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1 Le mardi 3 novembre 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander au greffier de citer
6 l'affaire inscrite au rôle.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, merci. Affaire IT-95-5/18-T, le
8 Procureur contre Radovan Karadzic.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Bonjour à tous. La Chambre siège
10 au complet aujourd'hui. Elle se compose de moi-même, du Juge Howard
11 Morrison à ma droite, du Juge Melville Baird à ma gauche, et nous avons à
12 ma gauche Mme le Juge Lattanzi, juge de réserve.
13 Nous allons procéder à des débats administratifs pour déterminer les
14 modalités de poursuite du procès, mais je vais demander d'abord aux parties
15 de se présenter. Commençons par l'Accusation.
16 M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Alan
17 Tieger, Hildegard Uertz-Retzlaff, et Iain Reid au nom de l'Accusation.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
19 Monsieur Karadzic, je suppose que vous suivez les débats dans une langue
20 que vous comprenez ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Votre Excellence.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Je ne vais pas répéter
23 cette question à l'avenir au cours des prochaines audiences. Si jamais vous
24 rencontrez des difficultés, si vous avez du mal à suivre les débats dans
25 une langue que vous comprenez, vous me le direz.
26 Je constate que vous êtes seul à l'audience, et je suppose que vous
27 continuez à assurer vous-même votre défense ?
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est cela, Votre Excellence.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
2 La semaine dernière, étant donné l'absence de M. Karadzic à
3 l'ouverture du procès, et le fait qu'il a décidé de rester absenté des
4 débats au moment de la déclaration liminaire de l'Accusation en dépit de
5 mises en garde répétées de la part de la Chambre de première instance, j'ai
6 annoncé que la Chambre allait annoncer sa décision sur les modalités de
7 poursuite du procès après avoir entendu les parties aujourd'hui. J'ai
8 soulevé plusieurs questions précises, et j'ai demandé aux parties de les
9 examiner afin de nous faire part de leur position. Je vais les répéter.
10 Première question : poursuites des débats en l'absence de l'accusé et
11 en l'absence d'un conseil le représentant.
12 Deux : commission d'office d'un conseil représentant l'accusé et les
13 rôles divers que peut assumer un tel conseil commis d'office à l'avenir et
14 au fur et à mesure du procès.
15 Troisième question : désignation d'un amicus curiae.
16 Quatrième question : report éventuel du procès pour donner le temps à
17 un conseil commis d'office de préparer le dossier.
18 Cinquième question : d'autres suggestions quant aux façons dont
19 pourrait se poursuivre le procès si l'accusé décidait de rester absent des
20 débats.
21 Avant d'entamer de façon plus détaillée ces discussions, je voudrais
22 m'adresser à vous, Monsieur Karadzic. Etes-vous décidé à rester absent des
23 débats, est-ce que ça veut dire que vous ne serez pas demain présent à
24 l'audience lorsque l'Accusation commencera la présentation de ses moyens ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, vos Excellences,
26 je n'ai absolument aucune volonté de boycotter ce procès. A mes yeux et aux
27 yeux des personnes qui me représentent, et aux yeux aussi de tout le peuple
28 là-bas, c'est un procès particulièrement important. C'est d'ailleurs la
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1 dernière possibilité d'atteindre la vérité, et la chose est tout à fait
2 possible dans le cadre du fonctionnement de ma défense. Cependant, si cette
3 Chambre de première instance avait existé dès le début, elle saurait à
4 combien de reprises j'ai demandé que me soient communiqués les documents
5 nécessaires dans les délais voulus. D'ailleurs, des ordonnances ont même
6 été rendues par M. le Juge Bonomy dans ce sens.
7 Je ne veux pas boycotter mon procès, mais je ne peux pas accepter de
8 participer à quelque chose qui dès le début démarre mal et qui viole mes
9 droits fondamentaux, en particulier les droits qui sont prévus à l'article
10 21 du Statut de ce Tribunal s'agissant des droits de la défense.
11 Ce procès ne peut pas bien commencer et se terminer bien si on attend
12 de moi que dans un délai de cinq mois, c'est-à-dire à partir du 18 mai,
13 j'ai pris connaissance des 700 000 pages que j'ai reçues de l'Accusation,
14 700 000 pages au moins dont je dois prendre connaissance pour pouvoir
15 réfuter ce que le Procureur s'apprête à vous présenter ici.
16 Donc, je vous prie de tenir compte de cela. Je m'apprête à présenter
17 deux autres requêtes qui mettent en cause la compétence du Tribunal dans
18 les jours qui viennent, mais je prie toutes les personnes présentes dans ce
19 prétoire, et en particulier les membres de la Chambre, de ne pas considérer
20 ce geste de ma part comme un manque de respect personnel, car la situation
21 est telle que je serais vraiment un criminel si j'acceptais de pénétrer
22 dans un procès pour lequel je ne suis pas prêt. Je ne peux remettre en
23 cause aucun des éléments qui vont être présentés par le Procureur, étant
24 donné le nombre trop important de documents dont je n'ai pas pu prendre
25 connaissance. Il faut tenir compte du nombre important de municipalités,
26 des 23 000 éléments de preuve, 400 000 pages de documents relatives aux
27 municipalités, le nombre énorme de témoins, et les millions de pages que
28 constituent ces documents, ainsi que des 300 jours de diffusion nécessaires
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1 pour prendre connaissance de tous les enregistrements vidéo et audio. La
2 plupart de ces documents sont en anglais, donc il faut tenir compte du fait
3 que l'anglais n'est pas ma langue la plus efficace.
4 Je demande aux Juges de la Chambre de se poser la question de savoir ce
5 qu'il faudrait mettre en œuvre pour que ce procès soit un bon procès ? Aux
6 yeux de la Chambre, aux yeux du peuple là-bas, à mes yeux à moi et aux yeux
7 de mes collaborateurs, ce procès ne peut pas être un bon procès s'il n'est
8 pas équitable, et il ne peut pas être équitable si je ne suis pas prêt.
9 Je vous prierais de bien vouloir prendre compte du fait que le
10 Procureur, depuis le début de ce procès, a une démarche très grave qu'il
11 est en train de mettre en œuvre. J'ai adressé plusieurs centaines de pages
12 de communiqués à la Chambre et au Procureur. J'ai également communiqué des
13 documents, ce qui revête une autre forme. Ceci montre bien que j'ai
14 travaillé de façon sérieuse avec la plus grande attention. J'ai parfois
15 abandonné la promenade quotidienne dont je bénéficie au quartier
16 pénitentiaire pour pouvoir continuer mon travail.
17 Donc, moi-même et mes collaborateurs, nous faisons tout et nous
18 voulons faire tout à l'avenir pour être prêts dans les plus brefs délais.
19 Et Mme Uertz-Retzlaff, sans doute parce que je n'ai pas été assez clair, a
20 cru comprendre que dans une lettre que j'avais adressée au Procureur, je
21 disais que je viendrais lorsque je serais prêt. Je crois que j'ai bien
22 indiqué que j'étais prêt à venir avant l'expiration d'un délai de dix mois
23 dès lors que je serais prêt, autrement dit avant la fin de ce délai. Donc,
24 je présente mes excuses à tous ceux qui ont pu mal comprendre mon propos.
25 C'est la seule condition pour que je sois prêt; car sinon, quelle sera la
26 qualité de ce procès si la Défense n'est bas de bonne qualité ?
27 Voilà quelle est ma position, et je demande à chacun de la prendre au
28 sérieux, car cette Défense a été menée depuis le début de façon très
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1 sérieuse, et a dû faire face uniquement à des obstacles. Je me dois de dire
2 ici que depuis le début, ma Défense s'est heurtée uniquement à des
3 obstacles.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous ne faites
5 que répéter ce que vous avez déjà dit à la Chambre de première instance
6 ainsi qu'à la Chambre d'appel lorsque vous avez parlé de la façon dont vous
7 voyez le temps qui vous avait été accordé en vue de la préparation du
8 procès. La présente Chambre et la Chambre d'appel ont examiné avec beaucoup
9 de soin les arguments que vous avez présentés, et ont décidé que vous aviez
10 bénéficié de suffisamment de temps pour vous préparer. A l'évidence, vous
11 n'êtes pas d'accord avec les décisions rendues. Cependant, et je vous l'ai
12 déjà dit, c'est la Chambre de première instance, et non pas l'accusé, qui
13 détermine si un procès est prêt à commencer, compte tenu de toutes les
14 circonstances présentes, et pour veiller à l'équité ainsi qu'à la rapidité
15 du procès.
16 La Chambre de première instance comprend bien que vous travaillez
17 d'arrache-pied et reconnaît vos efforts; elle observe, cependant, que le
18 Juge de la mise en état précédent, M. le Juge Bonomy, vous a dit plus d'une
19 fois que vous devriez consacrer les ressources dont vous disposez et que
20 vous deviez vous concentrer sur la préparation même du procès. En fin de
21 compte, je dois vous rappeler une fois de plus qu'il est vraiment de votre
22 intérêt d'assister et de participer pleinement au procès pour que justice
23 soit rendue.
24 Ceci étant dit, j'entame l'examen de ce qui est à l'ordre du jour. Je vais
25 d'abord me tourner vers l'Accusation et lui demander de présenter ses
26 arguments sur les questions que j'ai posées.
27 Vous avez la parole, Madame Uertz-Retzlaff.
28 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Avant de commencer, permettez-moi de relever, aux fins du dossier, que nous
2 sommes maintenant au quatrième jour du procès. Ce que je vais dire
3 aujourd'hui suivra l'ordre suivant : tout d'abord, je présenterai des
4 remarques liminaires sur le droit qu'a la Chambre de contraindre M.
5 Karadzic à assister aux audiences; puis j'envisagerai deux options
6 concernant le déroulement éventuel du procès.
7 Le premier scénario verra s'il est possible de commencer par la déclaration
8 liminaire de M. Karadzic et les trois premiers témoins à charge en peu de
9 temps. Ceci sera associé à la désignation d'un conseil d'office. Deuxième
10 scénario, ce serait de désigner un conseil si M. Karadzic décidait qu'il ne
11 pouvait pas commencer le procès sous peu, dans un délai bref.
12 J'aurai quelques remarques supplémentaires pour répondre aux questions que
13 la Chambre a posées aux parties.
14 Notre objectif global doit être de veiller à l'équité et à la rapidité du
15 procès, conformément à l'article 20 du Statut. Dans le cadre de cet
16 objectif, on ne saurait permettre à M. Karadzic de manipuler la procédure
17 en prenant la décision de ne pas assister aux audiences. La Chambre d'appel
18 pénale de Nouvelle-Galles du Sud en Australie le disait :
19 "Un procès en première instance ne peut dégénérer en raison de
20 manipulation, étant le fait de l'accusé, pour en arriver à une situation où
21 le procès est à la merci de l'accusé. Ceci serait contre l'intérêt de
22 l'opinion publique et de l'intérêt supérieur de la justice, car ceci
23 saperait la confiance qu'a l'opinion publique dans le système pénal."
24 Je citais là l'affaire de la Reine contre BK, en l'an 2000.
25 Remarque liminaire, M. Karadzic, en étant présent aujourd'hui,
26 assiste donc au procès à toutes fins utiles. Mais si à l'avenir la Chambre
27 estime qu'il convient de décider d'une comparution forcée de M. Karadzic,
28 la Chambre en a parfaitement le pouvoir, il n'y a aucun doute là-dessus, la
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1 comparution forcée serait donc décidée.
2 Et on peut aussi utiliser la force pour être sûr qu'il sera présent à
3 l'audience dans le prétoire. Ça tient au fait que M.
4 Karadzic est privé de liberté. Il a été arrêté et transféré au quartier
5 pénitentiaire des Nations Unies où il se trouve depuis en détention
6 préventive, précisément pour veiller à ce qu'il comparaisse pour répondre
7 des chefs d'accusation retenus contre lui.
8 Le fait que M. Karadzic a le droit d'être présent à son procès, c'est un
9 droit auquel il peut décider de renoncer, et ceci ne nie pas le fait qu'il
10 a aussi l'obligation d'être présent. Je peux vous présenter d'autres
11 arguments à l'appui de ce point si ceci vous aide et je le ferais plus
12 tard.
13 D'abord, prenons la première option pour voir comment le procès pourrait se
14 dérouler. Première étape à franchir, l'Accusation suggère que la Chambre de
15 première instance examine la question de savoir si le procès peut se
16 poursuivre sans trop attendre et pourrait entendre la déclaration liminaire
17 de M. Karadzic ainsi que les trois premiers témoins à charge prévus par
18 l'Accusation à cet égard.
19 La Chambre voudra peut-être demander à M. Karadzic ceci : y a-t-il la
20 moindre raison pour laquelle M. Karadzic, dans quelques jours, ne pourrait
21 procéder à sa déclaration liminaire sachant qu'il aura la possibilité
22 d'étoffer cette déclaration par une déclaration supplétive lorsqu'il
23 présentera ses moyens à décharge ? Selon lui de combien de temps aurait-il
24 besoin pour préparer sa déclaration liminaire ? S'il affirme avoir toujours
25 besoin d'une période de temps considérable pour se préparer, et même à une
26 déclaration liminaire, il devrait motiver ce qu'il dit.
27 Question suivante : à son avis, de combien de temps a-t-il besoin pour se
28 préparer au contre-interrogatoire des trois premiers témoins à charge ? Je
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1 constate que nous avons deux témoins qui sont prévus et qui pourraient
2 commencer leur déposition demain. Etant donné que ces trois premiers
3 témoins sont des témoins des faits, si M. Karadzic affirme avoir besoin de
4 plus de quelques jours pour se préparer au contre-interrogatoire de ces
5 témoins, il devrait justifier cette affirmation.
6 A supposer que le procès peut, en l'espace de peu de temps, se poursuivre
7 avec la déclaration liminaire de M. Karadzic et ces trois premiers témoins
8 factuels, la Chambre va peut-être vouloir emprunter cette voie. Elle
9 pourrait alors entendre, en tant que de besoin, les demandes faites par M.
10 Karadzic pour avoir de brèves interruptions du procès au fil du procès, à
11 supposer, bien sûr, qu'il justifie chacune de ces demandes de suspension.
12 Cependant, la Chambre devrait envisager avec le plus grand sérieux de
13 choisir et de désigner un conseil d'appoint. Un tel conseil d'appoint
14 pourrait commencer à prendre connaissance du dossier sans jouer un rôle
15 actif dans les débats qui sont les nôtres. La désignation d'un conseil
16 d'appoint chargé d'une telle fonction ne va en aucune façon limiter ni
17 réduire les droits qu'a M. Karadzic à se défendre seul. Un conseil
18 d'appoint n'aurait un rôle actif dans les débats que s'il devient
19 nécessaire de limiter ou de mettre fin au droit qu'a M. Karadzic d'assurer
20 lui-même sa propre défense à l'avenir. A ce moment-là, le conseil d'appoint
21 pourrait intervenir en peu de temps.
22 Mais si M. Karadzic participe aux débats, n'a pas de comportement
23 obstructionniste, à ce moment-là, il n'est pas nécessaire d'avoir un
24 conseil d'appoint et il n'aura aucun rôle à jouer dans ce procès.
25 Pourquoi désigner un conseil d'appoint ? Afin de s'acquitter de cette
26 fonction de réserve. C'est assez semblable à la désignation d'un quatrième
27 juge, un juge de réserve, lorsqu'on a un procès d'une telle complexité et
28 d'une envergure telle.
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1 Prenons maintenant la deuxième option. Si M. Karadzic persiste à
2 refuser d'être présent aux débats - et apparemment, c'est le cas - la
3 Chambre de première instance devrait envisager de mettre fin au droit qu'il
4 a d'assurer lui-même sa défense et devrait lui imposer un conseil. L'objet
5 même de la création de ce Tribunal ne doit pas être anéanti par un accusé
6 qui veut se défendre seul. Dans une telle donne, en persistant à refuser à
7 participer aux débats, il aura ainsi renoncé à son droit. Ce qui veut dire
8 que le procès pourra se poursuivre en son absence pour autant qu'on lui
9 impose un conseil chargé de défendre ses intérêts.
10 Le TPIR, la Chambre d'appel l'a confirmé dans l'affaire Barayagwiza :
11 "…lorsqu'on a un accusé sous la garde du Tribunal, lorsqu'un tel
12 accusé décide de s'absenter des audiences, il est dans l'intérêt supérieur
13 de la justice de lui désigner un conseil, surtout pour garantir l'exercice
14 effectif d'un droit consacré à l'article 20 du Statut."
15 Je citais là l'arrêt Nahimana, paragraphe 109.
16 Le refus persistant de M. Karadzic à assister aux audiences et de se
17 conformer aux ordonnances de la Chambre de première instance, aussi bien la
18 Chambre d'appel pour ce qui est de l'ouverture du procès, constitue un
19 motif valable faisant que son droit à assurer sa propre défense pourrait
20 être arrêté. M. Karadzic ne s'est pas présenté au moment de la déclaration
21 liminaire de l'Accusation, et il a persisté à boycotter la procédure. Ce
22 n'est pas un terme qu'il veut employer, mais ça revient à cela. Et ceci,
23 tout récemment, a été confirmé dans la lettre qu'il vous a envoyée,
24 Monsieur le Juge Kwon, le 1er novembre, et le confirme même aujourd'hui
25 aussi.
26 Si M. Karadzic compte sur cette position, s'il dit qu'il lui faudra
27 plusieurs mois avant d'être prêt et s'il refuse de participer, c'est agir
28 d'une façon telle que son droit à se défendre lui-même constitue une
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1 position obstructionniste et persistante s'agissant de la conduite de ce
2 procès. Rappelez-vous la décision de la Chambre d'appel le 1er novembre
3 2004, paragraphe 13 dans l'affaire Slobodan Milosevic, ce genre de droit
4 peut être limité en certaines circonstances.
5 Il y a aussi la décision de la Chambre d'appel du 8 décembre 2006
6 dans l'affaire Seselj, paragraphe 25. La conclusion, c'est que la Chambre
7 avait le droit d'imposer un conseil à M. Seselj, étant donné le
8 comportement de ce dernier, qui comprenait notamment le fait de "refuser de
9 comparaître à l'audience pour se représenter."
10 La jurisprudence du Tribunal est conforme à l'article 45 ter du Règlement
11 de procédure et de preuve, qui autorise une Chambre à commettre un conseil
12 d'office pour représenter les intérêts de l'accusé lorsque le commande
13 l'intérêt supérieur de la justice. Dès lors qu'un conseil est imposé, le
14 procès peut se poursuivre, même en l'absence de M. Karadzic. M. le Juge
15 Kwon a déjà prononcé une mise en garde en bonne et due forme envers M.
16 Karadzic, et s'il persiste dans son refus à se présenter, on peut lui
17 imposer un conseil, a-t-il été dit. Remarque du 27 octobre 2009, vous avez
18 dit, Monsieur le Juge Kwon, à M. Karadzic que s'il insistait pour refuser
19 de comparaître aux audiences, la Chambre va peut-être décider de poursuivre
20 le procès en son absence et de lui commettre un conseil chargé de le
21 défendre pendant le reste de la procédure en application de l'article 45
22 ter.
23 Vous avez indiqué également que vous vouliez entendre M. Karadzic sur
24 ce point, et c'est la raison de notre présence ici aujourd'hui. Monsieur le
25 Président, vous avez réitéré cette mise en garde à son égard à la fin de
26 l'audience d'hier. Vous avez déclaré que c'était la troisième journée
27 consécutive de son absence dans ce prétoire, en dépit des nombreuses mises
28 en garde dont il avait fait l'objet, et que c'était une tentative
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1 d'obstruction au procès qui ne saurait être tolérée.
2 Et vous avez répété, le matin précédent, que si M. Karadzic
3 continuait d'agir de la sorte, la Chambre allait peut-être décider de lui
4 désigner un conseil le représentant. Vous lui avez conseillé de mener une
5 réflexion approfondie sur cette question avant de présenter ses arguments.
6 Conformément à la décision du 20 octobre 2006 de la Chambre d'appel dans
7 l'affaire Seselj, paragraphe 25, la Chambre aurait le droit d'imposer un
8 conseil et de poursuivre le procès en l'absence de M. Karadzic. Etant donné
9 que M. Karadzic est présent à l'audience aujourd'hui, et ceci associé aux
10 événements qui se sont déroulés auparavant, il ne fait aucun doute que M.
11 Karadzic sait que le procès se poursuivra par la présentation de moyens à
12 charge; que s'il continue de refuser d'être présent, il renonce par là à
13 son droit; que son absence délibérée constitue une obstruction persistante
14 et matérielle à la poursuite du procès et peut signifier qu'il n'aura plus
15 le droit à se représenter; et qu'on peut dès lors lui imposer un conseil,
16 ce qui sera fait pour veiller à ce qu'une bonne défense soit assurée en son
17 nom.
18 Dès lors qu'un conseil est imposé parce qu'il y a ce comportement
19 obstructionniste de M. Karadzic, M. Karadzic n'aurait plus le droit de
20 faire valoir dans l'avenir son droit à assurer sa défense comme bon lui
21 semble. Un accusé qui a perdu le droit d'assurer sa défense ne saurait
22 simplement décider de le reprendre ce droit quand ceci lui convient, en
23 promettant plus tard de mettre fin à son comportement obstructionniste en
24 dépit de mises en garde déjà prononcées contre lui.
25 Si un conseil a été désigné et s'il était possible de renverser cette
26 décision à tout moment, la nécessité d'avoir une mise en garde envers
27 l'accusé pour lui donner l'occasion de changer d'attitude pour renverser
28 cette décision serait vidée de sens. Ce serait contraire aussi au concept
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1 général qui veut que le droit à se représenter seul doit être affirmé, donc
2 assumé et endossé en temps voulu.
3 Je vous rappelle la décision Krajisnik du 18 août 2005, paragraphes
4 22 à 35, et article 45(F), qui exige qu'un accusé doit avertir le Greffe de
5 sa décision d'assurer lui-même sa défense à la première occasion possible.
6 Si, à l'avenir, M. Karadzic décide qu'il veut assister aux audiences et
7 qu'il veut participer à sa défense, à ce moment-là on pourrait se demander
8 dans quelle mesure il conviendrait de lui faire droit. Mais indépendamment
9 de tout rôle qu'il pourrait jouer plus tard dans ce prétoire, le conseil
10 commis d'office continuerait d'avoir la primauté en matière de
11 responsabilité pour ce qui est de la défense de l'accusé.
12 Je vous ai présenté ces deux options et, ce faisant, j'ai déjà répondu en
13 partie aux cinq questions que vous aviez posées, Monsieur le Juge Kwon, à
14 l'attention des parties. J'ajouterais à ce début de réponse la chose
15 suivante : tout d'abord, la question de la poursuite du procès en l'absence
16 de l'accusé et en l'absence de tout conseil le représentant. L'Accusation
17 n'exclut pas la possibilité qu'il y ait des circonstances permettant la
18 poursuite du procès en l'absence de l'accusé aussi bien qu'en l'absence
19 d'un conseil le représentant; cependant, nous n'avons pas connaissance de
20 la réalité d'une telle situation. Mais l'Accusation estime qu'étant donné
21 les circonstances de ce procès, l'intérêt supérieur de la justice commande
22 l'imposition d'un conseil si M. Karadzic décide de s'absenter des débats.
23 Ceci correspond à la décision Barayagwiza, que je vous ai déjà citée.
24 Point suivant, c'est la question de la possibilité de désigner un amicus
25 curiae, ami de la Chambre. On a peine à comprendre comment une telle
26 désignation servirait l'intérêt de la justice étant donné les circonstances
27 de ce procès. Si M. Karadzic est absent de l'audience, un conseil devrait
28 être désigné et qui sera chargé de le défendre pendant le procès. La
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1 désignation d'un amicus curiae ne saurait en rien remplacer un conseil
2 commis d'office. A quoi sert un amicus curiae ? Il a une fonction
3 supplémentaire si vous avez un accusé qui se défend seul et qui exerce ce
4 droit à assurer lui-même sa propre défense. Je vous rappelle l'affaire
5 Milosevic, l'affaire Slobodan Milosevic, et l'ordonnance invitant à la
6 désignation d'un amicus curiae en date du 30 août 2001, où on avait
7 précisément cette situation qui avait été abordée.
8 Point suivant, je parlerai du report du procès de façon à permettre à un
9 conseil de préparer le dossier. Première option, option que je détaille
10 dans mes écritures d'aujourd'hui, à savoir le procès qui se poursuit en
11 présence de M. Karadzic assurant lui-même sa défense et participant aux
12 audiences, dans ce cas, il n'y aurait pas nécessité de retarder de façon
13 importante la suite du déroulement du procès. Un conseil pourrait être
14 nommé sans aucune nécessité de reporter le procès.
15 Au terme de la deuxième option, dans le cas où un conseil serait
16 nommé pour représenter les intérêts de M. Karadzic, il y aurait
17 inévitablement un certain report de la procédure, car le conseil aurait
18 besoin de se familiariser avec le dossier. Mais ce report peut être
19 considéré, dans les circonstances actuelles, comme un prix raisonnable à
20 acquitter pour garantir que la suite du procès pourra se dérouler avec la
21 célérité nécessaire et avec intervention d'un conseil.
22 Messieurs les Juges, je peux, si vous le souhaitez, vous dire quelques mots
23 supplémentaires quant à la capacité de la Chambre à contraindre M. Karadzic
24 à assister aux audiences, mais je ne sais pas si vous préféreriez que je
25 traite de ce point plus tard. Je peux aussi vous présenter des observations
26 complémentaires quant au rôle exact d'un amicus curiae, si vous souhaitez
27 que je le fasse maintenant. Si tel n'est pas le cas, je suis arrivé au
28 terme de la présentation des propos du Procureur.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Combien de temps vous faudrait-il si
2 vous deviez faire des arguments complémentaires sur le fait d'obliger
3 quelqu'un à assister à l'audience ?
4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Cinq minutes, je pense.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Personnellement, ceci m'intéresse. Si
6 vous voulez bien être brève, s'il vous plaît.
7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le droit d'un Juge de la Chambre à
8 obliger un accusé à venir à l'audience est quelque chose qui est tellement
9 basique que ceci n'est pas toujours exprimé dans le Règlement de procédure
10 et de preuve. Quoi qu'il en soit, ceci est quelque chose qui sous-tend bon
11 nombre de dispositions du Règlement de procédure et de preuve de ce
12 Tribunal, et je vais en citer quelques-uns. C'est le 40 bis (F), qui fait
13 état d'un accusé et de sa comparution initiale et indique :
14 "Un suspect assisté de son conseil viendra sans délai devant les
15 Juges."
16 L'article 62 déclare que :
17 "L'accusé comparaîtra devant la Chambre de première instance ou d'un
18 Juge sans délai et sera formellement mis en accusation."
19 L'article 64 autorise un accusé à être détenu.
20 L'article 65(C) autorise une Chambre de première instance de fixer
21 les conditions de mise en liberté provisoire de façon à assurer la présence
22 de l'accusé au procès.
23 L'article 83 autorise l'emploi de restrictions telles que des
24 menottes et le transfert de l'accusé jusqu'au prétoire.
25 Dans le monde entier, les juges ordonnent très souvent que les
26 accusés auxquels on reproche des crimes viennent devant la chambre, qu'ils
27 en aient l'envie ou non. En France, par exemple, en Allemagne, aux Etats-
28 Unis et en Autriche, si l'accusé ne comparaît pas devant les juges, il peut
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1 y être contraint, et on peut lui contraindre par la force ou il peut y
2 avoir une injonction à comparaître. Si vous souhaitez que je cite
3 différentes règles de ces pays, je peux le faire, également différents
4 textes de jurisprudence. Pour ce qui est de la France, l'article 320 du
5 Code de procédure pénale :
6 "Si l'accusé ne se conforme pas à la citation à comparaître, le
7 président peut demander à ce qu'il vienne se présenter devant les juges de
8 la chambre par la contrainte. Si l'accusé résiste, ceci sera lu à
9 l'audience. Et malgré son absence, la procédure se poursuivra."
10 Il y a nonobstant deux autres dispositions de l'article du Code de
11 procédure pénale français.
12 En Allemagne, paragraphes 230 et 231 du Code de procédure pénale; 230
13 déclare que :
14 "Aucune audience ne sera retenue contre l'accusé qui ne se présente
15 pas.
16 "S'il n'a pas suffisamment d'excuses et s'il manque à son obligation
17 de se présenter, à ce moment-là il y sera contraint. Il pourrait même y
18 avoir un mandat d'arrestation."
19 Au paragraphe 231 :
20 "Un accusé qui s'est présenté et qui a comparu ne peut pas s'absenter
21 de l'audience. Le président de la chambre peut prendre des mesures
22 nécessaires pour empêcher son absence. Il se peut également que l'accusé
23 soit en détention et qu'il y ait interruption de l'audience.
24 "Si l'accusé, néanmoins, s'absente ou ne comparaît pas lors de
25 l'audience principale, l'audience principale peut en conclure à son absence
26 qu'il peut y avoir néanmoins poursuite…"
27 Pour le chapitre 446 :
28 "Selon la jurisprudence, l'accusé n'est pas en droit de s'absenter
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1 d'une audience, même s'il y a eu interruption d'audience, parce que les
2 juges de la chambre ont l'obligation et la possibilité de le contraindre à
3 être présent à l'audience, et de le faire venir à l'audience si cela
4 s'avère nécessaire, par la force."
5 J'ai quatre décisions qui émanent des Etats-Unis et qui comportent des
6 références similaires. Je ne sais pas si, Madame et Messieurs les Juges,
7 vous souhaitez entendre ces derniers. Je peux vous les lire. Il s'agit des
8 Etats-Unis contre Cannatella, et les Etats-Unis contre Moore. Il s'agit de
9 la Chambre d'appel fédérale des Etats-Unis, décision rendue par cette
10 dernière :
11 "En général, on doit pouvoir obliger un accusé à être présent tout au
12 long d'un procès conformément à l'article 43(a)."
13 Dans la décision 597 F.2a27 [comme interprété]. Et dans l'affaire
14 Moore :
15 "Il n'y a pas de violation si l'accusé n'assiste pas à son procès …
16 l'accusé ne peut pas faire valoir le droit d'être absent conformément à
17 l'article 43 lorsqu'il s'agit d'une procédure pénale."
18 L'affaire contre Gardner, il s'agit de la Chambre d'appel de New
19 York. Celle-ci déclare que :
20 "Pour qu'une audience pénale puisse se dérouler normalement, il est
21 requis que le juge soit en droit de dire quelle sera la place de l'accusé
22 dans le prétoire, et si à aucun moment il sera debout ou assis, et avoir
23 quelque chose sur la tête ou non. Il doit avoir le pouvoir à tout moment de
24 pouvoir voir le prisonnier qui est dans le prétoire, ainsi que le jury et
25 les témoins."
26 Une autre affaire, Copeland contre Walker, de la Cour fédérale qui déclare
27 que :
28 "Même si un accusé a le droit d'abandonner son droit de présence à
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1 l'audience compte tenu de circonstances particulières, à savoir des
2 problèmes de santé graves, il n'a néanmoins pas le droit de 'déroger de
3 façon sélective à cette obligation d'être présent ou absent selon son gré,
4 si cela peut lui procureur un quelconque avantage sur un plan
5 stratégique.'"
6 Et pour finir, l'Autriche, la partie 239 du Code de procédure pénale :
7 "La principale audience commencera au moment où l'affaire est citée,
8 et l'accusé apparaîtra sans menottes. Néanmoins, s'il est en détention dans
9 la phase préalable au procès, il doit être accompagné d'un garde."
10 Voici les références dont nous disposons. J'ai également un autre
11 exemple à vous citer qui vient de la Chambre des Lords du Royaume-Uni qui a
12 décrété que :
13 "Pendant de nombreuses années, le droit en Angleterre et au Pays de
14 Galles a reconnu le droit à un accusé d'assister à son procès et, dans des
15 procès lorsqu'il y a acte d'accusation, ces derniers ont imposé à l'accusé
16 l'obligation d'assister."
17 Il s'agit de l'affaire contre Jones en 2002, décision du 20 février
18 2002.
19 Pour finir, je souhaite faire une remarque sur ce même thème. Les
20 Juges de ce Tribunal ont le pouvoir d'obliger les témoins à venir
21 comparaître, voire même les victimes de crimes. Bien que ceci n'arrive que
22 rarement et seulement après que d'autres mesures pour faciliter la présence
23 d'un témoin ont été épuisées, le fait est que les Juges de ce Tribunal ont
24 délivré des mandats d'arrêt contre des témoins qui ont refusé de venir
25 assister pour s'assurer que justice soit faite. Si la justice peut exiger
26 la présence des victimes ou d'autres témoins lorsque cela s'avère
27 nécessaire, il est clair que la justice peut obliger l'accusé à être
28 présent.
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1 Monsieur le Président, voilà ce que je voulais dire à propos de cette
2 question.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Uertz-
4 Retzlaff.
5 Si un accusé que l'on a fait venir par la force ne prend pas part aux
6 débats et ne coopère pas avec la procédure en cours, y a-t-il une
7 différence par rapport à une situation où les débats peuvent se poursuivre
8 en l'absence de l'accusé ?
9 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est quelque chose que nous
10 avons déjà abordé, à savoir si c'était possible pour nous - après que
11 l'accusé soit contraint à venir - et qu'il déclare qu'il n'ait pas envie de
12 faire droit à son droit à se représenter lui-même, ceci n'aurait pas
13 d'incidence. Il n'y aurait pas de différence.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour revenir à quelques points
15 mineurs, tout d'abord, que vous avez évoqués, je suis surpris de constater
16 que vous avez dit qu'il s'agit du premier jour du procès. Moi, je dirais
17 qu'il s'agit du troisième jour du procès.
18 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] A ce moment-là, je me suis mal
19 exprimée. Ce que je voulais dire, en fait, c'est que c'était le quatrième
20 jour.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oh.
22 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il me semble avoir dit au départ
23 qu'il s'agit du quatrième jour du procès.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est bien que cette correction soit
25 faite, s'il vous plaît.
26 Pour ce qui est de la première option que vous avez citée, si cette option
27 devait être retenue, cela dépend uniquement de la volonté de l'accusé, à
28 savoir s'il l'accepte ou pas.
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1 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, nous avons jugé qu'il serait
2 utile de savoir combien de temps serait nécessaire dans le cas où M.
3 Karadzic s'y conformerait. Quelles seraient ses
4 réponses ? De combien de temps aurait-il besoin pour trois témoins des
5 faits incriminés ou s'il a besoin de temps pour faire une déclaration
6 liminaire ? Nous avons estimé qu'il s'agit là d'éléments d'information
7 importants qui aideraient les Juges de la Chambre.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour ce qui est de la deuxième option,
9 comment envisagez-vous la situation où un conseil commis ne peut pas
10 coopérer ou ne peut pas recueillir les instructions de l'accusé du tout ?
11 Comment envisagez-vous alors la situation ? Comment le conseil peut-il
12 conduire la défense ?
13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En réalité, une décision a été rendue
14 dans l'affaire Milosevic, la Chambre de première instance dans l'affaire
15 Milosevic, qui a abordé ce point-là très précisément. C'est une décision
16 sur les requêtes du conseil commis d'office pour un retrait. Ceci date du 7
17 décembre 2004. Cette décision déclarait que -- je vais vous la trouver. Il
18 a été dit que dans un tel cas le conseil de la Défense doit agir dans le
19 meilleur intérêt de l'accusé. C'est ce qui est dit dans cette décision. Je
20 ne la trouve pas pour le moment.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que les Juges de la Chambre
22 seront à même de retrouver la décision.
23 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, ceci est dit de façon
24 très claire, parce que le conseil, dans ce cas, était l'ancien amicus
25 curiae, Me Kay, et c'est, en réalité, lui qui a soulevé ce point. Il a
26 surtout insisté sur le fait qu'il n'obtiendrait pas d'instructions, et
27 c'était, en réalité, la réponse des Juges de la Chambre à cette situation-
28 là, autrement dit, qu'il devrait agir dans le meilleur intérêt de l'accusé.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Uertz-Retzlaff.
2 Alors, pour ce qui est de la troisième ou de la quatrième question, combien
3 de temps exigerait le conseil nommé pour se familiariser avec l'affaire ?
4 Vous avez dit qu'il faudrait estimer un certain temps. A votre avis, ceci
5 correspondrait à quel temps, un temps raisonnable, combien de temps sera
6 nécessaire ?
7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je pense que cela dépend pour
8 beaucoup de qui est désigné en tant que conseil commis d'office, parce que
9 si c'est un conseil commis qui connaît déjà cette affaire, dans ce cas,
10 quelques mois seraient nécessaires. Ou s'il s'agit de quelqu'un qui connaît
11 en partie cette affaire, à ce moment-là, il me semble que ce serait
12 l'affaire de quelques mois. Mais c'est difficile à dire en l'absence
13 d'information supplémentaire sur les circonstances.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque vous avez déposé des écritures
15 par rapport à la première option, vous avez parlé de ce conseil d'appoint
16 ou de ce conseil commis d'office. Est-ce que vous ne pensez pas que ce
17 conseil-là aurait besoin d'un certain temps pour se préparer ?
18 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, notre position par rapport
19 au conseil d'appoint est la suivante : autrement dit, qu'un conseil d'appui
20 pourrait tout préparer et se mettre au courant pendant que l'accusé assure
21 sa propre défense. Et dans ce cas, il ne serait pas dans l'obligation
22 d'intervenir tout de suite. Mais si le cas se présente, évidemment la
23 question se pose. Est-il disposé à ce moment-ci à le faire ou non ? En tout
24 cas, pour ce qui est de la procédure en l'état actuel des choses, c'est une
25 situation que nous ne pouvons pas anticiper, qu'il y ait un délai
26 nécessaire pour le conseil d'appoint. Il s'agit de savoir, tout d'abord, si
27 M. Karadzic est disposé à faire une déclaration liminaire et s'il est prêt
28 à entendre les trois témoins portant sur les faits incriminés.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Deuxième et dernière question en ce qui
2 me concerne, vous n'excluez pas la possibilité de poursuivre le débat en
3 l'absence de l'accusé ainsi qu'en l'absence de tout conseil pour le
4 représenter ?
5 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Comme je l'ai dit, nous ne pouvons
6 pas exclure cette possibilité complètement, mais la proposition que nous
7 soumettons est la suivante : nous pensons que c'est l'intérêt de la justice
8 qui le commande, à savoir l'imposition d'un conseil. Nous n'excluons cette
9 possibilité.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, la dernière question
11 que j'ai à vous poser porte sur un point de droit qui a été traité par la
12 Chambre d'appel dans l'affaire Milosevic et qui fait mention de principes
13 de proportionnalité. Comment arriveriez-vous à trouver un compromis, à
14 savoir comment concilier l'option numéro 2 avec ce principe-là ?
15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bien entendu, la Chambre de première
16 instance doit recourir à la manière la moins invasive de procéder. Mais
17 dans la situation qui nous intéresse où M. Karadzic a dit : "Je n'assiste
18 pas," je ne vois comment nous pouvons procéder différemment pour surmonter
19 cette situation. Plus tard, lorsque M. Karadzic comparaît devant les Juges,
20 à ce moment-là, la question qui se pose aux Juges de la Chambre, c'est
21 celle-ci : comment peut-on départager les rôles entre le conseil commis
22 d'office et M. Karadzic.
23 Mais pour l'instant, lorsque M. Karadzic dit : "Je ne viens pas à
24 moins d'être suffisamment préparé," et comme je comprends cela ceci prendra
25 un certain nombre de mois, je ne vois pas comment un autre moyen peut être
26 utilisé ou comment un conseil pourrait nous permettre de surmonter cette
27 situation-là. Donc, si nous imposons un conseil maintenant qui reprendrait
28 tout en main, à mon avis, ceci est proportionnel, parce que, d'après nous,
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1 il n'y a pas d'autre moyen.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
5 Donc je vais maintenant me tourner vers l'accusé. Monsieur Karadzic,
6 avez-vous d'autres arguments à présenter sur ces questions ou autres
7 commentaires à faire sur la façon dont le procès doit se dérouler ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Merci, Votre Excellence. Je voudrais
9 également répondre à ce que j'ai entendu de la partie adverse, et je le
10 ferai. Pour commencer, ma présence aujourd'hui à cette audience n'est en
11 aucun cas une manipulation. J'assiste à la dernière journée du planning qui
12 avait été prévu par les Juges. Etant privé de liberté, je suis privé de vie
13 familiale et de vie quotidienne normales, mais je ne suis pas privé de mes
14 droits. Donc le fait d'être privé de liberté n'est pas synonyme, à mes
15 yeux, de suppression du droit à la défense. D'ailleurs, ce droit est
16 inscrit et compris dans le Statut de ce Tribunal.
17 Par ailleurs, je suis d'accord que l'accusé ne doit pas manipuler la
18 procédure, mais l'Accusation ne doit pas être autorisée à le faire non
19 plus. Or, le Procureur est en train de manipuler la procédure, et je suis
20 en regrets en disant cela d'être obligé d'attaquer M. Tieger et Mme Uertz-
21 Retzlaff. En effet, l'Accusation ne m'a communiqué aucun document pertinent
22 depuis neuf mois. Aucune décision d'aucune Chambre de première instance ne
23 peut modifier le fait que je n'ai disposé que de cinq mois pour me
24 préparer. Avec tout le respect que je dois à chacun, cinq mois, et pas
25 plus. J'ai été inondé d'un nombre gigantesque de documents, et l'Accusation
26 n'était pas prête à commencer le procès. Elle a sans doute pensé que
27 l'accord Holbrooke serait respecté et que je ne serais pas prêt à répondre
28 aux poursuites intentées contre moi. C'est la raison pour laquelle la
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1 Chambre de première instance l'a dit à quelques reprises.
2 Et Lord Bonomy a repris cela dans des termes tout à fait
3 convaincants, que l'Accusation doit commencer son travail de façon
4 rationnelle et convenable, s'agissant notamment de son obligation de
5 communication des pièces.
6 Par ailleurs, je ne peux pas être d'accord avec les énumérations des
7 différentes fonctions d'un tel ou d'un tel système qui viennent d'être
8 faites. Et avec les décisions prises dans différents systèmes judiciaires,
9 je ne vois pas comment nous pourrions nous emparer d'une décision
10 judiciaire autrichienne pour l'appliquer ici. Le système appliqué ici est
11 tout à fait différent. On n'a absolument rien à voir avec les autres
12 systèmes judiciaires dans le monde, et on est d'ailleurs très éloignés du
13 système judiciaire que je connais moi-même. Donc en agissant de la sorte,
14 le Procureur passe par la petite porte pour essayer de modifier le code
15 utilisé dans cette procédure, et ceci ne cesse de me surprendre.
16 Maintenant, s'agissant des questions qui ont été posées ici et qui
17 pourraient avoir un rapport avec moi, en tout cas des questions qui
18 semblent exiger de ma part une réponse, voilà ce que je tiens à dire :
19 c'est avec bonheur que je me prépare au procès dont nous parlons ici. J'ai
20 une vision très claire de ce qui a été affirmé de façon erronée ici jusqu'à
21 présent, car en dépit de la présence des avocats et d'un grand nombre de
22 professionnels compétents, c'est une réalité que nombreux ont été les
23 accusés qui ont été condamnés à tort ici. Ceci n'est sans doute pas dû à
24 autre chose qu'au fait que les équipes de Défense ne sont pas parvenues à
25 présenter de la façon dont ces éléments auraient dû être présentés, les
26 éléments favorables à la défense.
27 Pourquoi devrais-je être moi-même contraint à plonger avec une
28 préparation aussi imparfaite dans le procès immédiatement ? Je ne peux pas,
Page 699
1 pour ma part, convoquer des témoins à tout instant. Les trois premiers
2 témoins vont venir et ils repartiront et je ne suis pas encore prêt à les
3 contre-interroger. J'ai toujours de gros problèmes sur le terrain. Mes
4 collaborateurs n'ont pas d'argent, personne ne leur paye la moindre somme,
5 alors que ces sommes ont été acceptées officiellement. Ceci crée des
6 obstacles importants. Il importe au plus haut point que je sois au courant
7 de tout ce qui a un rapport avec la réalité des faits, sinon je ne pourrai
8 pas assurer correctement ma défense, et je crains fort que la partie
9 adverse ne concrétise le danger réel qu'il y a à ce que la crédibilité de
10 ce Tribunal soit réduite à néant. Si j'étais entre les mains du Procureur,
11 aucun droit ne serait respecté s'agissant de moi. Je n'aurais pas le droit
12 de me défendre, je n'aurais pas le droit de m'absenter, je n'aurais aucun
13 droit.
14 Aucun accusé ne peut se préparer en un temps aussi réduit. Quarante-
15 cinq mille documents, voilà ce que je dois étudier, examiner. Voilà le
16 nombre de documents dont je dois apprécier l'influence sur le terrain. Donc
17 je ne peux pas être prêt à prononcer mon propos liminaire avant le début de
18 l'audition des trois témoins dont il a été question. Or, il faut que je
19 sois prêt avant le début de l'audition des témoins. Je suis tout à fait
20 convaincu que pendant le procès je subirai toutes sortes de surprises de la
21 part de la partie adverse et, bien sûr, il me restera les week-ends et
22 quelques suspensions d'audience pour réagir à cela. Maintenant, un report
23 du procès, cette éventualité n'aurait aucun sens et ne m'apporterait rien.
24 Elle ne risquerait que de me confronter à une confusion mentale encore plus
25 grande.
26 M. Krajisnik, rappelez-vous, a été très malheureusement servi par son
27 conseil de la Défense, c'est une réalité. Pourquoi ? Eh bien, parce qu'il
28 n'a pas eu la possibilité, par conséquent, d'assurer à son avantage une
Page 700
1 défense convenable. D'ailleurs, la Chambre d'appel l'a effectivement
2 confirmé.
3 Je vérifie ce qui est écrit dans mes notes.
4 Alors, j'ai des collaborateurs fantastiques, des collaborateurs venus du
5 monde entier, qui travaillent bénévolement. Je n'ai donc pas besoin d'être
6 aidé par des juristes. Mes collaborateurs ont travaillé la partie juridique
7 du dossier d'une façon tout à fait parfaite. Vous pouvez le constater à la
8 lecture des comptes rendus d'audience. Donc je n'ai pas besoin de juristes,
9 j'ai simplement besoin de temps, car aucun avocat ne pourra se préparer
10 dans un temps inférieur à celui dont mon équipe de Défense a besoin sous ma
11 direction. Il est certain que la seule chose qui me manque, c'est du temps.
12 Si les Juges de la Chambre estiment qu'un procès peut se dérouler en
13 l'absence de conseil et en l'absence d'accusé, si c'est ce que le Procureur
14 pense lui aussi, qu'on m'envoie la condamnation par la poste et que le
15 procès se déroule par courrier. Je ne cesse de travailler. Ce que je veux
16 absolument, c'est que le procès ait lieu et que ce procès soit exemplaire.
17 Je ne m'esquive pas par rapport à cette volonté. Je veux un procès
18 exemplaire. Mais, réellement, rien ne peut masquer le fait que le Procureur
19 n'a commencé à me communiquer des pièces que le 18 mai, et que ces
20 communications ne se sont pas faites comme elles auraient dû se faire.
21 Si le Procureur a décidé de se servir uniquement de 30 000 pages au
22 lieu des 40 000 qu'il m'a envoyées, qu'il me dise quelles sont les 15 ou 20
23 000 pages qu'il ne va pas utiliser, par exemple. Car je suis certain qu'il
24 y aura des milliers de pages que le Procureur ne va pas utiliser. Alors,
25 pourquoi est-ce que moi on m'inonde de plus de 40 000 pages que je me dois
26 d'examiner ? Ça, c'est une manipulation de la part du Procureur, pas de la
27 part de la Défense, et je ne vois pas pourquoi le Procureur aurait
28 davantage le droit à des manipulations du procès que la Défense ne pourrait
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1 en avoir elle-même.
2 Ce sont des faits, c'est une réalité, je n'ai pas besoin de juristes
3 supplémentaires. Regardez la liste de tous ceux qui m'apportent leur
4 concours. Vous trouverez dans cette liste des noms de juristes très
5 éminents d'Australie, d'Afrique du Sud, de Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas,
6 de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, ce sont des professionnels
7 fantastiques, de Norvège aussi. J'espère n'avoir oublié personne. Mais ce
8 qui est un fait inéluctable, c'est que dans un délai de cinq mois, je n'ai
9 pas eu la possibilité de traiter de tous ces documents. D'ailleurs,
10 personne d'autre n'aurait pu accomplir cet exploit. Est-ce que je dois être
11 la victime de la stratégie mise en place par le Procureur ? Est-ce que
12 n'importe quel accusé doit être victime d'une stratégie émanant du
13 Procureur ? Non, ce n'est pas une nécessité. Ce procès, c'est indéniable, a
14 une importance énorme pour le peuple là-bas. C'est aussi un procès qui a
15 une énorme importance étant donné le précédent qu'il va créer pour
16 l'avenir.
17 Et ne parlons même pas, cela n'a pas d'importance, de l'importance
18 qu'il a pour moi personnellement. Mais en tout cas, il a une importance
19 capitale pour ce Tribunal, car si à l'issue de ce procès la crédibilité du
20 TPIY est démolie, elle le sera à tout jamais. Et ce ne sera pas à cause
21 d'un accusé assurant lui-même sa défense, mais à cause du Procureur, car
22 depuis le mois de septembre, si j'avais été informé dans le détail de la
23 nature exacte de l'acte d'accusation, si j'avais pu recevoir les documents
24 nécessaires dès le début de ma présence ici, j'aurais été prêt. Mais la
25 réalité, c'est que j'ai passé neuf mois en prison, confronté à des
26 documents sans aucune valeur, avec un acte d'accusation qui parlait de 45
27 municipalités, puis de 39 et maintenant de 27. Mais en dépit de la
28 réduction du nombre de municipalités, l'ampleur des accusations n'est pas
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1 réduite. Le nombre de témoins a été réduit de façon très limitée, mais pas
2 de façon considérable. Le Procureur, autrement dit, n'a absolument pas à
3 modifier un iota de ce qu'il a l'intention de présenter aux Juges. La
4 portée, l'ampleur, la dimension du procès reste identique, absolument
5 identique.
6 Donc, Madame, Messieurs les Juges, je considère que la solution qui
7 poserait le moins de problèmes et qui coûterait le moins cher serait
8 d'accorder un certain délai à l'accusé assurant lui-même sa défense.
9 Lorsque nous commencerons, je ne demanderai pas que le Procureur prononce
10 une nouvelle déclaration liminaire. Je partirai du principe que quatre
11 jours de procès ont déjà eu lieu. Mon objectif n'est pas de créer le
12 moindre obstacle. La seule chose que je dis, c'est que j'ai nécessité
13 d'examiner dans le détail le dossier. Je bénéficierai d'une aide active de
14 la part de mes collaborateurs sur le plan juridique. Mais s'agissant des
15 faits, personne ne peut mieux que moi traiter de ces faits, aucun juriste,
16 aucun avocat.
17 Je sais exactement ce qui s'est passé et je sais exactement quels
18 sont les documents et les éléments de preuve qu'il faut présenter à la
19 Chambre en rapport avec les faits. Donc, à mon avis, la solution la moins
20 douloureuse et celle qui poserait le moins de problèmes serait de demander
21 au Procureur de bien vouloir tenir compte du fait que cela fait à peine
22 cinq mois que je commence à recevoir des documents communiqués, et la faute
23 n'en incombe ni à la Chambre ni à la Défense, mais bien à l'Accusation.
24 Donc il faut décider, me semble-t-il, que l'accusé doit bénéficier
25 d'un certain temps, rien d'autre. Il y a des gens, je le répète, qui ne
26 font rien d'autre de leur vie que d'être sur le terrain pour m'apporter
27 leur concours et travailler dans mon intérêt. Ces gens doivent pouvoir
28 avoir la possibilité de se rendre sur les lieux, de voyager, de rencontrer
Page 703
1 les témoins, de vérifier les faits et de se mettre au travail.
2 Et même pour ces juristes, le problème ne réside en rien d'autre
3 qu'un manque de temps, car c'est une réalité, c'est un fait que cela fait
4 cinq mois à peine que nous avons tous commencé à travailler. En cinq mois,
5 personne ne peut prendre connaissance des 1 300 000 pages du dossier du
6 Procureur. Je ne parle même pas du nombre de documents qui sont présentés
7 par la Défense au moment de la présentation de ces moyens. C'est 2 000 000
8 de pages dont je dois prendre connaissance au total, avec toutes les
9 requêtes qui ont été présentées depuis, pour pouvoir répliquer aux
10 arguments de l'Accusation. Je n'évoque même pas ce que j'aurais moi-même
11 ajouté à ce nombre de pages pour présenter mes propres arguments. Ce n'est
12 pas de l'obstruction de ma part. Je ne vois pas qui pourrait faire mieux
13 que moi.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, j'estime que c'est un
15 petit peu malheureux que vous ne répétez que vos arguments précédents. Il y
16 a deux points que je souhaite vérifier avec vous. Il ne s'agit absolument
17 pas d'un piège. La Chambre de première instance ne se livre pas à ce genre
18 de jeu, et que cette audience est consacrée à des questions administratives
19 de façon à pouvoir voir comment nous poursuivrons. Je souhaite également
20 insister sur le fait que c'est vous, en tant que personne, M. Karadzic,
21 dont on fait le procès ici. Il ne s'agit pas de personne ou de toute autre
22 personne qui a déjà été condamnée. Il ne s'agit pas ici de refaire les
23 procès de toutes ces personnes-là. Comme je vous l'ai dit un peu plus tôt,
24 et comme M. le Juge Bonomy vous l'a dit, veuillez vous concentrer, s'il
25 vous plaît, et consacrer vos ressources à votre procès, et concentrez-vous
26 sur vous-même.
27 Je vais maintenant donner la parole à M. le Juge Morrison.
28 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, votre position
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1 semble claire d'après la façon dont je comprends ce que vous nous dites.
2 Vous dites qu'en somme vous ne boycottez pas votre procès, mais que vous
3 n'avez pas l'intention de commencer avant que votre défense ne soit prête.
4 Il serait utile pour nous de savoir, et ceci assisterait les Juges de la
5 Chambre - puisque bien évidemment nous devons tenir compte de toutes les
6 options qui sont à notre disposition - nous souhaitons savoir si vous
7 préparez votre présentation de moyens dans un ordre chronologique, ou si
8 vous respectez l'ordre de l'acte d'accusation ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, je me prépare en suivant un
10 ordre chronologique. Mais c'est un fait, c'est une réalité l'Accusation va
11 présenter ses témoins dans un ordre qui sera différent. Et un autre fait,
12 une autre réalité, c'est que je serai incapable de contre-interroger les
13 témoins si je n'ai pas fait toute la clarté sur les arguments retenus
14 contre moi. Si je ne sais pas exactement ce qu'on me reproche, si je ne
15 sais pas exactement quels sont les arguments de l'Accusation. Dans le
16 mémoire préalable au procès, j'ai 65 documents qui sont retenus contre moi,
17 mais il peut, j'en suis sûr, en être retenu 65 000 dans la suite de la
18 procédure. Donc, il faut que je sache exactement à quoi je suis confronté.
19 Moi-même et mes collaborateurs effectuons un travail très important.
20 Mes collaborateurs ont déjà interrogé une quinzaine de témoins en vertu des
21 articles 92 bis et 92 ter. Nous en accepterons un certain nombre qui seront
22 entendus en application de cet article 92 ter. Je l'indique d'ores et déjà.
23 Nous avons déjà fait connaître une partie de nos positions. Mais je fais et
24 nous faisons tout ce qui est dans notre pouvoir.
25 J'indique simplement encore une fois que je dois savoir exactement ce
26 qui sera abordé et dit durant la procédure contre moi, car dans le cas
27 contraire je ne vois pas comment je pourrais assurer ma défense. Je parle
28 bien de défense. S'il n'y a pas de défense de l'accusé, il n'y a pas de
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1 procès équitable.
2 La Chambre de première instance fera bien sûr ce qu'elle pourra pour
3 protéger mes droits, mais pour que mes droits soient protégés par la
4 Chambre, il faut que ces droits existent, il faut que je puisse bénéficier
5 de ces droits.
6 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Question supplémentaire suite à la
7 première. Pour ce qui est des documents qui vous ont été communiqués, est-
8 ce que ces documents vous ont été communiqués dans un format qui vous
9 permet d'en déduire l'ordre chronologique, ou est-ce que vous avez besoin
10 de tout relire avant que cet ordre chronologique, qui figure dans l'acte
11 d'accusation, ne paraisse clair à vos yeux ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois tout lire. Evidemment, je regroupe des
13 thèmes en fonction des municipalités et selon l'ordre chronologique. Mes
14 collaborateurs, par conséquent, doivent réorganiser complètement ce nombre
15 immense de documents. Pour l'année 1990 et 1991, le centre, c'est l'aspect
16 politique de la question. Et bien que ce Tribunal ne poursuive pas en vertu
17 de la responsabilité d'avoir fait éclaté la guerre, les charges retenues
18 contre moi m'imputent également des responsabilités par rapport à
19 l'éclatement de la guerre.
20 Donc, je dois m'occuper de cette période-là également. Je dois
21 absolument défendre la normalité de la vie politique de l'époque, qui est
22 remise en cause par le Procureur de ce Tribunal, car la normalité de cette
23 vie politique est présentée sans cesse par le Procureur comme une faute,
24 comme une erreur de notre part de l'avoir mené, cette vie politique
25 normale. Donc, vous voyez le nombre très complexe de questions que nous
26 avons résolues en 1990 et 1991, la guerre ayant éclaté le 24, 25 mars 1992,
27 je vous le rappelle.
28 Donc, Votre Excellence, il y a là une passerelle très mince que le
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1 Procureur utilise pour essayer de m'impliquer dans l'éclatement d'une
2 guerre civile. Si nous avions vraiment voulu expulser les Musulmans des
3 territoires où nous exercions certains droits, et c'est bien ce que dit le
4 Procureur --
5 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] La réponse à ma question était
6 beaucoup plus simple que cela, et je crois que c'était non.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, en effet, il faut absolument que je puisse
8 prendre connaissance de l'ensemble des documents, de façon à mettre en
9 place un système. Nous faisons le plus vite possible pour mettre en place
10 ce système, mais nous sommes confrontés à des montagnes de documents qui,
11 pour l'instant, ne sont organisés selon aucun système.
12 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dès lors l'intention, Monsieur
14 Karadzic, de ne pas du tout assister au procès, même si on décidait de
15 suivre la première option proposée par l'Accusation ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, Vos Excellences,
17 pour pénétrer à fond dans la procédure, je dois avoir ce droit fondamental
18 qui est le mien, ce droit de la défense fondamentale, à savoir la
19 préparation du procès. Comment pourrais-je participer utilement à un procès
20 qui, depuis le début, aurait mal commencé et donc ne pourra pas se terminer
21 convenablement ? Car quelque chose qui commence mal ne peut se terminer
22 convenablement, malgré la confiance que j'accorde à la Chambre de première
23 instance. S'il n'y a pas préparation convenable, il ne peut pas y avoir
24 procès convenable. Je continue pour ma part à travailler à ma préparation.
25 Quelle que soit la décision de la Chambre de première instance, moi-même et
26 mes collaborateurs allons continuer à préparer notre défense, et cette
27 préparation sera, je vous l'assure, réalisée dans des délais beaucoup plus
28 courts que ceux qui pourraient être nécessités par qui que ce soit d'autre,
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1 ça je vous l'assure.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va délibérer.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les parties souhaitent-elles soulever
5 telle ou telle question ?
6 Monsieur Tieger.
7 M. TIEGER : [interprétation] Une seule chose, Monsieur le Président, Madame
8 et Messieurs les Juges. A moins qu'il était occupé à répéter ce qu'il avait
9 déjà déclaré, il a fait une première fois puis une deuxième fois
10 aujourd'hui, il nous a soumis des éléments qu'il a soumis à la Chambre de
11 première instance et à la Chambre d'appel, et le fait que l'Accusation
12 n'accepte pas l'invitation qui a été faite de revenir sur les décisions
13 prises par la Chambre de première instance et par la Chambre d'appel, tout
14 ceci ne doit pas être compris comme étant une acceptation par l'Accusation
15 de ce qui a été affirmé, à savoir que la communication serait faite de
16 façon chaotique, ce qui était en fait la vérité. Si ce n'est pas ce qu'a
17 dit l'accusé, l'essentiel ici c'est le fait que des arguments étaient
18 présentés, des décisions étaient prises par la Chambre de première
19 instance, par la Chambre d'appel, et nous en sommes au point qui nous a
20 emmenés ici même aujourd'hui, où la Chambre de première instance a tenté
21 d'obtenir de véritables réponses des deux parties.
22 Nous avons essayé d'aborder en rapport à vos questions plutôt que de
23 revenir sur ces questions et autres sujets soulevés par l'accusé.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
25 La Chambre de première instance va procéder à un examen approfondi et
26 minutieux de la situation après avoir entendu tous vos arguments. Sa
27 décision sera rendue par écrit dans le courant de la semaine. Nous annulons
28 dès lors l'audience qui était prévue demain, et nous reportons le procès en
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1 attente de la décision de la Chambre de première instance, qui déterminera
2 la date de reprise des débats et les modalités du déroulement du procès.
3 L'audience est levée.
4 --- L'audience est levée à 15 heures 31.
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