Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 27 avril 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour.

  7   Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est à vous. Vous

 10   pouvez poursuivre votre contre-interrogatoire.

 11   LE TÉMOIN : HERBERT OKUN [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 14   Contre-interrogatoire par M. Karadzic: [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

 16   R.  Bonjour à vous.

 17   Q.  Merci. Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais parcourir le plus rapidement

 18   et le plus souplement possible certains sujets, parce que dans vos

 19   déclarations, vous avez fourni pas mal de matières à réfléchir et vos

 20   journaux sont précieux.

 21   Le problème c'est qu'il y a beaucoup d'abréviations, donc on peut

 22   interpréter de cette façon ou d'une autre façon. Je voudrais que nous

 23   arrivions ensemble aux bonnes interprétations, et autant que faire se peut,

 24   je voudrais que nous terminions par des questions "oui", "non." J'apprécie

 25   beaucoup votre tendance à défendre la partie adverse, mais j'aimerais

 26   parcourir quelques éléments sans le tu quoque.

 27   Est-ce que vos collaborateurs, vos chefs, les responsables des diplomaties

 28   européennes vous auraient informé qu'on ne pouvait pas faire confiance à M.

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  1   Izetbegovic ?

  2   R.  Non, je ne pense pas que ce point ait jamais été soulevé. Je ne m'en

  3   souviens pas.

  4   Q.  Merci. Je voudrais demander qu'on nous montre le 65 ter 06533. C'est le

  5   P780 pour ce qui est des pièces de l'Accusation. Ce qui m'intéresse, c'est

  6   la page 61 en affichage électronique. Est-ce que nous l'avons ? Ce qui

  7   m'intéresse, c'est la page de droite. Veuillez agrandir la page de droite.

  8   Le paragraphe en avant-dernière position, on parle de Denis Pinheiro.

  9   C'est votre journal qui dit :

 10   "Denis Pinheiro et Cutileiro sont tous les deux préoccupés par ce qu'ils

 11   voient comme étant des efforts déployés par -- pour faire porter le blâme

 12   par les Serbes et Milosevic pour tout ce qui va à tort en Bosnie-

 13   Herzégovine. Cutileiro dit que Izetbegovic, il dit ouvertement que M.

 14   Izetbegovic est un menteur et ne peut pas bénéficier d'une confiance. Denis

 15   Pinheiro estime que cela serait désastreux pour la CSCE que de reconnaître

 16   que le pays ait expulsé la Yougoslavie à la date du 29 avril. Il va

 17   probablement aller en Yougoslavie, y compris la Bosnie-Herzégovine, pour

 18   une réunion le 29 avril…"

 19   Donc vous semblez avoir été informé, mais vous avez dû l'oublier. C'est

 20   bien ce qui est dit dans votre journal ?

 21   R.  Oui, en effet. Nous avions entendu des commentaires allant dans ce

 22   sens, mais ce, à propos de tous les partis.

 23   Q.  Oui, c'est justement là que se trouve, Monsieur l'Ambassadeur, le tu

 24   quoque.

 25   R.  Non. Monsieur Karadzic, il est quand même vrai --

 26   Q.  Oui, mais vous allez le dire cela à M. Tieger s'il vous pose la

 27   question. Moi, je vous pose la question pour M. Izetbegovic. Et pour moi,

 28   aucun d'entre eux n'a dit que j'étais un menteur.

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  1   Est-ce qu'on peut nous montrer la page 62, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, évitez de faire des

  3   commentaires. Vous êtes là pour poser des questions et rien d'autre. Vous

  4   n'êtes pas là pour faire des commentaires. Cela n'aide en rien le Tribunal.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Du côté droit maintenant :

  7   "Exercer des pressions sur toutes les parties pour calmer la situation en

  8   Bosnie-Herzégovine et dire aux Serbes et aux Croates d'arrêter de faire

  9   obstacle. Dire aux Musulmans, surtout Izetbegovic et Silajdzic, de

 10   travailler plus avec Cutileiro et d'arrêter de courir en Arabie saoudite et

 11   dans les Etats du Golfe pour obtenir de l'argent, des armes ou du soutien."

 12   C'est bien ce que vous avez écrit, non ?

 13   R.  Oui.

 14   M. KARADZIC : [interprétation] Merci beaucoup.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, j'aimerais poser une

 16   question.

 17   Monsieur l'Ambassadeur, dans sa question, l'accusé a fait une déclaration

 18   que je vais paraphraser.

 19   "Aucun des membres de la communauté internationale n'ont dit que

 20   j'étais un menteur." Ça, c'est M. Karadzic qui l'a dit. Avez-vous un

 21   commentaire à faire là-dessus ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet, j'ai un commentaire à faire,

 23   car des gens disaient que M. Karadzic ne disait pas la vérité. Lord

 24   Carrington l'a dit et nous l'avons vécu en direct. Ce n'est pas tant du tu

 25   quoque qui est en question ici. Aucune des trois parties prenantes du

 26   conflit en Bosnie-Herzégovine n'était innocente. Ils ont tous commis des

 27   atrocités, et on l'a vu lorsqu'on a étudié les cahiers, les rapports du

 28   CICR, du HCR, tout ce qui nous venait du terrain. Vous voyez bien qu'un

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  1   grand nombre d'atrocités avait été commis par les Serbes de Bosnie, par ce

  2   camp-là. Donc je l'ai dit et je n'ai pas à le répéter.

  3   En ce qui concerne les négociations, c'est-à-dire l'attitude même, le

  4   comportement, sachez qu'en tant que négociateurs et en tant que médiateurs

  5   impartiaux, on est assez habitués aux déclarations plus ou moins erronées

  6   faites par les autres parties afin d'exagérer les déclarations faites par

  7   l'autre côté. C'est pour ça que les négociations sont difficiles.

  8   Je peux donner un exemple d'ailleurs, et je suis sûr que M. Karadzic

  9   va apprécier mon anecdote.

 10   Le président Izetbegovic, en début mars, avec d'autres dirigeants, avait

 11   signé un accord provisoire, enfin, une tentative d'accord à propos d'un

 12   projet de cartes pour la Bosnie-Herzégovine et  d'autres points aussi.

 13   Cutileiro est entré à Sarajevo à la fin mars, il a retiré sa signature,

 14   comme ça, ce qui, bien sûr, a mis les négociateurs en colère ainsi que les

 15   autres parties à la négociation. Mais ce sont des choses qui arrivent en

 16   cours de négociation. Ce qui ne signifie pas que tel ou tel soit un menteur

 17   inné, un menteur qui ne peut pas s'arrêter de mentir. Ça fait partie du jeu

 18   de la négociation. Ce n'est pourtant pas un jeu ça, en effet, mais il y a

 19   quand même des aller-retour et chaque partie en présence essaie de se

 20   mettre en meilleure position possible.

 21   Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'expliquer.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

 23   l'Ambassadeur.

 24   Monsieur Karadzic, évitez de faire des commentaires. Si vous considérez que

 25   le témoin a menti, dite-lui plutôt que de faire des commentaires.

 26   Poursuivez maintenant.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Toujours est-il que s'agissant du document précédent, Monsieur

  2   l'Ambassadeur, Denis Pinheiro et Cutileiro disent bien que l'on fait

  3   pression inutilement sur les Serbes, et que le menteur c'est quelqu'un

  4   d'autre, et non pas les Serbes. Avec tout le respect qui vous est dû,

  5   Monsieur l'Ambassadeur, nous sommes en train de nous pencher sur vos

  6   journaux. Dans vos journaux il est nulle part dit que Karadzic était un

  7   menteur. Or, pour Izetbegovic, on le mentionne à plusieurs endroits, cela.

  8   Qu'en dites-vous ?

  9   R.  Comme je viens de le dire, Lord Carrington était la première personne

 10   qui nous a dit que chaque concerné, y compris le camp des Serbes de Bosnie,

 11   mentait. Un homme politique, un dirigeant politique des Musulmans de Bosnie

 12   a un jour caractérisé les trois côtés de la façon suivante. Il m'a dit :

 13   Ecoutez, voici ce qui se passe en Bosnie. Les Serbes, ce sont des bouchers.

 14   Les Croates, c'est des tueurs, et nous, les Musulmans, on est des

 15   assassins. Donc même les parties en présence se rendaient bien compte qu'il

 16   n'y avait pas d'un côté le bien et le mal, et pas une image très tranchée.

 17   Ici on était dans le gris de tous côtés.

 18   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Ici nous allons vous montrer la toute

 19   dernière des déclarations datées d'il y a deux ou trois jours pour ce qui

 20   est des bouchers, et dire que ce n'est pas des Serbes, quand même.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais d'abord que nous versions au

 22   dossier, Monsieur le Président, cette pièce de -- non, c'est déjà versé au

 23   dossier. C'est déjà versé au dossier. Bon. Merci.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Alors, est-ce que je peux vous rappeler la réunion d'hier. Page 75 du

 26   compte rendu de la journée d'hier. Page 75. Et ma question était celle de

 27   savoir, j'ai dit :

 28   "Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Toutefois, ce n'est pas exact. Vous avez

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  1   mentionné décembre 1992. C'est exactement à ce moment-là que ça était

  2   publié au Jerusalem Post, où on disait qu'il y avait plus de réfugiés

  3   serbes que de Musulmans et Croates ensemble. Est-ce que vous le niez ?"

  4   Vous avez répondu : "C'est faux. C'est tout à fait faux, et de façon

  5   évidente faux. Nous avons vu que le CICR a sorti des réfugiés et le

  6   Jerusalem Post c'est…" et cetera, et cetera."

  7   Alors je voudrais maintenant que -- vous maintenez ce que vous avez dit

  8   hier, Monsieur ?

  9   R.  Oui.

 10   M. KARADZIC : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on nous montre la

 11   pièce de l'Accusation P784. Il s'agit du 65 ter 06534.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous redonner le numéro,

 13   s'il vous plaît, Monsieur Karadzic ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] P784, page 35. Il s'agit d'une réunion à

 15   Zagreb, 9 septembre 1992. C'était même avant le mois de décembre.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  C'est du côté droit, Monsieur Kumin :

 18   "La situation se détériore en Serbie. Les sanctions font mal. Beaucoup de

 19   Musulmans vont en Serbie. La réponse serbe pour ce qui est de l'arrivée des

 20   réfugiés est bonne. Tout à fait non discriminatoire.

 21   "Il convient de dire à la communauté des donneurs qu'il y a trop d'aide qui

 22   vont vers la Bosnie-Herzégovine et la Croatie. Elle est plutôt nécessaire

 23   en Serbie."

 24   C'est votre journal à vous, Monsieur, n'est-ce pas ?

 25   R.  Tout à fait.

 26   Q.  Merci. En page 36, maintenant.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui donc est ce Kumin ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Judas Kumin à l'époque était le dirigeant du

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  1   HCR des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Page 36. Merci, Monsieur. On voit :

  5   "UNICEF -- manque d'appui de la communauté internationale pour ce qui est

  6   des réfugiés en Serbie."

  7   Ça aussi, c'est noté dans votre journal, n'est-ce pas ?

  8   R.  Tout à fait.

  9   Q.  Je voudrais maintenant qu'on nous montre le P785 de l'Accusation, je me

 10   réfère à la page 65, une réunion qui s'est tenue le 25 septembre 1992.

 11   "Mediluce. Les Serbes de Bosnie (et les Musulmans) sont aussi sous

 12   pression, soit fuir les combats en Bosnie de l'Est, ou fuir les

 13   persécutions de la part des Musulmans et des Croates.

 14   "Il y a quelque 350 000 réfugiés en ce moment-ci en Serbie-et-

 15   Monténégro en provenance de la Bosnie-Herzégovine, et à peu près 15 %

 16   d'entre eux sont des Musulmans.

 17   "Les Serbes déplacés en Bosnie-Herzégovine de l'Est sont

 18   170 000.

 19   "Les Serbes déplacés en Bosnie-Herzégovine de l'Ouest,

 20   150 000."

 21   Monsieur, est-ce que ceci nous donne 320 000 Serbes expulsés ou déplacés de

 22   leurs maisons dès le mois de septembre 1992 ?

 23   R.  La vague de réfugiés serbes la plus importante venait de Slavonie

 24   occidentale. La situation là-bas, après les attaques des Croates, des

 25   Serbes, des Musulmans en juin et en juillet et en août était la suivante :

 26   les Serbes et la JNA ont continué à tenir la Slavonie occidentale. Ça,

 27   c'est la zone de la Croatie qui est contiguë à la Serbie. En août, ils ont

 28   poursuivi avec le siège de Vukovar qu'ils ont totalement détruit, qu'ils

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  1   ont quasiment rasé. Mais en Slavonie occidentale, qui se trouve au milieu

  2   du pays, les Croates se sont rassemblés, ont battu la JNA, et les Serbes de

  3   Croatie sont partis vers le sud, vers la Bosnie occidentale, et c'est ainsi

  4   qu'ils sont arrivés en Bosnie occidentale.

  5   Et je devrais dire que c'est l'une des raisons qui explique pourquoi

  6   lorsque dans mes carnets je consigne les remarques faites par la Croix-

  7   Rouge ou les gens du HCR à propos des centres de détention serbes en Bosnie

  8   occidentale, comme Manjaca, et cetera, et Omarska, qui étaient, en fait,

  9   des camps de concentration, il mentionne que toute la zone est hostile.

 10   Donc même quand les prisonniers des Serbes de Bosnie peuvent sortir, ils

 11   sont en eaux troubles. C'est difficile pour eux, parce que cette zone est

 12   principalement peuplée par des gens de Croatie. C'est pour cela qu'ils

 13   étaient extrêmement hostiles. Donc c'est ça qui s'est passé, en fait. Il

 14   est évident, il n'est pas contesté que les Serbes ont été chassés de la

 15   Slavonie occidentale et je ne conteste pas, enfin, personne ne conteste que

 16   tous les camps - je ne parle pas de la Croatie ici je parle de la Bosnie -

 17   tous les camps en présence ont commis ce genre de méfaits, c'est

 18   incontestable.

 19   Il est incontestable aussi que le plus grand nombre de méfaits ont

 20   été commis par les Serbes de Bosnie. Nous avons des comptabilités des

 21   réfugiés qui sont assez précises. Les Musulmans de Bosnie sont allés

 22   principalement en Croatie, ensuite ils sont partis dans toute l'Europe. La

 23   Suisse en a accueilli 100 000, voire plus.

 24   Monsieur Karadzic, vous avez cité mon carnet, donc j'aimerais vous citer à

 25   mon tour.

 26   Au cours de l'affaire Prlic, dont on a parlé hier -- non, je parle de

 27   l'affaire Krajisnik. Au cours de l'affaire Krajisnik, au compte rendu un

 28   document a été versé au dossier sans aucune objection de la part des

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  1   parties. Il s'agissait du PV d'une réunion entre les dirigeants des Serbes

  2   de Bosnie et des Serbes lors d'une réunion de coordination, du comité de

  3   coordination en janvier 1993. Vous vous en souvenez, j'en suis sûr. C'était

  4   une réunion pour parler du plan de paix Vance-Owen, il y avait toute la

  5   crème des dirigeants de Belgrade, de Pale et de Banja Luka qui s'était

  6   réunie pour en parler. Et le Dr Karadzic est cité, je dois être précis dans

  7   ma citation, il a dit -- enfin, il s'est vanté plutôt de la situation.

  8   Voici ce qu'il a dit exactement : Regardez Zvornik, la ville en Bosnie qui

  9   se trouve sur la Drina, si vous regardez Zvornik avant la guerre, il y

 10   avait

 11   50 000 personnes avec une division à 50/50 entre Serbes et Musulmans.

 12   Maintenant ils sont 50 000, mais il n'y a plus que des Serbes, 100 % de

 13   Serbes. Qu'est-il arrivé aux 50 000 Musulmans ?

 14   Le Dr Karadzic n'avait pas de remords, n'était pas inquiet, n'était pas sur

 15   la défensive à propos de ce nettoyage ethnique qui avait eu lieu, qui avait

 16   été effectué par les Serbes de Bosnie, c'est ainsi que les choses se sont

 17   passées.

 18   Je tiens à répéter, cela dit, que toutes les parties en présence ont été

 19   plus ou moins coupables de mauvais traitements des civils appartenant aux

 20   autres groupes ethniques, ça c'est incontestable. Je l'ai dit hier, j'ai

 21   parlé des combats entre les Croates de Bosnie et les Musulmans dans la

 22   vallée de Lasva, qui se trouve en Bosnie centrale, ça c'est un fait, ce

 23   n'est pas contesté, nous avons beaucoup de témoins oculaires qui peuvent en

 24   parler.

 25   Mais c'est justement pour ça que ces gens se retrouvent maintenant devant

 26   un tribunal pour être poursuivis. Le général Gotovina qui est le chef,

 27   c'était -- en fait, le plus grand général de l'armée croate était ici, il

 28   est encore ici dans un autre prétoire en ce moment. Halilovic et Oric aussi

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  1   ont été poursuivis. On le sait --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, on comprend.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   Mais ce que j'essaie de dire - mais là évidemment le Dr Karadzic n'est pas

  5   d'accord avec moi - c'est que la majorité des crimes de ce type, crimes

  6   contre l'humanité, ont été commis par les Serbes de Bosnie, par ce camp-là.

  7   D'ailleurs, Dr Karadzic, en suivant ce que vous aviez dit en octobre 1991,

  8   Dr Karadzic, vous avez dit à l'ancienne assemblée de Bosnie, si vous votez

  9   pour l'indépendance, vous emmenez les Musulmans en enfer. Bien, en effet,

 10   ils vous ont pris au mot, vous avez suivi votre parole et vous les avez

 11   emmenés en enfer.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie de votre explication.

 13   Nous avons bien compris ce que vous avez dit, mais la question était un peu

 14   différente, et je pense que vous avez un peu divergé. La question était la

 15   suivante : Il y avait 350 000 Serbes qui ont été chassés dès septembre

 16   1992.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pensais que j'avais répondu, j'ai dit

 18   oui, oui ils venaient de Slavonie occidentale. Il ne s'agissait pas de

 19   Bosniens.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci. Monsieur Karadzic,

 21   poursuivez.

 22   M. KARADZIC : [interprétation] Merci. Merci encore.

 23   Q.  Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a beaucoup de Serbes à

 24   avoir fui la Slavonie occidentale dès 1991. J'ai inspecté dans la Krajina

 25   les salles de sports où sur le sol on voyait couchés les citoyens les plus

 26   riches de la Croatie, les maîtres de maison les plus riches, ça fait peur à

 27   notre peuple, en effet. Merci de me l'avoir rappelé.

 28   Mais ici, nous sommes en train de parler de la Bosnie-Herzégovine. De la

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  1   Bosnie de l'Est, il a été chassé 170 000 Serbes et de la Bosnie occidentale

  2   150 000. Ce ne sont pas des Serbes de Slavonie occidentale ici. C'est bien

  3   ce qui est dit ici, non ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Merci.

  6   R.  Puis-je faire une petite remarque. A la page précédente, vous lirez :

  7   "Environ 200 000 Musulmans supplémentaires qui se trouvent dans des régions

  8   serbes risquent d'être chassés."

  9   Et cela a été leur sort, en fin de compte, ils ont été déplacés.

 10   Q.  Nous allons voir comment ils ont été chassés. Monsieur l'Ambassadeur, à

 11   ce moment-là, ils étaient encore en Republika Srpska, or en Bosnie-

 12   Herzégovine sous le contrôle des Musulmans et des Croates, à ce moment-là,

 13   d'ici à la fin septembre, il n'y avait pas un seul village à ne pas avoir

 14   été détruit ou la population chassée. Or dans la Republika Srpska, il en

 15   était resté, dans la Republika Srpska même à ce moment, jusqu'en 1994, il a

 16   vécu pas mal de Musulmans et de Croates que la Croix-Rouge internationale

 17   suivant bien des moyens, a essayé de leur faire quitter la Bosnie, or moi,

 18   j'essayais de l'empêcher justement.

 19   Allez vous contester cela ?

 20   R.  Loin de moi cette idée, non, je ne vais pas du tout la contester,

 21   car c'est l'un des crimes principaux commis par les Serbes de Bosnie.

 22   Laissez-moi vous rappeler ce qui s'est passé le 26 août 1992 lorsque le Dr

 23   Samaruga a fait un discours, le président du comité international de la

 24   Croix-Rouge. Il a parlé de plusieurs camps de détention en Bosnie

 25   occidentale, il en parle comme étant des endroits épouvantables où sont

 26   détenus des centaines de milliers de personnes. Il parle de Manjaca,

 27   d'Omarska de Trnopolje. Il s'agissait de camps qui étaient dirigés par les

 28   gens de votre côté, des camps serbes.

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  1   Donc il est vrai -- bon, vous avez dit, comme je l'ai dit précédemment -

  2   vous avez à un moment proposé d'ouvrir les camps, vous vous en souviendrez,

  3   on n'en a pas encore parlé, mais à un moment, le Dr Karadzic a dit qu'on

  4   pouvait ouvrir les camps alors qu'il s'avait très bien que la population

  5   environnante de Slavonie occidentale était très hostile, c'est pour ça que

  6   la situation était difficile d'ailleurs. Et elle était extrêmement

  7   compliquée pour le HCR et pour la Croix-Rouge parce que les Serbes de

  8   Bosnie, après de longues discussions, ont finalement dit au HCR et à la

  9   Croix-Rouge, d'accord allez, emmenez les gens, emmenez les Musulmans de

 10   Bosnie et les Croates de Bosnie qui étaient détenus dans les camps,

 11   emmenez-les. Mais là pour ces organisations, c'est un dilemme qui s'est

 12   posé, d'ailleurs dans mes carnets j'en parle beaucoup, parce que ces deux

 13   organisations étaient devant un choix cornélien. Comme il nous disait, si

 14   on fait ça, on va coopérer au nettoyage ethnique, en effet, mais ils sont

 15   quand même arrivés à la conclusion que comme ici il s'agissait d'une

 16   question de vie ou de mort pour ces détenus, il fallait obtempérer, et les

 17   emmener en Croatie, les emmener de ces camps en Croatie.

 18   R.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Avec tout le respect très grand que je

 19   vous dois, c'est assez forfaitaire. Il convient d'établir le détail.

 20   Je voudrais qu'on nous montre la pièce du bureau du Procureur 786 à

 21   présent.

 22   Tout ce que nous affirmons, Omarska et Keraterm, c'étaient des

 23   centres d'investigation où les centres d'investigation avaient procédé à

 24   des instructions. Ils ont relâché 41 %, et 59 % étaient envoyés à Manjaca

 25   comme étant des prisonniers de guerre. Ça, on va le prouver.

 26   Mais voyons un peu ce que l'on dit au sujet de Trnopolje. Vos

 27   carnets. Page 20. Qui était M. Thierry Germond, Ambassadeur ?

 28   R.  Voulez-vous répéter ?

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  1   Q.  Qui était Thierry Germond ?

  2   R.  Thierry Germond était le délégué principal de la Croix-Rouge

  3   représentant l'Europe et, bien sûr, responsable des opérations de la Croix-

  4   Rouge internationale en Yougoslavie.

  5   Q.  Merci. Voyons un peu ce qui est dit à la page 20 de cette pièce à

  6   conviction de l'Accusation, le P786, ou c'est le 06536.

  7   Ça se trouve sur le côté gauche, et Thierry Germond dit :

  8   "Trnopolje."

  9   "Trnopolje. Plus de 1 000 personnes sont entrées au camp de leur plein gré

 10   à partir du moment où cela a été vidé quelques jours avant cela. C'est la

 11   réalité."

 12   Moi, je vous dis - et nous avons des éléments de preuve que nous n'allons

 13   peut-être pas présenter lors de votre témoignage à

 14   vous : Omarska et Keraterm, c'étaient des centres d'instruction où les

 15   instances de l'Etat ont interrogé suivant une procédure très rapide plus de

 16   quelques milliers de prisonniers, et Trnopolje, c'était un centre où les

 17   Musulmans prenaient soin d'eux-mêmes, et ils pouvaient entrer et sortir

 18   quand qu'ils le voulaient. Nous avons des éléments de preuve à cet effet.

 19   Qu'en dites-vous ?

 20   R.  Comme je viens de le dire, les Serbes de Slavonie occidentale qui

 21   avaient été évacués vers les régions occidentales montraient une telle

 22   hostilité envers les gens du cru que les Musulmans et les Croates avaient

 23   peur, et de ce fait certains allaient se réfugier dans les camps à la fin

 24   de toute cette période, parce qu'à ce moment-là, aller dans le camp

 25   signifiait qu'ils pouvaient ensuite être évacués sous l'égide de la Croix-

 26   Rouge internationale. Donc ici il faut bien respecter le déroulement les

 27   faits, la chronologie. Le camp, c'est incontesté, a été vidé, fermé

 28   d'ailleurs, si je puis dire, et il était presque vide à un moment. Mais

Page 1673

  1   pendant qu'il était encore ouvert, la situation y était assez difficile.

  2   C'est pour cela que le Dr. Samaruga y a fait référence pour que toute la

  3   communauté internationale soit au courant lors de cette conférence de

  4   Londres en août 1992.

  5   Docteur Karadzic, dans cette même veine vous avez parlé du -- je n'ai pas

  6   parlé du silo de Tarcin, mais j'en parlerai. Il s'agissait d'un centre de

  7   détention ou une prison qui était dirigée par les Musulmans et où étaient

  8   détenus des Serbes de Bosnie, et la Croix-Rouge internationale s'y est

  9   rendue. On nous a dit que la situation y était épouvantable, presque aussi

 10   mauvaise que dans les camps Serbes. Donc je ne pense pas qu'il y ait besoin

 11   de répéter à nouveau ce que je m'acharne à dire depuis le début. En ce qui

 12   concerne la qualité de leurs crimes, tous les camps ont commis des crimes

 13   aussi épouvantables les uns que les autres, mais en ce qui concerne la

 14   quantité, ce sont les Serbes de Bosnie qui en ont commis la majorité.

 15   Q.  Merci. Je vais contester cela devant les Juges de cette Chambre pendant

 16   tout le procès, mais merci d'avoir mentionné Tarcin. Etes-vous d'accord

 17   pour dire que Tarcin, le silo de Tarcin, n'a été fermé qu'en printemps

 18   1996, donc quelques mois après que l'on ait conclu un accord de paix ?

 19   R.  En effet.

 20   Q.  Merci. Je vais maintenant, puisque vous avez évoqué Zvornik et une

 21   réunion en Yougoslavie, je tiens à vous rappeler que M. Vladislav Jovanovic

 22   s'était employé en faveur d'une pose d'obstacles à tout déplacement forcé

 23   de la population, et moi, j'ai répondu. Pour abonder dans le sens de ce que

 24   disait M. Jovanovic, j'ai dit que c'était un crime, et que c'est

 25   complètement dénué de sens, parce que de toute façon, de manière naturelle,

 26   les gens fuient et s'en vont comme ils entendent. Je l'ai dit à plusieurs

 27   reprises. Je vais maintenant me référer à une session de l'assemblée.

 28   C'est le 9 au 11 novembre 1994 que ça se passe. Il me semble que

Page 1674

  1   c'est le 65 ter 00079. Non, excusez-moi. Non, non, c'est -- ça, c'est le 23

  2   novembre, cette pièce. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la réunion du 9 au

  3   11. C'est la même session qui est consignée ici du 9 au 11, et du -- 23.

  4   Donc c'est le 00079 ou 00079. Enfin, je veux dire, 78 et 79. Il y a

  5   plusieurs transcriptions là.

  6   Voilà ce que j'ai dit :

  7   "Jamais de l'histoire il n'y a eu de guerre dans création de réalité

  8   nouvelle, et cette guerre-ci a créé de nouvelles réalités. Ici maintenant

  9   vous avez des Serbes de Zenica. Si vous souhaitez donner Zvornik aux

 10   Musulmans, alors il va falloir faire une autre guerre pour expulser ces

 11   Serbes-ci, pour les faire revenir à Zenica. Donc c'est le même droit qui

 12   nous fait réclamer Zvornik que nous avons droit à un Etat qui serait le

 13   nôtre, et nous l'aurons."

 14   Donc j'étais en train d'expliquer, non pas de justifier. Je ne justifie pas

 15   ce type de choses. J'essaie de les comprendre, et ce sont des conversations

 16   d'intellectuels que j'ai eues à l'époque avec vous et avec les autres

 17   représentants de la communauté internationale. Je ne cherchais pas à

 18   justifier des phénomènes qui échappaient à ma volonté et qu'on ne saurait

 19   gérer quel que soit le pouvoir dont on ait pu disposer, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je comprends ce que vous venez de me dire et je comprends votre

 21   opinion, Monsieur Karadzic. Mais je dois dire que je ne suis pas d'accord

 22   avec vous. Je le dis avec beaucoup de fermeté. Il n'y avait pas tant de

 23   mouvements volontaires. Il y en a eu certains, certes, mais le camp

 24   victorieux déclare toujours que les départs sont volontaires.

 25   Le mythe fondateur israélien, c'est que 500 000 Palestiniens ont quitté

 26   leurs foyers de façon volontaire au cours de la guerre de l'indépendance en

 27   1940 et qu'ils sont partis de façon volontaire de Palestine. Mais ce n'est

 28   pas vrai, ils ont été chassés.

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  1   Il existe certes des déplacements volontaires, mais il y a aussi des

  2   déplacements qui se font de force, et il y a bien plus de ces derniers que

  3   des autres.

  4   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Je ne pense pas que cela ait été fait de

  5   leur plein gré, mais ils sont quand même partis parce qu'ils le voulaient.

  6   La cause, c'est la peur, en effet, du fait d'un environnement hostile. Vous

  7   avez dit qu'il y en a eu qui ont été expulsés de la Slavonie occidentale et

  8   qui avaient une attitude hostile vis-à-vis de ceux qui les avaient expulsés

  9   et qui faisaient partie d'un seul et même pays. Donc nous empêchions la

 10   chose et nous allons le prouver. Mais moi, ce que je défends ici, c'est la

 11   politique de l'Etat, et j'essaie de comprendre ce qui accompagne comme

 12   phénomène la guerre civile.

 13   Je voudrais qu'on nous montre le 11358, page 3, le livre "Odyssée

 14   balkanique" rédigé par Lord Owen. Est-ce que nous avons cela dans le

 15   prétoire ? Page 3. "Odyssée balkanique". C'est dans le livre, à la page 40

 16   et 41. On y est.

 17   Je me réfère à la page de droite, et ça commence vers le bas :

 18   "Une fois que le nationalisme a trouvé une expression indépendante en

 19   Croatie et Slovénie, il a senti qu'il fallait établir une indépendance de

 20   la Bosnie à l'égard de la Serbie."

 21   On parle d'Izetbegovic ici. "Izetbegovic savait que ceci allait conduire à

 22   une effusion de sang, un bain de sang. Et dans sa "déclaration islamiste,"

 23   il a prévenu du fait que la renaissance islamique ne peut s'imaginer sans

 24   que la population ne soit prête à d'énormes sacrifices personnels et

 25   matériels.

 26   "Je me suis souvent posé la question de savoir s'il était plus aisé pour

 27   Izetbegovic de négocier avec les Serbes s'il n'avait pas été un Musulman

 28   aussi dévot."

Page 1676

  1   Alors, cette position de Lord Owen, vous en avez eu connaissance ou

  2   pas ?

  3   R.  Oui, oui.

  4   Q.  Merci. Vous voyez, il y a énormément de collègues à vous, et ceux qui

  5   étaient des chefs de missions, des gens qui étaient placés sous vos ordres,

  6   qui ont des opinions tout à fait à l'opposé des positions ou des opinions

  7   que vous avez avancées. Donc j'entends faire une distinction entre ce que

  8   vous expliquez et ce que vous avez vu et consigné. Est-ce que vous êtes

  9   d'accord pour constater qu'il y a des divergences ?

 10   R.  Non, je ne suis pas d'accord.

 11   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que l'on nous montre --

 12   excusez-moi. Je vais vous poser une question à titre privé. Est-ce que vous

 13   êtes démocrate ou républicain ?

 14   R.  Monsieur Karadzic, vous êtes un génie. On ne pose pas ce genre de

 15   question. On ne demande pas à quelqu'un quelle est sa religion ou quelle

 16   est son affiliation politique. J'aimerais coopérer avec vous, enfin, avec

 17   le Tribunal, mais il s'agit là d'une question qui ne se pose pas. Donc il

 18   n'y aura pas de réponse. Je suis, disons, centre gauche.

 19   Q.  Merci. Je m'attendais à ce type de réponse. Je sais que dans leur

 20   ensemble, les diplomates de carrière, ce ne sont pas des gens qui optent en

 21   faveur d'un parti plutôt que d'un autre.

 22   Je voudrais qu'on nous montre maintenant le 1D157.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avez-vous l'intention

 24   de verser au dossier le passage du livre de Lord Owen ? Non, je vois qu'il

 25   fait déjà partie du dossier. C'est la pièce 799.

 26   Poursuivez.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. J'espère que tout a été versé au dossier

 28   jusqu'à présent, mais sinon, on se penchera sur la question à la fin.

Page 1677

  1   Est-ce qu'on a reçu le texte 1D157 ? Le voilà.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question de votre

  4   appartenance à tel ou tel autre parti. Il s'agit ici du comité de la

  5   politique des républicains aux Etats-Unis, et on voit que :

  6   "Clinton a approuvé le transfert d'armes au titre d'aide pour ce qui

  7   est de ces bases islamistes militantes. Il est évident que la police

  8   d'apport d'armes en Bosnie a aidé énormément les Iraniens à s'enraciner là-

  9   bas et à créer de bonnes relations avec le gouvernement bosnien, dit un

 10   haut dirigeant de la CIA au congrès dans le cadre d'un témoignage secret.

 11   C'est quelque chose que nous regretterons en fin de compte, parce que quand

 12   ils feront sauter des Américains, comme ils le feront très certainement

 13   avant que toute cette histoire soit terminée, ce sera très certainement

 14   parce que les Iraniens ont pu avoir le temps et les contacts leur

 15   permettant de s'enraciner en Bosnie. Dans le rapport classé de la CIA, il

 16   est dit qu'Izetbegovic a été coopté, ce qui contredit les affirmations

 17   publiques américaines selon lesquelles il y aurait une division entre les

 18   deux."

 19    "Los Angeles Times," 31 décembre 1996 :

 20   Il s'agit de passage de l'original uniquement et qu'Alija Izetbegovic

 21   est le président de la Bosnie.

 22   Dites-nous si vous êtes au courant du rapport présenté par le comité

 23   républicain ?

 24   R.  Non, c'est la première fois que je le vois, mais sa teneur ne me

 25   surprend pas. J'ai déjà dit qu'à un moment, le président Tudjman a dit à

 26   Vance et moi-même -- enfin, à un moment, le président Tudjman nous a

 27   emmenés, le secrétaire Vance et moi-même à l'aéroport de Zagreb pour voir

 28   747 Iraniens, un assez gros porteur, qui était absolument bourré d'armes et

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  1   de masques à gaz, et toutes sortes d'équipements qui allaient directement

  2   aux Musulmans de Bosnie. C'était un secret bien connu de tous, que les

  3   Musulmans qui n'étaient pas armés essayaient d'obtenir des armes par tous

  4   les moyens. Il faut aussi se souvenir que la raison pour laquelle ils

  5   faisaient cela, c'est que depuis septembre 1991, la résolution 713 du

  6   Conseil de Sécurité des Nations Unies avait mis un embargo sur les armes en

  7   destination de toute la Yougoslavie. Donc les Musulmans qui étaient

  8   attaqués ne pouvaient pas se défendre. En tout cas, pas légalement. Donc

  9   c'est ce qui représentait une anomalie. C'est le moins qu'on puisse dire.

 10   Pratiquement tous nos contacts, les personnes avec qui ont était en

 11   contact, considéraient qu'il fallait lever l'embargo. C'était la seule

 12   chose juste à faire.

 13   Le secrétaire Vance n'était pas d'accord avec cet état de fait. Il

 14   considérait que si on levait l'embargo, la guerre allait se diffuser dans

 15   toute l'ancienne Yougoslavie. Il était assez ferme sur ce point. On l'a

 16   condamné par la suite pour cette opinion. Ça ne le gênait pas, parce que

 17   vraiment il en était sûr, et je pense qu'il avait raison. Le président

 18   Tudjman le croyait, le président Gligorov de Macédoine aussi y croyait.

 19   Enfin, la situation était compliquée. Vous avez un gouvernement reconnu

 20   depuis avril 1991 à Sarajevo, pilonné 365 jours par an. Trois à 5 000 obus

 21   des Serbes de Bosnie sont tombés sur Sarajevo, donc ils étaient attaqués et

 22   n'avaient pas d'armes parce qu'il y avait un embargo sur les armes. Ils ne

 23   pouvaient pas riposter donc. Tout le monde considérait que la situation

 24   était anormale. Mais elle était tellement complexe que personne n'avait la

 25   réponse.

 26   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. J'apprécie grandement vos documents, et

 27   les Musulmans vont aimer vos explications. Alors, nous serons tous

 28   contents.

Page 1679

  1   Toujours est-il, penchons-nous --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est exactement le

  3   type de commentaires auquel je faisais référence précédemment en vous

  4   demandant de ne pas les faire justement. Posez des questions, ne faites pas

  5   de déclaration préalable, cela ralentit les débats. Ne perdez pas votre

  6   temps.

  7   Quelle est votre question ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question était une question demandant une

  9   réponse oui ou non, et on a répondu une réponse tu quoque très abondante et

 10   qui méritait une petite remarque de plaisanterie, sur un ton de

 11   plaisanterie.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Alors :

 14   "Si vous vous penchez sur les écrits du président Izetbegovic comme

 15   je l'ai fait, il n'y a pas l'ombre d'un doute que c'est un intégriste

 16   islamiste, dit un diplomate occidental avec une grande expérience de la

 17   région. C'est un intégriste plaisant, mais c'est toujours un intégriste,

 18   ceci n'a pas changé. Son objectif est d'établir un Etat musulman en Bosnie,

 19   et les Serbes et les Croates comprennent cela bien mieux que le reste

 20   d'entre nous."

 21   Est-ce que vous avez été le diplomate à grande expérience dans la

 22   région, ou est-ce que vous pouvez deviner qui est-ce qui a dit ce qui vient

 23   d'être lu ?

 24   R.  Ce n'est pas moi, je ne veux pas deviner qui a dit cela.

 25   Q.  Merci.

 26   R.  Mais c'est un point qui peut être discuté. Comme je l'ai dit dès le

 27   départ, lorsque je me suis entretenu avec M. Tieger, dans le cadre de

 28   l'interrogatoire principal, j'ai d'abord parlé du début de la guerre pour

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  1   tous les partis, et j'ai considéré que le dernier objectif était sujet à

  2   débat. Est-ce qu'il était avéré oui ou non un Etat musulman ? Il n'y a pas

  3   de réponse à cela. Parce qu'il y avait quand même eu un courant laïciste

  4   très fort au sein de la direction musulmane. Mais évidemment, M.

  5   Izetbegovic était un homme religieux, personne ne le conteste.

  6   Et sur ce point même d'ailleurs, à propos de la déclaration musulmane que

  7   vous avez lue verbatim en totalité pour le Tribunal, il faut quand même

  8   qu'on se rappelle qu'en février et en mars 1992, lorsque l'on a demandé au

  9   peuple de s'exprimer démocratiquement, enfin, quand la commission Badinter

 10   a demandé qu'il y ait l'expression du peuple démocratique sur

 11   l'indépendance ou non de la Bosnie, c'est votre parti, le SDS, votre propre

 12   leadership qui a refusé de prendre part à cet exercice démocratique. Donc

 13   c'est un peu injuste de passer tout cela sous silence lorsque vous évoquez

 14   le caractère non démocratique de la déclaration musulmane. Parce que eux,

 15   c'était couché sur le papier, alors que vous, vous avez agi.

 16   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. On y viendra, on viendra à tout ce que

 17   vous venez d'évoquer. La seule chose dont je ne peux pas discuter c'est le

 18   fait de savoir si c'est bel et bien rédigé dans ce document, c'est bien

 19   couché sur papier dans le document. Vous êtes d'accord, c'est bien ce qui

 20   est écrit ?

 21   R.  Vous parlez du document que vous venez de me lire ? Oui, en effet, vous

 22   avez lu les mots qui y sont consignés.

 23   Q.  Merci. Je voudrais à titre temporaire qu'on nous donne le 1D93 pour

 24   revenir tout à l'heure à ce même document. Maintenant le 1D93, je vais vous

 25   montrer, Monsieur l'Ambassadeur, ce que c'est que les actes.

 26   Est-ce que vous êtes en train de contester que les Musulmans s'étaient

 27   procurés des armes depuis l'Allemagne et par le biais de l'Allemagne et de

 28   l'Autriche, y compris des composantes nucléaires ?

Page 1681

  1   R.  Je n'ai aucune connaissance de matériel nucléaire qui a été obtenu,

  2   mais il est évidement que le gouvernement de Bosnie avait reçu des armes, y

  3   compris venant des Etats-Unis qui arrivaient principalement à Tuzla, la

  4   base aérienne de Tuzla. Tout le monde le savait. C'était comme je l'ai dit,

  5   un secret connu de tous. Les gens considéraient que l'imposition d'un

  6   embargo sur un pays sans défense était immoral et donc cet embargo était

  7   violé par tous. En ce qui concerne les armes allemandes, je tiens à vous

  8   dire que la plupart d'entre elles se sont retrouvées entre les mains des

  9   Croates.

 10   Q.  Merci. Le fait est -- mais pour l'essentiel, merci. Il y a eu violation

 11   de l'embargo, les raisons c'est une autre paire de manches, mais l'embargo

 12   a été enfreint et aux sus des plus grandes puissances de ce monde et de

 13   leur gouvernement respectif.

 14   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que je peux attirer votre attention sur ce

 15   document. Il s'agit d'un document d'instruction des instances autorisées à

 16   Munich daté de décembre 1998. L'acte d'accusation lui, est de 1993.

 17   Ramenez-nous le document. On dit que :

 18   "Le Sénat a investigué Senad Sahinpasic, pour ce qui est d'une contrebande

 19   d'armes."

 20   C'est daté du 3 mars 1993, comme acte d'accusation.

 21   Ensuite on voit en dessous, "Explication" :

 22   "On accuse cette personne d'avoir enfreint la Loi sur les armes, la Loi sur

 23   le contrôle des armements, et la Loi sur le commerce en 1992/1993 en

 24   expédiant les armes conventionnelles et en obtenant des éléments nucléaires

 25   envoyés à l'armée de Bosnie."

 26   Est-ce qu'il y a des doutes à formuler pour ce qui est des instances

 27   chargées d'investiguer la chose en Allemagne et en

 28   Autriche ?

Page 1682

  1   R.  Mais il n'est pas contesté que l'embargo sur les armes a été enfreint

  2   par tous. Je le dis et je le répète, c'était un secret de polichinelle.

  3   Q.  Ça c'est leurs propos, dites-vous, et nous, on a agi, mais eux ils ont

  4   agi, et ce sont des actes très dangereux, on le voit, qui sont dirigés vers

  5   l'approvisionnement en armes nucléaires.

  6   Je demande le 1D102, maintenant, s'il vous plaît.

  7   Excellence, est-ce qu'on peut faire verser ceci au dossier, je vous prie,

  8   le 1D93.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons d'abord nous occuper du

 10   document 157, c'est-à-dire le rapport du comité des républiques, puis nous

 11   viendrons à ce document.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant du document

 13   1D157, j'ai quelques difficultés à comprendre la pertinence. C'est

 14   manifestement un document partisan qui constitue une attaque de la part du

 15   comité républicain contre un président démocrate établi. Je ne suis pas sûr

 16   de ce que peut être la pertinence de tout cela dans notre procédure. Pour

 17   le moment, s'agissant du reste du document, il semble qu'il se compose de

 18   divers extraits qui sont censés venir à l'appui de cette position. Si je

 19   comprends bien la récente requête de dépôt de documents par voie d'écriture

 20   automatique, a consisté en une réponse négative de la part de la Chambre

 21   ou, en tout cas, par rapport à des documents comme celui-ci, il convient

 22   peut-être de prendre note de la nature de la réponse à la requête.

 23   Donc pour toutes ces raisons, étant donné les instructions

 24   précédentes de la Chambre et le caractère assez secondaire de ce document,

 25   je pense que je vais devoir opposer une objection.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est un peu difficile de

 27   vous suivre dans votre objection sur la pertinence. Il est probable que

 28   vous contestiez la valeur probante de ce document, n'est-ce pas ?

Page 1683

  1   M. TIEGER : [interprétation] Bien, ce document semble concerner une attaque

  2   des républicains contre le président Clinton. Ceci semble assez éloigné de

  3   la question dont nous traitons ici. La raison de son versement, je suppose,

  4   consiste en ce qu'il comporte des allégations qui reposent sur des articles

  5   de presse et qui viennent à l'appui de certaines des propositions de

  6   l'accusé présent dans cette salle. Mais si je comprends bien la volonté de

  7   la Chambre, elle n'est pas particulièrement réceptive à de tels articles de

  8   presse. Par conséquent, ce document, s'il a un fondement, est considéré par

  9   l'Accusation comme une série d'articles de presse qui peuvent être

 10   contestés dans ce rapport, si l'on ne perd pas de vue en particulier que ce

 11   rapport a été établi dans un but bien particulier, à savoir attaquer les

 12   positions du président et le document qui viendrait à l'appui de la

 13   position du président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.

 15   Monsieur Karadzic ou Maître Robinson, avez-vous quelque chose à dire ? Est-

 16   ce que vous aimeriez répondre à ce commentaire ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence.

 18   D'abord, je ne souhaite pas sous-estimer de quelque façon que ce soit

 19   la valeur du comité républicain, qui est un comité politique du Parti

 20   républicain. Il n'est pas question que je me lance dans une quelconque

 21   action visant à diffuser des fausses informations en faisant référence en

 22   particulier à des sources françaises, puisque vous voyez que M. Baladur

 23   [phon] est mentionné dans ce document. Pour rendre les choses plus faciles

 24   pour M. Tieger, je pense que vous constaterez immédiatement quelle est la

 25   pertinence de ce document.

 26   Ce que je veux dire, en fait, c'est que si l'on trouve dans ce

 27   document effectivement des arguments d'ouï-dire qui ne sont d'ailleurs pas

 28   contestés, et si ce qui est contesté est un document qui provient du

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  1   congrès américain, je ne crois pas qu'aux Etats-Unis un quelconque document

  2   émanant du congrès puisse subir une contestation de ce genre ou être

  3   considéré comme manquant de pertinence.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Les Juges vont se

  5   consulter.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre considère que ces deux

  8   documents sont pertinents, mais pour autant leur valeur probante sera

  9   évaluée à un stade ultérieur par les Juges de la Chambre.

 10   Admettons ces deux documents, et je demande un numéro de pièce à conviction

 11   pour chacun d'entre eux.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le document 65 ter

 13   numéro 1D157 devient la pièce D79, et le document 1D93 devient la pièce

 14   D80.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Procédons.

 16   Je vous remercie de votre patience, Monsieur l'Ambassadeur.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire un mot ? Puis-je m'exprimer ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A quel sujet ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Au sujet de ce document très précisément.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très rapidement, Monsieur l'Ambassadeur.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai bref.

 22   Puisque vous venez d'en admettre le versement au dossier, il me

 23   semble pertinent de souligner que la décision de la Chambre a consisté à

 24   suspendre l'enquête, autrement dit à y mettre un terme. Il existait des

 25   renseignements reposant sur des communications téléphoniques mises sur

 26   écoute qui le montrent, mais il est également écrit qu'aucun document n'a

 27   pu être trouvé. Donc ce que vous avez ici dans ce document sous le mot

 28   "décision" en haut du texte, et sous le mot "explication," n'est qu'une

Page 1685

  1   série de conjectures sur un certain nombre d'actions, tout ceci reposant

  2   sur des écoutes téléphoniques qui n'apportent aucune preuve quelle qu'elle

  3   soit.

  4   Même si ce document est au dossier de la présente affaire, ce à quoi

  5   je ne m'oppose pas, puisque je ne suis pas en droit de le faire, je pense

  6   tout de même que je suis en droit de souligner que c'est un document dont

  7   la valeur est tout à fait contestable.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Monsieur Karadzic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une fois, je dois dire que la conclusion

 11   à tirer n'est pas celle que vient d'indiquer M. l'Ambassadeur. La

 12   conclusion à tirer, c'est que le droit américain n'a pas été enfreint. Je

 13   me souviens de cela très bien. Il n'a pas été dit que l'embargo sur les

 14   armes des Nations Unies avait été violé. Le droit américain n'a pas été

 15   enfreint, et c'était une façon élégante de sauver la peau du président

 16   Clinton.

 17   Toutefois, j'aimerais demander l'affichage maintenant du document 102, puis

 18   nous allons revenir sur ce document 157, car il comporte des déclarations

 19   importantes émanant de personnes importantes, quelle que soit la

 20   considération qui va être accordée au contenu de ces documents. Il y a tout

 21   de même des citations qui sont faites de déclarations émanant de

 22   responsables de haut rang des Nations Unies et de responsables importantes

 23   d'autres pays également.

 24   Q.  Vous constaterez ici que Hasan Cengic, que nous connaissons très bien

 25   et qui est au pouvoir à la date en question, qui peut-être n'aurait pas été

 26   aussi dangereux qu'il l'est s'il n'avait pas été au pouvoir, comme vous

 27   l'avez dit vous-même, mais en tout cas, il transmet un renseignement

 28   indiquant que le 2 novembre 1994, il est associé de M. Cviko, et nous

Page 1686

  1   lisons, je cite :

  2   "Nous vous informons et nous confirmons la déclaration indiquant qu'Amer

  3   Cviko remplace Senad Sahinpasic dans toutes les transactions et médiations

  4   relatives à des produits."

  5   Avez-vous été au courant d'activités consistant à assurer des

  6   approvisionnements en armes qui faisaient l'objet d'enquêtes, de mises en

  7   accusation, de licenciements, de remplacements aux postes de travail, et

  8   cetera ? A ce moment-là, est-ce que vous saviez que l'Allemagne et

  9   l'Autriche procédaient à des enquêtes à grande échelle sur l'armement des

 10   Musulmans de Bosnie-Herzégovine en violation de l'embargo sur les armes et,

 11   y compris sur la possibilité d'avoir accès à des armes nucléaires, ce qui

 12   créait de grands dangers ?

 13   R.  S'agissant des armes nucléaires, comme je l'ai dit dans ma réponse

 14   précédente, cette allégation n'est pas prouvée. Elle ne fait que figurer

 15   dans ce document et elle repose sur des écoutes téléphoniques auprès d'un

 16   criminel, l'enquête ayant finalement été suspendue.

 17   Pour répondre à votre question, est-ce que je savais qu'il y avait

 18   violation de l'embargo sur les armes ? Ma réponse, bien sûr, est

 19   affirmative. J'ai dit cela probablement une dizaine de fois ce matin, et

 20   ces violations de l'embargo se faisaient très ouvertement. Il n'y a aucun

 21   doute là-dessus.

 22   Q.  Je vous remercie. Merci. Toutefois, je pensais à cette référence à des

 23   éléments nucléaires dans le document allemand, pas dans le document

 24   américain.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage une nouvelle fois du

 26   document 157.

 27   Excellent, est-ce que nous pouvons avoir le numéro qui a été affecté au

 28   document précédent ? Est-ce qu'il peut être admis ?

Page 1687

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, oui.

  2   Monsieur Tieger, numéro 102. C'est la lettre de M. Cengic.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Est-ce que

  4   nous pourrions rapidement revoir le document 102 ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Merci. Passons maintenant au

  6   document 1D79.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la page suivante,

  8   numéro 3.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Tant que nous attendons l'affichage, je vais lire une partie du texte à

 11   haute voix. Je cite :

 12   "Le caractère du régime de Sarajevo," c'est en page 8, je poursuis la

 13   citation, "qui sous-tend la politique de feu vert mal orienté du

 14   gouvernement Clinton comme étant une lecture erronée faite par son

 15   principal bénéficiaire, le gouvernement musulman bosniaque d'Alija

 16   Izetbegovic, plutôt que d'être un gouvernement démocratique, multiethnique,

 17   tolérant comme il prétend l'être, il est prouvé manifestement que les

 18   cercles dirigeants du parti d'Izetbegovic, le Parti de l'Action

 19   démocratique, ont longtemps été orientés par les principes de l'Islam

 20   radical. Cette orientation islamiste est illustrée par le profil de trois

 21   responsables importants, et notamment du président Izetbegovic en personne,

 22   ainsi que du dirigeant de l'armée de Bosnie qui est allé jusqu'à créer des

 23   unités de Mujahedin natifs de Bosnie, ce qui étaient les affirmations

 24   crédibles selon lesquelles des atrocités majeures contre des civils à

 25   Sarajevo ont été orchestrées à des fins de propagande par des responsables

 26   opérationnels du gouvernement Izetbegovic, dans le but de nuire à l'ennemi,

 27   tant Musulman que non-Musulman."

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous devons revenir à la page 3, je

Page 1688

  1   suppose.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, page 3. Vous avez raison, Excellence.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes sur la mauvaise page sur les

  4   écrans. C'est le numéro 3 qu'il nous faut.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, paragraphe numéro 3, celui dont je viens

  6   de donner lecture. Vous le voyez maintenant à l'écran. J'ai lu exactement

  7   ce qui était écrit.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Quelle que soit la provenance et le parti politique d'où provient ce

 10   document, Monsieur l'Ambassadeur, il comporte des affirmations émanant de

 11   milieux de haut rang dans la politique américaine, indiquant que le régime

 12   de Sarajevo est un régime islamiste et qu'il commet des crimes contre des

 13   civils à Sarajevo dans le but de - comment est-ce que cela a été dit, oui -

 14   d'orchestrer des événements à des fins de propagande. Est-ce que c'est bien

 15   ce qui est écrit dans ce document ? Pensez-vous que le comité républicain

 16   mentirait sur ce genre de sujet ?

 17   R.  Pour répondre à votre première question, il importe de dire - et il

 18   nous faut rappeler encore une fois que ce document est un document partisan

 19   qui provient des républicains et qui a pour but d'attaquer les démocrates.

 20   Vous voyez toutes sortes de choses du même genre aujourd'hui à Washington,

 21   s'agissant de la guerre en Afghanistan ou de la guerre en Irak. C'est un

 22   acte tout à fait normal dans la politique américaine d'accuser son opposant

 23   des crimes les plus odieux.

 24   Pour répondre maintenant à votre deuxième question, est-ce qu'il mentirait

 25   sur ce genre de sujet, ma réponse est oui, mais le comité a probablement

 26   été mal informé.

 27   Q.  Je vous remercie. Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Si

 28   c'est un document partisan, cela ne le rend pas pour autant faux ou moins

Page 1689

  1   valable. Toutefois, laissons cela entre les mains des électeurs américains.

  2   Ils sanctionneront probablement tout parti politique coupable de mensonge.

  3   Passons à la page 10 de ce document à présent. Le paragraphe qui

  4   m'intéresse a pour titre "Tireurs embusqués". Je cite :

  5   "Les troubles de maintien de la paix de l'unité américaine s'efforcent de

  6   contrer les tireurs embusqués serbes de Bosnie, qui tirent sur des civils à

  7   Sarajevo. Ils ont conclu que jusqu'à la mi-juin, certains tirs provenaient

  8   également de soldats du gouvernement qui tiraient délibérément sur des

  9   civils appartenant à leurs rangs. Après ce qu'il est convenu d'appeler une

 10   enquête définitive, une unité de la marine française patrouillant contre

 11   les tireurs embusqués a déclaré qu'elle avait trouvé des traces de tirs de

 12   tireurs embusqués sur un bâtiment normalement occupé par des Musulmans de

 13   Bosnie."

 14   Autre passage, je cite :

 15   "Un haut responsable français a déclaré : 'Nous estimons qu'il est

 16   pratiquement impossible de le croire, mais nous sommes sûrs que ceci est

 17   vrai.'"

 18   La référence de tout ceci, c'est le "New York Times" du 8 janvier 1995.

 19   L'article s'intitule " Des tireurs embusqués tirent sur des civils."

 20   Est-ce que ceci doit également être rejeté, Monsieur l'Ambassadeur ?

 21   R.  Pas nécessairement. Nous en avons déjà discuté hier. Il y avait des

 22   tirs provenant d'armes d'infanterie appartenant à des Musulmans de Bosnie,

 23   qui ont tué des soldats de la paix français. Ceci n'est pas un point

 24   discutable.

 25   Q.  Je vous remercie. Ceci a à voir avec le fait de tirer sur ses propres

 26   civils afin de faire retomber la responsabilité sur les Serbes.

 27   Passons au paragraphe suivant. Je cite :

 28   "Massacre contre des gens faisant la queue pour acheter du pain. Des

Page 1690

  1   responsables américains et de hauts officiers gradés d'Europe occidentale

  2   estiment que ceci est l'une des tueries les plus terribles survenues à

  3   Sarajevo, y compris si l'on tient compte du massacre d'au moins 16

  4   personnes dans cette file pour le pain, et que cet acte a été commis en

  5   majorité par des défenseurs musulmans de la ville et pas par les

  6   assiégeants serbes. Dans un acte de propagande destiné à gagner la

  7   sympathie du monde et à obtenir une intervention militaire. Des rapports

  8   classés confidentiels provenant d'un commandant des forces américaines, le

  9   général Satish Nambiar, ont conclu que les forces musulmanes de Bosnie,

 10   loyales au président Alija Izetbegovic peuvent être à l'origine de

 11   l'explosion de cette grenade. 'Nous pensons que c'est une explosion qui a

 12   été ordonnée par le commandement, probablement dans une boîte de

 13   conserve.'"

 14   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ceci doit être pris au sérieux ?

 15   R.  Ceci devrait être pris au sérieux. Puisque nous le lisons dans la même

 16   langue, c'est tout à fait clair. "Peut avoir été à l'origine de l'explosion

 17   une grenade," mais ce n'est pas une affirmation définitive. Il y a le "peut

 18   avoir été." "Les forces musulmanes de Bosnie loyales au président Alija

 19   Izetbegovic peuvent avoir été à l'origine de l'explosion d'une grenade". Ce

 20   "peuvent avoir été" n'indique pas qu'elles l'ont nécessairement été. Il n'y

 21   a aucune accusation contre le gouvernement indiquant qu'il aurait commis un

 22   acte bien précis.

 23   Mais nous en avons déjà discuté hier, Docteur Karadzic. Ce que je

 24   m'efforce de vous dire et de porter à l'attention des Juges de la Chambre

 25   également, s'agissant du fait que l'armée des Musulmans de Bosnie aurait

 26   tiré à partir de l'hôpital afin de répliquer aux tirs qu'elle avait

 27   essuyés. Je peux vous assurer que je ne suis pas un abject défenseur de la

 28   position musulmane de Bosnie. Mon travail consiste à porter à l'attention

Page 1691

  1   des Juges de la Chambre un certain nombre de faits. Quel que soit l'endroit

  2   où nous mènent les éléments de preuve, je suis prêt à y aller. C'est la

  3   raison pour laquelle j'ai parlé de cet incident de l'hôpital. Nous ne

  4   discutons pas de points qui n'ont pas été évoqués. Je ne veux pas dire que

  5   nous ne devrions pas discuter de ces sujets précis, mais l'hôpital de

  6   l'incident est un sujet discuté.

  7   Il y a pas mal de confusion quant au fait de déterminer qui a tiré

  8   sur qui. Comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, la guerre en question

  9   a été très complexe. Ce n'était pas une guerre avec deux parties en

 10   présence, une partie A et une partie B. C'était une guerre où il y avait au

 11   moins trois parties en présence, puisque nous avions les Serbes de Bosnie,

 12   les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie, et il y avait des

 13   alliances qui ont varié pendant les combats. Je pense que ceci a été établi

 14   par nous. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point. Je ne pense

 15   pas qu'il y ait la moindre contestation.

 16   Il est important de se rappeler que - et je l'ai dit tout à fait au

 17   début de ma déposition - que puisque la partie musulmane était finalement

 18   pratiquement sans arme, le gros des combats entre 1992 et 1995, 80 % au

 19   moins de la ligne de front des Musulmans de Bosnie était, en fait, occupée

 20   par des soldats croates, alors que dans le même temps, il y avait des

 21   combats contre les Serbes. Mate Boban et le Dr Karadzic avaient une amitié

 22   très importante scellée à Graz en Autriche, en mai 1992. La situation était

 23   complexe. Les soldats se tiraient les uns sur les autres pendant que le Dr

 24   Karadzic et Mate Boban bavardaient ensemble dans les montagnes

 25   autrichiennes.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pensiez sans doute à 1992 et

 27   pas à 1962, comme ceci est consigné au compte rendu d'audience.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardon ? Oui, mai 1992.

Page 1692

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   Une pause de 20 minutes.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 21.

  4   --- L'audience est reprise à 10 heures 44.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons, Monsieur Karadzic.

  6   M. KARADZIC : [interprétation] Merci bien.

  7   Q.  Donc nous en étions au document 157, page 10. Et j'espère que nous en

  8   avons terminé avec ce document et cette page, et je demande maintenant

  9   l'affichage de la page 11 de ce même document. Voilà, elle est affichée.

 10   Merci. Le passage qui m'intéresse est celui qui suit le sous-titre,

 11   "Deuxième massacre au marché en 1995." Je cite :

 12   "La télévision française a rendu compte la nuit dernière du fait que

 13   l'enquête des Nations Unies au sujet du bombardement du marché de Sarajevo

 14   il y a deux semaines, a permis d'établir au-delà du moindre doute que

 15   l'obus de mortier qui a tué 68 personnes a été tiré à partir des lignes

 16   tenues par les Musulmans de Bosnie."

 17   Et cet article est un article du "Times" paru en 1994, précisément le

 18   19 février 1994. Je poursuis la lecture, je cite :

 19   "Un haut responsable des Nations Unies a admis l'existence d'un

 20   rapport secret des Nations Unies qui reproche le massacre dont ont été

 21   victimes les Musulmans au marché de Sarajevo, aux Musulmans de Bosnie.

 22   Massacre survenu en février 1994. Après avoir étudié le cratère laissé par

 23   l'obus de mortier et la répartition des éclats d'obus, le rapport a conclu

 24   que l'obus avait été tiré à partir de positions tenues par les Musulmans de

 25   Bosnie."

 26   Et un peu plus loin sous le sous-titre politique, nous lisons - et

 27   ceci est dit par David Binder en date du 22 décembre 1994, je

 28   cite :

Page 1693

  1   "Un journaliste du 'New York Times' ayant travaillé longtemps en

  2   Yougoslavie, a pu consulter le rapport supprimé. Bodansky déclare

  3   catégoriquement que la bombe était une charge particulière conçue et

  4   construite de façon très précise avec l'aide du Parti de Hezbollah, un

  5   groupe semant la terreur et basé à Beyrouth, et qui a des opinions pro-

  6   iraniennes. Ce groupe a donc construit la bombe avec un grand savoir faire

  7   et l'a tiré non loin d'un toit, sur la foule de clients, devant les caméras

  8   afin que le résultat soit un spectacle monté avec soin, montrant des

  9   dizaines de cadavres de Musulmans de Bosnie tués en action (échangés la

 10   veille contre des cadavres de Serbes) qui ont été baladés devant les

 11   caméras pour faire monter le nombre des victimes."

 12   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ceci rend bien compte de la

 13   réalité de ces incidents, s'agissant d'imputer la responsabilité aux Serbes

 14   ou à d'autres ?

 15   R.  Il y a eu deux questions et je vais faire deux réponses.

 16   Au sujet de ces incidents, j'ai su, même si je n'ai pas participé à tout

 17   cela de très près à l'époque, qu'il y avait des divergences d'opinion quant

 18   à l'origine du projectile qui a provoqué le massacre sur le marché en 1994,

 19   et en 1995 lors de ces deux incidents.

 20   Puis deuxième point, vous m'avez demandé si cela modifiait mon opinion, et

 21   je dois dire que non, mon opinion demeure la même. Je veux dire si j'avais

 22   pu donner un exemple d'un incident en 1995 à peu près à la même époque que

 23   personne n'aurait pu contester, bien, il y en a un grand nombre de tels

 24   exemples, en particulier l'assassinat par l'armée des Serbes de Bosnie de 7

 25   000 hommes musulmans et jeunes hommes musulmans à Srebrenica. Si le Dr

 26   Karadzic souhaite évoquer cela, cela m'intéresserait d'entendre son point

 27   de vue à ce sujet. Mais il est indubitable que ce fait a eu lieu.

 28   Encore une fois, pour être bref, toutes les parties se sont mal

Page 1694

  1   conduites, les Serbes de Bosnie se sont conduits le plus mal de tous. Et

  2   puisqu'ils avaient le meilleur armement, parce qu'ils n'avaient pas

  3   simplement les armes appartenant à l'armée serbe de Bosnie, mais également

  4   les armes appartenant à l'armée yougoslave, ils ont donc pu provoquer des

  5   dégâts plus importants. Mais il est indiscutable, nous l'avons établi, je

  6   pense ici, le Dr Karadzic et moi-même, qu'une certaine responsabilité peut

  7   être imputée à toutes les parties au conflit comme dans un cas de ce genre.

  8   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. Conviendrez-vous que cette

  9   réponse que vous venez de faire me permet de dire que j'apprécie davantage

 10   vos écrits et les documents émanant de vous, que vos évaluations orales et

 11   vos avis exprimés oralement. Veuillez répondre par oui ou par non, cela me

 12   suffira.

 13   R.  Non. Cela ne vous permet pas de tirer des conclusions de ce genre, car

 14   malheureusement cette conclusion n'est pas exacte.

 15   Q.  Je vous remercie. Bien, le moment est arrivé pour moi de parler de

 16   Srebrenica. Mais nous y viendrons, quoi qu'il en soit.

 17   Terminons-en rapidement avec ce document, paragraphe suivant, puis nous

 18   passerons à d'autres sujets, je cite :

 19   "Deuxième massacre du marché en 1995" :

 20   "Un rapport très important des Nations Unies affirmant que la

 21   responsabilité du massacre imputable aux Serbes est un secret hautement

 22   confidentiel, mais pour les spécialistes, un Russe, et un Canadien, et deux

 23   Américains - des doutes sérieux existent quant à la fiabilité de cette

 24   conclusion, puisqu'il propose en lieu et place de celle-ci que le mortier a

 25   été tiré, non pas par les Serbes, mais par les forces gouvernementales

 26   musulmanes. Un officier canadien a ajouté que lui-même et d'autres

 27   officiers canadiens présents en Bosnie étaient convaincus que le

 28   gouvernement musulman avait largué les obus tombés sur le marché de

Page 1695

  1   Sarajevo aussi bien le 5 février 1994 que le 28 août 1995. Un responsable

  2   américain non identifié déclare que les éléments de preuve disponibles

  3   permettent de penser que l'obus aurait été tiré soit avec une trajectoire

  4   très longue, ce qui signifie à une distance de quelques centaines de

  5   mètres. Par conséquent, à partir d'un secteur sous contrôle gouvernemental

  6   de Sarajevo, soit que l'obus de mortier transformé en bombe, aurait été

  7   largué à partir d'un toit voisin sur la foule."

  8   Cet article est paru dans "La Nation" du 2 octobre 1995.

  9   Et un peu plus bas nous lisons que :

 10   "Le rédacteur en chef, Jean Denir [phon], pose directement la question au

 11   premier ministre Edouard Balladur en disant 'ils' à savoir les Musulmans de

 12   Bosnie, 'ont commis un carnage sur leur population', ai-je expliqué

 13   consterné. 'Oui', a confirmé le premier ministre sans hésitation, 'mais au

 14   moins, ils ont contraint l'OTAN à intervenir'."

 15   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous pensez que le premier ministre, M.

 16   Balladur, aurait déclaré quelque chose de ce genre si cela avait été

 17   contraire à la vérité ?

 18   R.  Je pense que nous sommes tous d'accord sur le fait que des violences

 19   ont été commises par toutes les parties en présence. C'est l'une des

 20   raisons, Docteur Karadzic, pour l'existence de ces incidents que vous

 21   portez à notre attention, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous

 22   vous avons imploré de cesser votre pilonnage de Sarajevo. A l'époque, vous

 23   vous rappellerez que Lord Owen a déclaré à plus d'une reprise que c'était

 24   sans doute l'acte qui ternissait le plus votre image, à savoir ce pilonnage

 25   quotidien d'une ville innocente qui, d'ailleurs, ne l'oublions pas,

 26   constitue à lui seul un crime de guerre.

 27   Je dois admettre que même aujourd'hui, très longtemps après les

 28   faits, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas ordonné au général

Page 1696

  1   Mladic de faire cesser le pilonnage de Sarajevo et de Gorazde ainsi que des

  2   autres villes que vous assiégiez. Ceci vous a sûrement fait beaucoup de mal

  3   auprès du reste du monde, et c'est à mes yeux une espèce de mystère encore

  4   aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi vous avez continué à pilonner ces

  5   villes en sachant que ces actes vous feraient un tel mal.

  6   Je connais bien votre argument - nous en avons déjà discuté - ces 60

  7   000 Serbes qui auraient été maintenus à l'état d'otages dans la ville de

  8   Sarajevo. Bien entendu, vous savez que je connais cet argument, mais même

  9   dans ces conditions, je dois dire que ceci n'était pas l'exacte vérité,

 10   parce qu'une fois que le HCR s'est emparé de l'aéroport de Sarajevo en

 11   juin/juillet 1992, des vols de secours, des vols d'aide humanitaire ont été

 12   organisés pour faire sortir les gens de la ville et c'est ainsi que les

 13   négociateurs ont pu d'ailleurs voyager à bord de ces vols organisés par le

 14   HCR. Or, très peu de Serbes ont demandé à être mis à bord de ces avions et

 15   ceci nous amène à une question qui est d'intérêt historique et, bien sûr,

 16   c'est une accusation que les Juges de cette Chambre vont devoir prendre en

 17   compte et sur laquelle ils vont devoir se prononcer.

 18   Mais je dois dire que je ne comprends toujours pas pourquoi vous

 19   n'avez pas ordonné au général Mladic de retirer ses troupes du mont Igman

 20   ou simplement de faire cesser les pilonnages sur Sarajevo et Gorazde. Je

 21   vous remercie.

 22   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. C'est une question tout à fait à part et

 23   qui sera bien expliquée, exposée dans le détail de façon précise.

 24   Je voudrais revenir maintenant sur une position que vous avez avancée et

 25   qui est la position du bureau du Procureur aussi à savoir que nous, et en

 26   premier lieu moi parce que c'est moi qui suis jugé ici, nous avions exclu

 27   la possibilité d'une coexistence avec les Musulmans dans la Republika

 28   Srpska. Nous avons affirmé que nous ne voulions pas vivre dans une Bosnie

Page 1697

  1   indépendante sous domination musulmane. Mais nous avons toujours affirmé,

  2   et dans tous les documents, tous les discours et propos, il a été prévu

  3   d'avoir des minorités et ça, vous l'avez contesté vous aussi.

  4   Or, je voudrais qu'on nous montre le 65 ter numéro 2. Il s'agit d'une

  5   session du parlement du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine. Il s'agit d'une

  6   assemblée constitutionnelle, lorsque nous avons quitté le parlement de

  7   Bosnie-Herzégovine pour mettre en place une assemblée à nous. 65 ter du

  8   bureau du Procureur, pièce numéro 2.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous attendons l'affichage de ce

 10   document, et dans l'intervalle pourriez-vous nous donner votre position,

 11   Monsieur Tieger, sur le 102 ?

 12   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La lettre de M. Cengic sera donc admise.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle recevra la cote D81.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Voilà. Nous en sommes aux notes sténographiées de cette session.

 18   Veuillez nous montrer, je vous prie, la page 47. La version anglaise, c'est

 19   la page 24. Je veux bien que vous mettiez sur l'écran rien que la version

 20   anglaise.

 21   Le Pr Koljevic dont vous avez fait connaissance et dont l'anglais était

 22   bien meilleur que le mien, vous serez d'accord avec moi pour le dire ça ?

 23   R.  En effet. Votre anglais est plutôt bon, mais le sien était meilleur

 24   c'est vrai.

 25   Q.  Alors le dénommé Koljevic dit :

 26   "Nous ne créons pas cette assemblée pour déposséder quiconque de ses

 27   propres droits. Ce n'est pas dans la nature de l'être serbe."

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pourriez-vous nous

Page 1698

  1   donner la référence en anglais ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Version anglaise, page 24. Je ne vois pas ici

  3   le numéro de la page et je ne vois pas où le vice-président Koljevic,

  4   enfin, il était membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine à l'époque

  5   lui.

  6   On peut descendre un peu, je ne vois pas le passage.

  7   Essayons la page 22. Quand commence à parler le Pr Koljevic. Là. Alors nous

  8   allons essayer maintenant de retrouver. Oui. Ça commence à la page 24, au

  9   paragraphe 2, donc il faut nous montrer la page 24, mais le haut de la

 10   page.

 11   M. KARADZIC : [interprétation] Paragraphe 2:

 12   "What we sought to do…"

 13   "Nous ne créons pas cette assemblée pour déposséder quiconque de ses

 14   propres droits. Ce n'est pas dans la nature de l'être serbe. Je ne pense

 15   pas qu'un Serbe qui se respecte pourrait signer un tel document, et si

 16   quelque chose devait être fait, nous le faisons en public, et nous le

 17   faisons publiquement. Lorsque nous nous sommes assemblés devant nos églises

 18   quand nous avions eu à nous concerter dans l'histoire, nous le faisions de

 19   façon publique."

 20   Avez-vous une observation à formuler au sujet de ce que vient de dire M.

 21   Koljevic ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Merci. Je voudrais maintenant qu'on nous montre la page 25 de la

 24   version anglaise. On est à la page 25. C'est après le mot "confusion."

 25   "Confusion caused by treachery is passing."

 26   "Nous voulons préserver un Etat qui va appeler une unité politique au

 27   peuple serbe et à tous ceux qui veulent partager l'existence de cet Etat

 28   avec nous sur des bases d'égalité en droit pleine et entière."

Page 1699

  1   Dans l'original, il est dit : "Nous voulons préserver un Etat qui va

  2   permettre l'unité politique et étatique du peuple serbe et de tous ceux qui

  3   veulent, sur des bases d'égalité pleine et entière, partager notre option."

  4   Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour indiquer que c'est bien ce qui

  5   est dit ici ?

  6   R.  Oui, il me semble que votre déclaration sur laquelle vous voulez

  7   préserver un Etat, qui portera une unité étatique et politique au peuple

  8   serbe, correspond parfaitement à l'idée du président Milosevic, et sans

  9   doute la vôtre qui est celle d'une Grande-Serbie. Cela va parfaitement avec

 10   le commentaire que vous m'avez fait lorsque vous m'avez rencontré pour la

 11   première fois, qui est que si les municipalités serbes de Bosnie, les

 12   opstina serbes de Bosnie ne pouvaient pas rester dans ce qui était appelé

 13   Yougoslavie, il y aurait une guerre. Vous vous souviendrez sans doute, et

 14   vous savez qu'en effet vous avez fait suivre vos mots de tact puisqu'il y a

 15   bel et bien eu une guerre. Vous avez commencé la guerre.

 16   En ce qui concerne ce que disait le Dr Koljevic à propos des minorités qui

 17   auraient droit d'être et droit de vivre en Republika Srpska, vous m'avez

 18   mal cité, Docteur Karadzic. J'ai dit que votre objectif de guerre était de

 19   rendre la Republika Srpska aussi serbe que possible. J'imagine, je ne

 20   m'attendais pas à ce que ce soit à

 21   110 % serbe. D'ailleurs, au cours de l'affaire Krajisnik, celui-ci a fait

 22   remarquer qu'il y aurait des réserves, il les appelait comme des réserves

 23   que comme pour aux Etats-Unis pour les réserves indiennes. Il y aurait des

 24   réserves en Republika Srpska où les Musulmans auraient le droit d'habiter,

 25   des sortes d'enclaves musulmanes, l'inverse d'enclaves musulmanes, des

 26   réserves en Republika Srpska où les Musulmans pourraient vivre.

 27   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, ici on est en octobre 1991. Il n'y a pas encore

 28   une pensée au sujet de la Republika Srpska. On ne l'a pas envisagé. Notre

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  1   priorité, c'était la Yougoslavie. La Republika Srpska, ça a été un choix

  2   par nécessité parce que nous n'avions pas pu préserver la Yougoslavie. Il

  3   n'est pas question de minorités au sein de la Republika Srpska, mais il est

  4   question de l'unité de l'Etat yougoslave et d'une pleine égalité en droit

  5   de ceux qui participent à l'existence de cet Etat.

  6   Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'en octobre 1991

  7   il n'y a pas un mot au sujet de la Republika Srpska ?

  8   R.  Oui. Comme je l'ai dit, vous avez parlé dès 1991 de la possibilité de

  9   relier les municipalités serbes de Bosnie à la Yougoslavie en 1991, mais ce

 10   n'est pas ce qui est en cause à l'heure actuelle.

 11   Q.  Mais, Monsieur l'Ambassadeur, nous voulions que toute la Bosnie reste

 12   en Yougoslavie, et nous voulions que restent en Yougoslavie tous ceux qui

 13   souhaitaient rester dans cette Yougoslavie; c'est bien cela, non ?

 14   R.  Mais vous aviez le droit de le demander. Cela dit, le référendum qui

 15   s'est tenu, malheureusement pour votre camp, a voté pour l'indépendance. Le

 16   peuple a exprimé son désir démocratique de ne pas rester au sein de la

 17   Yougoslavie. C'est ainsi. Ça ne signifie pas que vous aviez tort

 18   d'argumenter en faveur de la Yougoslavie, ou qu'ils avaient tort non plus.

 19   Ça signifie juste qu'ils n'étaient pas du même avis que vous. Il y avait

 20   d'un côté les Serbes de Bosnie et le SDS; et de l'autre côté, les Croates

 21   de Bosnie et les Musulmans de Bosnie de l'autre côté. Enfin, on en a déjà

 22   parlé.

 23   Q.  Merci. Tout cela viendra plus tard. On en reparlera de l'illégalité de

 24   ce référendum. Je présenterai des éléments de preuve le moment venu, et

 25   cette décision a été contraire au droit.

 26   Mais je voudrais maintenant qu'on nous montre le 65 ter numéro 5,

 27   pièce de l'Accusation.

 28   Je voudrais vous rappeler, Monsieur l'Ambassadeur, le fait que la Republika

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  1   Srpska, c'est-à-dire la république distincte du peuple serbe, ce n'est

  2   mentionné que suite à une décision prise illégalement par le gouvernement

  3   de la Bosnie-Herzégovine visant à demander l'indépendance. Nous sommes

  4   encore en octobre et nous nous battons pour préserver la Yougoslavie, pour

  5   l'égalité en droit de tous et toutes dans cette Yougoslavie, et par voie de

  6   conséquence, la Yougoslavie et Bosnie-Herzégovine.

  7   Mais je voudrais maintenant qu'on nous montre la page 13 de ce

  8   document numéro 5. En version anglaise c'est la page 13.

  9   "Tout ce qu'on fera doit tenir compte des circonstances

 10   sociopolitiques complexes qui sont les nôtres."

 11   C'est ce que dit le président du parlement conjoint, puis le président de

 12   l'assemblée de la Republika Srpska, à savoir M. Krajisnik, il dit que :

 13   "Il faut tenir compte des circonstances complexes qui sont les nôtres, et

 14   que toutes les solutions proposées se doivent d'être basées sur la

 15   constitution et la loi, exprimer les intérêts du peuple serbe, mais sans

 16   pour autant se mettre en place au détriment des autres peuples en Bosnie-

 17   Herzégovine. Le principe fondamental que nous devons respecter dans nos

 18   activités respectives, c'est de ne pas imposer la volonté du peuple serbe

 19   aux autres peuples. Nous devons respecter la volonté justifiée du peuple

 20   croate et du peuple musulman."

 21   Et après, on parle de l'essence même. Oui. C'est la même page.

 22   "La substance de notre volonté est claire. C'est une vie conjointe

 23   dans un Etat commun."

 24   Une vie commune dans un Etat commun. C'est la position prise par le

 25   président de notre parlement conjoint M. Krajisnik, dans une situation où,

 26   de façon illégale et anticonstitutionnelle, nous avons été mis en minorité

 27   au vote, et nous avons dû créer une assemblée du peuple serbe pour que

 28   celle-ci participe en tant que telle aux activités du parlement conjoint,

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  1   et il n'y avait pas que le SDS, mais tous les partis qui avaient dans leurs

  2   rangs des Serbes qui ont été pour. Etes-vous d'accord avec moi pour le dire

  3   ou pas ?

  4   R.  Oui, c'est en effet le cas.

  5   Q.  Merci. Je voudrais qu'on nous montre le 65 ter numéro 7 maintenant.

  6   Numéro 7, page de la version anglaise numéro 13. On est au 11 décembre

  7   1991.

  8   On voit Radovan Karadzic dire ici:

  9   "Je vois". Oui, montrez-nous le texte entier. "Quand est-ce qu'on

 10   réfléchit bien de façon fondée, justifiée sur les choses, lorsqu'on fait

 11   des projections d'avenir, indépendamment du fait de savoir si on restera en

 12   Yougoslavie et on envisage de rester en Yougoslavie, je vois que la Bosnie

 13   ne pourra pas être aménagée comme toutes les autres républiques qui sont

 14   essentiellement à majorité ethnique donnée, parce que c'est une république

 15   où il y a trois communautés ethniques importantes. Je voudrais que dans la

 16   langue, et du point de vue terminologique, on parle de 'trois communautés

 17   ethniques.'"

 18   C'est le cinquième ou sixième paragraphe.

 19   "When we think things over."

 20   "Nous envisageons, nous planifions l'avenir."

 21   Maintenant c'est au milieu de la page, ce passage.

 22   Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, Monsieur l'Ambassadeur pour

 23   dire que je m'emploie en faveur de la nécessité de faire rester la Bosnie

 24   en Yougoslavie, mais que cette Bosnie même devait tenir compte de la

 25   réalité de la présence de trois communautés ethniques ?

 26   R.  Monsieur Karadzic, ici dans ce Tribunal il n'a jamais été contesté que

 27   vous vouliez diviser l'Etat en trois Etats, avoir trois Etats au sein d'un

 28   Etat. Et d'ailleurs entre nous aussi nous étions d'accord. Je savais très

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  1   bien que c'est ce que vous vouliez. Vous vouliez en faire quelque chose que

  2   vous auriez appelé un Etat composé, un Etat fédéral, un Etat confédéré, il

  3   y avait toutes sortes de libellés qui signifiaient toujours la même chose,

  4   c'est-à-dire trois Etats au sein d'un même Etat. C'est aussi ce que

  5   voulaient les Croates et ceux qui n'en voulaient pas c'était les Musulmans.

  6   Ils n'en voulaient pas pour une raison bien simple, on en a déjà parlé

  7   d'ailleurs lorsque nous avons parlé des cartes. On leur donnait un lopin de

  8   terre en plein milieu de la Bosnie, dans un losange Sarajevo, Tuzla,

  9   Zenica, Travnik. Ils avaient ce lopin en forme de losange et le reste du

 10   pays allait finalement appartenir à vous et à Mate Boban. Mais nous savions

 11   bien que vous vouliez votre propre état, ce n'est pas contesté.

 12   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Je tiens à vous rappeler - et on

 13   reviendra sur votre carte à vous - le fait qu'il a toujours été prévu que

 14   les Musulmans obtiennent au moins 30 % des parties les plus développées de

 15   la Bosnie-Herzégovine, parce qu'ils vivaient eux dans les villes alors que

 16   les Serbes étaient une population rurale et vivaient sur de grands

 17   territoires. Le triangle que vous évoquez ou le losange, ce n'est pas cela.

 18   Moi, ma question fait l'objet de ce qui suit : est-il clair ici que

 19   nous nous employons en faveur de résolutions politiques et de solutions qui

 20   tiendraient compte de la totalité des intérêts des communautés ethniques en

 21   présence ?

 22   R.  Non, ce n'est pas clair. C'est plutôt le contraire qui est clair.

 23   Si vous voulez revenir à la page précédente, la page que vous avez montrée

 24   avant celle-ci, vous verrez que Nikola Koljevic déclare, et je cite : "Nous

 25   avons tous les atouts."

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce 65 ter 5, page 13.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand il dit : "Nous avons tous les atouts,

 28   nous avons les atouts en main." Ce qui signifiait qu'à, déjà à l'hiver

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  1   1991-1992, vous étiez déjà bien armés, vos paramilitaires dans les SAO

  2   marchaient bien, et vous aviez la JNA et l'armée yougoslave. Comme vous

  3   l'avez déjà dit il y a quelques jours, à ce moment-là c'était déjà une

  4   armée serbe qui était derrière vous. Vous aviez, en effet, tous les atouts

  5   en main.

  6   Puis-je donner lecture de la citation exacte :

  7   "Nous ne devons pas sous-estimer nos avantages exprimés par un rapport

  8   réalistique [phon] des forces politiques en Bosnie-Herzégovine, nous ne

  9   pouvons pas renoncer à nos droits pour d'autres."

 10   Les armes pour vous, c'était plus fort sur le terrain pour vous, et dans

 11   votre partie tout le monde et tous les observateurs le savaient.

 12   Q.  Merci. Avec tout le respect que j'ai pour vous, Monsieur l'Ambassadeur,

 13   il est inadmissible de vous voir interpréter de la sorte les propos de M.

 14   Koljevic, parce que lui n'a jamais été un militaire, et modifier la

 15   signification de ses phrases, présenter les avantages ou les atouts

 16   politiques que nous avions comme étant des atouts militaires, ce n'est pas

 17   vrai. Nous n'avions pas besoin de l'autorisation des Musulmans et des

 18   Croates pour rester en Yougoslavie. Mais eux ils avaient besoin de notre

 19   consentement pour ce qui était de quitter la Yougoslavie; est-ce que c'est

 20   bien cela ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant votre réponse, Monsieur

 22   l'Ambassadeur, je vois que M. Tieger est debout.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait sûr qu'il y ait

 24   besoin d'une réponse. Mon objection est que l'accusé se lance dans des

 25   argumentations, dans des plaidoiries, et il ne pose pas de questions en

 26   fait.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, pensez-vous être

 28   en mesure de répondre à la question ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse à la question est la suivante :

  2   "Avaient-ils besoin de notre accord pour quitter la Yougoslavie ?" Bien,

  3   réponse : non, non. Ils n'avaient pas besoin de votre accord, parce que

  4   vous avez boycotté ce référendum du 29 février et du 1er mars et du fait

  5   vous auriez pu exprimer votre point de vue au sein du référendum, vous avez

  6   décidé de ne pas le faire, donc ils ont fait avancer les choses.

  7   Mais avant ce référendum sur l'indépendance de la Bosnie en février,

  8   début mars 1992, en juin déjà la Republika Srpska avait déclaré son

  9   indépendance. Ils étaient devant un fait accompli, mais ce fait accompli,

 10   en fait, c'est le fait que vous aviez déclaré votre propre indépendance dès

 11   janvier 1992, et ça, ça fait partie des faits.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur l'Ambassadeur je ne me suis limité à une chose, à savoir que

 14   vous aviez interprété de façon erronée les propos de M. Koljevic. Il

 15   n'avait envisagé aucune espèce d'atout militaire, mais atout politique

 16   parce que nous étions un peuple constitutif. Contre notre volonté, il ne

 17   pouvait pas y avoir sécession de la Bosnie-Herzégovine. Mais laissons ceci

 18   de côté. Vous avez votre opinion, j'ai la mienne, et nous aurons les faits

 19   sous les yeux.

 20   Je voudrais qu'on nous montre la page 14 de ce même document.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel document ? Le 65 ter numéro 7 ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est cela, même document, numéro 7.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Là, au tout début, il est dit :

 25   "Quoi qu'on fasse --"

 26   C'est le deuxième paragraphe ici. "Even the smallest --" "C'est même la

 27   plus petite --"

 28   Non, la première phrase qui commence au premier paragraphe.

Page 1706

  1   "Peut-être ces trois communautés nationales ethniques devraient avoir

  2   trois systèmes scolaires" et cetera. 

  3   Peut-être ainsi dans la formulation de ces dites recommandations, il

  4   faudrait dire que là où les Serbes, du fait de leur mise en minorité

  5   systématique, n'ont pas pu préserver leurs droits civils nationaux,

  6   économiques et autres. L'assemblée du peuple serbe leur recommande de créer

  7   leur propre municipalité à eux.

  8   Est-ce que vous avez reçu des explications, Monsieur l'Ambassadeur,

  9   concernant le fait que nous nous employons en faveur du fait de voir de

 10   grosses municipalités où il y a beaucoup d'habitants, pour voir respecter

 11   la volonté de leur population pour créer deux ou trois municipalités comme

 12   toutes les grandes villes disposent de plusieurs municipalités à elles, et

 13   que les peuples devraient pouvoir disposer de la possibilité de créer ces

 14   municipalités en vertu de la disposition ethnique des parties de ces

 15   municipalités.

 16   R.  Deux points attirent mon attention. A la ligne 19 en anglais, il y a

 17   une erreur. Il est écrit "juin" alors que c'était janvier. La déclaration

 18   d'indépendance de la Republika Srpska autoproclamée s'est faite en janvier

 19   1992 et non pas en juin. Je le dis parce que c'est important. C'était avant

 20   le référendum, quelques mois avant. Un mois avant.

 21   Maintenant, sur ce point précis dont vous venez de me parler,

 22   Monsieur Karadzic, le fait que les municipalités devraient être de taille

 23   plus importante et devraient être en mesure de contrôler leurs propres

 24   affaires, ce qui est intéressant ici lorsque je lis ce texte, c'est la

 25   chose suivante : lorsqu'on vous a présenté le plan de paix Vance-Owen où il

 26   y avait dix provinces plutôt que 109 communautés, 109 municipalités, donc

 27   il y avait dix provinces bénéficiant chacune de pouvoirs autonomes

 28   importants, trois de ces provinces étant des provinces à majorité serbe,

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  1   qui auraient donc tous les droits dont vous avez parlé ici, vous avez

  2   rejeté ce plan Vance-Owen. Donc je me demande quel est le crédit que l'on

  3   peut apporter à ces paroles couchées sur le papier puisque en pratique,

  4   après les combats, lorsque l'on a discuté du plan de paix à la table de

  5   négociations, vous l'avez tout simplement rejeté.

  6   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, permettez-moi quelques petits rectificatifs. Le

  7   9 janvier 1992, il y a eu proclamation de la Republika Srpska, et le 7

  8   avril, il y a eu proclamation de l'indépendance de cette Republika Srpska,

  9   et non pas au mois de janvier. Deuxièmement, j'ai mentionné ici le fait que

 10   le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, à la date du 22 décembre, alors que

 11   ce gouvernement n'en avait pas droit. Ce n'est pas le devoir et la mission

 12   d'un gouvernement que de demander à la Communauté européenne de reconnaître

 13   son indépendance.

 14   Deuxième rectificatif : nous sommes en train de parler de 1991, et le

 15   plan Vance date de 1993, une fois que la guerre a commencé, une fois qu'il

 16   y a eu 12 bébés tués à Banja Luka parce que personne ne pouvait leur faire

 17   parvenir de l'oxygène. Donc ça, ce sont deux périodes de temps différentes

 18   et deux plans différents. Même la plus petite des municipalités peut créer

 19   trois municipalités si telle chose vient à être convenue. C'est dit à la

 20   même page.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé, Madame, Monsieur les Juges, je

 22   ne veux pas vraiment prendre la parole, mais le Tribunal, enfin, la Chambre

 23   de première instance a remarqué à plusieurs reprises qu'il fallait poser

 24   des questions d'une certaine façon. Or, l'accusé continue à utiliser les

 25   questions qu'il veut poser pour faire des commentaires et faire des grandes

 26   déclarations. Je considère que ce n'est pas correct.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous,

 28   Monsieur Tieger.

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  1   Monsieur l'Accusé, posez des questions et uniquement des questions.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je veux bien poser ma question.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la Republika Srpska a été

  5   proclamée le 9 janvier, mais elle n'a pas été mise sur papier en réalité

  6   jusqu'au 9 mars ? Et l'indépendance, elle, a été proclamée en avril, une

  7   fois que la Bosnie est devenue indépendante, ou plutôt, en même temps il y

  8   a eu une session de l'assemblée de la Republika Srpska qui s'est tenue à

  9   Banja Luka; oui ou non ?

 10   R.  Monsieur Karadzic, vous jouez sur les mots. Désolé. Examinons la

 11   situation. Le 8 janvier 1992, que se passe-t-il ? Vous avez une entité

 12   appelée la République de Bosnie-Herzégovine. Le jour suivant, donc le

 13   lendemain, vous proclamez votre indépendance. Vous proclamez l'existence

 14   d'une entité séparée. Ecoutez, ça signifiait ce que ça signifiait à

 15   l'époque. A l'époque, on a bien compris ce que cela signifiait, et je pense

 16   que votre interprétation, a posteriori, le verdict que vous rajoutez sur

 17   les faits tels qu'ils étaient déforme la situation.

 18   Q.  Ça, on en reparlera plus tard. Moi, je veux que nous déterminions les

 19   faits. Revenons donc au document : "Même la plus petite des municipalités

 20   peut créer trois municipalités si c'était ce que l'on convient de faire."

 21   Monsieur l'Ambassadeur, lorsqu'il y a eu création de ces assemblées serbes,

 22   par exemple, l'assemblée serbe de la municipalité de Sanski Most, est-ce

 23   que cela sous-entendait qu'il allait y avoir une municipalité musulmane

 24   aussi ? Et au mois de décembre 1991, il est dit ici :

 25   "Si les Croates réunissent les conditions requises. Ils peuvent créer leur

 26   propre municipalité dans le cadre d'une municipalité antérieurement

 27   existante."

 28   Est-ce bien vrai ou pas ?

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  1   R.  Mais cette formule ne pouvait pas marcher. C'était impossible.

  2   Q.  Ça n'a pas fait l'objet de ma question, mais merci quand même.

  3   Je voudrais qu'on nous montre maintenant le 65 ter 04984. C'est le S025898.

  4   Il s'agit du 65 ter 04984, page 3. SA025898. C'est la page 3 de ce document

  5   qui nous intéresse. Le SA025898, je crois que c'est le numéro ERN. Deux

  6   pages plus haut par rapport à celle-ci. Tout en haut de cette page -- je ne

  7   sais pas si on l'a en version anglaise celle-là. Paragraphe 2, puis au-

  8   delà, on voit le président du parlement, Momcilo Krajisnik. Je crois qu'il

  9   faut passer à la

 10   page 3.

 11   "Le président du parlement, Momcilo Krajisnik, a une fois de plus souligné

 12   la nécessité de créer des municipalités serbes là où les Serbes sont

 13   minorités, sans qu'il y ait obligation forcément de le faire dans toutes

 14   les municipalités. "

 15   N'est-il pas clair, Monsieur l'Ambassadeur, que lorsque les Serbes disent

 16   qu'ils ont créé une municipalité tout en étant une minorité là-bas, ça ne

 17   signifie pas qu'ils ont déclaré que toute cette municipalité était une

 18   municipalité serbe, mais ils ont pris leur communauté locale pour créer une

 19   municipalité serbe, tout comme à Bruxelles il y a des municipalités qui

 20   sont wallonnes et d'autres qui sont flamandes.

 21   R.  Oui, c'est partiellement vrai, Monsieur Karadzic, et je vais compléter

 22   votre réflexion au bénéfice des Juges de cette Chambre. A plus d'une

 23   reprise, les dirigeants des Serbes de Bosnie étaient questionnés à propos

 24   de la Republika Srpska et à propos des municipalités serbes qui avaient

 25   rejoint la Republika Srpska et quels étaient les critères utilisés pour

 26   rejoindre la Republika Srpska. La réponse était la suivante : dans une

 27   municipalité où il y avait une majorité de Serbes qui aurait voté en faveur

 28   de rejoindre la Republika Srpska, la municipalité devenait une partie de la

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  1   Republika Srpska, ce qui signifie la chose suivante : en réalité c'était la

  2   chose suivante : Imaginons qu'on a une municipalité A où il y a

  3   10 000 personnes; 5 000 Musulmans, 3 000 Serbes, 2 000 Croates. Les

  4   3 000 Serbes votent, et admettons que 2 sur 3 votent pour rejoindre la

  5   Republika Srpska, donc la municipalité appartient à la Republika Srpska,

  6   mais ça ne fait que 2 000 personnes sur 10 000, donc certes une majorité

  7   des Serbes avait voté, certes, mais ce n'est pas une majorité de la

  8   population de la municipalité qui était de 10 000. Et c'est exactement l'un

  9   des problèmes que l'on rencontrait. Tous ces documents qu'on nous montre,

 10   et que je vois d'ailleurs pour la première fois - et je vous suis très

 11   reconnaissant de me les montrer - amènent tous à la même chose : la

 12   proclamation de l'indépendance de la Republika Srpska. Ce sont des

 13   documents qui datent de décembre 1991, et à cette époque, à ce stade, il

 14   était devenu assez clair que la Bosnie-Herzégovine allait suivre, emboîter

 15   le pas à la Croatie et à la Slovénie et allait décider de proclamer son

 16   indépendance. Et voilà en décembre 1991, que les Serbes de Bosnie se

 17   préparent prudemment à retirer leur territoire de Bosnie-Herzégovine,

 18   enfin, en tout cas du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Je ne veux pas

 19   dire qu'ils allaient physiquement déplacer leur territoire, mais ils ne

 20   voulaient plus être sous l'égide de la Bosnie-Herzégovine.

 21   Q.  Merci. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous êtes d'accord pour dire

 22   que ça s'est tenu le 11 décembre 1991, cette session, oui ou non ? Là on

 23   peut répondre par un oui ou par un non.

 24   R.  Si vous le dites, Monsieur Karadzic, je vais dire oui, je dis toujours

 25   oui.

 26   Q.  Merci. Alors, partant de ce que disent les députés et le président de

 27   l'assemblée, il apparaît clairement qu'il est prévu que la Bosnie y reste

 28   non divisée et assurant une égalité de droits au niveau de toute

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  1   municipalité. Chaque communauté peut faire sa propre municipalité, il n'y a

  2   pas de majorité, donc il n'y a pas de régionalisation, et on prévoit à

  3   l'intention de toute municipalité ou de toute communauté ethnique de créer

  4   sa propre municipalité là où c'est possible et ce que personne ne se

  5   dissocie à l'égard des autres, est-ce que c'est bien cela ? Ce que vous

  6   avez évoqué, on y reviendra plus tard, c'est après le 21 décembre. Mais

  7   cette session-ci, c'est daté du 11 décembre.

  8   R.  La réponse à votre question est non, non ce n'est pas clair pour la

  9   raison suivante et vous la connaissez bien - moi aussi d'ailleurs - c'est

 10   parce que les SAO, c'est-à-dire les oblats autonomes des Serbes de Bosnie

 11   étaient déjà créés ou en création et les paramilitaires serbes de Bosnie

 12   étaient déjà en train d'être armés par l'armée populaire de Yougoslavie, la

 13   JNA.

 14   Q.  Ça je le conteste, tout cela je le conteste, Monsieur l'Ambassadeur,

 15   mais je vais vous poser ma question : si dans une municipalité, il y a dix

 16   communautés locales qui sont serbes et qui décident de créer une

 17   municipalité nouvelle, puis de procéder après le 21 décembre se rattacher à

 18   une entité serbe, est-ce que vous êtes en train de nous dire que ces dix

 19   communautés locales serbes ont décidé de le faire au nom de toute la

 20   municipalité ou est-ce que c'est une décision qui ne concerne que la partie

 21   serbe de la dite municipalité ?

 22   R.  Je dis et je cite M. Krajisnik, qui a dit que cette décision prise par

 23   les Serbes avait été faite et impliquait toute la municipalité en totalité

 24   et pas uniquement quelques rues dans une ville ici ou là.

 25   Q.  Merci. Ça on va le contester.

 26   Je voudrais que ces deux pièces -- est-ce que la pièce numéro 5 a été versé

 27   au dossier, le 65 ter numéro 5, ça a déjà été versé au dossier ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, voyons ce qu'il en est de ce

Page 1712

  1   procès-verbal.

  2   Jusqu'à présent nous avons versé quatre documents en ce qui concerne les

  3   numéros 65 ter, le 257, le 4984, et les autres.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Donc nous admettons que les

  6   passages qui ont été abordés par l'accusé.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Oui, enfin, je ne sais pas, soit on verse la

  8   totalité du PV de la séance ou uniquement le passage, on peut faire comme

  9   vous voulez.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, problème de procédure, nous

 11   allons voir. Ce qui m'inquiète c'est que nous ne tenons pas à verser au

 12   dossier des documents trop volumineux que nous n'avons pas abordés dans le

 13   détail. Nous utilisons que certains passages. Evidemment, en ce qui

 14   concerne ces documents, ils vont être utilisés de façon extensive au cours

 15   des interrogatoires principaux ainsi qu'au cours des contre-interrogatoires

 16   ?

 17   M. TIEGER : [interprétation] Oui, oui, en ce qui concerne les PV des

 18   séances de l'assemblée, nous allons nous y référer de façon extrêmement

 19   fréquente, des deux côtés d'ailleurs du prétoire. Je pense que M. Karadzic

 20   ne le conteste pas.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez une affirmation à faire à ce

 22   propos, Monsieur Karadzic ou Maître Robinson ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à formuler pour ce

 24   qui est du versement au dossier de la totalité des PV des sessions qu'elles

 25   soient secrètes ou publiques ou plutôt fermées au public, ou publiques, 

 26   concernant tout ce que les Serbes ont fait, dit et promulgué comme

 27   document. D'avance, je n'ai aucune objection pour ce qui est de ce

 28   versement, mais je voudrais que ce soit considéré comme un tout. Je

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  1   voudrais maintenant que l'on nous donne une --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre aimeraient

  3   délibérer rapidement de ce point.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Etant donné le principe que nous

  6   suivons jusqu'à présent, nous allons admettre que les passages qui ont été

  7   abordés dans le prétoire. Pourrions-nous avoir les cotes, s'il vous plaît,

  8   Monsieur le Greffier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 65 ter numéro 2 recevra la cote

 10   D82. La pièce numéro 5 de la liste 65 ter recevra la cote D83. Le numéro 7

 11   recevra la cote D84. Et le numéro 4984 recevra la cote D85.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Petite clarification, s'il vous plaît. Je

 13   comprends bien qu'en ce qui concerne la pièce 4984 c'est la pièce 0006.

 14   Nous pouvons poursuivre et puis nous allons vérifier auprès du Greffier

 15   plus tard s'il s'agit bien de la même pièce.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, vérifiez ça plus tard. J'ai bien

 17   remarqué qu'il s'agit bien d'un document qui faisait 7 pages. Mais passons

 18   à autre chose. Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais le 65 ter numéro 9, 0009, et

 20   tout suite montrez-nous donc la page 41.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  En attendant, Monsieur l'Ambassadeur, je tiens à vous rappeler que nous

 23   sommes maintenant au 21 décembre et que c'est une journée après que de

 24   notre avis le gouvernement de façon illégale a demandé la reconnaissance de

 25   l'indépendance alors que tous les ministres serbes étaient contre et ont

 26   quitté la session en question.

 27   Page -- le transcript dit "21 décembre."

 28   Là, on dit qu'il y a intensification des activités suite aux

Page 1714

  1   décisions prises par une partie, et l'autre partie, en l'occurrence la

  2   partie serbe, prend ses propres décisions.

  3   Version anglaise, page 41. Ce sont les propos à Karadzic :

  4   "Notre proposition concernant la réalisation de cet objectif dit qu'il est

  5   possible de réaliser une autonomie territoriale et individuelle. Il est

  6   possible pour les petites enclaves musulmanes entourées par des territoires

  7   serbes de disposer de leurs propres administrations respectives, ce qui

  8   fait qu'aucune nation ne puisse exercer son autorité à l'égard des autres

  9   nations. La souveraineté de personne ne doit être ni menacée ni reniée."

 10   "Quand on parle de souveraineté, ça veut dire en premier lieu pouvoir

 11   exercer à l'égard de soi-même."

 12   Monsieur l'Ambassadeur, vous avez dit qu'il y aurait eu des espèces de

 13   ghetto ou des enclaves. Or, moi, ici dans ce passage, je m'emploie en

 14   faveur d'une Bosnie intégrale. A chaque fois qu'il y a 30 000 personnes ou

 15   quel que soit le chiffre, que chacun puisse organiser sa propre unité

 16   administrative, parce que ce n'est que là, et au niveau de la Suisse, le

 17   plus petit des cantons, celui du Ra [phon], a été créé de cette sorte-là.

 18   On n'est pas encore à la Republika Srpska. On n'évoque pas la Republika

 19   Srpska. On parle de la Bosnie où toutes communautés, là où les conditions

 20   sont requises, peuvent disposer de ça, leur propre administration. En est-

 21   il ainsi ou pas ?

 22   R.  Ici, à l'écran, on voit exprimée votre opinion, opinion qui a toujours

 23   été la vôtre depuis que je vous connais, c'est-à-dire que les Serbes

 24   doivent gouverner les Serbes et ne doivent pas être gouvernés par

 25   quiconque, par une autre personne. Ce n'est pas surprenant puisque c'est

 26   votre opinion. Vous l'avez toujours maintenue. C'est pour cela que vous

 27   avez créé la Republika Srpska. C'est pour ça que vous l'avez nettoyée, vous

 28   avez procédé au nettoyage ethnique des Musulmans dans ce pays ainsi que

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  1   d'un grand nombre ce Croates. Ce n'est pas contesté.

  2   Q.  C'est l'élément qui est le plus contestable. Je ne parviendrais pas à

  3   le contester pendant la durée de votre séjour ici, mais en fin de compte,

  4   Monsieur l'Ambassadeur, je le contesterai avec succès.

  5   Je demande maintenant le versement au dossier de ce PV de la séance de

  6   l'assemblée dont le numéro est sur la liste 65 ter du bureau du Procureur,

  7   au regard du numéro 9. Le document dans cette liste porte le numéro 9, et

  8   c'est à la page 41, le passage que j'ai cité dont je demande le versement

  9   au dossier.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

 12   pièce D86.

 13  

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du document

 15   du bureau du Procureur 06147. Pendant que nous attendons l'affichage sur

 16   les écrans de la page 27/1, plus précisément en numéro ERN 029641, c'est-à-

 17   dire de la page 107 dans le prétoire électronique, je voudrais expliquer

 18   quelle est la nature de ce document.

 19   Il résulte de la séance de l'assemblée tenue conjointement en

 20   présence des députés serbes les 24 et 25 janvier, c'est-à-dire avant de

 21   décider d'organiser le référendum. La décision qui est à prendre consiste à

 22   décider si les Serbes vont participer au référendum, et à notre avis le

 23   référendum n'avait aucune valeur en dehors de la participation des Serbes.

 24   Numériquement, il ne pouvait avoir aucune valeur réelle non plus, car il

 25   aurait fallu une majorité des deux tiers pour ce référendum, qui n'était

 26   pas présente en l'absence des Serbes. Même pour les électeurs qui ont

 27   participé au vote, donc cette majorité des deux tiers n'a pas été obtenue.

 28   Voyons quelle était la situation. Est-ce que les conditions ont été

Page 1716

  1   créées pour participer à ce référendum ?

  2   Page 107 du document, page 103 de la version anglaise dans le prétoire

  3   électronique. Nous voyons Radovan Karadzic qui parle. Je cite :

  4   "N'imposez rien à qui que ce soit. Nous n'allons pas nous arrêter. Nous

  5   ferons tout ce que nous pouvons. Tant que nous n'aurons pas atteint cette

  6   organisation gouvernementale et cette structure dans laquelle les trois

  7   nations croate, serbe et musulmane pourront apposer leurs signatures au bas

  8   d'un document, nous n'arrêterons pas. Nous aurons un référendum qui pourra

  9   se terminer dans un délai de 15 jours. Messieurs, c'est la seule façon

 10   d'éviter des effets indésirables, la seule façon d'obtenir que les gens se

 11   calment et qu'ils recommencent à vivre normalement pour finir. Croyez-moi,

 12   nous n'avons aucune influence sur la paix ou sur la guerre. Des situations

 13   se présentent qui sont souvent en dehors de toute maîtrise de notre part,

 14   et je vous demanderais d'imaginer ce qui risquerait de se passer si, ne

 15   déplaise à Dieu, des émeutes commencent et qu'une guerre interethnique ou

 16   une guerre religieuse se déclare en Bosnie-Herzégovine. Nous pouvons tirer

 17   à la courte paille. Les Serbes s'enfuiraient des zones habitées par les

 18   Musulmans, les Musulmans s'enfuiraient des zones habitées par les Serbes,

 19   les Croates iraient vers leurs régions à eux. En chemin, il y aurait des

 20   tirs, il y aurait destruction de villes, il y aurait épanchement de sang,

 21   et nous nous trouverions exactement à l'endroit où nous sommes à présent,

 22   c'est-à-dire les Serbes dans les secteurs serbes, les Musulmans dans les

 23   secteurs musulmans, et les Croates dans les secteurs croates, mais

 24   entièrement homogènes. Qu'est-ce que cela nous apporterait ? Nous devrions

 25   encore une fois nous asseoir ensemble et nous entendre avec trois

 26   signatures à apposer au bas d'un texte. En dehors de ces trois signatures,

 27   il n'y a pas de solution pour la Bosnie-Herzégovine."

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1717

  1   Q.  Est-ce que vous avez eu connaissance de ce discours que j'ai prononcé

  2   les 24 et 25 janvier, et de cette proposition que j'ai faite d'accélérer la

  3   transformation de la Bosnie pour obtenir une nouvelle organisation

  4   administrative interne du pays et faire en sorte que les Serbes participent

  5   au référendum ?

  6   R.  Je n'ai pas eu connaissance de ce discours en particulier. Nous avions

  7   connaissance de façon générale, et parfois de façon plus précise, de ce

  8   qu'a été la position serbe sur la question de ce référendum relatif à

  9   l'indépendance, et nous avons su que la décision a consisté à ne pas

 10   participer au référendum, et qu'il a été décidé de votre part de créer vos

 11   propres unités en Bosnie-Herzégovine.

 12   Q.  Merci. Monsieur l'Ambassadeur, des commentaires provenant de vos

 13   collègues et ultérieurs au fait sont souvent entendus selon lesquels le

 14   fait de considérer les affirmations serbes comme non légitimes a constitué

 15   une grave erreur. Est-ce que vous êtes d'accord sur ce point ?

 16   R.  La prétention à créer votre propre Etat à l'intérieur de la Bosnie-

 17   Herzégovine, aux côtés d'un Etat musulman et d'un Etat croate était une

 18   prétention illégitime, parce que nous savions aussi que ceci pousserait à

 19   une alliance entre les Croates de Bosnie avec leur communauté d'Herceg-

 20   Bosna et les Serbes de Bosnie avec leur Republika Srpska autoproclamée, ce

 21   qui ne ferait couvrir la voie à une division de la Bosnie-Herzégovine entre

 22   les Serbes et les Croates. Cette possibilité, cette éventualité, n'était

 23   pas une éventualité théorique. Il ne s'agissait pas de dire que chaque

 24   individu est souverain dans sa propre personnalité ou ce genre de chose. La

 25   question qui se posait était de savoir comment un pays serait dirigé, et

 26   vous avez toujours été très cohérent, Dr Karadzic. D'ailleurs, les cinq

 27   dernières minutes de vos interventions ici le prouvent. Vous avez, de façon

 28   très cohérente et constante, souhaité la création de votre propre Etat à

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  1   l'intérieur d'un Etat.

  2   Q.  Je vous remercie. Je vous rappellerai que mon désir était de demeurer

  3   dans le giron de la Yougoslavie. Je demande maintenant l'affichage de la

  4   page 104, grâce au prétoire électronique.

  5   R.  Mais le problème, excusez-moi, Docteur Karadzic, était que la

  6   Yougoslavie avait cessé d'exister. Donc, voyez-vous, ceci a l'air

  7   parfaitement raisonnable de votre part de souhaiter demeurer dans le giron

  8   de la Yougoslavie, sauf qu'il n'y avait plus de Yougoslavie dans laquelle

  9   il eut été possible de demeurer.

 10   Q.  Sauf votre respect, Monsieur l'Ambassadeur, la Yougoslavie était encore

 11   un Etat beaucoup plus existant que ne l'était la Bosnie-Herzégovine. La

 12   Yougoslavie existait en tant qu'Etat beaucoup plus que la Bosnie

 13   n'existait, et ce, de l'avis de M. Badinter. La Bosnie était en train de

 14   s'écrouler. Il y avait trois entités qui étaient en train de se créer en

 15   son sein. Est-ce que la Bosnie était en train de cesser d'exister; oui ou

 16   non ?

 17   R.  La décision de Badinter sur la question de savoir si la

 18   Yougoslavie existait a été négative. Les mots exacts prononcés par lui ont

 19   été : "C'est un Etat qui est en situation de dissolution, un Etat qui subit

 20   un processus de dissolution." Ce n'était pas mon avis, c'était l'avis

 21   exprimé par la commission Badinter. Je ne fais que le répéter ici devant

 22   vous, dans votre intérêt, car je sais que je l'ai déjà dit, mais il va

 23   falloir prendre en compte ce fait que cet Etat était en train de se

 24   dissoudre. Les Serbes de Bosnie souhaitaient adhérer à ce qui, en réalité,

 25   était la Grande-Serbie.

 26   Q.  Je vous remercie. Nous allons revenir sur ce point en temps utile.

 27   Veuillez maintenant vous pencher sur le milieu de la page affichée à

 28   l'écran, où je poursuis mon intervention en disant, je cite :

Page 1719

  1   "Nous pensons que la Bosnie-Herzégovine peut être organisée comme l'a été

  2   la Suisse. Nous pensons que nous pouvons l'organisée comme un lien entre la

  3   Serbie et la Croatie. En dehors de cela et avant cela, tout ne pourra être

  4   que catastrophe.

  5   J'ai été ravi de la proposition de M. Cengic." Muhamed Cengic, c'est-à-dire

  6   du vice-premier ministre, et pas de Hasan Cengic.

  7   "Allons dans ce sens, prenons cette décision, établissons une date butoir

  8   pour cette transformation démocratique de la Bosnie-Herzégovine. Après

  9   cela, 15 jours plus tard, organisons un référendum. Quel que soit le point

 10   sur lequel nous nous mettrons d'accord, il faut que nous nous mettions

 11   d'accord de telle manière que les trois peuples disposent d'une pleine et

 12   entière liberté."

 13   Avez-vous été au courant de ma position ainsi que de celle de M. Cengic ?

 14   R.  Oui, j'ai été au courant de votre position, qui était constamment la

 15   position que vous défendiez, et nous la connaissions fort bien, à savoir

 16   que vous souhaitiez la création d'un Etat dépendant de vous, et que vous-

 17   même et Mate Boban étiez en train de discuter la division de la Bosnie-

 18   Herzégovine. Vous le dites ici, simplement en termes un peu plus polis. Je

 19   vous cite, Docteur Karadzic. Je cite :

 20   "Nous pensons que la Bosnie-Herzégovine peut devenir la Suisse et que nous

 21   pouvons l'organiser en tant que lien entre la Serbie et la Croatie."

 22   Pas un mot sur les Musulmans. Qu'adviendrait-il du peuple le plus important

 23   sur le plan numérique dans cet Etat. Je cite : "Un lien entre la Serbie et

 24   la Croatie." C'était votre position constante, parce que nous savions que

 25   ce qui vous intéressait, c'était la division de l'Etat. Ceci correspond

 26   tout à fait à ce que nous connaissions à l'époque et, bien sûr, ceci a

 27   débouché sur la guerre.

 28   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je vous rappelle ce que j'ai dit le 6 mai, à

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  1   savoir que par division des Etats, on ne peut pas résoudre des problèmes

  2   territoriaux autrement que par la guerre. Mais tenons-nous-en au

  3   calendrier. Je parlais à Mate Boban d'une question tout à fait différente.

  4   Enfin, revenons sur le document affiché en ce moment sur les écrans. Nous

  5   disons que la Bosnie pourrait être transformée, non pas en trois entités,

  6   comme vous le laissez penser, mais qu'elle pourrait être transformée dans

  7   le sens que les divers groupes ethniques pourraient avoir leur propre

  8   gouvernement. La Suisse ne se divise pas en trois unités constitutives.

  9   Chaque fois qu'il y a 30 000 personnes, ces 30 000 habitants peuvent avoir

 10   leur propre canton. Voilà ce qui se passe en Suisse. Est-ce que c'est ainsi

 11   que les choses se passaient ? Ou bien, le 25 janvier, est-ce que vous êtes

 12   en train de dire que la partie serbe avait exclu la possibilité d'une

 13   Bosnie intégrée, divisée en plusieurs unités en son sein ?

 14   R.  C'est tout le contraire, je ne cesse de le dire, et vous avez été

 15   d'accord là-dessus. Vous souhaitiez la création de trois Etats à

 16   l'intérieur d'un Etat.

 17   Mais pour revenir sur votre question précédente au sujet de la

 18   décentralisation de l'Etat, des opstina et du nombre de personnes qui se

 19   verraient accorder le droit d'avoir leur propre gouvernement, quand on vous

 20   a proposé cela dans le plan de paix Vance-Owen, vous l'avez rejeté. Il

 21   serait intéressant de savoir pourquoi, Docteur Karadzic. Vous aviez devant

 22   vous ce que vous demandiez et vous l'avez rejeté.

 23   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, c'était suite à un an de guerre. Je suis sûr

 24   que vous en conviendrez.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je demande le versement au dossier

 26   du document précédent, notamment du passage qui se trouve en page 103 de la

 27   version anglaise.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce document est admis. Cette page

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  1   du document est admise.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D87, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une demi- heure de

  5   pause.

  6   --- L'audience est suspendue à 12 heures 01.

  7   --- L'audience est reprise à 12 heures 35.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons, Monsieur Karadzic.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 10   Je demande l'affichage à l'écran du document du bureau du Procureur numéro

 11   17 sur la liste 65 ter, page 5 de la version anglaise. Ou plutôt, excusez-

 12   moi, page 10 de la version anglaise.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Le passage qui m'intéresse commence par "les membres des minorités,"

 15   mais avant de vous poser la question qui m'intéresse, Monsieur

 16   l'Ambassadeur, j'aimerais tirer au clair un point. D'ailleurs il est de mon

 17   devoir de vous soumettre ce point de façon à ce qu'il n'y ait pas la

 18   moindre ambiguïté au sujet des dates. Ce document date du 20 novembre 1992,

 19   donc c'est à la veille du référendum, mais également de la conférence sur

 20   la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la conférence Carrington sur la

 21   Yougoslavie, dirigée par l'ambassadeur Cutileiro, qui est donc déjà

 22   entamée. J'aimerais vous poser la question suivante : à quelle date situez-

 23   vous la fin de cette conférence et le début de la vôtre ? A quelle date, au

 24   25 ou au 6 août 1992 ?

 25   R.  La date à laquelle la conférence de Londres s'est achevée se situe tout

 26   à fait à la fin du mois d'août. Je n'ai pas la date exacte en tête, mais je

 27   pense que cela a dû être le 28 ou le 29 août. Quant au début de la

 28   conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie, celle qui a été présidé par

Page 1722

  1   M. Vance et Owen pour les Nations Unies et par la Communauté européenne,

  2   elle a commencé quelques jours plus tard. Je crois que nous sommes arrivés

  3   à Genève le 2 septembre, donc la fin de la conférence de Londres a mis fin

  4   aux fonctions de Lord Carrington.

  5   Q.  Je vous remercie. Ici nous sommes au 25 février et j'ai cité le numéro

  6   de page en anglais, le paragraphe se lit comme suit, je cite :

  7   "Les membres des minorités d'une unité constitutive seraient protégés de la

  8   façon qui est envisagée à l'article 3, paragraphe 3, du projet d'accord

  9   (document de La Haye pour la Yougoslavie). Ce qui implique une liberté de

 10   circulation pleine et entière, autrement dit la liberté de passer d'une

 11   unité constitutive à une autre et de prendre résidence dans une autre unité

 12   constitutive que celle de départ. En d'autres termes, des déplacements

 13   importants d'une unité vers une autre en dehors de tout permis ne sont pas

 14   envisagés, car ils risqueraient de nuire à la mixité nationale."

 15   Monsieur l'Ambassadeur, je soumet un rapport à notre assemblée pour décider

 16   jusqu'où nous irons dans le cadre de cette conférence présidée par M.

 17   l'ambassadeur Cutileiro. Est-ce que vous savez que ceci a été soumis à

 18   notre assemblée et adopté ?

 19   R.  Oui.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demande le versement au

 21   dossier de ce document.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, la Chambre a eu la

 23   possibilité de réfléchir à l'admission de ce genre de document de l'époque.

 24   Ce sont des PV de séances de l'assemblée, n'est-ce pas, et en tant que tels

 25   ils sont pertinents et ont une valeur probante. Si les deux parties en sont

 26   d'accord pour que les choses soient plus faciles, nous aimerions admettre

 27   ces documents dans leur intégralité. Qu'en pensez-vous ?

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que c'est tout à fait opportun pour

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  1   un certain nombre de raisons, Monsieur le Président, y compris l'existence

  2   de références différentes faites à des moments différents à ces PV par

  3   divers témoins. Je pense que nous estimerons que ceci est encore plus

  4   opportun à l'avenir, donc je suis tout à fait d'accord et je pense que ces

  5   documents devraient être admis dans leur intégralité.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Je souligne que cette pratique se

  7   limite à ce type de PV, de procès-verbaux de séances tenues à l'époque.

  8   Cette décision ne concerne pas les livres ou autres documents. Donc ce

  9   document est admis dans son intégralité, son numéro est un numéro de la

 10   liste 65 ter et nous aurons donc admission au dossier des pièces D82, D83,

 11   D84, D85, D86, dans leur intégralité.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 10 de la liste 65 ter devient

 13   la pièce D88, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 17 ou 10 ?

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 10 sur la liste 65 ter.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pensais que ce serait le numéro 17.

 17   Bien.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Excusez-moi. J'ai eu tord. Il s'agit du

 19   numéro 17.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc D88, pièce D88.

 21   Poursuivons.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Je demande l'affiche sur les écrans du document 65 ter du bureau du

 24   Procureur numéro 18.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, la date de ce document est celle du 28 février.

 27   Autrement dit, nous sommes ici à la séance suivante de l'assemblée.

 28   Et pendant que nous attendons que le document apparaisse sur les écrans, je

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  1   dirais qu'en l'espace de trois jours, une activité importante a été

  2   déployée par cette assemblée parlementaire.

  3   Affichage de la page 8, je vous prie, de la version anglaise.

  4   Le passage qui m'intéresse est au milieu de la page et au milieu du

  5   paragraphe, je cite :

  6   "La présidence a déclaré," et la présidence c'était Momcilo Krajisnik, "a

  7   déclaré que l'objectif était qu'en Bosnie-Herzégovine personne ne se sente

  8   dans cet Etat comme ayant un statut différent ou inférieur. Nous ne

  9   souhaitons pas dominer qui que ce soit, aucun des êtres qui vivra à nos

 10   côtés. Chacun doit être traité sur un pied d'égalité."

 11   C'est ce qui est écrit. Deux ou trois lignes plus bas, nous lisons, je cite

 12   :

 13   "Les trois populations, les Serbes, les Croates et les Musulmans, et il y

 14   aura certainement une minorité. En Bosnie-Herzégovine serbe, il y aura les

 15   autres, et parmi les Musulmans, les Serbes seront une minorité. C'est la

 16   raison pour laquelle nous formulons les choses de cette façon afin d'éviter

 17   la moindre erreur qui consisterait à placer qui que ce soit dans une

 18   position de citoyen de deuxième zone."

 19   Cette conception de la protection des minorités, est-ce que c'était quelque

 20   chose que vous connaissiez, Monsieur l'Ambassadeur ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Je vous remercie.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 24   document, je vous prie. Le document 18.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D89.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 28   numéro 20.

Page 1725

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Pendant que nous attendons l'apparition du document à l'écran, je vous

  3   fais savoir, Monsieur l'Ambassadeur, qu'il s'agit des propos que j'ai tenus

  4   devant l'assemblée, après obtention d'un accord plein et entier de la part

  5   des trois parties en présence sur l'accord de Lisbonne, mieux connu sous le

  6   nom de plan Cutileiro, comme on l'appelait à l'époque. Donc nous avons

  7   travaillé jusqu'à tôt le matin, et ce même jour j'ai rendu compte à

  8   l'assemblée comme l'ont fait tous les autres négociateurs. Nous avons rendu

  9   compte à l'assemblée de ce qui avait été obtenu, de ce sur quoi nous nous

 10   étions mis d'accord, et nous avons demandé le soutien de l'assemblée pour

 11   adoption de ce qui avait été conclu.

 12   Page 9 de la version anglaise. La page 9 anglaise nous suffit sur les

 13   écrans. Je cite :

 14   "Ces institutions vont déterminer la composition de façon proportionnelle,

 15   et nous sommes d'accord qu'ils le fassent dans les diverses unités

 16   constitutives. Si nous avons 6 % de Croates dans notre unité, alors il

 17   faudra qu'il y ait 6 % de Croates au sein de la police, de la Garde

 18   nationale, de l'institution judiciaire, et cetera, tout comme il devra y

 19   avoir 12 % de Serbes à l'extérieur de notre unité."

 20   Est-ce que vous étiez au courant de cette proposition de

 21   proportionnalité dans la composition des diverses instances dirigeantes ?

 22   R.  Oui, j'étais au courant de cela. Je ne connaissais pas, en

 23   revanche, l'existence de ce document que vous me montrez.

 24   Puis-je ajouter la chose suivante : Le plan Cutileiro - puisqu'on

 25   l'appelait ainsi - nous était bien connu et nous en avons discuté à de

 26   nombreuses reprises et en profondeur avec l'ambassadeur Cutileiro. C'était

 27   un plan que les Croates et les Serbes de Bosnie considéraient comme

 28   acceptable, surtout parce qu'il créait trois Etats dans l'Etat.

Page 1726

  1   Comme nous l'avons vu dans le document précédent que nous a fait lire

  2   M. Karadzic, Krajisnik fait référence à ces trois entités comme étant trois

  3   républiques. Trois Etats, trois républiques, ce qui indique clairement que

  4   dans son esprit, chacune de ces entités allait être indépendante. C'est

  5   pour cette raison que les Musulmans de Bosnie ne voulaient pas de ce plan,

  6   parce qu'ils savaient qu'ils allaient être pris en étau entre les Croates

  7   de Bosnie et les Serbes de Bosnie, prix en étau jusqu'à ce qu'ils soient

  8   plus ou moins étouffés. Nous en avons parlé d'ailleurs. Je ne tiens pas à y

  9   entrer dans les détails, mais ça explique pourquoi le gouvernement en

 10   Bosnie ne voulait pas, enfin, était assez préoccupé en ce qui concerne ce

 11   plan Cutileiro. Et cela explique aussi pourquoi les Croates de Bosnie et

 12   les Serbes de Bosnie, eux, acceptaient avec joie cette partition.

 13   Q.  Merci. Les éléments de preuve montreront tout à fait autre chose,

 14   Monsieur l'Ambassadeur. Mais la question ici est celle de savoir si

 15   l'accord prévoit pour chacun de rester là où il est, et qu'il n'y a  pas

 16   d'échange de populations ou suppression de l'existence de minorités

 17   ethniques; oui ou non ?

 18   R.  C'est ce que vous avez dit.

 19   Q.  Merci. Petite question intermédiaire. Monsieur l'Ambassadeur :

 20   est-ce que vous saviez que la toute première des personnalités à avoir

 21   mentionné et s'est employée en faveur du partage de la Bosnie-Herzégovine,

 22   c'était Alija Izetbegovic. Et Zulfikarpasic le sait. Il y a un bon nombre

 23   de documents à cet effet. Je voudrais savoir seulement si vous, vous étiez

 24   au courant de la chose; oui ou non ?

 25   R.  Je ne suis pas au courant de cela. En revanche, je suis au

 26   courant du plan Cvjetkovic-Macek qui, en août 1939, avait été décidé entre

 27   Serbes et Croates, qui envisageait une partition. Les cartes avaient déjà

 28   été dessinées. Je crois que c'est la première qu'on a parlé de partition,

Page 1727

  1   bien avant que Alija Izetbegovic en parle.

  2   Q.  Il faudrait que je dise alors qu'il était aussi envisagé la mise

  3   en place de trois Etats. C'est ce que l'ambassadeur Cutileiro avait

  4   envisagé. Mais penchez-vous sur la page 16 de la version anglaise. Veuillez

  5   nous la montrer, je vous prie.

  6   Ça commence par: "We shall…" Je vais continuer avec la lecture du texte:

  7   "Nous allons à présent sur le terrain établir complètement le pouvoir,

  8   parce que nous le devons à l'égard des citoyens qui y résident, tant

  9   Serbes, Musulmans que Croates, afin d'assurer la paix. Alors, au travers de

 10   négociations, nous comptons aboutir au maximum possible."

 11   Est-ce que vous étiez au courant de cette position adoptée par la partie

 12   serbe ? Donc dès qu'on définirait notre unité à nous, il s'agissait d'y

 13   établir la paix et la sécurité à l'intention des trois communautés

 14   ethniques au total; oui ou non ?

 15   R.  Oui, bien sûr que nous étions au courant, mais l'essentiel ici,

 16   Monsieur Karadzic, je dois le répéter, est que la séparation, la division

 17   de la Bosnie n'a jamais été acceptée par la communauté internationale.

 18   Enfin, elle a été acceptée plus tard, bien plus tard. Mais à cette époque-

 19   là, à ce stade des choses, c'était inacceptable. Donc vous évoquez toutes

 20   les façons dont le pays devait être divisé, mais à l'époque, c'était

 21   considéré comme illégal. Personne ne voulait la division du pays, à part

 22   vous et les Croates de Bosnie.

 23   Q.  Mis à part la majorité en Bosnie. C'est ce que vous voulez dire, non ?

 24   Parce que n'est-il pas vrai de dire que c'est le plan Cutileiro qui a été

 25   proposé au nom de la Communauté européenne, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, ce n'est pas contesté. Comme j'ai dit précédemment, le plan

 27   Cutileiro que vous avez approuvé, bien sûr, envisageait la création de

 28   trois Etats au sein d'un seul Etat.

Page 1728

  1   Q.  Merci. Juste une petite question en passant. Est-ce que vous vous

  2   souvenez du fait que la partie musulmane avait jubilé pour déclarer qu'elle

  3   était très satisfaite, le 19 mars. Elle était la plus satisfaite, parce

  4   qu'il resterait le moins possible de Musulmans chez les Serbes et chez les

  5   Croates, et qu'ils acceptaient ce plan, et ce n'est qu'après l'intervention

  6   de l'ambassadeur Zimmermann que la partie musulmane avait retiré son

  7   accord; oui ou non ?

  8   R.  Nous en avons déjà parlé, et j'ai déjà dit qu'Izetbegovic avait retiré

  9   sa signature, signature qu'il avait auparavant opposée au projet de plan.

 10   Il a retiré sa signature à la fin mars 1992 lorsqu'il est rentré à

 11   Sarajevo. Votre remarque à propos de l'ambassadeur Zimmermann a été niée de

 12   façon officielle et sous serment plus d'une fois par l'ambassadeur

 13   Zimmermann, donc je ne peux pas l'accepter. Personne ne l'accepte

 14   d'ailleurs. Personne n'accepte cette remarque à l'ambassadeur Zimmerman.

 15   R.  Merci. Je voudrais qu'on nous montre la version anglaise, même

 16   document, page 45.

 17   Page 45 ça commence par :

 18   "Nous allons annoncer…"

 19   Si c'est bien la page 45, oui. Ici il est dit :

 20   "Je pense", "I think."

 21   C'est le troisième à compter du bas :

 22   "Je pense que le conseil des ministres aura à travailler 24 heures sur 24

 23   pour préparer des lois additionnelles, établir le SDK," c'est le service de

 24   comptabilité public, "et cetera."

 25   Puis on dit :

 26   "Nous allons annoncer notre retrait du ministère de l'Intérieur sans avoir

 27   à préciser que nous avons déjà nos propres badges. Notre police devra agir

 28   conformément à la loi, personne ne pourra perdre un cheveu de sa tête

Page 1729

  1   indépendamment de sa religion ou de l'appartenance ethnique. Tous doivent

  2   se sentir absolument en sécurité."

  3   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous voyez bien que, partant des accords

  4   auxquels nous avions abouti le 18 mars, nous entamons une réalisation au

  5   niveau du conseil des ministres qui, jusque-là, ne faisait rien et qui,

  6   désormais, était censé faire son travail, et que nous allions créer une

  7   police à nous aux termes du droit qui nous était attribué par le texte de

  8   l'accord proposé par le biais de l'ambassadeur Cutileiro, et ce au nom de

  9   la Communauté européenne.

 10   R.  Nous en avons déjà convenu, Monsieur Karadzic, vous et moi, que vous

 11   étiez tout à fait content avec ce plan Cutileiro étant donné que c'est un

 12   plan qui envisageait la division de la Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Je ne vais pas approfondir d'avantage. Mais les Musulmans étaient

 14   encore plus enthousiasmés, on le montera, je n'ai pas le temps maintenant.

 15   Je voudrais maintenant que nous passions à la page 45, dernier paragraphe :

 16   "C'est la raison pour laquelle je vous prie de faire en sorte sur le

 17   terrain que tout soit fait aux fins de mettre en place une situation de

 18   faits partant du droit afin que chacun puisse gérer sa propre destinée sur

 19   son territoire avec un plein respect des citoyens des autres groupes

 20   ethniques.

 21   C'est partant de cela que les gens seront estimés et pris en

 22   considération. Etant donné qu'on l'a déjà examiné, je voudrais savoir si

 23   ceci signifie bien que nous avons des minorités et nous sommes disposés à

 24   les protéger, bien entendu, tout ceci se passe le 18 mars dans le cadre de

 25   cet accord qui permettait d'éviter la guerre; n'est-ce pas ?

 26   R.  Etant donné que tout ceci n'a pas été réalisé, disons que ça aurait pu

 27   arriver ou ç'aurait pu ne pas arriver. Vous êtes en train de me parler

 28   d'hypothèse et rien d'autre. Je comprends bien ce que vous me dites, mais

Page 1730

  1   il est impossible de donner une réponse définitive à une question

  2   hypothétique qui, de plus, n'a jamais été mise en œuvre. A ce moment-là,

  3   les combats avaient déjà commencé en demi-mars et à la fin du mois de mars

  4   votre armée était déjà en train de placer ses pièces d'artillerie sur les

  5   collines qui entourent Sarajevo en vue du pilonnage de Sarajevo qui a

  6   commencé au début avril. Il est un peu difficile, enfin, je comprends,

  7   sachez qu'il est un peu difficile de voir d'un côté les mots couchés sur le

  8   papier et de les confronter avec la réalité du terrain en Bosnie à

  9   l'époque. Mais sachez que la réalité était tout à fait différente des mots

 10   que l'on trouvait sur ces documents et ça, pour le plus grand malheur de

 11   tous.

 12   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Ce que vous avez dit tout à l'heure me

 13   plaisait beaucoup plus, mais je pense que c'est superflu pour ce qui nous

 14   intéresse maintenant.

 15   Je voudrais qu'on nous montre maintenant le 1D675. C'est le plan

 16   Cutileiro que nous avions accepté, la carte Cutileiro. Elle montre,

 17   Monsieur l'Ambassadeur, que nous avions accepté les frontières extérieures

 18   de la Bosnie-Herzégovine et que nous avions accepté l'existence d'entités

 19   administratives dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine sans qu'il y ait une

 20   continuité territoriale en ce qui nous concernerait et nous avions accepté

 21   ce que vous aviez qualifié de Bosnie de l'est pour que cela fasse partie de

 22   l'unité administrative musulmane.

 23   Est-ce qu'on a cette carte, j'aimerais qu'on nous la montre. Le

 24   1D675. Oui, excusez-moi, il faut qu'on le mette sur le rétroprojecteur. Je

 25   pense que ça doit exister à l'affichage électronique. La voilà. Monsieur

 26   l'Ambassadeur, ça c'est la carte que nous avions acceptée avec

 27   l'éventualité de procéder à quelques petites corrections.

 28   Vous voyez ici que les trois communautés ethniques disposent

Page 1731

  1   d'entités administratives sans qu'il y ait une continuité territoriale pour

  2   aucune d'entre elle; c'est bien cela ?

  3   R.  Je connais très bien cette carte.

  4   Q.  Merci. Est-ce que vous voyez "Srebrenica," "Zepa," "Gorazde," on avait

  5   accepté que ceci fasse partie de l'entité musulmane ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ce plan, dans ses différentes

  8   variantes, a servi de base pour la totalité des autres plans jusqu'à la

  9   signature des accords de Dayton ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Est-ce que tous ces plans avaient envisagé des unités administratives ?

 12   Il y a un plan qui en prévoyait trois, un autre qui en prévoyait dix, un

 13   troisième qui en prévoyait trois, et le quatrième avait prévu trois unités.

 14   Les accords de Dayton en ont prévu trois aussi, n'est-ce pas ?

 15   R.  Les accords de Dayton envisageaient et contiennent d'ailleurs non pas

 16   trois, mais deux entités. Une qui est appelée la fédération des Croates et

 17   des Musulmans et l'autre entité est appelée la Republika Srpska.

 18   Q.  Merci, vous avez raison.

 19   R.  Mais pour répondre à votre question, ce concept de deux Etats contenus

 20   dans un seul Etat, ou de trois Etats contenus dans un seul Etat, est-ce que

 21   ce concept était envisagé par les négociateurs à venir, oui, oui, c'était

 22   une option envisagée.

 23   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais, vos Excellences, que cette carte,

 25   très connue d'ailleurs, soit versée au dossier.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Je voudrais maintenant vous rappeler, Monsieur l'Ambassadeur --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, nous allons d'abord admettre aussi

Page 1732

  1   la pièce précédente, le numéro 20 de la liste 65 ter.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce recevra la cote D90.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il n'y aura pas d'objection

  4   à présenter la carte Cutileiro.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Non, pas d'objection en ce qui concerne la

  6   carte. Mais cela dit, il y a une autre carte que l'Accusation a placé sur

  7   sa liste de pièce qui est ajoutée à notre document qui nous avait été

  8   fourni par l'ambassadeur Cutileiro qui ne ressemble pas tout à fait à

  9   celle-ci, je ne sais pas, peut-être s'agit-il de la même carte, mais celle-

 10   ci est en couleur. Je ne soulève aucune objection à propos du versement de

 11   cette pièce, cela dit, je n'aimerais pas qu'elle soit appelée la carte

 12   Cutileiro, enfin, pas tout de suite, parce que j'aimerais d'abord vérifier

 13   cette carte par rapport à la carte qui nous a été fournie par l'ambassadeur

 14   Cutileiro.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, nous garderons à l'esprit

 16   cette réserve et suite à la confirmation de l'ambassadeur Okun nous

 17   admettrons cette pièce au dossier.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, à propos de cette carte, je tiens à

 19   vous dire qu'elle n'a jamais été totalement acceptée, il s'agissait

 20   toujours d'un projet de carte rien de plus. Quand Cutileiro l'a présentée,

 21   il disait toujours cela sert de base de travail pour discussion

 22   complémentaire. Il s'agit d'un projet de cartes. Ce n'est absolument pas

 23   une carte définitive. Je tiens à le dire.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Pourrions-

 25   nous avons une cote ?

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Elle recevra la cote D91.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Poursuivons.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

Page 1733

  1   Encore un élément à titre de rappel.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vendredi passé on a proposé à M. Tieger, mon

  4   estimé collègue a proposé un extrait d'une conférence de presse qui s'est

  5   tenue à Genève. M. Tieger a pris le deuxième ou troisième passage, mais le

  6   premier passage dans ce document dit : "M. Darwin est mort." J'exprime mes

  7   regrets, nous le garderons en mémoire en sa qualité de créateur initial de

  8   la carte de la Republika Srpska, et c'est la raison pour laquelle nous

  9   exprimons tous nos respects à son égard. Alors, s'agissant de ce document,

 10   si on le retrouve, on vous le montrera. Mais vous, vous ne contestez pas le

 11   fait que l'auteur de la première carte de la Republika Srpska, c'était bel

 12   et bien M. Darwin, n'est-ce pas ?

 13   R.  Tout à fait. On évoquait d'ailleurs cette carte très souvent en parlant

 14   de la carte de Darwin.

 15   Q.  Merci. Pouvez-vous confirmer, Monsieur l'Ambassadeur, le fait que la

 16   totalité des cartes était sujette à des adaptations ultérieures partant des

 17   négociations et accords obtenus par les trois partis, y compris le Groupe

 18   de contact et les autres cartes qui ont été présentées jusqu'à Dayton ?

 19   Même après Dayton, il y a eu des échanges de territoire, de différents

 20   villages; est-ce que c'est bien cela ?

 21   R.  Votre question est-elle : Les cartes pouvaient-elles évoluer suite à

 22   des accords ? Réponse, oui. Oui, absolument. Mais tant qu'il n'y avait pas

 23   accord des trois côtés, les combats se poursuivaient.

 24   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Je voudrais vous demander à présent

 25   qu'on nous montre le 65 ter numéro 28.

 26   En attendant, j'aimerais vous rappeler, Monsieur l'Ambassadeur, le

 27   fait que les Musulmans avaient d'abord accepté cet accord, et ils avaient

 28   aussi, avec des réserves, accepté la carte Owen-Stoltenberg, à condition de

Page 1734

  1   bénéficier de 3 % de territoire encore, et ils ont signé le 16 septembre

  2   1993. Izetbegovic et Krajisnik ont signé le droit à la Republika Srpska,

  3   pour ce qui était de tenir son propre référendum et à sa sécession. Ce

  4   document, nous l'avons.

  5   R.  Oui, je connais le plan Owen-Stoltenberg, qui n'a jamais été mis en

  6   œuvre.

  7   Q.  Merci. Pages 87 et 88, s'il vous plaît. Alors, voyons un peu la page en

  8   version anglaise. C'est la page 86 en version anglaise.

  9   Radovan Karadzic prend la parole le 25 et le 26 juillet 1992. La guerre bat

 10   son plein, et la conférence à Carrington est toujours en cours jusqu'à son

 11   remplacement par la conférence appelée Vance-Owen, conformément à ce qu'il

 12   a été convenu de faire.

 13   Dernier paragraphe de cette page. Voyons bien si c'est en effet la page 86.

 14   Non, ce n'est pas la bonne page. Il est dit :

 15   "Dans l'Etat que nous sommes en train de construire, dans cet Etat que nous

 16   sommes en train de mettre en place, nous devons leur assurer la totalité

 17   des droits que nous avons nous-mêmes, à condition qu'ils ne soient pas

 18   hostiles à notre égard et qu'ils rendent leurs armes. Certains villages

 19   dans la Romanija sont en train de restituer leurs armes, tout comme ceux

 20   qui vivent à Bijeljina et autres villages l'ont déjà fait. La condition,

 21   c'est qu'ils restituent leurs armes pour pouvoir bénéficier de la totalité

 22   des droits."

 23   Je vous préviens ici que la traduction ici n'est pas bonne, parce qu'on dit

 24   ici, "should leave their weapons," et l'original

 25   dit : "Certains villages dans la Romanija sont en train de restituer leurs

 26   armes."

 27   Monsieur l'Ambassadeur, ici la guerre bat son plein. Nous sommes encore à

 28   la première conférence Carrington-Cutileiro, et nous prenons position pour

Page 1735

  1   dire que nous allons assurer une égalité de droit pleine et entière, à

  2   condition qu'on ne nous tire pas dessus, et je dis qu'il y a des villages à

  3   la Romanija, au mont Romanija, qui ont déjà restitué leurs armes. Est-ce

  4   que vous aviez eu connaissance de ceci ?

  5   R.  Oui. Etant donné qu'il s'agit du mois de juillet 1992, je savais aussi

  6   qu'Arkan et ses paramilitaires serbes avaient déjà commencé à procéder à un

  7   nettoyage ethnique à Bijeljina. Milosevic l'a admis d'ailleurs. Nous

  8   l'avons évoqué précédemment. Arkan se trouvait là avec ses paramilitaires.

  9   Donc pendant que vous étiez en train d'exprimer ces sentiments si nobles,

 10   les Musulmans de Bosnie subissaient un nettoyage ethnique, en tout cas à

 11   Bijeljina.

 12   Q.  Merci. Compte tenu du "mais" que vous venez de formuler -- mais vos

 13   "mais" me donnent du fil à retordre, parce que ça me fait travailler

 14   davantage.

 15   On reviendra à ce sujet.

 16   Monsieur l'Ambassadeur, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'Arkan est

 17   venu à Bijeljina le 1er et le 2 avril alors qu'il existait une Yougoslavie,

 18   c'est-à-dire avant que la Bosnie-Herzégovine ne devienne indépendante, et

 19   le 3 et le 4 avril, déjà il n'était plus à Bijeljina et il n'est plus

 20   retourné par la suite à Bijeljina. Etes-vous d'accord avec cela ?

 21   R.  Non, parce que ce que vous venez de dire, Monsieur Karadzic, n'est pas

 22   correct. Il était là avec ses troupes paramilitaires. Mais dire que la

 23   Bosnie-Herzégovine n'existait pas n'est pas vrai. En avril, la Bosnie-

 24   Herzégovine - et on le sait bien, on l'a répété inlassablement ici - avait

 25   déclaré son indépendance, avait été reconnue par les Nations Unies, par la

 26   Communauté européenne et par les Etats-Unis le 7 avril. C'était un Etat

 27   reconnu au 7 avril.

 28   Q.   Mais vous venez d'indiquer que ça a été admis aux Nations Unies de la

Page 1736

  1   façon la plus rapide possible ce qui est une chose sans précédent, et là je

  2   suis d'accord avec vous. Je n'ai pas dit, Monsieur l'Ambassadeur, qu'elle

  3   n'existait pas, la Bosnie-Herzégovine. Il y avait le 1er et 2 avril une

  4   Yougoslavie qui existait. La Bosnie faisait partie de cette Yougoslavie. La

  5   Republika Srpska n'existait pas. L'autorité de la Bosnie-Herzégovine était

  6   celle qui était représentée à Bijeljina jusqu'à ce que, le 7 avril, la

  7   Republika Srpska ne se mette à exister et fonctionner; c'est bien cela ?

  8   R.  Avant toute cette époque, la Yougoslavie s'est désintégrée, et ce, de

  9   façon rapide. D'ailleurs le mois suivant, le nom même du pays a changé.

 10   Nous le savons bien. Ils étaient de République fédérative socialiste de

 11   Yougoslavie à la République, à la RFY, République fédérative de

 12   Yougoslavie, et ce nom avait été changé pour refléter la réalité, c'est-à-

 13   dire le fait que la Slovénie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ne

 14   faisaient plus partie de la Yougoslavie. Ça c'est technique, bien sûr, mais

 15   ce qui était plus important, c'est ce qui se passait sur le terrain à

 16   l'époque en Bosnie-Herzégovine, ce qui se passait au mois d'avril, et ce

 17   qui s'y passait était tout à fait déplaisant. Il y avait déplacement des

 18   populations, nettoyage ethnique, plus particulièrement de la communauté

 19   musulmane. Ceci était en cours, du fait à la fois de l'armée yougoslave et

 20   des forces armées des Serbes de Bosnie ainsi que des paramilitaires.

 21   J'entends bien que ce soit difficile à entendre, que vous ayez du mal

 22   à m'écouter lorsque je dis cela, Monsieur Karadzic, mais c'est la vérité.

 23   Nous le savons tous les deux.

 24   Q.  Non. Ça semble que ça pourrait être davantage un jugement rendu plutôt

 25   qu'un témoignage, Monsieur l'Ambassadeur. Je nie et je conteste cela.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je voudrais, c'est que l'on nous montre

 27   le 1D194. Je voudrais demander le document de l'assemblée qu'on a vu tout à

 28   l'heure, versé au dossier. On va peut-être revenir sur certains passages,

Page 1737

  1   mais on le fera plus tard si on a le temps.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela recevra la cote D92.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant, je voudrais que l'on nous montre le

  5   1D194.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  En attendant ce document, Monsieur l'Ambassadeur, je tiens à vous

  8   rappeler que je suis entré en fonction le 12 mai. Déjà, le 13 mai, de façon

  9   verbale, et le 13 juin, par écrit, au nom de la présidence de la République

 10   serbe de Bosnie-Herzégovine, j'ai promulgué une décision que nous sommes en

 11   train de voir. La version anglaise n'est pas très lisible, mais je vais

 12   donner lecture de ce document. Il y a eu une décision prise par la

 13   présidence, qui porte sur l'interdiction de création et d'activité de

 14   différents groupes armés constitués d'individus sur le territoire de la

 15   Republika Srpska, sans être placés sous le commandement de l'armée ou de la

 16   police. Il est interdit les activités de tous les groupes armés ou

 17   individus armés sur le territoire de la République serbe de Bosnie-

 18   Herzégovine. Les groupes et les individus en question sont tenus, dans un

 19   délai de trois jours, de se placer sous le commandement unifié de l'armée

 20   de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine ou du ministère de l'Intérieur

 21   de cette République serbe de Bosnie-Herzégovine. La présidence de la

 22   République serbe de Bosnie-Herzégovine renonce à tout groupe qui

 23   continuerait à intervenir de façon autonome et ordonnera des sanctions pour

 24   ce qui est de leurs activités ou de leur existence par les mesures les plus

 25   strictes prévues par la loi. La resubordination au commandement unifié de

 26   l'armée ou de la police sous-entend également le strict respect des

 27   dispositions du droit de guerre international."

 28   Etiez-vous au courant de cet ordre de ma part, Monsieur l'Ambassadeur

Page 1738

  1   ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Merci. Je voudrais revenir sur une réponse que vous avez

  4   apportée, en réponse à des notes de vos carnets. Vous aviez consigné le

  5   fait que j'avais dit que je contrôlais l'armée de la Republika Srpska et 95

  6   % des unités paramilitaires. Ce que je voudrais vous montrer ou vous

  7   fournir, c'est une interprétation quelque peu différente. J'ai procédé à la

  8   resubordination, j'ai donné l'ordre de resubordonner tous ces groupes

  9   indépendants à l'armée. Le seul contrôle que j'avais, c'était les gardes de

 10   l'armée, non pas à l'égard des paramilitaires; oui ou non ?

 11   R.   Il est évident que vous préfériez contrôler 95 %, avec 5 % qui

 12   ne soit plus sous votre contrôle ou qui soit moins contrôlé. Dans la même

 13   conversation, vous avez dit que vous étiez le commandant, que vous

 14   contrôlez l'armée. Je vous ai parlé du général Mladic et vous m'avez dit,

 15   je vous cite : "Il obéit. Il est obéissant." On peut en conclure que

 16   lorsque le général Mladic a installé ses troupes autour des collines qui

 17   entourent Sarajevo et a commencé à pilonner Sarajevo - enfin, je devrais

 18   peut-être dire qu'on pourrait en conclure qu'il faisait cela sur votre

 19   ordre direct, puisque vous avez dit qu'il était obéissant. Donc on sait

 20   très bien que ces troupes pilonnaient Sarajevo, parce qu'on a pu

 21   l'observer, on l'a bien vu.

 22   Peut-être voudriez-vous vous adresser aux Juges de la Chambre pour en

 23   parler. Enfin, c'est à vous de voir. Cela dit, aucun dirigeant n'aimait les

 24   paramilitaires. Ils sont difficiles à contrôler. Tudjman ne les aimait pas,

 25   Milosevic non plus et le Dr Karadzic ne les aimait pas beaucoup, en effet.

 26   C'est facile à comprendre. Mais la réalité des choses était la suivante :

 27   les activités de combat de la VRS, de l'armée des Serbes de Bosnie étaient

 28   placées sous votre commandement, vous venez de nous le dire. Il faut le

Page 1739

  1   garder à l'esprit lorsque l'on évoque les activités des paramilitaires.

  2   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Ma question était celle de savoir si, en

  3   sus de l'armée, j'avais disposé d'autres unités paramilitaires. Il me

  4   semble que vous avez accepté le fait que j'avais exercé un contrôle en

  5   donnant l'ordre de les resubordonner au commandement unifié de l'armée;

  6   c'est bien cela ?

  7   R.  Mais ils faisaient déjà la besogne de l'armée. Donc il fallait

  8   s'attendre à ce qu'ils soient subordonnés officiellement à l'armée, en

  9   effet.

 10   Q.  Savez-vous, Monsieur l'Ambassadeur, que les 5 % restants, on les a

 11   arrêtés à plusieurs reprises. A chaque fois que nous avions noté la

 12   présence d'un groupe autonome, nous avons procédé à son arrestation.

 13   R.  J'imagine que ça a peut-être eu lieu à une ou deux reprises. Mais il

 14   faut aussi garder à l'esprit que nous avons vu ici dans ce Tribunal des

 15   procès impliquant des forces irrégulières serbes qui ont commis des

 16   meurtres, du nettoyage ethnique. Plusieurs d'entre eux d'ailleurs ont été

 17   condamnés par ce Tribunal international. Donc lorsque vous dites ce que

 18   vous dites, cela s'applique peut-être à 1 % des cas, voire 2 %. Je ne sais

 19   pas bien. Mais la réalité des choses, c'est que la VRS, aidée par des

 20   forces irrégulières, par des forces de police aussi, se lançait dans une

 21   politique de nettoyage ethnique extensive durant la période dont vous

 22   parlez.

 23   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, tout ceci va être contesté par le document que

 24   je montrerai.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, je voudrais que cette

 26   décision 1D194 soit versée au dossier, en sa qualité de pièce à conviction,

 27   et je voudrais qu'on nous montre à présent le --

 28   Oui, un instant, s'il vous plaît.

Page 1740

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de répondre, mais

  2   j'aimerais savoir, quel est le document original ? Quel est l'original du

  3   document ? Le document en B/C/S ou le document en anglais ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les deux sont signés le même jour. En anglais,

  5   ça a été envoyé au secrétaire général des Nations Unies, mais nous avons

  6   une meilleure copie en version anglaise que celle-ci. Ça, ça a été

  7   détérioré au niveau de la lisibilité lorsqu'on l'a mis sur l'affichage

  8   électronique. L'original est plus lisible. Ça a été envoyé par mail au

  9   service concerné, donc on vous fournira cet exemplaire-là.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, le document est admis.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il recevra la cote D93, Madame,

 12   Monsieur les Juges.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Le 1D205 maintenant, s'il vous plaît.

 14   C'est un document où l'on voit des vœux qui sont adressés par moi-même à

 15   l'occasion du deuxième anniversaire de la création du parti. Je cite :

 16   "L'Etat que nous sommes en train de créer doit être fondé sur l'état de

 17   droit et l'humanité."

 18   Et à ce moment-là nous trouvons dans le texte entre guillemets une citation

 19   d'un grand poète serbe, je cite :

 20   "Qu'il défile devant le monde. Avec cela je demande à tous les

 21   représentants du Parti démocratique serbe de continuer à surveiller notre

 22   comportement de façon à ce que notre combat ne soit pas terni par la

 23   commission d'actes inhumains qui pourraient nuire à quelque autre groupe

 24   ethnique à l'intérieur de notre république. De même, vis-à-vis de nos

 25   ennemis battus, nous aurons besoin non seulement de respecter les

 26   dispositions de la convention de Genève, mais aussi de démontrer notre

 27   compassion de chrétiens orthodoxes."

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1741

  1   Q.  Est-ce que vous avez eu connaissance de cet appel ?

  2   R.  Non, et je le dis aujourd'hui. Je le trouve tout à fait touchant. Il

  3   est dommage qu'il n'ait pas été mis en pratique dans la réalité.

  4   Q.  Il sera démontré qu'il l'a été, en réalité. Ceci, en tout cas, a été

  5   publié par tous les médias et a eu effectivement une certaine influence.

  6   Je demande le versement au dossier de ce document. Est-ce que nous avons

  7   déjà le numéro de pièce ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agit-il de la pièce D94 ?

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D206 à

 13   présent.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, ceci est un télégramme, un télégramme envoyé

 16   secrètement aux présidents des municipalités de Gorazde, parce qu'à

 17   l'époque nous tenions la moitié de Gorazde, de Foca, de Han Pijesak, de

 18   Sokolac, de Rogatica, et de Visegrad, Rude, Cajnice. Alors Gorazde et Foca,

 19   tout cela c'est le long de la Drina, et le texte se lit comme suit :

 20   "Tous les villages dans lesquels les habitants croates et musulmans auront

 21   rendu leurs armes et manifesté leur absence d'intention de se battre contre

 22   nous doivent bénéficier de la pleine protection de notre Etat de Bosnie-

 23   Herzégovine. La responsabilité de cela sera supportée par les présidents

 24   des municipalités."

 25   La date de ce document est celle du 14 juillet 1992. Avez-vous eu

 26   connaissance de ces mesures prises par nous ?

 27   R.  Je sais que sur le papier ces mesures ont été prises, et je sais aussi

 28   que l'on voit dans une vidéo Krajisnik en train de discuter de ces régions

Page 1742

  1   en particulier, c'est-à-dire ce qui se passait une fois que votre armée les

  2   avait occupées, où l'on voit que plusieurs municipalités étaient

  3   musulmanes, mais à l'époque où Krajisnik nous les a montrées, nous a montré

  4   cette carte, c'est-à-dire entre le mois de septembre et le mois de décembre

  5   1992. Ces zones figuraient en bleu sur la carte, ce qui montrait qu'elles

  6   étaient toutes serbes. Donc c'est un point qu'il faut prendre en compte, à

  7   savoir que ce message que vous avez envoyé soit n'a pas été respecté par

  8   les destinataires de ce document, soit peut-être ont-ils compris que vous

  9   n'aviez pas l'intention de mettre dans la pratique tous les mots de ce

 10   message, parce que le nettoyage ethnique qui a été réalisé à Foca, par

 11   exemple, a été absolument horrible, et plusieurs responsables serbes ont

 12   été jugés et condamnés ici même devant ce Tribunal pénal international en

 13   raison de ce nettoyage ethnique. Donc ceci ne peut souffrir aucune

 14   discussion, Docteur Karadzic, à moins que vous ne souhaitiez accuser le

 15   Tribunal d'inventer des réalités. Je ne pense pas que ce soit votre désir.

 16   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. Comme nous l'avons déjà dit -

 17   et je crois que vous avez été d'accord avec moi lorsque je l'ai dit - tout

 18   ce qui vient après vos "mais" est utilisable mais rejeté par moi, dès lors

 19   que vous fournissez vos propres appréciations et évaluations personnelles

 20   de la situation après ces "mais."

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avançons.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous remercie.

 23   Je demande le versement au dossier de ce document, et je demande

 24   l'affichage du document 1D30.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  En même temps que ce document, Monsieur l'Ambassadeur, vous voyez que

 27   vous parlez de tu quoque. Ce télégramme était un télégramme secret, un

 28   ordre secret. C'était un ordre très strict qui en appelait au président des

Page 1743

  1   municipalités en leur rappelant leurs responsabilités, et dans lequel des

  2   municipalités telles que Gorazde, Zepa et d'autres étaient indiquées comme

  3   devant rester serbes, n'est-ce pas ? Est-ce que ces municipalités sont

  4   restées musulmanes jusqu'à 1995 ? Est-ce que le plan Owen-Stoltenberg et

  5   Vance-Owen envisageaient que ces municipalités soient des municipalités

  6   musulmanes ?

  7   R.  Gorazde a toute été considérée comme musulmane. En fait, c'était une

  8   zone musulmane. Aujourd'hui, Gorazde fait partie de la Fédération croato-

  9   musulmane. Elle ne se trouve pas dans la Republika Srpska. Milosevic a

 10   insisté sur ce point à l'issue de tous les événements -- enfin excusez-moi,

 11   ce n'est pas lui qui a insisté. Ce sont les Musulmans qui ont insisté sur

 12   ce point. Puisque les Serbes avaient obtenu leur corridor qui allait de

 13   Belgrade jusqu'à Banja Luka en passant par Brcko, les Musulmans ont déclaré

 14   qu'il leur fallait avoir un corridor arrivant jusqu'à Gorazde, et donc

 15   c'est tout à fait à la fin des négociations la dernière nuit de Dayton, où

 16   en même temps que pas mal de verres de whisky, Milosevic et le général

 17   Clark et d'autres ont décidé que Gorazde devrait demeurer au sein de la

 18   Fédération croato-musulmane.

 19   Srebrenica est un cas assez semblable dans une certaine mesure, semblable

 20   dans la mesure où Gorazde et Srebrenica étaient des zones protégées, donc

 21   des havres de sécurité. Le Conseil de sécurité des Nations Unies et la

 22   FORPRONU avaient décrété que six villes de Bosnie-Herzégovine se verraient

 23   octroyer le statut de havres de sécurité; Tuzla, Gorazde, Srebrenica,

 24   Bihac, et je ne me rappelle plus les autres. Donc comme nous le savons

 25   parfaitement bien, Srebrenica avait accueilli de nombreux réfugiés,

 26   puisqu'elle était considérée comme un havre de sécurité, et qu'il y avait

 27   une unité de la FORPRONU qui protégeait la ville. Cette unité de la

 28   FORPRONU était composée, en fait, de soldats néerlandais. Et chacun sait

Page 1744

  1   également qu'en juillet 1995 l'armée serbe de Bosnie, en présence du

  2   général Mladic - et nous le savons parce que nous avons les images vidéo où

  3   l'on voit Mladic en train de haranguer ses troupes - nous savons donc que 7

  4   000 hommes et jeunes gens musulmans de Bosnie ont été assassinés. Si vous

  5   souhaitez contester cela, Docteur Karadzic, je suis tout à fait prêt à

  6   entrer dans le débat avec vous, mais je ne pense pas qu'il n'y ait

  7   nécessité de débattre de ce point. Ceci a été le crime le plus horrible qui

  8   a été commis pendant toute la guerre et c'est le crime le plus horrible de

  9   toute guerre en Europe après la Seconde Guerre mondiale.

 10   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, mon objection demeure la

 11   même, je rejette tout ce que vous avez dit après le 'mais' prononcé par

 12   vous.

 13   Je demande l'affichage du document suivant.

 14   R.  Je suis en train de dire ce qui s'est passé à Srebrenica. Excusez-moi

 15   de poser la question, excusez-moi d'interrompre en tout cas. J'apprécie

 16   tout à fait que vous n'appréciez pas ce que je suis en train de dire, mais

 17   je pense qu'en tout équité vis-à-vis des Juges de la Chambre, nier la

 18   réalité du massacre de Srebrenica, je pense que vous devez aux Juges de la

 19   Chambre une explication si vous le faites.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître Robinson.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il est temps de rappeler le

 23   témoin à l'ordre. Je crois qu'il est train de jouer un rôle ici qui va bien

 24   au-delà de sa position de témoin. Je vous en prie, je pense que vous

 25   devriez lui demander de se limiter à répondre aux questions sans remplacer

 26   le Procureur dans son réquisitoire et sans poser des questions au Dr

 27   Karadzic. Je pense qu'il est temps pour la Chambre d'intervenir et

 28   d'exercer quelques contrôles sur le témoin. Je vous remercie.

Page 1745

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   Monsieur l'Ambassadeur, comme vous le voyez, nous avons un temps limité,

  3   donc je vous en prie --

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en rends bien compte.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soyez bref en répondant aux questions.

  6   Je vous en remercie.

  7   Entre-temps, à moins qu'il n'y ait objection, nous admettons le

  8   1D206.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que pièce D95.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Je demande l'affichage du document l'affichage du document 1D396

 12   [comme interprété].

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Pendant que nous attendons que l'image apparaisse, Monsieur

 15   l'Ambassadeur, je vous indique que ce document date du 23 juillet et qu'il

 16   s'agit d'un ordre venant de moi qui se subdivise en quatre points, donc un

 17   ordre en quatre points.

 18   1D300, c'est le numéro du document. Bien, nous le voyons apparaître.

 19   La version anglaise suffira sur les écrans. Je vais le lire en serbe.

 20   La première conférence, la conférence de Londres, a toujours lieu à

 21   Londres :

 22   "Et sur la base des pouvoirs constitutionnels qui m'ont été conférés,

 23   dans le respect des obligations souscrites à la conférence de Londres",

 24   j'ordonne par la suivante ce qui suit :

 25   1. Les autorités serbes doivent agir conformément à la loi et à la

 26   convention de Genève vis-à-vis de la population civile, quel que soit le

 27   groupe ethnique auquel elle appartient, qui ne doit exercer aucune

 28   agression ou ne mener aucun combat contre notre armée et la population

Page 1746

  1   civile.

  2   2. Tous les habitants qui rendront leurs armes et donneront leur accord

  3   pour vivre dans la paix et dans le respect du droit doivent obtenir la

  4   possibilité de rester à leur domicile et de bénéficier de notre

  5   protection."

  6   Troisièmement :

  7   "Tout habitant souhaitant quitter temporairement ou de façon

  8   permanente les zones où se mènent des combats, pour se rendre dans d'autres

  9   zones, doit avoir la possibilité de le faire. La date et l'itinéraire qui

 10   concerneront ces déplacements de population doivent être convenus et la

 11   sécurité complète doit être assurée pour le déplacement des civils."

 12   Quatrièmement:

 13   "Je rappelle par la présente à tous les représentants des autorités

 14   des régions autonomes serbes de Birac, leur grande responsabilité en termes

 15   de droit s'agissant d'exécuter cet ordre et d'autres ordres conformes aux

 16   droits et aux conventions de Genève."

 17   Fait à Pale[phon] le 23 juillet 1992.

 18   Signé par le président de la présidence de la République serbe de Bosnie-

 19   Herzégovine et vous voyez mon nom.

 20   Vous m'accusez de procéder par usage du tu quoque. Mais est-ce que vous

 21   savez que cet ordre et d'autres ordres de même nature ont été donnés par

 22   moi ?

 23   Veuillez répondre en ne mettant pas de "mais," je vous prie.

 24   R.  Je n'ai pas eu connaissance de l'existence de cet ordre.

 25   Je dois dire également en rapport avec ce que vient de signaler Me

 26   Robinson, que ce n'est pas moi qui évoquait Srebrenica, c'est le Dr

 27   Karadzic qui l'a fait dans la question adressée à moi au sujet de Gorazde

 28   et de Srebrenica. Je ne faisais que répondre à la question qui m'était

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  1   posée.

  2   Q.  Bien, j'ai contesté le fait que vous ayez déclaré que toutes les

  3   municipalités étaient devenues bleues sur la carte en 1992 déjà et nous

  4   aurions pu nous en tenir là.

  5   Mais je demande le versement au dossier de ce document, je veux parler de

  6   l'ordre qui constitue le document 1D300.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D215. Est-

 10   ce que le 1D300 est admis ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agit-il de la pièce D96 ?

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président,

 13   pièce D96.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   Nous avons ici une conclusion qui date du 6 août, le président de la

 16   République serbe de Bosnie-Herzégovine émet cette conclusion. Et il déclare

 17   :

 18   "Le ministère de la Justice, le ministère de l'Intérieur de la République

 19   serbe de Bosnie-Herzégovine, et cetera, sont chargés par le biais des

 20   instances municipales dépendant du ministre de l'Intérieur de façon

 21   coordonnée de recueillir tous renseignements écris relatifs aux relations

 22   et aux comportements que les autorités serbes manifestent vis-à-vis des

 23   prisonniers de guerre, ainsi qu'aux conditions de vie des prisonniers dans

 24   les prisons sur le territoire des municipalités dans lesquelles des

 25   prisonniers sont en détention," et ces renseignements doivent être envoyés

 26   à la présidence dans un délai de dix jours.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce que vous avez eu connaissance du fait que la présidence a

Page 1748

  1   formulé cette exigence, à savoir de recevoir des rapports et d'être informé

  2   de la situation dans ce domaine ?

  3   R.  Non, je n'en ai pas été informé, je suis heureux que vous l'ayez fait.

  4   Il est dommage que ceci n'ait pas été réalisé.

  5   Q.  Je vous remercie. Je vous apporterai la preuve que ceci a été réalisé,

  6   mais malheureusement vous ne serez pas là pour m'entendre lorsque je

  7   traiterai de ce point. J'aimerais beaucoup que vous fassiez une autre

  8   impression et une autre image de la situation pendant que vous êtes encore

  9   ici.

 10   Je demande l'affichage du document 205 sur les écrans.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document qui vient d'être évoqué,

 12   nous allons l'enregistrer aux fins d'identification en attente de sa

 13   traduction.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que document D97, enregistré

 15   aux fins d'identification, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous parlons bien du document 215.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Affichage du 216 à présent. 1D216.

 18   Pendant que nous attendons l'apparition de l'image à l'écran, j'indique que

 19   c'est une déclaration de la présidence faite le même jour et qui porte sur

 20   l'arrestation des traîtres. Le document précédent était une conclusion.

 21   Maintenant, c'est un autre document que je veux voir s'afficher à l'écran.

 22   Mais le 215 a été traduit, Monsieur le Président, nous en avons une

 23   traduction ainsi qu'une version serbe.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette question devrait être votre

 25   dernière question pour l'audience d'aujourd'hui, Monsieur Karadzic.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, ce document date du 6 août 1992 également.

 28   C'est une déclaration de la présidence qui porte sur l'arrestation des

Page 1749

  1   traîtres.

  2   "La présidence que de la République serbe de Bosnie-Herzégovine informe du

  3   fait qu'il y a quelques semaines elle a émis un ordre suite auquel tous les

  4   groupes et individus devraient être placés sous le commandement unifié de

  5   l'armée et de la police et cette conception a, dans sa plus grande part,

  6   été réalisée dans la pratique sauf dans le cas de certains groupes de

  7   traîtres de Podrinje et de Kljuc. Le ministère de l'Intérieur de la

  8   République serbe de Bosnie-Herzégovine a arrêté des groupes et des

  9   individus qui se situaient en dehors de la loi et commettaient des actes de

 10   pillage et d'incendie volontaire."

 11   Il n'est pas question ici d'arrestations visant des unités organisées sur

 12   le plan politique ou des individus organisés sur le plan politique qui

 13   auraient combattu pour la liberté de la Bosnie-Herzégovine sous la

 14   direction d'un commandant. Il n'est donc pas question d'hommes de cette

 15   trempe qui méritent tous les honneurs et toutes les félicitations.

 16   Ce texte a été adopté pour entraver l'action de personnes, par voie

 17   d'arrestation, qui n'étaient pas des combattants organisés, qui étaient des

 18   gens échappant à la loi. Vous êtes d'accord sur ce

 19   point ?

 20   R.  C'est ce qui est écrit dans le document.

 21   Q.  Je vous remercie.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 23   document.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, pas d'objection par

 25   rapport à ce document ni au document précédent. Il y a une traduction pour

 26   les deux, et les deux figurent sur la liste 65 ter du bureau du Procureur.

 27   Le 215 était le document 65 ter numéro 01116. Ce document-ci est le

 28   document 65 ter numéro 00865. Je pense que la traduction qui l'accompagne

Page 1750

  1   devrait suffire.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  3   Monsieur Karadzic, nous allons suspendre pour aujourd'hui, mais vous avez

  4   bénéficié de plus de neuf heures de contre-interrogatoire de l'ambassadeur

  5   Okun, et vous aviez au départ demandé 14 heures. Il vous restera demain

  6   moins de quatre heures et la Chambre s'attend que vous concluiez votre

  7   contre-interrogatoire avant la fin de l'audience demain.

  8   Mais je suppose qu'il y aura des questions supplémentaires, Monsieur

  9   Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez besoin de combien de temps

 12   encore pour le contre-interrogatoire de M. l'Ambassadeur Okun, Monsieur

 13   Karadzic ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, tout dépend de la rapidité à

 15   laquelle nous recevrons des réponses aux questions posées par nous et

 16   quelle sera notre efficacité dans les questions que nous poserons. Je pense

 17   que nous sommes ici dans une situation assez unique, puisque les Juges de

 18   la Chambre ont devant eux un personnage particulièrement important, qui a

 19   été en partie un participant ou, en tout cas, quelqu'un de très informé au

 20   sujet de la situation sur le terrain à partir de sources diverses. A moins

 21   que M. l'Ambassadeur soit opposé au fait de passer quelques heures

 22   supplémentaires en Europe, j'aimerais disposer d'un peu plus de temps. En

 23   tout cas, au minimum 14 heures, comme je l'avais dit avant de commencer. Si

 24   M. l'Ambassadeur en est d'accord, j'aimerais disposer d'un délai

 25   supplémentaire, car vraiment, nous avons de très nombreux documents à

 26   passer en revue, qui méritent d'être tirés au clair.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné que M. l'Ambassadeur a passé

 28   plus de deux semaines ici déjà, ceci me paraît difficile dans la pratique,

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  1   sinon, contraire à l'humanitaire si nous devions lui demander de rester

  2   plus longtemps. Je vous demanderais d'en terminer 20 minutes avant la fin

  3   de l'audience de demain, si possible. Voyons comment les choses avanceront

  4   demain.

  5   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  6   Quel est le numéro de la dernière pièce à conviction ?

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 1D216 devient la pièce D98, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous suspendons pour aujourd'hui sur ces

 10   mots.

 11   [Le témoin quitte la barre]

 12   --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi 28 avril

 13   2010, à 9 heures 00.

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