Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 15 avril 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour.

  7   Bonjour, Monsieur Crncalo. J'espère que vous avez bien dormi, que vous êtes

  8   bien reposé.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de le demander. Je vais bien.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre votre contre-

 11   interrogatoire, Monsieur Karadzic, mais préalablement, je vous dirai ceci :

 12   vous avez déjà consacré presque une demi-heure, 26 minutes précisément, à

 13   ce contre-interrogatoire hier, et vous devriez terminer celui-ci

 14   aujourd'hui. Mais puisque nous n'allons pas tenir audience demain, je me

 15   dis que vous pourriez terminer bien plus tôt. Vous comptez avoir besoin de

 16   combien de temps encore ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Vos Excellences. J'ai un peu de

 18   problème avec les moyens techniques. Je n'arrive pas à accéder à mon

 19   ordinateur, bien que les choses ont l'air de marcher, les paramètres sont

 20   bons. Mais j'ai demandé, toujours est-il, d'avoir cinq heures pour ce

 21   témoin-ci, parce qu'il s'agit d'un témoin qui vient de la capitale de la

 22   Republika Srpska en temps de guerre, où se trouvaient les instances de

 23   l'Etat et où il s'est passé pas mal de choses importantes qui sont reprises

 24   dans sa déclaration. Et cela est susceptible de nous aider à jeter de

 25   l'éclairage sur bon nombre de choses. J'apprécie hautement sa coopération,

 26   mais véritablement, ce serait une bonne chose que de me laisser

 27   suffisamment de temps à ne pas me bousculer afin que je ne sois pas trop

 28   pressé et afin que nous essayons aussi d'obtenir des réponses brèves et

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  1   tout à fait claires. 

  2   Avant que de commencer, si vous le permettez, je voudrais dire deux ou

  3   trois choses, ce sera bref. Tout d'abord, j'ai renoncé au document de la

  4   Défense qu'on a mentionné, parce que c'est un document qui sera souvent

  5   repris dans ce prétoire, et je ne voudrais pas que M. Crncalo soit

  6   bouleversé une fois de plus parce qu'il s'agit de Markale. J'éviterai donc.

  7   Ce document sera utilisé avec d'autres témoins, et il n'est pas

  8   véritablement nécessaire de le montrer à l'occasion de son témoignage à

  9   lui.

 10   Deuxième chose que je voudrais évoquer c'est que ce n'est qu'a posteriori

 11   que j'ai compris l'importance et l'envergure de ce que vous m'avez

 12   conseillé. Alors, je voudrais vous demander d'expliquer comment les choses

 13   se présentent. Si je dis "bon", ce n'est pas "O.K.," c'est une façon

 14   idiomatique de s'exprimer, ou je dis "Bon, je ne vais plus insister." Ce

 15   serait donc l'une des divergences linguistiques, et je vais à chaque fois

 16   le souligner. Et vous avez toute latitude de me reposer la question, bien

 17   que ce ne soit pas moi qui témoigne, mais pour savoir si je dis, "bon,"

 18   parce que je suis d'accord ou si je dis "bon," parce que c'est une

 19   expression idiomatique, ou je dis, par exemple, "oui, oui," j'ai renoncé à

 20   insister. Troisièmement, j'envie quelque peu M. Tieger, il a des

 21   collaborateurs autant qu'il en veut, et je suis en train de me pencher sur

 22   l'éventualité d'avoir un autre collaborateur en plus parce que la

 23   documentation est énorme. Donc une fois que M. Robinson sera revenu --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je pense que les

 25   interprètes sont parfaitement à même de traduire vos propos. Poursuivez

 26   votre contre-interrogatoire et veillez à le terminer au cours de ce premier

 27   volet d'audience.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ne vous

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  1   préoccupez pas de savoir si mes propos ont mal été interprétés. Nous

  2   n'allons pas supposer que vous marquez votre accord à ce qu'aurait dit un

  3   témoin, à moins que vous ne le disiez expressément.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, merci.

  5   LE TÉMOIN : SULEJMAN CRNCALO [Reprise]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Crncalo.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Je voudrais que nous parcourions rapidement la première partie de votre

 11   déclaration. Vous êtes né à Radacici, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  C'est un village qui s'appelle ainsi par une partie de la population

 14   qui porte le même nom et qui y réside ?

 15   R.  Je ne peux pas le dire.

 16   Q.  Est-ce qu'il y a des Radacic qui habitent à Radacici ?

 17   R.  Il n'y a pas des Radacic, mais il y a des Radaca.

 18   Q.  Bon. Mais il y a aussi des Radacic, non ?

 19   R.  Dans le village de Radacici, ce nom de famille n'existe pas.

 20   Q.  Mais est-ce qu'à Radacici il y a une famille qui s'appelle Radaca ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Merci. Vous avez travaillé à Korana, au poste militaire 8803, ça

 23   signifie qu'il s'agit d'une industrie militaire, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que c'est l'usine de véhicules à affectation spéciale, ou

 26   quelque chose de ce genre ?

 27   R.  C'était un établissement de révision et c'était une antenne avancée de

 28   cet établissement de révision de Radacici.

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  1   Q.  Hm-hm, c'est là qu'on a révisé les moyens techniques de l'armée

  2   populaire yougoslave, n'est-ce pas ?

  3   R.  Pour ce qui est de Radacici, je ne sais pas, mais à Korana, on réparait

  4   les véhicules à moteur.

  5   Q.  Mais militaires ?

  6   R.  C'étaient essentiellement des véhicules civils, des FAP.

  7   Q.  Oui, mais l'usine était militaire, parce qu'il y avait un poste

  8   militaire pour la désigner ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Merci. Quand est-ce que vous avez commencé à travailler dans cette

 11   usine ?

 12   R.  En 1965, j'y ai travaillé pendant quatre mois.

 13   Q.  Et vous êtes passé à Zrak ?

 14   R.  D'abord, j'ai fait mon service militaire dans la JNA, et une fois ce

 15   service effectué dans la JNA, j'ai travaillé à Zrak.

 16   Q.  Et Zrak c'est une usine militaire en partie, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Cela signifie que les caractéristiques militaires qui étaient les

 19   vôtres devaient être exceptionnelles ?

 20   R.  Aux autres d'en juger. Moi, je ne peux pas le faire.

 21   Q.  Mais vous n'avez pas eu de problèmes pour ce qui est de passer d'une

 22   usine militaire vers une autre usine militaire ?

 23   R.  Mais il n'y avait pas de poste vacant à l'époque, et quand je suis venu

 24   de l'armée, j'ai demandé un emploi à Zrak, et on me l'a accordé.

 25   Q.  Merci. Je voudrais passer maintenant à la partie de votre déclaration

 26   qui se rapporte aux événements de 1990 et 1991. A cet effet, je vais

 27   brièvement répéter pour que vous puissiez confirmer ou pas. Vous n'étiez

 28   pas membre du SDA, mais vous partagiez les idéaux et vous avez probablement

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  1   voté pour eux, mais vous n'avez pas à nous le préciser ?

  2   R.  J'étais un sympathisant. Je n'étais pas un adhérent.

  3   Q.  Merci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les interprètes vous

  5   demandent de ménager une pause entre la question et la réponse. N'oubliez

  6   pas ceci non plus, Monsieur le Témoin.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Les interprètes ont raison.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  A l'article 10 de votre déclaration, vous indiquez que dans le courant

 10   de 1991, dans la communauté musulmane, vous aviez remarqué que chez les

 11   Serbes il survenait des changements, et vous avez dit aussi que vous sous-

 12   entendiez par là, en premier lieu, des discours francs au sujet du Kosovo,

 13   au sujet d'événements historiques propres aux Serbes. Et vous indiquez --

 14   mais parlons d'abord du Kosovo. Etait-ce la première fois que les Serbes

 15   évoquaient le Kosovo ?

 16   R.  Tout d'abord, à Pale, il n'y avait pas de communauté musulmane. La

 17   municipalité de Pale, la partie urbanisée, les citoyens de Pale, c'étaient

 18   les citoyens de Pale tout court. Et Pale, c'était un ensemble, en 1991 et

 19   1992, en particulier lorsqu'il s'est passé ce qui s'est passé. Il y a eu

 20   des manifestations fréquentes, en effet. Il y a  eu des colonnes de formées

 21   mais par une population musulmane, et essentiellement par des hommes qui

 22   portaient des bouteilles de "rakija,"[phon], d'eau-de-vie, et on scande :

 23   Kosovo, Kosovo, nous ne lâcherons pas le Kosovo.

 24   Q.  Merci.

 25   Excusez-moi, mais à partir de la déclaration que vous avez faite au

 26   paragraphe --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Monsieur Karadzic.

 28   Monsieur Crncalo, étant donné que M. Karadzic vous pose des questions à

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  1   propos de tel ou tel paragraphe de la déclaration que vous avez faite,

  2   voudriez-vous avoir une copie papier, je pense que ça été traduit, j'ai

  3   vérifié.

  4   M. GAYNOR : [interprétation] Effectivement, il y a une traduction de cette

  5   déclaration-ci.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi aussi j'aimerais bien recevoir les

  7   déclarations en langue serbe, j'aimerais vraiment.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez la pièce 733 dans le

  9   système du prétoire électronique.

 10   Poursuivez, s'il vous plaît.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Alors, j'ai pris le terme de communauté musulmane dans le paragraphe 10

 13   de votre déclaration. Mais ma question voulait être celle-ci : est-ce que

 14   c'est pour la première fois en 1991 que vous aviez vu des Serbes préoccupés

 15   par le Kosovo, ou est-ce qu'il y a eu dans les décennies ou années

 16   antérieures des préoccupations formulées au sujet du Kosovo ainsi que des

 17   manifestations ou des meetings relatifs au Kosovo ?

 18   R.  A la municipalité de Pale, il n'y en avait jamais eu avant 1991, 1992.

 19   Q.  Vous souvenez-vous du fait que les crises au Kosovo c'était d'abord en

 20   1968, puis en 1971, puis une troisième fois en 1981, un an après la mort de

 21   Tito, puis depuis c'était une crise permanente au sujet du Kosovo dont

 22   s'occupaient toutes les directions yougoslaves, toutes présidences

 23   yougoslaves après la mort de Tito. Cela s'est manifesté en particulier en

 24   1988 et 1989. Et de la Bosnie-Herzégovine au total en 1989, des Serbes sont

 25   allés pour des meetings au Kosovo et à une occasion il y a eu un 1 500 000

 26   Serbes de rassemblés ?

 27   R.  M. Karadzic voulait me poser des questions au sujet d'une histoire

 28   quelconque. Moi, je vais vous dire ce qui suit : pour ce qui est des

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  1   événements relatifs au Kosovo, j'en ai eu vent à partir des médias

  2   électroniques et à partir de la presse. Ça c'est d'un.

  3   De deux, ce que je savais, c'est que l'on désignait des policiers pour

  4   aller au Kosovo, probablement pour maintenir la paix et l'ordre public.

  5   Pour ce qui est des autres activités, pour ce qui est donc de la population

  6   des civils venant scander en faveur du Kosovo et défendre le Kosovo sur le

  7   territoire de la municipalité de Pale, ça non, on n'en a pas eu de cela,

  8   jusqu'aux préparatifs pour la guerre.

  9   Q.  Merci. Je ne vais pas insister en ce sens. Je tiens à vous rappeler

 10   toutefois - et j'aimerais obtenir votre opinion - à savoir que cette crise

 11   du Kosovo a été le noyau --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Laissons la question du Kosovo de côté,

 13   Monsieur Karadzic, et abordez les sujets qui nous intéressent, qui nous

 14   concernent ici.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Vous avez dit que ce qui vous a bouleversé, c'était ce drapeau

 18   nationaliste serbe. Est-ce que vous pouvez le décrire, décrire ce drapeau ?

 19   R.  Bien, sur ce drapeau il y a le symbole avec les quatre lettres S' et

 20   dès que ce drapeau a été hissé à Pale, ça n'a pas tourné comme il fallait.

 21   Les relations humaines n'étaient plus ce qu'elles étaient. C'est ma

 22   réponse.

 23   Q.  Merci. Ce que vous venez de décrire, c'est le drapeau de l'église,

 24   c'est-à-dire confessionnel, qui a une croix et les quatre pierres à feu.

 25   Sinon c'est un drapeau serbe à trois couleurs, tricolore ?

 26   R.   Ce qu'on portait, c'est ce qu'on portait là. Le drapeau tricolore n'a

 27   été porté que plus tard, ça n'a pas été le drapeau qu'on a porté lorsqu'on

 28   scandait ce qu'on scandait.

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  1   Q.  Merci. Vous souvenez-vous du meurtre d'un membre du cortège au mariage

  2   à Sarajevo en 1991 ?

  3   R.  M. Karadzic, moi, je résidais à Pale et non pas à Sarajevo. Je n'étais

  4   pas présent. Si, j'ai entendu dire qu'il s'était produit un meurtre à

  5   Sarajevo mais moi, je n'y étais pas.

  6   Q.  Mais vous n'étiez pas au Kosovo, mais ça vous a quand même bouleversé ?

  7   R.  Oui, ça m'a bouleversé.

  8   Q.  Avez-vous entendu ce que l'assassin de cet homme a fièrement dit à la

  9   télévision pour ce qui est des raisons pour lesquelles il a tué le dénommé

 10   Gardovic à Bascarsija ?

 11   R.  Non, je ne l'ai pas entendu dire.

 12   Q.  Je vais vous rafraîchir la mémoire, peut-être que cela vous reviendra.

 13   Il a dit : Il portait dans ce cortège un drapeau serbe. Alors, vous

 14   souvenez-vous du fait que le drapeau religieux serbe a toujours été porté

 15   lors des mariages et même pendant les Turcs, ça été le cas, depuis le début

 16   du 19e siècle, lorsque ce drapeau a été fait nôtre, ce qui est à l'inverse

 17   du drapeau russe, et les gens au mariage avaient l'autorisation de porter

 18   un drapeau confessionnel dans tous les systèmes, y compris dans le

 19   communiste. Vous en souvenez-vous ?

 20   R.  J'ai dit aux Juges de cette Chambre -- ou plutôt, je leur ai fait une

 21   déclaration pour ce qui est de ce que j'ai vécu moi-même. Et vous êtes en

 22   train de me poser des questions, probablement pour vous cela est-il

 23   important. Vous êtes en train de poser des questions au sujet de quelque

 24   chose d'autre.

 25   M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons une copie

 26   dans la langue du témoin de cette déclaration consolidée. Est-ce que Mme

 27   l'Huissière pourrait la transmettre.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, elle va y veiller.

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  1   Monsieur Crncalo, je pense que je comprends ce que vous ressentez, mais

  2   essayez si c'est possible de répondre simplement par oui ou par non.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Certes, merci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que vous acceptez le fait que pour les Serbes c'était

  7   bouleversant aussi de voir que quelqu'un était perturbé à ce point-là par

  8   leur drapeau religieux, au point de voir quelqu'un se faire tuer pour cela

  9   ?

 10   R.  Il se peut qu'il y ait des gens comme cela aussi.

 11   Q.  Pour ce qui est de la composition ethnique de la population à Pale,

 12   j'ai des renseignements disant que les Musulmans étaient

 13   27 %, c'est-à-dire 4 500 ou presque 5 000, et que les Serbes, eux, c'était

 14   le reste de la population. Est-ce que les choses se présentaient ainsi ?

 15   R.  Moi, je dispose d'une donnée qui dit pour ce qui est, par exemple, des

 16   élections. Les Musulmans étaient 33 %. Je n'ai pas compté, j'ai lu les

 17   chiffres, et on disait qu'ils étaient 5 000. A ce que ce que vous dites ou

 18   ce que je dis est exact, à quelqu'un d'autre d'en juger.

 19   Q.  On a les résultats électoraux, on se penchera dessus. Est-ce que le

 20   Parti démocratique serbe avait exercé tout seul le pouvoir ou est-ce qu'il

 21   a partagé le pouvoir avec le Parti de l'Action démocratique et autre, s'il

 22   y avait eu, par exemple, un parti croate de présent ?

 23   R.  Oui, il y a eu partage du pouvoir comme cela l'arrangeait.

 24   Q.  Mais le partage du pouvoir faisait-il partie d'un accord établi au

 25   niveau de la république tout entière par rapport à la représentation

 26   proportionnelle au niveau du parlement municipal ?

 27   R.  Je ne suis pas un homme politique, bien que l'on m'ait proposé pour

 28   être délégué ou député. Je n'ai pas voulu. Mais je ne peux pas vous

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  1   répondre ni oui ni non. C'est à ceux qui ont exercé ce type de fonction

  2   qu'il appartient de vous apporter une réponse. 

  3   Q.  Mais Monsieur Crncalo, si vous nous dites que le Parti démocratique

  4   serbe avait partagé les Serbes comme bon lui semblait, cela laisse entendre

  5   qu'il s'agissait d'un diktat. Or, je vous rappelle qu'au niveau de la

  6   république, depuis le parlement, le gouvernement, la présidence jusqu'aux

  7   instances municipales, il a été mis en place un principe disant que les

  8   trois peuples en présence, ou les trois partis qui l'ont emporté au niveau

  9   de chaque groupe ethnique, participent au pouvoir de façon proportionnelle

 10   à leur force respective, ou leur poids respectif, de façon harmonisée à

 11   l'accord établi au niveau de la république. C'est ainsi que l'on a établi

 12   des parallélismes. Si les Musulmans sont 27 % à Pale et que les Serbes sont

 13   à 27 % dans la vieille ville de Sarajevo, on établi un parallélisme et on

 14   dit : C'est ce type de municipalité, n'est-ce pas ?

 15   R.  S'il en était ainsi, pourquoi a-t-on débranché nos téléphones.

 16   Q.  On y viendra, on y viendra. Vous avez confirmé hier - et vous dites

 17   dans votre déclaration - que le vice-président de l'assemblée municipale

 18   c'était Hamed Palo. Est-ce que c'est bien

 19   cela ?

 20   R.  Je ne vous l'ai pas mentionné hier cet homme. Mais oui, il a été élu,

 21   nommé en 1992. Je ne sais pas combien il y en avait d'autres.

 22   Q.  Est-ce que dans le conseil exécutif de la municipalité il y avait aussi

 23   des Musulmans ?

 24   R.  Je vous ai dit il y a quelques minutes à peine que la structure de

 25   l'administration de la municipalité de Pale ne m'intéressait pas, compte

 26   tenu de la situation telle qu'elle se présentait à ce moment. Je ne peux

 27   pas vous le confirmer. Je ne peux donc y répondre ni par oui ni par non.

 28   Q.  Merci, Monsieur Crncalo. Mais je me dois de tirer la chose au clair,

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  1   parce que du fait de vos observations avancées en passant, vous laissez

  2   entendre qu'il n'en était pas ainsi. Or, je tiens à vous rappeler que dans

  3   toute municipalité, les trois groupes ethniques, s'ils étaient représentés

  4   au niveau de la municipalité, avaient exercé le pouvoir indépendamment de

  5   la communauté ethnique qui l'emportait en nombre. Alors, la dame et les

  6   messieurs qui sont en train de présider à cette Chambre ne sont pas au

  7   courant des relations qui régnaient entre nous, et je ne veux pas laisser

  8   passer cette impression que vous créez en disant, en passant, qu'on avait

  9   pris autant de pouvoir qu'on voulait, ce qui n'est pas exact.

 10   R.  Moi, je vous parle de ce que j'ai vécu et ce que j'ai ressenti. A vous

 11   de rechercher les réponses ou de chercher à m'obliger à répondre. Je peux

 12   répondre négativement. Je ne vais pas répondre de façon erronée. J'ai prêté

 13   serment devant ce Tribunal et je veux être en règle devant Dieu.

 14   Q.  Merci. Vous dites au paragraphe 13 qu'il y a eu la date du 6 mai. C'est

 15   la Saint-Georges, une grande fête religieuse serbe. Et vous dites que ce

 16   Seselj est arrivé et qu'il avait placé des Chetniks à la montagne, non loin

 17   de la grotte à Novak. Alors, Djordje, la Saint-Georges, c'est une fête

 18   seulement serbe, ou est-ce que c'est également une fête des Roma ?

 19   R.  A Pale, je ne sais pas s'il y en a eu des Roma. Ça c'est un élément que

 20   j'ignore. Ce que je sais, c'est que la Saint-Georges était fêtée par un

 21   grand nombre de familles à Pale.

 22   Q.  Vous avez probablement entendu parler de la fête du 1e mai. Je vous

 23   rappelle que les communistes avaient repris cette célébration à partir de

 24   la fête de Saint-Georges au petit matin, et c'est décalé de six jours. Est-

 25   ce que c'est de cette fête-là que vous êtes en train de mentionner pour ce

 26   qui est de la présence de Seselj ?

 27   R.  La question que vous m'avez posée a porté sur la fête serbe, la Saint-

 28   Georges. Ce n'est pas le petit matin du 1e mai où on allait. Le 1e mai, on

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  1   le fêtait à Ilidza, municipalité à Sarajevo. Mais Djordje, c'est-à-dire la

  2   Saint-Georges, c'est tout à fait autre chose.

  3   Q.  Merci. Je vais aller un peu plus vite, parce que j'ai l'impression que

  4   nous ne nous comprenons pas. Saviez-vous que Seselj, au sommet de son

  5   parti, il a des Musulmans, à savoir des descendants de Mehmed Spahic, un

  6   dirigeant ottoman.

  7   R.  Je n'en ai aucune idée.

  8   Q.  Saviez-vous qu'il y avait un voïvode chetnik - chetnik, ça voulait dire

  9   royaliste, monarchiste - Draza Mihajlovic, que les alliés occidentaux n'ont

 10   pas condamné comme l'a fait Tito, avait dans son état-major Mustafa

 11   Muhaljic, un Musulman.

 12   R.  Monsieur, je n'étais pas né encore à cette époque, et vous non plus

 13   d'ailleurs. Et vous me posez des questions au sujet de Draza Mihajlovic et

 14   de l'un quelconque de ses adjudants.

 15   Q.  Monsieur Crncalo, votre déclaration est truffée de ressentiments à

 16   l'égard des Chetniks. Je ne sais pas si vous parlez des Chetniks ou si vous

 17   entendez que tous les Serbes ce sont des Chetniks. Mais les Chetniks, en

 18   tant que formation, ont été reconnus par certains pays occidentaux comme

 19   étant un mouvement antifasciste. Draza Mihajlovic a été décoré par le

 20   gouvernement américain, et il avait dans son état-major un éminent

 21   musulman. Il avait des unités musulmanes, comme Seselj compte maintenant M.

 22   Spaho dans son parti.

 23   R.  Comment qualifieriez-vous les gens de Pale s'ils venaient apporter un

 24   crâne humain avec des os croisés sous le crâne humain, c'est un symbole de

 25   qui ? Des Chetniks, non ?

 26   Q.  Ecoutez, Monsieur. Nous allons --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous passons aux questions qui comptent.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Vous nous avez dit que vous avez été bouleversé par le comportement des

  2   Serbes en 1991 pour la fête de Noël. Il y a plus de coups de feu de tirés

  3   que d'habitude.

  4   R.  Oui. Il y a eu des coups de feu de tirés. On n'a pas pu dormir tant ils

  5   tiraient, surtout en début de soirée et jusqu'à tard dans la nuit. Et ça

  6   n'a presque pas cessé de toute la nuit.

  7   Q.  Et c'est la raison pour laquelle vous avez accusé le nouveau pouvoir en

  8   place et Malko Koroman, n'est-ce pas ?

  9   R.  Mais qui voulez-vous que l'on mettre d'autre sur le banc de

 10   l'Accusation ?

 11   Q.  Monsieur Crncalo, est-ce que vous savez quand est-ce que ces nouveaux

 12   pouvoirs ont pris le pouvoir suite aux élections ? Quand est-ce que ces

 13   nouvelles autorités ont pris le pouvoir ? Est-ce que vous seriez d'accord

 14   pour dire que les nouvelles autorités ont été mises en place, comme je vais

 15   vous le dire ici ? Le parlement de Bosnie-Herzégovine s'est constitué le 20

 16   décembre, et le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine s'est créé ou est

 17   entré en fonction au 30 janvier, c'est-à-dire trois semaines après la Noël

 18   orthodoxe.

 19   R.  Les pouvoirs ont pris le pouvoir, ou les partis ont pris le pouvoir

 20   avant les assemblées que vous venez d'évoquer.

 21   Q.  Monsieur Crncalo, l'autorité se constitue quelques semaines, ou même un

 22   mois ou deux après les élections, et c'est ainsi que ça s'est passé. Est-ce

 23   que vous savez quand est-ce que tombe la fête du Noël orthodoxe ?

 24   R.  Le 7 janvier.

 25   Q.  En effet. Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous avons une carte de Pale et de

 27   ses environs, je vous prie ?

 28   P19122 -- non, 112. C'est une pièce de l'Accusation. P9112.

Page 1198

  1   M. GAYNOR : [interprétation] En fait, c'est le numéro 19112. Il s'agit

  2   d'une carte que l'accusé a demandé à obtenir, et nous la lui avons fournie.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Crncalo, est-ce que vous voyez la carte de la municipalité de

  5   Pale sur votre écran ?

  6   R.  Oui, je vois.

  7   Q.  Est-ce vrai qu'à Brdarici, Praca, Kamenica et Renovica, il y a une

  8   population essentiellement musulmane ?

  9   R.  Exact.

 10   Q.  Il y en a encore au nord, à Bogovici probablement. Mais toujours est-

 11   il, vous souvenez-vous qui est-ce qui a contrôlé la municipalité de Pale

 12   pendant la guerre ? Est-ce que les Serbes contrôlaient Renovica ?

 13   R.  Vous le savez fort bien, vous le savez mieux que moi. Ils auraient

 14   contrôlé Renovica volontiers. Il y avait une armée serbe qui s'était

 15   dirigée vers ce segment-là.

 16   Q.  Non, attendez. Répondez à ma question, s'il vous plaît. Laissez le

 17   débat de côté. Est-ce que les Serbes contrôlaient Renovica; oui ou non ?

 18   R.  Vous m'avez posé des questions, et je dois vous répondre et je vais

 19   vous répondre. Après l'attaque lancée contre Renovica, ils ne l'ont plus

 20   contrôlée.

 21   Q.  Et Praca, ils contrôlaient ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et Praca c'est le siège de la municipalité musulmane de Pale, oui ou

 24   non ?

 25   R.  Oui, après Dayton, lorsqu'il y a eu réintégration des territoires.

 26   Q.  Donc après les accords de Dayton, Praca ça a fait partie de la

 27   fédération et c'est devenu le siège de la municipalité musulmane de Pale ?

 28   R.  Oui.

Page 1199

  1   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du fait qu'avant la guerre nous avions

  2   proposé que toutes les municipalités où il existe des éléments compacts de

  3   l'une ou de l'autre des communautés en présence viennent à être

  4   transformées pour constituer deux, voire plus de municipalités encore ?

  5   R.  Je n'ai pas suivi vos réunions politiques et vos concertations

  6   politiques, mais j'ai vu sur le terrain ce qui se passait. Ce que vous

  7   essayez de vous mettre d'accord avec les chefs des autres partis, moi, je

  8   n'avais pas l'occasion de le suivre véritablement.

  9   Q.  Bon. Alors, nous allons laisser ces sujets politiques de côté. Passons

 10   à votre déclaration, là où vous êtes en train de parler des modalités de la

 11   vie et du fonctionnement de la vie à Pale. Dans votre déclaration, vous

 12   indiquez qu'il y avait beaucoup de réfugiés à Pale; est-ce que c'est exact

 13   ?

 14   R.  C'est exact.

 15   M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, une question générale,

 16   est-ce que l'accusé pourrait donner le numéro du paragraphe dans la

 17   déclaration, et puisque j'ai la parole, si nous pensons à ce qu'a déclaré

 18   l'accusé hier, il faudrait un numéro de page du compte rendu d'audience, je

 19   pense que ce serait utile, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 20   Juges, et il faudra voir à quelle page ceci correspond.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je ne sais pas, vous parliez de

 22   la déposition de l'accusé, de ce qu'il aurait déposé.

 23   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous vouliez parler du témoin,

 24   n'est-ce pas ?

 25   M. GAYNOR : [interprétation] Oui, excusez-moi. C'était un lapsus.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Essayez de donner le numéro du

 27   paragraphe ou de la page lorsque vous présentez un élément au témoin,

 28   Monsieur Karadzic. Mais poursuivez, s'il vous plaît.

Page 1200

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Je voudrais revenir un instant à la carte. Est-ce que vous savez où se

  3   trouve Cemerno ?

  4   R.  J'en ai entendu parler, mais je ne sais pas exactement où cela se

  5   trouve.

  6   Q.  C'est vers le plateau de Nisici.

  7   R.  Je ne sais pas. Je ne peux pas vous le confirmer.

  8   Q.  Et Vukasinovici, savez-vous où ça se trouve ?

  9   R.  Les gens qui s'appellent Vukasinovic.

 10   Q.  Non, non, le village de Vukasinovici.

 11   R.  Je ne sais pas.

 12   Q.  Passons au paragraphe 23 de votre déclaration, je vous prie. Vous y

 13   dites que le 3 mars 1992 vous avez été arrêté. Est-ce que vous avez été

 14   arrêté ou mis en garde-à-vue ?

 15   R.  Vous pouvez l'expliquer comme vous voulez. J'ai été saisi par trois

 16   policiers de la réserve et ils m'ont emmené au poste de police et ils m'ont

 17   mis des menottes aux mains. Vous pouvez commenter comme vous voulez.

 18   Q.  Je n'ai pas retrouvé ce détail de menottes à vos poignets.

 19   R.  Bien, les menottes étaient sur mes poignets.

 20   Q.  Vous avez été interrogé là-bas et au final, au matin, M. Malko Koroman

 21   vous a emmené en voiture, vous et votre voisin, et vous a ramené chez vous,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Monsieur Crncalo, saviez-vous ce que les Serbes, quand on leur trouvait

 25   des armes à Sarajevo, ce qui leur arrivait ? Est-ce qu'ils se faisaient

 26   raccompagner aussi par le chef de la police, comme vous l'avez été, vous,

 27   ou est-ce qu'ils s'en allaient et ne regagnaient jamais leurs familles ?

 28   R.  Au poste de police de Pale, ils avaient toutes les caractéristiques

Page 1201

  1   propres à l'individu que je suis. Ils savaient tous quel type d'homme

  2   j'étais. Probablement est-ce pour cette raison-là qu'ils m'ont ramené à la

  3   maison.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande une précision, Monsieur

  5   Karadzic. Je vous rappelle que dans la déclaration qu'il a fournie,

  6   notamment au paragraphe 23, au milieu, M. Crncalo dit clairement qu'au

  7   poste de police il avait été menotté et interrogé par Hrusum.

  8   Poursuivez.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. C'est la raison pour

 10   laquelle j'aurais besoin d'avoir la déclaration en serbe, ne serait-ce que

 11   la déclaration si je ne peux pas avoir le compte rendu traduit.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous l'avez sous les yeux à

 13   l'écran.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez raison, mais je ne l'avais pas avant

 15   pour pouvoir surligner.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Crncalo, est-ce que le 3 mars 1992 il y avait une Yougoslavie

 18   et une Bosnie-Herzégovine, dont le ministre des Affaires étrangères était

 19   Alija Delimustafic ?

 20   R.  Cette Yougoslavie, qui existait jadis --

 21   Q.  Attendez, non.

 22   R.  Je dois répondre. La Yougoslavie qui existait jadis, dès que les partis

 23   ont pris les choses en main, elle n'existait plus, cette Yougoslavie.

 24   Q.  Bon.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous montre un

 26   document de la Défense, le 1D801. 1D801, s'il vous plaît.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Nous allons examiner plusieurs documents assez rapidement, et ceci nous

Page 1202

  1   montrera comment était la situation à Pale. Nous avons ici une agence de

  2   presse, une dépêche qui dit que :

  3   "Il y a une vague de réfugiés qui grandit d'un jour à l'autre sur tout le

  4   territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine."

  5   Et on voit qu'il y a à Sokolac et à Pale un certain nombre de réfugiés

  6   qu'on ne peut pas préciser. Est-ce que vous vous souvenez qu'il y avait

  7   autant de réfugiés que d'habitants et quelquefois plus de réfugiés que

  8   d'habitants ?

  9   R.  Je n'avais pas de statistiques sur l'afflux de personnes à Pale, mais

 10   effectivement, beaucoup de gens sont arrivés à Pale.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant montrer au témoin le

 12   document 1D816.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Mais je vous rappelle tout d'abord la date du document précédent,

 15   c'était la date du 10 avril 1992.

 16   Quatre jours après le début de la guerre, Pale était remplie de réfugiés.

 17   1D816, ce sera le prochain document que je vais vous demander d'examiner.

 18   Vous avez la version serbe sous les yeux, Monsieur Crncalo, ainsi que la

 19   date qui est celle du 19 mai. Voici ce que dit ce document :

 20   "Un grand nombre de réfugiés sont arrivés de Sarajevo à Pale aujourd'hui.

 21   Pour le moment, 2 500 familles sont inscrites auprès de la cellule de Crise

 22   de Pale. Celle-ci les installe dans des chalets ou maisons environnants,

 23   mais étant donné que toutes ces maisons sont déjà occupées, ces réfugiés

 24   vont aller s'installer avec des familles de Pale et iront bientôt à

 25   Belgrade.

 26   "Pour le moment, la cellule de Crise pour l'accueil des réfugiés, ainsi que

 27   les représentants de la Croix-Rouge, commencent à distribuer la nourriture,

 28   même s'il y en a de moins en moins pour le moment."

Page 1203

  1   Parlant de Pale, est-ce qu'on pouvait dire que c'était un lieu où les gens

  2   de Sarajevo allaient passer le week-end avant la guerre ?

  3   R.  Je ne sais pas quel genre de population il y avait. Mais je sais qu'il

  4   y a eu un afflux de personnes à Pale.

  5   Q.  Vous voulez dire que vous ne savez pas que Pale c'était, en fait, une

  6   espèce de lieu de villégiature ou un lieu où allait la population de

  7   Sarajevo le week-end ?

  8   R.  Ça c'était avant la guerre, mais je ne peux pas vous dire ce qui a eu

  9   lieu pendant ou après la guerre.

 10   Q.  Moi, ce que je vous dis, c'est qu'avant la guerre il y avait beaucoup

 11   de chalets ou de résidences secondaires et que la cellule de Crise de Pale

 12   les a d'abord utilisés, ces lieux, pour accueillir les réfugiés, et quand

 13   ceux-ci on été pleins, les gens sont allés s'installer dans des familles.

 14   Est-ce que vous, vous avez accueilli des réfugiés dans votre famille ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Pourquoi pas ?

 17   R.  Je peux vous le dire. Personne n'a demandé à venir s'installer chez

 18   nous, et si quelqu'un m'avait demandé de le faire, j'aurais dû accepter ces

 19   personnes, mais personne ne m'a demandé de le faire.

 20   R.  Personne n'a dû le faire parce que, disons, que les gens se portaient

 21   volontaires pour accueillir des réfugiés.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on avoir maintenant le document 1D817.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, s'il vous plaît,

 24   n'oubliez pas la règle que nous avons établie s'agissant de l'examen des

 25   documents ou pièces. Si vous voulez demander le versement d'un document,

 26   vous devez le dire, nous demanderons ce qu'en pense l'Accusation, puis

 27   nous, nous allons statuer après cela. Est-ce que vous voulez demander le

 28   versement de ces deux documents, la dépêche de l'agence de presse serbe, le

Page 1204

  1   document 1D801 ainsi que le document 816 ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je commence à prendre l'habitude, mais

  3   vous savez, je ne suis pas encore tout à fait au point. Effectivement, je

  4   demande le versement de ces documents de la Défense, 1D801 et 1D816. Je

  5   voudrais maintenant demander l'affichage du document 1D817.

  6   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection au versement de ces deux

  7   documents, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parfait. Ils sont versés au dossier.

  9   Une cote, Monsieur le Greffier ?

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 1D801 deviendra la

 11   pièce D8 et le document 65 ter 816 deviendra la pièce D9.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Crncalo, vous avez maintenant sous les yeux un document qui

 16   porte la date du 20 mai et qui concerne des réfugiés se trouvant à Pale.

 17   Que dit le dernier paragraphe, il dit ceci :

 18   "La Croix-Rouge a aussi lancé un appel à l'intention de la population

 19   locale pour que les habitants acceptent d'accueillir des personnes qui pour

 20   le moment se trouvent dans le bâtiment de la municipalité, pour autant que

 21   ce soit possible," ce qui veut dire qu'il n'y a plus de chalets, il n'y a

 22   plus de résidences secondaires qui sont libres.

 23   C'est ce qu'il en est, n'est-ce pas ? Vous connaissez la situation; c'est

 24   bien ça, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Il y a dans un autre paragraphe ceci qui est dit : certains n'ont pas

 27   pu être installés à Pale, ils ont poursuivi leur chemin vers la Serbie,

 28   plus exactement vers Belgrade ou Cacak. Vous voyez ?

Page 1205

  1   R.  Oui, je le vois bien, mais je ne sais pas à quel moment ces gens ont

  2   poursuivi leur route pour aller vers Cacak ou Belgrade.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant montrer au témoin le

  4   document -- attendez, je vais demander tout d'abord le versement de ce

  5   document-ci, 1D817.

  6   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il sera versé au dossier, et ce sera la

  8   pièce D10.

  9   Poursuivez.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D807.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Vous l'avez maintenant à l'écran, Monsieur Crncalo. Il s'agit d'une

 13   dépêche d'agence de presse datée du 17 avril 1992, et déjà à cette date il

 14   y avait encore 2 000 familles de réfugiés à Pale. C'est le centre des

 15   services sociaux de la municipalité qui nous a communiqué ceci. Cette

 16   dépêche dit que le centre dit aussi qu'aujourd'hui la première distribution

 17   de nourriture commence à se faire à l'attention des personnes réfugiées. Il

 18   y a eu des paquets qui ont été distribués qui venaient de la Croix-Rouge

 19   internationale et de l'UNICEF, et on s'attend à l'arrivée de davantage de

 20   vivres fournis par l'UNICEF et une organisation humanitaire serbe qui

 21   s'appelle Dobrotvor.

 22   R.  Comment voulez-vous que réponde à ce genre de questions quand je ne

 23   sais rien, mais rien, de ce genre de choses.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous comprenons.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Mais vous acceptez, n'est-ce pas, qu'il y avait un problème, il n'était

 27   pas facile de nourrir un nombre aussi important de réfugiés, n'est-ce pas ?

 28   R.  Mais je ne sais pas ce qu'avait la municipalité de Pale s'agissant des

Page 1206

  1   ressources dont elle disposait. Moi, j'ai vu les convois arriver, ils

  2   étaient très nombreux, ils étaient remplis de maïs, mais aussi entre ces

  3   vivres il y avait des véhicules transporteurs de troupes qui se déployaient

  4   vers les silos où on engrangeait la nourriture. Ça je le sais, mais je ne

  5   sais rien de ce que vous m'avez demandé.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher -- attendez, d'abord, je

  7   demande le versement du dernier document, le 1D807.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Gaynor.

  9   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est versé, il deviendra la

 13   pièce D11.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Vous parlez de convois. Quand avez-vous vu ces convois ?

 16   R.  Au cours de l'automne 1991.

 17   Q.  C'est donc avant que ne commence la guerre, on commençait déjà à

 18   engranger des réserves en nourritures, en vivres ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et ça venait d'où ?

 21   R.  Je ne sais pas d'où venaient ces camions, ces camions remorques avec

 22   parmi ces convois des véhicules blindés transporteurs de troupes. Je ne

 23   sais pas d'où ils venaient, ces convois.

 24   Q.  Fort bien.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant avoir le document 1D824.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Ici nous avons un document qui porte la date du 21 mai, et c'est une

 28   dépêche de l'agence de presse qui dit qu'il y a déjà 15 000 réfugiés qui

Page 1207

  1   sont inscrits à Pale, il est dit aussi qu'il est impossible de les loger

  2   tous. Mais regardez le dernier paragraphe qui dit ceci :

  3   "Les réserves en vivres sont pratiquement épuisées, il faut surtout de la

  4   farine, de l'huile, du sucre."

  5   Est-ce que vous voyez ceci ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que c'était bien la situation qui régnait

  8   à l'époque ?

  9   R.  Mais on ne dit pas ici une certaine, "decija hrana," plutôt "djecija,"

 10   c'est plutôt de la nourriture pour nourrissons.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, c'est une question de langue ici.

 12   Cessons nos petites querelles internes pour savoir si c'est plutôt

 13   l'ékavien que jekavian. Ça n'a rien à voir. Je demande de toute façon le

 14   versement de ce document 1D824.

 15   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc je suppose que toutes ces dépêches

 17   de l'agence de presse "SRNA" ne vont pas faire l'objet d'objections de

 18   votre part ?

 19   M. GAYNOR : [interprétation] Oui, c'est vrai.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Ce sera désormais la pièce

 21   D12. Poursuivez.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Peut-on afficher le document de la Défense 1D805.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  La copie est assez mauvaise, je crois qu'on voit clairement la

 26   traduction en anglais, je vais le lire en serbe pour nous deux, pour vous

 27   ce sera du bosniaque et pour moi du serbe :

 28   "La vie dans la région de la municipalité de Pale se normalise peu à peu,

Page 1208

  1   après avoir été soumise à des actions violentes ces derniers jours. La

  2   cellule de Crise de la municipalité de Pale a rendu une décision qui dit

  3   que les écoles élémentaires de Pale, Mokrom, et Praca peuvent maintenant

  4   fonctionner de nouveau."

  5   Est-ce que ce village de Praca se trouve dans la municipalité ? Est-ce que

  6   c'est un village musulman ?

  7   R.  Ce n'est pas un village. C'est une communauté locale qui comprend

  8   quelques villages environnants. Ce n'était pas simplement des Musulmans ou

  9   des Serbes qui habitaient là. En fait, il y avait plus de Serbes que de

 10   Musulmans à Praca.

 11   Q.  Je vais vous soumettre une idée, vous me direz si vous l'acceptez ou

 12   pas, les écoles ont rouvert, mais en plus de ça, dès le 12 avril, à savoir

 13   une semaine après le début des offensives de guerre, et Pale a été aussi

 14   attaquée, l'école de Praca et l'école de Mokrom ont rouvert, là il n'y

 15   avait que des Serbes qui habitaient dans ce dernier village, et une voie

 16   d'accès a été rouverte aussi. Ce n'est pas dit ici mais ça se trouve

 17   ailleurs. Vous êtes d'accord là dessus ?

 18   R.  Je ne sais pas si l'école a recommencé à fonctionner, mais je sais que

 19   le transport par bus a recommencé à fonctionner.

 20   Q.  Savez-vous qui a attaqué la municipalité de Pale ?

 21   R.  Ce que je sais c'est que lorsque les unités serbes ont attaqué la

 22   communauté locale de Renovica depuis la municipalité de Pale, mais ils ont

 23   attaqué aussi Zepa, je ne sais pas qui a attaqué la municipalité de Pale

 24   cependant. Dans les lieux où je me suis trouvé, je n'ai pas vu d'attaque

 25   concentrée sur la municipalité de Pale.

 26   Q.  Merci. Mais je vous ai demandé de nous dire qui avait attaqué Pale ?

 27   Qui pouvait d'ailleurs attaquer Pale, ça n'était pas les Croates, donc ce

 28   sont les forces musulmanes qui ont attaqué Pale, n'est-ce pas ?

Page 1209

  1   R.  La municipalité de Pale a une frontière avec la municipalité de Stari

  2   Grad, du quartier de Stari Grad à Sarajevo. Donc quel est le nombre

  3   d'unités en provenance de Stari Grad, donc de la vieille ville de la

  4   municipalité de Sarajevo, qui a pris le contrôle de la municipalité de

  5   Pale, vous le savez mieux que moi. Vous pouvez donc répondre vous-même à la

  6   question.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

  8   Madame, Messieurs les Juges. Je demande le versement au dossier de cette

  9   pièce également, 1D805. Je demande si je puis procéder puisque nous avons

 10   un accord de principe, n'est-ce pas ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document est admis en tant que pièce

 12   D13 et vous pouvez procéder.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du document

 14   1D813.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Crncalo, la population musulmane de Praca et dans toute la

 17   municipalité de Pale a-t-elle reçu des armes ?

 18   R.  Oui, mais toutes ces armes étaient enregistrées au poste de police de

 19   Pale. Il s'agissait de fusils de chasse, donc pour le sport. Il n'y avait

 20   rien d'autre.

 21   Q.  Il n'y avait pas d'armes automatiques acquises en contrebande ?

 22   R.  Non, il n'y avait rien de tout cela. Chacun d'entre nous, s'il

 23   possédait un fusil de chasse, a dû le porter au poste de police de Pale

 24   pour le donner là-bas parce que Malko Koroman, le chef de la police, a

 25   exigé que toutes les armes en possession des Croates et des Musulmans

 26   soient restituées.

 27   Q.  Avez-vous entendu parler de l'imam Fazlo Gljiva ?

 28   R.  Oui.

Page 1210

  1   Q.  Avez-vous entendu parler de Senaid Memic originaire de Hrasnica, qui a

  2   apporté un grand nombre de fusils aux Musulmans de Pale ?

  3   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler de cela, et il n'aurait pas pu

  4   franchir tous les barrages routiers pour apporter des armes dans ces

  5   conditions.

  6   Q.  Est-ce que Malko Koroman a prononcé une annonce à la radio ou par

  7   d'autres moyens en appelant à ce que toutes les armes soient apportées au

  8   poste de police ?

  9   R.  Il l'a fait à la télévision.

 10   Q.  Est-ce que Pale était une municipalité qui faisait partie de la

 11   banlieue de Sarajevo ?

 12   R.  Oui, mais ce n'était pas dans la banlieue de Sarajevo, cela faisait

 13   partie de la commune.

 14   Q.  Mais cela faisait partie de la municipalité de Sarajevo, n'est-ce pas,

 15   Pale ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  J'aimerais appeler votre attention maintenant sur le document qui est à

 18   l'écran, il porte la date du 28 avril. On peut y lire les mots suivants, je

 19   cite :

 20   "Suite à la réussite de l'opération menée par les agents du poste de

 21   sécurité publique de Pale, la plupart des Musulmans de Praca ont restitué

 22   leurs armes aujourd'hui. Des fusils automatiques qui avaient été distribués

 23   par le truchement de l'imam Fazlo Gljiva ont été restitués aux autorités.

 24   Ces armes étaient arrivées à Praca par des voies utilisées par Senaid Memic

 25   originaire de Hrasnica. Cet extrémiste musulman bien connu a armé des

 26   membres de la communauté musulmane un peu partout en Bosnie-Herzégovine, et

 27   20 fusils automatiques appartenant à cette cargaison sont arrivés dans la

 28   région de Praca."

Page 1211

  1   Est-ce que vous voyez ce document ?

  2   R.  Oui, mais ces armes ont été légalement distribuées au poste de police

  3   de Pale à des réservistes de la police, et ceux qui ne réussissaient pas à

  4   rassembler suffisamment de courage pour apporter ce fusil et leur uniforme

  5   au poste de police restituaient leur arme par d'autres moyens de toute

  6   façon. Personnellement, j'ai saisi deux fusils à deux policiers de réserve

  7   pour les remettre au poste de police.

  8   Q.  Vous parlez des armes que les gens se voyaient distribuer dans

  9   l'exercice de leurs fonctions, qu'il s'agisse de réservistes de la police

 10   ou de réservistes de l'armée, ils obtenaient un masque à gaz, un uniforme,

 11   et une arme qu'ils pouvaient emporter chez eux.

 12   R.  C'est ainsi que les choses fonctionnaient.

 13   Q.  C'était conforme à la doctrine de Tito qui voulait que toute la

 14   population soit armée ?

 15   R.  Oui. Je ne sais pas combien de temps ils pouvaient garder leurs

 16   uniformes et leur matériel, ce que je veux dire c'est que c'étaient des

 17   réservistes enregistrés dans les rangs de la police. Ces armes n'ont pas

 18   été distribuées à d'autres catégories de la population. Lorsque cette

 19   annonce a été faite, tous ces policiers de réserve ont dû rassembler le

 20   courage nécessaire pour rapporter ces armes eux-mêmes au poste de police.

 21   Q.  Je suis d'accord au sujet des réservistes de la police, mais est-ce que

 22   vous on vous a appelé à quelque moment que ce soit pour participer à des

 23   exercices militaires dans le cadre de la réserve ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  A ce moment-là, est-ce que vous emportiez également votre uniforme et

 26   votre arme chez vous ?

 27   R.  D'abord, je ne savais pas conduire un véhicule blindé et je n'aurais

 28   pas pu l'emmener chez moi.

Page 1212

  1   Q.  Oui, mais les membres de l'infanterie pouvaient rapporter leurs armes

  2   chez eux, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  5   document, 1D813, et je demande à présent l'affichage du document 1D855, qui

  6   est un document de la Défense.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document 813 est admis au dossier et

  8   devient la pièce D14.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  J'indique qu'il ne s'agissait pas d'armes de service, mais d'armes

 11   entrées en contrebande. Afin de le prouver, je vous soumets le document

 12   affiché en ce moment à l'écran qui évoque le comportement de Senaid Memic

 13   originaire de Hrasnica. Il était évoqué également dans la dépêche de presse

 14   antérieure de "SRNA." Et ici nous sommes en présence d'une note officielle

 15   relative à son arrestation.

 16   "A partir du mois de septembre 1991," lisons-nous dans le texte, et c'est

 17   sa déclaration personnelle, donc "à partir de septembre 1991 et jusqu'à la

 18   date de mon arrestation, j'ai dans l'intérêt du SDA de Bosnie et du Sandzak

 19   importé et distribué environ 500 fusils automatiques de modèles divers

 20   accompagnés d'environ

 21   1 400 000 munitions."

 22   Alors vous savez très certainement où se trouve le Sandzak, mais les Juges

 23   de la Chambre l'ignorent. Donc pouvez-vous le dire aux personnes présentes

 24   dans le prétoire ?

 25   R.  C'est au Monténégro.

 26   Q.  Mais c'est une zone qui est frontalière avec la Bosnie ?

 27   R.  Oui, mais ce n'est pas une région de la Bosnie. Vous m'avez demandé où

 28   cela se trouvait.

Page 1213

  1   Q.  Il y a un point qui n'apparaît pas au compte rendu, à savoir que le

  2   témoin a répondu que le Sandzak se trouvait pour partie au Monténégro, pour

  3   partie en Serbie. Les mots "en Serbie" ne figurent pas au compte rendu. Or,

  4   le témoin les a dits.

  5   Monsieur le Témoin, confirmez-vous avoir dit cela ?

  6   R.  Une partie du Sandzak est au Monténégro, l'autre en Serbie.

  7   Q.  Merci. Nous poursuivons avec l'examen du même texte, je poursuis la

  8   lecture, je cite :

  9   "J'ai fait tout cela en coopération avec les membres du SDA sur le terrain,

 10   et sur ordre des seuls dirigeants existants, à savoir des dirigeants du

 11   SDA."

 12   Est-ce que vous voyez ces mots dans le texte ?

 13   R.  Que je voie ces mots ou pas, cela n'a guère d'importance. Qui a

 14   distribué toutes les armes qui ont été distribuées à la population serbe,

 15   qui l'a fait ? Ils n'avaient rien à payer, ils les recevaient.

 16   Q.   Là, dans ce que je dis, est-ce qu'ils recevaient leurs armes contre de

 17   l'argent ?

 18   R.  Je ne sais pas, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui a acheté une

 19   arme.

 20   Q.  Merci. Nous poursuivons, je cite :

 21   "La coopération la plus étroite, je l'ai eue dans le cadre de ce travail

 22   avec Hasan Cengic qui, par ailleurs, remplit les fonctions de secrétaire

 23   technique au sein du SDA, étaient au courant de mes activités tous les

 24   dirigeants membres de la vie politique au sein du Parti du SDA, à commencer

 25   par Izetbegovic, en passant par Omer Behmen, Rusmir Mahmutcehajic, et

 26   d'autres, ainsi que certains responsables du MUP; en particulier le

 27   ministre Alija Delimustafic; Mirsad Srebrenkovic; Jusuf Pusina; Bakir

 28   Alispahic; Kemal Sabovic; Munir Alibabic, ainsi que d'autres dirigeants du

Page 1214

  1   SJB un peu partout en Bosnie…"

  2   En tant que sympathisant et en tant que personne qui connaissait le SDA sur

  3   le terrain, puisque vous coopériez avec les dirigeants du SDA sur le

  4   terrain, avez-vous dit, est-ce que vous étiez au courant de cela ?

  5   R.  Monsieur, je suis un homme intègre. Vous m'interrogez au sujet de

  6   personnes qui ont participé à du trafic d'armes. Je n'ai jamais participé à

  7   quoi que ce soit de ce genre et ne l'aurais jamais fait.

  8   Q.  Monsieur Crncalo, vous avez dit au paragraphe 12 de votre déclaration

  9   écrite que vous connaissiez les dirigeants du SDA. Il n'est pas question

 10   ici de trafiquants, mais du président de la présidence de Bosnie-

 11   Herzégovine. Il est question du ministre de l'Intérieur. Ce sont des

 12   responsables officiels de très haut rang, qui sont des Musulmans et qui

 13   font partie de la force de police de Bosnie-Herzégovine, Bakir Alispahic,

 14   qui est un espion iranien implanté par les services de Renseignements

 15   iraniens en Bosnie-Herzégovine. Ceci concerne également la direction

 16   musulmane qui tire profit des ressources partagées pour distribuer des

 17   armes aux membres d'une seule et unique communauté ethnique. Peut-être

 18   connaissiez-vous les dirigeants de plus haut rang au niveau de la

 19   république ?

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous êtes en

 21   train de prononcer des commentaires plutôt que de poser une question. Le

 22   témoin ne peut pas réagir à cela, et il n'y a plus de déposition.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais le témoin peut confirmer que ces personnes

 24   étaient des représentants et connus en Bosnie-Herzégovine.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre maintenant. D'abord, vous

 26   avez parlé de trafic, puis vous avez parlé d'un certain nombre d'autres

 27   personnes, et ensuite vous m'avez demandé si je connaissais les trafiquants

 28   et ces autres personnes. Les responsables politiques, je les voyais à la

Page 1215

  1   télévision, comme je voyais d'ailleurs tous vos collaborateurs à la

  2   télévision. Quant à un trafiquant, je n'ai jamais entendu parler de lui.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Je vous pose des questions au sujet de représentants locaux pour vous

  5   demander si vous les connaissiez.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement maintenant de ce

  7   document au dossier. C'est une note de service, en tout cas, une

  8   déclaration fournie à la police, il s'agit du document 1D855.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Gaynor.

 10   M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, objection par rapport à

 11   l'admission de ce document. Au motif, principalement, et conformément à la

 12   décision rendue par la Chambre hier, que l'accusé aura amplement la

 13   possibilité d'utiliser les articles 92 bis et 92 ter du Règlement pendant

 14   la présentation de ses propres moyens pour soumettre ces déclarations à des

 15   témoins. Il s'agit avant tout d'une déclaration de témoin. Si l'accusé

 16   choisit, cela étant, de soumettre la présente déclaration à ce témoin en

 17   particulier, j'aimerais me réserver le droit de soumettre des écritures

 18   complémentaires au sujet de la fiabilité de cette déclaration, des

 19   circonstances dans lesquelles elle a été recueillie, des autorités qui

 20   l'ont recueillie et de la question de savoir s'il s'agit d'un récit

 21   véridique dans le cadre de la déposition faite par cette personne.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Un mot, je vous prie. Ce document est corroboré

 24   par une dépêche d'agence de presse, qui a été reçue à la police. Ces

 25   documents doivent être examinés ensemble. Dans le document précédent, il

 26   est fait état d'un "hodza," autrement dit d'un imam, et il est également

 27   fait état d'un Senaid Memic qui a distribué des armes à l'intention des

 28   plus hauts dirigeants musulmans. Or, nous sommes ici en présence d'un

Page 1216

  1   document qui a été rédigé suite à un interrogatoire officiel mené par un

  2   représentant du pouvoir officiel et qui s'accompagne de la déposition

  3   écrite du témoin interrogé à l'époque.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, comme nous l'avons

  5   dit très clairement hier, nous n'admettrons pas de déclaration émanant de

  6   tierce partie à moins qu'elle ne satisfasse strictement aux exigences du

  7   Règlement, et en particulier des articles 92 ter ou 92 bis de celui-ci. Par

  8   ailleurs, l'Accusation peut demander le versement au dossier de centaine ou

  9   de milliers de déclarations corroborant les éléments de preuve présentés

 10   par elle. Nous appliquerons strictement cet article du Règlement dont la

 11   teneur a été communiquée au témoin dans sa plus grande partie, même s'il

 12   n'a pas connaissance de cela. Donc sur la base de ce principe, nous

 13   refusons l'admission de ce document. Veuillez procéder. Mais ceci ne vous

 14   empêche pas de soumettre le contenu de la déclaration en question au

 15   témoin.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. J'ai peut-être oublié de dire

 17   qu'il s'agissait d'une déclaration manuscrite de l'homme interrogé, qui

 18   était donc un suspect. Je ne parle pas uniquement d'un texte

 19   dactylographié.

 20   Je demande maintenant l'affichage du document 1D818 sur les écrans. Voilà,

 21   le document est sous nos yeux.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Il date du 22 mai 1992, et il a pour titre, "Action destinée à désarmer

 24   les paramilitaires musulmans de Praca et Renovica."

 25   Monsieur, je vous rappelle que vous nous avez dit dans votre déposition que

 26   ceux qui souhaitaient le faire de leur propre chef apportaient leurs armes

 27   au poste de police et que les policiers n'allaient pas fouiller les maisons

 28   pour rechercher ces armes. La restitution était censée se faire

Page 1217

  1   volontairement. Donc ceux qui voulaient le faire ont apporté leurs armes au

  2   poste de police. Mais y a-t-il eu des gens qui ont refusé de le faire,

  3   d'après ce que vous savez ?

  4   R.  Je ne sais pas. Moi, j'habitais à Pale. Ici, il est question de Praca.

  5   Alors, ne me demandez pas ce que je ne sais pas.

  6   Q.  Mais vous avez dit aujourd'hui - et nous retrouverons la citation

  7   exacte dans le compte rendu de l'audience d'aujourd'hui - que Pale était un

  8   tout. Page 6 du compte rendu d'aujourd'hui. Vous avez dit que Pale était

  9   une municipalité, donc constituait un tout.

 10   R.  Je peux répondre ?

 11   Q.  Oui.

 12   R.  Effectivement, Pale était un ensemble sur le plan territorial. Mais un

 13   jour, j'ai essayé d'aller à Radacici, où je suis né. Je suis arrivé jusqu'à

 14   l'usine de Famos, et deux soldats qui portaient un uniforme de réserviste

 15   se sont adressés à moi. Il y en a un qui m'a pratiquement touché à

 16   l'abdomen avec son fusil automatique pendant que l'autre exigeait que je

 17   lui montre mes papiers d'identité. J'ai donné mes papiers d'identité et

 18   j'ai fait un pas de côté pour que celui qui me vise avec son fusil ne me

 19   tue pas. J'ai donc donné mes papiers d'identité, et quand l'autre a vu quel

 20   était mon nom, il a dit : Où tu vas ? J'ai dit : J'ai pris la route pour

 21   semer des pommes de terre. Il a dit : Ouvre le coffre de ta voiture. J'ai

 22   ouvert le coffre, et là il y avait des outils destinés à l'agriculture, des

 23   semences et tout un sac de pommes de terre.

 24   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous avez déjà dit cela dans une

 25   déclaration antérieure ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Cela se passait au printemps ?

 28   R.  Oui, au printemps 1992.

Page 1218

  1   Q.  Est-ce que cette action policière destinée à désarmer les gens était

  2   déjà en cours à ce moment-là ?

  3   R.  Quelle est la date qu'on lit sur ce document ?

  4   Q.  Le 22 mai.

  5   R.  Ça s'est passé avant. C'est pour ça que j'ai dit que Pale était une

  6   entité, un tout. Mais quand ceci s'est passé, je me suis rendu compte que

  7   ce n'était plus le cas, que les choses n'étaient plus comme avant. On ne

  8   pouvait plus circuler à Pale comme on le voulait.

  9   Q.  Je vous remercie. Mais concentrons-nous à présent sur ce document. Donc

 10   une action a été menée aux fins de désarmer la population et nous sommes à

 11   un moment ultérieur à la restitution partielle mais volontaire des armes.

 12   Alors, je poursuis la lecture de cette dépêche d'agence de presse. Je cite

 13   :

 14   "Aujourd'hui, les membres de l'unité de réserve employés au poste de

 15   sécurité publique de Pale ont engagé un effort destiné à désarmer les

 16   forces paramilitaires musulmanes de Praca et de Renovica dont la population

 17   est majoritairement musulmane."

 18   Vous rappelez-vous cela ?

 19   R.  Je me rappelle la déclaration faite par Malko à la télévision, et vous

 20   avez vu les larmes dans ses yeux. C'est ce qu'il a dit, je cite :

 21   Malheureusement, la guerre est arrivée dans la municipalité de Pale. Ce

 22   sont les mots qu'il a prononcés, et je m'en souviens parfaitement bien.

 23   Q.  Je vous remercie. A-t-il dit que tout cela avait un rapport avec la

 24   mort de Gora, ou plus précisément de Tosic, son garde du corps, et avec le

 25   fait que cinq autres membres du MUP de Renovica avaient été blessés ? Est-

 26   ce qu'il a dit que c'était en rapport avec cela que cette action destinée à

 27   désarmer les gens avait commencée ?

 28   R.  Bien, oui, mais l'action n'avait pas pour but de récupérer les armes.

Page 1219

  1   C'était une action menée sur le territoire, comme elle l'avait déjà été

  2   dans la région de Zepa.

  3   Q.  Je vous remercie.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  5   document 1D818, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document est admis en tant que pièce

  7   D15, et nous allons faire la pause.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Avant la

  9   pause, un point rapidement.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 11   M. TIEGER : [interprétation] La Chambre sait sans doute que le calendrier

 12   du témoin est assez difficile à respecter étant donné les charges qui sont

 13   les siennes et la nécessité d'avancer dans la procédure. A cet égard, si la

 14   Chambre voulait obtenir une estimation de la durée du contre-interrogatoire

 15   du quatrième témoin, cela serait utile, à moins que la Chambre se

 16   satisfasse du fait que l'Accusation pourrait établir elle-même son

 17   calendrier sur la base de l'évolution des choses jusqu'à présent. Mais je

 18   souhaitais soulever cette question, en tout cas l'apporter à l'attention

 19   des Juges de la Chambre et demander ce que la Chambre souhaite faire.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La question immédiate consiste à se

 21   demander s'il faut libérer le témoin suivant ?

 22   M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas le témoin suivant pour le moment

 23   qui est en cause. Je parle simplement de l'établissement du calendrier,

 24   donc de la prévision de temps nécessaire quant au nombre de témoins qui

 25   pourront être entendus par la Chambre la semaine prochaine. Par conséquent,

 26   il importerait de savoir un peu plus précisément quels sont les témoins qui

 27   devraient être présents ou dont l'arrivée pourrait être retardée à la

 28   semaine suivante, par exemple. C'est l'effet de ce qui s'est passé pour les

Page 1220

  1   témoins entendus jusqu'à présent et de la longueur des contre-

  2   interrogatoires des quatre premiers témoins.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez soumis la durée prévue par

  4   vous de l'interrogatoire principal, comme l'a fait la Défense, n'est-ce pas

  5   ?

  6   M. TIEGER : [interprétation] Exact.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous avons les mêmes documents.

  8   M. TIEGER : [interprétation] D'accord. Si la Chambre souhaite que nous

  9   donnions d'autres détails, nous le ferons.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous verrons cela le moment venu. Je

 11   vous remercie. Vingt minutes de pause.

 12   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

 13   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je précise que nous avons repris les

 15   débats en ce second volet avec un certain retard en raison de difficultés

 16   techniques qui sont maintenant résolues. Et la prochaine pause ne durera

 17   que 20 minutes. Je vous l'avais dit, Monsieur Karadzic, essayons de veiller

 18   à terminer l'audition de ce témoin aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il est

 19   utile de faire attendre le prochain témoin.

 20   Poursuivons, Monsieur Karadzic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Je tenais simplement à dire

 22   ceci : tous les préparatifs que j'ai effectués, je les ai préparés et je

 23   les ai faits sous forme électronique, et je m'attendais à pouvoir établir

 24   un lien ici avec cet ordinateur, mais j'avais quand même une version de

 25   réserve. J'avais envoyé trois

 26   CD-ROM à Me Sladojevic dans le cadre de mes préparatifs, mais nous ne les

 27   avons pas reçus non plus. Donc j'avais un certain handicap, j'étais

 28   défavorisé, car je n'avais pas tous les moyens nécessaires que je croyais

Page 1221

  1   pouvoir utiliser grâce au prétoire électronique. Mais maintenant je reviens

  2   à mes questions.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Crncalo, dans un document précédent, le document 818,

  5   son dernier paragraphe dit ceci - et je reviens à ce que vous aviez dit -

  6   c'est des larmes dans les yeux que Malko Koroman avait dit, après

  7   l'assassinat de ces deux policiers et après que d'autres eussent été

  8   blessés, il avait dit que l'action se poursuivait, et le MUP de Pale avait

  9   appelé tous les Musulmans de la zone à remettre leurs armes sans problème

 10   pour éviter tout autre bain de sang.

 11   Vous vous en souvenez ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande -- oui, je vois, c'est déjà une

 15   pièce du dossier.

 16   Je demande l'affichage du document de la Défense 1D825. Est-ce qu'on

 17   l'a ? Oui, c'est bon.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Alors je vais vous donner lecture :

 20   "Dans les émissions d'information de ce soir de la télévision serbe,

 21   Malko Koroman, chef du MUP de Pale, a donné un ultimatum aux Musulmans

 22   armés sur le territoire de la municipalité de Pale pour d'ici à demain, le

 23   23 mai, avant 15 heures, ils restituent leurs armes.

 24   "L'ultimatum a suivi une attaque des formations paramilitaires

 25   musulmanes à Renovica contre une patrouille du MUP. Il y a eu mort des

 26   membres du MUP, Goran Kablar et Rade Tosic, et cinq membres ont été

 27   blessés."

 28   La date est du 22 mai. Après les larmes, il a commencé à exercer ses

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  1   fonctions de chef et il a émis un ultimatum. Vous en souvenez-vous ?

  2   R.  Oui, je m'en souviens, mais ce n'était pas l'ordre. Les Serbes ont

  3   attaqué les Musulmans à Renovica. Les Musulmans n'avaient l'intention

  4   d'attaquer personne.

  5   Q.  Monsieur Crncalo, ils sont allés récupérer des armes. Combien il y a eu

  6   des morts parmi les Musulmans et combien de morts parmi les Serbes ?

  7   R.  Pour autant que je le sache, il y a eu deux Serbes de tués et je ne

  8   sais combien de blessés.

  9   Q.  Et il n'y a pas eu un Musulman de mort ?

 10   R.  Ça je ne le sais pas. Je ne peux pas le dire.

 11   Q.  Je vous le dis. Il n'y a pas eu un seul Musulman de tué.

 12   R.  Mais ils ont généré le conflit, ces soldats serbes qui sont venus là-

 13   bas.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que le 1D825 soit versé au dossier

 15   comme document de la Défense. Je crois que nous avons une approbation de

 16   principe de la partie adverse.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le versement est versé et devient la

 18   pièce D16.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre le 1D820

 20   maintenant. Nous avons là la version serbe et la version anglaise.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Le 23 mai, le lendemain. "Les Musulmans restituent leurs armes." C'est

 23   une agence de presse qui communique une information :

 24   "Après l'appel de Malko Koroman, chef du poste de police de Pale, à

 25   l'attention de tous les Musulmans armés de Pale pour ce qui est de

 26   restituer d'ici aujourd'hui à 17 heures leurs armes, nous apprenons que

 27   l'opération de restitution des armes est en cours. Jusqu'à 17 heures, dans

 28   le poste de police de Pale, il a été acheminé 300 pièces d'armes à feu en

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  1   provenance d'une trentaine de villages environnants. On s'attend à ce qu'il

  2   y en ait encore plus parce que l'action est encore en cours."

  3   Je vous rappelle. D'abord, il y a eu une restitution de plein gré, puis la

  4   police est allée récupérer le reste. Dans cette opération, il y a eu deux

  5   policiers de tués, il y a eu l'ultimatum et il y a eu une deuxième vague de

  6   restitution volontaire des armes, n'est-ce pas ?

  7   R.  Si les choses s'étaient passées ainsi, pourquoi à Pale il n'y a pas eu,

  8   du côté serbe ou du côté musulman, personne de tué. Pourquoi à Praca ou

  9   Podgine ? Parce qu'il n'y avait pas d'obligation. Il y a eu une information

 10   qui circulait, et les gens ont restitué leurs armes.

 11   Q.  Nous sommes bien d'accord. Mais pourquoi ceux de Renovica n'ont pas

 12   restitué leurs armes ?

 13   R.  Parce que là-bas, suite à ce jour, deux ou trois ans, ou pendant toute

 14   la durée de la guerre, personne n'osait plus vivre à  Renovica. Ils ont

 15   tous fui. Pourquoi ? Parce que Renovica a été pilonnée à l'artillerie de

 16   toutes parts.

 17   Q.  On y viendra. Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que le 1D820 soit versé au dossier

 19   comme les autres pièces jusque-là. Je voudrais maintenant qu'on nous montre

 20   le 1D822.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document deviendra la pièce D17.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 1D822, je vous prie. Ce n'est pas consigné

 23   au compte rendu ce que j'ai demandé.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Il s'agit du 24 mai, d'une journée à l'autre. Alors, l'intitulé c'est :

 26   "Restitution des armes en cours."

 27   Y a-t-il eu des armes illégalement possédées par les gens dans la

 28   population ?

Page 1224

  1   R.  Je n'en sais rien. Je sais quelles sont les armes qui étaient

  2   enregistrées. Comment est-ce que j'ai fait pour le savoir ? J'ai fait du

  3   sport, c'est-à-dire j'étais chasseur, et il y a des gens qui me

  4   fréquentaient et ils avaient des armes de façon légale. Je n'ai pas

  5   connaissance de possession d'armes de façon clandestine.

  6   Q.  Merci. Penchons-nous sur la première partie du premier paragraphe :

  7   "En répondant à l'ultimatum formulé avant-hier par Malko Koroman,

  8   chef du poste de police de Pale, les Musulmans de cette municipalité,

  9   d'heure en heure, restituent de plus en plus d'armes."

 10   Et au deuxième paragraphe, on dit :

 11   "Bien entendu, il n'est pas sans fondement de penser qu'en sus des

 12   armes mentionnées ci-dessus, il y a des armes clandestinement achetées,

 13   dont les propriétaires ne se sont présentés au poste de police de Pale.

 14   Nous vous rappelons que dans l'opération récente qui a eu lieu à Renovica,

 15   les policiers ont, entre autres, saisi un fusil à lunettes; un fusil deux

 16   tubes de fabrication manuelle, qui utilise des munitions de gros calibres

 17   de 12-millimètres; ainsi que quatre pistolets; et cinq bouteilles avec un

 18   mélange Molotov déjà préparé dedans."

 19   Vous voyez ce texte ?

 20   R.  Oui, je le vois. Je l'ai lu.

 21   Q.  Merci. Dites-nous à quoi servait ce cocktail. C'est habituel ce Molotov

 22   ?

 23   R.  Oui, j'ai entendu parler des cocktails Molotov. Je l'ai vu à la

 24   télévision, je n'ai jamais vu cela dans la réalité, et je ne saurais

 25   commenter en rien.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce document également soit

 28   versé au dossier, le 1D822, qu'il soit versé au dossier, je vous prie.

Page 1225

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce D18.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais maintenant qu'on nous montre

  3   le 1D826.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Nous avons ce document. Alors, Monsieur Crncalo, vous nous avez dit

  6   qu'il y a eu des gens qui ont fui Renovica. Est-ce qu'il y avait des Serbes

  7   à Renovica aussi ?

  8   R.  Oui, il y en avait un peu, très peu.

  9   Q.  Merci. Est-ce qu'ils avaient eu des problèmes avec leurs voisins

 10   musulmans après cette crise ?

 11   R.  Je ne vivais pas là-bas moi. Sachant comment les choses se passaient

 12   avant la guerre, il ne fallait pas qu'il y ait eu des problèmes. Ils

 13   collaboraient dans tous les domaines et ils collaboraient très bien.

 14   C'étaient de bons voisins, de bons camarades, ils se fréquentaient, ils

 15   allaient ensemble au travail, les enfants allaient ensemble à l'école, et

 16   il n'y avait aucune espèce de problèmes. Lorsque ces événements se sont

 17   produits, je n'y étais pas, mais je n'aime pas raconter les ouï-dire. Donc

 18   je n'ai entendu parler d'aucune espèce de problèmes entre les gens de la

 19   population qui vivaient sur le territoire de la municipalité de Renovica.

 20   Q.  Merci. Nous avons devons nous un document, qui est le 1D826, qui est

 21   intitulé : "Aperçu des personnes qui ont déménagé de Renovica et qui sont

 22   du groupe ethnique serbe." Il s'agit de l'assemblée municipale de Pale, et

 23   c'est un comité de villageois du groupe ethnique serbe qui faisait partie

 24   de la communauté locale de Renovica. Et ça été envoyé le jour d'après, donc

 25   à la date du 26 juin. Mais il est question des événements du 15 mai et au

 26   delà. Le deuxième paragraphe dit :

 27   "Dans la période courant à partir du 15 mai 1992, toute suite après

 28   l'action militaire des forces serbes dans la communauté locale de Renovica

Page 1226

  1   visant à recueillir les armes en possession des forces musulmanes, il y a

  2   eu représailles de la part des forces musulmanes à l'égard de la population

  3   serbe minoritaire, à l'occasion de quoi quatre personnes du groupe ethnique

  4   serbe ont été tuées et il y a eu un grand nombre de constructions

  5   d'habitations à avoir été détruites. Etant donné que les autorités

  6   militaires et civiles de l'assemblée municipale de Pale n'ont fourni aucune

  7   protection à la population serbe de Renovica, ces familles serbes ont été

  8   véhiculées ailleurs pour trouver abri dans d'autres localités de la

  9   municipalité là où il y a majorité de population serbe. Il restait derrière

 10   ces familles des biens importants, meubles et immeubles, qui ont été

 11   exposés à des pillages. Alors que les familles serbes se sont retrouvées au

 12   niveau le plus bas de la pénurie du point de vue de leur statut social. On

 13   ne leur a pas trouvé de logements appropriés. Nous lançons des appels à

 14   l'attention des instances de la municipalité de Pale partant de ceci et par

 15   contrôle immédiat qu'il soit procédé à une détermination des faits dans le

 16   cadre de la solution des problèmes des Musulmans et des problèmes des

 17   Serbes sur le territoire de Renovica, et ce, de façon équitable. Il s'agit

 18   d'un comité de villageois du groupe ethnique serbe de Renovica."

 19   Je ne sais pas si au dossier électronique nous avons le petit

 20   avenant. Alors, vous savez qu'il y a eu des arrivées de réfugiés de

 21   Renovica vers Pale ?

 22   R.  Il est tout à fait clairement dit au début ici :

 23   "Tout de suite après l'action militaire, donc tout de suite après

 24   l'action militaire, il y a eu des événements de Renovica," que vous évoquez

 25   maintenant. Il ne s'agissait pas de collecter des armes. Il y avait une

 26   opération militaire de lancée.

 27   Q.  Monsieur Crncalo, nous avons d'autres documents qui nous montreront que

 28   l'armée avait demandé à la police de procéder à une opération de police

Page 1227

  1   pour recueillir les armes afin que l'armée n'aille pas les chercher ?

  2   R.  Moi, je lis le document tel qu'il est rédigé.

  3   Q.  Oui, on le sait. Mais nous avons des documents et des déclarations de

  4   Malko Koroman qui a présenté des justificatifs pour ce qui est de l'envoi

  5   de policiers, il a été saisi par l'armée pour faire effectuer ces tâches

  6   par la police pour ne pas que l'armée le fasse, et il y a eu deux policiers

  7   de tués, cinq blessés. Par la suite, il y a eu des voisins serbes de tués,

  8   qui eux, ne faisaient pas partie des rangs ni de la police ni de l'armée.

  9   R.  Ça je n'en ai pas connaissance. Je vous dis comment il m'a été rendu

 10   impossible de me déplacer. Même dans la partie urbanisée de Pale, je ne

 11   pouvais circuler librement, je suis gros fumeur. J'étais resté sans

 12   cigarettes à Pale, et il y avait plus de pénurie de cigarettes que je

 13   n'avais pu me procurer de cigarettes.

 14   Q.  On y viendra, on y viendra.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à ce que ce 1D826, document de la

 16   Défense, soit versé au dossier.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Gaynor.

 18   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Doraiswamy.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs, Madame les Juges, ce sera la

 21   pièce D19.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Alors l'avenant à ce texte, qui est encore chez le service de

 25   traduction, c'est un tableau des personnes, ou liste de Serbes, des

 26   familles de Renovica, où l'on indique lesquelles avaient fui vers Pale et

 27   ce qu'ils ont laissé derrière eux : on voit Brojnici, Skipina, Rajko;

 28   Corovic Risto; Purkovic Sofija; Corovic --

Page 1228

  1   M. GAYNOR : [interprétation] Je vous demande une interruption d'un instant.

  2   Je voudrais demander à l'accusé de nous indiquer quel est le numéro sur la

  3   liste qui nous a été fournie par les soins de la Défense.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'excuse. Il s'agit du 1D827, c'est le

  6   document qui suit celui de tout à l'heure. Alors j'ai donné lecture de

  7   Purkovic Sofija; Corcovic, Grozda; Kalajdzic Luka; Mitrovic Milanko, ça

  8   c'est le village de Brojnici. Ils ont laissé derrière eux des maisons, des

  9   étables, des greniers, 35 moutons, une vache, un cochon, pas mal de

 10   volailles, et il a déménagé chez son fils, Dragan, à Pale. Tout ce qu'il

 11   avait a été incendié. Il ne sait pas où est passé le bétail. Il y a un

 12   moulin, une moissonneuse qui ont été détruites. Et Corovic Risto a laissé

 13   une maison, deux étables, une grange, 60 moutons, trois vaches, deux

 14   chevaux, deux cochons et de la volaille. Tout a été incendié, le tracteur a

 15   été incendié, une scie à moteur, et un petit camion de transport de

 16   matériel, un petit TAM. Alors qu'est-ce que vous en savez ?

 17   R.  Ce qui m'étonne c'est que vous n'avez pas dans votre document combien

 18   d'hommes musulmans de Renovica ont été arrêtés et emmenés en prison à Pale.

 19   Q.  Mais dites-le-nous.

 20   R.  Je ne le sais pas. Je sais qu'il y en a eu. Je ne sais pas combien, je

 21   sais qu'il y en a eu, je sais qu'ils ont été passés à tabac et que trois ne

 22   pouvaient pas survivre suite aux passages à tabac, ils sont morts en 1995.

 23   Q.  On reviendra sur ce point. Je voudrais continuer pour énumérer ce que

 24   ces Serbes de Renovica ont eu à subir de la part de leurs voisins, Grozda a

 25   laissé une maison, une étable, dix moutons, les immeubles ont été détruits,

 26   les bétails confisqués. Kalajdzic a laissé une maison, une grange, une

 27   étable, 15 moutons, deux cochons et deux vaches, tout a été incendié, le

 28   bétail a été volé. Mitrovic Milanko a laissé derrière lui une maison, une

Page 1229

  1   étable, une grange, dix moutons, deux vaches; les immeubles n'ont pas été

  2   détruits et le bétail est resté à proximité. Pour ce qui est du village de

  3   Jelak, Srdanovic Gojko; Srdanovic Milja, une vieille femme. Sokolovic,

  4   Ranko, c'est la famille Sokolovic dont faisait partie Mehmet-Pasa

  5   Sokolovic, lui aussi qui était un grand "fezija" [phon] turc, mais peu

  6   importe, ils sont originaires de Renovica.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, quelle est la

  8   question que vous posez ?

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors M. Crncalo conteste ces affirmations ?

 11   R.  Ce que vous avez lu au niveau de Jelak, est-ce que c'est Jelak ou

 12   Ilijak ?

 13   Q.  Dans l'original on dit Jelak.

 14   R.  Je ne connais pas ce village. Je sais qu'il y a un village qui

 15   s'appelle Ilijak. Or, Ilijak n'avait aucune espèce de nécessité de faire

 16   évacuer sa population des maisons.

 17   Q.  Vous connaissez les Srdanovic de Renovica ?

 18   R.  Je connais.

 19   Q.  Les Removic, les Pavlovic ?

 20   R.  Je connais.

 21   Q.  Donc ils sont tous des Srdanovic ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Donc les Srdanovic sont les plus nombreux. Il y a Teletina Removic, ils

 24   sont plusieurs de ce même nom de famille, tous exception faite de cette

 25   vieille femme et d'une personne, ils n'ont pas leurs maisons d'incendiées.

 26   Ils sont donc cinq ou six à ne pas avoir eu leurs maisons d'incendiées,

 27   mais toujours est-il que c'est un document que je voudrais faire verser au

 28   dossier à des fins d'identification parce que nous attendons toujours sa

Page 1230

  1   traduction. Il s'agit du 1D827. De façon résumée, je dirais Skipina,

  2   Corovic, Turkovic, ça fait trois familles, Corovic, quatre, Karadzic, cinq,

  3   Mitrovic, six, Srdanovic, sept, Srdanovic, huit, Sokolovic, neuf,

  4   Sokolovic, dix, Maric, 11, Srdanovic, 12, Removic, 13, Pavlovic, Milena,

  5   14; Pavlovic, [imperceptible], 15 --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Karadzic, nous pouvons lire tout

  7   cela ultérieurement.

  8   Monsieur Gaynor, est-ce que vous avez une objection ?

  9   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection puisque ce sera marqué à des

 10   fins d'identification. Je voudrais faire remarquer qu'il n'est pas clair

 11   partant du titre de ce document, qui n'est qu'en partie lisible, et quand

 12   bien même tout à fait lisible il n'est pas clair quelle est l'autorité qui

 13   a produit ce document. Il a présenté ses éléments au témoin, nous n'avons

 14   pas d'objection à formuler à ce fait, mais l'accusé a contextualisé ce

 15   document pour ce qui est de ses propres arguments et nous estimons qu'il

 16   sera peut-être nécessaire d'y revenir ultérieurement. Je veux juste le

 17   faire savoir à présent. Mais en principe, pas d'objection.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, n'avez-vous pas dit

 19   que cela faisait partie du document précédent ou [imperceptible] ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le premier document c'est une lettre à

 21   l'attention de la municipalité, le deuxième document est également signé

 22   par les villageois de Renovica appartenant au groupe ethnique serbe, il

 23   s'agit de la date du 25 juin. Ça a été remis par les citoyens pour dire à

 24   la municipalité ce qu'ils ont perdu, cette municipalité n'a pas réussi à

 25   les protéger. Ils leur font savoir tout ce qu'ils ont perdu. La dernière

 26   page, vous pouvez la voir. Il y est indiqué de quoi il s'agit.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Merci.

 28   Monsieur Doraiswamy.

Page 1231

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D20, marquée à des fins

  2   d'identification.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Crncalo, vous nous avez dit qu'à Pale la vie était dure pour

  5   les Musulmans et qu'ils ne pouvaient pas acheter ce qu'ils voulaient et

  6   autant qu'ils le voulaient. Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit ?

  7   R.  Oui.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous montre un

  9   document de la Défense, 1D810. 

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Nous avons ici les deux versions. C'est daté du 24 avril, nous sommes

 12   au mois d'avril donc. On dit :

 13   "'SRNA' est autorisée par la cellule de Crise de Pale à publier ce qui suit

 14   :

 15   "Dans l'intérêt du contrôle des prix sur le territoire de Pale,

 16   toutes les affaires liées aux commerçants en gros seront effectuées

 17   uniquement par le biais de l'entreprise commerciale 'Veleprom' de Pale.

 18   "Les points de vente au détail en propriété privée et sociale seront

 19   approvisionnés uniquement par le biais de cette entreprise-là.

 20   "Les prix de vente des différents articles doivent être unifiés et

 21   doivent être affichés de façon visible, il doit être fourni des

 22   informations relatives aux quantités disponibles.

 23   "Les magasins qui ne se conformeront pas à cette instruction seront

 24   fermés."

 25   Vous n'avez donc pas indiqué vous, Monsieur, que pour tous les quantités de

 26   vivres étaient limitées, et ce, à des prix qui ont été limités par la

 27   municipalité. Vous avez dit que ce n'était destiné qu'aux Musulmans.

 28   R.  Mais que diriez-vous que pour les non-Serbes il n'y a pas de produits

Page 1232

  1   d'affichés ?

  2   Q.  Je dirais pourquoi ne l'avez-vous pas déclaré.

  3   R.  Je l'ai déclaré.

  4   Q.  Quel est le magasin ?

  5   R.  A Korane.

  6   Q.  Mais il n'y en a pas beaucoup.

  7   R.  Non, il n'y en a pas beaucoup des magasins à Korane.

  8   Q.  Monsieur Crncalo, je me dois de vous dire qu'il y a une règle qui

  9   relève du droit romain, altera pars, entends la partie adverse. J'étais

 10   censé apprendre la chose bien avant, et il y aura une réponse à ce que vous

 11   venez de dire. Je vous prie d'éviter des allégations qui disent certains

 12   Serbes ont fait à certains Musulmans telle chose. Je veux que tout soit

 13   tiré absolument au clair -- 

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie, Monsieur

 15   Karadzic.

 16   Monsieur Gaynor, vous vouliez dire quelque chose.

 17   M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci. D'une façon

 18   générale, j'estime que l'accusé devrait se retenir de donner des

 19   instructions au témoin. Je pense que c'est plus une mission qui incombe au

 20   Juge qui préside à la Chambre, le Président de la Chambre exerce un

 21   contrôle pour ce qui est du processus d'interrogatoire du témoin. L'accusé

 22   devrait se retenir de faire des commentaires tels qu'il vient de les faire.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je serais d'accord avec cela.

 24   Monsieur Karadzic, veuillez le garder à l'esprit. Pourquoi ne posez-vous

 25   pas juste vos questions de façon simple ? Continuons.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis bien d'accord, je n'ai pas donné

 27   d'instructions. J'ai voulu exposer les motifs pour lesquels j'insistais sur

 28   la précision et l'exactitude des propos.

Page 1233

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais posez juste votre question.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que cette information que "SRNA," l'agence de presse, par

  4   autorisation de la cellule de Crise de Pale a publié, à savoir que pour

  5   tous les magasins et tous les acheteurs il y avait un prix de limité et des

  6   quantités limitées de produits qu'on pouvait s'acheter ?

  7   R.  Je vivais à Pale, je n'ai jamais entendu cette information, je le vois

  8   maintenant. Mais avant, qui est-ce qui pouvait arriver au magasin ? A moins

  9   que vous n'ayez vraiment rien à la maison, parce qu'en général on avait

 10   stocké des vivres. Moi, j'allais surtout au magasin pour m'acheter des

 11   cigarettes.

 12   Q.  Merci.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 1D810, je demande son versement au dossier

 14   en guise d'élément de preuve de la Défense.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D21, Monsieur le

 17   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affichage d'un document

 19   de la Défense qui porte la cote 1D815.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Le document vient d'apparaître à l'écran, "prévention de la contrebande

 22   à Pale." Ce document porte la date du 2 mai 1992.

 23   L'agence de presse "SRNA" --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mai.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Oui, oui, le mois de mai, cinquième mois de l'année. Oui, oui. D'après

 27   les interprètes, on voit bien que c'était le mois de mai. Toutes mes

 28   excuses. Alors je cite le texte :

Page 1234

  1   "De nombreux citoyens appellent l'agence 'SRNA' pour la prier de faire

  2   quelque chose en vue de mettre un terme à la contrebande et à

  3   l'augmentation illégale des prix d'un certain nombre d'articles. Nous

  4   sommes, par conséquent, encore une fois dans la nécessité de publier la

  5   décision de la cellule de Crise de Pale selon laquelle tout le commerce de

  6   gros doit se faire par le biais de la société commerciale 'Velprom' de

  7   Pale."

  8   Vous connaissez cette société ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  C'était une entreprise qui était propriété de l'Etat à l'époque, n'est-

 11   ce pas ?

 12   R.  Je n'ai pas demandé.

 13   Q.  Je poursuis la lecture, je cite :

 14   "Les commerces de détail qui sont propriétés de personnes morales ou de

 15   l'Etat seront approvisionnés uniquement par le biais de cette société.

 16   "Les prix de vente des produits doivent être harmonisés et

 17   visiblement indiqués et les renseignements relatifs aux quantités

 18   disponibles doivent l'être également."

 19   Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que cette mesure s'oppose à ceux

 20   qui souhaitaient faire du profit aux dépens des membres les plus pauvres de

 21   la population ?

 22   R.  La contrebande n'a toujours pas cessé, elle continue encore

 23   aujourd'hui, alors à l'époque n'en parlons pas. Ils n'ont toujours pas

 24   réussi à mettre un terme à l'action des voleurs qui volent des voitures,

 25   qui les démontent et qui en vendent les pièces détachées.

 26   Q.  Bon, c'est le texte en tout cas qui a été publié par les autorités de

 27   Pale.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

Page 1235

  1   document 1D815 et je demande l'affichage du document 1D809.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

  4   les Juges, le document 1D815 devient la pièce D22.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affiche du 1D809.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Nous le voyons en anglais et en serbe sur les écrans maintenant. La

  8   date de ce document, encore une fois, est celle du 24 mai. Je cite :

  9   "L'agence de presse 'SRNA' est dans l'obligation de publier l'annonce

 10   émanant de la cellule de Crise de la municipalité de Pale.

 11   Dans la municipalité de Pale et dans toutes les régions qui ont

 12   rejoint la municipalité, l'approvisionnement régulier en vivres et autres

 13   articles a été rétabli à des prix très favorables pour tous les commerces.

 14   "Il y aura à l'avenir suffisamment de nourriture disponible, et les

 15   citoyens n'auront pas besoin de se regrouper en grand nombre.

 16   "Les consommateurs sont invités à rendre compte de toute augmentation

 17   des prix qui ne saurait pas autorisée en composant le numéro suivant…" et

 18   cetera.

 19   Puis le troisième paragraphe se lit comme suit :

 20   "Tous les propriétaires de tracteurs, de tondeuses et de véhicules à

 21   moteur présents dans la municipalité de Pale sont informés du fait qu'ils

 22   sont tenus de rendre compte de cela aux bureaux de leur communauté locale

 23   respective afin de recevoir un certificat, une attestation, leur permettant

 24   d'obtenir du carburant pour ces véhicules.

 25   "Tous les hommes qui ont fui la région de Pale et qui ont entre 18 et

 26   60 ans sont, par conséquent, informés de la nécessité de se faire connaître

 27   immédiatement au secrétariat à la Défense nationale."

 28   Et au point suivant, nous lisons :

Page 1236

  1   "Sur le territoire de la municipalité de Pale, pas un seul incident

  2   n'est survenu jusqu'à présent et il n'y a pas eu une seule infraction à la

  3   loi, contrairement à ce qui s'est passé à Sarajevo. Si un incident devait

  4   se produire, son auteur sera traduit devant le tribunal de Pale et puni de

  5   façon appropriée sur place.

  6   "Tous les secteurs de l'industrie et de la société fonctionnent

  7   normalement dans la municipalité de Pale. L'école primaire de Pale est

  8   fréquentée au-delà de sa capacité par des étudiants venant de Sarajevo.

  9   "Les réfugiés reçoivent de l'aide alimentaire tous les jours.

 10   "Les citoyens de toutes appartenances ethniques répondent en grand

 11   nombre aux appels de dons du sang."

 12   C'était le dernier paragraphe. Est-ce que tout cela rend bien compte

 13   de la situation qui prévalait à Pale à la fin du mois de mai 1992 ?

 14   R.  C'est possible. Mais lorsqu'il y a eu attaque de Zepa, des jeunes gens

 15   qui étaient dans ma rue sont allés donner du sang et on les a renvoyés. On

 16   les a refusés.

 17   Q.  Nous ne savons pas si la banque du sang avait le moyen de stocker tout

 18   le sang qui lui était donné.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 20   document également.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  En tout état de cause, il est écrit dans ce document que des

 23   représentants de tous les groupes ethniques répondaient favorablement. Vous

 24   parlez à l'instant de jeunes gens musulmans, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, oui, mais cela s'est passé après l'attaque contre Zepa.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, est-ce que nous pouvons obtenir une

 27   cote pour ce document 1D809 ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

Page 1237

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

  2   les Juges, ce document devient la pièce D23.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affiche du document

  4   suivant, 1D808, qui vient d'apparaître à l'écran.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Il porte la date du 18 avril 1992, donc deux semaines après le début de

  7   la guerre.

  8   "L'agence 'SRNA' apprend que le 17 avril 1992 à 16 heures 45, dans le

  9   nouveau département chirurgical récemment ouvert à l'hôpital de la

 10   municipalité de Pale, un bébé est né."

 11   Alors, ici je voudrais vous dire pourquoi on parle de la municipalité serbe

 12   de Pale. On emploie le terme serbe comme qualificatif d'une municipalité,

 13   n'est-ce pas, uniquement lorsque dans la même municipalité il existe

 14   également une municipalité musulmane ?

 15   R.  Je ne me suis jamais occupé de politique. Il n'y en a pas eu à Pale.

 16   Q.  Mais c'était envisage ?

 17   R.  Moi, je n'ai pas fait de politique, mais je sais que la municipalité

 18   musulmane n'a jamais existé à l'époque.

 19   Q.  Bon, poursuivons. Je poursuis la lecture :

 20   "…dans le nouveau département de chirurgie générale récemment ouvert à

 21   l'hôpital dans la municipalité serbe de Pale est né le premier bébé en

 22   bonne santé. C'est Nermina Causevic de Renovica qui a donné naissance à

 23   cette petite fille en bonne santé.

 24   "Et même si le travail a été assez compliqué, tout s'est bien terminé

 25   et l'heureuse maman récupère dans l'hôpital entourée de tous les soins

 26   nécessaires."

 27   Est-ce que Nermina Causevic, à en juger par son nom, est une femme

 28   musulmane ?

Page 1238

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous vous rappelez cet événement ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Je vous remercie.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  6   document 1D808, je vous prie.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D24, Monsieur le

  9   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document de la

 11   Défense 1D811.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Le document vient d'apparaître dans ses deux versions sur mon écran. Ce

 14   document date du 26 avril 1992. La dépêche d'agence se lit comme suit :

 15   "Aujourd'hui, les femmes et les jeunes filles de Pale ont rendu visite aux

 16   blessés qui sont soignés à Koran. Les habitants de Pale leur ont présenté

 17   leurs vœux pour la résurrection du Christ." Il s'agit bien de la fête de

 18   Pâques, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  "…et une rapide récupération, et elles ont manifesté de l'intérêt pour

 21   leur santé et leur bien-être grâce à quelques cadeaux.

 22   "Le responsable officiel a remercié ces femmes de Pale pour leur visite et

 23   leur a demandé d'influer sur leurs maris et sur leurs frères pour qu'ils ne

 24   tirent pas en dehors de toute nécessité, même en signe de festivité, parce

 25   que le bruit des tirs trouble les gens hospitalisés."

 26   Alors, vous venez de parler des tirs que les Musulmans et les Serbes

 27   avaient l'habitude de pratiquer en cas de fête, et ici nous voyons dans ce

 28   document ce qui est écrit à ce sujet. Est-ce que vous êtes d'accord ?

Page 1239

  1   R.  Bien, je ne peux pas être d'accord ou pas d'accord. C'est la première

  2   fois que je vois ce document.

  3   Q.  Mais vous conviendriez que si des tirs sont tirés, cela pose problèmes

  4   aux personnes à l'hôpital ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Je vous remercie.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  8   document, je vous prie.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D25, Monsieur le

 11   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du document

 13   1D823.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Il porte la date du 25 mai 1992, et il s'agit d'un ordre émanant du

 16   comité exécutif de la municipalité de Pale.

 17   "A la demande du commandement des forces armées du Corps de Sarajevo-

 18   Romanija, le conseil exécutif de la municipalité de Pale, durant sa réunion

 19   du 25 mai, a émis l'ordre que soit interdit temporairement le

 20   fonctionnement de toutes les installations commerciales, telles que bars,

 21   cafés ou restaurants. Cet ordre exclut les entreprises servant de la

 22   nourriture qui, en revanche, se voient faire interdiction temporaire de

 23   servir de l'alcool."

 24   Le reste n'est pas très important. Je vous demande donc si vous vous

 25   rappelez que des restrictions et des limites ont été imposées au

 26   fonctionnement des cafés, restaurants et bars, notamment s'agissant de la

 27   vente de boisson alcoolisée ?

 28   R.  Bien, je vous ai parlé de la vie à Pale telle que je l'ai connue, et je

Page 1240

  1   connais très bien ces cafés et ces bars qui                                        

  2   se trouvent dans le centre-ville. Je peux dire que les civils s'y

  3   rendaient, de même que les soldats et moi-même qui y habitait, et que l'on

  4   m'a expulsé en 1992, le 2 juillet. Jusqu'à ce moment-là, les cafés et les

  5   bars du centre-ville fonctionnaient, ils étaient ouverts.

  6   Q.  Je vous remercie. Ce texte date du 25 mai, ce qui veut dire qu'il est

  7   antérieur à votre départ -- non. Vous êtes parti en juillet; c'est bien

  8   cela ? Toutes mes excuses. J'ai confondu les dates.

  9   R.  Oui, en juillet.  

 10   Q.  Je vous remercie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 12   document 1D823, je vous prie.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Gaynor ?

 14   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

 17   les Juges, ce document devient la pièce D26.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Encore une question, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous en aviez assez

 20   de nous voir, nous les représentants politiques, à la télévision ? Est-ce

 21   que nous étions suivis sans arrêt par des caméras quoi que nous fassions,

 22   et cetera ?

 23   R.  Bien, voyez-vous, si la population avait pu faire cesser quoi que ce

 24   soit, vous n'auriez pas en Bosnie eu ne serait-ce qu'une partie de la

 25   couverture médiatique télévisée ou par voie de presse que vous avez eue.

 26   Tout ce que vous faisiez, les médias le rapportait.

 27   Q.  Donc quoi qu'on dise, ils en rendaient compte; c'est bien cela ?

 28   R.  Non, pas quoi que vous disiez, mais quoi que vous fassiez, et que ce

Page 1241

  1   soit bon ou mauvais pour la population. Ce qui pouvait être le pire du

  2   monde pour la population c'était repris par les médias, et c'est bien ce

  3   que vous avez fait.

  4   Q.  D'accord, mais je voudrais simplement savoir si les médias

  5   s'intéressaient à Izetbegovic, à moi-même, à Kljuc, tous les dirigeants des

  6   trois communautés ethniques ?

  7   R.  Bien, je ne vais pas vous dire ce qu'ont fait les journalistes. Oui,

  8   ils vous interviewaient tout le temps, mais les gens n'avaient pas envie de

  9   cela.

 10   Q.  Je vous remercie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage à présent du document

 12   1D831. C'est un document qui est en cours de traduction, mais je vais me

 13   contenter pour le moment de demander au témoin de commenter certains

 14   paragraphes.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Il est question dans ce document des événements survenus à Zlovrh. Dans

 17   votre déposition et dans votre déclaration écrite, il me semble que vous en

 18   avez parlé ?

 19   R.  Je n'ai pas parlé de Zlovrh.

 20   Q.  Mais vous avez parlé de cette crise, de cet incident. Et dans cette

 21   dépêche d'agence -- ou plutôt, non, c'est un rapport émanant d'un

 22   commandant d'une unité qui s'est rendue à Zlovrh. Son nom est Suka, Dragan.

 23   Je vais vous soumettre quelques paragraphes, je cite :

 24   "En date du 2 juin 1992, j'ai été invité par l'état-major principal de

 25   l'armée de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine, par l'intermédiaire

 26   du colonel Veljko Bosanac, pour que je me rende auprès du général de

 27   division Manojlo Milovanovic pour me voir distribuer une mission. A ce

 28   moment-là, j'étais à Praca, et j'ai pris la route pour me voir assigner une

Page 1242

  1   mission. Je me suis fait connaître auprès du général de division

  2   Milovanovic pour qu'il me dise ce que je devais faire, en présence du

  3   général de division Gvero, Djukic et d'autres officiers supérieurs, qui

  4   m'ont donné mission, en date du 4 juin 1992, de me rendre à Zlovrh, où se

  5   trouve le répéteur de l'armée afin de remettre des vivres et des munitions

  6   aux 32 hommes de l'unité présente su place depuis un mois. A ce moment-là,

  7   il y avait deux officiers supérieurs à Zlovrh et dix soldats. Et je devais

  8   être accompagné d'une vingtaine d'hommes qui assureraient la sécurité."

  9   Je saute une partie du texte qui est moins intéressante, et j'en arrive au

 10   paragraphe 3 :

 11   "Je l'ai informé de mes activités et il a dit que je devais me préparer à

 12   exécuter ma mission. Dans le hall d'entrée, j'ai rencontré le chef du

 13   service de la sécurité routière et je lui ai demandé de me fournir dix

 14   soldats dont j'avais besoin pour mener à bien ma mission. Le chef du

 15   service chargé de la sécurité routière a demandé au général Milovanovic si

 16   cela ne posait pas de problème, mais il a dit qu'il ne pouvait pas me

 17   donner dix soldats. On m'a dit que je n'étais pas autorisé à tirer une

 18   seule balle, parce que tout avait été décidé et convenu avec la partie

 19   adverse et que seuls des vivres, de l'eau et du carburant devaient être

 20   transportés sur les lieux. Je suis revenu à Pale à 21 heures. Ensuite, le 4

 21   juin, je suis allé voir l'unité."

 22   C'est un récit assez épique et assez long.

 23   Donc il explique qu'ils passent par le village de Stoborani --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ralentissez, Monsieur Karadzic. Quel est

 25   l'intérêt de lire l'intégralité du document ? Quelle est votre question ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, je ne fais que lire des extraits.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Dans ce paragraphe particulier, M. Suka explique ce qui lui est arrivé

Page 1243

  1   en route et l'accord qui a été conclu avec la partie musulmane à Zepa. Il

  2   déclare que le pont a été déminé et qu'ils ont pu faire mouvement. Et il

  3   dit :

  4   "Lorsque je suis arrivé au niveau du pont, les tireurs embusqués ont ouvert

  5   le feu et j'ai été la première cible de cette attaque. Mon chauffeur a été

  6   blessé, et des tirs ont éclaté de toutes parts."

  7   Maintenant, nous pouvons passer à la page 3 --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, posez votre question.

  9   Nous écoutons ici la déposition de M. Crncalo, pas celle de M. Suka. Le cas

 10   échéant, vous pouvez appeler M. Suka à la barre. Vous pourrez lui soumettre

 11   ce document rapidement. Alors, vous pouvez résumer à M. Crncalo le contenu

 12   de cette déposition, comme vous l'avez déjà fait jusqu'à présent, mais il

 13   n'y a aucune utilité à lui lire l'intégralité de ce texte et à le faire

 14   consigner au compte rendu. Vous pouvez demander le versement de

 15   l'intégralité du document, le cas échéant.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Crncalo, vous avez dit que 45 soldats avaient été tués durant

 18   cet incident, dont 40 venaient de Pale; c'est bien cela ?

 19   R.  Bien, je n'ai cité aucun nombre.

 20   Q.  Mais c'est un groupe important s'agissant d'hommes tués, n'est-ce pas ?

 21   Il y a eu de nombreux tués.

 22   R.  Je sais que les hélicoptères ont emporté les morts et les blessés, mais

 23   je ne connais pas les chiffres. Je ne sais pas combien ils étaient.

 24   Q.  Je vous remercie. Je vous parle de cet événement, parce que vous avez

 25   déclaré avoir été témoin oculaire et avoir entendu ce qui s'était passé et

 26   m'avoir entendu parler aux familles.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document

 28   1D831 et j'ai encore deux questions à poser au témoin sur la base de ce

Page 1244

  1   document. J'en demande le versement pour identification, bien entendu, car

  2   il est en cours de traduction.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Gaynor.

  4   M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, objection par rapport à

  5   l'admission de ce document. C'est une déclaration de Dragan Suka, et la

  6   voie acceptable pour verser ce document au dossier, Monsieur le Président,

  7   consiste à passer par l'application des articles 92 bis ou 92 ter du

  8   Règlement. Je note au passage également qu'il n'est pas signé.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Même remarque, Monsieur Karadzic. Si

 10   vous voulez demander le versement au dossier de ce document, vous pourrez

 11   le faire ultérieurement. Mais vous pouvez soumettre au témoin la teneur de

 12   la déclaration, cela étant, vous n'obtiendrez pas l'admission de ce

 13   document. Veuillez poursuivre.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Crncalo, c'était un moment de crise, la tension était à son

 17   paroxysme, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  C'était des funérailles très importantes avec une nombreuse

 20   participation, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je n'ai pas assisté moi-même à ces funérailles, mais en effet, j'ai vu

 22   qu'il y avait beaucoup de monde quand je suis passé par là.

 23   Q.  Vous étiez à une dizaine de mètres de moi, n'est-ce pas ?

 24   R.  Un petit peu plus loin peut-être, 50 mètres, peut-être un peu plus.

 25   Q.  D'accord. Merci. Est-ce que vous me rencontriez à Pale de temps en

 26   temps par ailleurs ?

 27   R.  Non, c'était la première fois que je vous voyais.

 28   Q.  Très bien. Monsieur Crncalo, comment est-il possible que j'aie dit quoi

Page 1245

  1   que ce soit à ciel ouvert sans que cela ait été diffusé par la télévision

  2   sous une forme ou une autre ?

  3   R.  Vous devriez interroger les vôtres à ce sujet, les gens qui vous

  4   accompagnaient et tous les gens qui diffusaient vos déclarations et vos

  5   annonces en général. Je ne sais pas.

  6   Q.  Mais ce que j'ai dit - et vous l'avez confirmé - c'est que les médias,

  7   en particulier à Pale, diffusaient et publiaient tout ce qui sortait de ma

  8   bouche ainsi que de celles de tous les autres hauts représentants

  9   politiques. Donc comment est-il possible que j'aie dit quelque chose

 10   d'aussi important, puisque vous dites que c'était important, sans que

 11   quiconque l'ait enregistré et diffusé ?

 12   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment c'est possible, mais

 14   c'est ce que vous avez dit.

 15   M. GAYNOR : [interprétation] J'aimerais faire objection à la forme de la

 16   question. Cette question a consisté à dire que le témoin avait confirmé un

 17   élément de preuve, et j'aimerais demander à l'accusé de définir de quel

 18   élément il s'agit, quel élément a été confirmé. Je ne pense pas que le

 19   témoin ait confirmé quoi que ce soit.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.

 21   [Le conseil de la Défense se concerte]

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans le compte rendu de l'audience

 23   d'aujourd'hui, page 55, ligne 17, j'ai posé une question d'introduction au

 24   témoin, je lui ai demandé si les médias s'intéressaient à mes activités et

 25   s'ils me suivaient de très près et suivaient mes activités de très près. Et

 26   la réponse du témoin a consisté à confirmer la véracité de cela, à savoir

 27   que j'étais sans arrêt mentionné dans la presse.

 28   J'aimerais maintenant préciser un certain nombre de points et vous demander

Page 1246

  1   de le faire, Monsieur, pour aider l'Accusation. Cette déclaration a été

  2   faite à Sarajevo le 23 août 1995, c'est une déclaration dans laquelle,

  3   Monsieur Crncalo, vous ne mentionnez pas cette phrase importante que je

  4   serais censé avoir prononcée, à savoir que la meilleure façon de protéger

  5   les maisons serbes consistait à attaquer les maisons musulmanes. Vous ne

  6   l'avez fait figurer vous-même dans aucune de vos déclarations jusqu'à

  7   présent.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous pensez que j'ai pensé à ça, vous

  9   n'avez qu'à vérifier les enregistrements audio et les comptes rendus

 10   écrits, je crois que le Tribunal les possède. Il y a d'autres endroits

 11   également où vous êtes mentionné comme ayant dit : Attaquons les maisons

 12   musulmanes, attaquons les maisons musulmanes, et en agissant ainsi vous

 13   défendrez vos propres maisons.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, Monsieur Crncalo, la question qui

 15   vient de vous être posée consiste à vous demander si vous avez dit aux

 16   autorités que le 23 août M. Karadzic a déclaré qu'il fallait attaquer les

 17   maisons musulmanes. Est-ce que vous vous rappelez si vous l'avez dit ou pas

 18   ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je sache, une fois, dans une

 20   de mes déclarations, je l'ai dit, mais je ne peux pas vous en donner la

 21   date exacte.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, à vous.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Crncalo, ni dans la déclaration du 23 août 1995 ni ailleurs

 25   vous n'avez mentionné cela, vous ne l'avez d'ailleurs pas mentionné

 26   davantage dans votre déposition orale dans l'affaire Krajisnik, j'invoque

 27   les pages 5 294 et 5 227 ainsi que 5 342 du compte rendu de l'audience

 28   Krajisnik, où vous avez évoqué cet événement. Vous n'avez pas dit un seul

Page 1247

  1   mot à ce moment-là au sujet de cette phrase que je suis censé avoir

  2   prononcée, n'est-ce pas ?

  3   R.  Je n'ai pas témoigné au sujet de ce rassemblement. C'est la première

  4   fois que je le fais ici.

  5   Q.  Excellent. Merci.

  6   Donc vous vous êtes préparé tout spécialement pour mon procès ?

  7   R.  Pourquoi est-ce que je devrais faire des préparatifs spéciaux pour

  8   intervenir ici ? Moi, je me fonde sur les souvenirs que j'ai, et c'est

  9   partant de ces souvenirs que j'ai fourni une déclaration préalable.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous invite maintenant à examiner le

 11   document qui va bientôt s'afficher à l'écran qui est le numéro 1D854. Je

 12   répète le numéro du document, 1D854. Il s'agit du procès-verbal de

 13   l'enregistrement sonore. En fait, vous avez ici la transcription de

 14   l'enregistrement sonore de la 17e séance de l'assemblée populaire qui s'est

 15   tenue du 24 au 26 juillet 1992.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Vous l'avez ici. Page 2 du document, vous avez une partie de

 18   l'allocution que j'ai faite, un quart des Musulmans était déjà parti, le

 19   reste est demeuré dans la salle. Voici ce que je dis à ce moment-là lorsque

 20   je m'adresse aux députés. Il s'agit du troisième paragraphe :

 21   "Pour ce qui est du premier point prévu à l'ordre du jour, le

 22   président de la présidence de la République serbe de Bosnie-Herzégovine va

 23   faire un discours sur la situation politique qui règne en ce temps de

 24   guerre en Bosnie-Herzégovine," le président de l'assemblée me donne la

 25   parole à ce moment-là.

 26   Prenons maintenant la page 3, car je pense qu'il n'est pas nécessaire

 27   de voir la partie introductive. Je ne veux pas vous importuner avec cette

 28   partie, mais on voit le début de la page 3, et voici ce que j'ai alors dit

Page 1248

  1   :

  2   "C'est avec regret qu'il me faut dire qu'à Pudijne [phon] les

  3   Musulmans ne veulent pas la paix, c'est seulement à Bijeljina qu'ils la

  4   veulent et à Pale où ils représentent 20 % de la population, car personne

  5   ne touche à un cheveu de ces Musulmans, et personne n'estime que ce sont

  6   des citoyens de deuxième zone. Au contraire, notre gouvernement essaie

  7   d'établir une communication avec eux pour leur faire comprendre qu'ils

  8   n'ont rien à craindre. Par conséquent, dans la Bosnie-Herzégovine serbe,

  9   les Serbes y ont établi leur Etat, y ont gagné leur liberté, et permettent

 10   à d'autres de cohabiter, de coexister avec eux. Et j'espère que cette

 11   assemblée va tirer des conclusions, prendre des décisions qui permettront

 12   de renforcer cet état de fait."

 13   Est-ce que vous avez vu cette partie-là de mon discours ?

 14   R.  Oui.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est bien connu du bureau du Procureur,

 16   je vais donc demander le versement de cette partie-ci du procès-verbal de

 17   la réunion de l'assemblée de juillet. Il s'agit du document 1D854 dont je

 18   demande le versement.

 19   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 21   Oui, mais quelle était la question que vous aviez posée après cette

 22   citation, Monsieur Karadzic ?

 23   Parce que vous avez donné lecture de tout ce passage, et vous avez

 24   simplement demandé au témoin s'il voyait ce que vous veniez de lire. Alors

 25   quelle était la finalité recherchée, qu'est-ce que vous vouliez demander au

 26   témoin ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que j'essayais de faire valoir c'est que je

 28   voulais que M. Crncalo me dise comment ce qu'il dit correspond à ce que

Page 1249

  1   j'ai dit, et en disant ça je donnais la politique officielle de l'Etat. On

  2   était ici à huis clos au parlement. Personne ne s'est dit au moment de

  3   prononcer ces paroles que ceci allait être un jour rendu public.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais alors pourquoi est-ce que vous nous avez

  5   chassés de Pale ? Dites-le-moi. Pourquoi ?

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Nous allons y venir. Je ne vous demande qu'une chose : comment ce que

  8   vous dites est-il possible alors que ceci n'a laissé aucune trace et alors

  9   qu'ici nous avons une trace officielle ? Nous avions des responsables comme

 10   Koljevic qui ont rencontré des citoyens, même si un chef d'une municipalité

 11   aurait pu se contenter de rencontrer ses concitoyens. Mais ici vous avez le

 12   vice-président de l'Etat qui rencontre des citoyens pour les rassurer, pour

 13   leur dire qu'ils n'ont rien à craindre.

 14   R.  Ecoutez, ce que je dis est corroboré par les dires même de Koljevic; à

 15   savoir que les Serbes ne veulent pas coexister avec les Musulmans à Pale.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien, avançons.

 17   Quelle sera la cote, Monsieur le Greffier ?

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D27.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 20   Est-ce que le moment se prête à une pause ?

 21   L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de M. Karadzic.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20

 23   minutes.

 24   --- L'audience est suspendue à 12 heures 05.

 25   --- L'audience est reprise à 12 heures 29.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Crncalo, page de compte rendu d'audience d'hier numéro 74,

Page 1250

  1   vous avez dit que les autorités serbes avaient mené activement une campagne

  2   visant à chasser les Musulmans, ou plutôt, pour veiller à ce que les

  3   Musulmans quittent Pale; est-ce exact ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  A quoi a ressemblé cette campagne ? Comment s'est-elle concrétisée ?

  6   Parce que ça se passait au mois de mars alors que l'Etat de Bosnie-

  7   Herzégovine existait encore. Qui était ministre de l'Intérieur ?

  8   R.  Je pense que c'était Bakir Alispahic.

  9   Q.  Oui, c'était une personne qui avait un poste de responsabilité, mais

 10   c'était Alija Delimustafic. Qui était ministre de la Défense ?

 11   R.  Vous savez, je ne me suis pas intéressé à savoir qui occupait tel ou

 12   tel poste politique.

 13   Q.  Est-ce que c'était peut-être Jerko Duko, un Croate ?

 14   R.  Admettons.

 15   Q.  Oui, il y avait notamment Munir Alispahic, Bakir Alispahic, c'étaient

 16   des hauts commis de l'Etat, Selmo Selimovic et d'Alija Delimustafic dans le

 17   MUP. Pourriez-vous me donner le nom d'un Serbe qui occupait un poste

 18   important ?

 19   R.  Ce n'est pas la première fois que je dois répondre à ce genre de

 20   questions. Mais je vous le répète, la politique ça ne m'intéressait pas;

 21   les hommes politiques non plus. Moi, ce qui m'intéressait, c'était la vie

 22   ordinaire d'un citoyen ordinaire.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je précise qu'il faut acter au dossier

 24   que ce que vous avez dit était, en fait, le résumé fourni par M. Gaynor. Ce

 25   ne sont pas les dires du témoin que vous venez de restituer. Mais

 26   poursuivons.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis d'accord, mais M. Gaynor a demandé

 28   confirmation, qu'il a d'ailleurs obtenue du témoin. On peut donc considérer

Page 1251

  1   que c'est un élément de preuve fourni par le témoin. Certes, il ne faut pas

  2   maintenant s'occuper de politique, mais ceci concerne l'Etat de Bosnie-

  3   Herzégovine, les autorités de l'Etat. Et ceci, jusqu'au 6 avril, jusqu'à

  4   cette date, les autorités étatiques de la Bosnie-Herzégovine et le MUP,

  5   tout particulièrement, comptaient de nombreuses personnalités musulmanes de

  6   premier plan. Il n'y avait qu'un Serbe qui avait la responsabilité des

  7   enquêtes judiciaires. Tous les autres membres du personnel étaient

  8   d'origine musulmane.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors comment se fait-il que quelque chose se serait produit à Pale que

 11   personne parmi les autorités de l'Etat n'aurait pu empêcher ou dont elles

 12   n'ont pas parlé ?

 13   R.  Mais le problème a commencé lorsque vous, vous avez établi l'assemblée

 14   de la Republika Srpska, parce que vous avez été partie prenante. Vous étiez

 15   un des acteurs, moi pas.

 16   Q.  D'accord. Nous allons passer à autre chose. Nous parlerons de cette

 17   question avec d'autres témoins pour savoir quand exactement a commencé à

 18   fonctionner la Republika. Voyons le document 1D832, peut-on l'afficher à

 19   l'écran. Nous avons le document 1D832. Nous en avons la version en serbe et

 20   vous avez la version en anglais. Nous avons ici la réponse donnée par

 21   l'assemblée municipale de Pale, la date est celle du 11 avril 1992, réponse

 22   donnée au groupe de citoyens musulmans de Pale. Ce n'était pas destiné aux

 23   médias. Ça n'a été envoyé à personne d'autre. C'était envoyé au groupe qui

 24   avait présenté certaines revendications. Voici ce que dit le texte : 

 25   "Après avoir examiné vos propositions du 10 avril 1992," de la veille, "la

 26   cellule de Crise de la municipalité serbe de Pale a tiré les conclusions

 27   suivantes et les a adoptées :

 28   "La population musulmane n'a aucune raison d'avoir peur ni de partir,

Page 1252

  1   de déménager. La municipalité serbe de Pale va assurer une protection

  2   pleine et entière de tous les résidants de la municipalité de Pale,

  3   indépendamment de leur appartenance ethnique ou de leur confession."

  4   C'est à ce moment-là, vous savez, ou juste après que cette femme a

  5   donné naissance à cet enfant qu'il y a eu d'autres activités, mais en fait,

  6   il n'y avait pas de discrimination.

  7   Deuxième paragraphe :

  8   "La population qui se trouve sur le territoire de la municipalité

  9   serbe de Pale continuera à bénéficier du même approvisionnement, qui sera

 10   réparti également entre toutes les composantes de la municipalité."

 11   Troisième paragraphe :

 12   "Pour surmonter toute difficulté éventuelle, la cellule de Crise

 13   propose ici que la commission interpartite, qui se compose des membres du

 14   SDS de Pale et du SDA de Pale, marque son accord sur les mêmes bases."

 15   Est-ce que vous faisiez partie de la délégation ?

 16   R.  Oui, plus d'une fois j'ai fais partie de la délégation locale, mais je

 17   n'ai pas participé, comme vous voulez le faire entendre, je n'ai pas

 18   participé à des négociations intervenues entre le SDS et le SDA. J'étais

 19   membre de la délégation en ma qualité de citoyen tout à fait ordinaire.

 20   Ici, vous parlez de ce document qu'on voit à l'écran. Pourquoi est-ce que

 21   quelqu'un enverrait des militants travailler sur le terrain en ville pour

 22   essayer de pousser des gens à partir en même temps ?

 23   Q.  Je ne sais pas. Ce groupe a présenté des revendications aux autorités,

 24   a demandé l'autorisation de partir. Les autorités ont répondu et ont dit :

 25   Non, ne le faites pas. Restez ici.

 26   Aleksa Santic a écrit un poème intitulé, "Restez ici," du temps de

 27   l'occupation ottomane.

 28   R.  Mais pourquoi est-ce qu'il n'était pas possible de garantir notre

Page 1253

  1   sécurité ? Chaque fois que nous avons eu des contacts avec les responsables

  2   de la municipalité de Pale, personne n'a pu nous garantir notre sécurité.

  3   Ça a été la réponse qu'on a eu de cesse de recevoir.

  4   Q.  Mais vous avez reçu une réponse écrite. Regardez le premier paragraphe,

  5   que dit-il : 

  6   "La municipalité serbe de Pale va assurer une protection pleine et entière

  7   de tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance ethnique ou leur

  8   religion."

  9   R.  Jamais un seul Musulman n'a vu ce document à Pale.

 10   Q.  Mais nous avons une déclaration préalable faite par un autre Musulman,

 11   que nous montrerons en temps utile.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande maintenant le versement de ce

 13   document de la Défense 1D832.

 14   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D28.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous rappelle la date du document, 11 avril.

 18   Je demande maintenant l'affichage du document 1D828. Nous avons une

 19   traduction en anglais aussi qui accompagne ce document.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Nous avons ici un article de presse d'une agence qui porte la date du

 22   16 avril, à savoir quatre jours après qu'une réponse eut été donnée à ce

 23   groupe de citoyens musulmans de Pale. Que dit le texte, vous avez un sous-

 24   titre :

 25   "Les Musulmans de la municipalité de Pale reconnaissent la police légale de

 26   la municipalité, lui font confiance, et demandent une coopération exclusive

 27   avec la police tout en contrôlant la zone où cette population est

 28   majoritaire, dit l'agence."

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  1   Que dit le texte : 

  2   "Les autorités et la police de la municipalité serbe de Pale sont parvenues

  3   à un accord avec la population musulmane de plusieurs villages de la

  4   municipalité, accord selon lequel tous les problèmes seront résolus pas

  5   accord, dit l'agence de presse 'SRNA'." Et le journal "Glas" a repris cette

  6   information à Sarajevo.

  7   Le texte se poursuit et dit ceci :

  8   "Après avoir déterminé que les villages musulmans sont Bare, Rakovica,

  9   Praca et Podgrad, l'agence dit que les Musulmans habitant dans ces villages

 10   se sont vu donner des garanties de sécurité personnelle et matérielle ainsi

 11   qu'une garantie d'approvisionnement et de transport régulier.

 12   "Les Musulmans de la municipalité de Pale reconnaissent la légalité

 13   de la police de la municipalité, à qui ils font confiance, et demandent à

 14   coopérer avec la police pour assurer le contrôle des zones où cette

 15   population majoritaire, dit l'agence."

 16   Donc ça c'était la base. La proposition consistait à avoir deux postes de

 17   police dans chaque zone et qu'il y ait un tandem de policiers musulmans qui

 18   reste dans les zones musulmanes, les Serbes dans les villages serbes.

 19   Chacun s'occuperait des délinquants dans leurs zones respectives; c'est

 20   bien cela ?

 21   R.  Oui. Ce qu'on cherchait c'était la sécurité dans la municipalité de

 22   Pale. On voulait la sécurité. Malko Koroman, qui était le chef de la

 23   police, nous a dit que tant qu'il n'y aurait pas de Musulmans dans le poste

 24   de police de Stari Grad, il n'y aurait pas de policiers Musulmans à Pale.

 25   Q.  Et vous le comprenez et vous le voyez, la municipalité de Stari Grad a

 26   triché, n'a pas respecté cet accord qui disait que les Serbes seraient

 27   représentés au poste de police de la municipalité, mais laissons ceci de

 28   côté. Je poursuis la lecture du texte : 

Page 1255

  1   "L'agence 'SRNA' a démenti aussi ce qui a été diffusé à la télévision de

  2   Sarajevo hier soir, élément selon lequel les Musulmans qui travaillent à

  3   l'hôpital Kasindol, à proximité de Sarajevo, se seraient vu refuser l'accès

  4   à l'hôpital. Il n'y a que trois médecins qui travaillent à l'hôpital et ils

  5   travaillent 24 heures sur 24. Le directeur fait, par conséquent, appel à

  6   tous les membres du personnel pour qu'ils viennent se présenter au travail

  7   le plus vite possible."

  8   Est-ce que vous saviez que ceci avait été publié dans les médias ?

  9   R.  Non, je ne le savais pas, mais si vous me le permettez, j'aimerais

 10   apporter un commentaire au deuxième point. Le 15 mai - et je l'ai dit dans

 11   ma déclaration préalable - ce jour-là c'est le jour où les ouvriers

 12   musulmans de l'usine Koran n'ont pas été autorisés à entrer sur leur lieu

 13   de travail. Ils en ont été interdits par les gardes qui se trouvaient dans

 14   le hall d'entrée. On a laissé entrer les Serbes, mais on a interdit l'accès

 15   aux Musulmans. Moi, je n'allais pas à l'usine, mais il s'est fait que par

 16   hasard j'ai rencontré mon directeur. Je vous dis quand ça s'est passé.

 17   C'était juste après l'incident de Renovica. J'ai demandé à mon directeur,

 18   Milovoj Utaj [phon], je lui ai dit : Chef, est-ce qu'on est

 19   licencié ? Il m'a répondu : Non, mais je ne veux prendre aucun risque. Je

 20   ne veux pas que quelqu'un soit abattu par une balle dans le dos ici dans

 21   l'usine, pour des raisons -- c'est du chômage technique. Attendons.

 22   A ce moment-là, les Musulmans n'ont plus été autorisés à se rendre au

 23   travail. C'est donc un commentaire à propos de l'hôpital de Kasindol qui

 24   est repris ici dans la dépêche.

 25   Q.  Mais moi, je parle du 11 et du 15 avril. Vous, vous parlez de quelque

 26   chose qui est survenu en mai. Enfin, il faudra vérifier. Parce que si vous

 27   me dites quelque chose, je dois réagir, je dois présenter des éléments

 28   directement en vous posant la question ou en passant par un autre témoin.

Page 1256

  1   R.  Mais allez-y. Je suis ici à votre disposition. Posez-moi toutes les

  2   questions que vous voulez.

  3   Q.  Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement du document 1D862.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Gaynor ?

  6   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D29.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande également le versement du document

  9   1D828.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est ça…

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Crncalo, je vais maintenant faire une affirmation qui sera

 15   corroborée par des documents, et je vais vous poser une question pour

 16   obtenir votre réponse. J'affirme que les deux présidents de la municipalité

 17   et toute la municipalité ont agi de façon tout à fait responsable dans

 18   l'exercice de leurs fonctions, et ceci est vrai du troisième président,

 19   Milutinovic, que vous connaissez peut-être. Ils ont exercé leurs fonctions

 20   avec beaucoup de soin sans faire de distinction aucune ni de discrimination

 21   entre les Musulmans et les Serbes. Je parle des autorités, pas des

 22   individus.

 23   R.  Pour ce qui est de la période que j'évoque dans mes déclarations

 24   préalables, il y avait Starcevic, un jeune homme, je ne sais pas comment il

 25   s'appelle de son prénom. Jamais il n'a eu une parole dure à notre égard,

 26   mais il ne pouvait fournir aucune garantie non plus. Si on lui demandait

 27   qu'il nous rassure, il nous renvoyait voir Malko Koroman, le chef de la

 28   police. Et ce dernier disait : Oui, je crois qu'il serait préférable

Page 1257

  1   d'aller voir Starcevic pour lui poser les mêmes questions. Donc on était

  2   renvoyé de part et là. Et vous savez mieux que moi - ce n'est pas une

  3   question que vous devez me poser - vous savez que le pouvoir était entre

  4   les mains des membres de la cellule de Crise, sans doute. Ces deux hommes

  5   que je viens de mentionner n'ont jamais osé fournir de garantie.

  6   Q.  Monsieur Crncalo, le président de la municipalité n'est pas supérieur à

  7   la police. La police, elle est commandée par le chef de la police sous la

  8   tutelle du chef du poste de police, M. Koroman. Ce qui veut dire que le

  9   président de la municipalité, il dit : Allez voir les personnes compétentes

 10   dont ce sont les fonctions. Et ce M. Cvoro, au nom de la municipalité, il

 11   vous donne des garanties, il vous dit que tout va bien se passer.

 12   Mais je vous demande ceci : pourquoi est-ce que vous viviez dans la peur et

 13   pourquoi est-ce que vous estimiez que vous étiez vraiment très limité alors

 14   que vous étiez à 15 mètres du président de la république en temps de guerre

 15   ? Est-ce que vous n'auriez pas pu simplement me tuer ?

 16   R.  Mais écoutez, je ne suis pas un tueur. Je n'y ai même jamais songé. Et

 17   si vous parlez de restrictions, si vous parlez de peur, si vous aviez

 18   traversé Pale à pied et si, ce faisant, vous auriez vu ces jeunes hommes

 19   devenus vraiment fous, armés jusqu'aux dents avec des couteaux comme ça,

 20   torses nus, avec des brassards, des bandanas à la tête, ces jeunes hommes

 21   étaient en voiture décapotable, ils étaient armés de fusils automatiques.

 22   Mais écoutez, qui n'aurait pas peur d'eux ? Comment pouvez-vous affirmer

 23   qu'on ne vivait pas sous pression, dans la peur ? Quiconque affirme une

 24   telle chose n'a rien dans la tête.

 25   Q.  Mais est-ce que c'étaient des gens de Pale ou c'étaient des étrangers ?

 26   R.  Mais vous savez quelle est la taille de Pale. Moi, je ne peux pas

 27   connaître le moindre de ses habitants. Un soir, un de mes collègues de

 28   travail était en patrouille. Celui qui travaillait avec lui s'est avancé

Page 1258

  1   sans doute pour m'arrêter, et mon collègue lui a dit : Ne touchez pas à cet

  2   homme. C'est un homme du village, c'est un homme qui est tranquille. Je

  3   venais juste d'aller chercher des cigarettes, et de retour chez moi, j'ai

  4   dit à ma femme : Ecoute, j'ai presque été arrêté et on m'a presque emmené

  5   là.

  6   Q.  Monsieur Crncalo, est-ce que nous sommes de races différentes ? Si

  7   quelqu'un nous regarde, est-ce qu'il peut faire la différence et peut dire,

  8   l'un est Serbe et l'autre est Musulman ?

  9   R.  Ecoutez, vous êtes du Monténégro; moi, je suis de Bosnie. Mes parents,

 10   mes grands-parents et mes arrière-grands-parents, ils sont nés et ils sont

 11   morts en Bosnie. Ils ont toujours vécu en paix avec leurs voisins serbes.

 12   Jamais il n'y a eu de tension ni de friction. Et les gens préféraient ou

 13   étaient plus attentifs à aider un voisin serbe qu'un voisin musulman. Leur

 14   porte était toujours ouverte aux voisins serbes. Ils étaient mieux reçus

 15   que les voisins musulmans, et tout ceci, jusqu'au moment où sont apparus

 16   ces partis politiques. Et maintenant, vous parlez d'une différence dans

 17   l'aspect, mais il est impossible de discerner l'un de l'autre. Mais on ne

 18   peut jamais dire ce qui est caché à l'intérieur non plus.

 19   Q.  Ecoutez, il faut se dépêcher si vous ne voulez pas revenir la semaine

 20   prochaine. Ce que je veux dire c'est que s'il y avait des soldats qui

 21   revenaient du front ou qui allaient au front, ce n'est pas écrit sur votre

 22   front que vous êtes Musulman, et même si c'est vrai, on ne sait pas si un

 23   Musulman aurait été tué à Pale par un de ces soldats --

 24   R.  Enfin, pas dans la rue, mais dans la prison ils l'ont été.

 25   Q.  Ecoutez, revenons au 6 avril pour aller jusqu'au 12 juin. A ce moment-

 26   là, à Pale, il y a au moins autant de réfugiés que d'habitants du lieu, et

 27   nous avons vu que la municipalité faisait de son mieux pour nourrir ces

 28   gens, pour limiter au maximum les activités régulières des profiteurs de

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  1   guerre, la contrebande de nourriture également. On imposait des rations, on

  2   disait telle ou telle personne ne peut acheter qu'autant de choses. On

  3   essayait d'éviter une envolée des prix, et on avait même chargé une société

  4   de s'occuper de la vente de produits alimentaires.

  5   Puis des armes ont été données, d'autres pas. Pourquoi le sait-on ? Il y

  6   avait le "hodzja" kliva [phon] qui l'a reconnu. Après certaines

  7   arrestations, la police savait combien il y avait d'armes. Au cours de

  8   cette deuxième vague, la police a coopéré avec l'armée pour obtenir ces

  9   armes et à Renovica --

 10   M. GAYNOR : [interprétation] Est-ce que l'accusé pourrait poser une

 11   question.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, arrêtez de faire des discours.

 13   Posez une question. Parce que si vous avez une thèse à présenter, faites-le

 14   de façon succincte. Poursuivez.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce qu'il y avait des réfugiés, combien y en avait-il ? Est-ce qu'il

 18   y avait autant de réfugiés que d'habitants de Pale?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce qu'il y a eu rationnement des produits alimentaires et est-ce

 21   qu'on a interdit une surenchère des prix de la part des profiteurs de

 22   guerre ?

 23   R.  Je peux vous dire ce qui est arrivé à une femme serbe de Dobrinja, elle

 24   était venue à Pale. Elle avait 250 grammes de margarine dans une main, puis

 25   2 ou 3 kilos de pommes de terre dans l'autre. Je lui ai demandé : Où est-ce

 26   que tu as acheté ça ? Elle m'a dit : Je ne l'ai pas acheté, on me l'a

 27   distribué. Alors comment est-ce que je vais pouvoir survivre avec rien que

 28   ça, ça doit me durer toute une semaine, quand on a 250 grammes de margarine

Page 1260

  1   et 2 kilos de pommes de terre ?

  2   Q.  C'était une Serbe ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Très bien. Lorsqu'il y a eu un premier appel à la restitution des

  5   armes, est-ce qu'il y a eu une certaine quantité d'armes qui l'ont été ?

  6   R.  Je sais que dans la ville de Pale, en l'espace de deux heures, tout le

  7   monde s'est rassemblé et a restitué ses armes au poste de police, les a

  8   livrées là. Je ne peux pas vous dire ce qui s'est passé à Praca, à

  9   Renovica, à Podgrad, dans tous ces villages qui étaient plutôt en

 10   contrebas. Je vous ai dit ce que j'ai fait à Pale et comment je m'y suis

 11   déplacé.

 12   Q.  Mais vous avez confirmé qu'il y avait un ultimatum, que des gens

 13   avaient été tués et qu'après la mort de ces policiers, Malko Koroman a

 14   dressé un ultimatum à la télévision avec les larmes dans les yeux, et puis

 15   à ce moment-là, il y a eu deuxième vague de restitution d'armes ?

 16   R.  Oui.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je sais que vous êtes pressé, que vous

 18   vous dépêchez, mais n'oubliez pas le dur labeur des interprètes.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je tiens à

 22   manifester tout le respect que j'ai pour les interprètes, je m'excuse. Je

 23   crois qu'ils comprennent aussi dans quelle situation je me trouve moi.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Nous savons que les familles ont souffert, qu'il y a ces quatre

 26   personnes qui ont été tuées, d'autres ont pris la fuite. Leurs biens ont

 27   été saisis, leurs maisons incendiées, leur bétail saisi, puis on a Zlovrh,

 28   n'est-ce pas, 40 morts ?

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  1   R.  Où ça se trouve Zlovrh ?

  2   Q.  Mais vous savez, c'est cet incident au cours duquel ils ont été tués à

  3   Zepa au cours d'une embuscade. Ils avaient été pris dans un piège. Même si

  4   on leur avait dit qu'il leur était possible de prendre de la nourriture, de

  5   l'emmener à l'équipe qui était au répétiteur qui, d'ailleurs, nous

  6   desservait tous. Et c'est à ce moment-là que vous m'avez vu, c'est là

  7   Zlovrh.

  8   R.  Vous me permettez un commentaire ? Un combattant serbe a dit à la

  9   télévision alors qu'il était en hélicoptère et qu'il allait de Zepa à Pale,

 10   je peux vous dire ce qu'il a dit ?

 11   Q.  Ecoutez, répondez à ma question, sinon vous allez rester ici la semaine

 12   prochaine aussi. Je crois qu'il est préférable que vous vous borniez à

 13   répondre à ma question.

 14   En tout cas, c'est dans cette situation que le président de la

 15   municipalité, Radislav Starcevic - et il y avait aussi Slobodan Kacevic 

 16   [phon], c'était l'homme qui l'avait précédé, puis il n'a plus supporté la

 17   situation, ce qui fait qu'il a abandonné le poste qu'il avait occupé. Mais

 18   c'est lui qui a rédigé ce document qui porte le numéro 1D833, que

 19   j'aimerais qu'on affiche à l'écran maintenant. Nous avons reçu le document

 20   sur nos écrans. Il s'agit de la date du 12 juin 1992. Donc après tous ces

 21   événements, le président de l'assemblée municipale à Pale écrit au

 22   secrétaire du Parti démocratique serbe de Pale : 

 23   "En sa qualité de président de l'assemblée municipale, je m'adresse à

 24   vous pour vous demander de convoquer d'urgence le comité principal du SDS

 25   de Pale pour prendre une position de façon générale de la part du parti

 26   pour ce qui est des départs des personnes non-serbes du territoire de la

 27   municipalité de Pale : 

 28   "Je précise qu'au cas où le comité principal ne se réunirait pas, il

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  1   devrait se réunir le plus tôt possible afin que l'assemblée municipale

  2   puisse siéger le 18 juin 1992."

  3   Alors, je vais vous aider brièvement. M. Starcevic se doit de demander une

  4   réunion sans attendre les sessions régulières, parce que les activités du

  5   Parti démocratique serbe étaient gelées parce qu'il ne sait pas que faire

  6   au niveau de ces départs de gens. Vous voyez ce document ?

  7   R.  Oui, je le vois.

  8   Q.  Donc M. Starcevic a fait cela pour réagir à l'égard des autorités de

  9   l'Etat, et ce, suite à une réunion avec vous, les représentants de la

 10   communauté musulmane et leur requête. Donc il demande à ce que la chose

 11   soit surmontée de façon institutionnelle, n'est-ce pas ?

 12   R.  Je vois le document maintenant. Je ne l'avais pas vu à l'époque. Mais

 13   ce que je sais c'est que nous n'avions pas demandé à partir. Nous avions

 14   demandé une sécurité pour ce qui était de pouvoir survivre au niveau de la

 15   municipalité de Pale.

 16   Q.  Mais entre-temps, après tous ces événements de crise, Monsieur Crncalo,

 17   vous avez demandé - et on a le document - vous aviez demandé à ce que l'on

 18   vous rende possible le lieu de séjour, non pas de résidence. Vous avez

 19   raison à cet effet. Et je demanderais à tout un chacun d'accepter la

 20   différence. Il y a lieu de séjour et lieu de résidence. Résidence c'est

 21   permanent; séjour c'est temporaire. Et M. Crncalo a raison. Ils avaient

 22   demandé de changer le lieu de séjour, et non pas le lieu de résidence.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce que 1D833 soit versé au

 24   dossier.

 25   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais qu'est-ce que vous répondez,

 27   Monsieur Crncalo ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avions demandé à rester à Pale, dans nos

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  1   maisons, pour continuer à vivre là nous avons vécu, mais on nous a dit que

  2   cela ne pouvait pas se faire. A la dernière des réunions, on nous a dit

  3   qu'on ne pouvait pas rester dans nos maisons.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   Une cote ?

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera, Monsieur le Président, la pièce

  7   D30.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Je vous rappelle qu'il y a aussi le 1D832, où l'on répond à votre

 10   demande de partir. Donc il n'en est pas tout à fait ainsi.

 11   R.  C'est dommage que l'on n'ait pas pu filmer à la caméra la réunion de

 12   feu Koljevic avec nous, parce que vous pourriez voir alors si oui ou non

 13   c'était le cas. Je n'étais présent.

 14   Maintenant, j'ai demandé à quelqu'un d'ici de ramener tout ce que ces

 15   gens et les membres de la délégation qui m'ont accompagné, et tous vont

 16   proférer les mêmes propos que moi maintenant.

 17   Q.  Je demande une petite intervention au niveau du compte rendu page 77,

 18   ligne 7. Oui, oui, c'est bien la bonne pièce, le 1D832. Oui, on vous a donc

 19   autorisé -- non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit. C'est faux. On vous a

 20   répondu qu'il n'y avait pas de nécessité de partir pour vous, et votre

 21   demande était celle de partir. Et on a dit qu'on ne vous avait pas autorisé

 22   à partir, mais encouragé à rester. Il s'agit de la date du 11 avril ici.

 23   R.  Moi, j'ai vécu tout ce que vous êtes en train de me commenter ici. Vous

 24   ne pouvez pas nous convaincre du fait que nous étions partis de notre plein

 25   gré. Vous allez nous comprendre que nous étions de notre plein gré devenus

 26   des misérables. Qu'est-ce qu'on a pu emporter ? On a pu emporter que des

 27   sacs dans nos mains. Tout le reste est resté. Tous nos biens sont restés.

 28   Personne n'a demandé : Qu'adviendra t-il de vos voitures, de vos maisons ?

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  1   On nous a dit : Quittez vos maisons et prenez ce que vous pouvez

  2   emporter avec vous. C'est ça de plein gré, comme vous le pensez ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, on y viendra. Vous

  4   avez bien fait d'entamer cette question. Monsieur Karadzic, allons de

  5   l'avant. Je crois que nous avons déjà suffisamment parlé de ceci lorsque

  6   vous avez montré le document au témoin. Passons au sujet suivant.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre le 1D834.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Entre-temps, je tiens à vous rappeler, Monsieur Crncalo, le paragraphe

 10   67 de votre déclaration consolidée où vous êtes en train de dire :

 11   "Un certain nombre de fois, nous nous sommes entretenus avec le chef

 12   de la police et le président de l'assemblée municipale. Lorsque le premier

 13   convoi est parti en direction de Sarajevo, un jour ou deux après être

 14   partis voir le président de l'assemblée municipale pour lui demander, une

 15   fois de plus, ce qui c'était passé avec ces gens. Pourquoi ces gens-là

 16   devaient-ils s'en aller ? Qu'avez-vous donc fait à ces gens ?" Et vous,

 17   vous dites que vous avez dit : "Ils doivent avoir enfreint la loi d'une

 18   façon quelconque. Ils doivent avoir fait quelque chose de contraire à la

 19   loi."

 20   Et c'est ce que vous nous dites qu'on vous a répondu. Alors, j'attire

 21   votre attention sur le document 1D834 qui se trouve justement sur nos

 22   écrans. On a vu que le 12 juin, le président a informé qu'il pouvait

 23   convoquer une réunion pour la date du 18, donc six jours plus tard. C'est

 24   un PV de la réunion de cette assemblée municipale de Pale. Je me propose de

 25   donner lecture du troisième paragraphe : 

 26   "D'abord, ça a été présidé par le président de l'assemblée

 27   municipale, Radislav Starcevic."

 28   Alors, on dit :

Page 1265

  1   "Avant que de passer à l'ordre du jour proposé, les députés de

  2   l'assemblée municipale de Pale et les autres personnes présentes ont rendu

  3   leur hommage par une minute de silence à ceux qui sont tombés à Zepa et qui

  4   étaient des combattants venus de Pale."

  5   Ensuite, on parle de l'ordre du jour, au point numéro 1, situation

  6   sécuritaire sur le territoire de la municipalité, avec des petits alinéas

  7   en dessous. Deuxièmement, prise de position de la part de l'assemblée

  8   municipale au sujet du départ des personnes non-serbes du territoire de la

  9   municipalité de Pale. Maintenant, j'aimerais qu'on passe à la page d'après.

 10   Premièrement, il est question de la situation sécuritaire et rapport du

 11   commandement de la brigade. Puis paragraphe 2, on dit que :

 12   "Les combattants ont reproché - les combattants qui ont été

 13   mobilisés, ils sont allés à Sarajevo et ils disent qu'ils sont traités

 14   comme des citoyens de deuxième ordre. Ils ont fui Sarajevo, ils ont quitté

 15   leurs beaux appartements et sont restés sans rien. On les a collés dans des

 16   unités, et leurs familles et eux sont considérés comme étant des citoyens

 17   de deuxième ordre."

 18   Donc ils ont ressenti la chose comme vous, mais la municipalité ne pouvait

 19   pas faire mieux, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je ne sais pas comment ils se sentaient. Je sais comment je me sentais,

 21   moi.

 22   Q.  Je veux bien, mais vous voyez que pour eux aussi, c'était dur, les

 23   Serbes de Sarajevo, les temps étaient durs pour eux aussi.

 24   Point 7, l'avant-dernière page. A l'alinéa 1, article -- point 7, plutôt,

 25   il est dit que : 

 26   "Dans ces temps de guerre, il convient d'empêcher de façon énergique

 27   toute forme de criminalité et toute apparition de profiteurs de guerre, et

 28   engager à cet effet le poste de sécurité publique de Pale, tout comme les

Page 1266

  1   inspections municipales compétentes en la matière."

  2   C'est le point 7 -- ou plutôt, l'alinéa 1 du point 7, et la

  3   conclusion numéro 7. Deuxièmement, et maintenant, on y arrive, les départs

  4   : 

  5   "Au sujet du problème des départs du territoire de la municipalité de

  6   gens du groupe ethnique musulman, au début du débat afférent à ce sujet,

  7   les opinions des députés ont été partagées du point de vue des modalités et

  8   de la justification des départs.

  9   "Le député Kljajic Obrad a estimé que le gouvernement devrait d'abord

 10   prendre des décisions en la matière, et qu'ensuite la municipalité se

 11   conforme à la décision telle que prise.

 12   "Arsen Jugovic a été d'opinion que tous ceux qui ont trouvé des

 13   échanges et signé des contrats d'échange devaient recevoir l'autorisation

 14   de s'en aller.

 15   "Une autre possibilité a été prévue pour ce qui est des départs par

 16   le biais de la FORPRONU aux fins d'échanges.

 17   "Gazivoda Milorad a fait une proposition constructive pour faire en

 18   sorte que les départs se fondent sur un principe de volontariat.

 19   "Les présidents de l'assemblée et du conseil exécutif ont fait des

 20   reproches pour ce qui est des activités du poste de sécurité publique à cet

 21   effet, étant donné que celle-ci a participé à une tentative d'organisation

 22   des départs des Musulmans sans qu'il y ait une décision politique en ce

 23   sens, et qui s'est passée sans le consentement des structures officielles

 24   du pouvoir. Pour cette raison-là, les tentatives en question ont été

 25   stoppées.

 26   "Aux fins de ne pas élargir davantage le débat, l'assemblée

 27   municipale a proposé que le groupe de travail formule un projet de

 28   décisions relatif au départ des personnes du groupe ethnique musulman et

Page 1267

  1   croate, et de faire en sorte qu'il y ait de mis en exergue le principe de

  2   départ organisé et de plein gré desdites personnes du territoire de la

  3   municipalité.

  4   "Et on a proposé un tel, un tel, un tel pour faire partie de ce

  5   groupe."

  6   M. GAYNOR : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Gaynor.

  8   M. GAYNOR : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection pour ce qui

  9   est du versement au dossier de ce document. Mais nous n'avons plus que 30

 10   minutes à notre disposition, et ce qui me préoccupe, c'est de voir qu'on

 11   donne lecture de tout ceci et le temps qu'on prend. Je me demande si

 12   j'aurai le temps de poser mes questions supplémentaires, et si on aura le

 13   temps de finir aujourd'hui.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   Monsieur Karadzic, on peut, en effet, vous laissez lire, mais posez

 16   votre question. Et je voudrais que vous en finissiez avec votre contre-

 17   interrogatoire dans une quinzaine de minutes.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, j'avais compté aller

 19   jusqu'à deux heures moins le quart.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Crncalo, ma question : est-ce qu'il y a eu une tentative

 22   que les autorités ont stoppé et on a essayé de réglementer la chose par des

 23   décisions prises par l'instance compétente ? Alors, est-ce que vous le

 24   saviez ou pas ?

 25   R.  Je ne le savais pas. Mais j'étais au courant d'autres choses.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce document soit versé au

 28   dossier, 1D834, et je voudrais qu'on nous montre le 1D835 pour accélérer

Page 1268

  1   quelque peu.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Afin de ne pas vous faire revenir, Monsieur.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction D31.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Je vais expliquer pendant que nous attendons nos écrans. Alors, il

  8   s'agit d'une décision qui est datée de la date d'après, du 19 juin. Le

  9   maire, Starvevic Radislav, partant de ce que l'assemblée municipale a pris

 10   comme décision ou comme conclusion, rend une décision ou rédige une

 11   décision. Alors, il s'agit d'une décision des modalités de changement de

 12   lieu de séjour de citoyens du groupe ethnique musulman. On ne parle pas de

 13   résidence, on parle de séjour. Et cela fait partie de la législation qui

 14   est la nôtre. Je tiens à informer les Juges de la Chambre que cela diffère

 15   de ce qui est un départ définitif. C'est un changement séjour. Alors :

 16   "Les Musulmans et les Croates qui souhaitent changer leur lieu de

 17   résidence," je ne vais pas donner lecture du reste. Est-ce que vous étiez

 18   au courant ?

 19   R.  Ça, je n'en étais pas au courant. Mais qu'entendez-vous par "départ ?"

 20   Pour nous, c'était une déportation, une expulsion de la population de leurs

 21   maisons.

 22   Q.  S'agissant de telles constatations, Monsieur Crncalo, je vais demander

 23   à ce que vous restiez la semaine prochaine, parce que ce n'est pas exact.

 24   R.  Bien, que je le reste un an encore, s'il le faut.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, je ne peux pas sauter les autres

 26   documents, Vos Excellences. Je peux passer au sujet de la protection des

 27   biens et qu'est-il advenu des biens que les Musulmans ont laissés à Pale.

 28   Mais il y a tant de choses qui sont en suspens pour ce qui est des sujets à

Page 1269

  1   aborder avec ce témoin que je ne peux pas les laisser de côté. Je vais, par

  2   exemple, demander à ce que le 835 --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la pièce à conviction ou le

  4   numéro de pièce à conviction qu'on va avoir maintenant ?

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce

  6   D32.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais le 1D844, il s'agit d'une pièce

  9   à conviction P11231.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Avant que ce document ne s'affiche, je vois un autre document, 775.

 12   C'est un document qui date du 2 juillet 1992 dans lequel nous lisons :

 13   "Contrat : Suleman Crncalo et son épouse font don de leur maison à

 14   Pale," sise dans telle et telle rue, "à Dragica Subotic" habitant telle et

 15   telle rue. Est-ce que vous contestez que ceci vient bien de vous ?

 16   R.  Je ne le conteste pas, non. J'ai signé ce document, mais je l'ai

 17   signé sous la contrainte.

 18   Q.  Bien. Il va nous falloir préciser tous les détails à ce sujet. Donc,

 19   affichage du 1D845, je vous prie.

 20   Monsieur Crncalo, ce document est un contrat qui porte sur un échange

 21   temporaire de biens et cet échange est temporaire, parce que le

 22   gouvernement a interdit toute transaction immobilière commerciale pendant

 23   la durée de la guerre et qu'en avril, cette mesure était en vigueur. Le

 24   gouvernement a donc fait interdiction temporaire de réaliser toute

 25   transaction commerciale immobilière, parce que ces transactions risquaient

 26   de ne pas être honnêtes. Ce document est écrit à la machine à écrire ou à

 27   l'ordinateur, je cite :

 28   "Sulejman et Taib Crncalo," ensuite, il y a un mot un peu difficile à

Page 1270

  1   lire dans l'original; dans la version anglaise, c'est mieux, "échange une

  2   maison, lieu de résidence ainsi que des bâtiments annexes et le terrain

  3   environnant avec Dragica Subotic."

  4   Et à l'article 4, au paragraphe 4, nous lisons, je cite :

  5   "Les parties contractantes s'engagent par la présente à  utiliser et à

  6   veiller à l'entretien de la propriété de façon temporaire jusqu'à la fin de

  7   la guerre, tant que les conditions d'une ville normale ne sont pas

  8   rétablies, et à ce moment-là, le statut définitif de la propriété et de ce

  9   contrat seront résolus par voie d'accord avec consentement obligatoire des

 10   deux parties contractantes."

 11   Ensuite, article 5, je cite :

 12   "Les parties contractantes prennent possession de la propriété faisant

 13   l'objet du présent contrat et s'engagent à en assurer l'entretien dans les

 14   conditions actuelles et à respecter toutes les obligations qui seront à

 15   accomplir avant la conclusion d'un accord définitif."

 16   Donc c'est un contrat qui a été mis par écrit de façon dactylographiée à

 17   votre attention, et signé par votre frère Taib et par vous, également. Nous

 18   voyons votre signature ici. Il a été signé également par Dragica Subotic.

 19   Elle a signé en utilisant l'alphabet cyrillique, vous avez signé en

 20   utilisant l'alphabet latin. Donc il n'y a pas eu coercition, il n'est pas

 21   question d'échange permanent. Sur la base de ce contrat, à la fin de la

 22   guerre, vous pouviez à tout moment déclarer : Rendez-moi ma propriété,

 23   rendez-moi mon bien.

 24   R.  N'importe qui qui refuse de signer un tel contrat n'avait qu'à remettre

 25   les clés de sa maison à la police et être emmené au poste de police.

 26   Q.  Donnez-moi un exemple.

 27   R.  Bien, c'est le type de renseignements qui circulait parmi la

 28   population.

Page 1271

  1   Q.  Qui était à l'origine de ces renseignements ?

  2   R.  Bien, je vous ai dit ce qui se passait, des hommes qui passaient d'une

  3   maison à la suivante, Jovan Skobo et d'autres, vous avez nié que tel était

  4   le cas, lorsque j'ai parlé de cela il y a quelques instants.

  5   Q.  Nous avons des éléments de preuve relatifs à cela également. Vous êtes

  6   en train de parler de l'action des autorités de l'Etat en ce moment-là;

  7   donc autorité de l'Etat qui vérifie la validité de votre contrat. Et vous

  8   voyez qu'il n'est pas question de vous laisser procéder à l'échange de

  9   votre bien immobilier, parce que le gouvernement a interdit la vente de

 10   tout bien immobilier pendant toute la durée de la guerre. Cet exemplaire du

 11   contrat est également à la disposition de l'Accusation puisqu'il a été

 12   versé au dossier, 1D845.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document suivant avait quelle cote --

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D33, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et ce contrat, c'est…

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Excusez-moi, ce contrat constitue la

 17   pièce D33. Quant à la pièce précédente, il s'agissait de la pièce P735.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc le document 844 devient la pièce --

 19   quelle est sa cote ? Nous ne l'avons pas encore

 20   confirmé…

 21   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que ce document a également

 23   été versé au dossier, le témoin l'a confirmé. Donc il s'agit de la pièce

 24   D33 et le contrat devient la pièce D34.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. C'est exact. A la nuance près que cet

 27   extrait du registre municipal a été reconnu par le témoin et que

 28   l'Accusation est également en possession de ce document en tant que pièce à

Page 1272

  1   conviction.

  2   Alors, je demande l'affichage du document 1D834, je n'en demanderai pas le

  3   versement au dossier pour le moment. Je souhaite simplement soumettre ce

  4   contrat à l'autre partie contractante, il est question de la même

  5   transaction. Donc document 843.

  6   M. GAYNOR : [interprétation] Je dis, d'ores et déjà, que nous avons une

  7   objection par rapport au versement au dossier de cette déclaration. Elle ne

  8   respecte pas les dispositions des articles 92 bis ou 92 ter du règlement.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai aucune intention de demander le

 10   versement au dossier de ce document. Je souhaite simplement confronter M.

 11   Crncalo à la déposition de l'autre partie contractante. Le cas échéant,

 12   nous en demanderons le versement au dossier par la procédure qui s'impose.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Donc page 2, vous voyez qu'il s'agit d'une déclaration émanant de Miro

 15   Subotic. Le prénom de son père est Milanko, et il est le fils de Dragica

 16   Subotic avec laquelle vous avez conclu l'accord dont nous parlions il y a

 17   un instant. Il déclare dans ce document après avoir fourni un certain

 18   nombre de détails permettant de l'identifier, que la famille était en

 19   possession d'une maison à Pofalici qu'elle a abandonnée après l'attaque due

 20   aux forces armées musulmanes contre Pofalici, en mai 1992, je cite :

 21   "Après avoir été expulsés de notre maison, nous avons fui vers Pale en

 22   prenant des routes secondaires et des chemins, et en passant par Zuc et

 23   Rajlovac."

 24   Vous savez que plus de 350 Serbes ont été tués à ce moment-là à Pofalici.

 25   Je n'attends pas de vous une réponse. Je poursuis la lecture, je cite :

 26   "A Pale, nous avons trouvé à nous loger dans une résidence secondaire qui

 27   appartenait à un membre de notre famille, qui avait également été contraint

 28   de fuir leur domicile à Sarajevo."

Page 1273

  1   "Nous sommes restés dans cette maison un mois, à peu près, parce que ma

  2   mère, Dragica, a découvert qu'un échange était possible à ce moment-là

  3   entre des membres de la population locale et ceux qui avaient fui Sarajevo.

  4   Les Musulmans considéraient Sarajevo comme une ville idéale, un peu comme

  5   les Serbes considéraient Belgrade."

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes vous demandent de

  7   ralentir un peu votre lecture à partir du moment où vous avez dit : "Ma

  8   mère a rencontré Taib Crncalo…"

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Mais croyez-moi, je ne peux

 10   pas laisser ce genre de choses en suspens, comme c'est le cas actuellement,

 11   et nous sommes très largement pressés par le temps.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Je cite :

 14   "Le lendemain, en compagnie de ma mère, je suis allé voir Taib qui était

 15   accompagné par son frère Sulejman, et là sur place nous avons convenu

 16   d'échanger nos maisons. Le même jour, nous sommes allés à la mairie de Pale

 17   où nous avons signé un accord relatif à cet échange. C'était le 2 juillet

 18   1992. Il y avait beaucoup de monde dans le bâtiment de la mairie ce jour-

 19   là, parce que de nombreux citoyens étaient en train de rédiger et de faire

 20   vérifier des contrats similaires au nôtre, qui portaient sur des échanges

 21   de biens immobiliers. La maison que nous avons reçue pour utilisation

 22   temporaire se trouvait au numéro 1316 de la rue des Brigades musulmanes et

 23   était la propriété des frères Taib et Sulejman Crncalo de Pale.

 24   "Le contrat soussigné oblige les deux parties à prendre connaissance

 25   des dispositions présentes dans le contrat original portant sur les

 26   échanges qui figurent en annexe de ce document.

 27   "Les frères Taib et Sulejman, en même temps qu'un grand nombre de

 28   leurs concitoyens, ont quitté Pale de façon organisée à bord d'autobus dans

Page 1274

  1   le cadre d'un convoi probablement le même jour. Ils sont tous partis

  2   volontairement à leur propre demande et sans avoir subi le moindre mauvais

  3   traitement.

  4   "J'ai personnellement aidé Taib et Sulejman à rassembler leurs

  5   affaires avant de monter dans l'autocar. Nous nous sommes séparés en bons

  6   termes, et les allégations de Sulejman auxquelles vous m'avez confronté

  7   selon lesquelles ils ont été menacés et contraints de quitter leur maison

  8   sont contraires à la vérité."

  9   Je vous ai lu cela, car je ne vais pas demander le versement au dossier de

 10   ce document. Je cite :

 11   "Mon frère et les autres membres de notre famille sont partis avec ma mère

 12   pendant la guerre. Après la guerre" --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je pense que vous

 14   pouvez poser une question au témoin à présent pour lui demander s'il

 15   confirme ces événements ou s'il est au courant.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce que Miro Subotic vous a aidé à faire vos bagages avant de monter

 18   dans l'autocar ?

 19   R.  Je ne sais pas s'il a aidé mon défunt frère. Il ne m'a certainement pas

 20   aidé moi. Mais il n'était pas là, il n'était pas présent lorsque nous avons

 21   signé ce contrat portant sur l'échange de maisons. Il ne nous a même pas

 22   accompagnés sur le chemin.

 23   Q.  Il y a une erreur d'interprétation.

 24   Vous n'avez pas dit qu'il avait aidé votre frère ?

 25   R.  J'ai dit que je n'avais pas pu voir s'il avait aidé mon frère, mais

 26   qu'il était certain qu'il ne m'avait pas aidé moi.

 27   Q.  Mais la première fois sa mère était seule. Le lendemain, il est venu

 28   vous voir, vous et Taib. Donc nous avons raison tous les deux. La première

Page 1275

  1   fois il n'était pas présent; la deuxième fois, il l'était ?

  2   R.  Nous ne pouvons pas avoir raison tous les deux.

  3   Q.  Il y a eu deux rencontres ?

  4   R.  Avec mon défunt frère et Dragica, je suis allé à la mairie. Il était

  5   là-bas, mais il n'avait encore rien signé. Sa mère avait signé.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Crncalo, un paragraphe dont

  7   l'accusé n'a pas donné lecture se lit comme suit :

  8   "Ma mère a rencontré Taib Crncalo devant sa maison à lui à l'entrée de

  9   Pale, c'était un quartier dont la population était majoritairement

 10   musulmane, grâce à l'arrivée de Musulmans provenant de Sarajevo qui avaient

 11   déjà procédé à des échanges de maisons. Là, elle," il est question de sa

 12   mère, "elle a conclu un accord verbal avec Taib au sujet de l'échange de

 13   biens immobiliers entre eux. Cette maison était la propriété de Taib et de

 14   Sulejman." Ceci est-il   exact ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Terminez votre contre-interrogatoire en cinq minutes.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Crncalo, il n'y avait aucun policier présent. Vous étiez seul

 20   tout le temps. Il n'y avait aucun représentant officiel des autorités

 21   lorsque vous avez négocié cet accord ?

 22   R.  Il y avait un policier présent sur la route lorsque nous nous sommes

 23   avancés vers les autocars.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Affichage du document 1D850, je vous prie.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Pendant que nous attendons l'affichage, je vais vous dire quelle est la

 27   nature de ce document. Les autorités municipales de Pale, en date du 14

 28   juillet, c'est-à-dire 12 jours après la signature de votre contrat, ont

Page 1276

  1   pris une initiative. Et on peut lire au niveau de la conclusion dans ce

  2   texte :

  3   "Sans perdre de vue que la commission centrale et les sous-commissions

  4   chargées d'établir les listes et d'enregistrer les biens meubles et

  5   immeubles appartenant à des citoyens d'appartenance ethnique non-serbe qui

  6   ont fui le territoire de la municipalité n'ont pas totalement achevé leur

  7   travail, il y a eu des vols et des abandons illégaux de propriétés. Le

  8   conseil exécutif n'a pas admis ce qui était écrit dans le rapport des

  9   commissions susmentionnées et a conclu à la nécessité de créer une

 10   commission d'enquête qui elle sera chargée de la mission suivante :

 11   "1. Etudier la situation des biens immobiliers appartenant à des non-Serbes

 12   et faire l'état des lieux de la situation logement par logement.

 13   "2. Mettre les scellés sur tout bâtiment destiné à l'habitation ou bâtiment

 14   annexe qui a été abandonné et n'a pas changé de propriétaire par voie de

 15   contrat légal et charger une personne compétente d'empêcher tout

 16   endommagement de ces bâtiments."

 17   Vous pouvez lire le reste du texte. Je n'ai plus de temps pour poursuivre

 18   la lecture. Je tiens beaucoup à conclure. Au milieu de la guerre, au milieu

 19   de tous ces problèmes avec les réfugiés, les pénuries, et tout le reste, la

 20   municipalité n'a pas été satisfaite du travail de la commission et décide

 21   en lieu et place de celle-ci de créer une commission de vérification, une

 22   commission d'enquête chargée de protéger les biens appartenant à des non-

 23   Serbes. Que dites-vous face à cela ?

 24   R.  Je tiens à m'adresser aux Juges de la Chambre. Pourquoi est-ce que vous

 25   me lisez tout cela ? Qui a quitté la municipalité  et qui a quitté ma

 26   maison ? Quel genre de commentaire est-ce que vous voulez que je fasse ? Je

 27   n'ai aucun commentaire à faire.

 28   Q.  Mais vous avez abordé ce sujet.

Page 1277

  1   Alors, ma dernière question, j'y arrive. Je n'ai plus de temps, n'est-ce

  2   pas ? J'ai peut-être le temps pour encore une question.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Crncalo, combien de Musulmans vivaient dans la municipalité de

  5   Pale ? Il y en avait 4 500 à 5 000; c'est bien cela ?

  6   R.  33 %, c'était le pourcentage. Et selon les listes du recensement que

  7   j'ai eues sous les yeux, ils étaient environ 5 000.

  8   Q.  Je vous remercie. Combien de Musulmans ont quitté Sarajevo, 1 042,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Bien, c'est le nombre de Musulmans qui a quitté certains quartiers de

 11   la municipalité de Pale et de Renovica, certains quartiers de la

 12   municipalité de Pale, oui. Les autres vivaient dans les environs de

 13   Sarajevo et sont tous partis.

 14   Q.  Document 1D836, à présent. Ce document 1836 est un rapport qui date du

 15   6 juillet 1992 et qui traite de la vérification des lieux de résidence

 16   temporaires des Musulmans et des Croates après leur départ de la

 17   municipalité de Stari Grad. Vous avez dit vous-même qu'il y avait un

 18   certain nombre de municipalités environnantes. Et la conclusion, ou plutôt,

 19   ce que stipule ce rapport c'est que jusqu'au 3 à peu près, donc jusqu'au 3

 20   juillet, 324 habitants sont partis à bord de cinq autocars, alors qu'avant

 21   cette date, le 1er juillet et le 2 juillet, ils avaient été 220. Donc le

 22   total est de 1 042 sur 5 000. Si on enlève 1 042 à 5 000, cela signifie que

 23   les trois quarts des Musulmans sont restés dans la municipalité de Pale,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Non, ceci n'est pas exact. Vos chiffres sont faux. Il ne pouvait pas y

 26   avoir autant d'habitants à Renovica. Il y a aussi les hameaux de Strane,

 27   Komrani et d'autres, tout cela ça constitue la partie urbanisée de la

 28   communauté locale de Renovica.

Page 1278

  1   Q.  Mais c'est bien un document official provenant de l'Etat que nous avons

  2   là ?

  3   R.  Bien, ce n'est pas un bon document.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document

  5   1D836 et je demande l'affichage du document 1D842.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  7   On me dit que le document précédent, c'était le document 1D844, est

  8   identique à une pièce à conviction de l'Accusation. Donc il n'y a pas

  9   nécessité de demander une nouvelle fois le versement de ce document à

 10   présent, les deux étant identiques. Le 1D845 devient la pièce D33 et le

 11   1D850 devient la pièce D34. Quant au document que nous examinons

 12   actuellement, le 1D836, il constitue déjà la pièce D35.

 13   Vous avez terminé, n'est-ce pas ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi l'examen d'un seul document

 15   encore. Je demanderais que soit présenté le document 1D829. Je ne vais pas

 16   le lire. C'est à propos de Pofalici et il s'agit ici du 17 mai. Il vient

 17   d'où Subotic est parvenu à un accord concernant l'échange, en tout cas,

 18   l'usage de certains biens avec M. Crncalo. Je vous rappelle le numéro

 19   concerné, 1D829.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous faites objection au versement de ce

 21   document ?

 22   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est versé au dossier et

 24   devient la pièce D36. Vous avez maintenant la possibilité de poser des

 25   questions supplémentaires au témoin.

 26   M. GAYNOR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Nouvel interrogatoire par M. Gaynor :

 28   Q.  [interprétation] Nous allons agir très rapidement --

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je voulais un document de plus.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lequel ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D830. Dans ce document -- il est en rapport

  4   avec le précédent, et on voit que la maison de Pofalici avait été détruite

  5   par une mine, et ceci correspond à ce que le témoin a dit dans sa

  6   déclaration. Nous parlons ici du 22 mai, un document qui montre qu'on a

  7   fait exploser des maisons serbes à Pofalici. Et je pense que je devrais

  8   abandonner le reste car je n'en ai plus le temps.

  9   M. GAYNOR : [interprétation] Pas d'objection, s'agissant de ce document-ci

 10   et par rapport à d'autres documents que l'Accusé n'a pas eu le temps de

 11   présenter.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, le document 1D830 est versé au

 13   dossier. Il devient la pièce D37.

 14   Vous avez la parole, Monsieur Gaynor.

 15   M. GAYNOR : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Au cours du contre-interrogatoire mené par M. Karadzic, il vous a posé

 17   des questions à propos d'un discours qu'il a tenu en juin 1992 à Pale et il

 18   a fait référence à ce que vous avez dit dans votre audition dans le procès

 19   Krajisnik à propos dudit discours. Il a fait valoir que pendant le procès

 20   Krajisnik vous n'avez pas dit un seul mot à propos de la teneur même du

 21   discours qu'il avait tenu. M. Karadzic a renvoyé à trois pages du compte

 22   rendu Krajisnik, 5 294,

 23   5 327 et 5 342. Je précise que la première page faisait partie du résumé

 24   donné par l'Accusation dans le procès Krajisnik concernant la déposition de

 25   ce témoin. Monsieur Crncalo, revenons à ce que vous disiez à la page 5 327

 26   du compte rendu Krajisnik. On vous avait déjà posé plusieurs questions

 27   auparavant à propos de la réunion où vous étiez allé, réunion avec Koroman

 28   et Koljevic. On vous a dit ceci :

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  1   Ligne 9 de la page 5 327 : "Lorsque vous dites" --

  2   "Question : Lorsque vous dites que 'après la fin mars,' vous parlez

  3   du moment où le gouvernement serbe est venu à Pale ou est-ce que vous

  4   parlez de la date de cette réunion, ou des deux ?

  5   "Réponse : Le gouvernement serbe s'était installé à Pale auparavant, avant

  6   cette réunion où est venu Nikola Koljevic. Je tire cette conclusion, parce

  7   que j'ai eu l'occasion de voir Krajisnik et Karadzic à Pale.

  8   "Question : En personne ou à la télévision ?

  9   "Réponse : Peut-être que là je suis un peu confus. Mais si j'ai dit

 10   'Krajisnik,' non. Je n'ai pas vu M. Krajisnik. J'ai vu M. Koljevic, c'est

 11   ça que je voulais dire. Il est venu assister à la réunion. Pour ce qui est

 12   de M. Karadzic, je l'ai vu devant la maison de la culture et c'est là qu'il

 13   a fait ce discours.

 14   "Question : Cette réunion était-elle antérieure ou postérieure à votre

 15   arrestation du 2 mars 1992 ?

 16   "Réponse : Postérieure. C'est après mon arrestation."

 17   Est-ce qu'à ce moment-là les questions portaient sur le contenu du discours

 18   fait par M. Karadzic pendant le procès Krajisnik ?

 19   R.  Mais qu'est-ce que vous me demandez exactement ?

 20   Q.  Ce que je veux dire, c'est que lorsque vous avez déposé dans le procès

 21   Krajisnik, les questions qui vous ont été posées concernaient le contenu

 22   même du discours tenu par M. Karadzic.

 23   R.  Non, personne ne m'a posé de questions à propos de cela.

 24   Q.  Prenons maintenant la page 5 342 du compte rendu du procès Krajisnik,

 25   ligne 5. À ce moment-là, on vous avait posé des questions sur la présence

 26   de paramilitaires serbes à Pale, et je cite :

 27   "Question : Je pense que vous avez dit auparavant qu'avant mai et juin le

 28   gouvernement de la Republika Srpska s'était installé à Pale. C'est là

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  1   qu'elle avait installé son siège. Savez-vous où il était ?

  2   "Réponse : Je pense que la station de télévision était près de la maison de

  3   la culture, et j'ai vu un jour M. Karadzic y faire un discours. Donc à en

  4   juger par tout cela, je dirais que ce siège se trouvait à la maison de la

  5   culture."

  6   Est-ce qu'à ce moment-là quelqu'un vous a demandé ce qu'avait dit

  7   exactement M. Karadzic dans son discours ?

  8   R.  Ecoutez, je ne m'en souviens pas et je ne me souviens pas qu'on m'ait

  9   posé la question pour savoir ce qu'il avait dit précisément. Peut-être que

 10   la question m'a été posée. Je ne sais pas. Je ne sais plus.

 11   Q.  Dernier sujet. Plusieurs questions vous ont été posées concernant la

 12   morgue où vous avez découvert le corps sans vie de votre femme et d'autres

 13   personnes qui avaient été tuées sur la place du marché de Markale.

 14   M. GAYNOR : [interprétation] Le greffier pourrait-il afficher le document

 15   de la liste 65 ter 10344, page 31 en B/C/S et page 35 en anglais.

 16   Q.  Monsieur Crncalo, regardez le document qui se trouve sur la partie

 17   droite de l'écran.

 18   R.  Oui, je vois.

 19   Q.  Savez-vous ce que représente ce document ?

 20   R.  C'est un extrait du rapport établi à l'hôpital suite à la mort de ma

 21   femme.

 22   Q.  Est-ce que vous connaissez la personne qui a signé ce document ?

 23   R.  Je ne connais pas ce monsieur, mais j'ai entendu dire que c'était un

 24   expert en médecine et qu'il s'appelait Ilijas Dobraca.

 25   Q.  Ce document porte la date du 28 août 1995, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, oui, c'est juste, et c'est ce jour-là qu'il y a eu le massacre à

 27   Sarajevo sur la place du marché de Markale, comme ça a été montré ici, et

 28   c'est dit ici, voyez, Markale II.

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  1   M. GAYNOR : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions

  2   supplémentaires. Je demande le versement de ce document qui fait partie des

  3   43 rapports d'autopsie établis suite à l'examen des 43 victimes de

  4   l'explosion sur le marché de Markale. Je demande le versement de tous les

  5   rapports d'autopsie qui sont présentés selon les mêmes modalités. Puis on

  6   précise évidemment la cause du décès en fonction de la personne, mais vous

  7   avez toujours la même forme.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez des objections, Monsieur

  9   Karadzic ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je préférerais voir chacun de ces rapports,

 11   parce que c'est un incident distinct. Je suis médecin, personnellement, et

 12   c'était un collègue à moi, M. Drobraca. Donc j'aimerais examiner ceci

 13   personnellement de plus près, mais je suis sûr que nous pourrons

 14   finalement, après avoir examiné le tout, déclarer ses documents recevables.

 15   Mais je ne le conteste pas, non.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces documents sont versés au dossier

 17   mais seront dotés d'une cote provisoire pour identification pour ce qui est

 18   des autres parties, des autres rapports, mis à part celui-ci.

 19   M. GAYNOR : [interprétation] J'ai terminé, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 21   Monsieur Crncalo, c'est ainsi que se termine votre déposition. Une fois de

 22   plus, je tiens à vous remercier, à vous manifester nos plus vifs

 23   remerciements pour être venu témoigner ici. Vous pouvez désormais disposer.

 24   J'espère que vous rentrerez sans encombre chez vous. Je vous remercie.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup. C'était un devoir moral que je

 26   ressentais de venir déposer ici.

 27   [Le témoin se retire]

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux avoir une explication,

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  1   Monsieur le Président ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis désolé, mais il nous faudra

  3   lever l'audience, car vous savez que l'après-midi il y a un autre procès.

  4   Vous devrez nous dire ce que vous avez à dire la semaine prochaine,

  5   mercredi après-midi. L'audience est levée.

  6   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 21 avril

  7   2010, à 14 heures 15.

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