Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 31 août 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes ici

  6   présentes.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  9   Affaire IT-04-84bis-T, le Procureur contre Haradinaj, Balaj et Brahimaj.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 11   Je vais demander aux parties de se présenter, à commencer par l'Accusation.

 12   M. ROGERS : [interprétation] Paul Rogers - bonjour, Messieurs les Juges -

 13   avec Mme Goy et Mme Line Pedersen, notre commise à l'affaire.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 15   Pour la Défense.

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Ben Emmerson pour M. Haradinaj, avec Rodney

 17   Dixon, Annie O'Reily et M. Strong.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et pour M. Balaj.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] -- avec Chad Mair, Colleen Rohan et Gentian

 20   Zyberi, qui comparait aujourd'hui, je pense, pour la dernière fois, à moins

 21   qu'il ne se passe quelque chose, que quelque chose ne se débloque là où

 22   c'était coincé jusqu'à présent. Et je tiens à le remercier pour tous les

 23   efforts qu'il a consentis toutes ces années, surtout ici pour la

 24   préparation de ce procès, et je le remercie de son aide pour ce qui est de

 25   la tenue du procès jusqu'à présent.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne sais pas, mais je ne vous

 27   entends pas très bien. Je ne sais pas pourquoi. Je suis sur le canal 4. Ça

 28   doit être normalement le canal sur lequel passe l'anglais.


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  1   Pourriez-vous faire un signe.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] On va faire comme on fait pour les

  3   publicités aux Etats-Unis : Vous m'entendez ? Vous m'entendez?

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Harvey.

  5   M. HARVEY : [interprétation] Je vous demande si vous m'entendez.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous entends.

  7   M. HARVEY : [interprétation] Richard Harvey, qui représente les intérêts de

  8   Lahi Brahimaj, avec Paul Troop et M. Luke Boenisch.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Harvey.

 10   Apparemment, Maître Harvey, vous voulez soulever une question avant la

 11   poursuite de la déposition du témoin.

 12   M. HARVEY : [interprétation] Je vais demander qu'on ne fasse pas tout de

 13   suite entrer le témoin. En effet, je dois soulever une question et qui

 14   concerne les obligations incombant à l'Accusation en vertu de l'article 68.

 15   J'ai encore des problèmes.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maintenant, je vous entends trop bien,

 17   trop fort.

 18   M. HARVEY : [interprétation] Je vais essayer de moduler ma voix.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non, je peux faire ça grâce au

 20   volume que j'ai ici.

 21   M. HARVEY : [interprétation] Oui, je vous parlais des inquiétudes que nous

 22   avons s'agissant des obligations incombant en vertu de l'article 68,

 23   surtout pour ce qui est des questions de communication susceptibles d'avoir

 24   un effet sur la crédibilité et les raisons pour lesquelles un témoin vienne

 25   déposer devant vous.

 26   Quel est le contexte ? Le 27 janvier 2011, j'ai écrit à M. Rogers, premier

 27   substitut du Procureur chargé de l'Accusation en espèce, et je lui

 28   demandais de communiquer tous - j'insiste bien sur ce mot tous - les


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  1   témoins que l'Accusation avait l'intention de citer à l'audience, et je

  2   demandais les détails de toute promesse, menace ou incitation faite à ces

  3   témoins, sans se limiter des propositions de réinstallation de témoin, de

  4   leurs membres de famille ou d'amis, de collaborateurs ou une récompense

  5   financière ou économique. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de lire le

  6   reste de la lettre que j'avais alors envoyée.

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 24   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 25   M. HARVEY : [interprétation] -- et je pense que nous pouvons fort bien en

 26   parler en audience publique, à moins que quelqu'un ne soit pas d'accord.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez.

 28   M. ROGERS : [interprétation] Mais il y a un problème, parce que si nous


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  1   parlons de questions de demande d'asile, vu la nature des demandes, je

  2   pense qu'il serait préférable d'en parler à huis clos partiel.

  3   M. HARVEY : [interprétation] A vous d'en décider, Monsieur le Président,

  4   Messieurs les Juges. Je n'ai pas donné le nom du témoin et je ne vois pas

  5   pourquoi une question aussi importante devrait être dissimulée du public.

  6   Mais je le répète, à vous de juger.

  7   M. ROGERS : [interprétation] Mais ça voudrait simplement dire que nous

  8   pourrons avoir une discussion plus complète, plus exhaustive.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous vous en remettez à la Chambre,

 10   eh bien, celle-ci, par souci de prudence, décide de passer à huis clos

 11   partiel.

 12   M. HARVEY : [interprétation] C'est ce que vous ordonnez.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 15   [Audience à huis clos partiel]  [Confidentialité partiellement levée par ordonnance de la Chambre]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 17   Poursuivez, Maître Harvey.

 18   M. HARVEY : [interprétation] Mon postulat de départ c'est que l'article 68

 19   du Règlement impose à l'Accusation la communication de ce genre

 20   d'information sans qu'il faille au préalable que la Défense le demande.

 21   Mais enfin, j'ai fait cette demande dès le mois de janvier de façon

 22   générale, et hier, je l'ai précisée. J'ai donc été quelque peu surpris,

 23   vous le serez sans doute aussi, d'apprendre qu'en novembre 2010, en espace

 24   d'une dizaine de jours après que le témoin ait fourni une déclaration au

 25   bureau du Procureur, à l'époque, l'avocat de ce témoin qui s'occupe de son

 26   immigration (expurgé) a écrit à l'Accusation pour demander toute

 27   information susceptible d'être utile eu égard à la demande d'asile déposée

 28   par son client. Moi je n'ai pas vu la lettre. Je n'ai pu que faire des


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  1   déductions quant au contenu de cette lettre, parce qu'à l'époque M. Rogers

  2   -- donc, en novembre 2010, a écrit à cet avocat. Dans cette lettre, M.

  3   Rogers dit avec force détails quelle est l'assistance fournie par le

  4   présent témoin au bureau du Procureur, les inquiétudes qui ont été

  5   manifestées à plusieurs endroits, notamment par la Chambre de première

  6   instance, et je pense qu'il fait état aussi de la Chambre d'appel

  7   s'agissant d'éventuelles intimidations de témoin. Et il conclut, au fond,

  8   que si l'on apprenait au Kosovo que ce témoin est venu déposer ici, on

  9   aurait de bonnes raisons d'avoir des craintes.

 10   Je viens de découvrir cette lettre au cours des 25 dernières minutes.

 11   Je trouve que là, c'est vraiment très en deçà des obligations qu'a le

 12   Procureur. C'est vraiment choquant, et ceci sape les efforts que peut faire

 13   la Défense. Nous devons avoir égalité des armes, mais nous devons aussi

 14   avoir des documents que nous sommes en droit d'obtenir pour plaider notre

 15   cause. Je voulais vous le dire parce que, à mon avis, surgissent dans mon

 16   esprit de nouvelles questions après cette lecture rapide de cette lettre.

 17   Je vais peut-être décider autre chose, mais il faudra peut-être rappeler le

 18   témoin parce que je ne pourrai pas poser toutes les questions que j'aurais

 19   voulu lui poser si cette communication très tardive s'était effectuée plus

 20   tôt.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Harvey.

 22   Monsieur Rogers, quelle est votre réponse ?

 23   M. ROGERS : [interprétation] En janvier, la demande concernait des menaces,

 24   des incitations, des promesses. Et le bureau du Procureur n'a aucunement

 25   fait des incitations ou des promesses à ce témoin en échange de son

 26   témoignage. La seule chose qui a été fournie c'est une lettre, une lettre à

 27   la demande de l'avocat de ce monsieur, parce qu'il a depuis longtemps fait

 28   une demande d'asile. Cette demande, elle disait simplement ceci : Pouvez-


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  1   vous fournir une lettre en ce qui concerne la coopération du témoin avec le

  2   bureau du Procureur et, éventuellement, la raison pour laquelle le témoin

  3   aurait des raisons de craindre une persécution politique s'il était renvoyé

  4   au Kosovo.

  5   J'ai envoyé une lettre en guise de réponse. Cette lettre se contente

  6   d'énoncer les faits, à savoir que le témoin a fait une déclaration de son

  7   plein gré. Je mentionne le procès concerné. J'ajoute qu'il a fourni des

  8   informations importantes quant à ce procès, et j'explique pourquoi c'était

  9   quelque chose d'important que de le faire, et les raisons qu'il nous avait

 10   données pour quitter le Kosovo. J'ai expliqué que le procès était censé

 11   commencer, nous pensions, à l'époque, en janvier. Il m'a été impossible de

 12   faire un commentaire sur la raison de savoir s'il était possible qu'il soit

 13   l'objet de persécutions et de menaces politiques s'il revenait au Kosovo,

 14   mais j'ai pu donner des faits objectifs et des faits ayant déjà été jugés

 15   par rapport à ce genre d'intimidation. J'ai fait référence au jugement de

 16   première instance ainsi qu'à l'arrêt, document public aussi, et j'ai dit

 17   que si jamais ce monsieur rentrait au Kosovo, puisque ici c'était une

 18   question de déportation, il pourrait y avoir des craintes quant à son

 19   avenir si jamais il rentrait au pays. Et j'ai demandé à son avocat de

 20   considérer le programme d'EULEX de 2010, et là aussi c'est un document

 21   public.

 22   Ça se résume à cela. Rien de tout ceci ne saurait être qualifié de

 23   promesse, d'incitation ou de menace, s'agissant de la déposition du moins,

 24   et c'est la raison pour laquelle ceci n'a pas été communiqué à Me Harvey en

 25   réponse à sa demande. Nous ne pensons pas non plus qu'une telle lettre

 26   postérieure consécutive à la déposition du témoin, et ce n'était pas un

 27   échange qu'on proposait. Comment pourrait-on penser qu'il s'agissait d'une

 28   proposition d'échange ? Dans quelle mesure ceci pourrait avoir une


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  1   incidence quelconque sur la crédibilité du témoin ? Nous nous sommes dit

  2   que ce n'était pas possible.

  3   Hier après-midi, à 16 heures, Me Harvey a déposé une requête plus

  4   précise concernant la demande d'asile. Soyons clairs. J'ai communiqué les

  5   documents concernant la demande d'asile venant des (expurgé), je les ai

  6   communiqués à la Défense qui les a tous, et il apparaît que le témoin a dit

  7   des choses qui ne correspondent pas toujours à la déclaration qu'il nous a

  8   faite à nous, ce qui pourrait effectivement diminuer sa fiabilité si ceci

  9   s'avérait. Mais cette lettre, à mon avis, elle ne saurait en aucun cas

 10   entamer sa crédibilité. Et comment pourrait-on croire que l'Accusation ait

 11   mal agi parce qu'elle a répondu à une demande très générale, très ouverte,

 12   de la part de l'avocat de ce témoin qui s'occupe de son immigration ? Et

 13   ceci a été fait à un moment où il risquait d'être déporté au Kosovo, là

 14   même où il existait effectivement des risques objectifs pour lui s'il

 15   rentrait au Kosovo.

 16   C'est pour ça que nous avons écrit cette lettre au départ. Nous

 17   n'avons pas du tout été partie prenante dans ces questions d'immigration,

 18   qui relèvent uniquement des autorités compétentes (expurgé). Jamais une

 19   menace, une incitation n'a été formulée à l'égard du témoin. Si cette

 20   lettre pouvait servir à diminuer ou mettre en doute sa crédibilité, je suis

 21   désolé si ceci n'a pas été communiqué. Ça n'a pas été fait

 22   intentionnellement. Nous ne voulions pas dissimuler à la Défense des

 23   éléments qui risquent d'entamer sa crédibilité; sinon, j'aurais tout gardé

 24   par-devant moi des documents où il fait certaines affirmations. Tout ceci a

 25   été communiqué à tout le monde, et la Défense peut examiner ceci à fond si

 26   elle le souhaite. C'est bien plus pertinent qu'une lettre tout à fait

 27   générale qui, elle, ne nous fait pas vraiment avancer, à moins qu'on ne

 28   laisse entendre qu'il était erroné de ma part d'écrire la lettre au départ


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  1   parce que -- sinon, moi, si je croyais qu'il n'était pas seyant d'écrire

  2   cette lettre, pourquoi l'aurais-je écrite ?

  3   Je comprends ce que dit Me Harvey, mais je peux vous dire que jamais

  4   nous n'avons eu l'intention d'induire la Défense en erreur. Pourquoi, grand

  5   Dieu, le faire dans un procès tel que celui-ci ? Pourquoi me mettre dans

  6   une situation telle que celle-là en tant que juriste ? Je ne l'ai pas fait.

  7   J'endosse la responsabilité si j'ai commis l'erreur de décider de

  8   communiquer la lettre. J'en suis responsable. Si j'avais voulu essayer de

  9   dissimuler la lettre, eh bien, je l'aurais cachée. Je ne l'aurais pas

 10   donnée maintenant à Me Harvey en réponse à sa demande. Lui, ce qu'il semble

 11   dire, c'est que j'avais dissimulé ce document à dessein. Mais si c'était le

 12   cas, pourquoi l'aurais-je donné maintenant ? Ce n'est pas du tout vrai. Je

 13   lui ai donné ce document de bonne foi et promptement en réponse à sa

 14   demande.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Vous ne m'avez pas donné la parole. Pour ce

 17   qui est de cette lettre, je pense que toutes les choses ont été dites qui

 18   devaient être dites entre Me Harvey et M. Rogers. Mais le problème est plus

 19   profond. M. Rogers a fort éloquemment défendu sa conduite. Il dit : Si vous

 20   pensez que j'ai eu tort, eh bien, traitez-moi en tant que coupable et pas

 21   que naïf parce que j'aurais oublié de communiquer. Mais ce n'est pas là le

 22   problème. Il s'agit de maintenir l'équité du procès. Laissons de côté toute

 23   requête écrite éventuelle de Me Harvey. Mais je pense que la quintessence

 24   est très claire, qu'effectivement, la demande était suffisamment claire. Et

 25   si on lit ce document, on le voit clairement. L'avocat qui défend le témoin

 26   essayait d'obtenir en échange de déposition pour la demande d'asile aux

 27   (expurgé), ce qui a été donné par M. Rogers. C'est-à-dire ce qu'on trouve

 28   ici au 68(i). On dit : Il faut communiquer à la Défense tous les éléments


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  1   dont il sait effectivement qu'ils sont de nature à disculper en tout ou en

  2   partie l'accusé. Ici, vraiment, c'est intenable comme position. Il dit

  3   qu'il n'a pas fait ceci de façon malhonnête ou délibérément malhonnête.

  4   Vous n'avez pas à trancher cette question maintenant. Mais il y a eu une

  5   violation patente de l'article 68, ça, c'est certain, et on ne saurais

  6   parer à cela.

  7   Ce qui m'inquiète, c'est ce qui se dit de la politique à adopter par

  8   M. Rogers pour cette question de communication. Et je tiens à ce que ceci

  9   soit acté au dossier : j'exige la communication de tout élément envoyé par

 10   le bureau du Procureur à tout individu ou organisation concerné par ce

 11   procès. Donc vous connaissez maintenant la portée de ma requête, parce que

 12   je suis sûr que M. Rogers va se servir du moindre interstice dans les

 13   demandes pour en profiter. Non. Ici, tout doit être communiqué.

 14   Vous voyez qu'il y a eu violation de l'article 68, et je l'acte au

 15   procès, si après on s'interroge sur la portée de ce qu'est censé faire M.

 16   Rogers. Et s'il y a une communication qui s'inscrit dans cette formulation,

 17   s'il estime que, pour des raisons du côté sensible, une information, il ne

 18   peut pas communiquer, il peut se contenter -- il peut faire une explication

 19   large. Mais on ne saurait simplement le laisser décider. Parce que

 20   manifestement, ce qu'il fait est vraiment criblé de fautes.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis vraiment perturbé. Je

 23   m'associe à ce que vient de dire Me Harvey et à ce que vient de dire Me

 24   Emmerson. Ma lecture de la lettre de M. Rogers est tout à fait différente,

 25   parce que je sais quels sont les devoirs incombant à un Procureur, mais

 26   c'est aussi parce que j'ai acquis une grande expérience, notamment dans les

 27   affaires de demande d'immigration. Je réitère la demande faite par Me

 28   Emmerson. Dissipons tout doute quant au libellé des obligations de M.


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  1   Rogers. Il faut penser à incitation, mais aussi aux avantages potentiels

  2   que peut retirer un témoin. Et quand un bureau du Procureur écrit ce genre

  3   de lettre, telle que celle-ci qu'on vient de voir, il n'y a pas grand

  4   doute. Ceci risque certainement d'avoir des avantages potentiels pour le

  5   témoin. Vu mon expérience, je sais que j'ai utilisé ce genre de lettre

  6   précisément lorsqu'il s'agissait d'estimer la crédibilité d'un témoin.

  7   Permettez-moi d'ajouter une seule autre chose : je ne sais pas si M.

  8   Rogers a l'âge de se souvenir des faits, mais il se souvient des leçons.

  9   Pourquoi ne pas communiquer quelque chose, pourquoi est-ce que j'aurais

 10   quelque chose ? Eh bien, vous savez, Nixon était fautif de ce genre de

 11   chose, quelquefois la dissimulation c'est plus grave l'aveu de la

 12   culpabilité.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Guy-Smith, je vais d'ailleurs

 14   poser la même question aux autres, mais puisque c'est vous qui parliez

 15   maintenant, je vais vous poser la question à vous, Maître Guy-Smith. La

 16   Chambre n'a pas interrogé sur la signification à donner à l'article 68. Et

 17   sans parler de l'interprétation que fait M. Rogers de la lettre, est-ce que

 18   le préjudice n'est pas atténué par le fait que Me Harvey a dit qu'on

 19   pourrait, par exemple, donner un certain délai de réaction ?

 20   M. EMMERSON : [interprétation] Permettez-moi de répondre. J'ai décidé de ne

 21   pas intervenir dans l'ordre habituel, c'est parce que j'avais dit qu'il y

 22   avait entre Me Harvey et M. Rogers des questions concernant ce témoin et

 23   cette communication qui pouvait être résolue, comme le disait Me Harvey.

 24   Mais soyons parfaitement clairs. S'il faut une décision, moi je peux

 25   insister pour qu'il y en ait une. Mais il faut que ce soit limpide. On ne

 26   peut pas faire confiance à M. Rogers pour ce qui est de l'interprétation

 27   qu'il fait de l'article 68. C'est tout simple. Ils ne font pas de demande.

 28   Si Me Harvey n'avait jamais  envoyé de lettre de demande, de toute façon


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  1   l'Accusation a l'obligation absolue de communiquer à la Défense le fait que

  2   l'Accusation a donné des informations à un avocat pour l'immigration d'un

  3   témoin, document qu'on pourrait utiliser pour étayer une demande

  4   d'immigration. Il ne faut pas faire de demande. C'est une violation de

  5   l'article 68. Et qu'est-ce que ceci nous dit ? Même en l'absence d'une

  6   demande plus précise ou moins précise, l'obligation, elle existe. Ils ne

  7   font pas au préalable de demande pour la communication. Ceci montre que le

  8   Tribunal, la Défense ne peuvent pas faire confiance à M. Rogers pour qu'il

  9   utilise bien l'article 68.

 10   C'est pour cela que j'ai demandé formellement une communication de toute

 11   communication de l'Accusation avec un individu ou une organisation étant en

 12   contact direct avec un témoin quel qu'il soit. Si l'Accusation ne veut pas

 13   décrire le contenu, elle peut expliquer quelle est la communication, et en

 14   tant que de besoin, on peut soumettre les documents à la Chambre, qui

 15   décidera s'il fallait communiquer ces documents ou pas. Mais on ne saurait

 16   voir perdurer une situation où, ici, la Chambre est censée faire confiance

 17   à quelqu'un qui n'est pas digne de confiance. Lisez la lettre et vous

 18   verrez. Vous pouvez lire et vous pouvez peut-être rendre une décision. Ça

 19   ne fait pas l'ombre d'un doute. Lisez l'article 68.

 20   L'Accusation, par sa propre conduite, l'a montré clairement. Soit

 21   l'Accusation ne comprend pas les conditions posées par l'article 68, soit

 22   elle ne les applique pas bien. Maintenant, qu'est-ce qu'on peut espérer ?

 23   Il faut une communication, ne serait-ce que par catégories, de ces

 24   documents, sinon, il est fort à craindre que des documents vont apparaître

 25   plus tard qui pourraient entamer l'équité de la procédure. Souvent on peut

 26   faire confiance à l'Accusation, mais malheureusement, en l'espèce, ce n'est

 27   pas le cas.

 28   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers, je souhaitais vous

  2   poser cette question précédemment, et si je l'avais fait, on aurait réglé

  3   cette question.

  4   Je vous ai entendu, j'ai vu que vous nous dites que cette requête formulée

  5   par Me Harvey est une requête qui concerne des incitations, des promesses,

  6   des menaces, et cetera, qui auraient pu être proposées à l'intéressé. Je

  7   vous lis la page 3, ligne 16 de la page 3, il me semble qu'il y a une

  8   différence entre ce que vous avez dit et ce qu'affirme Me Harvey. Me Harvey

  9   -- donc y compris la ligne 17, je précise : "sans limitation, la

 10   réinstallation des témoins de leurs proches, leurs membres de famille, amis

 11   ou associés, récompenses financières ou bénéfices économiques…," et cetera.

 12   Donc, ce que je suis en train de dire, c'est que de la manière dont je vous

 13   ai compris, vous avez répondu aux questions portant sur la réinstallation -

 14   - et je dirais que l'immigration en fait partie. Vous sembliez entendre que

 15   cela ne faisait pas partie intégrante de la requête émanant de Me Harvey.

 16   Or, il a dit le contraire. Donc c'était la première affirmation qui vient

 17   de lui ce matin, avant votre réponse. Donc l'immigration relèverait de

 18   cette catégorie de réinstallation, et je pense honnêtement qu'il faut que

 19   Me Harvey nous dise si, effectivement, cela fait partie de sa première

 20   requête.

 21   M. ROGERS : [interprétation] Oui, tout à fait, cela figure dans la lettre

 22   de Me Harvey du 27 janvier. Donc il est question de :

 23   "L'ensemble des informations précises sur toute promesse, menace,

 24   incitation proposée à tout témoin, et sans se limiter à la réinstallation

 25   des témoins, leurs membres de famille, amis ou associés, récompenses

 26   financières ou bénéfices économiques…"

 27   Mais le contexte est celui d'une promesse, d'une menace ou d'une

 28   incitation, donc d'une faute de la part du bureau du Procureur par rapport


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  1   à la réinstallation du témoin, de ses proches, et cetera. Puisque la lettre

  2   continue, et au (C) il est question de : "La réduction d'une peine ou d'une

  3   déclaration de culpabilité."

  4   Au (D) : "Retrait de charges qui pèsent contre lui; (E) : Par rapport

  5   à toute éventuelle procédure, y compris procédure pour outrage devant le

  6   TPIY ou les législations nationales," et cetera.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, d'accord. Mais le seul point qui

  8   m'intéresse ici est de savoir exactement ce qui figurait sur cette lettre

  9   que vous avez reçue, donc dans la requête qui vous a été formulée. Je vous

 10   remercie de nous avoir répondu qu'effectivement, la question de la

 11   réinstallation en faisait partie.

 12   Cela étant dit, je vous comprends. Vous avez entendu vos confrères --

 13   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Personne n'a formulé de requête

 15   spécifique à ce stade. La seule chose que les Juges de la Chambre puissent

 16   vous dire, c'est que nous espérons tous que la question est bien posée

 17   maintenant et que nous savons comment il faudra nous conduire à l'avenir.

 18   M. ROGERS : [interprétation] Je vois que Me Harvey est debout. Mais je

 19   continue, donc.

 20   Je vais juste expliquer. De la manière dont j'entends la

 21   réinstallation d'un témoin, cela a à voir avec sa réinstallation par le

 22   Tribunal, et le bureau du Procureur y joue un rôle dans le cas de cette

 23   réinstallation du témoin dans un pays tiers. Compte tenu de l'envergure et

 24   de la manière générale ou non de la requête, le Tribunal n'agit pas en tant

 25   qu'instance qui aide dans le cadre des demandes d'asile. Si une déclaration

 26   du témoin m'est fournie au bureau du Procureur, je vais vous aider avec

 27   votre demande d'asile. C'est cela, le type de promesse ou de menace ou

 28   d'incitation qui serait totalement inapproprié, et ce n'est pas du tout ce


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  1   qui s'est produit ici face à une requête toute simple qui a été formulée de

  2   manière neutre, de la manière dont je l'ai comprise, et sur la base des

  3   informations qui étaient déjà présentes. Donc c'est une opinion qui est

  4   formulée, effectivement, en réponse. Et cela est permissible.

  5   Et je ne considère pas qu'il s'agit là d'une menace ou d'une incitation au

  6   témoin, et il n'y avait absolument pas d'intention délibérée derrière cela.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, les Juges de

  8   la Chambre vous ont entendu, ont pris note. A ce stade, aucune requête

  9   spécifique ne nous a été adressée, et la Chambre a dit pour cette raison--

 10   là que vous avez été entendu. Mais je vois que Me Harvey est debout.

 11   Maître Harvey.

 12   M. HARVEY : [interprétation] Je vous ai entendu dire que vous espériez que

 13   la question a été maintenant entièrement et clairement posée. Mais je dois

 14   dire qu'il ressort des dernières remarques de M. Rogers que cela n'est pas

 15   encore le cas. La question de l'incitation ne se limite pas à un geste

 16   impermissible, qui constitue une faute; sinon, j'aurais simplement écrit

 17   une lettre et j'aurais dit : Monsieur Rogers, s'il vous plaît, dites-moi si

 18   vous vous êtes mal conduit. Et de toute évidence, ce n'était pas cela, la

 19   finalité de ma lettre. La finalité était de savoir si le témoin, au moment

 20   où il a commencé à déposer, eh bien, est-ce qu'il était menacé de

 21   déportation de la part des (expurgé) ou non et est-ce qu'il

 22   sait que s'il vient ici en tant que témoin de l'Accusation, eh bien, que

 23   c'est quelque chose qui va lui permettre de se faire aider. Quant à savoir

 24   si M. Rogers lui a dit : "Je vais vous aider si vous faites quelque chose

 25   pour nous," ce n'est pas ça le problème. La question est la suivante :

 26   qu'est-ce qui incite le témoin, au moment où il dépose devant les Juges de

 27   la Chambre, au moment où les Juges de la Chambre apprécient sa crédibilité,

 28   quelle est sa motivation, pourquoi parle-t-il ? Et comme vous le savez,


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  1   nombre de mensonges sont proférés à l'attention des instances d'immigration

  2   (expurgé), donc la question est de savoir si ce témoin a

  3   des raisons de se dire que son séjour (expurgé) est menacé. Donc, est-

  4   ce que le Procureur va intervenir et intercéder en sa faveur, empêcher

  5   qu'il soit renvoyé au Kosovo, parce qu'au Kosovo il serait en danger ? Donc

  6   c'est une des évaluations qu'il vous appartient de faire, et vous n'auriez

  7   pas pu faire cette évaluation sans les éléments d'information que je viens

  8   de recevoir il y a à peine une heure.

  9   Je n'ai toujours pas vu la lettre qui a été rédigée par l'avocat chargé de

 10   l'immigration à l'attention de M. Rogers. J'exige d'en voir un exemplaire.

 11   Et je dois dire qu'à moins que les choses soient posées et articulées de la

 12   manière la plus précise qui soit, M. Rogers ne comprendra jamais bien les

 13   dispositions de l'article 68.

 14   M. EMMERSON : [interprétation] Je comprends tout à fait que vous ne vouliez

 15   pas vous attarder là-dessus et je comprends que vous ne souhaiteriez pas

 16   non plus rendre une ordonnance si cela n'est pas indispensable. Mais ce qui

 17   n'est pas pertinent ici, c'est l'articulation formelle de la requête de Me

 18   Harvey. Nous pouvons mettre cela de côté. Les termes de l'article 68

 19   imposent une obligation au Procureur, et il n'a pas respecté les

 20   dispositions de cet article. Donc nous avons là quelque chose qui est

 21   susceptible d'influer sur la crédibilité du témoin. Donc, si nous savons

 22   maintenant, il nous faut exiger une ordonnance de la part de la Chambre,

 23   une décision. Nous savons qu'il y a eu une violation tout à fait claire de

 24   l'article 68. M. Rogers essaie encore de se faire excuser sur la base d'une

 25   ambiguïté, imprécision dans la requête. Je suis désolé, et cela me perturbe

 26   grandement, puisque l'article 68 dispose que la Chambre de première

 27   instance peut prononcer des sanctions sur la partie qui ne respecte pas les

 28   dispositions de l'article 68 et ne s'acquitte pas de ses obligations au


Page 894

  1   terme de cet article.

  2   Il y a une violation. En principe, normalement, nous devrions

  3   formuler une requête aux fins de sanctions. Il s'agit de quelque chose de

  4   très, très grave parce que, en fait, s'il est prêt à agir ainsi cette fois-

  5   ci, se servir de la requête qui n'aurait jamais dû être formulée pour

  6   déclencher cette obligation, je pense qu'il a une manière pas honnête

  7   d'interpréter l'article. Ce document aurait dû être communiqué

  8   précédemment. Il y a eu violation. Je suis d'accord que nous devons

  9   remettre à plus tard, remettre l'interrogatoire, pour remédier à cela. Mais

 10   dire que cela ne se reproduira plus jamais n'est peut-être pas suffisant.

 11   Je formule une requête pour que l'ensemble des communications soit fourni à

 12   la Défense. La déposition doit également se dérouler viva voce.

 13   Et je dois dire aussi à la fin que tout cela devrait être diffusé au

 14   public.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souscris à ce que vient de dire Me

 16   Emmerson ainsi qu'à ce qu'a dit Me Harvey. La situation est grave. Je dois

 17   dire que la Défense n'a pas reçu une réponse correcte, que la Chambre doit

 18   se saisir de cette affaire, que M. Rogers ne semble pas comprendre quelles

 19   sont ses obligations ou, en revanche, s'il les comprend, il en détermine le

 20   champ de manière si restrictive que cela compromet l'équité de ce procès.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai une question. Nous pourrions

 22   passer en audience publique. Parmi les conseils de la Défense, y en a-t-il

 23   un qui considère qu'il convient de demander au témoin de revenir à un

 24   moment ultérieur, à la lumière de la réponse que nous avons eue ?

 25   M. HARVEY : [interprétation] Il va y avoir d'autres questions que je

 26   vais devoir poser à M. Rogers pour des communications supplémentaires, le

 27   long de ce que Me Emmerson vient de demander de manière plus générale. Je

 28   formule cette requête spécifique par rapport à toute communication que le


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  1   bureau du Procureur a eu avec quelle que personne que ce soit relativement

  2   à ce témoin ou aux membres de la famille de ce témoin. Et il y a beaucoup

  3   d'individus qui sont concernés. Et je voudrais que la date à partir de

  4   laquelle s'appliquera cette communication se situe au tout début de

  5   l'enquête qui a donné lieu au premier procès. Donc, pas seulement depuis

  6   que M. Rogers s'est saisi de cette affaire. Tant que je n'ai pas reçu cela,

  7   je ne peux pas savoir avec certitude si je vais avoir besoin de réexaminer

  8   ce témoin ou non.

  9   Je ne sais pas jusqu'où je peux aller aujourd'hui.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cela, vous n'excluez pas.

 11   M. HARVEY : [interprétation] Oui, je ne l'exclus pas,

 12   malheureusement.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Me Emmerson a demandé qu'on lève la

 14   confidentialité de ces débats. Est-ce que quelqu'un souhaite réagir ?

 15   M. HARVEY : [aucune interprétation]

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Absolument. Je souscris tout à fait à cette

 17   requête. Le débat était important. Et je pense qu'il n'y a pas lieu de le

 18   protéger.

 19   M. HARVEY : [interprétation] Je souscris à cette requête.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers.

 21   M. ROGERS : [interprétation] Comme je l'ai dit, plusieurs détails ont été

 22   évoqués au sujet de la demande d'asile du témoin. Et nous avons également

 23   expliqué les raisons qui m'ont incité à prendre des décisions à l'époque.

 24   Compte tenu du fait que la requête a été formulée par Me Harvey en janvier

 25   dernier, et lorsque la requête a été renouvelée pour que des éléments

 26   supplémentaires très concrètement liés à la demande d'asile soient fournis,

 27   qui ont déjà été communiqués, j'ai communiqué aussi des informations

 28   supplémentaires à Me Harvey. J'ai vraiment fait preuve de coopération. Je


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  1   comprends parfaitement mes obligations, elles sont tout à fait claires dans

  2   mon esprit. Je vois que mes confrères ne sont pas d'accord avec moi. Ils

  3   pensent que j'ai agi de manière désinvolte. Je n'accepte pas cette

  4   qualification et je n'ai jamais agi à la légère. Il y a là des différences

  5   de point de vue. Mes confrères nous ont fait part de la position qu'ils

  6   adoptent. J'ai essayé d'expliquer la situation qui s'est présentée. Nous

  7   nous en remettons aux Juges de la Chambre.

  8   Mais quoi qu'il en soit, il n'y a pas eu de préjudice à ce stade à la

  9   Défense. La lettre a été communiquée, et s'il y a d'autres éléments visés à

 10   l'article 68, nous les communiquerons en particulier suite au courriel qui

 11   a été mentionné par Me Harvey.

 12   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, un autre problème est que

 13   j'ignore si les documents relatifs à la demande d'immigration sont

 14   confidentiels ou non (expurgé). Je sais que Me Harvey a posé un

 15   certain nombre de questions sur ce qui s'était passé dans le cadre de cette

 16   procédure, et je dois dire que je ne sais pas s'il s'agit de documents qui

 17   sont publics ou non.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que cela vous dérangerait

 19   si je vous interrompais ?

 20   M. ROGERS : [interprétation] Non.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question de la Chambre était très

 22   précise : nous voulions savoir si vous souhaitez réagir face à cette

 23   requête de lever la confidentialité de cette partie de l'audience. Quant à

 24   savoir ce qui se produira à l'avenir, nous allons nous en occuper au moment

 25   où cela se posera. Mais pour l'instant, Me Emmerson a formulé une requête

 26   aux fins de la levée de la confidentialité.

 27   M. ROGERS : [interprétation] Non, pour être bref.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.


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  1   M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que je peux répondre aux points qui

  2   ont été soulevés ? Une audience à huis clos partiel est prévue généralement

  3   pour protéger les témoins, jamais pour protéger les avocats, du regard du

  4   public lorsqu'il y a une violation du Règlement. M. Rogers dit qu'il a

  5   utilisé son discernement, mais il a violé l'article 68. Nous ne pouvons pas

  6   faire confiance à quelqu'un qui n'est pas conscient de son erreur. Il est

  7   tout à fait justifié dans ce contexte de lever la confidentialité de cette

  8   audience. Si M. Rogers souhaite aborder des points précis qui ont été

  9   abordés durant ces discussions et qui ne nécessitent pas la confidentialité

 10   au titre de la protection du témoin, et j'exclus des passages qui seraient

 11   confidentiels mais qui ne le seraient qu'au titre de la protection de M.

 12   Rogers, j'invite la Chambre à ordonner à M. Rogers de déposer dans les 24

 13   heures une liste de ces passages en question qui sont réellement

 14   confidentiels au titre de la protection du témoin. Le reste des débats

 15   devra être rendu public.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre souhaite rendre sa

 18   décision. Les débats seront déclarés publics. M. le Greffier procédera à

 19   l'expurgation du nom du pays.

 20   Monsieur Rogers, s'il y a des éléments autres que le nom du pays que

 21   vous souhaitez faire expurger et que cela concerne la protection du témoin,

 22   on vous invite à fournir ces éléments pour qu'ils puissent être expurgés.

 23   Je vous remercie.

 24   Revenons en audience publique.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes revenus en audience publique.

 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous pouvons à présent, je suppose,

 28   citer le témoin. Je vous remercie.


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  1   M. ROGERS : [interprétation] Il nous faudra passer à huis clos partiel --

  2   ou plutôt, à huis clos en attendant que le témoin ne rentre.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

  4   [Audience à huis clos]  [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Nous attendons le

  6   témoin.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez vous

  9   asseoir.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-nous, vous avez dû attendre.

 12   Il a fallu qu'on s'occupe d'un certain nombre de choses en votre absence.

 13   Je vous rappelle, avant le début, que vous vous êtes engagé solennellement

 14   à dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Vous êtes toujours

 15   tenu par cette obligation.

 16   Monsieur Rogers.

 17   M. ROGERS : [interprétation] Nous pouvons relever les stores.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Relevons les stores.  Passons en

 19   audience publique.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes revenus en audience publique.

 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Monsieur Rogers, vous avez la parole.

 24   LE TÉMOIN : 75 [Reprise]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   Interrogatoire principal par M. Rogers : [Suite]

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, j'ai dit tout cela en

 17   audience publique. Nous sommes à huis clos partiel à présent. Est-ce que

 18   nous pouvons expurger, s'il vous plaît, la ligne 2 de la page 27, y compris

 19   tout ce que j'ai dit jusqu'à la ligne 10. Je vous présente mes excuses.

 20   M. ROGERS : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, je sais que cela est difficile, mais essayez de ne

 22   pas utiliser le (expurgé).

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas le témoin. C'était

 24   l'interprète.

 25   M. ROGERS : [interprétation] Ah.

 26   Q.  Donc, essayez, s'il vous plaît, de parler de (expurgé), que vous

 27   l'ayez fait jusqu'à présent ou non.

 28   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, passons en audience


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  1   publique, s'il vous plaît.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie, allez-y, Monsieur

  5   Rogers.

  6   M. ROGERS : [interprétation]

  7   Q.  Vous avez mentionné un homme qui portait une barbe. Est-ce que vous

  8   savez de qui il s'agissait ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  De qui s'agissait-il ?

 11   R.  Naser Ibrahimaj.

 12   Q.  Est-ce qu'il connaissait (expurgé) ? Est-ce qu'il savait qui il était

 13   ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous avez eu la possibilité de parler de (expurgé) à Naser

 16   Ibrahimaj ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Après vous être entretenu avec Naser Ibrahimaj, que s'est-il passé ?

 19   R.  Il nous a dit : "Attendez ici" --

 20   L'INTERPRÈTE : L'interprète de cabine anglaise précise que le témoin a à

 21   nouveau mentionné (expurgé).

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et ils l'ont fait venir jusqu'à la porte.

 23   Nous avons pu le voir simplement pendant une minute, pas plus d'une minute.

 24   Mais nous savions qu'il s'agissait de (expurgé). Nous ne pouvions pas le

 25   reconnaître. Il nous a fait un signe. On ne savait pas qui était cette

 26   personne, mais il avait utilisé un nom qu'il était le seul à pouvoir

 27   utiliser lorsqu'il m'appelait, donc nous savions que c'était lui. Et puis,

 28   ils l'ont ramené à l'intérieur, et c'était tout.


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  1   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  2   est-ce que nous pourrions passer rapidement à huis clos partiel, s'il vous

  3   plaît.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  6   Juges, nous sommes à huis clos partiel.

  7   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  9   Monsieur Rogers, allez-y.

 10   M. ROGERS : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous donner le nom que

 12   (expurgé) a utilisé lorsqu'il a parlé ?

 13   R.  Il m'appelait (expurgé)

 14   (expurgé), je savais que c'était lui.

 15   Q.  Avant qu'il utilise ce sobriquet de (expurgé), est-ce que vous étiez en

 16   mesure de savoir de qui il s'agissait, et je parle de la personne qui a été

 17   emmenée jusqu'au portail ?

 18   R.  Non. Je n'ai pas reconnu la personne. Je ne pouvais pas reconnaître la

 19   personne, qui se trouvait environ à une trentaine de mètres de nous.

 20   Q.  Et pourquoi n'avez-vous pas pu le reconnaître ?

 21   R.  Je ne pouvais pas le reconnaître parce qu'il avait été roué de coups.

 22   C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu le reconnaître.

 23   M. ROGERS : [interprétation] Peut-on repasser en audience publique, s'il

 24   vous plaît.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y,

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.


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  1   Monsieur Rogers, poursuivez.

  2   M. ROGERS : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous n'étiez

  4   pas en mesure de reconnaître la personne qui avait été acheminée jusqu'au

  5   portail ?

  6   R.  Je ne pouvais pas reconnaître cette personne parce que cette personne

  7   avait été tellement rouée de coups qu'on ne pouvait pas vraiment

  8   reconnaître cette personne.

  9   Q.  Qu'est-ce qui vous a fait penser que cette personne avait été rouée de

 10   coups ?

 11   R.  Son corps était totalement tuméfié. Son visage était complètement

 12   tuméfié. Je ne pouvais pas reconnaître (expurgé) en raison des ecchymoses.

 13   Q.  Est-ce que vous avez été en mesure de voir cela étant donné que vous

 14   étiez à certaine distance de lui ?

 15   R.  On ne pouvait pas vraiment le reconnaître. C'est seulement une fois

 16   qu'il a utilisé le sobriquet que j'ai mentionné que j'ai su qu'il

 17   s'agissait de (expurgé); sinon, il était impossible pour moi de le

 18   reconnaître. Parce qu'il était défiguré.

 19   Q.  Lorsque vous l'avez vu lorsqu'il est arrivé en direction du portail,

 20   est-ce qu'il était en mesure de marcher sans aucune aide ?

 21   R.  Non. Deux soldats le soutenaient, un de chaque côté.

 22   Q.  Pouvez-vous nous décrire la démarche de (expurgé) lorsqu'il est

 23   arrivé en direction du portail ?

 24   R.  Deux soldats le tenaient et l'aidaient à marcher. Mais cela n'a duré

 25   qu'une minute, pas plus que cela. Nous n'avons pu le voir que pendant une

 26   minute.

 27   Q.  Après cette minute très courte, que s'est-il passé ?

 28   R.  Eh bien, après cela, (expurgé) et moi-même, nous sommes rentrés chez


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  1   nous, et puis nous avons effectué une autre visite.

  2   Q.  Et combien de temps après la première visite cette deuxième visite a eu

  3   lieu, approximativement ?

  4   R.  Je dirais deux ou trois semaines après la première visite. Je ne m'en

  5   souviens pas exactement.

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé lors de cette nouvelle

  7   visite ?

  8   R.  Durant cette nouvelle visite, nous nous sommes à nouveau rendus là-bas.

  9   Nous l'avons revu. Ils ont dit qu'on pouvait le voir pendant une demi-

 10   heure. Ils l'ont amené à proximité du portail. Il y avait deux soldats qui

 11   le tenaient par la main et deux autres qui étaient debout derrière lui. Ils

 12   nous ont permis de le voir pendant une dizaine ou une quinzaine de minutes,

 13   et ensuite il nous a expliqué quelles étaient les conditions de détention à

 14   Jabllanica et il nous a expliqué qu'il ne savait pas pourquoi il était

 15   détenu là-bas. Il ne savait pas qui était responsable de ce centre de

 16   détention. Personne ne lui a dit pourquoi il était détenu là-bas. (expurgé)

 17   était détenu là-bas sans aucun motif.

 18   Q.  Où cette conversation a-t-elle eu lieu ?

 19   R.  A l'endroit où nous sommes allés le voir - quand je dis nous, je parle

 20   de moi et de (expurgé) - et c'était la deuxième ou la troisième visite.

 21   Q.  Alors, pour cette troisième visite, est-ce que vous avez pu vous rendre

 22   jusqu'à proximité du portail ou est-ce que vous étiez au niveau de la

 23   barrière comme durant les deux premières visites ?

 24   R.  Nous avons attendu à la barrière. C'est là que l'on a attendu. C'est là

 25   que les soldats l'ont fait venir, deux le tenaient et deux autres étaient

 26   debout derrière lui. Je ne sais pas comment il pouvait avoir changé

 27   tellement. Parce que c'était quelqu'un qui était en pleine forme et en

 28   bonne santé, et c'était vraiment une catastrophe.


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  1   Q.  Pourriez-vous nous décrire son aspect physique ?

  2   R.  Je ne trouve pas vraiment les mots pour décrire son aspect physique.

  3   Son aspect physique était tellement déplorable. Vous savez, je n'ai jamais

  4   vu quelqu'un dans un état physique aussi déplorable de toute ma vie.

  5   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire à quoi ressemblait son visage ?

  6   R.  Ses yeux étaient gonflés, il était défiguré, ses vêtements étaient

  7   maculés de boue. J'ai énormément de mal à vous décrire son aspect.

  8   Q.  Est-ce que vous étiez en mesure de voir ses mains ?

  9   R.  Oui. Ses mains étaient également gonflées.

 10   Q.  Quel était son aspect physique avant d'être détenu à Jabllanice ?

 11   R.  Avant d'être détenu à Jabllanice, c'était quelqu'un qui était d'une

 12   bonne carrure et en bonne santé.

 13   Q.  Et lorsque vous lui avez parlé, est-ce que vous lui avez demandé

 14   quelles étaient ses conditions de détention ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc, est-ce qu'il vous a expliqué quelles étaient les conditions de

 17   détention à l'encontre des détenus ?

 18   R.  Oui. Eh bien, tout d'abord, il a parlé à (expurgé). Il a expliqué qu'il

 19   avait d'abord été détenu dans un sous-sol; ensuite, il a été détenu dans

 20   une cellule ou dans une pièce qui donnait sur une prairie ou sur un jardin,

 21   c'est là où il était détenu. Il a dit qu'il a été roué de coups. Et il a

 22   dit que les personnes qui le battaient portaient des masques; par

 23   conséquent, il ne savait pas qui le battait.

 24   Q.  Est-ce qu'il vous a dit s'il était tout seul ou s'il était accompagné ?

 25   R.  Il a dit qu'il y avait d'autres personnes. Il entendait ces personnes

 26   être passées à tabac. Mais dans la pièce où il était détenu, il était seul.

 27   Il y avait d'autres pièces au sein desquelles il pouvait entendre d'autres

 28   personnes qui étaient rouées de coups.


Page 907

  1   Q.  Est-ce qu'il vous a donné plus de renseignements sur les conditions de

  2   détention ?

  3   R.  Il n'avait pas pu se laver pendant pas mal de temps. Et on lui donnait

  4   à manger une fois par semaine, mais comme on donne à manger à chien, dans

  5   des conditions déplorables.

  6   Q.  A quel endroit vous a-t-il parlé de cela ?

  7   R.  A l'endroit où nous l'avons vu avec (expurgé).

  8   Q.  Est-ce qu'à un moment donné votre rencontre s'est 

  9   terminée ?

 10   R.  Oui, mais nous sommes arrivés à parler de tout cela rapidement.

 11   Q.  Est-ce que vous avez pu vous dire au revoir ?

 12   R. Ç'aurait été bien -- lorsque (expurgé) a voulu le prendre dans ses bras,

 13   il a dit : "Non, parce que j'ai mal de partout. Ça fait trop mal."

 14   Q.  Alors, comment est-ce que cette rencontre a pris fin ? Est-ce que vous

 15   êtes simplement partis ou est-ce qu'on l'a fait partir; que s'est-il passé

 16   ?

 17   R.  Eh bien, ils l'ont fait partir, mais il nous a dit : "Ne vous inquiétez

 18   pas. Les choses vont s'améliorer." Donc les soldats l'ont fait de nouveau

 19   rentrer à l'intérieur.

 20   Q.  Et dans quelle mesure pouvait-il se mouvoir lorsqu'il a été ramené à

 21   l'intérieur ? Comment marchait-il ?

 22   R.  Il était incapable de rester debout. Quand il nous a rencontrés, il se

 23   tenait à la barrière parce qu'il ne pouvait pas vraiment se tenir debout.

 24   Et lorsqu'il a été ensuite ramené à l'intérieur, les soldats le tenaient

 25   par les mains de façon à ce qu'il puisse repartir.

 26   Q.  Et après cette rencontre, est-ce que vous l'avez revu à Jabllanice ?

 27   R.  C'est la dernière fois que je l'ai vu. Nous lui avons rendu visite

 28   trois ou quatre fois, nous lui avons rendu visite avec (expurgé), et Naser


Page 908

  1   Ibrahimaj est venu nous voir chez nous et nous a expliqué pourquoi il était

  2   détenu là-bas.

  3   Q.  Et qu'a dit Naser Ibrahimaj, ou quelles sont les raisons qu'il a

  4   données pour justifier la détention de (expurgé) à Jabllanice ?

  5   R.  Il nous a dit que (expurgé) était soupçonné d'avoir collaboré avec les

  6   Serbes, mais ce n'était pas la vérité. C'était faux. C'est la raison pour

  7   laquelle il était détenu là-bas.

  8   Q.  Et quand Naser Ibrahimaj vous a-t-il dit cela ?

  9   R.  Lorsqu'il est venu avec (expurgé) en visite, il est venu avec lui, ils

 10   nous ont rendu visite chez nous, ils sont restés pendant environ une heure,

 11   et ensuite ils l'ont ramené à Jabllanice.

 12   Q.  Et quand ceci s'est-il passé ?

 13   R.  Trois mois après son arrestation, environ.

 14   Q.  A ce moment-là, est-ce que (expurgé) était encore considéré comme un

 15   détenu ou est-ce qu'il avait été libéré ?

 16 R. Il n'a pas parlé du tout de cela. Il est reparti avec (expurgé). Si (expurgé)

 17   (expurgé) avait été libéré, il serait resté chez nous, mais il est reparti

 18   avec lui.

 19   Q.  Lorsque vous avez rendu visite à (expurgé) à Jabllanice, est-ce que

 20   vous avez vu qui que ce soit d'autre que vous connaissiez ou que vous avez

 21   reconnu ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Alors, tout d'abord, qui avez-vous vu là-bas que vous connaissiez ?

 24   R.  J'ai vu Lahi lorsque je suis allé là-bas.

 25   Q.  Lahi qui ?

 26   R.  Lahi Brahimaj.

 27   Q.  Et où l'avez-vous vu ?

 28  R. A l'endroit que l'on appelait le quartier général, l'endroit où (expurgé)

 


Page 909

  1   (expurgé) était détenu. Chaque fois que j'allais là-bas, je le voyais.

  2   Q.  Et vous l'avez vu faire quoi là-bas, si tant est qu'il faisait quelque

  3   chose ?

  4   R.  Eh bien, il entrait et sortait de l'enceinte, les soldats le saluaient,

  5   il montait à bord d'un véhicule. J'ai essayé de l'appeler et de lui parler,

  6   mais il a fait comme s'il ne me connaissait pas ou comme s'il ne voulait

  7   pas me parler.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers, je vois que nous

  9   avons dépassé notre horaire de cinq minutes. Est-ce que vous pensez que

 10   c'est le bon moment de faire une pause ?

 11   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 13   Nous allons faire une pause et nous reviendrons à 16 heures.

 14   Toutes mes excuses. Je voudrais d'abord que l'on fasse sortir le témoin du

 15   prétoire et que l'on passe à huis clos.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 17   Juges, nous sommes à huis clos. Merci.

 18   [Audience à huis clos] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 20   Monsieur le Témoin, nous vous demandons de sortir du prétoire pour une

 21   brève pause et vous devrez revenir dans ce même prétoire à 16 heures. Vous

 22   pouvez partir.

 23   [Le témoin quitte le prétoire]

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pouvons-nous revenir en audience

 25   publique, s'il vous plaît.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.


Page 910

  1   Nous levons l'audience jusqu'à 16 heures.

  2   --- L'audience est suspendue à 15 heures 37.

  3   --- L'audience est reprise à 16 heures 02.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers.

  5   M. ROGERS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos de

  6   façon à faire entrer le témoin.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons passer à huis clos.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

  9   [Audience à huis clos] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 11   Peut-on faire entrer le témoin dans le prétoire.

 12   [Le témoin vient à la barre]

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez vous asseoir, Monsieur

 14   le Témoin. Merci de vous installer.

 15   Oui, Monsieur Rogers.

 16   M. ROGERS : [interprétation] Peut-on revenir en audience publique,

 17   Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Revenons en audience

 19   publique.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique,

 21   Monsieur le Président.

 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers, vous avez la

 24   parole.

 25   M. ROGERS : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Avant la pause, Monsieur le Témoin, je vous avais demandé si vous

 27   connaissiez ou si vous aviez reconnu quelqu'un parmi les personnes qui se

 28   trouvaient là où (expurgé) était quand vous lui avez rendu visite, et


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Page 912

  1   vous avez mentionné Lahi Brahimaj et vous avez ajouté que des soldats le

  2   saluaient. Pourriez-vous nous expliquer comment, de quelle manière, les

  3   soldats le saluaient ?

  4   R.  Quand il sortait par la porte ou quand il entrait, eh bien, les soldats

  5   le saluaient du poing.

  6   Q.  Quand vous avez imité le geste, vous avez montré le poing fermé porté à

  7   la tempe droite; est-ce exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Lorsque vous avez vu Lahi Brahimaj, êtes-vous en mesure de dire s'il

 10   était seul ou en compagnie de quelqu'un que vous connaissiez aussi ?

 11   R.  Il avait autour de lui des soldats. Et puis, je l'ai vu aussi avec

 12   Idriz Balaj.

 13   Q.  Maintenant, vous mentionnez Idriz Balaj. D'après ce que vous saviez à

 14   l'époque, qui était-il?

 15   R.  Quand j'ai été voir (expurgé), je ne connaissais pas cette personne de

 16   nom. Je le connaissais de vue, mais après j'ai découvert son identité et ce

 17   qu'il était.

 18   Q.  Comment avez-vous appris plus tard quel était son nom et ce qu'il était

 19   ?

 20   R.  En fait, quand j'ai rejoint l'armée, j'ai découvert qui était Idriz

 21   Balaj et j'ai appris qu'il avait sa propre unité. Je pense que c'était la

 22   police militaire, c'est comme ça qu'on l'appelait.

 23   Q.  Est-ce qu'il vous est arrivé à vous de rencontrer Idriz Balaj lorsque

 24   vous étiez dans les rangs de l'armée ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Est-ce que vous l'avez vu lorsque vous étiez dans l'armée ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Combien de fois l'avez-vous vu -- pourriez-vous nous dire combien de


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  1   fois vous l'avez vu et dans quelles circonstances vous l'avez vu ?

  2   R.  Je l'ai vu quand il se déplaçait ou lorsqu'il conduisait sa voiture,

  3   accompagné de deux ou trois soldats.

  4   Q.  Et comment se fait-il que vous ayez appris son nom ?

  5   R.  C'est quand je suis devenu soldat que j'ai appris son nom.

  6   Q.  Et qui vous a dit comment il s'appelait ?

  7   R.  Une fois, dans l'armée, j'ai appris qu'il s'appelait Idriz Balaj. Je

  8   l'avais vu à Jabllanice et je me suis souvenu de son visage. Et quand j'ai

  9   rejoint l'armée, eh bien, j'ai appris comment il s'appelait.

 10   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du nom précis de la personne qui vous a

 11   donné son nom, qui vous a dit qui il était ?

 12   R.  Oui. Il y a quelqu'un qui me l'a dit, mais aujourd'hui cet homme est

 13   mort, Irzen Morina [phon].

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez répéter le nom que vous venez de citer ?

 15   R.  Lulezim Morina.

 16   Q.  Vous dites Lulezim Morina. Parce que les interprètes vous avaient

 17   autrement compris. Ils avaient compris que vous aviez dit Irzen. Mais en

 18   fait, vous avez dit Lulezim Morina; est-ce exact ?

 19   R.  Oui, c'est Lulezim Morina.

 20   Q.  Lorsque vous avez vu cet homme, dont vous avez appris plus tard qu'il

 21   s'agissait d'Idriz Balaj, à Jabllanice, est-ce que vous pourriez nous aider

 22   en nous disant comment les soldats le 

 23   traitaient ? D'après ce que vous avez pu observer.

 24   R.  Ils avaient le même comportement envers lui qu'envers Lahi. Ils le

 25   saluaient avec le poing à la tempe. Tout le monde le faisait dans l'armée.

 26   M. ROGERS : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel, Monsieur

 27   le Président.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  2   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  4   Vous avez la parole, Monsieur Rogers.

  5   M. ROGERS : [interprétation]

  6   Q.  Je voulais simplement vous demander comment il s'est fait que vous vous

  7   êtes retrouvé (expurgé). Comment êtes-vous arrivé (expurgé) et en

  8   quelle année est-ce que cela s'est passé ?

  9   R.  J'y suis parti en 2005. Je me suis marié le 8 avril 2005. Et le 9

 10   avril, je suis allé chez un ami -- chez mes beaux-parents, où je suis resté

 11   jusqu'au mois de septembre, après quoi je suis parti (expurgé).

 12   Q.  Est-ce que vous avez fait une demande auprès des (expurgé)

 13   ?

 14   R.  Oui. J'ai dit qu'on avait tiré sur moi pour m'abattre et que c'était là

 15   la raison pour laquelle je voulais partir. J'ai dit qu'il y avait eu

 16   tentative de meurtre.

 17   Q.  Et qu'avez-vous dit à ces autorités -- qui avait essayé de vous tuer ?

 18   R.  Geg Lleshi et Sokol; Faton Mehmetaj en faisait partie aussi. Ces deux-

 19   là aussi ont participé à cette tentative. Moi je ne sais pas quel est le

 20   nom de famille de Sokol. Je ne connais que son prénom.

 21   Q.  Lorsque vous avez fait cette demande, qu'est-ce que vous demandiez, ce

 22   faisant ?

 23   R.  J'ai fait une demande d'asile.

 24   Q.  Et est-ce qu'on vous a donné ce statut ?

 25   R.  Oui, jusqu'à présent. J'habite toujours (expurgé).

 26   Q.  Est-ce qu'il y a encore une procédure en cours concernant votre statut

 27   -- des personnes ayant bénéficié de l'asile (expurgé) ?

 28   R.  Oui. C'est une procédure qui est toujours en cours, effectivement.


Page 915

  1   Q.  Lorsque vous avez fait cette demande pour obtenir l'asile,

  2   est-ce qu'au départ on vous fait droit à la demande ou est-ce

  3   qu'elle a été refusée ?

  4   R.  Je suis resté chez mes beaux-parents avec ma femme. Ma demande a été

  5   rejetée deux fois. Et je ne sais pas ce qui va se passer. Ce sont les

  6   fonctionnaires de l'Etat qui vont décider.

  7   Q.  Est-ce que cette demande aurait été acceptée et puis elle aurait été

  8   révisée et refusée ? Ou est-ce qu'elle n'a jamais été acceptée totalement ?

  9   R.  Ils m'ont autorisé à vivre (expurgé), mais j'attends que les

 10   documents soient délivrés. Ils ont rejeté la demande deux fois. J'ai

 11   renouvelé ma demande, et maintenant je suis en attente d'une réponse.

 12   M. EMMERSON : [interprétation] Pour que ceci soit dûment consigné au

 13   dossier, est-ce que je peux demander à M. Rogers en quoi ces questions sont

 14   pertinentes ? Je ne doute pas qu'elles le soient, mais selon lui, pourquoi

 15   pose-t-il ces questions, par rapport à quel sujet ?

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers.

 17   M. ROGERS : [interprétation] Vu les documents fournis ultérieurement au

 18   bureau du Procureur par les services de (expurgé), y

 19   sont contenus quelques sujets que les avocats de la Défense souhaiteront

 20   sans doute évoquer avec le témoin. Et moi je voulais simplement le faire --

 21   et c'est à cela que j'arriverais, je voulais poser des questions sur le

 22   contenu de la demande pour voir si c'était exact ou pas, et puis j'allais

 23   en rester là et laisser le soin à la Défense d'examiner ceci davantage.

 24   C'est ça l'objectif que je recherchais à l'interrogatoire principal.

 25   M. EMMERSON : [interprétation] Vous ne répondez pas à ma question : en quoi

 26   est-ce pertinent ? Est-ce pertinent par rapport aux chefs d'accusation ou

 27   est-ce que ceci concerne la crédibilité du témoin ? Je pose des questions

 28   évidentes vu ce qui s'est passé ce matin lorsque M. Rogers a dit que la


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  1   communication qui avait été faite était sans importance. Donc je voudrais

  2   savoir comment il fonctionne, comment il réfléchit et raisonne à la

  3   question de la pertinence.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers.

  5   M. ROGERS : [interprétation] Nous parlons ici de ce que le témoin a inscrit

  6   dans le formulaire de demande d'asile, et c'est ce qui risquerait d'être

  7   pertinent pour que vous déterminiez sa crédibilité. Je parle ici des

  8   formulaires de demande.

  9   M. EMMERSON : [interprétation] Je ne voudrais pas poser de questions

 10   détaillées, mais vu ce que voulait faire M. Rogers ce matin, vous verrez

 11   qu'il y a discordance entre les deux positions, celle de ce matin et celle

 12   de maintenant.

 13   M. ROGERS : [interprétation] Je crois qu'il ne convient pas d'en parler en

 14   présence du témoin. Est-ce que nous pouvons terminer, et si c'est

 15   nécessaire, je pourrais revenir à la question.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Rogers. Poursuivez.

 17   M. ROGERS : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que dans le formulaire de demande pour

 19   obtenir l'asile vous avez indiqué des choses qui seraient inexactes ?

 20   R.  Tout ce que j'y ai indiqué est conforme à la vérité. C'est la raison

 21   pour laquelle j'étais parti. On avait essayé de me tuer en tirant sur moi,

 22   ils avaient tiré sur moi, et c'est la raison pour laquelle je suis parti.

 23   M. ROGERS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

 24   témoin.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, veuillez attendre, d'autres questions vont vous

 26   être posées.

 27   M. HARVEY : [interprétation] Nous nous sommes mis d'accord pour que je

 28   commence. Me donnez-vous un instant pour placer le petit pupitre.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Volontiers.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voulez rester en audience à huis

  4   clos partiel ou vous voulez passer en audience publique ? On pourrait

  5   effectivement passer en audience publique, ne serait-ce pour dire que vous

  6   allez commencer votre contre-interrogatoire.

  7   M. HARVEY : [interprétation] J'étais sur le point de demander à ce qu'on

  8   passe en audience publique.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eh bien, nous allons passer en

 10   audience publique.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience

 12   publique.

 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 15   Maître Harvey, vous pouvez commencer votre contre-interrogatoire. 

 16   Contre-interrogatoire par M. Harvey : 

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Richard

 18   Harvey, et je vais vous poser des questions au nom de Lahi Brahimaj. Tout

 19   d'abord, je vais plusieurs fois faire référence à (expurgé), et vous

 20   savez de qui je parle, quand je fais référence à (expurgé), n'est-ce pas

 21   ? Mais ne donnez pas son nom.

 22   R.  D'accord.

 23   Q.  (expurgé), et si je parle de ce dernier, je

 24   dirai "(expurgé)". Vous savez de qui je parle ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez fourni plusieurs déclarations à

 27   diverses personnes à divers moments. Pourriez-vous aider les Juges de la

 28   Chambre en indiquant certaines différences qui apparaissent entre ces


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  1   différentes déclarations. Quand je dis "déclaration", j'entends une

  2   déclaration fournie à une personne investie d'une autorité, personne dont

  3   vous savez qu'elle doit entendre la vérité, à qui on doit dire la vérité,

  4   et je pense ici au ministère public, à un procureur, à un tribunal ou à un

  5   responsable des services d'immigration. Est-ce que vous comprenez ce que

  6   j'entends par la notion de "déclaration" ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Vous avez dit aux Juges il y a quelques instants que vous aviez quitté

  9   le Kosovo le lendemain de votre mariage et que vous étiez allé vivre en

 10   Albanie dans la famille de votre épouse; est-ce exact ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  En Albanie, est-ce que vous avez travaillé pendant que vous y étiez ?

 13   R.  Non, je n'ai pas travaillé. Ce sont mes beaux-parents qui m'ont

 14   entretenu.

 15   Q.  Et votre femme, elle travaillait ?

 16   R.  Non, elle n'avait pas besoin de travailler.

 17   Q.  Et pendant que vous vous êtes trouvés en Albanie, est-ce que vous avez

 18   subi de menaces, quelles qu'elles soient, de la part des autorités

 19   albanaises ? Et quand je dis "autorités", je pense par exemple à la police

 20   ?

 21   R.  Mais il n'y avait aucune raison que la police albanaise me menace parce

 22   que je suis allé en visite chez mes beaux-parents pour y séjourner. Je n'ai

 23   pas quitté la maison. Je ne suis pas sorti en ville. Donc il n'y avait

 24   aucune raison que la police se mêle de mes affaires.

 25   Q.  Et est-ce que vous avez fait l'objet de menace de qui que ce soit

 26   lorsque vous étiez en Albanie ?

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

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  7  (expurgé)

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  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12   Q.  Quand avez-vous demandé à la MINUK qu'elle vous délivre un passeport ?

 13   R.  Je ne me souviens pas de la date précise, mais je pense que ça s'est

 14   passé en 2005. Mais je ne me souviens pas de la date précise. Ce passeport

 15   n'était valable que pour deux ans.

 16   Q.  C'est au lendemain de votre mariage que vous avez quitté le Kosovo. Ai-

 17   je raison de dire que ce passeport vous a été délivré avant votre mariage ?

 18   R.  Oui. Je ne me souviens pas exactement quand, mais je sais que j'avais

 19   sur moi un passeport de la MINUK.

 20   Q.  Avez-vous fait une demande de visa pour vous rendre (expurgé)

 21   (expurgé) ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Alors, comment pensiez-vous pouvoir entrer (expurgé) sans visa ?

 24   R.  Mais c'est ce que font tous les immigrés de partout dans le monde.

 25   Q.  Comment pensiez-vous pouvoir rentrer (expurgé), Monsieur ?

 26   R.  En échange d'une rémunération.

 27   Q.  En rémunérant qui, Monsieur ?

 28   R.  Ceux qui se chargent de ce type de choses.


Page 921

  1   Q.  Je voudrais éviter tout malentendu. Vous alliez payer pour obtenir un

  2   visa ou bien vous alliez donner de l'argent à un employé pour qu'il vous

  3   laisse passer.

  4  (expurgé)

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 12  (expurgé)

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 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16   R.  Le nom de cette personne ? Mais ce n'est pas un nom que l'on peut

 17   divulguer puisque c'est quelqu'un qui enfreint la loi. Donc je ne pense pas

 18   que je devrais rendre public son nom. Ce ne serait pas correct de ma part.

 19   M. HARVEY : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre souhaite passer à huis clos

 21   partiel.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 23   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Maître Harvey.

 26   M. HARVEY : [interprétation]

 27   Q.  Vous comprenez, Monsieur, nous sommes à huis clos partiel; par

 28   conséquent, le nom de cette personne que vous êtes en train de mentionner


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  1   ne sera pas connu du public. Je vous repose ma question : qui est la

  2   personne à qui vous avez donné l'argent pour vous rendre (expurgé) ?

  3   R.  Il s'appelle Perlat. Je ne connais pas son nom de famille. Il est

  4   d'Albanie, mais je ne vois pas à quoi cela peut vous être utile de

  5   connaître ce nom.

  6   Q.  Et comment avez-vous rencontré ce Perlat ?

  7   R.  Ma belle-famille m'a dit que si je voulais partir ailleurs, il y avait

  8   des moyens de le faire.

  9   Q.  Et votre épouse, est-ce qu'elle a fait ce voyage avec 

 10   vous ? Est-ce que vous l'avez fait de la même manière, ensemble ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous avez tous les deux été détenteurs d'un passeport de la MINUK à ce

 13   moment-là ?

 14   R.  Non. Mon épouse avait un passeport albanais.

 15   Q.  Et combien avez-vous donné à Perlat pour cela ?

 16   R.  Quinze mille euros.

 17   M. HARVEY : [interprétation] Pouvons-nous passer en audience publique à

 18   présent, s'il vous plaît.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 20   M. ROGERS : [interprétation] Avant cela, on a mentionné à plusieurs

 21   reprises les (expurgé) en audience publique. Je pense qu'il

 22   serait plus sage de l'expurger.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Greffier, tâchez

 24  d'expurger la mention du nom de (expurgé) à chaque fois que cela apparaît

 25   dans la partie dont la confidentialité sera levée.

 26   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous pouvons revenir en audience

 28   publique, s'il vous plaît.


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  1   M. HARVEY : [interprétation] Encore une chose, avant de le faire.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

  3   M. HARVEY : [interprétation] Pour que je ne refasse pas la même erreur, je

  4   souhaite dire quelque chose au témoin.

  5   Q.  Monsieur le Témoin, à l'avenir, je ne parlerai plus des (expurgé)

  6   (expurgé). Je dirai seulement le pays où vous vivez à présent. D'accord ?

  7   R.  D'accord.

  8   M. HARVEY : [interprétation] Nous pouvons revenir en audience publique.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Revenons en audience publique.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes revenus en audience publique.

 11   [Audience publique]

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Maître Harvey, vous avez la parole.

 14   M. HARVEY : [interprétation]

 15   Q.  Témoin, vous avez dit que vous avez donné 15 000 euros à un homme en

 16   échange de ses services; il vous a permis de vous rendre dans le pays où

 17   vous résidez maintenant ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et les 15 000 euros, ce sont vos beaux-parents qui vous ont donné cela,

 20   les membres de votre belle-famille, ou est-ce que vous avez obtenu cela par

 21   d'autres moyens ?

 22   R.  Tout le monde m'a aidé comme ils ont pu.

 23   Q.  Mais très précisément, quels sont les services que vous a rendus cette

 24   personne en échange pour ces 15 000 euros ? Comment entendiez-vous ce que

 25   cette personne allait faire pour vous ?

 26   R.  Je ne comprends pas lorsque vous dites "acheter". Je n'ai rien acheté.

 27   Je me suis rendu dans le pays où je vis actuellement.

 28   Q.  Monsieur le Témoin, normalement, j'achète un billet d'avion, je me


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  1   rends dans un pays, je présente mon passeport, on me laisse entrer ou,

  2   éventuellement, on me refuse le droit d'entrer. Donc, si vous vous êtes

  3   rendu dans ce pays où vous résidez maintenant, normalement, si vous aviez

  4   simplement présenté votre passeport de la MINUK, on ne vous aurait pas

  5   laissé entrer. Vous comprenez cela ?

  6   R.  Je le savais, mais cette personne a des moyens. Il m'a fourni un

  7   passeport et un visa. Je l'ai payé, et je ne me suis pas intéressé à savoir

  8   --

  9   Q.  Donc cette personne a fait le nécessaire pour que vous ayez un visa

 10   apposé dans votre passeport qui vous a permis d'entrer sur le territoire du

 11   pays où vous résidez maintenant ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et est-ce que vous avez fait la même chose pour votre épouse ou est-ce

 14   que votre épouse avait un visa en bonne et due 

 15   forme ?

 16   R.  Il a fait la même chose pour mon épouse.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous savons que le visa

 18   qu'a obtenu le témoin était un visa qui n'était pas obtenu selon les règles

 19   ?

 20   M. HARVEY : [interprétation] Bonne question. J'explorerai cela.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être qu'ils sont passés par une

 22   agence de voyage ou autre chose.

 23   M. HARVEY : [interprétation] Oui. Alors, essayons.

 24   Q.  Témoin, est-ce que vous avez rempli des formulaires pour obtenir ce

 25   visa ou est-ce que vous avez simplement donné de l'argent à cet homme ?

 26   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui --

 28   M. ROGERS : [interprétation] J'ai quelques inquiétudes par rapport aux


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  1   questions que pose mon confrère, à savoir ces questions et ces réponses

  2   peuvent influer sur une procédure qui se déroule éventuellement ailleurs.

  3   Donc je ne dis pas que ces questions ne sont pas correctes. Je dis

  4   simplement que cela peut avoir des conséquences pour le témoin en fonction

  5   de ses réponses. Peut-être qu'il faudrait mettre en garde le témoin par

  6   rapport au danger d'auto-incrimination.

  7   M. EMMERSON : [interprétation] Juste avant que Me Harvey ne réponde, à huis

  8   clos, il y a peu de temps, j'ai demandé à M. Rogers de nous dire quelle est

  9   la pertinence de ces questions qu'il a posées -- qu'il a commencé, lui, au

 10   sujet de l'immigration, et je vais vous en parler plus en avant avant la

 11   fin de l'audience d'aujourd'hui, parce que cela a à voir avec la question

 12   de la communication et des conséquences qui découleront de l'approche

 13   adoptée par M. Rogers. Donc il a commencé à poser ses questions à huis clos

 14   - cela a à voir avec la crédibilité du témoin - et que maintenant on soit

 15   obligé d'y mettre un terme, indépendamment des conséquences, cela est

 16   vraiment très regrettable.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez raison de dire que c'est à

 18   huis clos que M. Rogers en a parlé. Et maintenant, l'on continue avec ces

 19   questions en audience publique.

 20   M. EMMERSON : [interprétation] Je ne pense pas que M. Rogers avait l'air de

 21   dire qu'il fallait continuer à huis clos. Ce qu'il a fait valoir, c'est que

 22   le témoin devrait être mis en garde par rapport aux réponses --

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 24   M. EMMERSON : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous abordez maintenant cette question

 26   en disant ce que vous dites, mais M. Rogers a posé ces questions à huis

 27   clos.

 28   M. EMMERSON : [interprétation] Oui.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis simplement en train de vous

  2   dire que le contre-interrogatoire est mené maintenant en audience publique.

  3   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous ne pensez pas que cela

  5   fait une différence et que cette différence a peut-être incité M. Rogers à

  6   réagir ?

  7   M. EMMERSON : [interprétation] Non, pas du tout, cela ne fait aucune

  8   différence. M. Rogers a réagi parce que cette série de questions peut

  9   exposer le témoin à un certain nombre de conséquences dans le système où

 10   une procédure est en cours contre lui. Donc il a demandé que l'on passe à

 11   huis clos partiel.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 13   M. HARVEY : [interprétation] Je ne pense pas que j'aie ajouté quoi que ce

 14   soit suite aux remarques de Me Emmerson.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis d'accord.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Guy-Smith.

 17   Donc, Maître Emmerson, vous vous opposez à ce que l'on mette en garde le

 18   témoin, à savoir la requête formulée par M. Rogers ?

 19   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. HARVEY : [interprétation] Moi aussi.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers, vous êtes debout.

 23   M. ROGERS : [interprétation] Oui. Je voudrais simplement que l'on ne perde

 24   pas de vu les dispositions de l'article 90(E), à savoir que :

 25   "Tout témoin peut refuser de faire toute déclaration qui risquerait

 26   de l'incriminer…"

 27   Donc ce n'est pas simplement une requête que je suis en train de

 28   formuler. Je me permets de rappeler aux Juges de la Chambre qu'il convient


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  1   de porter à l'attention du témoin le fait qu'il a un droit. Et je n'ai pas

  2   besoin de faire une requête à cet effet. Donc il m'est simplement venu à

  3   l'esprit - et je ne cherchais pas à mettre fin à cette série de questions -

  4   simplement que ce serait une manière correcte d'aborder le témoin, ça lui

  5   permettrait de faire un choix en connaissance de cause, donc est-ce qu'il

  6   souhaite invoquer ce droit pour se protéger contre une auto-incrimination.

  7   Et si la Chambre détermine qu'il convient de l'obliger à répondre, eh bien,

  8   en considérant que cela serait pertinent et probant, à ce moment-là elle

  9   peut prendre cette décision. Mais l'on ne pourra pas utiliser sa réponse

 10   contre lui.

 11   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne vos pas en

 12   quoi cela ne serait pas une attitude correcte de ma part de demander à la

 13   Chambre de lui signaler qu'il a un droit qu'il pourrait invoquer --

 14   M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, je souhaite intervenir.

 15   Ç'aurait été une situation complètement différente si M. Rogers avait

 16   cherché à demander aux Juges de la Chambre d'en parler avant de poser au

 17   témoin la question qui était de savoir s'il a dit la vérité dans sa demande

 18   d'asile.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comme j'ai dit, cette question a

 20   été posée à huis clos, Maître Emmerson.

 21   M. EMMERSON : [interprétation] Mais cela n'a absolument aucune importance -

 22   -

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais cela serait diffusé au public à

 24   présent.

 25   M. EMMERSON : [interprétation] Mais cela n'a absolument pas de pertinence

 26   par rapport au fait de protéger le témoin contre l'auto-incrimination.

 27   M. ROGERS : [interprétation] Peut-être que cela est exact, mais cela ne

 28   signifie pas que le témoin n'a pas ce droit. Excusez-moi si j'aurais dû


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  1   faire la remarque avant.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne sais pas si nous allons continuer de

  3   parler de cela davantage, mais si cela est le cas, et M. Rogers s'en

  4   servira pour renseigner le témoin sur ses droits, je demanderais que le

  5   témoin sorte pendant que l'on en discute pour éviter qu'il y ait encore

  6   plus d'influence d'exercée sur le témoin.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre ne sait pas s'il va y avoir

  8   encore des débats là-dessus. La Chambre est prête à rendre sa décision.

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne le sais pas non plus. Mais j'essaie

 10   de limiter les dégâts sur le plan judiciaire.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Guy-Smith, de

 12   votre intervention.

 13   Est-ce que quelqu'un souhaite --

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande à présent que le témoin sorte.

 15   Nous avons un autre remède possible, mais je ne voudrais pas l'invoquer en

 16   présence du témoin.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Harvey, est-ce que vous

 18   souhaitez ajouter quelque chose ?

 19   M. HARVEY : [interprétation] Je comprends que c'est Me Guy-Smith qui

 20   souhaite ajouter quelque chose avant que la Chambre n'en décide. Je n'ai

 21   rien à ajouter moi-même.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pensais que Me Guy-Smith voulait

 23   simplement savoir s'il y avait autre chose.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que je peux reprendre la parole ? Je

 25   ne souhaite pas que l'on empiète sur les droits de qui que ce soit. C'est

 26   encore une fois la question des droits qui se pose. Donc, est-ce que je

 27   peux avoir une minute pour parler et pour que Me Harvey puisse formuler ses

 28   remarques finales.


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  1   [Le conseil de la Défense se concerte]

  2   M. HARVEY : [interprétation] Je vais d'abord entendre la décision de la

  3   Chambre.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, s'il vous

  5   plaît, nous rappeler l'objection qui a été soulevée.

  6   M. HARVEY : [interprétation] Je ne pense pas que c'était une objection en

  7   tant que telle. L'on a fait valoir qu'il allait y avoir une influence

  8   d'exercer sur le témoin éventuellement --

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Excusez-moi. Je vous remercie.

 10   La Chambre décide que le témoin a le droit d'entendre la mise en garde au

 11   titre du Règlement.

 12   La Chambre souhaite vous mettre en garde que vous avez le droit de refuser

 13   de faire toute déclaration ou de répondre à toute question qui risquerait

 14   de vous incriminer. La Chambre peut, toutefois, vous obliger à répondre

 15   même si une réponse risque de vous incriminer. Mais dans ce cas, aucun

 16   témoignage qui a été obtenu de la sorte ne pourrait être utilisé par la

 17   suite comme élément de preuve contre vous hormis dans le cas de poursuite

 18   pour faux témoignage. Est-ce que vous comprenez cela ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous comprenez pleinement

 21   vos droits ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Harvey.

 24   M. HARVEY : [interprétation] Si vous pouvez me donner quelques instants, je

 25   voudrais revenir à l'endroit où je me trouvais dans mon interrogatoire il y

 26   a de cela 15 minutes. Voilà. Pourrait-on passer à huis clos.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on passer à huis clos.

 28   M. HARVEY : [interprétation] Désolé, je voulais dire à huis clos partiel.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Alors, à huis clos partiel.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  3   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier

  5   d'audience.

  6   Oui, allez-y, Maître Harvey.

  7   M. HARVEY : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur le Témoin, vous êtes conscient, n'est-ce pas, que vous avez

  9   commis un délit au pénal lorsque vous avez payé cette somme de 15 000 euros

 10   pour que vous puissiez obtenir un visa ainsi que votre femme ? Vous

 11   comprenez qu'il s'agit d'un délit au pénal, n'est-ce pas ?

 12   R.  Je ne pense pas que l'on puisse qualifier cela d'un acte pénalement

 13   répréhensible que de payer de l'argent pour que votre vie soit sauve.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour que le compte rendu d'audience

 15   soit très clair, j'aimerais savoir si vous avez payé cet argent pour que

 16   votre femme et vous-même obtiennent un visa afin que vous vous rendiez aux

 17   (expurgé) ou -- pardon, pour pouvoir séjourner dans le pays où vous vivez.

 18   Je suis désolé, nous sommes à huis clos partiel, n'est-ce pas ?

 19   M. HARVEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc vous avez payé ceci juste pour

 21   vous ou pour vous et votre femme ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour deux personnes, pour moi-même et pour ma

 23   femme.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais vous faire

 26   part d'une autre préoccupation à ce stade. Il est possible qu'il soit

 27   nécessaire d'informer le témoin de son droit d'avoir accès à un conseil

 28   s'il souhaite ne pas répondre à une série de questions ou s'il répond à une


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  1   série de questions qui pourraient avoir des conséquences juridiques. Donc

  2   je m'en remets à vous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  4   si vous me le permettez, et encore une fois je ne sais pas si ceci devrait

  5   vraiment être dit devant le témoin, mais je vais essayer de rester aussi

  6   général que possible. Nous nous trouvons dans une situation à l'heure

  7   actuelle qui nécessite, entre autres, le fait de savoir si les questions

  8   qui font l'objet de réponses tombent sous le coup de certains articles du

  9   Règlement.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voulez dire le Règlement que nous

 11   venons de mentionner ?

 12   M. EMMERSON : [interprétation] Je suis désolé, je me dois d'intervenir

 13   parce qu'il me semble que cette discussion, avec tout le respect que je

 14   vous dois, ne devrait pas se tenir en présence du témoin. La situation est

 15   délicate, et s'il y a une discussion, je n'adopterai pas la même approche

 16   que Me Harvey. Et je pense que ce type de discussion, comme Me Guy-Smith

 17   l'a dit précédemment, ne devrait pas avoir lieu en présence du témoin.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourrait-on passer à huis clos, s'il

 19   vous plaît.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 21   Juges, nous sommes à huis clos.

 22   [Audience à huis clos] [Confidentialité partiellement levée par ordonnance de la Chambre]

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier

 24   d'audience.

 25   Monsieur le Témoin, il y a certaines questions que les avocats

 26   souhaiteraient aborder en votre absence. Je vous demande, par conséquent,

 27   de quitter le prétoire.

 28   [Le témoin quitte la barre]


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  1   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  2   alors que le témoin est en passe de quitter le prétoire, il serait peut-

  3   être utile que les différents conseils de la Défense disposent de quelques

  4   minutes pour aborder une question qui n'avait pas été prévue et qui est

  5   très importante. Je pense que ceci permettrait d'aider également les Juges

  6   de la Chambre, parce que ça nous permettrait également de nous entretenir

  7   entre --

  8   M. EMMERSON : [interprétation] Si vous me permettez. Peut-être que vous

  9   souhaitez répondre à Me Harvey, et ensuite j'aimerais également prendre la

 10   parole avant de passer à l'étape suivante.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, les Juges de la Chambre vous

 12   permettent de vous entretenir en privé.

 13   M. HARVEY : [interprétation] Merci.

 14   M. EMMERSON : [interprétation] Il y a deux aspects que je souhaiterais

 15   aborder. Tout d'abord, il y a une requête que je souhaiterais déposer.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'idée était que nous levions

 17   l'audience --

 18   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, mais la question est de savoir comment

 19   procéder. Il y a deux aspects que je voudrais aborder à ce stade qui ne

 20   sont pas directement liés à cela, mais qui doivent être abordés plutôt tôt

 21   que tard. Si vous me donnez un instant. Nous sommes à huis clos, n'est-ce

 22   pas ?

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Tout à fait.

 24   M. EMMERSON : [interprétation] On peut peut-être passer à huis clos

 25   partiel, mais peut-être que ça n'a aucune importance.

 26   Quoi qu'il en soit, tout d'abord, je voudrais vous déposer une requête pour

 27   rendre publique la page 40, ligne 13, à la page 41, ligne 22. C'est un

 28   passage durant lequel j'ai essayé d'obtenir des précisions auprès de M.


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  1   Rogers pour savoir s'il allait essayer d'obtenir des informations

  2   permettant de vérifier la crédibilité du témoin dans sa demande d'asile. Je

  3   me demandais quelle était la pertinence de cela. Et après quelques

  4   hésitations, il a dit en fait que ceci portait sur la crédibilité. Donc ma

  5   première demande est que ces passages deviennent des passages en audience

  6   publique.

  7   Deuxième remarque -- à ce stade, il s'agit d'une remarque et rien de plus.

  8   Mais je crois qu'il est bon de coucher ceci sur papier, c'est-à-dire sur le

  9   compte rendu d'audience, et je demanderais peut-être que ce passage soit en

 10   audience publique, en vertu de l'article 68 bis :

 11   "La Chambre de première instance peut décider d'office ou à la demande

 12   d'une partie des sanctions à infliger à une partie qui ne s'acquitte pas

 13   d'obligation de communication que lui impose le Règlement…"

 14   M. Rogers a confirmé, en ce qui concerne cette demande d'asile qui est

 15   toujours pendante, que ceci avait une importance quant à la crédibilité de

 16   ce témoin. Ce matin, d'après ce que j'avance avec quelque peu

 17   d'insincérité, il a essayé de persuader les Juges de cette Chambre qu'on

 18   pourrait dire que cette lettre qu'il avait écrite personnellement pour

 19   faire avancer la demande d'asile ne relevait pas des documents ou des

 20   éléments qui doivent être communiqués en vertu de l'article 68. M. Rogers a

 21   confirmé que les termes qui ont été abordés doivent également être

 22   pertinents pour la crédibilité. En fait, M. Rogers n'a fait que mentionner

 23   une évidence. Et je pense que je me dois de lui dire que je vais inviter

 24   les Juges de cette Chambre à faire usage de ses pouvoirs en vertu de

 25   l'article 68 bis, à moins qu'il soit en mesure de fournir une explication

 26   appropriée à ce sujet. Je voulais simplement lui donner la possibilité de

 27   le faire, et je voulais que ceci soit couché sur le compte rendu

 28   d'audience.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons faire une pause. Il nous

  2   restait 20 minutes avant la pause. Je ne sais pas combien de temps il va

  3   vous falloir. Si votre consultation est rapide, c'est-à-dire si vous

  4   terminez vos discussions avant 16 heures 45, rappelez-nous, mais si nous

  5   n'entendons rien, eh bien, nous partirons du principe que la pause a été

  6   prolongée de 20 minutes.

  7   M. HARVEY : [interprétation] Merci. Je vous en suis très reconnaissant.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La séance est levée pour l'instant.

  9   --- L'audience est suspendue à 16 heures 56.

 10   --- L'audience est reprise à 17 heures 46.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant notre pause, nous avions demandé

 12   au témoin de quitter le prétoire parce que des discussions allaient avoir

 13   lieu dans le prétoire. Et d'ailleurs, à huis clos, n'est-ce pas ? Ai-je

 14   raison ?

 15   M. HARVEY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

 16   Président, Messieurs les Juges. Et suite à ces discussions, vous avez eu

 17   l'amabilité de nous donner la possibilité de nous entretenir entre nous au

 18   niveau des trois Défenses. C'est ce que nous avons fait. Nous sommes

 19   arrivés à une conclusion vers 17 heures 11 et nous nous sommes dit qu'il

 20   était trop tard de faire revenir le témoin, puisqu'il faut baisser les

 21   stores et puis les remonter; par conséquent, nous avons eu une pause plus

 22   longue que prévue, et nous vous en remercions.

 23   La conclusion de nos discussions sera notre position. Bien sûr, ce sera à

 24   vous de nous dire quelle est la vôtre. Nous pensons que ce témoin a été

 25   suffisamment mis en garde et il a mentionné qu'il avait bien compris cette

 26   mise en garde, et, par conséquent, nous ne pensons pas que ce soit

 27   nécessaire de le mettre en garde encore une fois. Par conséquent, nous vous

 28   en remettons à vous, vous continuerez à étudier la situation. Mais à ce


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  1   stade, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de prendre des mesures

  2   supplémentaires par rapport à celles qui ont déjà été prises.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce que vous nous dites, Maître Harvey,

  4   c'est que les Juges de cette Chambre n'ont pas besoin de remettre en garde

  5   le témoin, mais qu'on devrait peut-être le faire ultérieurement ?

  6   M. HARVEY : [interprétation] Vous savez, une Chambre de première instance

  7   peut toujours envisager de nouvelles mesures, mais nous ne pensons pas que

  8   ce sera nécessaire. C'est ainsi que je vois les choses. Est-ce que je ne

  9   suis pas suffisamment clair ?

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pas vraiment, non.

 11   M. HARVEY : [interprétation] Alors, je vais être un peu plus clair. Selon

 12   nous, il n'est pas nécessaire de demander au témoin s'il souhaite recourir

 13   à un conseil ou un avocat. Vous l'avez mis en garde et nous avons vu qu'il

 14   l'était au compte rendu d'audience, à savoir qu'il comprenait tout à fait

 15   quelle était la situation juridique dans laquelle il se trouvait. Et, par

 16   conséquent, à ce stade, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de le

 17   mettre en garde plus avant ni de lui donner d'autres instructions, quelles

 18   qu'elles soient.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous n'êtes pas plus clair. En

 20   disant il n'est pas nécessaire, selon vous, d'inviter le témoin de se

 21   pencher sur la question, de savoir s'il souhaiterait contacter un avocat,

 22   est-ce que vous nous amenez à comprendre que vous n'allez pas poser de

 23   questions qui nécessiteraient que le témoin fasse appel à un avocat ?

 24   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je veux dire,

 25   c'est que je ne pense pas que les questions que je vais poser au témoin

 26   nécessiteront qu'il fasse appel à un avocat.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je croyais, Maître Harvey, que

 28   vous parliez au nom des trois équipes de la Défense.


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  1   M. HARVEY : [interprétation] Non, je pense que c'est la position des trois

  2   équipes de la Défense. Je ne pense pas qu'il y ait de différence de

  3   position au niveau des trois équipes de la  Défense. Nous ne pensons pas

  4   que les questions que nous allons poser vont déclencher au niveau du témoin

  5   le besoin de faire usage de ses droits, et notamment de son droit à faire

  6   appel à un avocat.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.

  8    [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le fait que Me Guy-Smith se soit levé

 10   signifie-t-il que Me Guy-Smith veut également rajouter quelque chose par

 11   rapport à ce que vous avez dit ?

 12   M. HARVEY : [interprétation] Oui, je m'en remets toujours à la sagesse de

 13   Me Guy-Smith.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous avez demandé si nous allions poser des

 16   questions qui déclencheraient le besoin de la part du témoin de faire appel

 17   à un avocat.

 18   Je crois que la première question est plutôt que nous espérons que ce

 19   ne sera pas le cas. Mais compte tenu du contre-interrogatoire, compte tenu

 20   du stade où nous nous trouvons dans ce contre-interrogatoire, je pense

 21   qu'il y a des questions qui risquent d'être posées et qui pourraient peut-

 22   être nécessiter une nouvelle mise en garde ou peut-être pas. Mais je ne

 23   peux pas non plus prévoir ce qui va se passer, puisque je ne connais pas la

 24   totalité des points qui seront abordés dans le cadre du contre-

 25   interrogatoire de Me Harvey. Mais étant donné que l'on veut être très

 26   prudents, je ne veux pas que l'on se trouve dans une situation où nous nous

 27   sommes engagés à poser des questions qui pourraient amener le témoin à

 28   s'incriminer.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais faire une brève remarque.

  2   J'ai posé cette question, mais avec beaucoup d'hésitation, car je ne pense

  3   pas que ce soit aux Juges de cette Chambre d'établir des limites au domaine

  4   du contre-interrogatoire --

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce n'est pas comme cela que j'ai compris

  6   votre question.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je voulais que ceci soit consigné

  8   au compte rendu d'audience pour démontrer que ce n'était pas l'intention

  9   des Juges de la Chambre.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je n'ai pas eu l'impression qu'il

 11   s'agissait de l'intention des Juges de la Chambre. Mais de la même manière,

 12   je ne voulais pas que les Juges de cette Chambre aient l'impression qu'ils

 13   ne comprennent pas complètement la situation dans laquelle nous nous

 14   trouvons.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Emmerson.

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais que l'on soit très clairs. Il

 17   n'y a aucune différence dans les positions des trois équipes de la Défense.

 18   Pour l'instant, les conditions ne sont pas remplies, conditions qui

 19   signifieraient qu'il serait nécessaire de faire appel à un avocat pour le

 20   témoin. Ceci ne se produirait que si les Juges de la Chambre ordonnaient au

 21   témoin de répondre à une question, question à laquelle le témoin ne

 22   souhaiterait pas répondre ou alors si le témoin se trouverait dans une

 23   situation d'outrage au Tribunal. Mis à part ces deux situations que je

 24   viens de mentionner, il n'y a, selon nous, aucune autre situation qui

 25   justifierait l'appel d'un avocat pour représenter ou pour conseiller le

 26   témoin durant le cadre de sa déposition.

 27   Mais en même temps, je ne pense pas que les conseils de la Défense,

 28   quels qu'ils soient, aient envisagé de réduire le périmètre de leurs


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  1   questions dans le contre-interrogatoire pour éviter le risque que le témoin

  2   se trouve dans la situation où il risquerait d'être incriminé. Nous entrons

  3   dans une série de questions où le problème se fera peut-être ressentir.

  4   Maintenant, ce sera à vous, Messieurs les Juges, de décider si vous lui

  5   ordonnez de répondre à ces questions ou pas. Mais nous ne sommes pas encore

  6   là, loin de là d'ailleurs, mais si tel était le cas, nous le verrons, car

  7   pour l'instant, c'est beaucoup trop prématuré. Mais compte tenu du

  8   caractère sensible des différentes questions, on ne devrait envisager cette

  9   question que si cela s'avère nécessaire. Parce que ceci risque d'avoir des

 10   conséquences sur l'impact du contre-interrogatoire et, par conséquent, ne

 11   permettrait pas aux Juges de cette Chambre de faire toute la lumière sur ce

 12   procès.

 13   Je voudrais rajouter quelque chose. J'avais fait une demande pour rendre

 14   publiques les pages 40, ligne 13, à la page 41, ligne 22, et j'avais invité

 15   M. Rogers à s'expliquer.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Emmerson, procédons une

 17   chose après l'autre. Je vous demande de faire preuve d'un peu de patience

 18   et d'attendre que nous en ayons terminé avec cette question avant de passer

 19   à la suivante.

 20   Vous avez dit que :

 21   "Mis à part les deux situations que vous avez mentionnées, il n'y a aucun

 22   cas qui est prévu par le Règlement de procédure et de preuve, mis à part

 23   ces deux-là, justifiant la nomination d'un conseil qui représenterait ou

 24   qui conseillerait le témoin durant le cadre de son interrogatoire ou de sa

 25   déposition."

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne voudrais pas retarder

 28   l'évolution des débats, et j'accepte donc les garanties des conseils, à


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  1   savoir qu'il n'est pas nécessaire de mettre en garde le témoin. Je vous

  2   prie de m'excuser, avant de ce faire, je voudrais savoir si M. Rogers veut

  3   rajouter quelque chose.

  4   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers.

  6   M. ROGERS : [interprétation] Quel sujet voulez-vous que j'aborde étant

  7   donné que plusieurs sujets ont été abordés ? Est-ce que vous voudriez que

  8   j'aborde la question de l'article 90 --

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, l'article 90 -- enfin, je pensais

 10   qu'on voulait que le témoin --

 11   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En fait, c'était la question de

 13   savoir si le témoin pourrait faire appel à un avocat.

 14   M. ROGERS : [interprétation] Oui. Je pense que pour l'instant c'est aux

 15   Juges de la Chambre d'en décider. Afin de pouvoir jouir de ce droit qui lui

 16   est conféré, il faut le mettre en garde au moment où on peut commencer à

 17   jouir de ce droit. Et à ce stade, compte tenu du type de questions qui sont

 18   posées par les conseils de la Défense, si vous, Monsieur le Président,

 19   Messieurs les Juges, vous avez l'impression que des questions pourraient

 20   amener le témoin à s'auto-incriminer vous pourrez lui rappeler quels sont

 21   ses droits; parce que sinon, on pourrait présumer que c'est au témoin de se

 22   rendre compte du moment où il commence à s'auto-incriminer. Etant donné

 23   qu'on ne parle pas, en fait, d'auto-incrimination dans ce Tribunal, mais au

 24   sein d'autres systèmes juridiques, nous rentrons dans des conjectures car

 25   nous ne savons pas exactement à quel moment cette auto-incrimination va

 26   avoir lieu. Donc, si vous pensez, Monsieur le Président, Messieurs les

 27   Juges, que ce cas de figure se profile à l'horizon, il serait peut-être

 28   prudent de le mettre en garde et de lui demander s'il veut faire usage de


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  1   ce droit. Et vous pouvez, bien sûr, également lui ordonner de répondre aux

  2   questions si vous le jugez nécessaire. Et ensuite, les questions ne

  3   pourront pas être retenues contre lui, si j'ai bien compris le système --

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux vous interrompre ?

  5   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il semble que vous parliez de

  7   l'article 90(E).

  8   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je voulais que vous abordiez la

 10   question d'un avocat qui pourrait être utilisé par le témoin.

 11   M. ROGERS : [interprétation] Oui. Mais en fait, ceci est lié à l'article

 12   90(E). Vous êtes en mesure de cadrer le témoin suffisamment pour décider du

 13   moment où il est nécessaire de le mettre en garde au cas où il commencerait

 14   à s'auto-incriminer et de lui rappeler qu'il peut faire usage d'un avocat.

 15   Sinon, il faut nommer un avocat immédiatement. Parce qu'il peut, bien sûr,

 16   jouir de ce droit s'il vous dit : Moi je voudrais faire appel à un avocat.

 17   Mais vous pouvez également lui ordonner de répondre à une question. Mais

 18   vous devez également autant l'avertir ou le mettre en garde qu'il peut

 19   s'auto-incriminer, donc vous pouvez lui dire qu'il peut faire usage de ce

 20   droit ou pas. J'essaie de faire preuve de pragmatisme, parce qu'à partir du

 21   moment où l'on nomme quelqu'un qui va être assis à côté de lui, il va se

 22   trouver dans la même position que tous ceux qui sont présents dans ce

 23   prétoire.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je comprends bien. Ou du moins,

 25   si je vous comprends bien, vous allez transformer les Juges de cette

 26   Chambre en conseillers juridiques du témoin et on lui rappellera quels sont

 27   ses droits en vertu de l'article 90(E), et simplement parce qu'on l'aura

 28   mis en garde, peut-être pas parce qu'il se sent menacé, mais simplement


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  1   parce que l'on aura mis en garde, il va dire : Dans ce cas-là, je voudrais

  2   faire usage d'un avocat. Par conséquent, étant donné que nous l'avons mis

  3   en garde, je ne pense pas que ce soit vraiment approprié que de demander

  4   aux Juges de cette Chambre de continuer à jouer le rôle de conseillers

  5   juridiques. Si vous pensez qu'il est nécessaire d'avoir un conseiller

  6   juridique, eh bien, dans ce cas-là, il faut qu'on nomme quelqu'un qui

  7   officiera en tant que tel. Et en tant que conseiller juridique, dans ce

  8   cas-là, ce sera cette personne qui lui dira : Je vous conseille de ne pas

  9   répondre.

 10   Mais en tant que maîtres de cérémonie ici, les Juges de la Chambre ne vont

 11   pas toujours être en mesure ou juger qu'il est bon de mettre en garde el

 12   témoin en disant : On vous a posé telle ou telle question et nous vous

 13   rappelons quels sont vos droits.

 14   Me Emmerson a dit qu'il n'y avait rien dans le Règlement qui prévoyait la

 15   nomination d'un conseil. Etes-vous en mesure de confirmer cela ?

 16   M. ROGERS : [interprétation] Non, je ne suis pas en mesure de le faire

 17   parce que je n'ai pas vraiment étudié la question. Mais dans mon propre

 18   pays, les juges, très souvent, vont mettre en garde un témoin dans des

 19   situations difficiles s'ils pensent que les témoins peuvent s'auto-

 20   incriminer. Mais dans mon système juridique, c'est un privilège absolu, si

 21   le témoin décide de refuser de répondre, il ne répondra pas. Ici, ce n'est

 22   pas le cas. Vous pouvez ordonner au témoin de répondre, mais toute réponse

 23   ne peut pas être retenue contre lui. Donc c'est ma propre expérience dans

 24   des situations similaires --

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais j'ai eu des expériences ici où

 26   vous avez un témoin, mais il n'y a jamais eu de discussion auparavant dans

 27   ces cas-là où on se demandait si, oui ou non, il devait déposer en présence

 28   d'un conseil juridique.


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  1   M. ROGERS : [interprétation] Oui, je sais que cela s'est passé ici

  2   également, mais sans avoir eu la possibilité de me pencher sur la

  3   jurisprudence, je n'ai pas vraiment de réponse immédiate à la question de

  4   l'auto-incrimination. Mais je sais qu'il y a eu des cas de déposition avec

  5   un contrôle -- un rôle limité d'un avocat.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais dans ce procès même, nous avons

  7   eu M. Karnavas qui était présent lors de la déposition de M. Kabashi --

  8   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, mais il était dans une procédure

  9   d'outrage au Tribunal, et Me Karnavas était le conseil de la Défense dans

 10   cette procédure d'outrage au Tribunal.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais il n'était pas en outrage au

 12   Tribunal devant nous.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais c'était en fait une procédure

 14   d'outrage au Tribunal qui était pendante.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais il aurait pu se trouver dans une

 17   situation -- il y a toujours eu des nominations lorsqu'il y avait des

 18   procédures d'outrage au Tribunal où des actes d'accusation qui étaient en

 19   passe d'être publiés et concernant les témoins à proprement parler. Mais il

 20   y a également l'autre question qui reste entière. M. Rogers n'avait pas

 21   parlé de la totalité de l'article, à savoir que "cela ne peut pas être

 22   retenu contre le témoin sauf pour faux témoignage."

 23   Et c'est là où nous risquons de nous trouver dans une situation difficile.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En effet --

 25   M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que je peux vous aider en ce qui

 26   concerne les articles. Ce n'est pas très compliqué. Quand on parle de la

 27   désignation d'un conseil pour un témoin, c'est assez simple, c'est évoqué à

 28   l'article 77, qui dit clairement qu'une personne dont on croit, de prime à


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  1   bord, qu'il est coupable d'outrage peut être représentée par un conseil, et

  2   s'il est indigent, au (F), on peut lui désigner un conseil en application

  3   de l'article 45. Voici ce qui en est pour ce qui est des cas d'outrage.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, de défense en cas d'outrage ?

  5   M. EMMERSON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Juge. Alors,

  6   c'était assez inusité avec M. Kabashi. En effet, Me Karnavas avait été

  7   désigné pendant le premier procès, après qu'il eût été déterminé qu'à

  8   première vue M. Kabashi était coupable d'outrage. Il a continué à le

  9   représenter parce que M. Kabashi a été ramené au siège du Tribunal, il

 10   était venu ici en qualité de témoin et il était aussi accusé d'outrage, et

 11   Me Karnavas l'a représenté aujourd'hui devant une autre Chambre en ce même

 12   jour. Pour ce qui est de la présence de Me Karnavas dans le prétoire, et on

 13   peut se demander s'il a dépassé le rôle qui lui revenait, mais ce n'est pas

 14   ici le propos. Il pouvait être le conseil de Kabashi pour outrage, mais

 15   nous avons une situation unique puisque nous avons un nouveau procès, donc

 16   il était fort probable que M. Kabashi récidive et devienne de nouveau

 17   coupable d'outrage. Bon, il se peut qu'il était ici assis dans ce prétoire,

 18   mais Me Karnavas le représentait pour l'outrage.

 19   Alors, maintenant, parlons en théorie d'une situation où vous auriez

 20   un conseil indépendant qui soit désigné pour ce présent témoin ou, comme

 21   vous le proposez, Monsieur Rogers, que vous fassiez office de l'avocat et

 22   que chaque fois qu'une question posée, vous disiez qu'il a le droit de ne

 23   pas répondre. Rappelez-vous le 90(F) pour recadrer correctement ceci, pour

 24   que vous sachiez ce qui se passe véritablement ici. Que dit le 90(F) ? Il

 25   dit, aussitôt après le 90(E), donc l'auto-incrimination :

 26   "La Chambre va régir les modalités de déposition de façon à ce que :

 27   "(1) de façon à rendre l'interrogatoire et la présentation des

 28   éléments de preuve efficaces pour l'établissement de la vérité; et


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  1   (2) d'éviter toute perte de temps inutile…"

  2   C'est dit de façon générale, mais soyons précis. Quel est le contexte

  3   ? A huis clos, M. Rogers a cherché à obtenir des réponses du témoin à

  4   propos de la véracité ou non-véracité de certaines choses qu'il avait dites

  5   aux autorités d'un Etat donné. Et à sa connaissance, les réponses reçues ne

  6   correspondent pas aux dires du témoin faits au bureau du Procureur dans le

  7   cadre de la préparation à cette déposition. C'est carrément contradictoire,

  8   à telle enseigne qu'il a dit qu'il avait menti au Procureur alors qu'il

  9   vous a dit à vous qu'il avait dit la vérité. M. Rogers a essayé d'obtenir

 10   [imperceptible]. Vous avez l'obligation d'assurer l'équité du procès, et ce

 11   serait honteux que ces informations erronées ne puissent pas être

 12   rectifiées grâce au contre-interrogatoire, d'autant que M. Rogers, en

 13   posant ces questions, a bien vu la pertinence de la question de la

 14   crédibilité, alors que lui ne nous a pas dévoilé certaines choses qui

 15   étaient pourtant essentielles. Donc ça ne fait pas l'ombre d'un doute ici,

 16   et personne ne demande un conseil, d'ailleurs.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Petit corollaire ou aparté, Maître

 18   Emmerson, pendant la pause, on m'a dit que vous parliez trop vite.

 19   M. EMMERSON : [interprétation] Cela n'est pas la première fois qu'on me le

 20   dit.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous demande de ralentir parce que

 22   vous parlez un rien trop vite pour les interprètes.

 23   Voici ce que nous allons faire. Il n'est pas nécessaire de désigner à ce

 24   stade de la procédure un conseil à l'attention du témoin, et nous allons

 25   réagir au fur et à mesure au fil des questions. Je ne suis pas tout à fait

 26   convaincu qu'un témoin n'a le droit d'avoir un conseil que s'il est accusé

 27   d'outrage devant une autre Chambre ou ailleurs. Je pense que si la

 28   personne, effectivement, où que ce soit, risque de s'incriminer, elle a le


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  1   droit d'être défendu. Enfin, ça, c'est mon avis, disons, spontané. Ce n'est

  2   pas une idée réfléchie.

  3   M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais avoir d'autres arguments à vous

  4   présenter avant que vous ne vous fassiez un avis définitif.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De toute façon, ce n'est pas la

  6   question qui se pose maintenant. Pour l'heure, nous allons poursuivre les

  7   débats et demander que le témoin revienne dans le prétoire, en supposant

  8   qu'il ne sera pas nécessaire de mettre en garde le témoin à nouveau.

  9   M. EMMERSON : [interprétation] Alors, vous ne voulez pas trancher. Qu'en

 10   sera-t-il de la demande de communication en audience publique et de la

 11   demande qui avait été faite par nous de demander une réponse et une

 12   explication à M. Rogers ?

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une réponse, Monsieur Rogers ?

 14   M. ROGERS : [interprétation] Dans ce passage mentionné, il est fait état de

 15   la demande d'asile et de la demande faite auprès de l'Etat concerné. Mais

 16   mis à part cela, moi personnellement, je ne discerne aucune difficulté. Je

 17   ne suis pas d'accord, bien entendu, avec l'interprétation que vous livre Me

 18   Emmerson de ce passage. Il y a, à mes yeux, une différence très nette entre

 19   la crédibilité s'agissant de ce qui était inscrit dans les documents de la

 20   demande d'asile, qui vont faire l'objet d'un contre-interrogatoire par la

 21   Défense, documents qui ont été fournis à la Défense par l'Accusation

 22   précisément pour que la Défense puisse faire son contre-interrogatoire,

 23   parce qu'il y a une différence entre ce qu'il a dit dans sa déclaration

 24   préalable au bureau du Procureur et le contenu des formulaires et documents

 25   qu'il a fournis aux autorités (expurgé), et je pense particulièrement

 26   à des entretiens qu'il a eus avec (expurgé). C'est

 27   manifestement important pour déterminer sa crédibilité. Mais les mêmes

 28   critères, à mon avis, ne s'appliquent pas à la lettre écrite pour des


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  1   raisons que je vous ai déjà explicitées. A notre avis, il s'agit de deux

  2   sujets différents. Avec beaucoup d'adresse, Me Emmerson essaie de faire

  3   l'amalgame, mais il faut bien voir que ce sont deux questions distinctes

  4   qui découlent de deux demandes distinctes et de circonstances qui le sont

  5   aussi. Je vous ai dit pourquoi il en était ainsi pour la lettre. A mon

  6   avis, ceci ne découlait pas du tout de l'article 68 à l'époque, et je reste

  7   de cet avis. Je peux vous donner la lettre que j'ai écrite, je vous la

  8   fournirai en fin de journée, et vous verrez comment elle a été écrite. Elle

  9   abordait deux sujets distincts. Elle était purement factuelle. Un individu

 10   a fourni une déclaration, la lettre explique ce que ce monsieur a dit et

 11   qu'en réponse aux questions posées par l'avocat, donc la peur de

 12   persécutions, il était impossible pour nous de faire un commentaire, nous

 13   n'étions d'ailleurs pas en mesure de le faire, mais je pouvais dire que

 14   toute immixtion éventuelle était quelque chose qui forçait tout ce qu'il y

 15   avait. Tout avait déjà été inscrit dans le compte rendu public, et il n'y

 16   avait rien de plus que ce que nous avions demandé dans les requêtes pour

 17   obtenir des mesures de protection. Pour nous, ceci ne concerne pas du tout

 18   l'application de l'article 68.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais la question dont est saisie la

 20   Chambre c'est celle-ci : faut-il rendre public le compte rendu de la ligne

 21   13 de la page 40 à la page 41, ligne 2 [comme interprété] ? Alors, qu'avez-

 22   vous à dire à ce propos ?

 23   M. ROGERS : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 25   M. ROGERS : [interprétation] Mis à part la référence faite à l'Etat en

 26   question, lignes 20 et 21 de la page 40 - je veux m'assurer que je ne me

 27   trompe pas - je n'entrevois aucun problème.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] O.K.


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  1   M. ROGERS : [interprétation] Mais je voulais, Messieurs les Juges, que vous

  2   compreniez mon raisonnement, car je ne suis pas d'accord avec

  3   l'interprétation que vous a donnée Me Emmerson, d'après mes dires tels

  4   qu'il les a rapportés.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ça, ça concerne le deuxième volet

  6   de sa requête.

  7   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc vous, vous vous expliquez.

  9   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je voulais d'abord poser la

 11   question du caractère public ou pas de ce passage. Vous ai-je bien compris

 12   : mis à part le nom du pays, pas d'objection ?

 13    M. ROGERS : [interprétation] Je me tourne vers mes collègues pour voir si

 14   elles ont un problème -- apparemment pas, pas de problème.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Permettez-moi une brève réponse. Je crois

 17   que M. Rogers sait quelle question je pose. S'il ne le sait pas, il aurait

 18   dû comprendre depuis le temps. Et pourquoi est-ce que je vous demande de

 19   vous concentrer sur cette question, et j'invoquerais aussi le 68 bis,

 20   comment la demande d'asile à propos de laquelle le témoin reconnaît avoir

 21   menti, pourquoi est-ce que cela est important pour sa crédibilité, alors

 22   que la lettre de M. Rogers adressée à l'avocat qui essaie toujours de lui

 23   obtenir cet asile, ce droit de réfugié nonobstant ces lignes, que cette

 24   lettre ne serait pas pertinente pour établir la crédibilité du témoin ?

 25   Comment peut-on dire qu'un l'est, et l'autre pas du tout ?

 26   Alors, s'il a raison, si ce n'est pas le document relevant du 68,

 27   pourquoi est-ce qu'il l'a communiqué ?

 28   M. ROGERS : [interprétation] Mais parce que nous avons répondu à une


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  1   demande de Me Harvey, une demande précise qui concernait précisément la

  2   procédure de demande d'asile, c'est pour cela qu'on lui a communiqué ces

  3   documents. Il a posé une question précise, et par souci qu'équité, nous

  4   nous sommes dit qu'il était bon de fournir la lettre afin qu'on sache

  5   clairement ce qui s'était passé. Mais ce n'était pas parce qu'à mon avis

  6   ceci était tout à fait dépourvu de pertinence s'agissant de la question de

  7   la crédibilité. Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation que vous

  8   donne Me Emmerson. Il s'efforce d'obtenir un accord de ma part, mais

  9   malheureusement, nous devrons nous accorder à maintenir ce désaccord. Car

 10   ce sont des circonstances distinctes.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il faut en terminer de cet échange.

 12   Vous avez donné votre explication. Vous nous avez dit que : à l'exception

 13   de la mention du pays à la page 40, ligne 13 jusqu'à ligne 2 de la page 41,

 14   il faudrait caviarder toute mention du nom d'un pays précis. Ceci étant

 15   réalisé, je pense qu'on pourra rendre publique cette partie-là du compte

 16   rendu d'audience. 

 17   Oui, Monsieur Rogers.

 18   M. ROGERS : [interprétation] Avant de revenir en audience publique,

 19   j'aimerais fournir une copie de la lettre que j'ai écrite aux Juges de la

 20   Chambre. Parce que la Défense en dispose déjà.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que nous pouvons faire venir

 22   le témoin.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que cette lettre va être versée au

 24   dossier maintenant qu'elle a été fournie aux Juges ?

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Personne n'en a demandé le versement.

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il y a toujours une demande de Me Harvey

 27   pour que la lettre de l'avocat chargé des questions d'immigration soit

 28   versée, et je pense qu'il est important pour avoir le contexte complet, une


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  1   copie.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce sera fait en temps et en heure. Le

  3   moment voulu.

  4   Maintenant nous attendons la venue du témoin.

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  6   [Le témoin vient à la barre]

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-nous de vous voir fait

  8   attendre. Vous pouvez vous installer.

  9   Maître Harvey.

 10   M. HARVEY : [interprétation] Sommes-nous en audience publique ?

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

 12   M. HARVEY : [interprétation] Revenons en audience publique, s'il vous

 13   plaît.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Revenons en audience publique.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique. 

 16   [Audience publique]

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 18   Maître Harvey.

 19   M. HARVEY : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur le Témoin, à la fin de votre déposition ici, est-ce que vous

 21   avez l'intention de retourner dans le pays où vous résidez, d'où vous êtes

 22   venu ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous avez un avocat qui vous défend dans le cadre d'une procédure qui

 25   concerne votre statut d'immigré dans ce pays ?

 26   R.  Oui, j'ai un avocat.

 27   Q.  Vous savez, n'est-ce pas, que vous n'avez pas le droit de quitter ce

 28   pays sans qu'il y ait une demande expresse faite auprès des autorités qui


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  1   gèrent les questions d'immigration et qui peuvent vous autoriser à partir ?

  2   Vous le savez, n'est-ce pas ?

  3   R.  Le bureau chargé des immigrations m'a donné son autorisation.

  4   Q.  Et qui vous a délivré cette autorisation ?

  5   R.  Je ne le sais pas. L'on m'a convoqué, je me suis rendu quelque part et

  6   j'ai retiré mon autorisation.

  7   Q.  Est-ce que vous savez si le bureau du Procureur ou une autre instance

  8   de ce Tribunal a fourni des éléments à l'appui de votre demande

  9   d'autorisation de quitter le territoire ?

 10   R.  L'on m'a dit de me rendre là pour prendre l'autorisation, que l'on m'a

 11   remise, pour que je puisse me rendre ici avant de retourner dans ce même

 12   pays.

 13   Q.  Qui vous a dit d'aller chercher cette autorisation ?

 14   R.  C'était l'employé chargé des immigrations.

 15   Q.  En avez-vous parlé avec votre avocat ?

 16   R.  Non, je n'en ai pas parlé avec mon avocat. Je ne sais pas qui s'est

 17   occupé de cela. On m'a simplement dit de me rendre là où j'allais pouvoir

 18   retirer mon autorisation.

 19   Q.  Nous sommes le 31 août. Vous êtes arrivé à La Haye il y a une semaine,

 20   n'est-ce pas ? Le 22, lundi, ou avant cela ?

 21   R.  C'était un dimanche quand je suis arrivé ici.

 22   Q.  Et pendant les trois jours qui ont suivi, lundi, mardi et mercredi, le

 23   22, le 23 et le 24 août, vous avez eu plusieurs entretiens avec le bureau

 24   du Procureur ici, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, l'on m'a questionné

 26   Q.  Plusieurs fois pendant ces trois jours; exact ?

 27   R.  Oui, c'est quelque chose comme ça.

 28   Q.  Le lundi 22 août, vous avez vu Barbara Goy, un interprète et un


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  1   enquêteur, Roel Versonnen; exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et ce jour-là, à cette occasion-là, votre entretien a duré combien de

  4   temps ?

  5   R.  Je ne m'en souviens pas. Peut-être 15 minutes, 30 minutes. Je n'ai pas

  6   regardé l'heure.

  7   Q.  Est-ce que vous avez examiné des documents avec eux ?

  8   R.  Non. Je les ai rencontrés. Ils m'ont demandé comment s'était passé mon

  9   voyage, et il n'y avait pas besoin que je regarde de nouveau les documents

 10   que j'avais fournis précédemment. Parce que je me souvenais de tout.

 11   Q.  Non, mais ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Avez-vous parlé avec

 12   eux de la teneur d'un document quelconque la semaine dernière, ce lundi-là

 13   ?

 14   R.  Mais de quel document parlez-vous ?

 15   Q.  Je n'étais pas présent, Monsieur, donc c'est une question que je vous

 16   pose. Avez-vous parlé de quelque document que ce soit avec eux ?

 17   R.  Les documents que j'avais, les déclarations que j'ai données, il n'y

 18   avait pas besoin d'en parler avec qui que ce soit. Je me souviens de ce qui

 19   s'est passé et je sais ce qui s'est passé.

 20   Q.  Donc êtes-vous en train de dire aux Juges de ce Tribunal que vous

 21   n'avez pas parlé avec la Procureur Barbara Goy et avec l'enquêteur Roel

 22   Versonnen lundi dernier de ces documents ?

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que le témoin a dit qu'ils se

 24   sont vus pendant 15 ou 30 minutes.

 25   M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi, je vais reformuler.

 26   Q.  Témoin, est-ce que vous êtes en train de dire aux Juges de la Chambre

 27   que vous n'avez parlé d'aucun document relatif à l'espèce avec Mme Goy

 28   et/ou avec M. Versonnen lundi dernier ?


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  1   R.  Ecoutez, s'il vous plaît, je vous l'ai déjà dit, j'ai passé peut-être

  2   15 ou 20 minutes avec eux et je vous ai dit qu'il n'y avait pas besoin que

  3   je discute de ma déclaration avec qui que ce soit, puisque je sais ce qui

  4   s'est passé.

  5   Q.  Très bien. Alors, prenons la journée du mardi, le 23 août, le jour où

  6   vous avez rencontré M. Rogers et Mme Goy, ainsi que M. Versonnen. Vous vous

  7   souvenez de cela ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et vous les avez rencontrés pendant combien de temps à peu près ?

 10   R.  C'était à peu près le même temps, 15, 20 minutes. Je ne pense pas que

 11   ça ait duré plus longtemps que cela.

 12   Q.  Est-ce qu'ils vous ont invité à examiner des documents pendant cet

 13   entretien ?

 14   R.  Les documents que j'ai vus et que je leur ai fournis, je n'ai pas

 15   besoin d'en parler avec eux parce que je sais ce que j'ai vécu.

 16   Q.  Non, mais ce n'est pas la question que je vous ai posée, Monsieur. Je

 17   vous ai demandé la chose suivante : que vous ayez besoin de faire cela ou

 18   non, est-ce qu'ils ont examiné ces documents avec vous, l'un quelconque de

 19   ces documents ?

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Qu'entendez-vous par "ces documents",

 21   Maître Harvey ? Votre première question était générale.

 22   M. HARVEY : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maintenant, vous dites "ces

 24   documents".

 25   M. HARVEY : [interprétation] Oui, mais le document [comme interprété] vient

 26   de parler des documents pour lesquels il dit qu'il n'avait pas besoin de

 27   les examiner.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, je vois.


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  1   M. HARVEY : [interprétation]

  2   Q.  Pour qu'il n'y ait pas confusion, Monsieur le Témoin, je vous demande :

  3   mardi dernier, avec M. Rogers, Mme Goy et M. Versonnen, vous ont-ils

  4   demandé d'examiner des documents, quels qu'ils soient ?

  5   R.  Je l'ai déjà dit, je n'ai pas besoin de revoir ma déclaration puisque

  6   je sais ce qu'il y a dedans.

  7   Q.  Est-ce qu'ils vous ont posé des questions portant sur le contenu de

  8   votre déclaration ?

  9   R.  La déclaration que je leur ai fournie, je sais ce qu'il y a dedans. Je

 10   n'ai pas besoin de revoir cela.

 11   Q.  Vous ont-ils posé des questions, quelles qu'elles soient ?

 12   R.  Ils m'ont demandé comment s'était passé mon voyage, comment se porte ma

 13   famille, et c'est tout.

 14   Q.  Mais c'est ce qu'ils ont fait le lundi. Alors, est-ce qu'ils vous ont

 15   demandé de revenir mardi pour vous reposer ces mêmes questions sur votre

 16   famille et sur votre voyage ?

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 27   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.


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  1   Monsieur le Greffier, est-ce que vous pouvez expurger le nom du pays, s'il

  2   vous plaît.

  3   M. HARVEY : [interprétation] Et puis, nous pouvons revenir en audience

  4   publique, et je ne vais plus refaire la même erreur.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Revenons en audience publique.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

  8   [Audience publique]

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 10   M. HARVEY : [interprétation]

 11   Q.  Lorsque vous avez rencontré M. Rogers, Mme Goy et M. Versonnen mardi

 12   dernier, vous ont-ils posé des questions, quelles qu'elles soient, sur des

 13   déclarations que vous aviez données aux autorités responsables de

 14   l'immigration dans le pays où vous résidez actuellement ?

 15   R.  La déclaration que j'ai donnée aux employés chargés de l'immigration

 16   dans le pays où je réside, ils l'ont déjà.

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  1   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce qu'à la page

  3   84, ligne 2, l'on peut expurger le nom du pays, s'il vous plaît, de

  4   nouveau.

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Revenons en audience publique, s'il

  7   vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique,

  9   Monsieur le Président.

 10   [Audience publique]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous remercie.

 12   Maître Harvey.

 13   M. HARVEY : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur le Témoin, que voulez-vous dire lorsque vous dites "c'est

 15   quelque chose de personnel" ?

 16   R.  Il s'agit de ma vie privée dans le pays où je vis. C'est quelque chose

 17   de personnel.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, tout ce que je vous ai demandé c'était de savoir si

 19   on vous avait posé des questions concernant les pièces que vous avez

 20   fournies aux services de l'immigration dans le pays en question ? Est-ce

 21   que vous répondez par l'affirmative ?

 22   R.  Est-ce que votre question est de savoir s'ils m'ont posé des questions

 23   concernant les pièces à fournir pour l'immigration dans le pays où je

 24   réside ?

 25   Q.  Oui, c'est la question que je vous pose.

 26   R.  Oui, ils m'ont demandé où j'habitais. Mais ils savent où j'habite.

 27   Q.  Monsieur le Témoin, je vais aborder ce sujet d'une autre manière. Lors

 28   de votre première arrivée dans le pays où vous résidez actuellement, c'est-


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  1   à-dire le 25 septembre 2005, n'est-ce pas -- je vous prie de m'excuser,

  2   c'était le 24 septembre 2005, vous avez été interrogé ? Donc ma première

  3   question est de savoir si vous êtes bien arrivé le 24 septembre 2005 là-bas

  4   ?

  5   R.  Pas dans le pays où je réside à l'heure actuelle, mais dans un autre

  6   pays.

  7   M. HARVEY : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à huis clos

  8   partiel, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes.

 11   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 13   Continuez, Maître Harvey.

 14   M. HARVEY : [interprétation]

 15   Q.  Vous êtes arrivé dans quel pays ?

 16   R.  En Floride.

 17   Q.  Il s'agit du même pays que (expurgé), n'est-ce pas ?

 18   R.  C'est le même pays, mais l'Etat n'est pas le même.

 19   Q.  Un Etat différent de celui où vous êtes résident à l'heure actuelle;

 20   c'est ce que vous voulez dire ?

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers.

 22   M. ROGERS : [interprétation] Je crois que c'est trop tard.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, si c'est trop tard, dans ce

 24   cas-là, merci.

 25   Oui, Maître Harvey.

 26   M. HARVEY : [interprétation] J'ai posé la même question

 27   Q.  Est-ce que la Floride -- enfin, est-ce que vous dites que vous êtes

 28   arrivé en Floride ou est-ce que vous êtes arrivé dans une autre région des


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  1   (expurgé) ? L'avion a atterri dans quelle ville ?

  2   R.  A Miami.

  3   Q.  Très bien. Alors, quand je parlerais de Miami, je dirais "cette ville-

  4   là".

  5   M. HARVEY : [interprétation] Est-ce que l'on peut maintenant revenir en

  6   audience publique, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons en audience publique, s'il

  8   vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes.

 10   [Audience publique]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 12   Poursuivez, Maître Harvey.

 13   M. HARVEY : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Lorsque vous êtes arrivé dans cette ville-là, est-ce que c'était le 24

 15   septembre 2005 ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et est-ce que vous avez produit le passeport de la MINUK avec le visa

 18   aux services de l'immigration de cette ville-là ?

 19   R.  Je leur ai dit que j'étais un immigrant, et étant donné que j'étais

 20   entré illégalement dans le pays, j'ai passé huit mois en prison. Ma femme

 21   était enceinte à l'époque et, par conséquent, elle n'a passé que deux mois

 22   en prison et elle a ensuite été libérée. Moi je suis resté huit mois en

 23   prison avant de rejoindre ma famille.

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 14   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 16   Est-ce que l'on pourrait donc procéder à l'expurgation et revenir en

 17   audience publique.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes à nouveau.

 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc, Maître Harvey, j'avais

 22   l'impression qu'il avait un visa, mais j'ai dû me tromper.

 23   M. HARVEY : [interprétation] Mais le témoin nous avait dit qu'il avait

 24   obtenu un visa, même s'il ne l'a pas obtenu de manière licite, puisqu'il a

 25   payé pour obtenir ce visa. Je vais en fait poser une autre question au

 26   témoin.

 27   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque vous êtes arrivé à l'aéroport dans cette

 28   ville-là, est-ce que vous avez présenté votre passeport à un agent des


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  1   services de l'immigration ?

  2   R.  Si vous me le permettez, Monsieur le Président, je voudrais vous

  3   demander la permission de ne pas répondre à cette question.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de cette Chambre pourquoi vous

  5   ne souhaitez pas répondre à cette question ?

  6   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à

  7   ce stade, je suis un peu dans le brouillard. Enfin, je sais ce que cherche

  8   à obtenir mon éminent collègue de la partie adverse, mais nous prenons

  9   énormément de temps pour arriver au point central, à savoir son entrée dans

 10   le pays en question. Le témoin a expliqué par le menu ce qui s'était passé,

 11   c'est-à-dire qu'il est arrivé dans le pays --

 12   M. EMMERSON : [interprétation] Visiblement, le Juge Hall n'avait pas bien

 13   compris et moi non plus.

 14   M. ROGERS : [interprétation] Je crois que nous reprenons les mêmes termes,

 15   mais que nous en reparlons --

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si M. Rogers a une objection, il devrait la

 17   présenter; sinon, il est en train de déposer.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, je pense que vous

 19   avez tort. Il ne fait que nous dire ce qui s'est passé. Il ne nous dit rien

 20   de plus.

 21   Vous pouvez continuer, Monsieur Rogers.

 22   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 23   pense que Me Harvey pourrait aller droit au but, et peut-être que de cette

 24   manière ça ne sèmera pas la confusion dans l'esprit du témoin. Nous devons

 25   passer à autre chose parce que je comprends bien que ceci est pertinent,

 26   mais en même temps il doit vraiment arriver au but. Cette question n'est

 27   pas vraiment importante pour le procès dont vous vous connaissez.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin a été averti en cas d'auto-


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  1   incrimination, et je suppose qu'une réponse à cette question pourrait

  2   déclencher ce problème.

  3   M. HARVEY : [interprétation] Je ne pense pas que j'aie posé des questions

  4   qui sèment la confusion dans l'esprit du témoin.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne crois pas que cela sème la

  6   confusion dans l'esprit du témoin, mais je pense que ceci déclenche en fait

  7   le processus dont nous avons parlé.

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 19   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 21   Est-ce que l'on peut procéder à l'expurgation, s'il vous plaît, et

 22   revenir en audience publique.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à nouveau en audience

 24   publique.

 25   [Audience publique]

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   Continuez, Maître Harvey.

 28   M. HARVEY : [interprétation]


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  1   Q.  Un agent des services de ce pays vous a posé des questions, n'est-ce

  2   pas ?

  3   R.  Je ne sais pas si c'était un agent des services du gouvernement ou des

  4   services officiels de ce pays. On nous a simplement demandé pourquoi on

  5   était arrivés dans ce pays et comment on était arrivés là-bas, et cetera.

  6   Et donc, je leur ai tout raconté.

  7   Q.  En fait, il y avait un interprète qui parlait albanais, n'est-ce pas,

  8   qui était présent durant cet entretien ?

  9   R.  Effectivement, un interprète m'a traduit tout cela. J'ai expliqué

 10   pourquoi j'avais quitté le Kosovo, enfin, tout ce qui m'est arrivé.

 11   Q.  Est-ce que vous avez pris connaissance du procès-verbal de cet

 12   entretien, Monsieur le Témoin ?

 13   R.  Qu'entendez-vous par "procès-verbal" ?

 14   M. HARVEY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait afficher le document de

 15   la liste 65 ter 03085 sur les écrans dans le prétoire, mais pas sur les

 16   écrans hors du prétoire. Est-ce que l'on pourrait passer à la page 3, s'il

 17   vous plaît. Merci.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, vous voyez devant vous l'annexe 1, 24 septembre

 19   2005, compte rendu de votre entretien avec un responsable du gouvernement

 20   du pays en question ?

 21   R.  Oui, je le vois, mais je ne comprends pas bien l'anglais écrit.

 22   Q.  Très bien. Nous allons passer à huis clos partiel. Je vais donner

 23   lecture des questions et des réponses, et les interprètes vont vous

 24   traduire tout cela.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que l'on peut passer à huis

 26   clos partiel.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  2   Poursuivez, Maître Harvey.

  3   M. HARVEY : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Témoin, vous voyez donc la date, 24 septembre 2005.

  5   "Compte rendu de l'interrogatoire de (expurgé)

  6   (expurgé)."

  7   Est-ce que vous voyez où nous sommes dans le document ?

  8   R.  Oui.

  9   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Me

 10   Guy-Smith nous informe qu'il a téléchargé la version albanaise de ce

 11   document, alors peut-être que l'on peut revenir en audience publique et

 12   demander au témoin de le lire. Enfin, c'est très bref.

 13   Q.  Donc on vous a posé cinq questions dans cet interrogatoire. La première

 14   question qu'on vous a posée était :

 15   "Pourquoi entrez-vous sur le sol (expurgé) aujourd'hui ?

 16   "Réponse : Je veux faire une demande d'asile politique et je voudrais

 17 vivre une vie meilleure, et pour échapper au gouvernement qui a tué (expurgé)

 18   (expurgé)."

 19   R.  Je n'ai pas mentionné (expurgé) lorsque je suis allé là-bas. C'est la

 20   première chose que je souhaitais mentionner. J'ai simplement dit que

 21   c'était pour des raisons de sécurité. Et je n'ai pas dit que (expurgé)

 22   avait été tué par le gouvernement de là-bas.

 23   [Le conseil de la Défense se concerte]

 24   M. HARVEY : [interprétation]

 25   Q.  Etes-vous en train de nous dire qu'il ne s'agit pas d'un compte

 26   rendu fidèle des questions qui vous ont été posées et de la réponse que

 27   vous avez apportée aux questions qui vous ont été 

 28   posées ?


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  1   R.  Pouvez-vous donner lecture de la totalité de cet entretien et je

  2   pourrais répondre à question que vous venez de me poser.

  3   Q.  Question suivante :

  4   "Question : Pourquoi exactement faites-vous une demande d'asile

  5   politique (expurgé) ?

  6   "Réponse : Parce que le gouvernement albanais est à ma recherche et veut me

  7   tuer.

  8   "Question : Qui veut vous tuer ?

  9   "Réponse : Le gouvernement albanais.

 10   "Question : Avez-vous bien compris toutes les questions qui vous ont été

 11   posées en langue albanaise ?

 12   "Réponse : Oui.

 13   "Question : Avez-vous répondu à toutes les questions que l'on vous a posées

 14   aujourd'hui en langue albanaise, et ceci, de manière libre, en disant la

 15   vérité ?

 16   "Réponse : Oui."

 17   Voilà donc, Monsieur le Témoin, j'ai donné lecture de la totalité des

 18   questions et des réponses. Donc je reviens la première question.

 19   Première question : "Pourquoi entrez-vous sur le sol (expurgé)

 20   aujourd'hui ?"

 21   Réponse : "Pour demander l'asile politique…" Je m'arrête là pour

 22   l'instant.

 23   Est-ce que vous leur avez dit que vous demandiez

 24   l'asile politique, oui ou non ? Oui ou non ?

 25   R.  Lorsque je suis allé (expurgé), j'ai dit que je m'étais rendu (expurgé)

 26   (expurgé) parce qu'on avait essayé de me tuer, notamment Geg Sokoli -- 

 27   L'INTERPRÈTE : Ainsi qu'une autre personne que les interprètes de la cabine

 28   anglaise n'ont pas comprise.


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  1   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, je ne veux pas

  2   interrompre le témoin, mais je voudrais demander au Tribunal d'exiger que

  3   le témoin réponde à cette question. J'aimerais savoir si, oui ou non, il a

  4   fait une demande d'asile politique.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez bien compris la

  6   question, Monsieur le Témoin ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, j'ai demandé l'asile politique,

  8   effectivement.

  9   M. HARVEY : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que vous avez également dit que vous vouliez en fait "avoir une

 11   vie meilleure" dans ce nouveau pays ? Est-ce que c'est une des raisons pour

 12   lesquelles vous souhaitiez entrer dans ce pays, oui ou non ?

 13   R.  J'ai dit que je voulais avoir une vie en plus grande sécurité.

 14   Q.  Est-ce que vous avez dit que vous essayez "d'échapper au gouvernement

 15   qui avait tué (expurgé)," oui ou non ?

 16   R. Non, je n'ai pas dit que c'était le gouvernement qui avait tué (expurgé)

 17   (expurgé). J'ai dit que (expurgé) avait été tué pendant la guerre et que ça

 18   avait été pour des raisons de sécurité, pour garantir la sécurité de ma

 19   famille.

 20   Q.  Et est-ce que vous leur avez dit que vous vouliez demander l'asile

 21   politique parce que le gouvernement albanais était à votre recherche et

 22   voulait vous tuer ?

 23   M. ROGERS : [interprétation] Regardez le document, note de bas de page --

 24   M. HARVEY : [interprétation] Je ne veux pas que le témoin soit influencé

 25   par ces notes de bas de page, parce que c'est une interprétation faite par

 26   autrui. M. Rogers pourra vraiment avoir tout le temps qu'il veut pour poser

 27   des questions supplémentaires, mais ce n'est pas juste de le demander

 28   maintenant.


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  1   M. ROGERS : [interprétation] Ce n'est pas juste parce qu'on semble dire

  2   maintenant que le contenu est exact et conforme à la vérité. Ce n'est peut-

  3   être pas le cas, et Me Harvey le sait fort bien.

  4   M. HARVEY : [interprétation] Mais bien le contraire. Parce qu'on parle deux

  5   fois, ici, du gouvernement albanais, et pour moi, il y a une bonne raison à

  6   cela. Je pourrais en parler, mais sûrement pas avant demain après-midi.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous

  8   voulez dire qu'il faut lever l'audience ?

  9   M. HARVEY : [interprétation] Mais l'heure nous le dit. Moi je peux

 10   poursuivre toute la nuit, si vous le voulez. Mais peut-être que je ne vais

 11   pas me faire des amis ce faisant.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne voulez pas en terminer avec le

 13   témoin, vous ne voulez pas lui poser la question ?

 14   M. HARVEY : [interprétation] Oui --

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parce que je pense que la Chambre doit

 16   rendre une décision suite à l'objection soulevée par M. Rogers.

 17   M. HARVEY : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Je vous

 18   demande de rejeter son objection et de me donner le temps de développer mon

 19   idée. On pourra peut-être lui demander plus tard ce qu'il en est de cette

 20   note de bas de page, mais j'ai une bonne raison de ne pas poser cette

 21   question maintenant, parce que je ne voudrais pas que sa réponse soit

 22   déformée parce qu'il y aurait eu le contenu de cette objection qui vient

 23   d'être faite.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est rejetée.

 25   M. HARVEY : [interprétation] Merci.

 26   Q.  On vous a demandé :

 27   "Quelle était la raison précise pour laquelle vous demandiez l'asile

 28   politique (expurgé) ?"


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  1   Et vous avez dit ceci :

  2   "Parce que le gouvernement est à ma recherche, il veut me tuer."

  3   N'est-ce pas la réponse que vous avez fournie ? Répondez par oui ou

  4   par non.

  5   R.  J'ai donné le nom des gens qui voulaient me tuer, Geg Lleshi et Sokol.

  6   Q.  Est-ce que vous avez dit que c'était "le gouvernement albanais"; dites

  7   oui ou non ?

  8   R.  Je n'ai pas dit que je demandais l'asile politique. A l'époque, j'étais

  9   favorable au Parti démocratique. Geg Lleshi, il était partisan d'un autre

 10   parti, c'est cela le problème --

 11   Q.  Ma question était simple, vous y répondez par oui ou par non. Est-ce

 12   que vous avez déclaré que le gouvernement albanais essayait de vous tuer ?

 13   Si c'est "non", dites-le simplement.

 14   R.  Mais vous ne me permettez pas de terminer.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne pense pas que nous allons

 16   obtenir une réponse à cette question.

 17   Monsieur le Témoin, je pense que la question était pourtant assez simple.

 18   Est-ce que vous avez, dans votre réponse, utilisé ces mots-là, je les cite

 19   : "Parce que le gouvernement albanais était à ma recherche et voulait me

 20   tuer." Alors, vous pouvez dire : Oui, c'est ce que vous avez dit. Et sinon,

 21   eh bien, vous dites non. Parce que, normalement, nous devrions lever

 22   l'audience et nous attendons votre réponse pour terminer la journée

 23   d'aujourd'hui.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai dit, Monsieur le Président, qu'il y

 25   avait des gens qui voulaient me tuer. Moi je soutenais le Parti

 26   démocratique, alors que ces gens-là étaient pour un autre parti --

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous arrête tout de suite. Vous

 28   allez expliquer ceci, j'espère, dans les questions qui vont suivre. Mais


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  1   avant de donner cette explication, êtes-vous en mesure de dire : Oui, j'ai

  2   bien dit que c'était "parce que le gouvernement albanais était à ma

  3   recherche et voulait me tuer" ou non ? Vous pouvez répondre par oui ou par

  4   non en fonction des souvenirs que vous avez de cet entretien avant de

  5   donner une autre explication. Je ne pense pas que ce soit une question

  6   difficile.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas une question difficile.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez utilisé ces mots-

  9   là ? Est-ce que vous avez dit, je vous cite :

 10   "Parce que le gouvernement albanais est à ma recherche et veut me

 11   tuer" ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai utilisé ces termes parce que les

 13   gens qui voulaient me tuer travaillaient pour le gouvernement, et je les ai

 14   inclus.

 15   M. HARVEY : [interprétation]

 16   Q.  Et est-ce que vous avez utilisé ces mots, "le gouvernement albanais" ?

 17   Vous n'avez pas parlé d'un autre gouvernement, vous avez parlé du

 18   gouvernement albanais ?

 19   R.  Non, moi je n'ai pas dit "gouvernement albanais".

 20   M. HARVEY : [interprétation] Je vous propose d'en terminer maintenant,

 21   parce que j'ai encore pas mal de questions. A vous de décider, bien sûr.

 22   Mais je pense que l'heure se prête bien.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais nous voulions savoir ce qu'il

 24   avait dit.

 25   M. HARVEY : [interprétation] Tout à fait. Je pose la question.

 26   Q.  Qu'est-ce que vous avez dit ce jour-là ?

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quel gouvernement avez-vous parlé,

 28   pour autant que vous ayez parlé d'un gouvernement, ou peut-être avez-vous


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  1   parlé d'une autre institution ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé des partis, c'était des membres de

  3   partis.

  4   M. HARVEY : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous avez mentionné un gouvernement, quel qu'il soit ? Dites

  6   oui ou non.

  7   R.  Non, je n'ai mentionné aucun gouvernement.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien. Je pense que vous pourrez

  9   reprendre vos questions demain.

 10   Passons à huis clos.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

 12   [Audience à huis clos] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Greffier.

 14   Monsieur le Témoin, votre audition n'est pas terminée. Il faudra que

 15   vous retourniez dans ce prétoire demain, 14 heures 15, ici. Rappelez-vous

 16   qu'il vous est interdit de parler de ce procès à qui que ce soit, et

 17   sûrement pas avec des représentants du bureau du Procureur. Vous pouvez

 18   disposer. Veillez à être ici présent demain après-midi, à 14 heures 15.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur.

 21   [Le témoin quitte la barre]

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Revenons en audience publique.

 23   [Audience publique]

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'audience est levée. Elle reprendra

 25   ici même en salle II, à 14 heures 15. L'audience est levée.

 26   --- L'audience est levée à 19 heures 10 et reprendra le jeudi 1er septembre

 27   2011, à 14 heures 15.

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