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1 Le jeudi 1er septembre 2011
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes ici
6 présentes.
7 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-04-84bis-T, le Procureur
9 contre Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Je demande aux parties de se
11 présenter, à commencer par l'Accusation.
12 M. ROGERS : [interprétation] Bonjour. Paul Rogers et Daniela Kravetz au nom
13 de l'Accusation, avec notre commise, Mme Pedersen.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Roger.
15 Et pour M. Haradinaj, ce sera…
16 M. EMMERSON : [interprétation] Ben Emmerson, avec Rod Dixon, Annie
17 O'Reilly, Andrew Strong et, aujourd'hui, Daniel Gad el rab.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 Pour Monsieur Balaj, ce sera…
20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Gregor Guy-
21 Smith, Colleen Rohan, Chaid Mair, et nous représentons M. Balaj. M. Zyberi
22 n'est plus avec nous.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.
24 Et pour M. Brahimaj, ce sera…
25 M. HARVEY : [interprétation] Richard Harvey. Bonjour, Messieurs les Juges.
26 Aidé de M. Paul Troop et de Luke Boenisch. J'aurais dû vous informer
27 qu'effectivement, Mme Jasini n'est plus disponible. Donc, aussi bien Me
28 Guy-Smith en perdant M. Zyberi, et nous en perdant Mme Jasini, nous avons
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1 perdu la collègue albanophone qui nous assistait.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
3 Est-ce que nous pouvons passer à huis clos.
4 M. HARVEY : [interprétation] Je ne sais pas si nous sommes déjà à huis
5 clos.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
7 [Audience à huis clos] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]
8 M. HARVEY : [interprétation] J'aurais voulu évoquer un sujet en audience
9 publique, si vous m'y autorisez, avant la venue du témoin.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, Monsieur l'Huissier, avant
11 de baisser les stores.
12 Madame la Greffière, est-ce que nous pouvons revenir en audience publique.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience
14 publique.
15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
17 Oui, Maître Harvey, vous avez la parole.
18 M. HARVEY : [interprétation] Messieurs les Juges, hier, j'ai veillé à ce
19 qu'une lettre soit envoyée à l'Accusation, à la lumière des sujets évoqués
20 dans la Chambre hier. Du coup, plusieurs sujets doivent être abordés, et je
21 pense qu'il vous serait utile de recevoir un exemplaire de la
22 correspondance et des documents reçus à la suite de cet échange épistolaire
23 par l'Accusation. Il y a une copie pour chacun des Juges, un exemplaire
24 pour le greffier.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voulez les verser en tant que
26 pièce ?
27 M. HARVEY : [interprétation] Non. Je veux simplement que ceci vous aide,
28 car je voudrais les parcourir avec vous pour vous dire quelle est désormais
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1 notre position, et je pense que c'est une situation qui est très
2 perturbante et sur laquelle je vous demanderai des instructions. Mais je
3 crois qu'il vous faudra suivre ceci pas à pas avec moi, de près vraiment.
4 Nous allons examiner ceci à la loupe de façon à ce que vous soyez dûment
5 informés.
6 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que les documents sont arrivés
7 quatre minutes avant ma venue dans ce prétoire. Je ne sais pas quand
8 l'Accusation les a fournis, mais c'était peu de temps avant 14 heures.
9 M. HARVEY : [interprétation] C'est exactement arrivé à 13 heures 52.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.
11 M. HARVEY : [interprétation] Vous allez le voir, Messieurs les Juges, vous
12 avez d'abord la réponse. Auriez-vous l'obligeance de prendre la page 2, la
13 lettre envoyée par mon commis à l'affaire à 18 heures 12 hier, alors que
14 j'étais à l'audience, lettre que j'envoie à M. Rogers en lui disant ceci :
15 "Vu les questions que vous avez posées au témoin à huis clos partiel," et
16 je donne la référence du compte rendu d'audience, "il est évident que vous
17 disposez d'information supplémentaire à propos de la demande d'asile faite
18 par le présent témoin. Je vous saurais gré de veiller à ce que d'urgence,"
19 avant la fin de la journée d'hier, "vous communiquiez toutes les
20 informations que vous avez en votre possession concernant la demande
21 d'asile déposée par le client afin que je puisse examiner ces documents et
22 éventuellement les utiliser en contre-interrogatoire. Il y a, sans s'y
23 limiter : toute correspondance entre le bureau du Procureur et toute autre
24 partie, par exemple, avec les autorités du pays, les avocats ou
25 intermédiaires agissant au nom du témoin; 2, les documents attestant de
26 l'évolution du dossier de demande d'asile ou de statut de réfugié du
27 témoin; 3, toute procédure ultérieure décidée par les autorités pour
28 déporter le témoin ou l'obliger à quitter le pays; 4, des arguments
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1 éventuellement présentés par le bureau du Procureur aux autorités du pays
2 pour permettre au témoin de retourner dans ce pays s'il devait en partir
3 afin de venir témoigner après qu'on lui ait refusé l'autorisation de rester
4 dans ledit pays.
5 "Je vous saurais gré d'examiner cette requête avec la plus grande urgence
6 et attention possibles."
7 Et puis, regardez la page 1, vous avez la réponse, et vous voyez
8 l'heure, 13 heures 52, date d'aujourd'hui :
9 "Cher Maître : Je réponds à la demande de communication de Me Harvey qui
10 demande la communication urgente de plusieurs documents.
11 "Pour ce qui est du point 3" -- que j'avais évoqué dans ma lettre --
12 veuillez revenir à la page 2 pour le revoir, si vous voulez. "Par rapport à
13 ce point 3, l'Accusation ne donne aucune information à cet égard. A propos
14 du point 4," arguments éventuellement présentés par le bureau du Procureur,
15 "l'Accusation dit qu'elle n'a rien fait de la sorte, qu'elle n'a présenté
16 aucun argument. Les dispositions en matière de voyage sont déterminées par
17 la Section des Victimes et des Témoins. Pour ce qui est du point 2, le
18 bureau du Procureur a reçu le mardi 30 août, de l'avocat du témoin, donc
19 c'était la journée d'avant-hier, un exemplaire de la dernière décision en
20 date s'agissant de la demande d'asile du témoin. Nous avons contacté
21 l'avocat hier après-midi pour voir si celle-ci faisait l'objet du secret
22 professionnel entre le client et son avocat. Il a dit que ceci ne devait
23 être mentionné qu'à huis clos partiel parce que le témoin n'a pas été
24 informé lui-même de la décision. Vous avez en pièce jointe la décision. Et
25 l'autre information, la seule autre qu'on ait à propos de cette demande, se
26 trouvait dans le courrier électronique du 5 novembre 2010, où on dit
27 qu'effectivement, il n'avait pas reçu le statut d'asile et que son dossier
28 était en instance devant la (expurgé)
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1 "Et pour ce qui est du point 1, demande de correspondance entre le bureau du
2 Procureur et toute autre autorité du pays, voici ce que dit l'Accusation :
3 nous allons examiner la question et nous vous ferons part de nos réflexions
4 en temps utile."
5 Il y a, avec ce courrier électronique, des points que vous allez
6 trouver et, étant donné que l'avocat de ce témoin a demandé à ce qu'on
7 réserve à ces informations un caractère confidentiel, je ne vais pas en
8 donner lecture. Mais je pense que vous avez d'abord le texte d'un courrier
9 électronique envoyé par M. Roel Versonnen, l'enquêteur du bureau du
10 Procureur, en date du 2 février 2011, et c'est envoyé au témoin en réponse
11 à un message du témoin qui semble avoir été envoyé par celui-ci le même
12 jour, le 2 février. Regardez la teneur de ce qui, à mes yeux, est
13 quelque chose qu'on aurait dû absolument communiquer à la Défense, or ceci
14 a été communiqué aujourd'hui à 13 heures 52. Je vous laisse le temps de
15 prendre connaissance de ce que le témoin a écrit à l'enquêteur Versonnen.
16 Enfin, Messieurs les Juges, je ne sais pas si vous avez terminé cette
17 lettre. Nous avons la décision (expurgé)
18 (expurgé).
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense qu'il faut passer à huis clos
20 partiel.
21 M. HARVEY : [interprétation] Effectivement. Huis clos partiel.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
23 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Veillez à ce qu'il y ait
25 expurgation du nom du pays en page 5, ligne 23 du compte rendu d'audience
26 d'aujourd'hui. Voilà.
27 Est-ce que c'est fait, Madame la Greffière ?
28 Est-ce que nous pouvons revenir en audience publique.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience
2 publique.
3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
5 Poursuivez.
6 M. HARVEY : [interprétation] Je m'excuse auprès de tous. Regardez la
7 décision en date du 26 août, le mois dernier. Regardez la partie importante
8 --
9 M. ROGERS : [interprétation] Je pense que si on en parle, il faut en parler
10 à huis clos partiel.
11 M. HARVEY : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous. Peut-être
12 est-il préférable de mentionner ce passage à huis clos partiel.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
15 Monsieur le Président.
16 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par ordonnance de la Chambre]
17 M. HARVEY : [interprétation] Regardez, plusieurs questions de procédure
18 sont abordées, et par la suite il apparaît tout d'abord que le 16 juin
19 2010, un juge de l'immigration a refusé la demande d'asile présentée par le
20 témoin, retirant la protection mis à part la protection pour torture en
21 vertu de la convention des Nations Unies contre la torture, et il a dit
22 qu'effectivement, les conditions n'avaient pas été remplies, ce qui veut
23 dire qu'il n'y a plus de crainte fondée pour que le témoin craigne de
24 rentrer au Kosovo, il n'était plus nécessaire de le réinstaller. Une autre
25 décision antérieure, semble-t-il -- non -- du 10 mars -- non, non. Une
26 nouvelle décision en date du 10 mars 2011 rejette la demande en appel
27 déposée par le témoin. Mais le paragraphe suivant dit ceci : la lettre que
28 vous avez vue hier, lettre envoyée par M. Rogers, avait été envoyée à la
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1 Chambre dans le cadre d'une demande de révision de cette décision. Dans
2 cette lettre, il est dit que le demandeur a fourni de son plein gré une
3 déclaration préalable dans le cadre de ce nouveau procès partiel et que le
4 bureau du Procureur a l'intention d'appeler à la barre dans le cadre de ce
5 nouveau procès partiel ledit témoin. Le demandeur, à l'appui de sa requête,
6 a présenté un rapport du rapporteur de l'assemblée parlementaire, et je me
7 rappelle que c'est le même rapport, me semble-t-il, que celui auquel fait
8 référence M. Rogers dans sa lettre envoyée à l'avocat du témoin.
9 M. ROGERS : [interprétation] Ce n'est pas exact.
10 M. HARVEY : [interprétation] Ah, bon, c'est différent. Donc je suppose
11 qu'il s'agit ici du rapport Marty.
12 M. ROGERS : [interprétation] Non. C'est le rapport Gardetta.
13 M. HARVEY : [interprétation] Merci de cette précision. C'est bon à savoir.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, pour que je vous suive, là,
15 quel document examinez-vous ?
16 M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi, je vois la deuxième page de la
17 décision du conseil ou (expurgé),
18 Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
20 M. HARVEY : [interprétation] Deuxième page.
21 Et regardez le paragraphe de fond. Finalement, la conclusion dépend
22 entièrement de la lettre de M. Rogers :
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 L'INTERPRÈTE : Les documents n'ont jamais été présentés à aucune cabine
5 d'interprétation.
6 M. HARVEY : [interprétation] Voilà, j'ai reçu ces documents à 13 heures 52,
7 et vous le voyez à la page 1 de cette liasse de documents. S'agissant de ma
8 première demande que je trouvais la plus simple, je voulais avoir toute
9 correspondance entre le bureau du Procureur et d'autres parties, par
10 exemple, les autorités, avocats --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'allais vous interrompre,
12 effectivement.
13 Est-ce que nous pouvons revenir en audience publique.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y, Maître Harvey.
17 M. HARVEY : [interprétation] Vous allez voir à la lecture de la réponse du
18 Procureur, qui nous est arrivée juste avant l'ouverture de l'audience,
19 s'agissant du point 1, l'Accusation continue d'examiner ma demande aux fins
20 d'obtention de toute correspondance entre le bureau du Procureur et toute
21 partie concernée par le présent procès. C'est choquant, extrêmement
22 choquant, dirais-je, de voir qu'on nous interdit de voir cette
23 documentation, et je ne la reçois que quand je présente une nouvelle
24 demande précise hier par écrit. On se serait dit, n'est-ce pas, que M.
25 Rogers aurait eu en main tous ces documents quand il s'est présenté devant
26 vous hier et qu'il ne se serait pas contenté de ne vous remettre qu'une
27 seule lettre, celle qu'il avait envoyée à l'avocat du témoin (expurgé)
28 (expurgé). Il est choquant de voir qu'on est toujours en train d'examiner ma
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1 demande d'obtention de documents supplémentaires. C'est choquant, disais-
2 je. Apparemment, il y a tout un dossier concernant ce témoin, et
3 l'Accusation en avait forcément connaissance. Elle devait avoir ces
4 documents si elle voulait vraiment donner à la Défense les informations
5 qu'elle a demandées dès le mois de janvier.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais de qui aurait-elle dû obtenir ces
7 informations ?
8 M. HARVEY : [interprétation] Des autorités du pays concerné. Manifestement,
9 il y a eu toute une masse de documents concernant ce témoin qui touchent
10 non seulement à sa crédibilité, au manque de crédibilité, mais --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [hors micro]
12 M. HARVEY : [interprétation] Votre micro.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne défends pas l'Accusation, mais
14 je veux que vous me disiez si l'article 68 impose cette obligation au
15 bureau du Procureur, l'obligation de trouver des informations qu'elle n'a
16 pas en sa possession, de les trouver, ces informations, et de vous les
17 remettre; ou est-ce que son obligation c'est que l'information dont dispose
18 l'Accusation, elle doit être communiquée à la Défense ?
19 M. HARVEY : [interprétation] Je crois que je ne me trompe pas, et j'en
20 parlerai avec mes confrères si c'est nécessaire, je pensais qu'une demande
21 avait été envoyée à l'Accusation en sus de l'article 68. Nous demandions
22 toute information qu'avait l'Accusation ou qu'elle aurait pu, avec toute la
23 diligence voulue, obtenir, des documents qui seraient susceptibles de
24 toucher à la crédibilité du témoin. Je vais vérifier auprès de mes
25 confrères. Mais dès que cette demande est faite sous cette forme,
26 manifestement l'Accusation a cette obligation. Je ne dis pas nécessairement
27 que seul s'applique le libellé de l'article 68.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous n'avez toujours pas répondu
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1 à ma question. Je vous demandais si, à votre avis, l'article 68 oblige
2 l'Accusation à partir à la recherche d'informations qu'elle n'a pas encore,
3 mais dont elle suppose qu'elles pourraient toucher à la crédibilité du
4 témoin et qu'elle doive trouver ces informations pour vous les communiquer
5 ?
6 Ou est-ce que le 68 dit que l'Accusation doit communiquer les
7 documents qu'elle a déjà et dont elle sait qu'ils sont de nature à être à
8 décharge ?
9 M. HARVEY : [interprétation] Je ne pense pas que s'il exerce toute la
10 diligence que lui impose son code de déontologie, qu'un Procureur a le
11 droit de se tourner les pouces et de ne communiquer que ce qu'il a
12 commodément sous la main ou sous le coude. S'il ne se met pas à la
13 recherche de documents dont il pense qu'ils risquent d'entamer la
14 crédibilité, je crois qu'il n'exerce plus son obligation.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
16 M. HARVEY : [interprétation] Me Guy-Smith pourra peut-être nous éclairer
17 davantage.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous parlez de la question des documents
19 "en possession de l'Accusation". La réponse, vous la trouverez là : il ne
20 faut pas nécessairement qu'il en ait possession, mais qu'il sache qu'ils
21 existent.
22 Donc c'est la connaissance qu'il a. Le 68(A) :
23 "Communiquer à la Défense tous les éléments dont il sait
24 effectivement qu'ils sont de nature à disculper…," et cetera.
25 Donc c'est la connaissance qu'il a de l'existence de ces documents.
26 Mais je pense que M. Rogers aura du mal à dire qu'il ne connaissait pas
27 l'existence de ce document. Mais nous pourrons répondre de façon plus
28 précise en temps utile.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Mais si vous voyez ce que
2 nous a dit M. Rogers :
3 "Je trouve choquant qu'apparemment il y ait tout un dossier
4 concernant le témoin dont l'Accusation devrait avoir connaissance et
5 qu'elle aurait dû chercher à obtenir pour le fournir à l'Accusation."
6 Donc vous dites qu'il y a une question de connaissance évidente.
7 Poursuivez, Maître Harvey.
8 M. HARVEY : [interprétation] A ce stade, Monsieur le Président, la Défense
9 se trouve dans une situation qui est de voir s'il ne faut pas ici pénaliser
10 le Procureur. Il faut voir quelles mesures nous allons vous demander de
11 prendre. Vous le savez, c'est quelques instants à peine avant le début de
12 l'audience que j'ai obtenu ces documents, je n'ai donc pas eu le temps d'en
13 discuter avec mes confrères. Une chose est certaine, je pense qu'il nous
14 faudra nous consulter pour déterminer la façon la plus efficace d'agir.
15 Mais en l'instant même, au moment où je vous parle, j'ai le sentiment
16 que c'est sciemment qu'on m'a privé d'information. Or, l'Accusation les
17 avait ou savait qu'elle les avait, elle aurait dû me les fournir, et il y a
18 donc eu obstacle à la justice. Les droits de mon client sont piétinés. Il
19 m'est impossible de mener une Défense convenable, de bien contre-interroger
20 le témoin.
21 Je suis sûr que vous allez vouloir entendre ce qu'ont à dire mes
22 confrères, Me Guy-Smith, Me Emmerson et, bien sûr, aussi M. Rogers. Mais
23 quant à moi, je vous demanderais un temps de réflexion, il pourrait être
24 court, pour discuter avec mes confrères et mon client, parce que je n'ai
25 même pas eu le temps de parler à mon client de ces informations capitales
26 vu les modalités de réception de l'information.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ne répétons pas ce qui a déjà été dit.
28 Je préfèrerais que vous discutiez avec vos confrères avant que ceux-ci
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1 n'interviennent.
2 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que vous me permettez de prendre la
3 parole ?
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une seconde. Laissez-moi terminer avec
5 Me Harvey, pour commencer.
6 Comme je disais, j'aurais préféré que vous vous entreteniez entre vous de
7 façon à ce que, quand vous revenez dans ce prétoire, vous ayez réfléchi à
8 ceci de manière collective et que vous nous fassiez part de vos réflexions
9 -- et vous nous mentionnez également que vous n'êtes pas en mesure de
10 poursuivre le contre-interrogatoire de ce témoin. Est-ce que vous pensez
11 pouvoir vous entretenir durant la pause suivante ? C'est une proposition
12 que je vous fais.
13 M. HARVEY : [interprétation] Je comprends très bien que les Juges de la
14 Chambre veulent continuer. Mais avec tout le respect que je vous dois, je
15 ne veux pas continuer dans quelque voie que ce soit sans avoir eu des
16 consultations avec mes collègues, très rapidement et brièvement.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez une pause dès
18 maintenant ?
19 M. HARVEY : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, Maître Emmerson, allez-y.
21 M. EMMERSON : [interprétation] Tout d'abord, il y a les recours qui
22 permettront à poursuivre ce procès, et ça, ce sera le thème de nos
23 discussions entre nous.
24 Deuxième question, et quelle que soit la manière dont on aborde ce
25 problème, étant donné que nous avons établi les faits, il faudrait savoir
26 s'il est nécessaire d'inviter aux Juges de la Chambre d'exercer ses
27 pouvoirs en vertu de l'article 68 bis pour l'imposition de sanctions à
28 infliger à une partie.
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1 Et pour cela, je n'ai pas besoin de m'entretenir avec qui que ce
2 soit.
3 Mais je voudrais que nous passions à huis clos partiel de façon à ce
4 que le déroulement des événements soit très clair. Et ensuite, le moment
5 voulu, je demanderai que tout ce qui était à huis clos partiel soit rendu
6 public, à moins qu'il y ait des éléments qui doivent rester confidentiels.
7 Mais pour être prudent, je pense qu'il faut d'abord passer à huis clos
8 partiel, parce qu'il y a un des documents, tout du moins, comme vous le
9 savez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a un argument qui a
10 été mentionné à savoir qu'on ne peut pas en parler en audience publique. Je
11 n'accepte pas cet argument, mais je voudrais commencer tout d'abord par en
12 parler en audience à huis clos partiel avant de vous dire pourquoi.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos
14 partiel, s'il vous plaît.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous y sommes.
16 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par ordonnance de la Chambre]
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
18 M. EMMERSON : [interprétation] Tout d'abord, je voudrais commencer par la
19 chronologie des événements. Mais avant de ce
20 faire --
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'abord, une mise en garde. Je crois
22 que les Juges de la Chambre, à l'issue de cette audience d'aujourd'hui,
23 demanderont une requête écrite.
24 M. EMMERSON : [interprétation] Je comprends tout à fait cela. J'y ai pensé
25 déjà.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci permettra également peut-être
27 d'éviter de passer en revue toute la chronologie.
28 M. EMMERSON : [interprétation] Mais ceci n'évite pas le besoin d'établir
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1 oralement les motifs.
2 L'article 68(i) constitue une obligation de fournir des éléments qui
3 pourraient avoir des conséquences sur la crédibilité du témoin, mais il
4 s'agit d'une obligation de communication dès que ceci est possible. Donc ce
5 n'est pas une réponse à la violation de l'article 68, si ces éléments
6 devaient être communiqués aussi rapidement que possible. Il s'agit d'une
7 violation claire de l'article 68. Donc la question n'est pas de savoir où
8 nous en sommes, mais pourquoi nous en sommes à ce stade, et est-ce que
9 l'Accusation aurait dû communiquer ces éléments à un stade plus précoce.
10 Vous avez entendu différentes explications de la part de M. Rogers,
11 mais je voudrais que l'on soit très clair de la chronologie des événements
12 et de ce qui reste encore en suspens. Hier, nous avons pris connaissance
13 d'une lettre à l'attention de (expurgé), l'avocat du témoin, lettre
14 envoyée par M. Rogers. Vous avez reçu un exemplaire de cette lettre, et
15 cette lettre est très claire dans la mesure où il s'agit d'une lettre de M.
16 Rogers à l'attention de (expurgé) suite à un e-mail de (expurgé) du 5
17 novembre demandant de recevoir une lettre en ce qui concerne ce témoin.
18 Nous n'avons jamais reçu une copie de ce courrier électronique à ce jour.
19 Donc la réponse nous a été communiquée, la réponse de M. Rogers, ce n'est
20 pas la question. Donc ça, c'est le 5 novembre.
21 Le 18 novembre, en sachant pertinemment que cette lettre avait été
22 rédigée suite à une demande en cours d'asile, M. Rogers a écrit une lettre
23 qui allait dans le sens de la demande du témoin pour demander l'asile.
24 Ensuite, vous avez un e-mail du 2 février, donc nous avons en fait
25 toute une période entre le 18 novembre et le 2 février. Et ce e-mail est
26 directement à l'attention de M. Versonnen émanant du témoin en disant que :
27 "Un des documents avec des informations a été reçu par mon avocat." On peut
28 partir du principe, étant donné qu'il n'y a pas d'autres documents qui ont
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1 été communiqués, que c'est le document est la lettre de M. Rogers. Cela
2 semble être clair compte tenu de la chronologie des événements.
3 Et puis, il continue à dire, je cite :
4 "L'information que j'ai donné à mon avocat, telle celle dont je vous
5 parle : j'ai dit à mon avocat que mon frère avait été tué durant la guerre.
6 Ce n'est pas vrai. Vous savez quelle est la vérité. Mais je l'ai fait pour
7 la sécurité de ma famille au Kosovo et de moi-même et de ma femme aux
8 (expurgé).
9 "Il y a des choses que je ne dis pas qui ne sont pas la vérité, à
10 savoir que mon frère a été tué après la guerre. Ça, c'est la vérité."
11 (expurgé), et cetera.
12 "Mon avocat me demande pourquoi je n'ai pas dit la vérité."
13 Donc nous nous trouvons dans une situation où vous avez un témoin
14 dont l'avocat a reçu une lettre très utile qui va dans le sens de sa
15 demande d'asile, sa demande est rejetée, et il écrit au Procureur en disant
16 : J'ai besoin de votre aide. Il dit : "Ma demande ici est en suspens, et
17 j'ai besoin de votre aide pour garantir la sécurité de ma femme et de ma
18 famille."
19 Et M. Versonnen répond en disant : "Nous vous tiendrons informés."
20 Mais nous n'avons rien reçu non plus suite à ces échanges pour savoir
21 quelles étaient les mesures qui avaient été prises par la suite. Par
22 contre, ce que nous avons à notre disposition, c'est un document, donc un
23 jugement du (expurgé) du 26 août, et M.
24 Rogers m'a dit qu'il avait reçu cette lettre mardi. Donc, hier, on a eu cet
25 argument, et l'Accusation avait déjà ce document.
26 Il s'agit d'une demande par l'avocat de ce témoin, basée sur la
27 lettre de M. Rogers avec deux recours, c'est-à-dire : une reconsidération
28 du refus précédent du (expurgé) de façon,
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1 en fait, à réviser la demande d'asile; et on demandait donc au juge
2 responsable de l'immigration de reconsidérer sa décision au vu de la lettre
3 de M. Rogers. Et cette demande a été acceptée.
4 En d'autres termes, ce qu'il faut obtenir de la part de M. Rogers. Et
5 par le biais de lettre de M. Rogers. C'est-à-dire, en fait, un changement
6 de la décision dans sa demande d'asile.
7 En d'autres termes, durant ce processus, son propre avocat le
8 qualifiait de menteur parce qu'en fait, il y avait des incohérences entre
9 ce qui avait été dit à M. Rogers et ce qui avait été dit à son avocat.
10 C'est ainsi que l'on peut donc décrire la chronologie des événements.
11 Hier, ce que nous avons eu, c'était en fait une tentative de
12 justifier la position de l'Accusation, à savoir que la question de la
13 demande d'asile était pertinente pour la crédibilité du témoin parce qu'il
14 avait menti, et que l'aide donnée par l'Accusation pour que la décision
15 soit modifiée n'avait aucune incidence sur cette affaire. Vous vous
16 souviedrez du passage, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est au
17 compte rendu d'audience, page 917, ligne 4, on parle ici que M. Rogers,
18 dans son interrogatoire principal, avait parlé des mensonges et des
19 déclarations qui avaient été faits afin, comme il l'a avoué, d'obtenir des
20 éléments qui pourraient être pertinents pour la crédibilité du témoin. Et
21 comme vous le savez, il nous a laissés dans une situation où le témoin
22 avait déclaré qu'il avait dit la vérité aux (expurgé), alors
23 que nous savons qu'il a menti à M. Rogers.
24 Voilà donc où nous en sommes.
25 Maintenant, il est évident que tous ces éléments et que tous ces
26 documents font partie de tout ce qui doit être pris en compte pour juger de
27 la crédibilité du témoin. On ne peut pas faire un distinguo entre les
28 mensonges qu'il a proférés (expurgé) et
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1 les propos qu'il a fournis à l'Accusation pour obtenir d'eux une lettre
2 afin de faire avancer sa demande. Nous avons présenté des arguments en ce
3 qui concerne la crédibilité de l'Accusation ou le comportement de
4 l'Accusation.
5 L'article 68(i) parle, bien sûr, de la communication par le Procureur
6 de tous les éléments aussitôt que possible. Nous avons la lettre du 5
7 novembre de l'avocat. Nous avons la lettre de M. Rogers du 18 novembre.
8 Nous avons la lettre du 2 février du témoin qui dit que son avocat l'accuse
9 d'être un menteur. Et puis, nous avons la réponse du 2 février de M.
10 Versonnen. Nous avons donc tous ces documents qui auraient dû être
11 communiqués il y a bien longtemps, et il est évident que l'Accusation ne
12 peut pas avancer qu'ils se sont acquittés de leurs obligations en vertu de
13 l'article 68 pour communiquer aussitôt que possible ces éléments.
14 Mais je veux aller plus loin. Compte tenu du document qui était déjà
15 en possession de M. Rogers mardi, tout ceci est en violation de l'article
16 68(i) tandis que nous avions, donc, ces échanges hier.
17 Et vous vous imaginez que si tous ces documents ne nous étaient
18 arrivés qu'après l'issue du procès, parce que M. Rogers dit : Si je ne
19 m'étais pas acquitté de mes obligations, je ne vous les aurais pas
20 transmis. Mais en fait, l'obligation est la communication aussitôt que
21 possible. Alors, M. Rogers ne prend pas ceci au sérieux. Nous arrivons à un
22 stade où les Juges de la Chambre doivent se pencher sur la question de
23 savoir si des sanctions doivent être infligées à la partie en question.
24 Je n'ai pas besoin de consultation avec mes collègues à ce sujet.
25 Nous demandons que les Juges de cette Chambre donnent des orientations et
26 donc qu'une réprimande soit donnée à M. Rogers au vu de la violation
27 patente de l'article 68.
28 Si ceci n'est pas fait, compte tenu de l'attitude complaisante qu'adopte M.
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1 Rogers et que continue à adopter M. Rogers puisqu'il continue à violer
2 l'article 68, les Juges de cette Chambre ne pourraient pas avoir la
3 garantie que les témoins à venir qui présentent des profils similaires et
4 qui évoluent dans des circonstances encore plus sensibles, on ne peut pas
5 faire confiance à M. Rogers. M. Rogers ne semble pas vouloir respecter
6 l'article 68. Nous avons vu ce qui s'est passé hier. Ce qui se passe
7 aujourd'hui est en fait la preuve patente de cela. Quelle explication peut-
8 il donner de ne pas communiquer une lettre qu'il aurait transmise où le
9 témoin demandait en fait de l'aide puisque son avocat le considérait comme
10 un menteur ? Je pense que le moment est venu de ne pas vivre dans ce monde
11 parallèle dans lequel vit M. Rogers, où il pense que ceci n'est pas
12 pertinent pour la crédibilité du témoin.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que nous sommes à huis clos partiel
15 ou en audience publique.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] [hors micro] Nous sommes en audience à
17 huis clos partiel.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer en audience
19 publique, s'il vous plaît.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous y sommes.
22 [Audience publique]
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] En plus de la demande faite par Me
25 Emmerson, en ce qui concerne des sanctions à titre personnel concernant M.
26 Rogers, concernant son comportement et le manquement de s'acquitter à ses
27 obligations, je dirais qu'il y a également des recours juridiques qui sont
28 à la disposition des Juges de la Chambre pour imposer des sanctions en ce
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1 qui concerne la manière dont la déposition du témoin devrait être traitée
2 au vu des violations de l'article 68, puisque ceci a déjà été déterminé.
3 Mis à part cela, je souscris aux commentaires de mes collègues, et étant
4 donné que vous avez demandé d'être bref, je ne vais pas développer plus
5 avant. Mais j'ai énormément de choses à dire. Mais à ce stade, je vais m'en
6 arrêter là.
7 M. EMMERSON : [interprétation] Si vous me permettez de rajouter quelque
8 chose. En ce qui concerne la question de ce qui devrait rester en audience
9 à huis clos partiel et ce qui devrait être rendu public, sans pour autant
10 parler de la nature du document, comme vous le savez, Monsieur le
11 Président, Messieurs les Juges, M. Rogers a écrit à la Défense en
12 communiquant un document émanant d'une instance officielle concernant le
13 témoin, une instance officielle du pays dans lequel habite le témoin à
14 l'heure actuelle, et cette lettre disait que l'avocat du témoin avait été
15 contacté par M. Rogers hier pour savoir s'il y avait des éléments
16 confidentiels qui étaient liés à ce document, et l'avocat nous a informés,
17 je cite, que : "Ce document devrait être traité comme un document
18 confidentiel et ne devrait être mentionné qu'en audience huis clos partiel,
19 étant donné que le témoin n'a pas encore vu ce document ni n'a été informé
20 de son contenu."
21 Mais je dois dire que ceci n'est pas une raison pour laquelle on devrait
22 aborder ce document en audience à huis clos partiel. Il n'y a aucune raison
23 pour cela. L'avocat n'est pas en mesure de dicter aux Juges de cette
24 Chambre si ce document devrait être abordé uniquement en audience à huis
25 clos partiel. Il n'a pas fait part de tout privilège ou de demande de
26 confidentialité. S'il le faisait, il le ferait par une lettre, et il ne l'a
27 pas fait. Mais il dit que simplement parce que le témoin ne l'a pas vu, on
28 ne peut pas en parler à huis clos partiel.
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1 Nous ne sommes pas d'accord. Il n'y a aucun motif valable pour cela, et
2 donc, par conséquent, mis à part les références à l'Etat concerné et
3 d'autres éléments qui pourraient identifier le témoin, tout ce que j'ai
4 mentionné à huis clos partiel devrait être rendu public le moment voulu.
5 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souscris aux propos de Me Emmerson, et
6 sur la pratique du système judiciaire américain, il n'y a aucune raison
7 pour laquelle on devrait aborder ceci en audience à huis clos partiel. De
8 manière générale, les audiences sont publiques et les comptes rendus sont
9 disponibles.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Harvey, est-ce que vous
11 pourriez vous asseoir pendant que votre collègue parle.
12 Allez-y maintenant, Maître Harvey.
13 M. HARVEY : [interprétation] J'ai été très prudent lorsque j'ai donné
14 lecture de ce document à huis clos partiel, et je me suis exprimé de telle
15 manière que l'on pourrait rendre ces propos publics suite à la demande que
16 vient de faire Me Emmerson. Je crois que j'ai évité de mentionner le nom du
17 témoin et j'ai évité également de mentionner le pays dans lequel vit le
18 témoin, et, par conséquent, cette partie en question devrait également être
19 rendue publique.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Harvey.
21 Monsieur Rogers, est-ce que vous souhaitez faire des commentaires sur ce
22 que vient d'être dit cet après-midi ?
23 M. ROGERS : [interprétation] Oui. Beaucoup de choses ont été dites.
24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au vu de la requête de Me
25 Emmerson, étant donné qu'elle est très personnelle, je préfèrerais ne pas
26 le faire verbalement, et je préfèrerais coucher ceci sur papier, de façon à
27 ce que l'on puisse revoir toute la chronologie des événements et que ceci
28 soit couché sur papier dans le document en question.
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1 Pour ce qui est maintenant de la question de la confidentialité,
2 d'après moi, ces documents sont traités confidentiellement et respectent la
3 vie privée de la personne en question dans l'Etat dont il provient. Par
4 conséquent, ils ne sont pas disponibles au grand public. Etant donné que le
5 public ne peut pas avoir accès à ces documents, la référence à ces
6 documents devrait se faire en audience à huis clos partiel. La raison
7 principale n'est pas que la personne concernée n'a pas encore eu
8 connaissance de ces documents, mais c'est plutôt la manière dont les
9 documents sont gérés dans le pays en question. C'est la raison pour
10 laquelle je me suis renseigné avant de procéder à des communications
11 quelconques. De plus, il y avait une question qui restait en suspens, à
12 savoir la pertinence à ce moment-là. Par la suite, étant donné que ce
13 document n'est arrivé qu'un jour où il n'y avait pas d'audience, étant
14 donné où nous en sommes aujourd'hui, suite aux discussions d'hier, je
15 pensais que je me devais de transmettre ce document à la Défense.
16 Ils semblent en tirer la conclusion qu'étant donné que quelque chose
17 a été fourni concernant la personne en question et qu'un résultat a eu
18 lieu, qu'il y avait en fait un lien de cause à effet. Mais ce n'est pas le
19 cas. Me Emmerson a dit qu'il y avait une sorte d'accord qui avait été
20 conclu et que ceci me rendait complice, et ceci n'a jamais eu lieu.
21 Pour ce qui est maintenant du e-mail, je suis d'accord, cet e-mail
22 aurait dû être communiqué. Et lorsque j'ai examiné tous les documents en
23 question dans ce dossier, et j'ai fait cela ce matin -- c'est-à-dire, un
24 peu avant que nous soyons en audience, j'ai donné l'ordre qu'on le
25 communique immédiatement à la Défense. Le document semble être tout à fait
26 pertinent suite aux discussions que nous avons eues, et c'est la raison
27 pour laquelle nous l'avons transmis immédiatement aux équipes de la
28 Défense.
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1 Ce document aurait dû figurer sur la liste des documents communiqués
2 tardivement, mais il n'y figurait pas. Et dès que j'ai vu qu'il s'agissait
3 d'une erreur, j'ai redressé le tir immédiatement en l'envoyant aux équipes
4 de la Défense.
5 Il s'agit d'un témoin qui fait l'objet de communication tardive. Par
6 conséquent, tout élément qui porte sur la déposition de ce témoin ne devait
7 être communiqué que le 18 juillet au plus tard, suite à une ordonnance de
8 cette Chambre de première instance. Et nous avons transmis énormément
9 d'éléments à la Défense concernant ce témoin, y compris des éléments qui
10 portaient sur son statut vis-à-vis des autorités de l'immigration ainsi que
11 des documents qui ont été mentionnés hier par Me Harvey. Ils ont eu depuis
12 la possibilité de faire d'autres demandes. Je comprends tout à fait
13 l'argument qu'ils avancent en ce qui concerne l'article 68. Mais quoi qu'il
14 en soit, ils ont eu la possibilité également de faire des demandes
15 supplémentaires en ce qui concerne toute correspondance, toute information,
16 et cetera, information qui portait sur la demande d'asile.
17 Et la première fois que nous avons entendu parler de cela, c'est
18 lorsque Me Harvey en a parlé alors que le témoin était déjà dans le cadre
19 de son interrogatoire principal. Depuis, nous avons essayé d'aborder cela
20 de manière aussi correcte que possible -- et j'ai l'impression que mes
21 collègues me tiennent un grief personnel, mais j'essaie de le faire de
22 manière aussi équitable que possible. Je comprends tout à fait mes
23 obligations, et j'ai essayé de gérer ceci aussi rapidement que possible. Ce
24 qui me préoccupait également, c'est que j'avais reçu, sans l'avoir demandé,
25 la décision de l'instance en question dans des circonstances où je ne
26 savais pas si j'étais en mesure vraiment de communiquer ces éléments, et
27 deuxièmement, je ne savais pas si vraiment ceci était pertinent.
28 Mes collègues semblent établir un lien de cause à effet, mais d'une
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1 part, vous aviez donc le résultat d'une procédure de demande d'asile qui
2 n'est pas encore arrivée à terme, mais ceci ne semblait pas quelque chose
3 de pertinent. Mais après y avoir réfléchi, j'ai pensé que c'était utile de
4 leur transmettre, et c'est parce que j'ai précisément transmis cela que
5 l'on me tient grief. Donc j'ai perdu sur les deux tableaux. Je ne comprends
6 pas pourquoi ils font cette demande étant donné qu'ils disposent maintenant
7 des documents et peuvent poser des questions au témoin comme bon leur
8 semble.
9 Pour ce qui est maintenant des mensonges proférés par le témoin, ceci
10 a été transmis directement par l'Accusation à la Défense dans la fiche
11 d'information supplémentaire après que nous nous soyons entretenus avec le
12 témoin dans le cadre du processus de récolement. Dans ce document figurant
13 les informations supplémentaires, il est mentionné les documents que Me
14 Harvey a mentionnés, et il est d'accord pour dire qu'effectivement, il a
15 menti sur son formulaire de demande d'asile. Ces documents, ou les pièces
16 liés à cette demande, ont été transmis par la Défense dès le mois de
17 juillet. Parce que ceci était évident que ç'avait une conséquence sur la
18 crédibilité de ce témoin. C'est la raison pour laquelle j'ai transmis ceci
19 à la Défense aussi rapidement que je pouvais le faire.
20 Voilà, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la position que j'adopte
21 en ce qui concerne la communication des éléments. J'ai répondu à une série
22 de demandes qui ont été envoyées par Me Harvey hier à 18 heures 10. Bien
23 sûr, nous étions encore dans ce prétoire jusqu'à 19 heures, en fait, même
24 après 19 heures. Et durant la matinée, nous nous sommes penchés sur tous
25 ces éléments. La situation n'est pas aussi claire qu'on pourrait le penser.
26 Il n'est pas habituel que l'Accusation transmette des correspondances avec
27 des Etats externes ou des entités externes ou toute instance dans ses
28 activités d'enquête.
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1 Ce n'est donc pas une requête habituelle et ce n'est pas une requête
2 qui fait l'objet d'une ordonnance habituelle, mais nous avons essayé de
3 voir, compte tenu de notre procès, comment gérer cela. Mais étant donné que
4 Me Emmerson a présenté une autre requête, je crois, quelques minutes avant
5 que nous entrions dans ce prétoire, où il me critique, ceci pourra faire
6 l'objet de critique également, le fait que c'est envoyé juste avant que
7 nous rentrions dans le prétoire. J'ai imprimé cette communication. Mais je
8 ne la retrouve pas maintenant.
9 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne fais que reprendre les requêtes que
10 j'avais faites à plusieurs reprises hier dans ce prétoire compte tenu de la
11 non-communication.
12 L'INTERPRÈTE : M. Rogers qui en donne lecture d'un document que les
13 interprètes n'ont pas reçu.
14 M. ROGERS : [interprétation] "Toute communication ou contact entre le
15 bureau du Procureur et tout Etat ou instance ou agence ou toute
16 organisation concernant le témoin."
17 C'était donc les communications qu'on nous demandait. Il s'agit d'une
18 demande de communication très importante.
19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, étant donné que nous devons
20 étudier les demandes de correspondance très prudemment, parce qu'elles
21 couvrent des documents très importants, toute une série de documents, et,
22 en général, ceci ne tombe pas sous le coup de l'article 70.
23 Et je mentionne ceci de manière générale. Compte tenu du type de
24 requêtes qu'ils ont formulées, le bureau du Procureur doit réfléchir aux
25 conséquences que cela pourrait avoir, pas uniquement sur ce procès-ci, mais
26 sur les autres procès. Par conséquent, il nous faut un peu de temps pour
27 assurer la coordination et pour nous assurer que les informations relèvent
28 vraiment de l'article 68. Si tel est le cas, nous les transmettons. Je sais
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1 que des arguments ont été présentés à ce sujet, et je concède qu'en ce qui
2 concerne cet e-mail en question, j'aurais dû le communiquer. Je l'ai déjà
3 mentionné. Mais nous prenons nos responsabilités très au sérieux, et même
4 si Me Emmerson nous décrit comme étant désinvoltes, ce n'est pas ainsi que
5 nous nous comportons. Et, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous
6 nous pencherons sur les requêtes, nous gérons tout ceci aussi rapidement
7 que possible et de manière aussi efficace que possible, en prenant en
8 compte toutes les demandes soulevées par mes collègues. Ce qu'ils ne vous
9 disent pas, bien sûr, c'est la pléthore de documents que nous avons
10 communiqués, documents à décharge. Mais tout ceci semble être oublié, alors
11 qu'ils profèrent des accusations très générales.
12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Me Emmerson a déposé sa demande
13 et nous déciderons quelle marche à suivre. Je suggère que Me Emmerson
14 couche ceci sur papier pour que nous aussi, nous puissions répondre par
15 écrit à la requête de Me Emmerson.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
17 Les Juges de la Chambre avaient dit au départ que nous souhaitions
18 gagner du temps, et tout ce qui a été dit cet après-midi, et également
19 hier, tout ceci devrait être couché sur papier. Il faudrait permettre aux
20 personnes concernées de répondre. Il faudrait que les Juges de la Chambre
21 puissent connaître très bien quels sont les arguments présentés, quelles
22 sont les plaintes des différentes parties qui sont impliquées et qui se
23 plaignent, et permettre aux protagonistes, tels que Me Guy-Smith, de
24 rajouter ce qu'ils souhaitent rajouter, puisqu'ils n'ont pas pu le faire
25 compte tenu du fait que nous demandions d'être bref. Par conséquent, je
26 demande aux parties de coucher tout ceci sur papier, et je ne parle pas
27 uniquement de ces éléments concernant la communication des éléments, mais
28 je parle également de ce qui doit rester à huis clos partiel et ce qui peut
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1 être rendu public. De cette manière, les Juges de la Chambre pourront
2 rendre les ordonnances sur des éléments qui sont précisément expliqués --
3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends très bien ce que vous voulez
4 dire, Monsieur le Président. Et afin de faire la synthèse de tout cela, je
5 demanderais dans ce cas-là que l'on reçoive l'e-mail de (expurgé) du mois de
6 novembre parce que c'est un document qui nous manque énormément dans cette
7 discussion étant donné que ce document a été abordé à plusieurs reprises,
8 et je demanderais que les Juges de la Chambre rendent une ordonnance afin
9 que M. Rogers transmette ce document à la Défense de façon à ce que nous
10 puissions coucher ceci sur papier.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais mon problème, je ne sais pas
12 vraiment de quel document vous parlez, Maître Guy-Smith.
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est le document qui a été mentionné par
14 Me Emmerson lorsqu'il parlait de la chronologie des événements.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien sûr.
16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il s'agit d'un document, une lettre, en
17 fait, de l'avocat de ce témoin ou un e-mail à l'attention de M. Roger.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Et M. Rogers a répondu à cette
20 communication. Je crois que M. Rogers joue un jeu très dangereux puisqu'en
21 fait, il distribue au compte-gouttes les informations qu'il a à sa
22 disposition.
23 M. ROGERS : [interprétation] Ce n'est pas du tout notre intention. Je sais
24 que c'est ainsi que vous voulez décrire la situation.
25 Une des raisons pour laquelle je n'ai pas répondu pleinement à la
26 question des correspondances que j'ai reçues, c'est parce que je ne veux
27 pas donner au compte-gouttes des lettres, les unes après les autres, à la
28 Défense. Ce n'est pas la manière correcte de procéder. La manière de
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1 procéder consisterait à transmettre tous les documents auxquels ils ont
2 droit, et pas au compte-gouttes. C'est la raison pour laquelle, à ce stade,
3 ils n'ont pas encore reçu les différents éléments de la correspondance.
4 Parce qu'il y a la question de la pertinence de ces éléments à proprement
5 parle. Dans le procès, j'ai transmis la lettre, c'est la lettre qui les
6 intéresse. C'est ce qui a déclenché ce processus, c'est la raison pour
7 laquelle la lettre qui a déclenché cette réponse n'a pas été transmise.
8 Parce que je n'accepte pas la description qui a été faite par Me Emmerson.
9 Il a décrit ceci comme une intervention de la part du bureau du Procureur.
10 Et ce n'est pas le cas. Je parle ici de la demande d'asile du témoin. Il
11 s'agissait d'une lettre qui a été transmise à l'avocat, qui a été utilisée
12 par l'avocat, mais ce n'était pas l'intention du bureau du Procureur que de
13 prêter une assistance. L'objectif est simplement de rester très neutre,
14 comme j'ai dit hier.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
16 Mais je voudrais simplement dire à Me Guy-Smith, suite à votre
17 demande, que vous pouvez faire cette demande par écrit. Et vous laissez M.
18 Rogers répondre.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous comprends très bien, mais je l'ai
20 dit auparavant et -- soit j'ai du mal à m'entendre ou je suis un disque
21 cassé. Je veux être en mesure, bien sûr, de prendre la parole devant les
22 Juges de cette Chambre parce que c'est une question très grave. Et afin de
23 pouvoir gérer ceci de manière responsable et de la manière qui a été
24 proposée par les Juges de la Chambre, je ne veux pas être dans une position
25 où je vais demander une communication afin, ensuite, de faire valoir ce que
26 le faire-valoir. Nous avons souvent été dans une situation de ce type avec
27 d'autres questions et je ne voudrais pas que les difficultés s'accumulent
28 en ce qui concerne les positions qui ont été prises par M. Rogers.
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1 Ce que je demande est très simple en fait : je voudrais simplement
2 que l'on nous communique un élément, un document, parce que je pense qu'il
3 s'agit en fait de violation grave des obligations du Procureur. Et ceci va
4 avoir des conséquences sur le rôle des Juges de cette Chambre, et je pense
5 qu'il est important de disposer de cette information avant de commencer à
6 me lancer dans des conjectures. M. Rogers a adopté la position de dire que
7 je me lance dans des conjectures et que la Défense, dans son ensemble, se
8 livre à cet exercice et que lui est aussi blanc que Blanche-Neige. Mais il
9 devrait nous transmettre ces informations de façon à ce que nous puissions
10 analyser cela pour savoir si ce qu'il avance est exact ou pas.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, je vous redis que
12 cette Chambre, en cet instant, n'a pas la possibilité de se prononcer sur
13 cette requête. Si cette requête doit être présentée, il importe que vous
14 disiez dans vos écritures que la communication faite par l'Accusation n'a
15 pas été faite convenablement et que vous en tirez un certain nombre de
16 déductions. Et il vous faut également proposer des recours.
17 Vous nous demandez de mettre la charrue avant les bœufs.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je voulais parler de la chronologie
19 des questions que nous abordons devant vous, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais c'est ce que je disais. Il
21 importe que vous disiez aux Juges ce que vous demandez aux Juges de faire.
22 Vous nous demandez d'exiger cela de M. Rogers ?
23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, dites à l'Accusation quel est son
24 devoir, dites-lui d'agir comme l'Accusation est censée agir.
25 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais baisser un peu la température
26 dans la salle et instaurer un peu plus de calme dans la discussion, car il
27 est clair, je le dis bien, il est clair que chacun a des griefs importants
28 par rapport à ce qui s'est passé, et je suis parti du principe que les
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1 Juges de la Chambre comprendraient que si les sentiments sont si intenses
2 étant donné ce qui s'est passé, il y a une raison qui le justifie.
3 Je demande à la Chambre de prendre en considération la séquence des
4 événements dont nous parlons en ce moment. De ce côté de la salle, vous
5 nous dites de mettre nos arguments par écrit. Il va nous falloir maintenant
6 nous consulter entre nous pour savoir quel sera le sort réservé à la suite
7 de la déposition de ce témoin. Pour l'instant, la position que nous
8 présentons est la suivante : M. Rogers nous dit que la lettre envoyée par
9 lui ne constituait en aucun cas une intervention de sa part dans le dossier
10 d'asile de ce témoin. C'est sa position, c'est ce qu'il nous dit. Nous,
11 nous rétorquons : Donnez-nous la lettre à laquelle vous avez répondu de
12 façon à ce que nous puissions déterminer si vous avez dit la vérité ou pas.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
14 M. EMMERSON : [interprétation] Un instant encore, Monsieur le Président.
15 Laissez-moi finir. Je comprends que vous souhaitez arriver à la conclusion,
16 mais je dirais que puisque vous avez parlé de charrue avant les bœufs, nous
17 ne pouvons pas indéfiniment poursuivre ce débat.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il me faut toutefois, Maître Emmerson,
19 vous arrêter un instant.
20 Au stade actuel, alors que la Chambre vous demande de présenter des
21 écritures pour que la Chambre puisse rendre une ordonnance, vous pouvez
22 conclure un accord avec l'Accusation pour obtenir le document.
23 M. EMMERSON : [interprétation] Non.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez demander à l'Accusation de
25 vous le fournir.
26 M. EMMERSON : [interprétation] Nous l'avons demandé, Monsieur le Président.
27 Nous lui avons demandé ce document. Et nous vous avons demandé d'ordonner
28 sa communication.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers.
2 M. ROGERS : [interprétation] Mais ce n'est pas une question de refuser un
3 appel à communication.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous êtes prêt à remettre
5 ce document maintenant ?
6 M. ROGERS : [interprétation] C'est une question de comment la question doit
7 être abordée dans son ensemble.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question est la suivante : est-ce
9 que vous êtes prêt à remettre ce document à la Défense maintenant ? Oui ou
10 non ?
11 M. ROGERS : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Eh bien, remettez le
13 document.
14 M. EMMERSON : [interprétation] Merci. Mais je suis désolé qu'il ait fallu
15 en discuter si longtemps. Je dirais qu'il nous faut une ordonnance de façon
16 à ce que les choses fonctionnent également à l'avenir de la bonne façon.
17 J'aimerais terminer mon argument. M. Rogers a reconnu devant vous il
18 y a un instant qu'il était coupable d'infraction à l'article 68 du
19 Règlement. Il a dit que l'e-mail du 2 février, très manifestement, aurait
20 dû être communiqué dans les délais. Il s'agit donc bien d'une infraction à
21 l'application de l'article 68 du Règlement.
22 Et M. Rogers de donner des explications complémentaires parce que
23 l'e-mail reçu de M. Versonnen disait qu'il serait question de la lettre.
24 Et la lettre était bien la lettre de M. Rogers.
25 Donc, si M. Rogers vous dit qu'il n'avait pas connaissance de
26 l'existence de ce mail, il va manifestement devoir apporter des
27 explications complémentaires. Mais quoi qu'il en soit, la seule question
28 importante qui résultera de tout cela, c'est quelles sont les sanctions que
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1 vous devrez appliquer. Car M. Rogers admet qu'il a commis une infraction.
2 Nous n'admettons pas son exposé des faits --
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est le recours que vous demandez ou
4 que vous exigez, eh bien, faites-le dans vos écritures, et la Chambre
5 examinera la question.
6 M. EMMERSON : [interprétation] Mais pour être honnête, et je l'ai dit dès
7 le départ, il y a deux questions qui se posent. Qu'est-ce que la Chambre
8 doit faire par rapport au comportement de M. Rogers ? Ça, c'est une
9 question. Et deuxième question : comment nous allons poursuivre ce procès ?
10 Car nous venons de parler du premier problème. M. Rogers vient d'accepter
11 de se plier à ses obligations. Nous vous demandions une ordonnance, et il y
12 a trois minutes, il refusait de répondre aux questions claires qui étaient
13 posées à ce sujet, mais il vient d'accepter.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
15 M. EMMERSON : [interprétation] Et il apparaît clairement également dans la
16 réponse de M. Versonnen du 2 février : "Nous vous tiendrons informés." Donc
17 il s'agit qu'il y a eu suite de communication au sujet du statut à accorder
18 à ce témoin, et le témoin s'était adressé à qui il s'est adressé pour
19 demander de l'aide dans son dossier.
20 Donc, est-ce que nous devons croire que M. Rogers ne comprend pas
21 encore à l'instant même quelle est l'exacte nature des obligations qui lui
22 incombent ?
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Emmerson. Je ne crois
24 pas que vous vous attendiez à une réponse immédiate de la Chambre.
25 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
26 vois bien que vous devez être un peu soulagés dès lors que vous ne voyez
27 personne bondir pour prendre la parole. Mais je viens de bondir parce que
28 je pense que le moment est très opportun pour une brève suspension
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1 d'audience qui permettra à la Défense de consulter ses clients. Et nous
2 devrions peut-être autoriser une baisse partielle de la température dans ce
3 prétoire et la possibilité pour la Défense de se donner un grand maître en
4 matière de réglementation applicable dans le domaine de la communication
5 afin que chacun remplisse dûment le devoir qui est le sien.
6 Mais nous allons réfléchir à la question, Monsieur le Président, si
7 vous nous donnez un instant de suspension -- parce que nous souhaitons que
8 l'affaire progresse, c'est certain. Nos clients sont assis dans ce prétoire
9 depuis le début de l'affaire, et cela fait déjà pas mal de temps.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons donc faire une pause et
11 reprendrons nos débats à 16 heures.
12 Suspension ordonnée.
13 --- L'audience est suspendue à 15 heures 25.
14 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Harvey.
16 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à
17 vous remercier pour le temps que vous nous avez accordé qui nous a permis
18 de nous consulter.
19 En deuxième lieu, je tiens à vous informer que le chef de l'équipe a
20 désormais reçu un exemplaire d'un document qui contient le message envoyé
21 apparemment le 5 novembre 2010 par l'avocat du pays à M. Versonnen, et ce
22 message se lit comme suit : le présent message a reçu réponse et a été
23 transmis à qui de droit. En tout cas, ce qui importe, c'est que ce document
24 émane d'un ordinateur de M. Versonnen à la date d'hier, mais pour une
25 raison ou pour une autre, il n'a pas fait partie de la série de documents
26 que nous avons reçue à notre entrée dans le prétoire ici aujourd'hui.
27 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai discuté de cette question
28 avec mes confrères et avec mes clients. Vous vous rappelez qu'à la
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1 suspension d'audience hier, je n'en étais même pas arrivé à la moitié de
2 mon exposé relatif au comportement et à la conduite de ce client vis-à-vis
3 des autorités d'immigration du pays. Je ne suis pas en mesure de continuer
4 à poser la moindre question au témoin tant que je n'aurais pas
5 communication complète de la part de l'Accusation. Je crois qu'agir de la
6 sorte serait très préjudiciable pour mon client, si je devais poser au
7 témoin ne serait-ce qu'une seule question avant d'avoir obtenu tous les
8 documents que l'Accusation doit me communiquer. Je connais parfaitement
9 bien le désir des Juges de la Chambre de continuer, pour avancer, et s'il y
10 avait quoi que ce soit dont j'estimais que je pouvais le faire en toute
11 responsabilité, j'en informerais mon client et je le ferais dans mes
12 relations avec ce témoin. Mais je dois vous dire que depuis plus de 40 ans
13 que je travaille, je ne me suis jamais trouvé dans la situation dans
14 laquelle je suis aujourd'hui, et sauf le grand respect que j'ai à l'égard
15 de la Chambre, je tiens à ne pas imposer le moindre préjudice à mon client,
16 et donc je ne peux poursuivre avant d'avoir reçu communication complète,
17 communication à laquelle j'ai droit. Et, bien sûr, nous mettrons toutes ces
18 questions par écrit à l'intention des Juges de la Chambre en toute
19 célérité.
20 Donc, voilà ma demande : que la déposition de ce témoin soit repoussée
21 jusqu'à fin de la communication des documents.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Merci, Maître Harvey.
23 Maître Emmerson.
24 M. EMMERSON : [interprétation] J'indiquerais, pour commencer, que j'adopte
25 les arguments qui viennent d'être présentés, auxquels je me joins. Le
26 document que les Juges de la Chambre ont réussi à enlever à M. Rogers juste
27 avant la suspension, si on le lit en même temps que la réponse de M.
28 Rogers, on vous y invitera, et je suis sûr qu'en lisant l'exemplaire qui
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1 vous a été communiqué, vous en tirerez la déduction inévitable qu'il
2 s'agissait d'un acte délibéré de la part du bureau du Procureur et d'une
3 intervention de celui-ci dans le dossier de demande d'asile du témoin à la
4 demande de son avocat. Ceci ressort très clairement.
5 Et la raison pour laquelle je dis cela relève tout d'abord du fait que M.
6 Rogers vous a dit que ce n'était pas il y a quelques instants. Et il m'a
7 accusé d'avoir mal relaté les choses, alors que la lecture du document
8 confirme tout à fait mes dires.
9 Me Harvey demande la possibilité de présenter des écritures sur la question
10 des sanctions et des recours parce qu'il y a d'autres documents qui ont un
11 rapport avec ce témoin que M. Rogers n'a pas encore transmis entre nos
12 mains.
13 Etant donné cela, il serait mauvais de poursuivre sans que toutes ces
14 questions aient été résolues, et en particulier celle du comportement de
15 l'Accusation, aussi bien celui de M. Rogers, mais également la façon dont
16 le procès se déroule dans son ensemble.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson, je ne voudrais pas
18 vous interrompre. Est-ce que la Chambre peut vous inviter à présenter tous
19 vos arguments par écrit.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Absolument. Mais manifestement, la question
21 du moment où la Chambre va devoir se prononcer a un lien avec le moment où
22 l'audition du témoin doit s'interrompre ou pas. Donc ces questions doivent
23 faire l'objet d'une décision, c'est important, avant toute décision de la
24 Chambre, que celle-ci comprenne bien que l'examen de cette question remonte
25 à très loin et qu'il reste encore pas mal de documents qui n'ont pas été
26 communiqués à la Défense alors que nous avons eu une suspension de trois
27 semaines.
28 Donc la requête conjointe de la Défense par rapport à ce témoin est
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1 la suivante : la Défense aimerait inviter la Chambre de première instance à
2 ordonner que certaines dispositions soient prises afin que la situation
3 actuelle ne se reproduise pas à l'avenir.
4 Il y a un autre témoin qui va être entendu durant la session actuelle qui
5 n'est pas le témoin suivant. Nous ne demandons pas à la Chambre
6 d'interrompre complètement la déposition du présent témoin, mais je
7 préviens à l'avance qu'il faudra une décision de la Chambre susceptible de
8 tenir compte du fait que la Défense a présenté sa position de la façon la
9 plus ferme qui soit quant au fait que le procès ne doit pas reprendre tant
10 que les requêtes n'ont pas reçu satisfaction. Et nous tenterons de déposer
11 une requête commune de tous les conseils de la Défense, donc il faudra
12 qu'il y ait réponse à cette requête et communication complète de la part de
13 l'Accusation avant que la déposition ne se poursuive. C'est une question
14 très importante par rapport à laquelle, d'après les conseils de la Défense,
15 étant donné ce qui s'est passé jusqu'à présent et qui a été erroné, la
16 Chambre ne devrait pas autoriser une poursuite du procès en agissant de
17 façon responsable et professionnelle tant que la responsabilité de
18 communication de l'Accusation n'a pas été satisfaite.
19 Nous invitons les Juges de la Chambre à suspendre donc l'audition de ce
20 témoin. Nous ne l'invitons pas à déclarer une suspension d'audience
21 prolongée pour le moment. Nous serions satisfaits de poursuivre avec
22 l'audition du témoin suivant avant la fin de la communication par rapport à
23 ce témoin. Ce témoin, manifestement, devra être rappelé à un autre moment,
24 mais avant la session suivante, et nous invitons la Chambre à rendre sa
25 décision sur ces questions car ce serait à tort dans l'intérêt de ce procès
26 que de poursuivre tant que l'Accusation n'a pas entièrement rempli ses
27 obligations de communication.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, vous avez la parole.
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1 Et je sais que vous serez bref.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande, par rapport à la déposition de
3 ce témoin, qu'elle soit reportée à une date ultérieure tant qu'une solution
4 n'a pas été apportée aux requêtes présentées par écrit. Je me joins dans
5 cette requête à celle de Me Emmerson par rapport à la présentation de la
6 déposition du témoin suivant de façon à ce que nous puissions poursuivre
7 sans préjudice pour le procès.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Guy-Smith.
9 Monsieur Rogers.
10 M. ROGERS : [interprétation] Manifestement, il va nous falloir résoudre ces
11 questions. Je n'ai aucune objection par rapport à la solution proposée par
12 mes collègues de la Défense. Nous pouvons entendre le témoin suivant. Il
13 est regrettable que ce témoin-ci soit contraint de repartir pour revenir
14 ensuite, notamment si l'on tient compte des circonstances personnelles qui
15 sont les siennes. Toutefois, je pense que nous devons résoudre ces
16 questions, et je suis donc d'accord.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Rogers.
18 Etant donné ce qui vient d'être dit, je souhaite proposer la solution
19 suivante, à savoir que nous passions à huis clos pour inviter le témoin à
20 entrer dans le prétoire et l'avertir au sujet de ses obligations tant qu'il
21 a sa qualité de témoin, après quoi nous ferons entrer le témoin suivant.
22 Cela vous convient ? Bien.
23 La Chambre demande un huis clos.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
25 Juges, nous sommes à huis clos.
26 [Audience à huis clos] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]
27 [Le témoin vient à la barre]
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Vous pouvez vous
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1 asseoir.
2 Cela peut vous surprendre d'avoir dû attendre à l'extérieur du prétoire
3 sans pouvoir entrer dans la salle pour témoigner, mais pas mal de questions
4 ont dû être discutées par les avocats. Et suite à ce débat, je dois vous
5 dire qu'il est impossible que votre audition se poursuive immédiatement.
6 Vous devrez donc quitter votre chaise de témoin dans quelques instants.
7 Mais votre déposition n'est pas terminée pour autant. Cela dit, les
8 questions qui doivent être résolues nécessiteront peut-être quelque temps,
9 et je ne peux vous dire avec certitude quelles seront les dispositions
10 prises à votre égard; est-ce qu'il va vous falloir rentrer chez vous et
11 revenir à une date ultérieure ou si vous pourrez rester dans la région pour
12 attendre la reprise de votre déposition. En tout cas, vous êtes toujours
13 concerné par l'interdiction qui vous est faite de discuter des sujets
14 abordés dans votre déposition avec qui que ce soit, et ce, jusqu'à la
15 reprise de votre audition. Donc veuillez attendre d'être rappelé au
16 Tribunal. Et vous êtes prié de rester à la disposition du Tribunal dans
17 cette période.
18 Je vous remercie. Vous pouvez maintenant quitter la salle tant que
19 vous n'aurez pas de nouvelles de la Chambre.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
21 [Le témoin quitte la barre]
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers, est-ce qu'il nous
23 faut rester à huis clos pour l'audition du témoin
24 suivant ?
25 M. ROGERS : [interprétation] Non.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Revenons en audience publique.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique,
28 Monsieur le Président.
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
3 M. ROGERS : [interprétation] C'est M. Menon qui va procéder à
4 l'interrogatoire principal du prochain témoin.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parfait.
6 Bonjour, Monsieur Menon.
7 M. MENON : [interprétation] Merci. L'Accusation appelle à la barre Skender
8 Rexhahmetaj.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comment prononcez-vous exactement le
10 patronyme du témoin, Monsieur Menon ? Dites-le-nous, puisque nous attendons
11 sa venue et que nous avons le temps d'en parler.
12 M. MENON : [interprétation] Excusez-moi. Il faut dire Rexhahmetaj.
13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes albanais précisent qu'il faut prononcer
14 Rexhahmetaj.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin n'est toujours pas arrivé
17 dans le prétoire. M. le Juge Delvoie semble se souvenir qu'un avocat de la
18 Défense avait dit qu'il existait un document que nous n'avions pas et que
19 vous nous aviez promis.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Effectivement, c'est un document qui porte
21 la date du 5 novembre. C'est un courrier électronique. J'ai des exemplaires
22 pour vous, Messieurs les Juges. Nous les avons mis avec la réponse.
23 Malheureusement, ce n'est pas agrafé. C'est pour cela j'attendais, je
24 pensais que vous vouliez les avoir agrafés.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pensais que vous alliez les joindre
26 à la requête.
27 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est ce que nous avions l'intention de
28 faire, mais autant que vous les ayez maintenant. Ceci recadrera bien la
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1 question.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
3 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais demander au témoin de
6 prononcer la déclaration solennelle.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN: SKENDER REXHAHMETAJ [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Bon après-midi.
12 Veuillez vous asseoir.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Menon.
15 M. MENON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Interrogatoire principal par M. Menon :
17 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez confirmer que vous suivez les
18 débats dans une langue que vous comprenez et que tout va bien.
19 Monsieur ?
20 R. Oui.
21 Q. Merci. Veuillez décliner votre identité pour qu'elle soit actée au
22 compte rendu d'audience.
23 R. Je m'appelle Skender Rexhahmetaj.
24 Q. Quel est votre date de naissance ? Veuillez nous la rappeler.
25 R. Je suis né le 13 octobre 1969.
26 Q. Et quel est votre lieu de naissance ?
27 R. Isniq.
28 Q. Et Isniq se trouve dans quel pays ?
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1 R. Dans la municipalité de Decan, au Kosovo.
2 Q. Merci, Monsieur. Avez-vous fourni au bureau du Procureur une
3 déclaration le 24 mars 2006 ?
4 R. Oui.
5 Q. Et est-ce que vous avez fourni une nouvelle déclaration au bureau du
6 Procureur, cette fois, le 24 septembre 2010 ?
7 R. Oui.
8 Q. Depuis votre arrivée à La Haye, avez-vous eu l'occasion de relire ces
9 deux déclarations dans une langue que vous comprenez ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que vous avez lu cette déclaration en albanais ?
12 R. Oui, les deux déclarations.
13 M. MENON : [interprétation] Peut-on afficher le document de la liste 65 ter
14 03090.
15 Q. Est-ce qu'on voit votre paraphe en bas de page ? Il suffit de montrer
16 la version en albanais au témoin.
17 R. Oui.
18 Q. Peut-on afficher la page 4 dans les deux versions.
19 Est-ce bien votre signature qu'on voit sur cette page ?
20 R. Oui.
21 Q. Etes-vous en mesure de confirmer que ce document englobe les
22 modifications que vous avez apportées à la déclaration que vous aviez
23 signée le 24 octobre 2006, et aussi à celle du 24 septembre 2010 ?
24 R. Oui. Il s'agit bien du document qui reprend les différentes
25 modifications que j'ai souhaité apporter.
26 Q. Monsieur le Témoin, si des questions vous étaient posées à propos des
27 sujets contenus dans les déclarations signées le 24 mars et le 24
28 septembre, est-ce que les réponses que vous fourniriez à ces nouvelles
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1 questions correspondraient à ce qu'on voit ici dans ce document qui a été
2 modifié par vos soins ?
3 R. Oui.
4 M. MENON : [interprétation] Je demande le versement du document de la liste
5 65 ter 03043, à savoir la déclaration préalable du témoin en date du 24
6 septembre 2010. Puis, le versement du 03058 de la liste 65 ter, là il
7 s'agit de la déclaration préalable du témoin fournie le 24 mars 2006. Ainsi
8 que le document 03090, à savoir la liste des corrections apportées par le
9 témoin.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ces documents sont versés au dossier.
11 Veillez à accorder à chacun de ces trois documents une cote, Madame la
12 Greffière.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 03043 deviendra la pièce
14 P297. Le document 03058 deviendra la pièce P298. Alors que le document de
15 la liste 65 ter 03090 deviendra la pièce P299.
16 M. MENON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'y autorisez,
17 je voudrais donner lecture du résumé en vertu de l'article 92 ter
18 concernant ce témoin.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.
20 M. MENON : [interprétation] Le témoin est un ancien commandant de l'UCK du
21 village d'Isniq, de la municipalité de Decan.
22 Après l'affrontement armé survenu à la maison familiale des Haradinaj
23 à Gllogjan en mars 1998, des mesures ont été prises pour organiser la
24 défense militaire dans le village du témoin, à savoir Isniq. Le témoin a
25 été désigné commandant de la défense du village. Ce faisant, en organisant
26 la défense de son village, le témoin et ses co-villageois ont travaillé
27 avec le QG de l'UCK à Gllogjan. Le témoin est allé au village de Gllogjan
28 dans la deuxième moitié d'avril 1998, et c'est là qu'il a rencontré pour la
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1 première fois Ramush Haradinaj.
2 Le témoin, dans sa déposition, parle d'une réunion à laquelle il a
3 assisté à Gllogjan le 23 mai 1998, et il parle de la structure militaire
4 qui a été créée à l'occasion de cette réunion. Cette structure se composait
5 de cinq sous-zones. Le témoin a été nommé commandant d'une des sous-zones.
6 Dans sa déposition, le témoin décrit le rôle joué dans cette structure
7 militaire par Ramush Haradinaj. Le village de Jabllanice ne faisait pas
8 partie des cinq sous-zones créées le 23 mai 1998.
9 Le témoin a rencontré Lahi et Nazmi Brahimaj la première fois à une réunion
10 qui s'est déroulée au cours de la première quinzaine du mois de juin 1998.
11 Le témoin avait demandé à Ramush Haradinaj d'organiser une réunion avec le
12 QG de l'UCK de Jabllanice pour améliorer la coopération avec ce village. Le
13 témoin a contacté Ramush Haradinaj parce qu'il avait de meilleurs contacts
14 avec le QG de l'UCK de Jabllanice et qu'il connaissait mieux ceux qui
15 étaient à Jabllanice. Le témoin confirme que Ramush Haradinaj est devenu
16 officiellement le commandant général de la zone de Dukagjin, incluant
17 Jabllanice, le 23 juin 1998. D'après le témoin, les opérations entre le QG
18 de l'UCK de Gllogjan et celui Jabllanice étaient coordonnées de façon
19 ponctuelle avant le 23 juin 1998.
20 Le témoin parle aussi des rapports qu'avait Ramush Haradinaj avec Idriz
21 Balaj et de l'autorité qu'il avait sur ce dernier.
22 J'ai ainsi terminé la lecture très rapide du résumé de ce témoin. Et je
23 demande l'autorisation de montrer au témoin le document 01264.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
25 M. MENON : [interprétation] Peut-on montrer la version en albanais au
26 témoin et montrer les deux versions à toutes les personnes présentes dans
27 le prétoire.
28 Q. Est-ce que vous voyez ce document que vous avez sous les yeux ?
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1 R. Oui.
2 Q. Qu'est-ce qu'il représente ?
3 R. C'est, disons, le procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue à
4 Gllogjan au mois de juin.
5 Q. Et est-ce que vous vous souvenez des sujets abordés lors de cette
6 réunion, sur quoi portait-elle ?
7 R. La lettre reprend les points qu'il était convenu d'aborder dans l'ordre
8 du jour. D'abord, vous voyez, établissement de l'état-major opérationnel de
9 Dukagjini et des devoirs incombant aux commandants des zones
10 opérationnelles, donc ce qu'on devait faire pour ce qui est d'organisation
11 et de la formation des états-majors au QG de la zone. Il y a aussi un autre
12 élément dont on a discuté lors de cette réunion, c'est la question de la
13 formation, de l'entraînement des unités, donc formation ou entraînement
14 individuel et collectif, ainsi que l'engagement du commandement et sa
15 participation à la planification au programme de formation et
16 d'entraînement et aussi à la question de la coordination entre les unités
17 censées opérer dans la zone opérationnelle de Dukagjini.
18 Q. Est-ce que vous voyez votre signature apposée à ce document ?
19 R. Elle ne se trouve pas à cette page-ci.
20 Q. Peut-on montrer la page suivante en albanais.
21 Est-ce que votre signature apparaît ici ?
22 R. Oui. Oui, maintenant je la vois.
23 C'est au point 6. Mais est-ce que vous pourriez répéter la question ?
24 Parce que je ne vous ai pas entendu.
25 Q. Et votre signature se trouve au regard de quel chiffre ?
26 R. Au regard du numéro 6.
27 Q. On voit deux 6 sur cette page, alors est-ce la première référence ou la
28 seconde qui vous concerne ?
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1 R. Je ne me souviens plus, mais je sais qu'on voit ma signature avec mon
2 patronyme, mon prénom, mon poste. C'est de ma main, mais je ne sais pas si
3 --
4 Q. Mais voyez, on voit deux fois mentionné le chiffre 6 sur ce document.
5 Oui ?
6 R. C'est la deuxième référence.
7 Q. Merci.
8 M. MENON : [interprétation] Je demande le versement de ce document au
9 dossier, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il est versé au dossier. Une cote,
11 Madame la Greffière.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P300.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
14 M. MENON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce
15 témoin.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Menon.
17 Maître Emmerson, vous avez la parole.
18 M. EMMERSON : [interprétation] Me donnez-vous un instant, le temps de
19 m'installer.
20 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :
21 Q. [interprétation] Monsieur Rexhahmetaj, je souhaite vous poser quelques
22 questions d'ordre général. Elles concernent l'apparition de cette
23 organisation et la formation et l'émergence de chaînes de commandement au
24 sein de cette UCK qui commence à se développer, à partir du mois de mars --
25 L'INTERPRÈTE : Apparemment, il n'y a pas d'interprétation en albanais.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Sait-on pourquoi ? Est-ce que c'est
27 parce que les interprètes n'interprètent pas ou est-ce parce que la liaison
28 ne passe pas ?
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1 Monsieur l'Huissier, est-ce qu'il est sur le bon canal, le témoin ?
2 Je m'adresse à la cabine albanaise. Est-ce qu'elle pourrait faire un essaie
3 pour voir si le témoin reçoit bien la cabine albanaise ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bon. Maintenant, j'entends.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien.
6 Excusez-nous, Maître Emmerson. Poursuivez.
7 M. EMMERSON : [interprétation]
8 Q. Excusez-moi, Monsieur le Témoin. Je vais recommencer.
9 Je disais que je souhaitais vous poser d'assez nombreuses questions.
10 Ça va prendre une heure à peu près. Ces nombreuses questions porteront sur
11 les structures qui, peu à peu, se sont établies au sein de cette
12 organisation qui était en formation dans la zone de Dukagjin au cours de la
13 période qui commence en mars 1998 et se termine au mois de septembre 1998.
14 Ce qui m'intéresse aussi, ce sont les chaînes de commandement, les voies
15 hiérarchiques. Donc je vous annonce déjà les sujets dont je souhaite
16 discuter avec vous.
17 Vous n'aurez pas toujours à nous donner moult détails. Il vous suffit
18 d'écouter mes questions et d'y répondre de façon précise. Si j'ai besoin de
19 vous demander des informations supplémentaires, eh bien, je vous poserai
20 ces questions ou ce sont les Juges qui le feront pour obtenir des
21 éclaircissements.
22 Est-ce que vous me comprenez ?
23 R. Oui, j'ai compris.
24 Q. Revenons au tout début de cette période. Nous sommes au mois de mars
25 1998. Est-ce qu'à l'époque, vous, vous habitiez à Isniq ?
26 R. Oui.
27 Q. Peut-on partir de l'idée que vous étiez dans la zone de Dukagjin et que
28 vous y avez toujours été à partir de mars jusqu'au mois de septembre 1998 ?
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1 R. Oui.
2 Q. Serait-il exact de dire que, s'agissant d'informations ou de
3 renseignements que vous receviez de toute une série de sources, vous aviez
4 une très bonne idée de ce qui se passait au niveau de l'organisation de la
5 communauté albanaise de souche au Kosovo ?
6 R. Oui. J'étais informé de la situation qui prévalait.
7 Q. Et vous aviez une bonne compréhension, aussi, des structures qui
8 émergeaient et qui commençaient à se manifester au sein de l'UCK dans cette
9 zone.
10 R. Oui. Dès le mois d'avril, en fait, quand j'ai endossé ces
11 responsabilités pour mon village, j'avais une bonne idée, une bonne
12 compréhension du système.
13 Q. Eh bien, parlons des circonstances qui vous ont amené à endosser ces
14 responsabilités de façon à ce que les Juges comprennent comment se sont
15 passées les choses.
16 D'où les questions précises que je vais maintenant poser.
17 Pendant le mois de mars, est-il exact de dire qu'il y a eu trois
18 attaques de forces serbes combinées sur les familles qui étaient associées
19 avec l'UCK ? Il y a eu les Jashari à Prekash qui ont été attaqués; puis les
20 Tahirsylaj, une famille qui était dans votre propre village, à Isniq; et
21 une troisième attaque dirigée sur la famille Haradinaj à Gllogjan.
22 R. Oui. Vos informations sont exactes en ce qui concerne les événements.
23 Mais je voudrais expliquer que pendant l'attaque de la famille
24 Tahirsylaj, elle s'est produite fin janvier 1998.
25 Puis, il y a l'attaque de la famille Jashari. Tout le monde sait ce
26 qui s'est passé ces jours-là.
27 Ensuite, vient l'attaque de la famille Haradinaj le 24 mars à
28 Gllogjan.
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1 Q. Merci de cette précision pour ce qui est de la chronologie et des
2 dates. C'est un bon exemple de détail supplémentaire qui est utile dans ce
3 cas de figure.
4 Je vais vous soumettre une série d'idées précises.
5 A cette époque-là, serait-on en droit de dire que la famille Jashari
6 et la famille Haradinaj étaient deux familles tout à fait indépendantes, de
7 poches indépendantes de l'UCK ? Il n'y avait pas une situation de
8 hiérarchique entre elles, il n'y a en avait pas une qui commandait l'autre
9 ?
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On parle de quelle
11 période ? Vous parlez seulement du mois de mars uniquement ou de toute la
12 période de mars à septembre ?
13 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. Non, je parlais seulement du
14 mois de mars.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] D'un point de vue géographique, Drenice et
16 Dukagjini sont loin l'une de l'autre. Et donc, ces familles étaient loin
17 l'une de l'autre. Et d'un point de vue militaire, il n'y avait pas non plus
18 de lien. Il s'agissait simplement d'attaques qui avaient été fomentées par
19 les forces des occupants serbes contre des familles albanaises.
20 M. EMMERSON : [interprétation]
21 Q. Je reviendrai à ces attaques et à ce qui s'en est suivi. Mais tout
22 d'abord, j'aimerais que vous expliquiez aux Juges de la Chambre comment ces
23 activités de l'UCK se concentraient dans différents endroits et quels
24 étaient les liens entre ces différents centres d'activité.
25 Donc, si je vous ai bien compris, il n'y avait pas de structure de
26 commandement qui permettait aux Jashari de commander les Haradinaj, ou
27 vice-versa ?
28 R. Non.
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1 Q. Et d'après d'autres éléments de preuve, nous savons que les Brahimaj
2 disposaient d'une base de pouvoir de l'UCK à Jabllanice. Eux non plus ne
3 commandaient pas la famille des Jashari, n'est-ce pas ?
4 R. A ma connaissance, non.
5 Q. Ils ne commandaient pas non plus la famille des Haradinaj, n'est-ce pas
6 ?
7 R. Non.
8 Q. De façon à ce que les Juges de la Chambre comprennent bien, vous aviez
9 des poches ou des groupes de personnes qui étaient membres de l'UCK, mais
10 qui fonctionnaient tous -- bien sûr, ils parlaient peut-être entre eux,
11 mais ils fonctionnaient de manière isolée au sein de ces poches familiales.
12 Et là, nous parlons de la période qui a précédé les attaques.
13 R. Vous parlez donc de la période qui a précédé ces attaques ? Durant ces
14 mois-là ? Je ne dispose d'aucune information fiable sur l'organisation
15 militaire parce qu'il n'y avait pas d'organisation militaire à proprement
16 parler. Il s'agissait de groupes distincts. Je n'ai aucune information. Je
17 n'ai aucune connaissance de lien quelconque. Et il était très difficile
18 pour eux d'avoir quelque lien que ce soit à l'époque.
19 Q. Donc je sais que vous n'avez pas beaucoup d'information détaillée, mais
20 vous venez de nous dire que l'organisation militaire n'existait pas, qu'il
21 s'agissait de groupes distincts.
22 Est-ce que vous pourriez développer en reformulant ceci avec vos
23 propres mots.
24 R. Dans les périodes antérieures, je ne participais ni à des activités
25 politiques, ni n'étais-je membre d'un groupe militaire. Ma participation à
26 l'armée de l'UCK ou aux premiers groupes armés remonte au début du mois
27 d'avril 1998. Par conséquent, je n'ai aucune information quant à ces
28 groupes, leurs effectifs, la manière dont ils fonctionnaient. Je n'en
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1 faisais pas partie. Mes activités militaires ont commencé au début du mois
2 d'avril 1998. C'est à partir de ce moment-là que je peux vraiment vous
3 expliquer quelle était la situation. Avant cela, je ne peux rien vous dire.
4 Parce que je n'ai aucune information à ce sujet.
5 Q. Très bien. Je vais vous poser une dernière question.
6 Lorsque vous avez dit qu'il s'agissait de groupes séparés et que
7 l'organisation militaire n'existait pas, pour ainsi dire, au mois de mars,
8 c'est-à-dire avant les attaques, pouvez-vous nous dire ce que vous
9 entendiez par là ?
10 R. Après, j'ai compris qu'il y avait des petits groupes qui étaient déjà
11 en activité en 1990. Mais en ce qui me concerne, je ne faisais partie
12 d'aucun de ces groupes. Je ne sais pas comment ils fonctionnaient. Mais
13 après, j'ai reçu des informations selon lesquelles il y avait des petits
14 groupes dans les années 1990 qui étaient en activité.
15 Q. Merci. Dans votre village d'Isniq, l'attaque contre la famille
16 Tahirsylaj est une attaque qui a eu des retombées importantes sur le
17 village et sur ses environs, n'est-ce pas ?
18 R. C'est exact. C'était une attaque qui avait été organisée par des forces
19 de police, appuyée par des blindés. Ils ont encerclé la propriété familiale
20 des Tahirsylaj et, suite à cela, deux ou trois personnes ont été blessées.
21 Q. Blessées ou tuées ?
22 R. Après que la propriété familiale ait été encerclée, quelques heures
23 plus tard, la police est entrée dans la maison et a arrêté deux personnes.
24 C'est une attaque au moment où la répression serbe avait pris énormément
25 d'ampleur, et à partir de ce moment-là, ils n'attaquaient plus que des
26 jeunes ou des passants dans les rues, mais des familles. C'était une étape
27 supplémentaire dans la répression serbe contre les Albanais du Kosovo.
28 Q. Et quelque temps après l'attaque, vous nous avez parlé de l'attaque
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1 contre la famille des Jashari. Durant cette attaque, est-ce exact de dire
2 qu'une famille avec beaucoup de ses membres a été complètement décimée, que
3 ce soit des hommes, des adultes, jusqu'aux bébés; est-ce exact ?
4 R. Oui, c'est exact. Les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants,
5 les nourrissons; personne n'a été épargné. Ç'a été un incident horrible,
6 connu maintenant dans le monde entier, à savoir ce que les forces de
7 Milosevic et la politique de Milosevic ont fait aux familles albanaises.
8 Q. Mais j'aimerais savoir quelles ont été les conséquences sur les
9 communautés du Kosovo occidental. Mais tout d'abord -- attendez que je vous
10 pose la question.
11 Donc, tout d'abord, les gens ont considéré et ont décrit cet incident comme
12 un massacre, n'est-ce pas ?
13 R. Les événements de Prekaz ont vraiment ébranlé l'opinion publique au
14 Kosovo et dans toutes les démocraties occidentales. Et à partir de ce
15 moment-là, la population au Kosovo ne s'est plus sentie en sécurité et
16 était vraiment très préoccupée par son avenir.
17 Q. Mais de manière générale, est-ce que ceci a amené sur le terrain à
18 penser qu'il fallait que les communautés s'arment et se défendent pour se
19 protéger contre des attaques similaires ?
20 R. Effectivement, ces événements horribles que nous venons de mentionner
21 ont été l'élément déclencheur au sein de la population albanophone. Ils ont
22 essayé de trouver un moyen de se protéger contre ces attaques notoires qui
23 émanaient des forces de police et de l'armée serbes.
24 Donc les populations civiles n'avaient pas d'autres moyens de se
25 protéger.
26 Q. J'aimerais que l'on revienne sur votre propre village d'Isniq et les
27 villages environnants. Est-ce exact qu'après l'attaque contre la propriété
28 familiale d'Haradinaj, c'est-à-dire l'attaque suivante qui a eu lieu le 24
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1 mars, est-ce exact de dire qu'après cela, des jeunes hommes originaires de
2 votre village sont partis et ont traversé les montagnes en direction de
3 l'Albanie pour revenir avec des armes pour votre propre village ?
4 R. Après ces incidents, des petits groupes de jeunes d'Isniq ont pris
5 l'initiative, et ils se sont dit qu'ils devraient certainement faire face à
6 des événements similaires, parce qu'un événement de ce genre s'était déjà
7 produit à Isniq. Et puis, il y a eu les événements de Gllogjan. Et cela
8 signifie que tout un chacun savait que la situation ne ferait que devenir
9 plus compliquée, et c'est la raison pour laquelle des petits groupes de
10 jeunes, des hommes, se sont rendus en Albanie afin de se procurer des armes
11 pour organiser leur propre défense.
12 Q. Au moment où ces groupes de jeunes hommes sont partis en direction de
13 l'Albanie, est-ce exact de dire que dans votre village d'Isniq, il n'y
14 avait pas de structure organisée de l'UCK à ce moment-là, n'est-ce pas ?
15 R. Non. A l'époque, il n'en avait pas. Ces initiatives ont constitué les
16 premières étapes. Il s'agissait de personnes qui pensaient qu'il fallait
17 qu'elles organisent leur propre défense, et c'est la raison pour laquelle,
18 de leur propre chef, ils sont partis pour aller se procurer des armes.
19 Q. Et peu de temps après l'attaque contre la propriété familiale des
20 Haradinaj, est-ce qu'il y a eu des discussions dans le village pour savoir
21 comment organiser la propre défense du village, et je ne parle pas
22 uniquement de poches ou de petits groupes de personnes qui étaient armés,
23 mais en fait, ils avaient donc essayé de s'organiser pour défendre le
24 village d'Isniq, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, effectivement. Des initiatives telles que vous les avez décrites
26 ont eu lieu.
27 Q. Et dans le cadre de cette tentative d'organiser la propre défense du
28 village d'Isniq, est-ce exact de dire qu'au départ, ce n'était pas une
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1 tentative de l'UCK d'organiser la défense du village d'Isniq ? C'était
2 simplement le village lui-même qui essaie de s'organiser, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact. C'est ainsi que les choses se sont déroulées. C'était
4 la logique d'organiser sa propre défense, une légitime défense. Des
5 initiatives ont vu le jour, des gens se sont exprimés pour essayer de voir
6 comment faire face à des attaques ultérieures provenant des forces serbes.
7 Comme je vous disais, tout un chacun se préoccupait de ce qui allait
8 advenir. Et c'est la raison pour laquelle les jeunes ont pris cette
9 initiative.
10 Q. Je voudrais m'arrêter là pour un instant. Je voudrais me concentrer sur
11 les premières étapes visant à organiser la défense du village. Est-ce qu'il
12 s'agit en fait des événements qui se sont produits au début du mois d'avril
13 dont vous parlez ?
14 R. Oui, c'était au début du mois d'avril, effectivement.
15 Au départ, un petit groupe a rapporté des armes. Et à la fin mars, si
16 je ne m'abuse, je crois que c'était le 27 ou le 28 mars, quatre armes ont
17 été rapportées à Isniq par un groupe de quatre personnes, mais à l'époque
18 je ne savais pas qu'elles existaient. C'est le 2 ou le 3 avril que j'ai
19 appris tout cela.
20 Q. Nous y reviendrons dans un instant.
21 Mais avant de passer à la période suivante -- c'est-à-dire, nous en
22 restons à cette période où les jeunes ont essayé de rapporter des armes
23 pour essayer d'organiser la défense du village. Vous nous avez dit que les
24 habitants du village avaient peur. Est-ce exact qu'Isniq avait vraiment été
25 ébranlé par l'attaque contre Gllogjan, et les populations civiles de
26 Gllogjan, pour la plupart, sont venues à Isniq le 24, après s'être enfuies
27 suite à l'attaque serbe contre le village de Gllogjan, n'est-ce pas ?
28 R. Effectivement, l'attaque contre Gllogjan a fait très peur aux
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1 habitants. Et tous les villageois ont commencé à vraiment réfléchir
2 sérieusement à des moyens de se défendre, et ceci, suite à l'attaque contre
3 la propriété familiale des Haradinaj à Gllogjan. Et à ce moment-là, comme
4 vous l'avez dit, beaucoup de villageois de Gllogjan sont venus pour se
5 réfugier dans notre village.
6 Q. Lorsque vous dites "à l'époque", vous voulez dire le 24 mars lorsque
7 les Serbes ont attaqué Gllogjan, et de nombreux civils de Gllogjan se sont
8 réfugiés à Isniq, n'est-ce pas ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Donc vous avez dit que durant les premiers jours du mois d'avril, je
11 crois que vous avez dit le 2 ou le 3 avril, c'est la première fois que vous
12 avez appris qu'au sein de votre propre village, il y avait des jeunes qui
13 étaient armés; est-ce exact ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Est-ce que vous avez appris cela parce que vous avez été
16 personnellement contacté et on vous a demandé si vous seriez disposé à
17 participer à l'organisation de la défense du village ?
18 R. C'est un de mes cousins qui m'a dit qu'il y avait un petit groupe de
19 personnes qui s'était procuré des armes dans le village, et ils lui avaient
20 demandé de me demander si j'étais disposé à les aider, à les soutenir pour
21 organiser la défense du village.
22 Q. Ces personnes n'étaient pas en uniforme, n'est-ce pas ?
23 R. Non. C'était des civils.
24 Q. Et ils ne déclaraient pas représenter ou être membres de quelque armée
25 que ce soit à l'époque, n'est-ce pas ?
26 R. Non. En fait, il s'agissait de personnes qui avaient à cœur la
27 protection de leur village et des populations, et ils voulaient que
28 quelqu'un les dirige dans leur tentative de protéger le village. Et ils
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1 avaient décidé, entre eux, que je pourrais être cette personne.
2 Q. Et les raisons qu'on vous a données, est-ce que c'est parce que vous
3 aviez bénéficié d'une formation militaire et que vous aviez brièvement
4 officié au sein de la JNA ?
5 R. C'est exact. J'ai suivi une formation au sein de l'Académie militaire.
6 Et j'avais une certaine expérience au sein de l'armée. Par conséquent, ils
7 ont jugé que j'étais la personne idoine pour les soutenir dans la défense
8 du village.
9 Q. Et vous avez donc accepté cette invitation et vous avez donc accepté de
10 devenir le responsable des activités de défense du village, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, c'est exact. Dès que j'ai su qu'ils voulaient que je les dirige et
12 dès que j'ai su par mon cousin qu'il avait trois kalachnikovs et un lance-
13 roquettes, donc quatre armes au total, j'ai accepté leur proposition d'être
14 leur chef, et, en même temps, je leur ai conseillé que, comme ils avaient
15 décidé de défendre le village, il fallait qu'ils se procurent plus d'armes,
16 et ceci, dans un laps de temps aussi court que possible.
17 Q. Est-ce que vous avez essayé de déterminer s'il fallait que tout ceci
18 reste secret ?
19 R. Bien sûr. J'ai recommandé que tout cela reste secret, et j'ai dit à la
20 personne qui m'avait contacté qu'elle devait faire comme si elle n'avait
21 jamais parlé de tout cela.
22 Q. Donc, même au sein du village, personne ne savait que vous-même et ces
23 jeunes essayiez d'organiser la défense du village, n'est-ce pas ? C'était
24 resté secret même au sein du village.
25 R. Oui, bien sûr. Vous savez, il était normal de garder tout ça secret.
26 Q. Je vais vous présenter les choses de cette manière : en fait, vous ne
27 vouliez pas que les villageois sachent plus que ce qui était nécessaire de
28 savoir et que c'était vraiment s'il était nécessaire de leur donner des
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1 informations que vous allez les donner, n'est-ce pas ?
2 R. Au départ, oui.
3 Q. Est-ce que l'on peut vous comprendre, d'après ce que vous avez dit, que
4 ces hommes du village vous ont écouté et sont partis pour aller se procurer
5 des armes supplémentaires ?
6 R. Oui, vous avez raison. Dans les jours qui ont suivi, des petits groupes
7 sont partis pour se procurer des armes supplémentaires.
8 Q. Je vais m'arrêter un instant et je ne vais plus parler des tentatives
9 de se procurer des armes pour le village. J'aimerais savoir si à Isniq, à
10 l'instar de tous les autres villages au Kosovo, j'aimerais savoir s'il y
11 avait une structure au sein du village qui prenait des décisions ? Et je
12 parle ici de responsables du village qui, en temps de paix comme en temps
13 de guerre, auraient été l'instance décisionnelle ?
14 R. Oui, effectivement, il y avait une instance au sein du village. La vie
15 s'était organisée dans le village, et vous aviez une instance dirigeante du
16 village qui régissait ce qui se passait, surtout dans les moments
17 difficiles.
18 Q. C'est bien de cette façon que la société était organisée au Kosovo et
19 l'est encore à bien des égards, n'est-ce pas ? Il existait un groupe
20 dirigeant choisi par la population.
21 R. Oui, c'est exact. Il est de notoriété publique que nous avions traversé
22 des moments très difficiles, en conséquence de quoi les gens cherchaient à
23 trouver des moyens pour organiser leur vie dans des conditions
24 d'occupation.
25 Q. Et manifestement, ces structures dirigeantes des villages étaient tout
26 à fait indépendantes de tout organisme d'Etat imposé au Kosovo à cette
27 époque-là par la Serbie, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, bien sûr. Ces structures étaient très indépendantes par rapport au
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1 gouvernement serbe. Mais il importe que j'ajoute en même temps que les
2 membres de ces groupes dirigeants couraient un danger par rapport au
3 gouvernement serbe, car ils ne respectaient pas les structures étatiques et
4 s'efforçaient d'organiser la vie dans leur village, dans le but d'imposer
5 une certaine normalité d'existence dans ces villages. Il existait des
6 conseils qui avaient été créés dans chaque village, si je ne me trompe.
7 Q. Je vous remercie. En dehors de cela, est-il exact, n'est-ce pas, que
8 les structures de commandement des villages - par ces mots, je veux parler
9 des groupes dirigeants des villages - étaient indépendantes les unes des
10 autres, de sorte que le dirigeant du village d'Isniq fonctionnait en toute
11 indépendance, dirais-je, par rapport au groupe dirigeant du village de
12 Prilep. Chaque village s'occupait de sa propre population, n'est-ce pas,
13 ainsi peut-être que de celle des villages avoisinants ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Donc j'aimerais explorer avec vous le rapport existant entre la défense
16 de ce petit village que vous étiez en train d'essayer de mettre en place et
17 le groupe dirigeant du village. Est-ce que vous avez discuté avec les
18 dirigeants civils d'Isniq au sujet de la défense du village ? Est-ce que
19 vous leur avez parlé, aux membres de ce groupe dirigeant ? Est-ce que vous
20 leur avez dit qu'il importait que tout reste secret ? Est-ce que vous avez
21 parlé aux dirigeants du village au sujet de ce que vous entendiez faire à
22 Isniq ?
23 R. Oui. Par la suite, j'ai eu des rencontres avec les membres de ce groupe
24 dirigeant. Dès que j'ai appris qu'il existait des armes dans le village, et
25 après que j'aie recommandé l'approvisionnement en armes supplémentaires,
26 après aussi que le deuxième et le troisième groupes soient partis par
27 l'Albanie afin de se procurer des armes et que les armes sont arrivées,
28 j'ai été invité au village d'Oda, on m'a appelé à me présenter devant le
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1 conseil du village, et nous avons discuté de toutes les questions plus en
2 détail car, à cette époque-là, 28 armes étaient arrivées, donc nous étions
3 en mesure d'armer un peloton.
4 A ce moment-là, je dirais que nous avions de meilleures perspectives
5 d'organisation, et j'ai estimé que les personnes les plus âgées du village
6 ainsi que les dirigeants du village devaient être informés quant à la façon
7 nous avions pensé organiser la défense du village. C'est la raison de la
8 tenue de cette réunion.
9 Q. Donc cette réunion s'est tenue dans le but que vous les informiez. Est-
10 ce que vous vouliez également leur demander leur approbation, leur
11 consentement ?
12 R. Il n'y a pas d'interprétation.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous avons un problème ?
14 M. EMMERSON : [interprétation] Apparemment, nous avons un problème
15 technique.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous avons un problème
17 technique ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, j'entends l'interprétation. Merci.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. EMMERSON : [interprétation]
21 Q. Ma question consistait à vous interroger sur le point suivant : est-ce
22 que, lorsque vous vous êtes présenté devant eux, votre but était de les
23 tenir informer, je parle de ces personnes les plus âgées du village ? Mais
24 est-ce que vous vouliez également leur demander leur accord par rapport à
25 ce que vous aviez l'intention de faire à Isniq ?
26 R. En fait, au moment de cette réunion, qui s'est tenue le 12 avril, si je
27 ne me trompe, c'est-à-dire à un moment où les jeunes avaient rapporté un
28 nombre assez important de nouvelles armes, j'ai recommandé que trois
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1 membres du conseil du village soient présents de façon à ce que nous
2 puissions nous asseoir autour d'une table pour discuter de ce que nous
3 allions faire à l'avenir. En effet, c'était à une époque où la situation
4 devenait plus grave et il nous fallait consulter les personnes les plus
5 âgées du village pour aboutir à une décision conjointe et pour obtenir
6 d'eux leur accord afin d'organiser la défense de toute la population du
7 village.
8 Q. Donc, pour que tout soit absolument clair, il vous fallait consulter
9 les personnes les plus âgées du village afin d'obtenir leur accord à Isniq,
10 mais vous n'avez pas demandé l'accord des personnes les plus âgées de
11 quelque autre ville ou village, n'est-ce pas ? L'accord dont vous aviez
12 besoin était celui des personnes les plus âgées de votre village, n'est-ce
13 pas ?
14 R. Je n'avais aucun besoin d'obtenir l'accord des personnes les plus âgées
15 d'un autre village, car la façon dont notre village était organisé était
16 indépendante des autres. Et nous en étions à une période précoce, donc les
17 gens qui avaient été choisis pour être les responsables du village devaient
18 être informés et consultés, et leur accord devait être obtenu pour nous
19 permettre de décider quoi faire dans l'avenir.
20 Q. Je sais bien que certaines des questions que je pose peuvent sembler
21 évidentes, en tout cas les réponses peuvent sembler évidentes, Monsieur
22 Rexhahmetaj, pour tout habitant du Kosovo, ou en tout cas pour les gens qui
23 avaient passé toute leur vie au Kosovo, mais elles ne sont pas
24 nécessairement aussi évidentes pour des Juges d'un tribunal international
25 et pour des juristes qui se penchent sur les structures du Kosovo. Je dis
26 cela pour expliquer la raison pour laquelle je vous pose des questions pour
27 lesquelles les réponses peuvent vous sembler évidentes.
28 Alors, si tel est bien la situation, conviendriez-vous avec moi que
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1 vous étiez en train de mettre en place la défense de votre village et que
2 vous ne demandiez d'instructions à aucun habitant extérieur au village
3 d'Isniq ?
4 R. Oui, c'est exact. Nous en étions à un stade très précoce de notre
5 organisation car la population albanaise n'avait pas son propre
6 gouvernement. Nous n'avions pas un Etat qui était à nous. Donc nous étions
7 contraints dans cette situation où la répression s'intensifiait de nous
8 organiser nous-mêmes, et je parle ici des premiers pas de cette
9 organisation de notre part, organisation qui s'est faite indépendamment
10 dans chaque village.
11 M. EMMERSON : [interprétation] On m'indique qu'il y a une erreur au compte
12 rendu en page 60, ligne 6, où nous lisons : "La façon dont la vie était
13 organisée dans le village était dépendante…" Bien sûr, il convient de lire
14 "indépendante".
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
16 Sur ces mots, Maître Emmerson, je vous demande si le moment serait opportun
17 pour une pause ?
18 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eh bien, nous allons faire une pause
20 et reprendrons nos débats à 17 heures 45.
21 --- L'audience est suspendue à 17 heures 15.
22 [Le témoin quitte la barre]
23 --- L'audience est reprise à 17 heures 46.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson.
25 Ah, excusez-moi.
26 Peut-on faire entrer le témoin.
27 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne peux pas interroger tout seul.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était une erreur de ma part,
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1 excusez-moi.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.
6 Merci beaucoup, Monsieur Emmerson. C'est à vous.
7 M. EMMERSON : [interprétation]
8 Q. Est-ce que vous entendez l'interprétation, Monsieur ?
9 R. Oui.
10 Q. Alors, l'image que vous avez dépeinte à notre intention lorsque vous
11 avez parlé d'Isniq et du début de tentative d'y organiser une défense, eh
12 bien, j'aimerais que vous nous disiez, si vous le voulez bien, en vous
13 fondant sur ce que vous savez, s'il est exact, n'est-ce pas, que le même
14 genre de schéma s'est développé dans tous les villages de la région,
15 s'agissant de créer une défense locale pour chacun de ces villages ?
16 R. Oui. Oui, c'est le même schéma qui a été mis en œuvre s'agissant de
17 l'organisation dans tous ces villages, mais la forme de l'organisation dans
18 chaque village était individuelle.
19 Q. Chaque village opérant indépendamment de l'autre en l'absence de tout
20 commandement centralisé, n'est-ce pas ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Isniq a eu de la Chambre dans la mesure où ce village disposait d'un
23 ancien officier de la JNA qui disposait dans le village, à savoir vous-
24 même, et il y a eu d'autres villages qui avaient parmi leurs habitants des
25 hommes expérimentés sur le plan militaire, comme par exemple Rrustem Tetaj,
26 n'est-ce pas ?
27 R. Oui, c'est exact. Rrustem Tetaj était également un ancien officier de
28 la JNA.
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1 Q. Mais il y avait de très nombreux villages dans la région qui ne
2 disposaient d'aucun homme ayant une quelconque expérience militaire parmi
3 leurs habitants, n'est-ce pas ?
4 R. C'est exact.
5 Q. Et dans ces villages-là, c'était simplement un paysan ou un dirigeant
6 local du village qui a été chargé de la défense militaire du village,
7 n'est-ce pas ?
8 R. Oui, c'est exact. Dans les villages où il n'y avait aucun habitant
9 ayant une quelconque expérience militaire, aucun soldat, aucun officier,
10 les habitants décidaient de leur propre chef d'élire tel ou tel dirigeant.
11 Q. J'aimerais que nous nous concentrions maintenant sur la période qui va
12 de la mi-avril à la fin du mois de mai. C'est donc la période qui va faire
13 l'objet des questions que je m'apprête à vous poser maintenant. De la mi-
14 avril à la fin mai, d'accord ?
15 R. D'accord.
16 Q. Toutes les questions que je vais maintenant vous poser concernent cette
17 période.
18 D'abord, je vous demande s'il est exact, n'est-ce pas, qu'aux
19 environs de la mi-avril, des armes ont commencé à arriver à une plus grande
20 fréquence et en plus grand nombre que par le passé ?
21 R. C'est exact. C'est exact.
22 Q. Mais toujours en l'absence d'organisation centralisée de ces
23 responsables villageois de la défense de leur village, chaque village
24 s'organisant de façon indépendante, n'est-ce pas ?
25 R. J'aimerais, si vous voulez bien, que vous répétiez votre question, car
26 je ne l'ai pas tout à fait bien comprise.
27 Q. Eh bien, je vais vous la poser en plusieurs étapes.
28 D'abord, un incident s'est produit, n'est-ce pas, un événement bien
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1 connu, et cela s'est passé au moment où 120 jeunes hommes ont traversé les
2 montagnes et ramené un grand nombre d'armes dans les villages situés dans
3 la région de Dukagjin, n'est-ce pas ?
4 R. C'est exact. Mais je ne parlerais pas de cet événement comme étant un
5 incident. C'était une initiative destinée à rapporter des armes.
6 Q. Bon, c'est un problème linguistique simplement.
7 Donc nous avons bien compris la situation, n'est-ce pas, à savoir que
8 dans la deuxième quinzaine d'avril et au début du mois de mai, il y avait
9 un grand nombre d'armes qui traversaient la frontière et étaient
10 transportées jusqu'à un grand nombre de villages différents situés à des
11 lieux différents dans la zone de Dukagjin dans le but d'organiser la
12 défense, n'est-ce pas ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Et dans le même temps, est-il exact que les forces serbes présentes
15 dans la région étaient en train de devenir de plus en plus nombreuses;
16 c'est bien cela ?
17 R. C'est exact. Et si vous me le permettez, j'aimerais apporter une courte
18 explication complémentaire.
19 Au début, le régime serbe a décidé d'envoyer sur place des forces de
20 police, mais ces forces de police étaient très bien équipées et pouvaient
21 mener à bien y compris des opérations militaires. A cette époque-là, nous
22 ne voyions pas arriver dans nos villages un si grand nombre de militaires,
23 mais les militaires étaient prêts. Nous ne disposons pas d'information
24 confirmée à ce sujet, mais nous savons qu'à ce moment-là il y avait aussi
25 des officiers de l'armée qui arrivaient, portant un uniforme de policier,
26 et qui, donc, venaient au sein des forces de police envoyées sur place.
27 Q. Je ne vais pas vous poser de nombreuses questions au sujet du
28 déploiement des forces serbes parce que nous avons d'autres éléments de
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1 preuve qui attestent de l'intensification de la présence des forces serbes
2 dans l'ouest du Kosovo.
3 M. EMMERSON : [interprétation] Et je ferais remarquer aux Juges de la
4 Chambre en particulier la déposition du colonel Crosland à ce sujet,
5 déposition qui a été versée au dossier sur la base d'un accord entre les
6 parties.
7 Q. Est-il exact que les forces serbes présentes dans l'ouest du Kosovo
8 avaient un pouvoir de feu dépassant de loin celui des forces qui
9 s'occupaient de défendre les villages ?
10 R. Exact. C'était un pouvoir de feu beaucoup plus important chez eux.
11 Q. Est-il permis de dire que ce à quoi vous étiez confrontés à Isniq,
12 comme l'étaient les autres dirigeants d'autres villages à ce moment-là,
13 c'était un choix opposant d'une part le fait de répliquer par les armes
14 dans l'espoir que vous maintiendriez les forces serbes hors de votre
15 village, et, d'autre part, la possibilité simplement de les laisser
16 s'infiltrer dans vos villages pour massacrer toute la population.
17 C'est bien de cette façon que vous voyiez les choses à l'époque ?
18 R. Notre objectif consistait à faire tout ce que nous pouvions pour rendre
19 impossible la pénétration de nos villages par les forces serbes, puisque
20 celles-ci avaient pour objectif incontesté de massacrer et de mater la
21 population civile. Donc, à cette époque-là, c'était notre principal
22 objectif.
23 Q. Mais étant donné l'accumulation de forces serbes dans vos villages et
24 le nombre de plus en plus important d'armes entre les mains des
25 responsables de la défense des différents villages, est-ce qu'à votre avis,
26 à cette époque-là, c'est-à-dire à la fin du mois d'avril, il était
27 nécessaire d'organiser une espèce de coordination entre les différents
28 groupes chargés de la défense des différents villages ?
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1 R. Oui. Selon la logique militaire, c'était le cas. Et c'est ce que nous
2 avons fait.
3 J'ajouterais que les responsables élus des villages présentaient un
4 certain nombre de demandes qui m'étaient adressées à ce moment-là, demandes
5 en vue d'obtenir de l'aide sur le plan de l'expérience en matière
6 d'organisation, dans le but de créer des états-majors dans les différents
7 villages.
8 Q. Donc, est-ce que c'est bien à la fin du mois d'avril que vous avez
9 commencé à entrer en contact avec les commandants des défenses villageoises
10 des autres villages, comme par exemple Rrustem Tetaj ?
11 R. Oui. Un certain nombre de représentants villageois étaient venus pour
12 participer à des consultations entre nous. Comme je l'ai dit tout à
13 l'heure, j'ai estimé qu'une fois que, le 15 avril, nous avions mis en place
14 l'état-major d'Isniq, il devenait nécessaire d'examiner de quelle façon je
15 pourrais entrer en contact avec les autres de façon à créer une meilleure
16 coordination en cas d'attaque éventuelle. Ceci, en effet, nous aurait
17 permis de nous entraider.
18 Q. Mais n'est-il pas juste de dire qu'à cette date-là, là nous sommes fin
19 avril, vu ce qui s'était passé à Gllogjan le 24 mars, la famille Haradinaj
20 semblait avoir une certaine réputation, une réputation spéciale parce
21 qu'elle avait réussi à repousser l'attaque des Serbes sur Gllogjan; elle
22 les avait vaincus ?
23 R. C'est vrai que cette famille bénéficiait d'une certaine réputation,
24 parce que c'était la première fois que nous voyions une famille qui
25 réussissait à opposer une résistance aux forces serbes. C'est ainsi qu'elle
26 a eu une bonne réputation qu'elle a gagnée dans toute la population. Et vu
27 ce qui s'est passé à Gllogjan, vu nos organisations, notre effort pour nous
28 défendre, c'est pour ça que j'ai pris l'initiative de contacter d'autres
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1 personnes dans la région pour mieux coordonner le travail que nous faisons,
2 parce que mon village et ma région n'en étaient qu'à une phase préparatoire
3 et nous n'avions pas l'expérience voulue. Nous ne savions pas comment nous
4 pourrions réagir face à d'éventuelles attaques.
5 Q. Dites oui ou non, est-il vrai que, vu le fait que la famille Haradinaj
6 avait réussi à repousser cette attaque des Serbes sur le village, ceci a
7 inspiré, n'est-ce pas, ou a servi d'exemple dans d'autres villages ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Et est-ce parce que vous aviez ceci à l'esprit que vous avez cherché à
10 contacter Ramush Haradinaj pour la première fois fin avril ?
11 R. Oui. Ça a été la raison pour laquelle je l'ai fait.
12 Je ne me souviens pas très bien, mais je pense que ça s'est passé au
13 cours de la deuxième quinzaine du mois d'avril. Au début de cette deuxième
14 quinzaine, j'ai insisté pour pouvoir le rencontrer et, avec d'autres
15 membres de l'état-major, nous sommes allés rendre visite à Ramush Haradinaj
16 à Gllogjan.
17 Q. Et vous êtes allé le voir parce que vous vous êtes dit que ce serait
18 une bonne idée que ces différentes défenses villageoises coordonnent leur
19 action, et vous vouliez discuter de cette coordination avec M. Haradinaj;
20 est-ce exact ?
21 R. C'est exact. La coordination a été une des raisons, je vous l'ai déjà
22 dit, nous n'étions qu'au début de notre organisation. Eux, ils avaient plus
23 d'expérience que nous, et nous voulions être prêts à parer à toute
24 éventualité s'il y avait une attaque serbe. Il était utile, à mon avis, et
25 même nécessaire à l'époque, d'avoir une forme horizontale de coordination
26 pour être sûr que nous n'allions pas rester isolés. Nous avions une
27 organisation qui nous isolait jusqu'alors, et il fallait essayer de créer
28 une situation où nous pouvions nous entraider.
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1 Q. N'est-il pas juste de dire que lorsque vous êtes allé voir M. Haradinaj
2 et que vous lui avez fait ces premières propositions afin que s'établisse
3 une coordination, n'a-t-il pas répondu qu'il était peut-être prématuré de
4 le faire, car il estimait que certains des villages n'étaient eux-mêmes pas
5 assez bien organisés pour déjà envisager une défense coordonnée à cette
6 date-là ?
7 R. C'est exact. Lors de cette réunion que j'ai eue avec lui, il a dit que
8 nous, en tant que village, mais c'était vrai pour d'autres villages de la
9 région, nous devrions continuer de nous efforcer de nous organiser, mais
10 que si maintenant on s'exposait déjà à cette forme de coordination, ça
11 pourrait compromettre dès le départ notre capacité de résistance. Donc il
12 n'était pas favorable à l'idée de rentre trop manifeste cette coordination.
13 Il disait qu'il fallait agir progressivement, prévoir l'avenir de façon à
14 vraiment trouver la meilleure forme d'organisation possible.
15 Et je dois dire que, quelles que soient les circonstances, il a dit
16 que si jamais un danger se présentait pour la population, il devrait
17 trouver une façon de nous aider du mieux qu'il pouvait. Mais il disait
18 qu'il fallait essayer d'éviter de s'exposer trop tôt pour ne pas attirer
19 l'attention des forces serbes et pour qu'elles ne nous attaquent pas, parce
20 qu'elles verraient que nous résistions.
21 Q. Mais essayons de concrétiser ceci. Nous parlons ici d'une discussion
22 entre deux hommes, entre lui et vous ?
23 Certes, il y avait d'autres personnes présentes, mais c'était un
24 échange entre deux hommes qui essaient de trouver une façon de coopérer
25 pour avancer; est-ce exact ?
26 R. C'est exact. J'étais le bienvenu, je l'ai déjà dit. J'y suis allé avec
27 l'état-major. On était en tout une dizaine de personnes, et il nous a très
28 bien accueillis. Nous avons eu des échanges sincères, francs, et nous
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1 sommes repartis heureux de l'issue de la réunion même si nous n'avions pas
2 obtenu ce pourquoi nous étions allés à cette réunion.
3 Mais nous sommes repartis dans notre village contents.
4 Q. Mais nous allons avancer davantage dans le temps. Quelques semaines
5 plus tard, nous arrivons au 23 mai. Au cours des trois semaines qui
6 s'écoulent entre la fin avril et le 23 mai, est-ce qu'on a continué de
7 faire des efforts en vue d'une organisation ?
8 R. Oui, ces efforts se sont poursuivis.
9 Q. N'y avait-il pas eu un plus grand risque ou une plus grande menace que
10 les Serbes attaquent; c'est bien cela, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Et il y avait plus de villages dans la région qui avaient réussi à
13 constituer des rudiments d'une défense villageoise ?
14 R. C'est exact.
15 M. EMMERSON : [interprétation] Affichons la pièce P78. Et je vais vous
16 demander d'agrandir la partie centrale de cette carte.
17 Q. Je vous donne un moment pour examiner cette carte, Monsieur le Témoin,
18 ainsi que les annotations qui y figurent pour que vous retrouviez vos
19 marques.
20 Est-ce que vous voyez où se trouve Jabllanice ? N'écrivez rien sur
21 l'écran parce que ça va y rester. Regardez, il y a un ovale en rouge autour
22 du mont à Jabllanice.
23 R. Oui, j'ai trouvé.
24 Q. Et puis, vous voyez la route qui va de Decan à Gjakove, axe nord-sud
25 sur la carte, côté gauche ?
26 R. Oui.
27 Q. Montrez-nous où se trouve votre village, Isniq.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Voulez-vous l'aide de l'huissier ?
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1 M. EMMERSON : [interprétation]
2 Q. Vous pourriez tracer un cercle autour de votre village. Un instant.
3 M. EMMERSON : [interprétation] Faisons marche arrière.
4 Q. Monsieur le Témoin, je vous demande un peu de patience. Voilà.
5 Maintenant, je vous demande de tracer un cercle autour de votre
6 village, le village d'Isniq.
7 R. [Le témoin s'exécute]
8 M. EMMERSON : [interprétation] On parle quelquefois d'Irzniq, mais Irzniq,
9 ce n'est pas le même lieu que celui qui s'appelle Isniq. C'est important de
10 faire cette différence.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si c'est le cas, je vous précise qu'au
12 compte rendu, on parle d'Isniq, I-s-n-i-k.
13 M. EMMERSON : [interprétation] Ça, ce n'est pas grave parce que,
14 manifestement, pour chaque lieu, c'est orthographié en serbe et puis en
15 albanais. Mais Irzniq, ce n'est pas le village de Isniq ou Izniq.
16 Q. Arrêtons-nous un instant. N'y a-t-il pas eu une réunion le 23 mai à
17 Gllogjan, et là, pour la première fois, les représentants de ces
18 différentes défenses villageoises de l'ouest du Kosovo se sont réunis pour
19 discuter de la question de savoir s'il était possible de s'organiser ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Et - comment dire ? - est-ce que pour vous l'organisation n'avait pas
22 été une priorité ? Est-ce que pour vous c'était quelque chose d'absolument
23 indispensable ?
24 R. Oui, c'était une priorité, comme une nécessité.
25 Q. Je vous poserais quelques questions à propos d'une période qui
26 intervient plus tard. Mais n'est-il pas vrai de dire que pendant toute
27 cette période, qui va de mars à septembre, vous, vous n'avez eu de cesse
28 d'insister pour qu'il y ait plus d'organisation chaque fois que vous avez
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1 pu le faire ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Mais ce n'était pas chose aisée, n'est-ce pas, que d'organiser tout
4 cela ?
5 R. Non. C'était une problématique très complexe. C'était fort difficile
6 d'organiser. Ça a pris du temps. Parce qu'il y avait l'organisation, mais
7 en plus, il fallait faire face à la guerre. C'était un fardeau pour nous,
8 mais au fil du temps, pas à pas, petit à petit, nous avons réussi à mettre
9 sur pied cette structure pour avoir une meilleure défense. Et c'était aussi
10 dicté par les possibilités objectives que nous avions.
11 Q. Et c'était aussi limité par la réalité du terrain, n'est-ce pas ?
12 R. Exact.
13 Q. Nous allons revenir à cette réalité et à ces différentes facettes dans
14 un instant pour voir dans quelle mesure celles-ci ont restreint vos
15 capacités d'organisation au niveau de la structure de commandement.
16 Mais je m'intéresse pour le moment à cette toute première réunion à
17 laquelle assistent pour la première fois tous ces représentants pour
18 essayer de trouver une structure, une organisation.
19 Regardez la carte. Est-ce que vous voyez les numéros, les chiffres 1, 2, 3,
20 4 ? N'écrivez rien. Est-ce que vous les voyez déjà écrits sur cette carte ?
21 R. Oui.
22 Q. Et vous voyez les zones auxquelles correspondent ces chiffres ?
23 R. Oui.
24 Q. Je vous précise que cette carte -- ou ces annotations ont été apportées
25 par Rrustem Tetaj au moment où il essayait de montrer les délimitations des
26 sous-zones qu'il a été convenu d'établir lors de cette réunion qui a eu
27 lieu le 23 mai.
28 R. Oui, oui.
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1 Q. Je ne vous demande pas de modifier ces délimitations ou de nous dire si
2 elles sont tout à fait correctes ou pas. Mais est-ce que, de façon
3 générale, lors de cette réunion, il a été convenu d'organiser les villages
4 pour les diviser en cinq sous-zones ?
5 R. C'est exact. C'est ce qui a été convenu.
6 Q. Nous allons regarder la cinquième sous-zone dans un instant, mais
7 intéressons-nous pour le moment aux sous-zones 1, 2, 3 et 4. La première,
8 c'est la zone dans laquelle se trouve Gllogjan, n'est-ce pas ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Est-ce qu'il a été convenu lors de cette réunion que ce serait
11 considéré comme étant une sous-zone dont le chef serait Ramush Haradinaj ?
12 R. Exact, c'est ce qui a été convenu.
13 Q. La sous-zone 2, c'est la zone où se trouvait le volontaire d'Irzniq ?
14 R. Oui, Irzniq.
15 Q. Est-ce qu'il a été convenu ce jour-là que cette sous-zone serait
16 commandée par Shemsedin Qeku ?
17 R. C'est exact.
18 Q. S'agissant de la sous-zone 3, elle incluait Gornja Luka et Donja Luka ?
19 M. EMMERSON : [interprétation] Vous voyez sur la carte, Messieurs les
20 Juges, "D. Luka" et "G. Luka" dans le coin supérieur gauche de cette zone.
21 Q. Cette sous-zone 3, elle était commandée par Rrustem Tetaj, n'est-ce pas
22 ?
23 R. Exact.
24 Q. Et, bien entendu, la sous-zone 4, c'est vous qui -- en tant que
25 commandant du village, bon. Mais qui a décidé que vous alliez devenir le
26 commandant de toute cette sous-zone 4 ?
27 Q. Si vous me le permettez, j'aimerais vous fournir une explication plus
28 longue pour vous expliquer comment s'est faite la procédure de sélection.
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1 Deux représentants de chaque état-major villageois ont été invités à
2 assister à cette réunion de Gllogjan à l'époque. Il y avait Isniq, et tous
3 les villages qui étaient concernés par la guerre ou qui risquaient d'être
4 impliqués dans cette guerre, eh bien, ils ont été invités aussi. Je ne sais
5 plus combien exactement il y avait de représentants villageois. Peut-être y
6 en avait-il 20 ou 30. Nous nous sommes retrouvés dans cette pièce qu'on
7 appelle Oda, et il y a eu en fait deux, si pas trois, phases de sélection
8 de façon à faire s'émerger une structure au niveau horizontal. C'est comme
9 ça que je l'ai décrit alors et que je le décris aujourd'hui, je parle d'un
10 commandement horizontal --
11 Q. Et qu'est-ce que vous voulez dire par "commandement horizontal" ?
12 R. Quand je dis commandement horizontal, je dis qu'il n'y a pas de chaîne
13 de commandement verticale. Il n'y a pas de voie hiérarchique verticale.
14 Pour moi, c'était une répartition horizontale du commandement. Nous avions
15 cinq commandants, chacun désigné à commander une sous-zone, et nous avons
16 été élus à l'unanimité par les représentants des états-majors locaux de
17 tous les villages qui étaient représentés à cette réunion.
18 Lors de la première phase de sélection, au premier tour, si j'ose
19 dire, les représentants des villages ont pu discuter entre eux, puisqu'il y
20 en avait deux par village, et ils se sont mis d'accord pour désigner ceux
21 qui allaient assister à la réunion, y participer.
22 Q. [aucune interprétation]
23 R. Ça, c'est la procédure qui s'est effectivement passée.
24 Q. Un instant, s'il vous plaît, parce qu'on pourrait évoquer de multiples
25 détails. Mais essayons de le faire de façon brève.
26 Cette réunion, elle a duré combien de temps du début à la fin ?
27 R. Je ne suis pas sûr de la durée exacte. Mais plus de deux heures, je
28 crois. Parce que cette procédure de sélection à proprement parler, c'est-à-
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1 dire la sélection des personnes qui allaient nous diriger, a pris
2 longtemps. Je ne peux pas être vraiment précis.
3 Q. Mais à terme, cela va être important.
4 Donc j'aimerais savoir si des décisions ont été prises une fois que
5 tout le monde avait fait part de son opinion, et tout le monde était assis
6 en cercle dans une pièce assez importante et où il n'y avait que des hommes
7 ?
8 R. Oui.
9 Q. Et tout le monde faisait part de son opinion les uns après les autres ?
10 R. Oui, tout à fait.
11 Q. Et les décisions étaient prises par consensus et par accord, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Et personne ne disait à qui que ce soit comment s'organiser, n'est-ce
15 pas ?
16 R. Non, rien n'était imposé. La volonté de chacun des villages était prise
17 en compte durant le processus de sélection afin de nommer les personnes qui
18 assureraient le commandement. Ça, c'est pour être bref.
19 Q. [aucune interprétation]
20 R. La volonté des représentants des différents villages était prise en
21 compte de façon à élire les personnes qui seraient les chefs.
22 Q. Et pour que les Juges de la Chambre comprennent bien, est-ce que c'est
23 ainsi que les décisions se prenaient de manière générale au sein de l'UCK
24 durant la période allant de mars à septembre, c'est-à-dire que des
25 décisions commençaient d'abord par un tour de table où chacun pouvait
26 s'exprimer, et ensuite on arrivait à un accord ?
27 R. Oui. Les décisions se prenaient comme cela. En général, toute décision
28 ou toute sélection d'une formule plutôt que d'une autre au sein de l'UCK et
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1 au sein de la zone opérationnelle de Dukagjin, toutes ces décisions se
2 prenaient une fois que tout le monde avait fait part de son opinion, et on
3 respectait la volonté et les souhaits de chacun. Rien n'était imposé à qui
4 que ce soit. Si, par exemple, moi je ne voulais pas prendre telle ou telle
5 responsabilité, je pouvais refuser, et quelqu'un d'autre était nommé à ma
6 place. Mais de manière collective, nous voulions faire tout ce que l'on
7 pouvait pour que nous ayons une structure qui permette d'avoir la
8 possibilité de résister contre les Serbes.
9 Q. Merci. C'est très utile. Mais je voudrais que l'on avance un petit peu.
10 Afin que les Juges comprennent bien quelle était la situation, est-ce qu'on
11 peut dire qu'il n'y avait aucune autorité étatique ni juridique qui vous
12 chapeautait ?
13 R. Oui, c'est exact. Nous n'avions pas d'Etat, comme vous le savez tous,
14 et on nous avait imposé, compte tenu de la situation, de prendre part à
15 cette guerre, et les gens s'organisaient ainsi parce qu'ils voulaient se
16 défendre et le peuple du Kosovo était menacé. Ils ne savaient pas s'ils
17 allaient pouvoir continuer à exister ou pas.
18 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais faire un commentaire d'ordre général.
19 Ce n'est pas une critique, parce que votre déposition est extrêmement
20 importante. Mais vos réponses sont de plus en plus longues.
21 Je vous demande d'être aussi bref que possible, et si j'ai besoin de
22 précision, je vous poserai une deuxième question. Parce que sinon ça va
23 nous prendre énormément de temps pour passer en revue toutes les questions
24 que je voulais poser.
25 R. Oui, je vous ai bien compris.
26 Q. Etant donné qu'il n'y avait aucune instance juridique qui vous donnait
27 une certaine autorité, pourrait-on dire que durant toute cette période,
28 c'est-à-dire du mois de mars jusqu'au mois de septembre, il fallait obtenir
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1 le consentement des personnes impliquées et les persuader de participer,
2 plutôt que de donner des ordres qui ne pouvaient pas être appliqués en
3 pratique ?
4 R. Le seul mode décisionnel que l'on utilisait, c'était par consentement,
5 parce que nous n'avions aucune légitimité juridique, nous n'avions aucune
6 autorité ni pouvoir qui nous étaient conférés par un Etat quelconque. Mais
7 en même temps, on voulait contribuer au bon fonctionnement de notre patrie,
8 on voulait aider notre peuple, et on voulait que ces décisions soient
9 prises par consensus, et non par l'imposition d'ordres quels qu'ils soient.
10 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait une cinquième sous-zone qui ne figure
11 pas sur cette carte. Est-ce qu'il s'agit de la sous-zone qui a été établie
12 autour de Voksh et de Drenoc sous le commandement de Adem Ukehaxhaj ?
13 R. Oui, effectivement. Il s'agissait de la cinquième zone. Je vous prie de
14 m'excuser, mais je ne sais pas exactement quels étaient les villages qui
15 faisaient partie de cette cinquième zone. Je sais que Voksh en faisait
16 partie, et le commandant de la zone était Adem Ukehaxhaj, qui était un
17 officier dans l'armée.
18 Q. Afin que les Juges comprennent bien, cette sous-zone se trouvait à
19 l'ouest de l'axe principal Pec-Decan-Djakovica, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Et nous avons entendu un autre témoin, M. Zyrapi, qui a dit que cette
22 zone était tellement isolée par rapport aux sous-zones sur le côté est de
23 l'axe dont je viens de parler qu'elle ne pouvait pas vraiment être
24 incorporée.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Menon.
26 M. MENON : [interprétation] Je crois que M. Zyrapi a dit qu'il s'était
27 rendu dans le village de Voksh.
28 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, M. Zyrapi a dit qu'il s'était rendu
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1 dans cette sous-zone à l'ouest de cet axe. Il était impossible d'incorporer
2 ceci en raison de la présence et des manœuvres militaires serbes à
3 proximité de l'axe Pec-Decan-Djakovica.
4 M. MENON : [interprétation] Peut-être que Me Emmerson pourrait nous donner
5 une référence précise --
6 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne peux malheureusement pas le faire
7 alors que je pose mes questions. Je vais poser des questions au témoin dans
8 ce cas-là.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. EMMERSON : [interprétation]
11 Q. Compte tenu de votre connaissance de la situation, Monsieur le Témoin,
12 la sous-zone qui était à l'ouest de l'axe principal, est-il exact que cette
13 sous-zone, d'un point de vue physique et d'un point de vue militaire, est-
14 il exact, donc, que cette zone était séparée des autres sous-zones ? Et
15 vous pouvez pour l'instant répondre simplement par oui ou par non.
16 R. Oui, on pourrait dire qu'elle était coupée des autres zones. Ou isolée.
17 Q. Après la réunion du 23 mai, je voudrais me concentrer donc sur la
18 période entre cette réunion du 23 mai où ces sous-zones ont été constituées
19 et une autre réunion qui a eu lieu le 23 juin à Jabllanice. Donc c'est sur
20 cette période que j'aimerais me concentrer. Vous vous souviendrez que M.
21 Menon vous a présenté un document qui portait la date du 24 juin lorsqu'il
22 vous a posé des questions dans le cadre de votre interrogatoire principal,
23 et ce document portait sur la nomination de différents commandants.
24 Est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu ce document ?
25 R. Le document qu'on m'a présenté au début de ma déposition est un
26 document très simple. Je me souviens qu'à l'époque, quand nous l'avons
27 signé, l'objectif était de confirmer que nous avions participé à cette
28 réunion.
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1 Q. Mais je ne vous pose pas de questions concernant le document. Je vous
2 pose des questions concernant la période d'environ un mois, à compter de la
3 constitution de ces quatre sous-zones le 23 mai et jusqu'à la réunion qui a
4 eu lieu à Jabllanice le 23 juin, et M. Menon vous a déjà posé des questions
5 à ce sujet. Donc c'est sur cette période que je souhaiterais me concentrer.
6 N'est-ce pas ?
7 R. O.K
8 Q. Alors --
9 R. Le document -- est-ce que vous pourriez reposer la question.
10 Q. Non, mais je n'ai pas posé de question. Je disais simplement que les
11 questions que je vais vous poser portent sur cette période qui commence par
12 une réunion qui a permis de constituer les sous-zones le 23 mai et qui va
13 jusqu'à la réunion un mois plus tard à Jabllanice. C'est sur ce mois-ci que
14 je me concentre.
15 Donc, tout d'abord, on peut voir que Jabllanice ne faisait pas partie de
16 ces sous-zones qui avaient été constituées le 23 mai; est-ce exact ?
17 R. Oui.
18 Q. Donc Jabllanice fonctionnait de manière indépendante des initiatives de
19 coordination qui avaient fait l'objet d'un accord à l'époque, n'est-ce pas
20 ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Tout d'abord, est-ce qu'il était facile de communiquer, et je parle,
23 par exemple, de communication entre les commandants des sous-zones ?
24 Comment fonctionnaient les communications à l'époque ?
25 R. On avait du mal à communiquer, parce que le réseau de communication et
26 le matériel n'existaient, pour ainsi dire, ou si nous en avions, il était
27 de très mauvaise qualité. Donc, si l'on voulait se contacter ou si l'on
28 avait une question à poser, on envoyait quelqu'un, un messager, ou alors on
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1 se rencontrait.
2 Q. Alors, le 29 mai - c'est-à-dire six jours après la constitution de ces
3 sous-zones - est-ce qu'il n'y a pas eu une offensive serbe importante
4 contre votre village ?
5 R. Si, c'est exact.
6 Q. Est-ce qu'il y a également eu une offensive contre
7 Strellc i Eperm, Boriq, Kryshec, c'est-à-dire les autres villages dans
8 votre sous-zone ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Est-ce que vous êtes arrivé à contenir les forces serbes avec l'aide de
11 combattants venant d'autres villages ?
12 R. Le 29 mai, il y a eu une offensive serbe de grande envergure. Il y
13 avait eu des attaques dans la zone d'Isniq, mais également dans d'autres
14 directions, c'est-à-dire en direction de Strellc i Eperm, et les forces ont
15 essayé également de pénétrer à Rashiq, à Perroi i Gervalles, et la même
16 journée il y a eu d'autres attaques à Kotra e Vranocit, c'est-à-dire hors
17 de la sous-zone. Là, je parle d'une attaque de grande envergure, et tous
18 les villages ont contribué au mouvement de résistance. Et d'ailleurs, on a
19 pu contenir ces attaques.
20 Je voulais simplement rajouter que les villages se sont aidés les uns
21 les autres et nous avons reçu de l'aide. Par exemple, Shemsedin Qeku est
22 venu d'Isniq avec 30 hommes. Mais étant donné que nous avions également pas
23 mal de monde, nous n'avons pas besoin d'utiliser cette formation dans nos
24 tentatives de défense.
25 Q. Merci beaucoup. De manière générale, je dirais que vous avez donc parlé
26 des problèmes que vous rencontriez pour vous organiser d'un point de vue
27 militaire, parce qu'en même temps, vous deviez repousser les offensives des
28 Serbes. Durant cette période allant de mai à juin, où se trouvait Ramush
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1 Haradinaj le plus
2 souvent ?
3 R. Ramush Haradinaj participait à la défense de sa propre zone dans la
4 plupart des cas. Nous avions des contacts - je crois que c'était des
5 contacts hebdomadaires - afin d'analyser la situation dans chacune des
6 zones. Nous pensions que ceci était nécessaire parce que ceci permettait
7 d'avoir une coordination et, en même temps, ceci nous permettait de savoir
8 quelle était la situation au niveau des combats dans les différentes zones.
9 Q. Je voudrais m'arrêter un instant. Durant cette période, du 23 mai au 23
10 juin, j'aimerais savoir si les commandants des cinq sous-zones étaient sur
11 un pied d'égalité ?
12 R. Oui. Ils étaient au même niveau.
13 Q. Donc M. Haradinaj ou la famille de Haradinaj a pu jouir de cette
14 réputation d'avoir mené à bien leur défense le 24 mars, mais ils ne vous
15 commandaient en aucune manière, n'est-ce pas ?
16 R. Non, c'est exact. Mais en même temps, nous respections énormément la
17 famille Haradinaj et Ramush Haradinaj, et nous avons suggéré qu'une
18 personne devait assurer la coordination de nos activités, et nous avons
19 proposé que Ramush assure cette coordination. Et, bien sûr, Ramush a
20 accepté, comme il a accepté également d'autres missions, et ceci montre
21 comment notre organisation s'est améliorée.
22 Q. Et vous parlez ici de la réunion du 23 juin, n'est-ce pas ?
23 R. Non. Je parle du 23 mai.
24 Q. [aucune interprétation]
25 R. Nous avons été nommés les représentants ou les responsables de ces cinq
26 sous-zones, et c'est à ce moment-là que nous avons essayé de voir comment
27 on pourrait rester en contact à l'avenir. Et étant donné que nous le
28 respections, nous avons proposé que ce soit Ramush qui assure la
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1 coordination, et c'est donc lui qui avait déjà combattu les Serbes, donc
2 c'est lui qui assurait la coordination durant ces réunions régulières.
3 Q. Et durant le mois dont nous parlons, c'est-à-dire du 23 mai au 23 juin,
4 même si vous aviez des contacts réguliers avec M. Haradinaj, est-ce qu'il
5 est exact qu'il ne vous a jamais donné d'ordres ?
6 R. Oui. Nous avons discuté lors de réunions de la façon dont nous
7 pourrions trouver une issue à un problème, et une décision a été prise
8 conjointement. Ce qui veut dire qu'il n'y a jamais eu d'ordre au sens où
9 quelqu'un donnerait des ordres dans une armée normale avancée. Cette notion
10 d'ordre n'existait pas. Il y avait le consensus, oui, et un consentement,
11 oui. Donc, quand on s'était mis d'accord sur quelque chose, eh bien, on
12 prenait la décision d'exécuter ce qui avait été convenu.
13 Q. Est-il juste de dire que c'est vous qui avez eu l'idée d'accroître la
14 coordination entre les sous-zones et la base de l'UCK, à Jabllanice ? Est-
15 ce vous qui avez eu l'idée d'accroître cette communication et coordination,
16 en partie parce que Jabllanice recrutait de jeunes hommes sans que vous
17 sachiez nécessairement qui ces hommes étaient, d'où ils venaient ?
18 R. Après que nous ayons été nommés responsables des sous-zones, c'était
19 logique et c'est logique sur le plan militaire. Quelqu'un qui a une
20 responsabilité militaire, d'un point de vue du commandement que cette
21 personne a, cette personne doit savoir ce qui se passe dans la zone, dans
22 le secteur.
23 Il ne s'agit pas ici d'obligation de compte rendu ou de
24 responsabilité qu'on doit à quelqu'un. Mais il y a eu, par exemple, des
25 demandes pour que des combattants d'une certaine zone aillent à Jabllanice.
26 Et moi, ça ne m'a pas tellement inquiété, mais je me suis dit sur le plan
27 professionnel qu'il était important de veiller à ce que chaque initiative,
28 à ce que chaque demande, puisque moi j'étais responsable d'une zone donnée,
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1 et bien que chaque requête était telle que la personne responsable de la
2 zone soit contactée. Et c'était vrai pour tous les types de requêtes, pas
3 celles simplement de puissance de feu d'appui. C'était vrai pour toutes les
4 requêtes, parce que c'était à l'époque où on apprenait à d'autres comment
5 communiquer au sein de ces structures militaires. J'ai discuté avec Ramush,
6 j'ai insisté pour que soit établie une forme de communication permettant
7 que des requêtes venant de Jabllanice ou d'ailleurs fassent l'objet d'une
8 coordination et que nous, nous soyons au courant de l'existence de ces
9 requêtes ou demandes, et que nous y réagissions du mieux que nous pouvions
10 à l'époque.
11 Q. Je vous demanderais maintenant de bien vouloir répondre rapidement, par
12 un oui ou par un non, si possible, en nous disant que c'est sur votre
13 proposition, c'est bien cela, n'est-ce pas, qu'une réunion a été jugée
14 nécessaire le 23 juin pour essayer de créer une meilleure coordination avec
15 Jabllanice ?
16 R. Oui. Oui, cela s'est fait sur ma proposition s'agissant du mode
17 d'organisation. J'ai jugé que c'était indispensable car, dans la période
18 antérieure, le village de Jabllanice avait demandé que cela se fasse.
19 Q. Je vous prierais, si vous voulez bien, de raccourcir vos réponses. Bien
20 entendu, je n'ai aucune intention de manquer de courtoisie, mais nous avons
21 besoin d'aller vite car nous manquons de temps.
22 M. EMMERSON : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche la pièce
23 P191. Il s'agit du procès-verbal de cette réunion.
24 Q. M. Menon vous a présenté un document qui était ultérieur à la réunion,
25 mais nous avons le procès-verbal de cette réunion.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de faire cela, Monsieur
27 Emmerson, est-ce que vous souhaiteriez agir vis-à-vis de la carte qui a été
28 annotée par le témoin ?
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1 M. EMMERSON : [interprétation] Je suppose que j'aurais dû en demander
2 l'enregistrement aux fins d'identification en tant que pièce à conviction.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au dossier. Je
4 demanderais qu'un numéro de pièce lui soit attribué. C'était bien la pièce
5 P78, n'est-ce pas ?
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Une carte enregistrée et qui constitue
7 un segment de la pièce 78 va maintenant recevoir le numéro de pièce à
8 conviction D145.
9 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie.
10 Donc j'ai demandé l'affichage de la pièce P191
11 Q. Et en attendant l'apparition de ce document à l'écran, Monsieur
12 Rexhahmetaj, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de la
13 réunion dont nous venons de parler.
14 D'abord, est-ce que c'était la première fois que vous vous trouviez à
15 Jabllanice ?
16 R. Oui, c'était la première fois.
17 Q. En fait, est-ce que c'est la seule fois pendant l'année 1998 que vous
18 vous êtes trouvé à Jabllanice ?
19 R. Si je me souviens bien, oui.
20 #Je crois avoir accompagné un officier un jour --
21 Q. Nous n'avons pas besoin de tous les détails. Ce que j'essaie d'établir
22 grâce à vous, c'est la chose suivante : il est exact, n'est-ce pas, que se
23 rendre à Jabllanice a été dangereux et difficile ?
24 R. Oui. Oui, c'était le cas, en effet, car Jabllanice était éloignée et
25 isolée.
26 Q. Et si vous aviez l'intention de vous rendre Jabllanice -- enfin, les
27 gens qui le faisaient le faisaient en général de nuit, sans allumer les
28 phares de leurs voitures, n'est-ce pas ?
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1 R. Je ne sais pas ce que faisaient les autres voyageurs qui s'y rendaient,
2 mais la nuit où nous y sommes allés, nous avons appliqué des mesures de
3 sécurité supplémentaires.
4 Q. Est-ce que les phares de votre véhicule étaient allumés ou éteints ?
5 R. Dans certaines parties de la route, les phares étaient éteints. Mais je
6 n'ai pas un souvenir tout à fait exact, car j'étais à bord de ce véhicule
7 avec deux autres personnes. En tout cas, les phares étaient allumés de
8 temps en temps et éteints de temps en temps.
9 Q. Est-ce que ceci est dû au fait qu'il y avait des formations militaires
10 serbes équipées d'artillerie à longue portée stationnées sur les hauteurs,
11 les collines, les reliefs et que, par conséquent, vous deviez veiller à ne
12 pas être pris pour cible par ces armes de longue portée ?
13 R. Exact. Parce que les phares de la voiture risquaient de nous exposer à
14 leur vue, et c'est la raison pour laquelle nous les éteignions.
15 Q. Et est-il également permis de dire, de façon générale, que ceux d'entre
16 vous qui se trouvaient à l'ouest de la zone donnant accès à la route
17 principale ne faisaient le voyage vers Jabllanice que lorsque c'était
18 strictement nécessaire ?
19 R. Pourriez-vous répéter votre question.
20 Q. Etant donné les difficultés que représentaient le fait de se rendre à
21 Jabllanice, est-il exact de dire - et c'est ce que, pour ma part, je
22 soutiens - que ceux d'entre vous qui étiez commandants des quatre zones, 1,
23 2, 3 et 4, n'accomplissaient ce voyage qu'en cas de nécessité impérieuse ?
24 R. Oui.
25 Q. Je vous remercie. Eh bien, voyez-vous, nous avons sous les yeux à
26 l'écran devant nous le procès intégral de la réunion du 23 juin à
27 Jabllanice. Et nous pouvons constater -- car je tiens à ce que tout soit
28 tout à fait clair.
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1 M. EMMERSON : [interprétation] Il me semble que le procès-verbal affiché à
2 l'écran n'est pas le bon. Voyons peut-être la dernière page.
3 [Le conseil de la Défense se concerte]
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais que l'on m'accorde une pause de dix
5 minutes, si possible.
6 M. EMMERSON : [interprétation] Nous étions sur le point de suspendre dans
7 dix minutes, c'est inévitable.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais nous verrons quels sont les
9 besoins du témoin. Il est possible que nous ayons à suspendre plus tôt.
10 Mais voyons ce qu'il en est.
11 M. EMMERSON : [interprétation] Donc, peut-être peut-on lui répondre
12 favorablement à sa demande de suspension en suspendant tout de suite.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez suspendre
14 immédiatement ou est-ce que vous pouvez continuer dix minutes ?
15 M. EMMERSON : [interprétation] Il serait peut-être bon de suspendre pour la
16 journée d'aujourd'hui. Je n'en ai plus pour longtemps avec ce témoin. Je
17 pourrais en terminer en moins d'une demi-heure demain.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En réponse à votre demande, Monsieur
19 Rexhahmetaj, nous allons suspendre maintenant. N'oubliez pas que vous êtes
20 toujours tenu par votre déclaration solennelle. Vous n'êtes pas encore
21 parvenu à la fin de votre déposition. Donc il vous faudra revenir demain
22 pour la terminer. Et en raison de cela, il vous est interdit de discuter de
23 votre déposition avec qui que ce soi, et en particulier avec quelque
24 représentant du bureau du Procureur que ce soit.
25 Vous pouvez maintenant vous retirer jusqu'à 14 heures 15 demain après-midi,
26 dans cette même salle. Je vous souhaite un bon repos.
27 [Le témoin quitte la barre]
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien, je pense que nous pouvons donc
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1 interrompre notre audience d'aujourd'hui.
2 M. EMMERSON : [interprétation] A moins que quelqu'un d'autre ait quelque
3 chose à dire à la dernière minute.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Donc nous allons suspendre pour
5 aujourd'hui. De retour dans la salle demain, à 14 heures 15.
6 --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le vendredi 2
7 septembre 2011, à 14 heures 15.
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