Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 3 avril 2008

2 [Jugement]

3 [Audience publique]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 16 heures 02.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

7 Monsieur le Greffier, veuillez annoncer l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

9 les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramus

10 Haradinaj et consorts.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

12 Je remarque que les représentants de l'Accusation sont présents, M. David

13 Re, premier substitut du Procureur, ainsi que les autres substituts du

14 Procureur.

15 Je vois que M. Haradinaj est présent, représenté par Me Emmerson et les

16 membres de son équipe. Je vois que M. Balaj est présent lui aussi. Il est

17 représenté par Me Guy-Smith et les membres de son équipe. M. Brahimaj lui

18 aussi est présent, ainsi que les représentants de la Défense.

19 La Chambre est réunie aussi pour rendre son jugement dans l'affaire le

20 Procureur contre Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj.

21 Au cours de la présente audience, la Chambre exposera ses constatations et

22 conclusions de manière succincte. Nous tenons à souligner qu'il s'agit ici

23 uniquement d'un résumé, seul fait autorité l'exposé des constatations et

24 conclusions de la Chambre que l'on trouve dans le jugement écrit, dont des

25 copies seront mises à la disposition des parties à l'issue de l'audience.

26 La présente affaire concerne des crimes qui auraient été commis entre le 1er

27 mars et le 30 septembre 1998 dans la région de Dukagjin, au Kosovo. Cette

28 région située dans l'ouest du Kosovo englobe les municipalités de Pec,

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1 Decani, Djakovica, et certaines parties des municipalités d'Istok et Klina.

2 A l'époque des faits, l'UCK, connu aussi sous le nom d'Armée de libération

3 du Kosovo, aurait persécuté et tué des civils serbes et rom du Kosovo,

4 ainsi que des civils albanais du Kosovo soupçonnés de collaborer avec les

5 forces serbes, et ce, afin de pouvoir exercer un contrôle total sur la zone

6 de Dukagjin.

7 Ramush Haradinaj, Idriz Balaj, et Lahi Brahimaj ont été jugés pour leur

8 participation présumée à une entreprise criminelle commune dont le but

9 était de permettre à l'UCK d'exercer un contrôle total sur la zone de

10 Dukagjin, en procédant au transfert illégal des groupes de civils

11 susmentionnés et en leur infligeant des mauvais traitements. L'Accusation

12 soutient que du 1er mars 1998, au moins jusqu'à la mi-juin 1998, Ramush

13 Haradinaj était commandant de fait de l'UCK dans la zone de Dukagjin, et

14 qu'à la mi-juin 1998 il en a été nommé commandant de droit.

15 Selon l'Accusation, Idriz Balaj commandait une unité de l'UCK appelée les

16 Aigles noirs, qui opérait sur l'ensemble du territoire de la zone de

17 Dukagjin. D'après l'acte d'accusation, en sa qualité de commandant des

18 Aigles noirs, Idriz Balaj était le subordonné direct de Ramush Haradinaj.

19 Enfin, l'Accusation allègue que Lahi Brahimaj était membre de l'état-major

20 général de l'UCK, et qu'il était basé au quartier général de Jablanica dans

21 la municipalité de Djakovica. D'après l'acte d'accusation, il a également

22 exercé brièvement les fonctions de commandant adjoint dans la zone de

23 Dukagjin. L'Accusation fait valoir que Lahi Brahimaj était le subordonné de

24 Ramush Haradinaj et travaillait en étroite collaboration avec lui.

25 A défaut, les trois accusés se voient reprocher d'avoir commis, planifié,

26 incité à commettre ou ordonné nombre des crimes retenus dans l'acte

27 d'accusation, ou de s'en être rendus complices. Avant de résumer ses

28 constatations et conclusions, la Chambre souhaite aborder quelques

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1 questions en rapport avec le procès tenu en l'espèce.

2 Au cours de ce procès, la Chambre a entendu près de 100 témoins. Cependant,

3 il a souvent été très difficile d'obtenir leur témoignage. Nombreux sont

4 les témoins qui ont souhaité ne pas témoigner devant la Chambre.

5 Essentiellement, ont-ils dit, parce qu'ils avaient peur. De ce fait, la

6 Chambre a eu la nette impression que le procès se déroulait dans un climat

7 tel que les témoins se sentaient en danger, et ce, pour les raisons

8 exposées dans le jugement. Les parties ont par ailleurs convenus que la

9 situation instable en matière de sécurité au Kosovo était particulièrement

10 néfaste pour les témoins. Ces difficultés ont eu pour conséquence l'octroi

11 d'un certain nombre de mesures de protection en faveur de 34 témoins.

12 En outre, 18 injonctions de témoigner ont été délivrées à des témoins qui

13 persistaient dans leurs refus de témoigner, alors même qu'ils pouvaient

14 bénéficier de mesures de protection. Quatre injonctions délivrées par la

15 Chambre sont restées sans effet. L'un des témoins concernés a finalement

16 accepté de témoigner par voie de vidéoconférence. Dans le cas de deux

17 autres témoins, la Chambre a confirmé les actes d'accusation établis à leur

18 encontre pour outrage au Tribunal. Arrêtés, puis transférés à La Haye, tous

19 deux ont décidé de témoigner avant leur comparution initiale dans le cadre

20 de la procédure pour outrage dont ils faisaient l'objet. Après leur

21 déposition, les actes d'accusation dressés contre eux ont été retirés.

22 S'agissant du quatrième témoin réfractaire, Naser Lika, la Chambre a pris

23 diverses mesures pour obtenir qu'il témoigne, notamment en prolongeant la

24 durée prévue pour la présentation des moyens à charge. Il n'a jamais

25 témoigné.

26 Trois demandes d'injonction de témoigner présentés par l'Accusation ont été

27 rejetées par la Chambre. L'une d'entre elles visait un témoin extrêmement

28 bouleversé à l'idée de déposer devant le Tribunal. La Section d'Aide aux

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1 Victimes et aux Témoins du Tribunal a prévenu l'Accusation qu'il était

2 risqué de faire déposer ce témoin sans évaluer d'abord les menaces le

3 concernant, et d'autres éléments encore. L'Accusation n'ayant pas donné

4 suite à cette proposition, la Chambre a jugé qu'il aurait été imprudent

5 d'obliger le témoin à venir déposer.

6 Deux témoins ont comparu devant le Tribunal sans y avoir été contraint par

7 une injonction. Pourtant, à la barre, ils ont refusé de témoigner. L'un

8 d'entre eux, Shefqet Kabashi, a confirmé quelques renseignements le

9 concernant, après quoi il a refusé de répondre à toute question portant sur

10 le fond. En conséquence, la Chambre a rendu à son encontre une ordonnance

11 qui tenait lieu d'acte d'accusation pour outrage. Toutefois, avant

12 l'ouverture de son procès, Shefqet Kabashi a quitté les Pays-Bas pour

13 regagner son lieu de résidence aux Etats-Unis. La Chambre a envisagé et

14 entrepris diverses démarches visant à obtenir son témoignage. Les

15 poursuites pour outrage engagées contre Shefqet Kabashi sont maintenues en

16 attendant que ce dernier soit arrêté et transféré à La Haye.

17 L'un des témoins ayant fait l'objet d'une injonction, le Témoin 55, a

18 déclaré une fois sa déposition entamée, qu'il se sentait très tendu, qu'il

19 craignait pour sa sécurité et qu'il n'était donc pas en mesure d'achever sa

20 déposition. Après avoir consulté la Section d'Aide aux Victimes et aux

21 Témoins du Tribunal et obtenu un avis médical, la Chambre a estimé qu'il

22 n'était pas dans l'intérêt de la justice de poursuivre l'audition du Témoin

23 55.

24 A plusieurs reprises, pour déterminer où se trouvait exactement une

25 personne à un moment donné, la Chambre a dû s'appuyer sur son

26 identification par un seul témoin oculaire. En appréciant la valeur de

27 pareils témoignages, la Chambre a tenu compte de plusieurs éléments,

28 notamment l'identification d'une personne par un témoin qui n'a pu que

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1 l'apercevoir ou le voir partiellement; le fait que le témoin ait vu la

2 personne dans le noir ou pendant un moment traumatisant; et le fait que le

3 témoin n'ait pu reconnaître la personne que plus tard.

4 La Chambre va maintenant présenter un résumé de ses constatations et

5 conclusions, à commencer par les éléments généraux constitutifs des crimes

6 de guerre et des crimes contre l'humanité.

7 S'agissant des éléments généraux constitutifs des crimes de guerre, la

8 Chambre a reçu un grand nombre d'éléments de preuve concernant le conflit

9 armé qui opposait au Kosovo l'UCK et les forces serbes. Les affrontements

10 qui ont éclaté dans les propriétés des familles Ahmeti, Jashari et

11 Haradinaj, entre la fin du mois de février et le début du mois de mars

12 1998, constituent des incidents particulièrement violents mais isolés,

13 suivis de périodes de calme relatif. Les éléments de preuve indiquent que

14 le conflit a atteint, le 22 avril 1998, le degré d'intensité requis. A

15 cette date, des pilonnages soutenus visaient la municipalité de Decani. Les

16 civils fuyaient les zones rurales, l'UCK et les forces serbes

17 s'affrontaient et l'armée yougoslave participaient au combat et se

18 déployait sur tout le territoire.

19 Le 22 avril 1998 au plus tard, l'UCK pouvait être considérée comme un

20 groupe armé organisé capable de s'opposer aux forces serbes dans le cadre

21 d'un conflit armé. L'UCK avait alors recruté de nombreux membres, des

22 volontaires, qu'elle avait entraînés et avait mis sur pied une structure

23 militaire rudimentaire. Elle contrôlait une partie considérable du

24 territoire, gérait des axes de ravitaillement destinés à l'acheminement

25 d'armes et d'équipements, employait des tactiques de guérilla, et publiait

26 des communiqués en son nom. Au vu des éléments de preuve présentés, la

27 Chambre estime que le Kosovo était le théâtre d'un conflit armé à partir du

28 22 avril 1998. Telle était donc la situation lorsque les faits reprochés se

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1 sont produits, à l'exception de ceux visés par les chefs 3 et 4.

2 S'agissant des éléments généraux constitutifs des crimes contre

3 l'humanité, l'Accusation fait valoir que l'UCK a lancé une attaque

4 généralisée ou systématique contre une partie de la population civile des

5 municipalités de Decani, Pec, Djakovica, Istok et Klina au Kosovo. Ont été

6 pris pour cible les civils serbes vivant dans ces municipalités ainsi que

7 les civils soupçonnés de collaborer avec les Serbes ou soupçonnés de ne pas

8 soutenir l'UCK. Pour étayer sa thèse concernant l'existence d'une telle

9 attaque, l'Accusation s'est largement fondée sur les éléments de preuve

10 qu'elle a présentés à l'appui de certains chefs retenus dans l'acte

11 d'accusation. Or, ceux-ci n'ont pas toujours permis à la Chambre de

12 conclure qu'un crime avait été commis ou, dans l'affirmative, que l'UCK y

13 avait été mêlée. De plus, il ressort d'autres éléments de preuve présentés

14 dans le cadre d'autres chefs qu'il est possible que les victimes aient pu

15 être prises pour cible pour des raisons essentiellement liées à leur

16 situation personnelle et non pas du fait de leur appartenance à la

17 population civile attaquée. La Chambre a fait abstraction de ces éléments

18 lorsqu'elle s'est penchée sur la question de l'existence d'une attaque

19 dirigée contre une population civile.

20 Outre les éléments de preuve présentés à l'appui de certains chefs retenus

21 dans l'acte d'accusation, la Chambre a entendu des témoignages portant sur

22 l'existence d'une attaque dirigée contre une population civile. La plupart

23 de ces témoignages avaient trait aux Serbes ayant quitté leurs domiciles

24 durant la période couverte par l'acte d'accusation. La Chambre est

25 convaincue que de nombreux Serbes ont quitté leurs domiciles parce qu'ils

26 craignaient de subir des attaques délibérées de la part de l'UCK, ou tout

27 simplement parce qu'ils avaient peur d'être pris dans un conflit armé qui

28 prenait de l'ampleur, et non pas parce qu'ils étaient directement attaqués

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1 par l'UCK. Il est vrai que des Albanais du Kosovo se sont eux aussi enfuis

2 de chez eux pendant cette même période. Partant, la Chambre ne saurait

3 tirer de conclusion générale au sujet de l'existence d'une attaque dirigée

4 contre une population civile en se fondant uniquement sur le fait que de

5 nombreux civils serbes ont à l'époque fui leurs domiciles. S'agissant des

6 violences commises contre des non-Albanais durant la période couverte par

7 l'acte d'accusation, les éléments de preuve, dans de nombreux cas,

8 n'étaient pas suffisamment précis pour tirer des conclusions concernant

9 l'identité du ou des responsables, pas plus qu'ils ne permettent d'établir

10 que ces violences s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque plus large

11 dirigée contre une population civile.

12 La Chambre a estimé que l'ampleur et la fréquence des mauvais traitements,

13 des transferts forcés et des meurtres dont ont été victimes les civils

14 serbes et rom, ainsi que les civils albanais du Kosovo soupçonnés de

15 collaborer avec les Serbes ou de ne pas soutenir l'UCK, ne permettaient pas

16 de conclure à l'existence d'une attaque dirigée contre une population

17 civile.

18 Les éléments généraux constitutifs des crimes contre l'humanité n'étant pas

19 réunis, la Chambre acquitte les trois accusés de tous les chefs de crimes

20 contre l'humanité.

21 Nous en venons à présent aux chefs de violation des lois ou coutumes de la

22 guerre. La Chambre a entendu des témoignages portant sur les meurtres, les

23 tortures, les viols et les traitements cruels visés par 19 chefs

24 d'accusation.

25 Après avoir examiné les éléments de preuve présentés à l'appui de

26 certains chefs retenus dans l'acte d'accusation, la Chambre a conclu que

27 nombre des crimes reprochés avaient été commis par des soldats de l'UCK ou

28 par des personnes ayant des liens avec celle-ci, y compris les mauvais

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1 traitements infligés aux personnes détenues à Jablanica. La Chambre a

2 estimé que les soldats de l'UCK présents sur les lieux ou des personnes

3 ayant des liens avec l'UCK avaient violemment battu le Témoin 6, Nenad

4 Remistar, Pal Krasniqi, Skender Kuci, le Témoin 3, trois hommes

5 monténégrins dont l'identité n'a pas été établie, ainsi qu'un homme

6 bosniaque dont l'identité n'a pas été établie non plus. Les mauvais

7 traitements qui ont été infligés à ces personnes étaient assimilables à des

8 traitements cruels et dans de nombreux cas à des tortures. La Chambre a

9 également conclu que deux de ces personnes, Skender Kuci et Pal Krasniqi,

10 étaient décédées des suites de ces mauvais traitements.

11 Selon la Chambre, les soldats de l'UCK ont interrogé et brutalisé

12 Novak Stijovic et Stanisa Radosevic à l'extérieur de Glodjane en avril

13 1998, après que les deux hommes eurent été interpellés à un poste de

14 contrôle de l'UCK. La Chambre a également conclu qu'un soldat de l'UCK

15 avait violé le Témoin 61 au quartier général de l'UCK à Rznic dans le

16 courant de l'été 1998. Les mauvais traitements infligés à ces personnes

17 étaient assimilables à des traitements cruels et à des tortures.

18 L'Accusation a mis en cause les trois accusés pour le meurtre de 30

19 personnes dont les restes ont été trouvés dans le secteur du lac de

20 Radonjic. La Chambre a, néanmoins, estimé que seuls sept de ces meurtres

21 avaient été prouvés au-delà de tout doute raisonnable et pouvaient être

22 imputés à des soldats de l'UCK. Il s'agit du meurtre de Zenun Gashi, Nurije

23 Krasniqi, Istref Krasniqi, Sanije Balaj, ainsi que celui de la mère et des

24 deux sœurs du Témoin 19 et du Témoin 4.

25 Les éléments de preuve présentés au sujet des auteurs des autres

26 meurtres allégués et des circonstances dans lesquelles ces meurtres ont été

27 commis manquaient de précision, n'étaient pas concluants ou étaient

28 inexistants. S'agissant de nombreuses victimes, la Chambre a reçu des

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1 éléments de preuve concernant surtout le lieu et le moment où elles avaient

2 été vues en vie pour la dernière fois, ainsi que le fait que leurs cadavres

3 avaient été retrouvés dans le secteur du canal du lac de Radonjic. Les

4 victimes ont été vues en vie pour la dernière fois en différents lieux

5 situés dans trois municipalités sur une période de cinq mois. La plupart

6 d'entre elles ont été vues en vie pour la dernière fois dans des secteurs

7 alors contrôlés par l'UCK. Durant la période couverte par l'acte

8 d'accusation, l'UCK exerçait un contrôle important mais pas total sur le

9 secteur du canal du lac de Radonjic. Ce qui permet d'envisager la

10 possibilité que des membres de l'UCK aient enlevé les victimes et les aient

11 tuées, après quoi ils se seraient débarrassés des corps dans le secteur du

12 canal du lac de Radonjic ou qu'ils aient conduit les victimes à cet endroit

13 et les aient exécutées sur place.

14 La Chambre a examiné les éléments de preuve balistiques produits par

15 l'Accusation à l'appui de son allégation selon laquelle une arme utilisée

16 dans le secteur du canal du lac de Radonjic aurait également été utilisée

17 par l'UCK à deux autres reprises. Notamment lors des affrontements dans la

18 propriété de la famille Haradinaj, le 24 mars 1998. En raison de certaines

19 imprécisions et de l'impossibilité de vérifier des informations fournies,

20 la Chambre a jugé qu'elle ne pouvait pas se fier à ces éléments de preuve.

21 De plus, les éléments de preuve présentés ne permettaient pas d'apporter

22 une réponse à des questions importantes comme celle de savoir qui s'était

23 servi de l'arme en question, quand celle-ci avait été utilisée dans le

24 secteur du canal du lac de Radonjic et dans quelle condition elle avait été

25 conservée.

26 Ce n'est qu'à propos de l'une des victimes dont le corps a été

27 retrouvé dans le secteur du canal du lac de Radonjic, Sanije Balaj, que la

28 Chambre a reçu de nombreux éléments de preuve concernant les auteurs du

Page 11273

1 meurtre et les circonstances de celui-ci. Le cas de cette victime atteste

2 la prudence dont la Chambre a dû faire preuve pour tirer ses déductions

3 concernant la responsabilité des accusés en se fondant seulement sur la

4 disparition ou l'enlèvement d'une personne et la découverte ultérieure de

5 sa dépouille dans le secteur du canal du lac de Radonjic.

6 A première vue, tous les éléments sont réunis : Sanije Balaj a été

7 arrêtée par des soldats de l'UCK. Son nom se trouvait sur ce qui semble

8 avoir été une liste de personnes recherchées, utilisée par ces mêmes

9 soldats. Elle a été conduite dans un quartier général de l'UCK où elle a

10 été interrogée. Sa dépouille a été retrouvée dans le secteur du canal du

11 lac de Radonjic. Et enfin, l'autopsie révèle qu'elle est décédée de mort

12 violente. Au premier abord, d'aucun pourrait penser que la Chambre ne

13 pouvait que conclure que cette personne avait été assassinée alors qu'elle

14 était détenue par l'UCK. Or, au vu des éléments de preuve détaillés qui ont

15 été présentés à propos des circonstances du décès de Sanije Balaj, cette

16 conclusion, semble-t-il évidente, aurait été erronée. A titre d'exemple, la

17 Chambre a entendu des témoignages selon lesquels un commandant de l'UCK

18 avait ordonné la libération de Sanije Balaj. La victime avait sur elle une

19 somme d'argent considérable et le soldat de l'UCK qui l'a assassinée le

20 savait. Sanije Balaj n'a pas été tuée dans des locaux de l'UCK ou à

21 proximité du secteur du canal du lac de Radonjic. De surcroît, plusieurs

22 témoins ont mentionné que l'UCK avait diligenté une enquête sur ce meurtre.

23 Compte tenu de l'ensemble des preuves présentées sur ce point, la Chambre

24 estime que si l'UCK est peut-être impliquée dans ce meurtre, il est tout

25 aussi raisonnable de conclure que Sanije Balaj a pu être prise pour cible

26 par des personnes qui n'agissaient pas sous la direction de l'UCK ou en

27 exécution de la politique adoptée par celle-ci, et qu'elle n'a peut-être

28 pas été tuée alors qu'elle était sous la garde de l'UCK.

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1 Les éléments de preuve présentés à propos des autres meurtres

2 allégués dont les victimes ont été retrouvées dans le secteur du canal du

3 lac de Radonjic ont été moins nombreux. Dans certains cas, les

4 circonstances entourant la disparition de la victime n'ont absolument pas

5 été élucidées. Certaines dépouilles découvertes dans le secteur du canal du

6 lac de Radonjic n'ont pas été identifiées. Même les meurtres au sujet

7 desquels la Chambre a reçu de nombreux éléments de preuve n'ont pu tous

8 être imputés à l'UCK. Par conséquent, le fait que les corps des victimes

9 ont été trouvés dans le secteur du canal du lac de Radonjic n'a pas permis

10 à la Chambre de tirer des conclusions plus générales concernant l'identité

11 de l'auteur des meurtres et du groupe auquel il était éventuellement

12 affilié.

13 En conclusion, la Chambre a constaté que des soldats de l'UCK avaient

14 infligés les traitements cruels, les tortures, et commis les viols et les

15 meurtres rapportés dans l'acte d'accusation aux chefs suivant : chef 6;

16 chef 14; chef 20; chef 22, mais uniquement en ce qui concerne les meurtres

17 de Nurije Krasniqi, Istref Krasniqi et Sanije Balaj; chef 28; chef 30; chef

18 32; et chefs 36 et 37, mais uniquement en ce qui concerne le Témoin 61.

19 Comme il l'a déjà été dit, l'Accusation tient les trois accusés

20 responsables de ces crimes en tant que membres d'une entreprise criminelle

21 commune, dont le but aurait été de permettre à l'UCK d'exercer un contrôle

22 total sur la zone de Dukagjin en procédant au transfert illégal de civils

23 serbes et en leur infligeant des mauvais traitements, ainsi qu'aux civils

24 albanais et Rom du Kosovo, et à d'autres civils collaborant ou soupçonnés

25 de collaborer avec les forces serbes ou soupçonnés de ne pas soutenir

26 l'UCK.

27 L'Accusation a présenté peu d'éléments de preuve directs concernant le but

28 criminel commun allégué. Elle s'est contentée de demander à la Chambre de

Page 11275

1 déduire, sur la base d'éléments de preuve indirects portant essentiellement

2 sur des crimes commis par des soldats de l'UCK, qu'il existait une

3 entreprise criminelle commune. S'agissant du meurtre de Sanije Balaj, la

4 Chambre rappelle que d'autres théories, tout aussi raisonnables que celles

5 de l'Accusation, peuvent être envisagées.

6 Bien que les événements survenus au quartier général de Jablanica

7 semblent indiquer que les crimes commis à cet endroit l'ont été de façon

8 systématique, la Chambre a néanmoins estimé que les éléments de preuve

9 présentés ne suffisaient pas à conclure à l'existence d'un but criminel

10 commun qu'un ou plusieurs accusés auraient partagé avec d'autres membres de

11 l'entreprise criminelle commune alléguée.

12 En conclusion, après avoir examiné la totalité des éléments de preuve, tant

13 directs qu'indirects, la Chambre n'a pas été convaincue au-delà de tout

14 doute raisonnable que les trois accusés avaient participé à une entreprise

15 criminelle commune comme il le leur est reproché dans l'acte d'accusation.

16 A défaut, les trois accusés sont tenus responsables d'avoir commis,

17 planifié, incité à commettre ou ordonné nombre des crimes retenus dans

18 l'acte d'accusation ou de s'en être rendu complices.

19 Pour deux chefs d'accusation seulement, la Chambre a reçu suffisamment

20 d'éléments de preuve pour être convaincue au-delà de tout doute raisonnable

21 de la responsabilité pénale individuelle de l'un des accusés, à savoir Lahi

22 Brahimaj. La Chambre va maintenant exposer le résumé des constatations et

23 conclusions y afférent.

24 Au chef 28, l'Accusation allègue que le 13 juin 1998 ou vers cette date des

25 soldats de l'UCK ont arrêté le Témoin 6 après avoir fouillé son véhicule et

26 trouvé une arme. D'après l'acte d'accusation, le Témoin 6 a ensuite été

27 placé en détention au quartier général de Jablanica où il a été

28 régulièrement battu par des soldats de l'UCK, y compris Lahi Brahimaj.

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1 Au vu des éléments de preuve présentés, la Chambre est convaincue que

2 le Témoin 6 a été détenu au quartier général de Jablanica pendant six

3 semaines environ, à partir du 13 juin 1998 ou vers cette date. Durant les

4 quatre premières semaines de sa détention environ, il a été régulièrement

5 roué de coups par des soldats de l'UCK qui lui ont infligé de grandes

6 souffrances et des blessures graves, entraînant des séquelles physiques à

7 long terme. De plus, le Témoin 7 et le Témoin 16 ont déclaré qu'un

8 commandant présent au quartier général les avait informés que le Témoin 6

9 avait été jugé coupable ou condamné. Selon eux, le commandant a tenu des

10 propos hargneux à l'encontre du président Rugova et de ceux qui ne

11 combattaient pas. Le Témoin 6 a lui-même déclaré qu'à sa libération, on lui

12 avait remis une décision écrite de Nazmi Brahimaj dans laquelle il était

13 indiqué que s'il récidivait, il serait poursuivi. Au vu des éléments de

14 preuve présentés, la Chambre est convaincue que des soldats de l'UCK ont

15 infligé des mauvais traitements au Témoin 6 pour le punir. En conséquence,

16 la Chambre estime que le Témoin 6 a été victime de traitements cruels et de

17 torture infligés par des soldats de l'UCK ou par des personnes ayant des

18 liens avec celle-ci.

19 Le Témoin 6 a affirmé que Lahi Brahimaj avait participé à plusieurs

20 passages à tabac et qu'il était parfois présent lorsque d'autres le

21 battaient. Le Témoin 6 a ajouté que Lahi Brahimaj était l'un de ceux qui

22 l'accusaient de fréquenter des Serbes et d'espionner pour leur compte. Le

23 Témoin 6 a eu largement l'occasion de voir Lahi Brahimaj pendant les quatre

24 semaines environ où il a été brutalisé. En outre, le Témoin 6 a déclaré que

25 pendant les deux semaines suivantes il avait régulièrement vu Lahi Brahimaj

26 au quartier général de Jablanica. Selon les propos du Témoin 6, certains

27 s'adressaient à lui en l'appelant Lahi ou Maxhup qui était le surnom de

28 Lahi Brahimaj, comme il l'a appris par la suite. Le Témoin 6 a plus tard

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1 reconnu Lahi Brahimaj sur une planche photographique présentée par

2 l'Accusation. Au vu des éléments pris dans leur totalité, la Chambre est

3 donc convaincue que Lahi Brahimaj a personnellement pris part aux

4 traitements cruels et aux tortures infligés au Témoin 6 et qu'il doit par

5 conséquent être déclaré coupable pour avoir commis ces crimes.

6 Au chef 32, l'Accusation allègue qu'en juin 1998, le Témoin 3 a été

7 détenu au quartier général de l'UCK à Jablanica et qu'il y a subi des

8 sévices corporels graves entre les mains de l'UCK.

9 La Chambre est convaincue que le Témoin 3 a été victime de sévices

10 infligés par des soldats de l'UCK ou par des personnes ayant des liens avec

11 celle-ci, sévices qui lui ont causé de grandes souffrances, et que ces

12 souffrances ont été infligées de manière intentionnelle. La Chambre est

13 également convaincue que le Témoin 3 a été battu en guise de punition pour

14 avoir dissimulé une arme et dans une volonté d'exercer à son encontre une

15 discrimination en raison de ses liens présumés avec les Serbes. En

16 conséquence, la Chambre est convaincue au-delà de tout doute raisonnable

17 que des soldats de l'UCK ou des personnes ayant des liens avec l'UCK se

18 sont rendus coupables de traitements cruels et de tortures à l'encontre du

19 Témoin 3.

20 De plus, les éléments de preuve présentés montrent au-delà de tout doute

21 raisonnable que Lahi Brahimaj a laissé le Témoin 3 dans une pièce du

22 quartier général de Jablanica et que, peu après son départ, des soldats de

23 l'UCK ou des personnes ayant des liens avec l'UCK ont fait irruption dans

24 cette pièce et ont frappé le Témoin 3 à l'aide de battes de baseball. Les

25 éléments de preuve présentés montrent également au-delà de tout doute

26 raisonnable qu'à une autre occasion, Lahi Brahimaj a interrogé le Témoin 3,

27 en l'accusant d'avoir soutenu la police serbe et d'avoir dissimulé une arme

28 automatique. Cette fois-là, Lahi Brahimaj a demandé à deux femmes en

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1 uniforme noir qui assistaient à la scène de s'entraîner sur lui. Les deux

2 femmes ont alors frappé le Témoin 3.

3 La Chambre estime que la part prise par Lahi Brahimaj dans les

4 interrogatoires, ainsi que son rang dans la hiérarchie, prouve son

5 intention de causer de grandes souffrances physiques au Témoin 3, afin de

6 punir ce dernier d'avoir dissimulé une arme et d'exercer à son encontre une

7 discrimination en raison de ses liens présumés avec les Serbes. Partant de

8 cela, la Chambre estime que Lahi Brahimaj doit être déclaré coupable des

9 traitements cruels et des tortures qui lui sont reprochés au chef 32.

10 S'agissant des autres crimes visés par les chefs 6, 20, 30, 36 et 37, la

11 Chambre juge que les éléments de preuve présentés par l'Accusation ne

12 permettent pas de tenir les accusés pénalement responsables de ces crimes.

13 Au chef 14, Idriz Balaj est accusé d'avoir commis, planifié, incité à

14 commettre les meurtres de la mère et des deux sœurs du Témoin 4 et du

15 Témoin 19, ou de s'en être fait le complice. La Chambre estime à la

16 majorité qu'aucun élément de preuve ne permet de conclure qu'Idriz Balaj

17 aurait sciemment participé ou aidé à la commission de l'un quelconque des

18 meurtres reprochés. La Chambre note en particulier l'absence d'éléments de

19 preuve indiquant qu'Idriz Balaj savait à l'époque que des meurtres étaient

20 commis ou étaient sur le point de l'être, le Juge Hoepfel exprimant son

21 désaccord à propos de la responsabilité pénale d'Idriz Balaj en tant que

22 complice du meurtre de la sœur "S".

23 Après avoir résumé ses conclusions, la Chambre va à présent rendre son

24 jugement.

25 Monsieur Haradinaj, veuillez vous lever.

26 [L'accusé Haradinaj se lève]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, j'ai juste demandé à M. Haradinaj

28 de se lever. Je vous inviterai, Messieurs Balaj et -- Monsieur Balaj, je

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1 vous inviterai à vous lever plus tard.

2 Pour les motifs résumés plus haut, après avoir examiné tous les éléments de

3 preuve et les arguments présentés par les parties, tenant compte du Statut

4 et du Règlement, et se fondant sur les constatations et les conclusions

5 exposées dans le jugement, la présente Chambre vous déclare, Monsieur

6 Haradinaj, non coupable, et vous acquitte en conséquence de tous les chefs

7 - et je souhaiterais un peu de calme, je vous prie - de tous les chefs

8 retenus contre vous dans l'acte d'accusation. La Chambre ordonne que vous

9 soyez immédiatement libéré du quartier pénitentiaire des Nations Unies une

10 fois prises toutes les dispositions nécessaires.

11 Vous pouvez vous asseoir.

12 [L'accusé Haradinaj s'assoit]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le public est invité à ne pas perturber

14 le prononcé de ce jugement.

15 Monsieur Balaj, veuillez vous lever.

16 [L'accusé Balaj se lève]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour les motifs résumés plus haut, après

18 avoir examiné tous les éléments de preuve et les arguments présentés par

19 les parties, tenant compte du Statut et du Règlement, et se fondant sur les

20 constatations et les conclusions exposées dans le jugement, la Chambre à la

21 majorité des Juges vous déclare non coupable, le Juge Hoepfel étant en

22 désaccord, et vous acquitte en conséquence de tous les chefs retenus contre

23 vous dans l'acte d'accusation. La Chambre ordonne que vous soyez libéré du

24 quartier pénitentiaire des Nations Unies, une fois prises toutes les

25 dispositions nécessaires pour que vous soyez remis aux autorités

26 compétentes afin d'exécuter la peine que vous purgiez au moment de votre

27 transfèrement au siège du Tribunal.

28 Vous pouvez vous asseoir.

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1 [L'accusé Balaj s'assoit]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Brahimaj, veuillez vous lever.

3 [L'accusé Brahimaj se lève]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour les motifs résumés plus haut, après

5 avoir examiné tous les éléments de preuve et les arguments présentés par

6 les parties, tenant compte du Statut et du Règlement, et se fondant sur les

7 constatations et les conclusions exposées dans le jugement, la présente

8 Chambre vous déclare coupable des chefs suivants : chef 28, pour les

9 traitements cruels et les tortures infligés au Témoin 6, des violations des

10 lois ou coutumes de la guerre sanctionnées par l'article 3 du Statut; chef

11 32, pour les traitements cruels et les tortures infligés au Témoin 3, des

12 violations des lois ou coutumes de la guerre sanctionnées par l'article 3

13 du Statut. Vous êtes tenu responsable de ces crimes sur la base de

14 l'article 7(1) du Statut du Tribunal. La Chambre vous déclare non coupable

15 des autres chefs retenus contre vous dans l'acte d'accusation.

16 Pour fixer la peine, la Chambre a tenu compte de la gravité inhérente aux

17 crimes dont vous avez été déclaré coupable, du fait que vous y avez

18 participé directement, et de votre rang élevé dans la hiérarchie de l'UCK.

19 La Chambre a également tenu compte de la vulnérabilité des victimes et des

20 traumatismes physiques et psychologiques qu'elles ont endurés. Elle a en

21 outre pris en compte le fait qu'après avoir appris la mort de l'un de ces

22 co-détenus des suites des sévices qui lui avaient été infligés, le Témoin 6

23 a dû craindre pour sa vie. Cela étant, la Chambre a retenu comme

24 circonstance atténuante votre reddition volontaire au Tribunal et votre

25 situation familiale.

26 Pour les crimes que vous avez commis, la Chambre vous condamne, Monsieur

27 Brahimaj, à une peine unique de six ans d'emprisonnement. La période que

28 vous avez passée en détention, soit 1 109 jours, est déduite de la durée

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1 totale de la peine. Ainsi qu'il a été dit, le Juge Hoepfel joint une

2 opinion dissidente concernant l'un des chefs d'accusation dont il va à

3 présent donner un résumé.

4 [L'accusé Brahimaj s'assoit]

5 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Bien que je respecte entièrement

6 l'opinion exprimée par la majorité des Juges de la Chambre, je suis en

7 désaccord avec certaines conclusions tirées à propos du chef 14.

8 S'agissant de ce chef, la Chambre a constaté que la sœur "S", sa mère

9 et la sœur "M" avait été séparément emmenée de chez elle puis tuée par des

10 soldats de l'UCK. Elle a par ailleurs constaté que l'accusé Idriz Balaj

11 était présent lorsque ces personnes avaient été enlevées et lorsque la sœur

12 "S" avait été, après son enlèvement, autorisée à rendre visite à sa

13 famille. Les éléments de preuve ont montré qu'Idriz Balaj donnait des

14 ordres à la sœur "S" qui avait été forcée de rejoindre les rangs de l'UCK,

15 qu'il lui avait ordonné de retourner à une certaine heure au quartier

16 général de l'UCK, après sa seconde visite à sa famille, et qu'il s'était

17 assuré qu'elle avait obéi à ses ordres. En outre, les éléments de preuve

18 ont montré qu'Idriz Balaj avait ordonné à la sœur "S" d'exécuter une

19 personne et qu'il avait menacé de la tuer si elle n'obtempérait pas.

20 Si je suis d'accord avec ces constatations concernant le chef 14, je

21 n'approuve pas la conclusion tirée par la majorité des Juges de la Chambre

22 selon laquelle aucun élément de preuve ne permet d'établir qu'Idriz Balaj

23 s'est rendu complice du meurtre de la sœur "S." A mon avis, les faits

24 constatés suffisent pour conclure qu'en soumettant la sœur "S" aux ordres

25 de l'UCK, Idriz Balaj a directement menacé sa vie. Cette menace s'est

26 concrétisée et la sœur "S" est décédée. Pour ces raisons, je considère

27 qu'Idriz Balaj a largement facilité le meurtre de cette dernière.

28 Les éléments de preuve ont montré le rôle essentiel qu'a joué Idriz

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1 Balaj lors de l'enlèvement de la sœur "S" et en autorisant celle-ci à

2 rendre visite à sa famille. Les menaces de mort qu'Idriz Balaj a proférées

3 montrent en outre qu'il était persuadé qu'il avait droit de vie et de mort

4 sur la sœur "S." Compte tenu de ces éléments, je suis convaincu au-delà de

5 tout doute raisonnable qu'Idriz Balaj savait que la sœur "S" serait

6 assassinée et qu'en l'enlevant et en la soumettant à son contrôle, il

7 faciliterait son meurtre. En conséquence, il s'est fait sciemment le

8 complice du meurtre de la sœur "S."

9 J'estime donc qu'Idriz Balaj est complice du meurtre de la sœur "S"

10 et qu'il aurait dû être déclaré coupable du chef 14.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà qui conclut le prononcé du

12 jugement, lequel va maintenant être mis à la disposition du public.

13 L'audience est levée.

14 --- L'audience est levée à 16 heures 58.

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