 Krasniqi et nous nous trouvions dans quatre voitures. Nous sommes allés
20 chez lui escortés par des personnes âgées qui étaient davantage au courant.
21 Notre président c'était Zeqir Balaj, un de mes voisins. C'était une sorte
22 de représentant de notre groupe. Avni se cachait. Son frère est donc sorti
23 et nous a reçus. La situation était très tendue. Il a offert du café à
24 quelque cinq ou six personnes, à tout le monde. En fait, j'ai dit que nous
25 étions environ une vingtaine dans ce groupe. Zeqir Balaj, mon cousin, a
26 demandé où était Din Krasniqi. Din est venu. Nous avons parlé. Il était
27 très ennuyé de ce qui s'était passé. Il avait entendu parler du fait que ma
28 sœur avait été tuée.
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1 Nous avons un rapport de parenté très éloigné avec la famille
2 Krasniqi.
3 Q. Je vais simplement vous demander de vous arrêter un instant ici et nous
4 préciser certaines des choses que vous avez dites jusqu'à présent. Pour
5 commencer, qu'elle était la raison d'ensemble pour laquelle il y avait ce
6 grand groupe de personnes qui se trouvaient là aussi ? Qu'est-ce qui devait
7 être réalisé ?
8 R. C'était pour un groupe de personnes qui venaient pour parler de choses,
9 il s'agissait de prendre -- il s'agit d'une vengeance de ce qui s'était
10 passé. Nous avions ces chambres d'amis - Nous appelons ça une oda - et
11 c'est là que les personnes peuvent s'asseoir et parler, s'entretenir de
12 choses de ce genre.
13 Q. Je comprends que la disparition de votre sœur était le sujet essentiel
14 de Krasniqi ?
15 R. Oui, bien sûr. Nous étions là pour demander un récit de ce qui s'était
16 passé, parce que c'était l'une des personnes qui l'avait arrêtée, et il
17 devait savoir ce qui s'était passé lorsqu'elle avait été emmenée, qu'est-ce
18 qui lui était arrivé.
19 Q. Est-ce que Din Krasniqi était apparenté en quoi que ce soit à Mete
20 Krasniqi ?
21 R. Oui. Ce sont des cousins germains.
22 Q. Bien. Je vous remercie. D'accord. Vous nous avez dit que vous étiez
23 allé là-bas avec un grand groupe, un groupe important, et que Zeqir était
24 votre porte-parole. Dites-moi comment les choses se sont déroulées.
25 R. Nous étions là, comme je l'ai dit, avec ce groupe important, nous avons
26 parlé avec Din; Mete n'était pas là. Avni se cachait. Nous n'avons pas
27 rencontré Iber. Et notre homme qui était âgé, Zeqir Balaj, a dit à Din
28 Krasniqi : " Dis-moi, Mete, parce que je te dis que dans 24 heures nous
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1 voulons récupérer notre fille, morte ou vive. Nous voulons qu'elle vienne,
2 nous voulons qu'elle soit amenée à Strellc."
3 Cette visite a pris fin. Nous avons quitté cette maison, nous sommes sortis
4 et nous avons rencontré Mete par accident. Nous avons échangé des paroles
5 assez vives et Zeqir Balaj a dit à Mete
6 Krasniqi : "Parle à Din Krasniqi. Il te dira pourquoi nous étions là."
7 Q. Maintenant, est-ce que Mete, à cette occasion, a rencontré Mete
8 Krasniqi, a dit quoi que ce soit concernant ces événements ?
9 R. Non. Je ne lui pas parlé personnellement à ce moment-là.
10 Après trois ou quatre jours, Mete Krasniqi avait pris cette voiture, cette
11 Golf rouge dont il se servait, et il avait emmené le hoxha, le prêtre
12 musulman, du village de Vranoc. Ramadan, enfin Ramadan Gashi, mon cousin,
13 Zeqir Gjoci de [inaudible] était aussi un ami et quelqu'un que je
14 connaissais, [inaudible] sont venus dans cette pièce où se trouvaient 50 à
15 60 personnes dans la pièce de Zeqir Balaj. Tous ces amis se sont réunis,
16 donc un groupe d'environ 50, 60 personnes. Et Mete Krasniqi a commencé à
17 parler du cas de ma sœur.
18 Il a commencé en disant : "Je suis venu ici avec toutes ces personnes
19 pour qu'elles jurent, prêtent serment sur ce qui s'est passé. J'ai eu tort
20 de l'arrêter, mais je n'ai rien à voir avec sa mort, et je suis donc venu
21 ici pour te jurer ou jurer à tous que je n'ai pas commis cet acte."
22 Mon frère, Avni, est mêlé à cela, cet acte, et il y a une personne
23 appelée le colonel Galani de Lugu i Drinit.
24 Zeqir Balaj lui a demandé et lui a dit : "Mete, si tu rapportes le
25 corps, nous verrons après la guerre la question de savoir ce qui s'est
26 passé. Mais si tu ne ramènes pas ce corps, d'après les canons de Dukagjini,
27 nous tu dois, tu [inaudible] de deux vies."
28 Mete a déclaré, je cite : "Le corps a été emmené, emporté de
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1 l'endroit, Lugi i Isufit, où elle était enterrée." Le vieillard a dit : "Où
2 est le corps ? Qui l'a emmené, emporté ce corps ?" Et il a dit : "Galan, en
3 utilisant la force, a ordonné, leur a ordonné de prendre ce corps de là où
4 il se trouvait. Une personne appelée Zumir Hasanaj a vu ce qui s'est passé.
5 Il leur a dit d'emmener ce corps de l'endroit où il se trouvait, de ce
6 terrain.
7 Ils ont été forcés d'emporter ce corps." Zeqir le lui a
8 demandé : "Qui a emporté ce corps ?" et Mete a dit : "Mon frère et Iber
9 Krasniqi, mais ils ont été forcés de le faire. Ils ont été forcés de le
10 faire. Togeri a emmené, a emporté le corps de Lugu i Isufit, mais nous ne
11 savons pas où."
12 Q. Qui est Togeri ?
13 R. Je ne sais pas qui était Togeri. Je ne sais pas. Je n'étais pas
14 intéressé à apprendre qui il était. C'est ça qu'il a dit. Ce n'est que plus
15 tard, après un ou deux ans, qu'ils ont appris qui il était. J'ai dit qui il
16 est.
17 Q. Qu'est-ce que vous avez appris un ou deux ans plus tard concernant
18 Togeri ?
19 R. Au bout d'un ou deux ans je l'ai appris.
20 Q. Qu'est-ce que vous avez appris concernant Togeri au bout d'un an ?
21 R. J'ai appris qu'en 2002, lorsqu'on m'a demandé, les personnes m'ont posé
22 la question, au tribunal, ils m'ont donné des renseignements le concernant,
23 ils ont dit : "Il a tué ta sœur." Et j'ai dit : "Non, Togeri n'a pas tué ma
24 sœur." Et c'était tout.
25 Lorsque j'ai entendu ce nom, c'était Idriz Balaj. C'était au tribunal,
26 lorsque j'ai entendu cela et je l'ai dit dans ma déclaration. Il n'a pas
27 tué ma sœur. Il n'a rien à voir avec le meurtre de ma sœur. Mete Krasniqi,
28 avec ses méthodes, ses trahisons, a dit qu'il avait emporté le cadavre dans
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1 sa jeep et elle a disparue.
2 Je ne lui fais pas confiance. Je ne lui fais aucune confiance même
3 maintenant.
4 Q. Juste un instant. Mete Krasniqi a dit -- écoutez. "Il a emmené son
5 cadavre dans sa jeep." Qui a pris le cadavre, avec la jeep de qui ? De qui
6 parlait-on, pour autant que vous le sachiez ?
7 R. Il y avait un grand nombre de jeeps. Il a dit : "C'était la jeep de
8 Togeri." Mais il a dit : "Idriz Gashi nous a forcés à le faire." Excusez-
9 moi, Galani, parce qu'à ce moment-là je ne savais pas qui était Idriz
10 Gashi. Il a donné l'ordre à Avni et Iber de tirer le corps de l'endroit où
11 il se trouvait. Je crois que Galani a fait cela, mais je ne crois pas que
12 Togeri aurait fait cela. Mais toutes ces personnes sont encore en vie. Il y
13 a une quarantaine de personnes -- il y avait environ quarante personnes qui
14 se trouvaient dans cette pièce où Mete Krasniqi a prononcé ces mots, et il
15 y a également d'autres personnes qu'il a emmenées avec lui, comme hoxha,
16 Ramadan Gashi, Xhavit Ukaj, je ne fais pas confiance dans ce qu'il a dit.
17 Je lui avais fait confiance, mais pas à l'autre et c'est ça qu'il a dit.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.
19 M. DI FAZIO : [interprétation] J'étais sur le point de dire que je voulais
20 revenir sur un point particulier.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous allez y venir, mais commencez
22 par terminer votre interrogatoire principal. Ça doit être le dernier sujet
23 que vous voulez évoquer ?
24 M. DI FAZIO : [interprétation] Un de plus. Juste un sujet très bref.
25 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
26 M. DI FAZIO : [interprétation] En fait, si vous n'y voyez pas
27 d'inconvénient, je préférerais que ceci ait lieu après la suspension de
28 l'audience, ce qui nous permettrait --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans ce cas-là, je vais demander à
2 l'huissière d'escorter le témoin en dehors de la salle d'audience et de le
3 ramener après la suspension.
4 Monsieur Balaj, nous allons suspendre l'audience jusqu'à
5 quatre heures un quart. Voudriez-vous, s'il vous plaît, suivre
6 Mme l'Huissière.
7 [Le témoin quitte la barre]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander à la Défense. Il y a eu
9 demande qui a été déposée visant à modifier l'acte d'accusation. D'après ce
10 que je comprends, c'est essentiellement sur le fondement de nouveaux
11 résultats ADN. Est-ce que la Défense pourrait faire savoir à la Chambre
12 combien de temps il va lui falloir pour pouvoir répondre à cette demande ?
13 M. EMMERSON : [interprétation] Serait-il déraisonnable de demander sept
14 jours ?
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous pouviez faire un peu plus vite.
16 Je veux dire, nous nous rapprochons de plus en plus de la fin de la
17 présentation des moyens à charge par l'Accusation.
18 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble qu'il s'agit d'une question
20 qui est plutôt technique. Je ne dis pas que les questions techniques
21 n'exigent pas la plus grande attention de temps en temps.
22 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, on ne dit rien en ce qui
24 concerne la situation du point de vue des éléments de preuve, une fois que
25 l'acte d'accusation a été modifié. Nous parlons juste pour le moment de --
26 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je suis tout à fait disposé à répondre
27 au calendrier que la Chambre de première instance voudra décider.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce que je voudrais vous
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1 suggérer c'est trois jours. Est-ce que cela pourrait être acceptable ? Je
2 regarde également dans votre direction, Maître Guy-Smith, et dans votre
3 direction, Me Harvey.
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Quatre.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quatre jours. Ce qui veut dire que nous
6 recevrions cette réponse à la fin de la déposition du témoin, jeudi. Il y
7 aurait lundi qui serait un jour.
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, est-ce que ceci pour vous
10 serait également acceptable ?
11 M. HARVEY : [interprétation] Oui, je peux le faire ainsi, Monsieur le
12 Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc la Chambre s'attend à avoir
14 une réponse, une position de la Défense, pas plus tard que jeudi.
15 M. EMMERSON : [interprétation] Si nous sommes à même de faire une réponse.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce serait vivement apprécié.
17 Je suspends la séance jusqu'à quatre heures et quart.
18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.
19 --- L'audience est reprise à 16 heures 19.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense peut-elle nous indiquer de
21 combien de temps elle aura besoin à peu près pour le contre-interrogatoire.
22 M. EMMERSON : [interprétation] Je prévois de ne pas poser de questions au
23 témoin.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Rien du tout ? Maître Guy-Smith ?
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'aurais peut-être besoin d'une demi-heure,
26 mais je n'en suis pas sûr.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître Harvey ?
28 M. HARVEY : [interprétation] Je ne poserai pas de questions.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Di Fazio, à vous.
2 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 Q. Encore quelques sujets à aborder avec vous, Monsieur le Témoin.
4 Connaissez-vous un endroit qui répond au nom de Lugi i Izufit p40 ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que un endroit situé non loin de Vranoc ?
7 R. Oui. C'est près de Vranoc le bas, parce qu'il y a deux Vranoc : Vranoc
8 le haut et Vranoc le bas.
9 Q. Vous est-il arrivé de vous y rendre dans le cadre de la recherche de
10 votre soeur ?
11 R. Oui.
12 Q. Dans quelles conditions avez-vous été amené à vous y
13 rendre ?
14 R. J'y suis allé sur la base de renseignements qui m'ont été fournis par
15 des gens qui connaissaient cet endroit.
16 Q. Pourquoi êtes-vous allé là-bas ? Qu'espériez-vous y faire ou y trouver
17 ?
18 R. Fadil Nemani m'a présenté ses condoléances, donc j'ai pensé que le
19 cadavre de ma sœur était sans doute caché quelque part dans la région, dans
20 la forêt, ou sur la montagne. J'avais des amis qui avaient suivi de près
21 l'évolution de la situation, et selon ce que ces amis m'ont dit, je suis
22 allé sur place et j'ai trouvé l'endroit où elle était enterrée. J'ai
23 d'ailleurs vu son sang à cet endroit. C'était près d'un puit. Il y avait
24 aussi un ruisseau dans les environs, à 7 ou 10 mètres de distance. C'était
25 dans un ravin et ma sœur avait été enterrée à cet endroit, à 40 ou 50
26 centimètres de profondeur. La fosse où elle avait été enterrée avait été
27 recouverte, mais j'ai découvert que le sol avait été remanié récemment.
28 Donc, je suis resté là-bas. Mes amis de l'UCK, ma famille, mes frères
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1 essayaient de me protéger. Ils étaient tout autour de moi. Quand j'ai pris
2 contact avec eux, ils m'ont demandé si j'avais trouvé le corps de ma sœur,
3 j'ai répondu par l'affirmative. Certains sont venus me voir. Pas mal
4 d'entre eux ont versé des larmes et nous avons continué.
5 Q. Merci. Est-ce que vous êtes retourné à cet endroit pendant le procès
6 d'Idriz Gashi ?
7 R. Oui. Robert Dean et Irving Morris m'ont interrogé. C'est à ce moment-là
8 que j'y suis retourné et que je me suis retrouvé à cet endroit avec eux.
9 Avant cela, j'y suis allé en compagnie des forces de la MINUK. De sorte que
10 l'accusé qui était accusé d'avoir commis ce crime, un homme vil qui avait
11 tué cette femme simplement pour lui prendre son argent, il a essayé de
12 salir notre famille, mais n'y est pas parvenu car personne ne peut salir
13 notre famille. Notre famille descend des Gervalla. Tout le monde la connaît
14 au Kosovo.
15 Mon père descend de la famille Sejfijaj de Gllogjan. Nous comptons trois
16 martyrs dans notre famille qui est connue dans tout le Kosovo. Nous sommes
17 également en rapport avec la famille Dervishaj. Donc trois membres de notre
18 famille sont des martyrs qui ont donné leur vie pour la liberté du Kosovo.
19 L'un d'entre eux est un soldat, il s'appelait Kuqi. Il est donc impossible
20 de salir notre famille.
21 Q. Je vous remercie. Vous avez bien expliqué votre position. J'aimerais
22 maintenant vous poser quelques questions supplémentaires au sujet de votre
23 sœur, des questions générales pour en finir. Elle dirigeait une agence de
24 voyage, si je ne m'abuse, à Peje. Et vous avez déjà dit, n'est-ce pas, que
25 c'est un travail qu'elle a conservé jusqu'à 1997 au moins. Vous rappelez-
26 vous quand elle a cessé de diriger cette agence de voyage ?
27 R. En 1996, 1997, je n'en suis pas tout à fait sûr. Les forces serbes se
28 sont mises à commettre des pillages un peu partout, y compris dans cette
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1 agence de voyage. J'avais de l'argent, je pouvais donc subvenir à ses
2 besoins, car mes frères travaillaient en Allemagne et ils rapportaient de
3 l'argent à la maison à notre intention. Chaque fois que j'avais de
4 l'argent, elle en avait aussi. A ce moment-là, un litre d'essence coûtait
5 10 deutsche marks.
6 Q. Je vous remercie. Donc une fois qu'elle a cessé de travailler à
7 l'agence de voyage, parce qu'elle était empêchée de continuer son activité
8 professionnelle, n'est-ce pas, est-ce que c'est vous qui avez subvenu à ses
9 besoins ?
10 R. Oui, bien sûr. J'ai subvenu à ses besoins. Je l'aurais fait jusqu'à ma
11 mort.
12 Q. Je vous remercie. Vivait-elle avec vous dans la même maison, sous le
13 même toit, sous votre protection ?
14 R. Bien sûr. Elle vivait dans ma maison où elle avait sa propre chambre.
15 Elle aimait beaucoup mes enfants. C'était ma sœur cadette. Je l'aimais
16 beaucoup.
17 Q. S'occupait-elle de vos enfants pendant les mois et les semaines qui ont
18 précédé sa disparition ?
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Balaj --
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, elle l'a fait, tout le temps. Je
21 travaillais toute la journée, quant à elle, elle s'occupait de mes enfants.
22 Elle leur achetait des vêtements. Bien sûr, l'argent venait de moi mais
23 c'est elle qui s'occupait des enfants, de la maison. Nous étions un frère
24 et une sœur. Nous n'avions pas de secret l'un pour l'autre. Son argent
25 était le mien et mon argent était le sien. Nous étions une famille unie,
26 une maisonnée. Je ferai tout ce que je peux pour découvrir ce qui lui est
27 arrivé. Je continuerai jusqu'à ma mort.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Balaj, je vous ai déjà demandé,
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1 lorsque vous déposez, de regarder éventuellement du côté de M. Di Fazio, du
2 côté des Juges de la Chambre, sans chercher à établir le moindre contact
3 visuel avec d'autres personnes dans ce prétoire. J'aimerais vous rappeler
4 que je vous l'ai déjà demandé, mais cela vous semble un peu difficile,
5 semble-t-il.
6 Veuillez poursuivre.
7 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je vous présente mes excuses,
9 Monsieur le Président. Je me suis un peu calmé maintenant, mais pendant
10 neuf ans j'ai contenu cette rage à l'intérieur de moi. Maintenant, suite au
11 3 juillet, jour où j'ai enterré ma sœur, pour moi c'était un peu comme un
12 mariage parce que je l'ai ramenée à la maison. Je l'ai ramenée auprès de ma
13 mère et de mon père. Donc aujourd'hui je suis beaucoup plus calme que je ne
14 l'étais à l'époque. Il y a quelque temps, j'aurais été incapable de
15 témoigner, de faire une déposition devant vous. Aujourd'hui, j'en suis
16 capable. Et je ne voudrais pas qu'un innocent soit impliqué dans tout cela,
17 car je ne souhaite pas qu'une famille, quelle qu'elle soit, soit
18 discréditée et salie. Je viens d'une famille qui est une bonne famille,
19 honorable et respectable et je ne permettrai à personne de salir ma
20 famille, notre famille.
21 M. DI FAZIO : [interprétation]
22 Q. Merci beaucoup. Vous parliez à l'instant de la période qui a précédé
23 immédiatement sa disparition. Vous avez dit qu'elle résidait sous votre
24 toit, sous votre protection, qu'elle s'occupait de vos enfants et que de
25 temps en temps elle leur achetait des cadeaux. Est-ce ce qu'elle faisait au
26 cours des semaines et des mois qui ont précédé sa disparition ?
27 R. Oui, exactement. Elle vaquait à diverses occupations dans la maison.
28 Elle aidait mon épouse aux tâches ménagères, à la cuisine. A cette époque-
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1 là, plusieurs personnes résidaient dans notre maison. Elle aidait ces
2 personnes aussi. Il était assez difficile de se procurer des vivres. Elle
3 allait à Malisheve chercher à manger. Elle rapportait des vivres pour nous,
4 mais aussi pour tous les habitants du village. Tout le village lui était
5 très reconnaissant. Elle aimait beaucoup mes enfants.
6 Q. Ces tâches domestiques l'ont occupée jusqu'à la date de sa disparition
7 ?
8 R. Oui. Elle a continué à faire ce genre de choses jusqu'au jour de sa
9 disparition. Elle souhaitait disposer d'un téléphone portable qui lui
10 aurait permis de se faire un peu d'argent. Car il y avait pas mal de monde
11 dans le village et dans les environs qui souhaitaient pouvoir communiquer
12 avec des gens à l'étranger et c'est comme cela que tout a commencé. Elle
13 m'a demandé l'argent que je lui ai donné. Mais cela a conduit au pire, car
14 elle a été volée et son cadavre n'a pas pu être retrouvé pendant neuf ans.
15 Q. Merci.
16 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
17 questions à poser à ce témoin, mais le témoin aimerait beaucoup montrer aux
18 Juges de la Chambre quatre photographies de l'inhumation de sa sœur. Je le
19 sais, il me l'a dit. Donc je me demandais si les Juges accepteraient de
20 voir ces photographies où l'on voit le corps de sa sœur. Je ne pense pas
21 que cela prendra beaucoup de temps.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections du côté de la Défense ?
24 Les Juges comprennent bien que cette requête n'a que peu de rapport
25 avec l'aspect probant des éléments qui lui seront montrés, mais tout de
26 même.
27 Monsieur Balaj, la Chambre croit comprendre que vous souhaitez que
28 les Juges voient quelques photographies qui pourraient être placées sous le
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1 rétroprojecteur. La Chambre vous autorise donc à montrer ces photographies
2 de l'enterrement de votre sœur.
3 Je crois comprendre également qu'il n'est pas nécessaire de donner
4 une cote à ces documents. La mention sera faite au compte rendu d'audience
5 que ces photographies ont été vues par les Juges.
6 Un technicien peut-il peut-être intervenir pour faire fonctionner le
7 rétroprojecteur. Merci à la régie.
8 Monsieur, vous pourrez peut-être nous dire qui l'on voit sur ces
9 photographies ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on voit mon fils qui avait
11 8 ans -- non, excusez-moi, 5 ans à cette époque-là. Il a entre les mains la
12 photographie de sa tante et il est en larmes. A côté de lui, c'est ma fille
13 qui lit un texte dont le sujet est sa propre vie. Puis, on voit un
14 villageois qui lit une pétition rédigée par de nombreux habitants du
15 village et qui donne lecture aussi de télégrammes venus de la diaspora et
16 d'amis qui habitaient dans plusieurs pays du monde, Etats-Unis et Pays-Bas
17 notamment, puisque j'ai travaillé plusieurs années aux Pays-Bas.
18 Tout cela s'est passé le 3 juillet 2007. Puis on voit aussi sur cette
19 photographie d'autres enfants et les couronnes de fleurs.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame l'Huissière, vous pouvez
21 peut-être maintenant placer sur le rétroprojecteur la photographie
22 suivante.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici on voit mes amis et les membres de ma
24 famille qui prient pour ma sœur durant cette cérémonie.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Troisième photographie.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici on voit les centaines de personnes qui ont
27 participé à l'enterrement. Ce sont des gens qui s'efforcent de salir ma
28 famille sans y parvenir.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, quatrième photographie.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà l'endroit où gît ma bien-aimée sœur,
3 entre la tombe de mon père et de ma mère. C'est donc l'endroit où se trouve
4 sa tombe.
5 Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'avoir
6 accepté de voir ces photographies.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous comprenons à quel point la
10 situation est émouvante et affectivement chargée pour vous. Comme vous
11 l'avez sûrement remarqué, la Chambre n'a levé absolument aucune objection
12 par rapport à votre requête. Elle y a accédé avec un grand plaisir. Dans le
13 même temps, je vous demanderais maintenant de vous concentrer sur les
14 questions qui vont vous être posées par le conseil de la Défense, Monsieur
15 Balaj.
16 Maître Emmerson, c'est à vous.
17 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai dit clairement, Monsieur le Président,
18 que je n'avais pas l'intention de poser de questions à ce témoin. Je
19 maintiens cette position, mais j'aimerais m'exprimer quelques instants au
20 sujet du compte rendu d'audience, si vous m'y autorisez.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que le témoin peut garder
22 ses écouteurs ?
23 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis à votre disposition, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour être tout à fait sûr, je
26 préférerais que le témoin enlève ses écouteurs.
27 Monsieur, pourriez-vous enlever vos écouteurs une seconde ?
28 M. EMMERSON : [interprétation] Voici, Monsieur le Président, quelle est la
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1 situation. Vous avez le premier évoqué le fait que le témoin a cherché à
2 établir un contact visuel. Je pense que c'était à la page 26 du compte
3 rendu d'audience.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
5 M. EMMERSON : [interprétation] Ligne 4. Je voulais simplement pour le
6 compte rendu d'audience faire enregistrer les observations suivantes, à
7 savoir qu'à partir de l'endroit où je suis assis, j'ai vu que le témoin
8 jetait des regards un peu partout autour de lui dans le prétoire, car page
9 25, ligne 2 du compte rendu d'audience, il se soit posé une question par M.
10 Di Fazio qui porte sur la raison pour laquelle il se rendait à Gllogjan.
11 Puis page 27, lignes 7 à 13, il répond à cette question en faisant une
12 référence à Ramush.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après quoi M. Di Fazio demande ce que
14 Ramush --
15 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. La question précise était la suivante :
16 "s'agissait-il de Ramush Haradinaj ?" Le témoin a répondu en regardant
17 autour de lui dans le prétoire : "Que voulez-vous dire ?"
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis au courant. Je suis au
19 courant aussi que M. Haradinaj a fait un geste en même temps --
20 M. EMMERSON : [interprétation] Qui, je crois, permettait de l'identifier
21 lui-même comme étant la personne à laquelle --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui.
23 M. EMMERSON : [interprétation] -- était --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends le contexte. Le contexte
25 est clair. Mais vous comprendrez aussi.
26 M. EMMERSON : [interprétation] Je comprends tout à fait.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Tout est clair à présent.
28 Le témoin peut remettre ses écouteurs.
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1 LE TÉMOIN : [Le témoin se conforme]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Balaj, des questions vont
3 maintenant vous être posées par Me Guy-Smith, qui est le conseil de la
4 Défense de M. Balaj.
5 Veuillez poursuivre, Maître Guy-Smith.
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
9 R. Oui. Oui. Bonjour.
10 Q. J'aimerais tenter de faire mieux comprendre un certain nombre de choses
11 qui ont été évoquées dans votre déposition jusqu'à présent ici même
12 aujourd'hui. Je commencerai par le moment où vous avez appris la
13 disparition de votre sœur. C'est votre cousin qui vous en a informé, n'est-
14 ce pas ?
15 R. Deux membres de ma famille, Hamdi et Hazir m'ont appris la nouvelle.
16 Ils étaient avec elle, ils m'ont donc appris la nouvelle, après quoi j'ai
17 essayé de la retrouver, de découvrir où elle se trouvait.
18 Q. Je comprends. Lorsque vous avez parlé à ces deux membres de votre
19 famille Hamdi et Hazir, ils vont dit --
20 R. J'ai parlé avec eux dans l'après-midi. Est-ce qu'il était
21 2 heures, 3 heures ou 4 heures de l'après-midi, je ne me souviens pas
22 exactement. A ce moment-là, je ne faisais pas particulièrement attention à
23 l'heure. J'ai perdu le sens du temps.
24 Q. Je comprends. Ce n'était pas l'heure qui m'intéressait
25 particulièrement. Ce qui m'intéressait, c'était le renseignement qu'ils
26 vont ont donné. Quand vous avez parlé avec ces deux membres de votre
27 famille, ils vous ont dit qu'ils avaient eux-mêmes communiqué avec Mete
28 Krasniqi, qui leur avait dit que votre sœur était allée à Strellc, c'était
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1 un mensonge, n'est-ce pas ? Et par ces mots, je veux dire que Mete Krasniqi
2 avait menti.
3 R. Oui. Oui. Mete Krasniqi leur a dit que ma sœur était partie pour
4 Strellc. En fait, c'est Cufe Krasniqi qui leur avait dit cela. Ils n'ont
5 pas rencontré Mete Krasniqi, mais Cufe Krasniqi. Ils étaient allés se
6 renseigner pour savoir qui l'avait interrogée. On leur a dit que c'était
7 Cufe Krasniqi, et c'est ainsi qu'ils ont appris qu'elle était censée s'être
8 rendue à Strellc. Enfin, maintenant, je ne suis plus très sûr. En tout cas,
9 quelqu'un leur a dit que ma sœur était allée à Strellc. Je les ai
10 rencontrés à Strellc, tout près de ma maison. J'étais chez un cousin. Ils
11 m'ont dit qu'ils se sentaient très mal au sujet de ce qui s'était passé, et
12 ils m'ont donné les nouvelles. J'étais en colère. J'ai dit : "Mais pourquoi
13 ? Pourquoi est-ce que vous avez laissé cela se faire ? Pourquoi est-ce que
14 vous n'êtes pas allés avec elle ?" Mais tout cela ne servait à rien.
15 J'ai ouvert la portière de ma voiture et je leur ai dit de montrer. Nous
16 sommes allés à Gani Gjukaj, ensuite nous avons poursuivi notre chemin
17 jusqu'à Baran.
18 Q. J'aimerais que vous écoutiez attentivement les questions que je vous
19 pose. Peut-être que je vais un peu trop vite pour vous. D'accord ?
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, j'aimerais demander
21 l'aide des techniciens. Le système qui permet au texte du compte rendu
22 d'audience de défiler sur les écrans semble se bloquer de temps en temps,
23 même assez souvent. Je l'ai d'abord remarqué sur les écrans de mes
24 collègues, maintenant cela se produit également sur le mien. Maintenant,
25 tout va bien.
26 Veuillez procéder, Maître Guy-Smith.
27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis en train d'essayer de faire un test
28 avec mon écran.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous ménagez une pause entre les
2 questions et les réponses, le système finit par fonctionner, mais ce n'est
3 pas régulier.
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] D'accord.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, ce n'est pas tout à fait parfait.
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] D'accord.
7 Q. Cufe Krasniqi, c'est un membre de la famille de Mete Krasniqi, n'est-ce
8 pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Avni Krasniqi est le frère de Mete Krasniqi, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Iber Krasniqi est un autre membre de la famille ?
13 R. C'est leur cousin. C'est le cousin de Mete, de Cufe et d'Avni, mais il
14 est plus proche de Mete et d'Avni que de Cufe.
15 Q. Lorsque vous avez entendu la nouvelle au sujet de votre sœur, vous avez
16 été très ébranlé. Vous avez déjà dit dans votre déposition que vous avez
17 été très ébranlé, parce que je cite : "Je ne leur devais rien." Alors,
18 voici ma question.
19 Lorsque vous leur avez dit que vous ne leur deviez rien, est-ce que cela
20 signifie que vous n'aviez aucune dette à leur égard et que c'est cela qui a
21 provoqué la surprise chez vous, parce qu'il n'y avait aucune dette entre
22 votre famille et leurs familles à ce moment-là.
23 R. Je n'avais aucune dette à leur égard ni en numéraire ni autrement. Ils
24 constituaient une espèce de milice qui n'était commandé par personne. Leur
25 seul objectif était de piller et de voler.
26 Q. Quand vous dites qu'ils étaient "une espèce de milice qui n'était
27 commandée par personne, dont le seul objectif était de piller et de voler,"
28 vous parlez de Mete Krasniqi, Avni Krasniqi et Iber Krasniqi, n'est-ce pas
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1 ?
2 R. C'est évident, parce que Mete les a arrêtés. Avni et Iber sont allés
3 voir Cufe Krasniqi qui avait interrogé ma sœur, et Idriz Gashi, surnommé
4 Galani, se trouvait là. Donc c'était un commandement qui ne méritait pas
5 d'être appelé un commandement, parce que quand on a un commandant, un
6 officier qui interroge quelqu'un, il ne doit permette à personne d'être
7 présent dans la même pièce et d'écouter ce qui se passe.
8 On connaît bien le nom d'Idriz Gashi, bien, Idriz Gashi est resté
9 très longtemps dans ce bureau. C'est ce qui a été dit publiquement lors du
10 procès qui a eu lieu à Peje. Il a été dit que Avni et Iber ne cessaient
11 d'entrer et de sortir de la pièce, alors que Galani et Idriz Gashi
12 restaient dans la pièce tout le temps et qu'il a vu l'argent. C'est la
13 raison pour laquelle le meurtre a eu lieu, à cause de l'argent.
14 Q. Vous venez de prononcer le nom de Galani qu'on connaît également sous
15 le nom d'Idriz Gashi. Alors, je vais vous poser une question très simple
16 qui est la suivante : savez-vous quelle était la relation entre Idriz Gashi
17 et la famille Tahiraj ?
18 R. Je n'ai pas entendu parler d'une famille Tahiraj. Je ne connais que les
19 Krasniqi. Galani faisait partie de leur état-major et il n'y est pas resté
20 très longtemps, mais on l'a vu dans le QG de Mete Krasniqi qui se trouvait
21 dans la maison de Mete Krasniqi.
22 Q. J'aimerais que nous reparlions de la première fois où des membres de
23 votre famille sont allés au domicile de Mete Krasniqi pour essayer de
24 résoudre le problème qui se posait.
25 R. Bien, nous sommes allés chez Mete et chez Din, parce que c'est la même
26 famille. Ce sont des gens qui sont cousins germains. Mete est celui qui est
27 à l'origine de l'arrestation de ma sœur, ensuite les autres ont repris les
28 choses entre leurs mains. Mete était parti quand les autres ont pris la
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1 relève. Elle n'avait rien à voir avec ce qui s'est passé par la suite.
2 Q. Ma question suivante est la suivante : lorsque vous êtes allé au
3 domicile de Mete accompagné de membres de votre famille - et dites-moi si
4 je me trompe - j'ai cru comprendre que vous étiez allé chez Mete pour
5 tenter de résoudre le problème que posait la disparition de voter sœur dans
6 le cadre de l'application du "kanun" de Dukagjini, n'est-ce pas ?
7 R. Exact. C'est la raison pour laquelle nous sommes allés là-bas, pour
8 résoudre le problème lié à ma sœur.
9 Q. Et lorsque vous êtes allés là-bas pour résoudre ce problème, vous y
10 êtes allé avec des villageois, parce que d'après les règles du "kanun"
11 c'est dans ces conditions que de tels problèmes doivent être résolus,
12 n'est-ce pas ? Vous avez emmené avec vous des villageois d'un certain âge
13 de façon à ce qu'ils déterminent quelle était la meilleure façon d'agir,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Oui, nous y sommes tous allés ensemble avec des cousins à moi, et nous
16 nous sommes mis d'accord sur le fait qu'une personne allait nous
17 représenter tous. Donc qu'il n'y aurait qu'une seule personne qui parlerait
18 et que les autres se contenteraient d'écouter en silence. C'est ce que
19 prescrit le "kanun" dans de telles circonstances.
20 Q. Au moment où Avni se cachait et où Mete n'était pas encore présent,
21 donc dans les premiers moments de la rencontre, il y n'a eu aucun accord
22 entre votre famille et la famille Krasniqi au sujet du problème posé par
23 votre sœur, n'est-ce pas ? Je parle de la première rencontre.
24 R. C'est exact. Nous avons rencontré Din Krasniqi qui est cousin germain
25 de Mete, et nous lui avons fait savoir ce sur quoi nous nous étions
26 entendus, à savoir qu'une personne parmi nous, une personne âgée, Shaqir
27 Balaj, allait faire connaître notre position à tous, aller dire ce que nous
28 pensions de Mete Krasniqi. Une date limite a été fixée qui était située 24
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1 heures plus tard - c'est ce que prévoit le "kanun" - pour la découverte du
2 cadavre de ma sœur, car nous étions sûrs que ma sœur était morte.
3 Q. Quand vous dites "ce que prescrit le "kanun" - ce que prescrit le
4 "kanun" dans de telles circonstances - c'est que Mete Krasniqi était
5 responsable de ramener votre sœur, vivante ou morte, dans un délai de 24
6 heures. Dans le cas contraire, cela impliquait une dette à l'égard de votre
7 famille, n'est-ce pas ?
8 R. Exact. Il était obligé d'agir ainsi, car il savait ce qu'avait fait son
9 frère, il savait qu'il travaillait avec Galani. Il travaillait lui-même
10 avec Galani, comme ses frères. Il faisait partie de la police militaire,
11 c'était le commandant. Ils s'adressaient les uns aux autres en s'appelant
12 commandant.
13 Q. La deuxième fois que les familles se sont rencontrées, je crois que
14 vous avez dit qu'il y avait 50 hommes dans l'oda, et c'est à ce moment-là
15 que l'imam est arrivé et c'était l'imam Gashi, n'est-ce pas ?
16 R. Non. C'était Mullah Llukmani, l'imam Mullah Llukmani. Il était hoxha,
17 en tout cas il remplissait les fonctions de hoxha.
18 Q. D'accord. Sur l'une des photographies que vous nous avez montrées,
19 c'est l'un des hommes qui étaient présents à l'enterrement, n'est-ce pas ?
20 R. Non, c'était l'imam de Gllogjan - le hoxha de Gllogjan.
21 Q. Lorsque l'imam est arrivé accompagné de Mete Krasniqi pendant cette
22 rencontre qui a constitué la deuxième tentative de résolution du problème
23 dans l'application du "kanun" de Lek Dukagjini, c'est bien ce "kanun" que
24 vous appliquiez, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est exact. Il n'a pas eu le courage de venir tout seul. Il a
26 choisi l'imam. Il a pris mon cousin germain, Ramadan Gashi, puis un autre
27 cousin à moi et un ami, ainsi que quelqu'un qui était natif du village, un
28 ami à moi. Ils étaient tous ensemble. Quand un groupe arrive ensemble,
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1 quels que soient les griefs que l'on peut avoir à l'égard des uns ou des
2 autres, on est censés recevoir ces personnes comme des hôtes, quelles que
3 soient les circonstances.
4 Q. Ce qui s'est passé durant cette deuxième rencontre, est-il permis de le
5 décrire en disant que vous vous êtes tous réunis pour essayer de résoudre
6 le problème lié au sort de votre sœur afin de déterminer les
7 responsabilités de déterminer qui devait payer, quelle dette, à qui; c'est
8 bien cela ? C'était une tentative allant dans ce sens ?
9 R. Nous étions déjà sur place. Il y avait des postes de contrôle. Il y en
10 avait deux autour du village d'un côté et de l'autre à 200 mètres du bout
11 du village. Mete Krasniqi est arrivé. Il y a 31 familles, 31 maisons qui
12 appartiennent à la famille Balaj. Et parmi nous il y avait aussi bien des
13 personnes âgées que des jeunes. Bien entendu, les jeunes n'ont pas ouvert
14 la bouche, parce qu'une personne était censée être le porte-parole de toute
15 la famille Balaj. C'est donc lui qui a commencé à converser avec Mete. Il a
16 dit : "Pourquoi es-tu venu ?" Il a dit ça à Mete. Et Mete a répondu : "Je
17 suis venu pour m'exonérer de toute culpabilité. Ma seule faute c'est de
18 l'avoir arrêtée, mais je n'ai rien d'autre à voir avec sa disparition."
19 Q. Et Mete a dit aussi qu'il ne pouvait pas garantir --
20 R. Il a dit cela en présence de toutes les autres personnes, en présence
21 de l'iman, de Ramadan Gashi, de Zeqir Gjoci. Il a dit : "Je jure
22 personnellement devant vous tous que je n'ai rien à voir avec sa mort. Je
23 ne peux pas jurer pour mon frère parce que lui porte une tache." En fait,
24 le tribunal a déterminé que c'était vrai car il était présent. Il a été
25 présent jusqu'au dernier moment, jusqu'à son dernier souffle. Et c'est ce
26 qui a été prouvé durant le procès.
27 Q. Donc ma question est la suivante : à ce moment-là, il a dit qu'il ne
28 pouvait pas jurer pour son frère Avni Krasniqi et qu'il ne pouvait pas non
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1 plus jurer de la responsabilité d'Idriz Gashi, connu également sous le
2 surnom de Galani. Il ne voulait pas dire que ces deux hommes n'étaient pas
3 responsables.
4 R. Il a dit qu'ils étaient responsables.
5 Q. Je vois.
6 R. Il ne voulait s'engager, c'est-à-dire il ne pouvait jurer que vis-à-vis
7 de sa propre responsabilité à lui.
8 Q. Au cours du procès, vous nous avez dit que la personne âgée a déclaré :
9 "Si vous ne ramenez pas son cadavre, vous nous devez deux corps." C'est
10 bien cela ?
11 R. C'est exact. C'est ce qu'il a dit au nom de l'ensemble d'entre nous, au
12 nom des jeunes comme des vieux. Il a dit : "Vous devez ramener le corps
13 vivant ou mort. Mete a dit : "Je ne peux pas ramener son cadavre, parce
14 qu'il a été déplacé de l'endroit où il a été enterré à l'origine." Et la
15 personne âgée qui nous représentait a dit : "Où est-elle ?" Et la réponse a
16 été : "Je ne sais pas." Il a été dit également que Galani avait forcé son
17 frère Iber Krasniqi. Il a prononcé le nom de Togeri à ce moment-là, a
18 déplacé le corps par rapport à l'endroit où il avait été enterré au départ.
19 Je ne sais plus où il a dit qu'on l'avait emmené.
20 Q. Je comprends. Ma question maintenant est la suivante : encore une fois,
21 lorsque cette déclaration a été faite, à savoir que le cadavre ne pouvait
22 être rendu et que si le cadavre n'était pas rendu la dette concernerait
23 deux corps, donc, encore une fois, tout ceci c'est l'application de la loi
24 du "kanun," n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est ce qui a été dit et on en est resté là. Il ne pouvait pas
26 restituer le corps. La personne qui a tué ma sœur a été identifiée. Il
27 s'agit d'Idriz Gashi, surnommé Galani, commandant fantoche qui n'était sous
28 les ordres de personne et qui se désignait lui-même sous le nom de
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1 "commandant de Lugu i Drinit, et il est en train de servir une peine de
2 prison à Peje.
3 Q. Est-ce que la dette de deux cadavres a été remboursée aux termes du
4 "kanun" ?
5 R. Non, elle n'a pas été remboursée. Le criminel est maintenant en
6 liberté. Mais tôt ou tard, la dette sera remboursée. Si elle n'est pas
7 remboursée par ses frères, elle le sera par son neveu ou sa nièce qui la
8 pleurent encore aujourd'hui. Un moment viendra où ils rembourseront cette
9 dette.
10 Q. Mais vous êtes assis ici aujourd'hui et est-ce que vous savez si Mete
11 Krasniqi est vivant ou mort ?
12 R. J'ai entendu dire qu'il était mort.
13 Q. Vous avez pris contact avec la MINUK en 1998 et vous avez parlé aux
14 représentants de la MINUK des renseignements dont vous disposiez au sujet
15 de --
16 R. Je n'ai rencontré personne. En 1998 ? Non, pas en 1998. La MINUK
17 n'était pas là en 1998.
18 Q. J'aimerais vous donner lecture de quelque chose qui pourrait vous
19 rafraîchir la mémoire quant au fait que vous avez rencontré des
20 représentants de la MINUK au QG régional de Peja, le
21 28 septembre, -- excusez-moi, effectivement c'est en 2002. Toutes mes
22 excuses.
23 R. Ça, c'est exact.
24 Q. Durant cette rencontre vous avez parlé de la disparition de votre sœur
25 et du fait que son cadavre avait été déplacé. Et voici ce que vous leur
26 avez dit.
27 R. C'est exact.
28 Q. "Je déclare que le 12 août 1998, ma sœur Sanije Balaj s'est rendue vers
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1 Peja, qui est connue sous le nom de Sanije Balaj. Le jour-même, elle a été
2 arrêtée par Mete, Kadri, Avni Krasniqi du village et --
3 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au Président de demander au témoin
4 d'attendre que la question soit posée avant de donner sa réponse.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, voulez-vous bien
6 attendre que la question soit posée avant de répondre. Vous avez tendance
7 fréquemment à donner une réponse après que la moitié de la question ait été
8 posée seulement. Ce qui pose problème pour les interprètes, parce qu'il y a
9 plusieurs personnes qui parlent en même temps. Donc voulez-vous bien
10 attendre que Me Guy-Smith ait posé la question avant de nous donner votre
11 réponse.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le ferai.
13 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais une
14 précision. Il s'agit de quelle déclaration pour être
15 sûr ?
16 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une déclaration reçue de la part de
17 l'Accusation et j'ai une référence qui donne R0629065.
18 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Mais est-ce que je pourrais avoir une
19 date ?
20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je l'ai dit dès le début. C'est le 28
21 septembre 2002.
22 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est la déclaration des représentants de la
23 MINUK, n'est-ce pas ?
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, c'est cela.
25 Q. Vous avez dit également à ce moment-là, en 2002 que : "Elle a été
26 relâchée et elle s'est rendue toute seule vers le village de Kodadiq chez
27 son neveu."
28 R. Kodradiqi.
Page 8696
1 Q. Merci de la correction. "Avni, Kadri Krasniqi ainsi qu'Idriz Gashi
2 l'ont arrêtée de nouveau et l'ont amenée à la forêt de Vranoc, près du
3 village de Vranoc qui se trouve à la colline portant le nom de Lug e
4 Shabanit [phon] et c'est là où ils l'ont exécutée."
5 R. C'est une erreur. C'était Lugu. C'étaient Ibra et Avni qui l'on emmenée
6 de façon amicale. Enfin, au moins c'est ce que m'a dit Cufe. Je n'y étais
7 pas. Je ne le sais pas.
8 Q. D'accord. Ma question est la suivante, Monsieur : vous poursuivez dans
9 cette déclaration en disant : "D'après ce que nous avons découvert, elle
10 est restée enterrée là pendant deux jours. Après cela, Hysen Ukaj et Ahmet
11 Ukaj du village de Vranoc e Vogel ont cédé à la pression d'Idriz Gashi et
12 d'Avni Krasniqi et ont exhumé le corps. Jusqu'à maintenant nous n'en savons
13 rien en ce qui concerne l'endroit où elle aurait été enterrée et où se
14 trouve sa dépouille." Est-ce que correct ?
15 R. Je l'ai mentionné et c'est comme cela que cela s'est passé. Il y avait
16 deux témoins, Ahmet et Hysen Ukaj. Cela a été mentionné lors du procès de
17 Peje, le 17 mai. Ahmet Ukaj et Durim Hasanaj, un jeune garçon qui a vu par
18 hasard les deux soldats, mais il n'a pas donné les noms. Ils se sont rendus
19 à Lugu i Isufit dans une Golf rouge et c'est une Golf rouge numéro II.
20 Q. Monsieur, vous avez eu une autre rencontre avec la MINUK, à savoir le 2
21 octobre 2002.
22 R. Oui.
23 Q. A cette occasion, lors de cette rencontre, vous leur avez dit, et je
24 cite : "Conformément à l'enquête que j'ai menée, ces personnes ont tué ma
25 sœur." Et les personnes à qui vous faites référence étaient Mete, Avni et
26 Idriz Gashi. Vous poursuivez, et je cite : "Le 15 août, ils l'ont enterrée.
27 Ensuite ils l'ont déterrée. Idriz Gashi, Avri, pardon Avni Vranoci --
28 Krasniqi l'a fait le
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1 15 août, et deux autres personnes, Hysen Ukaj et Ahmet Ukaj, du village de
2 Vranoc, y ont participé et on ne sait pas où se trouve le cadavre."
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, c'est la deuxième fois
4 que vous posez une question de la même façon. Vous présentez une citation
5 au témoin et vous demandez "si c'est correct." Est-ce que vous êtes en
6 train de lui demander si c'est ce qu'il a dit à ce moment-là, ou autre
7 chose ?
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je vais
9 préciser.
10 Q. C'est ce que vous avez dit à ce moment-là ? C'est ce que vous avez dit
11 aux représentants de la MINUK ? Vous avez dit que c'étaient les quatre
12 personnes qui étaient impliquées dans le déplacement du corps de votre
13 sœur, n'est-ce pas ?
14 R. C'est correct. A ce moment-là, je ne connaissais pas Galani. Je
15 connaissais Mete Krasniqi, Iber et Avni, qui avaient arrêté ma sœur, et je
16 leur ai demandé à eux de me dire où elle se trouvait. Mais ils ont voulu
17 faire porter la responsabilité à d'autres. C'est pour ça qu'ils ont
18 mentionné d'autres noms. Je ne les connaissais pas ni Galani ni les autres,
19 mais je connaissais d'autres personnes qui ont collaboré avec eux, qui
20 étaient avec eux. Je ne sais pas pendant combien de temps, peu de temps ou
21 longtemps. Cela ne m'intéressait pas à l'époque. Et maintenant ils ont
22 témoigné devant le tribunal de Peje.
23 Q. Je comprends. Le 15 octobre 2002, vous avez parlé avec les
24 représentants du bureau du Procureur, entre autres, avec Ole Lehtinen, un
25 enquêteur, et vous lui avez raconté ce qui s'est produit lors du procès où
26 il y avait présence de l'imam et vous avez dit la chose suivante, et je
27 cite :
28 "Après cela, il y avait toujours des rumeurs comme quoi, par exemple, il y
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1 avait une femme qui était enterrée à la montagne de Vranoc, à Lugu i
2 Isufit, près d'un puit. Je m'y suis rendu avec quelques amis et nous avons
3 trouvé un endroit où on avait remué le sol. Et tout aux alentours, j'avais
4 trouvé des papiers qui, je savais, appartenaient à Sanije. J'ai remué le
5 sol, mais très clairement, j'ai vu qu'il n'y avait plus de cadavre. J'ai
6 totalement perdu le contrôle et j'ai quitté l'endroit. En descendant de la
7 montagne, j'ai rencontré un jeune berger qui a vu que j'étais très remué.
8 Il m'a demandé ce que j'avais. Je lui ai dit que ma sœur avait été tuée là.
9 Le garçon m'avait dit qu'un cadavre avait été enterré à l'endroit. Il avait
10 vu Avni Krasniqi, le commandant Galani, et je sais que c'est le surnom
11 d'Idriz Gashi. Donc il les avait vus en train de forcer deux soldats à
12 déterrer le cadavre qui, ensuite, a été transporté dans une 4X4. Avni et
13 Galani avaient menacé les deux soldats. Il leur avait dit qu'ils devaient
14 faire disparaître le corps. Je ne sais pas comment s'appelle le berger.
15 J'étais tellement affecté à l'époque. Je pense qu'il avait 13 ans, 14 ans
16 environ. Le berger m'avait dit que les deux soldats venaient du village de
17 Vranoc, et que leur nom de famille était Ukaj."
18 Lorsque vous l'avez dit au représentant du bureau du Procureur en octobre
19 2002, c'était vrai, n'est-ce pas ? C'est bien ce que vous leur avez dit ?
20 R. Oui, c'est vrai. Et ils l'ont dit ouvertement devant le tribunal. Même
21 le jeune garçon qui avait 8 ans à l'époque, il a maintenant 16 ans, lui
22 comme d'autres, ils ont témoigné devant le tribunal de Peje. Ils l'ont dit
23 aussi au procureur. Ils ont raconté ce qu'ils ont vu. Il y avait quatre
24 témoins.
25 Il y a avait quelqu'un avec Idriz Gashi. Ils ont également dit que le jeune
26 garçon s'occupait du bétail. Il était très dérangé. Il est rentré chez lui,
27 il a raconté à sa mère ce qu'il a vu et lorsque son père est venu, Zymer
28 Hasanaj, c'est la mère, donc l'épouse qui a raconté --
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1 Q. Vous avez témoigné, vous avez dit dans votre témoignage tout à l'heure
2 que quelques personnes vous auraient dit en 2002, et je vous cite :
3 "Lorsqu'on m'a demandé, des personnes au tribunal m'ont montré des
4 informations le concernant et en disant : 'Il a tué, il a tué ta sœur.'
5 J'ai dit : 'Non, non, Togeri n'a pas tué ma sœur.'"
6 R. Oui, oui. C'est bien ce que j'ai dit.
7 Q. Voilà ma question : lorsque vous parlez des gens, des personnes au
8 tribunal, est-ce que vous parlez du procès en 2002 qui impliquait Idriz
9 Balaj, et c'est lorsque vous l'avez vu que des personnes vous ont dit qu'il
10 avait tué votre soeur ?
11 R. C'est ce que j'ai toujours dit lorsqu'on m'a posé la question. A chaque
12 fois que l'Accusation m'a demandé, j'ai toujours dit : Idriz Balaj n'a pas
13 tué ma sœur. J'ai trouvé le coupable, mais ils ont sali le nom d'Idriz
14 Balaj. C'est Avni Krasniqi et Iber Krasniqi. Je n'ai jamais dit qu'Idriz
15 Balaj l'ait fait. Même récemment, à Prishtine, lorsqu'on m'a posé des
16 questions, on m'a demandé s'il avait tué ma sœur, j'ai dit non. Pendant le
17 procès contre Idriz Gashi, je l'avais dit. Cela a été dit par eux, mais je
18 ne le sais pas.
19 Q. Vous parlez de l'Accusation, vous dites "eux, ils l'ont mentionné."
20 Lorsque vous avez parlé avec l'Accusation aujourd'hui, est-ce qu'ils vous
21 ont demandé si Togeri ou Idriz Balaj avait tué votre soeur ?
22 R. Ils m'ont demandé, j'ai dit que non mais Mete et Avni ont dit cela. Ce
23 sont eux qui l'ont accusé, ce n'était pas moi. Jamais je n'ai accusé Idriz
24 Balaj d'avoir tué ma sœur. Eux, ils l'ont accusé d'avoir éliminé son corps.
25 Pour ma part, je n'ai aucun doute. Mais Avni Krasniqi est toujours en vie.
26 On peut lui poser la question.
27 Q. Lorsque vous dites : "Ils l'ont accusé d'avoir éliminé le corps," ma
28 question en fait est la suivante : lorsque vous parliez aujourd'hui avec
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1 l'Accusation, est-ce que l'Accusation vous a suggéré que ça aurait été
2 Idriz Balaj qui aurait déplacé le corps ?
3 R. Ils ne l'ont pas suggéré. J'ai tout simplement dit que j'avais oublié
4 de le mentionner dans ma déclaration. Vous avez sous les yeux la
5 déclaration, ce qui a été dit par Avni Krasniqi lors du procès de Peje, et
6 c'est lui, Avni, ainsi que Mete, qui l'avait accusé d'avoir déplacé le
7 corps. Je n'en sais rien, moi. Ce sont eux qui le savent.
8 Q. En 2002, à trois occasions, deux fois en discutant avec des
9 représentants de la MINUK et une fois en discutant avec un représentant du
10 bureau du Procureur, vous n'avez jamais mentionné cette information, c'est-
11 à-dire que Mete Krasniqi ou quelqu'un d'autre aurait suggéré qu'Idriz Balaj
12 avait déplacé le cadavre de votre sœur; est-ce exact ?
13 R. Je ne l'ai jamais mentionné. C'était Mete Krasniqi et son frère qui l'a
14 suggéré dans sa déclaration devant le tribunal de Peje le 17 mai. Je n'ai
15 jamais accusé Idriz Balaj. C'est lui qui l'avait accusé.
16 Q. Je --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je pense que vous
18 avez peut-être mal compris la question. Vous avez peut-être mal compris de
19 quoi il s'agit ici. Lorsque vous dites que Mete Krasniqi a accusé -- donc
20 ce n'est pas vous, mais c'est lui qui aurait accusé Idriz Balaj d'avoir été
21 impliqué, d'avoir déplacé le cadavre, Me Guy-Smith souhaite savoir
22 pourquoi vous ne l'avez pas dit en 2002 ? Pourquoi est-ce que vous ne
23 l'avez pas mentionné au moment où vous avez fait votre déclaration aux
24 représentants de la MINUK ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne m'est pas venu à l'esprit. J'étais
26 très affecté.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Guy-Smith.
28 M. GUY-SMITH : [interprétation]
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1 Q. En ce concerne des informations que vous aurez reçues de la part de
2 Mete Krasniqi, concernant la disparition de votre sœur, est-ce que ces
3 informations sont vraies ?
4 R. Je ne le sais pas. Je ne sais pas si c'était la vérité. Lorsqu'il m'a
5 fait ce qu'il m'a fait, il m'a envoyé pour aucune raison à Gllogjan. Qui
6 sait ce qu'il aurait pu faire ? Mais je ne le sais pas. Je vous ai dit ce
7 qu'il a dit. Son frère a dit la même chose, Avni Krasniqi. Il a fait une
8 déclaration. Que ce soit ici ou à Peje, je ne sais pas. Mais ce sont eux
9 qui l'ont dit. Je les ai accusés et eux ils ont accusé quelqu'un d'autre.
10 Donc qu'ils soient placés en face l'un de l'autre avec leurs différentes
11 accusations et ceci devant la justice. Pour ma part, je n'ai accusé
12 personne.
13 La dernière fois que j'étais à Prishtine, je n'ai accusé personne.
14 Lorsque l'Accusation m'a demandé s'il était impliqué dans la disparition de
15 ma sœur, j'ai dit que non. Je parle de Togeri, bien sûr. Je ne l'ai jamais
16 vu. Cela ne m'intéressait pas de savoir qui il était, ce qu'il faisait.
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie d'avoir répondu à mes
18 questions, et je vous prie d'accepter mes condoléances pour la disparition
19 de votre sœur.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.
21 M. HARVEY : [interprétation] Je n'ai pas de questions, Monsieur le
22 Président.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Merci beaucoup.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Balaj, j'aimerais poser
26 quelques questions. C'est pour clarifier un certain nombre de choses.
27 Questions de la Cour :
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au début de votre témoignage, vous avez
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1 expliqué que Sanije devait acheter des vivres pour les familles. Et vous
2 avez dit cela en réponse à une question qui vous a été posée, et la
3 question était de savoir si elle avait appartenu à l'UCK d'après ce que
4 vous saviez.
5 Est-ce que dans votre réponse, je dois comprendre que vous étiez en train
6 de dire qu'elle achetait des vivres en tant que membre de l'UCK ?
7 R. Elle n'était pas membre de l'UCK. Elle voulait porter l'uniforme. Je
8 lui ai donné mon fusil, le fusil que j'avais attaché avec mon propre argent
9 en Albanie. Mais elle voulait tellement porter l'uniforme, je lui ai donné
10 le fusil. Et lorsqu'elle est allée à Malisheve, elle a vu un groupe de
11 jeunes femmes. Elle s'est jointe à elles pour chanter l'hymne national,
12 plutôt l'hymne de l'UCK. Elle était donc avec ce groupe de jeunes filles.
13 Je ne l'ai pas vue. Je pense que cela a été enregistré sur vidéo, mais je
14 ne l'ai pas vue. Elle portait mon uniforme et elle portait mon fusil.
15 A ce moment-là, elle est allée acheter des vivres non pas pour l'UCK, mais
16 pour des gens du village. Elle achetait des cigarettes, en fait. Plutôt des
17 cigarettes qu'autres choses. Elle achetait autres choses avec l'argent que
18 les gens lui avaient donné. Les gens savaient qu'elle se déplaçait à Baran,
19 à Malisheve, et les gens savaient que Sanije avait de l'argent et nous
20 étions une bonne famille et ils lui ont demandé de leur rapporter des
21 choses.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
23 R. Notre famille a déjà travaillé à l'étranger, en Allemagne et ailleurs,
24 et nous avons de l'argent.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc d'après ce que vous dites,
26 j'ai compris que vous lui avez donné l'uniforme, vous lui avez donné le
27 fusil, fusil non pas parce que vous étiez membre de l'UCK ou est-ce que
28 j'ai mal compris ce que vous dites ?
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1 R. Non, je n'occupais aucune fonction. J'étais un soldat. Je voulais tout
2 simplement protéger ma maison. J'étais quelqu'un d'honnête, un villageois
3 honnête. J'étais honnête aux yeux de tout le monde, mes frères, tous les
4 membres de notre famille, les trentaines de foyers de la famille Balaj. Je
5 lui ai tout simplement donné l'uniforme pour qu'elle puisse le porter. Je
6 l'avais rapporté de l'Albanie. J'avais énormément d'expérience. J'aurais pu
7 être tué pendant ce temps-là. J'aurais pu être tué par les Serbes. Je pense
8 que j'avais le droit de lui donner mon uniforme si je le voulais.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agissait-il d'un uniforme de l'UCK ou
10 avec des insignes de l'UCK ?
11 R. C'était un uniforme de l'armée albanaise. C'était un uniforme de
12 camouflage avec plusieurs couleurs, du vert et d'autres couleurs. Il y
13 avait une casquette aussi. Je crois que sur la casquette il y avait un
14 insigne de l'UCK. Il y en avait aussi sur la manche et sur la poitrine.
15 Quant à la casquette, elle était comme celles qui sont actuellement portées
16 par les policiers.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Lorsque je vous ai posé la question
18 tout à l'heure de savoir si vous occupiez une fonction au sein de l'UCK -
19 vous lui avez donné, bien sûr, l'uniforme de l'UCK et le fusil - ce que je
20 voulais savoir est la chose suivante : aviez-vous une compétence
21 quelconque, une autorisation à distribuer des armes ou des uniformes ? J'ai
22 compris, dans ce que vous avez dit dans votre témoignage ou dans une
23 déclaration préalable, que vous étiez impliqué dans l'obtention des armes
24 depuis l'Albanie. Ai-je bien compris ?
25 R. Oui. Je me rendais en Albanie pour me procurer des armes. J'ai essayé
26 de faire ma contribution. Ma propre vie ainsi que celle de ma famille
27 étaient ainsi mises en danger. Je voulais tout simplement protéger,
28 défendre le Kosovo -- ou défendre sa propre famille, sa patrie. Je voulais
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1 défendre la vie toute personne vivant au Kosovo. J'avais mon uniforme et
2 j'ai donné cet uniforme à ma sœur.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ai-je bien compris ? Est-ce que
4 cela veut dire qu'elle n'était jamais sous les ordres d'un quelconque
5 supérieur au sein de l'UCK ?
6 R. Non, elle n'était sous les ordres de personne. Elle était à la maison.
7 Il y avait une cinquantaine de personnes de la famille Selmani qui étaient
8 chez moi pendant six mois et elle les aidait. Elle aidait cette famille-là,
9 elle aidait notre famille, elle s'occupait d'eux. Pendant mon absence,
10 c'est elle qui protégeait tout le monde. J'aurais pu être tué lorsque je
11 donnais de l'aide à l'UCK pendant des combats. A ce moment-là, c'était elle
12 qui s'occupait des enfants. Les enfants à l'époque étaient très jeunes.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. J'ai une autre demande de
14 clarification. Vous avez dit et je lis, vous parliez de Din Krasniqi à ce
15 moment-là et je lis : "Il savait qu'il travaillait avec Galani." Il faisait
16 référence à son frère Mete Krasniqi. "Lui-même ainsi que ses frères
17 travaillaient avec Galani. C'étaient des policiers militaires, des
18 commandants. Ils s'appelaient entre eux 'commandant'".
19 J'aimerais vous poser une question : est-ce que vous pouvez y
20 répondre précisément ? Qui exactement appelait qui "commandant" ?
21 R. Comme je l'ai dit tout à l'heure, tout le monde était commandant. Din
22 Krasniqi a été nommé commandant, je crois, nommé ou élu par son village. Il
23 a été nommé comme comandant du village, mais en ce qui concerne les autres,
24 personne ne les a nommés. Il n'y avait pas de commandant suprême. Comme je
25 l'ai déjà dit et je le redis : s'il avait été sous l'ordre de Tahir Zemaj
26 ou de Ramush ou de Nazif Ramabaja, ils n'auraient jamais pu faire ce qu'ils
27 ont fait. Tahir Zemaj, Nazif Ramabaja ou Ramush ne les auraient pas permis
28 de faire ce qu'ils ont fait à ma sœur.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez également dit : "Ils étaient
2 policiers militaires." Lorsque vous dites "ils" pluriel, il s'agit de qui
3 exactement ?
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, juste
5 pour que je puisse avoir quelques éclaircissements. Est-ce que nous sommes
6 en train de parler de sa déposition ou est-ce que --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à la page 55, on lit : "Lui-même
8 travaillait avec Galani et ses frères. Ils étaient la police militaire,"
9 c'est à la ligne 10.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
12 Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous dire exactement de qui vous
13 parliez lorsque vous avez dit, je cite, "Ils étaient la police militaire,
14 ils étaient des commandants." Pourquoi vous avez compris qu'ils étaient la
15 police militaire ?
16 R. Eux-mêmes s'appelaient membres de la police militaire, parce que les
17 vrais policiers militaires ne faisaient rien de stupide comme eux l'en
18 faisaient. La police militaire se comportait correctement à l'égard de la
19 population.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, vous voulez parler de Mete
21 Krasniqi à nouveau ou qui d'autre ?
22 R. Mete, Avni, Iber, ces personnes qui ont été mêlées au fait d'arrêter,
23 de tuer ma sœur, en collaboration avec Galani. Je n'étais pas au courant en
24 ce qui concernait Galani. J'ai vu une photo de lui à Peje. Il portait des
25 vêtements noirs avec Mete Krasniqi et Vesel Dizdari. Ils étaient également
26 dans des costumes noirs. C'est alors que je les ai vus dans des vêtements
27 noirs. Lorsque j'ai rencontré moi-même Mete, il portait des vêtements
28 civils la première fois que je suis allé le voir. J'étais si en colère et
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1 si troublé que je ne fais pas attention aux vêtements, mais lorsque j'ai vu
2 la photographie dans la salle d'audience, la photographie a été montrée au
3 juge, au procureur et au conseil de la défense, j'ai vu Mete Krasnigi
4 portant un uniforme noir, Vesel Dizdari en uniforme noir, et Galani, Idriz
5 Gashi en uniforme noir. C'est à ce moment-là que je les ai vus.
6
7 Ils auraient pu avoir porté toutes sortes d'uniformes, des uniformes
8 noirs ou de camouflage, et ainsi de suite.
9 Nous avons des gens dans notre village qui avaient des uniformes
10 noirs, mais qui ne faisaient pas partie de la police militaire.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de votre réponse.
12 Un instant s'il vous plaît.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander de retirer vos
15 écouteurs, mais avant cela, dites-moi si vous comprenez l'anglais. Non ?
16 Vous comprenez l'anglais ? Non ? Monsieur Di Fazio.
17 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne crois pas qu'il comprenne l'anglais.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais évoquer la question suivante
19 : nous avons autorisé le témoin à montrer quelques photographies
20 d'obsèques. Le corps était couvert d'un drapeau rouge ou le cercueil était
21 couvert d'un drapeau rouge portant un aigle noir dessus. La Chambre, bien
22 qu'elle n'ait pas cherché à obtenir ces renseignements comme éléments de
23 preuve, néanmoins note que tout le monde n'est pas enterré avec un drapeau
24 -- où le cercueil est couvert d'un drapeau. La Chambre voudrait donner une
25 possibilité aux parties, si elles considèrent que ceci est pertinent, à
26 poser des questions à ce sujet et de l'aviser de ce que la Chambre a
27 observé afin qu'il y ait une pleine transparence dans nos observations.
28 Je ne sais pas maintenant si vous souhaitez demander des
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1 éclaircissements supplémentaires.
2 La Chambre pourrait poser une question d'office, mais en même temps,
3 elle ne le souhaite pas le faire à moins qu'on ait donné aux parties
4 d'examiner la possibilité de poser une question à ce sujet.
5 Non, je vois que du côté de la Défense, il ne semble pas y avoir de -
6 -
7 Monsieur Di Fazio.
8 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
9 Juges, pourriez-vous me donner un instant, s'il vous plaît.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
11 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
12 M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais bien poser quelques questions si
13 vous permettez.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
15 Monsieur le Témoin, voulez-vous remettre, s'il vous plaît, vos
16 écouteurs ?
17 Et je voudrais vous demander de bien vouloir présenter la question avec
18 beaucoup de tact, disons, parce que c'est une question très sensible du
19 point de vue émotion.
20 M. DI FAZIO : [interprétation] Je comprends.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je peux imaginer qu'on pourrait poser
22 des questions sur quelles sont les habitudes ou, en tous les cas, essayer
23 de trouver un moyen très prudent.
24 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, oui, oui.
25 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Di Fazio :
26 Q. [interprétation] Témoin, Monsieur Balaj, vous nous avez montré, je
27 pense, précédemment, les photographies - quatre photos au total - des
28 obsèques de feue votre sœur, au début de cette année, je crois, et je me
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1 demande si vous les avez encore.
2 Est-ce que je pourrais les revoir, s'il vous plaît.
3 R. Oui.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La première et/ou la troisième, mais pas
5 la deuxième et la quatrième.
6 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien. Je ne parviens pas à me rappeler la
7 séquence, mais je crois que je sais de laquelle il s'agit.
8 Oui. Bien. Est-ce qu'on pourrait rendre ces deux-là au témoin, ces
9 deux-ci, et celle-ci aussi, donc les deux autres peuvent être mises de
10 côté.
11 Q. Alors, juste en ce qui concerne les deux photos que je vous montre
12 maintenant. On voit une partie des obsèques de votre sœur. Vous voyez qu'il
13 y a là un drapeau. Comment et pourquoi ce drapeau est placé à cet endroit-
14 là ?
15 R. C'est notre drapeau national. Nous l'utilisons.
16 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.
17 Questions de la Cour :
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que je comprends bien qu'il
19 était habituel d'utiliser le drapeau national lors d'obsèques pour couvrir
20 le corps de civils de façon générale ?
21 R. Non. Les personnes qui ont été tuées pendant la guerre ont été
22 ensevelies avec ce drapeau. Les personnes qui sont mortes de mort naturelle
23 n'ont pas ce drapeau sur leur - ce drapeau venait de la morgue. En fait,
24 c'était là que le corps de ma sœur a été gardé, à Rahovec. Nous n'avons pas
25 mis ce drapeau sur le cercueil. Il venait de la morgue comme ça et c'est
26 comme ça que ma sœur se trouvait là-bas.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cette réponse.
28 Est-il nécessaire de poser d'autres questions au témoin ?
Page 8710
1 Sinon, Monsieur Balaj, ceci donc conclut votre déposition d'aujourd'hui.
2 Bien sûr, la Chambre a remarqué que ceci vous a fait repensé à des
3 événements qui étaient très durs, émouvants. La Chambre souhaite vous
4 remercier d'être venu à La Haye pour répondre aux questions des deux
5 parties ainsi qu'aux questions des Juges de la Chambre. Nous souhaitons que
6 vous puissiez faire un bon voyage de retour chez vous. Nous vous souhaitons
7 un bon voyage de retour chez vous.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,
9 Messieurs Les Juges. Vous savez ce qui concerne la justice. Vous êtes en
10 train de juger cette affaire et vous ferez éclater la vérité. Je vous
11 remercie beaucoup.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, pourriez-vous, s'il
13 vous plaît, escorter le témoin hors de la salle d'audience.
14 [Le témoin se retire]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a été informée du fait que le
16 prochain témoin qui est prévu souffre actuellement de problèmes médicaux et
17 il est prêt à comparaître à 18 heures 15 dans cette salle d'audience.
18 D'après les derniers renseignements que nous avons obtenus à 17 heures 31,
19 nous avons été informés du fait que le témoin était encore en train de
20 recevoir des soins médicaux. A
21 17 heures 36, nous avons été informés du fait qu'il pourrait être là à six
22 heures et quart.
23 Donc je considère qu'on fera comme il faut attention à l'état de
24 santé du témoin. Bien entendu, la Chambre elle-même vérifiera aussi cela,
25 mais en public il n'est peut-être pas possible de faire cela de façon
26 approfondie. Mais enfin, je comprends, Monsieur Di Fazio, qu'on fera bien
27 attention à ce témoin qui, pour des raisons médicales -- si, pour des
28 raisons médicales, il n'était pas en mesure de dépose, dans ce cas-là, il
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1 ne faudrait pas qu'il entre dans la salle d'audience.
2 Mais sur la base de renseignements reçus, nous allons maintenant
3 suspendre la séance et --
4 Oui, Monsieur Di Fazio.
5 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne suis pas absolument sûr d'avoir
6 bien compris. Est-ce que vous-même, Monsieur le Président, et les Juges
7 invitent l'Accusation à s'assurer que le témoin est en mesure de --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien --
9 M. DI FAZIO : [interprétation] En mesure dans, quelles soient les
10 circonstances, de commencer ce soir ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai lu à 17 heures 31 - et maintenant
12 je paraphrase le message - que pour autant que l'Accusation le sache, il
13 est encore à l'hôpital. Si ensuite, cinq minutes plus tard, je reçois --
14 nous sommes informés que le témoin peut être ici à six heures et quart pour
15 commencer sa déposition, la seule chose que je dis, c'est que compte tenu
16 des circonstances, bien sûr, il est important de vérifier, ne serait-ce que
17 pour vous-même, que le témoin que vous citez à comparaître est en état de
18 le faire et est dans un état de santé qui lui permette de déposer.
19 Je comprends que ces renseignements viennent, non seulement qu'il peut se
20 trouver en salle d'audience dans une demi-heure, mais également son état de
21 santé est suffisamment bon pour qu'il puisse comparaître.
22 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien, je vais m'assurer de tout cela et
23 poser les questions nécessaires, et si pour une raison quelconque nous
24 avons des doutes quant à savoir s'il est à même de commencer aujourd'hui ou
25 de déposer demain, je vais m'assurer, je vais faire ne sorte que tout le
26 monde soit avisé immédiatement.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
28 Alors maintenant, nous allons suspendre la séance et je crois que --
Page 8712
1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, non, ça va très bien.
2 M. Di Fazio et moi-même, nous nous sommes entretenus à ce sujet au début de
3 l'après-midi et c'est moi qui avais suggéré que, à moins que ceci ne cause
4 une fatigue trop grande pour --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Quelqu'un qui souffre d'un état de santé
7 qui --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces renseignements ont été reçus par la
9 Chambre. Bien, disons, sur la base de ce que l'on sait pour les questions
10 médicales, ceci n'indique pas nécessairement que le témoin pourrait être en
11 mesure à un moment de déposer. En même temps, s'il est en mesure de le
12 faire, il faut quand même faire preuve de précautions supplémentaires.
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie pour ces renseignements.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous levons la séance jusqu'à six
15 heures et quart.
16 --- L'audience est suspendue à 17 heures 44.
17 --- L'audience est reprise à 18 heures 22.
18 [Le témoin vient à la barre]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mettez les écouteurs. Veuillez vous
20 asseoir un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin. Je demande que
21 l'on aille d'abord en audience à huis clos partiel, s'il vous plaît.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes en
23 audience à huis clos partiel.
24 [Audience à huis clos partiel]
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
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11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 [Audience publique]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne commenciez l'autre
21 déposition, notre Règlement, Monsieur Hasanaj, exige que vous disiez --
22 vous faites une déclaration selon laquelle vous direz la vérité, toute la
23 vérité et rien que la vérité. Je vais vous demander de vous lever. Le texte
24 de la déclaration solennelle va vous être présenté par l'huissier et je
25 vous invite à faire cette déclaration solennelle.
26 Monsieur l'Huissier, remettez-le au témoin.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
Page 8714
1 LE TÉMOIN: ZYMER HASANAJ [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Hasanaj.
4 Veuillez vous asseoir.
5 Vous allez d'abord être interrogé par M. Re, qui est conseil pour
6 l'Accusation.
7 Monsieur Re, c'est à vous.
8 Interrogatoire principal par M. Re :
9 M. RE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Hasanaj.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
11 Q. Je vais vous poser quelques questions. Je vais vous montrer
12 une déclaration ainsi qu'une carte -- non, excusez-moi, deux cartes.
13 Pour commencer, votre nom est bien Zymer Hasanaj ?
14 R. Oui.
15 Q. Et votre date de naissance c'est bien le 16 juin 1952 ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous êtes né à Vranoc e Vogel à Degan ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous êtes un Albanais du Kosovo ?
20 R. Oui.
21 Q. Quelle est maintenant votre profession ?
22 R. Maintenant, je suis chauffeur de taxi.
23 Q. Où cela ?
24 R. A Degan.
25 Q. Je vais maintenant vous montrer une déclaration qui est en anglais et
26 en albanais. Vous l'avez signée aujourd'hui, mais je vais vous poser
27 quelques questions concernant cette déclaration.
28 M. RE : [interprétation] Il s'agit de la pièce que je demande que l'on
Page 8715
1 présente au témoin. Voici une copie papier. Il s'agit de la pièce 2068 de
2 liste 65 ter, et il y est annexée une carte qu'on appellera l'annexe A.
3 Je ne suis pas sûr que la Défense ait en fait reçu l'annexe, à savoir
4 la carte qui porte un "X" que le témoin a apposé à côté de certains
5 villages. Est-ce que j'ai bien raison ?
6 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que nous l'avons annexée à une
7 déclaration antérieure, pas le document 92 ter sur la question.
8 M. RE : [interprétation]
9 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder cette déclaration, Monsieur
10 Hasanaj.
11 Ceci était bien la déclaration que vous avez signée ce matin, Monsieur
12 Hasanaj ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce bien votre signature qu'on peut lire sur ce texte et ce
15 texte correspond-il à votre déclaration ?
16 R. Oui. Oui.
17 Q. Ce texte dit-il bien ce que vous diriez aux Juges si des
18 questions vous étaient posées sur les mêmes sujets aujourd'hui ? Si moi-
19 même ou l'un quelconque des juristes dans cette salle vous posait des
20 questions sur les même sujets aujourd'hui, les réponses de votre part
21 correspondraient-elles à ce qu'on peut lire dans ce texte ?
22 R. Oui.
23 M. RE : [interprétation] Sur cette base, Monsieur le Président, je
24 demande le versement au dossier de la déclaration du témoin.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-
26 vous accorder une cote à cette déclaration.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P923,
28 Monsieur le Président.
Page 8716
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections ? Non ? Ce
2 document est donc versé au dossier.
3 Monsieur Re, vous avez demandé au témoin de décliner son identité.
4 Avec le témoin précédent, la chose n'a pas été faite. Je crois comprendre
5 que l'identité du témoin précédent avait été établie sur la base du fait
6 qu'il a confirmé avoir signé la première page de la déclaration écrite qui
7 lui a été soumise, même si la question précise de savoir s'il était la
8 personne dont le nom apparaissait sur le document ne lui a pas été posée.
9 Si la Défense pense que ce que je viens de dire ne correspond pas à
10 la réalité, j'aimerais le savoir maintenant plutôt que d'avoir à demander
11 au témoin de revenir dans le prétoire.
12 Monsieur Re, nous venons de parler du témoin précédent pendant
13 quelques instants. Ceci n'avait rien à voir avec le témoin qui est assis
14 actuellement sur la chaise des témoins. Veuillez procéder.
15 M. RE : [interprétation]
16 Q. J'aimerais vous demander quelques questions de précision compte
17 tenu de ce qu'on peut lire dans la déclaration écrite que vous avez entre
18 les mains.
19 Pourriez-vous, je vous prie, vous rendre au paragraphe 2 du texte -
20 non, excusez-moi. Est-ce qu'il importe, Monsieur le Président, que je donne
21 lecture à haute voix du résumé de la déposition du témoin qui compte une
22 page à peu près, que j'ai établi --
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le témoin sait-il comment les
24 choses fonctionnent ? Dans le cas contraire, je vais lui donner quelques
25 brèves explications de ce qui va se passer maintenant.
26 M. RE : [interprétation] J'aurais grand plaisir à vous laisser faire
27 cela, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hasanaj, puisqu'il n'est
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1 pas nécessaire que vous répétiez toutes les réponses que vous avez déjà
2 faites par le passé et qui ont déjà été consignées par écrit, mais qu'il
3 faut que le public sache quelle est la teneur de votre déposition, M. Re va
4 donner lecture d'un bref résumé de ce qui figure dans votre déclaration
5 écrite de façon à ce que le public soit informé de ce que vous avez dit
6 dans votre déposition. Pour le moment, il vous est demandé d'écouter et un
7 peu plus tard M. Re aura des questions complémentaires à vous poser.
8 Monsieur Re, est-ce que la Défense a reçu un exemplaire des résumés ?
9 Pas d'objections du côté de la Défense ? Vous pouvez procéder.
10 M. RE : [interprétation] Le témoin est originaire de Vranoc e Vogel,
11 municipalité de Degan. Depuis le mois de mars 1998, son village ainsi que
12 sept ou huit autres villages dans les environs, ont commencé à s'organiser
13 pour suivre l'évolution de la situation. Ces personnes se considèrent comme
14 membres de l'UCK et ont reçu des armes et un équipement militaire portant
15 les insignes de l'UCK.
16 Un peu après l'attaque serbe du 29 mai 1998, les villageois ont été
17 envoyés via Gllogjan pour obtenir des armes en provenance d'Albanie.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, vous hésitez. Je me
19 demandais pourquoi.
20 M. RE : [interprétation] J'attendais simplement que l'interprète
21 française ait rattrapé.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Vous pouvez poursuivre.
23 M. RE : [interprétation] Ramush Haradinaj est venu à Vranoc à
24 plusieurs reprises. A la mi-avril 1998, il y est venu pour annoncer la
25 nomination de Din Krasniqi au poste de commandant de la région de Lugu i
26 Baran qui intégre 25 villages environ, y compris Vranoc.
27 Les gens ont accepté l'expression suivante : "Dieu au ciel, Ramush
28 sur terre," ce qui signifie qu'il avait un pouvoir important.
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1 Les forces serbes ont attaqué le 29 mai 1998. Elles se sont retirées
2 du village aux environs de 18 heures. Elles ont attaqué également le même
3 jour Prilep, Carabreg et Strellc. Et ce qu'il est convenu d'appeler "une
4 zone libre" a vu le jour dans la vallée de Dukagjini. Donc dans cette
5 vallée, il n'y avait pas de forces serbes, qu'il s'agisse de la police ou
6 de l'armée, sauf lors des offensives serbes telles qui celle qui a eu lieu
7 contre mon village le 29 mai. Le témoin pouvait donc se déplacer entre
8 Vranoc et Gllogjan sans rencontrer de soldat serbe ou d'officier de police
9 serbe.
10 Le témoin s'est rendu à Gllogjan pour rencontrer Ramush Haradinaj après
11 l'attaque du 29 mai. Il cherchait de l'aide. Ramush Haradinaj est arrivé
12 ensuite à Vranoc pour voir s'ils avaient suffisamment de matériel. Le jour
13 de l'assassinat de Sanije Balaj en août 1998, le jeune fils du témoin qui
14 avait 8 ans lui a dit que lui-même et deux de ses amis s'étaient trouvés
15 près d'une source à Lugu i Isufit et avaient vu deux hommes en train de
16 faire sortir de force une femme d'une voiture. Les hommes ont crié aux
17 jeunes garçons de partir, ce qu'ils ont fait, après quoi ils ont entendu
18 trois coups de feu. Le témoin s'est rendu sur place en compagnie de son
19 fils et d'Ahmet Ukaj et Hysen Ukaj. Ils se sont rendus sur les lieux. Alors
20 qu'ils étaient sur place, quelqu'un leur a dit de s'arrêter et ils ont vu
21 un homme qui portait un couvre-chef avec le symbole de l'UCK accroupi sur
22 le sol.
23 Ahmet Ukaj a dit plus tard qu'Idriz Gashi et Avni Krasniqi se
24 trouvaient là. Ahmet Ukaj lui a dit que Galani avait tué une femme à cet
25 endroit et que Galani l'avait menacé, lui, donc Ahmet Ukaj, en lui
26 enjoignant de n'en parler à personne. Le témoin a rendu compte de
27 l'incident à Din Krasniqi, dans la soirée, Din Krasniqi étant le commandant
28 de la région, et lui a dit d'en parler au commandant à Baran, c'est-à-dire
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1 Nazif Ramabaja.
2 Voilà. C'est la fin du résumé de la déposition du témoin que l'on peut
3 trouver dans le document 92 ter.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, j'ai le paragraphe 15 de la
5 déclaration en ce moment sur mon écran. Je ne sais pas à quoi cela est dû,
6 mais j'ai remarqué que dans le texte en anglais, en tout cas, il est
7 question d'une troisième personne qui fait une déclaration. Si vous
8 regardez la deuxième ligne du paragraphe 15, elle ne se lit pas comme suit
9 : "Je ne sais rien," mais "Il ne sait rien," ce qui est assez
10 extraordinaire dans une déclaration de témoin.
11 M. RE : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est l'original qui est
13 exact ou est-ce qu'il y a une erreur de traduction ? Est-ce qu'à cet
14 endroit le témoin parle de Toger, ce qui me surprendrait, pour le moins ?
15 M. RE : [interprétation] Non, non, c'est simplement une erreur.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une simple erreur. D'accord.
17 M. RE : [interprétation] Elle a été corrigée au moment où la déclaration a
18 été recueillie. Je pense que quelqu'un a écrit "il" en parlant du témoin.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 M. RE : [interprétation] C'est corrigé. La version qui a été saisie dans le
21 système du prétoire électronique doit donc se lire comme suit : "Je ne sais
22 rien de leurs activités." Et il faut que la signature du témoin figure à
23 côté de cette correction.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La Chambre n'a aucune possibilité
25 de se mêler de la saisie des documents dans le système du prétoire
26 électronique. Elle s'appuie sur des exemplaires papier. Quoi qu'il en soit,
27 la correction est donc faite. Le problème est résolu.
28 Veuillez procéder, Monsieur Re.
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1 M. RE : [interprétation]
2 Q. Pourriez-vous nous rendre au paragraphe 2 de votre déclaration écrite,
3 je vous prie, Monsieur Hasanaj. Dans cette déclaration, vous dites que vous
4 vous considériez comme membre de l'UCK, mais que vous n'aviez pas de
5 commandant en bonne et due forme.
6 Ma question est la suivante : pourquoi est-ce que vous vous
7 considériez membre de l'UCK ?
8 R. En tant que membre de l'UCK et représentant de Vranoc e Vogel, qui est
9 un petit village, j'étais en fait responsable avant tout de questions de
10 plusieurs genres, c'est-à-dire notamment de l'approvisionnement en vivres,
11 de la surveillance du terrain pour remarquer une attaque éventuelle, auquel
12 cas il fallait organiser l'évacuation de la population.
13 Q. Monsieur Hasanaj, comment est-ce que vous êtes entré dans les rangs de
14 l'UCK officiellement ?
15 R. Je suis devenu membre de l'UCK au moment où Lugu i Baranit faisait
16 partie de la commune de Peje. A Vranoc e Vogel, nous étions tout près et
17 lorsque Gllogjan a été attaqué nous avons eu peur d'être attaqués aussi.
18 Nous ne nous sentions plus en sécurité dans notre village, donc nous nous
19 sommes réunis tous ensemble dans une pièce pour attendre l'arrivée
20 éventuelle des forces serbes.
21 Q. Quand êtes-vous officiellement devenu membre de l'UCK ?
22 R. Je ne me rappelle pas la date exacte. Je sais que c'était un jour de la
23 mi-avril. Je suis fier d'avoir été membre de l'UCK.
24 Q. Y avait-il un commandant, quelqu'un qui commandait toutes ces personnes
25 qui se considéraient membres de l'UCK au mois
26 d'avril 1998 dans votre village ?
27 R. Nous n'avions pas de commandant à ce moment-là, mais il y avait
28 quelqu'un qui avait la possibilité de contacter pas mal de monde, donc de
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1 servir de représentants, d'une certaine façon. C'est dans ces termes que je
2 le qualifierais.
3 Q. Au paragraphe 4, vous parlez de Ramush Haradinaj qui arrive à Vranoc à
4 plusieurs reprises, y compris pour annoncer la nomination de Din Krasniqi
5 au poste de commandant de la région de Lugu i Baran. Connaissiez-vous
6 personnellement Ramush Haradinaj ?
7 R. Je connaissais personnellement Ramush Haradinaj. Après l'attaque contre
8 Vranoc, ce n'est pas Ramush Haradinaj qui a nommé Din Krasniqi à son poste.
9 Il a été choisi et élu à ce poste par la population. C'est après
10 l'offensive contre Gllogjan que Ramush Haradinaj a commencé à être connu et
11 j'indique que cette offensive a fait pas mal de victimes.
12 Q. Pourriez-vous me donner la date de l'offensive contre Gllogjan ?
13 R. Je ne suis pas sûr de la date, mais dans la communauté de Degan on
14 parle de la première offensive. En tout cas, ce sont les termes qu'on
15 utilisait quand on parlait de l'attaque contre Gllogjan.
16 Q. Est-ce que cela s'est passé avant l'offensive serbe du 29 contre votre
17 village ? L'offensive du 29 mai ?
18 R. Le 29 mai, c'est nous qu'ils ont attaqués à 5 heures du matin.
19 Q. Je vous demandais si Ramush Haradinaj a commencé à être connu avant
20 l'attaque de votre village et si oui, combien de temps avant ?
21 R. Ramush Haradinaj n'était pas connu avant l'attaque de Gllogjan. En tout
22 cas, je ne le connaissais pas ni personnellement, je ne connaissais même
23 pas son nom.
24 Q. Pour que tout le monde comprenne bien ce que vous appelez l'offensive
25 contre Gllogjan, pourriez-vous dire plus en détail aux Juges de la Chambre
26 ce qui s'est passé pendant l'offensive contre Gllogjan, ce dont vous parlez
27 exactement.
28 R. D'après ce que j'ai entendu - parce que je n'étais pas sur les lieux -
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1 pendant l'offensive de Gllogjan le village a été attaqué. Tout le monde a
2 entendu parler de l'importance des forces en présence. Trois personnes ont
3 été tuées ce jour-là. D'autres ont fui vers d'autres villages, je ne sais
4 pas où exactement. Mais tout ce que je dis se fonde uniquement sur de
5 l'ouï-dire, parce que je n'étais pas présent sur les lieux. Je n'ai pas vu
6 les choses de mes yeux.
7 Q. Au paragraphe 5, vous mentionnez une expression : "Dieu au ciel, Ramush
8 sur terre," ce par quoi vous voulez dire qu'il avait un pouvoir important.
9 Puis plus loin, vous dites : "Personne n'était supérieur à lui."
10 J'aimerais que vous disiez aux Juges de la Chambre ce que vous
11 entendez exactement par les mots "personne n'était supérieur à Ramush."
12 R. J'ai dit cela, parce que chaque fois qu'il y avait une attaque serbe et
13 tant que l'UCK ne s'était pas engagée dans la guerre, on entendait parler
14 de Ramush Haradinaj, mais c'est moi qui ait créé cette expression, "Dieu au
15 ciel, et Ramush sur terre."
16 Q. Qu'entendez-vous exactement par "personne n'était supérieur à lui" ?
17 R. Ce que je pensais, c'est qu'il était très difficile de résister à
18 l'ennemi. Je savais combien il était difficile de résister. En fait, la
19 résistance a été très limitée.
20 Q. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre réponse. Ce que je vous
21 demande, c'est ce que vous entendez par l'expression "personne n'était
22 supérieure à lui." Qu'est-ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de la
23 supériorité par rapport à Ramush ?
24 R. Quand il a commencé à être connu, je ne sais pas comment ça a été
25 interprété. Mais c'est moi personnellement qui l'ai décrit dans ces termes.
26 J'exprimais mon avis personnel.
27 Q. Mais c'est ce que je vous demande. Quel était exactement votre avis ?
28 Qu'est-ce que vous vouliez dire quand vous parliez de sa supériorité ?
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1 R. Il était dieu à l'époque, et il est toujours dieu aujourd'hui. Il est
2 aimé par les gens. Il est extrêmement estimé par la population albanaise.
3 Si vous me permettez de poursuivre, parce que j'aimerais continuer en
4 vous rappelant l'existence d'un adage qui est le
5 suivant : "Les enfants mangent les fruits qu'ils cueillent sur les arbres,
6 et ce sont les parents qui ont les dents cariées."
7 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de cabine albanaise. Cela peut vouloir
8 dire que ce sont les parents qui souffrent en raison des actes commis par
9 leurs enfants.
10 M. RE : [interprétation]
11 Q. Très bien. Dans le même paragraphe, vous dites que "Ramush se
12 comportait toujours comme un simple soldat et qu'il était toujours aux
13 avant-postes avec les gens qui étaient assis autour de lui."
14 Alors, je vous demande ce que vous entendez exactement par là.
15 Qu'entendez-vous exactement par il était toujours aux avant-postes avec des
16 gens assis autour de lui en cercle ?
17 R. Selon les coutumes et les habitudes albanaises, toute personne
18 extérieure au village se voit offrir une place de choix quand on s'assied
19 tous ensemble.
20 Q. Veuillez, je vous prie, décrire l'intensité de l'attaque qui a eu lieu
21 le 29 mai contre votre village de la part des forces serbes et la réaction
22 de l'UCK.
23 R. Le 29 mai à 5 heures du matin, nous avons entendu des tirs. Ils étaient
24 arrivés - quand je dis "ils," je veux parler de forces d'infanterie - et se
25 sont mis à tirer. Ce jour-là, il n'y avait qu'un seul garde en patrouille,
26 et ce garde n'a pas vu arriver les forces. Donc ensuite, ils sont arrivés
27 avec des pièces d'artillerie, nous n'avons pas pu riposter, parce que quand
28 on les a vus avec leurs chars, leurs blindés transport de troupes, leurs
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1 engins lourds, nous, dans le village, nous nous sommes rendu compte que
2 notre village était une cible très facile pour ces forces. Je parle de
3 notre village de Vranoc e Vogel.
4 Il y avait une forêt pas loin de là. Dès les premiers coups de feu,
5 la population a commencé à sortir de chez elles pour se rendre dans
6 d'autres villages, Maznik et d'autres villages environnants. Je parle de
7 ceux qui pouvaient s'enfuir. Parce que certains ont été brûlés, il y a eu
8 des gens qui ont été carbonisés. Trois corps, en fait. L'un de ces corps
9 était celui de quelqu'un qui a été tué par des tirs provenant d'un char.
10 Pas loin de Lugu i Isufit. Cet homme s'appelait Emir Ukaj, celui qui a été
11 tué.
12 Q. Combien d'hommes y avait-il du côté serbe et combien du côté de
13 l'UCK au cours des affrontements de ce jour-là, à peu près ?
14 R. Du côté serbe, on ne les a pas comptés. On a simplement vu qu'ils
15 disposaient de pièces d'artillerie très nombreuses. Quant à nous, nous
16 étions très peu nombreux. Nous ne pouvions rien faire. Nous ne pouvions pas
17 leur résister.
18 Q. Pourquoi les Serbes se sont-ils retirés aux environs de
19 18 heures ce jour-là ?
20 R. Je ne sais pas pourquoi. Ils ont mis le feu au village. Plus de la
21 moitié des maisons du village ont été affectées. Ils ont tué des gens,
22 comme je l'ai déjà dit. Ils ont tué des bêtes aussi. Ils ont détruit tout
23 ce qu'ils pouvaient détruire. Je l'ai déjà dit. Quatre personnes ont été
24 brûlées.
25 Q. Dans votre déclaration écrite au paragraphe 15, vous parlez d'Idriz
26 Balaj et de Toger comme étant une seule et même personne. Connaissiez-vous
27 Idriz Balaj en 1998, Idriz Balaj dit Toger ?
28 R. Non, non.
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1 Q. Saviez-vous s'il était venu dans votre village à quelque moment que ce
2 soit ?
3 R. Non.
4 M. RE : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin la
5 pièce P10, grâce au prétoire électronique.
6 Q. Pendant que nous attendons l'affichage de ce document sur les écrans,
7 je vous indique, Monsieur, que je vais vous montrer une carte géographique,
8 et que je vous demanderais d'apposer un certain nombre d'annotations sur
9 cette carte, en montrant où se trouve Lugu i Isufit.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.
11 M. RE : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si un témoin déclare savoir qu'une
13 personne à laquelle deux noms sont donnés est une seule et même personne et
14 qu'ensuite plus loin dans sa déposition il déclare ne pas connaître cette
15 personne, est-ce que ce ne serait pas une bonne idée d'établir le fondement
16 qui lui a permis de conclure qu'il s'agissait d'une seule et même personne
17 ?
18 M. RE : [interprétation] Si ça peut aider la Chambre --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans le cas contraire, je ne
20 pourrais pas savoir ce que sait le témoin.
21 M. RE : [interprétation] D'accord.
22 Monsieur Hasanaj, comment savez-vous que Toger et Idriz Balaj ne font
23 qu'une seule et même personne ?
24 R. Les gens le disaient, parce qu'à l'époque il y avait pas mal de gens
25 désignés par des pseudonymes et la population connaissait ces hommes par
26 leurs pseudonymes. J'ai même entendu cela après la guerre. Quand il a été
27 mis en prison pour la première fois, tout le monde savait de qui il
28 s'agissait. C'est pourquoi j'ai dit qu'Idriz Balaj et Togeri était une
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1 seule et même personne.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
3 La carte est maintenant sur les écrans. Je suppose, Monsieur Re, que
4 vous savez faire fonctionner l'agrandissement et le rapetissement de
5 l'image et que vous savez qu'une fois que le témoin a commencé à annoter la
6 carte, il n'est plus possible de l'agrandir ou de la rapetisser.
7 M. RE : [interprétation] Nous avons obtenu la dimension comme nous
8 souhaitions.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 M. RE : [interprétation] Est-ce que vous voyez Vranoc e Vogel sur la carte
11 et Dashinoc vers le coin supérieur droit, en descendant un peu vers le
12 milieu ?
13 R. Entre Dashinoc et Vranoc, on voit Vranoc e Vogel.
14 Q. Est-ce que vous situez sur la carte Lugu i Isufit ?
15 R. Oui. Lugu i Isufit est ici.
16 M. RE : [interprétation] Bien. Est-ce que nous disposons de marqueurs de
17 couleur rouge ? Oui ?
18 Q. Veuillez prendre ce marqueur et inscrire une croix, une croix de grande
19 taille, à cet endroit.
20 R. Oui. C'est ici.
21 Q. En fait, vous avez inscrit la croix juste en dessous de Dashinoc [comme
22 interprété]. Mais est-ce que cela ne se trouve pas un peu au-dessus de la
23 route ou est-ce que je me trompe ?
24 R. Je ne retrouve plus l'endroit.
25 Q. Est-ce que vous voyez Zarki Pojas ?
26 R. Non, je n'arrive plus à situer Zarki Pojas.
27 Q. Si vous descendez un peu par rapport à l'endroit où vous avez inscrit
28 la Croix-Rouge, vous trouverez peut-être ce lieu.
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1 R. Je ne vois pas très bien, en fait. Ce ne serait pas ici à peu près ?
2 C'est entre Dashinoc et Vranoc. C'était une entreprise coopérative agricole
3 qu'on appelait aussi Zarki Pojas. C'est là que se trouve Lugu i Isufit.
4 Q. D'accord. Alors, si vous partez de Zarki Pojas --
5 R. Oui, oui, oui. Je l'ai trouvé. Oui, c'est là. C'est là que sont les
6 deux endroits, Zarki Pojas et Lugu i Isufit. Est-ce que je peux annoter ?
7 Q. Est-ce qu'on pourrait recevoir un exemplaire vierge de façon à ce que
8 le témoin refasse l'exercice ?
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais pour moi, c'est une façon de
10 se débarrasser d'un exemplaire annoté. Je ne sais pas si vous pouvez
11 supprimer toutes les annotations d'un coup.
12 M. RE : [interprétation] Dans ce cas-là, il faudrait effacer simplement et
13 demander au témoin d'inscrire une deuxième croix. Je pense que ce serait
14 bon pour le compte-rendu d'audience.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il faudrait faire réafficher
16 l'exemplaire vierge de la carte sur les écrans.
17 Est-ce que vous pourriez maintenant annoter l'endroit --
18 LE TÉMOIN :[Le témoin s'exécute]
19 M. RE : [interprétation] Merci. Peut-être pourrait-on donner une cote
20 à ce document.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier, quelle
22 est la cote de ce document ?
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P924,
24 Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, le
26 document est versé au dossier.
27 Monsieur Re, je regarde l'horloge. Je pense qu'il faut lever
28 l'audience pour aujourd'hui.
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1 M. RE : [interprétation] Je crois avoir terminé, mais je vous le
2 ferai savoir de façon définitive demain matin. Pour le moment, je crois
3 avoir terminé.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
5 Monsieur Hasanaj, nous avons terminé notre audience d'aujourd'hui.
6 vous êtes donc attendu demain à 14 heures 15 dans le même prétoire pour la
7 suite des questions qui vous seront posées.
8 J'aurais une question à vous poser, Monsieur Re. Est-ce que je suis
9 bien au clair de la situation, à 18 heures 15 j'ai reçu la dernière version
10 de la déclaration 92 ter du témoin - je veux parler de la version corrigée
11 de sa déclaration - dites-moi si je me trompe si je dis que la Chambre ne
12 l'avait pas reçue avant.
13 Je me demandais quel était le sens exact du langage qui nous a été
14 indiqué tout à l'heure, celui selon lequel les parents ont à souffrir des
15 actes de leurs enfants. Cela pourrait également s'appliquer à des personnes
16 qui profitent de ce qui constitue un fardeau pour d'autres. Ceux qui
17 profitent pourraient être des dirigeants et ceux qui portent le fardeau, le
18 peuple, comme on avait les parents et les enfants.
19 Je me demandais si quelqu'un, ou les interprètes peut-être,
20 pourraient trouver le sens exact de ce dicton, ce qui aiderait très
21 certainement la Chambre.
22 Nous suspendons jusqu'à 14 heures 15, 2 octobre.
23 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mardi 2
24 octobre 2007, 14 heures 15.
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