Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 9920

1 Le mardi 30 octobre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez appeler

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour

8 Madame, Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-04-84-T, le

9 Procureur contre Ramush Haradinaj et consorts.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier

11 d'audience.

12 Avant que nous ne commencions, la Chambre souhaiterait rendre une décision.

13 Il s'agit de la décision relative à la dixième requête présentée par

14 l'Accusation aux fins d'une déposition par liaison par vidéoconférence.

15 Le 29 octobre 2007, l'Accusation a déposé sa requête aux fins d'une

16 déposition par vidéoconférence, ainsi que pour obtenir des mesures de

17 protection, et ce, pour un témoin qui, jusqu'à présent, a fait l'objet

18 d'une requête au titre de l'article 92 bis. La demande de mesures de

19 protection fera l'objet d'une décision séparée qui sera rendue par la

20 Chambre. Etant donné que la décision à ce sujet n'a pas encore été rendue

21 par la Chambre, la Chambre ne va pas prononcer le nom de ce témoin.

22 Pour ce qui est de la conférence vidéo, l'Accusation avance que le témoin

23 est d'un âge avancé, qu'il souffre d'un certain nombre de problèmes de

24 santé, notamment de problèmes cardiologiques. Le témoin a indiqué que les

25 conditions de stress seraient beaucoup trop dangereuses pour lui, et que

26 son âge et son état de santé ne lui permettent pas de voyager sur de

27 longues distances. La Défense ne s'est pas opposée d'ailleurs à la requête.

28 L'Accusation n'a pas fourni de documents médicaux, de dossier médical pour

Page 9921

1 étayer sa requête. La Chambre est d'avis qu'au vu de l'information fournie,

2 un voyage à La Haye afin de venir déposer pourrait présenter des

3 inconvénients ainsi que des risques pour la santé du témoin. La Chambre

4 pense que la déposition est suffisamment importante, et que la requête qui

5 a été présentée est compatible avec le droit de l'accusé, qui pourra tout à

6 fait confronter le témoin. Par conséquent, la Chambre estime qu'il va dans

7 l'intérêt de la justice d'entendre ce témoin par le biais d'une

8 vidéoconférence. Il est donc fait droit à la requête.

9 Cela conclut la décision de la Chambre.

10 Oui, Maître Emmerson.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je me demande si je pourrais, avant que le

12 prochain témoin n'arrive dans le prétoire, soulever une ou deux questions

13 qui ont d'ailleurs déjà été soulevées lors de présentations de thèses, et

14 ce, juste avant que le dernier témoin n'est arrivé dans le prétoire.

15 Je comprends qu'il n'y a pas de demande de mesures de protection à l'égard

16 à ce témoin, ce qui veut dire que je vais utiliser son nom et le prononcer.

17 Il s'appelle Pjeter Shala, et comme vous le savez, il est nommé dans l'acte

18 d'accusation comme un membre allégué de l'entreprise criminelle commune qui

19 fait l'objet de la présentation à charge de l'Accusation. Le faire venir

20 ici au vu de la responsabilité alléguée pour tous les crimes qui sont

21 allégués dans l'acte d'accusation, ainsi qu'au vu des allégations

22 spécifiques de sa participation a été rejeté.

23 Voilà ce que nous souhaitons dire pour le moment : l'Accusation indique que

24 M. Shala a participé à deux crimes allégués et cités dans l'acte

25 d'accusation; il s'agit du chef d'inculpation 33 et 34. Il s'agit d'un

26 enlèvement, l'enlèvement du (expurgé), et d'une autre personne. Puis, nous

27 avons également le chef d'inculpation numéro 22, l'enlèvement et

28 l'assassinat allégués d'une autre personne. Il faut savoir que dans -- il

Page 9922

1 s'agit de M. Zdravko Radunovic. Comme je l'ai indiqué, le témoin a réfuté

2 cela lors d'entretiens qui ont eu lieu en 2005, puis il a également été

3 interrogé par M. Di Fazio en 2007, en mai 2007, dans le cadre d'un

4 entretien de suspect.

5 Je soulève toute une série de questions, car je pense que nous nous

6 trouvons dans une situation qui n'est pas commune, et je pense que j'ai

7 dans un premier temps fourni un exemplaire papier des comptes rendus de ces

8 entretiens.

9 La première question que je pose vise ce témoin qui est convoqué par

10 l'Accusation alors qu'il est allégué qu'il est membre de l'entreprise

11 criminelle commune. Bien entendu, il réfute ces allégations, alors que

12 l'Accusation le considère responsable de ces allégations.

13 J'aimerais rappeler rapidement à la Chambre de première instance ce qu'elle

14 a indiqué à la page 4 585, ligne 4 du compte rendu d'audience. Je crois

15 comprendre que la Chambre de première instance a bien un exemplaire de ce

16 compte rendu d'audience.

17 Voilà quelles sont les deux premières phrases. Il s'agit de la ligne

18 4, de la ligne 5. C'est M. le Juge Orie qui s'exprime.

19 Voyez ce que vous avez dit. Comme je l'ai déjà indiqué, non seulement

20 M. Shala a été considéré suspect en 2005, mais ce soupçon n'existe pas car,

21 comme je l'ai indiqué en 2007, il a été interrogé et M. Di Fazio, en fait,

22 lui a indiqué quels étaient ses droits, mais l'Accusation continue à

23 indiquer, en dépit de la réfutation du témoin, qu'il est toujours

24 responsable de ces crimes allégués.

25 Voilà pour ce qui est de la première question que je souhaitais

26 soulever.

27 Deuxièmement, il n'est pas très clair, en fait, ou le témoin n'a pas

28 très bien compris ce qui lui est reproché.

Page 9923

1 Cela, je l'ai soulevé à la page 4 588 du compte rendu d'audience, car

2 j'avais demandé des précisions à propos de l'acte d'accusation, pour ce qui

3 était également du mémoire préalable au procès, et j'avais demandé le --

4 parce que le 22 mai, l'Accusation avait indiqué que M. Shala avait

5 participé à ces crimes. Cela a été réglé en vertu d'un accord avec M. Re,

6 qui a aimablement accepté de fournir cette information par écrit.

7 La lettre qu'il a écrite se trouve à l'intercalaire 2 du jeu de

8 documents et indique que les allégations dressées à l'encontre de M. Shala,

9 que l'on trouve aux chefs d'inculpation 33 et 34, et aux paragraphes 27 et

10 107 de l'acte d'accusation modifié, ainsi qu'aux paragraphes 32 à 34 et 151

11 du mémoire préalable au procès, sont autant d'allégations qui sont

12 afférentes aux chefs d'inculpation 33 et 34. Il faut savoir que dans la

13 lettre la notion de meurtre et d'assassinat n'est pas reprise.

14 Ceci étant dit, à la lecture de cette lettre, j'ai répondu à M. Re

15 le lendemain. Vous avez mon courriel qui se trouve à l'intercalaire 3 du

16 jeu de documents. C'est le deuxième paragraphe de cette lettre qui est

17 important. Dans ce paragraphe, je lui indique comment j'interprète la

18 lettre de M. Re, à savoir il s'agit d'une indication suivant laquelle le

19 passage fait référence au comportement criminel de M. Shala, et je demande

20 qu'une correction soit apportée. D'ailleurs, aucune correction n'a été

21 apportée.

22 Donc, il semblerait qu'au vu de ces circonstances, depuis le 22 mai

23 l'Accusation est d'avis que M. Shala est, en dépit de ses réfutations,

24 coupable de l'allégation que nous avons aux chefs d'inculpation 33 et 34,

25 mais il n'a pas été -- ou le fait qu'il soit coupable du meurtre allégué

26 aux chefs d'inculpation 21 et 22 n'a pas été réfuté. C'est, d'après ce que

27 nous comprenons, le point de vue de l'Accusation maintenant.

28 Nous pensons que cela soulève une question, parce que je pense qu'il

Page 9924

1 va falloir que M. Shala se voit exprimé ses droits, et ce, par des

2 personnes indépendantes. Je pense qu'il doit bénéficier d'un conseil

3 juridique indépendant.

4 Je dis cela parce que, d'après ce que je comprends, l'Accusation se

5 propose de traiter le témoin non pas -- l'Accusation ne prend pas en

6 considération les dénis apportés par le témoin à propos des allégations

7 précises qui ont été dressées à son encontre.

8 Puis, il y a deux facettes à ce problème, car si l'Accusation se

9 propose de faire parler le témoin à propos de sa présence dans certains

10 lieux et à certaines heures, si M. Di Fazio se propose de lui poser des

11 questions bien précises pour obtenir du témoin des renseignements à propos

12 du refus qu'il a apporté vis-à-vis de ces actes de participation, nous

13 pensons qu'il faudrait que la nature des allégations qui lui sont

14 reprochées doivent lui être expliquées.

15 Je pense qu'il ne faut pas oublier que c'est une question qui a déjà

16 été soulevée. J'en veux pour preuve le compte rendu d'audience. Donc, c'est

17 la raison pour laquelle je me suis permis de soulever à nouveau cette

18 question auprès de la Chambre de première instance.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je reprends à mon compte les arguments

21 présentés par Me Emmerson.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

23 Maître Harvey.

24 M. HARVEY : [interprétation] J'ai exactement le même point de vue.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, vous devez répondre ?

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Je dois dire que je n'ai pas très bien

27 compris ce que la Défense vous a invité à faire. Il me semble que, d'après

28 ce que j'ai compris, la Défense souhaiterait fournir au témoin la

Page 9925

1 possibilité d'obtenir des conseils juridiques. Je suppose que la Défense

2 souhaiterait que vous mettiez en garde le témoin - et permettez-moi de

3 m'exprimer de la sorte - la Défense souhaiterait que vous lui présentiez

4 une mise en garde générale, en quelque sorte, avant qu'il ne témoigne.

5 Ce que j'avance, c'est que conformément aux articles du Règlement, et

6 plus précisément l'article 90(E), vous ne devez pas mettre en garde les

7 témoins jusqu'au moment où, pendant sa déposition, il indique quelque chose

8 qui pourrait l'incriminer. Ce n'est pas la peine de le faire avant.

9 Par conséquent, c'est ce que l'Accusation vous suggèrerait ou vous

10 inviterait à faire pour traiter cette question.

11 Me Emmerson a raison en ce sens, que je ne me propose pas de poser

12 des questions au témoin à propos des incidents bien précis qui sont repris

13 dans les chefs d'inculpation, à savoir le chef d'inculpation suivant lequel

14 le témoin était responsable d'un enlèvement, puis il y a également un autre

15 chef d'inculpation qui porte sur un policier serbe. Je ne pense pas que

16 cela m'empêchera de demander au témoin où il se trouvait ce jour-là et ce

17 qu'il faisait au moment où ces incidents ont eu lieu, sans pour autant que

18 vous deviez l'avertir ou le mettre en garde. Car ce n'est que si je lui

19 pose des questions qui pourraient, de sa part, lui faire apporter une

20 réponse qui indiquerait qu'il y a eu participation directe à ces crimes ou

21 ces délits précis, que vous devriez le mettre en garde.

22 L'article 90(E) indique : "Un témoin peut soulever une objection à la

23 présentation d'une déclaration qui pourrait l'incriminer", et que vous

24 devez à ce moment-là contraindre le témoin à répondre à cette question et

25 sa déposition obtenue de la sorte ne peut pas être utilisée contre lui.

26 C'est pas la peine, cela ne stipule pas qu'il faut présenter des mises en

27 garde, des administrations au début de la déposition du témoin pour que le

28 témoin ne s'égare pas en quelque sorte et ne prononce pas des phrases ou

Page 9926

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9927

1 des déclarations qui pourraient l'incriminer.

2 Qui plus est, la Chambre de première instance est bien placée pour

3 observer et savoir quels sont les droits qui sont les droits du témoin au

4 titre l'article 90(E), parce que vous connaissez les faits de cette

5 affaire.

6 Essentiellement, ce que nous pensons, c'est que ce n'est pas la peine

7 de mettre en garde le témoin, tant qu'il y aura peut-être un moment où le

8 moment sera très clairement venu de le mettre en garde, mais jusqu'à ce

9 moment-là, je ne pense pas que cela soit une nécessité.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

11 Oui, Maître Emmerson. Brièvement, je vous en prie.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Oui très brièvement.

13 Premièrement, je dirais que ce qui est peu usuel pour ce qui est de

14 ce témoin par opposition aux autres témoins en général, c'est qu'il a été

15 allégué qu'il était membre de l'entreprise criminelle commune, puis il a

16 été nommé.

17 Deuxièmement, pour ce qui est de s'incriminer dans le contexte d'une

18 allégation de participation à une entreprise criminelle commune n'est pas

19 quelque chose que le témoin pourrait discerner très facilement dans la

20 mesure où il ne sait pas exactement ce qui lui est reproché. C'est pour

21 cela d'où ma suggestion de conseil.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'aimerais présenter une suggestion : si

24 vous mettez en garde cet homme, puisqu'il se trouve dans une situation

25 juridique un peu délicate, quel serait le tort ?

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Puis-je répondre --

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

28 M. DI FAZIO : [interprétation] Ce n'est pas exact qu'il se trouve dans une

Page 9928

1 situation juridique particulièrement délicate. La Chambre de première

2 instance va très facilement savoir si je m'aventure à poser des questions

3 dont les réponses pourraient l'incriminer. Puis, on me dit est-ce que cela

4 représenterait un grand tort ? Je pense que cela va certainement susciter

5 une grand appréhension de la part du témoin, alors que je pense que ce

6 témoin doit pouvoir témoigner aussi facilement qu'il le peut. Si à un

7 moment donné il se trouve dans une situation où il est sur le point de

8 faire une déclaration qui pourrait l'incriminer, à ce moment-là, au terme

9 de l'article 90(E), il faudra, bien entendu, le mettre en garde.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais poser une question

11 supplémentaire aux deux parties : le moment où l'on pouvait dresser de

12 nouveaux actes d'accusation contre des personnes, ce moment est arrivé à

13 expiration en l'espèce. Donc, il n'y a pas en fait de risque de poursuite

14 devant ce Tribunal ?

15 M. EMMERSON : [interprétation] Nous nous trouvons dans une situation assez

16 saugrenue, parce que, évidemment, manifestement nous ne représentons pas

17 les intérêts de M. Shala. Mais, je répondrais par la négative à votre

18 question, parce que ce que nous indiquons, c'est que s'il venait à être

19 interrogé par M. Di Fazio, et s'il se met dans une situation où il indique

20 qu'il était présent au moment et sur les lieux où les crimes ont été

21 commis, il semblerait que sa déposition alors pourrait être utilisée aux

22 fins de poursuites dans une autre juridiction.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

24 Monsieur Di Fazio, Maître Guy-Smith, Maître Harvey ?

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non seulement, il pourra faire l'objet de

26 poursuites, mais il y aura également d'autres poursuites collatérales qui

27 pourraient être dirigées contre lui. Je pense, par exemple, à des demandes

28 d'asile ou à des demandes de droit de réfugiés, cela pourrait avoir des

Page 9929

1 conséquences.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'aimerais également poser une

3 autre question. Est-ce que le droit de rester silencieux et de se taire,

4 afin de protéger le témoin, qu'en est-il de ce droit ?

5 M. GUY-SMITH : [interprétation] De toute façon, il n'y a pas de dispense.

6 Je pense que le problème, c'est ce que Me Emmerson vous a expliqué, vous

7 allez avoir un homme qui se trouve déjà dans une situation particulière. Il

8 se peut qu'il sera poursuivi ici ou par un autre tribunal d'ailleurs, du

9 fait de la nature des crimes qui seront discutés, ce sont des crimes qui

10 pourraient être poursuivis dans d'autres juridictions justement.

11 Franchement, une fois de plus, comme l'a dit Me Emmerson, et j'abonde dans

12 son sens, ce n'est pas mon client cet homme, mais pour ce qui est de la

13 protection de toute personne et de l'intégrité de cette procédure, il est

14 important qu'un témoin qui se trouve dans sa situation puisse comprendre

15 les conséquences que pourrait avoir sa déposition.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Di Fazio, souhaitez-vous

17 réagir ?

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Je dirais tout simplement ceci. En réponse à

19 la question que vous avez posée, à savoir qu'au sein de cette institution

20 la préparation d'acte d'accusation ait une incidence sur le fonctionnement

21 de l'article 90(E), sans avoir pris d'instructions et sans avoir eu la

22 possibilité d'ailleurs de faire des recherches sur la question, je ne pense

23 pas qu'il soit judicieux que je fasse des observations à ce sujet.

24 D'ailleurs, je ne souhaite pas le faire.

25 Ce que je peux vous dire, c'est que le droit à garder le silence peut

26 parfois être mitigé, en quelque sorte, par cet article. Ce n'est pas un

27 droit absolu. Tout simplement, ce genre de déposition ne pourra pas être

28 utilisé, s'il y a poursuite ultérieure qui est diligentée au cas où il

Page 9930

1 répond aux questions.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cette observation.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre va se retirer pendant un laps

5 de temps qui risque d'être très bref d'ailleurs, afin de discuter de ces

6 questions. Nous souhaiterions que les parties restent ici.

7 --- La pause est prise à 14 heures 47.

8 --- La pause est terminée à 15 heures 03.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, estimez-vous

10 que le témoin qui va être cité, M. Pjeter Shala est encore un suspect au

11 regard des yeux du bureau du Procureur ?

12 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

13 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. Si nous devions l'interroger à

14 nouveau, à ce moment-là, le Règlement s'appliquerait. Il serait interrogé

15 en tant que suspect. C'est ce qui s'est passé en début d'année lorsque j'ai

16 eu un entretien avec lui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Si vous avez un entretien avec

18 quelqu'un ou si vous l'interrogez en tant que suspect, cela ne signifie pas

19 pour autant que vous allez lancer des poursuites contre cette personne ?

20 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

21 M. DI FAZIO : [interprétation] D'après le Règlement, Messieurs les Juges,

22 nous avons quelque chose qui régit cette situation.

23 Si nous reprenons la définition du mot "suspect," -- je vais essayer de

24 vous le retrouver, Messieurs les Juges.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Je regarde, cela se trouve je crois, à

27 l'article 39.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'article 42 porte sur l'interrogatoire

Page 9931

1 d'un témoin.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, pour ce qui est de la définition. Le

3 Règlement contient aussi une définition du terme "suspect," Messieurs les

4 Juges.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est l'article 2.

6 Oui. "Toute personne physique au sujet de laquelle le Procureur possède des

7 informations fiables qui tendent à montrer qu'elle aurait commis une

8 infraction relevant de la compétence du Tribunal."

9 M. DI FAZIO : [interprétation] La définition doit être prise au sens large.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien sûr. Il ne constitue pas une cible ou

12 ne fait pas l'objet d'une enquête.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pardonnez-moi ?

14 M. DI FAZIO : [interprétation] Il ne fait pas l'objet d'une enquête.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne fait pas l'objet d'une enquête,

16 mais théoriquement parlant, vous diriez que c'est un suspect, mais qu'il ne

17 l'est pas pour l'instant.

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Ecoutez, il entre bien dans le cadre de

19 cette définition.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. DI FAZIO : [interprétation] Théoriquement ou sinon, effectivement, il

22 correspond à la définition que nous voudrions donner.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que le fait de rédiger un

24 acte d'accusation contre lui est tout à fait inenvisageable à ce stade de

25 la procédure.

26 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, je crois que je peux dire ceci avec une

28 certaine certitude.

Page 9932

1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a décidé qu'elle ne va pas

3 demander au témoin d'être particulièrement prudent au début de sa

4 déposition. En revanche, la Chambre de première instance va s'informer

5 auprès de lui en lui posant un certain nombre de questions. Elle va

6 également l'informer d'un certain nombre de choses.

7 Par conséquent, Monsieur Di Fazio, je comprends que vous n'avez pas demandé

8 des mesures de protection ?

9 M. DI FAZIO : [interprétation] Non.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez faire entrer le témoin

11 suivant, qui est M. Pjeter Shala.

12 M. DI FAZIO : [interprétation] En attendant le témoin, est-ce que nous

13 pourrions brièvement passer à huis clos partiel.

14 Ce sera court.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de passer à huis clos partiel,

16 j'ai indiqué que je n'allais pas conseiller au témoin d'être prudent. Cela

17 ne signifie pas pour autant que la Chambre de première instance ne pourra

18 pas estimer, à un certain moment de sa déposition, qu'il sera nécessaire de

19 le faire. Cela dépendra évidemment pour beaucoup de la façon dont se

20 déroulera l'interrogatoire principal.

21 Je souhaite que les parties soient informées de cela.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis

24 clos partiel.

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

28 [Audience à huis clos partiel]

Page 9933

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Pages 9933-9934 expurgées. Audience à huis clos partiel.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9935

1 (expurgé)

2 [Audience publique]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrer le témoin, s'il vous

4 plaît.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Shala.

7 M'entendez-vous dans une langue que vous comprenez ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de déposer devant cette Chambre,

10 le Règlement de procédure et de preuve exige que vous fassiez une

11 déclaration solennelle, en vertu de quoi vous allez dire la vérité, toute

12 la vérité, rien que la vérité.

13 Le texte de cette déclaration vous est maintenant remis par

14 M. l'Huissier. Je vous demande de bien vouloir faire la déclaration.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 LE TÉMOIN: PJETER SHALA [Assermenté]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Shala, veuillez vous asseoir.

20 Monsieur Shala, avant que ne commence l'interrogatoire principal, la

21 Chambre de première instance souhaite savoir si vous êtes au courant du

22 fait que votre nom figure dans l'acte d'accusation qui a été dressé contre

23 l'accusé.

24 Etes-vous au courant de cela ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre, de surcroît, souhaite vous

27 informer du fait que bien qu'étant interrogé en tant que suspect et que

28 vous êtes officiellement considéré comme un suspect, quelqu'un à propos

Page 9936

1 duquel on a des raisons de croire que vous avez commis des crimes. Soit,

2 pour l'instant, vous ne faites pas l'objet d'enquête de la part de ce

3 Tribunal. On ne peut pas vous poursuivre devant ce Tribunal. Etiez-vous au

4 courant de cela ?

5 Le saviez-vous ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'apprends cela aujourd'hui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De surcroît, la Chambre de première

8 instance souhaite vous demander si vous êtes au courant d'enquêtes ou

9 d'affaires qui pourraient être retenues contre vous dans tout autre

10 juridiction. La Chambre de première instance n'est pas au courant. Si vous

11 étiez au courant d'une enquête ou de poursuites contre vous dans une autre

12 juridiction, êtes-vous au courant de quelque chose de la sorte ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai eu que des entretiens jusqu'à présent

14 avec les enquêteurs du Tribunal. Il n'y a eu ni accusation ni chef

15 d'accusation contre moi.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après vous, jusqu'à présent, il n'y a

17 pas eu d'enquête particulière ouverte contre vous ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour finir, je souhaite attirer votre

20 attention sur l'élément suivant. Etant donné que vous allez déposé en

21 audience publique, vos propos pourront être entendus à l'extérieur du

22 Tribunal. Etes-vous au courant de cela ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je suis au courant de cela. Il n'y a rien

24 à cacher.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Shala, vous allez maintenant

27 être interrogé par M. Di Fazio, qui est le conseil de l'Accusation.

28 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

Page 9937

1 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :

2 Q. [interprétation] Tout d'abord, pourriez-vous nous donner quelques

3 éléments vous concernant, votre date de naissance, s'il vous plaît.

4 R. Le 17 septembre 1973.

5 L'INTERPRÈTE : L'interprète a mal compris l'année de naissance du témoin.

6 Q. Veuillez parler plus fort, de façon à ce que les interprètes puissent

7 vous entendre. Pourriez-vous répéter l'année, s'il vous plaît ? Le jour et

8 le mois ont été entendus, mais vous êtes né en quelle année ?

9 R. 1963, c'était à Prizren.

10 Q. A Prizren, au Kosovo ?

11 R. Oui.

12 Q. Avez-vous fait vos études au Kosovo ?

13 R. Oui. Je suis allé à l'école élémentaire à Prizren, et je suis allé à

14 l'école secondaire Boro i Ramiz à Prizren.

15 Q. Je souhaite vous poser des questions au sujet des événements qui se

16 sont déroulés en 1998 au Kosovo. Première question à ce sujet, c'est celle-

17 ci : aviez-vous un surnom, aviez-vous un surnom, des surnoms en 1998 ?

18 R. Oui. C'était "le Loup." Mes amis m'appelaient "le Loup."

19 Q. "Le Loup," cela se prononce "Ujku" en Albanais; c'est exact ?

20 R. Oui.

21 Q. En 1998, dans la première moitié de l'année 1998, êtes-vous entré au

22 Kosovo à partir de l'Albanie ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous souvenez-vous de la date ou du mois ? Si vous ne vous souvenez pas

25 de cela, si vous ne vous souvenez ni de la date, ni du mois - attendez la

26 fin de la question - si vous ne vous souvenez pas du mois ou de la date,

27 vous souvenez-vous de la saison ?

28 R. Oui. C'était après le massacre de Jashari. C'était au printemps.

Page 9938

1 Q. Vous souvenez-vous combien de temps entre le massacre de Jashari ceci

2 s'est passé ? C'était une question de jour ou de mois ?

3 R. Je ne me souviens pas exactement. C'était peut-être 15 jours ou un

4 mois. Beaucoup d'années se sont découlées depuis. Je ne me souviens pas de

5 la date exacte.

6 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment vous avez effectué

7 votre traversée. Vous étiez accompagné de qui ? Quel était l'objet de cela

8 ?

9 R. Nous nous sommes rassemblés et rencontrés plusieurs amis. Nous avons

10 rencontré d'autres personnes qui avaient travaillé comme officiers dans

11 l'armée. Nous les avons rencontrées avec Hasan Iliti [phon]. Nous habitions

12 à Tirana. Notre objectif consistait à aller au Kosovo pour protéger la

13 population de façon à ce que le cas Jashari ne se reproduise pas.

14 Pour autant que nous sachions nous défendre, nous avions l'intention

15 de faire de notre mieux.

16 Q. Lorsque vous êtes passés de l'autre côté et lorsque vous êtes arrivé au

17 Kosovo, vous étiez accompagné de combien d'hommes ?

18 R. Vingt, 30 peut-être. Je ne me souviens pas exactement.

19 Q. Vous et ces hommes, est-ce que vous portiez des marchandises ?

20 R. Oui. Nous avions nos armes automatiques et nos munitions.

21 Q. Pourriez-vous en parler aux Juges de la Chambre, combien d'armes

22 automatiques et combien de munitions vous portiez par personne ?

23 R. Autant que nous pouvions porter chacun.

24 Q. Une fois passé les montagnes, où êtes-vous allés ?

25 R. Nous étions avec quelqu'un qui connaissait le chemin. Il nous a

26 attendus. Il nous a conduits jusqu'à Smonica.

27 Q. Cela se trouve près de Reka e Kege, dans cette région-là ?

28 R. Oui.

Page 9939

1 Q. Vous étiez censés rencontrer quelqu'un à cet endroit-là ?

2 R. Oui. Nous avons rencontré Kenun [phon].

3 Q. Bien. Quelqu'un d'autre, ou c'est tout ?

4 R. Il y avait des gens aussi, je ne me souviens pas de leurs noms. Nous ne

5 connaissions pas les noms des uns et des autres, et je ne les connais

6 toujours pas aujourd'hui.

7 Q. Avez-vous entendu le surnom de Smajl ?

8 R. Oui.

9 Q. Dans quel contexte avez-vous entendu ce surnom ?

10 R. Smajl était censé nous rencontrer à Smonica. A l'époque, il y avait des

11 troubles à Decane et il n'a pas pu venir. Ni personne n'a pu venir de là.

12 Ce sont les gens de Smonica qui nous ont accompagnés jusqu'à la route

13 goudronnée, ensuite, ils nous ont dit de nous rendre jusqu'à Suca, et que

14 là, quelqu'un d'autre viendrait nous chercher.

15 Q. Merci.

16 Avez-vous jamais appris par la suite qui était Smajl ?

17 R. Oui, après, plus tard. Après être resté à Gllogjan pendant quelque

18 temps, je savais qui était Smajl.

19 Q. Qui était Smajl, qui était cette personne que vous avez appris à

20 connaître ?

21 R. C'était le père de Nasim, et le père d'Agron, Smajl Haradinaj.

22 Q. Quel était son prénom ?

23 R. Smajl.

24 Q. Vous connaissez d'autres noms, à part Smalj ?

25 R. C'était Smajl Haradinaj. C'était le père de Nasim et Agron.

26 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

27 M. DI FAZIO : [interprétation]

28 Q. Je souhaite maintenant vous montrer un extrait d'une vidéo où nous

Page 9940

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9941

1 voyons un entretien que vous avez eu avec le bureau du Procureur.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Emmerson.

3 M. EMMERSON : [interprétation] J'avais cru comprendre que M. Di Fazio

4 n'avait pas l'intention d'interroger ce témoin sur des extraits

5 d'entretien.

6 Je pense que les mêmes conditions s'appliquent qu'aux autres témoins

7 lorsque l'Accusation souhaite se reposer sur des déclarations préalables.

8 Autrement dit, nous arrivons au stade où il s'agit de rafraîchir la mémoire

9 du témoin et, dans ce cas là, on peut autoriser l'Accusation à se reporter

10 à des déclarations préalables.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pour l'instant, nous ne savons pas

12 ce que recherche M. Di Fazio.

13 Peut-être que vous pourriez nous l'expliquer, Monsieur Di Fazio.

14 Peut-être que vous pourriez enlever vos casques pendant quelques

15 instants, Monsieur Shala, s'il vous plaît.

16 Est-ce que vous parlez anglais ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Un petit peu.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, avez compris que le

19 témoin comprend l'anglais.

20 M. DI FAZIO : [interprétation] La partie de l'entretien que je souhaite

21 visionner porte précisément sur un sujet abordé entre les enquêteurs et le

22 témoin. Il a proposé de fournir des éléments d'information sur le sujet en

23 question.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est-à-dire le prénom de cette personne

25 --

26 M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que nous pourrions procéder

28 différemment.

Page 9942

1 Avant de voir cette vidéo --

2 Monsieur Shala, pourriez-vous…

3 On vous pose une question à propos de quelqu'un qui a un surnom qui

4 s'appelle Smajl. Plus tard, vous avez dit que c'était Smajl Haradinaj.

5 Savez-vous quel était son vrai prénom officiel ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que je sais, c'est le père de

7 Nasim. Il s'appelle Smajl Haradinaj. Nous sommes restés chez lui, nous

8 avons habité chez lui, dans un pays occidental.

9 Mais maintenant je ne comprends pas où veut en venir l'Accusation --

10 Ramush avait aussi le pseudonyme de Smajl, peut-être qu'il y a quelque

11 chose que je n'ai pas bien compris.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous dites hormis le

13 fait qu'il y avait son père, Ramush Haradinaj était également surnommé

14 Smajl; c'est cela ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ainsi que je l'ai compris. Et Smajl

16 Haradinij vivait dans un pays occidental, et nous ne pensions pas qu'un

17 homme de 80 ans allait venir à notre rencontre. Donc c'était certainement

18 Ramush qui allait venir.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je insister, Monsieur Shala, vous

20 avez fait une déclaration solennelle, vous avez dit que vous alliez dire la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Donc si quelqu'un vous pose

22 la question et vous demande si vous connaissez quelqu'un qui répond au

23 surnom de Smajl, vous nous parlez de toutes les personnes que vous

24 connaissez qui répondent à ce surnom-là. A savoir si c'est pertinent, ça

25 c'est autre chose, donc veuillez nous le dire, s'il vous plaît.

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

27 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin, de nous avoir apporté cette

28 précision.

Page 9943

1 Bien. Après avoir traversé les montagnes et être arrivé jusqu'à Smonica

2 dans la zone de Reka e Keqe, où êtes-vous arrivés pour finir, le groupe

3 d'hommes que vous formiez ?

4 R. A Jabllanice.

5 Q. Etait-ce très peu de temps après avoir traversé les montagnes ou était-

6 ce une question de jour ou --

7 R. C'était une nuit ou deux après. Je ne me souviens pas exactement de

8 quel village il s'agissait, mais --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons un problème technique.

10 L'interprète n'entend pas le témoin. Je ne sais pas qui peut trouver une

11 solution.

12 L'INTERPRÈTE : Le témoin a dit avoir "traversé les montagnes, avoir passé

13 la nuit dans un village où quelqu'un coupait du bois et s'être rendu

14 ensuite à Jabllanice."

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que les problèmes techniques

16 ont été résolus.

17 Vous pouvez poursuivre.

18 M. DI FAZIO : [interprétation]

19 Q. Donc vous êtes allé à Jablanica. Où êtes-vous allé et avez-vous logé

20 avec votre groupe d'hommes ?

21 L'INTERPRÈTE : Apparemment les interprètes ont toujours un problème

22 technique en cabine albanaise.

23 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est un problème technique, ça n'a rien à

24 voir avec vous, Monsieur le Témoin.

25 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous devons, Monsieur

27 Shala, prendre le temps de résoudre ce problème.

28 Monsieur Shala, le problème n'a pas été résolu, et nous allions marquer une

Page 9944

1 pause, nous allons donc l'anticiper et marquer une pause et reprendre à 4

2 heures moins cinq.

3 --- L'audience est suspendue à 15 heures 32.

4 --- L'audience est reprise à 15 heures 59.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Di

6 Fazio.

7 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

8 Q. Monsieur Shala, avant la pause, vous nous expliquiez que vous étiez

9 arrivé à Jablanica avec votre groupe d'hommes et que vous aviez logé chez

10 Lahi. Lahi comment ?

11 R. Lahi Brahimaj.

12 Q. Est-ce qu'il a un frère ?

13 R. Oui.

14 Q. Comment s'appelle-t-il ?

15 R. Oui, il était là. Il est arrivé un petit peu plus tard. Nazmi Brahimaj.

16 Q. Merci. Combien de temps êtes-vous resté à Jablanica à ce moment-là ?

17 R. Je ne me souviens pas exactement. Quatre ou cinq semaines. Je ne me

18 souviens pas exactement.

19 Q. J'essaie de me faire une idée générale. Donc vous avez traversé les

20 montagnes, vous êtes arrivé à Jablanica. Vous êtes resté quatre ou cinq

21 semaines. Après cela, où vous êtes-vous rendu ?

22 R. A Gllogjan.

23 Q. Il y a un endroit appelé Dujak, est-ce que vous le connaissez ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous vous êtes déjà rendu là-bas et y êtes-vous resté

26 quelque temps ?

27 R. Oui.

28 Q. A quel moment par rapport à votre séjour à Jablanica ? Après les quatre

Page 9945

1 ou cinq semaines passées à Jablanica ou est-ce que vous vous êtes rendu à

2 Dujak, ensuite vous êtes rentré à Jablanica ?

3 R. J'ai d'abord été à Jablanica, ensuite j'ai été à Dujak où j'ai commencé

4 à travailler.

5 Q. Bien. Parlons de votre séjour à Jablanica avant votre départ pour

6 Dujak. Vous nous avez dit avoir été logé par Lahi Brahimaj. Etes-vous resté

7 chez lui tout au long de votre séjour ou est-ce que vous vous êtes déplacé,

8 pour ainsi dire ?

9 R. Nous n'avons pas logé dans une seule maison. Nous déjeunions dans une

10 maison, nous dînions dans une autre. Nous ne voulions pas nous imposer dans

11 une seule famille.

12 Q. Lorsque vous dites "nous", vous parlez de ce groupe en compagnie duquel

13 vous avez traversé les montagnes ?

14 R. Oui.

15 Q. Merci. Vous aviez entendu parler de l'organisation qui répond au nom de

16 l'UCK ?

17 R. Oui, j'en étais membre.

18 Q. Oui. Merci. Avait-elle un quartier général cette organisation à

19 Jablanica ?

20 R. Un quartier général ? Je ne sais pas. Il y avait une maison où les

21 supérieurs se réunissaient. C'était la maison de Lahi. Je ne sais pas.

22 Q. Lorsque vous dites "les supérieurs", est-ce que vous avez des noms en

23 tête ou c'était simplement vos supérieurs ? Est-ce que vous pourriez nous

24 le dire ?

25 R. Gjelal Hajda était là-bas. Il logeait là-bas. J'étais là-bas. C'étaient

26 soi-disant les supérieurs, car en fait nous étions tous des soldats.

27 Q. Lorsque vous dites "les supérieurs", vous voulez dire vos supérieurs au

28 sein de l'UCK ?

Page 9946

1 R. Oui.

2 Q. Merci. Et c'était chez Lahi que ces supérieurs se réunissaient de temps

3 en temps ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que c'est ainsi que je dois vous interpréter ?

6 R. Oui.

7 Q. Avez-vous participé à ces réunions ?

8 R. Oui. Je mangeais là-bas, et je dormais là-bas. On ne pouvait pas parler

9 de réunions officielles en tant que telles.

10 Q. Est-ce vous receviez des ordres de qui que ce soit ?

11 R. Le commandant du quartier général local.

12 Q. Qui était-ce ?

13 R. Nazmi.

14 Q. Et Lahi Brahimaj, vous donnait-il des ordres également ? Je voudrais

15 ajouter la question suivante : avez-vous reçu des ordres dont vous saviez

16 qu'ils émanaient de lui ?

17 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas très bien

18 compris cette dernière question.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez reformuler.

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais scinder ma question en deux, pour

21 faire facile.

22 Q. Qu'en est-il de Lahi Brahimaj ? Est-ce qu'il vous a déjà donné des

23 ordres, directement ?

24 R. Je ne sais pas. Peut-être. Mais je ne m'en souviens pas exactement.

25 Q. Très bien. En plus du quartier général, y avait-il une caserne à

26 Jablanica ou un bâtiment qui était utilisé comme caserne ?

27 R. Oui.

28 Q. A quelle distance cette caserne se situait-elle de chez Lahi Brahimaj ?

Page 9947

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9948

1 R. Cette caserne était à l'entrée du village; alors que la maison de Lahi

2 se trouvait au centre du village.

3 Q. Je voudrais vous montrer un schéma.

4 Vous nous avez dit à l'entrée du village, mais à quelle distance de

5 la maison de Lahi. Est-ce que vous pourriez nous donner une indication

6 chiffrée, en mètres ou en kilomètres ?

7 R. Je ne sais pas la distance exacte. Ce n'est pas un grand village que

8 l'on puisse mesurer en kilomètres.

9 Q. Moins d'un kilomètre ?

10 R. Je ne sais pas. Je ne pourrais même pas vous dire quelle est la

11 longueur d'un kilomètre. Je me déplaçais surtout à pied, pas en voiture. Je

12 ne sais pas à quelle distance cette caserne se situait en mètres ou en

13 kilomètres.

14 Q. Je voulais vous montrer ce dessin --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.

16 Vous dites que vous n'utilisez pas de voiture. Vous ne connaissez

17 pas. Vous ne savez pas à quoi correspond un kilomètre. Depuis l'entrée du

18 village, combien de temps cela vous prenait-il pour vous rendre à pied chez

19 Lahi ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Cinq, six minutes. Sept à tout casser.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce qu'on peut remettre au témoin la

23 pièce à conviction 65 ter 2117.

24 Q. C'est un plan que je voulais vous montrer --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez besoin d'une cote ?

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, effectivement.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, une cote.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

Page 9949

1 P1185.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

3 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait le faire pivoter.

4 Q. Est-ce que cette signature, en haut à gauche de ce plan dessiné à la

5 main --

6 R. Oui.

7 Q. Merci. Je vous invite à regarder ce plan.

8 M. DI FAZIO : [interprétation] Je prierais de faire pivoter pour que l'on

9 le comprenne, est-ce qu'on peut l'agrandir également.

10 Q. C'est un schéma. Savez-vous ce qu'il représente ?

11 R. Oui, oui.

12 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce qu'il représente ?

13 R. C'est la caserne. Il y avait une petite maison qui était utilisée comme

14 caserne. Il y avait également une réserve pour les victuailles destinées

15 aux soldats.

16 Q. C'est la caserne dont vous nous avez dit qu'elle était située à cinq ou

17 six minutes à pied de chez Lahi ?

18 R. Oui.

19 Q. C'est votre dessin, n'est-ce pas?

20 R. Oui.

21 M. DI FAZIO : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais verser ce

22 document au dossier.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections à ce que l'on

24 verse au dossier cette pièce à conviction ?

25 Cette pièce est admise sous la cote P1185.

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

27 Q. Nous y sommes, nous parlons de ce plan, Monsieur Shala. Je voudrais

28 vous montrer une photo.

Page 9950

1 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin la

2 photo D118. Merci.

3 Q. Est-ce que vous reconnaissez cet endroit, ce bâtiment, cette zone ?

4 R. Oui. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. C'est totalement abîmé.

5 Q. Oui, deux questions. Est-ce que c'est la caserne dont vous parliez ?

6 Est-ce que c'est une photo du bâtiment que vous avez essayé de représenter

7 sur le dessin que je vous ai montré ?

8 R. Oui.

9 Q. Quand vous les avez vus pour la dernière fois ces bâtiments étaient en

10 meilleur état, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, oui. Ils étaient en meilleur état, mais je dirais que le four à

12 pain a été détruit, la cuisine a été détruite.

13 Q. En ce qui concerne les soldats -- enfin je me reprends. Est-ce que les

14 soldats étaient logés dans ce complexe ?

15 R. Oui, dans ce bâtiment.

16 Q. Y avait-il un bureau ?

17 R. Oui, quelque chose qui faisait office d'un bureau à l'entrée, ce que

18 l'on pouvait appeler un bureau parce que tout ce qu'il y avait à

19 l'intérieur, c'était une table et rien d'autre.

20 Q. Est-ce que vous pourriez apposer une marque sur la fenêtre ou la partie

21 du bâtiment où ce bureau se situait ? Vous pouvez voir que vous avez un

22 stylo qui peut écrire sur l'écran. Je vous prierais de dessiner une flèche

23 montrant la direction.

24 R. Oui. [Le témoin s'exécute]

25 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez également apposer vos initiales quelque

26 part dans le bas de la photo sur l'écran.

27 Merci.

28 M. DI FAZIO : [interprétation] Je voudrais verser cette image au dossier,

Page 9951

1 Messieurs les Juges.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle cote?

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1186.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il n'y a pas d'objection à

5 ce que ce document soit versé au dossier sous la cote P1186.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Je voudrais continuer, je voudrais

7 effectivement verser cette pièce au dossier, mais je souhaiterais encore la

8 soumettre au témoin.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu.

10 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, qu'elle est

11 toujours à l'écran.

12 Je ne sais pas comment procéder en ce qui concerne la procédure,

13 Messieurs les Juges, est-ce qu'il faut la sauvegarde, ensuite la soumettre

14 à nouveau témoin ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il faut d'abord la sauvegarder pour

16 qu'aucune modification ne puisse y être apportée.

17 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, effectivement. Je pense que c'est la

18 manière la plus prudente de procéder.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que la

20 sauvegarde a été effectuée ?

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Effectivement, cela a été effectué,

22 Monsieur le Président, et une cote a déjà été attribuée.

23 M. DI FAZIO : [interprétation] Cela veut dire que nous pouvons à nouveau

24 apposer des marques sur cette photo.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

27 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu à cet endroit au cours de votre séjour

28 de quelques semaines à Jablanica avant de vous rendre à Dujak ?

Page 9952

1 R. Oui.

2 Q. Avec quelle fréquence, et pour quelle raison ?

3 R. Je me rendais là-bas pour manger, car c'est là que la cantine était

4 située.

5 Q. Est-ce que vous y rendiez uniquement pour les repas ou d'autres raisons

6 ?

7 R. Pour le repas, mais si j'utilisais la voiture de quelqu'un, j'allais là

8 pour faire le plein en essence ou en diesel.

9 Q. Vous pouvez voir le bâtiment, et à droite, il y a une partie un petit

10 peu détruite avec un groupe d'hommes. A quoi servait ce bâtiment, à droite

11 ?

12 R. C'était la maison où dormaient les soldats ?

13 Q. C'était sa seule fonction ou y avait-il d'autres fonctions ?

14 R. Je n'ai vu que des soldats, rien d'autres.

15 Q. Avez-vous vu M. Brahimaj par là, j'entends M. Lahi Brahimaj ou M. Nazmi

16 Brahimaj à cet endroit ?

17 R. Oui, en général nous allions là-bas lorsque nous voulions obtenir des

18 soldats. C'est là que nous nous rendions pour les obtenir. C'était le

19 commandant du village qui décidait de l'affectation des soldats aux

20 différentes missions.

21 Q. Lors de votre séjour à Jablanica avant de vous rendre à Dujak, avez-

22 vous rencontré un homme répondant au nom de Miftar ?

23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je voudrais poser une question.

24 Monsieur Shala, vous dites que c'était le commandant du village qui

25 décidait de l'attribution des hommes aux différentes missions. Est-ce que

26 vous aviez quelqu'un de particulier à l'esprit lorsque vous parliez du

27 commandant du village, de qui s'agissait-il ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Nazmi Brahimaj, c'était lui qui donnait les

Page 9953

1 ordres. Il disposait de la liste. Il décidait d'envoyer quelqu'un en

2 mission ou chercher des armes. Tout ce que je recevais, je le recevais de

3 lui.

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce que c'est cela le commandant

5 du village, c'est cela que vous voulez dire ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il était le commandant du village.

7 C'était le commandant du village.

8 M. DI FAZIO : [interprétation]

9 Q. Est-ce que vous savez si Lahi Brahimaj donnait des ordres à Nazmi

10 Brahimaj ou était-ce l'inverse ?

11 R. Je ne sais pas.

12 Q. Je ne sais pas si je n'ai pas entendu, mais je pense ne pas avoir eu de

13 réponse à ma question précédente. Je vous pose une question au sujet d'un

14 certain Miftar. Lors de votre séjour à Jablanica, avez-vous entendu parler

15 ou connu un homme qui s'appelait ou dont le pseudonyme était Miftar ?

16 R. Il y a beaucoup de Miftar chez les Albanais. Je ne sais pas de qui l'on

17 veut parler ici.

18 Q. Est-ce que cela veut dire qu'il y avait beaucoup de Miftar à Jablanica,

19 ou vous n'avez rencontré aucun Miftar à Jablanica, ou vous ne vous en

20 souvenez pas ? Faites de votre mieux et répondez aux Juges.

21 R. Je ne m'en souviens pas. Dans chaque village, il y a un Miftar. Je ne

22 sais pas de quel Miftar il est question.

23 Q. Merci. D'autres noms, Alush Aguci, vous le connaissez ?

24 R. Oui. Maintenant, je sais de qui il s'agit. Avant, je le connaissais

25 sous son pseudonyme. Maintenant, je sais qui c'est.

26 Q. Quel était son pseudonyme ?

27 R. On l'appelait Pipi, parce qu'il avait un problème de gorge.

28 Q. Est-ce que vous l'avez vu à Jablanica ?

Page 9954

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9955

1 R. Oui.

2 Q. E-il membre de l'UCK ?

3 R. Oui.

4 Q. Quelle était sa relation avec Lahi Brahimaj ?

5 R. Je ne sais pas. Je ne connaissais pas leurs rapports.

6 Q. Réfléchissez. Est-ce que vous savez quels étaient leurs rapports,

7 quelle était la nature de leur relation, si relation il y avait ?

8 R. Je ne sais pas. Quand il venait chez Lahi, il était accompagné d'autres

9 gens. Je ne peux pas me prononcer sur la nature de leur relation. Eux, le

10 seront peut-être. Je ne sais pas de quelle relation vous parlez, comment

11 interprétez votre question.

12 Q. Je vais vous aider. Est-ce que vous pourriez les qualifier de très

13 proches ? Pas seulement des collègues mais proches, des amis.

14 R. Je le pense.

15 Q. Connaissez-vous un certain Arbnur Zeneli ?

16 R. Oui.

17 Q. Etait-il membre de l'UCK ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous l'avez vu à Jablanica ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous nous avez parlé de l'UCK, des soldats, et cetera. Pour vous, est-

22 ce que l'UCK s'est transformée, est-ce que l'UCK a monté dans la zone un

23 contingent de police militaire, sous quelle forme que ce soit ?

24 R. Non. Nous avions ce que nous appelions la police militaire, mais sa

25 fonction se limitait à vérifier l'état de préparation des soldats. Personne

26 n'avait vraiment suivi d'entraînement en particulier en matière de police

27 militaire.

28 Q. Merci.

Page 9956

1 Etiez-vous membre de la police militaire ?

2 R. Je portais l'uniforme noir de ce que nous appelions la police

3 militaire, mais c'était pour la forme, de manière à ce que lorsque les gens

4 voyaient ce type d'uniforme, ils nous prenaient au sérieux.

5 Q. Je déduis de votre réponse qu'il existait une entité qui était une

6 police militaire, mais vous n'estimiez pas qu'il s'agissait de quelque

7 chose de bien organiser, de quelque chose d'abouti. J'espère que je ne suis

8 pas en train de vous prêter des propos que vous ne voulez pas tenir; est-ce

9 que c'est exact ?

10 R. Oui.

11 Q. D'accord. A des fins pratiques et pour poursuivre cet interrogatoire,

12 nous allons parler de police militaire. Je vous donnerai d'ailleurs la

13 possibilité de décrire cette entité.

14 Vous nous avez indiqué être dans la police militaire. Qui vous a nommé dans

15 cette unité ?

16 R. Je ne me souviens pas de noms, mais nous avions reçu un ordre écrit

17 selon lequel nous étions appelés à nous acquitter des tâches de la police

18 militaire au cours de cette période. Dans cette unité, nous aurions les

19 meilleurs éléments et nous allions d'ailleurs recycler les hommes pour

20 qu'ils s'acquittent au mieux possible de leurs tâches.

21 Q. Avez-vous entendu parler d'un homme répondant au nom de Hasim Taqi ?

22 R. Hasim.

23 Q. Hasim Taqi ou Thaqi, je pense. J'espère bien prononcer ce nom.

24 R. Excusez-moi, est-ce que c'est Hasim ou Hashim ?

25 Q. Je vais vous poser une autre question et je vais vous aider. Avez-vous

26 entendu parler d'une personne répondant au surnom du "Serpent" ?

27 R. Oui.

28 Q. Connaissez-vous le vrai nom du Serpent ?

Page 9957

1 R. Oui. Hashim Thaqi.

2 Q. Est-ce qu'il a eu quelque chose à dire dans votre nomination en tant

3 qu'officier de police ?

4 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je ne peux vraiment pas me prononcer.

5 Peut-être oui, peut-être bien que non.

6 Q. Donc vous n'êtes pas sûr; est-ce que c'est exact ?

7 R. Oui, effectivement. Je n'en suis pas sûr.

8 Q. Est-ce que ça vous aiderait si je vous passais un enregistrement, un

9 enregistrement de votre audition avec des représentants du TPIY il y a deux

10 ans ? Est-ce que cela vous aiderait ? Je pourrais le faire. Alors à ce

11 moment-là je vais vous faire écouter l'enregistrement.

12 R. Oui. Aucun problème.

13 Q. Vous pourrez voir des sous-titres défilés sur l'écran et vous entendrez

14 également du son.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de l'interprétation en

16 français et en anglais, si le rythme de la parole est trop rapide, il

17 suffit de traduire le sous-titre. Il vous faudra peut-être également

18 interpréter l'interprétation consécutive de l'interprète que l'on entend

19 sur l'enregistrement.

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez -- un moment. Nous

21 avons des classeurs.

22 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

23 M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

25 M. DI FAZIO : [interprétation] Il s'agit de la bande 2742, face B, qui

26 figure à la page 8 et la page 10 du dossier.

27 [Diffusion de la cassette audio]

28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

Page 9958

1 "Vous dites que vous avez fait fonction de chef de la police à cette

2 époque-là ?

3 Oui, en quelque sorte, j'ai été nommé.

4 Qui vous y a nommé ?

5 Le Serpent.

6 Le dix ? Un surnom ?

7 Oui, on le connaît sous le nom de Dix.

8 Non, Hashim Thaqi, c'était le Serpent, lui.

9 Numéro 10 [inaudible]

10 Rexhep Selimi. Ça devrait être lui. Il était petit.

11 Vous savez, je n'ai pas d'antenne satellitaire, donc je ne suis pas

12 véritablement les actualités. Je ne sais pas où ils sont maintenant.

13 Et le Quinze ?

14 Ça c'était Lahi Brahimaj. C'est ceux qui m'ont nommé."

15 [Fin de la diffusion de cassette audio]

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, non, je voudrais que nous écoutions la

17 ligne suivante.

18 [Diffusion de la cassette audio]

19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

20 "Vous dites que vous avez fait office de chef de la police militaire

21 ?

22 Oui, en quelque sorte. J'y ai été nommé.

23 Et qui vous y a nommé ? Le Serpent. Le Dixième ?

24 Le Dixième.

25 C'est un surnom ?

26 Le Dixième, oui. Nous on le connaissait sous le nom du Dixième."

27 [Fin de la diffusion de cassette audio]

28 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je m'excuse --

Page 9959

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Guy-Smith.

2 M. GUY-SMITH : [interprétation] -- mais il serait quand même judicieux que

3 les questions qui sont posées par M. Di Fazio, et c'est pour cela que M.

4 Shala écoute la cassette, d'ailleurs il serait judicieux, disais-je, qu'il

5 pose les questions, parce que sinon nous ne savons pas à quoi correspondent

6 ces questions. Il est dit : j'ai été nommé, puis ensuite on lui demande

7 s'il savait M. Hashim Thaqi. Nous n'avons pas véritablement pris cela en

8 considération.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a quelque chose qui n'est pas très

10 clair pour moi.

11 Monsieur Di Fazio, la question à propos de Hashim Thaqi, est-ce qu'il

12 s'agit bien là du Serpent ?

13 L'autre question qui est posée, il a dit : Qui a nommé le témoin ? Il

14 répond qu'il ne s'en souvient pas.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] La question précise était : est-ce que --

16 ça c'est à la page 39, ligne 10. Alors voilà la question était : Est-ce que

17 vous savez quel était le nom véritable du Serpent ?

18 "Oui, c'était Hashim Thaqi."

19 Ensuite il y avait une autre question : "Est-ce qu'il a eu quoi que

20 ce soit à voir avec votre nomination ?"

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons d'agir un peu plus vite.

22 Vous avez entendu une partie de votre audition, Monsieur. Nous avons

23 le document écrit et le document reprend apparemment ce qui a été entendu

24 dans la cassette.

25 Nous allons nous en tenir à l'extrait que nous avons entendu. Vous avez dit

26 un peu plus tôt que vous ne vous souvenez plus si le Serpent, ou Hashim

27 Thaqi, avait eu quoi que ce soit à voir avec votre nomination en tant

28 qu'officier de police. M. Di Fazio vous a maintenant fait écouter cette

Page 9960

1 cassette. Est-ce que cela vous a rafraîchi la mémoire ? Est-ce que

2 maintenant vous vous souvenez si c'est lui ou non qui a été en quelque

3 sorte responsable de votre nomination ou s'il a eu voix au chapitre ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je pensais que j'ai été nommé

5 par les personnes qui étaient présentes et les uniformes noirs venaient de

6 Drenica, parce qu'à l'époque nous n'avions pas d'uniformes.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez entendu la cassette. Si

8 la question devait vous être posée, si on vous demandait à nouveau si la

9 personne répondant au surnom du Serpent était Hashim Thaqi, puisque c'était

10 son nom officiel, et si on vous demande s'il avait eu quoi que ce soit à

11 voir avec votre nomination en tant que policier, que diriez-vous ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai toujours cru, mais ceci étant dit, je

13 n'en suis pas sûr et certain, parce que je n'ai pas eu un ordre de sa part

14 et je n'en suis pas sûr, mais c'est ce que je crois personnellement. Je me

15 suis dis qu'il avait dû jouer un rôle dans mon affectation.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il était le seul ou est-ce

17 qu'il y en avait d'autres qui ont également été parties prenantes de votre

18 nomination en tant que policier ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il y en a eu d'autres.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez m'en donner les

21 noms ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le Dixième, le Quinzième, je les

23 connaissais sous ces numéros. Ce n'est que par la suite que j'ai appris

24 leurs noms.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui était le Quinzième ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était Lahi.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lahi Brahimaj ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

Page 9961

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9962

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Di Fazio.

2 M. DI FAZIO : [interprétation]

3 Q. Merci, Monsieur Shala.

4 Je voudrais vous montrer un autre document. Il s'agit d'un document

5 de la liste 65 ter, 2115.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'une cote devra lui être

7 attribuée ?

8 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir une cote,

10 Monsieur le Greffier d'audience.

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1187.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Enregistrée aux fins

13 d'identification. C'est cela.

14 M. DI FAZIO : [interprétation]

15 Q. J'espère que vous pouvez lire ce qui se trouve à l'écran, je sais que

16 les caractères sont un peu petits.

17 Examinons le haut du document. Je remercie le greffier d'avance.

18 Il s'agit d'un document qui porte sur les devoirs et droits de la

19 police militaire ou "Policija Ushtrakje" de l'UCK, et vous voyez que cela

20 est signé par un homme qui s'appelle Gjelal Hajda. Vous voyez qu'il y a

21 également une autre signature sur le document. J'aimerais savoir à qui est

22 cette signature ?

23 R. La signature qui se trouve sur la gauche du document est ma signature.

24 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous aviez déjà vu ce document -- ou

25 plutôt, je vais reformuler de façon plus claire ma question. En 1998, est-

26 ce que vous aviez vu ce document ?

27 R. Oui.

28 Q. Qu'en est-il de l'homme appelé Toni, est-ce que vous pourriez nous dire

Page 9963

1 de qui il s'agit ?

2 R. Il s'agit de Gjelal Hajda.

3 Q. Je vous remercie, mais ça nous pouvons le lire. Est-ce que vous le

4 connaissiez ? Est-ce qu'il se trouvait à Jablanica ? Est-ce que c'est là

5 qu'il opérait ?

6 R. Oui. Nous sommes arrivés ensemble d'Albanie, nous sommes restés

7 ensemble d'ailleurs jusqu'au moment où nous sommes allés à Rahovec. J'y

8 suis allé deux jours pour les aider, ensuite je suis revenu de Rahovec à

9 Dujak.

10 Q. Je vous remercie. J'aimerais que l'on fasse défiler le document vers le

11 bas. Vous voyez qu'il y a un deuxième document en dessous.

12 Je pense qu'il s'agit essentiellement du même document, mais c'est un

13 document qui est signé par quelqu'un d'autre.

14 Premièrement, est-ce que c'est bien votre signature que nous voyons à

15 la gauche du document ?

16 R. Oui.

17 Q. Je pense qu'il n'y aura aucun litige à ce sujet, mais est-ce qu'il

18 s'agit bien de la signature de Nazmi Ibrahimaj ? Vous la voyez en bas de ce

19 deuxième document ?

20 R. Oui.

21 Q. Si vous vous en souvenez, reportez-vous à cette période, est-ce que

22 vous savez qui vous a donné un exemplaire de ce règlement militaire, de ce

23 règlement interne temporaire destiné à la police militaire ?

24 R. Oui.

25 Q. Qui vous a donné ce document ?

26 R. C'était Gjelal Toni et Nazmi Brahimaj, le commandant de l'état-major

27 local, puis vous voyez leurs signatures, c'est eux qui me les ont donnés.

28 Q. Est-ce que vous vous souvenez approximativement quand on vous a donné

Page 9964

1 ces documents, parce que ces documents ne portent pas de date. Est-ce que

2 vous vous en souvenez ?

3 R. Je m'excuse, mais je ne me souviens pas de la date du document.

4 Q. Si je devais vous faire écouter à nouveau la partie de votre audition

5 qui porte justement sur ces documents, est-ce que cela vous serait utile ?

6 Est-ce que vous aimeriez écouter cette cassette, la partie qui correspond à

7 vos observations, pour vous rafraîchir la mémoire ?

8 R. Oui, vous pouvez le faire.

9 M. DI FAZIO : [interprétation] De toute façon, c'est un extrait qui est

10 très bref. J'aimerais que vous écoutiez ce passage qui est très court.

11 Vous trouverez cet extrait dans le document 2742-B, page 11.

12 [Diffusion de la cassette audio]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Réponse : Non, j'ai un document. Il s'agit de la partie supérieure du

15 document qui porte sur Rahovec, et la partie inférieure, c'est la partie du

16 règlement intérieur temporaire destiné à la police militaire. Cela concerne

17 Jablanica, et c'est signé par le commandant de l'état-major local, Nazmi

18 Brahimaj.

19 Question : Il n'y a pas de date, c'est cela ?

20 Réponse : Non, nous n'avions pas de dates.

21 Question : Vous vous souvenez quand vous avez signé cela ?

22 Réponse : Ça pourrait être deux mois après, un mois après, ou un mois et

23 demi après que nous sommes entrés.

24 Question : Donc en mars ?

25 Réponse : Oui, au plus tard en avril. Mais cela aurait dû être en mai --

26 non je m'excuse, à la fin du mois de mars.

27 Question : Qu'est-ce qui figure dans ce document ? Peut-être que vous

28 pourriez le traduire ?

Page 9965

1 Réponse : Il s'agit du règlement de la police militaire…"

2 [Fin de la diffusion de cassette audio]

3 M. DI FAZIO : [interprétation] Nous pouvons nous arrêter là.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre. Je

5 m'excuse.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je m'excuse, Maître Emmerson.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Je souhaiterais que le témoin puisse enlever

8 ses écouteurs.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, Monsieur

10 Shala, je vous prie, enlever vos écouteurs ?

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'excuse, mais je souhaiterais

12 véritablement m'assurer que l'on jette les bonnes bases avant de présenter

13 ces documents comme des documents qui rafraîchissent la mémoire du témoin.

14 Nous avons tous étudié ces comptes rendus d'audience et nous savons

15 que le témoin a dit lors que l'interrogatoire principal, comme il l'a dit

16 maintenant, qu'il ne connaissait pas les dates, mais il a dit il y a un

17 petit moment qu'il est arrivé au Kosovo après le massacre des Jasharis le 5

18 mars.

19 Maintenant, on lui a fait écouter cela, il y avait une certaine

20 incertitude, et on lui a demandé quand est-ce que ces documents ont été

21 rédigé, et il a dit "un mois ou un mois et demi après que je suis arrivé".

22 Puis une question lui est posée, compte tenu de ses réponses précédentes,

23 et il dit : "A un moment donné au mois de mars."

24 Je pense que ce n'est pas la bonne façon d'utiliser des documents

25 dont le but était de rafraîchir la mémoire du témoin. Bien au contraire --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, vous avez entendu ce

27 qu'a dit Me Emmerson. Il dit que vous essayez de rafraîchir la mémoire du

28 témoin à partir d'une audition où il semblait ne pas être très sûr de la

Page 9966

1 chronologie des évènements.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, je ne pense pas. Il y a réfléchi

3 apparemment -- il n'est pas catégorique à propos de cette période, il y a

4 une certaine marge de manœuvre. Il dit que "cela pourrait être deux mois,

5 ou un mois, ou un mois et demi, à un moment donné au mois de mars." Puis,

6 il dit "au plus tard en avril." Puis il dit, mais "cela ne s'est pas passé

7 en mai, c'est en mars, ou à la fin du mois de mars que cela s'est passé."

8 J'accepte que ces propos sont un tant soit peu imprécis, mais il nous

9 donne quand même certains paramètres. Manifestement, cela s'est passé après

10 qu'il a franchi la montagne. Vous savez ce qui s'est passé pour la famille

11 Jashari, vous savez quel a été leur sort. Cela s'est passé à un moment

12 donné, vers la fin du mois de mai. Il nous donne une période, il ne nous

13 donne pas une date précise, il nous donne une période à laquelle il a

14 accepté le document.

15 Il ne prétend pas faire autre chose pendant l'audition. Je n'essaie

16 pas d'obtenir davantage de sa part. Ce que j'essaie d'obtenir c'est une

17 idée approximative à propos de la période.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors soyez très circonspect parce qu'il

19 y a quand même une certaine vérité dans ce que dit Me Emmerson et dans ce

20 vous dites également. Il n'est pas toujours très facile de retrouver la

21 bonne chronologie des événements lorsque l'on entend des réponses. Comme

22 dit M. Di Fazio, le témoin y a réfléchi --

23 M. EMMERSON : [interprétation] Il y a réfléchi certes, mais il répond à une

24 question qui est très directrice, puisqu'on lui mentionne le mois de mars.

25 Lorsque l'on pense à ses réponses auparavant qui n'étaient pas précises,

26 c'est à partir de cette date du mois de mars qu'il extrapole, il dit un ou

27 deux mois après.

28 Il avait dit en fait que son entrée au Kosovo, c'était après le

Page 9967

1 massacre de Jashari.

2 Alors bien entendu je soulève ceci. Je peux tout à fait comprendre

3 que M. Di Fazio essaie d'identifier certains paramètres. Si ces documents

4 vont être utilisés de façon authentique pour rafraîchir la mémoire, il faut

5 que ce soit ce qui est fait pour que l'on rafraîchisse la mémoire du témoin

6 plutôt que de remplacer un souvenir imprécis par un autre.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, nous entrons dans un domaine

8 qui est quasiment philosophique, Maître Emmerson.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous le dis maintenant parce que je pense

10 qu'il faut que la base soit jetée. Cela me paraît fondamental. En matière

11 de rafraîchissement de la mémoire, il ne faut pas que cela dérape et

12 devienne en quelque sorte une façon de contester ce qui est dit. C'est

13 l'Accusation qui a choisi d'obtenir ces éléments à propos desquels ils

14 indiquent qu'ils peuvent entièrement compter sur ce que dit le témoin.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons bien compris.

16 Poursuivez, Monsieur Di Fazio.

17 Au fait, Monsieur Di Fazio, j'aimerais vous poser une question tout à fait

18 différente. Je vois sur la liste du 13 septembre une demi-heure. Vous avez

19 déjà dépassé votre temps de parole et largement.

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Je dois vous dire que je suis tout à fait

21 conscient des conséquences. Je suis en train de progresser. Je sais que

22 cela est étrange puisque j'ai déjà dépassé le temps qui m'avait été

23 imparti. J'aimerais vous demander un peu plus de temps encore.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez besoin de combien de

25 temps précisément ?

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Accordez-moi un petit moment, je vous prie.

27 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

28 M. DI FAZIO : [interprétation] Je me vois dans l'obligation de vous

Page 9968

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9969

1 demander 40 minutes supplémentaires.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 14 ?

3 M. DI FAZIO : [interprétation] Non, 40 minutes.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui en quelque sorte triple le temps

5 de parole que vous aviez demandé, finalement.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, nous allons y réfléchir, mais

8 essayez quand même de cibler l'essentiel.

9 Nous allons envisager cela pendant la pause.

10 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie de votre compréhension. Je

11 vais véritablement déployer des efforts pour aller à l'essentiel.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous ne devriez quand même pas

13 oublier qu'il se peut que vous n'ayez maintenant que jusqu'à la prochaine

14 pause, que nous allons prendre à 17 heures 15.

15 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie.

16 Q. Est-ce que le nom "Toger," évoque quelque chose pour vous ? Est-ce que

17 vous connaissez quelqu'un qui répond à ce nom-là ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous avez rencontré cette personne à Jablanica ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce qu'il faisait partie de l'UCK ?

22 R. Oui.

23 Q. Quelle était sa fonction ? Quelle était sa position au sein de l'UCK ?

24 R. Il formait et entraînait les jeunes soldats.

25 Q. Quel type de soldats, des soldats de métier ?

26 R. Non, les volontaires. Nous étions tous des volontaires. Nous n'avions

27 pas d'armée de métier en tant que telle. Nous n'avions pas d'institution

28 afin d'organiser une armée.

Page 9970

1 Q. Est-ce qu'il y avait des unités qui étaient opérationnelles dans la

2 zone de Jablanica qui étaient considérées comme des unités spéciales et

3 qui, en quelque sorte, ne faisaient pas partie du groupe des soldats

4 réguliers de l'UCK ?

5 R. A Jablanica, non.

6 Q. Qu'en est-il des autres, des environs de Jablanica, Rznic, par exemple

7 ?

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je mettrais M. Di Fazio en garde, car il ne

9 faudrait peut-être pas qu'il pose des questions trop directrices.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Di Fazio a entendu ce que vous

11 vouliez lui faire savoir.

12 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, oui, je comprends.

13 Q. Qu'en est-il de Rznic ? Je vais vous reposer la question, Monsieur.

14 L'homme que vous connaissiez qui répondait au nom de Toger, est-ce que vous

15 saviez de lui ou est-ce que vous ne l'avez jamais vu opérer dans une base

16 autre que Jablanica, ou est-ce que vous en auriez entendu parler ?

17 R. Je n'en sais rien. Il y avait une base à Jablanica. Je sais qu'il

18 formait les jeunes recrues. Lorsque Gllogjan a été attaqué il y est resté à

19 Gllogjan. Puis plus tard, il a été nommé commandant d'une unité spéciale à

20 Irzniq.

21 Q. C'est justement cette période qui m'intéresse. Est-ce que vous pourriez

22 dire à la Chambre de première instance, est-ce que vous pourriez parler de

23 cette unité spéciale ? Premièrement, qui a constitué cette unité spéciale ?

24 R. Je n'en sais rien. Je sais que Togeri en était le commandant. Pour ce

25 qui est de savoir qui l'avait constitué, je n'en sais rien. Je sais que

26 Togeri formait des soldats et qu'il était commandant de ces soldats.

27 Q. Il y a un petit moment de cela, vous avez dit : "Un peu plus tard il a

28 été nommé au poste de commandant d'une unité spéciale à Irzniq," ce qui

Page 9971

1 fait que vous saviez qu'il a été nommé. J'aimerais tout simplement vous

2 poser la question suivante, vous avez dit à la Chambre de première instance

3 que vous saviez qu'il avait été nommé au poste de commandant. Est-ce que

4 vous savez qui l'a nommé à ce poste de commandant ?

5 R. Non, je ne le sais pas.

6 Q. Est-ce que vous pouvez dire à la Chambre de première instance comment

7 vous avez appris qu'il avait été nommé, si vous ne savez pas qui l'a nommé

8 ?

9 R. Lorsque nous sommes allés à Gllogjan pour les aider, lorsque Gllogjan a

10 fait l'objet d'attaques, la plupart des personnes du groupe sont restées

11 pour travailler avec des jeunes gens là-bas, et je ne sais pas qui l'a

12 nommé ? D'ailleurs, cela ne me regardait absolument pas.

13 Q. Est-ce que vous avez jamais appris qui l'avait nommé commandant de

14 cette unité spéciale ? Est-ce que vous savez qui l'a constituée et qui l'a

15 nommé le commandant de cette unité spéciale ?

16 R. D'après les rumeurs, les bruits qui couraient, je pourrais vous livrer

17 des supputations, mais je n'ai pas participé à la réunion au cours de

18 laquelle il a été nommé et où se trouvait la personne qui l'a nommée. Il y

19 avait de nombreuses rumeurs qui circulaient à ce sujet.

20 Q. Quelles étaient les informations dont vous disposiez à ce sujet ?

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'excuse. Avant que le témoin n'apporte

22 sa réponse. Je dirais qu'il a déjà indiqué qu'il s'agissait de suppositions

23 de sa part, suppositions qui émanaient de rumeurs.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Emmerson. La question qu'a

25 posé M. Di Fazio au témoin est comme suit : il lui a d'abord demandé

26 quelles étaient les informations dont il disposait. Il voulait savoir

27 quelle était la source de ses informations. Alors il s'agit d'informations

28 par ouï-dire, de rumeurs, ce n'est pas si rare que cela. M. Di Fazio peut

Page 9972

1 tout à fait poursuivre et poser cette question.

2 Poursuivez, Monsieur Di Fazio.

3 M. DI FAZIO : [interprétation]

4 Q. Quelles étaient les informations dont vous disposiez à propos de la

5 personne qui l'avait nommé commandant de cette unité spéciale ?

6 R. C'est mon point de vue personnel, et d'après ce que j'ai entendu de la

7 part d'autres soldats, je pense que c'est Ramush qui l'a nommé.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, nous essayons

9 d'obtenir de plus amples renseignements.

10 Premièrement, vous nous avez dit, Monsieur, que vous n'étiez pas

11 présent à la réunion où il a été nommé, ce qui tendrait à suggérer qu'il a

12 été nommé lors d'une réunion.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce que je suppose. C'est ainsi que

14 les choses ont dû se passer.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez parfois les gens peuvent être

16 nommés sans qu'il y ait de réunion. Quand avez-vous su qu'il y avait eu une

17 réunion ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne disposais pas de renseignements précis

19 parce que cela ne faisait pas partie de mes devoirs et obligations

20 d'apprendre où se tenaient les réunions, quelles réunions étaient tenues,

21 mais j'en ai entendu parler.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Shala --

23 Vous n'avez pas compris ma question. Vous dites que "vous ne disposiez pas

24 de renseignements précis." Mais dites-nous quels étaient les renseignements

25 que vous aviez.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pensais que lorsqu'il y a nomination, pour

27 qu'une personne soit nommée à une fonction, cela venait de Ramush. C'était

28 mon point de vue personnel. C'était le point de vue d'autres personnes et

Page 9973

1 de la population locale. D'ailleurs, également parce que Ramush était le

2 commandant. C'est tout.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai demandé quels étaient les

4 renseignements dont vous disposiez. Je vous ai demandé quand vous avez

5 appris que Togeri avait été nommé ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Après que je suis allé à Dujak.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Qui vous l'a dit ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont les soldats qui me l'ont dit.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous souvenez qui étaient ces

10 soldats ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je le regrette. Ils étaient

12 nombreux, ces soldats. Ils allaient, ils venaient. Il se trouve qu'ils

13 passaient par ce secteur. Je ne peux pas véritablement être précis.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que vous ont dit les soldats ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Qu'il y avait eu une très bonne unité qui

16 avait été constituée, et que Togeri était leur commandant. Il s'agissait

17 d'une unité très compétente. On l'appelait Suta également. C'était une

18 unité vraiment très, très, spéciale. Tout cela se fonde sur des propos par

19 ouï-dire.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comment est-ce que vous le savez ?

21 Comment est-ce que vous saviez, par exemple, que ces soldats n'avaient pas

22 participé à cette réunion ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas quoi dire. C'était des rumeurs

24 qui circulaient à ce moment-là. Personne ne pouvait assister à une réunion,

25 là où j'étais à Dujak. Ce n'était que le soir que je pouvais me déplacer.

26 Pendant la journée, on ne le pouvait pas.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, veuillez poursuivre,

28 s'il vous plaît.

Page 9974

1 M. DI FAZIO : [interprétation]

2 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle taille avait cette unité, à peu

3 près ?

4 R. Je ne sais pas. Je ne connais pas la taille de cette unité-là. En

5 moyenne, il y a 30 ou 40 membres. Peut-être que cette unité-là en

6 comportait davantage. Je ne sais pas.

7 Q. Pouvez-vous nous dire quel uniforme ils portaient, pour autant qu'ils

8 aient un uniforme ?

9 R. Ils portaient des uniformes bruns.

10 Q. Vous, en tant que policier militaire, vous portiez quel type d'uniforme

11 ?

12 R. Un uniforme noir.

13 Q. Lorsque vous avez vu cette personne répondant au nom de Togeri, quel

14 uniforme portait-il ?

15 R. On pouvait changer notre uniforme à notre guise. Quelquefois, nous

16 portions des uniformes de camouflage, quelquefois, des uniformes noirs.

17 C'était une époque où nous n'étions pas obligés de porter un certain type

18 d'uniforme. Moi-même, j'ai porté un uniforme de camouflage. J'ai porté un

19 uniforme noir. Quand j'en lavais un, je portais l'autre.

20 Q. Revenons à Togeri, quel uniforme portait Togeri lorsque vous l'avez vu,

21 ou est-ce que cela changeait ?

22 R. Je ne me souviens pas précisément. En général, il portait un uniforme

23 brun ou un uniforme de camouflage. Un bon nombre d'années se sont écoulées

24 depuis.

25 Q. Etait-ce facile de visiter cet endroit, ou la base de cette unité

26 spéciale. Pardonnez-moi, ce n'est pas l'unité d'élites ?

27 R. Non, je n'avais rien à voir avec cette unité-là. Pour y aller, il

28 fallait demander une autorisation spéciale, parce que les autres unités ne

Page 9975

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 9976

1 se mélangeaient pas à celle-là.

2 Q. Si vous vous en souvenez, savez-vous auprès de qui il fallait obtenir

3 cette autorisation spéciale ?

4 R. De Ramush.

5 Q. Merci. Un peu plus tôt dans votre déposition, vous nous avez dit que

6 vous vous étiez rendu à Dujak.

7 M. DI FAZIO : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin, s'il

8 vous plaît, la pièce P159. Pour aider le témoin, est-ce que vous pouvez

9 agrandir la version albanaise un petit peu, s'il vous plaît.

10 Q. Veuillez regarder le document, s'il vous plaît. Ce que ce document

11 précise, c'est qu'il a été créé le 2 juillet. Il est signé par le

12 commandant Ramush Haradinaj, et très clairement vous nomme à Dukagjin, et

13 c'est daté du 2 juillet 1998.

14 R. A Dujake, et non pas Dukagjin.

15 Q. Oui, pardonnez-moi, à Dujak. Je me suis trompé.

16 R. Oui.

17 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous vous êtes trouvé à

18 Dujak à la date du 2 juillet, avant ou après ?

19 R. Le jour même où j'ai reçu l'ordre.

20 Q. Et c'est votre signature que l'on voit en bas du document; c'est cela ?

21 Et on peut lire "Ujku"; c'est exact ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Merci. J'en ai terminé avec cela.

24 M. DI FAZIO : [interprétation] Je risque d'être à l'heure et de terminer à

25 17 heures 15, Messieurs les Juges.

26 Est-ce que l'on peut montrer au témoin la pièce 2120 qui se trouve

27 sur la liste des documents 65 ter.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un numéro s'il vous plaît, Monsieur le

Page 9977

1 Greffier. Est-ce qu'il faut un numéro, Monsieur Di Fazio ?

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, tout à fait.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1188.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

5 M. DI FAZIO : [interprétation]

6 Q. Veuillez lire ce document, s'il vous plaît.

7 Est-ce bien votre signature ? Est-ce votre signature que l'on voit à

8 deux reprises sur le document ?

9 R. Oui.

10 Q. C'est daté du 23 juillet 1998, et il semble que vous demandez au

11 personnel sur place de Dujak -- doivent venir rendre des rapports parce

12 qu'ils semblent ne pas gérer toutes ces différentes questions comme il

13 faut. Ensuite le texte poursuit en disant que cela a été envoyé à l'état-

14 major opérationnel du secteur de Dukagjini.

15 Pourquoi avez-vous préparé ce document ?

16 R. Parce que je n'avais aucun soutien à cet endroit-là. On sous-estimait

17 mon travail, et j'avais besoin d'être soutenu. Il y avait beaucoup de gens

18 qui se livraient à de la propagande et j'avais besoin d'être soutenu.

19 Q. Donc vous écriviez à l'état-major opérationnel pour qu'il vous aide

20 dans les difficultés que vous rencontriez; c'est cela ?

21 R. Oui.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

23 document s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections ? S'il n'y en a

25 pas, ce sera la pièce P1188 qui est admise.

26 Puis-je ajouter quelque chose. Monsieur Shala, dans ce document, "on

27 privilégie les personnes qui sont les moins avantagées". Qui sont ces

28 personnes ?

Page 9978

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Des personnes qui avaient coopéré avec la

2 police serbe -- ils étaient privilégiés par rapport à nous.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

4 M. DI FAZIO : [interprétation]

5 Q. Ce document, vous l'avez remis au personnel opérationnel du secteur de

6 Dukagjini ?

7 R. Non. Je l'ai envoyé par l'intermédiaire d'un soldat. Je ne sais pas si

8 quelqu'un a reçu ce document. Quoi qu'il en soit, du secteur opérationnel,

9 je n'ai jamais reçu une seule réponse.

10 Q. Merci. Un peu plus tôt aujourd'hui, vous avez parlé de vos différents

11 déplacements dans la région. A un moment donné vous avez dit que vous vous

12 étiez rendu à Glodjane. Pourriez-vous simplement pour les Juges de la

13 Chambre mettre ceci en perspective un petit peu, s'il vous plaît. Je

14 souhaite être précis.

15 Nous savons que vous avez traversez la montagne. Vous êtes arrivé

16 finalement jusqu'à Jablanica. A quel moment vous êtes-vous rendu à Glodjane

17 ?

18 R. Lorsque Glodjane a été attaquée - je ne me souviens pas de la date

19 précise aujourd'hui - nous y sommes allés en renfort pour protéger cette

20 zone-là autant que faire se peut.

21 Q. Bien. Hormis cela, avez-vous passé du temps à Glodjane ?

22 R. Après cette attaque, lorsque les soldats sont rentrés, nous y sommes

23 restés pendant deux jours environ. Je ne sais pas exactement combien de

24 jours. Je n'ai pas compté les jours. Ce n'était pas mon rôle de le faire.

25 Nous avons été protégés par les habitants du village parce que nous étions

26 là pour les protéger.

27 Q. Vous voulez parler de l'attaque contre la localité où se trouvaient les

28 Haradinaj, l'enceinte des bâtiments. Vous voulez parler de cette époque-là

Page 9979

1 ?

2 R. Oui.

3 Q. La question que je vous pose est celle-ci, hormis cela, vous êtes-vous

4 jamais rendu à Glodjane et y avez-vous passé du temps pour accomplir vos

5 tâches et vos obligations ?

6 R. Lorsque le personnel a été envoyé à cet endroit-là, on a estimé que

7 c'était une zone libre, et nous y sommes allés à plusieurs reprises.

8 Q. Par rapport à cette question Dujake -- ou le temps que vous avez passé

9 à Dujak, était-ce avant ou après être allé à Dujak ?

10 R. [aucune interprétation]

11 Q. Bien. Donc vous êtes à Jablanica. A part le moment où vous vous

12 êtes rendu à Glodjane lorsque les maisons des Haradinaj ont été attaquées,

13 vous êtes resté à Jablanica. Ensuite vous êtes allé à Glodjane pendant un

14 certain temps. Et pour finir, à Dujak. Est-ce dans cet ordre là que les

15 choses se sont passées ?

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Le témoin a déjà expliqué cela. Il a

18 déjà dit qu'il s'était rendu à Dujak avant de se rendre à Glodjane.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Je crois qu'il faut être le plus clair

20 possible sur ce point.

21 Q. Veuillez vous reporter un petit peu en arrière et à

22 l'enchaînement des évènements. Vous nous avez parlé déjà de cela. Vous avez

23 dit que vous êtes allé jusqu'à Jablanica. Est-ce que vous êtes allé à

24 Glodjane avant ou après Dujak ? Je ne sais pas. Peut-être les deux ?

25 R. Oui, c'était avant et après, bien sûr. La dernière fois lorsque j'ai

26 quitté le Kosovo, je suis retourné à Glodjane à nouveau, parce que je

27 devais m'y rendre avec de nouveaux soldats pour aller chercher des armes,

28 et j'avais besoin d'un soutien financier et d'un ordre écrit. Donc de

Page 9980

1 Dujake, je m'y suis rendu après également.

2 Q. Je vois. Donc vous vous y êtes rendu de temps en temps -- selon la

3 nécessité de vos besoins ou des affaires courantes.

4 R. Oui.

5 Q. Avez-vous jamais été basé à cet endroit-là, comme vous étiez basé à

6 Jablanica et Dujak ?

7 R. Oui.

8 Q. Combien de temps étiez-vous à Glodjane ?

9 R. Une semaine, deux semaines. Je ne peux pas vous dire exactement. J'ai

10 accompagné ou escorté des personnes qui venaient et qui souhaitaient se

11 rendre à Gllogjan avec Musa -- nous l'appelions l'oncle Musa. Nous deux,

12 nous escortions les gens jusqu'à Jablanica. Quelquefois il fallait faire ça

13 deux ou trois fois pendant la nuit.

14 M. DI FAZIO : [interprétation] Il me reste un document, Messieurs les

15 Juges.

16 Est-ce que l'on peut montrer au témoin la pièce qui se trouve sur la

17 liste des documents 65 ter qui porte le numéro 2119.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un numéro, je suppose ?

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document aura le numéro P1189.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

21 M. DI FAZIO : [interprétation] J'espère que nous allons voir s'afficher le

22 texte en albanais. Merci.

23 Q. Monsieur Shala, puis-je vous demander de bien vouloir regarder ce

24 document, s'il vous plaît.

25 R. Oui.

26 Q. Il semble que vous ayez signé ce document. C'est votre signature qui se

27 trouve en bas à gauche. Mais ce document est signé par M. Haradinaj, et la

28 date est celle du 29 juin 1998, et dit le document --

Page 9981

1 R. Oui.

2 Q. -- et, en fait, une autorisation portant sur des visites

3 professionnelles.

4 Avez-vous déjà vu ce document auparavant ?

5 R. Oui, je l'ai déjà vu.

6 Q. Dans quel cadre ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

7 R. J'ai reçu l'autorisation, ainsi que d'autres soldats, pour aller

8 chercher des armes en Albanie.

9 Q. Etait-ce à un des moments vous étiez à Glodjane, si vous vous en

10 souvenez ?

11 R. Je ne me souviens pas du moment précis, mais à chaque fois que j'avais

12 besoin d'un document j'allais à Gllogjan.

13 Q. A chaque fois que vous alliez chercher des armes en Albanie, il fallait

14 obtenir quelque chose de ce genre pour pouvoir accomplir votre tâche ?

15 R. Oui, oui. Il n'y avait pas que moi. Tout le monde devait faire cela.

16 Toute personne qui faisait partie du peloton de Dukagjin devait s'y rendre

17 en tant que membre de l'armée. Si on y allait au nom du village, à ce

18 moment-là c'était autre chose, une autre question.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

20 de ce document.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que quelqu'un s'oppose au

22 versement au dossier de cette pièce P1189 ?

23 Il n'y a pas d'objection ? Nous admettons donc cette pièce à

24 conviction.

25 Monsieur Di Fazio, est-ce que vous avez terminé ? Ceci met un terme à

26 votre interrogatoire principal ?

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup.

Page 9982

1 Monsieur Shala, nous allons faire une pause de 20 minutes jusqu'à 18

2 heures. Après la pause, vous allez être contre-interrogé par les avocats de

3 la Défense.

4 Nous levons l'audience jusqu'à 6 heures moins 20.

5 --- L'audience est suspendue à 17 heures 19.

6 --- L'audience est reprise à 17 heures 43.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Pas de questions.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de questions.

10 Monsieur Guy-Smith.

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas de questions.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Shala --

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Shala, ceci met un terme à

15 votre déposition, car les Juges n'ont pas de questions à votre endroit.

16 Monsieur Di Fazio, j'ai élagué votre temps d'interrogatoire.

17 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je sais que j'ai

18 dépassé le temps qui m'était imparti, mais je pense que j'ai pu couvrir

19 tout ce que je voulais traiter.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il n'y a pas de demande, dans ces

21 circonstances, où il reste un certain temps. Il n'y a pas de demande

22 d'utiliser le temps resté.

23 Monsieur Shala, je voudrais vous remercier d'être venu à La Haye et

24 d'avoir répondu aux questions qui vous ont été posées. Je vous souhaite un

25 bon retour chez vous.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, et je vous souhaite bonne

27 chance et je souhaite que justice soit faite. Merci.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

Page 9983

1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des questions de procédure ?

3 Je me souviens qu'hier la Défense avait demandé à obtenir un délai

4 supplémentaire pour étudier les dix annexes du témoin précédent.

5 Est-ce que vous avez terminé ?

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas encore.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Je ne dirais pas que

8 c'était une surprise, parce que c'est vous qui l'avez présenté, mais --

9 M. EMMERSON : [interprétation] C'est une question d'organisation et il

10 s'agit de transférer toutes les références. J'espère que nous en aurons

11 terminé demain.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, est-ce que vous avez

13 d'autres témoins sous la main à ce stade ?

14 M. DI FAZIO : [interprétation] Non.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions de

16 procédure à aborder à ce stade et s'il n'y a pas d'autres dépositions à

17 entendre, il ne nous reste d'autre chose à faire que de lever l'audience et

18 de nous donner rendez-vous demain à 14 heures 15 dans le même prétoire.

19 --- L'audience est levée à 17 heures 46 et reprendra le mercredi 31 octobre

20 2007, à 14 heures 15.

21

22

23

24

25

26

27

28