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2 [Audience publique]
3 [Déclaration liminaire de la Défense]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Monsieur le Greffier,
7 pouvez-vous donner le numéro de l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-95-
9 05/18 [comme interprété], le Procureur contre Radovan Karadzic.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Aujourd'hui, nous continuons à
11 entendre la déclaration liminaire de la Défense, qui devrait durer toute la
12 matinée d'aujourd'hui ainsi que demain matin. Avant de continuer,
13 j'aimerais savoir qui représente le bureau du Procureur.
14 M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
15 Messieurs les Juges. Alan Tieger, Hildegard Uertz-Retzlaff, et Iain Reid
16 pour l'Accusation.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
18 Monsieur Karadzic, est-ce que vous pourriez présenter les membres de votre
19 équipe, s'il vous plaît, qui sont dans le prétoire.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Vos Excellences. Je suis accompagné de
21 M. Peter Robinson et Marko Sladojevic, mes conseillers juridiques.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Je remarque également que M.
23 Richard Harvey est présent sous l'instruction de cette Chambre de première
24 instance. Nous devrons encore déterminer son rôle dans ce procès et nous le
25 ferons à l'issue des déclarations liminaires de M. Karadzic et lorsque nous
26 aurons commencé à entendre les éléments de preuve.
27 Monsieur Harvey, je voudrais savoir si vous pouvez vous présenter.
28 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
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1 Messieurs les Juges. Je suis accompagné de Mme Mirjana Vukajlovic.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Harvey.
3 M. HARVEY : [interprétation] Merci.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de donner la parole à M. Karadzic
5 pour ses déclarations liminaires, je voudrais rappeler que ces déclarations
6 liminaires sont prononcées conformément à l'article 84 des Règles de
7 procédure et de preuve plutôt que l'article 84 bis.
8 Monsieur Karadzic, vous avez la possibilité à un stade ultérieur, si vous
9 le souhaitez, de faire une déclaration dans le cadre de l'article 84 bis.
10 Dans ce cas-là, les dispositions de cet article s'appliqueront et cette
11 Chambre de première instance pourra décider de la valeur probante de ladite
12 déclaration.
13 Nous avons un autre thème à aborder pour l'audience d'aujourd'hui et de
14 demain. Cette Chambre de première instance n'a pas accédé à la requête de
15 l'accusé pour un report du procès en date de vendredi 26 février. Dans
16 cette décision, la Chambre de première instance a fixé un délai à l'accusé
17 pour faire une demande de certification en appel de cette décision, si
18 l'accusé le souhaite, et cette date butoir est donc aujourd'hui. Et on m'a
19 dit que l'accusé a présenté une motion pour obtenir une certification
20 d'appel à cette décision. Est-ce que je peux avoir une confirmation ?
21 Je vois l'assentiment de l'accusé. Mais nous avons besoin d'une réponse
22 verbale pour les fins du compte rendu d'audience. Est-ce que M. Robinson ou
23 M. Karadzic souhaite prendre la parole ?
24 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Avec
25 l'indulgence de M. Karadzic, je vais répondre à votre question en disant
26 que oui, nous avons déposé cette motion aujourd'hui.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci. Et bienvenu à nouveau.
28 Dans ce cas-là, Monsieur Tieger, j'aimerais savoir si cette Chambre de
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1 première instance pourrait avoir votre réponse d'ici à la fin de cette
2 journée d'aujourd'hui ou est-ce que vous souhaitez répondre oralement
3 demain matin ?
4 M. TIEGER : [interprétation] Nous pourrons avoir une réponse orale demain
5 matin, et je suis sûr qu'on pourra faire ceci avant la conclusion des
6 débats.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
8 Je vous donne la parole maintenant, Monsieur Karadzic, pour votre
9 déclaration liminaire. Et gardez à l'esprit que nous devrons faire une
10 pause à environ 10 heures 20 pour 20 minutes, ce sera la première pause. Et
11 ensuite, nous aurons une seconde pause à midi pour une demi-heure, ce qui
12 constituera la deuxième pause. C'est ainsi que nous fonctionnerons dans les
13 audiences à venir qui se tiendront dans la matinée.
14 Oui, Monsieur Tieger.
15 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Très rapidement,
16 je souhaitais mentionner la requête de l'Accusation du 23 février en ce qui
17 concerne les mesures de précaution, et je ne sais pas si la Chambre de
18 première instance, dans ses remarques d'aujourd'hui, reflète ses
19 conclusions à cet égard ou si ceci, en fait, n'était plus mentionné, mais
20 je voulais donc attirer l'attention sur le fait que l'Accusation a une
21 motion qui est en instance, et j'aimerais qu'elle soit prise en compte
22 avant que l'accusé commence.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, Monsieur Tieger, pour m'avoir
24 rappelé cela. J'en parlerai en partie de ceci, mais le reste après la
25 déclaration liminaire de M. Karadzic.
26 Monsieur Karadzic, vous avez la parole.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi de saluer tous les participants
28 actifs et passifs de cette audience. Je suis ici devant vous, non pas pour
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1 défendre la petitesse d'un homme, à savoir moi, mais pour défendre la
2 grandeur d'un peuple, le peuple de Bosnie-Herzégovine qui, depuis 500 ans,
3 supporte son sort avec une grande ténacité et une grande modestie afin de
4 rester en vie. Je ne me défendrai pas en affirmant que je n'avais aucune
5 importance ou que je n'ai pas obtenu des fonctions importantes pendant que
6 je servais mon peuple, et je ne reporterai pas la responsabilité qui est la
7 mienne sur autrui. J'affirmerai que l'affaire de notre peuple est égale à
8 l'affaire du monde et, de cette façon, je parviendrai à me défendre grâce,
9 en particulier, à la bonne qualité des éléments de preuve que je
10 présenterai pour peu que j'aie suffisamment de temps afin de préparer ma
11 Défense, celle-ci jouera en ma faveur.
12 Donc la seule chose que je souhaite, c'est que me soit donnée la
13 possibilité de préparer ma défense afin de présenter et d'exposer ici le
14 détail des éléments de fond qui n'ont pas encore été découverts et n'ont
15 pas encore été exprimés dans ce prétoire.
16 J'aimerais vous parler d'une situation qui a existé chez nous. Aux
17 élections de 1990, à savoir les premières élections démocratiques dans mon
18 pays, de nombreux dissidents se sont portés candidats car, par le passé, il
19 n'existait pas de système multipartite. Et nous avons eu sept candidats :
20 deux Serbes, deux Croates, deux Musulmans et un représentant des minorités.
21 Mon parti, le Parti démocratique serbe, occupait la septième place, donc
22 faisait partie des autres, et au titre de ces autres, a porté pour candidat
23 un Juif qui n'était pas partie du SDS, mais nous avons estimé que c'était
24 lui qui représentait le mieux ce groupe des autres. Par ailleurs, ce parti
25 avait une grande importance à Sarajevo car, après l'exode en Espagne, un
26 grand nombre de Juifs sont arrivés à Sarajevo et ont laissé beaucoup de
27 traces, ont grandement contribué au développement de Sarajevo.
28 Le Parti de l'Action démocratique a porté pour candidat M. Ganic,
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1 dont il a transformé le groupe ethnique en le qualifiant de serbe pour
2 cette occasion, et c'est lui qui a donc été présenté comme candidat dans ce
3 groupe des autres. Ce monsieur, c'est ce monsieur très connu qui s'est fait
4 connaître par la tuerie de soldats innocents qui se retiraient de Sarajevo
5 en passant par une rue Dobrovoljacka, et il est également bien connu par
6 l'ordre qu'il a donné à la radio en disant que dès qu'Alija sortait de sa
7 voiture, il fallait les tuer tous. Donc c'est le SDA et la Communauté
8 musulmane de Bosnie-Herzégovine qui a obtenu la majorité des élus, alors
9 que la parité aurait dû l'emporter.
10 Les Serbes avaient un meilleur candidat, le meilleur qu'ils auraient
11 pu présenter, c'était quelqu'un qui se déclarait yougoslave, mais nous
12 considérons que les conditions dans lesquelles ces élections ont eu lieu
13 n'ont pas été démocratiques ni honnêtes et n'ont pas constitué une base
14 saine pour permettre une coexistence de façon générale dans cette région.
15 C'était donc un jeu d'enfant pour les organes de l'Etat de défendre leur
16 politique de guerre, la politique défendue par le Parti d'Action
17 démocratique, qui voulait obtenir les plus grands avantages, et tout cela
18 au détriment de la majorité chrétienne, c'est-à-dire des Serbes et des
19 Croates.
20 Alors, pourquoi est-ce que les dirigeants du Parti d'Action démocratique
21 ont fait cela ? Pas seulement parce que c'était une façon d'exprimer le
22 modèle fondamentaliste de pensée et d'action qui était le leur, modèle
23 dirigé vers la domination et la suprématie, l'obtention de privilèges et
24 100 % du pouvoir comme à l'époque de l'Empire ottoman, mais avant tout pour
25 obtenir la réalisation des objectifs islamistes au sein de la présidence,
26 c'est-à-dire la création d'un état correspondant à ce qu'ils avaient
27 envisagé au départ, un état qu'ils envisageaient déjà depuis 50 ans et qui
28 explique le drame que nous avons vécu.
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1 Des jeux délicats ont été joués dans mon pays à l'époque du communisme,
2 mais ce n'était rien par rapport à ce qui s'est passé récemment, car les
3 communistes n'étaient pas les meilleurs idéologues, et leurs objectifs
4 fondamentaux n'avaient pas pour but de changer le destin et l'apparence de
5 toute une région ainsi que le destin de plusieurs nations et de plusieurs
6 groupes ethniques qui y vivaient. Par conséquent, la sécession de la
7 Bosnie-Herzégovine en espèce a été l'objectif poursuivi, d'ailleurs pas
8 seulement la sécession qui ne pouvait se faire de façon légale, mais la
9 création d'un système et d'un régime, la création d'une structure que je
10 vais maintenant vous décrire en vous présentant les arguments qui sont les
11 miens pour vous montrer ce qu'il en était exactement et vous donner les
12 éléments de juger de l'avenir.
13 La nécessité exprimée au cours de ces élections n'était pas donc uniquement
14 d'avoir un vote de plus, une voix de plus, parce que le désir profond du
15 SDA était d'acquérir 100 % de la Bosnie dans son intérêt, c'est la base de
16 la pensée du SDA. Ils pensent : La Bosnie est à nous, les Serbes ne sont
17 ici que des invités. Et ne parlons même pas des Croates. C'est donc
18 l'attitude générale qu'ils ont manifestée par rapport à la majorité
19 chrétienne à ce moment où il n'y avait plus nécessité de se séparer de la
20 Yougoslavie et où ils se sont mis à poursuivre la réalisation de leurs
21 objectifs politiques par des moyens politiques. L'augmentation de la
22 population n'est un problème pour personne, mais l'installation d'un grand
23 nombre d'habitants dans le Sandzak et l'arrivée des Turcs a créé une
24 nouvelle situation qui a fait couler beaucoup d'encre dans la presse.
25 Lorsque les Etats-Unis, en 1995, ont décidé de mettre fin à la guerre
26 qu'ils menaient en Bosnie-Herzégovine, leurs ambassadeurs, M. Holbrooke et
27 les autres, nous ont écrit et dit qu'il fallait que nous négociions non pas
28 pour obtenir 100 % du pouvoir en Bosnie-Herzégovine, mais 30 % du pouvoir
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1 dans les 100 % de la Bosnie. Ils nous ont dit : Vous ne pouvez pas obtenir
2 100 % du pouvoir dans 100 % de la Bosnie. C'est donc le cœur du sujet
3 s'agissant de la guerre et de la crise qui se poursuit encore aujourd'hui
4 et que l'on constate très bien au niveau du département d'Etat et de
5 Holbrooke. Ils ont compris quel était le problème fondamental, le cœur du
6 problème. Mais que souhaitaient-ils réellement obtenir avec l'aide, y
7 compris de leurs puissants alliés ? En 1914 et 1941, les conditions étaient
8 certes différentes, mais ce qu'ils désiraient déjà c'était la création d'un
9 état fondamentaliste islamiste, et ils ont renouvelé ce souhait à partir de
10 1991. Ils ont exprimé ce désir entre 1991 et 1995. Ils continuent à
11 souhaiter la création de cet état dans des frontières définies, celles des
12 entités déterminées aujourd'hui. Aussi longtemps que la population de
13 Bosnie, ou en tout cas un groupe de la Bosnie aura la possibilité de se
14 saisir de 100 % du pouvoir y compris sur 18 % de la Bosnie, il n'y aura pas
15 de paix en Bosnie.
16 Alors, disons les choses clairement. Je ne parle pas de tous les Musulmans,
17 je ne parle pas de l'ensemble du Parti de l'Action démocratique. Je parle
18 d'un noyau dans ce parti qui complote et qui est responsable de tout ce qui
19 s'est passé. Je ne dis pas que les Musulmans devraient être des Serbes ou
20 que les Musulmans posent un problème particulier pour les Serbes de Bosnie.
21 Il y a des Musulmans comme Osman Dzikic, leur plus grand homme, qui veulent
22 rester Serbes, qui ont la culture serbe et qui sont devenus de grands
23 auteurs et sont de grands esprits serbes en Bosnie. Chacun a le droit à ses
24 opinions.
25 L'ensemble du Parti de l'Action démocratique n'est pas responsable de ce
26 qui s'est passé et de ce qui continue à se passer. Au sein de ce parti, il
27 existe un noyau de conspirateurs qui a agi et a donné un grand nombre des
28 dirigeants musulmans de Bosnie. M. Zulfikar Alipasic et le Pr Filipovic ont
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1 écrit à ce sujet, et de nombreux intellectuels musulmans, avant les
2 élections, ont écrit une lettre à Izetbegovic en lui disant : "Est-ce que
3 vous pensez que les Serbes sont des imbéciles et qu'ils ne voient pas ce
4 qui est en train de se passer ?" Par conséquent, ils ont pris leurs
5 distances par rapport à ce parti parce que ce sont des hommes de vision et
6 qu'ils prévoyaient ce qui allait se passer.
7 Les jeunes Musulmans ont pris naissance en tant que groupe en Egypte et
8 sont à l'origine de l'assassinat de Sadat, et de Dieu sait quoi d'autre.
9 Alors l'Accusation ici nous dit que la thèse du tu quoque n'a aucune
10 importance et que cette thèse ne peut être présentée dans le cadre d'un
11 procès mené devant ce Tribunal, même si les personnes concernées par cette
12 thèse ont commis des crimes majeurs, des crimes de sang, et ne seront sans
13 doute jamais jugés puisque les actes d'accusation contre eux n'ont pas été
14 dressés. Il était plus facile de les laisser en liberté ou de les
15 acquitter. Ça, c'est un problème qu'il est impossible de contourner, et
16 malgré cela on parle de recherche de 100 % de la vérité.
17 Je suis surpris et inquiet également de voir comment se comporte
18 l'Accusation dans des situations diverses. L'Accusation aimerait qu'un
19 procès se déroule sans corpus delecti, sans corps du délit. Elle tient à
20 nous dire : Ecoutez, mettons-nous ensemble et mettons-nous d'accord pour
21 mettre en examen un certain nombre de personnes, les déclarer coupables.
22 Mais la Défense que je représente ici a de nombreuses critiques à faire
23 valoir au sujet de cette attitude et ne permettra pas que les choses
24 procèdent de cette façon. Il apparaît que l'Accusation a conclu un accord
25 avec nos ennemis pendant la guerre ou, comme nous aimons le dire en
26 plaisantant, que l'Accusation s'efforce de transformer ce Tribunal en
27 commission disciplinaire de l'OTAN. Et si vous pensez que mon propos est
28 une exagération, vous entendrez s'exprimer des officiers de haut rang de ce
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1 Tribunal qui vous montreront que l'OTAN a planifié la liquidation de
2 Karadzic, à l'issu du procès.
3 [Diffusion de la cassette audio]
4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
5 "Mme Delponte :
6 Les Etats-Unis en particulier s'efforcent de localiser Karadzic. Karadzic
7 sait parfaitement bien qu'il est en danger, car si on découvre l'endroit où
8 il se trouve, il ne sera pas transféré à La Haye vivant. Une opération se
9 mènera et on dira : Oui, il était armé, et une réaction a eu lieu par
10 rapport à cela. Pourquoi suis-je en train de dire cela ? Parce que j'ai à
11 l'esprit l'accord conclu entre Karadzic et Holbrooke. Je mène une enquête
12 sur ce point, et je suis en train de recueillir des éléments de preuve de
13 qualité qui indiquent que cet accord correspond à la vérité. Mais s'il
14 correspond à la vérité, comme semble l'indiquer l'enquête menée par moi,
15 c'est un élément supplémentaire pour craindre qu'ils tuent Karadzic.
16 Question : Sur le fond, cela veut dire que la reddition est préférable au
17 meurtre ?
18 Réponse : Oui, oui. Il n'y aura plus de parlement, plus de gouvernement,
19 plus de Fédération. Il n'y aura que la Bosnie-Herzégovine. Il n'existe plus
20 de Republika Srpska. C'est fini. C'est fini la Republika Srpska, il ne
21 reste que la Bosnie.
22 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Apparemment, j'avais même des amis au
24 bureau du Procureur qui estimaient que la reddition était préférable à
25 l'assassinat me concernant. Mais croyez moi, ceci était impossible à
26 réaliser.
27 L'Accusation s'efforce de tirer profit des conditions terribles d'une
28 guerre civile, et à cet égard, je tiens à vous rappeler que pas une seule
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1 guerre menée dans notre région n'a eu lieu en l'absence d'une composante de
2 guerre civile et de guerre fratricide. L'occupant, c'est-à-dire
3 l'agresseur, est toujours parvenu à nous retourner les uns contre les
4 autres. Ceci est le cas depuis le début de notre existence, y compris à
5 l'époque moderne, XIXe et XXe siècle. Donc le bureau du Procureur s'efforce
6 d'établir un lien entre l'accusé que je représente et les conditions
7 chaotiques dans lesquelles se mène une guerre civile, ainsi que les
8 événement atroces qui peuvent en découler et qui étaient prévisibles.
9 L'Accusation s'efforce donc de porter contre moi des accusations consistant
10 à dire que j'aurais aidé, encouragé, soutenu, et Dieu sait quoi d'autre, la
11 guerre en Bosnie-Herzégovine, guerre durant laquelle les Serbes défendaient
12 le droit; même si défendre le droit dans certains territoires, comme cela
13 vous sera montré, n'est pas un acte criminel. D'ailleurs, j'ai l'impression
14 que l'Accusation ne considère pas qu'il s'agit d'un acte criminel, mais
15 néanmoins, traite cet acte comme un acte criminel. Ceci est la meilleure
16 façon de démontrer l'aspect mensonger de toute cette situation.
17 Le bureau du Procureur passe très rapidement sur cette contradiction et se
18 comporte comme si défendre le droit constituait un acte criminel en soi, de
19 même que la défense politique par rapport à des attaques politiques, se
20 présenter à des élections, le fait de se défendre soi-même, le fait de
21 s'organiser dans le cadre d'un Etat en train de se démanteler, et tout ce
22 qui représente la défense de la responsabilité serbe par rapport aux
23 attaques de la partie adverse, ainsi que toutes les actions menées par les
24 Serbes se traitent comme des actes criminels, parce qu'on survole très
25 rapidement les éléments chaotiques qui caractérisent toute guerre civile,
26 éléments chaotiques qui étaient prévisibles et dont on savait parfaitement
27 qu'ils verraient le jour.
28 Alors, cette petite contradiction entre l'accusé et la réalité des
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1 événements, la Défense considère qu'elle n'existe pas et insiste sur
2 l'existence d'un lien entre les deux, parce qu'il y avait des territoires
3 sur lesquels les Serbes de Bosnie-Herzégovine faisaient valoir leur droit.
4 Et la Défense, pour sa part, ne tient pas à rentrer dans le détail
5 minimaliste consistant à déterminer qui à tué qui et comment se sont
6 comportées la 1ère, la 2e, la 3e ou la 4e partie belligérante, car la
7 Défense montrera qu'il y avait quatre parties belligérantes. La Défense,
8 pour sa part, estime qu'il importe de revenir sur cette passerelle fragile
9 qui existe entre l'accusé et les événements, car en l'absence de cette
10 passerelle, il ne peut être démontré une quelconque responsabilité des
11 Serbes ou des organes gouvernementaux qui les représentaient.
12 Alors, quelques arguments. Premièrement, la Republika Srpska n'était pas
13 l'objectif politique des Serbes en Bosnie-Herzégovine. L'objectif poursuivi
14 par les Serbes de Bosnie-Herzégovine, c'était la Yougoslavie.
15 Deuxièmement, la Republika Srpska a été créée en urgence. C'est un
16 compromis très pénible de la part de la partie serbe afin d'obtenir qu'elle
17 accepte de quitter la Yougoslavie. Mais j'aimerais énumérer les priorités
18 pour les Serbes. Premièrement, maintien de la Yougoslavie, si possible avec
19 six Républiques. C'était l'objectif suprême. Si les Musulmans et les
20 Croates de Bosnie-Herzégovine ne souhaitent pas demeurer au sein de la
21 Yougoslavie, le deuxième objectif des Serbes de Bosnie-Herzégovine était de
22 demeurer en Yougoslavie, de la même façon que la Virginie occidentale a
23 décidé de ne pas rejoindre la Confédération pendant la guerre de sécession
24 américaine; elle a décidé de demeurer au sein de l'union, et le grand
25 président Lincoln a accepté cela. Et à la fin de la guerre, rien n'a été
26 changé. Nous avons aujourd'hui la Virginie occidentale qui est devenu la
27 Virginie tout court. Alors, est-ce que nous devons regretter aujourd'hui
28 l'absence de grands présidents qui auraient permis de résoudre
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1 pacifiquement la crise yougoslave et la question serbe en Bosnie et dans
2 les Balkans ?
3 L'Irlande du Nord a été créée dans les mêmes conditions. La majorité
4 de l'Irlande a obtenu l'indépendance, mais une partie de la population n'a
5 pas obtenue cette indépendance, elle est demeurée au sein du Royaume-Uni,
6 avec sa population.
7 Donc une autre possibilité, c'aurait été que les Serbes de Bosnie-
8 Herzégovine, les Serbes qui sont la population la plus ancienne, comme cela
9 vous sera démontré, que ces Serbes de Bosnie-Herzégovine demeurent dans le
10 giron de la Yougoslavie.
11 Et cette idée qui a été défendue par M. Izetbegovic, il a même signé
12 cette idée dans l'accord qu'il a conclu avec M. Krajisnik le 16 septembre
13 1996. Autre possibilité : constituer un Etat indépendant et constitutionnel
14 en Bosnie-Herzégovine, idée qui n'était pas non plus combattue par M.
15 Izetbegovic.
16 Quatrième variante douloureuse, c'était la sortie de la Yougoslavie, à
17 condition que les Serbes en Bosnie-Herzégovine jouissent d'une unité
18 constitutionnelle dans le cadre d'une espèce de constitution des Etats de
19 Bosnie, au sein d'une alliance. Cette version moins favorable du point de
20 vue de l'intégration de la Bosnie-Herzégovine nous a été proposée par la
21 Communauté européenne dans le cadre de la conférence sur la Yougoslavie
22 menée par Lord Carrington. Et M. l'Ambassadeur Cutileiro, responsable de la
23 Bosnie, a contribué à la défense de cette variante, de cette version. C'est
24 ce qu'il est convenu d'appeler le plan Cutileiro.
25 Soyez assurés que c'est à cela que se limite la liste des priorités
26 défendues par les Serbes de Bosnie. Chacune de ces versions permettait de
27 préserver la paix et de réaliser les objectifs optimaux des Croates et des
28 Musulmans de Bosnie, avec l'accord des Serbes. C'étaient des objectifs
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1 minima, eu égard à ce que souhaitaient les Serbes, et même moins que
2 minima. Alors, quelle espèce d'entreprise criminelle commune peut être
3 évoquée face à ces objectifs ? Ce que je vais présenter ici, c'est la
4 représentation de la vérité inscrite dans le marbre. C'est une des vérités
5 dont j'ai déjà parlé. Comment peut-il y avoir entreprise criminelle commune
6 dans ces conditions ? Qu'est-ce que les Serbes auraient pu faire si tous
7 ces compromis acceptés par les Serbes avaient été acceptés par ailleurs ?
8 Troisièmement, l'Accusation est en train de construire de toutes pièces ici
9 l'idée que nous aurions souhaité expulser les Musulmans et les Croates de
10 leurs domiciles sur de fausses présomptions, car nous aurions considéré que
11 la Republika Srpska était notre patrie à nous et uniquement à nous. A cette
12 époque là, la patrie des Serbes c'était la Yougoslavie et pas la Bosnie-
13 Herzégovine, encore moins la Republika Srpska, qui n'avait pas encore
14 commencé à exister. Nous allons prouver qu'il n'y a jamais eu la moindre
15 intention, et encore moins l'idée, encore moins le plan de notre part
16 d'expulser les Musulmans et les Croates de la Republika Srpska. C'est
17 d'ailleurs ce qui a été déclaré par une Chambre de ce Tribunal en première
18 instance. Je parle de la Chambre de première instance qui a jugé M.
19 Krajisnik.
20 Les propos de Radovan Karadzic en date du 14 février 1992 sont cités devant
21 cette Chambre, juste avant la guerre, et la Chambre de première instance en
22 question conclut que Karadzic, à une réunion du parti, réunion plénière, a
23 déclaré qu'il faudrait veiller à ce qu'il n'y ait pas de départ massif de
24 la population : "Les gens ne devraient pas fuir nos régions. Ceci est la
25 version la plus douloureuse pour les Serbes, car il y aurait dans ce cas
26 trois Bosnie." Cet objectif a déjà commencé à être réalisé. Karadzic
27 déclare devant 200 personnes que celles-ci sont responsables de la vie dans
28 la région et qu'il importe qu'elles fassent attention qu'il n'y ait pas de
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1 départ massif de populations hors de nos régions. Cette Chambre de première
2 instance admet que Karadzic, le 14 février 1992 y compris, avait à l'esprit
3 les intérêts d'autrui. Pour toute la période précédant le 14 février 1992,
4 c'est ainsi que les choses se sont passées. Il n'y avait donc pas l'ombre
5 d'une entreprise criminelle commune.
6 A présent, il importe que nous essayions de déterminer la date de
7 naissance de cette fameuse entreprise criminelle commune qui est qualifiée
8 d'entreprise visant à l'expulsion des Croates et des Musulmans hors de la
9 Republika Srpska. Voilà les mots d'avertissement que prononce Radovan
10 Karadzic.
11 Nous admettons que le 14 février 1992, par conséquent, l'entreprise
12 criminelle commune n'avait pas encore vu le jour. Le 18 mars 1992 non plus,
13 puisque c'est le jour de la signature de l'accord de Lisbonne.
14 Maintenant, nous passons au 27 mars, et Karadzic s'exprime devant
15 l'assemblée du peuple serbe, il dit :
16 "Il nous faut étudier la situation. Il nous faut sauver nos têtes,
17 sauver nos biens, sauver notre territoire. Nous n'avons pas d'autres
18 possibilités."
19 C'est la réponse de Karadzic à certains qui lui demandent ce qui se
20 passera à l'avenir et si un plan existe. C'était le seul plan que nous
21 avions. Le seul plan que nous avions c'était de sauver nos têtes, sauver
22 nos biens et conserver notre territoire pour attendre de voir ce qui allait
23 se passer à l'avenir.
24 Le 12 avril, alors que la guerre avait déjà éclaté, nous avons signé avec
25 M. l'Ambassadeur Cutileiro une trêve, les trois parties belligérantes l'ont
26 fait. Le 12 mars la trêve a été signée, et dans la soirée du 12, le SDA a
27 envoyé -- Hasanefendic a envoyé un ordre bien connu, qui donnait
28 instruction d'attaquer toutes les forces de la JNA et des Serbes dans toute
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1 la Bosnie-Herzégovine. Donc le soir du 12 avril, il n'y a pas encore
2 d'entreprise criminelle commune.
3 Le 22 avril, Karadzic propose un plan de fin des hostilités. Je dois dire
4 que c'était un moment où l'on travaillait déjà à l'élaboration de cartes
5 géographiques sur la base du plan Cutileiro. Donc le 22 avril, il n'existe
6 pas d'entreprise criminelle commune.
7 Vous verrez bien qu'au mois d'août encore, Karadzic se bat pour que des
8 Musulmans et des Croates soient élus au sein des tribunaux. Jusqu'à cette
9 date-là, la présidence pouvait nommer, d'ailleurs j'ai nommé 18 Musulmans
10 et Croates comme membres des tribunaux. Mais dès que la décision a été
11 prise de les élire, c'est l'assemblée qui a repris le rôle qui avait été le
12 mien.
13 Karadzic déclare qu'il faut déterminer si la personnalité du candidat a une
14 quelconque qualité. Il insiste sur la nécessité d'une proportionnalité
15 constante dans l'exercice du pouvoir. Beaucoup de sang a coulé. Beaucoup
16 d'affrontements ont eu lieu. Ceci constitue un problème majeur. Il importe
17 donc de ne pas limiter le nombre de candidats élus parmi les Musulmans et
18 les Croates. Voilà quelle était la réalité : Karadzic, Popovic et d'autres
19 qui veulent que les juges soient élus rapidement exigent de ne pas tenir
20 compte de l'appartenance ethnique, mais uniquement de la compétence et des
21 qualifications. En disant cela, ils déclarent également qu'il faut que tous
22 les groupes ethniques soient représentés.
23 Je tiens à rappeler la situation du 18 mars. Vous verrez dans son ensemble
24 l'année 1991 s'est écoulée dans des tensions très graves sur le plan
25 ethnique; les Serbes cédaient et formulaient des propositions au mieux dont
26 chacune pouvait garantir la paix en Bosnie-Herzégovine.
27 Le 18 mars, nous avons accepté qu'il y ait trois Bosnie-Herzégovine au sein
28 d'une Bosnie-Herzégovine, que l'on procède à la création du modèle suisse
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1 en Bosnie-Herzégovine et qu'on adopte ce modèle pour la Bosnie qui se
2 trouvera à l'extérieur de la Yougoslavie. C'est la preuve du compromis
3 serbe. A ce moment-là, nous avons accepté également et nous nous sommes
4 félicités de ce résultat.
5 Les trois parties se sont félicitées, les trois parties ont élaboré des
6 cartes, même si le SDA affirmait ne pas en avoir, il en avait, et sur ces
7 cartes, 80 % du territoire, d'avis commun, ne faisait pas l'objet de
8 contestations. Donc les Serbes, les Croates, les Musulmans respectivement
9 reconnaissaient jusqu'à 80 % les territoires qui allaient revenir aux uns
10 comme aux autres.
11 M. Irfan Ajanovic confirme que pratiquement toute la Communauté musulmane
12 se retrouvera au sein de son unité constitutive, il ne reste que 20 % dans
13 les entités croates ou serbes, mais jamais personne n'évoque des
14 déplacements de la population, si ce n'est des départs du plein gré de la
15 population concernée. M. Izetbegovic, qui a développé une très bonne
16 coopération avec moi pendant qu'on travaillait sur les cartes, il m'a dit,
17 et ça je l'ai évoqué lors de cette réunion, il m'a demandé de bien vouloir
18 faire attention à ce qu'on ne respecte pas les frontières municipales. Si
19 jamais il y a un village, soit serbe soit musulman, qui déborde, s'il peut
20 être rattaché à la municipalité voisine, puisque ce n'est qu'un découpage
21 administratif, ce n'est pas le mur de Berlin, donc l'on l'accepte. Il était
22 d'avis qu'il reste le moins de population musulmane ou serbe en face le
23 pourcentage aussi petit qui soit. Jamais personne n'évoque de déplacement
24 de population.
25 Voire même Karadzic l'affirme, le 3 mai, il rentre de Bruxelles. Un
26 journaliste demande : Mais qu'adviendra-t-il maintenant des déplacements de
27 population ? Quelqu'un a évoqué l'Inde, le Pakistan, et j'ai répondu : Non,
28 nous n'envisageons pas cela et cela n'est pas recommandé. Il va y avoir des
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1 minorités et leurs droits seront garantis. Il n'y aura aucun problème.
2 Alors c'est gravé dans le marbre, et il est facile de démontrer cette
3 vérité, il suffit de jeter un coup d'œil sur ce qu'en disent les médias à
4 l'époque. Donc où est cette entreprise criminelle commune ? Quelle
5 entreprise criminelle commune fomente les Serbes, alors qu'ils n'ont jamais
6 trahi ne serait-ce qu'un seul accord passé à ce moment-là, aucune accord
7 sur le cessez-le-feu, et les Nations Unies ont des documents à l'appui. Sur
8 les 12 trêves, 11 ont été violées par l'armée du Parti de l'Action
9 démocratique. Sur la base de tous les événements passés à partir du 8 mars,
10 et cetera, où l'on voit, où on anticipe, on n'a aucun doute du côté serbe
11 que la solution adoptée sera mise en œuvre. Donc qu'est-ce qui nous permet
12 d'en tirer cette intention serbe d'extraire les Musulmans de la partie de
13 Bosnie qui reviendra aux Serbes. Mais mes éminents adversaires du bureau du
14 Procureur évitent de replacer les événements dans leur contexte, non
15 seulement pour ce qui est de la Bosnie, mais également pour ce qui est du
16 reste de la Yougoslavie. Les événements de Bosnie, ils les extraient de
17 leur contexte, parce que sinon on verrait très bien quel est le rôle qui a
18 été joué par tel ou tel parti. Il deviendrait tout à fait clair que les
19 Serbes ont cédé au nom de la paix afin de préserver la paix et qu'ils n'ont
20 pas agi de manière belliqueuse en cherchant la guerre.
21 Là, je me permets de rappeler encore une fois que ce système judiciaire est
22 très préjudiciable à la vérité. Le Procureur a carte blanche et toutes les
23 ressources qu'il souhaite pour composer l'acte d'accusation et tous les
24 documents à l'appui tout à fait librement, sans aucune limitation. Tout
25 Serbe ou autre ressortissant des Balkans se retrouve face à des forces
26 invisibles auxquelles il est confronté. Il n'a aucun moyen de parer à ce
27 qu'il a en face par ses propres enquêtes.
28 Si le Procureur avait été tenu de procéder de manière chronologique, de
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1 présenter les événements de Bosnie et des Balkans de cette manière-là,
2 cette chronologie ferait éclater la substance des événements immédiatement.
3 En revanche maintenant, il semblerait, comme l'affirme l'Accusation, qu'en
4 juin 1990 l'accusé a créé le Parti démocrate serbe, et que c'est à cause de
5 cela que la guerre a éclaté, et qu'il cherchait à se débarrasser des non-
6 Serbes d'un territoire où, à un moment donné dans un avenir indéterminé,
7 les Serbes allaient revendiquer tous ces territoires en Bosnie, alors qu'à
8 ce moment-là il n'y avait aucune intention sécessionniste de leur part.
9 Ecoutez, il faut vraiment beaucoup d'imagination pour admettre cette
10 construction.
11 Pourquoi la guerre a-t-elle éclaté ? Ce même bureau du Procureur invoque
12 dans un autre acte d'accusation un certain nombre de raisons. Dans mon acte
13 d'accusation c'est parce que moi j'ai créé le SDS avec les objectifs tels
14 qu'ils sont formulés ici. Dans un autre acte d'accusation il dit la
15 Slovénie. Le 25 juin 1991 il a déclaré l'indépendance par rapport à la RFY,
16 et c'est ça qui a causé la guerre. Je suis d'accord. La Croatie, c'est le
17 25 juin 1991 qu'elle a proclamé son indépendance, et cela a entraîné des
18 combats entre les forces militaires croates, d'une part, et la JNA ainsi
19 que les unités paramilitaires de l'armée de la Republika Srpska de l'autre.
20 Je ne suis pas d'accord pour dire que ce sont des unités paramilitaires,
21 mais bon. Le 6 mars 1992, la Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance,
22 et après le 6 avril, cela a entraîné une guerre à grande échelle. Mais
23 pourquoi dans mon cas renoncent-ils à cette vérité, pourquoi invoquent-ils
24 une autre raison pour expliquer le début de la guerre ?
25 Voyons ce qu'a dit un protagoniste très important, un ex-Président de ce
26 Tribunal, Pr Cassese, il dit :
27 "On sait très bien qu'en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, ainsi que dans
28 d'autres républiques, la sécession a ravivé les animosités des haines du
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1 passé, ce qui a causé un terrible bain de sang."
2 Par conséquent, l'Accusation affirme que ce n'est pas la sécession ni la
3 haine qui est à l'origine de la guerre. En revanche, c'est Karadzic qui en
4 est la cause, qui, avec ses 1 000 000 et demi de Serbes paupérisés de
5 Bosnie-Herzégovine, se dresse pour lancer la guerre aux forces
6 incommensurables, une guerre qui est tout à fait contraire à tous les
7 intérêts serbes, voire même qui est contraire aux objectifs criminels cités
8 par le Procureur et qui nous sont attribués par le Procureur. Ces objectifs
9 ne pourraient pas être réalisés par cette guerre.
10 Pourquoi les Serbes auraient-ils souhaité la guerre pour atteindre quelque
11 chose qu'ils ont d'ores et déjà, à savoir le fait de vivre en Yougoslavie
12 où vivent tous les Serbes, tous les Croates, tous les Slovènes, tous les
13 Musulmans, tous les Macédoniens, et cetera ? Pourquoi les Serbes ont-ils
14 besoin de la guerre ? Ils ont déjà ce qui fait l'objet de leur convoitise
15 ou de leur souhait. Pourquoi l'Etat fédéral yougoslave qu'ils ne peuvent
16 préserver qu'en temps de paix, pourquoi est-ce qu'ils iraient chercher cela
17 par la guerre, parce que c'est uniquement dans la guerre qu'ils peuvent la
18 perdre, cette Yougoslavie. Où est une approche raisonnable, dans quel
19 mobile, quel motif pour agir ainsi.
20 La Yougoslavie ne pouvait être décomposée que dans le cadre d'une guerre,
21 et on le démontrera ici. Ça aussi, c'est une vérité gravée dans le marbre,
22 et aucune intention ne pourra déplacer cela, ne pourra changer cela.
23 Les Serbes, quant à eux -- plutôt, ceux qui voulaient préserver la
24 Yougoslavie, mais ceux qui voulaient l'indépendance des républiques, en
25 revanche, ça ils ne pouvaient l'obtenir que par la guerre. Cela ne fait
26 aucun doute. Non seulement l'Allemagne les a encouragés, et leur a dit :
27 "S'il y a un conflit, on vous reconnaîtra." Bien sûr, c'est un
28 encouragement à s'engager dans un conflit, et ceci nous a été confirmé
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1 directement par nos adversaires à ce moment-là dans la guerre. Le président
2 Tudjman a dit que :
3 "Il n'y aurait pas eu de guerre si la Croatie ne l'avait pas souhaité."
4 C'est en mai 1992 dans le cadre d'un discours public qu'il l'affirme,
5 lorsque la première phase de la guerre est terminée et lorsque la guerre en
6 Bosnie-Herzégovine connaît une escalade.
7 J'en suis gré pour cela au président Tudjman, pour cela et pour bien
8 d'autres choses qui me serviront dans le cadre de ma défense. Je me
9 félicite aussi de voir que le Procureur étend ma responsabilité sur la
10 Croatie, puisque cela me permettra de montrer la réalité des événements, la
11 réalité de la chose, et comment, au cours de 1991, on recevait de Croatie
12 des colonnes interminables de Serbes qui avaient été chassées, qui ont dû
13 prendre la fuite, qu'on tuait comme des lapins en Croatie, et qui faisaient
14 l'objet de pilonnages. Là vous avez l'image qui vous permettrait de voir
15 juste avant que la guerre n'éclate en Bosnie-Herzégovine, vous voyez
16 comment le feu se répand en Bosnie-Herzégovine, non seulement sur ses
17 frontières, mais également en profondeur.
18 Les réfugiés arrivent, mais non seulement les réfugiés, mais aussi des
19 bombes et les citoyens de Bosnie-Herzégovine commencent à périr.
20 On reprendra cette image plus tard, et vous verrez comme cela est écrit
21 ici, vous verrez qui sont les morts avant la date du 6 avril. C'est la
22 période qui m'est imputée à moi par le Procureur. Mais vous verrez qu'il
23 n'y a que des victimes serbes jusqu'à ce moment-là, jusqu'à cette date,
24 mais je remercie également M. Izetbegovic d'avoir fait preuve de franchise
25 et, en fait, il apporte des preuves à décharge et lève toute responsabilité
26 de mes épaules. Il dit :
27 "Nous avons fait notre choix, nous aurions pu emprunter une autre voie. Le
28 prix que nous avons payé est élevé, mais il a bien fallu le pays. Si c'est
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1 moi qui en assume la responsabilité, alors ce n'est pas à Karadzic qu'il
2 faut l'imputer. Nous aurions pu éviter ce conflit si on était restés au
3 sein de la Yougoslavie, mais nous voulions l'indépendance. Nous avons créé
4 la Ligue patriotique."
5 Donc de manière très chevaleresque il assume tout cela et il
6 m'exempte de toute responsabilité. Mais le Procureur, de toute évidence, ne
7 souhaite pas accepter qu'Izetbegovic s'exprime d'une manière très noble et
8 chevaleresque. Il accepte à partir du moment où c'est des ruses, des
9 tromperies, et cetera, mais quand c'est un esprit noble qui s'exprime, ça
10 il ne le remarque même pas.
11 Alors plusieurs modifications doivent être apportées ici. La Ligue
12 patriotique n'a pas été formée fin 1991, mais en mars 1991. Vous verrez
13 pendant mes propos liminaires que la Ligue patriotique a été créée deux
14 mois après qu'on ait constitué un gouvernement conjoint. Une modification
15 de fond. Il ne s'agit pas seulement de la préservation de la Bosnie-
16 Herzégovine en Yougoslavie qui préserve la paix, mais notre préservation en
17 Bosnie-Herzégovine. Là, je reviens à l'exemple de Virginie occidentale. Le
18 plan Cutileiro, l'accord de Lisbonne, qui n'aurait accordé aux Serbes
19 qu'une infime portion de ce qu'avaient les Musulmans de Bosnie-Herzégovine
20 et de Yougoslavie, qu'on ne reçoive qu'un minimum de ces droits, même dans
21 ce cas-là on aurait évité la guerre. Les Serbes de Bosnie-Herzégovine
22 auraient voté au référendum, auraient conféré la légitimité à la Bosnie-
23 Herzégovine. On aurait pu préserver la paix de cette manière-là également.
24 Qu'on organise un référendum sur l'indépendance, et Radovan Karadzic ainsi
25 que Muhamed Cengic, juste à la veille de ce référendum, se mettent d'accord
26 pour qu'il y ait une régionalisation de toute urgence en Bosnie-
27 Herzégovine, que les Serbes viennent voter au référendum, à ce moment-là un
28 député qui n'accepte par cet accord avec les Serbes pose une question à
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1 Cengic : Mais qui t'a donné le droit de négocier cela ? Et on entendu une
2 voix, on entend Cengic qui dit : Mais c'est Alija Izetbegovic, si
3 véritablement tu veux savoir d'où ça vient.
4 Donc c'est Alija Izetbegovic qui autorise Muhamed Cengic à offrir une
5 solution aux Serbes qui sauvera la Bosnie, qui sauvera la paix. Les Serbes
6 sont heureux d'accepter cela, et en 15 jours, on aura l'adoption d'un acte
7 sur la régionalisation. Les Serbes vont voter au référendum. Mais là, il y
8 a des forces démoniaques qui s'agitent de nouveau, et pour la centième fois
9 M. Izetbegovic renonce. Et que se passe-t-il, il y a une pause, et cet
10 accord entre Karadzic et Cengic est désavoué, annulé devant l'assemblée
11 plénière du parlement.
12 Et une autre correction de M. Izetbegovic. C'est grâce aux concessions
13 venues du côté serbe qu'il y a eu plusieurs autres solutions qui auraient
14 permis d'éviter la guerre et qui auraient permis d'éviter aux Musulmans de
15 payer le prix qui a été payé. Juste une seule solution entraînait
16 nécessairement la guerre. Et la direction musulmane, la direction du SDA,
17 et les jeunes musulmans, le noyau dur du SDA, n'a voulu obstinément que
18 cette solution-là, à savoir une Bosnie souveraine, indépendante à 100 % à
19 nous. Donc 100 % de pouvoir sur 100 % de territoire de Bosnie, et c'est la
20 seule chose qu'ils ne pouvaient pas obtenir. Et ça, c'est un point que le
21 Procureur ne remarque pas. C'est ce que les Musulmans voulaient, c'est ce
22 qu'ils veulent encore, et c'est ce qu'ils voudront toujours tant que les
23 entités ne verront pas leurs frontières modifiées en Bosnie-Herzégovine.
24 Donc ils ne renonceront pas à cette intention.
25 Et il y a des forces obscures qui les poussent - vous verrez quelles sont
26 ces forces - les incitent à défendre cette voie en Europe. Alors, quelle
27 entreprise criminelle commune serbe aurait été envisageable et aurait pu
28 évoluer, aurait pu se développer, si M. Izetbegovic avait accepté une
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1 proposition, une proposition qui était tout à fait présente sur la table de
2 négociations, quelque chose qui n'a été finalement apporté qu'en 1995 par
3 M. Holbrooke, juste en 1995 ? Que ce soit l'Union européenne, que ce soit
4 le Groupe de contact, que ce soit Vance Owen, que ce soit Stoltenberg, tout
5 un chacun a offert la même proposition, et les Serbes les ont toujours
6 acceptées.
7 Cinq conférences en tout ont eu lieu, Madame, Messieurs les Juges, cinq
8 plans de paix, et l'accusé que vous voyez devant vous en a accepté quatre
9 sur cinq. Mais quelle entreprise criminelle commune aurait été possible si
10 l'autre partie en avait accepté ne serait-ce qu'un seul sur les quatre ?
11 Et, s'il vous plaît, comment le bureau du Procureur a-t-il pu concevoir
12 cette idée à partir du moment où c'est la communauté internationale qui
13 s'est chargée de notre crise, à partir de ce moment-là, mais pas un seul
14 jour ne s'est déroulé qu'il n'y ait eu une conférence. Il n'y avait aucun
15 moyen de préserver ce qu'on a déjà.
16 La solution, elle devrait être une solution de nature politique. Mais
17 pourquoi, je vous en prie, pourquoi est-ce que les Serbes iraient-ils
18 chercher à conquérir des territoires qu'ils ne pouvaient pas vérifier par
19 le truchement d'une conférence, pourquoi n'accepteraient-ils pas des
20 solutions proposées par la conférence, pourquoi feraient-ils quoi que ce
21 soit qu'il leur faudrait restituer par tous les moyens possibles par la
22 suite ? Donc ça, c'est la question de fond qui se pose. Comment est-il
23 possible que le Procureur reste aveugle, qu'il ne voit pas cette vérité,
24 que les Serbes acceptent tout sauf que la Bosnie revienne à 100 % aux
25 Musulmans et qu'on se retrouve à l'époque de l'esclavage ottoman et au
26 détriment d'un peuple qui est arrivé à préserver sa culture et sa
27 confession pendant les cinq siècles qui ont été les plus difficiles qui
28 soient en Europe. Et je rends hommage ici aux Serbes qui ont réussi à
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1 préserver leur culture et leur quintessence. Cela relève quasiment de
2 l'impossible.
3 Et je dois dire que les Serbes, il y a eu des conversions parmi eux vers
4 l'Islam, souvent entre les frères après l'accord mutuel : je le ferai pour
5 te protéger. Et souvent, vous voyez à la troisième génération déjà leurs
6 descendants devenir des ennemis. Donc dans le cas des premières
7 conversions, vous n'avez pas des gens heureux, ce ne sont pas des gens qui
8 se réjouissent du choix qu'ils font, mais bon, c'est la réalité. Mais le
9 frère qui ne s'est pas converti, lui qui n'est pas devenu Musulman, en
10 dépit de toutes les souffrances, de tout ce qu'il est obligé d'endurer, il
11 préserve le patrimoine, il préserve la culture. Et voilà ce qui se passe
12 maintenant, quelqu'un cherche à l'y replonger.
13 J'appelle votre attention sur les appels, les invitations lancées par des
14 protagonistes très importants, la Communauté musulmane qui demande à M.
15 Izetbegovic de changer de politique, de changer d'attitude. Rabija Subic
16 [phon] est quelqu'un qui évolue dans des milieux musulmans, mais elle est
17 présidente, à l'époque, du Parti socialiste en Bosnie-Herzégovine; un parti
18 pluriethnique et qui n'est pas extrémiste. Elle rédige une lettre au tout
19 début de la guerre, elle s'adresse à Izetbegovic et elle lui dit :
20 "Vous avez refusé la création d'un conseil des peuples au sein du
21 parlement. C'est le parti serbe qui a demandé cela, moi-même, ainsi que M.
22 Coliric [phon]. C'était encore du temps du régime communiste où on
23 apportait des amendements à la constitution. Nous avons demandé la création
24 d'un conseil des peuples qui aurait pu empêcher toute violence, toute
25 guerre. Mais à la place, on nous a donné un conseil chargé de l'équité des
26 peuples, et ça n'a jamais fonctionné. Vous avez refusé l'accord historique
27 avec le peuple serbe, vous avez refusé l'initiative de Belgrade, vous avez
28 lancé un appel à la mobilisation de tous les Musulmans et tous les Croates
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1 le 4 avril. Et c'est ainsi que vous avez lancé la guerre."
2 Et à la fin, Rabija Subic dit :
3 "Respectez les exemples de Vlasenica et de Bratunac où des accords ont été
4 passés entre les Serbes et les Musulmans. Pas une seule balle n'a été
5 tirée, il n'y a pas eu de violence, pas de terreur, pas de criminalité."
6 Donc voyez-vous à Vlasenica et à Bratunac, les Serbes ont proposé que la
7 municipalité se restructure, que l'on en crée deux à partir d'une. Et vous
8 verrez pourquoi, et vous verrez également que c'est quelque chose qui a
9 fonctionné, que c'était possible. Et cette femme d'orientation européenne,
10 qui est à la tête d'un parti pluriethnique, voit que c'est bien une
11 solution viable. Et dans des situations analogues, cela a été vu par Adil
12 Zulpacic [phon], par Filipovic, par Fikret Abdic qui d'ailleurs a remporté
13 les élections en 1990; Nijaz Durakovic, et bien d'autres, voire même
14 Pejanovic parmi les Serbes qui représentent cette infime minorité des
15 Serbes qui défendent que l'on ne crée par une entité.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je vais vous inviter
17 à bien vouloir ralentir. Merci.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je reviens à ces accords passés de Vlasenica et
19 de Bratunac. Le SDA, suite à ces accords, décide de les révoquer or, ce
20 sont eux qui préservaient la paix dans les municipalités concernées. Que
21 s'est-il passé après à Bratunac et à Vlasenica ? Vous le verrez, et
22 Srebrenica est aussi une des municipalités voisines. Vous entendrez quelle
23 a été la suite des événements au cours de ce procès. Et malheureusement
24 cela s'est passé parce qu'on n'a pas respecté les accords qui ont été
25 passés. Dans toutes les municipalités, on a mené des négociations sur un
26 redécoupage administratif pour éviter l'escalade de tension.
27 Mais je vous demande quelle entreprise criminelle commune était
28 possible à ce moment-là, si l'on prend en compte tout ce qui est entrepris
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1 et tout ce qui se passe au moment où Rabija Subic envoie sa lettre au
2 président Izetbegovic.
3 Le Procureur affirme que la Yougoslavie s'est disloquée, et il nous invite
4 à douter maintenant de ce qu'il a -- enfin, on est amené à se demander si,
5 effectivement, c'est la Yougoslavie qui s'effondre toute seule, ou bien
6 est-ce qu'on a contribué à sa dislocation. Mais cela n'aurait pas pu se
7 passer s'il n'y avait pas eu d'influence exercée de l'extérieur. Et ces
8 influences, en fait, ont été décisives. Essayons de voir à présent ce qui a
9 été dit, et comment est-ce que cela a été formulé par des protagonistes de
10 premier plan au sein de la communauté internationale, comment on s'exprime
11 au sujet de notre affaire.
12 "C'est de première main que j'ai pu voir comment le fait que
13 l'Occident n'ait pas su réagir a pu contribuer à l'effondrement de la
14 Yougoslavie qui s'est passé dans le bain de sang, et cetera.
15 Premièrement, on a reconnu la Croatie de manière prématurée, avant que des
16 garanties aient été apportées à la population serbe de Croatie qui, vu les
17 événements terrifiants qui s'y sont produits pendant la Seconde Guerre
18 mondiale, faisait que la guerre civile était inévitable.
19 "L'encouragement lancé par Alija Izetbegovic à ce qu'il retire sa
20 signature de ce qu'on a appelé l'accord de Lisbonne et d'organiser un
21 référendum sur l'indépendance de la Bosnie, alors que tout un chacun savait
22 que cela entraînait la guerre, et cetera."
23 Ensuite, James Bissett, qui était ambassadeur canadien en Yougoslavie
24 :
25 "La plus grande des erreurs a été le fait de reconnaître tous
26 ces petits pays qui se sont mis à se proclamer indépendants. Les Serbes
27 avaient des raisons valables de s'inquiéter en redoutant de se retrouver
28 dans un pays dominé par les Musulmans. Ce n'était pas que la paranoïa."
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1 Colin Powell qui était général américain.
2 "Cette reconnaissance prématurée de la part de la Communauté européenne a
3 enlevé toute possibilité d'empêcher une solution négociée pour la
4 Yougoslavie, a contribué à ce que la guerre civile éclate en Bosnie. La
5 responsabilité de l'Allemagne et du Vatican pour cette crise est énorme."
6 Ronald Dumas, qui était ministre français des Affaires étrangères à
7 l'époque.
8 "Je suis très préoccupé. Toute reconnaissance prématurée ou sélective
9 pourrait attiser le conflit en Bosnie-Herzégovine." Perez de Cuellar,
10 secrétaire général des Nations Unies.
11 "Genscher a promis une récompense, et cela a eu un effet. Les séparatistes
12 croates ont intensifié leurs activités armées. Ils ont assiégé les casernes
13 de la JNA, leur ont coupé l'eau et le courant. Le bain de sang a continué,
14 et puis à la fin de l'année, l'Allemagne a reconnu la Croatie, la Bosnie-
15 Herzégovine. Cette magnifique Yougoslavie en petit a été entraînée dans une
16 guerre civile catastrophique qui allait durer plusieurs années." Hartmann,
17 l'ambassadeur en Yougoslavie.
18 "Et nous avons dit si la Yougoslavie ne se décomposait pas en paix, il
19 allait y éclater une atroce guerre civile. Le problème véritable est qu'il
20 y a une déclaration unilatérale de l'indépendance et le recours à la force
21 afin d'accéder à cette indépendance, plutôt que de procéder à des
22 négociations pacifiques. C'est de cette manière-là qu'on aurait dû
23 procéder." James Baker. qui était secrétaire d'Etat à l'époque, américain.
24 "Cette reconnaissance prématurée de la Slovénie et de la Croatie a
25 constitué une garantie que la Yougoslavie n'allait pas se décomposer en
26 paix. Une fois de plus, l'intervention occidentale a exacerbé le problème
27 des Balkans qui est déjà suffisamment difficile en soi. L'intervention
28 allemande avait peu à voir avec le problème véritable de Yougoslavie à
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1 l'époque."
2 L'ambassadeur américain à l'époque, en Yougoslavie.
3 "J'étais d'avis que les frontières internes des six républiques de l'ex-
4 Yougoslavie devaient être bien consolidées avant qu'on ne pose la question
5 de la reconnaissance de ces républiques. Je pense que c'était idiot de
6 procéder ainsi, que ça a été bien pire que la reconnaissance prématurée en
7 tant que telle."
8 "Zimmermann a dit à Izetbegovic : Tiens, pourquoi n'attendrais-tu pas pour
9 voir ce que les Etats-Unis d'Amérique peuvent faire pour toi, autrement
10 dit, nous allons te reconnaître, puis par la suite, nous allons te venir en
11 aide pour que tu n'acceptes pas l'accord de Lisbonne, que tu n'acceptes pas
12 le plan de Cutileiro. Attends un petit peu pour obtenir un état unitaire
13 bosnien. Donc, ça a été un tournant dans le cas de nos efforts
14 diplomatiques." George Kenney, qui a été diplomate américain chargé de ces
15 questions à l'époque.
16 Je ne sais pas s'il faut que je donne lecture de la totalité du texte ou
17 vous pouvez lire à l'écran; il ne nous en reste que deux ou trois.
18 "Cette intervention américaine allait nécessairement entraîner la guerre
19 civile en Bosnie, la mort, et le déplacement de milliers de personnes. On
20 aurait dit que les Etats-Unis étaient décidés à mener une politique qui
21 allait empêcher que l'on résolve le conflit de manière pacifique."
22 "Ensuite, reconnaissance prématurée de la Slovénie, la Croatie, la Bosnie
23 par la Communauté européenne et par les Etats-Unis d'Amérique que nous
24 voyons aujourd'hui." Cyrus Vance, qui a été envoyé spécial des Nations
25 Unies pour l'ex-Yougoslavie.
26 "Le gouvernement allemand insistait sur la reconnaissance contrairement à
27 l'hésitation, à la résistance, au refus des autres pays européens, et en
28 résultat, on a eu une catastrophe." Le premier ministre néerlandais de
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1 l'époque.
2 Moi-même et mon collègue de la présidence, M. Koljevic, nous nous sommes
3 fait dire par Izetbegovic, à son retour d'Allemagne, qu'il a reçu une offre
4 de telle qualité qu'il ne pouvait pas la refuser, qu'il lui fallait choisir
5 la voie de l'indépendance. Parmi ces gouvernements, certains étaient des
6 gouvernements amicaux, ce sont eux qui ont allumé ce troisième incendie des
7 Balkans, le troisième en l'espace d'un siècle. Les événements nous
8 montreront par la suite que parmi ces gouvernements, et avant tout
9 l'Allemagne, d'ailleurs, d'ores et déjà, pendant que Tito était en vie, ont
10 su que la guerre allait éclater et ont envisagé les différentes issues
11 souhaitables ou pas souhaitables pour cette guerre. Donc ils ont bien su
12 anticiper. Et pourquoi ? Parce que parmi nous, aucune guerre qu'on ait
13 connue par le passé n'a pu avoir lieu sans qu'elle ait des composantes de
14 guerre civile. Donc, si une guerre éclate sur notre territoire, c'est
15 toujours une guerre fratricide, une guerre qui a des éléments de guerre
16 civile. Mais alors, je vous demande comment cette responsabilité pour le
17 déclenchement de la guerre civile qui, du côté des gouvernements
18 occidentaux, du côté des services occidentaux était anticipée et vue bien
19 avant que Karadzic et le SDS ne voient le jour, comment est-ce que le
20 Procureur peut l'imputer à l'accusé ici présent ? Comment est-ce qu'il peut
21 se faire attribuer cela ?
22 Alors, une autre source de clairvoyance pour ces gouvernements, ça a
23 été le fait de savoir comment les Yougoslavies, de par le passé, ont vu le
24 jour, et comment elles ont disparu, chacune à son tour, parce que ce
25 n'était pas la première des Yougoslavies qu'on ait connues. Mais précisons
26 que c'est uniquement pour répondre à des intérêts des puissances
27 occidentales que toutes les Yougoslavies, de par le passé, ont vu le jour.
28 A l'issue de la Première Guerre mondiale, la Serbie était du côté des
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1 forces victorieuses. Elle avait la possibilité, à ce moment-là, de choisir
2 la forme qu'aura la Yougoslavie à ce moment-là. Les Slovènes et les Croates
3 se sont précipités sur le giron serbe à ce moment-là, et la Slovénie et la
4 Croatie devaient être enlevées à l'Allemagne. Donc, pour qu'elle soit
5 écartée de la Méditerranée et de l'Adriatique en 1941, la Yougoslavie s'est
6 décomposée. A partir du moment où les alliés l'ont emporté sur le IIIe
7 Reich, en 1945, la Yougoslavie a été recomposée. Lorsque l'Allemagne, en
8 1991, a été plus forte que ses alliés, la Yougoslavie s'est décomposée.
9 Mais aujourd'hui, à la différence de 1941, ceux qui exécutent les intérêts
10 allemands, ce sont nos ex-alliés et ceux de la Seconde Guerre mondiale.
11 Donc, c'est ce qui rend la victoire allemande définitive, complète. Donc,
12 ces ex-adversaires de la Seconde Guerre mondiale se chargent maintenant de
13 sa partie du travail, ce qu'elle n'a pas réussi à faire à l'époque, à
14 l'époque où elle a essuyé une défaite. Donc, la responsabilité incombe à
15 ces gouvernements. La Yougoslavie n'est qu'un papier tournesol qui révèle
16 les rapports de force en Europe. Je me permets de rappeler une chose. Avant
17 que les Croates n'aient été poussés au sein de la Yougoslavie en 1918, il
18 n'y avait aucune hostilité, aucune raison qu'il y ait une hostilité entre
19 les Croates et les Serbes. Ils n'étaient pas ennemis à ce moment-là.
20 Mais voyons un peu. Oui, tout cela c'était ce qui était prévu à
21 l'époque de Tito, déjà. Mais voyons maintenant ce que Lord Carrington
22 déclare au sujet de l'intervention de la Communauté européenne à l'époque,
23 dans ces événements.
24 [Diffusion de la cassette vidéo]
25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
26 "Si les Américains interviennent, il risque d'y avoir un nettoyage
27 ethnique. Mais à la fin de tout ceci, il y aura des catastrophes et un
28 grand nombre de personnes plongées dans le malheur. C'est le cas dans
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1 toutes les guerres civiles."
2 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] La vérité et l'intelligence l'emportent
4 toujours, et les petits peuples ne peuvent que nourrir le désir de
5 l'emporter au début et pas à la fin, parce qu'à la fin il est trop tard
6 pour ces petits peuples.
7 J'aimerais maintenant vous rappeler que cette intervention, cette ingérence
8 de la communauté internationale a permis la prolongation de la guerre. Ce
9 fait est d'ailleurs confirmé par Richard Holbrooke ces derniers jours. La
10 seule chose que je peux lui dire c'est ce que dirait Njegos, un grand poète
11 serbe : Dans ces conditions, je te remercie de cet aveu.
12 Il sera démontré qu'il est exact que certains Etats sont allés jusqu'à
13 nuire aux chances de rétablissement de la paix qu'il pouvait y avoir parmi
14 ces populations de la région.
15 J'indique aux interprètes que je saute un passage dans le texte.
16 M. Tieger a déclaré dans son propos liminaire que même si on examine
17 superficiellement les documents émanant de l'assemblée du 17 octobre, par
18 exemple, où une citation tout à fait cruciale était examinée, c'est-à-dire
19 qu'une décision particulièrement importante a été prise au sujet de
20 l'avenir de la Bosnie-Herzégovine, M. Tieger déclare que même si on examine
21 cette réunion et les documents qui en sont issus de façon superficielle, on
22 reconnaît la responsabilité de la partie serbe. Je pense que c'est le côté
23 superficiel qui est en cause et qui doit être condamné dans cette phrase.
24 En effet, la Défense s'oppose à un examen superficiel. Elle insiste pour
25 que l'examen en question soit approfondi.
26 L'assemblée en question, c'est l'assemblée au cours de laquelle le
27 SDA a finalement réussi, de façon illégale, à faire adopter une déclaration
28 relative à la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine en l'absence des
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1 députés serbes et en l'absence d'un certain nombre d'autres députés. Donc,
2 le départ de ces députés de la salle a mis fin à la réunion et une nouvelle
3 réunion a été convoquée de façon entièrement contraire à la loi. Cette
4 décision a donc été prise dans un contexte illégal. Suite à cela, j'ai
5 prononcé une allocution qui est l'allocution la plus souvent citée par le
6 bureau du Procureur de ce Tribunal. C'est l'accusation la plus lourde qui
7 pèse sur moi, de la part du bureau du Procureur. Madame, Messieurs les
8 Juges, cette allocution était exclusivement destinée à lutter contre la
9 guerre. C'est une allocution par laquelle la partie serbe, autrement dit
10 moi-même, demande que les solutions favorables à la paix soient acceptées,
11 que les concessions nécessaires soient faites.
12 Si la Défense a la possibilité et les moyens de recueillir tous les
13 éléments de preuve nécessaires pour les présenter à la Chambre, les Juges
14 constateront que ce qui s'est passé sur le terrain au cours de cette guerre
15 civile a donné lieu à un grand nombre de crimes, de tueries de masse et
16 d'assassinats de civils en plein centre de Sarajevo, alors que les
17 habitants faisaient la queue pour se fournir en eau. Je veux parler de
18 Markale 1 et Markale 2, qui sont des exemples particulièrement parlants et
19 cruels de ces événements.
20 Si, comme le dit M. Tieger, nous jetons un coup d'œil superficiel aux
21 documents qui concernent Markale, on peut se rendre compte de l'apparence
22 de cette situation.
23 [Diffusion de la cassette vidéo]
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà les images qui vous montrent un jour
25 normal, un jour de marché avec de nombreux produits en vente. Ceci, c'est
26 le marché avant la prétendue explosion d'un obus serbe. On est en hiver, 5
27 février 1994, dans la matinée. Ici, vous voyez une jambe artificielle dont
28 il est dit que c'est un obus serbe qui l'a détachée du corps auquel elle
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1 appartenait. C'est bien sûr une prothèse, mais on ne voit aucun obus. Ici,
2 il était censé y avoir 300 à 400 personnes dont 200 étaient censées avoir
3 été touchées par les éclats d'obus.
4 Et voilà cette même prothèse qui a été arrachée par un obus serbe.
5 Je vous demande d'examiner avec attention les étales. Il n'y a pas un seul
6 produit sur ces étales. C'est un endroit qui n'est pas agréable. On est en
7 hiver, il n'y a pas beaucoup de lumière. Il n'y a rien sur les étales, et
8 il y a 300 à 400 personnes qui sont rassemblées ici. Qu'est-ce que font ces
9 personnes ?
10 Comment le Procureur s'attend-il à ce que des Juges expérimentés
11 acceptent des éléments imposés de la sorte ?
12 Dans ce prétoire, nous verrons, vous voyez ici les cadavres, les
13 cadavres de combattants qui ont péris. Un certain nombre de combattants ont
14 effectivement trouvé la mort. Vous voyez cette bâche en plastique qui
15 permet le transport des combattants décédés. Là, vous voyez un cadavre qui
16 est, bien entendu, le cadavre d'un combattant.
17 Vous voyez qu'il n'y a rien sur les étales. Ecoutons ce que dit le chef :
18 "Je suis le chef de l'état-major du secteur de Sarajevo, et je tiens à
19 expliquer les détails de l'enquête qui a permis de faire valoir l'expertise
20 des Nations Unies. En tant que soldat de métier, je ne suis pas d'accord
21 avec les raisons invoquées pour ce pilonnage et ses conséquences. Ici, vous
22 voyez ce qui, sans doute, est une partie des documents des Nations Unies
23 relatifs à ce pilonnage, mais les conclusions que l'on peut lire dans ces
24 documents sont très curieuses, car il y est indiqué que le pilonnage
25 proviendrait de la partie serbe. Ici, vous voyez des graphiques qui
26 cherchent à déterminer les angles de tir et les origines du tir. Selon
27 l'enquête qui a été menée, l'angle de tir serait de 176 degrés.
28 "Aujourd'hui, personnellement, et suite au travail de groupes
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1 d'enquête très restreints à ma disposition, composés d'un certain nombre
2 d'officiers, nous nous trouvions à cet endroit, cet endroit, cet endroit,
3 et encore à cet endroit, et je puis affirmer absolument et sans l'ombre
4 d'un doute que ces endroits ne conviennent pas à des tirs de mortier.
5 "Les conclusions tirées par le groupe d'experts sont donc erronées. Je vous
6 parle uniquement du terrain où étaient positionnées les troupes serbes. Une
7 enquête a été menée au sujet de l'origine du tir, des directions, et la
8 conclusion automatique a été que le tir était d'origine serbe et visait la
9 population civile de Sarajevo. A mon avis, c'est une conclusion erronée.
10 "Mettons un terme à la diffusion des mensonges au sujet de l'agression
11 serbe contre Sarajevo, je vous en prie. Menons une enquête absolument
12 correcte dans toutes ses composantes ou, sinon, arrêtons l'enquête."
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que l'heure
14 vous conviendrait pour la pause.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous m'y autorisez, j'aimerais simplement en
16 finir sur ma façon de voir cet événement.
17 Cet événement est celui qui a conduit à la condamnation des Serbes. On dit
18 que dans la guerre et en amour tout est permis. Pour ma part, je ne pense
19 pas que tout soit permis ni en amour ni dans la guerre, mais ce qui est
20 certain c'est que si un comportement comme celui-ci est autorisé en temps
21 de guerre, la question se pose de savoir s'il est autorisé devant des
22 tribunaux ? Comment est-ce que le Procureur a le front de vous présenter un
23 tel élément de preuve ? Comment est-ce que vous pourriez le reconnaître
24 comme vrai, alors qu'il n'existe pas un seul élément, il n'existe pas le
25 moindre indicateur qui permet de penser que l'obus en question pouvait
26 tomber sur ce marché où il n'y a pas de clientèle, où il n'y a aucun
27 produit sur les étales, et où les étales en question n'ont sauvé la vie à
28 personne. Il n'y avait que ces 300 à 400 personnes, des combattants qui se
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1 trouvaient là.
2 Je pense que ça c'est vraiment le comble de ce que l'on est en droit
3 d'appeler une injustice devant un tribunal. Ecoutez, des ruses de guerre,
4 d'accord, on se trompe les uns les autres, admettons. Mais que le Procureur
5 prennent en compte ces ruses de guerre contre moi et condamne d'abord M.
6 Galic pour ensuite me condamner moi-même comme étant prétendument le second
7 de M. Galic, ça c'est inacceptable.
8 La Chambre Galic a défendu une position tout à fait exceptionnelle,
9 mais en appel, malheureusement, cinq juges ont été convaincus par le
10 Procureur que cet acte avait été commis par les Serbes. Des crimes encore
11 plus graves sont imputés aux Serbes alors que ces crimes devraient être
12 imputés aux Serbes et on affirme aux Musulmans que ce sont les Serbes qui
13 sont responsables. Comment est-ce qu'on peut attendre une réconciliation
14 dans ces conditions, alors que nous démontrerons que les Serbes n'ont pas
15 commis cet acte et que les Musulmans sont convaincus que les Serbes sont
16 coupables ? Nous démontrerons ici, avec des éléments de preuve de qualité,
17 que les Serbes ne sont pas responsables de cet acte.
18 Voilà ce que je voulais dire, et je pense qu'au sujet de cet
19 incident, ce que j'ai déjà dit suffit dans le cadre de mon propos
20 liminaire, mais c'est un bon exemple des trucs mis en œuvre pendant une
21 guerre et repris en compte par le Procureur devant un tribunal. Le
22 Procureur, en agissant ainsi, devient un auteur à part entière de la
23 guerre, et ce Tribunal devient un auteur à part entière de la guerre et il
24 se trouve du côté d'une des parties belligérantes.
25 Nous pouvons maintenant faire la pause.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20
27 minutes.
28 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
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1 Juges, je voudrais soulever un point ou une précision avant de faire la
2 pause. J'avais fait une demande concernant la motion pour les mesures qui
3 avait été déposées le 13 février, ce n'était pas en fait un avertissement à
4 l'attention de l'accusé pour la poursuite du procès, mais c'était une
5 requête pour la recevabilité de certaines écritures. Je voulais préciser
6 cela parce qu'il y a eu des discussions préalables qui ont fait l'objet de
7 certaines préoccupations, à savoir que cette Chambre de première instance
8 pensait que je faisais référence à un avertissement pour la poursuite du
9 procès, alors qu'en fait il s'agit d'une question de recevabilité de
10 certaines déclarations et de certaines écritures.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez dire la recevabilité
12 d'écritures.
13 M. TIEGER : [interprétation] Oui, effectivement. Il s'agissait de cette
14 requête qui a été déposée le 23 février. Je pense que la Défense a répondu
15 en disant qu'ils n'avaient aucune position à cet égard.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
18 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, nous avons étudié la
20 requête que vous avez mentionnée, et la Chambre a trouvé qu'il était
21 suffisant que, conformément à l'article 84, l'accusé pouvait faire cette
22 déclaration et que le reste serait traité par sa déclaration.
23 M. TIEGER : [interprétation] Je comprends tout à fait, Monsieur le
24 Président, et je n'avais aucun argument à ce sujet à l'attention de Chambre
25 d'audience. J'étais simplement préoccupé par la possibilité de ce type de
26 confusion. Merci.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
28 Monsieur Karadzic, vous pouvez continuer.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous allions à une
2 vidéo où nous parlons de Lord Owen, qui était le médiateur pour les
3 pourparlers pour la paix. Et je voudrais que l'on commence par voir ce
4 qu'il a dit au sujet de Markale.
5 [Diffusion de la cassette vidéo]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "Le soir du 12 février, nous avons reçu des rapports, ainsi que le 5
8 février. Lord Owen a écrit sur : 'La position sur les bombardements qui
9 avaient été lancés et qui étaient situés à environ un demi kilomètre dans
10 le territoire tenu par les Musulmans. Nous avons mesuré la ligne de
11 démarcation qui sépare le territoire de l'armée de la Republika Srpska.'"
12 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voyez, Madame, Messieurs les Juges, que
14 dans ce prétoire, il y a une multitude de choses similaires et que de
15 l'autre côté, il y a notre propre peuple qui devait également gérer cette
16 situation.
17 Maintenant, je voudrais attirer votre attention sur encore un autre
18 subterfuge de ce type qui a causé beaucoup de dégâts concernant
19 l'Accusation et ce qu'elle essaie donc de tirer de cela.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
22 "Toute personne qui essaie de prouver son innocence dans cette
23 affaire a, bien sûr, sa propre version, la victime, et puis également les
24 agresseurs. Rien n'est blanc, rien n'est noir.
25 Lord David Owen est venu en Bosnie-Herzégovine en août 1992 pour remplacer
26 Lord Carrington en tant que médiateur pour la Communauté européenne et avec
27 la réputation d'un critique très tranché des Serbes de Bosnie. Mais Lord
28 Owen a très rapidement appris que les forces musulmanes avaient, de manière
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1 routinière, organisé des subterfuges pour que l'opinion mondiale se tourne
2 contre les Serbes. Il y a des rapports dans les médias, par exemple, qui
3 ont accusé des Serbes d'avoir ciblé l'hôpital de Kosevo à Sarajevo.
4 Les observateurs des Nations Unies ont, en fait, vu des bombes au mortier,
5 un équipage de bombes au mortier, venant de rentrer dans l'hôpital, et les
6 forces militaires du gouvernement de Bosnie étaient en uniforme et se
7 trouvaient également dans l'hôpital de Kosevo et dans la zone, c'étaient
8 probablement des Serbes. Et tout ceci donc s'est produit très rapidement.
9 Il y a une équipe de télévision qui est arrivée, qui a commencé à
10 s'installer aux environs de l'hôpital. Et quelques minutes plus tard, il y
11 a eu des tirs de représailles qui venaient de mortiers et qui ont touché
12 l'hôpital, et cette équipe de télévision a filmé l'attaque.
13 Nous avons ensuite appris qu'une lettre avec des propos très forts
14 avait été envoyée au gouvernement d'Alija Izetbegovic par le commandant des
15 Nations Unies à Sarajevo, le général Filip Morillon, qui déclarait qu'il
16 avait maintenant des éléments de preuve concrets avec les témoins de ce
17 qu'il considérait comme des actes de lâcheté. Je dois dire qu'en ce qui
18 concerne également la convention de Genève, elle était également mise en
19 cause.
20 Lorsque j'ai dit au général Morillon, qui, je pense, est un soldat
21 exceptionnel de quelque manière que ce soit, de ne pas rendre ceci public.
22 Mais en fait, il a haussé les épaules et a dit que c'était la manière dont
23 lui considérait les choses."
24 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le mot propagande de guerre a été utilisé.
26 Cette propagande de guerre n'aurait pas pu être menée, toutes ces ruses
27 n'auraient pas pu s'exprimer quant au fait que les Serbes devaient être
28 considérés comme coupables s'il n'y avait pas eu l'aide de tous ceux qui
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1 étaient du côté de la communauté internationale. Vous verrez dans ce
2 prétoire, en temps utile, à quel niveau les organisations humanitaires en
3 sont arrivées, y compris certaines dont la réputation est très bonne. Il y
4 a déjà eu des gens qui ont franchi toutes les lignes par le passé, mais
5 ici, c'est l'idée même de l'humanitaire qui a été démolie. Ces humanitaires
6 ont espionné pour l'une ou l'autre des parties belligérantes. Ils ont menti
7 dans des articles de presse. Ils ont fait entrer en contrebande des armes
8 et des munitions, ils ont franchi nos lignes, ils ont prétendu appartenir à
9 ces organisations humanitaires et ont bénéficié de véhicules protégés. Et
10 lorsque nos soldats, par la suite, ont commencé à faire preuve de suspicion
11 et à effectuer des vérifications dans ces véhicules, nous avons été
12 critiqués pour comportement déplaisant à l'égard de ces organisations. Or,
13 certains d'entre eux ont introduit des armes illégalement chez nous, et
14 donc étaient comparables à des combattants. En un mot, c'était une partie
15 belligérante. Ces organisations étaient des parties belligérantes.
16 Lorsque nos soldats ont commencé de façon tout à fait légitime à se
17 défendre par rapport à ces actions de sabotage, ces actions illégales
18 lancées par des organisations dites humanitaires qui faisaient cela de leur
19 propre chef ou se contentaient de remettre des véhicules protégés à des
20 parties tierces, nous avons subi cette sale guerre engagée contre nous. En
21 sus de cette guerre dans les médias, comme l'a dit Lord Owen, cette guerre
22 médiatique n'aurait jamais dû avoir lieu.
23 Vous verrez pendant la présente procédure que de faux journalistes
24 ont démoli le concept même de journalisme impartial. Vous verrez que ces
25 faux journalistes ont mené à la mort de véritables journalistes dans un
26 grand nombre de théâtres de guerre dans le monde entier en réduisant à
27 néant l'impartialité du journaliste et en abusant du devoir sacré ou en
28 tout cas de leur position sacrée, qui leur impose l'impartialité et leur
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1 impose de ne pas s'associer à une partie belligérante pour avoir accès à
2 tous les lieux concernés. Et cet accès, nous le leur avons autorisé.
3 Par exemple, il y a eu cette équipe de télévision britannique que nous
4 avons transportée à bord de notre avion après la conférence de Londres.
5 Nous avons amené ces journalistes sur place, nous les avons autorisés à
6 aller partout où ils souhaitaient se rendre. Et il y a eu le deuxième
7 incident de Markale en 1992, à partir de Trnopolje. Vous verrez cette
8 séquence qui prouvera que Trnopolje n'était pas un camp. C'était un centre
9 de regroupement qui était dirigé par les réfugiés eux-mêmes.
10 Voilà comment on a montré cette image avec les fils de fer barbelés qui a
11 fait le tour du monde.
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Ce centre était principalement utilisé par des personnes en transit
15 qui essayaient de fuir les combats et avaient besoin d'un lieu où s'abriter
16 pendant leur voyage.
17 Nous n'avons aucune raison de combattre. Je suis arrivé ici avec des
18 enfants en bas âge dans ce pré. Personne ne nous harcèle. Personne n'a levé
19 un doigt contre nous. J'ai habité dans le village.
20 Dans ce centre, il y avait un local destiné aux soins médicaux. Les équipes
21 d'ITN ont interviewé le Dr Idriz, docteur en médecine.
22 Nous avons choisi de ne pas placer nos caméras pour filmer dans ce
23 secteur à l'air libre. Au lieu de cela, l'équipe de télévision est entrée
24 dans un espace mi-clos, utilisé comme lieu de stockage pour un certain
25 nombre de produits. Au fond, il y avait des rouleaux de fil de fer barbelé,
26 et il y en avait également devant pour empêcher les vols. Notre équipe a
27 filmé les représentants d'ITN qui se sont faufilés dans un trou de cette
28 clôture. Quelqu'un dans la foule déclare qu'il y a un homme qui parle
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1 anglais, en montrant du doigt M. Mehmet [phon], qui dit :
2 Je pense qu'il n'y a rien de mauvais qui se passe ici.
3 Est-ce que vous vous sentez en sécurité ici ?
4 Je pense que je suis en sécurité, mais c'est très dur.
5 Donc nous voyons deux équipes ici d'ITN, qui sont représentées par le
6 cercle bleu sur la gauche de l'écran et par le cercle sur la droite.
7 Cet homme est très maigre.
8 Penny Marshall a braqué sa caméra sur l'arrière du fil de fer barbelé, et
9 elle cherche le meilleur angle de tournage. Elle veut une star pour son
10 histoire, une histoire qu'elle va raconter au monde entier."
11 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous allons
13 prouver par voie d'éléments de preuve que l'Accusation s'efforce d'utiliser
14 à tort un certain nombre d'éléments contre nous. Nous allons prouver que ce
15 que nous disons est vrai.
16 Ce lieu était un centre de regroupement. C'était un centre de transit
17 destiné à des personnes qui n'avaient nulle part où aller en raison des
18 combats qui se déroulaient tout autour d'eux. Donc les éléments que nous
19 présenterons vous montreront de façon convaincante et vous démontreront que
20 l'Accusation s'efforce d'utiliser à tort contre nous certains éléments,
21 mais nous allons les utiliser pour notre Défense.
22 L'équipe que vous voyez est passée par un trou dans la clôture, et
23 c'est de là que viennent ces images de fil de fer barbelé. Ces journalistes
24 étaient entourés par des fils de fer barbelé, mais ils filmaient des
25 personnes libres. Nous avons souffert beaucoup à cause de cette image qui a
26 fait le tour du monde et qui nous a punis de notre générosité. Je me
27 demande comment Mme Penny Marshall peut dormir après avoir fait le mal
28 qu'elle a fait en transmettant ces images un peu partout dans le monde,
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1 mais que ces images soient diffusées dans un prétoire et que cette ruse de
2 guerre soit utilisée dans un tribunal pour donner une image négative des
3 Serbes, permettant de condamner les Serbes, ça, c'est une question bien
4 différente.
5 J'ai dit que nous avions fait notre possible pour réaliser la paix et
6 éviter la guerre. Je rappellerais qu'en 1991, la tension était à son
7 comble. La guerre faisait rage en Croatie, il y avait toutes sortes de
8 malentendus. Et arrive à ce moment-là un dirigeant du parti musulman, du
9 groupe dirigé par Zulfikarpasic et Filipovic, qui nous dit que ceci est
10 très mauvais, que ce qui est en train de se passer n'est pas bon. Est-ce
11 que vous allez abandonner l'idée de régionalisation avec création de
12 provinces autonomes, est-ce que vous allez abandonner toutes les autres
13 mesures que nous avons entreprises pour répondre aux mesures prises contre
14 nous par le SDA, et nous avons accepté cette proposition, les dirigeants en
15 question peuvent en témoigner.
16 Ils ont conçu et proposé un accord historique avec les Musulmans dans le
17 but d'éviter la guerre. Et toute l'idée, c'était que les Musulmans et les
18 Serbes vivaient côte à côte et devaient continuer à le faire et que nombre
19 d'entre eux auraient pu le faire sans tomber dans la misère, si l'accord
20 avait été conclu. Comme je l'ai dit, toutes les mesures que nous avons
21 proposées pour répondre aux mesures illégales de la partie musulmane et
22 croate respectaient la loi, la législation et les conventions
23 internationales. Toutefois, nous avons tout abandonné dès lors que
24 Zulfikarpasic et Filipovic ont proposé l'idée que je viens d'évoquer.
25 Et je pense que le moment est bienvenu pour mettre le doigt sur une
26 illusion que l'Accusation souhaite créer, car en l'absence de cette
27 illusion, en l'absence de ce truc, le bureau du Procureur ne peut m'accuser
28 de rien. L'Accusation prétend que les Serbes ne souhaitent pas vivre aux
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1 côtés des Musulmans. Par ailleurs, nous faisions tout notre possible pour
2 que les Musulmans restent dans le giron de la Yougoslavie. Les Serbes
3 souhaitaient vivre aux côtés des Musulmans, mais ne souhaitaient pas vivre
4 sous la domination des Musulmans, et ceci était pleinement notre droit.
5 Nous ne vivrons jamais dans un régime sous un gouvernement qui nous
6 priverait de nos droits fondamentaux.
7 Donc dès lors que nous avons établi que les Serbes ont tout fait pour que
8 les Musulmans restent dans le giron de la Yougoslavie et vivent à leurs
9 côtés, l'acte d'accusation devrait être abrogé. Qu'est-ce que les Musulmans
10 avaient dans la Yougoslavie de l'époque ? Ils jouissaient d'une protection
11 qui leur était due en tant que peuple, ils jouissaient d'une protection car
12 ils avaient leur propre république. Si les Musulmans avaient dit : "Nous
13 voulons quitter la Yougoslavie," on pouvait simplement leur répondre :
14 "Donnez-nous ce dont vous jouissez en Yougoslavie et vous pouvez partir."
15 Comme je l'ai dit, 100 % du pouvoir sur 100 % du territoire de Bosnie n'a
16 jamais été une option envisageable.
17 Alors, si vous tirez une seule phrase de toute une allocution, et je
18 parle de l'allocution que j'ai prononcée en personne et qui a beaucoup été
19 exploitée, j'aimerais appeler l'attention des Juges de la Chambre sur cette
20 allocution qui a été prononcée le 15 octobre et qui concerne l'adoption
21 sous la contrainte de la déclaration d'indépendance.
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
24 "De nombreux plans ont été proposés ici que vous défendez lorsqu'ils
25 vous conviennent, et quand ils ne vous conviennent pas, vous faites des
26 proclamations politiques. Les Serbes de Bosnie-Herzégovine peuvent empêcher
27 les Croates et les Musulmans, si c'est nécessaire, de s'exprimer. Mais nous
28 ne le ferons pas; nous n'allons pas vous empêcher, car nous sommes un
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1 peuple fier. Mesdames, Messieurs, je ne suis pas arrivé ici comme le dieu
2 de la guerre, qualificatif qui m'a été donné par un représentant du Parti
3 démocratique croate, mais je vous répète, pour la centième fois, que le
4 Parti démocratique serbe n'exprime pas la volonté du peuple serbe. Il en
5 est le porte-parole. Nous mentirions si nous vous disions que vous pouvez
6 adopter ce plan et qu'il vous apportera quelque chose.
7 Mesdames, Messieurs du SDA, depuis trois mois, nous discutons
8 librement et ouvertement au sujet d'une nouvelle forme d'organisation pour
9 la Bosnie-Herzégovine. Peut-être y a-t-il encore une possibilité que la
10 Bosnie reste intégrée et reste au sein de la Yougoslavie aussi longtemps
11 qu'elle le souhaite, en tout cas pour les Serbes, alors que les Croates et
12 les Musulmans peuvent partir. C'est une solution à trois niveaux qui peut
13 être mise en œuvre aussi bien au niveau de la république qu'au niveau de la
14 Fédération par création de provinces autonomes, comme cela a été proposé.
15 Si vous refusez cela, nous pouvons nous mettre d'accord pour votre départ
16 de la Yougoslavie par voie de plébiscite, mais nous utiliserons le même
17 mécanisme et les mêmes droits pour vous empêcher de nous faire sortir de la
18 Yougoslavie. Nous n'avons pas à l'esprit une initiative destinée à changer
19 la structure de la Bosnie-Herzégovine. Il faut que la chose se fasse par le
20 biais d'une commission, puis par l'expression des citoyens, autrement dit,
21 par élection.
22 J'essaie, de la façon la plus calme possible de vous dire que le
23 peuple serbe vous dit que ce que vous voulez, c'est utiliser La Haye pour
24 faire de cette république une république qui vous appartient uniquement.
25 Ça, c'est impossible. Les Croates et les Musulmans peuvent dire pour eux-
26 mêmes, ils peuvent s'exprimer en leur propre nom, mais ils ne peuvent pas
27 s'exprimer au nom des autres. Nous allons faire appel à l'opinion publique
28 pour montrer l'agression constitutionnelle qui est commise contre les
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1 Serbes. C'est une situation qui s'est répétée une centaine de fois. Nous
2 n'allons plus contrôler la situation si nous suivons la voie de la Croatie
3 et de la Slovénie. Ce serait l'enfer, un enfer qui serait bien pire que ce
4 que quiconque n'a jamais vécu.
5 Je vous demande encore une fois, et ce n'est pas une menace de ma part, je
6 vous prie de prendre très au sérieux l'interprétation de la volonté
7 politique du peuple serbe qui est représentée ici par le Parti démocratique
8 serbe et le Mouvement serbe du Renouveau. Je vous demande de prendre cela
9 très au sérieux. Ce que vous êtes en train de faire n'est pas bon. Le
10 chemin que vous ouvrez est un chemin vers l'enfer et la souffrance pour la
11 Bosnie-Herzégovine, c'est un chemin comparable à l'autoroute de souffrance
12 et de malheur qui a déjà été empruntée par les peuples croate et musulman.
13 Ne plongez pas la Bosnie-Herzégovine dans l'enfer, ne condamnez pas
14 éventuellement et peut-être le peuple musulman de Bosnie-Herzégovine à la
15 disparition, parce que c'est ce qui arrivera.
16 Des déclarations fortes ont été prononcées, il faut donc répondre par des
17 mots forts. Comment est-ce que vous allez empêcher qui que ce soit de ne
18 pas tuer tout le monde en Bosnie-Herzégovine ? Comment est-ce qu'on peut
19 empêcher la guerre en Croatie, alors que les Croates ont atteint leurs
20 objectifs politiques et qu'ils considèrent que c'était le seul moyen pour
21 les résoudre, alors qu'ils n'ont pas utilisé un autre moyen qui était tout
22 aussi possible et qui aurait maintenu la paix."
23 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai également dit que nous devons éviter que
25 le chaos ne s'installe. Nous pouvons introduire l'ordre. Ceci est en notre
26 pouvoir. Mais nous ne pouvons pas gérer le chaos ni le désordre.
27 Par conséquent, et en prenant tout ceci en considération, et après avoir
28 entendu ce que diverses autorités haut placées du monde ont dit en ce qui
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1 concerne la reconnaissance et les autres questions, on peut se demander ce
2 que cette petite communauté de Serbes de Bosnie-Herzégovine pourrait faire
3 mis à part être annihilée et capituler. Par conséquent, nous avons la
4 possibilité de faire une distinction pour savoir s'il s'agissait d'un
5 comportement licite de la part du HDZ et du SDA ou si les Serbes violaient
6 leurs droits, ou vice versa.
7 Il faudrait savoir si la constitution était violée et si cette
8 constitution qui avait fait l'objet d'une négociation a été révoquée.
9 Cette crise s'est développée et nous pouvons faire une comparaison de la
10 manière suivante : Vous éteignez la lumière dans la taverne des Balkans, et
11 une fois que tout est terminé, vous éclairez la lumière. Les Serbes ne
12 pouvaient pas se permettre que cela se produise. Je voudrais vous rappeler
13 que la division et la partition de la Bosnie-Herzégovine est venue de
14 l'extérieur, et c'était principalement l'idée de M. Izetbegovic. Ceci sera
15 confirmé par toutes les interceptions téléphoniques que vous entendrez. Il
16 était seulement intéressé à avoir une Bosnie-Herzégovine, même si c'était
17 un petit territoire, mais qui ne serait composé que d'Arabes et de
18 Musulmans ou qui aurait une influence arabe et musulmane.
19 Est-ce que l'on pourrait maintenant entendre la conversation entre M.
20 Karadzic et M. Milosevic. Ce n'était pas en fait une conversation qui
21 devait être entendue devant le public, mais là ils parlent en fait de
22 manière très franche et authentique entre eux.
23 [Diffusion de la cassette audio]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
25 "Karadzic : Ils nous ont surpris avant-hier, après ce déjeuner. Ils
26 nous ont vraiment pris par surprise. Izetbegovic a parlé de la division de
27 la Bosnie, et ceci de manière explicite et ouverte, il n'a jamais été plus
28 explicite que cela. Nous étions choqués. Nous n'y avons vraiment pas pensé.
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1 Je ne pense pas que lui, à savoir Izetbegovic, veut se réunifier avec la
2 Croatie. Il veut utiliser la Croatie pour quitter la Yougoslavie, parce que
3 ce qu'il aimerait ce serait en fait d'avoir une enclave islamique dans la
4 vallée de la rivière Bosna, et je pense qu'il a besoin du monde arabe. Nous
5 pensons cependant que ce serait dommage que la Bosnie ait classé notre
6 position de base.
7 Milosevic : Pas tous les Musulmans ne feront ce que Alija Izetbegovic fait.
8 J'en suis sûr.
9 Karadzic : Il est très rusé. Il ne parle pas de ces objectifs ultimes."
10 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Après avoir étudié tout ceci,
12 l'Accusation essaie de faire mon portrait comme d'un dirigeant qui a
13 formulé et mis en œuvre ce plan criminel visant à créer une entité séparée
14 avec une grande partie du territoire de Bosnie-Herzégovine. Ceci ne s'est
15 pas produit jusqu'à ce que nous soyons forcés de prendre ce qui nous avait
16 été proposé pour sauver nos vies.
17 Ils ont dit que Karadzic était le dirigeant ultime. Mais si le peuple
18 serbe avait vraiment eu connaissance de la situation de manière appropriée,
19 ils auraient dit que Karadzic était en fait au service ultime de son
20 peuple. Dans la deuxième partie de la phrase, c'est ce que l'on peut
21 trouver.
22 Ce n'est pas uniquement réfutable, mais c'est également avancé dans
23 le paragraphe 11 de l'Accusation. Il est mentionné que :
24 "Lorsque la Yougoslavie s'est désintégrée, différentes républiques
25 ont opté pour l'indépendance."
26 Je dois dire que ceci est très rusé. Les républiques ont opté pour
27 l'indépendance parce que la Yougoslavie était en désintégration. Je
28 voudrais recommander à tous, en guise de divertissement, tout ce que
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1 l'Accusation a dit, vous pouvez en fait l'interpréter à l'inverse. Vous
2 verrez que ceci est en fait très divertissant.
3 Il s'agit d'une logique renversée, si l'on peut dire. Et ce
4 paragraphe pourrait être compris de la manière suivante, c'est-à-dire que
5 lorsque les républiques ont opté pour l'indépendance, c'est à ce moment-là
6 que la Yougoslavie s'est désintégrée. C'est la vérité, et pas ce que le
7 bureau du Procureur dit, à savoir que la première étape a été les
8 républiques qui se sont unilatéralement déclarées indépendantes ou qui ont
9 fait sécession. Cependant, le bureau du Procureur essaie de vous convaincre
10 que ceci s'est produit de manière inverse. Et bien sûr, dans ce contexte,
11 on peut parler du rôle des Serbes. Cependant, s'il est clair que
12 l'indépendance des républiques a amené à la désintégration, tout ceci est
13 très clair, et encore plus le fait que la Yougoslavie ne s'est pas
14 désintégrée, mais qu'en fait c'est de l'extérieur que cette désintégration
15 s'est opérée. La Bosnie a été fragmentée, et la Yougoslavie s'est
16 désintégrée.
17 Comment la Bosnie pourrait s'aventurer sur la voie de l'indépendance
18 sans les Serbes ? Si vous regardez les cartes et les zones dans lesquelles
19 les Serbes ont vécu depuis des temps immémoriaux, vous verrez que le SDA
20 n'avait pas besoin des Serbes de Bosnie, mais qu'ils avaient plutôt besoin
21 de leurs territoires, les deux tiers du territoire de la Bosnie. Le bureau
22 du Procureur sait que les Serbes constituaient un tiers de la population,
23 mais nous y viendrons un peu plus tard, à savoir pourquoi les Serbes qui
24 avaient toujours été en majorité ne se sont retrouvés comme représentant
25 plus qu'un tiers de la population, mais un tiers de la population vivait
26 sur deux tiers du territoire de la Bosnie-Herzégovine.
27 Si le SDA avait souhaité s'accaparer les territoires serbes, le
28 bureau du Procureur aurait pu avoir une preuve excellente grâce à M.
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1 Tudjman avec qui j'ai eu de nombreuses conversations. On pourra en fait
2 faire montre de cela. On pourrait écouter une interception téléphonique
3 entre M. Tudjman et M. Holbrooke, à savoir : Les Musulmans m'ont dit qu'ils
4 allaient tous nous exterminer. Et j'ai demandé : Comment est-ce que vous
5 allez expulser un million et demie de Serbes de Bosnie ? Et Tudjman dit :
6 Même si nous ne sommes pas unifiés au niveau des dirigeants musulmans, nous
7 ne pouvons pas compter sur la guerre qui mettra fin à l'expulsion des
8 Serbes, mais nous pouvons en fait nous fier à la Croatie. Et tôt ou tard,
9 les Serbes pourront quitter la Bosnie.
10 On m'a accusé de vouloir faire partir les Musulmans de la Republika Srpska.
11 Les Musulmans dont il parle ici, les Musulmans du SDA, les jeunes
12 Musulmans, les intégristes, voulaient que tous les Serbes quittent la
13 Bosnie. Et maintenant, nous voyons la sincérité de M. Izetbegovic, le
14 président du SDA, et nous voyons également ses tactiques, lorsqu'il a dit :
15 Si je pourrais en fait me libérer de toutes responsabilités.
16 Mais le président Tudjman à protégé M. Izetbegovic durant la guerre.
17 Nous ne voulions pas qu'il échoue, mais nous voulions en fait un échec
18 politique, cette idée d'avoir 100 % du pouvoir dans une Bosnie à 100 %.
19 Ceci constitue en fait une preuve authentique.
20 L'Accusation continue et se fourvoie encore une fois lorsque
21 l'Accusation dit dans un de ses paragraphes que M. Karadzic a préparé des
22 organes et des conditions pour la séparation forcée d'un point de vue
23 ethnique et la création d'un Etat serbe à partir de la Bosnie-Herzégovine,
24 de manière similaire à ce qui s'était produit en Croatie. Comment peut-on
25 parler d'un état conjoint alors qu'un état conjoint existait déjà ?
26 Et puis dans un autre paragraphe, l'Accusation poursuit en disant que
27 les Serbes en Croatie, puisqu'ils nous relient aux Serbes de Croatie,
28 avaient créé des institutions serbes pour résister aux autorités croates,
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1 et avaient déclaré leur autonomie et leur indépendance, et avaient en fait
2 déclaré une indépendance d'un tiers de territoire de la Croatie.
3 C'est comme cela que les choses se sont passées. Nous savions que la
4 sécession était illégale et illicite, et cette illégalité a fait l'objet
5 d'une résistance de la part des Serbes. Ceci est légitime, mais en ce qui
6 concerne l'Accusation, ce n'est pas légitime. En raison d'éléments de ce
7 type, l'Accusation semble être un porte-parole plutôt qu'une instance
8 accusatoire dans ce Tribunal. Aucun exemple juridique ni aucune instance
9 scientifique ou universitaire a prouvé que la Croatie avait agi de manière
10 légale et que les Serbes n'avaient pas le droit de résister vis-à-vis de
11 cette illégalité.
12 Je vais vous rappeler ce qui s'est passé au niveau des Serbes en
13 Croatie. Les Serbes en Bosnie-Herzégovine étaient la population la plus
14 ancienne. Les Serbes sont arrivés en Croatie il y a 350 ans, et on leur a
15 donné la Krajina. Mais ce n'est pas la Croatie, c'est l'Empire austro-
16 hongrois. C'est l'Autriche. Il y avait des combattants. Ils ont reçu des
17 privilèges, ils ont eu des droits autonomes qui leurs ont été conférés. On
18 leur a donné un territoire. Et en 1918, les Serbes de la Krajina ont appris
19 qu'un jour ils devraient quitter ce territoire. Mais la Croatie serait
20 peut-être encore en Yougoslavie. Et si en 1945 la population de la Krajina
21 avait appris qu'on leur prendrait un jour leur territoire et qu'ils
22 seraient expulsés et que la Krajina ne serait plus en Croatie, je ne sais
23 pas ce qu'ils auraient pensé.
24 Donc le peuple de la Krajina a reçu la Krajina de l'Autriche parce
25 qu'ils l'ont gagnée en se battant contre l'attaque turque et contre
26 l'invasion turque. Et en 1945, lorsqu'ils sont entrés en Croatie, en fait,
27 ils ont pris le gage qu'était la Croatie. Et dans la constitution, il était
28 stipulé que la Croatie était composée de deux nations. Il s'agissait de
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1 Croates et de Serbes, alors qu'en 1991, la première chose que le HDZ a
2 faite en Croatie était en fait de renvoyer les Serbes de la constitution et
3 de les considérer comme une minorité, de façon à ce qu'ils puissent leur
4 reprendre la Krajina.
5 Et maintenant, nous pouvons voir ce que le Pr Antonio Cassese a dit
6 en ce qui concerne ces mesures illicites qui ont été prises par la Croatie.
7 Et l'Accusation, à cet égard, continue d'arguer que les Serbes ne pouvaient
8 pas résister en Krajina, comme si ceci était en fait inscrit dans le droit.
9 L'Accusation m'accuse d'un ethnocentrisme, d'une manière ou d'une
10 autre, et me dit que nos motivations étaient d'ordre ethnique, car nous
11 souhaitions constituer notre propre territoire, tant en Croatie qu'en
12 Bosnie-Herzégovine. Mais en fait, des motifs purement ethniques émanaient
13 des Slovènes et des Croates et des Musulmans qui voulaient quitter la
14 Yougoslavie. Il ne s'agissait pas de motifs économiques, raciaux. Il
15 s'agissait purement de motifs ethniques, qui les ont emmenés à cela, alors
16 que les Serbes n'ont plus de droits pour protéger leurs propres intérêts.
17 Par conséquent, toute crise après la Deuxième Guerre mondiale avait une
18 justification ethnique, notamment entre 1968 et 1971 en Croatie, lorsque
19 Tito a remplacé tout le corps dirigeant croate. Karadzic, après 1968, a
20 participé au mouvement étudiant. Il était un étudiant, il était un
21 dissident, mais n'a plus vraiment travaillé dans la politique.
22 Par conséquent, le nationalisme ethnique, en 1990 et 1991, a ensuite
23 occasionné ce qui s'est passé ensuite. Mais les Serbes étaient tenus
24 responsables.
25 Et je voudrais rappeler qu'en Croatie, les Serbes n'ont pas voté pour
26 le Parti démocratique serbe en majorité, mais pour un parti multiethnique
27 d'Ivica Racanin. La Croatie avait beaucoup de partis sécessionnistes, mais
28 les Croates ont voté pour le HDZ qui était le parti avec la plus forte
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1 connotation ethnique, alors que les Serbes ont voté pour le parti qui avait
2 la moindre connotation ethnique. Et on ne peut pas considérer donc les
3 Serbes de Croatie d'être ethnocentristes, ce qui est mentionné par
4 l'Accusation.
5 Si nous avons un peu de temps, j'aimerais vous montrer ce que les
6 Serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, parce que la Bosnie-Herzégovine
7 durant la Deuxième Guerre mondiale a opéré de concert avec la Croatie. On
8 peut voir ce qui s'est passé. Il y a Jasenovac, qui est de l'autre côté de
9 la Sava, et voilà en fait ce qui s'est passé. Les Oustacha qui ont été
10 constitués en 1930, d'après ce centre Weisenthal, ont tué 500 000 Serbes et
11 ont expulsé 250 000 autres Serbes et ont exigé qu'ils se convertissent.
12 C'était donc selon la théorie de Mile Budak, un écrivain croate et un
13 idéologue. Et en fait, il mentionnait que l'on allait expulser un tiers, on
14 allait en tuer un tiers et on allait convertir le troisième tiers. Et en
15 fait, il s'agit de la position serbe. C'est mentionné dans l'acte
16 d'accusation. Cependant, c'est de notoriété publique qu'il y aura en fait
17 trois tiers. Mais l'Accusation n'a pas reçu de bons conseils sur le
18 terrain, de façon à ce que l'on puisse leur expliquer exactement ce que
19 l'on entend par ouï-dire.
20 C'est ce que des officiers de renseignement allemands ont dit. Cela
21 vient toujours du centre Weisenthal. Et je voudrais attirer votre attention
22 sur le fait que jusqu'au 17 février 1942, il y avait en fait une évaluation
23 très précise qui avait été faite par les agents de renseignement allemands,
24 selon laquelle 300 000 Serbes orthodoxes avaient déjà été tués, avaient été
25 massacrés en utilisant des méthodes sadistes [phon]. Ceci n'a pas été en
26 diminuant. En fait, nous sommes arrivés à 80 000. Mais la Croatie était
27 disposée à prendre acte de 80 000, mais en fait il y en avait plus de 500
28 000, parce que si durant une année il y en avait déjà 300 000, ça n'a pu
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1 qu'augmenter dans les années qui s'en sont suivies, et on pourrait dire
2 qu'il y a plus d'un million de Serbes de Bosnie et de Croatie qui ont en
3 fait été tués.
4 Maintenant, ce que l'on m'accuse ou ce qui est mentionné dans l'acte
5 d'accusation par l'Accusation, je pense qu'il faudrait créer un acte
6 d'accusation qui soit vraiment véridique. Les acteurs changent, mais dans
7 ce cas-là, les dirigeants musulmans et croates devraient également être
8 accusés.
9 Ce serait, dans ce cas-là, un acte d'accusation authentique. Comme si
10 Tudjman ou Izetbegovic, de 1990 à 1995, avaient établi la formulation, la
11 mise en œuvre d'un plan criminel pour créer une entité ethnique sur une
12 large portion de l'ancienne RFY. Ou Tudjman et Izetbegovic se sont engagés
13 dans des négociations pour garantir un Etat commun tout en préparant
14 simultanément des organes, des entités, et les conditions pour une
15 séparation ethnique forcée et pour la création d'un Etat musulman croate
16 qui aurait été créé à partir de la Yougoslavie de manière similaire au
17 processus qui avait commencé en Slovénie -- ou plutôt, en Croatie par
18 rapport à la Bosnie-Herzégovine.
19 Puis dans le paragraphe 13, tout est pareil mais nous changeons les
20 acteurs. Les Croates et les Musulmans avaient identifié des territoires
21 considérés comme des territoires musulmans croates, ont créé des
22 institutions musulmanes, croates séparées pour résister contre l'autorité
23 yougoslave, ont déclaré l'indépendance, et ont pris le contrôle forcé d'une
24 grande partie du territoire yougoslave en tuant des milliers de Serbes, et
25 la population yougoslave n'a pas accepté ces décisions sur ce territoire.
26 Maintenant, Excellences, Madame et Messieurs les Juges de la Chambre, les
27 différents gouvernements et l'Accusation qui appuie ce processus, dans mon
28 mémoire préalable au procès il est beaucoup plus probable que celui
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1 présenté par l'Accusation. Dans ces paragraphes, il est mentionné qu'ils
2 cherchaient à établir des armées secrètes républicaines, ils voulaient
3 s'armer, ils voulaient violer la résolution des Nations Unies, ils avaient
4 des projets pour refaire vivre l'empire de Croatie, et les pays occidentaux
5 voulaient réinstituer la monarchie de Habsbourg. On voyait que la
6 population musulmane, durant l'occupation turque il y a 500 ans, il y avait
7 une certaine stabilité. C'est vrai, il y avait une stabilité. Comme dans un
8 cimetière, personne ne fait rien. Il n'y a aucun mouvement dans un
9 cimetière. Mais la culture serbe, jusqu'à l'arrivée des Turcs, était la
10 culture dirigeante, et Stefan Lazarevic était le leader en Europe, c'était
11 un poète, c'était un héro qui était très apprécié de ses amis.
12 Maintenant, la Turquie veut revenir et ceci émane d'individus les
13 plus responsables. Nous entendons ces idées qui se font voir dans les
14 années 1990. Il y a le ministre Dotogo [phon] qui disait que la Bosnie
15 était turque et que la Turquie était bosniaque. Nous reviendrons, parce que
16 c'est dans notre intérêt de raviver l'Empire ottoman, et c'est ce que les
17 serbes n'ont pas accepté.
18 Si j'avais un peu plus de temps, je présenterais une série de preuves pour
19 montrer que les changements terribles en Croatie immédiatement après les
20 élections ont vu qu'il y avait, par exemple, de nouvelles mesures contre
21 les Serbes. Il y avait l'amendement qui ne les avait pas inclus dans la
22 constitution. La constitution qui les a réduit à une minorité nationale.
23 Puis vous avez d'autres mesures qui ont été prises. L'armement secret, par
24 exemple. Puis nous avions également les expulsions, les meurtres dans des
25 villes mais également dans des territoires serbes où les Serbes étaient en
26 majorité, puis nous avons déjà eu des colonnes de réfugiés. Des personnes
27 qui avaient été renvoyées, qui avaient perdu leur emploi. Et l'Accusation
28 le savait très bien. Ils l'ont mentionné. Nous avons entendu des
Page 863
1 dépositions de témoins dans ces différents prétoires.
2 J'ai pu voir également à quoi ressemblaient ces réfugiés. Le
3 président Tudjman avait réhabilité le NDH, l'Etat indépendant de Croatie.
4 Ce n'était pas un Oustachi. C'était un partisan. Mais les Oustachi ont
5 repris le pouvoir et ont occupé des positions dirigeantes, notamment dans
6 des zones dans la Krajina et à Banja Luka. Donc l'Accusation veut dire que
7 ceci n'a eu aucune conséquence, aucune influence sur la mémoire ou la
8 conscience des Serbes de Bosnie. Ils pouvaient voir qu'il n'y avait plus
9 rien, il n'y avait plus de village, plus de passé, plus de présent, plus
10 d'avenir.
11 Et une de ces mesures était la suivante à introduire des symboles oustachi,
12 par exemple, des insignes qui émanaient de l'ancien Etat oustachi, mais
13 l'Accusation pense que ceci n'a aucune importance. Essayons de voir ce que
14 Lord Owen a dit sur ce sujet : "C'était un acte provocateur extrême pour
15 les Serbes de Croatie et que le gouvernement de Tudjman avait d'adopter le
16 drapeau croate indépendant NDH qui avait été utilisé par Pavelic, c'est-à-
17 dire l'échiquier rouge et blanc. Et c'était sous cette insigne que les
18 Serbes étaient tombés durant la Deuxième Guerre mondiale." C'est ce que
19 Lord Owen a dit. Ce n'était pas un acte de provocation. C'était encore plus
20 que cela. C'était terrifiant, tant pour les Serbes que pour les Juifs. Et
21 ceci correspond au titre d'un livre qui a été écrit par Goldstein, un Juif
22 de Croatie, qui dit qu'en 1941, c'est l'année de son retour.
23 Mais l'Accusation dit : Ne vous inquiétez pas de ces insignes. Il s'agit
24 simplement de gages, de gestes. Mais je pense qu'il faudrait voir ce que
25 cela signifie. Voyons ce que les ministres Spegelj et Boljkovac disent,
26 c'est-à-dire le ministère de la Défense et le ministère de l'Intérieur.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
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1 "Il y a 9 000 officiers de la JNA et 18 000 soldats de la JNA sur la
2 totalité du territoire de la Slovénie, la Croatie et certaines parties de
3 la Bosnie. Nous avons maintenant environ 80 000 personnes qui sont armés de
4 Kalachnikovs. Nous allons résoudre Knin à la manière dont nous allons les
5 massacrer. Nous avons la communauté internationale, et notamment maintenant
6 lorsque cette guerre est en Serbie. Milosevic ? Oui. Maintenant, deux jours
7 après il a gagné, les Américains ont offert de nous aider, mais jusqu'à
8 présent ils avaient simplement spéculé. Ils avaient dit maintenant, ce
9 serait ainsi 1 000 blindés, des véhicules, et cetera, et je ne sais quoi
10 d'autre. Ils fourniront des armes et du matériel pour 100 000 soldats, et
11 ceci gratuitement."
12 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on arrêter la vidéo, s'il vous
14 plaît.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour quelle raison ?
16 L'INTERPRÈTE : Il faudrait que l'interprétation soit viva voce. L'ACCUSÉ :
17 [interprétation] Ces propos du ministre Spegelj sont réitérés de manière
18 tout à fait claires et doivent être interprétés simultanément dans le
19 prétoire.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que nous avons entendu
21 l'interprétation. Poursuivons.
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
24 "Mille soldats avec l'équipement, l'armement entier, sans qu'on ait à
25 débourser un sous. L'armée n'a rien à faire ici, tuer, fusiller sur place,
26 dans les rues partout. Prendre un pistolet et tirer dans l'estomac. Ce ne
27 sera pas une guerre conventionnelle. Ce sera une guerre civile. Il ne faut
28 pas avoir de miséricorde. Ni pour les femmes et enfants."
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1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
2 L'INTERPRÈTE : La bande est inaudible, note de la cabine.
3 [Diffusion de la cassette vidéo]
4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
5 "Ne prêtez pas attention aux femmes, aux enfants. Peu importe. On ne s'en
6 occupe pas.
7 "Liquidation physique. Les enfants, rien du tout. Peu importe.
8 "Les Serbes ne seront plus jamais en Croatie. Nous nous servirons de tous
9 les moyens."
10 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Croyez-moi, ils ont fait tout, même pire. Tout
12 ce qu'ils ont annoncé à la fin de l'année 1990, alors qu'ils faisaient bel
13 et bien partie de la Yougoslavie à ce moment-là. Pour une partie de leur
14 population, la partie serbe, ils leur ont réservé la liquidation, des
15 massacres. Et ce qui a été promis, à ce moment-là, comme, par exemple, lors
16 de la création du HDZ, Dalibor Brozovic a dit que la Croatie serait
17 défendue sur la Drina comme pendant la Seconde Guerre mondiale. Ou Sime
18 Djodan [phon], qui est d'origine serbe, un extrémiste croate, qui a dit que
19 sur une montagne serbe, en surplombant Sarajevo, on verra l'échiquier
20 croate. Ce n'est pas ce qui s'est produit en cinq ans, mais ce qui s'est
21 produit, c'était une réitération à l'identique de ce qu'on a vu pendant la
22 Seconde Guerre mondiale, et on a vu partir des colonnes entières de ces
23 réfugiés qui prenaient la fuite de Croatie.
24 Le Procureur, comme le monde entier, a accès à ces éléments. Tout le monde
25 sait comment cela s'est terminé. Mais cela n'empêche pas le Procureur
26 d'affirmer que je me suis contenté de regarder ce qui arrivait aux Serbes
27 de Croatie, et que c'est, en fait, sur la base de cela que j'ai mobilisé,
28 que j'ai incité les Serbes de Bosnie à se défendre.
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1 Donc, je n'avais pas de raison d'inquiéter les Serbes de la Krajina -- ou
2 plutôt, leur exemple m'a servi, et en tant que leader des Serbes de Bosnie,
3 je me suis servi de cet exemple pour les avertir de ce qui risquait leur
4 arriver. Le Procureur dit que je n'avais pas de raison valable pour faire
5 cela. Excusez-moi, je trouve que l'acte d'accusation n'aurait jamais dû
6 être dressé contre moi, et que le mémoire préalable de l'Accusation aurait
7 dû être de bien meilleure qualité.
8 Nous avons des promesses de deux ministres, ministre de l'Intérieur,
9 ministre de la Défense croate, et si cela ne constitue pas un danger pour
10 les Serbes, un avertissement aux Serbes de Croatie, écoutez, il aurait
11 fallu qu'on soit plongé dans une anesthésie profonde, on aurait dû se
12 laisser massacrer comme les Serbes de Knin. Voyons maintenant comment
13 l'Accusation articule cela. Qu'en dit-elle ?
14 Si on l'inverse, il suffit d'inverser les noms et les protagonistes,
15 voilà, là nous avons le véritable acte d'accusation. Karadzic et la
16 direction des Serbes de Bosnie étaient au courant de la nature et de
17 l'objectif de la campagne d'armement croate, de la création d'une armée
18 illégale en passant par l'hypertrophie de la police et de la garde
19 nationale, tout comme par des licenciements des Serbes sur des bases
20 ethniques, des meurtres dans des villes, des amendements constitutionnels
21 adoptés d'ores et déjà par la constitution communiste. Ils savaient que les
22 Serbes en Croatie vivaient dans la peur parce que les Oustachi de la
23 diaspora croate étaient revenus dans le pays. La Croatie cherchait une
24 sécession unilatérale de la Yougoslavie. La position des Serbes en Croatie
25 était menacée, la constitution était modifiée au détriment des Serbes.
26 Karadzic était au courant de la position des Serbes de Krajina, et la
27 nouvelle direction croate estimait que modifier la position des Serbes
28 était sa première priorité, les licencier, et cetera. Karadzic a apporté
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1 son soutien aux Serbes de Croatie, et il les a cités en exemple du
2 comportement que devaient adopter les Serbes de Bosnie, si jamais la Bosnie
3 devait suivre la voie de la Croatie.
4 Ça, c'est le véritable acte d'accusation, mais le Procureur ne veut pas le
5 signer. Il m'attribue, à moi, la responsabilité parce que j'occupais un
6 poste de responsabilité, et effectivement, je l'ai occupé.
7 Voyons quelle est la situation, et comment se présentent les paragraphes 15
8 et 16.
9 Mais voyez-vous, aux termes de la nouvelle constitution, quelle est cette
10 nouvelle Croatie. C'est un Etat du peuple croate et des minorités, à savoir
11 des Serbes, des Tchèques, et cetera. Or les Serbes ont apporté la Krajina
12 qu'ils ont reçue de l'Autriche, lorsqu'il y a eu création de la Croatie. Le
13 ministre Boljkovac, on l'a entendu parler au début de l'année 1990 et en
14 janvier 1991, lui, il adopte la position suivante : il adhère au repentir
15 maintenant. Il dit : Ni la Yougoslavie ni les Serbes n'ont attaqué la
16 Croatie, ça était l'inverse. Voyons plutôt comment cela s'est présenté.
17 Nous avons un soldat, un militaire, Saso Gersovski, il est Macédonien, il a
18 fait son service militaire dans son propre pays en mai 1991.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Des attaques ont été lancées par des extrémistes et nationalistes
22 enflammés à Split. Saso Gersovski, un militaire a été tué. Ce ne sont que
23 quelques exemples d'atrocités qui ont été commises, par exemple, à Zadar."
24 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bjelovar, Split, l'armée qui est déployée dans
26 son propre pays, et voyons comment ces membres perdent la vie. Sasa
27 Gersovski, il est fils de quelqu'un. Il a des parents. Il a ses proches, sa
28 famille en Macédoine.
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1 Voyons maintenant ce que dit Warren Zimmermann, et qui n'avait pas de
2 sympathie à l'égard des Serbes. Il dit : La JNA était une force légitime,
3 c'était l'armée yougoslave. Or le Procureur me reproche d'avoir apporté mon
4 soutien à la mobilisation et au départ des recrues dans les rangs de
5 l'armée, qui n'était que la seule armée légitime de cet Etat, et il établit
6 un lien entre le SDS et l'armée.
7 Je vous dirais, Excellences, le SDS, qui n'était pas un parti communiste,
8 il était traité de la même façon que le SDA et le HDZ par l'armée. Ils ne
9 pouvaient même pas passer la nuit dans les localités où le HDZ et le SDA
10 étaient au pouvoir, et c'est là qu'ils ont compris qu'il fallait qu'ils se
11 replacent dans les localités serbes. Ils ne nous aimaient pas, ils
12 n'avaient pas de sympathie pour nous, mais ils se sont rendu compte qu'ils
13 n'étaient pas en sécurité, ni leurs hommes ni leur équipement, là où le HDZ
14 ou le SDA était au pouvoir. Nous étions les seuls à envoyer les hommes dans
15 les rangs de cette armée, parce que pendant une année entière, les
16 Musulmans et les Croates n'y sont plus allés. Ils ont même retiré leurs
17 officiers, ils se sont mis à créer leurs propres armées. On vous dira que
18 la JNA est devenue une armée serbe. Dans toutes les républiques, toutes les
19 armées ont été créées à partir de la JNA, mais cela s'est fait
20 graduellement puisqu'ils ont créé leurs unités armées sur une période
21 prolongée, tandis que les Serbes l'ont refusé jusqu'à ce qu'on ordonne que
22 l'armée yougoslave se replie de Bosnie. Naturellement, à ce moment-là, ces
23 hommes ont rejoint leur peuple.
24 Voyons maintenant comment réagit l'Allemagne. En 1992, tout comme en
25 1941, elle félicite la Croatie qui est son alliée. Je dois dire à
26 l'attention de nos alliés occidentaux de la Première Guerre ainsi que de la
27 Seconde Guerre mondiales que nous devrions peut-être envier les Croates de
28 leurs alliés. L'Allemagne s'est révélée bien plus fidèle que nos alliés ne
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1 l'ont fait. Et ils nous ont fait beaucoup souffrir par leur attitude.
2 Donc cela démontre que la victoire de l'Allemagne en 1991 est une
3 victoire totale et définitive.
4 Que me reproche le bureau du Procureur ? Ils affirment qu'au fond, notre
5 plus grand péché, ma culpabilité est d'avoir créé le SDS
6 constitue un crime lorsque les Serbes créent un parti politique.
7 Or, je précise que les Serbes ont été les derniers à créer un parti
8 politique sur des bases ethniques en Bosnie-Herzégovine, quatre mois avant
9 les élections. Ils ont été les derniers. Tous les autres s'étaient déjà
10 dotés à ce moment-là de partis politiques, ont déjà rendu public les
11 programmes de leurs partis. Et maintenant, on s'inquiète parce que les
12 Serbes ont exigé finalement, à ce moment-là, d'avoir leur propre parti.
13 Donc ils mettent sur pied leur parti, ils créent l'assemblée, ils
14 participent aux élections. Donc ils font tout cela, d'après le Procureur,
15 parce qu'ils veulent créer leur propre Etat en Bosnie-Herzégovine et parce
16 qu'ils veulent chasser les Croates et les Musulmans de cet Etat. Le
17 Procureur aurait dû préciser de quel crime est coupable cet accusé. Non, il
18 culpabilise le peuple entier, et toutes les activités que ce peuple
19 déploie, politiques ou autres, sont considérées comme faisant partie de
20 l'entreprise criminelle commune. Donc tous les souhaits des Serbes.
21 Or, qu'ont voulu les Serbes ? Ils n'ont fait que réagir face aux
22 actions des autres. Et le Procureur omet de replacer cela dans le contexte,
23 il omet d'en tirer les conclusions qui s'opposent. S'il n'y avait pas eu
24 d'action dans un premier temps, quelles auraient été les réactions serbes ?
25 Y en aurait-il eu ?
26 On nous dit que c'était légitime que l'armée de la Republika Srpska
27 agisse sur la Zepa et la Srebrenica. Mais comment les Serbes auraient-ils
28 commis des crimes s'il n'y avait pas eu de provocation ? Le parti serbe, le
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1 SDS, on nous dit qu'il a été créé pour mener à bien des projets qu'on n'a
2 jamais eu, qui ne nous ont jamais effleuré l'esprit. Sur la base des
3 efforts déployés par ce Procureur, des personnalités éminentes et M.
4 Krajisnik ont été condamnés. Il a été condamné à 20 ans de prison, comme
5 s'il avait été à la tête d'une bande de vauriens, or, il a été à la tête
6 d'une assemblée démocratique. On a condamné des personnes qui, soi-disant,
7 auraient attaqué une population civile, or, ils ont répondu à des attaques
8 d'une armée qui comptait trois fois plus d'hommes qu'eux et qui s'est
9 livrée à des actes de bestialités, à des meurtres terrifiants.
10 Alors, je connais l'homme dont la tête est brandie ici. Ça se passe
11 en Bosnie. C'est l'armée contre laquelle ont combattu mes généraux, sur
12 leur propre territoire, en défendant leur territoire, en se contentant de
13 ne faire que cela face à des combattants qui étaient prêts à se faire
14 prendre en photo en faisant cela.
15 Et puis, le Procureur prétend que les Serbes n'ont pas fait face à un
16 monstre déchaîné. Ils font comme si on avait en face un agneau innocent que
17 nous avons maltraité.
18 Le problème de fond que rencontre le Procureur, c'est la création du
19 SDS. Ils disent que c'est un parti centralisé avec un numéro un qui est un
20 autocrate.
21 Mais voyons tout d'abord : qu'en est-il de l'armée, de la police, du
22 parti chez les Serbes ? On ne peut pas avoir un comportement autocrate chez
23 les Serbes. Vous ne pouvez pas gouverner les Serbes en ayant recours à la
24 violence. Ce n'est pas possible. Voyons ce que prône ce leader, ce
25 dirigeant.
26 Le besoin du Procureur de faire penser que je suis un monstre est le
27 fait qu'ils n'ont pas de preuve. Donc la voie la plus simple est de me
28 représenter comme étant un monstre. Ils ne peuvent pas chercher à me
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1 représenter sous mes traits réels.
2 Le Procureur reconnaît que je n'ai commis aucun acte criminel, et
3 c'est très important cette affirmation, mais c'est aussi très risqué pour
4 le bureau du Procureur. Si je n'ai commis aucun crime, aucune infraction,
5 si cela a été fait par ceux qui ont partagé les mêmes valeurs que moi,
6 alors une question se pose : pour quelle raison l'ont-ils fait ? Le
7 Procureur affirme qu'ils l'ont fait pour atteindre un certain nombre
8 d'objectifs. Mais c'est tout à fait absurde, c'est tout à fait paradoxal
9 d'attribuer à la partie serbe un comportement qui est totalement opposé à
10 ses objectifs. Par cette attitude, par ce comportement, on ne peut
11 atteindre aucun objectif serbe, voire même, les objectifs criminels qui
12 sont attribués à la partie serbe par le Procureur.
13 Qu'en est-il de la purification ethnique ? Le SDS, Radovan Karadzic
14 et le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine ont fait tout ce qui était en leur
15 pouvoir pour éviter la guerre.
16 Excellences, nous allons replacer les choses dans leur contexte. Nous
17 allons rétablir la chronologie, qu'en est-il des causes et des effets et
18 qu'est-ce qui découle de quoi. Et cela nous permettra de voir, sur la base
19 de cet examen chronologique, qu'en est-il de la séquence des événements,
20 qu'en est-il des options en présence. Voyons si les Serbes avaient une
21 alternative. Auraient-ils pu faire autre chose ?
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.
23 L'ACCUSÉ KARADZIC : [interprétation] Il me reste cinq secondes, Monsieur le
24 Président.
25 Donc, cela nous permettra de voir que cet acte d'accusation n'aurait pas dû
26 avoir lieu, parce qu'au fond dans cette crise, dans cette guerre, on y
27 trouvera les explications qui exempteront totalement la partie serbe de
28 toute responsabilité. Mais le Procureur, par la manière qu'il a choisi
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1 d'agir, a complètement occulté cette vérité, et malheureusement a réussi à
2 convaincre certains juges de la validité de son propos.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience pendant
4 30 minutes.
5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
6 --- L'audience est reprise à 12 heures 33.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, à vous.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.
9 Nous sommes passés par la Croatie parce que le Procureur a introduit la
10 Croatie dans l'acte d'accusation. Je n'ai rien contre, d'ailleurs, puisque
11 la crise dont nous parlons est une crise unique et le peuple dont nous
12 parlons est un peuple unique.
13 Mais j'aimerais maintenant vous rappeler en quelques mots comment les
14 choses se sont passées depuis le début. En 1990, commence la chute de la
15 Ligue des Communistes yougoslaves qui ne parvient pas à arriver au terme de
16 son 14e congrès. Et la ligue se divise en plusieurs conseils des
17 communistes qui se partagent selon des considérations ethniques encore une
18 fois. A ce moment-là, Karadzic est dissident déjà depuis 1988. Donc pour
19 vous dire la vérité, je vis avec mes amis et ma famille. Je travaillais et
20 je ne crois pas que le communisme va quitter le pouvoir à quelque moment
21 que ce soit. Mais c'est ce qui se passe, un système multipartite finit par
22 se mettre en place, une fois que le communisme a cédé le pouvoir.
23 Le 27 mars 1990, un groupe de jeunes Musulmans annonce la création d'un
24 parti musulman dont les objectifs sont donc des objectifs islamistes, et
25 dans le programme de ce parti, il est indiqué que ce parti ne souhaite pas
26 s'entretenir, parler avec des partis opposés à la Yougoslavie. Mais dès le
27 lendemain, des graffitis anti-serbes sont sur les murs du siège de la JNA.
28 Et donc, ce parti musulman voit le jour dont l'ennemi est bien désigné, il
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1 s'agit de la JNA et de la Serbie.
2 Le 15 mai 1990 est créé le forum pour la défense des droits individuels et
3 traditionnels des Musulmans. Le HDZ, qui est le parti politique le plus
4 extrême, a déjà assimilé dans une certaine mesure la politique oustachi et
5 l'a emporté. Et ça, c'est à la suite des élections qui ont eu lieu en
6 Croatie le 22 avril.
7 Donc tout cela se passe dans la période que je viens d'indiquer. Et
8 ensuite arrive le 26 mai, avec la création du Parti de l'Action
9 démocratique et de son assemblée. Cette création est annoncée le 27 mars.
10 Et à l'assemblée constituante, Brozovic déclare que la Croatie va se
11 défendre sur la Drina. Mai 1990, nous sommes à moins d'un mois des
12 élections en Croatie, et c'est seulement le 28 juin que les Serbes de
13 Sarajevo et de Bosnie, qui constituent un groupe important, reprennent
14 l'activité de la société culturelle qui avait été interdite pendant la
15 Seconde Guerre mondiale et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale.
16 Et je dois dire qu'immédiatement les Communistes se sont mis à agir assez
17 souvent de concert avec les Oustachi et les Nazis allemands sur ces
18 questions relatives aux Serbes. Ils avaient les mêmes idées dans ce
19 domaine.
20 Le Parti démocratique serbe se crée donc le 12 juillet. Il est créé
21 par des intellectuels et par une élite politique serbe, mais l'impression
22 de la population c'est que les Serbes ne savaient pas exactement pour qui
23 voter. Le HDZ s'était déjà répandu en Bosnie, donc la population voyait les
24 bannières du HDZ et du SDA présentées ensemble, alors que les Serbes
25 n'avaient rien. C'est la raison pour laquelle l'intelligentsia serbe a été
26 priée de créer le Parti démocratique serbe. Certains pensaient que cela
27 aurait dû se faire plus tôt. Izetbegovic est venu à l'assemblée
28 constituante, il a salué les Serbes et il a dit qu'il s'attendait à ce que
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1 ce parti soit créé plus tôt. Quelqu'un lui a demandé ce qu'il pensait de la
2 Yougoslavie, et il a répondu : "Je suis favorable à une fédération
3 raisonnable." C'est en ces termes qu'Izetbegovic a jeté les bases de notre
4 coalition éventuelle, en nous persuadant qu'il n'y avait pas de grandes
5 différences entre nos différents programmes politiques.
6 L'Accusation ici a omis une chose. En effet, elle s'efforce de présenter
7 quelles sont les caractéristiques principales des différentes parties en
8 présences, des principaux acteurs du Parti démocratique serbe, mais il y a
9 une chose qu'elle a omis de faire : elle n'a pas dit qui avait créé le
10 Parti démocratique serbe et si ces personnes étaient des extrémistes, des
11 losers, de la racaille, ou s'il s'agissait bien de professeurs d'université
12 imminents, d'auteurs de nombreux ouvrages célébrés dans l'opinion de
13 scientifiques connus, et cetera, qui ensuite, ont vécu pendant des années
14 dans des endroits isolés à la montagne ou dans des territoires isolés pour
15 ensuite créer un parti qui comptait dans ses rangs d'avantage
16 d'intellectuels qu'aucun autre parti politique en Europe. Ces dirigeants
17 pouvaient faire valoir haut et fort leur expertise et leur savoir, même
18 s'ils constituaient une communauté assez restreinte dans ces temps
19 difficiles.
20 Mais dire cela ne convient pas à l'Accusation, et c'est la raison pour
21 laquelle elle n'en a pas dit un mot.
22 M. Tieger qui cherche à déterminer l'état d'esprit, le mens rea au cœur de
23 la présente affaire, est allé chercher dans le passé jusqu'au Tzar Dusan.
24 Il affirme que je souhaitais entrer en possession de ce que le Tzar Dusan,
25 l'empereur Dusan, avait en sa possession et que c'est la raison du
26 nettoyage ethnique. L'état serbe, pendant le règne de l'empereur Dusan au
27 XIVe siècle, était un état multiethnique qui englobait des Serbes, des
28 Albanais et d'autres groupes ethniques. Encore aujourd'hui, la Serbie a
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1 sans doute le nombre le plus important de groupes ethniques différents. Ces
2 différentes ethnies n'ont pas été assimilées et leur identité est protégée
3 et préservée. Par conséquent, on ne peut pas prendre l'empereur Dusan comme
4 exemple pour illustrer un nettoyage ethnique de la part d'un quelconque
5 état.
6 Lorsque la crise se profilait à l'horizon et que la désintégration du pays
7 était imminente, l'accusé que vous avez devant vous a proposé une solution
8 réaliste. Il s'est rendu compte que la Bosna jouerait un rôle important
9 dans tous ces processus. Les pays nordiques ont accepté, rappelons-nous le,
10 de se séparer pacifiquement en 1905. Ils leur a été accordé six mois pour
11 décider du pays dans lequel ils voulaient vivre, et encore aujourd'hui, ces
12 pays vivent dans le bonheur et la prospérité, les uns aux côtés des autres.
13 L'accusé que vous avez devant vous était opposé à la partition de la
14 Bosnie-Herzégovine, mais lorsque la sécession a commencé, il s'est dit
15 favorable à la transformation de la Bosnie en un pays structuré sur le
16 modèle de la Suisse méridionale; donc un pays divisé en plusieurs cantons
17 et dans lequel l'important pour chacun serait de faire son travail, et de
18 gérer le pays en évitant tout affrontement interne inutile et toute
19 tentative déterminée de dominer qui que ce soit.
20 Je dois dire que ce problème de la cantonisation a été évoqué pour la
21 première fois dans un journal de Zagreb, mais nous avons immédiatement
22 adhéré à cette idée comme constituant une très bonne solution pour le salut
23 de la Bosnie.
24 Quand on voit le Procureur s'efforcer de déterminer le mens rea,
25 c'est-à-dire les intentions de la partie serbe et du Parti démocratique
26 serbe, le Procureur, lorsqu'il s'efforce de démontrer que la création du
27 SDS avait pour but de créer l'Etat des Serbes de Bosnie et de se lancer
28 dans la guerre pour expulser les autres groupes ethniques du pays, on
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1 constate que le Procureur ne s'appuie que sur des éléments favorables à la
2 guerre civile, à l'éclatement de la guerre civile, qui n'ont rien à voir
3 avec les véritables objectifs du Parti démocratique serbe. Le SDS
4 pratiquement toutes les voies des Serbes de Bosnie. Ça a été le cas
5 également pour les autres partis nationalistes respectifs. Ceci, c'est une
6 responsabilité énorme; 98 % des voix des Serbes sont allés au SDS. Nous
7 avons présenté un parti démocrate, et même l'Accusation n'a pas été capable
8 de trouver dans ce programme politique un seul élément qui aurait pu être
9 la base, le fondement d'une guerre.
10 Le Procureur, dans sa recherche, doit se fonder uniquement sur les
11 documents du SDS, et pas choisir uniquement les éléments qui lui
12 conviennent.
13 Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Nous nous sommes répartis le
14 pouvoir en Bosnie-Herzégovine, nous avons créé la coalition qu'il était
15 possible de créer, et nous avons mis en place le Parti démocratique serbe
16 qui représentait les Serbes. C'est le poste de président de l'assemblée,
17 qui n'est pas un poste exécutif, qui a été accordé aux Serbes. Les
18 Musulmans ont obtenu la présidence du gouvernement, c'est-à-dire le poste
19 de premier ministre, et le poste de président de la présidence. Alors
20 qu'ils ne représentaient que
21 17 % de la population, mais enfin, ce n'est pas grave. Pour notre part,
22 nous n'avons demandé ni le ministère de l'Intérieur ni le ministère de la
23 Défense. Les Serbes souhaitaient le ministère de l'Agriculture, parce que
24 si vous regardez la carte, vous verrez toutes ces zones en bleu qui sont
25 authentiquement peuplées par une majorité de Serbes. C'est la raison pour
26 laquelle les Serbes ont demandé le ministère de l'Agriculture.
27 Puisque nous regardons cette carte, je voudrais rappeler aux Juges de la
28 Chambre et au Procureur que ce peuple ne peut pas être considéré comme un
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1 facteur insignifiant en Bosnie, puisque le territoire que vous avez sous
2 les yeux est le territoire qui constitue sa patrie depuis des siècles, car
3 c'est un peuple constitutif de Bosnie-Herzégovine; ce n'est pas parce que
4 quelqu'un veut faire fi de ses droits, et veut même manipuler les chiffres
5 pour le mettre de côté. Or les chiffres ne permettent, en aucun cas, si
6 l'on se comporte de façon démocratique, de mettre de côté ce peuple. Donc,
7 en aucun cas, ce peuple n'était en condition d'accepter le dictat d'une
8 autre partie. Nous avons eu le ministère de l'Information et le ministère
9 des Sciences. Autrement dit, aucun poste qui pouvait jouer un rôle dans le
10 lancement d'une guerre.
11 Après les élections, en raison des tensions qui se sont créées au sein de
12 la société, l'accusé que vous avez devant vous a proposé de mettre en place
13 un gouvernement de spécialistes, de façon à éviter la guerre. Puisqu'il n'y
14 avait pas de moyen autre que celui-là, il a proposé d'avoir recours à des
15 experts. Donc, que ce ne soit pas des représentants des partis qui forment
16 le gouvernement, mais que ce soit des technocrates. Les autres parties ne
17 l'ont pas accepté, et le SDA a continué à maintenir la position qui était
18 la sienne.
19 Le ministère de l'Agriculture, le ministère des Finances, et tous les
20 autres ministères importants ont été donnés à d'autres qu'à des Serbes.
21 Alors, comment est-ce que le Procureur peut présenter la création du
22 Parti démocratique serbe de la façon dont il la présente ? Comment est-ce
23 qu'il peut, parlant des intentions belliqueuses qui étaient à la base, à
24 l'origine de la création du SDA en juillet 1990, comment est-ce qu'il peut
25 concilier ce fait avec la proposition du SDS d'accepter un gouvernement de
26 technocrates ? C'est sans doute un piège dans lequel l'Accusation est
27 tombée en raison de sa mauvaise connaissance des langues.
28 A la veille de la guerre et de la crise la plus grave vécue par le pays,
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1 alors que nous avions droit à notre unité constitutive -- sur la base de
2 l'unité constitutive que nous représentions d'avoir le contrôle de la
3 police, de la garde nationale, et du gouvernement, les mots prononcés par
4 l'accusé que vous avez devant vous ont été acceptés. Il a dit :
5 "Allez sur le terrain. Prenez le pouvoir entre vos mains et agissez de
6 façon responsable."
7 Ces mots ont été traduits par le bureau du Procureur comme "Renverser
8 ceux qui sont en place." Une fois que les Serbes ont pris le pouvoir dans
9 certaines municipalités, c'est de cette façon que les choses ont été
10 interprétées. Mais si vous regardez de plus près ce qui s'est passé, vous
11 verrez que les Serbes n'avaient pas besoin de renverser un pouvoir
12 existant. Ils voulaient simplement exercer le pouvoir qui leur était
13 accordé à l'issue des élections. Pourquoi est-ce qu'ils auraient renversé
14 qui que ce soit ? Ils étaient déjà au pouvoir dans ces endroits, et vous le
15 verrez en examinant la carte.
16 Pourquoi est-ce que nous aurions pris le pouvoir des mains de qui que
17 ce soit à Bijeljina ? Bijeljina apparaît ici comme un lieu qui aurait été
18 pris par la force. Mais c'est une mauvaise connaissance de la langue qui
19 aboutit à cette conclusion et qui fait que prendre le pouvoir est compris
20 comme prendre le pouvoir à quelqu'un. Il y a, cependant, une importante
21 différence entre ces deux expressions, mais c'est bel et bien le
22 renversement de pouvoir qui est évoqué dans l'acte d'accusation.
23 Nous n'avons donc pas obtenu le ministère de l'Intérieur, c'est une chose,
24 mais nous n'avons pas, non plus, eu de représentants de notre peuple à
25 quelque niveau intérieur que ce soit au sein de ce ministère.
26 Ici, vous avez une conversation avec l'assistant du ministre qui n'était
27 pas membre du SDS non plus.
28 L'INTERPRÈTE : Conversation téléphonique entre Radovan Karadzic et Vitomir
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1 [phon] Zepinic, le 17 juin 1991.
2 [Diffusion de la cassette audio]
3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
4 "Je tiens à leur demander, au SDA, si c'est dans l'intérêt du peuple
5 musulman de nommer seulement des criminels au sein du MUP.
6 Karadzic : Vito, nous n'avons pas nommé un seul criminel.
7 Zepinic : Oui, mais je parle d'eux.
8 Karadzic : Ecoute, s'il te plaît, leurs intérêts, Vito, c'est de nommer des
9 personnes loyales à leur cause.
10 Zepinic : Je vais envoyer une lettre ouverte au SDA et à son président, et
11 leur demander si c'est dans l'intérêt du peuple musulman de ne nommer que
12 des criminels à des postes.
13 Karadzic : Nous avons demandé qui était le plus honnête et le plus
14 compétent, et nous les avons nommés à des postes, mais maintenant, nous
15 sommes dans un cul-de-sac."
16 [Fin de la diffusion de cassette audio]
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà quelle était la différence
18 d'appréciation. Le nœud, le cœur fondamentaliste des Musulmans avait un
19 abord différent sur le plan moral de la société et du peuple. Et c'est ce
20 qui a abouti au fait que la police de Bosnie-Herzégovine a commencé à
21 abuser massivement des postes officiels qui étaient les siens contre le
22 peuple serbe, et ce, sur la base des programmes de guerre du SDA. Ce
23 monsieur qui parle avec moi au téléphone n'était pas membre du SDS
24 a été nommé au poste d'assistant du ministre, car nous ne pratiquions par
25 ce genre de chose. Or eux, ils ont mis à des postes importants au sein de
26 la police toutes sortes de criminels. Ils ont commencé à distribuer des
27 armes aux membres du SDA. Vous verrez qu'ils ont également distribué des
28 armes à la Ligue patriotique qui a été créée très tôt, le 31 mars, c'est-à-
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1 dire deux mois après la mise en place du gouvernement mixte, du
2 gouvernement commun.
3 Nous avons d'autres conversations interceptées où on voit un autre
4 interlocuteur qui confirme qu'eux mettent à des postes au sein de la police
5 des criminels, alors que nous, nous ne le faisons pas, et que nous
6 continuons à affirmer que des hommes compétents dans leur profession
7 doivent être des hommes convenables et pas des criminels.
8 Maintenant, je pense qu'il importe aussi de voir ce que dit M. Izetbegovic
9 dans ces circonstances. Le 27 février, jusqu'au 15 janvier, il était
10 favorable à la Yougoslavie. Le 27 février de la même année, un mois après
11 la mise en place du gouvernement de coalition, M. Izetbegovic déclare qu'il
12 va sacrifier la paix pour le maintien d'une Bosnie indépendante, mais qu'il
13 ne sacrifiera pas l'indépendance de la Bosnie en faveur de la paix. Donc,
14 il est totalement déterminé à aller jusqu'au bout, nonobstant le fait qu'il
15 a raison ou tort, et nonobstant le fait que la population qui peuple les
16 deux tiers du territoire de la Bosnie-Herzégovine -- enfin, un tiers était
17 constitué de Serbes, mais ceci est dû au fait que les deux tiers ont été
18 réduits à un tiers par voie de génocide.
19 Il insiste pour que les Serbes acceptent que les Musulmans et les
20 Croates se servent du génocide pour en tirer des avantages, parce qu'à ce
21 moment-là, finalement, on dit aux Serbes : Vous n'êtes pas plus d'un tiers.
22 Mais on voit bien quelle majorité ils avaient à l'époque où ils étaient une
23 majorité, et dans quels endroits ils habitaient. Jusqu'au génocide perpétré
24 durant la Seconde Guerre mondiale, les Serbes ont toujours constitué une
25 majorité en Bosnie-Herzégovine. C'est tout à fait évident.
26 Alors, qui sont ces gens avec qui nous avons créé une coalition et qui
27 conditionnaient notre comportement ? Vous avez les réponses. Voyons
28 maintenant quelle est l'idéologie de ces gens-là. Le Procureur cherche à
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1 déterminer l'état d'esprit qui était le nôtre. Alors voyons un peu avec qui
2 nous avions affaire. Est-ce que c'étaient des agneaux innocents, ou est-ce
3 que nous étions confrontés à des gens face auxquels il nous a fallu réagir
4 ?
5 M. Izetbegovic, en 1970, a rédigé et distribué clandestinement sa
6 déclaration islamiste. M. Izetbegovic, en 1941, 42, 43, était membre de
7 l'organisation des jeunes Musulmans, et c'est à ce moment-là qu'il s'est
8 prononcé pour la mise en place d'un régime islamiste fondamentaliste sur
9 tous les territoires peuplés par des Musulmans. La déclaration islamiste
10 est le fondement de cette idée, et il l'a écrite en 1970. Après la Seconde
11 Guerre mondiale, il a décidé d'agir clandestinement, dans le secret, et
12 finalement il était condamné par les tribunaux à trois ans de prison. Dès
13 sa sortie de prison, il est devenu quelqu'un auquel il faut tirer son
14 chapeau pour sa persévérance et sa détermination dans la défense de son
15 programme. Ça, ce n'est pas un problème.
16 Pendant la Seconde Guerre mondiale, les frères musulmans ont eu des
17 rapports avec un homme que vous voyez ici avec le Muftija Husseini, qui a
18 rencontré Hitler à plusieurs reprises. Chaque fois que ce dernier venait en
19 Bosnie, à chaque visite, des progrès étaient accomplis vers la création de
20 ce qu'il a été convenu d'appeler la Division Handzar, dont vous n'imaginez
21 même pas la violence et dont vous n'imaginez pas quels crimes de sang ont
22 été commis par elle. Si bien que ce Mufti était l'ami de Hitler, et a été
23 reçu également par Izetbegovic.
24 Donc, après la guerre, M. Izetbegovic, comme je l'ai dit, a été emprisonné
25 pendant un certain temps. Il purgeait sa peine de prison, et en 1970, il a
26 écrit sa déclaration islamiste qui, en fait, est le programme politique du
27 Parti de l'Action démocratique. Bien entendu, nous espérions que ce texte
28 ne voulait pas dire exactement ce qui était écrit, mais finalement, il
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1 était bien ce qu'il affirmait être. En 1990, j'ai demandé à Izetbegovic
2 d'abandonner sa déclaration islamiste et de nous dire que telle n'était pas
3 le programme du SDA. Nous savons qu'il n'a jamais fourni ses garanties.
4 Le Procureur non seulement n'a pas cherché à savoir ce qui en est de nos
5 partenaires, de ceux qui ont conditionné notre comportement, mais
6 interprète mal nos propos, lorsque je m'exprime lors d'une réunion. C'était
7 une session du parlement, je pense, lorsque j'ai dit que :
8 "Nous ne pouvons pas contrôler les Musulmans dans cet Etat unitaire.
9 Nous savons très bien qu'à partir du moment où il y a fondamentalisme, il
10 n'y aura plus de tolérance, on ne pourra plus vivre."
11 De quoi il s'agit là ? Que fait le Procureur ? Le Procureur, il arrache une
12 partie de mes propos de mon discours. Il présente non pas la phrase
13 principale, mais la phrase qui en dépend, donc ce qui va souvent se montrer
14 vrai. L'Occident n'était pas favorable à ce qu'on crée la Republika Srpska,
15 n'était pas favorable à ce que les Serbes restent en Yougoslavie, parce
16 qu'ils ne voulaient pas qu'il y ait la création d'un Etat islamique en
17 Europe. La thèse était la suivante : les Serbes et les Croates doivent
18 rester en Bosnie pour contrôler l'élément islamique, et cela, pour le
19 compte de l'Europe. J'estime que cela n'est pas bien, que nos vies ne
20 doivent pas être employées, sacrifiées pour contrôler le facteur musulman.
21 Ensuite, comment va-t-on les contrôler ? Puis troisièmement, il est bien
22 mieux pour les Serbes de s'extraire de ce projet fondamentaliste que de s'y
23 opposer, que l'Europe s'y oppose. Pourquoi, une fois de plus, les Serbes
24 devraient-ils être employés pour garder l'Europe, pour préserver l'Europe ?
25 Le Procureur essaie de dire la chose suivante : il essaie de dire que
26 nous souhaitons contrôler les Musulmans, mais c'est l'inverse. Nous ne
27 souhaitons pas le faire. Nous ne voulons pas sacrifier nos vies à cela.
28 Voyons les propos d'un autre député qui lui, dit : On a été choisi pour
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1 être des bourreaux des Musulmans en Bosnie. Or, nous ne le voulons pas.
2 Nous ne souhaitons pas cela. Le Procureur l'interprète comme si on avait
3 opté, nous, pour être leurs bourreaux. Or, c'est exprimé sous forme
4 passive. Quelqu'un a dit une institution vieille de sept siècles, en
5 pensant probablement au Saint-Siège nous a choisi le rôle de bourreaux. Or,
6 ça ne venait pas de nous, et je pense que c'est inadmissible. S'il n'y
7 avait pas eu cette fabrication de faux, l'acte d'accusation n'aurait pas pu
8 voir le jour. Il suffit simplement de se pencher sur les propos véritables
9 de cet homme. Donc, ce n'est pas notre choix. C'est le choix qui nous a été
10 imposé. Une mission qui nous a été imposée.
11 Ensuite, au paragraphe 23 de son mémoire préalable, le Procureur affirme
12 que c'est sans fondement que j'ai dit, en m'adressant à notre peuple, que
13 nous sommes face à des mêmes criminels, des mêmes projets et des mêmes
14 victimes que pendant la Seconde Guerre mondiale, et que j'ai souligné que
15 les Musulmans souhaitaient créer un Etat musulman et qu'ils étaient en
16 train d'envisager l'adoption de lois qui allaient assujettir, de nouveau,
17 les Serbes. Mais quid si cela est vrai, or le Procureur était tenu de
18 vérifier la véracité de ces propos. Le Procureur affirme que ces propos ne
19 sont pas vrais, or il nous sera très inutile de démontrer le contraire.
20 Mais voyons pourquoi gaspille-t-on l'argent, le temps, pour mener des
21 procès ainsi. Si le Procureur aurait cherché à vérifier ses propos, il
22 aurait vu que Karadzic a raison. Voyons donc ce qu'il en est, est-ce que
23 cela est vrai et comment.
24 M. Izetbegovic est auteur, créateur, d'une organisation qui existe
25 depuis plus de 50 ans, depuis 1939, dont les membres prêtent le serment que
26 nous voyons ici, à savoir un serment prêté à Allah, au seigneur Suprême. La
27 première partie se comprend en tant que membre de l'association :
28 "Je prête serment, au nom de Allah, que je sacrifierai tout, y
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1 compris ma vie, sur la voie de Allah si cela s'avérait nécessaire au nom de
2 l'Islam. Je prie Allah de me donner la persévérance dont j'aurai besoin sur
3 la voie du Djihad."
4 Voilà, tel est le serment que prête la jeunesse musulmane.
5 Et M. Izetbegovic, à son tour, que dit-il dans sa déclaration islamiste ?
6 Quelles sont les tâches de l'Islam, c'est-à-dire des Musulmans ? Les
7 Musulmans doivent constituer un mouvement, selon lui, et ce mouvement doit
8 chercher à prendre le pouvoir dès que sur le plan moral et sur le plan de
9 ses effectifs, il serait suffisamment puissant pour mettre sur pied un
10 nouveau pouvoir islamique. Donc, il ne doit pas attendre d'avoir la
11 majorité de 50 % puisque ce serait une manière d'opter pour la démocratie
12 ou pour la voie du suffrage, non. Dès qu'ils auront la sensation qu'ils
13 sont plus forts, il leur faudra s'emparer du pouvoir et évincer tout ce qui
14 n'est pas musulman.
15 M. Izetbegovic est libéré de prison une première fois, et à sa sortie de
16 prison, il rédige cette déclaration et devient membre de toutes sortes
17 d'institutions importantes. Le Procureur, ça, il ne le sait pas, mais le
18 sénat des Etats-Unis d'Amérique le sait, le monde entier le sait, tandis
19 que le Procureur me présente ici comme si j'étais un barbare qui attaque
20 son voisin pacifique. Voyons ce que dit un sénateur républicain à ce sujet
21 en 1998. Il dit qu'en 1983, M. Izetbegovic, à savoir à partir de 1978, a
22 déployé des efforts plus importants afin de renforcer le pouvoir islamique
23 en Bosnie. Pendant son deuxième procès, donc de 1983, il dit que 65 témoins
24 ont été entendus devant à une chambre composée de cinq juges musulmans, 62
25 étaient des Musulmans.
26 Alors, que dit le jugement à Izetbegovic, Omer Behmen, Hasan Cengic, qui
27 sont tous actifs en 1990 ? Que dit le jugement ? Qu'ils sont obsédés par
28 l'idée du renouveau islamique, par l'islamisation des Musulmans et que cela
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1 a vu le jour dès 1974, à savoir à l'adoption de la nouvelle constitution
2 yougoslave qui a servi de base pour faire éclater la Yougoslavie. Donc,
3 qu'ils épousent la révolution iranienne, et cetera, mais que le plus
4 important est que l'Islam doit être le système de tous les états où vivent
5 des Musulmans et qu'il faut faire tout pour que les lois islamiques soient
6 adoptées au sein de la future république islamique. Vous pensez que cela ne
7 s'appliquerait pas aux Serbes ? Si, et à tous ceux qui vivent en Bosnie. Et
8 qu'ils prônent également que les imams doivent d'armer à l'image des imams
9 chiites en Iran.
10 Donc Izetbegovic, et cela, en cette même année, donc dès 1982, qualifie les
11 Serbes d'ennemi. Karadzic n'est pas sur la scène politique, Milosevic non
12 plus. L'Académie serbe des sciences ne se prononce pas. Donc l'ensemble de
13 cet appareil qui est stigmatisé par le Procureur n'existe pas encore, donc
14 tout ce qui est utilisé par le Procureur pour démontrer la responsabilité
15 serbe.
16 La seule république de Yougoslavie est la Serbie, qui n'a pas la capacité
17 de régler toute seule ses problèmes. Et que voit-on à l'œuvre ? L'idéologie
18 socialiste : la Yougoslavie sera forte si la Serbie est faible. Et
19 justement, c'est cette Serbie qui constitue l'ennemi aux yeux de M.
20 Izetbegovic. Omer Behmen est son collaborateur très proche, il l'a été
21 depuis la Seconde Guerre mondiale. Et c'est chez lui que descend le muftis
22 de Sarajevo, le Husseini, lorsqu'il dit que l'on ne peut pas accepter une
23 cohabitation avec les Serbes, qu'on ne peut pas accepter les mariages des
24 Serbes avec les femmes musulmanes et qu'une femme musulmane ne doit pas
25 donner le sein à un bébé serbe et inversement; tandis que M. Cergic à ce
26 moment-là - Karadzic n'existe pas encore, le SDS non plus - donc de 1974 à
27 1983, formule l'objectif de leur révolution islamique qu'ils sont en train
28 de préparer.
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1 Vous avez peut-être à l'esprit la carte de la Yougoslavie, donc la Bosnie,
2 le Sandzak et le Kosovo. Pour nous, c'est la transversale verte, c'est
3 ainsi qu'on appelle cela. Le Procureur n'est pas d'accord avec cela. Il
4 pense que nous n'avons même pas le droit d'en parler, or le ministre turc
5 justement vient d'affirmer qu'il va la rétablir, cette transversale verte.
6 Et en 1990, son président a déclaré que la Turquie allait s'étendre de
7 l'Adriatique jusqu'à la muraille de Chine. Peut-être, mais sans les Serbes
8 puisque nous, nous ne voulons pas prendre part à la vie de cet empire.
9 Donc voyons cette transversale verte qui a été conçue par un prêtre, un
10 homme puissant. Et ce prêtre américain qui se plaint publiquement parce que
11 Cengic n'a pas été tué en temps utile, mais il n'est qu'un agneau comparé à
12 celui-ci. Et que dit-il, donc il ne faut pas attendre qu'il y ait une
13 raison, qu'il y ait une cause directe, non, mais il faut créer une cause
14 directe. Nous avons vu à quoi ressemble Markale, comment ils agissent; et
15 après, ils imputent cela aux Serbes comme si les Serbes avaient commis
16 cela.
17 Je ne m'étonne pas de cela de leur part, mais je m'étonne que le Procureur
18 se livre à cela et que le Procureur demande aux Juges de ce Tribunal
19 d'accepter comme des vérités des ruses de guerre. Plus tard, la deuxième
20 fois, Markale bis a été mieux réalisé. Mais là encore, cela a été fait pour
21 les mêmes raisons. Et là, nous avons une image du procès de 1983,
22 Izetbegovic, à côté de lui Behmen. Je ne me souviens pas des autres, mais
23 on les connaît à peu près.
24 Là encore, nous pourrions voir ces mêmes criminels, les mêmes victimes que
25 pendant la Seconde Guerre mondiale, mais il n'est peut-être pas utile de le
26 revoir. Et le Procureur estime -- ou plutôt voyons le jugement de 1983,
27 donc une chambre composée de cinq juges musulmans, 64 témoins musulmans :
28 "Vu les circonstances qui prévalent chez nous, ce type d'agissement
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1 signifie une incitation à la guerre fratricide. Cela ne doit pas avoir lieu
2 dans une communauté qui est mixte à ce point sur le plan confessionnel et
3 politique -–"
4 La suprématie complète de l'une quelconque des entités ethniques existantes
5 est tout simplement inconcevable à moins qu'on l'imagine fondée sur la
6 terreur ou éventuellement sur une intervention étrangère.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, s'il vous plaît,
8 veuillez ralentir.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je vous invite à examiner ceci, et
10 j'invite également le Procureur à l'examiner.
11 Sept ans après le prononcé de ce jugement, que se passe-t-il ? Cette
12 idéologie est traduite dans les faits, mais non pas sur la base de la
13 terreur ou d'une intervention étrangère, mais sur la base des deux. Et
14 cette Chambre, en fait, avait bien vu ce qui allait se produire à l'avenir.
15 Les deux ont eu lieu. Markale, c'est une invitation à une intervention
16 étrangère. Toutes les ruses de guerre, tous les subterfuges, les massacres
17 à l'encontre de son propre peuple. Et vous verrez les preuves à l'appui de
18 ce que je viens d'affirmer, donc le fait de s'en prendre à son propre
19 peuple. Je le démontrerai.
20 Et puis, le Procureur, avec tout ce qu'il a en main, il se permet de
21 dire que Karadzic cherchait la plus grande séparation possible. Si nos
22 voisins se dotent d'un tel programme, mais, bien sûr que nous allons nous
23 séparer d'eux. Nous ne pensons pas que les Musulmans le souhaitaient
24 massivement. Ce n'est pas Izetbegovic qui l'a emporté aux élections, c'est
25 Abdic. A partir du moment où l'accord a été passé entre les Serbes et les
26 Musulmans en 1991, les Musulmans l'ont acclamé, tant qu'Izetbegovic ne
27 révoque sa signature. Donc la population était heureuse et s'est félicitée
28 de cela. Mais le SDA et la Communauté musulmane dans son ensemble a
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1 finalement été manipulée par ces directions.
2 Mais voyons à présent ce qu'il en serait d'un acte d'accusation où
3 juste les noms seraient modifiés, et ce serait un acte véridique.
4 Izetbegovic insistait sur la sécession de toute la Bosnie en dépit de la
5 mixité de la Bosnie. En d'autres termes, la minorité serbe deviendrait une
6 minorité nationale dans sa république islamique.
7 Donc à partir du moment où les Serbes et les Musulmans sont mélangés dans
8 la Republika Srpska, la Republika Srpska n'a pas le droit de voir le jour.
9 Or, quand les Serbes sont mélangés avec les Musulmans dans toute la Bosnie,
10 ça, c'est un cas de figure acceptable. Or, les Musulmans sont mélangés à un
11 titre plus important que les Serbes, paraît-il. Mais comment, puisque ces
12 deux groupes ethniques sont mélangés sur un même territoire ?
13 Donc, nous verrons comment les chiffres peuvent être relativisés,
14 comment les proportions peuvent être relativisées. Et comme l'affirme
15 l'éminent M. Tieger, jetons un coup d'œil sur cette répartition ethnique en
16 Bosnie. Les Serbes, vu leur répartition territoriale qui m'est reprochée
17 par l'Accusation -- l'Accusation dit que nous sommes des propriétaires.
18 Oui, sur le plan des biens, de la propriété terrienne, nous sommes des
19 propriétaires, mais nous sommes la majorité. Nous avons le droit. A partir
20 du moment où nous avons acquis le droit d'avoir un Etat, nous avons le
21 droit d'avoir voix au chapitre. Est-ce que nous acceptons qu'une idéologie
22 s'impose, une idéologie très maléfique à l'égard des Serbes et à l'égard
23 des Musulmans ?
24 Donc le Procureur, est-ce qu'il approuve ? Par exemple, il dit que 30
25 %. Est-ce qu'il accepte, est-ce qu'il approuve ? Voyez-vous quelle serait
26 la situation ? Donc nous avons insisté pour être séparés d'eux. Mais voyons
27 en fait la réalité des choses. C'est Izetbegovic qui a insisté pour que la
28 Bosnie opère une sécession dans sa totalité, indépendamment de la mixité
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1 ethnique de la Bosnie. Donc lui, il allait sortir un million et demi de
2 Serbes. Et le Procureur affirme que nous avons demandé des territoires où
3 il y avait des centaines de milliers de Musulmans et de Croates. Et aux
4 yeux du Procureur, cela constitue plus qu'un million et demi de Serbes.
5 Mais nous ne comprenons pas sa manière de procéder à ce calcul. Et les
6 Musulmans et les Croates, s'ils restaient sur le territoire de la Republika
7 Srpska, ils ne quitteraient pas par là leur Etat; ils resteraient dans les
8 frontières du même Etat, seulement en résidant dans une autre entité.
9 Donc, il y a l'abus de ces déclarations que l'on voit maintenant. Cette
10 phrase a été amputée de sa partie la plus importante. Bien sûr, si l'on
11 présente cela aux Juges, ils vont confirmer l'acte d'accusation. Mais en
12 fait, ce n'est que le résultat d'un abus et ce n'est qu'un faux. Si l'on
13 parle, par exemple, de natalité, trois sources importantes de natalité
14 artificielle existent, trois manières pour agrandir une population.
15 Premièrement, on peut apporter de manière intense et forcée les Musulmans
16 de Sandzak. Deuxièmement, on peut peupler des territoires des soi-disant
17 descendants des Musulmans qui étaient partis en Turquie. Et puis, vous avez
18 la "fatua", à savoir une femme musulmane doit avoir cinq enfants pour
19 pouvoir en sacrifier un pour son Etat. Pourquoi doit-elle avoir cinq
20 enfants ? Pour en avoir plus qu'une femme serbe. Et certes, nous nous
21 opposons à cette approche quant à la natalité. Et quand nous avons dit que
22 nous n'allions pas accepter que des cités voient le jours, c'est le
23 résultat des propos que j'ai dits à M. Izetbegovic. Que lui ai-je dit ? Je
24 lui ai dit : Nous avons vu que vous voulez faire venir les Musulmans de
25 Sandzak et les Turcs de Turquie, mais n'imaginez pas que nous allons
26 accepter que ces cités voient le jour sur le territoire de la Republika
27 Srpska. Ni les Protestants, ni le Catholiques de l'Irlande du nord ne
28 l'accepteraient que de manière délibérée, par des moyens politiques, on
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1 déstabilise ethniquement un territoire. C'est un crime. On ne l'accepterait
2 pas. Et c'est ce que j'ai dit, d'ailleurs, au sein de notre parlement, lors
3 d'une réunion. Mais en fait, j'ai repris les propos qui venaient de ma
4 propre bouche. C'est quelque chose que j'avais dit à Izetbegovic, qui a
5 compris, qui a très bien compris à ce moment-là.
6 Maintenant, regardons cette déclaration islamiste. Il s'agit d'un texte de
7 programme. Que les Communistes soient au pouvoir ou pas, rien n'avait
8 changé. Et on peut lire :
9 "Nous annonçons à nos amis et à nos ennemis que les Musulmans sont
10 déterminés à prendre le futur du monde islamiste dans leurs propres mains,
11 et nous allons établir un monde en fonction de nos propre critères. Il
12 s'agit en fait des combattants sacrés, qui sont considérés comme des
13 martyrs. C'est le terme de Sahid. Et ils ne peuvent mourir qu'au nom
14 d'Allah ou pour la gloire de l'Islam."
15 Je vais m'arrêter ici pour un moment, et je peux vous apporter la preuve de
16 cela. M. Izetbegovic a dit à ses associés, pour des raisons tactiques : il
17 y a des soldats qui sont prêts à perdre leurs vies pour une Bosnie
18 multiethnique, mais il ne faut pas se voiler la face. Ils ne veulent pas
19 mourir pour une Bosnie multiethnique. C'était un moment de sincérité
20 franche dans un cercle très restreint, mais nous avons des preuves.
21 La première conclusion, et la plus importante d'ailleurs, c'est que la
22 religion islamiste et les institutions politiques et sociales non
23 islamistes ne peuvent pas coexister. Il ne peut pas avoir de paix ou de
24 coexistence entre les religions islamistes et les institutions politiques
25 et sociales non islamistes. Qui que ce soit qui souhaite que notre
26 communauté continue à prospérer ne va pas essayer de ne pas se battre ou de
27 ne pas de mettre en danger.
28 En fait, l'Etat devrait approuver les critères moraux d'une religion,
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1 quelle qu'elle soit. L'Islam est le premier point et le panislamisme est la
2 deuxième priorité. Alors, regardez cela pour un instant.
3 Nous avons annoncé un renouveau, mais nous n'annonçons pas en fait une
4 période de sécurité et de paix, mais une période de troubles avec
5 énormément de défis à relever. Beaucoup d'éléments devront être détruits.
6 Les personnes qui dorment ne peuvent en fait être réveillées que par des
7 secousses. Et si l'on veut le bien de notre communauté, on ne devrait pas
8 être avare de lutte, de danger ou de problèmes. Le mouvement islamique ne
9 pourra pas commencer sans une révolution politique, il ne pourra pas
10 arriver à son terme sans une révolution politique qui aura été menée à
11 bien. Et nous devrons nous assurer que nous soyons suffisamment forts d'un
12 point de vue numérique pour être en mesure de ne pas uniquement lutter
13 contre le gouvernement non islamiste en place, mais également contre la
14 constitution d'un nouveau gouvernement islamique.
15 Vous voyez qu'ici, il n'y a vraiment aucune équivoque, et il semble
16 vraiment que ce soit énormément de luttes. Mais, en fait, ici, cela vient
17 de l'ennemi, tel que Churchill l'avait dit. Ici, vous avez le gouvernement
18 qui va créer des troubles au sein de son propre peuple.
19 Et ceux qui voudraient notre communauté prospérer, ne devraient pas
20 proférer ce genre de paroles. Donc les personnes qui s'opposeront aux
21 Serbes vont essayer de prouver que ce sont les Serbes qui ont fait cela à
22 Markale, mais vous savez que ceci n'est pas vraiment convaincant. Il est
23 impossible de faire ceci avec un seul obus, et notamment, de tuer des
24 personnes qui n'étaient même pas là, à proprement parler. C'est ce qui
25 s'est passé en 1990, et c'est le moment où le renouveau a été annoncé et où
26 une période de trouble a commencé avec de nombreux défis à relever, car, en
27 fait, beaucoup de choses sont vouées à la destruction, mais c'est pas nous
28 qui avons cherché cette destruction. En fait, c'était la constitution qui
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1 devait être détruite, la constitution de Bosnie-Herzégovine, avec un
2 gouvernement laïc, mais en fait, la JNA, la coexistence en Bosnie-
3 Herzégovine, l'état de droit en Bosnie-Herzégovine. Les Musulmans parlaient
4 la même langue, la langue serbe. Le fait que vous ayez accès à ceci, ce que
5 vous avez devant vous est une erreur, parce que c'est l'héritage du peuple
6 serbe. Les Australiens ne parlent pas australiens ou ne parlent pas une
7 langue aborigène, ils parlent anglais.
8 Le passé commun a été détruit, mais également le présent commun a été
9 détruit également, et un avenir commun. Ils pensaient qu'ils avaient le
10 droit de faire cela, même si personne ne leur a demandé vraiment de prendre
11 ce type de mesures.
12 Maintenant, essayons de voir quelles sont les accusations qui sont
13 proférées contre les Serbes. En fait, on tronque certaines citations, mais
14 là, dans ce cas-là, des documents ont été préparés. Ils ont été tenus
15 responsables devant des tribunaux, parce que ces textes avaient été
16 rédigés, et ils ne voulaient pas se récuser. Par conséquent, ils
17 préféraient aller en prison. Le Parti démocratique serbe, avant 1990, a
18 demandé qu'une chambre des nations soit introduite dans l'assemblée de
19 Bosnie-Herzégovine, et cette chambre permettrait de prendre des décisions
20 sur les questions importantes sur la base d'un consensus.
21 Cette proposition ne correspond pas à une entreprise criminelle
22 commune. Si tel était le cas, que pourraient faire les Serbes contre les
23 Musulmans et les Croates ? Rien du tout. Tout le monde aurait un droit de
24 veto. Ils ont répondu en établissant ce conseil pour les droits égaux des
25 peuples et des nationalités. Il s'agit d'un jargon communiste qui est assez
26 maladroit.
27 Et de toute façon, cette instance se réunissait sur une base ad hoc.
28 Ce n'était pas une instance qui avait des réunions régulières. Si nous
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1 avions un problème quelconque, dans ce cas-là, une réunion était convoquée.
2 Si ça avait été le cas, il y aurait une garantie qui
3 nous aurait permis de ne pas arriver à la situation dans laquelle nous nous
4 sommes trouvés. Ce n'est pas uniquement les Serbes, mais c'est également
5 les Musulmans et les Croates qui ne se seraient pas retrouvés dans une
6 situation difficile et totalement inacceptable.
7 Quoi qu'il en soit, les Serbes et le Parti démocratique serbe, et cette
8 personne accusée ici avaient proposé des solutions qui étaient totalement
9 contraires à ce qui fait l'objet des chefs d'accusation ici. Ceci fait
10 partie de la constitution. Il y avait cette déclaration, cette déclaration
11 sur la souveraineté qui a été stoppée à deux reprises par ce conseil, et
12 qui n'a jamais vraiment été votée parce que le SDA a saboté sa
13 constitution. C'est comme si cette proposition n'avait jamais été établie.
14 Lorsque j'ai fait ce discours, le 15 octobre, ils ont été contre en disant
15 qu'ils n'étaient pas intéressés. Parce que même en mars, M. Izetbegovic
16 avait dit, à Split, lorsqu'une conférence s'y est tenue avec les présidents
17 des différentes républiques yougoslaves, il avait dit : Nous allons adopter
18 cette résolution avec ou sans les Serbes, en fait, c'étaient avec les
19 Serbes ou contre les Serbes.
20 Le bureau du Procureur ne nous donne pas le droit d'avoir une vie politique
21 et de prendre des mesures réciproques. Il pense que l'on aurait dû rester
22 silencieux, et que l'on aurait dû tomber d'accord sur ces mesures de
23 souveraineté, d'indépendance, qui étaient envisagées à l'époque et qui
24 allaient détruire nos droits. Vous aviez le système juridique qui était
25 l'épine dorsale de toute société, et qui était donc l'épine dorsale de la
26 nôtre, avait été détruit par la déclaration islamiste; alors que
27 l'Accusation prétend que nous n'aurions jamais dû faire cela. Tout ce que
28 nous avons fait relevait de crimes que nous avions commis. Cependant, c'est
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1 écrit, nous avions le droit de remettre ceci en question.
2 M. Izetbegovic a dit : Nous sommes tout à fait conscients qu'en déclarant
3 la neutralité de la Bosnie-Herzégovine en ce qui concerne la guerre en
4 Croatie, nous avons peut-être enfreint certaines lois, mais à l'heure
5 actuelle, tout est fluide. Il y a des lois, et il y a d'autres lois. Cela
6 signifiait qu'il y a des lois qu'ils vont respecter, et il y a d'autres
7 lois que, d'un autre côté, nous n'allons pas observer, si elles pouvaient
8 aller à l'avantage d'autres. Ça, ce n'est pas vraiment une définition de
9 situation fluide que M. Karadzic va aborder, c'est-à-dire lorsque les
10 Serbes ne peuvent pas trouver un chemin dans cette situation illicite.
11 L'Accusation va bien sûr nous reprocher cela et, bien sûr, ça été la base
12 du désordre, du chaos en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire l'existence de
13 lois qui faisaient deux poids deux mesures, à savoir qu'elle pouvait être
14 interpréter d'une manière ou d'une autre.
15 Maintenant, voyons comment la Bosnie-Herzégovine aurait pu fonctionner. Ils
16 n'auraient pas pu obtenir tout type d'indépendance sans un accord des
17 Serbes. Il devait y avoir une décision à deux tiers, et il n'y a pas eu de
18 majorité des deux tiers au référendum, et il n'y aurait pas eu de majorité
19 des deux tiers au parlement, parce que 83 Serbes étaient contre, 83
20 parlementaires serbes étaient contre ce référendum, et ils se sont séparés
21 du parlement, et ils ont constitué l'assemblée du peuple serbe. Par
22 conséquent, la Bosnie-Herzégovine ne pouvait absolument pas adopter cette
23 résolution sur la souveraineté, sauf s'ils disaient qu'il y avait certaines
24 lois, et il y en avait d'autres. En d'autres termes, si l'on n'était pas
25 d'accord pour prendre des mesures qui étaient illicites, rien ne pouvait
26 être fait de leur côté.
27 Si quelqu'un nous avait dit, en tant que Serbes, on refuse notre droit de
28 défense, est-ce que notre droit de réciprocité est également retiré de
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1 répondre, par exemple, à un comportement illicite, une violation de nos
2 droits, à également un comportement anticonstitutionnel. Si ceci n'était
3 pas le cas, cet acte d'accusation aurait été impossible, et aurait dû être
4 rejeté immédiatement. Et on devrait rejeter cet acte d'accusation
5 immédiatement si l'on veut prouver que nous n'avons jamais eu l'intention
6 de faire partir les Musulmans et les Croates de chez eux. Et nous allons
7 prouver ceci très bientôt.
8 Les valeurs de la société bosnienne consistant à dire qu'elle
9 espérait à voir les destructeurs prévaloir, nous ne voulions pas faire
10 partie de cela. Le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine avait un droit
11 explicite conformément à la constitution, mais également d'un point de vue
12 historique, ils avaient le droit de faire partie constituante de cet état
13 conjoint, et ils étaient l'écho détenteur de ces institutions de Bosnie-
14 Herzégovine, tels que les Serbes de la Krajina étaient également les
15 codétenteurs de la Croatie puisqu'ils étaient entrés dans ce partenariat,
16 si l'on peut dire.
17 Nous rentrons maintenant dans le statut constitutionnel de la Bosnie-
18 Herzégovine qui aurait dû évaluer conformément au droit. Les Serbes
19 représentaient plus d'un tiers de la population, si l'on prend en compte
20 les Serbes, il y en avait un tiers ou un quart qui était en faveur de la
21 création d'une nation yougoslave, mais il y avait plus d'un tiers des
22 Serbes dans la population, et cela ne suffisait pas uniquement pour arriver
23 à un consensus mais également pour participer à tout autre processus
24 démocratique. Ils auraient pu s'opposer à l'indépendance. Ce sont les
25 peuples, et non les territoires administratifs qui ont un droit à
26 l'indépendance et à l'autodétermination.
27 Vous savez comment les Serbes sont entrés dans la Yougoslavie ? En
28 1918, un pays a été établi. Les Serbes, les Croates et les Slovènes des
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1 territoires qui avaient été récemment libérés de l'Empire austro-hongrois.
2 Ce n'était pas des républiques différentes. Il n'y avait qu'un seul état
3 qui a été constitué. Par conséquent, les Serbes étaient souverains à
4 Ljubljana et les Slovènes, à Sarajevo, et par conséquent, cet état a
5 demandé à la communauté de s'unifier avec la Serbie. Par conséquent, ils se
6 sont unifiés avec la Serbie. Les Serbes ont rejoint cet état en tant que
7 co-propriétaires, si on peut dire ou co-détenteurs de cet état. C'est là où
8 on avait dit qu'il y avait un droit à l'autodétermination. Le président
9 Wilson avait dit que la Serbie devrait avoir accès la mer et le successeur
10 du président Wilson se doit de respecter cet engagement auprès de la
11 Serbie.
12 Donc, nous n'avions pas des républiques qui ont rejoint la
13 Yougoslavie pour qu'elles la quittent ultérieurement. Et comme Lord Owen
14 l'a dit, ils ont établi des frontières administratives qui sont, d'un seul
15 coup, devenues plus importantes que les frontières externes. C'était fait
16 de manière tout à fait arbitraire. Personne n'a pu vraiment déterminer
17 comment ces frontières avaient été établies, mais Tito a dit que ça n'avait
18 aucune importance. Mais d'un seul coup, ces frontières internes étaient
19 devenues plus importantes et du sang était répandu en raison de ces
20 frontières internes. C'est toujours le cas lorsque vous avez des frontières
21 communistes ou des frontières impériales. Si vous regardez la Croatie, la
22 Croatie a hérité de frontières de l'Empire austro-hongrois. Les Serbes
23 peuvent voir le littoral, mais n'y ont pas vraiment accès.
24 C'est ce que Hasan Cengic, cet homme d'église, a dit en ce qui
25 concerne la Ligue des Patriotes, qui a été constituée le 31 mars 1991.
26 J'aimerais que l'Accusation me montre toute formation qui était derrière le
27 Parti démocratique serbe et le peuple serbe. Cependant, ce que nous avons,
28 même avant le 31 mars, c'est une unité, unité qui a été constituée par le
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1 père de ce dit Hasan Cengic, alors que le SDS organisait et dirigeait ces
2 différentes antennes, de mars jusqu'à la fin de la guerre. Voilà un
3 organigramme de la Ligue des Patriotes. Vous avez le commandant suprême,
4 Alija Izetbegovic. Vous avez l'état-major politique qui est dirigé par --
5 ou l'état-major militaire qui est dirigé par Sefer Halilovic, et puis, vous
6 avez également l'état-major politique, les états-majors politiques et
7 militaires régionaux, ainsi que les états-majors politiques et militaires
8 municipaux. Cette organisation a été dotée en personnel très rapidement, de
9 façon à ce que dès janvier 1994, ils disposaient déjà de 100 000 troupes.
10 Voilà, donc, le rôle de la Ligue des Patriotes, des Bérets verts et des
11 autres unités organisées qui étaient en place à l'époque.
12 Dans ces actes d'accusation contre les Serbes, l'Accusation se
13 concentre principalement sur les cellules de Crise. Les Serbes avaient
14 leurs cellules de Crise. Lorsqu'il n'y a pas suffisamment -- il y avait
15 pénurie de pétrole, comme cela s'est produit récemment en raison des
16 Ukrainiens qui ont coupé l'approvisionnement, vous devez constituer des
17 cellules de Crise. La situation n'est pas habituelle, et par conséquent,
18 vous avez besoin d'une cellule de Crise pour gérer cette situation. Et
19 j'aimerais tout d'abord attirer votre attention sur certains faits, à
20 savoir que la cellule de Crise du Parti de l'Action démocratique et du HDZ
21 était présente de partout, même dans les plus petits villages, et ceci,
22 bien avant la guerre et bien avant la constitution du SDS
23 Ici, vous voyez certaines différences entre les cellules de Crise du
24 SDA et du SDS. La cellule de Crise ou les cellules de Crise du SDA avaient
25 été constituées bien avant la guerre. Et là, il n'y avait aucun indice nous
26 laissant penser qu'une guerre éclaterait en Bosnie-Herzégovine. Les
27 cellules de Crise du SDS se sont constituées juste avant le début de la
28 guerre, au moment où les structures de l'état étaient sur le point
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1 d'éclater, et il y avait la guerre en Croatie qui avait créé énormément de
2 problèmes, et également beaucoup de réfugiés. Nous avions des formations
3 armées, nous avions également des transports sous couvert d'armement, et
4 c'est seulement à ce moment-là que les Serbes ont constitué leurs cellules
5 de Crise. Les attributions de ces cellules de Crise relevaient des
6 ministres de la Défense, et cetera. Cependant, le seul rôle des cellules de
7 Crise du SDS était simplement d'informer le QG de Sarajevo aussi rapidement
8 que possible.
9 Le 14 février 1992, Karadzic leur dit, de manière tout à fait
10 explicite :
11 "Vous n'êtes pas une autorité qui a le pouvoir. Vous êtes ici pour
12 prêter votre soutien, pour surveiller le transport des armes, pour
13 également surveiller la situation et pour nous informer si vous rencontrez
14 des situations extraordinaires."
15 J'ai cité l'exemple du peuple britannique -- en fait, tout
16 Britannique protège son propre pays.
17 Les cellules de Crise républicaines constituées au niveau de la
18 Présidence, dirigées par Ejub Ganic, ont permis à Alija Izetbegovic de
19 contourner Biljana Plavsic et Nikola Koljevic en tant que représentants du
20 peuple serbe, et une fois que les décisions avaient été prises au niveau de
21 la cellule de Crise, ces décisions étaient mises en œuvre.
22 Les cellules de Crise du SDS ont existé pendant une période très
23 brève avant que la guerre se déclare, et une fois que la guerre s'est
24 déclarée, elles ont cessé d'exister. Nous avions des cellules de Crise
25 municipales qui étaient considérées comme des organes d'état. Ces cellules
26 de Crise n'étaient pas à l'instar des -- ne représentent pas les autorités
27 serbes, mais elles étaient constituées lorsqu'il y avait des regroupements
28 ethniques dans ces municipalités.
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1 Alors que l'Accusation cite un rapport de Bijeljina en disant que la
2 cellule de Crise de Bijeljina a informé le quartier général du SDS
3 décision. Cependant, l'Accusation déclare que ceci a fait l'objet d'une
4 décision par l'état-major du SDS alors qu'en fait, ceci est très clair, la
5 cellule de Crise de la municipalité, qui est un organe de l'état, a pris
6 cette décision et la décision est très claire. Ceci n'a fait qu'accélérer
7 le processus, et par conséquent, il n'était pas nécessaire de constituer
8 l'assemblée; ces décisions ont ensuite été adoptées lors de réunions
9 ordinaires de l'assemblée.
10 Les cellules de Crise en Republika Srpska fonctionnaient de manière
11 ouverte et publique. Toute décision était consignée dans un compte rendu et
12 toute décision qui était soumise pour adoption faisait également l'objet
13 d'une consignation écrite. Par exemple, Kotor Varos avait des réunions
14 quotidiennes de leurs cellules de Crise, et ceci montre bien le degré de
15 responsabilité de ces autorités telles que celles qui étaient basées à
16 Kotor Varos. Mais le bureau du Procureur a omis de mentionner cet exemple.
17 Cependant, moi, je veux le rementionner simplement pour vous montrer le
18 caractère très responsable de ces instances.
19 Voilà donc ce qui est mentionné quant à leur réalisation, c'est-à-
20 dire le responsable du SDA et de la Ligue des Patriotes. Toute commune
21 locale dans la municipalité a plusieurs communes, et les 103 municipalités
22 avaient des unités, que ce soit des escadrons ou des compagnies. Un des
23 objectifs était de s'approvisionner en armes.
24 Si vous revenez à cette carte que je vous ai montrée, vous voyez que
25 dans toutes les municipalités où vivaient les Serbes, au total, il y en
26 avait 109, ils ne pouvaient pas faire ceci dans les municipalités croates.
27 Mais dans toutes les municipalités où vivaient les Serbes, ils avaient des
28 compagnies, et leurs voisins serbes étaient en mesure de voir ces
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1 compagnies. L'Accusation pense qu'on ne devait pas observer et surveiller
2 ce type d'activités. Mais d'un autre côté, ils leur permettaient d'avoir ce
3 type d'unités dans les communes locales. Ils m'ont également critiqué
4 d'avoir intimidé des Serbes sans aucune justification.
5 Toutes les préparations étaient coordonnées par la Ligue des
6 Patriotes et par ces cellules sur tout le territoire de la Bosnie ou de la
7 Bosnie islamiste, qu'il y ait des Serbes qui habitaient là-bas ou pas, ou
8 qu'ils soient disposés à accepter les doléances de la Ligue des Patriotes
9 ou du SDA. M. Izetbegovic les a rencontrés. Il était leur commandant en
10 chef.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous devons lever la séance très
12 bientôt.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux avoir trois minutes
14 supplémentaires ?
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Malheureusement pas. Une minute
16 seulement.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Une minute.
18 M. Izetbegovic, compte tenu du poste qu'il occupait, était le président du
19 Conseil national de Défense de Bosnie-Herzégovine. En février, il a
20 constitué un conseil secret pour la défense des Musulmans. Donc,
21 Izetbegovic numéro un devrait arrêter Izetbegovic numéro deux, parce que
22 ces deux personnes occupaient deux postes différents, et un de ces postes
23 minait l'autre poste. C'est ce que les Serbes ne pouvaient plus permettre.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
25 Monsieur Tieger, je voudrais m'assurer que vous pouvez prendre la parole
26 dès demain matin.
27 M. TIEGER : [interprétation] Nous allons verser des écritures aujourd'hui,
28 et je ne pense pas que nous nous opposerons à une certification. Mais nous
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1 nous opposerons à un report.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ce sera très utile.
3 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 2 mars 2010,
4 à 9 heures 00.
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