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1 Le mardi 27 octobre 2009
2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est absent]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander au greffier de citer
7 l'affaire inscrite au rôle.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Madame et Messieurs les Juges,
9 affaire IT-95-5/18-T, le Procureur contre Radovan Karadzic.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
11 Bonjour. J'aimerais tout d'abord demander à l'Accusation de se présenter.
12 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alan Tieger,
13 Hildegard Uertz-Retzlaff et Iain Reid au nom de l'Accusation.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
15 Je constate que M. Karadzic, l'accusé, n'est de nouveau pas présent,
16 en dépit de la demande tant écrite et orale qu'a faite la Chambre et en
17 dépit de la mise en garde de la Chambre. La Chambre regrette la décision
18 qu'a prise l'accusé. Il a décidé de s'absenter une fois de plus des débats.
19 C'est un choix qu'il a fait. Il doit, par conséquent, en accepter les
20 conséquences inévitables. Nous lui rappelons la mise en garde que nous
21 avions formulée. Dans certaines circonstances, la Chambre va éventuellement
22 décider de procéder à la poursuite des débats en l'absence d'un accusé et
23 peut décider d'imposer un conseil. Je relève ceci, même si un accusé a le
24 droit, droit fondamental d'être présent au procès qui lui est intenté, nous
25 reconnaissons aujourd'hui que ce droit n'est pas un droit absolu. De plus,
26 lorsqu'un accusé décide, choisit de mettre en exergue et d'exercer le droit
27 de ne pas être présent, la Chambre peut considérer qu'il renonce par là à
28 ce droit.
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1 Ici, en l'occurrence, même si l'accusé a été dûment informé de la
2 date d'ouverture du procès, l'accusé a décidé de ne pas être présent. Hier,
3 nous l'avons informé également du fait que la Chambre allait commencer
4 aujourd'hui ce qui est le début des moyens à charge, le préliminaire, qui
5 est effectivement la présentation de la stratégie de l'accusé, mais n'est
6 pas un élément de preuve.
7 Et vu cette décision qu'a prise de façon unilatérale l'accusé de ne
8 pas être présent, nous décidons qu'il est possible de procéder en son
9 absence. Une fois de plus, la Chambre demande au greffe de fournir le
10 compte rendu de l'audience et la bande sonore de cette audience à l'accusé
11 ainsi qu'à ses conseilleurs juridiques.
12 S'il persiste à vouloir rester absent des débats, et s'il n'est pas
13 là au moment de la fin du propos liminaire de l'Accusation à l'audience
14 prochaine prévue mardi prochain dans l'après-midi, la Chambre décidera
15 peut-être que le procès se poursuivra en son absence. De surcroît, un
16 conseil peut, dans l'intérêt supérieur, être désigné pour le reste de la
17 procédure en application de l'article 45 ter du Règlement de procédure et
18 de preuve.
19 La Chambre de première instance prendra une décision en la matière à la fin
20 du propos liminaire de l'Accusation qui se terminera la semaine prochaine
21 et après avoir entendu les parties. Mais nous en rediscuterons à la fin de
22 l'audience d'aujourd'hui.
23 Je vais bientôt demander à l'Accusation de commencer la présentation
24 de son propos liminaire, mais je précise que nous allons faire deux pauses
25 cet après-midi pour des raisons techniques. La première pause se fera à 15
26 heures 35. Ce sera une pause de 25 minutes. La deuxième, ce sera à 5 heures
27 20 et elle durera elle aussi 25 minutes. Voilà, je vous remercie.
28 Monsieur Tieger, vous pouvez maintenant commencer votre propos liminaire. -
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1 - excusez-moi, je vous vois, Madame Uertz-Retzlaff.
2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, ce n'est pas moi qui vais
3 procéder à ce propos liminaire. C'est effectivement une charge qui revient
4 à M. Tieger. Mais je voudrais revenir sur un point de droit que je n'ai pas
5 abordé hier. Il s'agit de savoir s'il est possible de présenter un propos
6 liminaire en l'absence de l'accusé et en l'absence d'un conseil commis
7 d'office que nous avions demandé hier. Pour l'heure, j'aimerais vous faire
8 part de notre position.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je parle en mon nom personnel, mais est-
10 ce que cette question a encore lieu d'être ? Je pense que la Chambre a
11 rendu une décision et je pense qu'il est possible d'entendre le propos
12 liminaire en l'absence de l'accusé --
13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président --
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ou d'un conseil quel qu'il soit.
15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous nous rendons compte que vous
16 avez pris une décision, mais nous voudrions dire pour l'acter au dossier
17 quelle est notre position pour qu'il en soit pris compte.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
19 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je serai brève. Nous avons l'article
20 84 qui définit les circonstances du propos liminaire et il est clair que le
21 propos liminaire fait partie du procès. On peut estimer - et je constate
22 que c'est la position adoptée par la Chambre de première instance - on peut
23 penser que ce propos liminaire ne fait pas partie des moyens qu'apporte une
24 partie à charge de l'accusé et que ceci ne saurait créer aucun préjudice
25 pour l'accusé. Mais j'aimerais constater que la Chambre d'appel, dans sa
26 décision concernant le procès Seselj le 8 décembre 2006, lorsqu'il
27 s'agissait de la soumission faite par M. Seselj numéro 2, la Chambre
28 d'appel était d'un avis contraire que là aussi l'Accusation avait procédé à
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1 son propos liminaire en l'absence de l'accusé. Et au paragraphe 29 de cette
2 décision, la Chambre annule le propos liminaire par souci d'équité envers
3 l'accusé. Apparemment, ceci indique que la Chambre d'appel pensait que
4 l'accusé aurait dû être présent. Du coup, le propos liminaire de
5 l'Accusation a dû être répété.
6 C'est tout ce que je voulais dire. Merci.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre de première instance a fait
8 part de sa décision en l'espèce, et mardi nous allons parler de cette
9 question déjà évoquée à l'audience.
10 Mais je vais vous demander de terminer un peu avant 19 heures, car
11 j'aurais quelques mots à dire avant la fin de l'audience d'aujourd'hui.
12 Vous avez la parole, Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci, Madame,
14 Messieurs les Juges.
15 A peine trois semaines après les plus graves massacres commis sur le sol
16 européen depuis la Seconde Guerre mondiale, le commandant suprême des
17 forces impliquées expliquait à huis clos devant son parlement qui était
18 responsable de cette opération qui fit plus de
19 7 000 morts parmi les hommes et les jeunes gens et 25 000 expulsés parmi
20 les femmes, les enfants et les vieillards. Je cite :
21 "Le moment est venu," a-t-il dit, "et j'ai signé la directive numéro 7
22 relative à la prise de Teocak, Srebrenica, Zepa, et Gorazde. La directive
23 signée, nous allons l'appliquer. J'ai toujours été favorable à toutes les
24 décisions prises par nous et je les appuie. Elles sont toutes enregistrées
25 au commandement Suprême. J'ai donné oralement et par écrit l'ordre
26 d'attaquer Zepa et Srebrenica. Le moment était venu."
27 Depuis des années, le commandant suprême avait engagé les forces placées
28 sous ses ordres dans une campagne destinée à dépecer le territoire d'un
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1 pays multiethnique pour en extraire un Etat monoethnique. Si Zepa et
2 Srebrenica avaient échappé à son emprise, il avait procédé au nettoyage
3 ethnique de vastes portions de Bosnie-Herzégovine dont il avait encerclé et
4 assiégé la capitale. Avant même que tout cela ne commence, le commandant
5 suprême expliquait le sort futur de Sarajevo. Je cite :
6 "Il leur faut savoir que 20 000 Serbes en arme encerclent Sarajevo. C'est
7 insensé. Ils vont vraiment disparaître. Sarajevo deviendra un chaudron
8 infernal à l'intérieur duquel 300 000 Musulmans vont périr."
9 Ainsi c'est ce que qu'il envisageait pour les autres parties de la Bosnie-
10 Herzégovine sur lesquelles il avait jeté son dévolu, je cite :
11 "Ils vont disparaître. Ce peuple disparaîtra de la surface de la
12 terre."
13 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, les événements qui
14 devaient s'ensuivre, le nettoyage ethnique, les événements de Sarajevo et
15 de Srebrenica ont bien montré le mépris du commandant suprême pour le droit
16 et l'humanité dans la poursuite de ce qu'il percevait comme étant les
17 intérêts serbes. Un mois avant Srebrenica, il a confirmé son mépris vis-à-
18 vis des contraintes de la loi en expliquant à son parlement qu'il avait
19 ordonné la prise en otage de certains membres du personnel des Nations
20 Unies dans le but de montrer qu'il était prêt à utiliser, je cite : "Des
21 mesures draconiennes." Il expliquait également que les Serbes
22 s'apprêtaient, je cite : "A se défendre par tous les moyens," nonobstant la
23 condamnation internationale. Comme il l'avait dit en octobre 1992,
24 prévoyant la réaction internationale à ce qu'il avait planifié. Je cite :
25 "On dira à l'Europe d'aller se faire foutre et de ne pas revenir,
26 tant que le travail n'est pas terminé."
27 La présente affaire, Monsieur, Madame les Juges, est centrée sur ce
28 commandant suprême qui a mobilisé les forces du nationalisme et de la N
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1 [comme interprété], ainsi que les forces de la terreur, pour mettre en
2 œuvre sa vision d'une Bosnie ethniquement divisée.
3 Cette affaire est centrée sur Radovan Karadzic.
4 En juillet 1990, Radovan Karadzic n'était que simple psychiatre à
5 Sarajevo, ville renommée pour son charme et sa diversité, capitale d'une
6 république multiethnique. Durant ce mois de juillet, il fut élu président
7 du parti nouvellement créé, le SDS. Deux ans plus tard, il était le
8 dirigeant de la République autoproclamée, connue sous le nom de Republika
9 Srpska et contrôlait 70 % des territoires de la Bosnie.
10 En conquérant le territoire sur lequel il avait jeté son dévolu pour
11 les Serbes, ses forces ont tué des milliers de Musulmans et de Croates
12 bosniaques, en ont emprisonné de milliers d'autres dans de sordides camps
13 et centres de détention soumis à la violence, et ont expulsé hors de leurs
14 domiciles des centaines de milliers de personnes.
15 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, tout ceci n'a pas
16 été la conséquence tragique, mais inévitable, d'un conflit armé. Comme le
17 fait remarquer le rapporteur extraordinaire des Nations Unies en octobre
18 1992, et comme le prouveront les éléments de preuve, je cite :
19 "Il apparaît que le nettoyage ethnique n'est pas la conséquence de la
20 guerre, mais en était le but. Ce but a déjà été atteint dans une large
21 mesure par les massacres, les passages à tabac, les viols, les destructions
22 de maisons et les menaces proférées."
23 Des milliers de personnes et - Monsieur le Président, Madame et
24 Messieurs les Juges, par ces mots, je pense avant tout aux Musulmans et
25 Croates de Bosnie - des centaines de milliers d'entre eux ont été
26 contraints à quitter leurs domiciles et à abandonner leurs biens dans le
27 but d'échapper à la mort.
28 Cet objectif est bien repris dans un commentaire très sincère d'un
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1 membre du parlement de la Republika Srpska adressé à Karadzic et aux autres
2 responsables réunis au sein de ce parlement en juillet 1992, quelques mois
3 après le début du nettoyage ethnique. Je cite :
4 "Il nous faut admettre que les Musulmans nous ont été imposés en tant
5 que peuple, dont nous devons être les bourreaux."
6 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, je voudrais
7 maintenant vous montrer une diapositive où l'on voit Momcilo Krajisnik, le
8 confident et le plus proche collaborateur de Radovan Karadzic. Sur cette
9 photographie, qui est un cliché tiré d'une séquence vidéo, on voit Momcilo
10 Krajisnik en train de montrer du doigt le territoire bosniaque qui était
11 aux mains des Serbes de Bosnie à la fin 1992, donc dans cette partie du
12 territoire, qui se présente sous la forme d'un fer à cheval et où se trouve
13 le gros du territoire de la Bosnie. Si vous regardez cette partie de
14 l'image et que vous voyez où se trouve la flèche, bien, elle désigne le
15 secteur connu sous le nom d'Orasje. Et il pointe du doigt l'image en disant
16 :
17 "Orasje n'est pas encore soumise à nos forces. Je veux dire, n'est
18 pas encore libérée."
19 Orasje était une municipalité qui était peuplée à plus de 80 % par
20 des non-Serbes, situation démographique que l'on retrouvait également dans
21 d'autres régions conquises par les forces serbes de Bosnie, aux Musulmans
22 et Croates de Bosnie, où ces derniers ont été assassinés et dont ils ont
23 été expulsés.
24 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, lorsque
25 j'utilise le mot "conquête," je reprends un mot qui ne cessait d'être
26 prononcé par les militaires serbes de Bosnie et par la direction politique
27 des Serbes de Bosnie, et qui désignait la prise par la force et le
28 nettoyage de la population non-serbe des territoires conquis.
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1 La photographie suivante que j'aimerais vous montrer, en fait, un
2 autre cliché d'une vidéo, montre un lieu situé en hauteur, au- dessus de
3 Sarajevo sur les collines. Nous verrons ces images dans quelques instants.
4 Dans le cours de ces conquêtes, les forces de Radovan Karadzic ont
5 encerclé, assiégé et terrorisé Sarajevo pendant des années au moyen de
6 pilonnage et de tirs de snipers, en se servant de la ville et de ses
7 habitants comme de pions aux fins d'exercer des représailles ou de les
8 utiliser comme leviers dans les négociations afin de faire pression sur le
9 gouvernement bosniaque pour qu'il capitule.
10 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, j'aimerais que
11 nous voyions rapidement ces images de la vidéo, de façon à ce que vous
12 voyez ces collines surplombant Sarajevo. Cela donnera aux Juges de la
13 Chambre une idée très nette de l'avantage qu'il y avait sur le plan
14 stratégique à s'emparer de ces collines, ce qui fut fait plus tard.
15 [Diffusion de la cassette vidéo]
16 M. TIEGER : [interprétation] Ici, nous voyons Karadzic et Mladic qui
17 regardent Sarajevo d'en haut et qui prennent toute la mesure de l'avantage
18 militaire que constituait la prise de ces collines eu égard au pilonnage et
19 aux tirs de snipers qui allaient s'exercer. Cet avantage est tout à fait
20 évident, visuellement évident.
21 En juillet 1995, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
22 Juges, les forces de Radovan Karadzic se sont emparées de Srebrenica dans
23 leur volonté de la nettoyer de la dernière présence musulmane relativement
24 importante en Bosnie orientale. Dans les jours qui ont suivi, des milliers
25 d'hommes et de jeunes gens ont été systématiquement tués, les femmes, les
26 enfants et les vieillards se voyant expulsés, et toute présence musulmane
27 disparaissant de Srebrenica.
28 L'accusé a été, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges,
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1 l'architecte de cette politique d'où sont issus ces crimes et le dirigeant
2 des forces qui appliqueront cette politique. Dans l'acte d'accusation,
3 Radovan Karadzic est mis en accusation pour sa participation à quatre
4 entreprises criminelles communes distinctes mais interdépendantes.
5 La campagne destinée à éliminer la présence des Musulmans et des
6 Croates dans de vastes pans de la Bosnie-Herzégovine, qui a confiné au
7 génocide dans certaines municipalités.
8 Les pilonnages et tirs de snipers de longue durée visant les civils
9 de Sarajevo et destinés à créer et maintenir le règne de la terreur.
10 La prise en otage de soldats de la paix et d'observateurs militaires
11 des Nation Unies, transformés en boucliers humains.
12 Et les efforts cruellement couronnés de succès, qui furent déployés à
13 Srebrenica dans le but d'en éliminer les Musulmans par un recours organisé
14 au meurtre des hommes et à l'expulsion des femmes et des enfants; autrement
15 dit, par le génocide dont les Musulmans ont été victimes à Sarajevo.
16 Pendant toute la durée de ce procès, les Juges de la Chambre
17 entendront nombre des personnes avec qui Radovan Karadzic partageait le
18 même objectif, et qui lui apportèrent leur concours dans sa campagne
19 criminelle. Slobodan Milosevic, qui partageait la détermination de Karadzic
20 a obtenir que les Serbes bosniaques ne soient pas séparés de la Serbie,
21 leur patrie, par une Bosnie indépendante, et qu'il fournit à Karadzic la
22 puissance militaire nécessaire à la conquête de territoires en Bosnie et à
23 l'élimination des populations indésirables qui s'y trouvaient. Ratko
24 Mladic, le commandant militaire de Karadzic qui déclara un jour qu'il avait
25 pour seul souci, s'agissant des Musulmans, de les faire disparaître, et
26 qui, le jour où il pénétra dans Srebrenica, ajouta que désormais le temps
27 était arrivé de se venger des Turcs. Momcilo Krajisnik, président du
28 parlement, connu, désigné très souvent par le terme "assemblée des Serbes
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1 de Bosnie", vieil ami et premier confident de Karadzic, dans la communauté
2 de vue avec Karadzic dans la poursuite de leurs objectifs est décrite par
3 un député dans les termes suivants, je cite :
4 "Les plus hauts dirigeants de la Republika Srpska," et je demande
5 l'affichage de tout ceci sur les écrans, je vous prie, "au premier rang
6 desquels se trouvent MM. Karadzic et Krajisnik, n'auraient pas pu diriger
7 le navire serbe avec plus de succès qu'ils ne l'ont fait."
8 Biljana Plavsic et Nikola Koljevic, les deux représentants serbes à la
9 présidence collective de Bosnie-Herzégovine en 1990, qui devinrent plus
10 tard membres de la présidence collective de la Republika Srpska aux côtés
11 de Radovan Karadzic, dont la déférence à l'égard de Karadzic en tant que
12 dirigeant des Serbes et l'engagement
13 actif sur les mêmes objectifs ressort de plusieurs communications
14 téléphoniques interceptées et de plusieurs documents de l'époque.
15 Plavsic se targuait avec fierté d'avoir invité Arkan à venir en Republika
16 Srpska et évoquait les Musulmans en parlant d'eux, j'ouvre les guillemets :
17 "Matériaux serbes génétiquement viciés qui s'étaient convertis à l'islam."
18 Quant à Koljevic il faisait écho aux positions de Karadzic en déclarant
19 qu'il n'était ni possible ni souhaitable que plusieurs populations
20 coexistent en Bosnie et mettait en exergue les appels à la séparation et à
21 l'uniformisation ethnique dont Karadzic était l'auteur.
22 Plavsic a plaidé coupable pour crime contre l'humanité au motif du
23 nettoyage ethnique commis en Bosnie en 1992. Vous voyez ici à présent Mico
24 Stanisic, autre ancien membre de la police bosniaque ou M-U-P, devenu plus
25 tard premier ministre de l'Intérieur de la Republika Srpska. Les forces
26 placées sous ses ordres se chargeront d'assurer la garde de la plupart des
27 lieux de détention soumis à la violence, et il participa avec l'armée des
28 Serbes de Bosnie aux opérations de nettoyage ethnique.
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1 Des dirigeants régionaux à présent, tels que Radislav Brdjanin,
2 président de la cellule de Crise de la Région autonome de Krajina condamné
3 pour crime contre l'humanité en 2004, qui décrivait les Musulmans comme un
4 "immonde purin maculant les chaussures des Serbes." Et vantait le camp
5 d'Omarska comme un lieu où, je cite : "Le travail avait été bien fait."
6 Il fut parmi les premiers dirigeants municipaux ou régionaux à
7 bénéficier d'une promotion et à être élogieusement cité par Karadzic une
8 fois que ces régions furent nettoyées de leurs habitants musulmans. Les
9 dirigeants municipaux tels que Miroslav Deronjic qui orchestra le nettoyage
10 de Bratunac en 1992 et dont les efforts furent récompensés par Karadzic
11 comme ceux de nombreux autres pratiquants de la séparation de force,
12 puisqu'en juillet 1995 ce dernier nomma Deronjic aux nouvelles fonctions de
13 commissaire civil de la Srebrenica libre, libérée.
14 En bref, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, il
15 fallut à la tâche de nombreux responsables tant elle était immense. Mais
16 pour la conquête du territoire bosniaque un homme se distingue dans sa
17 qualité de meneur incontesté des Serbes de Bosnie du début à la fin, et cet
18 homme ce fut Radovan Karadzic. Sa qualité de meneur ressort des postes
19 qu'il a occupés et elle est reconnue par ses collègues. D'ailleurs Karadzic
20 en atteste lui-même. Il fut président du SDS
21 main sur tout depuis la création de ce parti et jusqu'à la période
22 ultérieure à la fin de la guerre. Il fut président du conseil de Sécurité
23 nationale, l'instance chargée d'agir en situation d'urgence, qui fit office
24 de président collectif de facto depuis la veille du début des prises de
25 territoires fin mars 1992 et jusqu'au 12 mai 1992. Et en décembre 1992, il
26 devint l'unique président de la présidence.
27 Dans toutes ces fonctions, Monsieur le Président, Madame, Messieurs
28 les Juges, comme vous l'apprendrez, Karadzic a été investi de pouvoirs de
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1 jure importants, notamment du pouvoir d'être le commandant suprême de
2 l'armée. Mais comme vous l'apprendrez également au vu des éléments de
3 preuve qui vous le démontreront, les pouvoirs de jure importants de
4 Karadzic ne sont qu'une faible partie du pouvoir global exercé par lui.
5 Comme l'a dit un membre du parlement bosniaque à un général de la JNA en
6 avril 1992, et ceci se passe avant que Karadzic n'assume officiellement le
7 poste de président de la présidence, je cite :
8 "Nous attendons à présent que Karadzic revienne d'Europe pour nous
9 dire ce que nous devons faire. Personnellement, Mon Général, je pense que
10 je ne vais rien faire avant son retour. A son retour, quoi qu'il nous dise
11 de faire, nous le ferons. Pour le moment, il est le commandant suprême et
12 nous n'en n'avons pas d'autre. Il y a la Fédération yougoslave d'une part
13 et le peuple serbe dans la situation qui est la sienne d'autre part. Nous
14 avons notre commandant, il est notre homme, nous devons lui obéir."
15 Mais laissons donc Karadzic se décrire lui-même en qualifiant tous ceux qui
16 l'entouraient "d'assistants" - entre guillemets - à son service. Je cite :
17 "En ma qualité de chef et de président de l'Etat, je dirai que chacun
18 voudrait avoir les assistants que je possède. Le gouvernement, les généraux
19 que j'ai au sein de l'armée, tels Ratko Mladic, Manojlo Milovanovic, les
20 membres de l'état-major général, les commandants de corps d'armée, les
21 commandants des unités spéciales du ministère de l'Intérieur…"
22 Tous, il les considérait comme ses assistants. Monsieur le Président,
23 Madame, Messieurs les Juges, grâce à cette remarquable position de pouvoir,
24 Karadzic a conduit, comme nous l'ont dit les propos repris ici il y a
25 quelques instants, le navire serbe vers le cap qui était le sien, créer un
26 Etat serbe dans un territoire historiquement serbe qui finit par être vidé
27 de ceux en qui il voyait les ennemis éternels et qui ne devait plus jamais
28 subir la menace d'ennemis venus de l'intérieur.
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1 J'ai déjà appelé l'attention des Juges de la Chambre sur plusieurs
2 documents émanant de l'accusé en personne, voire des représentants ou
3 d'instances officielles de la Republika Srpska.
4 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, une forte proportion
5 des éléments de preuve qui seront présentés au cours de ce procès, ne
6 seront que la reprise des mots prononcés par les différents participants
7 aux événements de l'époque. Ces éléments de preuve seront des documents
8 tels que les PV de réunions de l'assemblée, de la présidence, du
9 gouvernement, des cellules de Crise, les rapports et ordres émis par
10 l'armée et la police, les discours officiels, les allocutions prononcées
11 lors de meetings, et d'autres propos prononcés à l'époque. Ces documents
12 montrent qu'elle a été la nature des événements et quels étaient les
13 objectifs poursuivis parfois de façon subtile et parfois de façon explicite
14 au point d'en être choquante.
15 L'Accusation soumettra ces documents aux Juges de la Chambre et les placera
16 de ce fait à de nombreuses reprises pratiquement physiquement au cœur des
17 événements et des réunions les plus importantes. Les Juges de la Chambre
18 profiteront également de la diffusion de nombreuses écoutes téléphoniques
19 qui leur permettront d'entre les mots prononcés à l'époque par bien des
20 participants aux événements, et notamment par l'accusé en personne.
21 Ils entendront aussi, bien sûr, de nombreux témoins, représentants de la
22 communauté internationale en particulier, qui ont averti Karadzic à de
23 multiples reprises mais en pure perte de la nécessité de faire cesser les
24 crimes. Ils entendront des proches de Karadzic qui travaillaient à ses
25 côtés, voire étaient eux-mêmes membres de l'entreprise criminelle commune
26 dont le témoignage confirmera même à leur corps défendant les conclusions
27 qui ressortent inévitablement de la lecture des documents et démontrent que
28 Karadzic avait la haute main sur les événements, et ils entendront des
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1 victimes.
2 Il y a toutefois un grand nombre de crimes déjà examinés lors de procès
3 antérieurs, qui figurent dans des constats judiciaires établis ou dans des
4 déclarations liminaires de témoins et dans les dépositions orales de ces
5 témoins à différents procès déjà menés. Bien entendu, il n'est évidemment
6 pas utile de réinterroger ces témoins au risque de leur faire revivre les
7 souffrances et drames terribles qu'ils ont connu. Mais leur voix, toujours
8 aussi puissante et convaincante se fera entendre lorsque seront examinés
9 les documents que je viens de citer.
10 Par exemple, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, en
11 lisant les éléments de preuve écrits, vous entendrez les témoins décrire
12 leur coexistence pacifique avec leurs voisins serbes pendant de longues
13 années, avant que le nationalisme ne l'emporte. Vous les entendrez dire
14 qu'ils ont vu leurs voisins serbes se procurer des armes et se mettre à
15 discuter de guerre, que la police a été divisée sur base ethnique, que les
16 municipalités ont été prises de force par les forces serbes et qu'ils se
17 sont sentis de plus en plus marginalisés et menacés, que leurs villages ont
18 été pilonnés et détruits, qu'ils ont été arrêtés ou regroupés en même temps
19 que d'autres non-Serbes pour être envoyés dans un camp où ces détenus ont
20 vécus comme des animaux, soumis à toutes sortes d'exactions, victimes de
21 viols ou même tués, qu'on les a déménagés d'un camp à un autre à
22 l'intérieur de ce réseau de centres de détention qui couvrait toutes les
23 municipalités, et qu'ils ont fini par être échangés; douze euphémismes,
24 pour désigner leur expulsion des territoires tenus par les Bosno-Serbes
25 après signature de documents par lesquels ils abandonnaient leurs biens à
26 l'Etat serbe. Ces témoins diront que les quartiers croates ou musulmans,
27 ainsi que les sites religieux croates et musulmans, ont été détruits
28 complètement.
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1 Et, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, vous
2 entendrez également des habitants de Sarajevo vous dire dans quelle terreur
3 constante ils ont vécu jour après jour, mois après mois, année après année,
4 en sachant que les êtres qui leur étaient chers étaient pris pour cibles.
5 Vous les entendrez dire que pendant le siège, ils se cachaient dans des
6 caves, serrés les uns contre les autres, brûlant tout ce qui leur tombait
7 sous la main pour produire un peu de chaleur, terrifiés par rapport au
8 risque d'être visés, d'être touchés par les obus et les tireurs embusqués,
9 mais contraints de sortir tout de même, par la faim, la soif et le froid.
10 Vous les entendrez parler de la ville dans laquelle ils vivaient, ville
11 dans laquelle toute activité quotidienne était une menace pour l'existence
12 et où aucun lieu n'était sûr.
13 A Srebrenica, les Juges entendrons des victimes qui, chassées d'un
14 lieu à un autre par les forces serbes, arrivèrent finalement à Srebrenica
15 où elles vécurent dans d'effroyables conditions, des victimes qui faisaient
16 tout ce qu'elles pouvaient pour protéger leurs fils mineurs ou adolescents
17 afin d'éviter qu'on ne les conduise vers les lieux d'exécution de masse
18 situés tout autour de Srebrenica et dont certains, miraculeusement, ont
19 survécu en se faisant passer pour morts. Ils ont été condamnés à se cacher,
20 car promis à la mort par les forces serbes, jusqu'au moment où ils ont
21 atteint le territoire musulman.
22 Au cours de ce procès, les Juges entendront aussi les dépositions qui leur
23 révéleront comment et pourquoi ces crimes ont été infligés à ceux qui en
24 étaient les victimes, ces personnes qui ont eux le malheur d'appartenir au
25 mauvais groupe ethnique et d'avoir vu le jour sur une terre convoitée par
26 d'autres qu'eux; des dépositions qui démontrent que Karadzic a voulu
27 diviser la Bosnie en fonction de groupes ethniques, en jetant son dévolu
28 sur de grandes parties ethniquement mixtes du territoire bosniaque, à la
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1 recherche d'un espace vital dans lequel les Serbes pourraient ne plus être
2 menacés par les ennemis historiques, une terre qui avait l'obligation
3 d'être "nettoyée," et qui l'a été par les forces soumises à Karadzic.
4 J'aimerais maintenant discuter d'éléments de preuve un peu plus en détail,
5 même si ce sera nécessairement d'ordre général. Mais avant de parler de ce
6 qui a été fait pour réaliser et atteindre l'objectif commun consistant à
7 provoquer de force le départ des Musulmans et des Croates, je tiens à
8 parler de Sarajevo et de Srebrenica.
9 Mais j'aimerais d'abord parler de la création par l'accusé des
10 instances et des forces nécessaires à la réalisation de cet objectif et du
11 contrôle qu'il a exercé sur elles, car Radovan Karadzic ne s'est pas
12 contenté d'occuper un poste de pouvoir déjà créé. Il a, avec des
13 compatriotes partageant les mêmes valeurs, créé et ensuite dirigé les
14 instances et les forces dont il avait besoin pour réaliser ses objectifs.
15 Commençons, si vous me le permettez, par quelques rappels élémentaires mais
16 importants. Nous allons voir une carte de la Yougoslavie, qui va s'afficher
17 à l'écran.
18 La Yougoslavie, c'était un Etat fédéral, vous le savez, bien sûr, qui
19 se composait de six républiques et de deux provinces autonomes. Si la
20 grande majorité de la population serbe de Yougoslavie vivait en Serbie
21 même, il y avait aussi une population serbe d'une certaine importance en
22 Croatie et en Bosnie. En Bosnie, les Serbes représentaient à peu près 31 %
23 de la population en 1991. Les Musulmans en Bosnie représentaient la
24 majorité, même s'ils n'étaient pas la majorité absolue en Bosnie, il y
25 avait 44 % de Musulmans. Quant aux Croates de Bosnie, ils ne représentaient
26 que
27 17 % de la population totale.
28 La Bosnie méritait sa réputation de pays en taches d'encre, ou en peau de
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1 léopard, tant les groupes ethniques y étaient intrinsèquement mêlés. Même
2 dans les municipalités où un groupe ethnique était numériquement la
3 majorité absolue, le pourcentage représenté par d'autres groupes ethniques
4 y était souvent important. Vous le voyez sur ces deux cartes
5 démographiques. La première vous montre les municipalités où vous avez la
6 population majoritaire dans chaque population indiquée par une couleur.
7 Vous avez le vert pour les Musulmans, le rouge pour les Serbes, le bleu
8 pour les Croates. Et vous avez ici une légende qui montre la composition,
9 l'étendue de la composante d'une minorité dans ces municipalités.
10 Au cours du procès, bien entendu, vous aurez amplement l'occasion de
11 revenir sur la question démographique en Bosnie, de façon bien plus
12 détaillée. Vous devriez d'ailleurs le voir dès la prochaine carte. Vous
13 avez ici la répartition démographique en Bosnie, sans avoir les
14 pourcentages statistiques par municipalité. Et je pense que là, on voit
15 bien que la Bosnie était vraiment un pays en taches d'encre ou en peau de
16 léopard.
17 Suite à l'écroulement du communisme en Europe de l'Est, fin des années
18 1980, il y a eu des élections en Bosnie, comme ailleurs, en 1990, et trois
19 parties ethniques ont vu le jour. Le SDA musulman, le SDS
20 croate, chacun obtenant un nombre de voix qui correspondait, pour
21 l'essentiel, au pourcentage de sa population respective sur le plan
22 ethnique. Le SDS allait s'avérer être une machine de guerre puissante, dont
23 Karadzic fut le fer de lance. Il rafla un grand nombre de sièges au
24 parlement, à l'assemblée, comme on l'appelait. Et il acquit beaucoup de
25 postes dans les structures politiques bosniaques. Biljana Plavsic et Nikola
26 Koljevic devinrent deux des sept membres de la présidence politique en
27 Bosnie. Quant à Krajisnik, il devint président de l'assemblée, sur
28 nomination du SDS, ou plus précisément, de son vieil ami Karadzic. Ces
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1 responsables serbes de Bosnie rendaient compte à Karadzic, avec lequel ils
2 collaboraient. Des témoins viendront vous le dire et vous le verrez aussi à
3 l'écoute des écoutes téléphoniques dont je vous ai parlé.
4 Le SDS était implanté dans presque toutes les municipalités. D'ailleurs,
5 Karadzic se flattait du fait que le comité exécutif du SDS
6 sa structure, et en moins de deux heures, atteindre le village le plus
7 reculé. Chaque membre du SDS, dans une communauté locale, subdivision
8 administrative des municipalités, était responsable de dix à 20 familles.
9 Et manifestement, c'était une organisation hiérarchique qui avait à son
10 fait, sans aucune ambiguïté, Karadzic aux commandes.
11 Voyons d'ailleurs ce que dit Karadzic lui-même, à l'époque.
12 Nous avons ici une écoute téléphonique d'octobre 1991. C'est lui qui parle
13 :
14 "Dis-leur de ne plus jamais s'aventurer à cela… qu'ils ont
15 l'interdiction d'agir de façon indépendante du centre, au risque d'être
16 suspendus de ce qu'ils ont fait, et que ce qu'ils ont fait soit rapporté
17 autour d'eux."
18 Autre citation :
19 "Une fois que le parti a adopté une ligne politique, tout ce qui
20 s'écarte de cette ligne est de la trahison. Tout ce qui n'est pas cette
21 politique, ce sera de la trahison… Moi, je le dénoncerai aux gens, à tout
22 le monde, cet homme est un traître."
23 Encore une citation. C'est toujours Karadzic qui parle. Il parle en janvier
24 1992, je le cite :
25 "Qu'ils aillent se faire foutre. Je suspendrai toute personne qui
26 fait une erreur. Je l'expulserai du parti. Je n'en n'ai rien à foutre.
27 Pourquoi est-ce que je vais faire cela ? Les gens me comprennent bien.
28 J'arriverai à mes fins. Je suspendrai ces brebis galeuses et je choisirai
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1 d'autres personnes pour les remplacer."
2 En sa qualité de président du SDS, Karadzic n'était pas un dirigeant
3 passif. Il était en contact direct avec les dirigeants municipaux et
4 régionaux de terrain et qui s'en remettaient à lui. Leur dépendance, ainsi
5 que la structure hiérarchique du SDS, ressortent clairement de cette écoute
6 téléphonique de Radislav Brdjanin, le dirigeant régional en charge de la
7 Bosnie occidentale. Et je vous l'ai déjà dit, il allait devenir président
8 de la cellule de Crise de la Région autonome de Krajina. C'est une fois de
9 plus le Dr Karadzic qui s'exprime :
10 "Tu fais chier, tu m'appelles tout le temps pour un rien, pour trois
11 fois rien, moi qui ai des milliers de choses en tête. Et si tu es capable
12 de t'occuper de la Krajina, mais fais-le correctement, bon sens. Ne me
13 demande pas de m'occuper de tout. Ne m'appelle pas pour un rien, pour le
14 moindre petit problème. Je ne suis pas ta nourrice. Tu as le pouvoir et tu
15 as des présidents de municipalités par lesquels tu peux exercer le pouvoir,
16 tant que nous n'avons pas l'indépendance. Donc tu ne dois pas, je le dis
17 bien, tu ne dois pas m'appeler à tout bout de champ. Tu dois exercer le
18 pouvoir, fermement et à fond. Appelle chacun des présidents de
19 municipalités et vérifie qu'ils ont bien fait ce qu'ils avaient à faire."
20 Madame et Messieurs les Juges, Karadzic savait que le démantèlement de la
21 Yougoslavie impliquait la possibilité pour les républiques de briguer
22 l'indépendance et une mise en minorité éventuelle des Serbes dans ces
23 nouveaux pays. Pratiquement dès la création du SDS
24 ambages que les Serbes allaient résister à cette éventualité par la force
25 s'il le fallait. Il l'a dit dès 1990. Si les Serbes devaient être mis en
26 minorité au moment du vote au parlement de Bosnie sur la modification du
27 caractère étatique de la Bosnie, autrement dit sur l'indépendance par
28 rapport à la Yougoslavie, il déclara :
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1 "…toutes les conditions nécessaires à une guerre civile seraient
2 réunies car les Serbes de Bosnie-Herzégovine n'étaient plus sans défense,
3 ils étaient au contraire très puissants et unis."
4 Milosevic, quant à lui, l'allié puissant de Karadzic, il a déclaré sans
5 détour en janvier 1991, se faisant l'écho des paroles de Karadzic, il dit
6 ceci :
7 "Toute division en plusieurs Etats qui fragmenterait la population
8 serbe désormais répartie dans des Etats différents est inacceptable ou plus
9 précisément, c'est totalement hors de question."
10 Karadzic, comme Milosevic, allaient œuvrer de concert pour empêcher cela en
11 insistant tout d'abord pour que la Bosnie demeure dans le giron de la
12 Yougoslavie. Mais à mesure que cette possibilité s'estompait, il est passé
13 à l'étape suivante. Et je cite ici ce qui a été dit à une réunion du club
14 des députés du groupe parlementaire :
15 "C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés sur une autre
16 voie, celle d'une Bosnie-Herzégovine serbe, notre droit souverain, notre
17 armée."
18 Ce qui signifiait que la Bosnie pouvait devenir indépendante mais
19 sans les territoires qui, de l'avis de Karadzic, étaient des territoires
20 serbes. Le but ultime de Karadzic c'était l'unification, l'intégration avec
21 la Serbie pour avoir un seul Etat serbe. Et il a assuré à ses partisans
22 qu'il n'aurait pas de repos tant qu'il n'aurait pas réalisé cet objectif
23 ultime, celui d'un seul Etat serbe intègre à l'image de celui qui existait
24 jadis. Mais il leur rappelait que ce but pouvait être atteint
25 progressivement par étapes. L'identité de vue de Radovan Karadzic et de
26 Milosevic sur cette question impliquait qu'il pouvait compter sur la
27 politique de Milosevic pour un soutien logistique, politique, comme
28 militaire. Ils allaient œuvrer ensemble pour atteindre cet objectif en
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1 Croatie d'abord, en Bosnie ensuite. Car avant la Bosnie, la Croatie fut la
2 première à proclamer son indépendance. La réaction des Serbes de Croatie au
3 cours de l'été et de l'automne 1992 allait présager déjà, était
4 annonciatrice de ce qui allait se passer plus tard en Bosnie.
5 Avec l'aide de la JNA, armée contrôlée par Milosevic, l'armée
6 populaire yougoslave, la force armée la plus puissante de la région avec
7 les forces paramilitaires venues de Serbie, les Serbes de Croatie prirent
8 et nettoyèrent de sa population croate un tiers du territoire nouvellement
9 indépendant de la Croatie. Nombre des phases d'évolution vers la séparation
10 ethnique et des personnalités sur lesquelles s'appuyèrent les Serbes de
11 Croatie, Milosevic, Stanisic, Arkan, Seselj, vont réapparaître plus tard en
12 Bosnie.
13 Karadzic a œuvré aux côtés de Milosevic pour veiller à ce que les
14 dirigeants de Croatie, Milan Babic et Milan Martic adhèrent bien à la ligne
15 politique fixée. Karadzic a mobilisé les chefs de municipalités sous ses
16 ordres pour compléter les effectifs présents en Croatie comme le prouve
17 l'écoute téléphonique suivante, je cite :
18 "J'ai donné l'ordre. J'ai donné cet ordre à toutes les municipalités
19 là-bas et à tous les présidents de ces municipalités. Je leur ai donné
20 l'ordre de fournir 10 000 hommes en une semaine."
21 En attendant, en Bosnie, les efforts déployés par Karadzic et
22 Milosevic en Bosnie pour conclure un accord avec Alija Izetbegovic ou
23 d'autres dirigeants de Bosnie sur le renoncement de la Bosnie à poursuivre
24 son indépendance avaient échoué. Et la perspective de l'indépendance de la
25 Bosnie, cette perspective dont ne voulaient absolument pas Karadzic et
26 Milosevic se faisait de plus en plus réelle. En octobre 1991, le parlement
27 bosniaque, l'assemblée bosniaque se réunissait pour étudier un protocole
28 d'accord sur l'indépendance. Karadzic fit son apparition au parlement pour
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1 dire aux Croates et aux Musulmans de Bosnie ce qui se produirait si
2 effectivement ce protocole d'accord en vue de l'indépendance était adopté :
3 [Diffusion de la cassette vidéo]
4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
5 "Ecoutez, je vous le demande une nouvelle fois. Ce n'est pas une
6 menace mais je vous demande de chercher sérieusement à comprendre ce
7 qu'exprime la volonté politique des Serbes représentés ici par le Parti
8 démocratique serbe et le Mouvement serbe du Renouveau. Ce que vous faites
9 n'est pas bien. Vous avez choisi une voie pour la Bosnie-Herzégovine. Cette
10 voie est la même route que celle qui mène droit à l'enfer et à la
11 souffrance, celle qu'ont déjà empruntée la Slovénie et la Croatie.
12 N'imaginez pas que vous n'allez pas entraîner la Bosnie-Herzégovine dans la
13 descente aux enfers, et peut-être provoquer la disparition des Musulmans,
14 car le peuple musulman sera incapable de se défendre si la guerre éclate
15 ici."
16 M. TIEGER : [interprétation] Et quand il parlait de la disparition
17 du peuple musulman, Karadzic entendait son anéantissement physique. Cette
18 même semaine, il rappelle à son frère que 12 % des Serbes avaient "créé un
19 enfer en Croatie" et qu'en Bosnie cela serait synonyme de "guerre jusqu'à
20 extinction."
21 Et dans une autre écoute téléphonique datant de la même semaine, il
22 prévoit dans ce discours que nous venons d'entendre, il prévoit avec
23 minutie le bain de sang qu'il s'apprête à provoquer, allant jusqu'à
24 imaginer l'attitude qu'il va adopter vis-à-vis de la prévisible réaction de
25 la communauté internationale. Je cite, Karadzic :
26 "Mais ils sont fous, ils vont disparaître…"
27 "Il va y avoir des fleuves de sang," dit l'autre.
28 Karadzic :
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1 "Ils disparaîtront. Ce peuple va disparaître de la surface de la
2 terre s'ils s'y mêlent maintenant. Notre offre a été la chance unique de ce
3 peuple. Et même ça, c'était trop, ce que nous avons offert à ces gens…
4 "Il faut qu'ils le sachent. Il faut qu'ils sachent qu'il y a
5 20 000 hommes serbes armés autour de Sarajevo. C'est fou. Ils vont
6 disparaître. Sarajevo va se transformer en un chaudron infernal dans lequel
7 300 000 Musulmans vont périr. Ils ne sont pas bien dans leurs têtes.
8 "Il faut que je leur dise franchement, 'écoutez, ne faites pas les
9 malins. Il y a 3, 4 000 Serbes armés en Bosnie-Herzégovine. A quoi vous
10 pensez ? Plus l'armée, plus le matériel, et tout le reste. Pensez-vous que
11 vous pouvez vous séparer simplement comme l'a fait la Croatie ? Ils vont
12 littéralement… ils nous l'ont dit hier pendant ces négociations que nous
13 menons entre deux séances à l'assemblée qu'une Bosnie autonome est synonyme
14 de Bosnie indépendante si la Yougoslavie refuse de…"
15 Il poursuit plus loin en disant ceci :
16 "Nous n'allons pas les forcer à faire quoi que ce soit, mais c'est
17 simple, ils n'ont pas les moyens de réussir une sécession. Je pense que
18 ceci est clair pour l'armée et clair pour tout le monde, ce sera un vrai
19 bain de sang."
20 Un peu plus loin encore, il dit ceci:
21 "Il parle avec les Européens."
22 Son interlocuteur répond :
23 "Ça va être terrible."
24 Karadzic répond :
25 "Il sera dit à l'Europe qu'elle peut aller se faire voir et qu'elle
26 ne doit pas revenir tant que le travail n'est pas terminé."
27 Faisant fi des menaces, le protocole d'accord a été adopté. Et à
28 partir de ce moment-là, Karadzic et la direction des Serbes de Bosnie se
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1 lancèrent dans la mise en place de structures destinées à faire naître en
2 Bosnie une entité distincte qui entérinerait la division ethnique. Comme il
3 le dit à Milosevic dans une conversation téléphonique le 24 octobre 1992,
4 je cite :
5 "Nous ne pouvons permettre une telle chose. Il nous faut tout
6 préparer et nous avons tout préparé afin de créer une situation factuelle…
7 sur laquelle ils vont se casser les dents et nous ne vivrons à aucun prix à
8 leur côté dans un même Etat, à aucun prix. Point final."
9 Je le cite encore :
10 "Ce sont des étapes calculées et il nous faut établir notre autorité
11 et notre contrôle sur nos territoires, de façon à rendre impossible pour
12 Alija Izetbegovic une Bosnie indépendante. La Croatie ne contrôle pas 30 %
13 du territoire et la Bosnie-Herzégovine ne va pas contrôler 60 % du
14 territoire dans les quelques mois à venir."
15 Karadzic a transformé le SDS en un organe qui allait mettre en œuvre
16 la séparation ethnique.
17 La première structure, ce fut l'assemblée des Serbes de Bosnie, le
18 club des députés de l'assemblée. On appelait les parlementaires des députés
19 et ce groupe parlementaire, on l'appelait le club des députés. Et ce club
20 des députés du SDS a été rebaptisé "assemblée serbe de Bosnie." Elle avait
21 à sa tête Momcilo Krajisnik, l'associé le plus proche de Karadzic. Elle fut
22 créée le 24 octobre 1991, le jour même où Karadzic a eu cette conversation
23 téléphonique avec Milosevic, conversation que nous venons d'entendre. A la
24 séance inaugurale de cette nouvelle assemblée, Karadzic souligne la
25 nécessité d'une séparation entre Serbes et non-Serbes. Il dit que les
26 Serbes sont exposés "aux mêmes plans, aux mêmes criminels, aux mêmes
27 personnes," tant ils ont été victimes, au même risque de destruction que
28 celui de la Deuxième Guerre mondiale.
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1 Il dit aussi aux députés de la nouvelle assemblée :
2 "Ceci est un pas historique, un pas grâce auquel le peuple serbe se
3 libère de ses dernières illusions, reconnaît son ennemi et se rassemble de
4 façon à ce que plus jamais il ne puisse être attaqué par un ennemi venu de
5 l'intérieur."
6 L'assemblée serbe de Bosnie, c'était un instrument précieux,
7 s'agissant de faire connaître la ligne politique sur le terrain et de
8 recevoir des renseignements sur ce qui se passait sur le terrain, car
9 nombreux étaient les responsables de terrain qui participaient aux séances
10 de l'assemblée. Par exemple, Krajisnik explique pourquoi il y a une telle
11 présence de responsables municipaux. Il dit, je le cite :
12 "C'est la meilleure façon pour que notre peuple comprenne ce qui se
13 passe. Nous avons constaté que les gens quittaient les séances d'assemblée
14 en sachant parfaitement bien ce qu'ils avaient à faire."
15 Et cette vision très claire, c'est Karadzic qui l'a fournie. Même s'il
16 n'est pas officiellement un membre de l'assemblée, il intervenait souvent
17 pour expliquer ses politiques. Son autorité de chef, de meneur, elle
18 apparaît clairement, elle est visible pratiquement à toutes les séances.
19 Voici ce que dit un des députés :
20 "Je sais que Karadzic, le président du SDS
21 personnalité dirigeante, la figure de prou du peuple serbe. Cinq phrases
22 lui suffisent pour changer le cours de toute une séance."
23 Après la création de l'assemblée serbe de Bosnie en octobre, le conseil des
24 ministres a été choisi au mois de décembre. Cet organe comprenait des
25 ministères serbes dirigeants dans le gouvernement de Bosnie existant qui
26 était, pour l'essentiel, un gouvernement attaché à son service. Le terme de
27 gouvernement, Madame, Messieurs les Juges, ne signifie pas l'ensemble de la
28 structure politique, mais fait état d'un organe qui regroupe les différents
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1 ministères, à savoir le ministère de l'Intérieur, le ministère de la
2 Justice, le ministère de la Défense, et cetera. Et en haut de cette
3 pyramide, ce gouvernement a un mandataire ou un président de gouvernement
4 ou premier ministre. Vous allez entendre parler de ces trois termes qui
5 sont là pour coordonner les différents travaux des ministères au sein du
6 gouvernement. Il s'agissait là d'une branche de la structure politique
7 serbe de Bosnie et de Bosnie, parallèlement aux deux autres branches de
8 l'assemblée et de la présidence.
9 Le conseil des ministres, comme je l'ai indiqué, qui annonçait le
10 gouvernement, était un autre instrument permettant la mise en œuvre des
11 mesures calculées de Karadzic. Comme il l'a dit à un dirigeant régional
12 serbe de Bosnie le premier jour de la réunion du conseil lors de la réunion
13 inaugurale, je cite :
14 "Nous avons tout ceci dans le plan. Nous avons toutes les mesures
15 dans les enveloppes. Il ne faut pas qu'ils le fassent avant que nous le
16 fassions sur l'ensemble de la Bosnie. Nous aurons un conseil de ministres
17 aujourd'hui, il y a -- nous avons tout fait aujourd'hui. Nous avons des
18 plans pour tout."
19 Le conseil des ministres cédera le pas en mars 1991 à la formation
20 d'un gouvernement. Encore une fois, ce gouvernement comprenait les
21 différents ministères et la même structure, à savoir avec un mandataire ou
22 un président, un premier ministre en haut de cette structure. Madame,
23 Messieurs les Juges, vous allez entendre de la bouche de membres du
24 gouvernement qui vous diront que Karadzic estimait qu'il incarnait le
25 gouvernement. Et vous aurez l'occasion de lire des remarques d'époque
26 d'autres représentants officiels telles que celles-ci à l'assemblée serbe
27 de Bosnie en 1993, je cite :
28 "M. le Président, la plus grande responsabilité est la vôtre, mais vous ne
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1 pouvez pas tout faire. Vous avez assumé l'autorité suprême, le pouvoir
2 exécutif et tous les autres pouvoirs… la tâche du gouvernement est définie.
3 Cependant, vous n'avez rien donné à faire au gouvernement."
4 Encore une fois, entendons cela de la bouche de Karadzic lui-même, et je
5 cite :
6 "Croyez-moi, le gouvernement m'appartient. Je suis responsable de son
7 fonctionnement."
8 Pour ce qui est de la présidence ou de la fonction du chef de l'exécutif,
9 c'est encore une fois Karadzic. Comme ceci a été précisé précédemment,
10 c'était le président de la SDS pendant tout ce temps, ce qui était en somme
11 un Etat à parti unique. C'était un président du Conseil de sécurité
12 nationale de mars 1992 jusqu'en mai 1992, et cette fonction représente
13 celle de la présidence collégiale effective. C'était le président de la
14 présidence collégiale du mois de mai au mois de décembre 1992, ensuite
15 l'unique président de la RS par la suite jusqu'en 1996. Le seul moment où
16 quelqu'un était théoriquement président était le moment où Plavsic et
17 Koljevic avaient été nommés présidents par intérim de la fin du mois de
18 février 1992 jusqu'à la fin de la présidence collégiale au mois de mai
19 1992. Et Koljevic lui-même a indiqué que Karadzic devait être désigné parce
20 que c'était l'homme de la situation par excellence :
21 "Il avait plus fait pour nous que tous les autres Serbes en Bosnie et
22 en Herzégovine et pour la 'serbité' en général. Inutile de citer son nom.
23 Vous savez tous que je fais allusion au Dr Radovan Karadzic."
24 Et c'est Karadzic qui a recommandé, pour sauver les apparences aux
25 yeux de la communauté internationale parce que Plavsic et Koljevic avaient
26 été élus en 1992, que ces derniers conservent leur titre. Ainsi, les
27 organes au niveau de la République serbe de Bosnie, par le biais desquels
28 Karadzic pouvait mettre en œuvre sa politique avaient été créés et Karadzic
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1 était bel et bien responsable. Il s'est assuré à ce moment-là également de
2 la conformité des organes locaux pour la prise de pouvoir à venir.
3 A la fin du mois de décembre 1991, Karadzic a fait circuler ce document,
4 plus communément connu sous le nom de "Variantes A et B," les instructions
5 pour l'organisation et les activités du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine
6 dans un Etat d'urgence. Et les instructions était divisées en deux parties
7 ou variantes : Variante A pour les municipalités où les Serbes étaient
8 majoritaires; et variante B, où ils ne l'étaient pas. C'est ce que vous
9 constaterez au milieu de l'écran. Ceci a été également divisé en deux
10 étapes ou niveaux de déclenchement, la seconde étant un niveau plus
11 soutenu, ce que vous pouvez constater en bas de la page.
12 Le premier niveau, Madame, Messieurs les Juges, insistait sur les
13 préparatifs et le contrôle, notamment la formation de cellules de Crise,
14 l'assemblée serbe et autres organes municipaux établissant les
15 communications, faisant les préparatifs pour la prise de pouvoir de la
16 police et le lancement de la Défense territoriale ou TO qui représentait
17 une autre partie du système de défense yougoslave maintenu par chaque
18 république dans chaque municipalité, une sorte de milice au niveau local,
19 que vous connaissez certainement déjà.
20 Ça c'était la première étape de cette instruction. L'étape numéro 2
21 était le déclenchement de ces mesures qui avaient été préparées. Le
22 gouvernement municipal devait commencer à fonctionner, les Serbes devaient
23 être mobilisés dans les forces de police et les postes de police devaient
24 être investis.
25 Après la distribution de ce document, Karadzic a demandé à un des membres
26 du conseil des ministres de s'assurer que ceci est bien mis en œuvre et de
27 faire un rapport à Radovan Karadzic sur l'état d'avancement des préparatifs
28 et de la prise de contrôle. Le 14 février 1992, étant donné que
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1 l'indépendance de la Bosnie était imminente, Karadzic a déclenché la
2 deuxième étape de la variante A et B, et je cite :
3 "C'est la raison pour laquelle nous vous avons appelé aujourd'hui, pour
4 intensifier, pour introduire la deuxième étape et pour renforcer le
5 fonctionnement du gouvernement à tout prix et sur chaque millimètre de
6 notre territoire."
7 Encore une fois, peut-être qu'il est préférable de laisser les soins à
8 Karadzic lui-même d'expliquer l'importance de ce document dans la mise en
9 place des autorités locales chargées de la séparation. C'est Radovan
10 Karadzic qui s'exprime devant l'assemblée en 1995 et jette un regard sur ce
11 qu'il avait accompli :
12 "S'il vous plaît, souvenez-vous de la façon dont nous travaillions avant la
13 guerre. Tout était clair comme le jour dans les municipalités où nous
14 étions majoritaires et celles où nous étions minoritaires. Vous souvenez-
15 vous de l'instruction A et de l'instruction B ? Nous avions des cellules de
16 Crise et il était clair que c'était eux qui avaient l'autorité. Ils
17 pouvaient commettre des erreurs, mais c'était toujours eux qui avaient
18 l'autorité. Les habitants n'étaient pas privés d'autorité parce qu'il y
19 avait une cellule de Crise."
20 Karadzic, à cette époque, est resté en contact permanent avec les
21 représentants officiels par le biais des contacts directs, par le biais
22 d'appels téléphoniques ou de réunions, comme nous avons pu le voir plus
23 tôt, les émissaires envoyés dans les municipalités, et par le biais des
24 sessions de plénières auxquelles assistaient les représentants locaux et
25 les représentants au niveau de la république. Quoi qu'il en soit, les
26 organes politiques, que ce soit au niveau régional de la république ou au
27 niveau local, n'auraient pas suffi à réaliser la séparation. Les forces
28 armées étaient nécessaires et ces dernières ont également été créées; une
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1 police serbe de Bosnie distincte, celle des unités armées placées sous le
2 contrôle du SDS et à l'appui, la JNA qui était puissante.
3 Tout d'abord, Madame, Messieurs les Juges, je souhaite aborder la police
4 serbe de Bosnie ou MUP. Dès le départ de son mandat en tant que président
5 du SDS, Karadzic a surveillé de près l'affectation des représentants de la
6 police à l'intérieur du MUP de Bosnie, recevant des rapports et donnant des
7 instructions au personnel en haut de la hiérarchie. Il travaillait
8 étroitement avec Momcilo Mandic qui était alors un représentant serbe de
9 haut rang dans la police ethniquement mixte de Bosnie.
10 Vous entendrez des conversations téléphoniques interceptées où vous
11 entendrez Mandic et d'autres représentants officiels du MUP de Bosnie, où
12 Karadzic dicte les affectations du personnel, et ainsi que d'autres
13 questions. Ces écoutes où on fait référence à lui en l'appelant M. le
14 président ou patron, illustrent encore une fois son statut prééminent.
15 Etant donné que l'indépendance de la Bosnie se rapproche, les mesures pour
16 créer un MUP distinct ont été accélérées. Comme Mandic a dit à Karadzic au
17 mois de décembre 1991, où Karadzic s'est plaint du fait qu'il ne pouvait
18 pas parler complètement librement parce que leurs téléphones avaient été
19 mis sous écoute, en disant :
20 "…que le dirigeant du parti aille se faire foutre s'il est mis sur écoute
21 par sa propre police."
22 Et Mandic a répondu :
23 "Ce n'est pas votre police. Nous allons avoir les nôtres."
24 Souvenez-vous du conseil des ministres qui s'est réuni que j'ai évoqué un
25 peu plus tôt, la première réunion qui s'est déroulée en décembre 1991 et le
26 11 janvier 1992. Karadzic était présent et a décidé que les priorités
27 consistaient à :
28 "Définir le territoire ethnique et à mettre en place les organes
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1 gouvernementaux."
2 Et donc, au mois de février 1992, Mandic, Mico Stanisic et autres
3 représentants officiels serbes de premier plan du MUP conjoint à l'époque
4 ont commencé à mettre en place cette idée que "le pouvoir serbe devait se
5 faire sentir sur les territoires serbes."
6 Il a créé un comité où Mandic était responsable, je cite :
7 "…pour mener à bien tous les préparatifs nécessaires au fonctionnement du
8 MUP serbe après l'adoption de la constitution de la République serbe de
9 Bosnie-Herzégovine."
10 Et donc, à la date du 18 mars, Karadzic était en mesure de dire à
11 l'assemblée, à savoir l'assemblée serbe de Bosnie, et je cite :
12 "…ceci arrivera l'instant d'un éclair et la création d'une situation de
13 facto sur la base de nos documents… Nous allons annoncer le retrait du MUP,
14 sans parler du fait que nous avons déjà obtenu les insignes."
15 Et le 31 mars 1992, Mandic a envoyé une dépêche à tous les niveaux de la
16 police en déclarant que le MUP conjoint, le MUP de Bosnie, le MUP qui était
17 mixte avait été aboli et qu'un MUP serbe de Bosnie distinct avait été créé.
18 Malgré les appels à l'unité du ministère bosniaque de l'Intérieur et de
19 l'union de la police, le MUP de la Republika Srpska a été créé.
20 Et au fil des mois et années suivants, à commencer par la prise de contrôle
21 de Bijeljina le 31 mars 1992, la police a participé aux prises de contrôle,
22 désarmement et nettoyage ethnique des populations musulmanes et croates
23 dans les régions revendiquées par les Serbes. Après la création de l'armée
24 serbe de Bosnie, la VRS, le 12 mai 1992, Mico Stanisic a créé des unités de
25 guerre à partir du ministère de l'Intérieur qui ont été subordonnées à
26 l'armée pour les opérations, mais qui restaient sous l'autorité des
27 représentants officiels de la police, intactes, en quelque sorte.
28 La police dirigeait bon nombre de camps dans lesquels les civils musulmans
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1 et croates ont été détenus, les camps d'Omarska, Prijedor, Susica,
2 Vlasenica, Kula à Sarajevo, et ont commis certains des meurtres en masse
3 les plus importants, tels que le massacre à la montagne de Vlasic en août
4 1992 où plus de 200 détenus ont été récemment remis en liberté. A la tête
5 du MUP en 1992, comme je l'ai indiqué, c'était le premier ministre de
6 l'intérieur, c'était Miso Stanisic. Stanisic a assuré devant les membres de
7 l'assemblée en novembre 1992, qu'il avait mis en œuvre la politique de
8 Karadzic. Et je cite :
9 "Moi, en tant qu'homme, j'ai suivi la politique de la présidence du
10 SDS et en tant que député de l'ancien Etat, j'ai suivi toujours cette
11 politique."
12 Je vais brièvement évoquer la JNA, la force puissante militaire qui a
13 servi d'appui à ces prises de contrôle. Vous avez déjà entendu les écoutes
14 du mois d'octobre, où Karadzic exprime sa confiance en l'armée qui écrasera
15 en guise de réponse l'indépendance de la Bosnie. Karadzic continue à
16 s'appuyer sur Milosevic et la puissance militaire de la JNA, à la fois
17 directement par le biais d'information du SDS
18 propos de la JNA en juillet 1991 : "Si cela n'est pas une arme, qu'est-ce
19 que c'est ?"
20 Et la JNA, qui était autrefois l'armée de tous les peuples, est
21 passée à une force qui s'alignait sur les intérêts serbes en Bosnie. Ceci
22 est évoqué dans deux documents. Le premier document est un document qui
23 émane du ministre de la Défense, en décembre 1991, et ne laisse aucun doute
24 sur le groupe ethnique auquel se rallie l'armée, déclarant que les
25 priorités étaient de réaliser l'objectif ultime de la guerre :
26 "…la protection de la population serbe…"
27 Le deuxième document a été établi environ quatre mois plus tard par
28 le chef de la JNA du district militaire de Bosnie, et révèle, dans le
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1 document précédent du ministère de l'Intérieur que nous venons de voir,
2 avait été mis en œuvre rapidement. Ce document illustre le fait que 700 000
3 [comme interprété] volontaires serbes ont été armés par la JNA et le SDS
4 dans les municipalités dans l'ensemble de la Bosnie en prévision des prises
5 de contrôle. Le document cite :
6 "La JNA a distribué quelques 500 900 [comme interprété] pièces
7 d'armement, et le SDS, 17 290 [comme interprété]."
8 Madame et Messieurs les Juges, c'est ce que vous constaterez dans le
9 document qui correspond exactement au nombre de volontaires, comme cela est
10 illustré par le document.
11 Madame, Messieurs les Juges, il s'agit là de la police et de la JNA,
12 qui sont des forces militaires importantes. Je souhaite maintenant aborder
13 brièvement les unités militaires du SDS
14 collaborateur proche de Karadzic d'en parler. Il s'agit de Jovan Tintor, un
15 dirigeant de Serbes de Vogosca, dans une municipalité près de Sarajevo, et
16 un proche collaborateur de l'accusé. Je cite :
17 "Je me suis rendu de municipalité en municipalité et j'ai créé des
18 formations militaires sur ordre de mon président. Nous avons créé des
19 commandants de brigade, jusqu'aux commandants de peloton. Tout ceci a été
20 fait par le SDS."
21 Mais encore une fois, Madame, Messieurs les Juges, entendons cela de la
22 bouche de Karadzic lui-même. Et je cite :
23 "Nous avons fait différents calculs et signé différents accords avec la
24 Yougoslavie. Nous avons décidé de créer la TO, les brigades serbes, qui
25 était effectivement dirigée par le SDS
26 mais comme l'armée d'un peuple. Le noyau dur de l'armée existait dans
27 chaque municipalité. J'aimerais savoir dans quelle municipalité cela
28 n'existait pas."
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1 Et Karadzic explique également, je cite :
2 "La distribution d'armes s'est faite grâce à la JNA, ce qui a pu être
3 retiré l'a été et a été distribué au peuple dans les régions serbes. Mais
4 c'est le SDS qui a organisé le peuple et a créé l'armée. C'était une armée
5 avec la police. Telles étaient les forces armées de la République serbe de
6 Bosnie-Herzégovine. Ils ont créé l'espace, libéré et créé l'espace."
7 Madame, Monsieur les Juges, lorsque nous reviendrons, je souhaite aborder
8 avec vous cette notion d'espace, et par qui elle a été libérée.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger. Nous allons
10 faire une pause de 25 minutes et reprendre à 4 heures.
11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 34.
12 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
14 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Madame, Monsieur les Juges, lors de la séance précédente, je décris les
16 organes et les forces qui avaient été créés par Karadzic, qu'il a loué par
17 la suite en indiquant que ces dernières avaient libéré et créé l'espace, et
18 je vous ai précisé que je souhaitais maintenant aborder ce que signifiait
19 cette espace et par qui cet espace avait été libéré.
20 Le territoire revendiqué par Karadzic et les dirigeants serbes de Bosnie
21 était, d'après ses propres termes, "énorme." Ceci comprenait environ deux
22 tiers du territoire de la Bosnie. Souvenez-vous, par exemple, que Karadzic
23 a dit à Milosevic lors de cette conversation téléphonique que vous avez vue
24 à l'écran, que le gouvernement de Bosnie ne serait pas en mesure d'asseoir
25 son contrôle sur 65 % de son territoire.
26 Je souhaite maintenant vous montrer des extraits du discours de Karadzic en
27 novembre 1991, lors d'une séance plénière devant les représentants
28 officiels qui étaient rassemblés à cet endroit où il souligne à la fois
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1 l'étendue du territoire et son importance pour les Serbes de Bosnie. Je
2 cite :
3 "Je vous demande d'être énergiques et stricts, de vous préparer et
4 d'établir une autorité dans vos territoires, dans les municipalités, dans
5 les régions, dans les communautés locales et de vous préparer à la
6 régionalisation des municipalités.
7 "Si vous regardez la carte, nous avons un territoire immense en Bosnie-
8 Herzégovine, un territoire immense."
9 Vous verrez ceci en bas de vos écrans.
10 Et il a également dit lors de cette réunion aux représentants officiels, je
11 cite :
12 "Aucune fondation musulmane ne sera jamais posée dans des régions serbes ou
13 des villages serbes.
14 "Nous ferons exposer les premières fondations, les premières fondations
15 seront plastiquées… le monde comprendra lorsqu'on lui dira que nous ne
16 permettrons pas à la donne démographique de changer, que ce soit
17 naturellement ou artificiellement. En aucune façon, parce que ces
18 territoires nous appartiennent.
19 "Vous n'allez pas vendre de terres aux Musulmans. Vous ne devez pas le
20 faire, parce que ceci est un combat jusqu'à la mort pour l'espace vital."
21 Karadzic a justifié cette revendication selon laquelle les Serbes de Bosnie
22 avaient droit au deux tiers du territoire de Bosnie de différente manière,
23 notamment le génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale, ce qui a
24 contraint la population serbe à vivre dans des régions où ils étaient
25 minoritaires. Ils ont voté en faveur d'un plébiscite pour rester en
26 Yougoslavie, les régions autonomes. Mais quels que soient les raisonnements
27 avancés qui étaient variés et nombreux, le territoire revendiqué comprenait
28 les parties importantes de la Bosnie, territoire sur lequel vivaient des
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1 centaines de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie, dans bon nombre
2 de municipalités où ils étaient majoritaires. Comme vous remarquerez, si
3 vous regardez la carte de démographique, vous verrez l'étendue des zones
4 vertes en question.
5 Et les Musulmans et les Croates vivaient sur ces territoires, Madame,
6 Messieurs les Juges, Karadzic, à multiples reprises, a clairement indiqué
7 que ses ennemis étaient les Serbes, qu'ils ne pouvaient pas vivre ensemble.
8 Les Serbes, les Musulmans, d'après lui, étaient des chats et des chiens qui
9 ne pouvaient pas vivre ensemble, dans "la même litière," parce que
10 c'étaient des ennemis de toujours.
11 "Ceci me rappelle de l'expérience dans lequel un chat et un chien
12 sont retenus ensemble dans une boîte contre leur gré ou comme un mauvais
13 mariage que l'on force. Il est apparu qu'un chat et un chien ne pouvaient
14 rester dans la même litière qu'à une condition, à savoir perdre leurs
15 caractéristiques individuelles et cesser d'être d'une part un chat, d'autre
16 part un chien. Rappelez-vous que nous ne pourrons pas vivre ensemble pas
17 plus que ne peuvent de vrais chats et chiens."
18 Ou encore il disait que :
19 "Les Turcs et les Serbes ressemblaient à des plantes incompatibles
20 qu'ils ne peuvent pas survivre côte à côte.
21 "Dans le monde végétal" disait-il, "il y a des plantes qui ne peuvent
22 pas pousser les unes à côté des autres. Elles doivent être séparées les
23 unes des autres pour fleurir.
24 "Ou encore la comparaison s'imposait avec l'huile et l'eau.
25 "Les Musulmans étaient, d'après lui, tous des "Turcs," entre
26 guillemets, "des ennemis implacables et historiques." Et il avait
27 l'habitude de dire, je cite :
28 "Ceci est le genre de guerre où l'on ne peut pas perdre la guerre
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1 aujourd'hui, puis la reprendre dans dix ans. Personne ne peut rester sous
2 le règne des Turcs, personne ne doit rester sous le règne des Turcs."
3 Les Croates étaient tous des "Oustachi," réincarnation des ennemis de
4 la Seconde Guerre mondiale.
5 Les "Musulmans," disait-il, "allaient démographiquement surpasser les
6 Serbes par un taux de natalité que les Serbes ne pouvaient pas égaler.
7 Je cite :
8 "Nous ne pouvons pas contrôler les Musulmans dans un Etat intégré
9 comme celui-là. Nous savons très bien ce qu'est l'intégrisme et que nous ne
10 pouvons pas vivre ensemble. Il n'y a aucune tolérance, ils quadruplent leur
11 population par leur taux de natalité et nous, les Serbes, nous ne sommes
12 pas à la hauteur."
13 Et il disait que :
14 "Les Musulmans étaient des intégristes islamistes qui n'avaient qu'un
15 désir, c'était créer un Etat islamiste. Il expliquait, par exemple, ce que
16 signifiait cette longue expérience, cinq siècles d'expérience de l'islam
17 pour eux, en disant, je cite:
18 "…que nous saurons reconnaître le danger très ancien que représente cette
19 pieuvre toxique et omnidestructice."
20 Et le grief, sans doute le plus important, car il projetait directement sur
21 les victimes le prétexte à la base de leur massacre, c'était que les
22 Musulmans et les Croates les menaçaient de génocide, voulaient les tuer et
23 les éradiquer. Rappel des guerres de 1914, 1941 et 1991. "Ces guerres,
24 disait-il, "étaient et demeurent avant tout des guerres visant à
25 l'extermination de la population orthodoxe."
26 Le dénigrement des Musulmans et des Croates par Karadzic se faisait devant
27 des auditoires très réceptifs. Le niveau de nationalisme serbe et de
28 sentiments antimusulmans et anticroates était extrême. Vous verrez et
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1 entendrez nombre de personnes proférant des propos injurieux contre les
2 Musulmans ou les Croates, qui viendront du niveau de la république, des
3 municipalités et même des communautés locales, mais je n'en citerai que
4 deux exemples.
5 D'abord, Radoslav Brdjanin qu'on voit ici, président de la cellule de Crise
6 de la Région autonome de la Krajina, qui comprenait pratiquement tout le
7 nord-ouest de la Bosnie. Il parle à un meeting populaire en 1994 auquel
8 assistait Karadzic, Krajisnik et Plavsic, et d'autres dirigeants des Serbes
9 de Bosnie. Et à ce meeting, étaient réunies des milliers de personnes. Je
10 cite :
11 "Ces forces de gauche qui nous proposent une nouvelle fois la coexistence,
12 devraient savoir que les Serbes, dans les 100 ans à venir, ont le devoir de
13 nettoyer leurs chaussures de la pourriture non chrétienne qui a souillé
14 notre sol."
15 Et il dit également, je cite :
16 "Je propose que nous installions des barbelés et que nous affirmions que
17 nos ennemis ne se répandront plus jamais dans toute la Krajina, et ne nous
18 attaquerons plus jamais pour la quatrième ou cinquième fois durant ce
19 siècle."
20 Puis au niveau local, vous entendrez un certain nombre, un grand nombre de
21 représentants des communautés locales, notamment celui-ci qui vient de
22 Sanski Most. Je pense que ce qu'il dit vous suffira. Je cite :
23 "Savez-vous ce que nos ennemis épris de sang ont prévu pour nous, ce qu'ils
24 ont en tête ? C'est de nous énucléer, de nous dépecer, de déchiqueter notre
25 corps, de violer nos femmes et nos filles devant ceux aux yeux desquels
26 elles sont les plus chères, de circoncire, de détruire notre religion, de
27 nous écraser. Ne pensez pas qu'une seule famille pourra être épargnée. Ce
28 sont des monstres prêts et engagés vis-à-vis du viol des femmes serbes, et
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1 qui ont développé un système d'assassinat visant tous les Serbes."
2 Finalement, comme Karadzic le déclare devant l'assemblée serbe, en présence
3 des députés et d'autres représentants en février 1992, peu avant la prise
4 de pouvoir dans les municipalités, bien, les Serbes ne pouvaient pas vivre
5 avec les Musulmans et devaient donc s'en séparer. Je cite :
6 "Les Musulmans ne peuvent pas vivre avec autrui. Nous devons être très
7 clairs là-dessus. Ils n'ont pas pu vivre avec les Hindous, qui sont aussi
8 pacifiques que des moutons, c'est la religion de l'Inde. Ils sont un peuple
9 pacifique, et pourtant ils n'ont pas pu vivre avec autrui. Ils n'ont pas pu
10 vivre avec les Grecs à Chypre, ils n'ont pas pu vivre au Liban aux côtés
11 des Arabes, qui ont le même sang et la même langue, mais une religion
12 différente. Il n'y a aucune discussion là-dessus. Ils nous dépasseront avec
13 leur taux de natalité et leurs manigances. Nous ne pouvons pas permettre
14 que cela se passe."
15 Une fois que les Musulmans ont été éliminés, Karadzic a continué à
16 souligner l'importance d'un territoire ethniquement pur. C'est ce qu'il a
17 dit à l'assemblée au début de 1994, lorsqu'il parlait de la possibilité de
18 céder une partie du territoire conquis, le territoire conquis constituant
19 70 % environ de la Bosnie. Je
20 cite :
21 "Nous pouvons nous considérer comme des vainqueurs après avoir occupé ce
22 territoire puisque ce territoire est à 100 % serbe désormais. Comme c'était
23 le cas à l'époque de l'empereur Dusan."
24 Et comme il a continué à l'expliquer en citant des exemples de
25 territoires importants qui avaient été conquis comme Foca, par exemple, et
26 Doboj, il déclare, je cite :
27 "Il y a deux ans, nous constituions un groupe en Bosnie-Herzégovine,
28 qui avait certains droits, mais aujourd'hui nous sommes l'Etat et ce que
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1 nous détenons est à 100 % à nous."
2 Comme l'a rappelé un député devant l'assemblée des Serbes de Bosnie
3 en 1993, après la plus grande partie des conquêtes et le gros du nettoyage
4 ethnique, je cite :
5 "Il devrait être content de ce qui a été fait, et pas trop préoccupé quant
6 au fait que les Serbes ont dû laisser certains secteurs affectés par les
7 plans de paix au gouvernement bosniaque."
8 Je cite :
9 "Messieurs, il n'y a pas d'Etat serbe en Bosnie sans dépopulation et
10 déplacement, réinstallation des populations ailleurs, progressivement. Si
11 nous voulons un Etat serbe ethniquement pur - et c'est ce que nous voulons,
12 n'est-ce pas - si nous savons tout cela et si nous le soulignons, c'est
13 parce que nous ne pouvons pas vivre avec eux. Il nous font donc comprendre
14 que ces projets de cartes proposent exactement cela, à savoir des
15 réinstallations de population."
16 J'ai discuté des structures et des instances qui étaient prêtes à effectuer
17 la séparation à la fin du mois de mars 1992. Mais j'aimerais m'arrêter un
18 instant avant de parler des prises du pouvoir, pour parler des
19 négociations, pour dire quelques mots de ces négociations. Pendant la même
20 période où se créaient ces structures et ces instances, Karadzic et ses
21 compatriotes négociaient également avec les dirigeants politiques serbes de
22 Bosnie, ou en tout cas, organisait des pourparlers pour que l'objectif
23 ultime soit bien compris par tous, et que chacun sache que c'était l'unité
24 avec les Serbes de Croatie et de Serbie qui était recherchée."
25 Alors, vous entendrez sûrement de nombreuses personnes vous dire que
26 l'accusé a mené des négociations, en particulier dans le cadre des
27 pourparlers menés avec Cutileiro. Il a aussi témoigné dans le procès en
28 appel de Krajisnik en disant que la Communauté européenne lui "avait
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1 promis" pour les Serbes une république et avait laissé entendre que
2 c'étaient les Musulmans qui étaient coupables des crimes qui ont été
3 commis, parce qu'ils avaient appuyé l'accord avec Cutileiro. Alors, ceci
4 est faux et induit en erreur, et ce, à plusieurs niveaux. Aucune promesse
5 n'a été faite par la Communauté européenne, qui agissait en tant que
6 médiatrice. Les négociations qui ont abouti à un accord étaient des
7 négociations de principe et avaient prévu un certain nombre d'entités
8 ethniques, avait pris également en compte d'autres facteurs, et ce, bien
9 avant la signature de l'accord. Donc c'est Karadzic qui a assuré à
10 l'assemblée que rien ne serait signé tant que les Serbes de Bosnie
11 n'obtenaient pas exactement ce qu'ils voulaient. Mais en dehors du fait
12 qu'il déforme la réalité, même si un accord avait été réalisé dans ce cas
13 précis, nous ne parlons pas ici du fait de savoir si Karadzic aurait été
14 découragé par un tel accord avant d'avoir réalisé la séparation par la
15 force. Donc dire que les victimes n'ont pas capitulé devant les forces
16 auxquelles elles étaient confrontées n'est pas une excuse. Quoi qu'il en
17 soit, Karadzic a toujours mené les Serbes sur une double voie. Négociation
18 d'une part, et de l'autre, volonté et capacité à recourir à la force pour
19 obtenir ce qui n'avait pas été obtenu par les négociations. Et s'il ne
20 pouvait pas obtenir quelque chose par les négociations, bien, il se
21 tournait vers ses soldats pour accélérer les conquêtes.Ici, nous voyons
22 Mladic en 1995, qui décrit l'objectif fondamental de toutes ces opérations,
23 à savoir briser et détruire les forces ennemies et "imposer ainsi par la
24 force des armes l'accord final de la guerre contre l'ennemi en mettant la
25 communauté internationale dans une position où elle serait obligée de
26 reconnaître la réalité de la situation sur le terrain et mettre fin à la
27 guerre…"
28 Durant le conflit, Karadzic et la direction serbe de Bosnie ont mis
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1 l'accent et insisté sur les négociations et leur influence sur la situation
2 factuelle créée par le nettoyage ethnique. Comme le disait Karadzic, je
3 cite :
4 "Nous avons créé de nouvelles réalités. Pour parler bref, Zvornik était
5 avant à 60-40 à l'avantage des Musulmans, mais les Serbes de Zenica sont
6 arrivés, ils ont occupé Kozluk, les Musulmans sont partis un peu partout en
7 Europe, je ne sais pas où encore. Et ces gens-là nous ont dit," parlant des
8 négociateurs, "qui vous donne le droit de demander Zvornik ?"
9 Et Karadzic continue comme s'il répondait aux négociateurs, je cite :
10 "Nous voulons Zvornik en fonction du droit qui nous a été donné par la
11 nouvelle réalité. Cette guerre a créé cette nouvelle réalité."
12 Il insiste sur la nécessité d'une nouvelle guerre pour "défaire ce qui a
13 été accompli par la force."
14 Alors, pour récapituler, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
15 Juges, à la fin 1992, les structures politiques étaient prêtes, la police
16 était prête, le SDS et ses unités armées étaient prêtes, tout cela avec le
17 soutien de la JNA pour libérer l'espace.
18 Le 24 mars 1992, avec l'indépendance de la Bosnie qui datait de deux
19 semaines à peine, Karadzic expliquait devant l'assemblée que les effectifs
20 de la police étaient suffisants et que très bientôt, il serait possible
21 "d'obtenir ce qu'on souhaitait", je cite :
22 "… toutes les municipalités serbes, les anciennes comme les nouvelles, vont
23 prendre le contrôle de pratiquement tout le territoire des municipalités en
24 question."
25 Et il explique dans les jours qui suivent, je cite :
26 "Il y aura une seule méthode utilisée et vous pourrez l'appliquer dans les
27 municipalités que vous représentez, y compris deux choses à faire. Il vous
28 sera dit comment séparer les forces de police, prendre ce qui appartient au
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1 peuple serbe et vous emparer du commandement."
2 Et en fait, effectivement, ils étaient prêts. Le fossé qui séparait, du
3 point de vue de la capacité militaire, les Serbes de Bosnie, aidés par les
4 Serbes de Serbie d'une part et, d'autre part, les Musulmans et les Croates
5 de Bosnie, se voit dans les prises du pouvoir au niveau municipal les unes
6 après les autres.
7 Vous entendrez de nombreuses personnes et vous verrez de nombreux éléments
8 de preuve qui vous montreront que, du point de vue de la capacité militaire
9 et de l'armement, il y avait un véritable fossé au moment où les prises du
10 pouvoir ont commencé et que ce fossé a continué à exister longtemps après.
11 Comme un député le dit en janvier 1993, parlant des Musulmans au début de
12 la guerre, je cite :
13 "Ils n'étaient pas entraînés, ils n'étaient pas habitués à la guerre et ils
14 n'avaient pas d'armes."
15 C'était, en revanche, les Serbes, a-t-il expliqué, qui étaient les
16 "véritables maîtres de la guerre." Et ceci se retrouve dans l'analyse faite
17 en 1993 de l'aptitude au combat et de l'action de l'armée de la Republika
18 Srpska dans un document strictement confidentiel, document militaire de
19 l'armée des Serbes de Bosnie où nous lisons, je cite :
20 "Puisque les Musulmans n'avaient pas suffisamment d'armes ou d'équipements
21 et n'avaient pas d'appuis significatifs pour leurs unités d'infanterie, il
22 était nécessaire d'agir et ce, avec des armes à longue portée."
23 Alors, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, j'ai parlé il y
24 a un instant de l'explication fournie le 24 mars 1992 par Karadzic aux
25 personnes rassemblées à l'assemblée des Serbes de Bosnie auxquelles il a
26 dit qu'elles prendraient le commandement dans les quelques jours à suivre.
27 J'aimerais maintenant dire quelques mots du début des prises de pouvoir
28 dans les municipalités par les forces serbes de Bosnie.
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1 Déjà en janvier 1992, Karadzic qui, à ce moment-là, était furieux
2 vis-à-vis d'Izetbegovic parce qu'il parlait ouvertement d'indépendance et
3 de souveraineté de la Bosnie, a dit à Krajisnik dans une conversation
4 téléphonique interceptée, je cite :
5 "…Qu'il aille se faire foutre. Nous allons lâcher nos Tigres et nous les
6 laisserons faire leur travail."
7 Et à la fin du mois de mars 1992, alors que l'indépendance de la Bosnie
8 était imminente, dans les jours qui suivirent, Karadzic a commencé à parler
9 de prise du pouvoir au niveau municipal et a dit que les unes après les
10 autres, les municipalités tombaient sous leur contrôle, avec création de
11 populations monoethniques grâce aux mêmes forces que celles sur lesquelles
12 on s'était déjà appuyé en Croatie et puis à Bijeljina sous la supervision
13 de la cellule de Crise. Vous verrez que, je cite :
14 "Tout a commencé par le déplacement des barrages."
15 Là, il est question de la Garde des Volontaires serbes, cette garde dirigée
16 par Arkan, un dirigeant paramilitaire bien connu qui a apporté son concours
17 à Bijeljina avant de passer dans d'autres municipalités. Arkan était en
18 contact étroit avec la direction des Serbes de Bosnie et notamment avec
19 Biljana Plavsic, qui a suivi ses progrès jusqu'à Zvornik et l'a invité à
20 lui apporter son aide à Sarajevo. Dans d'autres endroits, les forces de
21 Karadzic se sont emparées d'autres municipalités avec l'aide de la JNA. A
22 Vlasenica, par exemple, je cite :
23 "Le 20 avril 1992, les forces de l'armée populaire yougoslave et leurs
24 unités coordonnées par la cellule de Crise du SDS
25 Vlasenica."
26 A Sarajevo, Karadzic et ses collaborateurs les plus proches ont supervisé
27 personnellement et directement la prise du pouvoir et la séparation
28 ethnique de force. Parmi d'autres, il a travaillé avec les dirigeants
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1 politiques du SDS locaux, tels que Jovan Tintor, qui a déjà été évoqué et
2 Nedelko Prstojevic. Comme l'a dit Prstojevic devant les députés de
3 l'assemblée, je cite :
4 "…Quand Karadzic nous a rendu visite à Ilidza et nous a encouragé, les
5 Serbes de Sarajevo ont conservé le contrôle du territoire et même d'un
6 territoire très étendu dans certains secteurs dont ils ont chassé les
7 Musulmans qui étaient en réalité numériquement la majorité."
8 Vous verrez un certain nombre d'écoutes téléphoniques où on entendra
9 Prstojevic, notamment une écoute où il ordonne à ses hommes de faire des
10 prisonniers, d'emmener les prisonniers jusqu'à la prison et d'emmener les
11 femmes capturées dans un secteur musulman, je cite :
12 "…Dis-leur que ceux qui se convertiront à la religion orthodoxe sur le
13 champ peuvent rester. Je parle des femmes et des enfants."
14 Et dans les six semaines qui ont fait suite au début des prises de pouvoir
15 dans les municipalités jusqu'à la création de la présidence collective,
16 Karadzic a dirigé le Conseil de sécurité national qui se composait de ses
17 collaborateurs les plus proches, notamment de Krajisnik, Koljevic, Plavsic,
18 Stanisic et le ministre de la Défense, Bogdan Subotic. Comme le dit
19 Karadzic en 1993, je cite :
20 "Alors que nous n'avons toujours pas d'Etat, nous avions un Conseil de
21 sécurité national où siégeaient les plus importants d'entre nous."
22 Ce Conseil de sécurité national prenait des décisions sur tous les sujets
23 d'importance qui, ensuite, étaient officialisées par le sceau légal de
24 Koljevic et de Plavsic ou du gouvernement ou de ses ministres, autrement
25 dit. Karadzic signait la décision, il a signé la décision portant mise en
26 action de la Défense territoriale et Karadzic a été désigné pour coordonner
27 le commandement des forces de la Défense territoriale, ainsi que pour agir
28 au niveau politique.
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1 Comme nous l'avons déjà dit, Karadzic allait par la suite vanter les
2 efforts des forces armées du SDS et de la police "qui avaient libéré les
3 territoires et créé un espace", dans les cinq à six semaines après le début
4 des prises de pouvoir. Le 12 mai 1992, lorsque l'assemblée s'est réunie
5 pour la première fois depuis le début du conflit, nombre de municipalités
6 avaient déjà été prises.
7 Et le 12 mai 1992, lorsque l'assemblée s'est réunie à Banja Luka, les
8 forces serbes de Bosnie sont devenues encore plus fortes. Elles ont créé
9 leur armée. Dans les quelques semaines qui avaient précédé, Karadzic
10 s'était organisé avec Milosevic et d'autres responsables serbes et
11 yougoslaves pour organiser la création de l'armée serbe de Bosnie par
12 transformation de la JNA, armée populaire yougoslave, qui se retirait
13 officiellement de la Bosnie en laissant derrière elle des dizaines de
14 milliers de soldats et d'officiers sur lesquels les dirigeants serbes de
15 Bosnie pouvaient prendre le commandement, ainsi que des armes très
16 nombreuses.
17 Karadzic a choisi comme commandant de l'état-major principal de la nouvelle
18 VRS Ratko Mladic, qui avait dirigé l'effort de nettoyage en Croatie. Il le
19 rappelle, à l'assemblée en 1995 :
20 "Messieurs, nous avons les officiers que nous avons demandés. J'ai voulu
21 avoir Mladic. Le général Ninkovic qui était alors colonel, et le général
22 Perisic sont venus me voir, et j'ai remarqué que Mladic ne mâchait pas ses
23 mots devant la presse. Il était déjà à Knin. Il m'intéressait. Et avec
24 Krajisnik, je suis allé voir le général Kukanjac, je l'ai entendu donner
25 des ordres et des ordres au commandement à Kupres et à Knin. Nous avons
26 passé d'innombrables nuits chez lui, dans son bureau. Mais qu'est-ce que
27 l'armée était censée faire ? Bien, Karadzic l'explique aussi, le 12 mai,
28 lorsqu'il annonce et explique les objectifs stratégiques qui s'inscrivent
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1 dans l'analyse de la politique militaire et politiques qu'il faut adopter
2 et qui vont définir les missions opérationnelles de la VRS pendant la
3 guerre. Ces objectifs officialisaient les objectifs auxquels les forces de
4 Karadzic s'étaient déjà attelées. Comme nous le constatons dans l'analyse
5 annuelle de l'attitude au combat et des actions de la VRS en 1992, ces six
6 objectifs ont été présentés à la VRS comme étant le schéma directeur des
7 opérations concrètes à planifier. Je cite :
8 "Les objectifs stratégiques de notre guerre qui ont été bien vite définis
9 et présentés à l'état-major de la VRS, au commandement des unités,
10 serviront de schéma directeur à partir duquel les opérations concrètes et
11 les batailles concertées seront planifiées et menées à bien."
12 Mladic lui-même le dit. Je le cite :
13 "Les missions opérationnelles de l'armée dans cette guerre découlent des
14 six objectifs stratégiques déjà connus et adoptés par notre assemblée."
15 Lors de cette réunion, de cette séance de l'assemblée le 12 mai, Karadzic a
16 expliqué que le premier objectif stratégique c'était la séparation. Je le
17 cite :
18 "Le premier objectif c'est la séparation des deux autres communautés
19 nationales, la séparation des Etats, la séparation de ceux qui sont nos
20 ennemis et qui n'ont pas raté une seule occasion, surtout au cours de ce
21 siècle, pour nous attaquer, et qui continuerons de le faire si nous restons
22 dans le même Etat qu'eux.
23 L'Etat dont il parle c'est, bien sûr, la Bosnie. Les ennemis dont il parle
24 ce sont les Musulmans et les Croates de Bosnie. Et la séparation dont il
25 parle sera accomplie au moyen du nettoyage ethnique. Ce premier objectif
26 stratégique, c'était comme l'a dit Krajisnik ce jour-là, l'objectif le plus
27 important. Les autres en dérivent et spécifient les méthodes à employer
28 pour y parvenir.
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1 Le deuxième objectif stratégique, c'est la création d'un corridor dans la
2 région de la Posavina, qui va relier non seulement les territoires
3 revendiqués par les Serbes entre eux mais aussi avec les Serbes de Croatie
4 à l'ouest et avec les Serbes de Bosnie à l'est.
5 Troisième objectif stratégique, c'est un corridor qui va abolir la
6 frontière qui existait jusqu'à présent entre la Bosnie et les Serbes de
7 Bosnie.
8 Quatrième objectif stratégique, c'est une frontière qui va se trouver sur
9 la rivière Una au nord-ouest, et la Neretva au sud-est.
10 Cinquième objectif stratégique, c'est la division de Sarajevo. Une partie
11 sera réservée aux Musulmans, l'autre aux Serbes.
12 Sixième objectif stratégique, c'est l'accès à la mer.
13 "En réalisant ces six objectifs stratégiques," dit Karadzic à l'assemblée
14 le 12 mai, "les Serbes vont enfin terminer ce combat, cette lutte pour la
15 liberté que mène le peuple serbe. Et les Serbes vont enfin se débarrasser
16 de l'illusion serbe de la fraternité et de l'unité, surtout celle qui
17 transcende les clivages religieux."
18 Mladic avait été nommé commandant de l'état-major principal lors de cette
19 séance d'assemblée. Et il était là. Et il s'est aussi exprimé à propos des
20 objectifs, une fois ceci annoncé par Karadzic. Il a dit, il a conseillé aux
21 personnes présentes de ne pas pécher par trop d'ambition. "Ne nous donnons
22 pas d'objectifs voués à l'échec," dit-il, "donnons-nous des objectifs que
23 nous sommes capables de réaliser."
24 Il dit : "C'est en partie, cette [inaudible] s'explique en partie par la
25 crainte que la communauté internationale ne les autorise pas à garder ce
26 qu'ils avaient conquis, mais aussi parce que le nettoyage ce n'est pas une
27 mince affaire. Le peuple, les populations, ce ne sont pas des pions. Ce ne
28 sont pas des clés qu'on peut mettre d'une poche dans l'autre. C'est plus
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1 facile qu'à faire," dit-il.
2 Il rappelle aux délégués présents que ces objectifs, de par leur nature
3 même, doivent restés secrets. Je le cite :
4 "Je vous le demande. Il nous faut nous concentrer sur l'objectif recherché,
5 mais aussi bien y réfléchir. Veillons à garder bouche cousue. Ce que nous
6 sommes en train de faire exige un secret absolu."
7 A cette même séance du 12 mai 1992, Karadzic a été élu à la présidence
8 collective se composant de trois personnes, c'était pro forma. Ça n'a pas
9 nécessité de discussion. Il a été ensuite choisi président de la présidence
10 et chargé des questions militaires. En décembre 1992, il devenait président
11 unique, ce qu'il est resté pendant toute la durée du conflit.
12 Que ce soit comme président de la présidence chargée des questions
13 militaires ou comme président unique, vous l'avez vu dans cette écoute
14 téléphonique, il était le chef militaire, de jure et de facto, il était le
15 commandant suprême. En tant que membre de l'état-major principal de cette
16 armée serbe de Bosnie qui venait d'être créée, ceci a été expliqué en
17 septembre 1992 à l'assemblée des Serbes de Bosnie. Au fond, les éléments
18 essentiels sont ceci : il y a le commandement Suprême de l'armée, et ça
19 c'est le président de la république. Il est le commandant suprême. Et ici,
20 ce sera la présidence. Tous les éléments de la Défense et de l'armée sont
21 subordonnés à cette instance. Nous, dans l'armée, nous adoptons et nous
22 suivons cette chaîne hiérarchique et nous la respectons tout à fait. Il n'y
23 a pas un seul acte significatif qui soit accompli sans garder ceci à
24 l'esprit.
25 Par conséquent, la chaîne hiérarchique, c'est celle-ci :
26 "…on a le commandant suprême, le président de la république, l'état-
27 major général de l'armée fédérale. Pour nous, ce sera l'état-major
28 principal."
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1 Mladic, le dit en 1993, et il parle à Karadzic. Il dit :
2 "Il n'y a pas un seul officier qui aurait accompli une mission sans
3 votre approbation dans la VRS. Monsieur le Président, vous avez le soutien
4 inconditionnel, tant de l'armée que du service de Renseignements
5 militaires."
6 Mladic le dit aussi à Karadzic en 1993, lorsqu'il parle des objectifs
7 stratégiques et du poste de chef de Karadzic. Il dit :
8 "Si je me souviens bien, lors de ce que nous a été dit par cette
9 assemblée l'année dernière, vous nous avez chargé de cette fonction de
10 commandant de l'état-major principal. Il n'est pas exact de dire que je
11 n'aurais pas respecté chacun de vos ordres."
12 Mais Karadzic le dit lui-même lorsqu'il parle de la période
13 consécutive à celle où il est devenu le seul président et lorsqu'il a
14 établi le commandement Suprême, qui se composait de plusieurs dirigeants
15 militaires et politiques. Voici ce qu'il dit :
16 "C'est moi qui suis responsable, c'est moi qui suis responsable de
17 l'armée. Moi, je vous rends compte, je rends compte au peuple, mais les
18 commandants me rendent compte à moi, au commandant du corps et des
19 brigades. Et l'approbation est donnée. J'ai établi un commandement Suprême,
20 de façon à ce ne pas prendre de décisions tout seul. Ce n'est pas pour me
21 dissimuler, mais c'est moi qui signe, qui décide, et c'est moi qui prends
22 la responsabilité de chacune des décisions prises."
23 Karadzic n'était pas un commandant tactique, il n'avait pas
24 d'expérience militaire. Et les rapports qu'il entretenait avec Mladic et la
25 VRS n'étaient pas sans friction, sans tension, sans moments d'affrontement.
26 Notamment en 1993, et surtout en 1995, lorsque Karadzic a essayé de
27 modifier le poste qu'avait Mladic à la suite de la perte de la Krajina
28 serbe, en 1995. Mais tout du long, l'autorité ultime de Karadzic et la
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1 volonté qu'il partageait avec Mladic d'aboutir aux objectifs, jamais tout
2 cela n'a changé.
3 Karadzic lui-même a souligné que ces frictions ne modifiaient en rien
4 la chaîne de commandement, que c'était naturel, même sain, d'en avoir. Il
5 le dit en 1995 :
6 "Je suis, en tant que chef suprême, très respecté par tous les
7 officiers, par tous les soldats. J'aime bien qu'on discute avec moi, car ça
8 me permet de prendre de bonnes décisions, et une fois la décision prise,
9 mes hommes l'exécute avec brio."
10 Avec Karadzic aux commandes, la VRS, associée aux unités de guerre du MUP,
11 à commencer à faire connaître et appliquer ces objectifs. Ces objectifs
12 stratégiques ont été communiqués aux officiers, aux conscrits et à divers
13 chefs de municipalités. Par exemple, deux jours après l'annonce faite le 12
14 mai par Karadzic des objectifs stratégiques, des membres de l'armée ont
15 rencontré les présidents de municipalités dans la RAK. A l'occasion de
16 cette réunion les participants ont été informés des conclusions adoptées à
17 la séance de l'assemblée du 12 mai à Banja Luka :
18 "Les objectifs stratégiques formulés à la réunion de Banja Luka ont
19 été présentés." C'était une citation.
20 Autre citation :
21 "La réunion a adopté la conclusion disant que les objectifs
22 stratégiques seraient appliqués et seraient soumis au commandement des
23 unités et des municipalités."
24 Dans la même veine, le général Talic, qui commandait le 1er Corps de la
25 Krajina dans la Région de la RAK a donné un ordre d'application à toutes
26 les brigades, à toutes les divisions qui ordonnaient d'"expliquer notamment
27 aux conscrits lorsqu'ils arrivaient quel était l'objectif poursuivi."
28 Ces objectifs ont été décrits dans un document présenté par un
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1 adjoint de Talic, destiné à toutes les unités du corps. Ce document
2 expliquait que le peuple serbe était menacé de génocide et "devait lutter
3 pour parvenir à une séparation complète d'avec les peuples musulman et
4 croate de Bosnie pour former un Etat pour eux-mêmes."
5 Il a ajouté que c'était l'objectif stratégique dont découlaient tous les
6 autres objectifs stratégiques. La VRS s'est mise presque aussitôt à la
7 réalisation de ces objectifs. Je vous l'ai dit, le deuxième objectif
8 stratégique énoncé par Karadzic c'était d'établir un corridor entre la
9 Semberija et la Krajina. Vous verrez la carte. Vous avez le corridor de la
10 Posavina qui se trouve entre l'ouest et l'est de la Bosnie. Vous voyez les
11 Croates de Bosnie à l'ouest, et les Musulmans de Bosnie à l'est. Il le dit,
12 "…c'est un objectif capital pour le peuple parce qu'il intègre les terres
13 serbes. Il intègre, non seulement il rattache les zones serbes en Bosnie-
14 Herzégovine entre elles, mais aussi il les réunit à la Serbie et aux Serbes
15 de Croatie. C'est un objectif stratégique qu'il faut absolument réaliser
16 car il n'y aura pas de Krajina serbe, de Krajina bosniaque ou une alliance
17 des Etats serbes si nous ne parvenons pas à établir ce corridor."
18 Talic était le commandant du 1er Corps de la Krajina opérant dans la région.
19 Talic avec Mladic était un vétéran de la campagne de nettoyage menée en
20 Croatie. Nous l'avons vu dans des écoutes téléphoniques. Et il avait été
21 chargé d'établir ce corridor de la Posavina et il y est parvenu. A la date
22 du 24 juillet 1992, il a pu fournir cette directive à tous les groupes
23 tactiques du 1er Corps de la Krajina. Je le cite :
24 "Nous avons libéré les territoires que nous considérons nôtres pour créer
25 des conditions propices à la direction politique et militaire de la
26 République serbe de Bosnie-Herzégovine au moment de mener des négociations
27 sur le système constitutionnel qu'il faudra trouver pour la Bosnie-
28 Herzégovine mais en partant d'une position de force."
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1 Et il poursuit et dit ceci :
2 "Nous avons établi des corridors en Bosnie orientale, en Posavina de
3 Bosnie, réalisant ainsi ces aspirations séculaires des peuples serbes de
4 Bosnie, qui était de relier ce peuple serbe de Bosnie et la République
5 serbe de Krajina avec la mère patrie : la Serbie."
6 Effectivement, à la date du 1er juillet 1992, Mladic était en mesure
7 d'envoyer ses félicitations au 1er Corps de la Krajina à la suite des succès
8 remportés. Il exprime sa gratitude, sa reconnaissance, puis il dit ceci :
9 "Je vous remercie d'avoir réussi à organiser et à appliquer cette opération
10 de percée, d'expansion et de nettoyage du corridor en Posavina de Bosnie,
11 entre la Bosnie orientale et la Bosnie occidentale, et aussi d'avoir réussi
12 à organiser des actions conjointes et avoir fait une bonne coordination des
13 unités combattantes. Les unités de ce corps sur ce territoire montrent
14 aussi que c'est seulement en faisant front commun contre les ennemis de la
15 cause serbe en Bosnie-Herzégovine que nous allons réaliser nos objectifs
16 militaires et politiques."
17 L'accomplissement du deuxième objectif stratégique s'est fait par le biais
18 de l'opération, dit de l'opération Corridor. Et il y a eu en même temps la
19 poursuite de l'objectif stratégique numéro 1 et tout ceci s'est fait par
20 une opération Eclair menée contre une population croate et musulmane tout à
21 fait étouffée dans les régions ciblées. Ces opérations commençaient toutes
22 par un premier pilonnage des villages, puis une attaque d'infanterie qui
23 rencontrait généralement peu de résistance. En général, il fallait peu de
24 temps pour prendre le contrôle de la région, suivait alors la rafle des
25 Musulmans et des Croates et leur internement dans des centres et des camps
26 de détention.
27 J'aimerais vous montrer quelques documents qui sont assez illustratifs de
28 la nature de cette campagne. Nous avons d'abord une mise à jour
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1 hebdomadaire qui vient du QG régional de la police, CSB
2 Bosnie occidentale. Ici est écrit un affrontement à un poste de contrôle.
3 Deux soldats serbes avaient arrêté une voiture, ils avaient été tués. Mais
4 les auteurs présumés n'avaient pas été tout de suite remis au commandement
5 militaire. Je cite :
6 "L'armée a lancé une attaque d'artillerie sur le village de Hambarine et a
7 nettoyé la région." On parle ensuite d'une autre provocation présumée
8 ailleurs à Kozarac. Je cite :
9 "L'armée s'est livrée à une opération de nettoyage. Plusieurs centaines
10 d'habitants dans ces villages ont été tués ou blessés."
11 Deux points rapidement en matière de terminologie. Quand on dit nettoyage
12 ou ratissage, "mopping up," en anglais, c'est la traduction du mot B/C/S
13 "ciscenje" ou de ses équivalences. Ce terme signifie nettoyer ou ratisser.
14 Une opération de nettoyage ou de ratissage normalement c'est une opération
15 qui se fait après une bataille dans le but de traquer ce qui reste des
16 forces ennemies. Ça peut être aussi une opération de nettoyage visant
17 précisément des civils. Il vous incombera en fonction du contexte et des
18 éléments de preuve, Madame et Messieurs les Juges, de déterminer s'il
19 désigne l'une ou l'autre de ces acceptions et quel genre d'actions ceci
20 traduit.
21 Le passage dont je viens de vous donner lecture concerne une
22 opération de "ciscenje" menée à Hambarine et Kosorac, municipalités de
23 Prijedor. Ce sont deux actions typiques et incontestables de nettoyage
24 ethnique brutal mené contre des populations civiles sans défense comme les
25 éléments de preuve vous le montreront.
26 Un autre document qui illustre la nature de l'opération menée dans le but
27 de réaliser des objectifs stratégiques 1 et 2, c'est ce que dit le général
28 Talic à l'état-major principal de l'armée le 14 juin 1992. Je cite :
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1 "La situation la plus difficile c'est celle des réfugiés musulmans et
2 croates dans le secteur de la Région autonome de la Krajina, la RAK. Leur
3 sécurité et la nécessité de leur fournir des vivres. La tentative visant à
4 les chasser vers la Bosnie centrale a échoué en raison des difficultés
5 liées aux moyens de transport et de leur refus de partir."
6 Une autre citation venant de Talic adressée à l'état-major principal :
7 "Dans le secteur de Derventa, il y a encore de temps à autre des tirs
8 d'artillerie, et parce que les extrémistes musulmans n'ont pas rendu les
9 armes, la population musulmane du village de Lisnja a été expulsée dans le
10 secteur englobant ce village."
11 Dans d'autres documents, vous le verrez, il est fait référence, et je cite
12 : "La destruction massive de villes musulmanes; les déclarations publiques
13 de chefs du SDS qui exhortent à chasser les Musulmans et les Croates, quels
14 qu'ils soient, et l'avis de Talic, qui dit que les dirigeants municipaux
15 régionaux devraient mettre plus de cœur à faire partir la population croate
16 et musulmane.
17 Bien évidemment, pour ce qui est des éléments de preuve des témoins
18 oculaires de cette époque --
19 Je vais maintenant aborder l'objectif stratégique numéro 3, ainsi que
20 son objectif; l'objectif stratégique numéro 3 et la zone que cela recouvre.
21 Il s'agit là de la région qui se trouve en Bosnie orientale. Comme Karadzic
22 l'a expliqué le 12 mai, je cite :
23 "Le troisième objectif stratégique consiste à établir un corridor dans la
24 vallée de la Drina, à savoir l'élimination de la frontière entre ces deux
25 mondes au niveau de la Drina. Nous sommes des deux côtés de la Drina et
26 notre intérêt stratégique et notre espace vital se trouvent là."
27 Et il poursuit :
28 "Donc cela demeure utile pour nous et que ceci reste positif. Ceci
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1 nous permet de nuire aux intérêts de notre ennemi en établissant un courant
2 d'air qui les reliait à l'international musulman et rendrait cette région
3 définitivement instable."
4 Ce lien à l'international musulman auquel il a fait référence, c'est
5 quelque chose qu'évoquent Karadzic et d'aucuns en parlant du "transversal
6 vert," à savoir en bloquant tout accès des Musulmans qui se trouvent en
7 Serbie, de façon à ce qu'ils ne puissent pas entrer en Bosnie, puisqu'il
8 s'agissait là de territoires qui avaient été conquis par les Serbes. Et
9 d'après les régions qui se trouvent en vert dans la partie orientale - je
10 souhaite préciser que ce cercle représente l'objectif stratégique numéro 2.
11 Mais moi, j'évoque maintenant l'objectif stratégique numéro 3, à savoir
12 l'élimination de la Drina, la frontière sur la partie est de la Bosnie -
13 vous voyez ici en vert les municipalités musulmanes. Donc il s'agissait de
14 faire en sorte que l'espace vital des Serbes soit sous contrôle, de façon à
15 ce que les Musulmans venant de Serbie ne puissent pas accéder à cette zone-
16 là.
17 Comme ceci a été indiqué dans le rapport de préparation au combat de la
18 VRS, strictement confidentiel, et l'analyse des événements en 1992, il
19 s'agit du rapport de 1993, malgré les succès des unités militaires et de la
20 police au cours des premières cinq ou six semaines de la guerre, au moment
21 où les prises de contrôle ont commencé, ils n'ont pas:
22 "…réussi à réaliser les objectifs stratégiques de la lutte armée du
23 peuple serbe dans l'ancienne Bosnie-Herzégovine."
24 Y compris l'ouverture et la maîtrise d'un corridor :
25 "Ils n'ont pas réussi à ouvrir ces corridors au niveau de la Sava
26 dans la Posavina entre la RSFY et la Posavina qui relieraient la Posavina à
27 la RSFY et un couloir qui relierait l'Herzégovine à la RSFY par le biais de
28 la vallée de la Drina."
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1 Donc la réalisation et l'achèvement de l'objectif numéro 3 est allé au-delà
2 de l'année 1992 et a été prolongé au cours de l'année 1995 avec l'attaque
3 de Srebrenica. En 1992, la supériorité militaire écrasante des Serbes de
4 Bosnie a fait que cet objectif a été en grande partie réalisé municipalité
5 en municipalité en Bosnie, réalisé par les forces de Karadzic, ce
6 nettoyage.
7 Donc l'objectif stratégique numéro 3 au niveau du corridor de la
8 Bosnie orientale a été mis en œuvre rapidement. Il s'agit d'un ordre de
9 Karadzic qui fait état de l'importance de cette opération :
10 "…afin de contrôler complètement la zone de Birac et de maîtriser le
11 corridor entre Romanija et Semberija et maintenir le lien avec la Serbie."
12 Le Romanija se trouve à l'est de Sarajevo et la Semberija se trouve
13 dans le nord et la région de Birac se trouve dans la région de Zvornik,
14 Vlasenica et Srebrenica.
15 Encore une fois, Madame, Messieurs les Juges, simplement un ou deux
16 documents pour illustrer le caractère de la campagne qui visait à mettre en
17 œuvre l'objectif numéro 3. Voici un document qui est daté du 28 mai 1992,
18 un ordre qui a été donné par le commandant de la Brigade de Birac, comme je
19 l'ai dit, dans la zone qui se trouve autour de Zvornik, Bratunac et
20 Vlasenica, la partie nord de la rivière Drina:
21 "Le déplacement de la population musulmane doit être organisé et coordonné
22 avec les municipalités par le biais desquelles ceci est organisé. Il n'y a
23 que les femmes et les enfants qui peuvent s'en aller. Les hommes aptes au
24 service militaire doivent être placés dans des camps pour être échangés."
25 De même, le 7 juin, le commandant du Corps de Bosnie orientale a donné un
26 ordre qui est envoyé à toutes les unités subordonnées concernant les
27 opérations coordonnées en Bosnie du Nord et de l'Est qui concernaient le
28 Corps de Bosnie de l'Est, le Corps de Romanija-Sarajevo et le 1er Corps de
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1 Krajina. Cet ordre contient pas moins de neuf références à "ciscenje" ou
2 "cistiti," le nettoyage ou le nettoyage du terrain. Il interdit,
3 conformément à l'ordre d'Andric que vous venez de voir, l'arrestation de
4 civils ainsi que le mauvais traitement de la population civile. Encore une
5 fois, vous entendrez tous les éléments de preuve qui vous permettront de
6 déterminer le sens du terme "ciscenje," le rassemblement dans les villes,
7 dans les camps, les villes et les villages qui ont été attaqués et brûlés
8 et tout le long du corridor. Vous tiendrez compte également, Madame,
9 Messieurs les Juges, de tous les éléments d'époque portant sur le nettoyage
10 qui était connu des dirigeants serbes de Bosnie.
11 A la fin du mois de juillet 1992, par exemple, Rajko Dukic, un des
12 dirigeants politiques les plus puissants dans la région de Birac et un
13 acolyte proche de Karadzic - vous verrez des écoutes téléphoniques, il
14 était le président du comité exécutif du SDS
15 que Karadzic, Krajisnik et les autres qui étaient à la session de
16 l'assemblée, je cite :
17 "…il y a Birac qui est à 100 ou 108 kilomètres et qui comporte 120 000
18 Musulmans. Tel était leur nombre, mais j'espère que ce chiffre a été réduit
19 de moitié au moins."
20 Il s'agissait là de la même séance de l'assemblée où il a été dit que
21 les Serbes avaient été désignés pour être les bourreaux des Musulmans.
22 Ce désir de réduction de la présence musulmane en Bosnie orientale a été
23 quasiment entièrement exaucé. La population musulmane s'est trouvée réduite
24 à un pourcentage négligeable en Bosnie orientale. Vous avez pu constater
25 combien ceci était important au regard de la carte. Avant le début du
26 nettoyage, des représentants officiels serbes affichaient leur satisfaction
27 devant la purification ethnique de ces territoires.
28 Je vais vous citer le cas de Foca; citation de Petko Cancar, un
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1 dirigeant important à Foca, qui était un proche de Karadzic et de Krajisnik
2 et qui a occupé un nombre de fonctions importantes au niveau de la
3 république. Il était également conseiller à la présidence. Il s'agit de
4 Cancar qui parle de Foca en 1993, et je
5 cite :
6 "Il n'y a qu'un seul peuple qui vit sur le territoire de Foca, il n'y
7 a qu'une seule religion qui y est pratiquée pour laquelle ce peuple est
8 prêt à se battre et à défendre, et Dieu le sait."
9 Et comme il l'a noté à une autre occasion, parlant toujours de Foca, je
10 cite :
11 "A l'heure actuelle, il n'y a pas un seul Musulman dans la plus grande
12 municipalité de Bosnie-Herzégovine…"
13 Pas un seul Musulman.
14 Les dirigeants ont fait l'éloge de cette purification ethnique d'une
15 municipalité autrefois habitée majoritairement par les Musulmans. Ecoutez
16 Krajisnik qui s'adresse à Foca qui a été rebaptisé Srbinje, le nom adopté
17 pour un Foca débarrassé des Musulmans, le jour anniversaire de sa
18 "libération." Je cite :
19 "Chers habitants de Srbinje, j'ai un grand plaisir à être parmi vous
20 aujourd'hui après deux ans et demi. Aujourd'hui, vous n'êtes pas comme vous
21 étiez par le passé. Maintenant, je vois une véritable ville serbe et vous
22 portez fièrement votre nom, Serbe."
23 Madame, Messieurs les Juges, le sentiment de satisfaction d'avoir un
24 territoire ethniquement pur se heurtait aux pressions de la communauté
25 internationale et s'est traduit par la nécessité de parer à une présence
26 minimale de Croates et de Musulmans pour des questions de relations
27 publiques. En août 1992, par exemple, Karadzic a rappelé aux délégués de
28 l'assemblée que le pourcentage de non-Serbes était utile politiquement,
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1 affirmant que le gouvernement bosniaque utilisait ce stratagème:
2 "Pour ce qui est des autres nations, il faut que nous ayons un pourcentage,
3 une portion qui fasse partie des autorités municipales. Il nous faut être
4 responsables étant donné que nous créons un Etat. Je ne peux pas développer
5 cela plus avant. Mais je sais ce que je dis. Croyez-moi, Alija verse une
6 petite fortune à tout Serbe qui est disposé à travailler et à rester sur
7 son territoire."
8 A savoir si le pourcentage visé de non-Serbes qui devaient rester
9 était de l'ordre de 5 % comme ceci a été prôné en public par Brdjanin, ou
10 si le territoire devait être complètement pur comme cela a été prôné par
11 d'aucuns, le territoire devait être, quoi qu'il en soit, suffisamment libre
12 de non-Serbes pour être de façon incontestable et définitivement serbe.
13 Comme Karadzic l'a indiqué lors d'une session à huis clos en 1995 :
14 "La Drina doit être propre."
15 Et il a reconnu à ce moment-là honnêtement comment cela s'était
16 passé.
17 "A vrai dire, il y a des villes dont nous nous sommes emparé pour
18 nous et nous ne sommes que 30 %. Je peux citer ce nombre à l'envi, mais
19 nous ne pouvons pas renoncer aux villes où nous représentons 70 %.
20 N'ébruitez pas cela. Mais souvenez-vous du nombre qui était à Bratunac, à
21 Srebrenica, à Visegrad, à Rogatica, à Vlasenica, à Zvornik, et cetera. En
22 raison de leur importance stratégique, ils devaient nous appartenir. Et
23 personne, quasiment plus personne ne remet cela en cause."
24 Cette importance stratégique -- cet objectif stratégique se trouvait
25 illustré dans l'objectif stratégique numéro 3.
26 Madame, Messieurs les Juges, je vais maintenant parler de l'objet et
27 de la mise en œuvre d'un autre objectif stratégique et c'est l'objectif
28 numéro 4. Ce dernier, comme il est cité, consistait à mettre en place une
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1 frontière sur les rivières Una et Neretva. C'est quelque chose que vous
2 pouvez voir à l'écran. Après que Karadzic ait annoncé cet objectif à cette
3 session, un délégué de cette municipalité a indiqué - par le biais de la
4 flèche que vous voyez ici à l'écran, cette région - il s'est levé pour
5 indiquer qu'il était satisfait de ce qui avait été réalisé en vue de la
6 réalisation de l'objectif stratégique numéro 4. Dans cette municipalité,
7 les Serbes représentaient 14 500 et les Musulmans 47 000. Et il dit, et je
8 cite :
9 "Sur la rive droite de l'Una, il n'y a plus de Musulmans dans la
10 municipalité serbe de Bosanska Krupa. Toutes les enclaves qui s'y
11 trouvaient," et il les cite, "nous les avons évacuées. Donc il n'y en aura
12 plus là pendant toute la durée des opérations de guerre. Auront-ils un
13 endroit où revenir ? Je crois que cela est peu probable après que notre
14 président nous ait apporté la bonne nouvelle, à savoir que la rive droite
15 de l'Una marque la frontière."
16 Et en l'espace de deux semaines de cette annonce d'une "bonne
17 nouvelle" la présidence de Guerre de cette municipalité de Bosanska Krupa a
18 fait cette proposition à la brigade de l'armée dans cette zone :
19 "De conduire tous les préparatifs militaires concernant le nettoyage
20 de la rive gauche de l'Una, y compris la rive droite de l'Una, lors de
21 cette action dans la zone se situant au-dessus de Bosanska Otoka.
22 "Au cours des préparatifs et du nettoyage de la rive gauche de l'Una,
23 détruire et démolir autant de bâtiments résidentiels et autres que
24 possible…"
25 Et la présidence de Guerre a également motivé cette proposition. La
26 première raison était :
27 "La décision politique de voir la frontière de la municipalité serbe
28 de la région autonome de Banja Luka être une république serbe faisant
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1 partie de la Bosnie-Herzégovine et un Etat serbe qui devait être établi le
2 long de l'Una jusqu'à Bosanska Otaka."
3 Ceci était l'objectif stratégique numéro 4.
4 Alors que la VRS et les unités du MUP mettaient en œuvre ces
5 objectifs, les dirigeants municipaux et locaux qui avaient été loués par
6 Karadzic pour les rôles qu'ils ont joués ont continué à jouer leurs rôles
7 dans la mise en œuvre de cette séparation. Le déplacement des non-Serbes
8 des territoires revendiqués n'était pas simplement le résultat de
9 l'application de la force militaire, mais était dû également aux effets
10 cumulés de la persécution, de pressions d'intimidation, de marginalisation
11 qui avaient été appliquées par les autorités municipales.
12 Les voix des victimes que j'ai citées plus tôt révèlent la détresse
13 grandissante et la terreur des Musulmans et des Croates qui se sont rendu
14 compte que de continuer à vivre dans ces municipalités qui avaient été
15 revendiquées et prises par les Serbes était devenu impossible. Outre les
16 témoins, vous verrez que les documents illustrent également cela.
17 Si vous me le permettez, je vais regarder cette résolution qui a été
18 adoptée à Celinac, qui est la municipalité d'origine de Brdjanin. Il s'agit
19 en fait d'une version extrême d'un processus qui existait dans une certaine
20 mesure dans toutes les municipalités.
21 "Jusqu'à nouvel ordre, les citoyens cités à l'article 1:
22 "Ont l'interdiction de se trouver sur les rues entre 16 heures
23 jusqu'à 6 heures du matin.
24 "Ont l'interdiction de demeurer dans les restaurants ou les lieux publics.
25 "Ont l'interdiction de nager dans les fleuves ou de chasser ou d'aller à la
26 pêche.
27 "Ont l'interdiction de voyager sans autorisation.
28 "Ont l'interdiction d'utiliser une automobile.
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1 "Ont l'interdiction de former des groupes de plus de trois hommes."
2 Et cetera.
3 Les dirigeants municipaux ainsi que les dirigeants régionaux ont également
4 fourni un appui logistique à la VRS, à savoir l'armée serbe de Bosnie; ont
5 collaboré avec les policiers locaux qui, de toute façon, étaient membres
6 des cellules de Crise; ont collaboré avec eux au niveau des expulsions à
7 bord de bus ou de train; et comme je l'ai évoqué il y a un instant, étaient
8 étroitement liés au MUP et quelquefois avec la VRS au niveau de cette
9 campagne, au niveau de ce système de camp généralisé. Je souhaiterais
10 maintenant aborder ces camps et ces centres de détention.
11 Quasiment chaque municipalité disposait d'un camp ou d'un centre de
12 détention digne de son nom; certains en disposaient de plusieurs, cela
13 dépendait de la taille et du nombre de la population musulmane et croate
14 dans cette municipalité. Ces installations étaient habituellement dirigées
15 par la police, et parfois comme les camps les plus notoires comme Omarska
16 et Keraterm à Prijedor, quelquefois sous la surveillance de la VRS à
17 l'extérieur. Les Musulmans et les Croates venaient parfois individuellement
18 ou en petits groupes, et quelquefois il y avait un rassemblement en masse
19 dans les villages.
20 Il y avait également des camps qui avaient été établis par l'armée. Par
21 exemple, le camp de Manjaca à Banja Luka ou le camp Batkovic à Bijeljina.
22 Les camps étaient souvent alimentés par des flots de prisonniers qui
23 venaient de camps des municipalités voisines parfois assez éloignées.
24 Ils étaient avilissants et généralement brutaux, ces endroits qui se
25 trouvaient dans les endroits comme d'anciennes mines, usines abandonnées,
26 d'anciens bâtiments en béton, et cetera. Dans le meilleur des cas, les
27 détenus existaient dans des conditions de déshumanisation. Je souhaite vous
28 montrer certaines de ces conditions à l'aide de cette vidéo.
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1 [Diffusion de la cassette vidéo]
2 M. TIEGER : [interprétation] Encore une séquence vidéo, Madame, Messieurs
3 les Juges.
4 Je vais demander à ce que ceci soit entendu plus tard.
5 "Dans le meilleurs des cas" parce que dans le pire des cas, ceci n'arrivait
6 que trop souvent, les détenus étaient soumis à des passages à tabac, des
7 viols, à des actes de terreur et à la mort. Par exemple, au début du mois
8 de juin, environ 160 hommes ont été tués à l'école technique de Karakaj, à
9 Zvornik. En une nuit, au mois de juillet, à Keraterm, au Prijedor, environ
10 150 hommes ont été tués. Au mois d'août, environ 200 hommes ont été tués et
11 emmenés du camp de Trnopolje à Prijedor, bon nombre d'entre eux étaient
12 venus de Keraterm et Omarska, soi-disant pour être échangés. En septembre,
13 environ 140 hommes du camp de Susica, à Vlasenica, ont été tués.
14 Les dirigeants serbes de Bosnie niaient l'existence des camps depuis le
15 mois de mai. A partir du mois de juillet, l'attention des médias et de la
16 communauté internationale s'est portée de plus en plus sur les camps. Fin
17 juillet ou début du mois d'août, les journalistes ont confronté Karadzic
18 avec le fait qu'il assurait tout un chacun qu'ils pouvaient visiter les
19 camps d'Omarska et Trnopolje et les journalistes avaient réussi à extorquer
20 à Karadzic la permission de visiter ces camps. Lorsqu'ils sont arrivés dans
21 ces camps, on ne leur a pas montré les endroits les pires et les membres de
22 ces camps souhaitaient se montrer sous leur meilleur jour en leur montrant
23 de la nourriture qu'ils n'avaient jamais reçu; quoi qu'il en soit, ces
24 images ont choqué le monde entier.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 M. TIEGER : [interprétation] Bon nombre de ce que vous voyez sont des
27 personnes qui venaient de Keraterm et de Trnopolje, de ces camps, ces
28 détenus qui se trouvaient à Trnopolje dans les pires conditions.
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1 Suite au scandale que ceci a provoqué, bon nombre de ces prisonniers qui
2 venaient d'Omarska, Keraterm et Sanski Most ont été envoyés au camp de la
3 VRS de Manjaca, à Banja Luka. Ils avaient envoyé ces prisonniers de ces
4 municipalités à Banja Luka; bon nombre d'entre eux qui se trouvaient à
5 Omarska et Keraterm ont alors été envoyés à Manjaca par les dirigeants
6 Serbes de Bosnie.
7 Je souhaite maintenant vous lire la liste de ces conditions dans lesquelles
8 vivaient certaines de ces personnes qui vivaient à Manjaca le 20 août. Vous
9 aurez l'occasion de voir ce document. Je souhaite simplement vous donner
10 quelques citations. Ceci décrit les conditions dans lesquelles se
11 trouvaient certains de ces
12 prisonniers : Fracture de la moelle épinière, maladie cardiaque; il s'agit
13 là d'une personne handicapée de la main. Tuberculose pulmonaire active,
14 diabète, ne peut pas se tenir debout. Opération du gros intestin, problème
15 de selles. Un autre ne peut pas se déplacer aisément. Un autre entend mal,
16 il lui manque un rein. Un autre qui est attardé se répète. Un autre souffre
17 d'épilepsie. Un autre est sourd et ne contrôle pas son sphincter.
18 De surcroît, il y avait des garçons qui avaient moins de 18 ans et
19 des hommes âgés. Il s'agissait des personnes que Karadzic, dans différentes
20 interviews, a appelé prisonniers de guerre. Comment de telles personnes se
21 sont-elles retrouvées prisonnières et que devait-il arriver à ces personnes
22 ? Je veux répondre parce que pour une part significative, ceci se retrouve
23 dans le document qui évoque le nettoyage ethnique que je suis sur le point
24 de vous montrer et je cite :
25 "L'armée, les cellules de Crise et les présidences de Guerre ont demandé à
26 ce que l'armée rassemble ou capture autant de civils musulmans que possible
27 et ils quittent des camps si mal définis pour être repris par les organes
28 des affaires intérieures. Les conditions dans ces camps sont mauvaises : il
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1 n'y a pas de nourriture, certaines personnes ne respectent pas parfois les
2 normes internationales."
3 Il s'agit d'un rapport du ministère de l'Intérieur qui est envoyé
4 personnellement et directement à Karadzic le 17 juillet 1992. Il est utile
5 de remarquer qu'il ne s'agit pas d'un rapport alarmant sur un crime massif;
6 il s'agit simplement d'une explication factuelle sur certaines
7 responsabilités concurrentes du MUP qui éloignent leurs membres de leur
8 travail plus traditionnel.
9 Le rassemblement systématique et l'emprisonnement des Musulmans et de
10 Croates n'étaient pas un secret. Ceci n'aurait pas pu être le cas comme l'a
11 indiqué un député en assemblée, à l'assemblée au mois de juillet :
12 "Nous avons un gros problème avec les personnes qui ont été capturées qui
13 sont d'autres nationalités. Nous avons des centaines de milliers de
14 prisonniers de ce genre."
15 Krajisnik et Karadzic étaient présents à cette séance de l'assemblée. Les
16 dirigeants serbes de Bosnie étaient là et le rassemblement des civils se
17 trouve illustré dans les documents des camps eux-mêmes.
18 Un rapport de Manjaca qui est daté du 23 juillet 1992 et qui indique qu'ils
19 ont traité environ 100 000 prisonniers ou enregistré
20 1 000 prisonniers de Sanski Most ce jour-là et rien n'indique au niveau des
21 éléments de preuve qu'ils aient quelque chose à voir avec les activités de
22 guerre, aient pris part aux actions de combat, n'étaient pas en possession
23 d'armes et il n'y a pas d'autre élément de preuve pour indiquer qu'ils
24 devaient être retenus en tant que prisonniers."
25 Comme un responsable de Manjaca l'écrit le 22 juillet 1992, je cite :
26 "…camp destiné à effectuer la ségrégation entre les Musulmans et les
27 Croates ce que l'histoire ne nous pardonnera pas."
28 Ces civils, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, comme cela
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1 est remarqué dans un rapport émanant du chef de la police régionale de
2 Banja Luka, Stojan Zupljanin adressait au ministre de l'Intérieur, Mico
3 Stanisic, ces civils étaient des "otages" ou pouvaient être traités comme
4 tels. Zupljanin décrit trois catégories de prisonniers qui sont définis.
5 Une catégorie couvrait les membres des formations militaires bosniaques et
6 dans cette catégorie, on trouvait toute personne qui était membre de la
7 Défense territoriale; ensuite il y avait les personnes qui avaient organisé
8 des préparatifs à la "rébellion armée" et dans ces groupes on trouvait en
9 général toute personne qui avait un rapport avec le SDA. La troisième
10 catégorie, je cite :
11 "Se compose d'hommes adultes au sujet desquels nos services n'ont aucun
12 renseignement relatif à l'intérêt de la sécurité nationale et donc aucun
13 intérêt pour nous. Par conséquent, ils peuvent être traités comme des
14 otages."
15 La solution ultime, comme le dit Zupljanin dans ce rapport, consiste à
16 échanger les prisonniers, c'est-à-dire à les envoyer dans des zones tenues
17 par les Musulmans et de recevoir en échange des Serbes provenant des
18 prisons musulmanes. De cette façon, le processus de séparation qui avait
19 commencé avec le départ forcé des Musulmans et des Croates de Bosnie et
20 leur regroupement massif pouvait s'achever avec un transport hors de la
21 Republika Srpska. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je
22 pense que l'heure de la pause est arrivée.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
24 Nous prendrons une pause de 25 minutes.
25 --- L'audience est suspendue à 17 heures 19.
26 --- L'audience est reprise à 17 heures 49.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.
28 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, avant la pause, nous
2 avons vu des éléments de preuve montrant que le regroupement et la mise en
3 détention des Musulmans et des Croates de Bosnie, tous civils, étaient bien
4 connus, que ces Musulmans et Croates étaient qualifiés d'otages et j'ai
5 parlé de la création de ce système d'échange qui complétait et était
6 l'élément parfait dans ce processus destiné à faire partir les Croates et
7 les Musulmans des territoires où ils habitaient pour obtenir une
8 purification ethnique. Avant de passer à autre chose, j'aimerais diffuser
9 pour les Juges de la Chambre une séquence vidéo qui n'a pas encore été
10 montrée et qui montre les conditions dans lesquelles les civils étaient
11 maintenus.
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Si les prisonniers étaient laissés dans les camps, ils étaient soumis à la
15 menace d'humiliation, de torture et de mort. Maintenir les prisonniers dans
16 ces camps aidait les Serbes à obtenir l'élimination des Croates et des
17 Musulmans dans les territoires qu'ils tenaient.
18 "…les offres de libération des prisonniers n'étaient pas claires.
19 "Aujourd'hui, Radovan Karadzic a proposé de fermer tous les camps,
20 mais dans une seconde offre du même jour il a proposé de maintenir les
21 prisonniers de guerre et de retourner au combat.
22 Je cite :
23 "Dans les prisons, ceux qui ont été emmenés hors de leurs domiciles
24 et les personnes qui ont été capturées sur le champ de bataille ne pourront
25 rentrer chez elles que si elles sont en état de mauvaise santé et qu'elles
26 n'ont plus aucune chance d'être mobilisées par les forces musulmanes."
27 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
28 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
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1 Juges, je voudrais appeler l'attention des Juges de la Chambre sur ce
2 système d'échange qui a été mis en place pour envoyer ces civils faits
3 prisonniers hors des frontières de la Republika Srpska une fois que leur
4 détention s'achevait, dans les conditions que vous venez de voir. Dès le
5 mois d'avril, c'est-à-dire le 24 avril 1992, le Conseil de sécurité
6 nationale - je vous rappelle que Karadzic en était le président - adoptait
7 une décision selon laquelle le ministère de la Justice devait, je cite :
8 "Se charger de l'échange des prisonniers, dès lors que les organes du
9 ministère de l'Intérieur avaient accompli leur travail."Je m'apprête
10 maintenant à vous montrer une série de diapositives.
11 Depuis le début, ce système a été créé pour concerner des prisonniers
12 civils. Sur ordre donné par Deric [phon] aux cellules de Crise, le 28 avril
13 1992, un registre comportant des renseignements relatifs à l'état de santé
14 "des civils et des militaires faits prisonniers devait être tenu et
15 régulièrement mis à jour."
16 Peu après cette décision du Conseil de sécurité nationale, peu après le 24
17 avril, une commission centrale chargée de l'échange des prisonniers de
18 guerre et des personnes arrêtées ou détenues a vu le jour le 8 mai 1992.
19 Elle a fonctionné à tous les niveaux de l'Etat : au niveau municipal,
20 régional ainsi qu'au niveau de la république et a été dirigé par des
21 représentants du ministère de la Justice et du ministère de l'Intérieur, le
22 ministère de la Justice en étant le fer de lance. Cette commission chargée
23 des échanges se mit immédiatement au travail. Je rappelle qu'elle a été
24 créée le 8 mai 1992 et qu'elle visait les prisonniers de guerre et
25 personnes mises en détention. Elle s'est immédiatement mise au travail.
26 Les Juges auront à traiter d'éléments de preuve montrant le nettoyage
27 ethnique de nombreuses municipalités, y compris celle de Bratunac. Le 14
28 mai 1992, un groupe de 400 Musulmans de Bosnie environ, tous civils, a été
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1 expulsé de Bratunac. Il s'agissait de survivants d'un groupe qui, à
2 l'origine, avait compté 600 personnes. Ce groupe a été transféré de
3 Bratunac vers un territoire tenu par les Musulmans de Bosnie en passant par
4 Pale. Pale était, en fait, une toute petite ville qui était la capitale de
5 la Republika Srpska, également le siège du QG de Radovan Karadzic et des
6 autres dirigeants serbes de Bosnie. Vous aurez sous les yeux, Madame,
7 Messieurs les Juges, pendant le procès, une liste où on voit la signature
8 d'un membre de cette commission chargée des échanges qui travaille pour le
9 ministère de l'Intérieur.
10 Le départ de tous ces hommes de Bratunac, en passant par d'autres
11 municipalités pour se rendre à Pale, sur un territoire tenu par les
12 Musulmans, a été coordonné par personne d'autre que le premier ministre et
13 le secrétaire du gouvernement. Nous voyons ici un ordre du chef du
14 gouvernement, du premier ministre, qui date du 15 mai et qui ordonne à la
15 cellule de Crise de Sokolac de fournir des camions à cette fin. Je cite :
16 "La cellule de Crise de Sokolac est tenue de fournir trois camions…
17 qui seront utilisés pour le transport de prisonniers à partir de Pale vers
18 Visoko en passant par Ilijas."
19 "Cet ordre doit être exécuté immédiatement."
20 Puis, il y a un autre ordre qui émane du secrétaire du gouvernement, je
21 cite :
22 "Veuillez approuver et faciliter le passage sur notre territoire du groupe
23 de prisonniers qui sont actuellement à Pale," c'est après que ce groupe
24 soit arrivé de Bratunac à Sokolac, "et pour qu'ils poursuivent leur voyage
25 jusqu'à Visoko."
26 Vous voyez, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, à l'écran,
27 ici, que l'illégalité de toute cette action était bien connue, étant donné
28 la phrase que nous lisons ici, je cite :
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1 "Prière de détruire ce document avant le départ du groupe hors de la
2 municipalité d'Ilijas."
3 J'aimerais maintenant vous montrer ces hommes qui ont été transférés en
4 passant par Pale, mais qui ont passé une semaine à Pale et qui, ensuite,
5 devaient subir ce processus d'échange destiné à les amener jusqu'à un
6 territoire tenu par les Musulmans.
7 [Diffusion de la cassette vidéo]
8 M. TIEGER : [interprétation] Alors que les conquêtes se poursuivaient,
9 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, il fallut de plus en
10 plus de camps. Par exemple, nous avons cet ordre émanant du commandant
11 Svetozar Andric, qui ordonne d'expulser des femmes et des enfants et
12 d'interner des hommes en âge de combattre dans des camps, nous avons déjà
13 vu cet ordre. Cet homme se dit préoccupé par le grand nombre de prisonniers
14 qui peuplaient désormais le camp de Susica [phon] à Vlasenica. Le général
15 Mladic ordonna alors de créer un nouveau camp et émit un ordre à cet effet.
16 Ce camp fut créé officiellement à Batkovic, dans la municipalité de
17 Bijeljina et il devait y être installé un nombre de plus en plus important
18 de prisonniers croates et musulmans de Bosnie, tous civils.
19 Radovan Karadzic et tout son entourage connaissaient bien ce système
20 d'échange qui couvrait les prisonniers regroupés et envoyés aux confins des
21 territoires tenus par les Musulmans de Bosnie. Comme cela a été dit,
22 l'accusé l'avait créé grâce au Conseil de sécurité nationale le 24 avril
23 1992 et les Juges auront également sous les yeux des éléments de preuve
24 montrant qu'il était tout à fait au courant de la façon dont ce système
25 fonctionnait. Par exemple, ils verront une écoute téléphonique,
26 conversation qui se déroule avec Mandic au début du mois de juillet. Mandic
27 était ministre de la Justice à cette époque-là et le ministère de la
28 Justice dirigeait la commission des échanges. Mandic débute la discussion
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1 en informant Karadzic du fait qu'à ce moment-là ils étaient en train de
2 préparer l'échange de 300 Musulmans, y compris des femmes et des enfants
3 détenus dans la prison de Kula et que ces personnes seraient envoyées hors
4 du territoire de la Republika Srpska vers un territoire musulman. De même
5 Mandic avait parlé à Krajisnik une semaine ou deux avant, il avait évoqué
6 dans cette conversation les Musulmans et Croates de Bosnie qui étaient
7 détenus et qui devaient être échangés.
8 Le fait que Karadzic connaissait ce système qui exerçait son pouvoir
9 sur tout le monde ressort également d'une écoute téléphonique d'une
10 conversation entre Mandic et un ancien collègue du MUP de Bosnie qui
11 cherchait à joindre des Croates libérés de la prison de Manjaca et
12 s'adressait à cette fin à Mandic. Mandic assure son ancien collègue qu'il
13 va en parler à Karadzic à la première occasion.
14 En résumé, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, les
15 Musulmans et Croates de Bosnie civils étaient regroupés en nombre de plus
16 en plus important, installés dans des conditions inhumaines et sordides
17 dans des centres de détention et des camps répartis un peu partout sur le
18 territoire de la Republika Srpska. Leur libération, leur départ, leur
19 expulsion étaient supervisés par la commission des échanges qui avait été
20 créée en pensant aux civils et qui a fonctionné afin de veiller à ce que
21 toutes ces personnes qui étaient en détention, après avoir été regroupées,
22 soient envoyées sur un territoire musulman, mettant ainsi un point final au
23 processus à l'aide de l'intervention d'un organisme gouvernemental avec un
24 titre ronflant.
25 En 1994, déjà, ce système d'échange et de détention de civils
26 fonctionnait à plein régime. Ici, nous avons un ordre de l'état-major
27 principal de l'armée des Serbes de Bosnie qui invite à ce qu'aucun obstacle
28 ne soit susceptible de retarder les échanges parce que, je cite :
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1 "Il convient de ne pas perdre de vue que dans les échanges, nous
2 recevons des soldats serbes capturés de la Republika Srpska, alors que pour
3 l'essentiel, nous donnons en échange des civils."
4 Puis, le deuxième document important qui rend compte du
5 fonctionnement de ce système et du fait que ce fonctionnement était connu,
6 ce système d'échange, provient d'une municipalité. C'est un extrait d'un
7 journal tenu par le président d'une cellule de Crise de Sanski Most qui
8 révèle premièrement que le mardi, de 6 à 7 heures, l'opération a débuté;
9 les combats ne s'arrêteront pas tant qu'ils ne se seront pas rendus. Ne
10 faites pas de prisonniers si les hommes sont armés. Enfin, capture des
11 civils qui doivent servir dans les échanges."
12 Ce processus complétait les autres processus qui allaient de la
13 discrimination à la persécution, en passant par la terrorisation incessante
14 par menace d'attaques de grande envergure devant forcer les non-Serbes à
15 fuir et tout cela garantissait que les non-Serbes seraient séparés des
16 Serbes sur les territoires convoités par Karadzic.
17 J'ai déjà parlé des conquêtes éclaires réalisées par les forces de
18 Karadzic, par ses très puissantes forces armées en 1992. A la fin juillet
19 1992, il disait déjà à l'assemblée que les Serbes de Bosnie étaient en
20 mesure d'envisager la restitution de territoires conquis en échange de
21 l'obtention de concessions durant les négociations. Effectivement, à
22 quelques exceptions près que je discuterais lorsque j'aborderais la partie
23 Srebrenica de la présente affaire, les forces de Karadzic ne se sont plus
24 emparées de parties importantes du territoire par rapport au territoire
25 déjà conquis au printemps et à l'été de 1992, dans la période ultérieure.
26 Comme Karadzic le fait remarquer un jour, en notant que les opérations qui
27 ont permis d'étendre le territoire au-delà des conquêtes de 1992 sont assez
28 rares, je cite :
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1 "…entasser les Musulmans dans des territoires restreints, donc
2 réaliser leur concentration, nous ne pouvions pas faire plus."
3 Au vu des exploits accomplis sur la voie de l'objectif ultime qui
4 consistait à créer un état serbe intégré, les alliés politiques de Karadzic
5 lui conseillèrent de poursuivre la réalisation de son but uniformateur
6 [phon] d'une façon un peu moins ostensible. La découverte des camps et la
7 publicité dont ils furent l'objet de la part des médias internationaux, fin
8 juillet, début août 1992, provoqua une vague de prise de conscience et de
9 condamnation du nettoyage ethnique. Comme le dit, le premier ministre
10 yougoslave, lors d'une réunion tenue en août, je cite :
11 "Il est vrai que nous avons fait pas mal de mauvaises choses dans la
12 dernière période. Une image négative s'est créée et nous en sommes arrivés
13 au point où nous en sommes aujourd'hui. Le monde s'est fait l'impression
14 qui est la sienne à notre sujet." Le ministre des Affaires étrangères serbe
15 fait remarquer qu'il est important de s'emparer de territoire et de
16 réaliser l'uniformisation ethnique de la Republika Srpska, mais il fait
17 remarquer également que cela ne doit pas se faire par le moyen du nettoyage
18 ethnique qu'il considère comme une façon de "rendre les armes."
19 "Mais les Serbes de Bosnie, au lieu de cela, avaient un moyen plus
20 subtil qu'ils pouvaient utiliser pour éliminer les Musulmans et les Croates
21 de Bosnie de leur territoire," dit-il.
22 "Ce qui importe," ajoute-il," c'est que tout le monde comprenne que
23 la vie pour eux dans la Bosnie de l'avenir est impossible."
24 Il continue un peu plus loin en ajoutant, je cite :
25 "Si, au contraire, la liberté de circulation entraîne la liberté
26 d'installation et le mélange ethnique des populations à notre profit, alors
27 ce qui a été gagné sera progressivement érodé et finalement tout ce qui a
28 été gagné sera perdu à l'avenir."
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1 Il insiste auprès de la direction des Serbes de Bosnie et d'autres
2 pour que les choses changent.
3 Karadzic assure alors à Milosevic et aux autres dirigeants rassemblés
4 qu'un certain progrès a été réalisé. Il déclare, je cite :
5 "Nous étions à 50/50 à Zvornik, par le passé. Le nombre des habitants
6 de Zvornik est aujourd'hui le même qu'avant, environ 50 000 habitants, mais
7 ils sont tous Serbes."
8 Karadzic allait veiller, comme cela avait été discuté, pour que les
9 gains obtenus ne s'érodent pas. Au début de l'année 1994, lors de l'examen
10 d'une proposition émanant de la communauté internationale, le président du
11 club des députés - rappelez-vous, le club des députés ou membres du
12 parlement du SDS, étaient d'anciens députés serbes qui avaient quitté le
13 parlement bosniaque pour constituer le leur. Ils étaient toujours membres
14 du club des députés et se réunissaient lors des séances de l'assemblée avec
15 des postes encore plus importants qu'avant - voilà ce que dit ce député à
16 l'assemblée, je cite :
17 "Ce que j'aimerais vraiment voir ici, c'est la manifestation d'une
18 certaine fermeté quant au fait que les Musulmans et les Croates ne doivent
19 pas être autorisés à revenir dans les secteurs qui sont sous notre
20 contrôle. Nous devrions adopter une position ferme et interdire le retour
21 dans les territoires que nous avons gagnés grâce à toutes ces combines
22 internationales. Je n'en ai rien à faire de savoir si les Musulmans vont
23 vivre ou pas, ni où ils vont vivre ni s'ils auront un pays ou pas. Ça, ça
24 ne m'intéresse pas du tout. La seule chose qui m'intéresse, c'est mon
25 peuple et le territoire où il vit. Par conséquent, l'idée même d'avoir 500
26 Musulmans ou plus dans notre futur pays est hors de question."
27 En réponse, Karadzic explique comment il va traiter ce problème,
28 parce que le droit international prohibe d'interdire le retour aux
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1 réfugiés. Il déclare que sur le principe, tous les réfugiés peuvent
2 revenir, mais ajoute qu'il faut que ce soit un processus mutuel. Pour
3 quelle raison, dit-il, cela ? Parce que selon lui, si ce processus est
4 mutuel, cela signifie que les Musulmans ne pourront pas revenir par exemple
5 à Prijedor tant que les Serbes de Zvornik ne seront pas rentrés à Zenica.
6 Mais dans la suite de son explication, il déclare que les Serbes de Zvornik
7 ne quitteront pas Zvornik et qu'en revanche, aucune obligation n'en
8 découle. Il résume les choses de la façon suivante, je cite :
9 "Nous sommes tout à fait capables d'agir de la façon serbe, de la
10 façon cyrillique et de le leur dire à tous en pleine face ou il faudra que
11 nous soyons un peu plus rusés. Nous devons être un peu plus rusés."
12 Lors de la même séance de l'assemblée, il ajoute, je cite :
13 "S'ils peuvent vivre à Grbavica, s'ils peuvent vivre à Doboj, ils
14 peuvent vivre n'importe où et nous devons l'empêcher."
15 En dépit de la taille importante du territoire conquis et nettoyé à
16 la fin de 1992, il y avait encore des poches de Musulmans qui demeuraient
17 en Bosnie orientale et notamment Srebrenica. Je reviendrai sur ce sujet et
18 sur les efforts déployés pour chasser de toutes ces poches les quelques
19 Musulmans qui restaient en Bosnie orientale. Mais d'abord, Monsieur le
20 Président, Madame, Messieurs les Juges, j'aimerais appeler l'attention de
21 la Chambre sur la campagne de pilonnage et de tirs embusqués de Sarajevo.
22 Sarajevo a été assiégée pendant 44 mois, exposée à une campagne
23 militaire incessante de pilonnage et de tirs embusqués de la part d'une
24 force militaire supérieure qui tirait depuis les hauteurs de la ville,
25 c'est-à-dire depuis les collines entourant Sarajevo et cette campagne était
26 dirigée contre la population civile de la ville à partir des hauteurs. Les
27 civils de Sarajevo, mois après mois, année après année, ont vécu dans la
28 terreur du mortier suivant, de la bombe suivante, de la balle suivante
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1 tirée par un tireur embusqué craignant d'être touché ou de voir les
2 personnes qu'ils aimaient être touchées. L'accusé Radovan Karadzic
3 contrôlait ces forces assiégeantes et il a modulé la campagne de tirs
4 embusqués et de pilonnages dans le but de terroriser la ville et sa
5 population.
6 Sarajevo a été assiégée au départ par les forces combinées dont nous avons
7 déjà parlé, à savoir la police et les unités de l'armée serbe de Bosnie et
8 à partir de mai 1992, avec la création de l'armée serbe de Bosnie, c'est le
9 corps de Sarajevo-Romanija qui a dirigé le siège de la ville. Dans cette
10 période, pendant les 44 mois du siège, l'accusé était commandant de jure et
11 de facto des forces serbes de Bosnie.
12 Si vous me le permettez, j'aimerais dire quelques mots au sujet de Sarajevo
13 en tant que telle. Avant la guerre, Sarajevo avait une population d'un demi
14 million d'habitants à peu près qui constituaient un mélange cosmopolite et
15 très riche de Serbes, Croates et Musulmans ainsi que de personnes se
16 déclarant simplement Yougoslaves. La ville en tant que telle était
17 largement résidentielle avec des tours d'habitation et des bâtiments
18 résidentiels densément peuplés, de taille un peu inférieure à celle des
19 tours d'habitation, beaucoup d'appartements dans lesquels les gens
20 habitaient avec le même sens de la communauté qui allait au-delà des
21 différences ethniques et qu'on voyait concrètement dans la vie au
22 quotidien. Les habitants de Sarajevo, quelle que soit leur appartenance
23 ethnique, se mêlaient les uns aux autres sans difficulté. Ils se mariaient
24 entre eux dans des proportions assez importantes. Ils se rendaient visite
25 les jours de vacances. Ils se considéraient tout simplement comme des
26 voisins. En bref, Sarajevo était l'incarnation même de la Bosnie
27 multiethnique et l'incarnation de sa diversité ethnique.
28 Sarajevo - c'est utile de le comprendre pour mieux comprendre la campagne
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1 militaire qui a visé la ville - Sarajevo pour l'essentiel, se trouve dans
2 une vallée qui va de l'est à l'ouest. Des deux côtés de cette vallée, on
3 trouve des collines d'une altitude assez importante, autrement dit des
4 hauteurs qui se trouvent au nord et au sud de la ville. Les parties les
5 plus densément peuplées de Sarajevo sont celles qui se trouvent sur les
6 rives de la Miljacka, une rivière qui parcourt la ville d'est en ouest et
7 les quartiers résidentiels et commerciaux de la vieille ville se trouvent à
8 l'est; ce qui nous montre que le centre-ville plus densément peuplé s'étend
9 jusqu'aux premières pentes des collines. A l'ouest de la ville, là où la
10 population est moins dense, on trouve les nouvelles municipalités qui se
11 développent commercialement et qui construisent beaucoup d'immeubles
12 d'habitations.
13 L'avantage qu'il y avait à s'emparer des collines environnantes peut être
14 mieux compris, si on voit des images de ces prises à partir de ces collines
15 et c'est ce qui va être fait maintenant.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 M. TIEGER : [interprétation] Dans le cadre de la campagne de pilonnage et
18 de tirs embusqués, Messieurs les Juges, l'avantage de contrôler ces
19 collines, ces hauteurs qui environnaient Sarajevo ne deviendra que trop
20 claire.
21 Maintenant, Karadzic et les dirigeants serbes de Bosnie voulaient
22 également diviser physiquement Sarajevo. C'est d'ailleurs le cinquième des
23 six objectifs stratégiques qui avait été décidé.
24 En fait, lorsqu'il expliquait ses plans pour Sarajevo, Karadzic évoquait
25 parfois d'autres villes fameuses qui avaient été divisées, telles que
26 Beyrouth ou Berlin. Il avait également un autre objectif lié au premier.
27 Sarajevo était un point faible qui pouvait servir dans les négociations,
28 qui pouvait servir à faire pression sur les interlocuteurs lors des
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1 négociations. Le blocage, le siège de Sarajevo et l'incapacité complète du
2 gouvernement bosniaque à maîtriser les conditions dans lesquelles vivait la
3 population civile constituaient un argument de poids pour Karadzic dans les
4 négociations avec le gouvernement bosniaque et avec la communauté
5 internationale.
6 Comme l'a dit Karadzic, à l'assemblée serbe de Bosnie, le 12 mai, je
7 cite :
8 "Sarajevo est stratégiquement à la cinquième place. Mais la bataille
9 de Sarajevo et pour Sarajevo est d'une importance décisive parce qu'elle
10 interdit, ne serait-ce que le début d'une illusion quant à la possibilité
11 de créer un état. Alija," il parle, bien sûr, d'Alija Izetbegovic, "n'a pas
12 d'Etat, alors que nous possédons une partie de Sarajevo."
13 En décembre 1993, il dira, je cite :
14 "Izetbegovic parle parce qu'il ne peut sortir de Sarajevo sans notre
15 autorisation."
16 Suite à cela, les forces qui se trouvaient sous le commandement de Karadzic
17 ont encerclé Sarajevo et établi le siège de la ville qui allait durer 44
18 mois. Mais le 12 mai, Karadzic a confirmé devant les députés de l'assemblée
19 que Sarajevo était désormais encerclée et que la ville avait été isolée
20 pendant des semaines. Rappelez-vous que le général Mladic était là et il a
21 posé les bases fondamentales du plan qu'allait appliquer les Serbes de
22 Bosnie à Sarajevo pendant les trois années et demie à venir.
23 "Si nous voulons que les Musulmans se rendent, il nous faut placer
24 300 armes lourdes autour de Sarajevo de calibre divers, allant du lance-
25 roquettes portable, de 40 à 64-millimètres, au lance-roquettes multiples
26 Orkan ou aux roquettes P-65."
27 Je vous ai parlé de cette réunion qui avait eu lieu le 14 mai après
28 la séance du 12 mai au cours de laquelle Karadzic avait annoncé et déjà
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1 essayé de faire passer ces objectifs stratégiques. Il y a eu cette réunion
2 du 14 mai, Galic y était et c'est lui qui propose l'ordre du jour et les
3 points sont abordés l'un après l'autre, les objectifs aussi. Voici ce qui
4 est dit à propos du cinquième objectif stratégique, je cite :
5 "Il a été dit que Sarajevo devait être soit divisée, soit rayée de la
6 carte."
7 Galic, je le dirai dans un instant, était le commandant du corps de
8 Sarajevo-Romanija, le RSK qui a pilonné, bombardé Sarajevo et il était
9 commandant de septembre 1992 à août 1994. A l'occasion de cette séance,
10 cette 16e Séance de l'assemblée en mai 1992, Mladic a aussi expliqué et je
11 le cite :
12 "Il nous faut placer un anneau, un collet autour de la tête de ce dragon de
13 Sarajevo dès maintenant et seul ceux que nous autorisons à partir pourront
14 partir, pourront y échapper."
15 Il poursuit, il dit ceci :
16 "Nous n'allons pas dire que nous allons nous mettre à détruire les pylônes
17 électriques ni couper les robinets d'eau. Non, parce que ça, ça ferait
18 sortir l'Amérique de ses gongs. Mais Messieurs, allons, enfin, un jour, il
19 se trouvera qu'il n'y aura plus d'eau à Sarajevo. Pourquoi ? On ne le sait
20 pas. Il y a des dégâts ? Il y a une fuite ? Oui. Il faut réparer. Non. Un
21 peu à la fois, pas trop vite. Et ce sera pareil pour le courant
22 électrique."
23 Après avoir réussi à placer un anneau d'armement lourd autour de Sarajevo,
24 Karadzic et ses forces se sont employés à utiliser ce contrôle pour
25 terroriser les habitants. Le pilonnage utilisé a été bien souvent, non pas
26 dirigé sur des cibles militaires, mais c'était des tirs dispersés dans
27 toute la ville et qui visaient surtout des quartiers musulmans, des
28 quartiers civils de la vieille ville.
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1 Ici, Mladic dit : "Tu peux tirer quand ?"
2 Un ses subordonnés :
3 "Je peux le faire dans cinq à dix minutes, même avant.
4 "Mladic : Mais dis-moi, tu peux aussi tirer sur Bascarsija ?"
5 Le subordonné :
6 "Mais oui, pas de problème.
7 "Mladic : Excuse-moi, j'ai mal compris.
8 "Oui, oui. Le subordonné dit :
9 "Oui, oui, j'ai compris.
10 "Mais tire une salve sur Bascarsija aussi.
11 Le subordonné :
12 "Bien, chef, à vos ordres."
13 Le chef des observateurs militaires onusiens, un homme qui avait fait la
14 guerre du Vietnam et qui était observateur au Liban et en Israël,
15 témoignera du fait qu'à partir de la mi-mai 1992 les tirs d'artillerie
16 étaient très nourris et ciblaient pratiquement toute la ville -- couvraient
17 toute cette ville. En dépit de l'expérience qu'il avait acquise en Israël
18 et au Liban, il n'avait jamais vu une telle puissance de feu, assurément
19 pas si elle était dirigée contre des cibles. Et dans bien des cas, les
20 cibles sélectionnées semblaient ne présenter aucun intérêt militaire à
21 l'époque, dit-il. Et ce qu'il vous dire sera confirmé par d'autres
22 observateurs militaires, par des correspondants de guerre et par d'autres
23 témoins.
24 La terrorisation [phon] de la population civile, elle trouve peut-être son
25 exemple le plus parlant dans l'utilisation faite par le SRK
26 aériennes modifiées, qui a été ajouté à l'arsenal du corps en avril 1995.
27 Une bombe aérienne modifiée c'est une arme qui a un pouvoir destructeur
28 énorme. C'est une arme qui doit être larguée, normalement, d'un avion. Mais
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1 les Serbes de Bosnie l'ont modifiée en les équipant de moteurs-fusées, ce
2 qui permettait de les lancer du sol. Et le résultat de cette modification
3 en a fait une arme tout à fait imprécise. Une bombe aérienne modifiée, elle
4 peut avoir un écart de portée d'un kilomètre et 200 [comme interprété], 600
5 mètres de chaque côté de la cible visée. Or, si on utilise une telle arme
6 en milieu urbain, c'est violer non seulement le principe de distinction,
7 qui est à la base du droit international humanitaire, mais aussi chaque
8 fondement de ce droit humanitaire.
9 La campagne a aussi utilisé un mode plus précis de semer la terreur. C'est
10 le "tir embusqué." Quand on parle de tireur embusqué ou de sniper, ici, ce
11 n'est pas simplement dans son acception plus technique, à savoir une
12 personne équipée d'un fusil à lunette. On parlera aussi de personnes qui
13 vont prendre directement pour cibles des personnes en étant totalement ou
14 partiellement dissimulées, et en utilisant une arme de faible calibre; par
15 exemple, un fusil ou une mitraillette.
16 Ces snipers, ils se positionnaient à divers endroits, dans les tours
17 d'habitation de Grbavica, sur la crête rocheuse, et aussi l'école de
18 théologie de Nedzarici. Et par exemple, depuis Grbavica, le SRK
19 lancer des tirs embusqués dans le cœur même de la ville, depuis la hauteur,
20 et ce qui est encore plus important, pouvait prendre pour cibles des
21 passants, des autos, des bus ou d'autres véhicules qui suivaient l'axe est-
22 ouest de la ville. Des pans entiers de la ville sont devenus des zones très
23 périlleuses que les civils ont évitées quand ils le pouvaient, car on
24 craignait toujours, on pouvait toujours être frappé par une balle de tir
25 embusqué. Et cette avenue principale qui longe la Miljaca qui part de la
26 vieille ville, a été appelée l'avenue des snipers, des tireurs embusqués.
27 Un général qui faisait partie de la communauté internationale se rappelle
28 que là, dans cette avenue des tireurs embusqués, il n'y avait pas de
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1 positions militaires. Il n'y avait que des civils, des passants qui
2 marchaient dans la rue. Un autre officier supérieur a relevé que lorsque
3 les civils se servaient d'écran protecteur pour franchir cette distance,
4 bien, les tireurs embusqués pilonnaient ces zones protégées, montrant que
5 pour bien faire comprendre aux civils que quoi qu'ils fassent, ils seraient
6 la cible de leurs tirs.
7 Les effets conjugués de ces tirs à coups perdus, de ces tirs et pilonnages
8 aléatoires, ce fut la terreur; enfin, une peur omniprésente d'être tué ou
9 blessé à tout moment. On ne savait jamais, si on habitait Sarajevo entre
10 avril 1992 et novembre 1995, si on allait être tué le lendemain. Le
11 quotidien était absolument imprévisible. Un civil circulant en train
12 risquait tout autant de se faire tuer ou blesser par une balle que d'être
13 tué, mutilé par une bombe aérienne modifiée. De brèves accalmies étaient
14 subitement interrompues par des tirs. Parfois les bombardements ne
15 semblaient jamais vouloir cesser. Pendant 44 mois, la population civile a
16 vécu dans un sentiment omniprésent de terreur; et c'était bien là l'effet
17 recherché.
18 Pendant ces 44 mois, le SRK est d'autres forces serbes de Bosnie ont bien
19 lancé des attaques militaires sur des objectifs militaires légitimes et ils
20 ont aussi repoussé des attaques lancées par les forces du gouvernement de
21 Bosnie. Ces attaques et contre-attaques ne font pas partie des charges
22 retenues contre l'accusé. Ce qui est reproché à l'accusé, c'est qu'il a, à
23 dessein, semé la terreur parmi la population civile en violant sans cesse
24 le principe essentiel du droit humanitaire, le principe de la distinction.
25 Et ce n'est pas un principe simplement technique, il incarne l'aspect
26 fondamental du droit international humanitaire, à savoir que chaque
27 commandant, tout commandant a le devoir de faire la distinction entre une
28 cible qui est militaire et des civils, ou un lieu civil. Ce principe, il a
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1 été violé à d'innombrables reprises pendant ces 44 mois de siège. Pourquoi
2 et quand, quand on a pris pour cible un civil ou un objet civil, quand on a
3 tiré à coups perdus sur une zone où il y avait des civils ou des lieux
4 civils, lorsqu'il y a eu des tirs excessifs dispersés, disproportionnés par
5 rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu.
6 Les éléments de preuve vous le diront. Les forces de Karadzic étaient
7 retranchées, leurs armes étaient enterrées. Ça veut dire que le RSK savait
8 exactement quelle était la portée de chaque arme. Et des témoins viendront
9 vous le dire. Un artilleur, il parvient très vite à déterminer la portée de
10 son arme une fois qu'il se trouve en place. Même les mortiers avaient leur
11 plaque de base enterrée, et leurs cibles étaient bien précises.
12 Karadzic a beau dire que ses forces armées ont manqué de précision dans
13 leurs tirs pourtant dirigés sur des cibles militaires, jour après jour,
14 mois après mois, année après année. Mais ce genre de défense, il échoue à
15 l'examen des faits et il perd toute crédibilité quand on voit qu'ont été
16 utilisées des bombes aériennes modifiées, des bombes antipersonnel, comme
17 des bombes à fragmentation. Quand on déploie une bombe aérienne modifiée
18 sur une cible militaire, c'est le proverbial coup d'épée dans l'eau. Nul ne
19 sait où il va tomber, cet obus, qui il va tuer. Et c'est insensé et c'est
20 manifestement illégal. Les éléments de preuve vous montreront que
21 l'utilisation des bombes aériennes modifiées sur le milieu urbain de
22 Sarajevo révèle dans toute sa brutalité l'intention illicite, qui était de
23 toucher la population civile de Sarajevo.
24 Quand on fait la somme des actions des forces de Karadzic, les tirs à
25 coups perdus sur des cibles, sur des zones civiles, les tirs embusqués
26 dirigés sur les civils, le fait de prendre pour cibles des lieux civils,
27 alors qu'on néglige tout à fait des cibles militaires. L'utilisation de ces
28 bombes aériennes modifiées montre tout ceci. L'objectif, ce n'est pas la
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1 destruction, la suppression, la neutralisation de cibles militaires, c'est
2 la terrorisation de toute une population civile.
3 Je voudrais passer quelques instants à parler du quotidien des habitants de
4 Sarajevo. Je crois que ceci mérite toute notre attention parce que la
5 campagne de Karadzic est parvenue à ses fins. La terreur c'était la seule
6 constante dans ce quotidien pétri d'incertitude pour les habitants de
7 Sarajevo assiégés. Comme l'a dit un médecin de l'hôpital de Sarajevo quand
8 il essayait de faire comprendre ce quotidien rempli d'incertitude et de
9 peur :
10 "Tous les jours, on risquait, en allant au travail, de se faire tuer,
11 de se faire blesser. Aller travailler c'était courir le risque d'ajouter
12 son nom à la longue liste des blessés et des morts. Un geste simple, comme
13 celui de traverser une rue, terrifiait les habitants.
14 [Diffusion de la cassette vidéo]
15 M. TIEGER : [interprétation] Effectivement, quand les tirs isolés se sont
16 faits plus meurtriers, de nouvelles mesures "antisniping" [phon] ont été
17 mises en place par les Nations Unies.
18 Je dois avertir la régie qu'il faut lancer la séquence vidéo. La
19 séquence suivante, s'il vous plaît.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 M. TIEGER : [interprétation] Il y a ici des civils qui se blottissent à
22 l'abri d'un véhicule transporteur de troupes pour échapper aux tirs.
23 Dans le contexte de ce siège, il s'est parfois passé des mois sans
24 avoir d'eau, de gaz et d'électricité. Et les habitants étaient forcés de
25 sortir de leur abri de fortune d'où ils se protégeaient des tirs isolés et
26 des obus qu'ils essayaient d'éviter pour se risquer à y chercher et de
27 trouver un peu d'eau ou du bois de chauffage car l'hiver était rigoureux.
28 Et ce faisant, ils étaient en butte aux tirs embusqués, aux obus qui
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1 tombaient.
2 La prochaine séquence, s'il vous plaît.
3 [Diffusion de la cassette vidéo]
4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
5 "La pancarte disait attention ici il y a des tirs d'embusqués. Les snipers
6 sont peut-être à 150 mètres de là. Il n'y a pas de lieux sûrs et ce n'est
7 pas une solution de rester là, car si on est caché dans une cave il y a
8 peut-être une source d'eau mais souvent il faut sortir. Et chaque fois
9 qu'on sort, ce que la plupart des gens doivent faire tous les jours, ceux
10 qui portent l'eau et qui font des allées et venues sont dans la ligne de
11 tir.
12 "Aujourd'hui les tireurs embusqués ont déjà fait une victime.
13 "Avant la guerre, c'était un pays de chasseurs, mais la différence
14 aujourd'hui c'est qu'on chasse l'homme. La victime cette fois-ci c'est un
15 homme touché à la jambe, qui venait juste de tourner le coin quand le
16 tireur embusqué l'a touché. C'est le quotidien, c'est ce qui se passe tous
17 les jours ici et souvent plus d'une fois par jour. Rien de particulier,
18 mais c'est un danger que connaissent tous les gens depuis avril.
19 M. TIEGER : [interprétation] Même s'ils prenaient des précautions ou ils
20 essayaient d'en prendre, bon nombre de civils ont été blessés et tués alors
21 qu'ils essayaient de vaquer aux occupations les plus essentielles du
22 quotidien. Des mères ont été tuées. Le 18 novembre 1994, Nermin Divovic
23 avait 7 ans. Il marchait à côté de sa mère dans une ville du centre de
24 Sarajevo. Quelque chose qu'on fait tous les jours dans n'importe quelle
25 ville normalement. Sa sœur qui avait 8 ans était devant. Alors qu'ils
26 traversaient la rue, un tireur serbe de Bosnie a tiré sur eux. La balle a
27 traversé le ventre de sa mère et a tué Nermin sur le coup. On le voit sur
28 ces images gisant au sol sur le passage pour piétons.
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1 [Diffusion de la cassette vidéo]
2 M. TIEGER : [interprétation] Des enfants, des écoliers qui jouaient ont été
3 abattus. Des gens, des passagers dans des trams ont été abattus. Des
4 enfants qui jouaient dans la neige ont été abattus. Des gens qui allaient
5 chercher de l'eau ont été abattus. Et même lorsqu'on assistait aux obsèques
6 de parents, on était abattu. Les civils de Sarajevo étaient des cibles et
7 ces civils ont été abattus.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Lorsqu'ils sont arrivés, on leur a dit que Medrana [comme
11 interprété] avait été enterré une heure plus tôt que prévu parce que le
12 cimetière avait été pilonné par les Serbes.
13 De [inaudible] quelle était la situation n'a fait qu'empirer. Il y a
14 eu de nouveau une pluie d'obus. Un de ces obus est tombé sur des enfants
15 qui venaient d'arriver de l'orphelinat pour porter des fleurs sur la tombe,
16 et ils ont laissé ces fleurs sur les tombes de Medrana, ils sont partis
17 comme sauve qui peut, ces gamins, pour y déposer sur la tombe du petit
18 gamin qui avait été tué par un tireur embusqué. Ils n'ont pas eu le temps
19 de s'attarder alors que la famille partait, les artilleurs avaient trouvé
20 la bonne portée.
21 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
22
23 M. TIEGER : [interprétation] Effectivement, cette terreur, cette campagne
24 de terreur a littéralement tué une cité, une ville. Un responsable des
25 affaires civiles des Nations Unies vous le dira. Lorsqu'il est arrivé vers
26 la moitié de l'année 1993, il a vu des rues désertées, des voitures brûlées
27 qui encombraient la ville. Les tramways s'étaient arrêtés. Il y avait des
28 gens qui sortaient de leurs trous pour trouver comme ils le pouvaient un
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1 peu de quoi manger ou un peu d'eau.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 M. TIEGER : [interprétation] Deux ans après son arrivée à Sarajevo, un
4 responsable des affaires civiles des Nations Unies dit ceci dans un rapport
5 qu'il envoie le 8 juillet 1995. Je le cite :
6 "En dépit de la diminution des activités militaires autour de la
7 ville, le harcèlement de la population civile continue pratiquement sans
8 relâche. Il y a encore un niveau très élevé de tirs embusqués et de tirs au
9 mortier qui ne semblent avoir aucune valeur militaire mais qui semblent
10 contribuer à vouloir créer une atmosphère générale de terreur dans la
11 ville. Il n'y a pratiquement plus de civils qui se servent de ce qu'on a
12 appelé l'allée des tireurs embusqués, au point que maintenant les tireurs
13 embusqués qui étaient toujours postés sur cette zone ont dû être déplacés
14 pour être mis ailleurs."
15 Les éléments de preuve vous le montreront. Radovan Karadzic a commandé, a
16 dirigé l'établissement et le maintien du siège de Sarajevo. Il a commandé
17 et dirigé les forces qui se sont rendues coupables de cette campagne de
18 pilonnage et de tirs embusqués dans le contexte du siège de Sarajevo. C'est
19 Karadzic qui a délibérément infligé et fait de la terreur à géométrie
20 variable, qu'il a appliquée à la population civile pour servir ses propres
21 visées.
22 La VRS était formée le 12 mai 1992. Le RSK le 22 mai 1992 et la VRS a
23 englobé les unités territoriales serbes. Ces formations armées qui, jusqu'à
24 ce moment-là, étaient le fer de lance de la ségrégation de la séparation,
25 et Karadzic avait déjà à ce moment-là, au moment de cette formation, était
26 sur place au commandement de ces unités autour de Sarajevo depuis un mois
27 et demi. Dès le 25 avril, et moins de trois semaines après le début du
28 conflit, il était à même de montrer en hélicoptère à des journalistes qui
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1 survolaient Sarajevo ce qu'il en était et il a déclaré qu'il pouvait
2 prendre la ville quand bon lui semblait. Nous voulons avoir une Sarajevo
3 libre.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "Mais si on avait voulu prendre Sarajevo on aurait pu la prendre.
7 "Et pour prouver ce qu'il dit, il emmène des journalistes sur les
8 hauteurs de Sarajevo. C'était pour montrer que les observateurs respectent
9 le cessez-le-feu et il a dit :
10 'Nous avons l'intention de le faire. Nous essayons de maintenir la
11 paix et nous voulons simplement contrôler les alentours de Sarajevo.'
12 "Question : Vous pouvez prendre la ville demain ?
13 "Réponse : Quand on veut.
14 "Les Serbes veulent montrer que Sarajevo est à leur pied. Mais si les
15 Musulmans veulent la guerre, ils peuvent l'avoir. Et la ville n'est pas
16 défendable.
17 "Martin Bell, BBC News sur les hauteurs de Sarajevo.
18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
19 M. TIEGER : [interprétation] Je vous ai parlé de l'établissement du
20 maintien du RSK et que tout ceci a fait que toutes les forces assiégeantes
21 étaient rassemblées sous une voie hiérarchique unique avec au faîte de ces
22 trois hiérarchies un commandant suprême Karadzic.
23 Vous avez ce diagramme qui montre la chaîne hiérarchique, la chaîne de
24 commandement : président et commandant suprême, Radovan Karadzic; ça c'est
25 au sommet. Celui-ci était président de la présidence; puis, ça descend.
26 Vous avez l'état-major principal, le commandant Ratko Mladic; puis, on
27 descend. On arrive au Corps de Sarajevo-Romanija avec trois commandants
28 différents pendant le siège; puis, on arrive en bas, au niveau des
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1 brigades.
2 Cette structure de commandement, à partir de 1992 jusqu'en 1995, elle était
3 officielle autant qu'efficace. Le SRK
4 avait un excellent système de transmissions et un excellent système de
5 contrôle et de commandement. Vous le verrez grâce aux témoignages. La
6 campagne de tirs isolés et de pilonnages a été menée par ce RSK,
7 centralisée par le chef de l'état-major sous le commandement de l'état-
8 major principal.
9 Karadzic exerçait le contrôle des forces qui procédaient aux pilonnages.
10 Vous le verrez dans le contexte des accords auxquels on a abouti sur le
11 terrain quand c'était utile pour des fins politiques, par exemple, en
12 février 1994. Et là, quand c'était utile, l'accord de cessez-le-feu a été
13 aussitôt appliqué et on a cessé le feu du côté des Serbes, montrant bien
14 qu'il y a un très bon système de commandement et de direction. Et Karadzic
15 et les chefs de la VRS pouvaient aussi diriger ces activités de pilonnage
16 et de tirs embusqués quand ils le voulaient. En mars 1994, la VRS a exigé
17 que les trams ne roulent plus à Sarajevo, faute de quoi, ils seraient pris
18 pour cibles par les forces de la RSK. Et quand ils ont continué malgré tout
19 à circuler, le RSK a commencé à tirer sur ces trams, faisant de nombreux
20 morts et de nombreux blessés parmi les passagers.
21 Le RSK et les commandants de l'état-major principal étaient
22 constamment informés par les représentants de la FORPRONU qui leur disaient
23 que leurs subordonnés pilonnaient, tiraient sur des civils. Mais malgré
24 tout, le pilonnage, les tirs embusqués se sont poursuivis pendant 44 mois
25 et aucun subordonné n'a été puni.
26 Les ordres, les rapports démontrent de façon explicite quels étaient
27 les modes d'emploi de ces forces de la RSK mais aussi, comment elles
28 étaient contrôlées et coordonnées et la circulation des informations et des
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1 ordres le long de la voie hiérarchique. Nous savons que la plupart des
2 ordres et des rapports étaient donnés oralement. Mais ceci confirme leur
3 existence. Mais il y avait des ordres et des rapports de la VRS ou du RSK
4 qui étaient bien consignés par écrit et qui confirment l'efficacité du
5 contrôle de la coordination de la campagne de pilonnages et de tirs
6 embusqués, et montrent l'efficacité de la chaîne de transmissions et du
7 contrôle au sein du RSK. Par exemple, quand il s'agit d'utilisation des
8 bombes aériennes modifiées, 13 juin 1994, l'état-major principal envoie une
9 lettre au commandement du RSK, en réponse à une demande du commandement de
10 Ilijas, une des municipalités de Sarajevo, et qui concernait l'utilisation
11 de bombes aériennes modifiées.
12 Voici ce que dit l'état-major principal, je cite :
13 "L'état-major principal de la VRS est celui qui prend des décisions quant à
14 l'utilisation de ces bombes aériennes et c'est peut-être au niveau d'un
15 corps, mais l'approbation est donnée par l'état-major principal. Une
16 brigade ne peut pas décider de le faire toute seule."
17 Le 6 avril 1995, celui qui était alors chef du Corps du RSK, Dragomir
18 Milosevic, donne l'ordre suivant, je le cite :
19 "La Brigade d'Ilidza va aussitôt préparer un lance-roquettes ou un lanceur
20 de bombes aériennes qu'elle va transporter à l'endroit qu'il faut pour le
21 lancer. Il faut choisir la cible la plus utile à Hrasnica et dans le
22 quartier de Sokolovici, là où on peut faire le plus de victimes et le plus
23 de dégâts matériels."
24 Le lendemain, un rapport est envoyé à l'état-major principal. Je cite :
25 "Dans la Brigade d'Ilidza, une mine de 120-millimètres a été lancée et une
26 bombe aérienne modifiée de 250 kilos a été lancée sur le centre de
27 Hrasnica."
28 Cette bombe a détruit des maisons de civils, a tué un civil et en a
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1 blessé trois autres. Ziba Custovic, une femme au foyer, buvait son café à
2 la maison et cette bombe l'a tuée.
3 Nous allons voir la vidéo suivante.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "Le cessez-le-feu semble être en déliquescence rapidement. Il y avait des
7 offensives sur au moins deux fronts de Sarajevo, au sud de Sarajevo. La
8 banlieue de Hrasnisa a fait l'objet de l'attaque serbe. Le troisième jour
9 consécutif, une roquette a été lancée sur cinq maisons, a tué une personne
10 et blessé plusieurs autres."
11 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
12 M. TIEGER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, un autre exemple
13 de contrôle militaire centralisé de cette campagne. Ceci se trouve dans un
14 document du 15 août 1994. Un officier de renseignement du RSK publie ceci
15 dans une note interne et parle de l'accord sur la cessation des tirs
16 embusqués, je cite :
17 "Le tirs embusqués doivent cesser, et ce, uniquement s'il y a des ordres
18 conformément à l'organisation interne et si les mesures appropriées sont
19 prises."
20 Et il note plus précisément que la décision définitive portant sur les
21 mesures qui seraient prises eu égard à ces tirs embusqués ne pouvait être
22 prise que par le commandant du corps. Et avant de poursuivre, je souhaite
23 simplement noter que l'avertissement lancé par Dragomir Milosevic, celui
24 qui commandait le RSK à ce moment-là le 18 juillet 1995, confirme que le
25 commandant du RSK avait connaissance du fait qu'il tirait sur des civils.
26 Il s'agit des commentaires sur les problèmes de fourniture de munitions et
27 le comportement laxiste eu égard à l'utilisation des munitions, étant donné
28 qu'ils en avaient à profusion et qu'ils essayaient de tirer plus que
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1 l'ennemi. Et Milosevic dit à cet effet :
2 "C'est la raison pour laquelle nous tirons sur des localités qui ne sont
3 pas habitées, sur des bâtiments particuliers où il n'y a pas d'actions de
4 combat du tout. Et nous utilisons des quantités très importantes de
5 munitions, sans prêter attention au fait que nous n'aurons rien pour
6 arrêter l'ennemi au moment où il s'agira de préparer une défense décisive."
7 Pas d'actions de combat du tout, puisqu'il s'agit de tirer sur les
8 localités non habitées. La dernière phrase -- pardonnez-moi, je reprenais
9 l'avertissement.
10 Les éléments de preuve montrent qu'il y a eu une campagne concertée et
11 coordonnée qui a été mise en œuvre par le RSK sous le commandement
12 militaire de la VRS aux fins de terroriser la population civile de
13 Sarajevo. Karadzic était le commandant suprême, une organisation militaire
14 disciplinée et de surcroît, il commandait d'autres forces autour de
15 Sarajevo, comme les forces du MUP. Karadzic n'était pas simplement le
16 commandant suprême de jure, mais le commandant de facto également. Et dans
17 ce rôle double, avec cette autorité absolue, il planifiait, dirigeait,
18 contrôlait et surveillait ses subordonnés militaires et était responsable
19 de la campagne des tirs embusqués et de pilonnage qui a terrorisé les
20 civils de Sarajevo.
21 Comme je l'ai indiqué, en tant que commandant suprême, Karadzic était en
22 définitive responsable de la fixation de la stratégie du RSK de diriger
23 tous les objectifs et de surveiller tous les objectifs militaires à propos
24 de Sarajevo. A cet effet, les directives entre 1992 et 1995 qui ont été
25 adoptées, c'est signé par Karadzic, qui indiquaient comment la VRS devait
26 mettre en œuvre les objectifs stratégiques. Toutes ces directives
27 contenaient des instructions à propos des activités militaires du RSK et
28 illustraient le commandement et le contrôle qu'il exerçait sur la VRS et du
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1 RSK. La directive numéro 3, par exemple, a été établie en août 1992. Un
2 passage est consacré aux objectifs opérationnels du RSK, notamment
3 l'instruction qui consistait à :
4 "Garder Sarajevo fermement assiégée et empêcher que le blocus ne
5 tombe."
6 Directive numéro 6, qui a été adoptée et signée par Karadzic, le commandant
7 suprême en novembre 1993, contient de même des instructions à l'intention
8 de la RSK, y compris l'instruction qui consiste à :
9 "…utiliser l'essentiel des forces pour empêcher que le blocus de Sarajevo
10 ne soit levé."
11 Outre le contrôle qu'il exerçait sur les forces de RSK, Karadzic contrôlait
12 également les autres forces qui intervenaient à Sarajevo. Vous verrez qu'un
13 ordre de Karadzic du 14 novembre 1993 qui comprend des instructions à
14 l'intention des forces MUP de la RS, ainsi que d'autres forces, les corps
15 de la VRS intervenant autour de Sarajevo, l'armée de l'air, ainsi que les
16 forces de défense aériennes et des unités de roquettes et d'hélicoptères.
17 Au-delà de sa fonction, en haut de la pyramide de cette structure de
18 commandement, son contrôle du pilonnage et les tirs embusqués s'est
19 illustré dans les accords qu'il a conclus, qui faisaient intervenir le
20 cessez-le-feu à Sarajevo. Pendant le siège qui a duré 44 mois, Karadzic
21 contrôlait le niveau de terreur lorsque cela l'arrangeait politiquement. Il
22 pouvait augmenter ou diminuer le niveau de terreur pour négocier un accord
23 selon ses termes.
24 Un exemple de cela est au mois de juillet 1993. La situation
25 politique de cette époque est illustrée par le rapport hebdomadaire de la
26 FORPRONU. Ce rapport note que le président de Bosnie du gouvernement
27 bosniaque, Alija Izetbegovic semblait à ce moment-là se faire à l'idée
28 d'une partition de la Bosnie-Herzégovine, une politique qui avait été
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1 prônée depuis longtemps par Karadzic et les dirigeants serbes. Karadzic,
2 cette même semaine, a clairement indiqué à la FORPRONU que sa première
3 priorité consistait à faire venir le gouvernement bosniaque de Sarajevo à
4 la table des négociations pour commencer à parler de la partition de la
5 Bosnie. Le rapport indique également que :
6 "Les négociations ne pouvaient avoir lieu que s'il y avait
7 effectivement un cessez-le-feu en place."
8 Vous verrez tout ceci dans le rapport du mois de juillet 1993 qui
9 fait partie des pièces du dossier.
10 A la lumière de ces circonstances, comment Karadzic a-t-il
11 agi ? Il a donné l'ordre au RSK d'imposer un cessez-le-feu, comme ceci est
12 indiqué dans les deux ordres. Tout d'abord, l'ordre de Dragomir Milosevic,
13 daté du 15 juillet 1993.
14 "Conformément à un ordre du président de la Republika Srpska, le Dr
15 Radovan Karadzic, compte tenu de la situation politique actuelle, les
16 unités ont l'interdiction de tirer sur Sarajevo à proprement parler, à
17 moins qu'elles ne soient en train de défendre les positions de la VRS. Les
18 tirs inutiles et incontrôlés sur Sarajevo sont très nuisibles pour la
19 Republika Srpska. Il faut contrôler complètement et rendre impossible ces
20 tirs qui ne sont pas utiles sur Sarajevo…"
21 Il ordonne également que l'eau et le gaz soient fournis à la
22 population, de même que l'électricité.
23 L'ordre, le même, daté du 16 juillet 1993, du commandant d'exercice
24 du RSK :
25 "Nous avons reçu du commandement de l'état-major de la VRS un
26 avertissement de ne pas agir contre Sarajevo à proprement parler; n'agir
27 qu'en cas d'autodéfense et si les lignes de défense militaires sont en
28 danger. L'avertissement porte sur l'accord entre le président Karadzic, la
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1 FORPRONU et notre ennemi."
2 Karadzic prenait pour cible les civils, et était au courant -- Monsieur le
3 Président, vous souhaitiez avoir un petit peu de temps avant que l'audience
4 ne soit levée aujourd'hui.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que je n'évoque cette question, je
6 souhaite savoir de combien de temps vous aurez besoin encore lundi.
7 M. TIEGER : [interprétation] Ce ne sera pas une journée entière, Monsieur
8 le Président. Si vous me donnez quelques instants, je vais pouvoir le
9 calculer. Ce sera certainement avant la dernière séance. J'ai un petit peu
10 de mal pour l'instant à calculer ceci de façon très précise. Mais je crois
11 que les Juges de la Chambre pourraient disposer de la dernière séance de
12 l'audience.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
14 Comme je l'ai indiqué un peu plus tôt, si l'accusé souhaite ne pas venir
15 assister à l'audience lundi, il y aura une audience le mardi, 3 novembre,
16 dans l'après-midi, au cours de laquelle les Juges de la Chambre entendront
17 les arguments oraux de l'Accusation et de l'accusé sur la façon dont nous
18 pouvons poursuivre par la suite. Les Juges de la Chambre statueront ensuite
19 sur cette question.
20 Afin de pouvoir aider les parties à présenter des arguments utiles, je
21 souhaite mentionner les points suivants qui intéressent particulièrement
22 les Juges de la Chambre.
23 Premier point : Déroulement du procès en l'absence de l'accusé et en
24 l'absence de deux conseils pour le représenter.
25 Deuxième point : La commission d'office d'un conseil pour l'accusé et les
26 différents rôles que l'on peut donner à un conseil d'office, à la fois dans
27 un avenir proche et au cours du déroulement du procès.
28 Troisième point : La désignation d'un amicus curiae.
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1 Point quatre : L'ajournement éventuel de ce procès pour permettre à un
2 conseil commis d'office de se préparer.
3 Et cinquième point : Toute autre façon qui permettrait le déroulement de ce
4 procès, si l'accusé décide de ne pas venir assister à l'audience, et ce,
5 volontairement.
6 Ce procès est maintenant terminé pour aujourd'hui. Nous levons l'audience
7 jusqu'au lundi 2 novembre, à 14 heures 15.
8 --- L'audience est levée à 18 heures 56 et reprendra le lundi 2 novembre
9 2009, à 14 heures 15.
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