Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 1er septembre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes ici

  6   présentes.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-04-84bis-T, le Procureur

  9   contre Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Je demande aux parties de se

 11   présenter, à commencer par l'Accusation.

 12   M. ROGERS : [interprétation] Bonjour. Paul Rogers et Daniela Kravetz au nom

 13   de l'Accusation, avec notre commise, Mme Pedersen.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Roger.

 15   Et pour M. Haradinaj, ce sera…

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Ben Emmerson, avec Rod Dixon, Annie

 17   O'Reilly, Andrew Strong et, aujourd'hui, Daniel Gad el rab.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 19   Pour Monsieur Balaj, ce sera…

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Gregor Guy-

 21   Smith, Colleen Rohan, Chaid Mair, et nous représentons M. Balaj. M. Zyberi

 22   n'est plus avec nous.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.

 24   Et pour M. Brahimaj, ce sera…

 25   M. HARVEY : [interprétation] Richard Harvey. Bonjour, Messieurs les Juges.

 26   Aidé de M. Paul Troop et de Luke Boenisch. J'aurais dû vous informer

 27   qu'effectivement, Mme Jasini n'est plus disponible. Donc, aussi bien Me

 28   Guy-Smith en perdant M. Zyberi, et nous en perdant Mme Jasini, nous avons


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  1   perdu la collègue albanophone qui nous assistait.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  3   Est-ce que nous pouvons passer à huis clos.

  4   M. HARVEY : [interprétation] Je ne sais pas si nous sommes déjà à huis

  5   clos.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

  7   [Audience à huis clos]  [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

  8   M. HARVEY : [interprétation] J'aurais voulu évoquer un sujet en audience

  9   publique, si vous m'y autorisez, avant la venue du témoin.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, Monsieur l'Huissier, avant

 11   de baisser les stores.

 12   Madame la Greffière, est-ce que nous pouvons revenir en audience publique.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience

 14   publique.

 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 17   Oui, Maître Harvey, vous avez la parole.

 18   M. HARVEY : [interprétation] Messieurs les Juges, hier, j'ai veillé à ce

 19   qu'une lettre soit envoyée à l'Accusation, à la lumière des sujets évoqués

 20   dans la Chambre hier. Du coup, plusieurs sujets doivent être abordés, et je

 21   pense qu'il vous serait utile de recevoir un exemplaire de la

 22   correspondance et des documents reçus à la suite de cet échange épistolaire

 23   par l'Accusation. Il y a une copie pour chacun des Juges, un exemplaire

 24   pour le greffier.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voulez les verser en tant que

 26   pièce ?

 27   M. HARVEY : [interprétation] Non. Je veux simplement que ceci vous aide,

 28   car je voudrais les parcourir avec vous pour vous dire quelle est désormais


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  1   notre position, et je pense que c'est une situation qui est très

  2   perturbante et sur laquelle je vous demanderai des instructions. Mais je

  3   crois qu'il vous faudra suivre ceci pas à pas avec moi, de près vraiment.

  4   Nous allons examiner ceci à la loupe de façon à ce que vous soyez dûment

  5   informés.

  6   M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que les documents sont arrivés

  7   quatre minutes avant ma venue dans ce prétoire. Je ne sais pas quand

  8   l'Accusation les a fournis, mais c'était peu de temps avant 14 heures.

  9   M. HARVEY : [interprétation] C'est exactement arrivé à 13 heures 52.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.

 11   M. HARVEY : [interprétation] Vous allez le voir, Messieurs les Juges, vous

 12   avez d'abord la réponse. Auriez-vous l'obligeance de prendre la page 2, la

 13   lettre envoyée par mon commis à l'affaire à 18 heures 12 hier, alors que

 14   j'étais à l'audience, lettre que j'envoie à M. Rogers en lui disant ceci :

 15   "Vu les questions que vous avez posées au témoin à huis clos partiel," et

 16   je donne la référence du compte rendu d'audience, "il est évident que vous

 17   disposez d'information supplémentaire à propos de la demande d'asile faite

 18   par le présent témoin. Je vous saurais gré de veiller à ce que d'urgence,"

 19   avant la fin de la journée d'hier, "vous communiquiez toutes les

 20   informations que vous avez en votre possession concernant la demande

 21   d'asile déposée par le client afin que je puisse examiner ces documents et

 22   éventuellement les utiliser en contre-interrogatoire. Il y a, sans s'y

 23   limiter : toute correspondance entre le bureau du Procureur et toute autre

 24   partie, par exemple, avec les autorités du pays, les avocats ou

 25   intermédiaires agissant au nom du témoin; 2, les documents attestant de

 26   l'évolution du dossier de demande d'asile ou de statut de réfugié du

 27   témoin; 3, toute procédure ultérieure décidée par les autorités pour

 28   déporter le témoin ou l'obliger à quitter le pays; 4, des arguments


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  1   éventuellement présentés par le bureau du Procureur aux autorités du pays

  2   pour permettre au témoin de retourner dans ce pays s'il devait en partir

  3   afin de venir témoigner après qu'on lui ait refusé l'autorisation de rester

  4   dans ledit pays.

  5   "Je vous saurais gré d'examiner cette requête avec la plus grande urgence

  6   et attention possibles."

  7   Et puis, regardez la page 1, vous avez la réponse, et vous voyez

  8   l'heure, 13 heures 52, date d'aujourd'hui : 

  9   "Cher Maître : Je réponds à la demande de communication de Me Harvey qui

 10   demande la communication urgente de plusieurs documents.

 11   "Pour ce qui est du point 3" -- que j'avais évoqué dans ma lettre --

 12   veuillez revenir à la page 2 pour le revoir, si vous voulez. "Par rapport à

 13   ce point 3, l'Accusation ne donne aucune information à cet égard. A propos

 14   du point 4," arguments éventuellement présentés par le bureau du Procureur,

 15   "l'Accusation dit qu'elle n'a rien fait de la sorte, qu'elle n'a présenté

 16   aucun argument. Les dispositions en matière de voyage sont déterminées par

 17   la Section des Victimes et des Témoins. Pour ce qui est du point 2, le

 18   bureau du Procureur a reçu le mardi 30 août, de l'avocat du témoin, donc

 19   c'était la journée d'avant-hier, un exemplaire de la dernière décision en

 20   date s'agissant de la demande d'asile du témoin. Nous avons contacté

 21   l'avocat hier après-midi pour voir si celle-ci faisait l'objet du secret

 22   professionnel entre le client et son avocat. Il a dit que ceci ne devait

 23   être mentionné qu'à huis clos partiel parce que le témoin n'a pas été

 24   informé lui-même de la décision. Vous avez en pièce jointe la décision. Et

 25   l'autre information, la seule autre qu'on ait à propos de cette demande, se

 26   trouvait dans le courrier électronique du 5 novembre 2010, où on dit

 27   qu'effectivement, il n'avait pas reçu le statut d'asile et que son dossier

 28  était en instance devant la (expurgé)

 


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  1  "Et pour ce qui est du point 1, demande de correspondance entre le bureau du

  2  Procureur et toute autre autorité du pays, voici ce que dit l'Accusation :

  3  nous allons examiner la question et nous vous ferons part de nos réflexions

  4  en temps utile."

  5   Il y a, avec ce courrier électronique, des points que vous allez

  6   trouver et, étant donné que l'avocat de ce témoin a demandé à ce qu'on

  7   réserve à ces informations un caractère confidentiel, je ne vais pas en

  8   donner lecture. Mais je pense que vous avez d'abord le texte d'un courrier

  9   électronique envoyé par M. Roel Versonnen, l'enquêteur du bureau du

 10   Procureur, en date du 2 février 2011, et c'est envoyé au témoin en réponse

 11   à un message du témoin qui semble avoir été envoyé par celui-ci le même

 12   jour, le 2 février. Regardez la teneur de ce qui, à mes yeux, est

 13   quelque chose qu'on aurait dû absolument communiquer à la Défense, or ceci

 14   a été communiqué aujourd'hui à 13 heures 52. Je vous laisse le temps de

 15   prendre connaissance de ce que le témoin a écrit à l'enquêteur Versonnen.

 16   Enfin, Messieurs les Juges, je ne sais pas si vous avez terminé cette

 17   lettre. Nous avons la décision (expurgé)

 18   (expurgé).

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense qu'il faut passer à huis clos

 20   partiel.

 21   M. HARVEY : [interprétation] Effectivement. Huis clos partiel.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 23  [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Veillez à ce qu'il y ait

 25   expurgation du nom du pays en page 5, ligne 23 du compte rendu d'audience

 26   d'aujourd'hui. Voilà.

 27   Est-ce que c'est fait, Madame la Greffière ?

 28   Est-ce que nous pouvons revenir en audience publique.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes de nouveau en audience

  2   publique.

  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  5   Poursuivez.

  6   M. HARVEY : [interprétation] Je m'excuse auprès de tous.  Regardez la

  7   décision en date du 26 août, le mois dernier. Regardez la partie importante

  8   --

  9   M. ROGERS : [interprétation] Je pense que si on en parle, il faut en parler

 10   à huis clos partiel.

 11   M. HARVEY : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous. Peut-être

 12   est-il préférable de mentionner ce passage à huis clos partiel.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 15   Monsieur le Président.

 16 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par ordonnance de la Chambre]

 17   M. HARVEY : [interprétation] Regardez, plusieurs questions de procédure

 18   sont abordées, et par la suite il apparaît tout d'abord que le 16 juin

 19   2010, un juge de l'immigration a refusé la demande d'asile présentée par le

 20   témoin, retirant la protection mis à part la protection pour torture en

 21   vertu de la convention des Nations Unies contre la torture, et il a dit

 22   qu'effectivement, les conditions n'avaient pas été remplies, ce qui veut

 23   dire qu'il n'y a plus de crainte fondée pour que le témoin craigne de

 24   rentrer au Kosovo, il n'était plus nécessaire de le réinstaller. Une autre

 25   décision antérieure, semble-t-il -- non -- du 10 mars -- non, non. Une

 26   nouvelle décision en date du 10 mars 2011 rejette la demande en appel

 27   déposée par le témoin. Mais le paragraphe suivant dit ceci : la lettre que

 28   vous avez vue hier, lettre envoyée par M. Rogers, avait été envoyée à la


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  1   Chambre dans le cadre d'une demande de révision de cette décision. Dans

  2   cette lettre, il est dit que le demandeur a fourni de son plein gré une

  3   déclaration préalable dans le cadre de ce nouveau procès partiel et que le

  4   bureau du Procureur a l'intention d'appeler à la barre dans le cadre de ce

  5   nouveau procès partiel ledit témoin. Le demandeur, à l'appui de sa requête,

  6   a présenté un rapport du rapporteur de l'assemblée parlementaire, et je me

  7   rappelle que c'est le même rapport, me semble-t-il, que celui auquel fait

  8   référence M. Rogers dans sa lettre envoyée à l'avocat du témoin.

  9   M. ROGERS : [interprétation] Ce n'est pas exact.

 10   M. HARVEY : [interprétation] Ah, bon, c'est différent. Donc je suppose

 11   qu'il s'agit ici du rapport Marty.

 12   M. ROGERS : [interprétation] Non. C'est le rapport Gardetta.

 13   M. HARVEY : [interprétation] Merci de cette précision. C'est bon à savoir.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, pour que je vous suive, là,

 15   quel document examinez-vous ?

 16   M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi, je vois la deuxième page de la

 17   décision du conseil ou (expurgé),

 18   Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 20   M. HARVEY : [interprétation] Deuxième page.

 21   Et regardez le paragraphe de fond. Finalement, la conclusion dépend

 22   entièrement de la lettre de M. Rogers : 

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4   L'INTERPRÈTE : Les documents n'ont jamais été présentés à aucune cabine

  5   d'interprétation.

  6   M. HARVEY : [interprétation] Voilà, j'ai reçu ces documents à 13 heures 52,

  7   et vous le voyez à la page 1 de cette liasse de documents. S'agissant de ma

  8   première demande que je trouvais la plus simple, je voulais avoir toute

  9   correspondance entre le bureau du Procureur et d'autres parties, par

 10   exemple, les autorités, avocats --

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'allais vous interrompre,

 12   effectivement.

 13   Est-ce que nous pouvons revenir en audience publique.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y, Maître Harvey.

 17   M. HARVEY : [interprétation] Vous allez voir à la lecture de la réponse du

 18   Procureur, qui nous est arrivée juste avant l'ouverture de l'audience,

 19   s'agissant du point 1, l'Accusation continue d'examiner ma demande aux fins

 20   d'obtention de toute correspondance entre le bureau du Procureur et toute

 21   partie concernée par le présent procès. C'est choquant, extrêmement

 22   choquant, dirais-je, de voir qu'on nous interdit de voir cette

 23   documentation, et je ne la reçois que quand je présente une nouvelle

 24   demande précise hier par écrit. On se serait dit, n'est-ce pas, que M.

 25   Rogers aurait eu en main tous ces documents quand il s'est présenté devant

 26   vous hier et qu'il ne se serait pas contenté de ne vous remettre qu'une

 27   seule lettre, celle qu'il avait envoyée à l'avocat du témoin (expurgé)

 28  (expurgé). Il est choquant de voir qu'on est toujours en train d'examiner ma


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  1   demande d'obtention de documents supplémentaires. C'est choquant, disais-

  2   je. Apparemment, il y a tout un dossier concernant ce témoin, et

  3   l'Accusation en avait forcément connaissance. Elle devait avoir ces

  4   documents si elle voulait vraiment donner à la Défense les informations

  5   qu'elle a demandées dès le mois de janvier.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais de qui aurait-elle dû obtenir ces

  7   informations ?

  8   M. HARVEY : [interprétation] Des autorités du pays concerné. Manifestement,

  9   il y a eu toute une masse de documents concernant ce témoin qui touchent

 10   non seulement à sa crédibilité, au manque de crédibilité, mais --

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [hors micro]

 12   M. HARVEY : [interprétation] Votre micro.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne défends pas l'Accusation, mais

 14   je veux que vous me disiez si l'article 68 impose cette obligation au

 15   bureau du Procureur, l'obligation de trouver des informations qu'elle n'a

 16   pas en sa possession, de les trouver, ces informations, et de vous les

 17   remettre; ou est-ce que son obligation c'est que l'information dont dispose

 18   l'Accusation, elle doit être communiquée à la Défense ?

 19   M. HARVEY : [interprétation] Je crois que je ne me trompe pas, et j'en

 20   parlerai avec mes confrères si c'est nécessaire, je pensais qu'une demande

 21   avait été envoyée à l'Accusation en sus de l'article 68. Nous demandions

 22   toute information qu'avait l'Accusation ou qu'elle aurait pu, avec toute la

 23   diligence voulue, obtenir, des documents qui seraient susceptibles de

 24   toucher à la crédibilité du témoin. Je vais vérifier auprès de mes

 25   confrères. Mais dès que cette demande est faite sous cette forme,

 26   manifestement l'Accusation a cette obligation. Je ne dis pas nécessairement

 27   que seul s'applique le libellé de l'article 68.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous n'avez toujours pas répondu


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  1   à ma question. Je vous demandais si, à votre avis, l'article 68 oblige

  2   l'Accusation à partir à la recherche d'informations qu'elle n'a pas encore,

  3   mais dont elle suppose qu'elles pourraient toucher à la crédibilité du

  4   témoin et qu'elle doive trouver ces informations pour vous les communiquer

  5   ?

  6   Ou est-ce que le 68 dit que l'Accusation doit communiquer les

  7   documents qu'elle a déjà et dont elle sait qu'ils sont de nature à être à

  8   décharge ?

  9   M. HARVEY : [interprétation] Je ne pense pas que s'il exerce toute la

 10   diligence que lui impose son code de déontologie, qu'un Procureur a le

 11   droit de se tourner les pouces et de ne communiquer que ce qu'il a

 12   commodément sous la main ou sous le coude. S'il ne se met pas à la

 13   recherche de documents dont il pense qu'ils risquent d'entamer la

 14   crédibilité, je crois qu'il n'exerce plus son obligation.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 16   M. HARVEY : [interprétation] Me Guy-Smith pourra peut-être nous éclairer

 17   davantage.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous parlez de la question des documents

 19   "en possession de l'Accusation". La réponse, vous la trouverez là : il ne

 20   faut pas nécessairement qu'il en ait possession, mais qu'il sache qu'ils

 21   existent.

 22   Donc c'est la connaissance qu'il a. Le 68(A) :

 23   "Communiquer à la Défense tous les éléments dont il sait

 24   effectivement qu'ils sont de nature à disculper…," et cetera.

 25   Donc c'est la connaissance qu'il a de l'existence de ces documents.

 26   Mais je pense que M. Rogers aura du mal à dire qu'il ne connaissait pas

 27   l'existence de ce document. Mais nous pourrons répondre de façon plus

 28   précise en temps utile.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Mais si vous voyez ce que

  2   nous a dit M. Rogers :

  3   "Je trouve choquant qu'apparemment il y ait tout un dossier

  4   concernant le témoin dont l'Accusation devrait avoir connaissance et

  5   qu'elle aurait dû chercher à obtenir pour le fournir à l'Accusation."

  6   Donc vous dites qu'il y a une question de connaissance évidente.

  7   Poursuivez, Maître Harvey.

  8   M. HARVEY : [interprétation] A ce stade, Monsieur le Président, la Défense

  9   se trouve dans une situation qui est de voir s'il ne faut pas ici pénaliser

 10   le Procureur. Il faut voir quelles mesures nous allons vous demander de

 11   prendre. Vous le savez, c'est quelques instants à peine avant le début de

 12   l'audience que j'ai obtenu ces documents, je n'ai donc pas eu le temps d'en

 13   discuter avec mes confrères. Une chose est certaine, je pense qu'il nous

 14   faudra nous consulter pour déterminer la façon la plus efficace d'agir.

 15   Mais en l'instant même, au moment où je vous parle, j'ai le sentiment

 16   que c'est sciemment qu'on m'a privé d'information. Or, l'Accusation les

 17   avait ou savait qu'elle les avait, elle aurait dû me les fournir, et il y a

 18   donc eu obstacle à la justice. Les droits de mon client sont piétinés. Il

 19   m'est impossible de mener une Défense convenable, de bien contre-interroger

 20   le témoin.

 21   Je suis sûr que vous allez vouloir entendre ce qu'ont à dire mes

 22   confrères, Me Guy-Smith, Me Emmerson et, bien sûr, aussi M. Rogers. Mais

 23   quant à moi, je vous demanderais un temps de réflexion, il pourrait être

 24   court, pour discuter avec mes confrères et mon client, parce que je n'ai

 25   même pas eu le temps de parler à mon client de ces informations capitales

 26   vu les modalités de réception de l'information.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ne répétons pas ce qui a déjà été dit.

 28   Je préfèrerais que vous discutiez avec vos confrères avant que ceux-ci


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  1   n'interviennent.

  2   M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que vous me permettez de prendre la

  3   parole ?

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une seconde. Laissez-moi terminer avec

  5   Me Harvey, pour commencer.

  6   Comme je disais, j'aurais préféré que vous vous entreteniez entre vous de

  7   façon à ce que, quand vous revenez dans ce prétoire, vous ayez réfléchi à

  8   ceci de manière collective et que vous nous fassiez part de vos réflexions

  9   -- et vous nous mentionnez également que vous n'êtes pas en mesure de

 10   poursuivre le contre-interrogatoire de ce témoin. Est-ce que vous pensez

 11   pouvoir vous entretenir durant la pause suivante ? C'est une proposition

 12   que je vous fais.

 13   M. HARVEY : [interprétation] Je comprends très bien que les Juges de la

 14   Chambre veulent continuer. Mais avec tout le respect que je vous dois, je

 15   ne veux pas continuer dans quelque voie que ce soit sans avoir eu des

 16   consultations avec mes collègues, très rapidement et brièvement.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez une pause dès

 18   maintenant ?

 19   M. HARVEY : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, Maître Emmerson, allez-y.

 21   M. EMMERSON : [interprétation] Tout d'abord, il y a les recours qui

 22   permettront à poursuivre ce procès, et ça, ce sera le thème de nos

 23   discussions entre nous.

 24   Deuxième question, et quelle que soit la manière dont on aborde ce

 25   problème, étant donné que nous avons établi les faits, il faudrait savoir

 26   s'il est nécessaire d'inviter aux Juges de la Chambre d'exercer ses

 27   pouvoirs en vertu de l'article 68 bis pour l'imposition de sanctions à

 28   infliger à une partie.


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  1   Et pour cela, je n'ai pas besoin de m'entretenir avec qui que ce

  2   soit.

  3   Mais je voudrais que nous passions à huis clos partiel de façon à ce

  4   que le déroulement des événements soit très clair. Et ensuite, le moment

  5   voulu, je demanderai que tout ce qui était à huis clos partiel soit rendu

  6   public, à moins qu'il y ait des éléments qui doivent rester confidentiels.

  7   Mais pour être prudent, je pense qu'il faut d'abord passer à huis clos

  8   partiel, parce qu'il y a un des documents, tout du moins, comme vous le

  9   savez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a un argument qui a

 10   été mentionné à savoir qu'on ne peut pas en parler en audience publique. Je

 11   n'accepte pas cet argument, mais je voudrais commencer tout d'abord par en

 12   parler en audience à huis clos partiel avant de vous dire pourquoi.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos

 14   partiel, s'il vous plaît.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous y sommes.

 16   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par ordonnance de la Chambre]

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 18   M. EMMERSON : [interprétation] Tout d'abord, je voudrais commencer par la

 19   chronologie des événements. Mais avant de ce 

 20   faire  --

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'abord, une mise en garde. Je crois

 22   que les Juges de la Chambre, à l'issue de cette audience d'aujourd'hui,

 23   demanderont une requête écrite.

 24   M. EMMERSON : [interprétation] Je comprends tout à fait cela. J'y ai pensé

 25   déjà.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci permettra également peut-être

 27   d'éviter de passer en revue toute la chronologie.

 28   M. EMMERSON : [interprétation] Mais ceci n'évite pas le besoin d'établir


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  1   oralement les motifs.

  2   L'article 68(i) constitue une obligation de fournir des éléments qui

  3   pourraient avoir des conséquences sur la crédibilité du témoin, mais il

  4   s'agit d'une obligation de communication dès que ceci est possible. Donc ce

  5   n'est pas une réponse à la violation de l'article 68, si ces éléments

  6   devaient être communiqués aussi rapidement que possible. Il s'agit d'une

  7   violation claire de l'article 68. Donc la question n'est pas de savoir où

  8   nous en sommes, mais pourquoi nous en sommes à ce stade, et est-ce que

  9   l'Accusation aurait dû communiquer ces éléments à un stade plus précoce.

 10   Vous avez entendu différentes explications de la part de M. Rogers,

 11   mais je voudrais que l'on soit très clair de la chronologie des événements

 12   et de ce qui reste encore en suspens. Hier, nous avons pris connaissance

 13   d'une lettre à l'attention de (expurgé), l'avocat du témoin, lettre

 14   envoyée par M. Rogers. Vous avez reçu un exemplaire de cette lettre, et

 15   cette lettre est très claire dans la mesure où il s'agit d'une lettre de M.

 16   Rogers à l'attention de (expurgé) suite à un e-mail de (expurgé) du 5

 17   novembre demandant de recevoir une lettre en ce qui concerne ce témoin.

 18   Nous n'avons jamais reçu une copie de ce courrier électronique à ce jour.

 19   Donc la réponse nous a été communiquée, la réponse de M. Rogers, ce n'est

 20   pas la question. Donc ça, c'est le 5 novembre.

 21   Le 18 novembre, en sachant pertinemment que cette lettre avait été

 22   rédigée suite à une demande en cours d'asile, M. Rogers a écrit une lettre

 23   qui allait dans le sens de la demande du témoin pour demander l'asile.

 24   Ensuite, vous avez un e-mail du 2 février, donc nous avons en fait

 25   toute une période entre le 18 novembre et le 2 février. Et ce e-mail est

 26   directement à l'attention de M. Versonnen émanant du témoin en disant que :

 27   "Un des documents avec des informations a été reçu par mon avocat." On peut

 28   partir du principe, étant donné qu'il n'y a pas d'autres documents qui ont


Page 992

  1   été communiqués, que c'est le document est la lettre de M. Rogers. Cela

  2   semble être clair compte tenu de la chronologie des événements.

  3   Et puis, il continue à dire, je cite :

  4   "L'information que j'ai donné à mon avocat, telle celle dont je vous

  5   parle : j'ai dit à mon avocat que mon frère avait été tué durant la guerre.

  6   Ce n'est pas vrai. Vous savez quelle est la vérité. Mais je l'ai fait pour

  7   la sécurité de ma famille au Kosovo et de moi-même et de ma femme aux

  8   (expurgé).

  9   "Il y a des choses que je ne dis pas qui ne sont pas la vérité, à

 10   savoir que mon frère a été tué après la guerre. Ça, c'est la vérité."

 11   (expurgé), et cetera.

 12   "Mon avocat me demande pourquoi je n'ai pas dit la vérité."

 13   Donc nous nous trouvons dans une situation où vous avez un témoin

 14   dont l'avocat a reçu une lettre très utile qui va dans le sens de sa

 15   demande d'asile, sa demande est rejetée, et il écrit au Procureur en disant

 16   : J'ai besoin de votre aide. Il dit : "Ma demande ici est en suspens, et

 17   j'ai besoin de votre aide pour garantir la sécurité de ma femme et de ma

 18   famille."

 19   Et M. Versonnen répond en disant : "Nous vous tiendrons informés."

 20   Mais nous n'avons rien reçu non plus suite à ces échanges pour savoir

 21   quelles étaient les mesures qui avaient été prises par la suite. Par

 22   contre, ce que nous avons à notre disposition, c'est un document, donc un

 23   jugement du (expurgé) du 26 août, et M.

 24   Rogers m'a dit qu'il avait reçu cette lettre mardi. Donc, hier, on a eu cet

 25   argument, et l'Accusation avait déjà ce document.

 26   Il s'agit d'une demande par l'avocat de ce témoin, basée sur la

 27   lettre de M. Rogers avec deux recours, c'est-à-dire : une reconsidération

 28   du refus précédent du (expurgé) de façon,


Page 993

  1   en fait, à réviser la demande d'asile; et on demandait donc au juge

  2   responsable de l'immigration de reconsidérer sa décision au vu de la lettre

  3   de M. Rogers. Et cette demande a été acceptée.

  4   En d'autres termes, ce qu'il faut obtenir de la part de M. Rogers. Et

  5   par le biais de lettre de M. Rogers. C'est-à-dire, en fait, un changement

  6   de la décision dans sa demande d'asile.

  7   En d'autres termes, durant ce processus, son propre avocat le

  8   qualifiait de menteur parce qu'en fait, il y avait des incohérences entre

  9   ce qui avait été dit à M. Rogers et ce qui avait été dit à son avocat.

 10   C'est ainsi que l'on peut donc décrire la chronologie des événements.

 11   Hier, ce que nous avons eu, c'était en fait une tentative de

 12   justifier la position de l'Accusation, à savoir que la question de la

 13   demande d'asile était pertinente pour la crédibilité du témoin parce qu'il

 14   avait menti, et que l'aide donnée par l'Accusation pour que la décision

 15   soit modifiée n'avait aucune incidence sur cette affaire. Vous vous

 16   souviedrez du passage, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est au

 17   compte rendu d'audience, page 917, ligne 4, on parle ici que M. Rogers,

 18   dans son interrogatoire principal, avait parlé des mensonges et des

 19   déclarations qui avaient été faits afin, comme il l'a avoué, d'obtenir des

 20   éléments qui pourraient être pertinents pour la crédibilité du témoin. Et

 21   comme vous le savez, il nous a laissés dans une situation où le témoin

 22   avait déclaré qu'il avait dit la vérité aux (expurgé), alors

 23   que nous savons qu'il a menti à M. Rogers.

 24   Voilà donc où nous en sommes.

 25   Maintenant, il est évident que tous ces éléments et que tous ces

 26   documents font partie de tout ce qui doit être pris en compte pour juger de

 27   la crédibilité du témoin. On ne peut pas faire un distinguo entre les

 28   mensonges qu'il a proférés (expurgé) et


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  1   les propos qu'il a fournis à l'Accusation pour obtenir d'eux une lettre

  2   afin de faire avancer sa demande. Nous avons présenté des arguments en ce

  3   qui concerne la crédibilité de l'Accusation ou le comportement de

  4   l'Accusation.

  5   L'article 68(i) parle, bien sûr, de la communication par le Procureur

  6   de tous les éléments aussitôt que possible. Nous avons la lettre du 5

  7   novembre de l'avocat. Nous avons la lettre de M. Rogers du 18 novembre.

  8   Nous avons la lettre du 2 février du témoin qui dit que son avocat l'accuse

  9   d'être un menteur. Et puis, nous avons la réponse du 2 février de M.

 10   Versonnen. Nous avons donc tous ces documents qui auraient dû être

 11   communiqués il y a bien longtemps, et il est évident que l'Accusation ne

 12   peut pas avancer qu'ils se sont acquittés de leurs obligations en vertu de

 13   l'article 68 pour communiquer aussitôt que possible ces éléments.

 14   Mais je veux aller plus loin. Compte tenu du document qui était déjà

 15   en possession de M. Rogers mardi, tout ceci est en violation de l'article

 16   68(i) tandis que nous avions, donc, ces échanges hier.

 17   Et vous vous imaginez que si tous ces documents ne nous étaient

 18   arrivés qu'après l'issue du procès, parce que M. Rogers dit : Si je ne

 19   m'étais pas acquitté de mes obligations, je ne vous les aurais pas

 20   transmis. Mais en fait, l'obligation est la communication aussitôt que

 21   possible. Alors, M. Rogers ne prend pas ceci au sérieux. Nous arrivons à un

 22   stade où les Juges de la Chambre doivent se pencher sur la question de

 23   savoir si des sanctions doivent être infligées à la partie en question.

 24   Je n'ai pas besoin de consultation avec mes collègues à ce sujet.

 25   Nous demandons que les Juges de cette Chambre donnent des orientations et

 26   donc qu'une réprimande soit donnée à M. Rogers au vu de la violation

 27   patente de l'article 68.

 28   Si ceci n'est pas fait, compte tenu de l'attitude complaisante qu'adopte M.


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  1   Rogers et que continue à adopter M. Rogers puisqu'il continue à violer

  2   l'article 68, les Juges de cette Chambre ne pourraient pas avoir la

  3   garantie que les témoins à venir qui présentent des profils similaires et

  4   qui évoluent dans des circonstances encore plus sensibles, on ne peut pas

  5   faire confiance à M. Rogers. M. Rogers ne semble pas vouloir respecter

  6   l'article 68. Nous avons vu ce qui s'est passé hier. Ce qui se passe

  7   aujourd'hui est en fait la preuve patente de cela. Quelle explication peut-

  8   il donner de ne pas communiquer une lettre qu'il aurait transmise où le

  9   témoin demandait en fait de l'aide puisque son avocat le considérait comme

 10   un menteur ? Je pense que le moment est venu de ne pas vivre dans ce monde

 11   parallèle dans lequel vit M. Rogers, où il pense que ceci n'est pas

 12   pertinent pour la crédibilité du témoin.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que nous sommes à huis clos partiel

 15   ou en audience publique.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] [hors micro] Nous sommes en audience à

 17   huis clos partiel.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer en audience

 19   publique, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous y sommes.

 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] En plus de la demande faite par Me

 25   Emmerson, en ce qui concerne des sanctions à titre personnel concernant M.

 26   Rogers, concernant son comportement et le manquement de s'acquitter à ses

 27   obligations, je dirais qu'il y a également des recours juridiques qui sont

 28   à la disposition des Juges de la Chambre pour imposer des sanctions en ce


Page 996

  1   qui concerne la manière dont la déposition du témoin devrait être traitée

  2   au vu des violations de l'article 68, puisque ceci a déjà été déterminé.

  3   Mis à part cela, je souscris aux commentaires de mes collègues, et étant

  4   donné que vous avez demandé d'être bref, je ne vais pas développer plus

  5   avant. Mais j'ai énormément de choses à dire. Mais à ce stade, je vais m'en

  6   arrêter là.

  7   M. EMMERSON : [interprétation] Si vous me permettez de rajouter quelque

  8   chose. En ce qui concerne la question de ce qui devrait rester en audience

  9   à huis clos partiel et ce qui devrait être rendu public, sans pour autant

 10   parler de la nature du document, comme vous le savez, Monsieur le

 11   Président, Messieurs les Juges, M. Rogers a écrit à la Défense en

 12   communiquant un document émanant d'une instance officielle concernant le

 13   témoin, une instance officielle du pays dans lequel habite le témoin à

 14   l'heure actuelle, et cette lettre disait que l'avocat du témoin avait été

 15   contacté par M. Rogers hier pour savoir s'il y avait des éléments

 16   confidentiels qui étaient liés à ce document, et l'avocat nous a informés,

 17   je cite, que : "Ce document devrait être traité comme un document

 18   confidentiel et ne devrait être mentionné qu'en audience huis clos partiel,

 19   étant donné que le témoin n'a pas encore vu ce document ni n'a été informé

 20   de son contenu."

 21   Mais je dois dire que ceci n'est pas une raison pour laquelle on devrait

 22   aborder ce document en audience à huis clos partiel. Il n'y a aucune raison

 23   pour cela. L'avocat n'est pas en mesure de dicter aux Juges de cette

 24   Chambre si ce document devrait être abordé uniquement en audience à huis

 25   clos partiel. Il n'a pas fait part de tout privilège ou de demande de

 26   confidentialité. S'il le faisait, il le ferait par une lettre, et il ne l'a

 27   pas fait. Mais il dit que simplement parce que le témoin ne l'a pas vu, on

 28   ne peut pas en parler à huis clos partiel.


Page 997

  1   Nous ne sommes pas d'accord. Il n'y a aucun motif valable pour cela, et

  2   donc, par conséquent, mis à part les références à l'Etat concerné et

  3   d'autres éléments qui pourraient identifier le témoin, tout ce que j'ai

  4   mentionné à huis clos partiel devrait être rendu public le moment voulu.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souscris aux propos de Me Emmerson, et

  6   sur la pratique du système judiciaire américain, il n'y a aucune raison

  7   pour laquelle on devrait aborder ceci en audience à huis clos partiel. De

  8   manière générale, les audiences sont publiques et les comptes rendus sont

  9   disponibles.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Harvey, est-ce que vous

 11   pourriez vous asseoir pendant que votre collègue parle.

 12   Allez-y maintenant, Maître Harvey.

 13   M. HARVEY : [interprétation] J'ai été très prudent lorsque j'ai donné

 14   lecture de ce document à huis clos partiel, et je me suis exprimé de telle

 15   manière que l'on pourrait rendre ces propos publics suite à la demande que

 16   vient de faire Me Emmerson. Je crois que j'ai évité de mentionner le nom du

 17   témoin et j'ai évité également de mentionner le pays dans lequel vit le

 18   témoin, et, par conséquent, cette partie en question devrait également être

 19   rendue publique.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Harvey.

 21   Monsieur Rogers, est-ce que vous souhaitez faire des commentaires sur ce

 22   que vient d'être dit cet après-midi ?

 23   M. ROGERS : [interprétation] Oui. Beaucoup de choses ont été dites.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au vu de la requête de Me

 25   Emmerson, étant donné qu'elle est très personnelle, je préfèrerais ne pas

 26   le faire verbalement, et je préfèrerais coucher ceci sur papier, de façon à

 27   ce que l'on puisse revoir toute la chronologie des événements et que ceci

 28   soit couché sur papier dans le document en question.


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  1   Pour ce qui est maintenant de la question de la confidentialité,

  2   d'après moi, ces documents sont traités confidentiellement et respectent la

  3   vie privée de la personne en question dans l'Etat dont il provient. Par

  4   conséquent, ils ne sont pas disponibles au grand public. Etant donné que le

  5   public ne peut pas avoir accès à ces documents, la référence à ces

  6   documents devrait se faire en audience à huis clos partiel. La raison

  7   principale n'est pas que la personne concernée n'a pas encore eu

  8   connaissance de ces documents, mais c'est plutôt la manière dont les

  9   documents sont gérés dans le pays en question. C'est la raison pour

 10   laquelle je me suis renseigné avant de procéder à des communications

 11   quelconques. De plus, il y avait une question qui restait en suspens, à

 12   savoir la pertinence à ce moment-là. Par la suite, étant donné que ce

 13   document n'est arrivé qu'un jour où il n'y avait pas d'audience, étant

 14   donné où nous en sommes aujourd'hui, suite aux discussions d'hier, je

 15   pensais que je me devais de transmettre ce document à la Défense.

 16   Ils semblent en tirer la conclusion qu'étant donné que quelque chose

 17   a été fourni concernant la personne en question et qu'un résultat a eu

 18   lieu, qu'il y avait en fait un lien de cause à effet. Mais ce n'est pas le

 19   cas. Me Emmerson a dit qu'il y avait une sorte d'accord qui avait été

 20   conclu et que ceci me rendait complice, et ceci n'a jamais eu lieu.

 21   Pour ce qui est maintenant du e-mail, je suis d'accord, cet e-mail

 22   aurait dû être communiqué. Et lorsque j'ai examiné tous les documents en

 23   question dans ce dossier, et j'ai fait cela ce matin -- c'est-à-dire, un

 24   peu avant que nous soyons en audience, j'ai donné l'ordre qu'on le

 25   communique immédiatement à la Défense. Le document semble être tout à fait

 26   pertinent suite aux discussions que nous avons eues, et c'est la raison

 27   pour laquelle nous l'avons transmis immédiatement aux équipes de la

 28   Défense.


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  1   Ce document aurait dû figurer sur la liste des documents communiqués

  2   tardivement, mais il n'y figurait pas. Et dès que j'ai vu qu'il s'agissait

  3   d'une erreur, j'ai redressé le tir immédiatement en l'envoyant aux équipes

  4   de la Défense.

  5   Il s'agit d'un témoin qui fait l'objet de communication tardive. Par

  6   conséquent, tout élément qui porte sur la déposition de ce témoin ne devait

  7   être communiqué que le 18 juillet au plus tard, suite à une ordonnance de

  8   cette Chambre de première instance. Et nous avons transmis énormément

  9   d'éléments à la Défense concernant ce témoin, y compris des éléments qui

 10   portaient sur son statut vis-à-vis des autorités de l'immigration ainsi que

 11   des documents qui ont été mentionnés hier par Me Harvey. Ils ont eu depuis

 12   la possibilité de faire d'autres demandes. Je comprends tout à fait

 13   l'argument qu'ils avancent en ce qui concerne l'article 68. Mais quoi qu'il

 14   en soit, ils ont eu la possibilité également de faire des demandes

 15   supplémentaires en ce qui concerne toute correspondance, toute information,

 16   et cetera, information qui portait sur la demande d'asile.

 17   Et la première fois que nous avons entendu parler de cela, c'est

 18   lorsque Me Harvey en a parlé alors que le témoin était déjà dans le cadre

 19   de son interrogatoire principal. Depuis, nous avons essayé d'aborder cela

 20   de manière aussi correcte que possible -- et j'ai l'impression que mes

 21   collègues me tiennent un grief personnel, mais j'essaie de le faire de

 22   manière aussi équitable que possible. Je comprends tout à fait mes

 23   obligations, et j'ai essayé de gérer ceci aussi rapidement que possible. Ce

 24   qui me préoccupait également, c'est que j'avais reçu, sans l'avoir demandé,

 25   la décision de l'instance en question dans des circonstances où je ne

 26   savais pas si j'étais en mesure vraiment de communiquer ces éléments, et

 27   deuxièmement, je ne savais pas si vraiment ceci était pertinent.

 28   Mes collègues semblent établir un lien de cause à effet, mais d'une


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  1   part, vous aviez donc le résultat d'une procédure de demande d'asile qui

  2   n'est pas encore arrivée à terme, mais ceci ne semblait pas quelque chose

  3   de pertinent. Mais après y avoir réfléchi, j'ai pensé que c'était utile de

  4   leur transmettre, et c'est parce que j'ai précisément transmis cela que

  5   l'on me tient grief. Donc j'ai perdu sur les deux tableaux. Je ne comprends

  6   pas pourquoi ils font cette demande étant donné qu'ils disposent maintenant

  7   des documents et peuvent poser des questions au témoin comme bon leur

  8   semble.

  9   Pour ce qui est maintenant des mensonges proférés par le témoin, ceci

 10   a été transmis directement par l'Accusation à la Défense dans la fiche

 11   d'information supplémentaire après que nous nous soyons entretenus avec le

 12   témoin dans le cadre du processus de récolement. Dans ce document figurant

 13   les informations supplémentaires, il est mentionné les documents que Me

 14   Harvey a mentionnés, et il est d'accord pour dire qu'effectivement, il a

 15   menti sur son formulaire de demande d'asile. Ces documents, ou les pièces

 16   liés à cette demande, ont été transmis par la Défense dès le mois de

 17   juillet. Parce que ceci était évident que ç'avait une conséquence sur la

 18   crédibilité de ce témoin. C'est la raison pour laquelle j'ai transmis ceci

 19   à la Défense aussi rapidement que je pouvais le faire.

 20   Voilà, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la position que j'adopte

 21   en ce qui concerne la communication des éléments. J'ai répondu à une série

 22   de demandes qui ont été envoyées par Me Harvey hier à 18 heures 10. Bien

 23   sûr, nous étions encore dans ce prétoire jusqu'à 19 heures, en fait, même

 24   après 19 heures. Et durant la matinée, nous nous sommes penchés sur tous

 25   ces éléments. La situation n'est pas aussi claire qu'on pourrait le penser.

 26   Il n'est pas habituel que l'Accusation transmette des correspondances avec

 27   des Etats externes ou des entités externes ou toute instance dans ses

 28   activités d'enquête.


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  1   Ce n'est donc pas une requête habituelle et ce n'est pas une requête

  2   qui fait l'objet d'une ordonnance habituelle, mais nous avons essayé de

  3   voir, compte tenu de notre procès, comment gérer cela. Mais étant donné que

  4   Me Emmerson a présenté une autre requête, je crois, quelques minutes avant

  5   que nous entrions dans ce prétoire, où il me critique, ceci pourra faire

  6   l'objet de critique également, le fait que c'est envoyé juste avant que

  7   nous rentrions dans le prétoire. J'ai imprimé cette communication. Mais je

  8   ne la retrouve pas maintenant.

  9   M. EMMERSON : [interprétation] Je ne fais que reprendre les requêtes que

 10   j'avais faites à plusieurs reprises hier dans ce prétoire compte tenu de la

 11   non-communication.

 12   L'INTERPRÈTE : M. Rogers qui en donne lecture d'un document que les

 13   interprètes n'ont pas reçu.

 14   M. ROGERS : [interprétation] "Toute communication ou contact entre le

 15   bureau du Procureur et tout Etat ou instance ou agence ou toute

 16   organisation concernant le témoin."

 17   C'était donc les communications qu'on nous demandait. Il s'agit d'une

 18   demande de communication très importante.

 19   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, étant donné que nous devons

 20   étudier les demandes de correspondance très prudemment, parce qu'elles

 21   couvrent des documents très importants, toute une série de documents, et,

 22   en général, ceci ne tombe pas sous le coup de l'article 70.

 23   Et je mentionne ceci de manière générale. Compte tenu du type de

 24   requêtes qu'ils ont formulées, le bureau du Procureur doit réfléchir aux

 25   conséquences que cela pourrait avoir, pas uniquement sur ce procès-ci, mais

 26   sur les autres procès. Par conséquent, il nous faut un peu de temps pour

 27   assurer la coordination et pour nous assurer que les informations relèvent

 28   vraiment de l'article 68. Si tel est le cas, nous les transmettons. Je sais


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  1   que des arguments ont été présentés à ce sujet, et je concède qu'en ce qui

  2   concerne cet e-mail en question, j'aurais dû le communiquer. Je l'ai déjà

  3   mentionné. Mais nous prenons nos responsabilités très au sérieux, et même

  4   si Me Emmerson nous décrit comme étant désinvoltes, ce n'est pas ainsi que

  5   nous nous comportons. Et, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous

  6   nous pencherons sur les requêtes, nous gérons tout ceci aussi rapidement

  7   que possible et de manière aussi efficace que possible, en prenant en

  8   compte toutes les demandes soulevées par mes collègues. Ce qu'ils ne vous

  9   disent pas, bien sûr, c'est la pléthore de documents que nous avons

 10   communiqués, documents à décharge. Mais tout ceci semble être oublié, alors

 11   qu'ils profèrent des accusations très générales.

 12   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Me Emmerson a déposé sa demande

 13   et nous déciderons quelle marche à suivre. Je suggère que Me Emmerson

 14   couche ceci sur papier pour que nous aussi, nous puissions répondre par

 15   écrit à la requête de Me Emmerson.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 17   Les Juges de la Chambre avaient dit au départ que nous souhaitions

 18   gagner du temps, et tout ce qui a été dit cet après-midi, et également

 19   hier, tout ceci devrait être couché sur papier. Il faudrait permettre aux

 20   personnes concernées de répondre. Il faudrait que les Juges de la Chambre

 21   puissent connaître très bien quels sont les arguments présentés, quelles

 22   sont les plaintes des différentes parties qui sont impliquées et qui se

 23   plaignent, et permettre aux protagonistes, tels que Me Guy-Smith, de

 24   rajouter ce qu'ils souhaitent rajouter, puisqu'ils n'ont pas pu le faire

 25   compte tenu du fait que nous demandions d'être bref. Par conséquent, je

 26   demande aux parties de coucher tout ceci sur papier, et je ne parle pas

 27   uniquement de ces éléments concernant la communication des éléments, mais

 28   je parle également de ce qui doit rester à huis clos partiel et ce qui peut


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  1   être rendu public. De cette manière, les Juges de la Chambre pourront

  2   rendre les ordonnances sur des éléments qui sont précisément expliqués --

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends très bien ce que vous voulez

  4   dire, Monsieur le Président. Et afin de faire la synthèse de tout cela, je

  5  demanderais dans ce cas-là que l'on reçoive l'e-mail de (expurgé) du mois de

  6   novembre parce que c'est un document qui nous manque énormément dans cette

  7   discussion étant donné que ce document a été abordé à plusieurs reprises,

  8   et je demanderais que les Juges de la Chambre rendent une ordonnance afin

  9   que M. Rogers transmette ce document à la Défense de façon à ce que nous

 10   puissions coucher ceci sur papier.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais mon problème, je ne sais pas

 12   vraiment de quel document vous parlez, Maître Guy-Smith.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est le document qui a été mentionné par

 14   Me Emmerson lorsqu'il parlait de la chronologie des événements.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien sûr.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il s'agit d'un document, une lettre, en

 17   fait, de l'avocat de ce témoin ou un e-mail à l'attention de M. Roger.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Et M. Rogers a répondu à cette

 20   communication. Je crois que M. Rogers joue un jeu très dangereux puisqu'en

 21   fait, il distribue au compte-gouttes les informations qu'il a à sa

 22   disposition.

 23   M. ROGERS : [interprétation] Ce n'est pas du tout notre intention. Je sais

 24   que c'est ainsi que vous voulez décrire la situation.

 25   Une des raisons pour laquelle je n'ai pas répondu pleinement à la

 26   question des correspondances que j'ai reçues, c'est parce que je ne veux

 27   pas donner au compte-gouttes des lettres, les unes après les autres, à la

 28   Défense. Ce n'est pas la manière correcte de procéder. La manière de


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  1   procéder consisterait à transmettre tous les documents auxquels ils ont

  2   droit, et pas au compte-gouttes. C'est la raison pour laquelle, à ce stade,

  3   ils n'ont pas encore reçu les différents éléments de la correspondance.

  4   Parce qu'il y a la question de la pertinence de ces éléments à proprement

  5   parle. Dans le procès, j'ai transmis la lettre, c'est la lettre qui les

  6   intéresse. C'est ce qui a déclenché ce processus, c'est la raison pour

  7   laquelle la lettre qui a déclenché cette réponse n'a pas été transmise.

  8   Parce que je n'accepte pas la description qui a été faite par Me Emmerson.

  9   Il a décrit ceci comme une intervention de la part du bureau du Procureur.

 10   Et ce n'est pas le cas. Je parle ici de la demande d'asile du témoin. Il

 11   s'agissait d'une lettre qui a été transmise à l'avocat, qui a été utilisée

 12   par l'avocat, mais ce n'était pas l'intention du bureau du Procureur que de

 13   prêter une assistance. L'objectif est simplement de rester très neutre,

 14   comme j'ai dit hier.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 16   Mais je voudrais simplement dire à Me Guy-Smith, suite à votre

 17   demande, que vous pouvez faire cette demande par écrit. Et vous laissez M.

 18   Rogers répondre.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous comprends très bien, mais je l'ai

 20   dit auparavant et  -- soit j'ai du mal à m'entendre ou je suis un disque

 21   cassé. Je veux être en mesure, bien sûr, de prendre la parole devant les

 22   Juges de cette Chambre parce que c'est une question très grave. Et afin de

 23   pouvoir gérer ceci de manière responsable et de la manière qui a été

 24   proposée par les Juges de la Chambre, je ne veux pas être dans une position

 25   où je vais demander une communication afin, ensuite, de faire valoir ce que

 26   le faire-valoir. Nous avons souvent été dans une situation de ce type avec

 27   d'autres questions et je ne voudrais pas que les difficultés s'accumulent

 28   en ce qui concerne les positions qui ont été prises par M. Rogers.


Page 1006

  1   Ce que je demande est très simple en fait : je voudrais simplement

  2   que l'on nous communique un élément, un document, parce que je pense qu'il

  3   s'agit en fait de violation grave des obligations du Procureur. Et ceci va

  4   avoir des conséquences sur le rôle des Juges de cette Chambre, et je pense

  5   qu'il est important de disposer de cette information avant de commencer à

  6   me lancer dans des conjectures. M. Rogers a adopté la position de dire que

  7   je me lance dans des conjectures et que la Défense, dans son ensemble, se

  8   livre à cet exercice et que lui est aussi blanc que Blanche-Neige. Mais il

  9   devrait nous transmettre ces informations de façon à ce que nous puissions

 10   analyser cela pour savoir si ce qu'il avance est exact ou pas.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, je vous redis que

 12   cette Chambre, en cet instant, n'a pas la possibilité de se prononcer sur

 13   cette requête. Si cette requête doit être présentée, il importe que vous

 14   disiez dans vos écritures que la communication faite par l'Accusation n'a

 15   pas été faite convenablement et que vous en tirez un certain nombre de

 16   déductions. Et il vous faut également proposer des recours.

 17   Vous nous demandez de mettre la charrue avant les bœufs.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je voulais parler de la chronologie

 19   des questions que nous abordons devant vous, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais c'est ce que je disais. Il

 21   importe que vous disiez aux Juges ce que vous demandez aux Juges de faire.

 22   Vous nous demandez d'exiger cela de M. Rogers ?

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, dites à l'Accusation quel est son

 24   devoir, dites-lui d'agir comme l'Accusation est censée agir.

 25   M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais baisser un peu la température

 26   dans la salle et instaurer un peu plus de calme dans la discussion, car il

 27   est clair, je le dis bien, il est clair que chacun a des griefs importants

 28   par rapport à ce qui s'est passé, et je suis parti du principe que les


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  1   Juges de la Chambre comprendraient que si les sentiments sont si intenses

  2   étant donné ce qui s'est passé, il y a une raison qui le justifie.

  3   Je demande à la Chambre de prendre en considération la séquence des

  4   événements dont nous parlons en ce moment. De ce côté de la salle, vous

  5   nous dites de mettre nos arguments par écrit. Il va nous falloir maintenant

  6   nous consulter entre nous pour savoir quel sera le sort réservé à la suite

  7   de la déposition de ce témoin. Pour l'instant, la position que nous

  8   présentons est la suivante : M. Rogers nous dit que la lettre envoyée par

  9   lui ne constituait en aucun cas une intervention de sa part dans le dossier

 10   d'asile de ce témoin. C'est sa position, c'est ce qu'il nous dit. Nous,

 11   nous rétorquons : Donnez-nous la lettre à laquelle vous avez répondu de

 12   façon à ce que nous puissions déterminer si vous avez dit la vérité ou pas.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 14   M. EMMERSON : [interprétation] Un instant encore, Monsieur le Président.

 15   Laissez-moi finir. Je comprends que vous souhaitez arriver à la conclusion,

 16   mais je dirais que puisque vous avez parlé de charrue avant les bœufs, nous

 17   ne pouvons pas indéfiniment poursuivre ce débat.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il me faut toutefois, Maître Emmerson,

 19   vous arrêter un instant.

 20   Au stade actuel, alors que la Chambre vous demande de présenter des

 21   écritures pour que la Chambre puisse rendre une ordonnance, vous pouvez

 22   conclure un accord avec l'Accusation pour obtenir le document.

 23   M. EMMERSON : [interprétation] Non.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez demander à l'Accusation de

 25   vous le fournir.

 26   M. EMMERSON : [interprétation] Nous l'avons demandé, Monsieur le Président.

 27   Nous lui avons demandé ce document. Et nous vous avons demandé d'ordonner

 28   sa communication.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers.

  2   M. ROGERS : [interprétation] Mais ce n'est pas une question de refuser un

  3   appel à communication.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous êtes prêt à remettre

  5   ce document maintenant ?

  6   M. ROGERS : [interprétation] C'est une question de comment la question doit

  7   être abordée dans son ensemble.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question est la suivante : est-ce

  9   que vous êtes prêt à remettre ce document à la Défense maintenant ? Oui ou

 10   non ?

 11   M. ROGERS : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Eh bien, remettez le

 13   document.

 14   M. EMMERSON : [interprétation] Merci. Mais je suis désolé qu'il ait fallu

 15   en discuter si longtemps. Je dirais qu'il nous faut une ordonnance de façon

 16   à ce que les choses fonctionnent également à l'avenir de la bonne façon.

 17   J'aimerais terminer mon argument. M. Rogers a reconnu devant vous il

 18   y a un instant qu'il était coupable d'infraction à l'article 68 du

 19   Règlement. Il a dit que l'e-mail du 2 février, très manifestement, aurait

 20   dû être communiqué dans les délais. Il s'agit donc bien d'une infraction à

 21   l'application de l'article 68 du Règlement.

 22   Et M. Rogers de donner des explications complémentaires parce que

 23   l'e-mail reçu de M. Versonnen disait qu'il serait question de la lettre.

 24   Et la lettre était bien la lettre de M. Rogers.

 25   Donc, si M. Rogers vous dit qu'il n'avait pas connaissance de

 26   l'existence de ce mail, il va manifestement devoir apporter des

 27   explications complémentaires. Mais quoi qu'il en soit, la seule question

 28   importante qui résultera de tout cela, c'est quelles sont les sanctions que


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  1   vous devrez appliquer. Car M. Rogers admet qu'il a commis une infraction.

  2   Nous n'admettons pas son exposé des faits --

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est le recours que vous demandez ou

  4   que vous exigez, eh bien, faites-le dans vos écritures, et la Chambre

  5   examinera la question.

  6   M. EMMERSON : [interprétation] Mais pour être honnête, et je l'ai dit dès

  7   le départ, il y a deux questions qui se posent. Qu'est-ce que la Chambre

  8   doit faire par rapport au comportement de M. Rogers ? Ça, c'est une

  9   question. Et deuxième question : comment nous allons poursuivre ce procès ?

 10   Car nous venons de parler du premier problème. M. Rogers vient d'accepter

 11   de se plier à ses obligations. Nous vous demandions une ordonnance, et il y

 12   a trois minutes, il refusait de répondre aux questions claires qui étaient

 13   posées à ce sujet, mais il vient d'accepter.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 15   M. EMMERSON : [interprétation] Et il apparaît clairement également dans la

 16   réponse de M. Versonnen du 2 février : "Nous vous tiendrons informés." Donc

 17   il s'agit qu'il y a eu suite de communication au sujet du statut à accorder

 18   à ce témoin, et le témoin s'était adressé à qui il s'est adressé pour

 19   demander de l'aide dans son dossier.

 20   Donc, est-ce que nous devons croire que M. Rogers ne comprend pas

 21   encore à l'instant même quelle est l'exacte nature des obligations qui lui

 22   incombent ?

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Emmerson. Je ne crois

 24   pas que vous vous attendiez à une réponse immédiate de la Chambre.

 25   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 26   vois bien que vous devez être un peu soulagés dès lors que vous ne voyez

 27   personne bondir pour prendre la parole. Mais je viens de bondir parce que

 28   je pense que le moment est très opportun pour une brève suspension


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  1   d'audience qui permettra à la Défense de consulter ses clients. Et nous

  2   devrions peut-être autoriser une baisse partielle de la température dans ce

  3   prétoire et la possibilité pour la Défense de se donner un grand maître en

  4   matière de réglementation applicable dans le domaine de la communication

  5   afin que chacun remplisse dûment le devoir qui est le sien.

  6   Mais nous allons réfléchir à la question, Monsieur le Président, si

  7   vous nous donnez un instant de suspension -- parce que nous souhaitons que

  8   l'affaire progresse, c'est certain. Nos clients sont assis dans ce prétoire

  9   depuis le début de l'affaire, et cela fait déjà pas mal de temps.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons donc faire une pause et

 11   reprendrons nos débats à 16 heures.

 12   Suspension ordonnée.

 13   --- L'audience est suspendue à 15 heures 25.

 14   --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Harvey.

 16   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à

 17   vous remercier pour le temps que vous nous avez accordé qui nous a permis

 18   de nous consulter.

 19   En deuxième lieu, je tiens à vous informer que le chef de l'équipe a

 20   désormais reçu un exemplaire d'un document qui contient le message envoyé

 21   apparemment le 5 novembre 2010 par l'avocat du pays à M. Versonnen, et ce

 22   message se lit comme suit : le présent message a reçu réponse et a été

 23   transmis à qui de droit. En tout cas, ce qui importe, c'est que ce document

 24   émane d'un ordinateur de M. Versonnen à la date d'hier, mais pour une

 25   raison ou pour une autre, il n'a pas fait partie de la série de documents

 26   que nous avons reçue à notre entrée dans le prétoire ici aujourd'hui.

 27   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai discuté de cette question

 28   avec mes confrères et avec mes clients. Vous vous rappelez qu'à la


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  1   suspension d'audience hier, je n'en étais même pas arrivé à la moitié de

  2   mon exposé relatif au comportement et à la conduite de ce client vis-à-vis

  3   des autorités d'immigration du pays. Je ne suis pas en mesure de continuer

  4   à poser la moindre question au témoin tant que je n'aurais pas

  5   communication complète de la part de l'Accusation. Je crois qu'agir de la

  6   sorte serait très préjudiciable pour mon client, si je devais poser au

  7   témoin ne serait-ce qu'une seule question avant d'avoir obtenu tous les

  8   documents que l'Accusation doit me communiquer. Je connais parfaitement

  9   bien le désir des Juges de la Chambre de continuer, pour avancer, et s'il y

 10   avait quoi que ce soit dont j'estimais que je pouvais le faire en toute

 11   responsabilité, j'en informerais mon client et je le ferais dans mes

 12   relations avec ce témoin. Mais je dois vous dire que depuis plus de 40 ans

 13   que je travaille, je ne me suis jamais trouvé dans la situation dans

 14   laquelle je suis aujourd'hui, et sauf le grand respect que j'ai à l'égard

 15   de la Chambre, je tiens à ne pas imposer le moindre préjudice à mon client,

 16   et donc je ne peux poursuivre avant d'avoir reçu communication complète,

 17   communication à laquelle j'ai droit. Et, bien sûr, nous mettrons toutes ces

 18   questions par écrit à l'intention des Juges de la Chambre en toute

 19   célérité.

 20   Donc, voilà ma demande : que la déposition de ce témoin soit repoussée

 21   jusqu'à fin de la communication des documents.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Merci, Maître Harvey.

 23   Maître Emmerson.

 24   M. EMMERSON : [interprétation] J'indiquerais, pour commencer, que j'adopte

 25   les arguments qui viennent d'être présentés, auxquels je me joins. Le

 26   document que les Juges de la Chambre ont réussi à enlever à M. Rogers juste

 27   avant la suspension, si on le lit en même temps que la réponse de M.

 28   Rogers, on vous y invitera, et je suis sûr qu'en lisant l'exemplaire qui


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  1   vous a été communiqué, vous en tirerez la déduction inévitable qu'il

  2   s'agissait d'un acte délibéré de la part du bureau du Procureur et d'une

  3   intervention de celui-ci dans le dossier de demande d'asile du témoin à la

  4   demande de son avocat. Ceci ressort très clairement.

  5   Et la raison pour laquelle je dis cela relève tout d'abord du fait que M.

  6   Rogers vous a dit que ce n'était pas il y a quelques instants. Et il m'a

  7   accusé d'avoir mal relaté les choses, alors que la lecture du document

  8   confirme tout à fait mes dires.

  9   Me Harvey demande la possibilité de présenter des écritures sur la question

 10   des sanctions et des recours parce qu'il y a d'autres documents qui ont un

 11   rapport avec ce témoin que M. Rogers n'a pas encore transmis entre nos

 12   mains.

 13   Etant donné cela, il serait mauvais de poursuivre sans que toutes ces

 14   questions aient été résolues, et en particulier celle du comportement de

 15   l'Accusation, aussi bien celui de M. Rogers, mais également la façon dont

 16   le procès se déroule dans son ensemble.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson, je ne voudrais pas

 18   vous interrompre. Est-ce que la Chambre peut vous inviter à présenter tous

 19   vos arguments par écrit.

 20   M. EMMERSON : [interprétation] Absolument. Mais manifestement, la question

 21   du moment où la Chambre va devoir se prononcer a un lien avec le moment où

 22   l'audition du témoin doit s'interrompre ou pas. Donc ces questions doivent

 23   faire l'objet d'une décision, c'est important, avant toute décision de la

 24   Chambre, que celle-ci comprenne bien que l'examen de cette question remonte

 25   à très loin et qu'il reste encore pas mal de documents qui n'ont pas été

 26   communiqués à la Défense alors que nous avons eu une suspension de trois

 27   semaines.

 28   Donc la requête conjointe de la Défense par rapport à ce témoin est


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  1   la suivante : la Défense aimerait inviter la Chambre de première instance à

  2   ordonner que certaines dispositions soient prises afin que la situation

  3   actuelle ne se reproduise pas à l'avenir.

  4   Il y a un autre témoin qui va être entendu durant la session actuelle qui

  5   n'est pas le témoin suivant. Nous ne demandons pas à la Chambre

  6   d'interrompre complètement la déposition du présent témoin, mais je

  7   préviens à l'avance qu'il faudra une décision de la Chambre susceptible de

  8   tenir compte du fait que la Défense a présenté sa position de la façon la

  9   plus ferme qui soit quant au fait que le procès ne doit pas reprendre tant

 10   que les requêtes n'ont pas reçu satisfaction. Et nous tenterons de déposer

 11   une requête commune de tous les conseils de la Défense, donc il faudra

 12   qu'il y ait réponse à cette requête et communication complète de la part de

 13   l'Accusation avant que la déposition ne se poursuive. C'est une question

 14   très importante par rapport à laquelle, d'après les conseils de la Défense,

 15   étant donné ce qui s'est passé jusqu'à présent et qui a été erroné, la

 16   Chambre ne devrait pas autoriser une poursuite du procès en agissant de

 17   façon responsable et professionnelle tant que la responsabilité de

 18   communication de l'Accusation n'a pas été satisfaite.

 19   Nous invitons les Juges de la Chambre à suspendre donc l'audition de ce

 20   témoin. Nous ne l'invitons pas à déclarer une suspension d'audience

 21   prolongée pour le moment. Nous serions satisfaits de poursuivre avec

 22   l'audition du témoin suivant avant la fin de la communication par rapport à

 23   ce témoin. Ce témoin, manifestement, devra être rappelé à un autre moment,

 24   mais avant la session suivante, et nous invitons la Chambre à rendre sa

 25   décision sur ces questions car ce serait à tort dans l'intérêt de ce procès

 26   que de poursuivre tant que l'Accusation n'a pas entièrement rempli ses

 27   obligations de communication.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, vous avez la parole.


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  1   Et je sais que vous serez bref.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande, par rapport à la déposition de

  3   ce témoin, qu'elle soit reportée à une date ultérieure tant qu'une solution

  4   n'a pas été apportée aux requêtes présentées par écrit. Je me joins dans

  5   cette requête à celle de Me Emmerson par rapport à la présentation de la

  6   déposition du témoin suivant de façon à ce que nous puissions poursuivre

  7   sans préjudice pour le procès.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Guy-Smith.

  9   Monsieur Rogers.

 10   M. ROGERS : [interprétation] Manifestement, il va nous falloir résoudre ces

 11   questions. Je n'ai aucune objection par rapport à la solution proposée par

 12   mes collègues de la Défense. Nous pouvons entendre le témoin suivant. Il

 13   est regrettable que ce témoin-ci soit contraint de repartir pour revenir

 14   ensuite, notamment si l'on tient compte des circonstances personnelles qui

 15   sont les siennes. Toutefois, je pense que nous devons résoudre ces

 16   questions, et je suis donc d'accord.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Rogers.

 18   Etant donné ce qui vient d'être dit, je souhaite proposer la solution

 19   suivante, à savoir que nous passions à huis clos pour inviter le témoin à

 20   entrer dans le prétoire et l'avertir au sujet de ses obligations tant qu'il

 21   a sa qualité de témoin, après quoi nous ferons entrer le témoin suivant.

 22   Cela vous convient ? Bien.

 23   La Chambre demande un huis clos.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 25   Juges, nous sommes à huis clos.

 26   [Audience à huis clos]  [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Vous pouvez vous


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  1   asseoir.

  2   Cela peut vous surprendre d'avoir dû attendre à l'extérieur du prétoire

  3   sans pouvoir entrer dans la salle pour témoigner, mais pas mal de questions

  4   ont dû être discutées par les avocats. Et suite à ce débat, je dois vous

  5   dire qu'il est impossible que votre audition se poursuive immédiatement.

  6   Vous devrez donc quitter votre chaise de témoin dans quelques instants.

  7   Mais votre déposition n'est pas terminée pour autant. Cela dit, les

  8   questions qui doivent être résolues nécessiteront peut-être quelque temps,

  9   et je ne peux vous dire avec certitude quelles seront les dispositions

 10   prises à votre égard; est-ce qu'il va vous falloir rentrer chez vous et

 11   revenir à une date ultérieure ou si vous pourrez rester dans la région pour

 12   attendre la reprise de votre déposition. En tout cas, vous êtes toujours

 13   concerné par l'interdiction qui vous est faite de discuter des sujets

 14   abordés dans votre déposition avec qui que ce soit, et ce, jusqu'à la

 15   reprise de votre audition. Donc veuillez attendre d'être rappelé au

 16   Tribunal. Et vous êtes prié de rester à la disposition du Tribunal dans

 17   cette période.

 18   Je vous remercie. Vous pouvez maintenant quitter la salle tant que

 19   vous n'aurez pas de nouvelles de la Chambre.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 21   [Le témoin quitte la barre]

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers, est-ce qu'il nous

 23   faut rester à huis clos pour l'audition du témoin 

 24   suivant ?

 25   M. ROGERS : [interprétation] Non.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Revenons en audience publique.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique,

 28   Monsieur le Président.


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  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  3   M. ROGERS : [interprétation] C'est M. Menon qui va procéder à

  4   l'interrogatoire principal du prochain témoin.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parfait.

  6   Bonjour, Monsieur Menon.

  7   M. MENON : [interprétation] Merci. L'Accusation appelle à la barre Skender

  8   Rexhahmetaj.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comment prononcez-vous exactement le

 10   patronyme du témoin, Monsieur Menon ? Dites-le-nous, puisque nous attendons

 11   sa venue et que nous avons le temps d'en parler.

 12   M. MENON : [interprétation] Excusez-moi. Il faut dire Rexhahmetaj.

 13   L'INTERPRÈTE : Les interprètes albanais précisent qu'il faut prononcer

 14   Rexhahmetaj.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin n'est toujours pas arrivé

 17   dans le prétoire. M. le Juge Delvoie semble se souvenir qu'un avocat de la

 18   Défense avait dit qu'il existait un document que nous n'avions pas et que

 19   vous nous aviez promis.

 20   M. EMMERSON : [interprétation] Effectivement, c'est un document qui porte

 21   la date du 5 novembre. C'est un courrier électronique. J'ai des exemplaires

 22   pour vous, Messieurs les Juges. Nous les avons mis avec la réponse.

 23   Malheureusement, ce n'est pas agrafé. C'est pour cela j'attendais, je

 24   pensais que vous vouliez les avoir agrafés.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pensais que vous alliez les joindre

 26   à la requête.

 27   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est ce que nous avions l'intention de

 28   faire, mais autant que vous les ayez maintenant. Ceci recadrera bien la


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  1   question.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  3   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais demander au témoin de

  6   prononcer la déclaration solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN: SKENDER  REXHAHMETAJ [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Bon après-midi.

 12   Veuillez vous asseoir.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Menon.

 15   M. MENON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Interrogatoire principal par M. Menon : 

 17   Q.  [interprétation] Monsieur, veuillez confirmer que vous suivez les

 18   débats dans une langue que vous comprenez et que tout va bien.

 19   Monsieur ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci. Veuillez décliner votre identité pour qu'elle soit actée au

 22   compte rendu d'audience.

 23   R.  Je m'appelle Skender Rexhahmetaj.

 24   Q.  Quel est votre date de naissance ? Veuillez nous la rappeler.

 25   R.  Je suis né le 13 octobre 1969.

 26   Q.  Et quel est votre lieu de naissance ?

 27   R.  Isniq.

 28   Q.  Et Isniq se trouve dans quel pays ?


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  1   R.  Dans la municipalité de Decan, au Kosovo.

  2   Q.  Merci, Monsieur. Avez-vous fourni au bureau du Procureur une

  3   déclaration le 24 mars 2006 ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et est-ce que vous avez fourni une nouvelle déclaration au bureau du

  6   Procureur, cette fois, le 24 septembre 2010 ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Depuis votre arrivée à La Haye, avez-vous eu l'occasion de relire ces

  9   deux déclarations dans une langue que vous comprenez ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que vous avez lu cette déclaration en albanais ?

 12   R.  Oui, les deux déclarations.

 13   M. MENON : [interprétation] Peut-on afficher le document de la liste 65 ter

 14   03090.

 15   Q.  Est-ce qu'on voit votre paraphe en bas de page ? Il suffit de montrer

 16   la version en albanais au témoin.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Peut-on afficher la page 4 dans les deux versions.

 19   Est-ce bien votre signature qu'on voit sur cette page ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Etes-vous en mesure de confirmer que ce document englobe les

 22   modifications que vous avez apportées à la déclaration que vous aviez

 23   signée le 24 octobre 2006, et aussi à celle du 24 septembre 2010 ?

 24   R.  Oui. Il s'agit bien du document qui reprend les différentes

 25   modifications que j'ai souhaité apporter.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, si des questions vous étaient posées à propos des

 27   sujets contenus dans les déclarations signées le 24 mars et le 24

 28   septembre, est-ce que les réponses que vous fourniriez à ces nouvelles


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  1   questions correspondraient à ce qu'on voit ici dans ce document qui a été

  2   modifié par vos soins ?

  3   R.  Oui.

  4   M. MENON : [interprétation] Je demande le versement du document de la liste

  5   65 ter 03043, à savoir la déclaration préalable du témoin en date du 24

  6   septembre 2010. Puis, le versement du 03058 de la liste 65 ter, là il

  7   s'agit de la déclaration préalable du témoin fournie le 24 mars 2006. Ainsi

  8   que le document 03090, à savoir la liste des corrections apportées par le

  9   témoin.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ces documents sont versés au dossier.

 11   Veillez à accorder à chacun de ces trois documents une cote, Madame la

 12   Greffière.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 03043 deviendra la pièce

 14   P297. Le document 03058 deviendra la pièce P298. Alors que le document de

 15   la liste 65 ter 03090 deviendra la pièce P299.

 16   M. MENON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'y autorisez,

 17   je voudrais donner lecture du résumé en vertu de l'article 92 ter

 18   concernant ce témoin.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

 20   M. MENON : [interprétation] Le témoin est un ancien commandant de l'UCK du

 21   village d'Isniq, de la municipalité de Decan.

 22   Après l'affrontement armé survenu à la maison familiale des Haradinaj

 23   à Gllogjan en mars 1998, des mesures ont été prises pour organiser la

 24   défense militaire dans le village du témoin, à savoir Isniq. Le témoin a

 25   été désigné commandant de la défense du village. Ce faisant, en organisant

 26   la défense de son village, le témoin et ses co-villageois ont travaillé

 27   avec le QG de l'UCK à Gllogjan. Le témoin est allé au village de Gllogjan

 28   dans la deuxième moitié d'avril 1998, et c'est là qu'il a rencontré pour la


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  1   première fois Ramush Haradinaj.

  2   Le témoin, dans sa déposition, parle d'une réunion à laquelle il a

  3   assisté à Gllogjan le 23 mai 1998, et il parle de la structure militaire

  4   qui a été créée à l'occasion de cette réunion. Cette structure se composait

  5   de cinq sous-zones. Le témoin a été nommé commandant d'une des sous-zones.

  6   Dans sa déposition, le témoin décrit le rôle joué dans cette structure

  7   militaire par Ramush Haradinaj. Le village de Jabllanice ne faisait pas

  8   partie des cinq sous-zones créées le 23 mai 1998.

  9   Le témoin a rencontré Lahi et Nazmi Brahimaj la première fois à une réunion

 10   qui s'est déroulée au cours de la première quinzaine du mois de juin 1998.

 11   Le témoin avait demandé à Ramush Haradinaj d'organiser une réunion avec le

 12   QG de l'UCK de Jabllanice pour améliorer la coopération avec ce village. Le

 13   témoin a contacté Ramush Haradinaj parce qu'il avait de meilleurs contacts

 14   avec le QG de l'UCK de Jabllanice et qu'il connaissait mieux ceux qui

 15   étaient à Jabllanice. Le témoin confirme que Ramush Haradinaj est devenu

 16   officiellement le commandant général de la zone de Dukagjin, incluant

 17   Jabllanice, le 23 juin 1998. D'après le témoin, les opérations entre le QG

 18   de l'UCK de Gllogjan et celui Jabllanice étaient coordonnées de façon

 19   ponctuelle avant le 23 juin 1998.

 20   Le témoin parle aussi des rapports qu'avait Ramush Haradinaj avec Idriz

 21   Balaj et de l'autorité qu'il avait sur ce dernier.

 22   J'ai ainsi terminé la lecture très rapide du résumé de ce témoin. Et je

 23   demande l'autorisation de montrer au témoin le document 01264.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 25   M. MENON : [interprétation] Peut-on montrer la version en albanais au

 26   témoin et montrer les deux versions à toutes les personnes présentes dans

 27   le prétoire.

 28   Q.  Est-ce que vous voyez ce document que vous avez sous les yeux ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Qu'est-ce qu'il représente ?

  3   R.  C'est, disons, le procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue à

  4   Gllogjan au mois de juin.

  5   Q.  Et est-ce que vous vous souvenez des sujets abordés lors de cette

  6   réunion, sur quoi portait-elle ?

  7   R.  La lettre reprend les points qu'il était convenu d'aborder dans l'ordre

  8   du jour. D'abord, vous voyez, établissement de l'état-major opérationnel de

  9   Dukagjini et des devoirs incombant aux commandants des zones

 10   opérationnelles, donc ce qu'on devait faire pour ce qui est d'organisation

 11   et de la formation des états-majors au QG de la zone. Il y a aussi un autre

 12   élément dont on a discuté lors de cette réunion, c'est la question de la

 13   formation, de l'entraînement des unités, donc formation ou entraînement

 14   individuel et collectif, ainsi que l'engagement du commandement et sa

 15   participation à la planification au programme de formation et

 16   d'entraînement et aussi à la question de la coordination entre les unités

 17   censées opérer dans la zone opérationnelle de Dukagjini.

 18   Q.  Est-ce que vous voyez votre signature apposée à ce document ?

 19   R.  Elle ne se trouve pas à cette page-ci.

 20   Q.  Peut-on montrer la page suivante en albanais.

 21   Est-ce que votre signature apparaît ici ?

 22   R.  Oui. Oui, maintenant je la vois.

 23   C'est au point 6. Mais est-ce que vous pourriez répéter la question ?

 24   Parce que je ne vous ai pas entendu.

 25   Q.  Et votre signature se trouve au regard de quel chiffre ?

 26   R.  Au regard du numéro 6.

 27   Q.  On voit deux 6 sur cette page, alors est-ce la première référence ou la

 28   seconde qui vous concerne ?


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  1   R.  Je ne me souviens plus, mais je sais qu'on voit ma signature avec mon

  2   patronyme, mon prénom, mon poste. C'est de ma main, mais je ne sais pas si

  3   --

  4   Q.  Mais voyez, on voit deux fois mentionné le chiffre 6 sur ce document.

  5   Oui ?

  6   R.  C'est la deuxième référence.

  7   Q.  Merci.

  8   M. MENON : [interprétation] Je demande le versement de ce document au

  9   dossier, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il est versé au dossier. Une cote,

 11   Madame la Greffière.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P300.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 14   M. MENON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

 15   témoin.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Menon.

 17   Maître Emmerson, vous avez la parole.

 18   M. EMMERSON : [interprétation] Me donnez-vous un instant, le temps de

 19   m'installer.

 20   Contre-interrogatoire par M. Emmerson : 

 21   Q.  [interprétation] Monsieur Rexhahmetaj, je souhaite vous poser quelques

 22   questions d'ordre général. Elles concernent l'apparition de cette

 23   organisation et la formation et l'émergence de chaînes de commandement au

 24   sein de cette UCK qui commence à se développer, à partir du mois de mars --

 25   L'INTERPRÈTE : Apparemment, il n'y a pas d'interprétation en albanais.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Sait-on pourquoi ? Est-ce que c'est

 27   parce que les interprètes n'interprètent pas ou est-ce parce que la liaison

 28   ne passe pas ?


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  1   Monsieur l'Huissier, est-ce qu'il est sur le bon canal, le témoin ?

  2   Je m'adresse à la cabine albanaise. Est-ce qu'elle pourrait faire un essaie

  3   pour voir si le témoin reçoit bien la cabine albanaise ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bon. Maintenant, j'entends.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien.

  6   Excusez-nous, Maître Emmerson. Poursuivez.

  7   M. EMMERSON : [interprétation]

  8   Q.  Excusez-moi, Monsieur le Témoin. Je vais recommencer.

  9   Je disais que je souhaitais vous poser d'assez nombreuses questions.

 10   Ça va prendre une heure à peu près. Ces nombreuses questions porteront sur

 11   les structures qui, peu à peu, se sont établies au sein de cette

 12   organisation qui était en formation dans la zone de Dukagjin au cours de la

 13   période qui commence en mars 1998 et se termine au mois de septembre 1998.

 14   Ce qui m'intéresse aussi, ce sont les chaînes de commandement, les voies

 15   hiérarchiques. Donc je vous annonce déjà les sujets dont je souhaite

 16   discuter avec vous.

 17   Vous n'aurez pas toujours à nous donner moult détails. Il vous suffit

 18   d'écouter mes questions et d'y répondre de façon précise. Si j'ai besoin de

 19   vous demander des informations supplémentaires, eh bien, je vous poserai

 20   ces questions ou ce sont les Juges qui le feront pour obtenir des

 21   éclaircissements.

 22   Est-ce que vous me comprenez ?

 23   R.  Oui, j'ai compris.

 24   Q.  Revenons au tout début de cette période. Nous sommes au mois de mars

 25   1998. Est-ce qu'à l'époque, vous, vous habitiez à Isniq ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Peut-on partir de l'idée que vous étiez dans la zone de Dukagjin et que

 28   vous y avez toujours été à partir de mars jusqu'au mois de septembre 1998 ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Serait-il exact de dire que, s'agissant d'informations ou de

  3   renseignements que vous receviez de toute une série de sources, vous aviez

  4   une très bonne idée de ce qui se passait au niveau de l'organisation de la

  5   communauté albanaise de souche au Kosovo ?

  6   R.  Oui. J'étais informé de la situation qui prévalait.

  7   Q.  Et vous aviez une bonne compréhension, aussi, des structures qui

  8   émergeaient et qui commençaient à se manifester au sein de l'UCK dans cette

  9   zone.

 10   R.  Oui. Dès le mois d'avril, en fait, quand j'ai endossé ces

 11   responsabilités pour mon village, j'avais une bonne idée, une bonne

 12   compréhension du système.

 13   Q.  Eh bien, parlons des circonstances qui vous ont amené à endosser ces

 14   responsabilités de façon à ce que les Juges comprennent comment se sont

 15   passées les choses.

 16   D'où les questions précises que je vais maintenant poser.

 17   Pendant le mois de mars, est-il exact de dire qu'il y a eu trois

 18   attaques de forces serbes combinées sur les familles qui étaient associées

 19   avec l'UCK ? Il y a eu les Jashari à Prekash qui ont été attaqués; puis les

 20   Tahirsylaj, une famille qui était dans votre propre village, à Isniq; et

 21   une troisième attaque dirigée sur la famille Haradinaj à Gllogjan.

 22   R.  Oui. Vos informations sont exactes en ce qui concerne les événements.

 23   Mais je voudrais expliquer que pendant l'attaque de la famille

 24   Tahirsylaj, elle s'est produite fin janvier 1998.

 25   Puis, il y a l'attaque de la famille Jashari. Tout le monde sait ce

 26   qui s'est passé ces jours-là.

 27   Ensuite, vient l'attaque de la famille Haradinaj le 24 mars à

 28   Gllogjan.


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  1   Q.  Merci de cette précision pour ce qui est de la chronologie et des

  2   dates. C'est un bon exemple de détail supplémentaire qui est utile dans ce

  3   cas de figure.

  4   Je vais vous soumettre une série d'idées précises.

  5   A cette époque-là, serait-on en droit de dire que la famille Jashari

  6   et la famille Haradinaj étaient deux familles tout à fait indépendantes, de

  7   poches indépendantes de l'UCK ? Il n'y avait pas une situation de

  8   hiérarchique entre elles, il n'y a en avait pas une qui commandait l'autre

  9   ?

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On parle de quelle 

 11   période ? Vous parlez seulement du mois de mars uniquement ou de toute la

 12   période de mars à septembre ?

 13   M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. Non, je parlais seulement du

 14   mois de mars.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] D'un point de vue géographique, Drenice et

 16   Dukagjini sont loin l'une de l'autre. Et donc, ces familles étaient loin

 17   l'une de l'autre. Et d'un point de vue militaire, il n'y avait pas non plus

 18   de lien. Il s'agissait simplement d'attaques qui avaient été fomentées par

 19   les forces des occupants serbes contre des familles albanaises.

 20   M. EMMERSON : [interprétation]

 21   Q.  Je reviendrai à ces attaques et à ce qui s'en est suivi. Mais tout

 22   d'abord, j'aimerais que vous expliquiez aux Juges de la Chambre comment ces

 23   activités de l'UCK se concentraient dans différents endroits et quels

 24   étaient les liens entre ces différents centres d'activité.

 25   Donc, si je vous ai bien compris, il n'y avait pas de structure de

 26   commandement qui permettait aux Jashari de commander les Haradinaj, ou

 27   vice-versa ?

 28   R.  Non.


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  1   Q.  Et d'après d'autres éléments de preuve, nous savons que les Brahimaj

  2   disposaient d'une base de pouvoir de l'UCK à Jabllanice. Eux non plus ne

  3   commandaient pas la famille des Jashari, n'est-ce pas ?

  4   R.  A ma connaissance, non.

  5   Q.  Ils ne commandaient pas non plus la famille des Haradinaj, n'est-ce pas

  6   ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  De façon à ce que les Juges de la Chambre comprennent bien, vous aviez

  9   des poches ou des groupes de personnes qui étaient membres de l'UCK, mais

 10   qui fonctionnaient tous -- bien sûr, ils parlaient peut-être entre eux,

 11   mais ils fonctionnaient de manière isolée au sein de ces poches familiales.

 12   Et là, nous parlons de la période qui a précédé les attaques.

 13   R.  Vous parlez donc de la période qui a précédé ces attaques ? Durant ces

 14   mois-là ? Je ne dispose d'aucune information fiable sur l'organisation

 15   militaire parce qu'il n'y avait pas d'organisation militaire à proprement

 16   parler. Il s'agissait de groupes distincts. Je n'ai aucune information. Je

 17   n'ai aucune connaissance de lien quelconque. Et il était très difficile

 18   pour eux d'avoir quelque lien que ce soit à l'époque.

 19   Q.  Donc je sais que vous n'avez pas beaucoup d'information détaillée, mais

 20   vous venez de nous dire que l'organisation militaire n'existait pas, qu'il

 21   s'agissait de groupes distincts.

 22   Est-ce que vous pourriez développer en reformulant ceci avec vos

 23   propres mots.

 24   R.  Dans les périodes antérieures, je ne participais ni à des activités

 25   politiques, ni n'étais-je membre d'un groupe militaire. Ma participation à

 26   l'armée de l'UCK ou aux premiers groupes armés remonte au début du mois

 27   d'avril 1998. Par conséquent, je n'ai aucune information quant à ces

 28   groupes, leurs effectifs, la manière dont ils fonctionnaient. Je n'en


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  1   faisais pas partie. Mes activités militaires ont commencé au début du mois

  2   d'avril 1998. C'est à partir de ce moment-là que je peux vraiment vous

  3   expliquer quelle était la situation. Avant cela, je ne peux rien vous dire.

  4   Parce que je n'ai aucune information à ce sujet.

  5   Q.  Très bien. Je vais vous poser une dernière question.

  6   Lorsque vous avez dit qu'il s'agissait de groupes séparés et que

  7   l'organisation militaire n'existait pas, pour ainsi dire, au mois de mars,

  8   c'est-à-dire avant les attaques, pouvez-vous nous dire ce que vous

  9   entendiez par là ?

 10   R.  Après, j'ai compris qu'il y avait des petits groupes qui étaient déjà

 11   en activité en 1990. Mais en ce qui me concerne, je ne faisais partie

 12   d'aucun de ces groupes. Je ne sais pas comment ils fonctionnaient. Mais

 13   après, j'ai reçu des informations selon lesquelles il y avait des petits

 14   groupes dans les années 1990 qui étaient en activité.

 15   Q.  Merci. Dans votre village d'Isniq, l'attaque contre la famille

 16   Tahirsylaj est une attaque qui a eu des retombées importantes sur le

 17   village et sur ses environs, n'est-ce pas ?

 18   R.  C'est exact. C'était une attaque qui avait été organisée par des forces

 19   de police, appuyée par des blindés. Ils ont encerclé la propriété familiale

 20   des Tahirsylaj et, suite à cela, deux ou trois personnes ont été blessées.

 21   Q.  Blessées ou tuées ?

 22   R.  Après que la propriété familiale ait été encerclée, quelques heures

 23   plus tard, la police est entrée dans la maison et a arrêté deux personnes.

 24   C'est une attaque au moment où la répression serbe avait pris énormément

 25   d'ampleur, et à partir de ce moment-là, ils n'attaquaient plus que des

 26   jeunes ou des passants dans les rues, mais des familles. C'était une étape

 27   supplémentaire dans la répression serbe contre les Albanais du Kosovo.

 28   Q.  Et quelque temps après l'attaque, vous nous avez parlé de l'attaque


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  1   contre la famille des Jashari. Durant cette attaque, est-ce exact de dire

  2   qu'une famille avec beaucoup de ses membres a été complètement décimée, que

  3   ce soit des hommes, des adultes, jusqu'aux bébés; est-ce exact ?

  4   R.  Oui, c'est exact. Les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants,

  5   les nourrissons; personne n'a été épargné. Ç'a été un incident horrible,

  6   connu maintenant dans le monde entier, à savoir ce que les forces de

  7   Milosevic et la politique de Milosevic ont fait aux familles albanaises.

  8   Q.  Mais j'aimerais savoir quelles ont été les conséquences sur les

  9   communautés du Kosovo occidental. Mais tout d'abord -- attendez que je vous

 10   pose la question.

 11   Donc, tout d'abord, les gens ont considéré et ont décrit cet incident comme

 12   un massacre, n'est-ce pas ?

 13   R.  Les événements de Prekaz ont vraiment ébranlé l'opinion publique au

 14   Kosovo et dans toutes les démocraties occidentales. Et à partir de ce

 15   moment-là, la population au Kosovo ne s'est plus sentie en sécurité et

 16   était vraiment très préoccupée par son avenir.

 17   Q.  Mais de manière générale, est-ce que ceci a amené sur le terrain à

 18   penser qu'il fallait que les communautés s'arment et se défendent pour se

 19   protéger contre des attaques similaires ?

 20   R.  Effectivement, ces événements horribles que nous venons de mentionner

 21   ont été l'élément déclencheur au sein de la population albanophone. Ils ont

 22   essayé de trouver un moyen de se protéger contre ces attaques notoires qui

 23   émanaient des forces de police et de l'armée serbes.

 24   Donc les populations civiles n'avaient pas d'autres moyens de se

 25   protéger.

 26   Q.  J'aimerais que l'on revienne sur votre propre village d'Isniq et les

 27   villages environnants. Est-ce exact qu'après l'attaque contre la propriété

 28   familiale d'Haradinaj, c'est-à-dire l'attaque suivante qui a eu lieu le 24


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  1   mars, est-ce exact de dire qu'après cela, des jeunes hommes originaires de

  2   votre village sont partis et ont traversé les montagnes en direction de

  3   l'Albanie pour revenir avec des armes pour votre propre village ?

  4   R.  Après ces incidents, des petits groupes de jeunes d'Isniq ont pris

  5   l'initiative, et ils se sont dit qu'ils devraient certainement faire face à

  6   des événements similaires, parce qu'un événement de ce genre s'était déjà

  7   produit à Isniq. Et puis, il y a eu les événements de Gllogjan. Et cela

  8   signifie que tout un chacun savait que la situation ne ferait que devenir

  9   plus compliquée, et c'est la raison pour laquelle des petits groupes de

 10   jeunes, des hommes, se sont rendus en Albanie afin de se procurer des armes

 11   pour organiser leur propre défense.

 12   Q.  Au moment où ces groupes de jeunes hommes sont partis en direction de

 13   l'Albanie, est-ce exact de dire que dans votre village d'Isniq, il n'y

 14   avait pas de structure organisée de l'UCK à ce moment-là, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non. A l'époque, il n'en avait pas. Ces initiatives ont constitué les

 16   premières étapes. Il s'agissait de personnes qui pensaient qu'il fallait

 17   qu'elles organisent leur propre défense, et c'est la raison pour laquelle,

 18   de leur propre chef, ils sont partis pour aller se procurer des armes.

 19   Q.  Et peu de temps après l'attaque contre la propriété familiale des

 20   Haradinaj, est-ce qu'il y a eu des discussions dans le village pour savoir

 21   comment organiser la propre défense du village, et je ne parle pas

 22   uniquement de poches ou de petits groupes de personnes qui étaient armés,

 23   mais en fait, ils avaient donc essayé de s'organiser pour défendre le

 24   village d'Isniq, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, effectivement. Des initiatives telles que vous les avez décrites

 26   ont eu lieu.

 27   Q.  Et dans le cadre de cette tentative d'organiser la propre défense du

 28   village d'Isniq, est-ce exact de dire qu'au départ, ce n'était pas une


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  1   tentative de l'UCK d'organiser la défense du village d'Isniq ? C'était

  2   simplement le village lui-même qui essaie de s'organiser, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, c'est exact. C'est ainsi que les choses se sont déroulées. C'était

  4   la logique d'organiser sa propre défense, une légitime défense. Des

  5   initiatives ont vu le jour, des gens se sont exprimés pour essayer de voir

  6   comment faire face à des attaques ultérieures provenant des forces serbes.

  7   Comme je vous disais, tout un chacun se préoccupait de ce qui allait

  8   advenir. Et c'est la raison pour laquelle les jeunes ont pris cette

  9   initiative.

 10   Q.  Je voudrais m'arrêter là pour un instant. Je voudrais me concentrer sur

 11   les premières étapes visant à organiser la défense du village. Est-ce qu'il

 12   s'agit en fait des événements qui se sont produits au début du mois d'avril

 13   dont vous parlez ?

 14   R.  Oui, c'était au début du mois d'avril, effectivement.

 15   Au départ, un petit groupe a rapporté des armes. Et à la fin mars, si

 16   je ne m'abuse, je crois que c'était le 27 ou le 28 mars, quatre armes ont

 17   été rapportées à Isniq par un groupe de quatre personnes, mais à l'époque

 18   je ne savais pas qu'elles existaient. C'est le 2 ou le 3 avril que j'ai

 19   appris tout cela.

 20   Q.  Nous y reviendrons dans un instant.

 21   Mais avant de passer à la période suivante -- c'est-à-dire, nous en

 22   restons à cette période où les jeunes ont essayé de rapporter des armes

 23   pour essayer d'organiser la défense du village. Vous nous avez dit que les

 24   habitants du village avaient peur. Est-ce exact qu'Isniq avait vraiment été

 25   ébranlé par l'attaque contre Gllogjan, et les populations civiles de

 26   Gllogjan, pour la plupart, sont venues à Isniq le 24, après s'être enfuies

 27   suite à l'attaque serbe contre le village de Gllogjan, n'est-ce pas ?

 28   R.  Effectivement, l'attaque contre Gllogjan a fait très peur aux


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  1   habitants. Et tous les villageois ont commencé à vraiment réfléchir

  2   sérieusement à des moyens de se défendre, et ceci, suite à l'attaque contre

  3   la propriété familiale des Haradinaj à Gllogjan. Et à ce moment-là, comme

  4   vous l'avez dit, beaucoup de villageois de Gllogjan sont venus pour se

  5   réfugier dans notre village.

  6   Q.  Lorsque vous dites "à l'époque", vous voulez dire le 24 mars lorsque

  7   les Serbes ont attaqué Gllogjan, et de nombreux civils de Gllogjan se sont

  8   réfugiés à Isniq, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Donc vous avez dit que durant les premiers jours du mois d'avril, je

 11   crois que vous avez dit le 2 ou le 3 avril, c'est la première fois que vous

 12   avez appris qu'au sein de votre propre village, il y avait des jeunes qui

 13   étaient armés; est-ce exact ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Est-ce que vous avez appris cela parce que vous avez été

 16   personnellement contacté et on vous a demandé si vous seriez disposé à

 17   participer à l'organisation de la défense du village ?

 18   R.  C'est un de mes cousins qui m'a dit qu'il y avait un petit groupe de

 19   personnes qui s'était procuré des armes dans le village, et ils lui avaient

 20   demandé de me demander si j'étais disposé à les aider, à les soutenir pour

 21   organiser la défense du village.

 22   Q.  Ces personnes n'étaient pas en uniforme, n'est-ce pas ?

 23   R.  Non. C'était des civils.

 24   Q.  Et ils ne déclaraient pas représenter ou être membres de quelque armée

 25   que ce soit à l'époque, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non. En fait, il s'agissait de personnes qui avaient à cœur la

 27   protection de leur village et des populations, et ils voulaient que

 28   quelqu'un les dirige dans leur tentative de protéger le village. Et ils


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  1   avaient décidé, entre eux, que je pourrais être cette personne.

  2   Q.  Et les raisons qu'on vous a données, est-ce que c'est parce que vous

  3   aviez bénéficié d'une formation militaire et que vous aviez brièvement

  4   officié au sein de la JNA ?

  5   R.  C'est exact. J'ai suivi une formation au sein de l'Académie militaire.

  6   Et j'avais une certaine expérience au sein de l'armée. Par conséquent, ils

  7   ont jugé que j'étais la personne idoine pour les soutenir dans la défense

  8   du village.

  9   Q.  Et vous avez donc accepté cette invitation et vous avez donc accepté de

 10   devenir le responsable des activités de défense du village, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'est exact. Dès que j'ai su qu'ils voulaient que je les dirige et

 12   dès que j'ai su par mon cousin qu'il avait trois kalachnikovs et un lance-

 13   roquettes, donc quatre armes au total, j'ai accepté leur proposition d'être

 14   leur chef, et, en même temps, je leur ai conseillé que, comme ils avaient

 15   décidé de défendre le village, il fallait qu'ils se procurent plus d'armes,

 16   et ceci, dans un laps de temps aussi court que possible.

 17   Q.  Est-ce que vous avez essayé de déterminer s'il fallait que tout ceci

 18   reste secret ?

 19   R.  Bien sûr. J'ai recommandé que tout cela reste secret, et j'ai dit à la

 20   personne qui m'avait contacté qu'elle devait faire comme si elle n'avait

 21   jamais parlé de tout cela.

 22   Q.  Donc, même au sein du village, personne ne savait que vous-même et ces

 23   jeunes essayiez d'organiser la défense du village, n'est-ce pas ? C'était

 24   resté secret même au sein du village.

 25   R.  Oui, bien sûr. Vous savez, il était normal de garder tout ça secret.

 26   Q.  Je vais vous présenter les choses de cette manière : en fait, vous ne

 27   vouliez pas que les villageois sachent plus que ce qui était nécessaire de

 28   savoir et que c'était vraiment s'il était nécessaire de leur donner des


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  1   informations que vous allez les donner, n'est-ce pas ?

  2   R.  Au départ, oui.

  3   Q.  Est-ce que l'on peut vous comprendre, d'après ce que vous avez dit, que

  4   ces hommes du village vous ont écouté et sont partis pour aller se procurer

  5   des armes supplémentaires ?

  6   R.  Oui, vous avez raison. Dans les jours qui ont suivi, des petits groupes

  7   sont partis pour se procurer des armes supplémentaires.

  8   Q.  Je vais m'arrêter un instant et je ne vais plus parler des tentatives

  9   de se procurer des armes pour le village. J'aimerais savoir si à Isniq, à

 10   l'instar de tous les autres villages au Kosovo, j'aimerais savoir s'il y

 11   avait une structure au sein du village qui prenait des décisions ? Et je

 12   parle ici de responsables du village qui, en temps de paix comme en temps

 13   de guerre, auraient été l'instance décisionnelle ?

 14   R.  Oui, effectivement, il y avait une instance au sein du village. La vie

 15   s'était organisée dans le village, et vous aviez une instance dirigeante du

 16   village qui régissait ce qui se passait, surtout dans les moments

 17   difficiles.

 18   Q.  C'est bien de cette façon que la société était organisée au Kosovo et

 19   l'est encore à bien des égards, n'est-ce pas ? Il existait un groupe

 20   dirigeant choisi par la population.

 21   R.  Oui, c'est exact. Il est de notoriété publique que nous avions traversé

 22   des moments très difficiles, en conséquence de quoi les gens cherchaient à

 23   trouver des moyens pour organiser leur vie dans des conditions

 24   d'occupation.

 25   Q.  Et manifestement, ces structures dirigeantes des villages étaient tout

 26   à fait indépendantes de tout organisme d'Etat imposé au Kosovo à cette

 27   époque-là par la Serbie, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, bien sûr. Ces structures étaient très indépendantes par rapport au


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  1   gouvernement serbe. Mais il importe que j'ajoute en même temps que les

  2   membres de ces groupes dirigeants couraient un danger par rapport au

  3   gouvernement serbe, car ils ne respectaient pas les structures étatiques et

  4   s'efforçaient d'organiser la vie dans leur village, dans le but d'imposer

  5   une certaine normalité d'existence dans ces villages. Il existait des

  6   conseils qui avaient été créés dans chaque village, si je ne me trompe.

  7   Q.  Je vous remercie. En dehors de cela, est-il exact, n'est-ce pas, que

  8   les structures de commandement des villages - par ces mots, je veux parler

  9   des groupes dirigeants des villages - étaient indépendantes les unes des

 10   autres, de sorte que le dirigeant du village d'Isniq fonctionnait en toute

 11   indépendance, dirais-je, par rapport au groupe dirigeant du village de

 12   Prilep. Chaque village s'occupait de sa propre population, n'est-ce pas,

 13   ainsi peut-être que de celle des villages avoisinants ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Donc j'aimerais explorer avec vous le rapport existant entre la défense

 16   de ce petit village que vous étiez en train d'essayer de mettre en place et

 17   le groupe dirigeant du village. Est-ce que vous avez discuté avec les

 18   dirigeants civils d'Isniq au sujet de la défense du village ? Est-ce que

 19   vous leur avez parlé, aux membres de ce groupe dirigeant ? Est-ce que vous

 20   leur avez dit qu'il importait que tout reste secret ? Est-ce que vous avez

 21   parlé aux dirigeants du village au sujet de ce que vous entendiez faire à

 22   Isniq ?

 23   R.  Oui. Par la suite, j'ai eu des rencontres avec les membres de ce groupe

 24   dirigeant. Dès que j'ai appris qu'il existait des armes dans le village, et

 25   après que j'aie recommandé l'approvisionnement en armes supplémentaires,

 26   après aussi que le deuxième et le troisième groupes soient partis par

 27   l'Albanie afin de se procurer des armes et que les armes sont arrivées,

 28   j'ai été invité au village d'Oda, on m'a appelé à me présenter devant le


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  1   conseil du village, et nous avons discuté de toutes les questions plus en

  2   détail car, à cette époque-là, 28 armes étaient arrivées, donc nous étions

  3   en mesure d'armer un peloton.

  4   A ce moment-là, je dirais que nous avions de meilleures perspectives

  5   d'organisation, et j'ai estimé que les personnes les plus âgées du village

  6   ainsi que les dirigeants du village devaient être informés quant à la façon

  7   nous avions pensé organiser la défense du village. C'est la raison de la

  8   tenue de cette réunion.

  9   Q.  Donc cette réunion s'est tenue dans le but que vous les informiez. Est-

 10   ce que vous vouliez également leur demander leur approbation, leur

 11   consentement ?

 12   R.  Il n'y a pas d'interprétation.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous avons un problème ?

 14   M. EMMERSON : [interprétation] Apparemment, nous avons un problème

 15   technique.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous avons un problème

 17   technique ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, j'entends l'interprétation. Merci.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. EMMERSON : [interprétation]

 21   Q.  Ma question consistait à vous interroger sur le point suivant : est-ce

 22   que, lorsque vous vous êtes présenté devant eux, votre but était de les

 23   tenir informer, je parle de ces personnes les plus âgées du village ? Mais

 24   est-ce que vous vouliez également leur demander leur accord par rapport à

 25   ce que vous aviez l'intention de faire à Isniq ?

 26   R.  En fait, au moment de cette réunion, qui s'est tenue le 12 avril, si je

 27   ne me trompe, c'est-à-dire à un moment où les jeunes avaient rapporté un

 28   nombre assez important de nouvelles armes, j'ai recommandé que trois


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  1   membres du conseil du village soient présents de façon à ce que nous

  2   puissions nous asseoir autour d'une table pour discuter de ce que nous

  3   allions faire à l'avenir. En effet, c'était à une époque où la situation

  4   devenait plus grave et il nous fallait consulter les personnes les plus

  5   âgées du village pour aboutir à une décision conjointe et pour obtenir

  6   d'eux leur accord afin d'organiser la défense de toute la population du

  7   village.

  8   Q.  Donc, pour que tout soit absolument clair, il vous fallait consulter

  9   les personnes les plus âgées du village afin d'obtenir leur accord à Isniq,

 10   mais vous n'avez pas demandé l'accord des personnes les plus âgées de

 11   quelque autre ville ou village, n'est-ce pas ? L'accord dont vous aviez

 12   besoin était celui des personnes les plus âgées de votre village, n'est-ce

 13   pas ?

 14   R.  Je n'avais aucun besoin d'obtenir l'accord des personnes les plus âgées

 15   d'un autre village, car la façon dont notre village était organisé était

 16   indépendante des autres. Et nous en étions à une période précoce, donc les

 17   gens qui avaient été choisis pour être les responsables du village devaient

 18   être informés et consultés, et leur accord devait être obtenu pour nous

 19   permettre de décider quoi faire dans l'avenir.

 20   Q.  Je sais bien que certaines des questions que je pose peuvent sembler

 21   évidentes, en tout cas les réponses peuvent sembler évidentes, Monsieur

 22   Rexhahmetaj, pour tout habitant du Kosovo, ou en tout cas pour les gens qui

 23   avaient passé toute leur vie au Kosovo, mais elles ne sont pas

 24   nécessairement aussi évidentes pour des Juges d'un tribunal international

 25   et pour des juristes qui se penchent sur les structures du Kosovo. Je dis

 26   cela pour expliquer la raison pour laquelle je vous pose des questions pour

 27   lesquelles les réponses peuvent vous sembler évidentes.

 28   Alors, si tel est bien la situation, conviendriez-vous avec moi que


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  1   vous étiez en train de mettre en place la défense de votre village et que

  2   vous ne demandiez d'instructions à aucun habitant extérieur au village

  3   d'Isniq ?

  4   R.  Oui, c'est exact. Nous en étions à un stade très précoce de notre

  5   organisation car la population albanaise n'avait pas son propre

  6   gouvernement. Nous n'avions pas un Etat qui était à nous. Donc nous étions

  7   contraints dans cette situation où la répression s'intensifiait de nous

  8   organiser nous-mêmes, et je parle ici des premiers pas de cette

  9   organisation de notre part, organisation qui s'est faite indépendamment

 10   dans chaque village.

 11   M. EMMERSON : [interprétation] On m'indique qu'il y a une erreur au compte

 12   rendu en page 60, ligne 6, où nous lisons : "La façon dont la vie était

 13   organisée dans le village était dépendante…" Bien sûr, il convient de lire

 14   "indépendante".

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Sur ces mots, Maître Emmerson, je vous demande si le moment serait opportun

 17   pour une pause ?

 18   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eh bien, nous allons faire une pause

 20   et reprendrons nos débats à 17 heures 45.

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 15.

 22   [Le témoin quitte la barre]

 23   --- L'audience est reprise à 17 heures 46.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson.

 25   Ah, excusez-moi.

 26   Peut-on faire entrer le témoin.

 27   M. EMMERSON : [interprétation] Je ne peux pas interroger tout seul.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était une erreur de ma part,


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  1   excusez-moi.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

  6   Merci beaucoup, Monsieur Emmerson. C'est à vous.

  7   M. EMMERSON : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que vous entendez l'interprétation, Monsieur ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Alors, l'image que vous avez dépeinte à notre intention lorsque vous

 11   avez parlé d'Isniq et du début de tentative d'y organiser une défense, eh

 12   bien, j'aimerais que vous nous disiez, si vous le voulez bien, en vous

 13   fondant sur ce que vous savez, s'il est exact, n'est-ce pas, que le même

 14   genre de schéma s'est développé dans tous les villages de la région,

 15   s'agissant de créer une défense locale pour chacun de ces villages ?

 16   R.  Oui. Oui, c'est le même schéma qui a été mis en œuvre s'agissant de

 17   l'organisation dans tous ces villages, mais la forme de l'organisation dans

 18   chaque village était individuelle.

 19   Q.  Chaque village opérant indépendamment de l'autre en l'absence de tout

 20   commandement centralisé, n'est-ce pas ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Isniq a eu de la Chambre dans la mesure où ce village disposait d'un

 23   ancien officier de la JNA qui disposait dans le village, à savoir vous-

 24   même, et il y a eu d'autres villages qui avaient parmi leurs habitants des

 25   hommes expérimentés sur le plan militaire, comme par exemple Rrustem Tetaj,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, c'est exact. Rrustem Tetaj était également un ancien officier de

 28   la JNA.


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  1   Q.  Mais il y avait de très nombreux villages dans la région qui ne

  2   disposaient d'aucun homme ayant une quelconque expérience militaire parmi

  3   leurs habitants, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Et dans ces villages-là, c'était simplement un paysan ou un dirigeant

  6   local du village qui a été chargé de la défense militaire du village,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, c'est exact. Dans les villages où il n'y avait aucun habitant

  9   ayant une quelconque expérience militaire, aucun soldat, aucun officier,

 10   les habitants décidaient de leur propre chef d'élire tel ou tel dirigeant.

 11   Q.  J'aimerais que nous nous concentrions maintenant sur la période qui va

 12   de la mi-avril à la fin du mois de mai. C'est donc la période qui va faire

 13   l'objet des questions que je m'apprête à vous poser maintenant. De la mi-

 14   avril à la fin mai, d'accord ?

 15   R.  D'accord.

 16   Q.  Toutes les questions que je vais maintenant vous poser concernent cette

 17   période.

 18   D'abord, je vous demande s'il est exact, n'est-ce pas, qu'aux

 19   environs de la mi-avril, des armes ont commencé à arriver à une plus grande

 20   fréquence et en plus grand nombre que par le passé ?

 21   R.  C'est exact. C'est exact.

 22   Q.  Mais toujours en l'absence d'organisation centralisée de ces

 23   responsables villageois de la défense de leur village, chaque village

 24   s'organisant de façon indépendante, n'est-ce pas ?

 25   R.  J'aimerais, si vous voulez bien, que vous répétiez votre question, car

 26   je ne l'ai pas tout à fait bien comprise.

 27   Q.  Eh bien, je vais vous la poser en plusieurs étapes.

 28   D'abord, un incident s'est produit, n'est-ce pas, un événement bien


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  1   connu, et cela s'est passé au moment où 120 jeunes hommes ont traversé les

  2   montagnes et ramené un grand nombre d'armes dans les villages situés dans

  3   la région de Dukagjin, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact. Mais je ne parlerais pas de cet événement comme étant un

  5   incident. C'était une initiative destinée à rapporter des armes.

  6   Q.  Bon, c'est un problème linguistique simplement.

  7   Donc nous avons bien compris la situation, n'est-ce pas, à savoir que

  8   dans la deuxième quinzaine d'avril et au début du mois de mai, il y avait

  9   un grand nombre d'armes qui traversaient la frontière et étaient

 10   transportées jusqu'à un grand nombre de villages différents situés à des

 11   lieux différents dans la zone de Dukagjin dans le but d'organiser la

 12   défense, n'est-ce pas ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Et dans le même temps, est-il exact que les forces serbes présentes

 15   dans la région étaient en train de devenir de plus en plus nombreuses;

 16   c'est bien cela ?

 17   R.  C'est exact. Et si vous me le permettez, j'aimerais apporter une courte

 18   explication complémentaire.

 19   Au début, le régime serbe a décidé d'envoyer sur place des forces de

 20   police, mais ces forces de police étaient très bien équipées et pouvaient

 21   mener à bien y compris des opérations militaires. A cette époque-là, nous

 22   ne voyions pas arriver dans nos villages un si grand nombre de militaires,

 23   mais les militaires étaient prêts. Nous ne disposons pas d'information

 24   confirmée à ce sujet, mais nous savons qu'à ce moment-là il y avait aussi

 25   des officiers de l'armée qui arrivaient, portant un uniforme de policier,

 26   et qui, donc, venaient au sein des forces de police envoyées sur place.

 27   Q.  Je ne vais pas vous poser de nombreuses questions au sujet du

 28   déploiement des forces serbes parce que nous avons d'autres éléments de


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  1   preuve qui attestent de l'intensification de la présence des forces serbes

  2   dans l'ouest du Kosovo.

  3   M. EMMERSON : [interprétation] Et je ferais remarquer aux Juges de la

  4   Chambre en particulier la déposition du colonel Crosland à ce sujet,

  5   déposition qui a été versée au dossier sur la base d'un accord entre les

  6   parties.

  7   Q.  Est-il exact que les forces serbes présentes dans l'ouest du Kosovo

  8   avaient un pouvoir de feu dépassant de loin celui des forces qui

  9   s'occupaient de défendre les villages ?

 10   R.  Exact. C'était un pouvoir de feu beaucoup plus important chez eux.

 11   Q.  Est-il permis de dire que ce à quoi vous étiez confrontés à Isniq,

 12   comme l'étaient les autres dirigeants d'autres villages à ce moment-là,

 13   c'était un choix opposant d'une part le fait de répliquer par les armes

 14   dans l'espoir que vous maintiendriez les forces serbes hors de votre

 15   village, et, d'autre part, la possibilité simplement de les laisser

 16   s'infiltrer dans vos villages pour massacrer toute la population.

 17   C'est bien de cette façon que vous voyiez les choses à l'époque ?

 18   R.  Notre objectif consistait à faire tout ce que nous pouvions pour rendre

 19   impossible la pénétration de nos villages par les forces serbes, puisque

 20   celles-ci avaient pour objectif incontesté de massacrer et de mater la

 21   population civile. Donc, à cette époque-là, c'était notre principal

 22   objectif.

 23   Q.  Mais étant donné l'accumulation de forces serbes dans vos villages et

 24   le nombre de plus en plus important d'armes entre les mains des

 25   responsables de la défense des différents villages, est-ce qu'à votre avis,

 26   à cette époque-là, c'est-à-dire à la fin du mois d'avril, il était

 27   nécessaire d'organiser une espèce de coordination entre les différents

 28   groupes chargés de la défense des différents villages ?


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  1   R.  Oui. Selon la logique militaire, c'était le cas. Et c'est ce que nous

  2   avons fait.

  3   J'ajouterais que les responsables élus des villages présentaient un

  4   certain nombre de demandes qui m'étaient adressées à ce moment-là, demandes

  5   en vue d'obtenir de l'aide sur le plan de l'expérience en matière

  6   d'organisation, dans le but de créer des états-majors dans les différents

  7   villages.

  8   Q.  Donc, est-ce que c'est bien à la fin du mois d'avril que vous avez

  9   commencé à entrer en contact avec les commandants des défenses villageoises

 10   des autres villages, comme par exemple Rrustem Tetaj ?

 11   R.  Oui. Un certain nombre de représentants villageois étaient venus pour

 12   participer à des consultations entre nous. Comme je l'ai dit tout à

 13   l'heure, j'ai estimé qu'une fois que, le 15 avril, nous avions mis en place

 14   l'état-major d'Isniq, il devenait nécessaire d'examiner de quelle façon je

 15   pourrais entrer en contact avec les autres de façon à créer une meilleure

 16   coordination en cas d'attaque éventuelle. Ceci, en effet, nous aurait

 17   permis de nous entraider.

 18   Q.  Mais n'est-il pas juste de dire qu'à cette date-là, là nous sommes fin

 19   avril, vu ce qui s'était passé à Gllogjan le 24 mars, la famille Haradinaj

 20   semblait avoir une certaine réputation, une réputation spéciale parce

 21   qu'elle avait réussi à  repousser l'attaque des Serbes sur Gllogjan; elle

 22   les avait vaincus ?

 23   R.  C'est vrai que cette famille bénéficiait d'une certaine réputation,

 24   parce que c'était la première fois que nous voyions une famille qui

 25   réussissait à opposer une résistance aux forces serbes. C'est ainsi qu'elle

 26   a eu une bonne réputation qu'elle a gagnée dans toute la population. Et vu

 27   ce qui s'est passé à Gllogjan, vu nos organisations, notre effort pour nous

 28   défendre, c'est pour ça que j'ai pris l'initiative de contacter d'autres


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  1   personnes dans la région pour mieux coordonner le travail que nous faisons,

  2   parce que mon village et ma région n'en étaient qu'à une phase préparatoire

  3   et nous n'avions pas l'expérience voulue. Nous ne savions pas comment nous

  4   pourrions réagir face à d'éventuelles attaques.

  5   Q.  Dites oui ou non, est-il vrai que, vu le fait que la famille Haradinaj

  6   avait réussi à repousser cette attaque des Serbes sur le village, ceci a

  7   inspiré, n'est-ce pas, ou a servi d'exemple dans d'autres villages ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Et est-ce parce que vous aviez ceci à l'esprit que vous avez cherché à

 10   contacter Ramush Haradinaj pour la première fois fin avril ?

 11   R.  Oui. Ça a été la raison pour laquelle je l'ai fait.

 12   Je ne me souviens pas très bien, mais je pense que ça s'est passé au

 13   cours de la deuxième quinzaine du mois d'avril. Au début de cette deuxième

 14   quinzaine, j'ai insisté pour pouvoir le rencontrer et, avec d'autres

 15   membres de l'état-major, nous sommes allés rendre visite à Ramush Haradinaj

 16   à Gllogjan.

 17   Q.  Et vous êtes allé le voir parce que vous vous êtes dit que ce serait

 18   une bonne idée que ces différentes défenses villageoises coordonnent leur

 19   action, et vous vouliez discuter de cette coordination avec M. Haradinaj;

 20   est-ce exact ?

 21   R.  C'est exact. La coordination a été une des raisons, je vous l'ai déjà

 22   dit, nous n'étions qu'au début de notre organisation. Eux, ils avaient plus

 23   d'expérience que nous, et nous voulions être prêts à parer à toute

 24   éventualité s'il y avait une attaque serbe. Il était utile, à mon avis, et

 25   même nécessaire à l'époque, d'avoir une forme horizontale de coordination

 26   pour être sûr que nous n'allions pas rester isolés. Nous avions une

 27   organisation qui nous isolait jusqu'alors, et il fallait essayer de créer

 28   une situation où nous pouvions nous entraider.


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  1   Q.  N'est-il pas juste de dire que lorsque vous êtes allé voir M. Haradinaj

  2   et que vous lui avez fait ces premières propositions afin que s'établisse

  3   une coordination, n'a-t-il pas répondu qu'il était peut-être prématuré de

  4   le faire, car il estimait que certains des villages n'étaient eux-mêmes pas

  5   assez bien organisés pour déjà envisager une défense coordonnée à cette

  6   date-là ?

  7   R.  C'est exact. Lors de cette réunion que j'ai eue avec lui, il a dit que

  8   nous, en tant que village, mais c'était vrai pour d'autres villages de la

  9   région, nous devrions continuer de nous efforcer de nous organiser, mais

 10   que si maintenant on s'exposait déjà à cette forme de coordination, ça

 11   pourrait compromettre dès le départ notre capacité de résistance. Donc il

 12   n'était pas favorable à l'idée de rentre trop manifeste cette coordination.

 13   Il disait qu'il fallait agir progressivement, prévoir l'avenir de façon à

 14   vraiment trouver la meilleure forme d'organisation possible.

 15   Et je dois dire que, quelles que soient les circonstances, il a dit

 16   que si jamais un danger se présentait pour la population, il devrait

 17   trouver une façon de nous aider du mieux qu'il pouvait. Mais il disait

 18   qu'il fallait essayer d'éviter de s'exposer trop tôt pour ne pas attirer

 19   l'attention des forces serbes et pour qu'elles ne nous attaquent pas, parce

 20   qu'elles verraient que nous résistions.

 21   Q.  Mais essayons de concrétiser ceci. Nous parlons ici d'une discussion

 22   entre deux hommes, entre lui et vous ?

 23   Certes, il y avait d'autres personnes présentes, mais c'était un

 24   échange entre deux hommes qui essaient de trouver une façon de coopérer

 25   pour avancer; est-ce exact ?

 26   R.  C'est exact. J'étais le bienvenu, je l'ai déjà dit. J'y suis allé avec

 27   l'état-major. On était en tout une dizaine de personnes, et il nous a très

 28   bien accueillis. Nous avons eu des échanges sincères, francs, et nous


Page 1048

  1   sommes repartis heureux de l'issue de la réunion même si nous n'avions pas

  2   obtenu ce pourquoi nous étions allés à cette réunion.

  3   Mais nous sommes repartis dans notre village contents.

  4   Q.  Mais nous allons avancer davantage dans le temps. Quelques semaines

  5   plus tard, nous arrivons au 23 mai. Au cours des trois semaines qui

  6   s'écoulent entre la fin avril et le 23 mai, est-ce qu'on a continué de

  7   faire des efforts en vue d'une organisation ?

  8   R.  Oui, ces efforts se sont poursuivis.

  9   Q.  N'y avait-il pas eu un plus grand risque ou une plus grande menace que

 10   les Serbes attaquent; c'est bien cela, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et il y avait plus de villages dans la région qui avaient réussi à

 13   constituer des rudiments d'une défense villageoise ?

 14   R.  C'est exact.

 15   M. EMMERSON : [interprétation] Affichons la pièce P78. Et je vais vous

 16   demander d'agrandir la partie centrale de cette carte.

 17   Q.  Je vous donne un moment pour examiner cette carte, Monsieur le Témoin,

 18   ainsi que les annotations qui y figurent pour que vous retrouviez vos

 19   marques.

 20   Est-ce que vous voyez où se trouve Jabllanice ? N'écrivez rien sur

 21   l'écran parce que ça va y rester. Regardez, il y a un ovale en rouge autour

 22   du mont à Jabllanice.

 23   R.  Oui, j'ai trouvé.

 24   Q.  Et puis, vous voyez la route qui va de Decan à Gjakove, axe nord-sud

 25   sur la carte, côté gauche ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Montrez-nous où se trouve votre village, Isniq.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Voulez-vous l'aide de l'huissier ?


Page 1049

  1   M. EMMERSON : [interprétation]

  2   Q.  Vous pourriez tracer un cercle autour de votre village. Un instant.

  3   M. EMMERSON : [interprétation] Faisons marche arrière. 

  4   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demande un peu de patience. Voilà.

  5   Maintenant, je vous demande de tracer un cercle autour de votre

  6   village, le village d'Isniq.

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   M. EMMERSON : [interprétation] On parle quelquefois d'Irzniq, mais Irzniq,

  9   ce n'est pas le même lieu que celui qui s'appelle Isniq. C'est important de

 10   faire cette différence.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si c'est le cas, je vous précise qu'au

 12   compte rendu, on parle d'Isniq, I-s-n-i-k.

 13   M. EMMERSON : [interprétation] Ça, ce n'est pas grave parce que,

 14   manifestement, pour chaque lieu, c'est orthographié en serbe et puis en

 15   albanais. Mais Irzniq, ce n'est pas le village de Isniq ou Izniq.

 16   Q.  Arrêtons-nous un instant. N'y a-t-il pas eu une réunion le 23 mai à

 17   Gllogjan, et là, pour la première fois, les représentants de ces

 18   différentes défenses villageoises de l'ouest du Kosovo se sont réunis pour

 19   discuter de la question de savoir s'il était possible de s'organiser ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Et - comment dire ? - est-ce que pour vous l'organisation n'avait pas

 22   été une priorité ? Est-ce que pour vous c'était quelque chose d'absolument

 23   indispensable ?

 24   R.  Oui, c'était une priorité, comme une nécessité.

 25   Q.  Je vous poserais quelques questions à propos d'une période qui

 26   intervient plus tard. Mais n'est-il pas vrai de dire que pendant toute

 27   cette période, qui va de mars à septembre, vous, vous n'avez eu de cesse

 28   d'insister pour qu'il y ait plus d'organisation chaque fois que vous avez


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  1   pu le faire ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Mais ce n'était pas chose aisée, n'est-ce pas, que d'organiser tout

  4   cela ?

  5   R.  Non. C'était une problématique très complexe. C'était fort difficile

  6   d'organiser. Ça a pris du temps. Parce qu'il y avait l'organisation, mais

  7   en plus, il fallait faire face à la guerre. C'était un fardeau pour nous,

  8   mais au fil du temps, pas à pas, petit à petit, nous avons réussi à mettre

  9   sur pied cette structure pour avoir une meilleure défense. Et c'était aussi

 10   dicté par les possibilités objectives que nous avions.

 11   Q.  Et c'était aussi limité par la réalité du terrain, n'est-ce pas ?

 12   R.  Exact.

 13   Q.  Nous allons revenir à cette réalité et à ces différentes facettes dans

 14   un instant pour voir dans quelle mesure celles-ci ont restreint vos

 15   capacités d'organisation au niveau de la structure de commandement.

 16   Mais je m'intéresse pour le moment à cette toute première réunion à

 17   laquelle assistent pour la première fois tous ces représentants pour

 18   essayer de trouver une structure, une organisation.

 19   Regardez la carte. Est-ce que vous voyez les numéros, les chiffres 1, 2, 3,

 20   4 ? N'écrivez rien. Est-ce que vous les voyez déjà écrits sur cette carte ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et vous voyez les zones auxquelles correspondent ces chiffres ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Je vous précise que cette carte -- ou ces annotations ont été apportées

 25   par Rrustem Tetaj au moment où il essayait de montrer les délimitations des

 26   sous-zones qu'il a été convenu d'établir lors de cette réunion qui a eu

 27   lieu le 23 mai.

 28   R.  Oui, oui.


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  1   Q.  Je ne vous demande pas de modifier ces délimitations ou de nous dire si

  2   elles sont tout à fait correctes ou pas. Mais est-ce que, de façon

  3   générale, lors de cette réunion, il a été convenu d'organiser les villages

  4   pour les diviser en cinq sous-zones ?

  5   R.  C'est exact. C'est ce qui a été convenu.

  6   Q.  Nous allons regarder la cinquième sous-zone dans un instant, mais

  7   intéressons-nous pour le moment aux sous-zones 1, 2, 3 et 4. La première,

  8   c'est la zone dans laquelle se trouve Gllogjan, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Est-ce qu'il a été convenu lors de cette réunion que ce serait

 11   considéré comme étant une sous-zone dont le chef serait Ramush Haradinaj ?

 12   R.  Exact, c'est ce qui a été convenu.

 13   Q.  La sous-zone 2, c'est la zone où se trouvait le volontaire d'Irzniq ?

 14   R.  Oui, Irzniq.

 15   Q.  Est-ce qu'il a été convenu ce jour-là que cette sous-zone serait

 16   commandée par Shemsedin Qeku ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  S'agissant de la sous-zone 3, elle incluait Gornja Luka et Donja Luka ?

 19   M. EMMERSON : [interprétation] Vous voyez sur la carte, Messieurs les

 20   Juges, "D. Luka" et "G. Luka" dans le coin supérieur gauche de cette zone.

 21   Q.  Cette sous-zone 3, elle était commandée par Rrustem Tetaj, n'est-ce pas

 22   ?

 23   R.  Exact.

 24   Q.  Et, bien entendu, la sous-zone 4, c'est vous qui -- en tant que

 25   commandant du village, bon. Mais qui a décidé que vous alliez devenir le

 26   commandant de toute cette sous-zone 4 ?

 27   Q.  Si vous me le permettez, j'aimerais vous fournir une explication plus

 28   longue pour vous expliquer comment s'est faite la procédure de sélection.


Page 1052

  1   Deux représentants de chaque état-major villageois ont été invités à

  2   assister à cette réunion de Gllogjan à l'époque. Il y avait Isniq, et tous

  3   les villages qui étaient concernés par la guerre ou qui risquaient d'être

  4   impliqués dans cette guerre, eh bien, ils ont été invités aussi. Je ne sais

  5   plus combien exactement il y avait de représentants villageois. Peut-être y

  6   en avait-il 20 ou 30. Nous nous sommes retrouvés dans cette pièce qu'on

  7   appelle Oda, et il y a eu en fait deux, si pas trois, phases de sélection

  8   de façon à faire s'émerger une structure au niveau horizontal. C'est comme

  9   ça que je l'ai décrit alors et que je le décris aujourd'hui, je parle d'un

 10   commandement horizontal --

 11   Q.  Et qu'est-ce que vous voulez dire par "commandement horizontal" ?

 12   R.  Quand je dis commandement horizontal, je dis qu'il n'y a pas de chaîne

 13   de commandement verticale. Il n'y a pas de voie hiérarchique verticale.

 14   Pour moi, c'était une répartition horizontale du commandement. Nous avions

 15   cinq commandants, chacun désigné à commander une sous-zone, et nous avons

 16   été élus à l'unanimité par les représentants des états-majors locaux de

 17   tous les villages qui étaient représentés à cette réunion.

 18   Lors de la première phase de sélection, au premier tour, si j'ose

 19   dire, les représentants des villages ont pu discuter entre eux, puisqu'il y

 20   en avait deux par village, et ils se sont mis d'accord pour désigner ceux

 21   qui allaient assister à la réunion, y participer.

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   R.  Ça, c'est la procédure qui s'est effectivement passée.

 24   Q.  Un instant, s'il vous plaît, parce qu'on pourrait évoquer de multiples

 25   détails. Mais essayons de le faire de façon brève.

 26   Cette réunion, elle a duré combien de temps du début à la fin ?

 27   R.  Je ne suis pas sûr de la durée exacte. Mais plus de deux heures, je

 28   crois. Parce que cette procédure de sélection à proprement parler, c'est-à-


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  1   dire la sélection des personnes qui allaient nous diriger, a pris

  2   longtemps. Je ne peux pas être vraiment précis.

  3   Q.  Mais à terme, cela va être important.

  4   Donc j'aimerais savoir si des décisions ont été prises une fois que

  5   tout le monde avait fait part de son opinion, et tout le monde était assis

  6   en cercle dans une pièce assez importante et où il n'y avait que des hommes

  7   ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et tout le monde faisait part de son opinion les uns après les autres ?

 10   R.  Oui, tout à fait.

 11   Q.  Et les décisions étaient prises par consensus et par accord, n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et personne ne disait à qui que ce soit comment s'organiser, n'est-ce

 15   pas ?

 16   R.  Non, rien n'était imposé. La volonté de chacun des villages était prise

 17   en compte durant le processus de sélection afin de nommer les personnes qui

 18   assureraient le commandement. Ça, c'est pour être bref.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   R.  La volonté des représentants des différents villages était prise en

 21   compte de façon à élire les personnes qui seraient les chefs.

 22   Q.  Et pour que les Juges de la Chambre comprennent bien, est-ce que c'est

 23   ainsi que les décisions se prenaient de manière générale au sein de l'UCK

 24   durant la période allant de mars à septembre, c'est-à-dire que des

 25   décisions commençaient d'abord par un tour de table où chacun pouvait

 26   s'exprimer, et ensuite on arrivait à un accord ?

 27   R.  Oui. Les décisions se prenaient comme cela. En général, toute décision

 28   ou toute sélection d'une formule plutôt que d'une autre au sein de l'UCK et


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  1   au sein de la zone opérationnelle de Dukagjin, toutes ces décisions se

  2   prenaient une fois que tout le monde avait fait part de son opinion, et on

  3   respectait la volonté et les souhaits de chacun. Rien n'était imposé à qui

  4   que ce soit. Si, par exemple, moi je ne voulais pas prendre telle ou telle

  5   responsabilité, je pouvais refuser, et quelqu'un d'autre était nommé à ma

  6   place. Mais de manière collective, nous voulions faire tout ce que l'on

  7   pouvait pour que nous ayons une structure qui permette d'avoir la

  8   possibilité de résister contre les Serbes.

  9   Q.  Merci. C'est très utile. Mais je voudrais que l'on avance un petit peu.

 10   Afin que les Juges comprennent bien quelle était la situation, est-ce qu'on

 11   peut dire qu'il n'y avait aucune autorité étatique ni juridique qui vous

 12   chapeautait ?

 13   R.  Oui, c'est exact. Nous n'avions pas d'Etat, comme vous le savez tous,

 14   et on nous avait imposé, compte tenu de la situation, de prendre part à

 15   cette guerre, et les gens s'organisaient ainsi parce qu'ils voulaient se

 16   défendre et le peuple du Kosovo était menacé. Ils ne savaient pas s'ils

 17   allaient pouvoir continuer à exister ou pas.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, je voudrais faire un commentaire d'ordre général.

 19   Ce n'est pas une critique, parce que votre déposition est extrêmement

 20   importante. Mais vos réponses sont de plus en plus longues.

 21   Je vous demande d'être aussi bref que possible, et si j'ai besoin de

 22   précision, je vous poserai une deuxième question. Parce que sinon ça va

 23   nous prendre énormément de temps pour passer en revue toutes les questions

 24   que je voulais poser.

 25   R.  Oui, je vous ai bien compris.

 26   Q.  Etant donné qu'il n'y avait aucune instance juridique qui vous donnait

 27   une certaine autorité, pourrait-on dire que durant toute cette période,

 28   c'est-à-dire du mois de mars jusqu'au mois de septembre, il fallait obtenir


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  1   le consentement des personnes impliquées et les persuader de participer,

  2   plutôt que de donner des ordres qui ne pouvaient pas être appliqués en

  3   pratique ?

  4   R.  Le seul mode décisionnel que l'on utilisait, c'était par consentement,

  5   parce que nous n'avions aucune légitimité juridique, nous n'avions aucune

  6   autorité ni pouvoir qui nous étaient conférés par un Etat quelconque. Mais

  7   en même temps, on voulait contribuer au bon fonctionnement de notre patrie,

  8   on voulait aider notre peuple, et on voulait que ces décisions soient

  9   prises par consensus, et non par l'imposition d'ordres quels qu'ils soient.

 10   Q.  Vous avez mentionné qu'il y avait une cinquième sous-zone qui ne figure

 11   pas sur cette carte. Est-ce qu'il s'agit de la sous-zone qui a été établie

 12   autour de Voksh et de Drenoc sous le commandement de Adem Ukehaxhaj ?

 13   R.  Oui, effectivement. Il s'agissait de la cinquième zone. Je vous prie de

 14   m'excuser, mais je ne sais pas exactement quels étaient les villages qui

 15   faisaient partie de cette cinquième zone. Je sais que Voksh en faisait

 16   partie, et le commandant de la zone était Adem Ukehaxhaj, qui était un

 17   officier dans l'armée.

 18   Q.  Afin que les Juges comprennent bien, cette sous-zone se trouvait à

 19   l'ouest de l'axe principal Pec-Decan-Djakovica, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et nous avons entendu un autre témoin, M. Zyrapi, qui a dit que cette

 22   zone était tellement isolée par rapport aux sous-zones sur le côté est de

 23   l'axe dont je viens de parler qu'elle ne pouvait pas vraiment être

 24   incorporée.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Menon.

 26   M. MENON : [interprétation] Je crois que M. Zyrapi a dit qu'il s'était

 27   rendu dans le village de Voksh.

 28   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, M. Zyrapi a dit qu'il s'était rendu


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  1   dans cette sous-zone à l'ouest de cet axe. Il était impossible d'incorporer

  2   ceci en raison de la présence et des manœuvres militaires serbes à

  3   proximité de l'axe Pec-Decan-Djakovica.

  4   M. MENON : [interprétation] Peut-être que Me Emmerson pourrait nous donner

  5   une référence précise --

  6   M. EMMERSON : [interprétation] Je ne peux malheureusement pas le faire

  7   alors que je pose mes questions. Je vais poser des questions au témoin dans

  8   ce cas-là.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. EMMERSON : [interprétation]

 11   Q.  Compte tenu de votre connaissance de la situation, Monsieur le Témoin,

 12   la sous-zone qui était à l'ouest de l'axe principal, est-il exact que cette

 13   sous-zone, d'un point de vue physique et d'un point de vue militaire, est-

 14   il exact, donc, que cette zone était séparée des autres sous-zones ? Et

 15   vous pouvez pour l'instant répondre simplement par oui ou par non.

 16   R.  Oui, on pourrait dire qu'elle était coupée des autres zones. Ou isolée.

 17   Q.  Après la réunion du 23 mai, je voudrais me concentrer donc sur la

 18   période entre cette réunion du 23 mai où ces sous-zones ont été constituées

 19   et une autre réunion qui a eu lieu le 23 juin à Jabllanice. Donc c'est sur

 20   cette période que j'aimerais me concentrer. Vous vous souviendrez que M.

 21   Menon vous a présenté un document qui portait la date du 24 juin lorsqu'il

 22   vous a posé des questions dans le cadre de votre interrogatoire principal,

 23   et ce document portait sur la nomination de différents commandants.

 24   Est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu ce document ?

 25   R.  Le document qu'on m'a présenté au début de ma déposition est un

 26   document très simple. Je me souviens qu'à l'époque, quand nous l'avons

 27   signé, l'objectif était de confirmer que nous avions participé à cette

 28   réunion.


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  1   Q.  Mais je ne vous pose pas de questions concernant le document. Je vous

  2   pose des questions concernant la période d'environ un mois, à compter de la

  3   constitution de ces quatre sous-zones le 23 mai et jusqu'à la réunion qui a

  4   eu lieu à Jabllanice le 23 juin, et M. Menon vous a déjà posé des questions

  5   à ce sujet. Donc c'est sur cette période que je souhaiterais me concentrer.

  6   N'est-ce pas ?

  7   R.  O.K

  8   Q.  Alors --

  9   R.  Le document -- est-ce que vous pourriez reposer la question.

 10   Q.  Non, mais je n'ai pas posé de question. Je disais simplement que les

 11   questions que je vais vous poser portent sur cette période qui commence par

 12   une réunion qui a permis de constituer les sous-zones le 23 mai et qui va

 13   jusqu'à la réunion un mois plus tard à Jabllanice. C'est sur ce mois-ci que

 14   je me concentre.

 15   Donc, tout d'abord, on peut voir que Jabllanice ne faisait pas partie de

 16   ces sous-zones qui avaient été constituées le 23 mai; est-ce exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Donc Jabllanice fonctionnait de manière indépendante des initiatives de

 19   coordination qui avaient fait l'objet d'un accord à l'époque, n'est-ce pas

 20   ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Tout d'abord, est-ce qu'il était facile de communiquer, et je parle,

 23   par exemple, de communication entre les commandants des sous-zones ?

 24   Comment fonctionnaient les communications à l'époque ?

 25   R.  On avait du mal à communiquer, parce que le réseau de communication et

 26   le matériel n'existaient, pour ainsi dire, ou si nous en avions, il était

 27   de très mauvaise qualité. Donc, si l'on voulait se contacter ou si l'on

 28   avait une question à poser, on envoyait quelqu'un, un messager, ou alors on


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  1   se rencontrait.

  2   Q.  Alors, le 29 mai - c'est-à-dire six jours après la constitution de ces

  3   sous-zones - est-ce qu'il n'y a pas eu une offensive serbe importante

  4   contre votre village ?

  5   R.  Si, c'est exact.

  6   Q.  Est-ce qu'il y a également eu une offensive contre 

  7   Strellc i Eperm, Boriq, Kryshec, c'est-à-dire les autres villages dans

  8   votre sous-zone ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Est-ce que vous êtes arrivé à contenir les forces serbes avec l'aide de

 11   combattants venant d'autres villages ?

 12   R.  Le 29 mai, il y a eu une offensive serbe de grande envergure. Il y

 13   avait eu des attaques dans la zone d'Isniq, mais également dans d'autres

 14   directions, c'est-à-dire en direction de Strellc i Eperm, et les forces ont

 15   essayé également de pénétrer à Rashiq, à Perroi i Gervalles, et la même

 16   journée il y a eu d'autres attaques à Kotra e Vranocit, c'est-à-dire hors

 17   de la sous-zone. Là, je parle d'une attaque de grande envergure, et tous

 18   les villages ont contribué au mouvement de résistance. Et d'ailleurs, on a

 19   pu contenir ces attaques.

 20   Je voulais simplement rajouter que les villages se sont aidés les uns

 21   les autres et nous avons reçu de l'aide. Par exemple, Shemsedin Qeku est

 22   venu d'Isniq avec 30 hommes. Mais étant donné que nous avions également pas

 23   mal de monde, nous n'avons pas besoin d'utiliser cette formation dans nos

 24   tentatives de défense.

 25   Q.  Merci beaucoup. De manière générale, je dirais que vous avez donc parlé

 26   des problèmes que vous rencontriez pour vous organiser d'un point de vue

 27   militaire, parce qu'en même temps, vous deviez repousser les offensives des

 28   Serbes. Durant cette période allant de mai à juin, où se trouvait Ramush


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  1   Haradinaj le plus 

  2   souvent ?

  3   R.  Ramush Haradinaj participait à la défense de sa propre zone dans la

  4   plupart des cas. Nous avions des contacts - je crois que c'était des

  5   contacts hebdomadaires - afin d'analyser la situation dans chacune des

  6   zones. Nous pensions que ceci était nécessaire parce que ceci permettait

  7   d'avoir une coordination et, en même temps, ceci nous permettait de savoir

  8   quelle était la situation au niveau des combats dans les différentes zones.

  9   Q.  Je voudrais m'arrêter un instant. Durant cette période, du 23 mai au 23

 10   juin, j'aimerais savoir si les commandants des cinq sous-zones étaient sur

 11   un pied d'égalité ?

 12   R.  Oui. Ils étaient au même niveau.

 13   Q.  Donc M. Haradinaj ou la famille de Haradinaj a pu jouir de cette

 14   réputation d'avoir mené à bien leur défense le 24 mars, mais ils ne vous

 15   commandaient en aucune manière, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non, c'est exact. Mais en même temps, nous respections énormément la

 17   famille Haradinaj et Ramush Haradinaj, et nous avons suggéré qu'une

 18   personne devait assurer la coordination de nos activités, et nous avons

 19   proposé que Ramush assure cette coordination. Et, bien sûr, Ramush a

 20   accepté, comme il a accepté également d'autres missions, et ceci montre

 21   comment notre organisation s'est améliorée.

 22   Q.  Et vous parlez ici de la réunion du 23 juin, n'est-ce pas ?

 23   R.  Non. Je parle du 23 mai.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   R.  Nous avons été nommés les représentants ou les responsables de ces cinq

 26   sous-zones, et c'est à ce moment-là que nous avons essayé de voir comment

 27   on pourrait rester en contact à l'avenir. Et étant donné que nous le

 28   respections, nous avons proposé que ce soit Ramush qui assure la


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  1   coordination, et c'est donc lui qui avait déjà combattu les Serbes, donc

  2   c'est lui qui assurait la coordination durant ces réunions régulières.

  3   Q.  Et durant le mois dont nous parlons, c'est-à-dire du 23 mai au 23 juin,

  4   même si vous aviez des contacts réguliers avec M. Haradinaj, est-ce qu'il

  5   est exact qu'il ne vous a jamais donné d'ordres ?

  6   R.  Oui. Nous avons discuté lors de réunions de la façon dont nous

  7   pourrions trouver une issue à un problème, et une décision a été prise

  8   conjointement. Ce qui veut dire qu'il n'y a jamais eu d'ordre au sens où

  9   quelqu'un donnerait des ordres dans une armée normale avancée. Cette notion

 10   d'ordre n'existait pas. Il y avait le consensus, oui, et un consentement,

 11   oui. Donc, quand on s'était mis d'accord sur quelque chose, eh bien, on

 12   prenait la décision d'exécuter ce qui avait été convenu.

 13   Q.  Est-il juste de dire que c'est vous qui avez eu l'idée d'accroître la

 14   coordination entre les sous-zones et la base de l'UCK, à Jabllanice ? Est-

 15   ce vous qui avez eu l'idée d'accroître cette communication et coordination,

 16   en partie parce que Jabllanice recrutait de jeunes hommes sans que vous

 17   sachiez nécessairement qui ces hommes étaient, d'où ils venaient ?

 18   R.  Après que nous ayons été nommés responsables des sous-zones, c'était

 19   logique et c'est logique sur le plan militaire. Quelqu'un qui a une

 20   responsabilité militaire, d'un point de vue du commandement que cette

 21   personne a, cette personne doit savoir ce qui se passe dans la zone, dans

 22   le secteur.

 23   Il ne s'agit pas ici d'obligation de compte rendu ou de

 24   responsabilité qu'on doit à quelqu'un. Mais il y a eu, par exemple, des

 25   demandes pour que des combattants d'une certaine zone aillent à Jabllanice.

 26   Et moi, ça ne m'a pas tellement inquiété, mais je me suis dit sur le plan

 27   professionnel qu'il était important de veiller à ce que chaque initiative,

 28   à ce que chaque demande, puisque moi j'étais responsable d'une zone donnée,


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  1   et bien que chaque requête était telle que la personne responsable de la

  2   zone soit contactée. Et c'était vrai pour tous les types de requêtes, pas

  3   celles simplement de puissance de feu d'appui. C'était vrai pour toutes les

  4   requêtes, parce que c'était à l'époque où on apprenait à d'autres comment

  5   communiquer au sein de ces structures militaires. J'ai discuté avec Ramush,

  6   j'ai insisté pour que soit établie une forme de communication permettant

  7   que des requêtes venant de Jabllanice ou d'ailleurs fassent l'objet d'une

  8   coordination et que nous, nous soyons au courant de l'existence de ces

  9   requêtes ou demandes, et que nous y réagissions du mieux que nous pouvions

 10   à l'époque.

 11   Q.  Je vous demanderais maintenant de bien vouloir répondre rapidement, par

 12   un oui ou par un non, si possible, en nous disant que c'est sur votre

 13   proposition, c'est bien cela, n'est-ce pas, qu'une réunion a été jugée

 14   nécessaire le 23 juin pour essayer de créer une meilleure coordination avec

 15   Jabllanice ?

 16   R.  Oui. Oui, cela s'est fait sur ma proposition s'agissant du mode

 17   d'organisation. J'ai jugé que c'était indispensable car, dans la période

 18   antérieure, le village de Jabllanice avait demandé que cela se fasse.

 19   Q.  Je vous prierais, si vous voulez bien, de raccourcir vos réponses. Bien

 20   entendu, je n'ai aucune intention de manquer de courtoisie, mais nous avons

 21   besoin d'aller vite car nous manquons de temps.

 22   M. EMMERSON : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche la pièce

 23   P191. Il s'agit du procès-verbal de cette réunion.

 24   Q.  M. Menon vous a présenté un document qui était ultérieur à la réunion,

 25   mais nous avons le procès-verbal de cette réunion.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de faire cela, Monsieur

 27   Emmerson, est-ce que vous souhaiteriez agir vis-à-vis de la carte qui a été

 28   annotée par le témoin ?


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  1   M. EMMERSON : [interprétation] Je suppose que j'aurais dû en demander

  2   l'enregistrement aux fins d'identification en tant que pièce à conviction.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au dossier. Je

  4   demanderais qu'un numéro de pièce lui soit attribué. C'était bien la pièce

  5   P78, n'est-ce pas ?

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Une carte enregistrée et qui constitue

  7   un segment de la pièce 78 va maintenant recevoir le numéro de pièce à

  8   conviction D145.

  9   M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Donc j'ai demandé l'affichage de la pièce P191

 11   Q.  Et en attendant l'apparition de ce document à l'écran, Monsieur

 12   Rexhahmetaj, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de la

 13   réunion dont nous venons de parler.

 14   D'abord, est-ce que c'était la première fois que vous vous trouviez à

 15   Jabllanice ?

 16   R.  Oui, c'était la première fois.

 17   Q.  En fait, est-ce que c'est la seule fois pendant l'année 1998 que vous

 18   vous êtes trouvé à Jabllanice ?

 19   R.  Si je me souviens bien, oui.

 20   #Je crois avoir accompagné un officier un jour --

 21   Q.  Nous n'avons pas besoin de tous les détails. Ce que j'essaie d'établir

 22   grâce à vous, c'est la chose suivante : il est exact, n'est-ce pas, que se

 23   rendre à Jabllanice a été dangereux et difficile ?

 24   R.  Oui. Oui, c'était le cas, en effet, car Jabllanice était éloignée et

 25   isolée.

 26   Q.  Et si vous aviez l'intention de vous rendre Jabllanice -- enfin, les

 27   gens qui le faisaient le faisaient en général de nuit, sans allumer les

 28   phares de leurs voitures, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Je ne sais pas ce que faisaient les autres voyageurs qui s'y rendaient,

  2   mais la nuit où nous y sommes allés, nous avons appliqué des mesures de

  3   sécurité supplémentaires.

  4   Q.  Est-ce que les phares de votre véhicule étaient allumés ou éteints ?

  5   R.  Dans certaines parties de la route, les phares étaient éteints. Mais je

  6   n'ai pas un souvenir tout à fait exact, car j'étais à bord de ce véhicule

  7   avec deux autres personnes. En tout cas, les phares étaient allumés de

  8   temps en temps et éteints de temps en temps. 

  9   Q.  Est-ce que ceci est dû au fait qu'il y avait des formations militaires

 10   serbes équipées d'artillerie à longue portée stationnées sur les hauteurs,

 11   les collines, les reliefs et que, par conséquent, vous deviez veiller à ne

 12   pas être pris pour cible par ces armes de longue portée ?

 13   R.  Exact. Parce que les phares de la voiture risquaient de nous exposer à

 14   leur vue, et c'est la raison pour laquelle nous les éteignions.

 15   Q.  Et est-il également permis de dire, de façon générale, que ceux d'entre

 16   vous qui se trouvaient à l'ouest de la zone donnant accès à la route

 17   principale ne faisaient le voyage vers Jabllanice que lorsque c'était

 18   strictement nécessaire ?

 19   R.  Pourriez-vous répéter votre question.

 20   Q.  Etant donné les difficultés que représentaient le fait de se rendre à

 21   Jabllanice, est-il exact de dire - et c'est ce que, pour ma part, je

 22   soutiens - que ceux d'entre vous qui étiez commandants des quatre zones, 1,

 23   2, 3 et 4, n'accomplissaient ce voyage qu'en cas de nécessité impérieuse ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Je vous remercie. Eh bien, voyez-vous, nous avons sous les yeux à

 26   l'écran devant nous le procès intégral de la réunion du 23 juin à

 27   Jabllanice. Et nous pouvons constater -- car je tiens à ce que tout soit

 28   tout à fait clair.


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  1   M. EMMERSON : [interprétation] Il me semble que le procès-verbal affiché à

  2   l'écran n'est pas le bon. Voyons peut-être la dernière page.

  3   [Le conseil de la Défense se concerte]

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais que l'on m'accorde une pause de dix

  5   minutes, si possible.

  6   M. EMMERSON : [interprétation] Nous étions sur le point de suspendre dans

  7   dix minutes, c'est inévitable.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais nous verrons quels sont les

  9   besoins du témoin. Il est possible que nous ayons à suspendre plus tôt.

 10   Mais voyons ce qu'il en est.

 11   M. EMMERSON : [interprétation] Donc, peut-être peut-on lui répondre

 12   favorablement à sa demande de suspension en suspendant tout de suite.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez suspendre

 14   immédiatement ou est-ce que vous pouvez continuer dix minutes ?

 15   M. EMMERSON : [interprétation] Il serait peut-être bon de suspendre pour la

 16   journée d'aujourd'hui. Je n'en ai plus pour longtemps avec ce témoin. Je

 17   pourrais en terminer en moins d'une demi-heure demain.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En réponse à votre demande, Monsieur

 19   Rexhahmetaj, nous allons suspendre maintenant. N'oubliez pas que vous êtes

 20   toujours tenu par votre déclaration solennelle. Vous n'êtes pas encore

 21   parvenu à la fin de votre déposition. Donc il vous faudra revenir demain

 22   pour la terminer. Et en raison de cela, il vous est interdit de discuter de

 23   votre déposition avec qui que ce soi, et en particulier avec quelque

 24   représentant du bureau du Procureur que ce soit.

 25   Vous pouvez maintenant vous retirer jusqu'à 14 heures 15 demain après-midi,

 26   dans cette même salle. Je vous souhaite un bon repos.

 27   [Le témoin quitte la barre]

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien, je pense que nous pouvons donc


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  1   interrompre notre audience d'aujourd'hui.

  2   M. EMMERSON : [interprétation] A moins que quelqu'un d'autre ait quelque

  3   chose à dire à la dernière minute.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Donc nous allons suspendre pour

  5   aujourd'hui. De retour dans la salle demain, à 14 heures 15.

  6   --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le vendredi 2

  7   septembre 2011, à 14 heures 15.

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