Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 1er mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Déclaration liminaire de la Défense]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Monsieur le Greffier,

  7   pouvez-vous donner le numéro de l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-95-

  9   05/18 [comme interprété], le Procureur contre Radovan Karadzic.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Aujourd'hui, nous continuons à

 11   entendre la déclaration liminaire de la Défense, qui devrait durer toute la

 12   matinée d'aujourd'hui ainsi que demain matin. Avant de continuer,

 13   j'aimerais savoir qui représente le bureau du Procureur.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

 15   Messieurs les Juges. Alan Tieger, Hildegard Uertz-Retzlaff, et Iain Reid

 16   pour l'Accusation.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 18   Monsieur Karadzic, est-ce que vous pourriez présenter les membres de votre

 19   équipe, s'il vous plaît, qui sont dans le prétoire.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Vos Excellences. Je suis accompagné de

 21   M. Peter Robinson et Marko Sladojevic, mes conseillers juridiques.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Je remarque également que M.

 23   Richard Harvey est présent sous l'instruction de cette Chambre de première

 24   instance. Nous devrons encore déterminer son rôle dans ce procès et nous le

 25   ferons à l'issue des déclarations liminaires de M. Karadzic et lorsque nous

 26   aurons commencé à entendre les éléments de preuve.

 27   Monsieur Harvey, je voudrais savoir si vous pouvez vous présenter.

 28   M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

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  1   Messieurs les Juges. Je suis accompagné de Mme Mirjana Vukajlovic.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Harvey.

  3   M. HARVEY : [interprétation] Merci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de donner la parole à M. Karadzic

  5   pour ses déclarations liminaires, je voudrais rappeler que ces déclarations

  6   liminaires sont prononcées conformément à l'article 84 des Règles de

  7   procédure et de preuve plutôt que l'article 84 bis.

  8   Monsieur Karadzic, vous avez la possibilité à un stade ultérieur, si vous

  9   le souhaitez, de faire une déclaration dans le cadre de l'article 84 bis.

 10   Dans ce cas-là, les dispositions de cet article s'appliqueront et cette

 11   Chambre de première instance pourra décider de la valeur probante de ladite

 12   déclaration.

 13   Nous avons un autre thème à aborder pour l'audience d'aujourd'hui et de

 14   demain. Cette Chambre de première instance n'a pas accédé à la requête de

 15   l'accusé pour un report du procès en date de vendredi 26 février. Dans

 16   cette décision, la Chambre de première instance a fixé un délai à l'accusé

 17   pour faire une demande de certification en appel de cette décision, si

 18   l'accusé le souhaite, et cette date butoir est donc aujourd'hui. Et on m'a

 19   dit que l'accusé a présenté une motion pour obtenir une certification

 20   d'appel à cette décision. Est-ce que je peux avoir une confirmation ?

 21   Je vois l'assentiment de l'accusé. Mais nous avons besoin d'une réponse

 22   verbale pour les fins du compte rendu d'audience. Est-ce que M. Robinson ou

 23   M. Karadzic souhaite prendre la parole ?

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Avec

 25   l'indulgence de M. Karadzic, je vais répondre à votre question en disant

 26   que oui, nous avons déposé cette motion aujourd'hui.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci. Et bienvenu à nouveau.

 28   Dans ce cas-là, Monsieur Tieger, j'aimerais savoir si cette Chambre de

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  1   première instance pourrait avoir votre réponse d'ici à la fin de cette

  2   journée d'aujourd'hui ou est-ce que vous souhaitez répondre oralement

  3   demain matin ?

  4   M. TIEGER : [interprétation] Nous pourrons avoir une réponse orale demain

  5   matin, et je suis sûr qu'on pourra faire ceci avant la conclusion des

  6   débats.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

  8   Je vous donne la parole maintenant, Monsieur Karadzic, pour votre

  9   déclaration liminaire. Et gardez à l'esprit que nous devrons faire une

 10   pause à environ 10 heures 20 pour 20 minutes, ce sera la première pause. Et

 11   ensuite, nous aurons une seconde pause à midi pour une demi-heure, ce qui

 12   constituera la deuxième pause. C'est ainsi que nous fonctionnerons dans les

 13   audiences à venir qui se tiendront dans la matinée.

 14   Oui, Monsieur Tieger.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Très rapidement,

 16   je souhaitais mentionner la requête de l'Accusation du 23 février en ce qui

 17   concerne les mesures de précaution, et je ne sais pas si la Chambre de

 18   première instance, dans ses remarques d'aujourd'hui, reflète ses

 19   conclusions à cet égard ou si ceci, en fait, n'était plus mentionné, mais

 20   je voulais donc attirer l'attention sur le fait que l'Accusation a une

 21   motion qui est en instance, et j'aimerais qu'elle soit prise en compte

 22   avant que l'accusé commence.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, Monsieur Tieger, pour m'avoir

 24   rappelé cela. J'en parlerai en partie de ceci, mais le reste après la

 25   déclaration liminaire de M. Karadzic.

 26   Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi de saluer tous les participants

 28   actifs et passifs de cette audience. Je suis ici devant vous, non pas pour

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  1   défendre la petitesse d'un homme, à savoir moi, mais pour défendre la

  2   grandeur d'un peuple, le peuple de Bosnie-Herzégovine qui, depuis 500 ans,

  3   supporte son sort avec une grande ténacité et une grande modestie afin de

  4   rester en vie. Je ne me défendrai pas en affirmant que je n'avais aucune

  5   importance ou que je n'ai pas obtenu des fonctions importantes pendant que

  6   je servais mon peuple, et je ne reporterai pas la responsabilité qui est la

  7   mienne sur autrui. J'affirmerai que l'affaire de notre peuple est égale à

  8   l'affaire du monde et, de cette façon, je parviendrai à me défendre grâce,

  9   en particulier, à la bonne qualité des éléments de preuve que je

 10   présenterai pour peu que j'aie suffisamment de temps afin de préparer ma

 11   Défense, celle-ci jouera en ma faveur.

 12   Donc la seule chose que je souhaite, c'est que me soit donnée la

 13   possibilité de préparer ma défense afin de présenter et d'exposer ici le

 14   détail des éléments de fond qui n'ont pas encore été découverts et n'ont

 15   pas encore été exprimés dans ce prétoire.

 16   J'aimerais vous parler d'une situation qui a existé chez nous. Aux

 17   élections de 1990, à savoir les premières élections démocratiques dans mon

 18   pays, de nombreux dissidents se sont portés candidats car, par le passé, il

 19   n'existait pas de système multipartite. Et nous avons eu sept candidats :

 20   deux Serbes, deux Croates, deux Musulmans et un représentant des minorités.

 21   Mon parti, le Parti démocratique serbe, occupait la septième place, donc

 22   faisait partie des autres, et au titre de ces autres, a porté pour candidat

 23   un Juif qui n'était pas partie du SDS, mais nous avons estimé que c'était

 24   lui qui représentait le mieux ce groupe des autres. Par ailleurs, ce parti

 25   avait une grande importance à Sarajevo car, après l'exode en Espagne, un

 26   grand nombre de Juifs sont arrivés à Sarajevo et ont laissé beaucoup de

 27   traces, ont grandement contribué au développement de Sarajevo.

 28   Le Parti de l'Action démocratique a porté pour candidat M. Ganic,

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  1   dont il a transformé le groupe ethnique en le qualifiant de serbe pour

  2   cette occasion, et c'est lui qui a donc été présenté comme candidat dans ce

  3   groupe des autres. Ce monsieur, c'est ce monsieur très connu qui s'est fait

  4   connaître par la tuerie de soldats innocents qui se retiraient de Sarajevo

  5   en passant par une rue Dobrovoljacka, et il est également bien connu par

  6   l'ordre qu'il a donné à la radio en disant que dès qu'Alija sortait de sa

  7   voiture, il fallait les tuer tous. Donc c'est le SDA et la Communauté

  8   musulmane de Bosnie-Herzégovine qui a obtenu la majorité des élus, alors

  9   que la parité aurait dû l'emporter.

 10   Les Serbes avaient un meilleur candidat, le meilleur qu'ils auraient

 11   pu présenter, c'était quelqu'un qui se déclarait yougoslave, mais nous

 12   considérons que les conditions dans lesquelles ces élections ont eu lieu

 13   n'ont pas été démocratiques ni honnêtes et n'ont pas constitué une base

 14   saine pour permettre une coexistence de façon générale dans cette région.

 15   C'était donc un jeu d'enfant pour les organes de l'Etat de défendre leur

 16   politique de guerre, la politique défendue par le Parti d'Action

 17   démocratique, qui voulait obtenir les plus grands avantages, et tout cela

 18   au détriment de la majorité chrétienne, c'est-à-dire des Serbes et des

 19   Croates.

 20   Alors, pourquoi est-ce que les dirigeants du Parti d'Action démocratique

 21   ont fait cela ? Pas seulement parce que c'était une façon d'exprimer le

 22   modèle fondamentaliste de pensée et d'action qui était le leur, modèle

 23   dirigé vers la domination et la suprématie, l'obtention de privilèges et

 24   100 % du pouvoir comme à l'époque de l'Empire ottoman, mais avant tout pour

 25   obtenir la réalisation des objectifs islamistes au sein de la présidence,

 26   c'est-à-dire la création d'un état correspondant à ce qu'ils avaient

 27   envisagé au départ, un état qu'ils envisageaient déjà depuis 50 ans et qui

 28   explique le drame que nous avons vécu.

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  1   Des jeux délicats ont été joués dans mon pays à l'époque du communisme,

  2   mais ce n'était rien par rapport à ce qui s'est passé récemment, car les

  3   communistes n'étaient pas les meilleurs idéologues, et leurs objectifs

  4   fondamentaux n'avaient pas pour but de changer le destin et l'apparence de

  5   toute une région ainsi que le destin de plusieurs nations et de plusieurs

  6   groupes ethniques qui y vivaient. Par conséquent, la sécession de la

  7   Bosnie-Herzégovine en espèce a été l'objectif poursuivi, d'ailleurs pas

  8   seulement la sécession qui ne pouvait se faire de façon légale, mais la

  9   création d'un système et d'un régime, la création d'une structure que je

 10   vais maintenant vous décrire en vous présentant les arguments qui sont les

 11   miens pour vous montrer ce qu'il en était exactement et vous donner les

 12   éléments de juger de l'avenir.

 13   La nécessité exprimée au cours de ces élections n'était pas donc uniquement

 14   d'avoir un vote de plus, une voix de plus, parce que le désir profond du

 15   SDA était d'acquérir 100 % de la Bosnie dans son intérêt, c'est la base de

 16   la pensée du SDA. Ils pensent : La Bosnie est à nous, les Serbes ne sont

 17   ici que des invités. Et ne parlons même pas des Croates. C'est donc

 18   l'attitude générale qu'ils ont manifestée par rapport à la majorité

 19   chrétienne à ce moment où il n'y avait plus nécessité de se séparer de la

 20   Yougoslavie et où ils se sont mis à poursuivre la réalisation de leurs

 21   objectifs politiques par des moyens politiques. L'augmentation de la

 22   population n'est un problème pour personne, mais l'installation d'un grand

 23   nombre d'habitants dans le Sandzak et l'arrivée des Turcs a créé une

 24   nouvelle situation qui a fait couler beaucoup d'encre dans la presse.

 25   Lorsque les Etats-Unis, en 1995, ont décidé de mettre fin à la guerre

 26   qu'ils menaient en Bosnie-Herzégovine, leurs ambassadeurs, M. Holbrooke et

 27   les autres, nous ont écrit et dit qu'il fallait que nous négociions non pas

 28   pour obtenir 100 % du pouvoir en Bosnie-Herzégovine, mais 30 % du pouvoir

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  1   dans les 100 % de la Bosnie. Ils nous ont dit : Vous ne pouvez pas obtenir

  2   100 % du pouvoir dans 100 % de la Bosnie. C'est donc le cœur du sujet

  3   s'agissant de la guerre et de la crise qui se poursuit encore aujourd'hui

  4   et que l'on constate très bien au niveau du département d'Etat et de

  5   Holbrooke. Ils ont compris quel était le problème fondamental, le cœur du

  6   problème. Mais que souhaitaient-ils réellement obtenir avec l'aide, y

  7   compris de leurs puissants alliés ? En 1914 et 1941, les conditions étaient

  8   certes différentes, mais ce qu'ils désiraient déjà c'était la création d'un

  9   état fondamentaliste islamiste, et ils ont renouvelé ce souhait à partir de

 10   1991. Ils ont exprimé ce désir entre 1991 et 1995. Ils continuent à

 11   souhaiter la création de cet état dans des frontières définies, celles des

 12   entités déterminées aujourd'hui. Aussi longtemps que la population de

 13   Bosnie, ou en tout cas un groupe de la Bosnie aura la possibilité de se

 14   saisir de 100 % du pouvoir y compris sur 18 % de la Bosnie, il n'y aura pas

 15   de paix en Bosnie.

 16   Alors, disons les choses clairement. Je ne parle pas de tous les Musulmans,

 17   je ne parle pas de l'ensemble du Parti de l'Action démocratique. Je parle

 18   d'un noyau dans ce parti qui complote et qui est responsable de tout ce qui

 19   s'est passé. Je ne dis pas que les Musulmans devraient être des Serbes ou

 20   que les Musulmans posent un problème particulier pour les Serbes de Bosnie.

 21   Il y a des Musulmans comme Osman Dzikic, leur plus grand homme, qui veulent

 22   rester Serbes, qui ont la culture serbe et qui sont devenus de grands

 23   auteurs et sont de grands esprits serbes en Bosnie. Chacun a le droit à ses

 24   opinions.

 25   L'ensemble du Parti de l'Action démocratique n'est pas responsable de ce

 26   qui s'est passé et de ce qui continue à se passer. Au sein de ce parti, il

 27   existe un noyau de conspirateurs qui a agi et a donné un grand nombre des

 28   dirigeants musulmans de Bosnie. M. Zulfikar Alipasic et le Pr Filipovic ont

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  1   écrit à ce sujet, et de nombreux intellectuels musulmans, avant les

  2   élections, ont écrit une lettre à Izetbegovic en lui disant : "Est-ce que

  3   vous pensez que les Serbes sont des imbéciles et qu'ils ne voient pas ce

  4   qui est en train de se passer ?" Par conséquent, ils ont pris leurs

  5   distances par rapport à ce parti parce que ce sont des hommes de vision et

  6   qu'ils prévoyaient ce qui allait se passer.

  7   Les jeunes Musulmans ont pris naissance en tant que groupe en Egypte et

  8   sont à l'origine de l'assassinat de Sadat, et de Dieu sait quoi d'autre.

  9   Alors l'Accusation ici nous dit que la thèse du tu quoque n'a aucune

 10   importance et que cette thèse ne peut être présentée dans le cadre d'un

 11   procès mené devant ce Tribunal, même si les personnes concernées par cette

 12   thèse ont commis des crimes majeurs, des crimes de sang, et ne seront sans

 13   doute jamais jugés puisque les actes d'accusation contre eux n'ont pas été

 14   dressés. Il était plus facile de les laisser en liberté ou de les

 15   acquitter. Ça, c'est un problème qu'il est impossible de contourner, et

 16   malgré cela on parle de recherche de 100 % de la vérité.

 17   Je suis surpris et inquiet également de voir comment se comporte

 18   l'Accusation dans des situations diverses. L'Accusation aimerait qu'un

 19   procès se déroule sans corpus delecti, sans corps du délit. Elle tient à

 20   nous dire : Ecoutez, mettons-nous ensemble et mettons-nous d'accord pour

 21   mettre en examen un certain nombre de personnes, les déclarer coupables.

 22   Mais la Défense que je représente ici a de nombreuses critiques à faire

 23   valoir au sujet de cette attitude et ne permettra pas que les choses

 24   procèdent de cette façon. Il apparaît que l'Accusation a conclu un accord

 25   avec nos ennemis pendant la guerre ou, comme nous aimons le dire en

 26   plaisantant, que l'Accusation s'efforce de transformer ce Tribunal en

 27   commission disciplinaire de l'OTAN. Et si vous pensez que mon propos est

 28   une exagération, vous entendrez s'exprimer des officiers de haut rang de ce

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  1   Tribunal qui vous montreront que l'OTAN a planifié la liquidation de

  2   Karadzic, à l'issu du procès.

  3   [Diffusion de la cassette audio]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Mme Delponte :

  6   Les Etats-Unis en particulier s'efforcent de localiser Karadzic. Karadzic

  7   sait parfaitement bien qu'il est en danger, car si on découvre l'endroit où

  8   il se trouve, il ne sera pas transféré à La Haye vivant. Une opération se

  9   mènera et on dira : Oui, il était armé, et une réaction a eu lieu par

 10   rapport à cela. Pourquoi suis-je en train de dire cela ? Parce que j'ai à

 11   l'esprit l'accord conclu entre Karadzic et Holbrooke. Je mène une enquête

 12   sur ce point, et je suis en train de recueillir des éléments de preuve de

 13   qualité qui indiquent que cet accord correspond à la vérité. Mais s'il

 14   correspond à la vérité, comme semble l'indiquer l'enquête menée par moi,

 15   c'est un élément supplémentaire pour craindre qu'ils tuent Karadzic.

 16   Question : Sur le fond, cela veut dire que la reddition est préférable au

 17   meurtre ?

 18   Réponse : Oui, oui. Il n'y aura plus de parlement, plus de gouvernement,

 19   plus de Fédération. Il n'y aura que la Bosnie-Herzégovine. Il n'existe plus

 20   de Republika Srpska. C'est fini. C'est fini la Republika Srpska, il ne

 21   reste que la Bosnie.

 22   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Apparemment, j'avais même des amis au

 24   bureau du Procureur qui estimaient que la reddition était préférable à

 25   l'assassinat me concernant. Mais croyez moi, ceci était impossible à

 26   réaliser.

 27   L'Accusation s'efforce de tirer profit des conditions terribles d'une

 28   guerre civile, et à cet égard, je tiens à vous rappeler que pas une seule

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  1   guerre menée dans notre région n'a eu lieu en l'absence d'une composante de

  2   guerre civile et de guerre fratricide. L'occupant, c'est-à-dire

  3   l'agresseur, est toujours parvenu à nous retourner les uns contre les

  4   autres. Ceci est le cas depuis le début de notre existence, y compris à

  5   l'époque moderne, XIXe et XXe siècle. Donc le bureau du Procureur s'efforce

  6   d'établir un lien entre l'accusé que je représente et les conditions

  7   chaotiques dans lesquelles se mène une guerre civile, ainsi que les

  8   événement atroces qui peuvent en découler et qui étaient prévisibles.

  9   L'Accusation s'efforce donc de porter contre moi des accusations consistant

 10   à dire que j'aurais aidé, encouragé, soutenu, et Dieu sait quoi d'autre, la

 11   guerre en Bosnie-Herzégovine, guerre durant laquelle les Serbes défendaient

 12   le droit; même si défendre le droit dans certains territoires, comme cela

 13   vous sera montré, n'est pas un acte criminel. D'ailleurs, j'ai l'impression

 14   que l'Accusation ne considère pas qu'il s'agit d'un acte criminel, mais

 15   néanmoins, traite cet acte comme un acte criminel. Ceci est la meilleure

 16   façon de démontrer l'aspect mensonger de toute cette situation.

 17   Le bureau du Procureur passe très rapidement sur cette contradiction et se

 18   comporte comme si défendre le droit constituait un acte criminel en soi, de

 19   même que la défense politique par rapport à des attaques politiques, se

 20   présenter à des élections, le fait de se défendre soi-même, le fait de

 21   s'organiser dans le cadre d'un Etat en train de se démanteler, et tout ce

 22   qui représente la défense de la responsabilité serbe par rapport aux

 23   attaques de la partie adverse, ainsi que toutes les actions menées par les

 24   Serbes se traitent comme des actes criminels, parce qu'on survole très

 25   rapidement les éléments chaotiques qui caractérisent toute guerre civile,

 26   éléments chaotiques qui étaient prévisibles et dont on savait parfaitement

 27   qu'ils verraient le jour.

 28   Alors, cette petite contradiction entre l'accusé et la réalité des

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  1   événements, la Défense considère qu'elle n'existe pas et insiste sur

  2   l'existence d'un lien entre les deux, parce qu'il y avait des territoires

  3   sur lesquels les Serbes de Bosnie-Herzégovine faisaient valoir leur droit.

  4   Et la Défense, pour sa part, ne tient pas à rentrer dans le détail

  5   minimaliste consistant à déterminer qui à tué qui et comment se sont

  6   comportées la 1ère, la 2e, la 3e ou la 4e partie belligérante, car la

  7   Défense montrera qu'il y avait quatre parties belligérantes. La Défense,

  8   pour sa part, estime qu'il importe de revenir sur cette passerelle fragile

  9   qui existe entre l'accusé et les événements, car en l'absence de cette

 10   passerelle, il ne peut être démontré une quelconque responsabilité des

 11   Serbes ou des organes gouvernementaux qui les représentaient.

 12   Alors, quelques arguments. Premièrement, la Republika Srpska n'était pas

 13   l'objectif politique des Serbes en Bosnie-Herzégovine. L'objectif poursuivi

 14   par les Serbes de Bosnie-Herzégovine, c'était la Yougoslavie.

 15   Deuxièmement, la Republika Srpska a été créée en urgence. C'est un

 16   compromis très pénible de la part de la partie serbe afin d'obtenir qu'elle

 17   accepte de quitter la Yougoslavie. Mais j'aimerais énumérer les priorités

 18   pour les Serbes. Premièrement, maintien de la Yougoslavie, si possible avec

 19   six Républiques. C'était l'objectif suprême. Si les Musulmans et les

 20   Croates de Bosnie-Herzégovine ne souhaitent pas demeurer au sein de la

 21   Yougoslavie, le deuxième objectif des Serbes de Bosnie-Herzégovine était de

 22   demeurer en Yougoslavie, de la même façon que la Virginie occidentale a

 23   décidé de ne pas rejoindre la Confédération pendant la guerre de sécession

 24   américaine; elle a décidé de demeurer au sein de l'union, et le grand

 25   président Lincoln a accepté cela. Et à la fin de la guerre, rien n'a été

 26   changé. Nous avons aujourd'hui la Virginie occidentale qui est devenu la

 27   Virginie tout court. Alors, est-ce que nous devons regretter aujourd'hui

 28   l'absence de grands présidents qui auraient permis de résoudre

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  1   pacifiquement la crise yougoslave et la question serbe en Bosnie et dans

  2   les Balkans ?

  3   L'Irlande du Nord a été créée dans les mêmes conditions. La majorité

  4   de l'Irlande a obtenu l'indépendance, mais une partie de la population n'a

  5   pas obtenue cette indépendance, elle est demeurée au sein du Royaume-Uni,

  6   avec sa population.

  7   Donc une autre possibilité, c'aurait été que les Serbes de Bosnie-

  8   Herzégovine, les Serbes qui sont la population la plus ancienne, comme cela

  9   vous sera démontré, que ces Serbes de Bosnie-Herzégovine demeurent dans le

 10   giron de la Yougoslavie.

 11   Et cette idée qui a été défendue par M. Izetbegovic, il a même signé

 12   cette idée dans l'accord qu'il a conclu avec M. Krajisnik le 16 septembre

 13   1996. Autre possibilité : constituer un Etat indépendant et constitutionnel

 14   en Bosnie-Herzégovine, idée qui n'était pas non plus combattue par M.

 15   Izetbegovic.

 16   Quatrième variante douloureuse, c'était la sortie de la Yougoslavie, à

 17   condition que les Serbes en Bosnie-Herzégovine jouissent d'une unité

 18   constitutionnelle dans le cadre d'une espèce de constitution des Etats de

 19   Bosnie, au sein d'une alliance. Cette version moins favorable du point de

 20   vue de l'intégration de la Bosnie-Herzégovine nous a été proposée par la

 21   Communauté européenne dans le cadre de la conférence sur la Yougoslavie

 22   menée par Lord Carrington. Et M. l'Ambassadeur Cutileiro, responsable de la

 23   Bosnie, a contribué à la défense de cette variante, de cette version. C'est

 24   ce qu'il est convenu d'appeler le plan Cutileiro.

 25   Soyez assurés que c'est à cela que se limite la liste des priorités

 26   défendues par les Serbes de Bosnie. Chacune de ces versions permettait de

 27   préserver la paix et de réaliser les objectifs optimaux des Croates et des

 28   Musulmans de Bosnie, avec l'accord des Serbes. C'étaient des objectifs

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  1   minima, eu égard à ce que souhaitaient les Serbes, et même moins que

  2   minima. Alors, quelle espèce d'entreprise criminelle commune peut être

  3   évoquée face à ces objectifs ? Ce que je vais présenter ici, c'est la

  4   représentation de la vérité inscrite dans le marbre. C'est une des vérités

  5   dont j'ai déjà parlé. Comment peut-il y avoir entreprise criminelle commune

  6   dans ces conditions ? Qu'est-ce que les Serbes auraient pu faire si tous

  7   ces compromis acceptés par les Serbes avaient été acceptés par ailleurs ?

  8   Troisièmement, l'Accusation est en train de construire de toutes pièces ici

  9   l'idée que nous aurions souhaité expulser les Musulmans et les Croates de

 10   leurs domiciles sur de fausses présomptions, car nous aurions considéré que

 11   la Republika Srpska était notre patrie à nous et uniquement à nous. A cette

 12   époque là, la patrie des Serbes c'était la Yougoslavie et pas la Bosnie-

 13   Herzégovine, encore moins la Republika Srpska, qui n'avait pas encore

 14   commencé à exister. Nous allons prouver qu'il n'y a jamais eu la moindre

 15   intention, et encore moins l'idée, encore moins le plan de notre part

 16   d'expulser les Musulmans et les Croates de la Republika Srpska. C'est

 17   d'ailleurs ce qui a été déclaré par une Chambre de ce Tribunal en première

 18   instance. Je parle de la Chambre de première instance qui a jugé M.

 19   Krajisnik.

 20   Les propos de Radovan Karadzic en date du 14 février 1992 sont cités devant

 21   cette Chambre, juste avant la guerre, et la Chambre de première instance en

 22   question conclut que Karadzic, à une réunion du parti, réunion plénière, a

 23   déclaré qu'il faudrait veiller à ce qu'il n'y ait pas de départ massif de

 24   la population : "Les gens ne devraient pas fuir nos régions. Ceci est la

 25   version la plus douloureuse pour les Serbes, car il y aurait dans ce cas

 26   trois Bosnie." Cet objectif a déjà commencé à être réalisé. Karadzic

 27   déclare devant 200 personnes que celles-ci sont responsables de la vie dans

 28   la région et qu'il importe qu'elles fassent attention qu'il n'y ait pas de

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  1   départ massif de populations hors de nos régions. Cette Chambre de première

  2   instance admet que Karadzic, le 14 février 1992 y compris, avait à l'esprit

  3   les intérêts d'autrui. Pour toute la période précédant le 14 février 1992,

  4   c'est ainsi que les choses se sont passées. Il n'y avait donc pas l'ombre

  5   d'une entreprise criminelle commune.

  6   A présent, il importe que nous essayions de déterminer la date de

  7   naissance de cette fameuse entreprise criminelle commune qui est qualifiée

  8   d'entreprise visant à l'expulsion des Croates et des Musulmans hors de la

  9   Republika Srpska. Voilà les mots d'avertissement que prononce Radovan

 10   Karadzic.

 11   Nous admettons que le 14 février 1992, par conséquent, l'entreprise

 12   criminelle commune n'avait pas encore vu le jour. Le 18 mars 1992 non plus,

 13   puisque c'est le jour de la signature de l'accord de Lisbonne.

 14   Maintenant, nous passons au 27 mars, et Karadzic s'exprime devant

 15   l'assemblée du peuple serbe, il dit :

 16   "Il nous faut étudier la situation. Il nous faut sauver nos têtes,

 17   sauver nos biens, sauver notre territoire. Nous n'avons pas d'autres

 18   possibilités."

 19   C'est la réponse de Karadzic à certains qui lui demandent ce qui se

 20   passera à l'avenir et si un plan existe. C'était le seul plan que nous

 21   avions. Le seul plan que nous avions c'était de sauver nos têtes, sauver

 22   nos biens et conserver notre territoire pour attendre de voir ce qui allait

 23   se passer à l'avenir.

 24   Le 12 avril, alors que la guerre avait déjà éclaté, nous avons signé avec

 25   M. l'Ambassadeur Cutileiro une trêve, les trois parties belligérantes l'ont

 26   fait. Le 12 mars la trêve a été signée, et dans la soirée du 12, le SDA a

 27   envoyé -- Hasanefendic a envoyé un ordre bien connu, qui donnait

 28   instruction d'attaquer toutes les forces de la JNA et des Serbes dans toute

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  1   la Bosnie-Herzégovine. Donc le soir du 12 avril, il n'y a pas encore

  2   d'entreprise criminelle commune.

  3   Le 22 avril, Karadzic propose un plan de fin des hostilités. Je dois dire

  4   que c'était un moment où l'on travaillait déjà à l'élaboration de cartes

  5   géographiques sur la base du plan Cutileiro. Donc le 22 avril, il n'existe

  6   pas d'entreprise criminelle commune.

  7   Vous verrez bien qu'au mois d'août encore, Karadzic se bat pour que des

  8   Musulmans et des Croates soient élus au sein des tribunaux. Jusqu'à cette

  9   date-là, la présidence pouvait nommer, d'ailleurs j'ai nommé 18 Musulmans

 10   et Croates comme membres des tribunaux. Mais dès que la décision a été

 11   prise de les élire, c'est l'assemblée qui a repris le rôle qui avait été le

 12   mien.

 13   Karadzic déclare qu'il faut déterminer si la personnalité du candidat a une

 14   quelconque qualité. Il insiste sur la nécessité d'une proportionnalité

 15   constante dans l'exercice du pouvoir. Beaucoup de sang a coulé. Beaucoup

 16   d'affrontements ont eu lieu. Ceci constitue un problème majeur. Il importe

 17   donc de ne pas limiter le nombre de candidats élus parmi les Musulmans et

 18   les Croates. Voilà quelle était la réalité : Karadzic, Popovic et d'autres

 19   qui veulent que les juges soient élus rapidement exigent de ne pas tenir

 20   compte de l'appartenance ethnique, mais uniquement de la compétence et des

 21   qualifications. En disant cela, ils déclarent également qu'il faut que tous

 22   les groupes ethniques soient représentés.

 23   Je tiens à rappeler la situation du 18 mars. Vous verrez dans son ensemble

 24   l'année 1991 s'est écoulée dans des tensions très graves sur le plan

 25   ethnique; les Serbes cédaient et formulaient des propositions au mieux dont

 26   chacune pouvait garantir la paix en Bosnie-Herzégovine.

 27   Le 18 mars, nous avons accepté qu'il y ait trois Bosnie-Herzégovine au sein

 28   d'une Bosnie-Herzégovine, que l'on procède à la création du modèle suisse

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  1   en Bosnie-Herzégovine et qu'on adopte ce modèle pour la Bosnie qui se

  2   trouvera à l'extérieur de la Yougoslavie. C'est la preuve du compromis

  3   serbe. A ce moment-là, nous avons accepté également et nous nous sommes

  4   félicités de ce résultat.

  5   Les trois parties se sont félicitées, les trois parties ont élaboré des

  6   cartes, même si le SDA affirmait ne pas en avoir, il en avait, et sur ces

  7   cartes, 80 % du territoire, d'avis commun, ne faisait pas l'objet de

  8   contestations. Donc les Serbes, les Croates, les Musulmans respectivement

  9   reconnaissaient jusqu'à 80 % les territoires qui allaient revenir aux uns

 10   comme aux autres.

 11   M. Irfan Ajanovic confirme que pratiquement toute la Communauté musulmane

 12   se retrouvera au sein de son unité constitutive, il ne reste que 20 % dans

 13   les entités croates ou serbes, mais jamais personne n'évoque des

 14   déplacements de la population, si ce n'est des départs du plein gré de la

 15   population concernée. M. Izetbegovic, qui a développé une très bonne

 16   coopération avec moi pendant qu'on travaillait sur les cartes, il m'a dit,

 17   et ça je l'ai évoqué lors de cette réunion, il m'a demandé de bien vouloir

 18   faire attention à ce qu'on ne respecte pas les frontières municipales. Si

 19   jamais il y a un village, soit serbe soit musulman, qui déborde, s'il peut

 20   être rattaché à la municipalité voisine, puisque ce n'est qu'un découpage

 21   administratif, ce n'est pas le mur de Berlin, donc l'on l'accepte. Il était

 22   d'avis qu'il reste le moins de population musulmane ou serbe en face le

 23   pourcentage aussi petit qui soit. Jamais personne n'évoque de déplacement

 24   de population.

 25   Voire même Karadzic l'affirme, le 3 mai, il rentre de Bruxelles. Un

 26   journaliste demande : Mais qu'adviendra-t-il maintenant des déplacements de

 27   population ? Quelqu'un a évoqué l'Inde, le Pakistan, et j'ai répondu : Non,

 28   nous n'envisageons pas cela et cela n'est pas recommandé. Il va y avoir des

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  1   minorités et leurs droits seront garantis. Il n'y aura aucun problème.

  2   Alors c'est gravé dans le marbre, et il est facile de démontrer cette

  3   vérité, il suffit de jeter un coup d'œil sur ce qu'en disent les médias à

  4   l'époque. Donc où est cette entreprise criminelle commune ? Quelle

  5   entreprise criminelle commune fomente les Serbes, alors qu'ils n'ont jamais

  6   trahi ne serait-ce qu'un seul accord passé à ce moment-là, aucune accord

  7   sur le cessez-le-feu, et les Nations Unies ont des documents à l'appui. Sur

  8   les 12 trêves, 11 ont été violées par l'armée du Parti de l'Action

  9   démocratique. Sur la base de tous les événements passés à partir du 8 mars,

 10   et cetera, où l'on voit, où on anticipe, on n'a aucun doute du côté serbe

 11   que la solution adoptée sera mise en œuvre. Donc qu'est-ce qui nous permet

 12   d'en tirer cette intention serbe d'extraire les Musulmans de la partie de

 13   Bosnie qui reviendra aux Serbes. Mais mes éminents adversaires du bureau du

 14   Procureur évitent de replacer les événements dans leur contexte, non

 15   seulement pour ce qui est de la Bosnie, mais également pour ce qui est du

 16   reste de la Yougoslavie. Les événements de Bosnie, ils les extraient de

 17   leur contexte, parce que sinon on verrait très bien quel est le rôle qui a

 18   été joué par tel ou tel parti. Il deviendrait tout à fait clair que les

 19   Serbes ont cédé au nom de la paix afin de préserver la paix et qu'ils n'ont

 20   pas agi de manière belliqueuse en cherchant la guerre.

 21   Là, je me permets de rappeler encore une fois que ce système judiciaire est

 22   très préjudiciable à la vérité. Le Procureur a carte blanche et toutes les

 23   ressources qu'il souhaite pour composer l'acte d'accusation et tous les

 24   documents à l'appui tout à fait librement, sans aucune limitation. Tout

 25   Serbe ou autre ressortissant des Balkans se retrouve face à des forces

 26   invisibles auxquelles il est confronté. Il n'a aucun moyen de parer à ce

 27   qu'il a en face par ses propres enquêtes.

 28   Si le Procureur avait été tenu de procéder de manière chronologique, de

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  1   présenter les événements de Bosnie et des Balkans de cette manière-là,

  2   cette chronologie ferait éclater la substance des événements immédiatement.

  3   En revanche maintenant, il semblerait, comme l'affirme l'Accusation, qu'en

  4   juin 1990 l'accusé a créé le Parti démocrate serbe, et que c'est à cause de

  5   cela que la guerre a éclaté, et qu'il cherchait à se débarrasser des non-

  6   Serbes d'un territoire où, à un moment donné dans un avenir indéterminé,

  7   les Serbes allaient revendiquer tous ces territoires en Bosnie, alors qu'à

  8   ce moment-là il n'y avait aucune intention sécessionniste de leur part.

  9   Ecoutez, il faut vraiment beaucoup d'imagination pour admettre cette

 10   construction.

 11   Pourquoi la guerre a-t-elle éclaté ? Ce même bureau du Procureur invoque

 12   dans un autre acte d'accusation un certain nombre de raisons. Dans mon acte

 13   d'accusation c'est parce que moi j'ai créé le SDS avec les objectifs tels

 14   qu'ils sont formulés ici. Dans un autre acte d'accusation il dit la

 15   Slovénie. Le 25 juin 1991 il a déclaré l'indépendance par rapport à la RFY,

 16   et c'est ça qui a causé la guerre. Je suis d'accord. La Croatie, c'est le

 17   25 juin 1991 qu'elle a proclamé son indépendance, et cela a entraîné des

 18   combats entre les forces militaires croates, d'une part, et la JNA ainsi

 19   que les unités paramilitaires de l'armée de la Republika Srpska de l'autre.

 20   Je ne suis pas d'accord pour dire que ce sont des unités paramilitaires,

 21   mais bon. Le 6 mars 1992, la Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance,

 22   et après le 6 avril, cela a entraîné une guerre à grande échelle. Mais

 23   pourquoi dans mon cas renoncent-ils à cette vérité, pourquoi invoquent-ils

 24   une autre raison pour expliquer le début de la guerre ?

 25   Voyons ce qu'a dit un protagoniste très important, un ex-Président de ce

 26   Tribunal, Pr Cassese, il dit :

 27   "On sait très bien qu'en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, ainsi que dans

 28   d'autres républiques, la sécession a ravivé les animosités des haines du

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  1   passé, ce qui a causé un terrible bain de sang."

  2   Par conséquent, l'Accusation affirme que ce n'est pas la sécession ni la

  3   haine qui est à l'origine de la guerre. En revanche, c'est Karadzic qui en

  4   est la cause, qui, avec ses 1 000 000 et demi de Serbes paupérisés de

  5   Bosnie-Herzégovine, se dresse pour lancer la guerre aux forces

  6   incommensurables, une guerre qui est tout à fait contraire à tous les

  7   intérêts serbes, voire même qui est contraire aux objectifs criminels cités

  8   par le Procureur et qui nous sont attribués par le Procureur. Ces objectifs

  9   ne pourraient pas être réalisés par cette guerre.

 10   Pourquoi les Serbes auraient-ils souhaité la guerre pour atteindre quelque

 11   chose qu'ils ont d'ores et déjà, à savoir le fait de vivre en Yougoslavie

 12   où vivent tous les Serbes, tous les Croates, tous les Slovènes, tous les

 13   Musulmans, tous les Macédoniens, et cetera ? Pourquoi les Serbes ont-ils

 14   besoin de la guerre ? Ils ont déjà ce qui fait l'objet de leur convoitise

 15   ou de leur souhait. Pourquoi l'Etat fédéral yougoslave qu'ils ne peuvent

 16   préserver qu'en temps de paix, pourquoi est-ce qu'ils iraient chercher cela

 17   par la guerre, parce que c'est uniquement dans la guerre qu'ils peuvent la

 18   perdre, cette Yougoslavie. Où est une approche raisonnable, dans quel

 19   mobile, quel motif pour agir ainsi.

 20   La Yougoslavie ne pouvait être décomposée que dans le cadre d'une guerre,

 21   et on le démontrera ici. Ça aussi, c'est une vérité gravée dans le marbre,

 22   et aucune intention ne pourra déplacer cela, ne pourra changer cela.

 23   Les Serbes, quant à eux -- plutôt, ceux qui voulaient préserver la

 24   Yougoslavie, mais ceux qui voulaient l'indépendance des républiques, en

 25   revanche, ça ils ne pouvaient l'obtenir que par la guerre. Cela ne fait

 26   aucun doute. Non seulement l'Allemagne les a encouragés, et leur a dit :

 27   "S'il y a un conflit, on vous reconnaîtra." Bien sûr, c'est un

 28   encouragement à s'engager dans un conflit, et ceci nous a été confirmé

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  1   directement par nos adversaires à ce moment-là dans la guerre. Le président

  2   Tudjman a dit que :

  3   "Il n'y aurait pas eu de guerre si la Croatie ne l'avait pas souhaité."

  4   C'est en mai 1992 dans le cadre d'un discours public qu'il l'affirme,

  5   lorsque la première phase de la guerre est terminée et lorsque la guerre en

  6   Bosnie-Herzégovine connaît une escalade.

  7   J'en suis gré pour cela au président Tudjman, pour cela et pour bien

  8   d'autres choses qui me serviront dans le cadre de ma défense. Je me

  9   félicite aussi de voir que le Procureur étend ma responsabilité sur la

 10   Croatie, puisque cela me permettra de montrer la réalité des événements, la

 11   réalité de la chose, et comment, au cours de 1991, on recevait de Croatie

 12   des colonnes interminables de Serbes qui avaient été chassées, qui ont dû

 13   prendre la fuite, qu'on tuait comme des lapins en Croatie, et qui faisaient

 14   l'objet de pilonnages. Là vous avez l'image qui vous permettrait de voir

 15   juste avant que la guerre n'éclate en Bosnie-Herzégovine, vous voyez

 16   comment le feu se répand en Bosnie-Herzégovine, non seulement sur ses

 17   frontières, mais également en profondeur.

 18   Les réfugiés arrivent, mais non seulement les réfugiés, mais aussi des

 19   bombes et les citoyens de Bosnie-Herzégovine commencent à périr.

 20   On reprendra cette image plus tard, et vous verrez comme cela est écrit

 21   ici, vous verrez qui sont les morts avant la date du 6 avril. C'est la

 22   période qui m'est imputée à moi par le Procureur. Mais vous verrez qu'il

 23   n'y a que des victimes serbes jusqu'à ce moment-là, jusqu'à cette date,

 24   mais je remercie également M. Izetbegovic d'avoir fait preuve de franchise

 25   et, en fait, il apporte des preuves à décharge et lève toute responsabilité

 26   de mes épaules. Il dit :

 27   "Nous avons fait notre choix, nous aurions pu emprunter une autre voie. Le

 28   prix que nous avons payé est élevé, mais il a bien fallu le pays. Si c'est

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  1   moi qui en assume la responsabilité, alors ce n'est pas à Karadzic qu'il

  2   faut l'imputer. Nous aurions pu éviter ce conflit si on était restés au

  3   sein de la Yougoslavie, mais nous voulions l'indépendance. Nous avons créé

  4   la Ligue patriotique."

  5   Donc de manière très chevaleresque il assume tout cela et il

  6   m'exempte de toute responsabilité. Mais le Procureur, de toute évidence, ne

  7   souhaite pas accepter qu'Izetbegovic s'exprime d'une manière très noble et

  8   chevaleresque. Il accepte à partir du moment où c'est des ruses, des

  9   tromperies, et cetera, mais quand c'est un esprit noble qui s'exprime, ça

 10   il ne le remarque même pas.

 11   Alors plusieurs modifications doivent être apportées ici. La Ligue

 12   patriotique n'a pas été formée fin 1991, mais en mars 1991. Vous verrez

 13   pendant mes propos liminaires que la Ligue patriotique a été créée deux

 14   mois après qu'on ait constitué un gouvernement conjoint. Une modification

 15   de fond. Il ne s'agit pas seulement de la préservation de la Bosnie-

 16   Herzégovine en Yougoslavie qui préserve la paix, mais notre préservation en

 17   Bosnie-Herzégovine. Là, je reviens à l'exemple de Virginie occidentale. Le

 18   plan Cutileiro, l'accord de Lisbonne, qui n'aurait accordé aux Serbes

 19   qu'une infime portion de ce qu'avaient les Musulmans de Bosnie-Herzégovine

 20   et de Yougoslavie, qu'on ne reçoive qu'un minimum de ces droits, même dans

 21   ce cas-là on aurait évité la guerre. Les Serbes de Bosnie-Herzégovine

 22   auraient voté au référendum, auraient conféré la légitimité à la Bosnie-

 23   Herzégovine. On aurait pu préserver la paix de cette manière-là également.

 24   Qu'on organise un référendum sur l'indépendance, et Radovan Karadzic ainsi

 25   que Muhamed Cengic, juste à la veille de ce référendum, se mettent d'accord

 26   pour qu'il y ait une régionalisation de toute urgence en Bosnie-

 27   Herzégovine, que les Serbes viennent voter au référendum, à ce moment-là un

 28   député qui n'accepte par cet accord avec les Serbes pose une question à

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  1   Cengic : Mais qui t'a donné le droit de négocier cela ? Et on entendu une

  2   voix, on entend Cengic qui dit : Mais c'est Alija Izetbegovic, si

  3   véritablement tu veux savoir d'où ça vient.

  4   Donc c'est Alija Izetbegovic qui autorise Muhamed Cengic à offrir une

  5   solution aux Serbes qui sauvera la Bosnie, qui sauvera la paix. Les Serbes

  6   sont heureux d'accepter cela, et en 15 jours, on aura l'adoption d'un acte

  7   sur la régionalisation. Les Serbes vont voter au référendum. Mais là, il y

  8   a des forces démoniaques qui s'agitent de nouveau, et pour la centième fois

  9   M. Izetbegovic renonce. Et que se passe-t-il, il y a une pause, et cet

 10   accord entre Karadzic et Cengic est désavoué, annulé devant l'assemblée

 11   plénière du parlement.

 12   Et une autre correction de M. Izetbegovic. C'est grâce aux concessions

 13   venues du côté serbe qu'il y a eu plusieurs autres solutions qui auraient

 14   permis d'éviter la guerre et qui auraient permis d'éviter aux Musulmans de

 15   payer le prix qui a été payé. Juste une seule solution entraînait

 16   nécessairement la guerre. Et la direction musulmane, la direction du SDA,

 17   et les jeunes musulmans, le noyau dur du SDA, n'a voulu obstinément que

 18   cette solution-là, à savoir une Bosnie souveraine, indépendante à 100 % à

 19   nous. Donc 100 % de pouvoir sur 100 % de territoire de Bosnie, et c'est la

 20   seule chose qu'ils ne pouvaient pas obtenir. Et ça, c'est un point que le

 21   Procureur ne remarque pas. C'est ce que les Musulmans voulaient, c'est ce

 22   qu'ils veulent encore, et c'est ce qu'ils voudront toujours tant que les

 23   entités ne verront pas leurs frontières modifiées en Bosnie-Herzégovine.

 24   Donc ils ne renonceront pas à cette intention.

 25   Et il y a des forces obscures qui les poussent - vous verrez quelles sont

 26   ces forces - les incitent à défendre cette voie en Europe. Alors, quelle

 27   entreprise criminelle commune serbe aurait été envisageable et aurait pu

 28   évoluer, aurait pu se développer, si M. Izetbegovic avait accepté une

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  1   proposition, une proposition qui était tout à fait présente sur la table de

  2   négociations, quelque chose qui n'a été finalement apporté qu'en 1995 par

  3   M. Holbrooke, juste en 1995 ? Que ce soit l'Union européenne, que ce soit

  4   le Groupe de contact, que ce soit Vance Owen, que ce soit Stoltenberg, tout

  5   un chacun a offert la même proposition, et les Serbes les ont toujours

  6   acceptées.

  7   Cinq conférences en tout ont eu lieu, Madame, Messieurs les Juges, cinq

  8   plans de paix, et l'accusé que vous voyez devant vous en a accepté quatre

  9   sur cinq. Mais quelle entreprise criminelle commune aurait été possible si

 10   l'autre partie en avait accepté ne serait-ce qu'un seul sur les quatre ?

 11   Et, s'il vous plaît, comment le bureau du Procureur a-t-il pu concevoir

 12   cette idée à partir du moment où c'est la communauté internationale qui

 13   s'est chargée de notre crise, à partir de ce moment-là, mais pas un seul

 14   jour ne s'est déroulé qu'il n'y ait eu une conférence. Il n'y avait aucun

 15   moyen de préserver ce qu'on a déjà.

 16   La solution, elle devrait être une solution de nature politique. Mais

 17   pourquoi, je vous en prie, pourquoi est-ce que les Serbes iraient-ils

 18   chercher à conquérir des territoires qu'ils ne pouvaient pas vérifier par

 19   le truchement d'une conférence, pourquoi n'accepteraient-ils pas des

 20   solutions proposées par la conférence, pourquoi feraient-ils quoi que ce

 21   soit qu'il leur faudrait restituer par tous les moyens possibles par la

 22   suite ? Donc ça, c'est la question de fond qui se pose. Comment est-il

 23   possible que le Procureur reste aveugle, qu'il ne voit pas cette vérité,

 24   que les Serbes acceptent tout sauf que la Bosnie revienne à 100 % aux

 25   Musulmans et qu'on se retrouve à l'époque de l'esclavage ottoman et au

 26   détriment d'un peuple qui est arrivé à préserver sa culture et sa

 27   confession pendant les cinq siècles qui ont été les plus difficiles qui

 28   soient en Europe. Et je rends hommage ici aux Serbes qui ont réussi à

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  1   préserver leur culture et leur quintessence. Cela relève quasiment de

  2   l'impossible.

  3   Et je dois dire que les Serbes, il y a eu des conversions parmi eux vers

  4   l'Islam, souvent entre les frères après l'accord mutuel : je le ferai pour

  5   te protéger. Et souvent, vous voyez à la troisième génération déjà leurs

  6   descendants devenir des ennemis. Donc dans le cas des premières

  7   conversions, vous n'avez pas des gens heureux, ce ne sont pas des gens qui

  8   se réjouissent du choix qu'ils font, mais bon, c'est la réalité. Mais le

  9   frère qui ne s'est pas converti, lui qui n'est pas devenu Musulman, en

 10   dépit de toutes les souffrances, de tout ce qu'il est obligé d'endurer, il

 11   préserve le patrimoine, il préserve la culture. Et voilà ce qui se passe

 12   maintenant, quelqu'un cherche à l'y replonger.

 13   J'appelle votre attention sur les appels, les invitations lancées par des

 14   protagonistes très importants, la Communauté musulmane qui demande à M.

 15   Izetbegovic de changer de politique, de changer d'attitude. Rabija Subic

 16   [phon] est quelqu'un qui évolue dans des milieux musulmans, mais elle est

 17   présidente, à l'époque, du Parti socialiste en Bosnie-Herzégovine; un parti

 18   pluriethnique et qui n'est pas extrémiste. Elle rédige une lettre au tout

 19   début de la guerre, elle s'adresse à Izetbegovic et elle lui dit :

 20   "Vous avez refusé la création d'un conseil des peuples au sein du

 21   parlement. C'est le parti serbe qui a demandé cela, moi-même, ainsi que M.

 22   Coliric [phon]. C'était encore du temps du régime communiste où on

 23   apportait des amendements à la constitution. Nous avons demandé la création

 24   d'un conseil des peuples qui aurait pu empêcher toute violence, toute

 25   guerre. Mais à la place, on nous a donné un conseil chargé de l'équité des

 26   peuples, et ça n'a jamais fonctionné. Vous avez refusé l'accord historique

 27   avec le peuple serbe, vous avez refusé l'initiative de Belgrade, vous avez

 28   lancé un appel à la mobilisation de tous les Musulmans et tous les Croates

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  1   le 4 avril. Et c'est ainsi que vous avez lancé la guerre."

  2   Et à la fin, Rabija Subic dit :

  3   "Respectez les exemples de Vlasenica et de Bratunac où des accords ont été

  4   passés entre les Serbes et les Musulmans. Pas une seule balle n'a été

  5   tirée, il n'y a pas eu de violence, pas de terreur, pas de criminalité."

  6   Donc voyez-vous à Vlasenica et à Bratunac, les Serbes ont proposé que la

  7   municipalité se restructure, que l'on en crée deux à partir d'une. Et vous

  8   verrez pourquoi, et vous verrez également que c'est quelque chose qui a

  9   fonctionné, que c'était possible. Et cette femme d'orientation européenne,

 10   qui est à la tête d'un parti pluriethnique, voit que c'est bien une

 11   solution viable. Et dans des situations analogues, cela a été vu par Adil

 12   Zulpacic [phon], par Filipovic, par Fikret Abdic qui d'ailleurs a remporté

 13   les élections en 1990; Nijaz Durakovic, et bien d'autres, voire même

 14   Pejanovic parmi les Serbes qui représentent cette infime minorité des

 15   Serbes qui défendent que l'on ne crée par une entité.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je vais vous inviter

 17   à bien vouloir ralentir. Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je reviens à ces accords passés de Vlasenica et

 19   de Bratunac. Le SDA, suite à ces accords, décide de les révoquer or, ce

 20   sont eux qui préservaient la paix dans les municipalités concernées. Que

 21   s'est-il passé après à Bratunac et à Vlasenica ? Vous le verrez, et

 22   Srebrenica est aussi une des municipalités voisines. Vous entendrez quelle

 23   a été la suite des événements au cours de ce procès. Et malheureusement

 24   cela s'est passé parce qu'on n'a pas respecté les accords qui ont été

 25   passés. Dans toutes les municipalités, on a mené des négociations sur un

 26   redécoupage administratif pour éviter l'escalade de tension.

 27   Mais je vous demande quelle entreprise criminelle commune était

 28   possible à ce moment-là, si l'on prend en compte tout ce qui est entrepris

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  1   et tout ce qui se passe au moment où Rabija Subic envoie sa lettre au

  2   président Izetbegovic.

  3   Le Procureur affirme que la Yougoslavie s'est disloquée, et il nous invite

  4   à douter maintenant de ce qu'il a -- enfin, on est amené à se demander si,

  5   effectivement, c'est la Yougoslavie qui s'effondre toute seule, ou bien

  6   est-ce qu'on a contribué à sa dislocation. Mais cela n'aurait pas pu se

  7   passer s'il n'y avait pas eu d'influence exercée de l'extérieur. Et ces

  8   influences, en fait, ont été décisives. Essayons de voir à présent ce qui a

  9   été dit, et comment est-ce que cela a été formulé par des protagonistes de

 10   premier plan au sein de la communauté internationale, comment on s'exprime

 11   au sujet de notre affaire.

 12   "C'est de première main que j'ai pu voir comment le fait que

 13   l'Occident n'ait pas su réagir a pu contribuer à l'effondrement de la

 14   Yougoslavie qui s'est passé dans le bain de sang, et cetera.

 15   Premièrement, on a reconnu la Croatie de manière prématurée, avant que des

 16   garanties aient été apportées à la population serbe de Croatie qui, vu les

 17   événements terrifiants qui s'y sont produits pendant la Seconde Guerre

 18   mondiale, faisait que la guerre civile était inévitable.

 19   "L'encouragement lancé par Alija Izetbegovic à ce qu'il retire sa

 20   signature de ce qu'on a appelé l'accord de Lisbonne et d'organiser un

 21   référendum sur l'indépendance de la Bosnie, alors que tout un chacun savait

 22   que cela entraînait la guerre, et cetera."

 23   Ensuite, James Bissett, qui était ambassadeur canadien en Yougoslavie

 24   :

 25   "La plus grande des erreurs a été le fait de reconnaître tous

 26   ces petits pays qui se sont mis à se proclamer indépendants. Les Serbes

 27   avaient des raisons valables de s'inquiéter en redoutant de se retrouver

 28   dans un pays dominé par les Musulmans. Ce n'était pas que la paranoïa."

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  1   Colin Powell qui était général américain.

  2   "Cette reconnaissance prématurée de la part de la Communauté européenne a

  3   enlevé toute possibilité d'empêcher une solution négociée pour la

  4   Yougoslavie, a contribué à ce que la guerre civile éclate en Bosnie. La

  5   responsabilité de l'Allemagne et du Vatican pour cette crise est énorme."

  6   Ronald Dumas, qui était ministre français des Affaires étrangères à

  7   l'époque.

  8   "Je suis très préoccupé. Toute reconnaissance prématurée ou sélective

  9   pourrait attiser le conflit en Bosnie-Herzégovine." Perez de Cuellar,

 10   secrétaire général des Nations Unies.

 11   "Genscher a promis une récompense, et cela a eu un effet. Les séparatistes

 12   croates ont intensifié leurs activités armées. Ils ont assiégé les casernes

 13   de la JNA, leur ont coupé l'eau et le courant. Le bain de sang a continué,

 14   et puis à la fin de l'année, l'Allemagne a reconnu la Croatie, la Bosnie-

 15   Herzégovine. Cette magnifique Yougoslavie en petit a été entraînée dans une

 16   guerre civile catastrophique qui allait durer plusieurs années." Hartmann,

 17   l'ambassadeur en Yougoslavie.

 18   "Et nous avons dit si la Yougoslavie ne se décomposait pas en paix, il

 19   allait y éclater une atroce guerre civile. Le problème véritable est qu'il

 20   y a une déclaration unilatérale de l'indépendance et le recours à la force

 21   afin d'accéder à cette indépendance, plutôt que de procéder à des

 22   négociations pacifiques. C'est de cette manière-là qu'on aurait dû

 23   procéder." James Baker. qui était secrétaire d'Etat à l'époque, américain.

 24   "Cette reconnaissance prématurée de la Slovénie et de la Croatie a

 25   constitué une garantie que la Yougoslavie n'allait pas se décomposer en

 26   paix. Une fois de plus, l'intervention occidentale a exacerbé le problème

 27   des Balkans qui est déjà suffisamment difficile en soi. L'intervention

 28   allemande avait peu à voir avec le problème véritable de Yougoslavie à

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  1   l'époque."

  2   L'ambassadeur américain à l'époque, en Yougoslavie.

  3   "J'étais d'avis que les frontières internes des six républiques de l'ex-

  4   Yougoslavie devaient être bien consolidées avant qu'on ne pose la question

  5   de la reconnaissance de ces républiques. Je pense que c'était idiot de

  6   procéder ainsi, que ça a été bien pire que la reconnaissance prématurée en

  7   tant que telle."

  8   "Zimmermann a dit à Izetbegovic : Tiens, pourquoi n'attendrais-tu pas pour

  9   voir ce que les Etats-Unis d'Amérique peuvent faire pour toi, autrement

 10   dit, nous allons te reconnaître, puis par la suite, nous allons te venir en

 11   aide pour que tu n'acceptes pas l'accord de Lisbonne, que tu n'acceptes pas

 12   le plan de Cutileiro. Attends un petit peu pour obtenir un état unitaire

 13   bosnien. Donc, ça a été un tournant dans le cas de nos efforts

 14   diplomatiques." George Kenney, qui a été diplomate américain chargé de ces

 15   questions à l'époque.

 16   Je ne sais pas s'il faut que je donne lecture de la totalité du texte ou

 17   vous pouvez lire à l'écran; il ne nous en reste que deux ou trois.

 18   "Cette intervention américaine allait nécessairement entraîner la guerre

 19   civile en Bosnie, la mort, et le déplacement de milliers de personnes. On

 20   aurait dit que les Etats-Unis étaient décidés à mener une politique qui

 21   allait empêcher que l'on résolve le conflit de manière pacifique."

 22   "Ensuite, reconnaissance prématurée de la Slovénie, la Croatie, la Bosnie

 23   par la Communauté européenne et par les Etats-Unis d'Amérique que nous

 24   voyons aujourd'hui." Cyrus Vance, qui a été envoyé spécial des Nations

 25   Unies pour l'ex-Yougoslavie.

 26   "Le gouvernement allemand insistait sur la reconnaissance contrairement à

 27   l'hésitation, à la résistance, au refus des autres pays européens, et en

 28   résultat, on a eu une catastrophe." Le premier ministre néerlandais de

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  1   l'époque.

  2   Moi-même et mon collègue de la présidence, M. Koljevic, nous nous sommes

  3   fait dire par Izetbegovic, à son retour d'Allemagne, qu'il a reçu une offre

  4   de telle qualité qu'il ne pouvait pas la refuser, qu'il lui fallait choisir

  5   la voie de l'indépendance. Parmi ces gouvernements, certains étaient des

  6   gouvernements amicaux, ce sont eux qui ont allumé ce troisième incendie des

  7   Balkans, le troisième en l'espace d'un siècle. Les événements nous

  8   montreront par la suite que parmi ces gouvernements, et avant tout

  9   l'Allemagne, d'ailleurs, d'ores et déjà, pendant que Tito était en vie, ont

 10   su que la guerre allait éclater et ont envisagé les différentes issues

 11   souhaitables ou pas souhaitables pour cette guerre. Donc ils ont bien su

 12   anticiper. Et pourquoi ? Parce que parmi nous, aucune guerre qu'on ait

 13   connue par le passé n'a pu avoir lieu sans qu'elle ait des composantes de

 14   guerre civile. Donc, si une guerre éclate sur notre territoire, c'est

 15   toujours une guerre fratricide, une guerre qui a des éléments de guerre

 16   civile. Mais alors, je vous demande comment cette responsabilité pour le

 17   déclenchement de la guerre civile qui, du côté des gouvernements

 18   occidentaux, du côté des services occidentaux était anticipée et vue bien

 19   avant que Karadzic et le SDS ne voient le jour, comment est-ce que le

 20   Procureur peut l'imputer à l'accusé ici présent ? Comment est-ce qu'il peut

 21   se faire attribuer cela ?

 22   Alors, une autre source de clairvoyance pour ces gouvernements, ça a

 23   été le fait de savoir comment les Yougoslavies, de par le passé, ont vu le

 24   jour, et comment elles ont disparu, chacune à son tour, parce que ce

 25   n'était pas la première des Yougoslavies qu'on ait connues. Mais précisons

 26   que c'est uniquement pour répondre à des intérêts des puissances

 27   occidentales que toutes les Yougoslavies, de par le passé, ont vu le jour.

 28   A l'issue de la Première Guerre mondiale, la Serbie était du côté des

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  1   forces victorieuses. Elle avait la possibilité, à ce moment-là, de choisir

  2   la forme qu'aura la Yougoslavie à ce moment-là. Les Slovènes et les Croates

  3   se sont précipités sur le giron serbe à ce moment-là, et la Slovénie et la

  4   Croatie devaient être enlevées à l'Allemagne. Donc, pour qu'elle soit

  5   écartée de la Méditerranée et de l'Adriatique en 1941, la Yougoslavie s'est

  6   décomposée. A partir du moment où les alliés l'ont emporté sur le IIIe

  7   Reich, en 1945, la Yougoslavie a été recomposée. Lorsque l'Allemagne, en

  8   1991, a été plus forte que ses alliés, la Yougoslavie s'est décomposée.

  9   Mais aujourd'hui, à la différence de 1941, ceux qui exécutent les intérêts

 10   allemands, ce sont nos ex-alliés et ceux de la Seconde Guerre mondiale.

 11   Donc, c'est ce qui rend la victoire allemande définitive, complète. Donc,

 12   ces ex-adversaires de la Seconde Guerre mondiale se chargent maintenant de

 13   sa partie du travail, ce qu'elle n'a pas réussi à faire à l'époque, à

 14   l'époque où elle a essuyé une défaite. Donc, la responsabilité incombe à

 15   ces gouvernements. La Yougoslavie n'est qu'un papier tournesol qui révèle

 16   les rapports de force en Europe. Je me permets de rappeler une chose. Avant

 17   que les Croates n'aient été poussés au sein de la Yougoslavie en 1918, il

 18   n'y avait aucune hostilité, aucune raison qu'il y ait une hostilité entre

 19   les Croates et les Serbes. Ils n'étaient pas ennemis à ce moment-là.

 20   Mais voyons un peu. Oui, tout cela c'était ce qui était prévu à

 21   l'époque de Tito, déjà. Mais voyons maintenant ce que Lord Carrington

 22   déclare au sujet de l'intervention de la Communauté européenne à l'époque,

 23   dans ces événements.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Si les Américains interviennent, il risque d'y avoir un nettoyage

 27   ethnique. Mais à la fin de tout ceci, il y aura des catastrophes et un

 28   grand nombre de personnes plongées dans le malheur. C'est le cas dans

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  1   toutes les guerres civiles."

  2   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] La vérité et l'intelligence l'emportent

  4   toujours, et les petits peuples ne peuvent que nourrir le désir de

  5   l'emporter au début et pas à la fin, parce qu'à la fin il est trop tard

  6   pour ces petits peuples.

  7   J'aimerais maintenant vous rappeler que cette intervention, cette ingérence

  8   de la communauté internationale a permis la prolongation de la guerre. Ce

  9   fait est d'ailleurs confirmé par Richard Holbrooke ces derniers jours. La

 10   seule chose que je peux lui dire c'est ce que dirait Njegos, un grand poète

 11   serbe : Dans ces conditions, je te remercie de cet aveu.

 12   Il sera démontré qu'il est exact que certains Etats sont allés jusqu'à

 13   nuire aux chances de rétablissement de la paix qu'il pouvait y avoir parmi

 14   ces populations de la région.

 15   J'indique aux interprètes que je saute un passage dans le texte.

 16   M. Tieger a déclaré dans son propos liminaire que même si on examine

 17   superficiellement les documents émanant de l'assemblée du 17 octobre, par

 18   exemple, où une citation tout à fait cruciale était examinée, c'est-à-dire

 19   qu'une décision particulièrement importante a été prise au sujet de

 20   l'avenir de la Bosnie-Herzégovine, M. Tieger déclare que même si on examine

 21   cette réunion et les documents qui en sont issus de façon superficielle, on

 22   reconnaît la responsabilité de la partie serbe. Je pense que c'est le côté

 23   superficiel qui est en cause et qui doit être condamné dans cette phrase.

 24   En effet, la Défense s'oppose à un examen superficiel. Elle insiste pour

 25   que l'examen en question soit approfondi.

 26   L'assemblée en question, c'est l'assemblée au cours de laquelle le

 27   SDA a finalement réussi, de façon illégale, à faire adopter une déclaration

 28   relative à la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine en l'absence des

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  1   députés serbes et en l'absence d'un certain nombre d'autres députés. Donc,

  2   le départ de ces députés de la salle a mis fin à la réunion et une nouvelle

  3   réunion a été convoquée de façon entièrement contraire à la loi. Cette

  4   décision a donc été prise dans un contexte illégal. Suite à cela, j'ai

  5   prononcé une allocution qui est l'allocution la plus souvent citée par le

  6   bureau du Procureur de ce Tribunal. C'est l'accusation la plus lourde qui

  7   pèse sur moi, de la part du bureau du Procureur. Madame, Messieurs les

  8   Juges, cette allocution était exclusivement destinée à lutter contre la

  9   guerre. C'est une allocution par laquelle la partie serbe, autrement dit

 10   moi-même, demande que les solutions favorables à la paix soient acceptées,

 11   que les concessions nécessaires soient faites.

 12   Si la Défense a la possibilité et les moyens de recueillir tous les

 13   éléments de preuve nécessaires pour les présenter à la Chambre, les Juges

 14   constateront que ce qui s'est passé sur le terrain au cours de cette guerre

 15   civile a donné lieu à un grand nombre de crimes, de tueries de masse et

 16   d'assassinats de civils en plein centre de Sarajevo, alors que les

 17   habitants faisaient la queue pour se fournir en eau. Je veux parler de

 18   Markale 1 et Markale 2, qui sont des exemples particulièrement parlants et

 19   cruels de ces événements.

 20   Si, comme le dit M. Tieger, nous jetons un coup d'œil superficiel aux

 21   documents qui concernent Markale, on peut se rendre compte de l'apparence

 22   de cette situation.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà les images qui vous montrent un jour

 25   normal, un jour de marché avec de nombreux produits en vente. Ceci, c'est

 26   le marché avant la prétendue explosion d'un obus serbe. On est en hiver, 5

 27   février 1994, dans la matinée. Ici, vous voyez une jambe artificielle dont

 28   il est dit que c'est un obus serbe qui l'a détachée du corps auquel elle

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  1   appartenait. C'est bien sûr une prothèse, mais on ne voit aucun obus. Ici,

  2   il était censé y avoir 300 à 400 personnes dont 200 étaient censées avoir

  3   été touchées par les éclats d'obus.

  4   Et voilà cette même prothèse qui a été arrachée par un obus serbe.

  5   Je vous demande d'examiner avec attention les étales. Il n'y a pas un seul

  6   produit sur ces étales. C'est un endroit qui n'est pas agréable. On est en

  7   hiver, il n'y a pas beaucoup de lumière. Il n'y a rien sur les étales, et

  8   il y a 300 à 400 personnes qui sont rassemblées ici. Qu'est-ce que font ces

  9   personnes ?

 10   Comment le Procureur s'attend-il à ce que des Juges expérimentés

 11   acceptent des éléments imposés de la sorte ?

 12   Dans ce prétoire, nous verrons, vous voyez ici les cadavres, les

 13   cadavres de combattants qui ont péris. Un certain nombre de combattants ont

 14   effectivement trouvé la mort. Vous voyez cette bâche en plastique qui

 15   permet le transport des combattants décédés. Là, vous voyez un cadavre qui

 16   est, bien entendu, le cadavre d'un combattant.

 17   Vous voyez qu'il n'y a rien sur les étales. Ecoutons ce que dit le chef :

 18   "Je suis le chef de l'état-major du secteur de Sarajevo, et je tiens à

 19   expliquer les détails de l'enquête qui a permis de faire valoir l'expertise

 20   des Nations Unies. En tant que soldat de métier, je ne suis pas d'accord

 21   avec les raisons invoquées pour ce pilonnage et ses conséquences. Ici, vous

 22   voyez ce qui, sans doute, est une partie des documents des Nations Unies

 23   relatifs à ce pilonnage, mais les conclusions que l'on peut lire dans ces

 24   documents sont très curieuses, car il y est indiqué que le pilonnage

 25   proviendrait de la partie serbe. Ici, vous voyez des graphiques qui

 26   cherchent à déterminer les angles de tir et les origines du tir. Selon

 27   l'enquête qui a été menée, l'angle de tir serait de 176 degrés.

 28   "Aujourd'hui, personnellement, et suite au travail de groupes

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  1   d'enquête très restreints à ma disposition, composés d'un certain nombre

  2   d'officiers, nous nous trouvions à cet endroit, cet endroit, cet endroit,

  3   et encore à cet endroit, et je puis affirmer absolument et sans l'ombre

  4   d'un doute que ces endroits ne conviennent pas à des tirs de mortier.

  5   "Les conclusions tirées par le groupe d'experts sont donc erronées. Je vous

  6   parle uniquement du terrain où étaient positionnées les troupes serbes. Une

  7   enquête a été menée au sujet de l'origine du tir, des directions, et la

  8   conclusion automatique a été que le tir était d'origine serbe et visait la

  9   population civile de Sarajevo. A mon avis, c'est une conclusion erronée.

 10   "Mettons un terme à la diffusion des mensonges au sujet de l'agression

 11   serbe contre Sarajevo, je vous en prie. Menons une enquête absolument

 12   correcte dans toutes ses composantes ou, sinon, arrêtons l'enquête."

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que l'heure

 14   vous conviendrait pour la pause.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous m'y autorisez, j'aimerais simplement en

 16   finir sur ma façon de voir cet événement.

 17   Cet événement est celui qui a conduit à la condamnation des Serbes. On dit

 18   que dans la guerre et en amour tout est permis. Pour ma part, je ne pense

 19   pas que tout soit permis ni en amour ni dans la guerre, mais ce qui est

 20   certain c'est que si un comportement comme celui-ci est autorisé en temps

 21   de guerre, la question se pose de savoir s'il est autorisé devant des

 22   tribunaux ? Comment est-ce que le Procureur a le front de vous présenter un

 23   tel élément de preuve ? Comment est-ce que vous pourriez le reconnaître

 24   comme vrai, alors qu'il n'existe pas un seul élément, il n'existe pas le

 25   moindre indicateur qui permet de penser que l'obus en question pouvait

 26   tomber sur ce marché où il n'y a pas de clientèle, où il n'y a aucun

 27   produit sur les étales, et où les étales en question n'ont sauvé la vie à

 28   personne. Il n'y avait que ces 300 à 400 personnes, des combattants qui se

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  1   trouvaient là.

  2   Je pense que ça c'est vraiment le comble de ce que l'on est en droit

  3   d'appeler une injustice devant un tribunal. Ecoutez, des ruses de guerre,

  4   d'accord, on se trompe les uns les autres, admettons. Mais que le Procureur

  5   prennent en compte ces ruses de guerre contre moi et condamne d'abord M.

  6   Galic pour ensuite me condamner moi-même comme étant prétendument le second

  7   de M. Galic, ça c'est inacceptable.

  8   La Chambre Galic a défendu une position tout à fait exceptionnelle,

  9   mais en appel, malheureusement, cinq juges ont été convaincus par le

 10   Procureur que cet acte avait été commis par les Serbes. Des crimes encore

 11   plus graves sont imputés aux Serbes alors que ces crimes devraient être

 12   imputés aux Serbes et on affirme aux Musulmans que ce sont les Serbes qui

 13   sont responsables. Comment est-ce qu'on peut attendre une réconciliation

 14   dans ces conditions, alors que nous démontrerons que les Serbes n'ont pas

 15   commis cet acte et que les Musulmans sont convaincus que les Serbes sont

 16   coupables ? Nous démontrerons ici, avec des éléments de preuve de qualité,

 17   que les Serbes ne sont pas responsables de cet acte.

 18   Voilà ce que je voulais dire, et je pense qu'au sujet de cet

 19   incident, ce que j'ai déjà dit suffit dans le cadre de mon propos

 20   liminaire, mais c'est un bon exemple des trucs mis en œuvre pendant une

 21   guerre et repris en compte par le Procureur devant un tribunal. Le

 22   Procureur, en agissant ainsi, devient un auteur à part entière de la

 23   guerre, et ce Tribunal devient un auteur à part entière de la guerre et il

 24   se trouve du côté d'une des parties belligérantes.

 25   Nous pouvons maintenant faire la pause.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20

 27   minutes.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

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  1   Juges, je voudrais soulever un point ou une précision avant de faire la

  2   pause. J'avais fait une demande concernant la motion pour les mesures qui

  3   avait été déposées le 13 février, ce n'était pas en fait un avertissement à

  4   l'attention de l'accusé pour la poursuite du procès, mais c'était une

  5   requête pour la recevabilité de certaines écritures. Je voulais préciser

  6   cela parce qu'il y a eu des discussions préalables qui ont fait l'objet de

  7   certaines préoccupations, à savoir que cette Chambre de première instance

  8   pensait que je faisais référence à un avertissement pour la poursuite du

  9   procès, alors qu'en fait il s'agit d'une question de recevabilité de

 10   certaines déclarations et de certaines écritures.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez dire la recevabilité

 12   d'écritures.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Oui, effectivement. Il s'agissait de cette

 14   requête qui a été déposée le 23 février. Je pense que la Défense a répondu

 15   en disant qu'ils n'avaient aucune position à cet égard.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause.

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, nous avons étudié la

 20   requête que vous avez mentionnée, et la Chambre a trouvé qu'il était

 21   suffisant que, conformément à l'article 84, l'accusé pouvait faire cette

 22   déclaration et que le reste serait traité par sa déclaration.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je comprends tout à fait, Monsieur le

 24   Président, et je n'avais aucun argument à ce sujet à l'attention de Chambre

 25   d'audience. J'étais simplement préoccupé par la possibilité de ce type de

 26   confusion. Merci.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 28   Monsieur Karadzic, vous pouvez continuer.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous allions à une

  2   vidéo où nous parlons de Lord Owen, qui était le médiateur pour les

  3   pourparlers pour la paix. Et je voudrais que l'on commence par voir ce

  4   qu'il a dit au sujet de Markale.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "Le soir du 12 février, nous avons reçu des rapports, ainsi que le 5

  8   février. Lord Owen a écrit sur : 'La position sur les bombardements qui

  9   avaient été lancés et qui étaient situés à environ un demi kilomètre dans

 10   le territoire tenu par les Musulmans. Nous avons mesuré la ligne de

 11   démarcation qui sépare le territoire de l'armée de la Republika Srpska.'"

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voyez, Madame, Messieurs les Juges, que

 14   dans ce prétoire, il y a une multitude de choses similaires et que de

 15   l'autre côté, il y a notre propre peuple qui devait également gérer cette

 16   situation.

 17   Maintenant, je voudrais attirer votre attention sur encore un autre

 18   subterfuge de ce type qui a causé beaucoup de dégâts concernant

 19   l'Accusation et ce qu'elle essaie donc de tirer de cela.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Toute personne qui essaie de prouver son innocence dans cette

 23   affaire a, bien sûr, sa propre version, la victime, et puis également les

 24   agresseurs. Rien n'est blanc, rien n'est noir.

 25   Lord David Owen est venu en Bosnie-Herzégovine en août 1992 pour remplacer

 26   Lord Carrington en tant que médiateur pour la Communauté européenne et avec

 27   la réputation d'un critique très tranché des Serbes de Bosnie. Mais Lord

 28   Owen a très rapidement appris que les forces musulmanes avaient, de manière

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  1   routinière, organisé des subterfuges pour que l'opinion mondiale se tourne

  2   contre les Serbes. Il y a des rapports dans les médias, par exemple, qui

  3   ont accusé des Serbes d'avoir ciblé l'hôpital de Kosevo à Sarajevo.

  4   Les observateurs des Nations Unies ont, en fait, vu des bombes au mortier,

  5   un équipage de bombes au mortier, venant de rentrer dans l'hôpital, et les

  6   forces militaires du gouvernement de Bosnie étaient en uniforme et se

  7   trouvaient également dans l'hôpital de Kosevo et dans la zone, c'étaient

  8   probablement des Serbes. Et tout ceci donc s'est produit très rapidement.

  9   Il y a une équipe de télévision qui est arrivée, qui a commencé à

 10   s'installer aux environs de l'hôpital. Et quelques minutes plus tard, il y

 11   a eu des tirs de représailles qui venaient de mortiers et qui ont touché

 12   l'hôpital, et cette équipe de télévision a filmé l'attaque.

 13   Nous avons ensuite appris qu'une lettre avec des propos très forts

 14   avait été envoyée au gouvernement d'Alija Izetbegovic par le commandant des

 15   Nations Unies à Sarajevo, le général Filip Morillon, qui déclarait qu'il

 16   avait maintenant des éléments de preuve concrets avec les témoins de ce

 17   qu'il considérait comme des actes de lâcheté. Je dois dire qu'en ce qui

 18   concerne également la convention de Genève, elle était également mise en

 19   cause.

 20   Lorsque j'ai dit au général Morillon, qui, je pense, est un soldat

 21   exceptionnel de quelque manière que ce soit, de ne pas rendre ceci public.

 22   Mais en fait, il a haussé les épaules et a dit que c'était la manière dont

 23   lui considérait les choses."

 24   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le mot propagande de guerre a été utilisé.

 26   Cette propagande de guerre n'aurait pas pu être menée, toutes ces ruses

 27   n'auraient pas pu s'exprimer quant au fait que les Serbes devaient être

 28   considérés comme coupables s'il n'y avait pas eu l'aide de tous ceux qui

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  1   étaient du côté de la communauté internationale. Vous verrez dans ce

  2   prétoire, en temps utile, à quel niveau les organisations humanitaires en

  3   sont arrivées, y compris certaines dont la réputation est très bonne. Il y

  4   a déjà eu des gens qui ont franchi toutes les lignes par le passé, mais

  5   ici, c'est l'idée même de l'humanitaire qui a été démolie. Ces humanitaires

  6   ont espionné pour l'une ou l'autre des parties belligérantes. Ils ont menti

  7   dans des articles de presse. Ils ont fait entrer en contrebande des armes

  8   et des munitions, ils ont franchi nos lignes, ils ont prétendu appartenir à

  9   ces organisations humanitaires et ont bénéficié de véhicules protégés. Et

 10   lorsque nos soldats, par la suite, ont commencé à faire preuve de suspicion

 11   et à effectuer des vérifications dans ces véhicules, nous avons été

 12   critiqués pour comportement déplaisant à l'égard de ces organisations. Or,

 13   certains d'entre eux ont introduit des armes illégalement chez nous, et

 14   donc étaient comparables à des combattants. En un mot, c'était une partie

 15   belligérante. Ces organisations étaient des parties belligérantes.

 16   Lorsque nos soldats ont commencé de façon tout à fait légitime à se

 17   défendre par rapport à ces actions de sabotage, ces actions illégales

 18   lancées par des organisations dites humanitaires qui faisaient cela de leur

 19   propre chef ou se contentaient de remettre des véhicules protégés à des

 20   parties tierces, nous avons subi cette sale guerre engagée contre nous. En

 21   sus de cette guerre dans les médias, comme l'a dit Lord Owen, cette guerre

 22   médiatique n'aurait jamais dû avoir lieu.

 23   Vous verrez pendant la présente procédure que de faux journalistes

 24   ont démoli le concept même de journalisme impartial. Vous verrez que ces

 25   faux journalistes ont mené à la mort de véritables journalistes dans un

 26   grand nombre de théâtres de guerre dans le monde entier en réduisant à

 27   néant l'impartialité du journaliste et en abusant du devoir sacré ou en

 28   tout cas de leur position sacrée, qui leur impose l'impartialité et leur

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  1   impose de ne pas s'associer à une partie belligérante pour avoir accès à

  2   tous les lieux concernés. Et cet accès, nous le leur avons autorisé.

  3   Par exemple, il y a eu cette équipe de télévision britannique que nous

  4   avons transportée à bord de notre avion après la conférence de Londres.

  5   Nous avons amené ces journalistes sur place, nous les avons autorisés à

  6   aller partout où ils souhaitaient se rendre. Et il y a eu le deuxième

  7   incident de Markale en 1992, à partir de Trnopolje. Vous verrez cette

  8   séquence qui prouvera que Trnopolje n'était pas un camp. C'était un centre

  9   de regroupement qui était dirigé par les réfugiés eux-mêmes.

 10   Voilà comment on a montré cette image avec les fils de fer barbelés qui a

 11   fait le tour du monde.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Ce centre était principalement utilisé par des personnes en transit

 15   qui essayaient de fuir les combats et avaient besoin d'un lieu où s'abriter

 16   pendant leur voyage.

 17   Nous n'avons aucune raison de combattre. Je suis arrivé ici avec des

 18   enfants en bas âge dans ce pré. Personne ne nous harcèle. Personne n'a levé

 19   un doigt contre nous. J'ai habité dans le village.

 20   Dans ce centre, il y avait un local destiné aux soins médicaux. Les équipes

 21   d'ITN ont interviewé le Dr Idriz, docteur en médecine.

 22   Nous avons choisi de ne pas placer nos caméras pour filmer dans ce

 23   secteur à l'air libre. Au lieu de cela, l'équipe de télévision est entrée

 24   dans un espace mi-clos, utilisé comme lieu de stockage pour un certain

 25   nombre de produits. Au fond, il y avait des rouleaux de fil de fer barbelé,

 26   et il y en avait également devant pour empêcher les vols. Notre équipe a

 27   filmé les représentants d'ITN qui se sont faufilés dans un trou de cette

 28   clôture. Quelqu'un dans la foule déclare qu'il y a un homme qui parle

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  1   anglais, en montrant du doigt M. Mehmet [phon], qui dit :

  2   Je pense qu'il n'y a rien de mauvais qui se passe ici.

  3   Est-ce que vous vous sentez en sécurité ici ?

  4   Je pense que je suis en sécurité, mais c'est très dur.

  5   Donc nous voyons deux équipes ici d'ITN, qui sont représentées par le

  6   cercle bleu sur la gauche de l'écran et par le cercle sur la droite.

  7   Cet homme est très maigre.

  8   Penny Marshall a braqué sa caméra sur l'arrière du fil de fer barbelé, et

  9   elle cherche le meilleur angle de tournage. Elle veut une star pour son

 10   histoire, une histoire qu'elle va raconter au monde entier."

 11   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous allons

 13   prouver par voie d'éléments de preuve que l'Accusation s'efforce d'utiliser

 14   à tort un certain nombre d'éléments contre nous. Nous allons prouver que ce

 15   que nous disons est vrai.

 16   Ce lieu était un centre de regroupement. C'était un centre de transit

 17   destiné à des personnes qui n'avaient nulle part où aller en raison des

 18   combats qui se déroulaient tout autour d'eux. Donc les éléments que nous

 19   présenterons vous montreront de façon convaincante et vous démontreront que

 20   l'Accusation s'efforce d'utiliser à tort contre nous certains éléments,

 21   mais nous allons les utiliser pour notre Défense.

 22   L'équipe que vous voyez est passée par un trou dans la clôture, et

 23   c'est de là que viennent ces images de fil de fer barbelé. Ces journalistes

 24   étaient entourés par des fils de fer barbelé, mais ils filmaient des

 25   personnes libres. Nous avons souffert beaucoup à cause de cette image qui a

 26   fait le tour du monde et qui nous a punis de notre générosité. Je me

 27   demande comment Mme Penny Marshall peut dormir après avoir fait le mal

 28   qu'elle a fait en transmettant ces images un peu partout dans le monde,

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  1   mais que ces images soient diffusées dans un prétoire et que cette ruse de

  2   guerre soit utilisée dans un tribunal pour donner une image négative des

  3   Serbes, permettant de condamner les Serbes, ça, c'est une question bien

  4   différente.

  5   J'ai dit que nous avions fait notre possible pour réaliser la paix et

  6   éviter la guerre. Je rappellerais qu'en 1991, la tension était à son

  7   comble. La guerre faisait rage en Croatie, il y avait toutes sortes de

  8   malentendus. Et arrive à ce moment-là un dirigeant du parti musulman, du

  9   groupe dirigé par Zulfikarpasic et Filipovic, qui nous dit que ceci est

 10   très mauvais, que ce qui est en train de se passer n'est pas bon. Est-ce

 11   que vous allez abandonner l'idée de régionalisation avec création de

 12   provinces autonomes, est-ce que vous allez abandonner toutes les autres

 13   mesures que nous avons entreprises pour répondre aux mesures prises contre

 14   nous par le SDA, et nous avons accepté cette proposition, les dirigeants en

 15   question peuvent en témoigner.

 16   Ils ont conçu et proposé un accord historique avec les Musulmans dans le

 17   but d'éviter la guerre. Et toute l'idée, c'était que les Musulmans et les

 18   Serbes vivaient côte à côte et devaient continuer à le faire et que nombre

 19   d'entre eux auraient pu le faire sans tomber dans la misère, si l'accord

 20   avait été conclu. Comme je l'ai dit, toutes les mesures que nous avons

 21   proposées pour répondre aux mesures illégales de la partie musulmane et

 22   croate respectaient la loi, la législation et les conventions

 23   internationales. Toutefois, nous avons tout abandonné dès lors que

 24   Zulfikarpasic et Filipovic ont proposé l'idée que je viens d'évoquer.

 25   Et je pense que le moment est bienvenu pour mettre le doigt sur une

 26   illusion que l'Accusation souhaite créer, car en l'absence de cette

 27   illusion, en l'absence de ce truc, le bureau du Procureur ne peut m'accuser

 28   de rien. L'Accusation prétend que les Serbes ne souhaitent pas vivre aux

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  1   côtés des Musulmans. Par ailleurs, nous faisions tout notre possible pour

  2   que les Musulmans restent dans le giron de la Yougoslavie. Les Serbes

  3   souhaitaient vivre aux côtés des Musulmans, mais ne souhaitaient pas vivre

  4   sous la domination des Musulmans, et ceci était pleinement notre droit.

  5   Nous ne vivrons jamais dans un régime sous un gouvernement qui nous

  6   priverait de nos droits fondamentaux.

  7   Donc dès lors que nous avons établi que les Serbes ont tout fait pour que

  8   les Musulmans restent dans le giron de la Yougoslavie et vivent à leurs

  9   côtés, l'acte d'accusation devrait être abrogé. Qu'est-ce que les Musulmans

 10   avaient dans la Yougoslavie de l'époque ? Ils jouissaient d'une protection

 11   qui leur était due en tant que peuple, ils jouissaient d'une protection car

 12   ils avaient leur propre république. Si les Musulmans avaient dit : "Nous

 13   voulons quitter la Yougoslavie," on pouvait simplement leur répondre :

 14   "Donnez-nous ce dont vous jouissez en Yougoslavie et vous pouvez partir."

 15   Comme je l'ai dit, 100 % du pouvoir sur 100 % du territoire de Bosnie n'a

 16   jamais été une option envisageable.

 17   Alors, si vous tirez une seule phrase de toute une allocution, et je

 18   parle de l'allocution que j'ai prononcée en personne et qui a beaucoup été

 19   exploitée, j'aimerais appeler l'attention des Juges de la Chambre sur cette

 20   allocution qui a été prononcée le 15 octobre et qui concerne l'adoption

 21   sous la contrainte de la déclaration d'indépendance.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "De nombreux plans ont été proposés ici que vous défendez lorsqu'ils

 25   vous conviennent, et quand ils ne vous conviennent pas, vous faites des

 26   proclamations politiques. Les Serbes de Bosnie-Herzégovine peuvent empêcher

 27   les Croates et les Musulmans, si c'est nécessaire, de s'exprimer. Mais nous

 28   ne le ferons pas; nous n'allons pas vous empêcher, car nous sommes un

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  1   peuple fier. Mesdames, Messieurs, je ne suis pas arrivé ici comme le dieu

  2   de la guerre, qualificatif qui m'a été donné par un représentant du Parti

  3   démocratique croate, mais je vous répète, pour la centième fois, que le

  4   Parti démocratique serbe n'exprime pas la volonté du peuple serbe. Il en

  5   est le porte-parole. Nous mentirions si nous vous disions que vous pouvez

  6   adopter ce plan et qu'il vous apportera quelque chose.

  7   Mesdames, Messieurs du SDA, depuis trois mois, nous discutons

  8   librement et ouvertement au sujet d'une nouvelle forme d'organisation pour

  9   la Bosnie-Herzégovine. Peut-être y a-t-il encore une possibilité que la

 10   Bosnie reste intégrée et reste au sein de la Yougoslavie aussi longtemps

 11   qu'elle le souhaite, en tout cas pour les Serbes, alors que les Croates et

 12   les Musulmans peuvent partir. C'est une solution à trois niveaux qui peut

 13   être mise en œuvre aussi bien au niveau de la république qu'au niveau de la

 14   Fédération par création de provinces autonomes, comme cela a été proposé.

 15   Si vous refusez cela, nous pouvons nous mettre d'accord pour votre départ

 16   de la Yougoslavie par voie de plébiscite, mais nous utiliserons le même

 17   mécanisme et les mêmes droits pour vous empêcher de nous faire sortir de la

 18   Yougoslavie. Nous n'avons pas à l'esprit une initiative destinée à changer

 19   la structure de la Bosnie-Herzégovine. Il faut que la chose se fasse par le

 20   biais d'une commission, puis par l'expression des citoyens, autrement dit,

 21   par élection.

 22   J'essaie, de la façon la plus calme possible de vous dire que le

 23   peuple serbe vous dit que ce que vous voulez, c'est utiliser La Haye pour

 24   faire de cette république une république qui vous appartient uniquement.

 25   Ça, c'est impossible. Les Croates et les Musulmans peuvent dire pour eux-

 26   mêmes, ils peuvent s'exprimer en leur propre nom, mais ils ne peuvent pas

 27   s'exprimer au nom des autres. Nous allons faire appel à l'opinion publique

 28   pour montrer l'agression constitutionnelle qui est commise contre les

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  1   Serbes. C'est une situation qui s'est répétée une centaine de fois. Nous

  2   n'allons plus contrôler la situation si nous suivons la voie de la Croatie

  3   et de la Slovénie. Ce serait l'enfer, un enfer qui serait bien pire que ce

  4   que quiconque n'a jamais vécu.

  5   Je vous demande encore une fois, et ce n'est pas une menace de ma part, je

  6   vous prie de prendre très au sérieux l'interprétation de la volonté

  7   politique du peuple serbe qui est représentée ici par le Parti démocratique

  8   serbe et le Mouvement serbe du Renouveau. Je vous demande de prendre cela

  9   très au sérieux. Ce que vous êtes en train de faire n'est pas bon. Le

 10   chemin que vous ouvrez est un chemin vers l'enfer et la souffrance pour la

 11   Bosnie-Herzégovine, c'est un chemin comparable à l'autoroute de souffrance

 12   et de malheur qui a déjà été empruntée par les peuples croate et musulman.

 13   Ne plongez pas la Bosnie-Herzégovine dans l'enfer, ne condamnez pas

 14   éventuellement et peut-être le peuple musulman de Bosnie-Herzégovine à la

 15   disparition, parce que c'est ce qui arrivera.

 16   Des déclarations fortes ont été prononcées, il faut donc répondre par des

 17   mots forts. Comment est-ce que vous allez empêcher qui que ce soit de ne

 18   pas tuer tout le monde en Bosnie-Herzégovine ? Comment est-ce qu'on peut

 19   empêcher la guerre en Croatie, alors que les Croates ont atteint leurs

 20   objectifs politiques et qu'ils considèrent que c'était le seul moyen pour

 21   les résoudre, alors qu'ils n'ont pas utilisé un autre moyen qui était tout

 22   aussi possible et qui aurait maintenu la paix."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai également dit que nous devons éviter que

 25   le chaos ne s'installe. Nous pouvons introduire l'ordre. Ceci est en notre

 26   pouvoir. Mais nous ne pouvons pas gérer le chaos ni le désordre.

 27   Par conséquent, et en prenant tout ceci en considération, et après avoir

 28   entendu ce que diverses autorités haut placées du monde ont dit en ce qui

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  1   concerne la reconnaissance et les autres questions, on peut se demander ce

  2   que cette petite communauté de Serbes de Bosnie-Herzégovine pourrait faire

  3   mis à part être annihilée et capituler. Par conséquent, nous avons la

  4   possibilité de faire une distinction pour savoir s'il s'agissait d'un

  5   comportement licite de la part du HDZ et du SDA ou si les Serbes violaient

  6   leurs droits, ou vice versa.

  7   Il faudrait savoir si la constitution était violée et si cette

  8   constitution qui avait fait l'objet d'une négociation a été révoquée.

  9   Cette crise s'est développée et nous pouvons faire une comparaison de la

 10   manière suivante : Vous éteignez la lumière dans la taverne des Balkans, et

 11   une fois que tout est terminé, vous éclairez la lumière. Les Serbes ne

 12   pouvaient pas se permettre que cela se produise. Je voudrais vous rappeler

 13   que la division et la partition de la Bosnie-Herzégovine est venue de

 14   l'extérieur, et c'était principalement l'idée de M. Izetbegovic. Ceci sera

 15   confirmé par toutes les interceptions téléphoniques que vous entendrez. Il

 16   était seulement intéressé à avoir une Bosnie-Herzégovine, même si c'était

 17   un petit territoire, mais qui ne serait composé que d'Arabes et de

 18   Musulmans ou qui aurait une influence arabe et musulmane.

 19   Est-ce que l'on pourrait maintenant entendre la conversation entre M.

 20   Karadzic et M. Milosevic. Ce n'était pas en fait une conversation qui

 21   devait être entendue devant le public, mais là ils parlent en fait de

 22   manière très franche et authentique entre eux.

 23   [Diffusion de la cassette audio]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Karadzic : Ils nous ont surpris avant-hier, après ce déjeuner. Ils

 26   nous ont vraiment pris par surprise. Izetbegovic a parlé de la division de

 27   la Bosnie, et ceci de manière explicite et ouverte, il n'a jamais été plus

 28   explicite que cela. Nous étions choqués. Nous n'y avons vraiment pas pensé.

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  1   Je ne pense pas que lui, à savoir Izetbegovic, veut se réunifier avec la

  2   Croatie. Il veut utiliser la Croatie pour quitter la Yougoslavie, parce que

  3   ce qu'il aimerait ce serait en fait d'avoir une enclave islamique dans la

  4   vallée de la rivière Bosna, et je pense qu'il a besoin du monde arabe. Nous

  5   pensons cependant que ce serait dommage que la Bosnie ait classé notre

  6   position de base.

  7   Milosevic : Pas tous les Musulmans ne feront ce que Alija Izetbegovic fait.

  8   J'en suis sûr.

  9   Karadzic : Il est très rusé. Il ne parle pas de ces objectifs ultimes."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Après avoir étudié tout ceci,

 12   l'Accusation essaie de faire mon portrait comme d'un dirigeant qui a

 13   formulé et mis en œuvre ce plan criminel visant à créer une entité séparée

 14   avec une grande partie du territoire de Bosnie-Herzégovine. Ceci ne s'est

 15   pas produit jusqu'à ce que nous soyons forcés de prendre ce qui nous avait

 16   été proposé pour sauver nos vies.

 17   Ils ont dit que Karadzic était le dirigeant ultime. Mais si le peuple

 18   serbe avait vraiment eu connaissance de la situation de manière appropriée,

 19   ils auraient dit que Karadzic était en fait au service ultime de son

 20   peuple. Dans la deuxième partie de la phrase, c'est ce que l'on peut

 21   trouver.

 22   Ce n'est pas uniquement réfutable, mais c'est également avancé dans

 23   le paragraphe 11 de l'Accusation. Il est mentionné que :

 24   "Lorsque la Yougoslavie s'est désintégrée, différentes républiques

 25   ont opté pour l'indépendance."

 26   Je dois dire que ceci est très rusé. Les républiques ont opté pour

 27   l'indépendance parce que la Yougoslavie était en désintégration. Je

 28   voudrais recommander à tous, en guise de divertissement, tout ce que

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  1   l'Accusation a dit, vous pouvez en fait l'interpréter à l'inverse. Vous

  2   verrez que ceci est en fait très divertissant.

  3   Il s'agit d'une logique renversée, si l'on peut dire. Et ce

  4   paragraphe pourrait être compris de la manière suivante, c'est-à-dire que

  5   lorsque les républiques ont opté pour l'indépendance, c'est à ce moment-là

  6   que la Yougoslavie s'est désintégrée. C'est la vérité, et pas ce que le

  7   bureau du Procureur dit, à savoir que la première étape a été les

  8   républiques qui se sont unilatéralement déclarées indépendantes ou qui ont

  9   fait sécession. Cependant, le bureau du Procureur essaie de vous convaincre

 10   que ceci s'est produit de manière inverse. Et bien sûr, dans ce contexte,

 11   on peut parler du rôle des Serbes. Cependant, s'il est clair que

 12   l'indépendance des républiques a amené à la désintégration, tout ceci est

 13   très clair, et encore plus le fait que la Yougoslavie ne s'est pas

 14   désintégrée, mais qu'en fait c'est de l'extérieur que cette désintégration

 15   s'est opérée. La Bosnie a été fragmentée, et la Yougoslavie s'est

 16   désintégrée.

 17   Comment la Bosnie pourrait s'aventurer sur la voie de l'indépendance

 18   sans les Serbes ? Si vous regardez les cartes et les zones dans lesquelles

 19   les Serbes ont vécu depuis des temps immémoriaux, vous verrez que le SDA

 20   n'avait pas besoin des Serbes de Bosnie, mais qu'ils avaient plutôt besoin

 21   de leurs territoires, les deux tiers du territoire de la Bosnie. Le bureau

 22   du Procureur sait que les Serbes constituaient un tiers de la population,

 23   mais nous y viendrons un peu plus tard, à savoir pourquoi les Serbes qui

 24   avaient toujours été en majorité ne se sont retrouvés comme représentant

 25   plus qu'un tiers de la population, mais un tiers de la population vivait

 26   sur deux tiers du territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 27   Si le SDA avait souhaité s'accaparer les territoires serbes, le

 28   bureau du Procureur aurait pu avoir une preuve excellente grâce à M.

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  1   Tudjman avec qui j'ai eu de nombreuses conversations. On pourra en fait

  2   faire montre de cela. On pourrait écouter une interception téléphonique

  3   entre M. Tudjman et M. Holbrooke, à savoir : Les Musulmans m'ont dit qu'ils

  4   allaient tous nous exterminer. Et j'ai demandé : Comment est-ce que vous

  5   allez expulser un million et demie de Serbes de Bosnie ? Et Tudjman dit :

  6   Même si nous ne sommes pas unifiés au niveau des dirigeants musulmans, nous

  7   ne pouvons pas compter sur la guerre qui mettra fin à l'expulsion des

  8   Serbes, mais nous pouvons en fait nous fier à la Croatie. Et tôt ou tard,

  9   les Serbes pourront quitter la Bosnie.

 10   On m'a accusé de vouloir faire partir les Musulmans de la Republika Srpska.

 11   Les Musulmans dont il parle ici, les Musulmans du SDA, les jeunes

 12   Musulmans, les intégristes, voulaient que tous les Serbes quittent la

 13   Bosnie. Et maintenant, nous voyons la sincérité de M. Izetbegovic, le

 14   président du SDA, et nous voyons également ses tactiques, lorsqu'il a dit :

 15   Si je pourrais en fait me libérer de toutes responsabilités.

 16   Mais le président Tudjman à protégé M. Izetbegovic durant la guerre.

 17   Nous ne voulions pas qu'il échoue, mais nous voulions en fait un échec

 18   politique, cette idée d'avoir 100 % du pouvoir dans une Bosnie à 100 %.

 19   Ceci constitue en fait une preuve authentique.

 20   L'Accusation continue et se fourvoie encore une fois lorsque

 21   l'Accusation dit dans un de ses paragraphes que M. Karadzic a préparé des

 22   organes et des conditions pour la séparation forcée d'un point de vue

 23   ethnique et la création d'un Etat serbe à partir de la Bosnie-Herzégovine,

 24   de manière similaire à ce qui s'était produit en Croatie. Comment peut-on

 25   parler d'un état conjoint alors qu'un état conjoint existait déjà ?

 26   Et puis dans un autre paragraphe, l'Accusation poursuit en disant que

 27   les Serbes en Croatie, puisqu'ils nous relient aux Serbes de Croatie,

 28   avaient créé des institutions serbes pour résister aux autorités croates,

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  1   et avaient déclaré leur autonomie et leur indépendance, et avaient en fait

  2   déclaré une indépendance d'un tiers de territoire de la Croatie.

  3   C'est comme cela que les choses se sont passées. Nous savions que la

  4   sécession était illégale et illicite, et cette illégalité a fait l'objet

  5   d'une résistance de la part des Serbes. Ceci est légitime, mais en ce qui

  6   concerne l'Accusation, ce n'est pas légitime. En raison d'éléments de ce

  7   type, l'Accusation semble être un porte-parole plutôt qu'une instance

  8   accusatoire dans ce Tribunal. Aucun exemple juridique ni aucune instance

  9   scientifique ou universitaire a prouvé que la Croatie avait agi de manière

 10   légale et que les Serbes n'avaient pas le droit de résister vis-à-vis de

 11   cette illégalité.

 12   Je vais vous rappeler ce qui s'est passé au niveau des Serbes en

 13   Croatie. Les Serbes en Bosnie-Herzégovine étaient la population la plus

 14   ancienne. Les Serbes sont arrivés en Croatie il y a 350 ans, et on leur a

 15   donné la Krajina. Mais ce n'est pas la Croatie, c'est l'Empire austro-

 16   hongrois. C'est l'Autriche. Il y avait des combattants. Ils ont reçu des

 17   privilèges, ils ont eu des droits autonomes qui leurs ont été conférés. On

 18   leur a donné un territoire. Et en 1918, les Serbes de la Krajina ont appris

 19   qu'un jour ils devraient quitter ce territoire. Mais la Croatie serait

 20   peut-être encore en Yougoslavie. Et si en 1945 la population de la Krajina

 21   avait appris qu'on leur prendrait un jour leur territoire et qu'ils

 22   seraient expulsés et que la Krajina ne serait plus en Croatie, je ne sais

 23   pas ce qu'ils auraient pensé.

 24   Donc le peuple de la Krajina a reçu la Krajina de l'Autriche parce

 25   qu'ils l'ont gagnée en se battant contre l'attaque turque et contre

 26   l'invasion turque. Et en 1945, lorsqu'ils sont entrés en Croatie, en fait,

 27   ils ont pris le gage qu'était la Croatie. Et dans la constitution, il était

 28   stipulé que la Croatie était composée de deux nations. Il s'agissait de

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  1   Croates et de Serbes, alors qu'en 1991, la première chose que le HDZ a

  2   faite en Croatie était en fait de renvoyer les Serbes de la constitution et

  3   de les considérer comme une minorité, de façon à ce qu'ils puissent leur

  4   reprendre la Krajina.

  5   Et maintenant, nous pouvons voir ce que le Pr Antonio Cassese a dit

  6   en ce qui concerne ces mesures illicites qui ont été prises par la Croatie.

  7   Et l'Accusation, à cet égard, continue d'arguer que les Serbes ne pouvaient

  8   pas résister en Krajina, comme si ceci était en fait inscrit dans le droit.

  9   L'Accusation m'accuse d'un ethnocentrisme, d'une manière ou d'une

 10   autre, et me dit que nos motivations étaient d'ordre ethnique, car nous

 11   souhaitions constituer notre propre territoire, tant en Croatie qu'en

 12   Bosnie-Herzégovine. Mais en fait, des motifs purement ethniques émanaient

 13   des Slovènes et des Croates et des Musulmans qui voulaient quitter la

 14   Yougoslavie. Il ne s'agissait pas de motifs économiques, raciaux. Il

 15   s'agissait purement de motifs ethniques, qui les ont emmenés à cela, alors

 16   que les Serbes n'ont plus de droits pour protéger leurs propres intérêts.

 17   Par conséquent, toute crise après la Deuxième Guerre mondiale avait une

 18   justification ethnique, notamment entre 1968 et 1971 en Croatie, lorsque

 19   Tito a remplacé tout le corps dirigeant croate. Karadzic, après 1968, a

 20   participé au mouvement étudiant. Il était un étudiant, il était un

 21   dissident, mais n'a plus vraiment travaillé dans la politique.

 22   Par conséquent, le nationalisme ethnique, en 1990 et 1991, a ensuite

 23   occasionné ce qui s'est passé ensuite. Mais les Serbes étaient tenus

 24   responsables.

 25   Et je voudrais rappeler qu'en Croatie, les Serbes n'ont pas voté pour

 26   le Parti démocratique serbe en majorité, mais pour un parti multiethnique

 27   d'Ivica Racanin. La Croatie avait beaucoup de partis sécessionnistes, mais

 28   les Croates ont voté pour le HDZ qui était le parti avec la plus forte

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  1   connotation ethnique, alors que les Serbes ont voté pour le parti qui avait

  2   la moindre connotation ethnique. Et on ne peut pas considérer donc les

  3   Serbes de Croatie d'être ethnocentristes, ce qui est mentionné par

  4   l'Accusation.

  5   Si nous avons un peu de temps, j'aimerais vous montrer ce que les

  6   Serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, parce que la Bosnie-Herzégovine

  7   durant la Deuxième Guerre mondiale a opéré de concert avec la Croatie. On

  8   peut voir ce qui s'est passé. Il y a Jasenovac, qui est de l'autre côté de

  9   la Sava, et voilà en fait ce qui s'est passé. Les Oustacha qui ont été

 10   constitués en 1930, d'après ce centre Weisenthal, ont tué 500 000 Serbes et

 11   ont expulsé 250 000 autres Serbes et ont exigé qu'ils se convertissent.

 12   C'était donc selon la théorie de Mile Budak, un écrivain croate et un

 13   idéologue. Et en fait, il mentionnait que l'on allait expulser un tiers, on

 14   allait en tuer un tiers et on allait convertir le troisième tiers. Et en

 15   fait, il s'agit de la position serbe. C'est mentionné dans l'acte

 16   d'accusation. Cependant, c'est de notoriété publique qu'il y aura en fait

 17   trois tiers. Mais l'Accusation n'a pas reçu de bons conseils sur le

 18   terrain, de façon à ce que l'on puisse leur expliquer exactement ce que

 19   l'on entend par ouï-dire.

 20   C'est ce que des officiers de renseignement allemands ont dit. Cela

 21   vient toujours du centre Weisenthal. Et je voudrais attirer votre attention

 22   sur le fait que jusqu'au 17 février 1942, il y avait en fait une évaluation

 23   très précise qui avait été faite par les agents de renseignement allemands,

 24   selon laquelle 300 000 Serbes orthodoxes avaient déjà été tués, avaient été

 25   massacrés en utilisant des méthodes sadistes [phon]. Ceci n'a pas été en

 26   diminuant. En fait, nous sommes arrivés à 80 000. Mais la Croatie était

 27   disposée à prendre acte de 80 000, mais en fait il y en avait plus de 500

 28   000, parce que si durant une année il y en avait déjà 300 000, ça n'a pu

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  1   qu'augmenter dans les années qui s'en sont suivies, et on pourrait dire

  2   qu'il y a plus d'un million de Serbes de Bosnie et de Croatie qui ont en

  3   fait été tués.

  4   Maintenant, ce que l'on m'accuse ou ce qui est mentionné dans l'acte

  5   d'accusation par l'Accusation, je pense qu'il faudrait créer un acte

  6   d'accusation qui soit vraiment véridique. Les acteurs changent, mais dans

  7   ce cas-là, les dirigeants musulmans et croates devraient également être

  8   accusés.

  9   Ce serait, dans ce cas-là, un acte d'accusation authentique. Comme si

 10   Tudjman ou Izetbegovic, de 1990 à 1995, avaient établi la formulation, la

 11   mise en œuvre d'un plan criminel pour créer une entité ethnique sur une

 12   large portion de l'ancienne RFY. Ou Tudjman et Izetbegovic se sont engagés

 13   dans des négociations pour garantir un Etat commun tout en préparant

 14   simultanément des organes, des entités, et les conditions pour une

 15   séparation ethnique forcée et pour la création d'un Etat musulman croate

 16   qui aurait été créé à partir de la Yougoslavie de manière similaire au

 17   processus qui avait commencé en Slovénie -- ou plutôt, en Croatie par

 18   rapport à la Bosnie-Herzégovine.

 19   Puis dans le paragraphe 13, tout est pareil mais nous changeons les

 20   acteurs. Les Croates et les Musulmans avaient identifié des territoires

 21   considérés comme des territoires musulmans croates, ont créé des

 22   institutions musulmanes, croates séparées pour résister contre l'autorité

 23   yougoslave, ont déclaré l'indépendance, et ont pris le contrôle forcé d'une

 24   grande partie du territoire yougoslave en tuant des milliers de Serbes, et

 25   la population yougoslave n'a pas accepté ces décisions sur ce territoire.

 26   Maintenant, Excellences, Madame et Messieurs les Juges de la Chambre, les

 27   différents gouvernements et l'Accusation qui appuie ce processus, dans mon

 28   mémoire préalable au procès il est beaucoup plus probable que celui

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  1   présenté par l'Accusation. Dans ces paragraphes, il est mentionné qu'ils

  2   cherchaient à établir des armées secrètes républicaines, ils voulaient

  3   s'armer, ils voulaient violer la résolution des Nations Unies, ils avaient

  4   des projets pour refaire vivre l'empire de Croatie, et les pays occidentaux

  5   voulaient réinstituer la monarchie de Habsbourg. On voyait que la

  6   population musulmane, durant l'occupation turque il y a 500 ans, il y avait

  7   une certaine stabilité. C'est vrai, il y avait une stabilité. Comme dans un

  8   cimetière, personne ne fait rien. Il n'y a aucun mouvement dans un

  9   cimetière. Mais la culture serbe, jusqu'à l'arrivée des Turcs, était la

 10   culture dirigeante, et Stefan Lazarevic était le leader en Europe, c'était

 11   un poète, c'était un héro qui était très apprécié de ses amis.

 12   Maintenant, la Turquie veut revenir et ceci émane d'individus les

 13   plus responsables. Nous entendons ces idées qui se font voir dans les

 14   années 1990. Il y a le ministre Dotogo [phon] qui disait que la Bosnie

 15   était turque et que la Turquie était bosniaque. Nous reviendrons, parce que

 16   c'est dans notre intérêt de raviver l'Empire ottoman, et c'est ce que les

 17   serbes n'ont pas accepté.

 18   Si j'avais un peu plus de temps, je présenterais une série de preuves pour

 19   montrer que les changements terribles en Croatie immédiatement après les

 20   élections ont vu qu'il y avait, par exemple, de nouvelles mesures contre

 21   les Serbes. Il y avait l'amendement qui ne les avait pas inclus dans la

 22   constitution. La constitution qui les a réduit à une minorité nationale.

 23   Puis vous avez d'autres mesures qui ont été prises. L'armement secret, par

 24   exemple. Puis nous avions également les expulsions, les meurtres dans des

 25   villes mais également dans des territoires serbes où les Serbes étaient en

 26   majorité, puis nous avons déjà eu des colonnes de réfugiés. Des personnes

 27   qui avaient été renvoyées, qui avaient perdu leur emploi. Et l'Accusation

 28   le savait très bien. Ils l'ont mentionné. Nous avons entendu des

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  1   dépositions de témoins dans ces différents prétoires.

  2   J'ai pu voir également à quoi ressemblaient ces réfugiés. Le

  3   président Tudjman avait réhabilité le NDH, l'Etat indépendant de Croatie.

  4   Ce n'était pas un Oustachi. C'était un partisan. Mais les Oustachi ont

  5   repris le pouvoir et ont occupé des positions dirigeantes, notamment dans

  6   des zones dans la Krajina et à Banja Luka. Donc l'Accusation veut dire que

  7   ceci n'a eu aucune conséquence, aucune influence sur la mémoire ou la

  8   conscience des Serbes de Bosnie. Ils pouvaient voir qu'il n'y avait plus

  9   rien, il n'y avait plus de village, plus de passé, plus de présent, plus

 10   d'avenir.

 11   Et une de ces mesures était la suivante à introduire des symboles oustachi,

 12   par exemple, des insignes qui émanaient de l'ancien Etat oustachi, mais

 13   l'Accusation pense que ceci n'a aucune importance. Essayons de voir ce que

 14   Lord Owen a dit sur ce sujet : "C'était un acte provocateur extrême pour

 15   les Serbes de Croatie et que le gouvernement de Tudjman avait d'adopter le

 16   drapeau croate indépendant NDH qui avait été utilisé par Pavelic, c'est-à-

 17   dire l'échiquier rouge et blanc. Et c'était sous cette insigne que les

 18   Serbes étaient tombés durant la Deuxième Guerre mondiale." C'est ce que

 19   Lord Owen a dit. Ce n'était pas un acte de provocation. C'était encore plus

 20   que cela. C'était terrifiant, tant pour les Serbes que pour les Juifs. Et

 21   ceci correspond au titre d'un livre qui a été écrit par Goldstein, un Juif

 22   de Croatie, qui dit qu'en 1941, c'est l'année de son retour.

 23   Mais l'Accusation dit : Ne vous inquiétez pas de ces insignes. Il s'agit

 24   simplement de gages, de gestes. Mais je pense qu'il faudrait voir ce que

 25   cela signifie. Voyons ce que les ministres Spegelj et Boljkovac disent,

 26   c'est-à-dire le ministère de la Défense et le ministère de l'Intérieur.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

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  1   "Il y a 9 000 officiers de la JNA et 18 000 soldats de la JNA sur la

  2   totalité du territoire de la Slovénie, la Croatie et certaines parties de

  3   la Bosnie. Nous avons maintenant environ 80 000 personnes qui sont armés de

  4   Kalachnikovs. Nous allons résoudre Knin à la manière dont nous allons les

  5   massacrer. Nous avons la communauté internationale, et notamment maintenant

  6   lorsque cette guerre est en Serbie. Milosevic ? Oui. Maintenant, deux jours

  7   après il a gagné, les Américains ont offert de nous aider, mais jusqu'à

  8   présent ils avaient simplement spéculé. Ils avaient dit maintenant, ce

  9   serait ainsi 1 000 blindés, des véhicules, et cetera, et je ne sais quoi

 10   d'autre. Ils fourniront des armes et du matériel pour 100 000 soldats, et

 11   ceci gratuitement."

 12   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on arrêter la vidéo, s'il vous

 14   plaît.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour quelle raison ?

 16   L'INTERPRÈTE : Il faudrait que l'interprétation soit viva voce. L'ACCUSÉ :

 17   [interprétation] Ces propos du ministre Spegelj sont réitérés de manière

 18   tout à fait claires et doivent être interprétés simultanément dans le

 19   prétoire.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que nous avons entendu

 21   l'interprétation. Poursuivons.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Mille soldats avec l'équipement, l'armement entier, sans qu'on ait à

 25   débourser un sous. L'armée n'a rien à faire ici, tuer, fusiller sur place,

 26   dans les rues partout. Prendre un pistolet et tirer dans l'estomac. Ce ne

 27   sera pas une guerre conventionnelle. Ce sera une guerre civile. Il ne faut

 28   pas avoir de miséricorde. Ni pour les femmes et enfants."

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  1   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : La bande est inaudible, note de la cabine.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Ne prêtez pas attention aux femmes, aux enfants. Peu importe. On ne s'en

  6   occupe pas.

  7   "Liquidation physique. Les enfants, rien du tout. Peu importe.

  8   "Les Serbes ne seront plus jamais en Croatie. Nous nous servirons de tous

  9   les moyens."

 10   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Croyez-moi, ils ont fait tout, même pire. Tout

 12   ce qu'ils ont annoncé à la fin de l'année 1990, alors qu'ils faisaient bel

 13   et bien partie de la Yougoslavie à ce moment-là. Pour une partie de leur

 14   population, la partie serbe, ils leur ont réservé la liquidation, des

 15   massacres. Et ce qui a été promis, à ce moment-là, comme, par exemple, lors

 16   de la création du HDZ, Dalibor Brozovic a dit que la Croatie serait

 17   défendue sur la Drina comme pendant la Seconde Guerre mondiale. Ou Sime

 18   Djodan [phon], qui est d'origine serbe, un extrémiste croate, qui a dit que

 19   sur une montagne serbe, en surplombant Sarajevo, on verra l'échiquier

 20   croate. Ce n'est pas ce qui s'est produit en cinq ans, mais ce qui s'est

 21   produit, c'était une réitération à l'identique de ce qu'on a vu pendant la

 22   Seconde Guerre mondiale, et on a vu partir des colonnes entières de ces

 23   réfugiés qui prenaient la fuite de Croatie.

 24   Le Procureur, comme le monde entier, a accès à ces éléments. Tout le monde

 25   sait comment cela s'est terminé. Mais cela n'empêche pas le Procureur

 26   d'affirmer que je me suis contenté de regarder ce qui arrivait aux Serbes

 27   de Croatie, et que c'est, en fait, sur la base de cela que j'ai mobilisé,

 28   que j'ai incité les Serbes de Bosnie à se défendre.

Page 866

  1    Donc, je n'avais pas de raison d'inquiéter les Serbes de la Krajina -- ou

  2   plutôt, leur exemple m'a servi, et en tant que leader des Serbes de Bosnie,

  3   je me suis servi de cet exemple pour les avertir de ce qui risquait leur

  4   arriver. Le Procureur dit que je n'avais pas de raison valable pour faire

  5   cela. Excusez-moi, je trouve que l'acte d'accusation n'aurait jamais dû

  6   être dressé contre moi, et que le mémoire préalable de l'Accusation aurait

  7   dû être de bien meilleure qualité.

  8   Nous avons des promesses de deux ministres, ministre de l'Intérieur,

  9   ministre de la Défense croate, et si cela ne constitue pas un danger pour

 10   les Serbes, un avertissement aux Serbes de Croatie, écoutez, il aurait

 11   fallu qu'on soit plongé dans une anesthésie profonde, on aurait dû se

 12   laisser massacrer comme les Serbes de Knin. Voyons maintenant comment

 13   l'Accusation articule cela. Qu'en dit-elle ?

 14   Si on l'inverse, il suffit d'inverser les noms et les protagonistes,

 15   voilà, là nous avons le véritable acte d'accusation. Karadzic et la

 16   direction des Serbes de Bosnie étaient au courant de la nature et de

 17   l'objectif de la campagne d'armement croate, de la création d'une armée

 18   illégale en passant par l'hypertrophie de la police et de la garde

 19   nationale, tout comme par des licenciements des Serbes sur des bases

 20   ethniques, des meurtres dans des villes, des amendements constitutionnels

 21   adoptés d'ores et déjà par la constitution communiste. Ils savaient que les

 22   Serbes en Croatie vivaient dans la peur parce que les Oustachi de la

 23   diaspora croate étaient revenus dans le pays. La Croatie cherchait une

 24   sécession unilatérale de la Yougoslavie. La position des Serbes en Croatie

 25   était menacée, la constitution était modifiée au détriment des Serbes.

 26   Karadzic était au courant de la position des Serbes de Krajina, et la

 27   nouvelle direction croate estimait que modifier la position des Serbes

 28   était sa première priorité, les licencier, et cetera. Karadzic a apporté

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  1   son soutien aux Serbes de Croatie, et il les a cités en exemple du

  2   comportement que devaient adopter les Serbes de Bosnie, si jamais la Bosnie

  3   devait suivre la voie de la Croatie.

  4   Ça, c'est le véritable acte d'accusation, mais le Procureur ne veut pas le

  5   signer. Il m'attribue, à moi, la responsabilité parce que j'occupais un

  6   poste de responsabilité, et effectivement, je l'ai occupé.

  7   Voyons quelle est la situation, et comment se présentent les paragraphes 15

  8   et 16.

  9   Mais voyez-vous, aux termes de la nouvelle constitution, quelle est cette

 10   nouvelle Croatie. C'est un Etat du peuple croate et des minorités, à savoir

 11   des Serbes, des Tchèques, et cetera. Or les Serbes ont apporté la Krajina

 12   qu'ils ont reçue de l'Autriche, lorsqu'il y a eu création de la Croatie. Le

 13   ministre Boljkovac, on l'a entendu parler au début de l'année 1990 et en

 14   janvier 1991, lui, il adopte la position suivante : il adhère au repentir

 15   maintenant. Il dit : Ni la Yougoslavie ni les Serbes n'ont attaqué la

 16   Croatie, ça était l'inverse. Voyons plutôt comment cela s'est présenté.

 17   Nous avons un soldat, un militaire, Saso Gersovski, il est Macédonien, il a

 18   fait son service militaire dans son propre pays en mai 1991.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Des attaques ont été lancées par des extrémistes et nationalistes

 22   enflammés à Split. Saso Gersovski, un militaire a été tué. Ce ne sont que

 23   quelques exemples d'atrocités qui ont été commises, par exemple, à Zadar."

 24   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bjelovar, Split, l'armée qui est déployée dans

 26   son propre pays, et voyons comment ces membres perdent la vie. Sasa

 27   Gersovski, il est fils de quelqu'un. Il a des parents. Il a ses proches, sa

 28   famille en Macédoine.

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  1   Voyons maintenant ce que dit Warren Zimmermann, et qui n'avait pas de

  2   sympathie à l'égard des Serbes. Il dit : La JNA était une force légitime,

  3   c'était l'armée yougoslave. Or le Procureur me reproche d'avoir apporté mon

  4   soutien à la mobilisation et au départ des recrues dans les rangs de

  5   l'armée, qui n'était que la seule armée légitime de cet Etat, et il établit

  6   un lien entre le SDS et l'armée.

  7   Je vous dirais, Excellences, le SDS, qui n'était pas un parti communiste,

  8   il était traité de la même façon que le SDA et le HDZ par l'armée. Ils ne

  9   pouvaient même pas passer la nuit dans les localités où le HDZ et le SDA

 10   étaient au pouvoir, et c'est là qu'ils ont compris qu'il fallait qu'ils se

 11   replacent dans les localités serbes. Ils ne nous aimaient pas, ils

 12   n'avaient pas de sympathie pour nous, mais ils se sont rendu compte qu'ils

 13   n'étaient pas en sécurité, ni leurs hommes ni leur équipement, là où le HDZ

 14   ou le SDA était au pouvoir. Nous étions les seuls à envoyer les hommes dans

 15   les rangs de cette armée, parce que pendant une année entière, les

 16   Musulmans et les Croates n'y sont plus allés. Ils ont même retiré leurs

 17   officiers, ils se sont mis à créer leurs propres armées. On vous dira que

 18   la JNA est devenue une armée serbe. Dans toutes les républiques, toutes les

 19   armées ont été créées à partir de la JNA, mais cela s'est fait

 20   graduellement puisqu'ils ont créé leurs unités armées sur une période

 21   prolongée, tandis que les Serbes l'ont refusé jusqu'à ce qu'on ordonne que

 22   l'armée yougoslave se replie de Bosnie. Naturellement, à ce moment-là, ces

 23   hommes ont rejoint leur peuple.

 24   Voyons maintenant comment réagit l'Allemagne. En 1992, tout comme en

 25   1941, elle félicite la Croatie qui est son alliée. Je dois dire à

 26   l'attention de nos alliés occidentaux de la Première Guerre ainsi que de la

 27   Seconde Guerre mondiales que nous devrions peut-être envier les Croates de

 28   leurs alliés. L'Allemagne s'est révélée bien plus fidèle que nos alliés ne

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  1   l'ont fait. Et ils nous ont fait beaucoup souffrir par leur attitude.

  2   Donc cela démontre que la victoire de l'Allemagne en 1991 est une

  3   victoire totale et définitive.

  4   Que me reproche le bureau du Procureur ? Ils affirment qu'au fond, notre

  5   plus grand péché, ma culpabilité est d'avoir créé le SDS. Donc cela

  6   constitue un crime lorsque les Serbes créent un parti politique.

  7   Or, je précise que les Serbes ont été les derniers à créer un parti

  8   politique sur des bases ethniques en Bosnie-Herzégovine, quatre mois avant

  9   les élections. Ils ont été les derniers. Tous les autres s'étaient déjà

 10   dotés à ce moment-là de partis politiques, ont déjà rendu public les

 11   programmes de leurs partis. Et maintenant, on s'inquiète parce que les

 12   Serbes ont exigé finalement, à ce moment-là, d'avoir leur propre parti.

 13   Donc ils mettent sur pied leur parti, ils créent l'assemblée, ils

 14   participent aux élections. Donc ils font tout cela, d'après le Procureur,

 15   parce qu'ils veulent créer leur propre Etat en Bosnie-Herzégovine et parce

 16   qu'ils veulent chasser les Croates et les Musulmans de cet Etat. Le

 17   Procureur aurait dû préciser de quel crime est coupable cet accusé. Non, il

 18   culpabilise le peuple entier, et toutes les activités que ce peuple

 19   déploie, politiques ou autres, sont considérées comme faisant partie de

 20   l'entreprise criminelle commune. Donc tous les souhaits des Serbes.

 21   Or, qu'ont voulu les Serbes ? Ils n'ont fait que réagir face aux

 22   actions des autres. Et le Procureur omet de replacer cela dans le contexte,

 23   il omet d'en tirer les conclusions qui s'opposent. S'il n'y avait pas eu

 24   d'action dans un premier temps, quelles auraient été les réactions serbes ?

 25   Y en aurait-il eu ?

 26   On nous dit que c'était légitime que l'armée de la Republika Srpska

 27   agisse sur la Zepa et la Srebrenica. Mais comment les Serbes auraient-ils

 28   commis des crimes s'il n'y avait pas eu de provocation ? Le parti serbe, le

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  1   SDS, on nous dit qu'il a été créé pour mener à bien des projets qu'on n'a

  2   jamais eu, qui ne nous ont jamais effleuré l'esprit. Sur la base des

  3   efforts déployés par ce Procureur, des personnalités éminentes et M.

  4   Krajisnik ont été condamnés. Il a été condamné à 20 ans de prison, comme

  5   s'il avait été à la tête d'une bande de vauriens, or, il a été à la tête

  6   d'une assemblée démocratique. On a condamné des personnes qui, soi-disant,

  7   auraient attaqué une population civile, or, ils ont répondu à des attaques

  8   d'une armée qui comptait trois fois plus d'hommes qu'eux et qui s'est

  9   livrée à des actes de bestialités, à des meurtres terrifiants.

 10   Alors, je connais l'homme dont la tête est brandie ici. Ça se passe

 11   en Bosnie. C'est l'armée contre laquelle ont combattu mes généraux, sur

 12   leur propre territoire, en défendant leur territoire, en se contentant de

 13   ne faire que cela face à des combattants qui étaient prêts à se faire

 14   prendre en photo en faisant cela.

 15   Et puis, le Procureur prétend que les Serbes n'ont pas fait face à un

 16   monstre déchaîné. Ils font comme si on avait en face un agneau innocent que

 17   nous avons maltraité.

 18   Le problème de fond que rencontre le Procureur, c'est la création du

 19   SDS. Ils disent que c'est un parti centralisé avec un numéro un qui est un

 20   autocrate.

 21   Mais voyons tout d'abord : qu'en est-il de l'armée, de la police, du

 22   parti chez les Serbes ? On ne peut pas avoir un comportement autocrate chez

 23   les Serbes. Vous ne pouvez pas gouverner les Serbes en ayant recours à la

 24   violence. Ce n'est pas possible. Voyons ce que prône ce leader, ce

 25   dirigeant.

 26   Le besoin du Procureur de faire penser que je suis un monstre est le

 27   fait qu'ils n'ont pas de preuve. Donc la voie la plus simple est de me

 28   représenter comme étant un monstre. Ils ne peuvent pas chercher à me

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  1   représenter sous mes traits réels.

  2   Le Procureur reconnaît que je n'ai commis aucun acte criminel, et

  3   c'est très important cette affirmation, mais c'est aussi très risqué pour

  4   le bureau du Procureur. Si je n'ai commis aucun crime, aucune infraction,

  5   si cela a été fait par ceux qui ont partagé les mêmes valeurs que moi,

  6   alors une question se pose : pour quelle raison l'ont-ils fait ? Le

  7   Procureur affirme qu'ils l'ont fait pour atteindre un certain nombre

  8   d'objectifs. Mais c'est tout à fait absurde, c'est tout à fait paradoxal

  9   d'attribuer à la partie serbe un comportement qui est totalement opposé à

 10   ses objectifs. Par cette attitude, par ce comportement, on ne peut

 11   atteindre aucun objectif serbe, voire même, les objectifs criminels qui

 12   sont attribués à la partie serbe par le Procureur.

 13   Qu'en est-il de la purification ethnique ? Le SDS, Radovan Karadzic

 14   et le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine ont fait tout ce qui était en leur

 15   pouvoir pour éviter la guerre.

 16   Excellences, nous allons replacer les choses dans leur contexte. Nous

 17   allons rétablir la chronologie, qu'en est-il des causes et des effets et

 18   qu'est-ce qui découle de quoi. Et cela nous permettra de voir, sur la base

 19   de cet examen chronologique, qu'en est-il de la séquence des événements,

 20   qu'en est-il des options en présence. Voyons si les Serbes avaient une

 21   alternative. Auraient-ils pu faire autre chose ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 23   L'ACCUSÉ KARADZIC : [interprétation] Il me reste cinq secondes, Monsieur le

 24   Président.

 25   Donc, cela nous permettra de voir que cet acte d'accusation n'aurait pas dû

 26   avoir lieu, parce qu'au fond dans cette crise, dans cette guerre, on y

 27   trouvera les explications qui exempteront totalement la partie serbe de

 28   toute responsabilité. Mais le Procureur, par la manière qu'il a choisi

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  1   d'agir, a complètement occulté cette vérité, et malheureusement a réussi à

  2   convaincre certains juges de la validité de son propos.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience pendant

  4   30 minutes.

  5   --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.

  6   --- L'audience est reprise à 12 heures 33.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, à vous.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

  9   Nous sommes passés par la Croatie parce que le Procureur a introduit la

 10   Croatie dans l'acte d'accusation. Je n'ai rien contre, d'ailleurs, puisque

 11   la crise dont nous parlons est une crise unique et le peuple dont nous

 12   parlons est un peuple unique.

 13   Mais j'aimerais maintenant vous rappeler en quelques mots comment les

 14   choses se sont passées depuis le début. En 1990, commence la chute de la

 15   Ligue des Communistes yougoslaves qui ne parvient pas à arriver au terme de

 16   son 14e congrès. Et la ligue se divise en plusieurs conseils des

 17   communistes qui se partagent selon des considérations ethniques encore une

 18   fois. A ce moment-là, Karadzic est dissident déjà depuis 1988. Donc pour

 19   vous dire la vérité, je vis avec mes amis et ma famille. Je travaillais et

 20   je ne crois pas que le communisme va quitter le pouvoir à quelque moment

 21   que ce soit. Mais c'est ce qui se passe, un système multipartite finit par

 22   se mettre en place, une fois que le communisme a cédé le pouvoir.

 23   Le 27 mars 1990, un groupe de jeunes Musulmans annonce la création d'un

 24   parti musulman dont les objectifs sont donc des objectifs islamistes, et

 25   dans le programme de ce parti, il est indiqué que ce parti ne souhaite pas

 26   s'entretenir, parler avec des partis opposés à la Yougoslavie. Mais dès le

 27   lendemain, des graffitis anti-serbes sont sur les murs du siège de la JNA.

 28   Et donc, ce parti musulman voit le jour dont l'ennemi est bien désigné, il

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  1   s'agit de la JNA et de la Serbie.

  2   Le 15 mai 1990 est créé le forum pour la défense des droits individuels et

  3   traditionnels des Musulmans. Le HDZ, qui est le parti politique le plus

  4   extrême, a déjà assimilé dans une certaine mesure la politique oustachi et

  5   l'a emporté. Et ça, c'est à la suite des élections qui ont eu lieu en

  6   Croatie le 22 avril.

  7   Donc tout cela se passe dans la période que je viens d'indiquer. Et

  8   ensuite arrive le 26 mai, avec la création du Parti de l'Action

  9   démocratique et de son assemblée. Cette création est annoncée le 27 mars.

 10   Et à l'assemblée constituante, Brozovic déclare que la Croatie va se

 11   défendre sur la Drina. Mai 1990, nous sommes à moins d'un mois des

 12   élections en Croatie, et c'est seulement le 28 juin que les Serbes de

 13   Sarajevo et de Bosnie, qui constituent un groupe important, reprennent

 14   l'activité de la société culturelle qui avait été interdite pendant la

 15   Seconde Guerre mondiale et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale.

 16   Et je dois dire qu'immédiatement les Communistes se sont mis à agir assez

 17   souvent de concert avec les Oustachi et les Nazis allemands sur ces

 18   questions relatives aux Serbes. Ils avaient les mêmes idées dans ce

 19   domaine.

 20   Le Parti démocratique serbe se crée donc le 12 juillet. Il est créé

 21   par des intellectuels et par une élite politique serbe, mais l'impression

 22   de la population c'est que les Serbes ne savaient pas exactement pour qui

 23   voter. Le HDZ s'était déjà répandu en Bosnie, donc la population voyait les

 24   bannières du HDZ et du SDA présentées ensemble, alors que les Serbes

 25   n'avaient rien. C'est la raison pour laquelle l'intelligentsia serbe a été

 26   priée de créer le Parti démocratique serbe. Certains pensaient que cela

 27   aurait dû se faire plus tôt. Izetbegovic est venu à l'assemblée

 28   constituante, il a salué les Serbes et il a dit qu'il s'attendait à ce que

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  1   ce parti soit créé plus tôt. Quelqu'un lui a demandé ce qu'il pensait de la

  2   Yougoslavie, et il a répondu : "Je suis favorable à une fédération

  3   raisonnable." C'est en ces termes qu'Izetbegovic a jeté les bases de notre

  4   coalition éventuelle, en nous persuadant qu'il n'y avait pas de grandes

  5   différences entre nos différents programmes politiques.

  6   L'Accusation ici a omis une chose. En effet, elle s'efforce de présenter

  7   quelles sont les caractéristiques principales des différentes parties en

  8   présences, des principaux acteurs du Parti démocratique serbe, mais il y a

  9   une chose qu'elle a omis de faire : elle n'a pas dit qui avait créé le

 10   Parti démocratique serbe et si ces personnes étaient des extrémistes, des

 11   losers, de la racaille, ou s'il s'agissait bien de professeurs d'université

 12   imminents, d'auteurs de nombreux ouvrages célébrés dans l'opinion de

 13   scientifiques connus, et cetera, qui ensuite, ont vécu pendant des années

 14   dans des endroits isolés à la montagne ou dans des territoires isolés pour

 15   ensuite créer un parti qui comptait dans ses rangs d'avantage

 16   d'intellectuels qu'aucun autre parti politique en Europe. Ces dirigeants

 17   pouvaient faire valoir haut et fort leur expertise et leur savoir, même

 18   s'ils constituaient une communauté assez restreinte dans ces temps

 19   difficiles.

 20   Mais dire cela ne convient pas à l'Accusation, et c'est la raison pour

 21   laquelle elle n'en a pas dit un mot.

 22   M. Tieger qui cherche à déterminer l'état d'esprit, le mens rea au cœur de

 23   la présente affaire, est allé chercher dans le passé jusqu'au Tzar Dusan.

 24   Il affirme que je souhaitais entrer en possession de ce que le Tzar Dusan,

 25   l'empereur Dusan, avait en sa possession et que c'est la raison du

 26   nettoyage ethnique. L'état serbe, pendant le règne de l'empereur Dusan au

 27   XIVe siècle, était un état multiethnique qui englobait des Serbes, des

 28   Albanais et d'autres groupes ethniques. Encore aujourd'hui, la Serbie a

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  1   sans doute le nombre le plus important de groupes ethniques différents. Ces

  2   différentes ethnies n'ont pas été assimilées et leur identité est protégée

  3   et préservée. Par conséquent, on ne peut pas prendre l'empereur Dusan comme

  4   exemple pour illustrer un nettoyage ethnique de la part d'un quelconque

  5   état.

  6   Lorsque la crise se profilait à l'horizon et que la désintégration du pays

  7   était imminente, l'accusé que vous avez devant vous a proposé une solution

  8   réaliste. Il s'est rendu compte que la Bosna jouerait un rôle important

  9   dans tous ces processus. Les pays nordiques ont accepté, rappelons-nous le,

 10   de se séparer pacifiquement en 1905. Ils leur a été accordé six mois pour

 11   décider du pays dans lequel ils voulaient vivre, et encore aujourd'hui, ces

 12   pays vivent dans le bonheur et la prospérité, les uns aux côtés des autres.

 13   L'accusé que vous avez devant vous était opposé à la partition de la

 14   Bosnie-Herzégovine, mais lorsque la sécession a commencé, il s'est dit

 15   favorable à la transformation de la Bosnie en un pays structuré sur le

 16   modèle de la Suisse méridionale; donc un pays divisé en plusieurs cantons

 17   et dans lequel l'important pour chacun serait de faire son travail, et de

 18   gérer le pays en évitant tout affrontement interne inutile et toute

 19   tentative déterminée de dominer qui que ce soit.

 20   Je dois dire que ce problème de la cantonisation a été évoqué pour la

 21   première fois dans un journal de Zagreb, mais nous avons immédiatement

 22   adhéré à cette idée comme constituant une très bonne solution pour le salut

 23   de la Bosnie.

 24   Quand on voit le Procureur s'efforcer de déterminer le mens rea,

 25   c'est-à-dire les intentions de la partie serbe et du Parti démocratique

 26   serbe, le Procureur, lorsqu'il s'efforce de démontrer que la création du

 27   SDS avait pour but de créer l'Etat des Serbes de Bosnie et de se lancer

 28   dans la guerre pour expulser les autres groupes ethniques du pays, on

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  1   constate que le Procureur ne s'appuie que sur des éléments favorables à la

  2   guerre civile, à l'éclatement de la guerre civile, qui n'ont rien à voir

  3   avec les véritables objectifs du Parti démocratique serbe. Le SDS a obtenu

  4   pratiquement toutes les voies des Serbes de Bosnie. Ça a été le cas

  5   également pour les autres partis nationalistes respectifs. Ceci, c'est une

  6   responsabilité énorme; 98 % des voix des Serbes sont allés au SDS. Nous

  7   avons présenté un parti démocrate, et même l'Accusation n'a pas été capable

  8   de trouver dans ce programme politique un seul élément qui aurait pu être

  9   la base, le fondement d'une guerre.

 10   Le Procureur, dans sa recherche, doit se fonder uniquement sur les

 11   documents du SDS, et pas choisir uniquement les éléments qui lui

 12   conviennent.

 13   Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Nous nous sommes répartis le

 14   pouvoir en Bosnie-Herzégovine, nous avons créé la coalition qu'il était

 15   possible de créer, et nous avons mis en place le Parti démocratique serbe

 16   qui représentait les Serbes. C'est le poste de président de l'assemblée,

 17   qui n'est pas un poste exécutif, qui a été accordé aux Serbes. Les

 18   Musulmans ont obtenu la présidence du gouvernement, c'est-à-dire le poste

 19   de premier ministre, et le poste de président de la présidence. Alors

 20   qu'ils ne représentaient que

 21   17 % de la population, mais enfin, ce n'est pas grave. Pour notre part,

 22   nous n'avons demandé ni le ministère de l'Intérieur ni le ministère de la

 23   Défense. Les Serbes souhaitaient le ministère de l'Agriculture, parce que

 24   si vous regardez la carte, vous verrez toutes ces zones en bleu qui sont

 25   authentiquement peuplées par une majorité de Serbes. C'est la raison pour

 26   laquelle les Serbes ont demandé le ministère de l'Agriculture.

 27   Puisque nous regardons cette carte, je voudrais rappeler aux Juges de la

 28   Chambre et au Procureur que ce peuple ne peut pas être considéré comme un

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  1   facteur insignifiant en Bosnie, puisque le territoire que vous avez sous

  2   les yeux est le territoire qui constitue sa patrie depuis des siècles, car

  3   c'est un peuple constitutif de Bosnie-Herzégovine; ce n'est pas parce que

  4   quelqu'un veut faire fi de ses droits, et veut même manipuler les chiffres

  5   pour le mettre de côté. Or les chiffres ne permettent, en aucun cas, si

  6   l'on se comporte de façon démocratique, de mettre de côté ce peuple. Donc,

  7   en aucun cas, ce peuple n'était en condition d'accepter le dictat d'une

  8   autre partie. Nous avons eu le ministère de l'Information et le ministère

  9   des Sciences. Autrement dit, aucun poste qui pouvait jouer un rôle dans le

 10   lancement d'une guerre.

 11   Après les élections, en raison des tensions qui se sont créées au sein de

 12   la société, l'accusé que vous avez devant vous a proposé de mettre en place

 13   un gouvernement de spécialistes, de façon à éviter la guerre. Puisqu'il n'y

 14   avait pas de moyen autre que celui-là, il a proposé d'avoir recours à des

 15   experts. Donc, que ce ne soit pas des représentants des partis qui forment

 16   le gouvernement, mais que ce soit des technocrates. Les autres parties ne

 17   l'ont pas accepté, et le SDA a continué à maintenir la position qui était

 18   la sienne.

 19   Le ministère de l'Agriculture, le ministère des Finances, et tous les

 20   autres ministères importants ont été donnés à d'autres qu'à des Serbes.

 21   Alors, comment est-ce que le Procureur peut présenter la création du

 22   Parti démocratique serbe de la façon dont il la présente ? Comment est-ce

 23   qu'il peut, parlant des intentions belliqueuses qui étaient à la base, à

 24   l'origine de la création du SDA en juillet 1990, comment est-ce qu'il peut

 25   concilier ce fait avec la proposition du SDS d'accepter un gouvernement de

 26   technocrates ? C'est sans doute un piège dans lequel l'Accusation est

 27   tombée en raison de sa mauvaise connaissance des langues.

 28   A la veille de la guerre et de la crise la plus grave vécue par le pays,

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  1   alors que nous avions droit à notre unité constitutive -- sur la base de

  2   l'unité constitutive que nous représentions d'avoir le contrôle de la

  3   police, de la garde nationale, et du gouvernement, les mots prononcés par

  4   l'accusé que vous avez devant vous ont été acceptés. Il a dit :

  5   "Allez sur le terrain. Prenez le pouvoir entre vos mains et agissez de

  6   façon responsable."

  7   Ces mots ont été traduits par le bureau du Procureur comme "Renverser

  8   ceux qui sont en place." Une fois que les Serbes ont pris le pouvoir dans

  9   certaines municipalités, c'est de cette façon que les choses ont été

 10   interprétées. Mais si vous regardez de plus près ce qui s'est passé, vous

 11   verrez que les Serbes n'avaient pas besoin de renverser un pouvoir

 12   existant. Ils voulaient simplement exercer le pouvoir qui leur était

 13   accordé à l'issue des élections. Pourquoi est-ce qu'ils auraient renversé

 14   qui que ce soit ? Ils étaient déjà au pouvoir dans ces endroits, et vous le

 15   verrez en examinant la carte.

 16   Pourquoi est-ce que nous aurions pris le pouvoir des mains de qui que

 17   ce soit à Bijeljina ? Bijeljina apparaît ici comme un lieu qui aurait été

 18   pris par la force. Mais c'est une mauvaise connaissance de la langue qui

 19   aboutit à cette conclusion et qui fait que prendre le pouvoir est compris

 20   comme prendre le pouvoir à quelqu'un. Il y a, cependant, une importante

 21   différence entre ces deux expressions, mais c'est bel et bien le

 22   renversement de pouvoir qui est évoqué dans l'acte d'accusation.

 23   Nous n'avons donc pas obtenu le ministère de l'Intérieur, c'est une chose,

 24   mais nous n'avons pas, non plus, eu de représentants de notre peuple à

 25   quelque niveau intérieur que ce soit au sein de ce ministère.

 26   Ici, vous avez une conversation avec l'assistant du ministre qui n'était

 27   pas membre du SDS non plus.

 28   L'INTERPRÈTE : Conversation téléphonique entre Radovan Karadzic et Vitomir

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  1   [phon] Zepinic, le 17 juin 1991.

  2   [Diffusion de la cassette audio]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Je tiens à leur demander, au SDA, si c'est dans l'intérêt du peuple

  5   musulman de nommer seulement des criminels au sein du MUP.

  6   Karadzic : Vito, nous n'avons pas nommé un seul criminel.

  7   Zepinic : Oui, mais je parle d'eux.

  8   Karadzic : Ecoute, s'il te plaît, leurs intérêts, Vito, c'est de nommer des

  9   personnes loyales à leur cause.

 10   Zepinic : Je vais envoyer une lettre ouverte au SDA et à son président, et

 11   leur demander si c'est dans l'intérêt du peuple musulman de ne nommer que

 12   des criminels à des postes.

 13   Karadzic : Nous avons demandé qui était le plus honnête et le plus

 14   compétent, et nous les avons nommés à des postes, mais maintenant, nous

 15   sommes dans un cul-de-sac."

 16   [Fin de la diffusion de cassette audio]

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà quelle était la différence

 18   d'appréciation. Le nœud, le cœur fondamentaliste des Musulmans avait un

 19   abord différent sur le plan moral de la société et du peuple. Et c'est ce

 20   qui a abouti au fait que la police de Bosnie-Herzégovine a commencé à

 21   abuser massivement des postes officiels qui étaient les siens contre le

 22   peuple serbe, et ce, sur la base des programmes de guerre du SDA. Ce

 23   monsieur qui parle avec moi au téléphone n'était pas membre du SDS. Or, il

 24   a été nommé au poste d'assistant du ministre, car nous ne pratiquions par

 25   ce genre de chose. Or eux, ils ont mis à des postes importants au sein de

 26   la police toutes sortes de criminels. Ils ont commencé à distribuer des

 27   armes aux membres du SDA. Vous verrez qu'ils ont également distribué des

 28   armes à la Ligue patriotique qui a été créée très tôt, le 31 mars, c'est-à-

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  1   dire deux mois après la mise en place du gouvernement mixte, du

  2   gouvernement commun.

  3   Nous avons d'autres conversations interceptées où on voit un autre

  4   interlocuteur qui confirme qu'eux mettent à des postes au sein de la police

  5   des criminels, alors que nous, nous ne le faisons pas, et que nous

  6   continuons à affirmer que des hommes compétents dans leur profession

  7   doivent être des hommes convenables et pas des criminels.

  8   Maintenant, je pense qu'il importe aussi de voir ce que dit M. Izetbegovic

  9   dans ces circonstances. Le 27 février, jusqu'au 15 janvier, il était

 10   favorable à la Yougoslavie. Le 27 février de la même année, un mois après

 11   la mise en place du gouvernement de coalition, M. Izetbegovic déclare qu'il

 12   va sacrifier la paix pour le maintien d'une Bosnie indépendante, mais qu'il

 13   ne sacrifiera pas l'indépendance de la Bosnie en faveur de la paix. Donc,

 14   il est totalement déterminé à aller jusqu'au bout, nonobstant le fait qu'il

 15   a raison ou tort, et nonobstant le fait que la population qui peuple les

 16   deux tiers du territoire de la Bosnie-Herzégovine -- enfin, un tiers était

 17   constitué de Serbes, mais ceci est dû au fait que les deux tiers ont été

 18   réduits à un tiers par voie de génocide.

 19   Il insiste pour que les Serbes acceptent que les Musulmans et les

 20   Croates se servent du génocide pour en tirer des avantages, parce qu'à ce

 21   moment-là, finalement, on dit aux Serbes : Vous n'êtes pas plus d'un tiers.

 22   Mais on voit bien quelle majorité ils avaient à l'époque où ils étaient une

 23   majorité, et dans quels endroits ils habitaient. Jusqu'au génocide perpétré

 24   durant la Seconde Guerre mondiale, les Serbes ont toujours constitué une

 25   majorité en Bosnie-Herzégovine. C'est tout à fait évident.

 26   Alors, qui sont ces gens avec qui nous avons créé une coalition et qui

 27   conditionnaient notre comportement ? Vous avez les réponses. Voyons

 28   maintenant quelle est l'idéologie de ces gens-là. Le Procureur cherche à

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  1   déterminer l'état d'esprit qui était le nôtre. Alors voyons un peu avec qui

  2   nous avions affaire. Est-ce que c'étaient des agneaux innocents, ou est-ce

  3   que nous étions confrontés à des gens face auxquels il nous a fallu réagir

  4   ?

  5   M. Izetbegovic, en 1970, a rédigé et distribué clandestinement sa

  6   déclaration islamiste. M. Izetbegovic, en 1941, 42, 43, était membre de

  7   l'organisation des jeunes Musulmans, et c'est à ce moment-là qu'il s'est

  8   prononcé pour la mise en place d'un régime islamiste fondamentaliste sur

  9   tous les territoires peuplés par des Musulmans. La déclaration islamiste

 10   est le fondement de cette idée, et il l'a écrite en 1970. Après la Seconde

 11   Guerre mondiale, il a décidé d'agir clandestinement, dans le secret, et

 12   finalement il était condamné par les tribunaux à trois ans de prison. Dès

 13   sa sortie de prison, il est devenu quelqu'un auquel il faut tirer son

 14   chapeau pour sa persévérance et sa détermination dans la défense de son

 15   programme. Ça, ce n'est pas un problème.

 16   Pendant la Seconde Guerre mondiale, les frères musulmans ont eu des

 17   rapports avec un homme que vous voyez ici avec le Muftija Husseini, qui a

 18   rencontré Hitler à plusieurs reprises. Chaque fois que ce dernier venait en

 19   Bosnie, à chaque visite, des progrès étaient accomplis vers la création de

 20   ce qu'il a été convenu d'appeler la Division Handzar, dont vous n'imaginez

 21   même pas la violence et dont vous n'imaginez pas quels crimes de sang ont

 22   été commis par elle. Si bien que ce Mufti était l'ami de Hitler, et a été

 23   reçu également par Izetbegovic.

 24   Donc, après la guerre, M. Izetbegovic, comme je l'ai dit, a été emprisonné

 25   pendant un certain temps. Il purgeait sa peine de prison, et en 1970, il a

 26   écrit sa déclaration islamiste qui, en fait, est le programme politique du

 27   Parti de l'Action démocratique. Bien entendu, nous espérions que ce texte

 28   ne voulait pas dire exactement ce qui était écrit, mais finalement, il

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  1   était bien ce qu'il affirmait être. En 1990, j'ai demandé à Izetbegovic

  2   d'abandonner sa déclaration islamiste et de nous dire que telle n'était pas

  3   le programme du SDA. Nous savons qu'il n'a jamais fourni ses garanties.

  4   Le Procureur non seulement n'a pas cherché à savoir ce qui en est de nos

  5   partenaires, de ceux qui ont conditionné notre comportement, mais

  6   interprète mal nos propos, lorsque je m'exprime lors d'une réunion. C'était

  7   une session du parlement, je pense, lorsque j'ai dit que :

  8   "Nous ne pouvons pas contrôler les Musulmans dans cet Etat unitaire.

  9   Nous savons très bien qu'à partir du moment où il y a fondamentalisme, il

 10   n'y aura plus de tolérance, on ne pourra plus vivre."

 11   De quoi il s'agit là ? Que fait le Procureur ? Le Procureur, il arrache une

 12   partie de mes propos de mon discours. Il présente non pas la phrase

 13   principale, mais la phrase qui en dépend, donc ce qui va souvent se montrer

 14   vrai. L'Occident n'était pas favorable à ce qu'on crée la Republika Srpska,

 15   n'était pas favorable à ce que les Serbes restent en Yougoslavie, parce

 16   qu'ils ne voulaient pas qu'il y ait la création d'un Etat islamique en

 17   Europe. La thèse était la suivante : les Serbes et les Croates doivent

 18   rester en Bosnie pour contrôler l'élément islamique, et cela, pour le

 19   compte de l'Europe. J'estime que cela n'est pas bien, que nos vies ne

 20   doivent pas être employées, sacrifiées pour contrôler le facteur musulman.

 21   Ensuite, comment va-t-on les contrôler ? Puis troisièmement, il est bien

 22   mieux pour les Serbes de s'extraire de ce projet fondamentaliste que de s'y

 23   opposer, que l'Europe s'y oppose. Pourquoi, une fois de plus, les Serbes

 24   devraient-ils être employés pour garder l'Europe, pour préserver l'Europe ?

 25   Le Procureur essaie de dire la chose suivante : il essaie de dire que

 26   nous souhaitons contrôler les Musulmans, mais c'est l'inverse. Nous ne

 27   souhaitons pas le faire. Nous ne voulons pas sacrifier nos vies à cela.

 28   Voyons les propos d'un autre député qui lui, dit : On a été choisi pour

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  1   être des bourreaux des Musulmans en Bosnie. Or, nous ne le voulons pas.

  2   Nous ne souhaitons pas cela. Le Procureur l'interprète comme si on avait

  3   opté, nous, pour être leurs bourreaux. Or, c'est exprimé sous forme

  4   passive. Quelqu'un a dit une institution vieille de sept siècles, en

  5   pensant probablement au Saint-Siège nous a choisi le rôle de bourreaux. Or,

  6   ça ne venait pas de nous, et je pense que c'est inadmissible. S'il n'y

  7   avait pas eu cette fabrication de faux, l'acte d'accusation n'aurait pas pu

  8   voir le jour. Il suffit simplement de se pencher sur les propos véritables

  9   de cet homme. Donc, ce n'est pas notre choix. C'est le choix qui nous a été

 10   imposé. Une mission qui nous a été imposée.

 11   Ensuite, au paragraphe 23 de son mémoire préalable, le Procureur affirme

 12   que c'est sans fondement que j'ai dit, en m'adressant à notre peuple, que

 13   nous sommes face à des mêmes criminels, des mêmes projets et des mêmes

 14   victimes que pendant la Seconde Guerre mondiale, et que j'ai souligné que

 15   les Musulmans souhaitaient créer un Etat musulman et qu'ils étaient en

 16   train d'envisager l'adoption de lois qui allaient assujettir, de nouveau,

 17   les Serbes. Mais quid si cela est vrai, or le Procureur était tenu de

 18   vérifier la véracité de ces propos. Le Procureur affirme que ces propos ne

 19   sont pas vrais, or il nous sera très inutile de démontrer le contraire.

 20   Mais voyons pourquoi gaspille-t-on l'argent, le temps, pour mener des

 21   procès ainsi. Si le Procureur aurait cherché à vérifier ses propos, il

 22   aurait vu que Karadzic a raison. Voyons donc ce qu'il en est, est-ce que

 23   cela est vrai et comment.

 24   M. Izetbegovic est auteur, créateur, d'une organisation qui existe

 25   depuis plus de 50 ans, depuis 1939, dont les membres prêtent le serment que

 26   nous voyons ici, à savoir un serment prêté à Allah, au seigneur Suprême. La

 27   première partie se comprend en tant que membre de l'association :

 28   "Je prête serment, au nom de Allah, que je sacrifierai tout, y

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  1   compris ma vie, sur la voie de Allah si cela s'avérait nécessaire au nom de

  2   l'Islam. Je prie Allah de me donner la persévérance dont j'aurai besoin sur

  3   la voie du Djihad."

  4   Voilà, tel est le serment que prête la jeunesse musulmane.

  5   Et M. Izetbegovic, à son tour, que dit-il dans sa déclaration islamiste ?

  6   Quelles sont les tâches de l'Islam, c'est-à-dire des Musulmans ? Les

  7   Musulmans doivent constituer un mouvement, selon lui, et ce mouvement doit

  8   chercher à prendre le pouvoir dès que sur le plan moral et sur le plan de

  9   ses effectifs, il serait suffisamment puissant pour mettre sur pied un

 10   nouveau pouvoir islamique. Donc, il ne doit pas attendre d'avoir la

 11   majorité de 50 % puisque ce serait une manière d'opter pour la démocratie

 12   ou pour la voie du suffrage, non. Dès qu'ils auront la sensation qu'ils

 13   sont plus forts, il leur faudra s'emparer du pouvoir et évincer tout ce qui

 14   n'est pas musulman.

 15   M. Izetbegovic est libéré de prison une première fois, et à sa sortie de

 16   prison, il rédige cette déclaration et devient membre de toutes sortes

 17   d'institutions importantes. Le Procureur, ça, il ne le sait pas, mais le

 18   sénat des Etats-Unis d'Amérique le sait, le monde entier le sait, tandis

 19   que le Procureur me présente ici comme si j'étais un barbare qui attaque

 20   son voisin pacifique. Voyons ce que dit un sénateur républicain à ce sujet

 21   en 1998. Il dit qu'en 1983, M. Izetbegovic, à savoir à partir de 1978, a

 22   déployé des efforts plus importants afin de renforcer le pouvoir islamique

 23   en Bosnie. Pendant son deuxième procès, donc de 1983, il dit que 65 témoins

 24   ont été entendus devant à une chambre composée de cinq juges musulmans, 62

 25   étaient des Musulmans.

 26   Alors, que dit le jugement à Izetbegovic, Omer Behmen, Hasan Cengic, qui

 27   sont tous actifs en 1990 ? Que dit le jugement ? Qu'ils sont obsédés par

 28   l'idée du renouveau islamique, par l'islamisation des Musulmans et que cela

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  1   a vu le jour dès 1974, à savoir à l'adoption de la nouvelle constitution

  2   yougoslave qui a servi de base pour faire éclater la Yougoslavie. Donc,

  3   qu'ils épousent la révolution iranienne, et cetera, mais que le plus

  4   important est que l'Islam doit être le système de tous les états où vivent

  5   des Musulmans et qu'il faut faire tout pour que les lois islamiques soient

  6   adoptées au sein de la future république islamique. Vous pensez que cela ne

  7   s'appliquerait pas aux Serbes ? Si, et à tous ceux qui vivent en Bosnie. Et

  8   qu'ils prônent également que les imams doivent d'armer à l'image des imams

  9   chiites en Iran.

 10   Donc Izetbegovic, et cela, en cette même année, donc dès 1982, qualifie les

 11   Serbes d'ennemi. Karadzic n'est pas sur la scène politique, Milosevic non

 12   plus. L'Académie serbe des sciences ne se prononce pas. Donc l'ensemble de

 13   cet appareil qui est stigmatisé par le Procureur n'existe pas encore, donc

 14   tout ce qui est utilisé par le Procureur pour démontrer la responsabilité

 15   serbe.

 16   La seule république de Yougoslavie est la Serbie, qui n'a pas la capacité

 17   de régler toute seule ses problèmes. Et que voit-on à l'œuvre ? L'idéologie

 18   socialiste : la Yougoslavie sera forte si la Serbie est faible. Et

 19   justement, c'est cette Serbie qui constitue l'ennemi aux yeux de M.

 20   Izetbegovic. Omer Behmen est son collaborateur très proche, il l'a été

 21   depuis la Seconde Guerre mondiale. Et c'est chez lui que descend le muftis

 22   de Sarajevo, le Husseini, lorsqu'il dit que l'on ne peut pas accepter une

 23   cohabitation avec les Serbes, qu'on ne peut pas accepter les mariages des

 24   Serbes avec les femmes musulmanes et qu'une femme musulmane ne doit pas

 25   donner le sein à un bébé serbe et inversement; tandis que M. Cergic à ce

 26   moment-là - Karadzic n'existe pas encore, le SDS non plus - donc de 1974 à

 27   1983, formule l'objectif de leur révolution islamique qu'ils sont en train

 28   de préparer.

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  1   Vous avez peut-être à l'esprit la carte de la Yougoslavie, donc la Bosnie,

  2   le Sandzak et le Kosovo. Pour nous, c'est la transversale verte, c'est

  3   ainsi qu'on appelle cela. Le Procureur n'est pas d'accord avec cela. Il

  4   pense que nous n'avons même pas le droit d'en parler, or le ministre turc

  5   justement vient d'affirmer qu'il va la rétablir, cette transversale verte.

  6   Et en 1990, son président a déclaré que la Turquie allait s'étendre de

  7   l'Adriatique jusqu'à la muraille de Chine. Peut-être, mais sans les Serbes

  8   puisque nous, nous ne voulons pas prendre part à la vie de cet empire.

  9   Donc voyons cette transversale verte qui a été conçue par un prêtre, un

 10   homme puissant. Et ce prêtre américain qui se plaint publiquement parce que

 11   Cengic n'a pas été tué en temps utile, mais il n'est qu'un agneau comparé à

 12   celui-ci. Et que dit-il, donc il ne faut pas attendre qu'il y ait une

 13   raison, qu'il y ait une cause directe, non, mais il faut créer une cause

 14   directe. Nous avons vu à quoi ressemble Markale, comment ils agissent; et

 15   après, ils imputent cela aux Serbes comme si les Serbes avaient commis

 16   cela.

 17   Je ne m'étonne pas de cela de leur part, mais je m'étonne que le Procureur

 18   se livre à cela et que le Procureur demande aux Juges de ce Tribunal

 19   d'accepter comme des vérités des ruses de guerre. Plus tard, la deuxième

 20   fois, Markale bis a été mieux réalisé. Mais là encore, cela a été fait pour

 21   les mêmes raisons. Et là, nous avons une image du procès de 1983,

 22   Izetbegovic, à côté de lui Behmen. Je ne me souviens pas des autres, mais

 23   on les connaît à peu près.

 24   Là encore, nous pourrions voir ces mêmes criminels, les mêmes victimes que

 25   pendant la Seconde Guerre mondiale, mais il n'est peut-être pas utile de le

 26   revoir. Et le Procureur estime -- ou plutôt voyons le jugement de 1983,

 27   donc une chambre composée de cinq juges musulmans, 64 témoins musulmans :

 28   "Vu les circonstances qui prévalent chez nous, ce type d'agissement

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  1   signifie une incitation à la guerre fratricide. Cela ne doit pas avoir lieu

  2   dans une communauté qui est mixte à ce point sur le plan confessionnel et

  3   politique -–"

  4   La suprématie complète de l'une quelconque des entités ethniques existantes

  5   est tout simplement inconcevable à moins qu'on l'imagine fondée sur la

  6   terreur ou éventuellement sur une intervention étrangère.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, s'il vous plaît,

  8   veuillez ralentir.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je vous invite à examiner ceci, et

 10   j'invite également le Procureur à l'examiner.

 11   Sept ans après le prononcé de ce jugement, que se passe-t-il ? Cette

 12   idéologie est traduite dans les faits, mais non pas sur la base de la

 13   terreur ou d'une intervention étrangère, mais sur la base des deux. Et

 14   cette Chambre, en fait, avait bien vu ce qui allait se produire à l'avenir.

 15   Les deux ont eu lieu. Markale, c'est une invitation à une intervention

 16   étrangère. Toutes les ruses de guerre, tous les subterfuges, les massacres

 17   à l'encontre de son propre peuple. Et vous verrez les preuves à l'appui de

 18   ce que je viens d'affirmer, donc le fait de s'en prendre à son propre

 19   peuple. Je le démontrerai.

 20   Et puis, le Procureur, avec tout ce qu'il a en main, il se permet de

 21   dire que Karadzic cherchait la plus grande séparation possible. Si nos

 22   voisins se dotent d'un tel programme, mais, bien sûr que nous allons nous

 23   séparer d'eux. Nous ne pensons pas que les Musulmans le souhaitaient

 24   massivement. Ce n'est pas Izetbegovic qui l'a emporté aux élections, c'est

 25   Abdic. A partir du moment où l'accord a été passé entre les Serbes et les

 26   Musulmans en 1991, les Musulmans l'ont acclamé, tant qu'Izetbegovic ne

 27   révoque sa signature. Donc la population était heureuse et s'est félicitée

 28   de cela. Mais le SDA et la Communauté musulmane dans son ensemble a

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  1   finalement été manipulée par ces directions.

  2   Mais voyons à présent ce qu'il en serait d'un acte d'accusation où

  3   juste les noms seraient modifiés, et ce serait un acte véridique.

  4   Izetbegovic insistait sur la sécession de toute la Bosnie en dépit de la

  5   mixité de la Bosnie. En d'autres termes, la minorité serbe deviendrait une

  6   minorité nationale dans sa république islamique.

  7   Donc à partir du moment où les Serbes et les Musulmans sont mélangés dans

  8   la Republika Srpska, la Republika Srpska n'a pas le droit de voir le jour.

  9   Or, quand les Serbes sont mélangés avec les Musulmans dans toute la Bosnie,

 10   ça, c'est un cas de figure acceptable. Or, les Musulmans sont mélangés à un

 11   titre plus important que les Serbes, paraît-il. Mais comment, puisque ces

 12   deux groupes ethniques sont mélangés sur un même territoire ?

 13   Donc, nous verrons comment les chiffres peuvent être relativisés,

 14   comment les proportions peuvent être relativisées. Et comme l'affirme

 15   l'éminent M. Tieger, jetons un coup d'œil sur cette répartition ethnique en

 16   Bosnie. Les Serbes, vu leur répartition territoriale qui m'est reprochée

 17   par l'Accusation -- l'Accusation dit que nous sommes des propriétaires.

 18   Oui, sur le plan des biens, de la propriété terrienne, nous sommes des

 19   propriétaires, mais nous sommes la majorité. Nous avons le droit. A partir

 20   du moment où nous avons acquis le droit d'avoir un Etat, nous avons le

 21   droit d'avoir voix au chapitre. Est-ce que nous acceptons qu'une idéologie

 22   s'impose, une idéologie très maléfique à l'égard des Serbes et à l'égard

 23   des Musulmans ?

 24   Donc le Procureur, est-ce qu'il approuve ? Par exemple, il dit que 30

 25   %. Est-ce qu'il accepte, est-ce qu'il approuve ? Voyez-vous quelle serait

 26   la situation ? Donc nous avons insisté pour être séparés d'eux. Mais voyons

 27   en fait la réalité des choses. C'est Izetbegovic qui a insisté pour que la

 28   Bosnie opère une sécession dans sa totalité, indépendamment de la mixité

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  1   ethnique de la Bosnie. Donc lui, il allait sortir un million et demi de

  2   Serbes. Et le Procureur affirme que nous avons demandé des territoires où

  3   il y avait des centaines de milliers de Musulmans et de Croates. Et aux

  4   yeux du Procureur, cela constitue plus qu'un million et demi de Serbes.

  5   Mais nous ne comprenons pas sa manière de procéder à ce calcul. Et les

  6   Musulmans et les Croates, s'ils restaient sur le territoire de la Republika

  7   Srpska, ils ne quitteraient pas par là leur Etat; ils resteraient dans les

  8   frontières du même Etat, seulement en résidant dans une autre entité.

  9   Donc, il y a l'abus de ces déclarations que l'on voit maintenant. Cette

 10   phrase a été amputée de sa partie la plus importante. Bien sûr, si l'on

 11   présente cela aux Juges, ils vont confirmer l'acte d'accusation. Mais en

 12   fait, ce n'est que le résultat d'un abus et ce n'est qu'un faux. Si l'on

 13   parle, par exemple, de natalité, trois sources importantes de natalité

 14   artificielle existent, trois manières pour agrandir une population.

 15   Premièrement, on peut apporter de manière intense et forcée les Musulmans

 16   de Sandzak. Deuxièmement, on peut peupler des territoires des soi-disant

 17   descendants des Musulmans qui étaient partis en Turquie. Et puis, vous avez

 18   la "fatua", à savoir une femme musulmane doit avoir cinq enfants pour

 19   pouvoir en sacrifier un pour son Etat. Pourquoi doit-elle avoir cinq

 20   enfants ? Pour en avoir plus qu'une femme serbe. Et certes, nous nous

 21   opposons à cette approche quant à la natalité. Et quand nous avons dit que

 22   nous n'allions pas accepter que des cités voient le jours, c'est le

 23   résultat des propos que j'ai dits à M. Izetbegovic. Que lui ai-je dit ? Je

 24   lui ai dit : Nous avons vu que vous voulez faire venir les Musulmans de

 25   Sandzak et les Turcs de Turquie, mais n'imaginez pas que nous allons

 26   accepter que ces cités voient le jour sur le territoire de la Republika

 27   Srpska. Ni les Protestants, ni le Catholiques de l'Irlande du nord ne

 28   l'accepteraient que de manière délibérée, par des moyens politiques, on

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  1   déstabilise ethniquement un territoire. C'est un crime. On ne l'accepterait

  2   pas. Et c'est ce que j'ai dit, d'ailleurs, au sein de notre parlement, lors

  3   d'une réunion. Mais en fait, j'ai repris les propos qui venaient de ma

  4   propre bouche. C'est quelque chose que j'avais dit à Izetbegovic, qui a

  5   compris, qui a très bien compris à ce moment-là.

  6   Maintenant, regardons cette déclaration islamiste. Il s'agit d'un texte de

  7   programme. Que les Communistes soient au pouvoir ou pas, rien n'avait

  8   changé. Et on peut lire :

  9   "Nous annonçons à nos amis et à nos ennemis que les Musulmans sont

 10   déterminés à prendre le futur du monde islamiste dans leurs propres mains,

 11   et nous allons établir un monde en fonction de nos propre critères. Il

 12   s'agit en fait des combattants sacrés, qui sont considérés comme des

 13   martyrs. C'est le terme de Sahid. Et ils ne peuvent mourir qu'au nom

 14   d'Allah ou pour la gloire de l'Islam."

 15   Je vais m'arrêter ici pour un moment, et je peux vous apporter la preuve de

 16   cela. M. Izetbegovic a dit à ses associés, pour des raisons tactiques : il

 17   y a des soldats qui sont prêts à perdre leurs vies pour une Bosnie

 18   multiethnique, mais il ne faut pas se voiler la face. Ils ne veulent pas

 19   mourir pour une Bosnie multiethnique. C'était un moment de sincérité

 20   franche dans un cercle très restreint, mais nous avons des preuves.

 21   La première conclusion, et la plus importante d'ailleurs, c'est que la

 22   religion islamiste et les institutions politiques et sociales non

 23   islamistes ne peuvent pas coexister. Il ne peut pas avoir de paix ou de

 24   coexistence entre les religions islamistes et les institutions politiques

 25   et sociales non islamistes. Qui que ce soit qui souhaite que notre

 26   communauté continue à prospérer ne va pas essayer de ne pas se battre ou de

 27   ne pas de mettre en danger.

 28   En fait, l'Etat devrait approuver les critères moraux d'une religion,

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  1   quelle qu'elle soit. L'Islam est le premier point et le panislamisme est la

  2   deuxième priorité. Alors, regardez cela pour un instant.

  3   Nous avons annoncé un renouveau, mais nous n'annonçons pas en fait une

  4   période de sécurité et de paix, mais une période de troubles avec

  5   énormément de défis à relever. Beaucoup d'éléments devront être détruits.

  6   Les personnes qui dorment ne peuvent en fait être réveillées que par des

  7   secousses. Et si l'on veut le bien de notre communauté, on ne devrait pas

  8   être avare de lutte, de danger ou de problèmes. Le mouvement islamique ne

  9   pourra pas commencer sans une révolution politique, il ne pourra pas

 10   arriver à son terme sans une révolution politique qui aura été menée à

 11   bien. Et nous devrons nous assurer que nous soyons suffisamment forts d'un

 12   point de vue numérique pour être en mesure de ne pas uniquement lutter

 13   contre le gouvernement non islamiste en place, mais également contre la

 14   constitution d'un nouveau gouvernement islamique.

 15   Vous voyez qu'ici, il n'y a vraiment aucune équivoque, et il semble

 16   vraiment que ce soit énormément de luttes. Mais, en fait, ici, cela vient

 17   de l'ennemi, tel que Churchill l'avait dit. Ici, vous avez le gouvernement

 18   qui va créer des troubles au sein de son propre peuple.

 19   Et ceux qui voudraient notre communauté prospérer, ne devraient pas

 20   proférer ce genre de paroles. Donc les personnes qui s'opposeront aux

 21   Serbes vont essayer de prouver que ce sont les Serbes qui ont fait cela à

 22   Markale, mais vous savez que ceci n'est pas vraiment convaincant. Il est

 23   impossible de faire ceci avec un seul obus, et notamment, de tuer des

 24   personnes qui n'étaient même pas là, à proprement parler. C'est ce qui

 25   s'est passé en 1990, et c'est le moment où le renouveau a été annoncé et où

 26   une période de trouble a commencé avec de nombreux défis à relever, car, en

 27   fait, beaucoup de choses sont vouées à la destruction, mais c'est pas nous

 28   qui avons cherché cette destruction. En fait, c'était la constitution qui

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  1   devait être détruite, la constitution de Bosnie-Herzégovine, avec un

  2   gouvernement laïc, mais en fait, la JNA, la coexistence en Bosnie-

  3   Herzégovine, l'état de droit en Bosnie-Herzégovine. Les Musulmans parlaient

  4   la même langue, la langue serbe. Le fait que vous ayez accès à ceci, ce que

  5   vous avez devant vous est une erreur, parce que c'est l'héritage du peuple

  6   serbe. Les Australiens ne parlent pas australiens ou ne parlent pas une

  7   langue aborigène, ils parlent anglais.

  8   Le passé commun a été détruit, mais également le présent commun a été

  9   détruit également, et un avenir commun. Ils pensaient qu'ils avaient le

 10   droit de faire cela, même si personne ne leur a demandé vraiment de prendre

 11   ce type de mesures.

 12   Maintenant, essayons de voir quelles sont les accusations qui sont

 13   proférées contre les Serbes. En fait, on tronque certaines citations, mais

 14   là, dans ce cas-là, des documents ont été préparés. Ils ont été tenus

 15   responsables devant des tribunaux, parce que ces textes avaient été

 16   rédigés, et ils ne voulaient pas se récuser. Par conséquent, ils

 17   préféraient aller en prison. Le Parti démocratique serbe, avant 1990, a

 18   demandé qu'une chambre des nations soit introduite dans l'assemblée de

 19   Bosnie-Herzégovine, et cette chambre permettrait de prendre des décisions

 20   sur les questions importantes sur la base d'un consensus.

 21   Cette proposition ne correspond pas à une entreprise criminelle

 22   commune. Si tel était le cas, que pourraient faire les Serbes contre les

 23   Musulmans et les Croates ? Rien du tout. Tout le monde aurait un droit de

 24   veto. Ils ont répondu en établissant ce conseil pour les droits égaux des

 25   peuples et des nationalités. Il s'agit d'un jargon communiste qui est assez

 26   maladroit.

 27   Et de toute façon, cette instance se réunissait sur une base ad hoc.

 28   Ce n'était pas une instance qui avait des réunions régulières. Si nous

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  1   avions un problème quelconque, dans ce cas-là, une réunion était convoquée.

  2   Si ça avait été le cas, il y aurait une garantie qui

  3   nous aurait permis de ne pas arriver à la situation dans laquelle nous nous

  4   sommes trouvés. Ce n'est pas uniquement les Serbes, mais c'est également

  5   les Musulmans et les Croates qui ne se seraient pas retrouvés dans une

  6   situation difficile et totalement inacceptable.

  7   Quoi qu'il en soit, les Serbes et le Parti démocratique serbe, et cette

  8   personne accusée ici avaient proposé des solutions qui étaient totalement

  9   contraires à ce qui fait l'objet des chefs d'accusation ici. Ceci fait

 10   partie de la constitution. Il y avait cette déclaration, cette déclaration

 11   sur la souveraineté qui a été stoppée à deux reprises par ce conseil, et

 12   qui n'a jamais vraiment été votée parce que le SDA a saboté sa

 13   constitution. C'est comme si cette proposition n'avait jamais été établie.

 14   Lorsque j'ai fait ce discours, le 15 octobre, ils ont été contre en disant

 15   qu'ils n'étaient pas intéressés. Parce que même en mars, M. Izetbegovic

 16   avait dit, à Split, lorsqu'une conférence s'y est tenue avec les présidents

 17   des différentes républiques yougoslaves, il avait dit : Nous allons adopter

 18   cette résolution avec ou sans les Serbes, en fait, c'étaient avec les

 19   Serbes ou contre les Serbes.

 20   Le bureau du Procureur ne nous donne pas le droit d'avoir une vie politique

 21   et de prendre des mesures réciproques. Il pense que l'on aurait dû rester

 22   silencieux, et que l'on aurait dû tomber d'accord sur ces mesures de

 23   souveraineté, d'indépendance, qui étaient envisagées à l'époque et qui

 24   allaient détruire nos droits. Vous aviez le système juridique qui était

 25   l'épine dorsale de toute société, et qui était donc l'épine dorsale de la

 26   nôtre, avait été détruit par la déclaration islamiste; alors que

 27   l'Accusation prétend que nous n'aurions jamais dû faire cela. Tout ce que

 28   nous avons fait relevait de crimes que nous avions commis. Cependant, c'est

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  1   écrit, nous avions le droit de remettre ceci en question.

  2   M. Izetbegovic a dit : Nous sommes tout à fait conscients qu'en déclarant

  3   la neutralité de la Bosnie-Herzégovine en ce qui concerne la guerre en

  4   Croatie, nous avons peut-être enfreint certaines lois, mais à l'heure

  5   actuelle, tout est fluide. Il y a des lois, et il y a d'autres lois. Cela

  6   signifiait qu'il y a des lois qu'ils vont respecter, et il y a d'autres

  7   lois que, d'un autre côté, nous n'allons pas observer, si elles pouvaient

  8   aller à l'avantage d'autres. Ça, ce n'est pas vraiment une définition de

  9   situation fluide que M. Karadzic va aborder, c'est-à-dire lorsque les

 10   Serbes ne peuvent pas trouver un chemin dans cette situation illicite.

 11   L'Accusation va bien sûr nous reprocher cela et, bien sûr, ça été la base

 12   du désordre, du chaos en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire l'existence de

 13   lois qui faisaient deux poids deux mesures, à savoir qu'elle pouvait être

 14   interpréter d'une manière ou d'une autre.

 15   Maintenant, voyons comment la Bosnie-Herzégovine aurait pu fonctionner. Ils

 16   n'auraient pas pu obtenir tout type d'indépendance sans un accord des

 17   Serbes. Il devait y avoir une décision à deux tiers, et il n'y a pas eu de

 18   majorité des deux tiers au référendum, et il n'y aurait pas eu de majorité

 19   des deux tiers au parlement, parce que 83 Serbes étaient contre, 83

 20   parlementaires serbes étaient contre ce référendum, et ils se sont séparés

 21   du parlement, et ils ont constitué l'assemblée du peuple serbe. Par

 22   conséquent, la Bosnie-Herzégovine ne pouvait absolument pas adopter cette

 23   résolution sur la souveraineté, sauf s'ils disaient qu'il y avait certaines

 24   lois, et il y en avait d'autres. En d'autres termes, si l'on n'était pas

 25   d'accord pour prendre des mesures qui étaient illicites, rien ne pouvait

 26   être fait de leur côté.

 27   Si quelqu'un nous avait dit, en tant que Serbes, on refuse notre droit de

 28   défense, est-ce que notre droit de réciprocité est également retiré de

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  1   répondre, par exemple, à un comportement illicite, une violation de nos

  2   droits, à également un comportement anticonstitutionnel. Si ceci n'était

  3   pas le cas, cet acte d'accusation aurait été impossible, et aurait dû être

  4   rejeté immédiatement. Et on devrait rejeter cet acte d'accusation

  5   immédiatement si l'on veut prouver que nous n'avons jamais eu l'intention

  6   de faire partir les Musulmans et les Croates de chez eux. Et nous allons

  7   prouver ceci très bientôt.

  8   Les valeurs de la société bosnienne consistant à dire qu'elle

  9   espérait à voir les destructeurs prévaloir, nous ne voulions pas faire

 10   partie de cela. Le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine avait un droit

 11   explicite conformément à la constitution, mais également d'un point de vue

 12   historique, ils avaient le droit de faire partie constituante de cet état

 13   conjoint, et ils étaient l'écho détenteur de ces institutions de Bosnie-

 14   Herzégovine, tels que les Serbes de la Krajina étaient également les

 15   codétenteurs de la Croatie puisqu'ils étaient entrés dans ce partenariat,

 16   si l'on peut dire.

 17   Nous rentrons maintenant dans le statut constitutionnel de la Bosnie-

 18   Herzégovine qui aurait dû évaluer conformément au droit. Les Serbes

 19   représentaient plus d'un tiers de la population, si l'on prend en compte

 20   les Serbes, il y en avait un tiers ou un quart qui était en faveur de la

 21   création d'une nation yougoslave, mais il y avait plus d'un tiers des

 22   Serbes dans la population, et cela ne suffisait pas uniquement pour arriver

 23   à un consensus mais également pour participer à tout autre processus

 24   démocratique. Ils auraient pu s'opposer à l'indépendance. Ce sont les

 25   peuples, et non les territoires administratifs qui ont un droit à

 26   l'indépendance et à l'autodétermination.

 27   Vous savez comment les Serbes sont entrés dans la Yougoslavie ? En

 28   1918, un pays a été établi. Les Serbes, les Croates et les Slovènes des

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  1   territoires qui avaient été récemment libérés de l'Empire austro-hongrois.

  2   Ce n'était pas des républiques différentes. Il n'y avait qu'un seul état

  3   qui a été constitué. Par conséquent, les Serbes étaient souverains à

  4   Ljubljana et les Slovènes, à Sarajevo, et par conséquent, cet état a

  5   demandé à la communauté de s'unifier avec la Serbie. Par conséquent, ils se

  6   sont unifiés avec la Serbie. Les Serbes ont rejoint cet état en tant que

  7   co-propriétaires, si on peut dire ou co-détenteurs de cet état. C'est là où

  8   on avait dit qu'il y avait un droit à l'autodétermination. Le président

  9   Wilson avait dit que la Serbie devrait avoir accès la mer et le successeur

 10   du président Wilson se doit de respecter cet engagement auprès de la

 11   Serbie.

 12   Donc, nous n'avions pas des républiques qui ont rejoint la

 13   Yougoslavie pour qu'elles la quittent ultérieurement. Et comme Lord Owen

 14   l'a dit, ils ont établi des frontières administratives qui sont, d'un seul

 15   coup, devenues plus importantes que les frontières externes. C'était fait

 16   de manière tout à fait arbitraire. Personne n'a pu vraiment déterminer

 17   comment ces frontières avaient été établies, mais Tito a dit que ça n'avait

 18   aucune importance. Mais d'un seul coup, ces frontières internes étaient

 19   devenues plus importantes et du sang était répandu en raison de ces

 20   frontières internes. C'est toujours le cas lorsque vous avez des frontières

 21   communistes ou des frontières impériales. Si vous regardez la Croatie, la

 22   Croatie a hérité de frontières de l'Empire austro-hongrois. Les Serbes

 23   peuvent voir le littoral, mais n'y ont pas vraiment accès.

 24   C'est ce que Hasan Cengic, cet homme d'église, a dit en ce qui

 25   concerne la Ligue des Patriotes, qui a été constituée le 31 mars 1991.

 26   J'aimerais que l'Accusation me montre toute formation qui était derrière le

 27   Parti démocratique serbe et le peuple serbe. Cependant, ce que nous avons,

 28   même avant le 31 mars, c'est une unité, unité qui a été constituée par le

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  1   père de ce dit Hasan Cengic, alors que le SDS organisait et dirigeait ces

  2   différentes antennes, de mars jusqu'à la fin de la guerre. Voilà un

  3   organigramme de la Ligue des Patriotes. Vous avez le commandant suprême,

  4   Alija Izetbegovic. Vous avez l'état-major politique qui est dirigé par --

  5   ou l'état-major militaire qui est dirigé par Sefer Halilovic, et puis, vous

  6   avez également l'état-major politique, les états-majors politiques et

  7   militaires régionaux, ainsi que les états-majors politiques et militaires

  8   municipaux. Cette organisation a été dotée en personnel très rapidement, de

  9   façon à ce que dès janvier 1994, ils disposaient déjà de 100 000 troupes.

 10   Voilà, donc, le rôle de la Ligue des Patriotes, des Bérets verts et des

 11   autres unités organisées qui étaient en place à l'époque.

 12   Dans ces actes d'accusation contre les Serbes, l'Accusation se

 13   concentre principalement sur les cellules de Crise. Les Serbes avaient

 14   leurs cellules de Crise. Lorsqu'il n'y a pas suffisamment -- il y avait

 15   pénurie de pétrole, comme cela s'est produit récemment en raison des

 16   Ukrainiens qui ont coupé l'approvisionnement, vous devez constituer des

 17   cellules de Crise. La situation n'est pas habituelle, et par conséquent,

 18   vous avez besoin d'une cellule de Crise pour gérer cette situation. Et

 19   j'aimerais tout d'abord attirer votre attention sur certains faits, à

 20   savoir que la cellule de Crise du Parti de l'Action démocratique et du HDZ

 21   était présente de partout, même dans les plus petits villages, et ceci,

 22   bien avant la guerre et bien avant la constitution du SDS.

 23   Ici, vous voyez certaines différences entre les cellules de Crise du

 24   SDA et du SDS. La cellule de Crise ou les cellules de Crise du SDA avaient

 25   été constituées bien avant la guerre. Et là, il n'y avait aucun indice nous

 26   laissant penser qu'une guerre éclaterait en Bosnie-Herzégovine. Les

 27   cellules de Crise du SDS se sont constituées juste avant le début de la

 28   guerre, au moment où les structures de l'état étaient sur le point

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  1   d'éclater, et il y avait la guerre en Croatie qui avait créé énormément de

  2   problèmes, et également beaucoup de réfugiés. Nous avions des formations

  3   armées, nous avions également des transports sous couvert d'armement, et

  4   c'est seulement à ce moment-là que les Serbes ont constitué leurs cellules

  5   de Crise. Les attributions de ces cellules de Crise relevaient des

  6   ministres de la Défense, et cetera. Cependant, le seul rôle des cellules de

  7   Crise du SDS était simplement d'informer le QG de Sarajevo aussi rapidement

  8   que possible.

  9   Le 14 février 1992, Karadzic leur dit, de manière tout à fait

 10   explicite :

 11   "Vous n'êtes pas une autorité qui a le pouvoir. Vous êtes ici pour

 12   prêter votre soutien, pour surveiller le transport des armes, pour

 13   également surveiller la situation et pour nous informer si vous rencontrez

 14   des situations extraordinaires."

 15   J'ai cité l'exemple du peuple britannique -- en fait, tout

 16   Britannique protège son propre pays.

 17   Les cellules de Crise républicaines constituées au niveau de la

 18   Présidence, dirigées par Ejub Ganic, ont permis à Alija Izetbegovic de

 19   contourner Biljana Plavsic et Nikola Koljevic en tant que représentants du

 20   peuple serbe, et une fois que les décisions avaient été prises au niveau de

 21   la cellule de Crise, ces décisions étaient mises en œuvre.

 22   Les cellules de Crise du SDS ont existé pendant une période très

 23   brève avant que la guerre se déclare, et une fois que la guerre s'est

 24   déclarée, elles ont cessé d'exister. Nous avions des cellules de Crise

 25   municipales qui étaient considérées comme des organes d'état. Ces cellules

 26   de Crise n'étaient pas à l'instar des -- ne représentent pas les autorités

 27   serbes, mais elles étaient constituées lorsqu'il y avait des regroupements

 28   ethniques dans ces municipalités.

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  1   Alors que l'Accusation cite un rapport de Bijeljina en disant que la

  2   cellule de Crise de Bijeljina a informé le quartier général du SDS de leur

  3   décision. Cependant, l'Accusation déclare que ceci a fait l'objet d'une

  4   décision par l'état-major du SDS alors qu'en fait, ceci est très clair, la

  5   cellule de Crise de la municipalité, qui est un organe de l'état, a pris

  6   cette décision et la décision est très claire. Ceci n'a fait qu'accélérer

  7   le processus, et par conséquent, il n'était pas nécessaire de constituer

  8   l'assemblée; ces décisions ont ensuite été adoptées lors de réunions

  9   ordinaires de l'assemblée.

 10   Les cellules de Crise en Republika Srpska fonctionnaient de manière

 11   ouverte et publique. Toute décision était consignée dans un compte rendu et

 12   toute décision qui était soumise pour adoption faisait également l'objet

 13   d'une consignation écrite. Par exemple, Kotor Varos avait des réunions

 14   quotidiennes de leurs cellules de Crise, et ceci montre bien le degré de

 15   responsabilité de ces autorités telles que celles qui étaient basées à

 16   Kotor Varos. Mais le bureau du Procureur a omis de mentionner cet exemple.

 17   Cependant, moi, je veux le rementionner simplement pour vous montrer le

 18   caractère très responsable de ces instances.

 19   Voilà donc ce qui est mentionné quant à leur réalisation, c'est-à-

 20   dire le responsable du SDA et de la Ligue des Patriotes. Toute commune

 21   locale dans la municipalité a plusieurs communes, et les 103 municipalités

 22   avaient des unités, que ce soit des escadrons ou des compagnies. Un des

 23   objectifs était de s'approvisionner en armes.

 24   Si vous revenez à cette carte que je vous ai montrée, vous voyez que

 25   dans toutes les municipalités où vivaient les Serbes, au total, il y en

 26   avait 109, ils ne pouvaient pas faire ceci dans les municipalités croates.

 27   Mais dans toutes les municipalités où vivaient les Serbes, ils avaient des

 28   compagnies, et leurs voisins serbes étaient en mesure de voir ces

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  1   compagnies. L'Accusation pense qu'on ne devait pas observer et surveiller

  2   ce type d'activités. Mais d'un autre côté, ils leur permettaient d'avoir ce

  3   type d'unités dans les communes locales. Ils m'ont également critiqué

  4   d'avoir intimidé des Serbes sans aucune justification.

  5   Toutes les préparations étaient coordonnées par la Ligue des

  6   Patriotes et par ces cellules sur tout le territoire de la Bosnie ou de la

  7   Bosnie islamiste, qu'il y ait des Serbes qui habitaient là-bas ou pas, ou

  8   qu'ils soient disposés à accepter les doléances de la Ligue des Patriotes

  9   ou du SDA. M. Izetbegovic les a rencontrés. Il était leur commandant en

 10   chef.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous devons lever la séance très

 12   bientôt.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux avoir trois minutes

 14   supplémentaires ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Malheureusement pas. Une minute

 16   seulement.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Une minute.

 18   M. Izetbegovic, compte tenu du poste qu'il occupait, était le président du

 19   Conseil national de Défense de Bosnie-Herzégovine. En février, il a

 20   constitué un conseil secret pour la défense des Musulmans. Donc,

 21   Izetbegovic numéro un devrait arrêter Izetbegovic numéro deux, parce que

 22   ces deux personnes occupaient deux postes différents, et un de ces postes

 23   minait l'autre poste. C'est ce que les Serbes ne pouvaient plus permettre.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Monsieur Tieger, je voudrais m'assurer que vous pouvez prendre la parole

 26   dès demain matin.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Nous allons verser des écritures aujourd'hui,

 28   et je ne pense pas que nous nous opposerons à une certification. Mais nous

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  1   nous opposerons à un report.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ce sera très utile.

  3   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 2 mars 2010,

  4   à 9 heures 00.

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