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1 Le lundi 31 octobre 2011
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Monsieur le Greffier d'audience, voulez-vous citer l'affaire, s'il vous
7 plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
9 les Juges.
10 Il s'agit de l'affaire IT-04-84bis-T, le Procureur contre Ramush
11 Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Pourrait-on savoir les
13 personnes qui représentent les parties.
14 M. ROGERS : [interprétation] Oui. Bonjour. Paul Rogers avec Daniela
15 Kravetz, Mme Gopalan, et notre commise à l'affaire est Mme Pederson.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Rogers.
17 Et pour la Défense de M. Haradinaj.
18 M. EMMERSON : [interprétation] Rodney Dixon, Ben Emmerson, Annie O'Reilly
19 et Dan Gadelrab.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Emmerson.
21 Et pour M. Balaj.
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour. Chad Mair, Gregor Guy-Smith, Holly
23 Buchanen. Mme Ziberi [comme interprété] n'est pas avec nous aujourd'hui.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.
25 Oui, pour M. Brahimaj.
26 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour. Je représente M. Brahimaj, en
27 compagnie de Paul Troop et Luke Boenisch --
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
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1 Monsieur Rogers, qu'en est-il ?
2 M. ROGERS : [interprétation] Merci. Je voudrais que l'on ait une décision
3 concernant le contre-interrogatoire du témoin. Compte tenu des chefs
4 d'accusation qui ont été retenus contre M. Brahimaj qui a été condamné pour
5 ceci, ce témoin était une victime liée à deux de ces chefs d'accusation
6 pour lesquels il a été condamné. Je ne pense pas que ce soit nécessaire
7 d'en parler immédiatement, mais je voulais simplement vous avertir de cela.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez le faire entrer
9 immédiatement ou est-ce que nous passons tout d'abord à huis clos ?
10 M. ROGERS : [interprétation] Non, tout d'abord, il faut passer à huis clos.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
12 Peut-on passer à huis clos, s'il vous plaît.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le
14 Président.
15 [Audience à huis clos]
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3 [Audience publique]
4 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier
6 d'audience.
7 Peut-on maintenant passer en audience à huis clos partiel.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel
9 maintenant.
10 [Audience à huis clos partiel]
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28 [Audience publique]
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
2 Allez-y, Monsieur Rogers.
3 M. ROGERS : [interprétation] Merci.
4 Q. Monsieur le Témoin, je vous rappelle que vous êtes maintenant en
5 audience publique. Cela signifie que l'on va entendre ce que vous dites
6 hors de ce prétoire. Donc, lorsque vous parlez de votre village, dites bien
7 "mon village", sans le préciser nommément.
8 Ma question est la suivante : en ce qui concerne votre village, est-ce que
9 vous pourriez nous dire, s'il vous plaît, si un parti politique précis
10 était plus particulièrement populaire dans votre village ?
11 R. Oui. Après la chute du communisme en ex-Yougoslavie, le LDK a pris pied
12 en tant que parti et a recueilli le soutien de la totalité de la
13 population.
14 Q. Vous parlez de la population. Vous parlez de la totalité du Kosovo ou
15 simplement de votre village ?
16 R. Je parle de mon village en particulier, mais également du Kosovo de
17 manière générale. Parce qu'il s'agissait du seul parti politique qui
18 existait.
19 Q. Qui était le dirigeant de ce parti à l'époque ?
20 R. Le Dr. Ibrahim Rugova, feu Ibrahim Rugova.
21 Q. Concernant ce parti politique, qu'en pensiez-vous ? Est-ce que c'était
22 un parti que vous souteniez ou pas ?
23 R. Oui, j'étais en faveur des politiques de ce parti politique, qui
24 allaient dans le sens d'une solution pacifique.
25 Q. Pourrais-je vous poser des questions concernant l'UCK, ou l'ALK ?
26 Quand avez-vous pour la première fois entendu parler d'une armée ou d'une
27 organisation qui s'appelait donc l'ALK, ou l'UCK ?
28 R. Durant l'année 1996, je crois.
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1 Q. Et vous avez eu vent de sa présence dans votre village quand pour la
2 première fois ?
3 R. En 1998.
4 Q. Pourriez-vous nous dire quand en 1998 ?
5 R. Durant le mois de mai, je crois.
6 Q. Avant cela, est-ce que vous aviez eu vent de ses activités dans votre
7 village ?
8 R. J'en avais entendu parler. Parce que je crois que c'était en 1997 qu'un
9 officier serbe avait été tué dans le village d'Irzniq. J'ai entendu parler
10 de cela à la télévision, et ce reportage disait que c'était l'UCK qui était
11 à l'origine de cette mort. Mais je ne les ai jamais vus personnellement en
12 uniforme. C'est la première fois que je --
13 Q. Quand avez-vous entendu parler pour la première fois de la présence de
14 l'UCK dans votre village ? Et pouvez-vous, s'il vous plaît, expliquer
15 quelles étaient les circonstances ?
16 R. Je dirais que c'était aux environs du mois de mai, mais je n'étais pas
17 là-bas. Il y a un groupe de l'UCK qui est arrivé dans mon village et ils
18 ont commencé à dire que si vous vouliez rejoindre les rangs de l'UCK, vous
19 pouviez le faire.
20 Q. Pourriez-vous, tout d'abord, nous dire comment vous avez su qu'il y
21 avait un groupe de l'UCK qui était arrivé dans votre
22 village ?
23 R. Après deux ou trois jours, un habitant de mon village est venu me voir
24 et m'a demandé de rejoindre les rangs de l'UCK, et il m'a expliqué que
25 l'UCK était présente dans le village.
26 Q. Sans passer à huis clos partiel, êtes-vous en mesure de donner le nom
27 de cet habitant du village, ou est-ce que vous préfèreriez passer à huis
28 clos partiel ?
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1 R. Il est préférable que nous passions à huis clos partiel.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que je vais devoir donner des noms.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
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3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
5 Poursuivez, Monsieur Rogers.
6 M. ROGERS : [interprétation]
7 Q. Je voudrais vous présenter une carte, Monsieur le Témoin, qui a la
8 référence 3076 et qui va s'afficher très bientôt sur vos écrans.
9 Est-ce que vous voyez cette carte sur l'écran ?
10 R. Oui, je vois une carte.
11 Q. Je crois savoir que les témoins ont quelquefois du mal à voir l'écran
12 d'où ils sont assis; est-ce que vous arrivez à voir la carte clairement ?
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait agrandir
14 la carte.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois bien la carte.
16 M. ROGERS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait agrandir simplement
17 la partie centrale de la carte, s'il vous plaît. Il y a la lettre O ou le
18 chiffre 0. Pourrait-on agrandir cette zone-là.
19 Q. Vous voyez donc la lettre O ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous voyez qu'il y a un village à côté ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce qu'il s'agit du village dont vous parlez ?
24 R. Oui.
25 Q. Merci. Monsieur le Témoin, pourriez-vous entourer à l'aide d'un
26 marqueur le nom du village que vous venez de mentionner comme étant
27 Jabllanice.
28 R. [Le témoin s'exécute]
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1 Q. Merci.
2 M. ROGERS : [interprétation] Pourrait-on verser cette carte au dossier.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte 65 ter 3076 recevra la cote
5 P406, qui représente la carte telle qu'annotée par le témoin. Merci.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
7 M. ROGERS : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Greffier, pouvez-vous
9 éteindre votre micro, s'il vous plaît.
10 M. ROGERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peut-on enlever
11 la carte de l'écran, s'il vous plaît.
12 Q. Vous parliez des personnes qui étaient issues de l'état-major de
13 Jabllanice. Est-ce que vous seriez en mesure de nous donner les noms des
14 personnes qui étaient issues de l'état-major, et comment vous saviez que
15 ces personnes venaient d'un tel endroit ?
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Harvey.
17 M. HARVEY : [interprétation] Je crois qu'en fait, mes préoccupations ont
18 été prises en compte par la deuxième partie de la question. Peut-être que
19 l'on pourrait demander au témoin comment il est au courant de l'origine et
20 de ce que faisaient ces différentes personnes.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Harvey.
22 M. ROGERS : [interprétation] Oui.
23 Q. Je voudrais savoir comment, Monsieur le Témoin, vous avez obtenu des
24 informations qui vous ont permis de savoir qui étaient les personnes qui
25 étaient arrivées dans votre village en provenance de Jabllanice ?
26 R. Ce sont les habitants de mon village qui m'ont demandé de rejoindre les
27 rangs de l'UCK qui m'ont dit qu'un groupe était arrivé de Jabllanice avec
28 Lahim [comme interprété], et ils ont dit qu'il s'agissait d'une armée.
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1 Q. Vous avez dit qu'un groupe était arrivé de Jabllanice avec -- je crois
2 que vous avez dit Lahi, et non "Lahim". Je crois que c'est de "Lahi" dont
3 vous parlez, L-a-h-i. Qui était ce Lahi ?
4 R. Lahi Brahimaj.
5 Q. Lahi Brahimaj. Et --
6 R. Brahimaj.
7 Q. Est-ce que c'est quelqu'un que vous connaissiez ?
8 R. Oui, oui, je le connais.
9 Q. En 1998, vous le connaissez déjà depuis combien de temps ?
10 R. Vous me demandez de parler de 1998 ou avant ?
11 Q. Oui, je vous demande : en 1998 - prenons 1998 comme date de départ -
12 depuis combien de temps connaissiez-vous M. Brahimaj ?
13 R. Je connaissais à l'époque Brahimaj depuis notre enfance. Nous étions
14 très jeunes. Je parle de Lahi Brahimaj.
15 Q. Et est-ce que sa famille a des liens quelconques avec votre village ?
16 Sans donner le nom de votre village. Est-ce que la famille de M. Brahimaj a
17 des liens avec votre village ?
18 R. Oui. Lahi est un neveu de quelqu'un qui habite dans notre village.
19 Q. Vous nous avez dit qu'un groupe de villageois ou d'habitants vous avait
20 expliqué pourquoi M. Brahimaj et le groupe étaient arrivés. Est-ce que vous
21 pourriez nous dire ce qu'ils souhaitaient ? Que souhaitait le groupe ?
22 R. Ils voulaient que nous rejoignions les rangs de l'UCK parce que la
23 situation était de plus en plus tendue entre les Albanais et les Serbes. Et
24 ils voulaient que nous défendions notre patrie et que nous protégions notre
25 territoire.
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4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
5 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
23 Poursuivez, Monsieur Rogers.
24 M. ROGERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. En mai 1999 -- ou plutôt, 1998, est-ce que votre village a fait l'objet
26 d'une attaque par des forces serbes ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de renseignements concernant
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1 les dates de cette attaque, s'il vous plaît.
2 R. Le 19 mai, les forces serbes ont bombardé notre village et ont commencé
3 à entrer dans le village.
4 Le 20 mai, les choses étaient plus calmes. Il y a eu moins de tirs.
5 Et puis, le 21 mai, il y a eu énormément de bombardements, et des
6 hélicoptères survolaient le village.
7 Q. S'agissant de l'arrivée de Lahi Brahimaj et des autres dans votre
8 village, est-ce que vous pourriez nous dire combien de temps s'est passé
9 entre leur arrivée et l'attaque ? Est-ce que vous pourriez nous donner les
10 dates, s'il vous plaît.
11 R. C'était très rapproché. Je dirais que trois ou quatre jours se sont
12 passés entre les deux.
13 Q. Sont-ils venus avant ou après l'attaque ?
14 R. Avant l'attaque.
15 Q. Et en résultat, est-ce que les gens se sont organisés pour faire partie
16 de l'UCK afin de défendre le village ? Est-ce qu'il y a eu une forme
17 quelconque d'organisation de ce type-là ?
18 R. Oui. On s'est organisé pour défendre le village, cependant nous
19 n'avions pas suffisamment d'armes. Pas d'équipement. Mais nous avons
20 commencé à nous organiser.
21 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire à peu près combien de personnes sont
22 rentrées dans les rangs de l'UCK suite à cette
23 visite ?
24 R. Suite à cette visite par l'UCK, trois ou quatre personnes, tout au plus
25 cinq, l'ont rejointe au tout début.
26 Q. Et les autres villageois - et là je parle avant tout des hommes -
27 qu'ont-ils fait ? Ils n'ont pas rejoint l'UCK, alors quel est le rôle
28 qu'ils ont joué, eux ?
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1 R. Ils ont rejoint la défense du village, avec les moyens qu'ils avaient à
2 leur disposition.
3 Q. Et qui a organisé la défense du village ?
4 R. L'homme qui était du village que j'ai mentionné précédemment, il a été
5 nommé comme une sorte de commandant du village. Ou, tout simplement, le
6 chef des villageois.
7 Q. Mais qui l'a nommé, lui ?
8 R. Comme je l'ai déjà dit, quand ce groupe de Jabllanice est venu, quand
9 ce rassemblement a eu lieu, je pense que c'est à ce moment-là qu'il a été
10 nommé commandant.
11 Q. En 1998, est-ce que vous-même vous aviez été entraîné au maniement des
12 armes ? Je devrais plutôt parler de mai 1998.
13 R. Non. Et il ne s'agit pas que de moi. Dans le village, les autres
14 n'étaient pas formés non plus à se servir d'une arme.
15 Q. Et est-ce que vous aviez été appelé à faire votre service militaire
16 dans les rangs de l'armée yougoslave avant 1998 ?
17 R. Oui, j'ai été appelé, mais j'ai refusé d'y aller.
18 Q. Donc, jusqu'à l'attaque lancée sur le village en 1998, vous n'aviez pas
19 été entraîné à vous servir des armes ?
20 R. Non. Je n'avais jamais utilisé une arme précédemment.
21 Q. Alors, pour ceux d'entre vous qui se sont organisés pour défendre le
22 village, j'aimerais savoir quelles sont les armes que vous aviez pour
23 défendre votre village ?
24 R. Nous avions quelques kalachnikovs et quelques armes toute simples.
25 Q. Et qu'entendez-vous par "armes toute simples" ?
26 R. Comme je l'ai déjà dit, des kalachnikovs et quelques fusils.
27 Q. Est-ce que vous aviez une arme par homme ou est-ce que vous deviez
28 partager une arme ? Combien de pièces d'armement aviez-vous ? Est-ce que
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1 vous pourriez nous en dire quelque chose ?
2 R. Il y avait à peu près 100 personnes qui avaient besoin d'armes, mais il
3 n'y avait que 10 ou 14 armes. Juste quelques pièces.
4 Q. Et avant l'attaque lancée par les forces serbes sur le village, est-ce
5 que les hommes et les femmes du village se sont organisés d'une certaine
6 façon pour se défendre contre les Serbes, pour défendre le village ?
7 R. Oui, oui.
8 Q. Et de quelle forme d'organisation s'agit-il ?
9 R. La police serbe de l'époque soumettait la population à de mauvais
10 traitements. Il y avait à peu près 100 familles albanaises à l'époque qui
11 faisaient l'objet de mauvais traitements. Et à chaque fois que cela se
12 produisait, nous essayions de fournir des médicaments ou tout ce que nous
13 pouvions.
14 Q. Est-ce que vous avez créé des gardes villageoises, des patrouilles
15 villageoises, une force de défense, dans votre village à l'époque ?
16 R. Non. Il y avait la garde du village, mais ils n'étaient pas armés. A ce
17 moment-là, nous n'avions que deux ou trois fusils de chasse.
18 Q. Et vous-même, est-ce que vous avez joué un rôle au sein de cette garde
19 villageoise ?
20 R. Oui, oui, j'ai eu un rôle à l'époque, parce qu'on montait la garde chez
21 moi, dans ma maison, qui se trouve à un poste stratégique au carrefour
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23 M. ROGERS : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Huis clos partiel.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
26 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. ROGERS : [interprétation]
11 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que seuls quelques individus ont
12 rejoint l'UCK. Vous avez dit : Tout au plus cinq personnes sur l'ensemble
13 des nombreuses familles qui vivaient au village. Alors, est-ce que vous
14 pouvez nous dire pourquoi il y a eu si peu de gens qui ont rejoint l'UCK
15 suite à la visite qui a été rendue au village par Lahi Brahimaj et ses
16 collègues ?
17 Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi il n'y a eu qu'une réponse
18 aussi faible ?
19 R. Peut-être parce que c'était un village mixte. Il y avait des Serbes
20 dans le village. Aussi, parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'armes. Je
21 pense que c'est la raison pour laquelle, au départ, il n'y a eu plus de
22 gens qui ont rejoint l'UCK.
23 Q. Vous nous avez dit qu'une attaque a été lancée sur le village et
24 qu'elle a commencé le 19 mai. Ne nous dites pas où se trouve le village
25 parce que cela risque de révéler de quel village il s'agit, mais est-ce que
26 vous pourriez, s'il vous plaît, nous dire quel a été le rôle que vous avez
27 joué dans la défense du village ?
28 R. J'ai eu le même rôle que tous les autres : il a fallu creuser des
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1 tranchées. Nous montions la garde. Je n'avais pas d'arme. Je prenais ma
2 voiture pour aller chercher des gens, pour aller chercher des armes parce
3 que nous n'en avions pas suffisamment.
4 Q. Mais comment vous employiez-vous à vous défendre contre le pilonnage
5 par les forces serbes ?
6 R. Nous étions dans les tranchées.
7 Q. Et vous aviez combien de positions de défense dans votre village ?
8 R. Trois. Trois sur la ligne de front, à l'entrée du village.
9 Q. Vous nous avez dit que l'attaque lancée sur le village a duré trois
10 jours. Pendant cette attaque, est-ce qu'il y a eu des membres de l'UCK qui
11 se trouvaient dans le village même ?
12 R. Oui, oui, il y en a eu. A partir du moment où les jeunes se sont
13 enrôlés et lorsque quelques villageois ont obtenu des uniformes de l'UCK,
14 il y a eu des gens de l'UCK qui sont venus dans notre village pour nous
15 entraîner un petit peu, pour nous dire comment nous organiser, comment nous
16 défendre.
17 Q. Et ces gens, est-ce qu'ils sont restés sur place pendant l'attaque
18 entre le 19 et le 21 ?
19 R. Oui. Ils étaient sur place jusqu'à ce qu'il y ait un soldat qui ait été
20 tué le 21 mai.
21 Le 21 mai, ils se sont retirés ensemble avec le soldat qui avait été
22 tué et ils ne sont plus revenus. Je pense que seul l'un d'entre eux est
23 revenu.
24 Q. Et est-ce que vous savez où ils se sont rendus ?
25 R. Ils ont dit qu'ils allaient se replier avec le corps de la victime, de
26 la personne tuée, parce qu'ils n'avaient pas suffisamment d'armes et de
27 munitions et qu'ils allaient revenir avec plus. Mais ils ne sont pas
28 revenus.
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1 Q. Mais est-ce que vous savez où ils se sont rendus quand ils sont partis
2 ?
3 R. Non, je ne sais pas.
4 Q. Est-ce que vous savez d'où ils étaient venus initialement, de quel
5 village, de quel endroit, afin de vous apporter leur soutien dans votre
6 village ?
7 R. Deux d'entre eux étaient du village de Rokovin [phon]. Il y en avait un
8 de Jabllanice. Et puis, il y avait deux ou trois, ou quatre même, d'entre
9 eux qui étaient des villageois de mon village.
10 Q. Pendant l'attaque, à partir du 19 mai 1998, est-ce que tous les
11 villageois sont restés dans le village ou est-ce qu'il y a eu des départs
12 pendant l'attaque ? Que s'est-il passé ?
13 R. Le 19 mai, des familles sont parties au début du bombardement. Des
14 jeunes, pour certains d'entre eux, sont restés; et les autres sont partis
15 avec leurs familles et ne sont pas revenus. Ceux qui sont restés, eh bien,
16 nous sommes restés jusqu'au 21 mai, et c'est à ce moment-là que
17 l'infanterie serbe a commencé à s'approcher.
18 Et comme je vous l'ai déjà dit, il y avait des survols d'hélicoptères
19 qui venaient en renfort à l'infanterie, et nous n'avions pas suffisamment
20 d'armes ni de munitions, et nous ne faisions pas le poids face à eux
21 d'aucune façon.
22 Q. Alors, qu'avez-vous fait lorsqu'il y a eu cette attaque plus nourrie ?
23 R. A ce moment-là, j'ai eu une kalachnikov. On me l'a donnée. Et je suis
24 resté jusqu'à ce que j'aie utilisé toutes mes munitions.
25 En ma présence, un soldat a été tué sur place, et il nous a fallu
26 nous replier vers 4 ou 5 heures de l'après-midi. Je ne sais pas exactement
27 à quelle heure.
28 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, vers où vous vous êtes repliés.
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1 R. De notre village, nous sommes partis vers un village qui se situait à
2 proximité du nôtre. Je ne souhaite pas donner le nom en audience publique.
3 Si vous voulez que je donne le nom, il faudrait que je le fasse à huis clos
4 partiel.
5 M. ROGERS : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
8 [Audience à huis clos partiel]
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
3 Monsieur Rogers.
4 M. ROGERS : [interprétation]
5 Q. Témoin, vous nous disiez que pendant que vous étiez en train de vous
6 replier de votre village, vous avez croisé M. Lahi Brahimaj sur la route et
7 qu'il vous a adressé la parole et à d'autres qui étaient présents là avec
8 vous. Et vous avez dit que : "Il a proféré des jurons."
9 Alors, est-ce que vous pourriez être plus précis et dire exactement
10 de mémoire ce qu'il vous a dit ?
11 R. Il a dit : Vous êtes des traîtres. Pourquoi avez-vous abandonné vos
12 positions ? Seuls les traîtres abandonnent leurs positions. Vous êtes des
13 traîtres de votre patrie.
14 Q. Nous avons l'habitude d'entendre des propos agressifs, Monsieur le
15 Témoin. Donc, est-ce que vous pouvez être tout à fait précis et nous
16 reproduire exactement les mots qui ont été prononcés par Lahi Brahimaj à ce
17 moment-là ?
18 R. Non, pas vraiment. Il n'a pas vraiment utilisé des termes très
19 péjoratifs. Il a simplement dit : Traîtres, pourquoi avez-vous fait cela ?
20 Il n'y avait pas de jurons mentionnant nos mères ou quoi que ce soit de ce
21 type-là.
22 L'un des membres de notre groupe a essayé de lui expliquer que nous
23 n'avions pas suffisamment d'armes pour continuer et qu'il n'y avait pas
24 moyen pour nous de nous défendre, pour défendre le village, faire face aux
25 forces serbes. Mais il ne voulait rien entendre, et puis il a continué vers
26 Boksiq.
27 M. ROGERS : [interprétation] Je vois l'heure. Est-ce qu'il est un peu tôt
28 pour faire la pause ?
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui --
2 M. ROGERS : [interprétation] Je pensais qu'on avait commencé à l'heure
3 pleine, mais en fait c'est au quart. Je vais essayer de trouver un moment
4 opportun pour faire une pause.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous en prie. A moins que vous
6 soyez fatigué.
7 M. ROGERS : [interprétation] Sans commentaire, Monsieur le Président.
8 Q. Alors, Monsieur le Témoin, vous avez croisé M. Brahimaj d'après ce que
9 vous nous dites. Alors, cette rencontre avec lui a duré combien de temps
10 sur la route ?
11 R. Lorsque l'incident s'est produit ?
12 Q. Oui. Pendant combien de temps est-ce que vous avez vu M. Brahimaj
13 pendant cette rencontre sur la route ?
14 R. Dix à 15 minutes à peu près. Je ne pense pas que ça ait duré plus
15 longtemps que cela.
16 Q. Et comment est-ce que cela s'est terminé ? Que s'est-il passé ?
17 Qu'avez-vous fait, qu'a-t-il fait ?
18 R. Je suis parti vers l'autre village. Je voulais aller à Jabllanice. A
19 l'évidence, nous étions très fatigués quand nous sommes arrivés à Gllogjan.
20 Et là-bas, on ne nous a pas accueillis correctement. Ils ne voulaient
21 pas nous aider, pour être bref.
22 Q. Mais pour quelle raison ne voulaient-ils pas vous aider ?
23 R. Soi-disant on aurait abandonné nos positions, nous étions des traîtres,
24 et peut-être que les hommes de l'entourage de Lahi leur avaient dit de ne
25 pas nous aider. Mais tout ça, ce n'est que des rumeurs. Parce que je ne les
26 ai pas entendus.
27 M. EMMERSON : [interprétation] J'hésite à intervenir. Mais pour la même
28 raison, je voudrais qu'il soit tout à fait clair de quel Gllogjan il
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1 s'agit.
2 M. ROGERS : [interprétation] Je pense que cela est clair.
3 Q. Peut-être que le témoin pourrait confirmer qu'il s'agit bien du village
4 catholique de Gllogjan près de Jabllanice ?
5 R. Oui, c'est exact. C'est Gllogjan catholique.
6 Q. Qu'est-ce que vous avez pu entendre de la bouche des villageois de
7 Gllogjan catholique, que disaient-ils ? Qu'est-ce qui vous a fait penser
8 qu'ils n'allaient pas vous aider, ou est-ce qu'ils ont fait quelque chose ?
9 R. Comme je l'ai déjà dit, nous étions fatigués. Parmi nous, il y en avait
10 qui étaient blessés, blessés aux jambes, et ils avaient besoin de se faire
11 transporter à Jabllanice. Mais ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas
12 nous aider pour les transporter.
13 Et c'est ce qui s'est passé une semaine plus tard lorsque je suis
14 allé dans mon village. J'ai trouvé là, sur place, des armes qui avaient été
15 laissées dans le village, un fusil automatique, un Zolja. Et j'ai demandé
16 que quelqu'un me prenne en voiture jusqu'à Jabllanice, et c'est la même
17 chose que l'on m'a répondue, qu'ils ne pouvaient pas nous aider. Qu'ils
18 n'allaient pas nous aider. Je parle là des gens de ce village.
19 Q. Vous avez quitté le Gllogjan catholique, et puis, est-ce que vous avez
20 fini par arriver à Jabllanice ?
21 R. Oui.
22 Q. Et vous êtes allé où, à quel endroit là-bas ?
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25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous savons que
26 cela se peut effectivement que vous connaissiez beaucoup de gens qui y
27 vivent, mais la question est de savoir à quel endroit vous vous êtes rendu.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux prononcer des noms ?
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous passerons à huis clos partiel si
2 vous souhaitez que nous le fassions. Ou encore, vous pouvez informer votre
3 conseil que vous ne souhaitez pas prononcer tel ou tel nom. La décision
4 vous appartient, et nous verrons ce qui s'ensuivra.
5 M. ROGERS : [interprétation]
6 Q. Est-ce que c'est un nom que vous étiez prêt à prononcer à huis clos
7 partiel ?
8 R. Oui.
9 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrions peut-
10 être passer à huis clos partiel.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je demande que la Chambre passe à huis
12 clos partiel.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel. Je vous
14 remercie, Monsieur le Président.
15 [Audience à huis clos partiel]
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4 [Audience publique]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
6 Monsieur Rogers.
7 M. ROGERS : [interprétation]
8 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que vous étiez rentrés dans
9 votre village quelques jours plus tard et vous avez déjà dit que vous y
10 avez pris quelques armes. Lorsque vous êtes rentrés à Jabllanice, qu'avez-
11 vous fait de ces armes ?
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le témoin nous a dit
13 qu'après avoir récupéré les armes, il est retourné à Jabllanice ?
14 M. ROGERS : [interprétation] Peut-être pas. Mais je ne pense pas que cela
15 puisse susciter une objection de la part de la partie adverse. Enfin, je
16 peux poser la question…
17 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes retournés à Jabllanice après
18 être allés dans votre village ?
19 R. Nous avons essayé de pénétrer dans le village, dans notre village, mais
20 à ce moment-là des Serbes se trouvaient là. Ils ont vu que nous nous
21 approchions du village et ils ont tiré sur nous. Et à ce moment-là, nous
22 avons battu en retraite. Ensuite, j'ai trouvé quelques armes, une
23 mitrailleuse, un lance-roquettes portable, un Zolja et une ou deux
24 kalachnikovs qui se sont ajoutés aux armes que j'avais sur moi.
25 Q. Qu'avez-vous fait de ces armes ? Où est-ce que vous les avez emportées
26 ?
27 R. Je suis retourné à Jabllanice et je me suis rendu dans la visite de
28 Lahi. (expurgé)
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3 (expurgé), je souhaitais le garder. Shaban m'a remercié, et c'est
4 tout.
5 Q. Lorsque vous dites "Lahi", pourriez-vous prononcer ses nom et prénom,
6 je vous prie.
7 R. Lahi Brahimaj. En albanais, cela ne fait pas de différence.
8 Q. Quand vous avez emporté les armes chez Brahimaj, est-ce qu'il vous a
9 dit quelque chose au sujet de cette action ?
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12 (expurgé). Je leur ai dit : Voilà, ce sont les
13 armes que j'ai trouvées. Je leur ai remis les armes et ils m'ont remercié.
14 Et à ce moment-là, j'ai ajouté que j'allais conserver la kalachnikov. Ils
15 ont dit d'accord. Et ils m'ont remercié d'avoir restitué les autres armes.
16 Q. Par la suite, après être reparti avec cette arme à la main, combien de
17 temps êtes-vous resté à Jabllanice ?
18 R. Je ne saurais pas le dire avec précision en raison du temps qui s'est
19 écoulé depuis, mais il me semble que j'y suis resté quelques jours. Deux ou
20 trois peut-être. Ensuite, je suis parti pour un autre village.
21 Q. Pourquoi êtes-vous repartis deux ou trois jours plus tard ?
22 R. Parce que nous n'avions aucun pouvoir dans le village. On nous
23 considérait comme des déserteurs puisque nous avions abandonné nos
24 positions de combat. Les gens ne nous respectaient pas. Et lorsque nous
25 souhaitions nous joindre aux combattants, ils nous renvoyaient dans le
26 village. Donc nous avions le sentiment d'être méprisés.
27 Q. Est-ce que vous avez eu un contact quelconque avec M. Brahimaj pendant
28 ces quelques journées ?
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1 R. Non, je n'ai eu aucun contact avec M. Brahimaj jusqu'à un moment qui se
2 situe quelques semaines plus tard, peut-être un mois plus tard, où, un
3 jour, Lahi Brahimaj est arrivé. Moi, à ce moment-là, j'habitais dans un
4 autre village avec ma famille. Nous étions dehors dans un champ. Un enfant
5 du chef de famille chez qui j'habitais s'est approché de moi et m'a dit :
6 Lahi cherche à te voir.
7 Q. Je vous demanderais de vous interrompre à ce stade.
8 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment
9 serait opportun pour la pause, si cela convient à la Section chargée des
10 Victimes et des Témoins. Nous n'aurons aucune difficulté à reprendre les
11 débats à partir de ce point-ci après la pause.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons donc faire une pause
13 jusqu'à 16 heures.
14 M. ROGERS : [interprétation] Je crois qu'il nous faut passer à huis clos.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, passons d'abord à huis clos.
16 Désolé.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
18 clos.
19 [Audience à huis clos]
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons
2 maintenant faire la pause et reprendrons nos débats à 16 heures.
3 --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.
4 --- L'audience est reprise à 15 heures 59.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je demanderais que la Chambre passe à
6 huis clos partiel.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
8 clos. Je vous remercie.
9 [Audience à huis clos]
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18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
20 Greffier.
21 Monsieur Rogers, à vous.
22 M. ROGERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Q. Monsieur le Témoin, avant la pause, vous nous expliquiez à quel endroit
24 vous étiez allé après avoir décidé de quitter Jabllanice, et plus
25 précisément après ce moment où vous avez laissé des armes dans la maison de
26 M. Brahimaj.
27 Pourriez-vous simplement nous aider éventuellement en nous disant à
28 quel moment exactement vous avez décidé de quitter Jabllanice et quel a été
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1 le premier endroit où vous avez décidé de vous rendre à ce moment-là ?
2 R. Je suis allé dans un village où habite l'oncle de mon père, dans la
3 municipalité de Klina. J'y suis resté trois semaines.
4 Q. Après cela, vous êtes allé où, Monsieur ?
5 R. Trois semaines plus tard, je suis retourné dans mon village à moi. Je
6 suis passé voir ma belle-famille à Jabllanice, et ensuite je suis allé
7 habiter chez un autre membre de ma belle-famille dans un autre village.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai besoin d'une précision.
9 Le témoin a dit : Trois semaines plus tard, je suis retourné dans mon
10 village. J'ai rendu visite à ma belle-famille à Jabllanice.
11 Mais nous ne comprenons pas que ces mots signifient qu'il s'agissait
12 de son village. Pourriez-vous lui poser des questions plus progressives, de
13 façon à ce que nous déterminions exactement ce qui s'est passé.
14 M. ROGERS : [interprétation] Oui.
15 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous étiez allé dans le village
16 de l'oncle de votre père dans la municipalité de Klina, vous y êtes resté
17 trois semaines, après quoi vous êtes retourné dans votre village. Et
18 maintenant, vous dites que vous avez rendu visite à votre belle-famille à
19 Jabllanice.
20 Est-ce que cela signifie que vous êtes allé de votre village à
21 Jabllanice ?
22 R. [Aucune réponse verbale]
23 Q. Je vois que vous hochez du chef, mais malheureusement cela ne peut pas
24 s'inscrire au compte rendu d'audience.
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27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel, je vous
28 prie.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
2 clos partiel. Merci.
3 [Audience à huis clos partiel]
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7 [Audience publique]
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
9 Monsieur Rogers.
10 M. ROGERS : [interprétation]
11 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que vous êtes resté dans une
12 maison sise dans ce village. Pouvez-vous nous dire combien de temps vous
13 êtes resté dans cette maison ?
14 R. J'y suis resté plusieurs semaines, voire un mois même.
15 Q. Et pendant que vous étiez dans cette maison, est-ce que vous avez
16 rencontré quelqu'un que vous connaissiez ?
17 R. Oui. Il y avait d'autres villageois qui habitaient dans cette famille.
18 Q. Pouvez-vous nous dire qui étaient ces villageois, je vous prie ?
19 R. Est-ce que nous sommes à huis clos partiel ?
20 M. ROGERS : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel, Monsieur
21 le Président.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
24 clos partiel. Je vous remercie.
25 [Audience à huis clos partiel]
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8 [Audience publique]
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
10 Monsieur Rogers.
11 M. ROGERS : [interprétation] Je vous en prie.
12 Q. Donc vous nous avez dit que vous étiez à l'extérieur avec le chef de
13 famille, partis avec les moutons et avec les brebis aux pâturages, et qu'un
14 enfant est venu vous disant que Lahi vous cherchait.
15 Alors, vous avez décidé, d'après vous, de revenir à la maison. Vous
16 voulez dire la maison où vous étiez descendu au village ?
17 R. Oui, bien sûr. C'est cette maison-là, la maison où j'étais descendu.
18 Q. Et pendant que vous étiez dans cette maison, est-ce que vous avez eu
19 des réunions avec M. Brahimaj ?
20 R. Je suis arrivé à la maison, et quelques minutes plus tard M. Brahimaj
21 est arrivé lui aussi. Mon beau-frère a demandé : Mais qu'essayez-vous de
22 faire avec cette personne ? Et il a dit : Je voulais juste qu'il soit mon
23 soldat. Et l'autre personne a dit : Alors, il faut faire attention. Il ne
24 faut pas lui faire de mal.
25 Q. Et est-ce que vous pouvez nous dire à peu près la date de cet événement
26 ?
27 R. Je ne me souviens pas. C'était probablement en juin, juillet. C'était
28 cette période-là : juin, juillet.
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1 Q. Et M. Brahimaj était-il seul ou était-il accompagné au moment où vous
2 avez eu cette conversation avec lui ?
3 R. Il était seul. Et je suis monté dans sa voiture. Et lorsque nous sommes
4 arrivés près de son village, je lui ai posé une question. Je lui ai demandé
5 : Mais pourquoi m'emmenez-vous là ? Et il m'a demandé au sujet de l'arme,
6 la kalachnikov, que j'avais. C'est tout.
7 Et il ne m'a rien dit d'autre.
8 Q. Vous souvenez-vous de cette voiture ? Quel type de voiture était-ce, la
9 voiture dans laquelle vous êtes monté ?
10 R. C'était une Mercedes.
11 Q. Est-ce que vous savez à qui elle appartenait ?
12 R. Plus tard, j'ai pu comprendre que c'était la voiture de Skender Kuqi.
13 Q. Qui vous a dit que cette voiture appartenait à Skender
14 Kuqi ?
15 R. Au centre de détention avec Skender Kuqi, il m'a expliqué qu'on l'avait
16 emmené dans sa propre voiture. Lorsqu'on l'a arrêté -- ou je ne sais pas
17 comment vous allez appeler cela.
18 Q. Vous a-t-il dit quelle était la marque de la voiture qu'il avait, quel
19 modèle ?
20 R. Oui.
21 Q. Que vous a-t-il dit de sa voiture ? Qu'était-ce ?
22 R. Il m'a dit qu'il avait une Mercedes. Et moi, je lui ai dit qu'on
23 m'avait emmené à cet endroit également dans une Mercedes.
24 A cette époque, il y avait très peu de voitures comme cela dans le
25 pays.
26 Q. Je voudrais juste que l'on reparle de ce moment où vous vous êtes
27 trouvé dans cette voiture avec M. Brahimaj.
28 Est-ce que vous pouvez nous décrire sa conduite, comment est-ce qu'il
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1 s'est comporté à votre égard ? De quelle humeur était-il et comment est-ce
2 qu'il vous a traité ? Quelle a été l'attitude qu'il vous a réservée ?
3 R. Il était calme, très calme. Je lui ai demandé : Pour quelle raison
4 m'avez-vous emmené ? Et lui, il m'a interrogé au sujet de la kalachnikov.
5 Il voulait savoir des choses là-dessus. Et puis, c'était tout.
6 Puis, il m'a dit d'accord. Il n'a rien ajouté. Il n'a pas ajouté de
7 juron ou d'insulte. Il ne m'a pas dit : Je te ferai ceci ou cela.
8 Q. Mais pourquoi est-ce que vous avez accepté de partir avec lui ?
9 R. Je ne savais pas quelles étaient ses intentions. Et si je n'étais pas
10 parti avec lui, eh bien, il serait revenu et il m'aurait cherché de
11 nouveau.
12 Q. Et vous pensiez que quelque chose risquait de vous arriver si vous ne
13 l'accompagniez pas ?
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cela n'invite-t-il pas à spéculations
15 ou aux conjectures ?
16 M. ROGERS : [interprétation] Oui, peut-être, mais cela peut se fonder sur
17 des inquiétudes légitimes. Je voudrais savoir s'il était inquiet ou pas.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous ne devrions pas jeter
19 la base pour commencer ?
20 M. ROGERS : [interprétation] Oui.
21 Q. Alors, est-ce que vous aviez une raison d'avoir peur de M. Brahimaj,
22 Monsieur le Témoin, si vous ne l'accompagniez pas ?
23 R. Je ne sais pas. Si ça avait été quelqu'un d'autre, je l'aurais
24 accompagné et je serais parti avec lui. Je n'aurais pas cherché à me
25 cacher, à me mettre à l'abri. Je ne serais pas parti dans un autre village.
26 Mais puisque c'était Lahi, il voulait obtenir quelque chose de moi, et donc
27 je suis parti avec lui. Et je l'ai fait parce que je savais que je n'avais
28 fait aucun mal. Donc c'est pour cette raison-là que j'y suis allé. Si
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1 j'avais su qu'il était là à m'attendre, eh bien, je ne serais pas parti
2 avec lui. J'aurais fait autre chose.
3 Q. D'accord.
4 Alors, partant de là, vous êtes parti avec lui. Où est-ce que vous
5 êtes arrivé -- donc vous avez pris la voiture, vous êtes partis en voiture.
6 Où est-ce que vous êtes allés ?
7 R. Nous sommes allés dans son village, au QG, au QG de Jabllanice.
8 Q. Où était situé le QG de Jabllanice, où dans le village ?
9 R. Nous sommes partis du village vers l'autre village, et c'était la
10 première maison sur la droite. A gauche -- ou plutôt, c'est l'inverse. Donc
11 la maison était à gauche, et la montagne et les bois étaient à droite.
12 Q. Donc vous arrivez du village où vous étiez basé avant, donc l'endroit
13 que vous nous décrivez comme l'endroit où était basé le QG est la première
14 maison à gauche à l'entrée du village de Jabllanice; est-ce que je vous ai
15 bien compris maintenant ?
16 R. Oui.
17 Q. Pouvez-vous nous décrire le bâtiment, s'il vous plaît.
18 R. Bien sûr. Il y avait là un garage devant. Il y avait un portail en
19 bois. Et quand on ouvrait ce portail, on voyait un bâtiment qui comptait
20 quatre pièces.
21 Q. Et il y avait combien de bâtiments à l'intérieur quand vous êtes rentré
22 par ce portail ?
23 R. Il y avait la clôture donc, il y avait un garage tout au long, et puis
24 il y avait la maison elle-même. Je dirais qu'il y avait deux bâtiments.
25 Q. Je voudrais vous montrer une photographie.
26 M. ROGERS : [interprétation] Il s'agit de la pièce P60.
27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise précisent qu'il y a un
28 doute sur le mot employé par le témoin; s'agissait-il d'une grange, d'une
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1 étable ou d'un garage.
2 M. ROGERS : [interprétation] Le numéro initialement attribué à ce document
3 dans le prétoire électronique était 00357. Je ne sais pas si ça va nous
4 faciliter la recherche. D'après ce que l'on me dit, il s'agit de la pièce
5 P60.
6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il y a une erreur technique. Il nous
8 est difficile de l'afficher.
9 En fait, je vois que mes collègues le voient s'afficher à leur écran.
10 M. ROGERS : [interprétation] Je ne sais pas si le témoin le voit.
11 Q. Avez-vous quoi que ce soit qui s'affiche devant vous, Monsieur le
12 Témoin ?
13 R. Je ne vois rien à l'écran devant moi.
14 M. ROGERS : [interprétation] Mais peut-être que le mieux serait de revenir
15 aux bonnes vieilles feuilles de papier.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, il vaut mieux.
17 M. ROGERS : [interprétation] Donc je ne sais pas si vous arrivez à voir ce
18 que je suis en train de brandir. Je vais demander que l'on vous remette
19 cela.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'après ce que l'on me dit, l'on
21 pourra placer cette feuille sur un rétroprojecteur.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cela.
23 M. ROGERS : [interprétation] Nous avons maintenant le document qui
24 s'affiche de ce côté-ci. Je ne sais pas si le témoin le voit.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Si, si. C'était le bâtiment. Ce bâtiment avait
26 également un toit de l'autre côté. Après, il a brûlé, je pense. Là où se
27 trouve la clôture, près de la porte.
28 M. ROGERS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait nous montrer l'autre
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1 côté de la photographie.
2 Q. Donc vous voyez maintenant une porte d'entrée au centre de la
3 photographie ?
4 R. Oui.
5 Q. Qui a une espèce de toiture par-dessus ?
6 R. Oui.
7 Q. Et donc, ensuite, nous avons un bâtiment allongé qui se trouve du côté
8 du mur ?
9 R. Oui. Vous voyez cette clôture, sur toute la longueur jusqu'à la maison,
10 il y avait une espèce de toiture. C'était un garage où on garait les
11 tracteurs et les voitures à l'époque.
12 Q. Et il y avait une toiture ?
13 R. Oui, c'était recouvert de tuiles, comme ce que vous pouvez voir là sur
14 le portail.
15 Q. Et il y a un bâtiment plus grand sur la droite de la photographie.
16 Qu'était-ce ?
17 R. Ça, c'était le bâtiment où était situé le QG. C'est la maison où j'ai
18 passé deux nuits et trois jours. Ou plutôt, devrais-je dire que c'était le
19 centre de détention où on m'a placé, ou plutôt, ma prison.
20 Q. Donc, dites-nous ce qui s'est passé lorsque vous êtes arrivé à cet
21 endroit. Premièrement, la voiture, est-ce qu'elle est restée de l'autre
22 côté de cet ensemble ou est-ce que la voiture est rentrée à l'intérieur ?
23 R. La voiture est restée à l'extérieur.
24 Q. Et vous-même, alors, comment est-ce que vous avez franchi cette
25 distance qui sépare le portail d'entrée et le bâtiment qui est assez grand
26 ?
27 R. J'ai suivi Lahi, qui marchait devant.
28 Q. Et vous pouviez marcher sans être soutenu ou aidé ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous a-t-il dit quelque chose lorsque vous êtes arrivé à l'intérieur de
3 cette enceinte ?
4 R. Rien. Il marchait vite. Il est rentré à l'intérieur. Il m'a emmené dans
5 une pièce où il y avait deux autres personnes. Et je ne sais pas où il est
6 parti lui-même lorsqu'il m'a laissé là.
7 Q. Vous dites : Il m'a emmené dans une pièce, mais comment l'a-t-il fait ?
8 R. Il n'a rien dit. Il a juste ouvert la porte et il a dit : Rentre.
9 Q. Comment a-t-il dit : Rentre ? D'une manière particulière ?
10 R. Non. Il a juste dit : Rentre. Il a ouvert la porte, je suis allé
11 dedans, et il n'y a pas eu d'autres propos d'échangés. Je ne sais pas où il
12 s'est rendu par la suite.
13 Q. Mis à part des personnes qui étaient éventuellement dans la pièce, est-
14 ce qu'il y avait d'autres personnes présentes dans ce bâtiment ou dans
15 l'enceinte ?
16 R. Oui. J'ai vu des soldats en uniforme. Il y avait plusieurs personnes.
17 Q. Et quand vous êtes entré dans le bâtiment, vous pensiez à quoi ?
18 R. Je me suis dit : C'est le quartier général principal pour notre région.
19 Parce que durant cette période, c'est-à-dire en mai, juin et juillet, il
20 n'y avait pas d'autres QG. Il n'y avait que l'état-major de Jabllanice.
21 Ensuite, des QG ont été créés dans chacun des villages au fur et à mesure
22 que la guerre a fait rage dans tout le pays. Et c'est la raison pour
23 laquelle chaque village disposait de son propre état-major.
24 Q. Une fois que vous êtes arrivé dans ce bâtiment, que pensiez-vous qu'il
25 allait se passer ? Et je parle donc du moment où vous êtes entré dans ce
26 bâtiment en suivant Lahi.
27 R. Je me disais qu'ils allaient soit me renvoyer au village, soit me
28 demander de rentrer dans les rangs de l'armée en tant que soldat. Je n'ai
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1 jamais pu m'imaginer que ce qui m'est arrivé allait vraiment m'arriver.
2 Parce que je n'ai jamais vu vraiment de signes d'agressivité et je n'ai
3 jamais vraiment vu de soupçons qui auraient pu me faire penser cela.
4 Q. Donc vous avez suivi Lahi dans le bâtiment. Il a ouvert la porte et
5 vous allez vu cette pièce.
6 Quand vous êtes entré dans cette pièce, qu'est-ce que vous avez vu ?
7 R. Lorsque je suis entré dans cette pièce, j'ai vu deux autres personnes.
8 Il y avait Skender Kuqi, ainsi qu'une autre personne, et à l'époque je ne
9 connaissais pas le nom de cette personne car je ne l'avais jamais vue
10 auparavant.
11 Skender, je le connaissais parce que c'était mon enseignant. Il était
12 maître d'école à l'école primaire. Quant à l'autre personne, je ne la
13 connaissais pas. Je ne l'avais jamais vue auparavant.
14 Q. Vous êtes donc entré dans cette pièce et vous avez vu ces deux autres
15 hommes. Ils étaient dans quel état physique de prime abord ?
16 R. Je dois dire que je n'avais jamais vu de personne dans un état physique
17 aussi déplorable. J'avais vu des personnes qui avaient été tuées durant la
18 guerre. Mais des personnes dans cet état physique, je n'en avais jamais
19 vues comme cela auparavant. Ils étaient dans un piètre état.
20 Q. Et quand cette porte s'est ouverte, qu'est-ce qui vous êtes venu à
21 l'esprit ?
22 R. J'étais interdit. Je ne savais pas quoi direction. Et je ne savais pas
23 vraiment ce qui allait advenir de moi après cela.
24 Q. Et qu'est-il advenu de vous après cela ?
25 R. Après deux ou trois minutes, les gens ont commencé à me frapper dans le
26 dos. Quatre ou cinq personnes. Avec des battes de baseball.
27 Q. Est-ce que vous êtes arrivé à déterminer d'où ils
28 venaient ?
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1 R. Non, ils sont arrivés par derrière. Je regardais ces deux personnes. La
2 porte était derrière moi.
3 Q. Lorsque vous êtes entré dans cette pièce, avant qu'ils ne commencent à
4 vous battre, est-ce qu'on a fermé la porte derrière
5 vous ? Est-ce que vous l'avez fermée derrière vous ? Ou est-ce que cette
6 porte est restée ouverte ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
7 R. Lorsque je suis entré dans la pièce, la porte ensuite s'est refermée.
8 Et donc, je regardais ces deux personnes. Et je dirais deux minutes, voire
9 cinq minutes, plus tard au maximum, la porte s'est rouverte et des gens ont
10 commencé à me frapper. Mais je ne sais pas pourquoi ils n'ont rien dit. Ils
11 ont commencé à me frapper avec des battes de baseball. Et j'ai rabroué deux
12 de ces personnes. Et après cela, l'une des deux personnes a blessé l'autre
13 par inadvertance et a dit : Désolé, Gjakova. Quant aux autres, je ne les ai
14 pas vus car ils étaient derrière moi. Et ensuite, je me suis évanoui, donc
15 je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite.
16 Mais autant que je sache, il n'y avait aucune raison. Aucun chef
17 d'accusation n'était retenu contre moi. Je n'avais pas d'arme automatique.
18 Je n'étais au courant de rien du tout. Donc ils ont simplement commencé à
19 me frapper avec des battes de baseball, et je suis tombé par terre.
20 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire où vous avez été frappé par
21 ces battes de baseball et combien de fois ?
22 R. Je me souviens qu'ils m'ont frappé dans le dos. Je suis resté debout
23 pendant environ cinq minutes. Et ensuite, quelqu'un m'a frappé à l'arrière
24 de la tête, et c'est là que je me suis évanoui. Donc, après, je ne sais pas
25 s'ils ont continué à me battre ou pas. Je ne peux pas vous le dire.
26 Q. Et est-ce que vous avez ensuite repris vos esprits; et si oui, après
27 combien de temps ?
28 R. Après un certain temps, j'ai repris mes esprits. J'ai voulu me lever,
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1 mais mes jambes ne me portaient plus. J'avais besoin d'uriner, mais je ne
2 pouvais pas rester debout. Donc j'ai appelé de l'aide et quelqu'un est venu
3 me chercher. J'ai essayé de me lever, mais mes jambes tremblaient. Et je ne
4 pouvais rien faire. Donc ils m'ont dit : Si vous voulez uriner, eh bien,
5 vous n'avez qu'à faire dans votre pantalon.
6 Q. Vous nous avez dit que vous ne pouviez pas rester debout. Pourriez-vous
7 nous décrire les autres blessures que vous aviez
8 subies ? Est-ce que vous pourriez nous les décrire, les blessures liées au
9 fait que vous aviez été frappé par des battes de baseball ?
10 R. Mon corps était complètement tuméfié et mes membres étaient gonflés.
11 J'ai enlevé mon sweater, et quand j'ai regardé mon corps, j'ai
12 vraiment pris peur. J'avais peur de mon propre corps.
13 Q. Quand vous dites que vous êtes parti, vous voulez dire que vous
14 êtes parti pour aller uriner, ou vous voulez dire quand vous avez quitté
15 cet endroit ?
16 R. Non, non, je veux dire quand je suis parti de cet endroit après trois
17 jours. Puisque j'y suis resté deux nuits et trois jours.
18 Q. Merci. Vous nous avez parlé donc du fait que vous avez été battu à
19 coups de battes de baseball. Mis à part la personne que l'on a appelé
20 Gjakova, est-ce que vous êtes en mesure d'identifier ou de nommer les
21 hommes qui vous ont battu durant ce premier incident ?
22 R. Non, car ils étaient derrière moi et ils m'ont frappé. Mais je n'ai vu
23 que ce dénommé Gjakova qui est tombé devant moi. Et j'ai entendu une autre
24 personne qui s'adressait à lui qui a dit : Est-ce que je t'ai blessé,
25 Gjakova ?
26 Q. Et pendant qu'ils vous battaient, est-ce que l'on vous a dit quelque
27 chose, ou est-ce que vous avez pu entendre quoi que ce soit ?
28 R. Non, non, rien du tout. On ne m'a rien reproché. Ils ont simplement
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1 commencé à me battre en utilisant ces battes de baseball. Au départ, je
2 n'avais pas compris de quoi il s'agissait. Mais quand j'ai vu Gjakova qui
3 est tombé, j'ai vu qu'il tenait une batte de baseball.
4 Q. Donc vous avez été battu. Vous avez repris vos esprits. Vous êtes sorti
5 de ce bâtiment. Et ils vous ont dit que si vous vouliez uriner, il faudrait
6 que vous fassiez dans vos pantalons; est-ce exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Après ce premier passage à tabac -- et d'ailleurs, est-ce que vous
9 pourriez nous dire quand vous avez été frappé comme cela ? C'était à quel
10 moment dans la journée ?
11 R. C'était vers midi. Ou peut-être un peu après midi.
12 Q. Après être à nouveau rentré dans cette pièce, après être sorti pour
13 essayer d'uriner, que s'est-il passé durant cette première journée ?
14 Avant, donc, la première nuit que vous avez passée là-bas, est-ce que
15 quelque chose d'autre s'est passé ? Est-ce qu'il vous est arrivé quelque
16 chose d'autre ?
17 R. Non. Durant la nuit, ils nous ont attachés les mains dans le dos.
18 Q. Mais tout d'abord, je voudrais m'en tenir à la première journée.
19 J'aimerais savoir si vous avez vu quoi que ce soit qui ait été arrivé
20 aux deux hommes qui étaient détenus avec vous durant cette première journée
21 de détention, c'est-à-dire durant la période allant jusqu'à la nuit ?
22 R. Oui. Après voir repris mes esprits, la personne que je n'avais pas
23 reconnue m'a dit : Il faut que tu te confesses. Il faut que tu acceptes ce
24 que tu as fais. Sinon, ils vont te tuer. Il m'a dit qu'ils avaient battu
25 l'autre personne avec la batte de baseball.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis perdu.
27 M. ROGERS : [interprétation] Je vais poser plusieurs questions dans ce cas-
28 là.
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1 Q. Vous nous avez dit qu'après avoir repris vos esprits, la personne que
2 vous n'avez pas reconnue vous avait dit : Il faut accepter ce que vous avez
3 fait.
4 Et je voudrais que ce soit très clair : quand vous a-t-on dit cela ?
5 C'était durant la première journée ou c'était à un autre moment ?
6 R. Le premier jour. Après qu'ils m'aient frappé et après que j'aie repris
7 mes esprits. Cette personne était également détenue dans cette pièce. Pas
8 Skender; je parle de l'autre personne.
9 Q. Et un des détenus dans cette pièce vous a dit : Il faut que tu acceptes
10 ce que tu as fait ?
11 R. Oui.
12 Et ensuite, Naser est venu et a dit : Pourquoi êtes-vous ici ? Il
13 nous écoutait alors que l'on se parlait.
14 Q. Et vous avez dit : Naser est arrivé. Qui est Naser ?
15 R. C'était un parent de Lahi, le fils de son oncle.
16 Q. Son nom de famille était également Brahimaj, ou est-ce qu'il avait un
17 autre nom de famille ?
18 R. C'est le fils de son oncle.
19 Q. Donc Naser Brahimaj est venu et vous a parlé ?
20 R. Oncle paternel.
21 Q. Et quels sont les propos que vous avez échangés avec Naser Brahimaj ?
22 R. Rien. Il m'a simplement dit : Qu'avez-vous dit à l'autre type ?" Et je
23 lui ai dit : Il m'a juste dit que je devais accepter ce que j'avais fait.
24 Et ensuite, il l'a frappé.
25 Q. Qui a frappé qui ?
26 R. Naser a frappé la personne, la deuxième personne qui était dans cette
27 même pièce.
28 Q. Mais à l'époque, vous ne connaissiez pas le nom de cette personne ?
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1 R. Non, à l'époque, je ne connaissais pas son nom.
2 Q. Donc vous avez deux hommes; vous avez Skender Kuqi et vous avez cet
3 autre homme dont vous ne connaissiez le nom à l'époque.
4 Et d'après ce que j'ai compris, Naser Brahimaj a frappé le deuxième
5 homme avec une batte de baseball, et que vous avez assisté à cela, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Naser Brahimaj a battu ce deuxième homme avec une batte de baseball à
9 combien de reprises ?
10 R. Plusieurs fois.
11 Q. Mais je voulais dire, il l'a frappé combien de fois avec la batte de
12 baseball ?
13 R. En ma présence à ce moment-là ou durant la nuit ?
14 Q. Non, à ce moment-là, il l'a frappé combien de fois avec cette batte de
15 baseball ?
16 R. Je dirais dix, 15 fois. Je ne peux pas vous le dire parce que j'avais
17 peur d'être battu moi-même.
18 Q. Et quelles ont été les conséquences pour cet homme ?
19 R. Il était soit assis, soit couché. Il s'est évanoui parce qu'ils
20 continuaient à le frapper sur la tête.
21 Q. Quand vous êtes entré dans cette pièce pour la première fois, cet homme
22 était dans quel état physique, quand vous l'avez donc vu pour la première
23 fois ?
24 R. Il était dans un piètre état. Du moment que je suis arrivé jusqu'au
25 moment où je suis parti, il était dans le même état. C'est-à-dire qu'il ne
26 pouvait pas se tenir debout. Une forte odeur se dégageait de lui. Il était
27 complètement tuméfié.
28 Q. Est-ce qu'il était en mesure de se lever et de sortir pour aller uriner
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1 ?
2 R. [Aucune réponse verbale]
3 Q. Vous faites un signe de la tête, mais il faut que vous parliez.
4 R. Non, non.
5 Q. Donc, comment était-il en mesure d'uriner ?
6 R. Il ne pouvait pas se lever. Donc il devait faire ses besoins dans son
7 pantalon.
8 Q. Et qu'en est-il de Skender Kuqi ? Lorsque vous êtes entré dans cette
9 pièce pour la première fois, il était dans quel état physique ?
10 R. Skender Kuqi se trouvait dans un état physique encore pire que l'autre
11 homme. L'autre personne quelquefois grognait. Alors que Skender, lui, était
12 dans un état physique encore pire que l'homme dont je ne connaissais pas le
13 nom.
14 Q. Est-ce que vous pourriez décrire à quoi il ressemblait, quel était son
15 état physique ?
16 R. Comme je vous l'ai dit, je n'avais jamais vu quelqu'un dans un état
17 physique pire que lui. Il avait des bleus sur le visage. Je ne sais pas si
18 c'était sur la partie gauche ou la partie droite du visage. Et puis, quand
19 il respirait, ça faisait beaucoup de bruit. Et il criait à cause de la
20 douleur.
21 Q. Vous nous avez dit que Naser Brahimaj a à ce moment-là frappé l'autre
22 homme. Est-ce que vous avez également été témoin d'incidents où Skender
23 Kuqi a été battu en votre présence ?
24 R. Oui, oui. Ils le ruaient de coups tout le temps. Au moins cinq ou six
25 fois par jours.
26 Q. Vous dites "ils" au pluriel. Qui battait Skender Kuqi cinq ou six fois
27 par jour ?
28 R. Naser Brahimaj. C'était lui.
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1 Q. Qu'en est-il de l'autre homme ? Vous avez parlé du premier incident où
2 il a été battu avec l'aide de battes de baseball. Vous avez été témoin de
3 combien d'autres incidents où il a été battu durant la période où vous
4 étiez détenu là-bas ?
5 R. Ils les ont battus tous les deux et tout le temps.
6 Q. Vous dites "ils" au pluriel. Vous parlez de qui ?
7 R. Je veux dire lui, Naser. C'était seulement Naser.
8 Q. Est-ce que vous avez pu comprendre pourquoi l'autre homme était
9 également détenu ?
10 R. Ils ne disaient rien lorsqu'ils battaient Skender, mais lorsqu'ils
11 battaient l'autre homme, ils disaient qu'un officier serbe de Klina l'avait
12 envoyé dans ce village pour essayer de déterminer quel était le stock des
13 munitions, combien de soldats il y avait, et cetera.
14 Et d'après les rumeurs, ce que les gens disaient, c'est que personne
15 ne l'avait envoyé là-bas. Il y était allé de son propre chef, et les gens
16 savaient qui il était. Et ensuite, il a été arrêté.
17 Q. Il était accusé de quoi, si tant est qu'il était accusé de quelque
18 chose ?
19 R. Eh bien, on l'accusait d'être un collaborateur à la solde de la police
20 serbe et qu'il agissait contre la population albanaise.
21 Q. Vous nous avez dit que durant la nuit, on vous avait attachés. De
22 quelle manière vous avait-on attachés ?
23 R. A l'aide de corde.
24 Q. Comment vous avait-on attachés ?
25 R. On nous avait attaché les mains dans le dos. Ainsi que nos jambes.
26 Q. Vous avez dit qu'on vous avait attaché les mains dans le dos.
27 R. Exactement.
28 Q. Et vous avez dit que vos jambes étaient également attachées. Comment
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1 étaient-elles attachées ?
2 R. Eh bien, on était attachés au niveau des chevilles. Mais nous avions en
3 fait un peu de marge de manœuvre. Nous avions 1 mètre de corde qui nous
4 permettait d'avancer.
5 Q. Est-ce que vous étiez tous attachés durant la nuit ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous étiez attachés séparément ou tous
8 ensemble ?
9 R. Séparément.
10 Q. Durant la journée, est-ce qu'on vous détachait les mains ou est-ce que
11 vos mains étaient toujours attachées durant la journée ?
12 R. Lorsque quelqu'un venait le matin, il nous détachait les mains.
13 Q. Et qu'en est-il de vos jambes ou de vos pieds ? Est-ce qu'on vous
14 détachait également les jambes ou les pieds ?
15 R. Oui.
16 Q. Durant votre période de détention pendant ces quelques jours, est-ce
17 que l'on vous a donné de l'eau et de la nourriture ?
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Rogers, avant de passer à
19 cela, page 52, ligne 17, le témoin a déclaré :
20 "Oui. Après avoir repris mes esprits, la personne dont je ne
21 connaissais pas le nom m'a dit : Acceptez ce que vous avez fait. Passez aux
22 aveux." Mais sur compte rendu d'audience il est mentionné "I'll tell you",
23 donc "je vais vous dire". Mais moi, il me semble avoir entendu "I'll kill
24 you", "je vous tuerai" ou "ils vous tueront".
25 Est-ce que vous pourriez obtenir une précision ?
26 M. ROGERS : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Témoin, vous avez peut-être entendu la question du Juge. Je
28 vous ai posé une question en vous demandant quelle était la teneur de vos
Page 1554
1 conversations avec le deuxième homme, le deuxième prisonnier, dont vous ne
2 connaissiez pas le nom. D'après ce que j'ai compris, d'après ce que vous
3 avez dit, il vous a dit : Il faut que vous admettiez ce que vous avez fait.
4 Il faut que vous passiez aux aveux.
5 Est-ce exact ? Est-ce que c'est ce qu'il vous a dit ?
6 R. Oui. Pal Krasniqi. Avant, je ne connaissais pas son nom, mais
7 maintenant je connais son nom. Il s'appelait Pal Krasniqi.
8 Q. Ensuite, il y a une phrase où il est mentionné : "Parce que je vais
9 vous le dire" ou "Parce que je vais vous tuer", "I'll tell you" ou "I'll
10 kill you" en anglais. Et ensuite, il est mentionné : Puis cette personne
11 est venue et m'a demandé : Qu'est-ce qui ne va pas ?
12 Est-ce que vous pourriez tout d'abord préciser : la deuxième
13 personne, Pal Krasniqi, qui vous a dit : Acceptez ce que vous avez fait.
14 Passez aux aveux. Ensuite, que vous a-t-il dit ou que s'est-il passé ?
15 R. J'ai repris mes esprits, et Pal Krasniqi m'a dit : Il faut accepter ce
16 que tu as fait. Il faut que tu passes aux aveux, sinon je te tuerai. Naser
17 écoutait cette conversation, et il est entré dans la pièce et il m'a dit :
18 Qu'est-ce qu'il vous a dit ? Il nous entendait en fait. Et il lui a dit :
19 Il faut que tu acceptes ce qu'il a fait. Et ensuite, il a commencé à le
20 rouer de coups.
21 M. ROGERS : [interprétation] Je pense que ceci précise la chose.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'ai bien compris maintenant qu'il
23 s'agissait maintenant de "I'll kill you", et pas de "I'll tell you", donc
24 "je te tuerai", et non "je te dirai".
25 Maintenant, Monsieur le Témoin, ce que j'aimerais savoir : est-ce que
26 vous savez pourquoi M. Krasniqi vous a dit : "Je te tuerai" ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je pense qu'il faisait l'objet
28 d'accusation plus grave que moi dans cette histoire. Mais je ne sais pas.
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1 Peut-être qu'il n'y avait pas vraiment l'esprit très clair.
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
3 M. ROGERS : [interprétation] Je voudrais que tout cela soit très clair.
4 Q. Est-ce que vous nous dites ici que Pal Krasniqi vous a
5 dit : "Je te tuerai" ?
6 R. Oui.
7 Q. D'accord -- ah, pardon, allez-y.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Harvey.
9 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
10 c'est quelque chose qui pourrait être, bien sûr, abordé dans le cadre du
11 contre-interrogatoire. Mais il semble que nous ayons en fait des éléments
12 qui proviennent également de "la personne dont on ne connaissait pas le
13 nom", et maintenant on parle de "Pal Krasniqi". C'est la deuxième fois
14 qu'on mentionne que le témoin est maintenant au courant du nom de la
15 personne dont il ne connaissait pas le nom à l'époque. Alors, bien sûr, on
16 pourrait attendre le contre-interrogatoire pour savoir comment le témoin
17 maintenant connaît le nom, mais je pense que ce serait peut-être bon de le
18 savoir dès maintenant.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Harvey, ce n'est pas la
20 première fois. Et je pensais que, lorsqu'il l'a mentionné pour la première
21 fois, le Procureur posait une question supplémentaire. Je ne me souviens
22 pas exactement où cela se trouve. Je vais essayer de le retrouver, et je
23 vous le dirai dès que j'ai trouvé. Oui, ceci a été mentionné à deux
24 reprises.
25 M. HARVEY : [interprétation] Oui. Mais quand je dis il n'a pas mentionné
26 précédemment, je veux dire que ceci n'a pas été mentionné précédemment,
27 c'est-à-dire il n'a pas été mentionné dans des dépositions ou dans des
28 déclarations précédentes.
Page 1556
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ah oui, d'accord.
2 M. HARVEY : [interprétation] Mais c'est à vous de voir comment procéder.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A la page 54, je vois qu'il est
4 mentionné : "Naser a abattu une personne… qui s'appelait Krasniqi, la
5 deuxième personne qui était dans la pièce."
6 Je ne sais pas si c'est la première ou la deuxième fois qu'il
7 mentionnait cela aujourd'hui.
8 Il semble qu'il se souvienne du nom maintenant, et vous pouvez
9 obtenir des précisions durant le contre-interrogatoire.
10 M. HARVEY : [interprétation] Oui. C'est à vous de me dire comment vous
11 voulez que nous procédions.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que vous demanderez des
13 précisions durant le contre-interrogatoire.
14 M. HARVEY : [interprétation] Effectivement, je peux faire cela.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, dans ce cas-là allez-y, vous le
16 ferez à ce moment-là.
17 M. ROGERS : [interprétation] Oui, mais peut-être que moi je peux obtenir
18 des précisions.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les Juges de la Chambre ne vous
20 empêcheront pas d'obtenir des précisions. Mais je voudrais simplement
21 remarquer que vous n'aviez pas demandé des précisions au moment où c'était
22 le plus logique de le faire.
23 Mais quoi qu'il en soit vous pouvez le faire maintenant. Enfin, vous
24 faites ce que vous voulez.
25 M. ROGERS : [interprétation] Pas nécessairement ce que je veux.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Faites ce que vous voulez.
27 M. ROGERS : [interprétation]
28 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous dire comment vous --
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1 pourquoi vous pensez maintenant que la personne s'appelait Pal Krasniqi ?
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je pense qu'il fait plus que
3 penser que cette personne s'appelait Pal Krasniqi.
4 M. ROGERS : [interprétation]
5 Q. Vous nous avez dit que cette personne s'appelait Pal Krasniqi. Comment
6 connaissez-vous son nom ?
7 R. Après la guerre, par les médias, ici même, en prenant connaissances des
8 photos, des déclarations écrites. Tout cela s'est passé après la guerre.
9 Son nom est apparu dans des articles de presse, dans des émissions de
10 télévision. Donc c'est après la guerre que j'ai découvert que Pal Krasniqi
11 avait disparu pendant la guerre, qu'il avait été arrêté et qu'il avait
12 ensuite disparu.
13 Il y a encore quelques semaines, un autre témoin qui a déposé ici a
14 prononcé son nom. Vous lui aviez demandé s'il connaissait Pal Krasniqi.
15 Q. Merci.
16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
17 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'heure de
18 la pause suivante est arrivée ? Je crois que c'est le cas, n'est-ce pas ?
19 Ce serait un moment qui nous conviendrait.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, en effet, le moment est
21 tout à fait opportun. Passons à huis clos, s'il vous plaît.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le
23 Président.
24 [Audience à huis clos]
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7 [Audience publique]
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
9 Nous allons donc faire une pause et reprendrons à 17 heures 45.
10 --- L'audience est suspendue à 17 heures 18.
11 --- L'audience est reprise à 17 heures 44.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je demande que nous passions à huis
13 clos.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
15 clos.
16 [Audience à huis clos]
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12 [Audience publique]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
14 Monsieur Rogers, à vous.
15 M. ROGERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais vous poser une question par rapport à
17 cet autre homme; autrement dit, pas Skender Kuqi, mais l'autre. Est-ce que
18 vous pourriez-nous dire quels vêtements il portait lorsque vous l'avez vu
19 dans la pièce dont vous avez parlé ?
20 R. Il portait des vêtements de sport, un jogging dont la couleur était
21 verte et blanche.
22 Q. Merci. Je vous demanderais maintenant de préciser, si vous le voulez
23 bien, une réponse que vous avez faite précédemment en page 56, lignes 11 et
24 12 du compte rendu de la journée d'aujourd'hui. Vous répondiez à une
25 question consistant à vous demander ce qui s'était passé pendant que cet
26 homme était roué de coups. Et vous avez dit à ce moment-là, je cite :
27 "Quand ils ont frappé l'autre homme, ils ont dit qu'un officier serbe
28 venant de Klina l'avait renvoyé dans son village pour chercher des
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1 munitions. Il y avait un certain nombre de soldats, et cetera."
2 Ensuite, il est indiqué que :
3 "Selon la rumeur, selon ce que les gens racontaient, personne ne
4 l'avait envoyé… là-bas. Il y était allé de son propre chef. Et les gens
5 savaient qui il était, et il a été arrêté."
6 Alors, quand vous parlez du fait qu'il est allé là-bas de son propre gré, à
7 quel endroit semble-t-il être allé de son propre gré ?
8 R. Il est allé dans le village de Jabllanice.
9 Q. Et j'aimerais bien comprendre, Monsieur, s'il vous plaît : est-ce que
10 ce que vous dites provient de ce que vous avez compris à l'écoute d'un
11 récit qu'il vous a fait ou est-ce que ce que vous dites provient de votre
12 interprétation des rumeurs évoquées plus tôt ?
13 R. Non, non, j'ai entendu cela plus tard. C'est après la guerre que j'ai
14 entendu dire qu'il était allé là-bas de son propre chef.
15 Q. Merci.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai aussi une demande de précision à
17 faire qui concerne le même passage.
18 Monsieur le Témoin, lorsque vous dites : "Lorsque nous l'avons
19 frappé," qu'entendez-vous par "nous" ?
20 [hors micro]
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Votre micro, Monsieur le Président s'il
22 vous plait.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Toutes mes excuses.
24 Au compte rendu d'audience en anglais, nous lisons : "When we beat
25 the other one." Donc ce qui est écrit au compte rendu en anglais c'est :
26 "Ils n'ont rien dit pendant qu'ils frappaient Skender. Lorsque nous
27 avons frappé l'autre homme, ils ont dit qu'un officier serbe de Klina
28 l'avait renvoyé dans son village pour chercher des munitions. Il y avait un
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1 certain nombre de soldats, et cetera."
2 J'aimerais savoir ce que vous entendez par le mot "We" en anglais, donc
3 "nous" en français ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est sans doute une erreur. Peut-être ai-je
5 fais un lapsus. Mais ce que je voulais dire, c'est lorsqu'ils l'ont frappé.
6 Lorsque Naser a frappé cet homme, il l'accusait d'un certain nombre de
7 choses. C'est ainsi que j'ai compris les choses en tout cas.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
9 Merci, Monsieur Rogers.
10 M. ROGERS : [interprétation] Si vous regardez page 56, lignes 1 à 7, le
11 contexte devient plus clair, je crois. Je vous laisse libre, Monsieur le
12 Président, de tirer les conclusions que vous jugerez opportunes.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin nous a dit clairement ce
14 qu'il en était. Je vous remercie.
15 M. ROGERS : [interprétation]
16 Q. J'allais, Monsieur, vous interroger au sujet de Skender Kuqi. Est-ce
17 que vous avez réussi à déterminer pour quelle raison il a été mis en état
18 d'arrestation à Jabllanice ?
19 R. Plusieurs personnes étaient allées le voir à Zahaq, là où était son
20 bureau, et ils l'ont mis en état d'arrestation ou de détention, comme vous
21 voudrez.
22 Q. Comment avez-vous découvert cela ?
23 R. Skender m'a dit qu'Azem Veseli aurait participé à cet enlèvement.
24 Q. Est-ce que Skender Kuqi a expliqué pourquoi il pensait que cela avait
25 lieu?
26 R. Il a dit que c'était parce que l'autre avait avec beaucoup d'argent,
27 qu'il avait fait beaucoup d'argent. Donc c'était lié à sa richesse. Mais
28 nous ne pouvions pas nous parler souvent ou beaucoup. Nous étions
Page 1563
1 terrorisés.
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la dernière partie de la
3 réponse du témoin.
4 M. ROGERS : [interprétation]
5 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez répéter la dernière partie
6 de votre réponse; elle n'a pas été entendue.
7 R. Eh bien, il s'agissait, semble-t-il, de jalousie, parce que Skender
8 s'était considérablement enrichi. L'homme dont nous parlons avait un
9 commerce dans un autre village, Skender ayant lui-même son commerce dans un
10 autre village que cet homme, donc il s'agissait de jalousie, semble-t-il.
11 Q. Eu égard à vos conditions de détention, pourriez-vous, je vous prie,
12 décrire la pièce dans laquelle vous avez été détenus ? Quel était son
13 aspect, et est-ce qu'il y avait du mobilier à l'intérieur ?
14 R. La pièce dans laquelle j'ai passé deux jours et deux nuits était
15 absolument vide, en dehors de la présence de deux ou trois bancs. C'étaient
16 des bancs assez bas. Et en dehors de cela, il n'y avait rien d'autre.
17 Q. Est-ce qu'on vous a donné des aliments pendant la durée de votre
18 détention; et si oui, que vous a-t-on donné ?
19 R. Pendant la durée de ma détention, je n'ai rien reçu à manger.
20 Le troisième jour, on m'a apporté du thé et du pain.
21 Q. Est-ce que vous avez reçu de l'eau pendant toutes ces journées ?
22 R. Oui. Quand j'ai demandé qu'on m'apporte de l'eau, on m'en a apporté. Il
23 n'y avait pas d'eau dans la pièce. Mais quand je leur ai demandé d'apporter
24 de l'eau à Skender, ils nous ont effectivement apporté de l'eau.
25 Q. Vous venez de dire que vous leur avez demandé d'apporter de l'eau à
26 Skender. Est-ce que vous leur avez demandé de faire autre chose pour
27 Skender ?
28 R. Oui. Skender souffrait beaucoup. Il gémissait et criait, donc je leur
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1 ai demandé de lui apporter de l'aide. Naser a pénétré dans la pièce et m'a
2 demandé : Qu'est-ce qui se passe ici ? Je le lui ai dit. Naser est
3 ressorti. Et quelques instants plus tard, trois ou quatre personnes ont
4 pénétré dans cette pièce. L'une de ces personnes portait une blouse
5 blanche, du genre de celle que portent les médecins, et cet homme a donné à
6 Skender un cachet.
7 Q. Est-ce que vous avez vu cet homme, ce médecin, revenir à quelque moment
8 que ce soit par la suite ?
9 R. Non. Le lendemain, j'ai quitté cet endroit.
10 Q. J'aimerais que nous parlions maintenant de la journée de votre départ.
11 Que s'est-il passé juste avant que vous ne quittiez cet
12 endroit ?
13 R. Le troisième jour, Lahi est arrivé et m'a emmené dans son bureau.
14 Q. Où se trouvait ce bureau ?
15 R. C'était une pièce qui jouxtait la pièce dans laquelle nous nous
16 trouvions.
17 Q. Qu'y avait-il dans cette pièce ?
18 R. Lahi, une autre personne et deux femmes se trouvaient dans cette pièce.
19 M. ROGERS : [interprétation] Je demanderais l'affichage de la pièce P60.
20 Q. Monsieur, veuillez regarder cette photographie et nous dire si, sur
21 cette photographie, vous voyez la pièce dans laquelle Lahi vous a emmené,
22 c'est-à-dire la pièce dans laquelle il se trouvait ?
23 R. Oui. C'est une pièce qui a l'air blanche de l'extérieur.
24 Q. Pourriez-vous, je vous prie, à l'aide du stylet électronique, annoter
25 l'emplacement de cette pièce sur la photographie, celle dans laquelle se
26 trouvait Lahi.
27 R. [Le témoin s'exécute]
28 M. ROGERS : [interprétation] Bien. Le témoin a annoté la photographie.
Page 1565
1 Q. Pouvez-vous maintenant, Monsieur, faire la même chose pour la pièce
2 dans laquelle vous vous trouviez.
3 R. Oui, oui. [Le témoin s'exécute]
4 Q. Et peut-être pourriez-vous inscrire la lettre majuscule L sous le
5 cercle qui désigne la pièce dans laquelle se trouvait Lahi.
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 Q. Très bien.
8 Et l'autre fenêtre que vous avez entourée d'un carré sur la
9 photographie, ça représente bien la pièce dans laquelle vous vous trouviez,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 M. ROGERS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette
13 photographie annotée.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La photographie est admise. Nous
15 attendons que lui soit décerné un numéro de pièce à conviction.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P60, annotée dans
17 le prétoire, qui devient donc la pièce P407. Je vous remercie.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci bien.
19 Monsieur Rogers, à vous.
20 M. ROGERS : [interprétation]
21 Q. Vous nous avez dit que vous étiez entré dans la pièce dans laquelle se
22 trouvait Lahi. Que s'est-il passé à ce moment-là ?
23 R. Lorsque nous sommes entrés dans cette pièce, il s'y trouvait deux
24 femmes et une autre personne. Ça, je l'ai déjà dit. Et Lahi a commencé à me
25 poser des questions. Il m'a demandé : A partir de quelle direction les
26 Serbes ont-ils pénétré dans Gjurgjevik i
27 Madh ? Et j'ai dit que je ne le savais pas, que je ne m'étais pas trouvé à
28 Gjurgjevik i Madh. A ce moment-là, il a dit aux jeunes femmes : Est-ce que
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1 vous voulez vous exercer un peu ? Et elles ont commencé à me frapper avec
2 une espèce de matraque.
3 Q. Je vous interromps.
4 Monsieur, est-ce que vous pourriez nous décrire l'aspect de cette
5 pièce ? Est-ce qu'elle contenait du mobilier ?
6 R. D'un côté, derrière la porte, il y avait un ordinateur qui se trouvait
7 sur une table. Au milieu de la pièce, il y avait une pièce de lit sur
8 lequel étaient assis M. Lahi et l'autre homme. Et puis, il y avait aussi
9 une chaise.
10 Q. Et vous, vous vous trouviez où dans cette pièce ?
11 R. Moi, j'étais à côté de la porte.
12 Q. Pourriez-vous nous aider en nous disant à quoi servait cet ordinateur ?
13 R. Je ne sais pas. Mais en tout cas, ils ont pris toutes mes coordonnées :
14 nom, prénom, date de naissance. Je ne sais pas à quoi ils avaient
15 l'intention d'appliquer ces données. Mais en tout cas, ils m'ont pris mes
16 coordonnées.
17 Q. Les deux femmes présentes ainsi que cet autre homme étaient habillés
18 comment ?
19 R. Ils portaient un uniforme noir.
20 Q. Arboraient-ils des insignes particuliers ou des emblèmes particuliers
21 que vous auriez pu reconnaître, des écussons peut-être ?
22 R. Les femmes, je pense qu'elles n'arboraient aucun insigne ou qu'elles
23 n'avaient aucun écusson sur leurs vêtements. Mais je n'en suis pas sûr à
24 100 %. Il est possible que j'aie pu l'oublier. Quant à l'autre homme, il
25 avait effectivement un insigne.
26 Q. Quel était cet insigne ?
27 R. Les lettres "PU" sur la manche.
28 Q. Pouvez-vous nous dire si vous savez qui était l'une ou l'autre de ces
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1 trois autres personnes présentes dans la salle ?
2 R. Non, je ne les connaissais pas. Je ne les avais jamais vues et ne les
3 ai jamais revues par la suite.
4 Q. Essayez, je vous prie, de nous aider en nous disant comment s'est
5 déroulé l'interrogatoire dans cette pièce.
6 Qui posait les questions ?
7 R. C'est Lahi qui m'a interrogé en premier. Il m'a posé des questions au
8 sujet de Gjurgjevik i Madh, en me demandant comment la police avait pénétré
9 dans ce village de Gjurgjevik i Madh. Je lui ai dit que moi je n'étais pas
10 sur les lieux; puisque je me trouvais à Gjurgjevik i Vogel, où il n'y avait
11 aucune force de police. Autrement dit, dans le village dans lequel je me
12 trouvais, il n'y avait pas eu de combats.
13 Q. Est-ce que, pendant que vous étiez interrogé, des accusations ont été
14 portées contre vous ?
15 R. Seulement en rapport avec Gjurgjevik i Madh. Et aussi au sujet de la
16 kalachnikov, ce fusil automatique qui appartenait à Veseli.
17 Q. Qu'est-ce qui a été dit au sujet de cette arme ?
18 R. On m'a demandé : Où est l'arme ? Où est-ce que tu l'as laissée ? Moi,
19 j'ai répondu que je l'avais rendue à la personne qui me l'avait décrite
20 comme lui appartenant. Mais Lahi n'a rien écouté de ce que je lui ai dit.
21 Et il m'a remis son revolver en me disant : Tiens, prends ce revolver et
22 tue-toi toi-même, parce que je ne voudrais pas me salir les mains avec ton
23 sang.
24 Q. Qui a dit cela ? Qui vous a donné le revolver et vous a dit cela ?
25 R. Lahi.
26 Q. Et l'autre homme, est-ce qu'il vous a dit quelque chose ?
27 R. Oui. L'autre homme m'a dit : Avoue ce que tu as fait, parce que je me
28 suis trouvé dans la même situation que toi par le passé, mais aujourd'hui
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1 je suis le meilleur des soldats. Si tu n'avoues pas ce que tu as fait, on
2 ira à Gllogjan hisser le drapeau, et ensuite on reviendra, et tu verras que
3 tu devras avouer.
4 Mais je ne sais pas de quel Gllogjan il parlait à ce moment-là.
5 Q. Et vous avez pensé que vous deviez avouer quoi ?
6 R. Je ne savais pas ce que je devais avouer. Parce que si j'avais fait
7 quelque chose de répréhensible, je l'aurais avoué, mais ce n'était pas le
8 cas. Je n'étais jamais à Gjurgjevik i Madh. Je ne sais même pas où se
9 trouve ce village. Moi, j'étais à (expurgé)
10 (expurgé)
11 pendant tout le temps que j'ai passé dans cette maison, aucun policier
12 n'est arrivé. C'était un secteur qui était connu comme secteur libre.
13 M. ROGERS : [interprétation] J'aimerais que nous passions à huis clos
14 partiel rapidement, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
17 clos partiel. Je vous remercie.
18 [Audience à huis clos partiel]
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
2 M. ROGERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Monsieur le Témoin, s'agissant des deux femmes qui se trouvaient dans
4 cette pièce, qu'ont-elles fait, ces deux femmes ?
5 R. Elles m'ont frappé -- ou plutôt, excusez-moi. Elles étaient là dans la
6 pièce. Et lorsque Lahi leur a demandé : Est-ce que vous voulez vous
7 exercer, elles ont commencé à m'asséner des coups à l'aide d'une espèce de
8 matraque.
9 Q. Les interprètes anglais ont prononcé les mots "they were staying
10 there." Est-ce que c'est exact ?
11 R. Oui, oui, je les ai trouvées là quand je suis rentré dans la pièce.
12 Q. Quel genre de matraque utilisaient-elles pour vous
13 frapper ? Est-ce que vous pourriez la décrire ?
14 R. On appelle cela un "fedel [phon]". C'est une petite matraque de la
15 taille que je vous montre avec mes mains.
16 Q. Apparemment, la dimension que vous avez indiquée à l'aide de vos mains
17 est d'environ 30 centimètres. Est-ce que c'est bien
18 cela ?
19 R. Oui, oui. Peut-être un petit peu plus longue.
20 M. ROGERS : [interprétation] Au compte rendu en anglais, on lit 30
21 kilomètres. Je pense qu'il faudrait remplacer par 30 centimètres, n'est-ce
22 pas ? Merci.
23 Q. Combien de temps ces coups ont-ils duré, les coups qui vous ont été
24 assénés à l'aide de cette matraque ?
25 R. Je ne sais pas. Cinq minutes, dix minutes, peut-être plus. Je n'ai plus
26 le souvenir exact aujourd'hui.
27 Q. Quel genre de blessures ont été sur vous la conséquence de ces coups,
28 si vous avez présenté des blessures ? Et est-ce que vous pourriez les
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1 décrire ?
2 R. Ce n'était pas des coups suffisamment forts pour provoquer chez moi des
3 lésions. Ou peut-être mon corps entier était-il déjà enflé et peut-être
4 n'ai-je rien senti à cause de cela.
5 Q. Suite à ces coups, où êtes-vous allé ? Que s'est-il passé ?
6 R. Après les coups que j'ai reçus, je suis retourné dans la pièce dans
7 laquelle se trouvaient mes camarades. Et quelques minutes plus tard, je
8 leur ai annoncé : J'ai l'intention de m'évader, de partir. Si vous voulez,
9 vous pouvez m'accompagner. Moi je ne supporte plus de rester ici. J'ai
10 prononcé ces mots parce que j'avais peur qu'il revienne. Il m'avait dit :
11 N'est-ce pas, quand je reviendrai, il va falloir que tu avoues ou je te
12 trancherai la gorge. Et j'ai pensé qu'il était préférable que je n'attende
13 pas son retour et que je n'attende pas qu'il me tranche la gorge.
14 Q. Qui vous a dit cela ?
15 R. C'est l'homme qui était à côté de Lahi, dans l'autre pièce.
16 Q. Donc vous dites que vous ne vouliez pas attendre le retour de cet
17 homme. Et, en fait, qu'avez-vous fait ?
18 R. Je suis allé, comme je l'ai dit, dans la pièce où se trouvaient mes
19 camarades, et j'ai dit à Skender et à l'autre homme qui se trouvait là que
20 j'avais pris ma décision et que j'allais partir. Qu'il était préférable à
21 mon avis d'être tué par une balle que d'attendre que cet homme revienne
22 pour me trancher la gorge.
23 Q. Comment vous êtes-vous évadé ?
24 R. Il y avait une fenêtre dans cette pièce. Donc j'ai enlevé la vitre et
25 j'ai grimpé et sauté par la fenêtre.
26 Q. Mais comment avez-vous réussi à enlever la vitre ?
27 R. Le panneau de la fenêtre n'avait pas été bien posé. Et je ne sais pas,
28 est-ce c'est Dieu qui m'en a donné la force, mais en tout cas j'ai réussi à
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1 enlever ce panneau vitré.
2 Q. Que s'est-il passé une fois que vous avez enlevé le panneau vitré ? Où
3 est-ce que vous êtes allé ?
4 R. Je suis sorti et j'ai commencé à courir. Il y avait un ruisseau entre
5 la maison et les bois, et j'ai pénétré dans les bois. Ils m'ont vu avant
6 que je n'atteigne le ruisseau. L'un des soldats m'a donc vu et a commencé à
7 tirer dans ma direction. J'ai vu que Skender était resté là-bas. Il n'a pas
8 pu traverser le cours d'eau.
9 Q. Est-ce qu'il avait donc pu s'échapper également par la fenêtre, autant
10 que vous ayez pu le voir ?
11 R. Oui, oui. Je l'ai vu sortir du bâtiment. Il rampait quand je l'ai vu,
12 parce qu'il n'était pas capable de marcher debout. J'avais plus de forces
13 que lui parce que je n'avais été frappé que durant la première journée de
14 détention, et je n'avais pas été battu de manière aussi sauvage. Et durant
15 la première nuit, Nazmi, qui était le frère de Lahi, nous a rendu visite et
16 nous a donné des coups de pied mais qu'à un moment donné. C'était sa
17 manière de nous saluer. Mais il nous n'a pas vraiment blessés.
18 Q. Lorsque vous avez été interrogé dans cette pièce, est-ce que vous
19 saviez pourquoi on vous posait des questions concernant le village de
20 Gjurgjevik i Madh ?
21 R. Ils pensaient m'avoir vu au sommet d'un char serbe et que j'avais donc
22 aidé les Serbes qui étaient entrés dans Gjurgjevik i Madh.
23 Q. C'est la raison pour laquelle --
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers, nous sommes en
25 audience publique.
26 M. ROGERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je suis au
27 courant. Mais je pense que ce n'est pas un problème que de mentionner ce
28 village-là.
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1 Q. Donc, d'après vous, on vous accusait de quoi exactement ?
2 R. Eh bien, je viens de vous le dire. Apparemment, quelqu'un m'avait vu à
3 Gjurgjevik i Madh, où j'aurais été soi-disant à bord d'un tank et
4 j'attaquais les Albanais. Mais ceci n'avait rien à voir avec moi. Je ne me
5 suis jamais rendu dans ce village, le village de Gjurgjevik i Madh. Et si
6 les Serbes m'y avaient trouvé, soit ils m'auraient tué, soit ils m'auraient
7 frappé, mais de toute façon ils auraient réagi. Quoi qu'il en soit, ils
8 m'accusaient de cela, même si cela n'était pas vrai. Ils n'avaient aucune
9 preuve.
10 Pour ce qui est du kalach, Vesel peut-être leur avait parlé ou peut-
11 être qu'ils auraient pu -- s'ils avaient essayé, ils auraient pu demander à
12 Vesel pour obtenir directement des renseignements de sa part et ils
13 auraient pu résoudre la situation. Mais je ne comprends toujours pas
14 pourquoi. Parce que je n'ai jamais été en faveur de la dictature serbe.
15 J'ai été frappé à plus de 15 reprises par la police serbe. J'ai été arrêté.
16 La police serbe a forcé mon père à me frapper. Je leur ai dit que j'étais
17 issu d'une famille -- et nous avions un nom de famille que les Serbes
18 avaient demandé que nous changions, et que si nous ne le faisions pas, ils
19 nous auraient brûlé les pieds. Donc toutes ces accusations contre moi
20 étaient absolument rocambolesques. Et je ne peux pas croire que ces
21 accusations étaient fondées.
22 Q. Après avoir quitté votre lieu de détention, où êtes-vous allé ?
23 R. Eh bien, de là, je suis allé -- est-ce que je peux le mentionner ? Est-
24 ce que nous sommes à huis clos partiel ?
25 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
26 peut-on peut-être passer rapidement à huis clos partiel.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
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1 Juges, nous sommes à huis clos partiel. Merci.
2 [Audience à huis clos partiel]
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28 [Audience publique]
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
2 Poursuivez, Monsieur Rogers.
3 M. ROGERS : [interprétation]
4 Q. Monsieur le Témoin, nous sommes donc au village de Jabllanice et vous
5 êtes dans un magasin. Lahi vous voit à proximité de ce magasin et il
6 commence à vous insulter et vous dit : Alors, c'est là que tu te trouves,
7 traître. Et il vous a menacé avec un pistolet et il vous a traîné chez lui.
8 Est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Et que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivé chez Lahi ?
11 R. [aucune interprétation]
12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à M. Rogers de répéter sa
13 question.
14 M. ROGERS : [interprétation]
15 Q. Les interprètes ont du mal à comprendre.
16 J'aimerais savoir ce qui s'est produit lorsque vous êtes arrivé chez
17 lui. Est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît.
18 R. Lorsque je suis arrivé chez lui, il m'a dit : Tu t'es échappé d'une
19 prison. Et il m'a donné des baffes. Il y avait une femme qui était là déjà
20 lorsqu'ils m'avaient frappé, et lorsqu'il y avait cette autre femme qui
21 m'avait frappé. C'était une femme blonde. Et nous sommes tous descendus à
22 l'étage inférieur. Ils m'ont fait monté à bord du même véhicule, mais il y
23 avait en fait le signe d'un aigle qui était peint sur ce véhicule.
24 Q. Et vous dites que cette femme blonde s'était déjà trouvée sur place
25 avant. Mais qu'entendez-vous par là, lorsque vous dites qu'elle s'était
26 trouvée "là-bas avant cela" ?
27 R. Lahi m'avait interrogé précédemment.
28 Q. Vous venez de dire aussi "c'était le même véhicule."
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1 Que voulez-vous dire par là ?
2 R. C'était la même Mercedes.
3 Q. La même Mercedes que quand, que laquelle ?
4 R. La même voiture que celle par laquelle on m'avait conduit la première
5 fois, du village où je me trouvais avant que je ne prenne la fuite.
6 Q. Quand vous avez pris la voiture, c'était de votre propre gré ou non ?
7 R. Non, non. Ils m'ont pris au magasin. Ils m'ont dit que j'étais un
8 traître et ils m'ont frappé, ils m'ont donné une gifle. Et maintenant, il
9 m'a accusé comme quoi, paraît-il, Skender Kuqi m'aurait promis 10 000
10 deutsche marks si je pouvais le tirer de prison. Et j'ai dit que ce n'était
11 pas vrai. Il m'a dit : J'ai un témoin.
12 Il m'a emmené voir quelqu'un, et il lui a demandé si Skender m'avait
13 promis de me donner 10 000 marks allemands.
14 Q. Et c'était qui, cette personne qu'il vous a présentée, et où est-ce que
15 cela s'est passé ?
16 R. Il m'a emmené dans la même pièce où je m'étais trouvé précédemment. Il
17 y avait cette autre personne, je ne vais pas donner son nom, et il y avait
18 Skender. Il y avait le Catholique.
19 Q. Est-ce que c'est la pièce où vous étiez placé en détention ou est-ce
20 que c'est un autre endroit ? De quelle pièce parlez-vous maintenant ?
21 R. Oui, c'était la même pièce. Mais au moment où je suis rentré, je ne
22 voyais plus Skender là-bas.
23 Q. Et--
24 XXX FIN DE TAKE NO. 67 - PAGE 84 XXX
25
26 XXX Simon - TAKE NO.068 - PAGE NO.84 XXX
27 --vous avez vu l'autre homme que vous appelez le Catholique. Comment
28 saviez-vous que c'était un Catholique ?
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1 R. Lahi m'a amené là, et il lui a demandé si c'était bien à moi à qui
2 Skender avait promis 10 000 deutsche marks. Il a fait un signe de la croix
3 et il a dit : Non, ce n'est pas vrai. Il nous a simplement dit qu'il allait
4 s'enfuir de cette prison et m'a demandé de le rejoindre. C'est tout ce
5 qu'il a dit.
6 Q. Et donc, la personne qui a fait le signe de la croix, lorsque vous
7 parlez de cette personne, c'est qui, cette personne qui a dit : Non, ce
8 n'est pas vrai ?
9 R. Mais c'est la même personne avec laquelle je m'étais trouvé dans la
10 même pièce la première fois.
11 Q. Et Lahi, qu'est-ce qu'il a dit après avoir entendu cette personne dire
12 que ce n'était pas vrai ?
13 R. Lahi m'a pris sur-le-champ et m'a emmené dans sa voiture. Et c'était la
14 même voiture. Il m'a installé sur le siège avant, à côté du conducteur. Et
15 la femme blonde, elle était à l'arrière et elle a appuyé le canon d'un
16 pistolet sur ma nuque. Et elle a dit : Si vous bougez, vous êtes mort.
17 Q. [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Rogers, un instant.
19 Page 80, lignes 22 et 23 : "Il m'a amené dans la même pièce où je
20 m'étais trouvé avant. Il y avait cette autre personne, je ne donne pas le
21 nom, et Skender. Le Catholique."
22 Donc l'autre personne dont "je ne donne pas le nom" est le
23 Catholique.
24 Mais le nom a été mentionné précédemment, et je ne sais pas si c'était à
25 huis clos partiel. Etait-ce à huis clos partiel ?
26 M. ROGERS : [interprétation] Le nom de l'autre homme ?
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.
28 M. ROGERS : [interprétation] Je ne pense pas que cela se soit passé à huis
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1 clos partiel. Il y a eu un échange là-dessus --
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, justement.
3 Pourquoi est-ce que cette fois-ci le témoin ne donne pas le nom de cet
4 homme, du Catholique. Vous connaissiez son nom.
5 Vous ne le dites pas parce que nous sommes en audience
6 publique ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. J'ai peur que si je mentionne son
8 nom, les gens vont savoir. Lorsque j'ai mentionné son nom, on m'a demandé
9 comment je le connaissais. Et c'est la raison pour laquelle je l'ai dit.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais c'est le même
11 homme ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
14 M. ROGERS : [interprétation] Est-ce que cela rend les choses plus claires ?
15 Oui. Je comprends la difficulté. Nous sommes allés d'un nom, en passant par
16 le Catholique, au troisième homme, et je comprends que cela peut prêter à
17 confusion.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [hors micro]
19 M. ROGERS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
20 Q. Donc nous sommes arrivés à la scène de la voiture. Vous êtes dans la
21 voiture. Vous avez dit que cette femme vous a menacé du pistolet à bout
22 portant posé contre votre nuque. Que s'est-il passé par la suite ?
23 R. La voiture a avancé pendant deux ou trois minutes. Nous sommes allés de
24 l'endroit où l'on m'a pris jusqu'à l'endroit qui s'appelle Mllaka. C'est
25 moins de cinq minutes en voiture. Et j'ai dit: Lahi, il faut soit que tu me
26 libères, soit que tu me fasses ce que tu as l'intention de faire. Et il m'a
27 sorti de la voiture. Il a ouvert le coffre. Là, il y avait une caisse de
28 bière. Il a sorti la bière, il m'a placé à l'intérieur et il a refermé le
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1 coffre.
2 Q. Et donc, que s'est-il passé ? Maintenant, vous êtes dans le coffre
3 fermé de cette voiture ?
4 R. Je ne sais pas pendant combien de temps la voiture a avancé, pendant
5 combien de temps a duré le trajet. Je n'avais pas de montre. Nous nous
6 sommes arrêtés à un endroit. Il a ouvert le coffre et il m'a demandé :
7 Apprécies-tu la musique que je suis en train d'écouter ? Et il a pris le
8 pistolet et il a commencé à m'insulter, et il a dit : Est-ce qu'il faut que
9 j'appuie sur la gâchette ? Je lui ai dit : Oui, oui, appuie.
10 J'étais un peu sur le côté, puisque, comme vous le savez, les coffres
11 sont petits. Donc j'étais appuyé sur un côté. Il a appuyé sur la gâchette,
12 puis il y avait de la fumée qui est sortie du pistolet. Et j'ai pensé que
13 j'étais blessé, mais je n'ai pas vu de sang s'écouler de mon corps. Et à ce
14 moment-là, il a refermé le coffre.
15 Et de là, il m'a amené à un autre endroit. Je ne sais pas où.
16 Q. Alors, comment interprétez-vous cet incident avec cette arme ? Est-ce
17 que vous avez pu comprendre ce que c'était, de quoi s'est-il servi
18 lorsqu'il a appuyé et lorsqu'il y a eu de la fumée qui est sortie ? C'était
19 quoi, le savez vous ?
20 R. Je ne sais pas. Si j'avais su que c'était un faux, que ce n'était pas
21 véritablement une arme, peut-être que j'aurais dit quelque chose en
22 essayant de me défendre. Je l'aurais peut-être attaqué, j'aurais essayé de
23 sortir de la voiture.
24 Q. Et pendant cet incident, posant que vous étiez dans le coffre de cette
25 voiture enfermé, que pensiez-vous qu'allait-il advenir de vous ?
26 R. Je pensais qu'ils allaient m'amener quelque part pour me tuer dans le
27 secret. Quoi d'autre aurais-je pu penser ?
28 Q. Et après qu'il ait appuyé sur cette gâchette et que vous ayez éprouvé
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1 de la douleur et qu'on ait refermé le coffre, où est-ce que la voiture est
2 allée ? Que s'est-il passé ?
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'ai pas entendu le témoin dire :
4 "J'ai ressenti de la douleur."
5 M. ROGERS : [hors micro]
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il a dit : "J'ai pensé être blessé,
7 mais je n'ai pas vu de sang couler. Et après, il a refermé le coffre."
8 M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.
10 M. ROGERS : [interprétation]
11 Q. Donc vous avez dit -- en fait, qu'est-ce qui vous a fait pensé que vous
12 étiez blessé ?
13 R. Parce que j'ai ressenti la douleur. Quand j'ai appuyé, j'ai senti que
14 ça faisait mal.
15 Q. D'accord. Donc vous êtes dans le coffre de cette voiture, et ensuite
16 que se passe-t-il ? Où se rend la voiture ? Où est-ce que vous finissez par
17 vous retrouver ?
18 R. Il a refermé le coffre et il m'a amené ailleurs, mais je ne sais pas
19 où. De nouveau, il a ouvert le coffre et il a dit : J'ai apporté quelqu'un
20 de bien pour toi. Il a parlé à quelqu'un et il a dit : Nous n'avons pas
21 besoin de ce genre de personne. Et il m'a cogné. J'étais toujours dans le
22 coffre, et comme je vous ai dit, j'étais toujours allongé sur le côté. Et
23 là, il m'a emmené au village de Gllogjan. Je n'avais jamais été à Gllogjan
24 de Decan précédemment.
25 Q. Donc ce n'est pas le Gllogjan catholique; c'est l'autre Gllogjan ?
26 R. Oui. C'est le Gllogjan de Decan. Ce n'est pas le même.
27 Q. Et que s'est-il passé là-bas ? Que s'est-il passé dans cet autre
28 Gllogjan ?
Page 1583
1 R. Dans cet autre Gllogjan, il m'a emmené dans une maison, c'était le
2 quartier général. C'était le village de M. Ramush. C'était comme un QG.
3 C'est comme ça qu'ils l'appelaient, QG.
4 Q. [aucune interprétation]
5 R. Celui de M. Ramush Haradinaj.
6 Q. Mais d'après ce que vous avez compris, qui était responsable de ce QG à
7 l'époque dans le village de Gllogjan ?
8 R. Je ne sais pas qui était responsable à ce moment-là. Je n'avais aucun
9 renseignement. Je ne savais même pas que nous étions dans le village de
10 Gllogjan. Mais j'ai vu un parent de Selim. Je sais que la sœur de Selim est
11 mariée là-bas, et j'ai vu son beau-frère dans la maison. Donc c'est ce qui
12 m'a permis de comprendre que le QG se trouvait à cet endroit, et d'ailleurs
13 je voyais circuler des soldats en uniforme.
14 Q. Que s'est-il passé à cet endroit, dans ce QG de Gllogjan ?
15 R. Il a rouvert une nouvelle fois le coffre et m'a dit : Je t'ai amené
16 chez des gens biens. Et il m'a tapoté l'épaule.
17 Quelqu'un, à ce moment-là, m'a emmené au deuxième étage de la maison.
18 Nous avons monté les escaliers. A droite, il y a une petite pièce. Il avait
19 à la main un petit morceau de bois.
20 Q. Vous dites "il avait à la main." De qui s'agit-il ? Qui est ce "il" ?
21 R. Je ne sais pas. Encore aujourd'hui, je ne sais pas.
22 Q. Vous avez dit "il m'a fait sortir du coffre." Quand vous parlez de
23 l'homme qui vous avait fait sortir du coffre, vous parlez de qui ?
24 R. Lahi m'a fait sortir du coffre.
25 Q. Et ensuite, vous semblez vous trouver avec un autre homme qui a un
26 bâton en bois à la main. Que s'est-il passé entre les deux ?
27 R. Au départ, cet homme était dans la cour lorsque nous sommes arrivés à
28 cet endroit. Il a parlé à Lahi, qui m'a dit : Je t'ai amené chez des gens
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1 biens, et qui m'a tapoté l'épaule.
2 Et donc, cet autre homme n'avait rien à voir avec le premier. Nous
3 avons monté les escaliers, il y avait là -- nous sommes entrés dans la
4 pièce dont j'ai parlé tout à l'heure. Et l'homme qui avait le morceau de
5 bois dans la main m'a dit : Mets tes mains sur la table.
6 Q. Cet homme qui vous a emmené dans la pièce, comment était-il habillé, je
7 vous prie ?
8 R. Il portait un uniforme de l'armée, pas un uniforme noir, mais un
9 uniforme de camouflage.
10 Q. Est-ce qu'il arborait des insignes ou des écussons vous permettant
11 éventuellement de l'identifier ?
12 R. Uniquement des insignes de l'UCK.
13 Q. En dehors de cet homme, est-ce que vous avez vu d'autres soldats dans
14 les environs dans ce QG que vous décrivez ?
15 R. Quand je suis entré dans la pièce, j'y ai trouvé présentes quatre ou
16 cinq personnes, pas davantage d'ailleurs, pas dix personnes. Il m'a fait
17 entré dans la pièce et m'a dit : Mets tes mains sur la table. Il y avait
18 une table dans cette pièce. Au début, j'ai refusé de mettre mes mains sur
19 la table. Et ensuite, il a commencé à m'asséner des coups sur le corps. Et
20 à ce moment-là, j'ai mis les mains sur la table.
21 Q. Pouvez-vous décrire plus en détail cette pièce ? Est-ce qu'il y avait
22 des meubles dans cette pièce ? Quel était l'aspect des murs ? Est-ce que
23 vous avez remarqué quelque chose de particulier ?
24 R. Non, il n'y avait pas de meubles. Il n'y avait qu'une table en bois, un
25 peu semblable à celle qui se trouve ici. Mais non, il n'y avait pas
26 d'autres meubles.
27 Q. Et les murs, est-ce que vous avez remarqué quelque chose de particulier
28 au sujet des murs ?
Page 1585
1 R. Je crois avoir vu des taches de sang sur l'un des murs de la pièce. Je
2 ne me rappelle pas si le mur était peint ou pas, mais ce dont je me
3 souviens, c'est que j'ai vu des taches de sang sur le mur.
4 Q. Vous dites qu'il s'est mis à vous frapper sur tout le corps. Quelle
5 était la violence de ces coups ?
6 R. La plus grande possible.
7 Q. Et vous disait-il quelque chose en même temps qu'il vous frappait ?
8 R. Non. Il me posait la question de savoir simplement ce que j'avais fait.
9 Je répondais que je ne savais pas.
10 Et à ce moment-là, il recommençait à me frapper, sans dire un mot.
11 Q. Une fois que vous avez mis les mains sur la table, que s'est-il passé ?
12 R. Il a commencé à me frapper les mains jusqu'à ce que j'atteigne la
13 limite du supportable. A ce moment-là, je retirais mes mains de la table,
14 et lui se remettait à me frapper sur le corps.
15 Tout cela a duré dix minutes, puis 15 minutes. Et ensuite, deux
16 jeunes garçons sont entrés dans la pièce. Ils portaient un uniforme de
17 couleur noire et ils m'ont demandé : Qu'as-tu fait ? De quoi t'accuse-t-on
18 ? J'ai répondu que je ne le savais pas.
19 Les deux jeunes garçons ont quitté la pièce. Le blond a voulu revenir
20 sur ses pas, pénétrer à nouveau dans la pièce pour me frapper, mais les
21 autres l'ont empêché de le faire.
22 Q. Que s'est-il ensuite passé ? Est-ce que vous êtes resté dans cette même
23 pièce ou est-ce que vous êtes allé dans une autre pièce ?
24 R. Je suis resté dans cette même pièce jusqu'au retour des deux jeunes
25 gens dont je viens de parler. Ils sont revenus et m'ont demandé si j'avais
26 des cigarettes sur moi. J'ai répondu que j'en avais, mais qu'elles avaient
27 dû tomber dans le coffre de la voiture. Ils ont rapporté mes cigarettes et
28 mes allumettes, et à ce moment-là un homme, dont je pense qu'il s'agissait
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1 de Ramush, parce que les autres s'adressaient à lui en l'appelant
2 commandant, et c'était un homme que j'avais déjà vu, m'a demandé : Qui t'a
3 amené ici ? J'ai répondu que c'était Lahi. Il m'a proposé du pain à ce
4 moment-là. Il m'a donné du pain. Et il m'a fait sortir de la pièce. Il m'a
5 demandé si j'avais un endroit où je pouvais passer la nuit dans le village.
6 J'ai répondu que non, parce que je ne connaissais personne dans le village.
7 A ce moment-là, il m'a emmené dans une autre pièce de plus grande taille où
8 les soldats passaient la nuit en général. Et il m'a conseillé de ne pas me
9 coucher près de la fenêtre en raison des bombardements et m'a dit que le
10 lendemain, je pouvais rejoindre ma famille.
11 Q. Avez-vous passé la nuit à cet endroit ou est-ce que vous êtes parti
12 avant la tombée de la nuit ?
13 R. Il était déjà 23 heures à peu près quand un soldat est arrivé et m'a
14 dit : Le commandant veut que tu descendes le rejoindre en bas. Je suis donc
15 descendu avec lui. J'avais toujours très peur.
16 Q. Que pensiez-vous qu'il risquait de vous arriver ?
17 R. J'avais peur parce que je savais que Lahi ne m'avait pas emmené à cet
18 endroit pour que je devienne président. Mais bien entendu, pour que je
19 souffre.
20 Q. Pourquoi pensiez-vous qu'il vous avait emmené à cet
21 endroit ? Vous dites que vous pensiez qu'il ne vous avait pas emmené à cet
22 endroit pour devenir président, mais à quelle fin pensez-vous qu'il vous
23 avait emmené à cet endroit ?
24 R. Pour que j'y sois tué.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi.
26 Le témoin a parlé de 11 heures. Il a dit qu'un soldat était arrivé à
27 11 heures. C'était 11 heures du matin ou 11 heures du soir ?
28 M. ROGERS : [interprétation] Je crois qu'il s'agissait de 11 heures du
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1 soir.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le jour même où il est arrivé à cet
3 endroit, n'est-ce pas ?
4 M. ROGERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est ainsi que
5 j'ai compris ce qu'a dit le témoin.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est cela.
7 M. ROGERS : [interprétation]
8 Q. Donc un homme est entré dans la pièce, il a dit que le commandant
9 voulait vous voir -- enfin, à peu près ça. Vous l'avez accompagné. Vous ne
10 saviez pas exactement ce qui allait se passer. Et quand vous êtes arrivé au
11 bas des escaliers, que s'est-il passé ?
12 R. Quand je suis arrivé au bas des escaliers, j'ai vu des soldats. Il
13 faisait sombre. Et parce que j'avais les plus grandes craintes quant à ce
14 qui risquait de m'arriver, je craignais d'être tué ou quelque chose comme
15 cela, il s'est approché à mon niveau et m'a dit : Il y a des gens qui sont
16 là pour toi.
17 Q. Qui s'est approché de vous ?
18 R. Le commandant. Ou peut-être devrais-je dire Ramush, parce que c'était
19 Ramush qui était le commandant. Après la guerre, on m'a dit que c'était
20 Ramush en personne.
21 Q. Donc, à ce moment-là, vous ne saviez pas qui était cet homme, mais vous
22 saviez que c'était la personne que l'on désignait par le mot de
23 "commandant". Est-ce que cela résume bien votre situation à ce moment-là ?
24 R. Oui, oui.
25 Q. Et ce commandant, que vous a-t-il dit ?
26 R. Il m'a dit : Il y a des gens qui sont venus te chercher et qui sont là.
27 Au départ, il m'avait dit que je passerais la nuit sur place et que je
28 devrais faire attention à la fenêtre pendant la nuit à cause des
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1 bombardements.
2 Et ensuite, il m'a dit qu'il y avait quelqu'un qui était venu là pour
3 m'accompagner jusqu'à ma famille. Mais Naser était venu du village de
4 Jabllanice en compagnie de quelqu'un d'autre, Miftar. Miftar Brahimaj. Et
5 ils m'ont dit qu'ils étaient venus de Jabllanice pour me chercher. Donc
6 celui qui était le commandant m'a dit : Oublie ce qui s'est passé. Retourne
7 dans ta famille et oublie tout ce qui s'est passé. Tu es libre.
8 Q. Et vous avez accompagné ces hommes jusqu'à Jabllanice, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Merci.
11 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment
12 est tout à fait opportun pour suspendre l'audience pour aujourd'hui. Je ne
13 pense pas que j'en aie encore pour longtemps demain.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Merci beaucoup, Monsieur
15 Rogers.
16 Monsieur le Témoin, nous n'avons pas pu terminer votre audition
17 aujourd'hui, donc il vous faudra revenir demain à 14 heures 15 dans cette
18 salle d'audience, comme vous l'avez fait aujourd'hui.
19 Je vous prie de ne pas perdre de vue que vous êtes toujours lié par
20 le serment prononcé au début de votre déposition, selon lequel vous vous
21 engagiez à dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Donc il
22 vous est interdit de discuter de votre déposition avec qui que ce soit, et
23 en particulier avec quelque membre de l'équipe qui vous interroge ici même,
24 tant que votre déposition n'est pas terminée; d'accord ?
25 Donc vous pouvez vous retirer pour la soirée.
26 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais avant cela, je demande un passage
28 à huis clos.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
2 clos. Merci.
3 [Audience à huis clos]
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
15 La Chambre suspend l'audience pour aujourd'hui et reprendra ses
16 débats demain à 14 heures 15 dans cette même salle.
17 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 1er
18 novembre 2011, à 14 heures 15.
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