Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 21 mai 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 8 heures 31.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Merci de votre

  7   coopération de si bon matin. Donc nous allons poursuivre.

  8   Monsieur Karadzic, vous avez la parole, et soyez bref, s'il vous plaît.

  9   Evitez de faire des commentaires, et n'oubliez pas que vous n'avez pas

 10   besoin de présenter de façon extrêmement détaillée tous les documents au

 11   témoin. Poursuivons.

 12   LE TÉMOIN : AERNAUT VAN LYNDEN [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour à tous et à toutes.

 15   Contre-interrogatoire par M. Karadzic:

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur van Lynden.

 17   R.  Bonjour.

 18   Q.  Avant que d'oublier une chose, je voudrais vous demander, est-ce que

 19   nous avons reçu votre promesse qui était celle de vous pencher dans le

 20   détail dans sur vos notes et votre journal et nous mettre cela à

 21   disposition dans un délai raisonnable afin que mes conseils de la Défense

 22   puissent vous contacter et voir ce qui risque d'être utilisable.

 23   R.  A l'heure actuelle, mes possessions sont entreposées, car en effet, ma

 24   famille et moi-même avons déménagé des Pays-bas vers un autre pays. Donc je

 25   ne peux pas immédiatement avoir à ma disposition tous ces éléments.

 26   Ensuite, j'ai gardé la plupart de mes carnets. Je n'ai jamais tenu de

 27   livre de bord, mais j'ai gardé la plupart de mes carnets. Je sais que

 28   certains d'entre eux, néanmoins, ont été perdus dans le cadre de la guerre,

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  1   mais il est certain que dès que nous arriverons à avoir accès à nos

  2   possessions, bien sûr, j'étudierai mes carnets. Et si je considère que je

  3   trouve quelque chose qui serait utile en ce qui concerne ces débats, je les

  4   ferai connaître à la Cour le plus rapidement possible.

  5   Q.  Merci. Le fait seul que vous resterez en contact avec mes

  6   conseils de la Défense me pousse à leur donner des instructions de voir

  7   avec vous ce qui risque d'être important pour nous.

  8   Alors, j'ai deux cartes à montrer, je voudrais d'abord qu'on montre

  9   la carte numéro 4, puis la carte numéro 6 du recueil de cartes Sarajevo-

 10   Karadzic. C'est dans le classeur de "carte Sarajevo-Karadzic." Il y a

 11   d'abord une vue panoramique, ensuite les détails.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, pourrions-nous avoir

 13   une liasse supplémentaire afin de la montrer au témoin à l'avenir ?

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Il n'y a pas de problème, de toute façon,

 15   nous avons le carnet de ces cartes ici. M. Reid les a.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça commence par 0424-9164. C'est probablement

 17   le numéro ERN de cette carte. Alors, c'est dans ce classeur-ci cette carte

 18   4.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Nicholls.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Nous pensons, Monsieur le Président, qu'il

 21   s'agit de la liste 65 ter 14665.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer ça au prétoire

 23   électronique, s'il vous plaît. Excusez-moi, je me suis mal exprimé, ce

 24   n'est pas une carte. C'est une photographie.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous le voyons à l'écran.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est dans la même langue, alors il suffit d'en

 27   voir une. Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que brièvement -- ou plutôt, est-ce que

  2   vous pourriez nous indiquer d'abord l'hôpital militaire, là où vous vous

  3   êtes trouvé vous-même ?

  4   R.  [Le témoin s'exécute]

  5   Q.  Mettez un numéro 1, s'il vous plaît.

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   Q.  Merci. Alors, est-ce que vous pouvez nous indiquer les tours à

  8   l'entreprise Unis.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez nous indiquer l'emplacement du bâtiment

 11   du gouvernement, du conseil exécutif, comme nous l'appelions à l'époque.

 12   R.  [Le témoin s'exécute]

 13   Q.  Merci. Le parlement maintenant.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  L'hôtel Holiday Inn.

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Merci. Le mont Hum.

 18   R.  C'est la colline dont vous avez parlé hier avec la station relais.

 19   Q.  Oui, c'est notoirement connu.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Merci. Alors, Velesici, est-ce que vous savez quel est l'emplacement ?

 22   Donc c'est là le flanc est de Hum avec toutes ces maisons construites de

 23   façon assez resserrée.

 24   R.  Si vous m'aviez demandé à brûle-pourpoint je n'aurais pas su, mais

 25   puisque vous m'avez indiqué où cela se trouve, je peux l'annoter.

 26   Q.  Merci. Voilà, juste sous la ligne de haute tension, il y a une colline

 27   avec rien dessus. Est-ce que c'est le mont Grdonj ?

 28   R.  En effet.

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  1   Q.  Vous pouvez mettre un numéro 8.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est le nom de cette colline ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle s'appelle Grdonj.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Mais essayez d'abord avec le curseur pour bien voir si on s'est compris

  7   tous les deux.

  8   R.  Je ne vois pas. C'est à ceci que vous avez fait référence hier lorsque

  9   j'ai dit que sur la carte qui m'était présentée je ne pouvais pas.

 10   Q.  Oui, en effet. Mais est-ce que vous voyez cette colline sur la photo,

 11   et est-ce qu'il s'agit bien de Grdonj ?

 12   R.  Comme je l'ai dit hier, je ne le savais pas. Mais puisque vous me dites

 13   qu'il s'agit de Grdonj, je vous crois, mais ce n'est pas quelque chose que

 14   je sais.

 15   Q.  Alors, ce n'est pas la peine. Bon, est-ce que je peux avoir votre

 16   accord : numéro 1 c'est l'hôpital militaire où vous avez été pendant un

 17   certain temps; le numéro 2 c'est les deux tours d'Unis; numéro 3 c'est le

 18   bâtiment du gouvernement de Bosnie-Herzégovine; numéro 4 c'est le bâtiment

 19   du parlement de la Bosnie-Herzégovine; numéro 5 c'est l'hôtel Holiday Inn;

 20   numéro 6 c'est le mont Hum; et le numéro 7 c'est Velesici; n'est-ce pas ?

 21   R.  Tout à fait, c'est ce que j'ai annoté.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer la photo plus

 24   détaillée, c'est la photo numéro 6 dans le recueil.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de passer à une autre photo --

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, vous avez raison. Il faut une date, une

 27   signature et un versement au dossier, en effet.

 28   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. On peut le verser au dossier. Donc on le

  2   garde en mémoire de l'ordinateur et on procède au versement.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote D213.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander maintenant à ce

  6   qu'on nous montre la photo numéro 6 qui se trouve dans ce recueil.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls --

  8   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- pourrions-nous avoir la cote 65 ter ?

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Pour être clair, je pense que nous parlons

 11   tous de la même chose, le 0617-1145.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Dans ce cas-là, il s'agit de la pièce qui a

 14   le numéro 65 ter 21215.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois qu'on va parcourir cela assez vite.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Ça doit vous être connu comme partie de Sarajevo, ce que vous voyez.

 19   Voilà. Merci. On y est.

 20   Est-ce que je peux vous demander de nous montrer ici les tours d'Unis et

 21   les annoter.

 22   R.  Voulez-vous que je mette un numéro à côté de ce repère ?

 23   Q.  Oui. Vous pouvez mettre un numéro 1. On va aller de la droite vers la

 24   gauche.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Merci. Le bâtiment du gouvernement, c'est-à-dire du Conseil exécutif de

 27   Bosnie-Herzégovine, maintenant, s'il vous plaît.

 28   R.  [Le témoin s'exécute]

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  1   Q.  Merci. Le parlement. Le gouvernement c'est le numéro 2. Le parlement

  2   c'est le numéro 3.

  3   R.  [Le témoin s'exécute]

  4   Q.  Est-ce que vous soyez maintenant le pont de Vrbanja ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez l'annoter. L'entrée de la rue qui permet

  7   d'accéder à l'église ?

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Merci. Vous voyez une partie de l'église catholique au quartier de

 10   Marin Dvor, c'est tout à fait à droite le long de la bordure de la photo ?

 11   R.  Oui, je le vois.

 12   Q.  J'aimerais que vous annotiez.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Donc c'est le chemin pour aller à l'hôpital militaire, ça, n'est-ce pas

 15   ? En haut à droite ?

 16   R.  Oui, en effet. Il fallait prendre un virage, ensuite il y avait un

 17   autre virage à gauche, mais c'est au-delà de la photographie.

 18   Q.  Tout à fait. Merci. Est-ce que vous pouvez maintenant nous annoter

 19   l'emplacement de la faculté de philosophie, c'est en face du bâtiment du

 20   gouvernement. Je pense que vous vous souvenez que c'est là que se trouvait

 21   la faculté de philo ?

 22   R.  Je n'ai jamais été à la faculté de philosophie.

 23   Q.  Soit. Indiquez-nous l'emplacement de l'hôtel Holiday Inn, s'il vous

 24   plaît.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  C'est le numéro 6. L'école technique, est-ce que vous pouvez

 27   l'indiquer.

 28   R.  On ne m'y a jamais emmené dans cette école technique. Je sais qu'elle

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  1   était sur la ligne de front, mais je n'y suis jamais allé. Et ce n'est pas

  2   un quartier de la ville où je me suis promené à pied. Les gens y

  3   circulaient en voiture extrêmement rapidement.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Savez-vous où c'était ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je ne m'abuse, je crois que c'est à la

  6   gauche du Holiday Inn que j'ai annoté d'un 6. A gauche, il y a le musée,

  7   mais quant à savoir où se trouve exactement l'école technique, je ne sais

  8   pas car je ne m'y suis jamais rendu.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire que c'est le grand

 11   bâtiment qui a une cour intérieure ? Vous avez bien dit. C'est à gauche

 12   face de l'hôtel.

 13   R.  Comme je l'ai dit, je ne m'y suis jamais rendu. On ne m'y a jamais

 14   emmené.

 15   Q.  Soit. Pouvez-vous nous indiquer l'emplacement du musée, les deux corps

 16   de bâtiment du musée.

 17   R.  A ma connaissance - mais je vous répète que je n'y suis jamais allé -

 18   je pense qu'ils se trouvaient là.

 19   Q.  Merci. Oui, numéro 7 c'est le complexe du musée. Est-ce que vous pouvez

 20   nous indiquer maintenant où se trouvait la caserne du maréchal Tito.

 21   Maintenant, elle n'y est plus parce qu'ils sont en train de construire

 22   autre chose.

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Oui, voilà. Alors, la caserne du maréchal Tito c'est l'emplacement du

 25   numéro 8. Est-ce que derrière vous voyez la gare ferroviaire ?

 26   R.  Là aussi je ne m'y suis jamais rendu, mais il est vrai que la gare

 27   était derrière la caserne du maréchal Tito, donc j'imagine que vous faites

 28   référence à ce bâtiment - je vais l'annoter d'un 9 ?

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  1   Q.  Merci. C'est un édifice très connu dans la ville. Est-ce que vous

  2   pouvez nous indiquer maintenant l'emplacement de cette allée qu'on a

  3   appelée l'Allée des tireurs embusqués, et on mettra le numéro 10. Ou peut-

  4   être pourriez-vous placer un cercle ou délimiter de quel endroit à quel

  5   endroit on avait considéré que c'était là le théâtre des événements les

  6   plus marquants en corrélation avec les tireurs embusqués.

  7   R.  Je ne sais pas où serait un endroit précis qui serait plus remarquable

  8   en matière de tirs embusqués. Je sais que c'était tout le long du boulevard

  9   maréchal Tito. Donc c'est cette route-ci. Mais je ne pense pas qu'il y ait

 10   eu un seul site. En tout cas, voici la route sur le boulevard du maréchal

 11   Tito. Vous voulez que je mette un  numéro ?

 12   Q.  Oui. Est-ce que vous pouvez mettre un numéro 10 à cet endroit. Alors,

 13   on est d'accord pour dire que c'est entre le musée et l'hôtel Holiday Inn,

 14   c'est ça la rue principale où l'on tirait surtout ? J'aimerais que vous

 15   placiez un cercle entre le musée et l'hôtel Holiday Inn, que c'est

 16   l'emplacement qu'on avait considéré comme étant la place la plus périlleuse

 17   en ville.

 18   R.  [Le témoin s'exécute]

 19   Q.  Merci. On peut mettre un numéro 11.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Maintenant, je voudrais vous demander, Monsieur van Lynden, la chose

 22   suivante --

 23   R.  Nous en avons terminé avec le plan ?

 24   Q.  Oui, je pense que si. Je tiens peut-être à vous informer que le vieux

 25   bâtiment qu'on voit c'est l'école technique, mais peu importe, nous n'avons

 26   pas vraiment besoin de les annoter. J'aimerais une date et une signature

 27   quelque part, et je vous poserai ensuite mes questions.

 28   R.  [Le témoin s'exécute]

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  1   Q.  Monsieur van Lynden, depuis quel emplacement les Serbes étaient-ils en

  2   mesure de tirer dans cette direction-là ?

  3   R.  De là où la photo a été prise, les bâtiments les plus élevés que l'on

  4   voit au premier plan.

  5   Q.  C'est le bâtiment qui se trouve être un peu angulaire, juste devant le

  6   chiffre 11 ?

  7   R.  Sur la photographie, on voit la rivière Miljacka. A ma connaissance, je

  8   crois que la ligne de front courait à cet endroit-là. Donc il y a des

  9   bâtiments élevés, certes, mais le terrain est en pente, et on voyait

 10   extrêmement bien, la vue était dégagée sur la place. Et l'une des histoires

 11   que j'ai relatées, alors que j'étais avec vos forces en septembre 1992 est

 12   la suivante : le cameraman a filmé, et on voyait parfaitement les rues qui

 13   se trouvaient en contrebas.

 14   Q.  Oui, vous avez bien fait de l'indiquer. J'aimerais que vous indiquiez

 15   le lit de la rivière Miljacka. Vous avez bien dit que c'était là la ligne

 16   de front. D'un côté, il y avait les Serbes, et de l'autre, les Musulmans,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, dans ce quartier de la ville. J'ai marqué le pont de Vrbanja qui

 19   traverse la rivière. Mais vous voulez que je marque aussi la rivière

 20   Miljacka ?

 21   Q.  Oui. Peut-être entre les immeubles pour que les autres personnes qui

 22   nous suivent sachent où se trouve exactement le lit de la rivière Miljacka,

 23   celle numéro 12, oui.

 24   Est-ce que c'est à l'hôtel Holiday Inn que se trouvaient la majorité des

 25   journalistes étrangers ?

 26   R.  A ma connaissance, c'est là que la plupart des journalistes étrangers

 27   résidaient. Je n'ai pas connaissance de journalistes qui auraient été

 28   hébergés.

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  1   Q.  M. van Lynden, ce bout de rue appelée l'Allée des tireurs embusqués,

  2   nous a-t-il porté de gros préjudices politiques, notamment du fait de tout

  3   ce qui s'y est passé ?

  4   R.  Ce n'est pas à moi d'en décider. Il s'agit d'une question politique,

  5   Monsieur Karadzic.

  6   Q.  Bon. Merci. Mais est-ce que vous êtes d'avis que nous sommes bêtes à ce

  7   point de se planter, de se tirer une balle dans le pied à chaque fois et de

  8   se mettre le doigt dans l'œil pour persister suivant un modèle qui nous

  9   porte préjudice, qui a constitué une sensation mondiale, parce que sous le

 10   nez de tous ces journalistes, le faire sur ce petit bout de rue.

 11   R.  Monsieur Karadzic, je ne vais pas faire de commentaires sur ce que vous

 12   venez de dire. Je sais qu'il y avait des tirs. Parfois, il y avait des

 13   accalmies, sans tirs, par exemple, l'an 1994 à Sarajevo. Et j'ai une fois

 14   traversé à pied la place Marin Dvor, vers la fin mars 1994. C'est la seule

 15   promenade que j'aie jamais faite, là, pendant toute la guerre. Mais je sais

 16   que pendant toutes les autres périodes de la guerre, il y avait un tir.

 17   Donc je ne vais pas commenter afin de savoir si vous étiez stupide et vous

 18   tirer dans le pied. C'est à d'autres et aussi à vous-même d'en décider.

 19   Q.  Merci.

 20   Est-ce que vous confirmez ou infirmez le fait qu'à côté de l'église même il

 21   y avait une cible légitime, les tours d'Unis, le gouvernement, le

 22   parlement, là où il y avait à l'école technique des tireurs isolés, et au

 23   niveau de la caserne, le maréchal Tito, ainsi que dans la rue qui va de

 24   Dobrinja en direction de l'église ? Est-ce que vous admettez la possibilité

 25   qu'il y ait eu là des installations militaires ou des points de tirs

 26   fréquents en direction de nos lignes depuis ces endroits-là ?

 27   R.  Je sais, et j'en ai parlé hier, qu'après l'évacuation de la caserne

 28   maréchal Tito, à une occasion, en juillet 1992, j'ai vu des tirs de

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  1   mitrailleuses émanant de la caserne du maréchal Tito, mais ça en riposte à

  2   un incident de tirs qui avait eu lieu un peu plus loin sur le boulevard,

  3   donc à la gauche de la photographie que nous avons ici, à l'écran. En

  4   effet, ceci semble indiquer qu'il y avait des soldats de l'armée de la BiH,

  5   dans ce bâtiment.

  6   Je ne l'ai pas vu lorsque j'étais dans la tour Unis - j'y étais avant

  7   l'évacuation de la caserne du maréchal Tito - donc je n'ai pas vu quand

  8   j'étais dans les tours Unis qu'il y avait des troupes.

  9   Mais je sais qu'il y avait des positions de ligne de front côté des

 10   Musulmans de Bosnie, et il est très certain qu'ils avaient des

 11   installations militaires, d'une sorte ou d'une autre, que ce soit des

 12   tireurs embusqués, voire jusqu'à des mortiers. Mais je ne les ai pas vus

 13   personnellement.

 14   Q.  Merci. Monsieur van Lynden -- enfin, il va falloir que nous allions en

 15   vitesse

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Que d'abord on peut demander un versement au

 17   dossier de cette photo. Je crois que maintenant, les Juges de la Chambre

 18   ont une idée plus claire de cette partie de la ville qui se trouve être si

 19   présente dans l'acte d'accusation et dans bon nombre de documents. Je

 20   voudrais que ce soit versé au dossier.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Cela recevra la cote D214.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] En effet.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Karadzic, en avons-nous terminé avec

 24   cette photographie ?

 25   M. KARADZIC : [interprétation] Oui, on en a fini avec la photographie.

 26   Q.  Puis-je vous demander maintenant ce qui suit. Est-ce que vous avez eu

 27   l'occasion la nuit passée de vous pencher sur les articles qu'on vous a

 28   montrés, et est-ce qu'on pourrait les

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  1   récupérer ?

  2   R.  Je les ai avec moi, et je vous les rends. Et en effet, je les ai

  3   étudiés hier soir.

  4   Q.  J'espère, Monsieur van Lynden, que vous comprenez bien que je ne puis

  5   laisser ceci sans, ne serait-ce que quelques explications minima au sujet

  6   de ce que vous avez dit à l'interrogatoire principal. J'espère que

  7   brièvement et rapidement, il nous sera possible de parcourir ce que vous

  8   avez dit

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Monsieur Nicholls.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection, Messieurs, Madame les

 11   Juges. On ne nous a pas prévenus de la raison pour laquelle ce document a

 12   été donné à M. van Lynden la nuit dernière. Mais je demande à M. Karadzic

 13   de ne pas les passer tous en revue. Donc s'il ne les passe pas tous en

 14   revue, j'aimerais savoir quels sont ces documents que le témoin a bien pu

 15   étudier hier.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si ça peut vous être utile, je demanderais à M.

 18   Nicholls de se pencher sur la totalité de ce document. Ils ont des

 19   références. Ça existe au prétoire électronique, et ça a été annoncé. En

 20   attendant que j'en finisse avec les comptes rendus d'audience, ils peuvent

 21   jeter un coup d'œil, et je peux dicter les références.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez plutôt les donner à

 25   l'Accusation.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Je tiens à vous rappeler une chose, vous avez dit en page 16, ligne 15

 28   du compte rendu de l'interrogatoire principal -- non, non, ça, on l'a déjà

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  1   dit. Vous avez dit que les hôtels ont été incendiés. Ça, on l'a épuisé.

  2   Page 18, je suis quelque peu dans la confusion au sujet d'une affirmation

  3   que vous avez faite au premier jour de l'interrogatoire principal. Je crois

  4   que c'était la date du 19.

  5   Page 18, disais-je. Ce qui prête à confusion, c'est l'argument que vous

  6   avez avancé disant qu'à un endroit déterminé il n'y a pas eu de tireurs

  7   embusqués. Et je vais en donner lecture :

  8   "Mon expérience en 1991 en ex-Yougoslavie, j'avais déjà remarqué que les

  9   soldats yougoslaves, quelle soit leur nationalité ou leur appartenance

 10   religieuse, ils ne faisaient pas très attention, ils ne nettoyaient pas

 11   vraiment derrière eux, si je puis dire. Donc s'il y avait bel et bien eu

 12   des tireurs embusqués dans le bâtiment, on aurait facilement pu trouver des

 13   douilles. Or, ce n'était pas le cas."

 14   Pensez-vous que cela suffise pour tirer une conclusion aux termes de

 15   laquelle à un tel endroit il n'y a pas eu de tireurs embusqués du tout ?

 16   R.  Non, je ne peux pas conclure de façon définitive qu'il n'y avait pas de

 17   tireurs embusqués dans ces emplacements auxquels je faisais allusion. Si je

 18   me souviens bien, je parlais d'un l'hôpital militaire. Nous avions vérifié

 19   si ce bâtiment avait été utilisé par les militaires à un moment ou à un

 20   autre avant que nous y rentrions.

 21   J'ai vérifié, enfin, j'ai vérifié en demandant à beaucoup de gens ce

 22   qu'ils en pensaient et j'en suis arrivé à la conclusion que ce bâtiment

 23   était assez sûr pour que nous puissions y travailler avec nos équipes,

 24   c'est la conclusion que j'en ai tiré.

 25   Pendant tout notre séjour dans cet hôpital, je n'ai jamais vu de

 26   militaires dans cet hôpital à moins que ce ne soit des blessés qu'on y

 27   amenait pour être soignés. Donc à ma connaissance, ce bâtiment n'a jamais

 28   été utilisé comme base de tirs embusqués ou de tirs venant d'un bâtiment

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24  

25  

26  

27  

28  

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  1   tenu par le gouvernement pour tirer vers vos lignes.

  2   Q.  Merci. A la même page, M. Nicholls vous a posé une

  3   question :

  4   "Pendant que vous étiez là-bas à rester de la fin du mois de mai et début

  5   juin, puis au-delà, est-ce que l'hôpital a été ciblé et est-ce qu'il y a eu

  6   des tirs dans sa direction ?"

  7   Et vous avez dit oui. Mais avant que l'hôpital ne soit pris par la partie

  8   musulmane, il n'y a pas eu de tirs en direction de l'hôpital, du tout,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Je ne savais pas que l'hôpital avait été pris par les Musulmans.

 11   Pendant tout le temps que j'ai passé à Sarajevo, à l'intérieur de

 12   l'hôpital, il y avait des Musulmans, des catholiques, des gens de

 13   confession orthodoxe qui y travaillaient. D'ailleurs, quand j'y suis allé

 14   la première fois, un des deux chirurgiens en chef était musulman, l'autre

 15   était serbe orthodoxe. Donc je ne savais pas que l'hôpital avait été pris

 16   par les Musulmans. Je ne crois pas que ça se soit passé. Je pense que ce

 17   sont toujours les mêmes gens qui y ont travaillé. C'est vrai qu'il y en a

 18   beaucoup qui sont partis, mais je ne savais pas que cet hôpital avait été

 19   pris par les Musulmans.

 20   Avant mon arrivée, c'était clair, le bâtiment avait seulement été touché.

 21   La première fois, nous avons filmé le bâtiment et on y a vu des dégâts

 22   considérables. On a filmé aussi à l'intérieur, notamment le bureau d'un

 23   ancien docteur qui avait servi dans la JNA. Son uniforme se trouvait

 24   toujours dans le bureau et, manifestement, ça été un gros obus qui était

 25   tombé parce qu'il était complètement détruit.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que le Dr Nakas a pris l'exercice de ses

 27   fonctions rien que le 10 mai et la sécurité de l'hôpital militaire qui

 28   appartenait à la JNA a été tuée le 2 mai ?

Page 2594

  1   R.  Mais vous parlez de quel Dr Nakas pour commencer ? Parce qu'il y en a

  2   deux, il y a les deux frères Nakas. A mon arrivée, Abdulah Nakas était le

  3   chirurgien en chef, Bakir Nakas, lui, il faisait office de directeur de

  4   l'hôpital.

  5   Q.  Oui. Bakir Nakas était directeur de l'hôpital à partir du 10 mai, date

  6   à laquelle la JNA a quitté l'hôpital qui, jusque-là était la propriété de

  7   l'armée populaire yougoslave, et c'était sécurisé par une toute petite

  8   unité de la JNA. Cette unité a été tuée le 2 mai. Les hommes de cette unité

  9   ont été tués. Est-ce que vous en avez été informé ? Et le commandant de

 10   cette petite unité, Lazarevic, une fois blessé, s'est suicidé.

 11   R.  Je ne me trouvais pas à Sarajevo au début mai, je ne peux pas vous

 12   donner de commentaire sur quelque chose dont je n'ai pas été témoin.

 13   Q.  Mais je crois bien que vous avez dû vous renseigner au sujet des

 14   événements qui s'étaient produits trois semaines avant votre arrivée à un

 15   endroit si important. Mais bon, vous ne le saviez pas donc, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je savais, parce qu'on m'avait dit que plusieurs personnes s'étaient

 17   retirées de l'hôpital. D'autres avaient décidé d'y rester.

 18   Je ne connais pas les faits précis qui s'y sont déroulés puisque je n'étais

 19   pas présent.

 20   Q.  Merci. En page 26, à un moment donné vous dites :

 21   " On nous a dit tout d'abord qu'une personne avait été tuée par balle --"

 22   Alors, vous êtes en train de parler de choses que vous n'avez pas vues,

 23   mais on vous en a parlé. Croyez-moi bien, que le sort de cet hôpital

 24   militaire et de ses forces de sécurité est si marquant que je ne comprends

 25   pas comment se fait-il qu'on ne vous ait pas informé de cela. Pas en tant

 26   que témoin, je parle de votre qualité de journaliste, je parle de ce que

 27   vous auriez dû avoir eu l'occasion d'entendre, par exemple, en votre

 28   qualité de journaliste dans le cadre de votre profession.

Page 2595

  1   R.  Mais vous dites qu'on nous a dit qu'une personne avait été blessée par

  2   balle, mais je ne vois pas de quoi vous parlez. Est-ce que vous pourriez

  3   d'abord préciser cela.

  4   Q.  Ce que j'avais voulu dire c'est que vous n'avez pas seulement de choses

  5   que vous aviez vues, vous avez aussi parlé de choses dont vous aviez

  6   entendu parler.

  7   R.  C'est --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais si vous voulez que le témoin

  9   réponde bien à votre question, rappelez-vous ce qu'il a dit le premier

 10   jour. N'est-ce pas la page 2 399 du compte rendu du premier jour.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  A la page 26 du premier jour, ligne 5. Il est question d'un groupe qui

 13   a été ciblé par tireurs embusqués et touché. Et vous avez donc accepté

 14   comme bonnes les informations qu'on vous a communiquées sur ce qui s'était

 15   passé avant que vous ayez l'occasion de le voir.

 16   Vous avez dit "we were told," et je l'ai relevé cela. On nous l'a dit. Donc

 17   j'indique que le témoin a parlé de choses dont il a entendu parler, et pas

 18   rien que ce qu'il a vu lui-même.

 19   Alors, est-ce que vous avez entendu quelque chose au sujet de ce tribunal

 20   militaire ? Savez-vous que pendant un mois entier, c'était tenu par la JNA,

 21   depuis le 6 avril, et on lui a constamment tiré dessus à l'époque où

 22   c'était entre les mains de la JNA cet hôpital militaire ?

 23   R.  Une première chose, je reviens à cette expression "we were told", "on

 24   nous a dit." C'est en fait un lieu que j'ai vu. J'ai vu trois personnes

 25   touchées par des tirs de tireurs embusqués, des personnes toujours en vie,

 26   mais qui gisaient au sol. On nous a dit effectivement, j'ai dit qu'une

 27   personne était sortie, il y en a une qui était sortie pour lui prêter

 28   secours, puis une troisième sur laquelle on a tiré aussi.

Page 2596

  1   Nous avons été témoin de ce qui se passait à ce moment-là. Et finalement,

  2   ces personnes ont été abattues, tuées par balle, et on les a suivies

  3   jusqu'à l'hôpital. Je n'ai pas tout vu de cette scène, mais nous avons

  4   assisté à une partie des événements, nous avons vu aussi le moment où ces

  5   personnes sont mortes.

  6   Et pour ce qui est de l'hôpital, je vous dirais que non, je n'avais pas

  7   connaissance de cet incident dont vous parlez qui est survenu en mai. Sur

  8   place je n'ai pas reçu ce détail. On a posé des questions, mais non, on n'a

  9   pas reçu des détails précis.

 10   Q.  Mais on ne vous a pas informés. Vous auriez peut-être pu tirer des

 11   conclusions au sujet des traces de balles, des impacts de balles sur

 12   l'hôpital, vous auriez donc dû conclure que c'était là l'œuvre des Serbes,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Vous parlez des dégâts que nous avons constatés lorsque nous sommes

 15   allés la première fois à l'hôpital militaire avant d'entrer à l'intérieur,

 16   mais ça ne ressemblait pas à ce que provoque une bataille intense aux

 17   fusils ou à la mitraillette. Ici, il y avait des traces d'impact d'armement

 18   beaucoup plus lourd, et on voyait ça à tous les étages, mais surtout à

 19   partir du début de la partie supérieure. Comme vous le dites, peut-être y

 20   avait-il eu des échanges de tirs à cet endroit. Mais ce que j'ai vu en la

 21   matière dans d'autres villes me dit qu'on voit des traces bien différentes

 22   de cela dans d'autres villes, bien différentes de ce que nous avons vu à

 23   l'hôpital militaire. Il y avait aussi des impacts de balles, mais la

 24   plupart des dégâts étaient bien plus lourds.

 25   Q.  Et vous excluez la possibilité d'avoir eu des Bérets verts à qui on

 26   tirait avec des tromblons, des lance-roquettes portatifs et des mortiers,

 27   voire même des canons ? Vous estimez qu'ils ne pouvaient pas avoir un canon

 28   sans recul, qu'il est facile de placer même dans un appartement.

Page 2597

  1   R.  Je n'exclus pas cette possibilité, mais si vous pensez aux dégâts

  2   provoqués par des tromblons ou par des grenades, ce sont là des dégâts tout

  3   à fait différents de ceux provoqués par des roquettes ou des obus

  4   d'artillerie. La différence est sérieuse.

  5   Je n'exclus pas, Monsieur Karadzic, qu'il y aurait eu éventuellement un

  6   combat à l'arme lourde avant mon arrivée, mais même si on avait utilisé des

  7   roquettes de RPG 7, les dégâts provoqués sur ce bâtiment auraient été tout

  8   à fait différents de ce que j'ai vu. Pour certains de ces dégâts,

  9   effectivement, ça confirmerait votre hypothèse. Il y avait des traces

 10   d'armes plus légères, de roquettes, de roquettes antichars, mais

 11   l'essentiel des dégâts était provoqué par des armes bien plus lourdes.

 12   Q.  Merci. Dans ma question de tout à l'heure, il est question de "grenades

 13   à main." Or, je pense avoir parlé de lance-roquettes portatifs, c'est les

 14   Zolja et les Osa.

 15   En bas de la page 27, vous parlez d'une histoire émouvante au sujet d'une

 16   Musulmane et d'un Serbe qui ont été tués lorsqu'ils voulaient passer vers

 17   Grbavica. Est-ce que c'est une chose que vous avez vue ou est-ce que c'est

 18   là une chose qu'on vous a relatée ?

 19   R.  C'est en réponse à une question posée par l'Accusation que je vous ai

 20   parlé de cela, pour savoir si les tirs embusqués faisaient la une des

 21   journaux. Moi, je n'étais pas à Sarajevo. Ce n'est pas moi qui ai relaté ce

 22   fait. C'est en lisant des reportages que je l'ai appris. Je disais que

 23   c'est seulement lorsqu'il y avait des raisons tout à fait particulières

 24   qu'on parlait de tirs embusqués, mais après, si ce n'était pas le cas, on

 25   n'en parlait pas parce que c'était devenu tellement ordinaire. C'est ce que

 26   je dis en réponse à l'Accusation, mais moi personnellement, je n'en ai pas

 27   été témoin.

 28   Q.  Merci. Mais c'était un événement qui a été très marquant. Nous avons

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  1   tous été au courant de la chose, parce qu'en soi c'est très émouvant.

  2   Alors, nous sommes bien d'accord pour dire que cette Musulmane et ce Serbe

  3   avaient essayé de fuir vers Grbavica, donc essayé d'aller du côté serbe ?

  4   R.  Je viens de vous dire que je n'étais pas présent et que je n'ai pas

  5   relaté dans ce reportage ce fait. Vous avez peut-être raison, mais ici

  6   même, maintenant, je ne m'en souviens pas.

  7   Q.  Si, j'ai raison. Qui pourrait-on accuser d'avoir tué ces deux jeunes

  8   gens, les Serbes ou les Musulmans ?

  9   R.  Monsieur Karadzic, je n'étais pas là. Je ne sais pas.

 10   Q.  Oui. Mais si les choses restent telles quelles, il s'avérerait que les

 11   Serbes ont tué un couple d'amoureux, un Serbe et une Musulmane, qui

 12   voulaient fuir vers eux, et ça n'est jamais arrivé que la partie vers

 13   laquelle quelqu'un veut fuir abatte ceux qui sont en train de fuir vers

 14   elle. J'ai raison et vous avez raison. Ils fuyaient vers --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que c'est une

 16   question que vous posez là ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] La question c'est de savoir si on peut rester

 18   dans le flou qu'il laisse entendre que c'est la faute des Serbes. Si on dit

 19   quelque chose, il faut être quand même plus concret, plus précis pour qu'il

 20   n'y ait pas de vagues et de dilemmes. Est-ce qu'il y a un dilemme qui plane

 21   encore ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a dit qu'il ne savait pas.

 23   Passez à la question suivante, s'il vous plaît.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  En page 28, vers la fin, ligne 20 et au-delà, M. Nicholls vous a

 27   demandé de tirer au clair -- voilà ce qu'il dit :

 28   "Il se peut que j'aie fait un lapsus, Monsieur le Président. Oui, c'est

Page 2599

  1   exact. Merci, " dit-il.

  2   Alors, il s'est rendu compte :

  3   "Après l'évacuation des effectifs de la caserne du maréchal Tito --"

  4   Il continue et dit que les Serbes étaient devenus une cible :

  5   "Les vieux minarets de la vieille ville ont vu des obus tomber, ce qui

  6   était annonciateur d'une nouvelle nuit de pilonnage intensif."

  7   Etes-vous d'accord pour dire que la caserne du maréchal Tito était restée

  8   pleine d'armes, de matériel, de chars, de blindés transporteur de troupes,

  9   et en plus 6 000 fusils qu'un général yougoslave avait amenés là pour payer

 10   une rançon s'agissant des cadets qu'on avait capturés ? La caserne a-t-elle

 11   été vidée ou est-ce qu'elle a été tout de suite après prise par les Bérets

 12   verts ? Qu'est-ce que vous pensez être vrai ? Vous avez dit que la caserne

 13   a été vidée et que c'est inutilement qu'on a tiré dessus ? Etait-elle

 14   vraiment vide la caserne ?

 15   R.  Tout d'abord, je vous dirais qu'on ne m'a pas emmené à la caserne du

 16   maréchal Tito après qu'elle eut été évacuée, et il m'est donc impossible de

 17   vous dire ce qui y restait éventuellement à l'intérieur.

 18   Mais qu'avons-nous vu ? Nous avons vu que très peu de temps après la fin de

 19   l'évacuation, la caserne est devenue la cible de tirs intensifs

 20   d'artillerie lourde. Nous avons filmé les gens qui en sortaient en courant.

 21   Effectivement, nous avons pensé qu'il était fort probable que des éléments

 22   de l'armée serbe y étaient entrés aussitôt après la fin de l'évacuation.

 23   Mais nous n'étions pas sur place pour voir qui étaient ces personnes.

 24   Nous avons filmé depuis l'hôpital militaire, mais nous avons montré sur ces

 25   images des gens qui en sortaient en courant, et nous avons montré que la

 26   caserne était devenue cette nuit-là la cible principale des pilonnages. Des

 27   obus sont aussi tombés dans d'autres quartiers qui n'avaient rien à voir

 28   avec la caserne du maréchal Tito ni l'évacuation des troupes qui s'y

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  1   étaient trouvées.

  2   Q.  Merci. Dans ce passage qui vous reprend en page 29, lignes 11 et 12 :

  3   "C'est une scène d'un chaos complet d'une ville rasée de la carte par la

  4   guerre alors que le monde impassible reste les bras croisés."

  5   Alors, est-ce que ce n'est, de votre avis, pas une invitation au reste du

  6   monde pour venir intervenir ?

  7   R.  Moi, je ne fais qu'énoncer un fait. La ville était pilonnée et,

  8   manifestement, le monde à l'extérieur ne faisait rien pour l'empêcher.

  9   Q.  Est-ce que le monde ne faisait rien, vous sous-entendez que ce monde

 10   devait forcément venir pour une intervention ?

 11   R.  Non. Ce que je voulais dire c'est qu'il aurait fallu intervenir d'une

 12   façon ou d'une autre pour veiller à mettre fin à ces tirs, à ces

 13   pilonnages. Ça semblait être dans l'intérêt général. On aurait pu le faire

 14   de diverses façons. Je ne suis pas un agent, un fonctionnaire d'un

 15   gouvernement ou des Nations Unies. Mais qu'avons-nous vu à l'époque ? Nous

 16   avons vu une situation où la ville de Sarajevo était pilonnée, et les

 17   gouvernements du monde semblaient avoir tourné le dos à ces événements dans

 18   la ville de Sarajevo.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous avez filmé vous-même le premier clip de la nuit

 20   où il y a eu de forts pilonnages ? Il me semble que c'est le 4264C du 65

 21   ter. C'est de cette partie-là dont je parle. C'est vous qui avez tourné ce

 22   clip ou est-ce que quelqu'un d'autre vous l'a donné ?

 23   R.  Madame, Messieurs les Juges, je ne sais pas trop ce que représente ce

 24   numéro.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez fait ce commentaire sur ces

 26   images en disant que la ville est complètement ravagée.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Toutes ces images et tous ces reportages

 28   que vous avez vus mercredi après-midi ont été tournés par les caméraman de

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  1   Sky News [comme interprété], à l'exception du reportage du 5 décembre 1992.

  2   Celui-là a été établi grâce à des images d'autres chaînes, et voyez, par

  3   exemple, un immeuble résidentiel qui était touché, il y a eu des prises de

  4   vue de caméraman de "Sky News," mais aussi d'autres équipes de télévision.

  5   Mais tout ce qui a été tourné en juin 1992 ça a été fait par nous

  6   uniquement. Je pense que nous étions à l'époque la seule équipe de

  7   télévision étrangère à l'intérieur de Sarajevo.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Donc ce qui s'est passé le 5 juin c'est vous qui l'avez filmé, dirais-

 10   je, directement. Vous étiez directement dans les prises de vue cadrées par

 11   la caméra, vous et les obus qui étaient en train de pleuvoir, n'est-ce pas

 12   ?

 13   R.  Effectivement. Bon, je ne sais pas s'il y avait des obus qui tombaient

 14   derrière moi pendant que je me trouvais devant la caméra --

 15   Q.  Est-ce qu'on peut revoir ce premier clip daté du 5 juin. Il s'agit du

 16   65 ter 4246C.

 17   En attendant, je vais vous poser une question, Monsieur van Lynden, vous

 18   avez filmé cela à partir de l'hôpital militaire. Vous êtes donc tourné vers

 19   cette partie-là de la ville. Est-il exact de dire que tous ces obus sur

 20   votre film vont de votre côté gauche vers votre côté droit ?

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Nous allons maintenant faire la diffusion,

 22   si c'est ce que souhaite M. Karadzic. Si je ne me trompe pas dans les

 23   cotes, c'est la pièce P929.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, vous avez raison.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Les obus pleuvent sur ces anciens minarets de la ville, annonçant

 28   une nouvelle nuit de pilonnages."

Page 2602

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Faites un arrêt sur l'image, s'il vous plaît,

  2   ici.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce qu'ici les tirs sont horizontaux et se trouvent à la hauteur de

  5   vos yeux, c'est-à-dire de votre caméra ?

  6   R.  Monsieur Karadzic, ce n'était pas moi qui tenait la caméra. Ces prises

  7   de vue, elles sont faites -- moi, je regarde du côté de Grbavica, donc

  8   j'étais sur le balcon de droite dans l'immeuble. A ma connaissance le

  9   caméraman -- et ça était filmé sur un trépied la plupart du temps pour

 10   éviter les tremblements. Ça n'a pas été pris de l'épaule. Manifestement, il

 11   essayait d'avoir une bonne prise de vue. Mais il était quand même

 12   vulnérable, et parfois la caméra n'était pas toujours tenue comme il se

 13   fallait. Ce n'est pas comme en temps de paix, quand on a le temps de

 14   prendre toutes dispositions nécessaires pour veiller à ce que le trépied

 15   soit bien horizontal. Mais donc on est du côté droit, sur le balcon de

 16   droite, et les obus, effectivement, viennent de la gauche vers la droite.

 17   Q.  Alors, ces obus tombent-ils sur la ville ou est-ce que ça va de façon

 18   horizontale de la partie est de la ville vers la partie ouest de la ville ?

 19   R.  Non, ils viennent de la partie méridionale, des collines du sud de la

 20   ville. Ils sont dirigés ces tirs sur la ville, comment dire, plutôt vers le

 21   sud et vers l'ouest de Sarajevo.

 22   Q.  Mais vous, vous êtes au centre --

 23   R.  Donc c'est, disons, à l'ouest par rapport à nous.

 24   Q.  Merci. Continuons là-dessus.

 25   Juste un instant. C'est quoi comme obus qu'on voit défiler ?

 26   R.  C'est de la mitrailleuse lourde, peut-être des tirs d'antiaériens

 27   légers, mais je ne peux pas vous dire exactement.

 28   Q.  Merci.

Page 2603

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Avant de poursuivre, le compteur est arrêté

  3   à 07:54:2 de ce plan-là que nous parlions.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de cette précision.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que nous pouvons tomber d'accord sur une chose, ça vient de

  8   parties inférieures de ces collines au sud. Ça ne vient pas du haut. C'est

  9   horizontal, ça vient du bas ou du contrebas de la colline.

 10   R.  Oui, ça vient de la partie basse du pied de la colline du côté sud, et

 11   oui, c'est plutôt ascendant comme trajectoire.

 12   Q.  Bon. Est-ce que nous pouvons poursuivre la diffusion.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Pendant six heures consécutives, il n'y a pas d'interruption. C'est

 16   persistent."

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que c'est à Vraca que ces explosions se font par rapport à où

 19   vous étiez, donc c'est au-dessus de Grbavica, vers la droite ?

 20   R.  Non, non, non. Tout ça, ça se passe de l'autre côté de la Miljacka. Il

 21   s'agit de tirs entrants, tous autant qu'ils sont, dans la partie de

 22   Sarajevo qui est tenue par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Toutes

 23   les zones qui se trouvaient à l'ouest de l'endroit où nous nous trouvions,

 24   et non pas au sud.

 25   Q.  Pourrions-nous revenir en arrière sur ce clip à 30 secondes afin de

 26   voir exactement où les explosions se font, et nous verrons, d'après les

 27   rapports, que toutes les maisons de Vraca ont été détruites cette nuit-là.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Si M. Karadzic veut bien, nous allons

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  1   commencer à ce moment-là, c'est-à-dire à l'horodatage 07:51:11 [comme

  2   interprété].

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "Cela se poursuivait en six heures."

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Bien. On voit les explosions. Moitié droite, au sud-ouest de là

 10   où vous vous trouviez. C'est le quartier de Vraca, le quartier serbe,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Vous faites référence au tir qui a précédé celui-ci ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Faut-il revenir en arrière de quelques

 14   secondes ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci a été monté hors de ma présence. Et sans

 16   voir le film en entier, je ne peux pas dire très précisément où cette

 17   explosion a atterri. Nous passions d'un balcon à un autre selon le niveau

 18   des tirs dans un quartier ou dans un autre. Donc je ne peux pas répondre à

 19   votre question. En revanche, pour ce qui s'est passé avant avec les tirs

 20   tendus, oui, mais ici on a un seul tir. Vous avez peut-être raison, mais je

 21   ne peux pas me prononcer à ce sujet.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Bien. Mais c'est la première fois que j'entends dire que ceci a été

 24   monté, qu'il ne s'agit pas d'une séquence --

 25   R.  Ecoutez, tous les reportages télévision sont montés, c'est normal. On

 26   filme des [inaudible] qui durent des heures, puis on monte cela pour

 27   quelques secondes. Tous les reportages à la télévision sont montés.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Faut-il que nous retrouvions

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  1   l'horodatage [phon] exact où nous avons vu l'explosion ? Je crois que

  2   c'était vers 8 minutes 20 secondes, jusqu'à 25 secondes. Je vous remercie.

  3   Poursuivons. 

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pourrions-nous avoir la séquence en

  5   entier, s'il vous plaît.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Ici, que voyons-nous, Monsieur van Lynden ?

  9   R.  C'est une grenade éclairante, un obus éclairant. Des obus tirés très

 10   certainement d'un mortier qui illumine le ciel. Enfin, c'est une grenade

 11   illuminante [phon], une grenade lumineuse. Peut-être tirée de différents

 12   types de lanceurs, de différents types de mortiers, 60-millimètres, 82-

 13   millimètres, ou autre, peut-être 122 [comme interprété] aussi. Cela dure

 14   pendant quelques minutes. En fait, le projectile était illuminant, descend

 15   avec un petit parachute, ça permet ainsi d'illuminer la scène pendant des

 16   centaines de milliers de candelas et ça dure environ une minutes ou deux.

 17   Q.  Et vous pensez qu'il s'agit de l'une de nos grenades illuminantes ?

 18   R.  Comment voulez-vous que je sache ? A ma connaissance, l'armée des

 19   Serbes de Bosnie, enfin, votre armée avait beaucoup plus d'armes lourdes et

 20   de munitions. Mais je n'écarte pas la possibilité que cette grenade

 21   illuminante-ci ait été tirée par l'armée de l'ABiH.

 22   Q.  Merci. On aura la séquence jusqu'à la fin.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrions-nous avoir au compte rendu le fait

 24   que l'image qui a été décrite par le témoin est

 25   08:27:4, c'est l'horodatage. Si M. Karadzic pouvait dire stop en anglais

 26   lorsqu'il veut que nous arrêtions, cela serait plus rapide pour M. Reid.

 27   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Qu'en est-il de ces tirs horizontaux qui se trouvent en bas, d'après

  3   vous, de quoi s'agit-il ?

  4   R.  C'est sans doute des tirs de mitrailleuses lourdes ou de canons

  5   antiaériens légers, montés sur camion d'habitude, autoportés donc. Je les

  6   ai vus très souvent lorsque j'étais avec vos forces, et ils tirent

  7   horizontalement et ne tirent pas donc contre des avions étant donné que les

  8   Bosniens n'avaient pas d'aéronefs.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je tiens à faire remarquer que nous nous

 10   sommes arrêtés ici à l'horodatage 8 minutes 42 secondes.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Comment se fait-il que ces cercles lumineux soient si grands alors que

 13   le calibre est petit ?

 14   R.  Nous parlons quand même de mitrailleuses lourdes ou de calibre de 20,

 15   30, ou 40-millimètres. Donc ce n'est pas si petit calibre que ça, ce n'est

 16   pas une balle de fusil, c'est quand même beaucoup plus gros que ça.

 17   Q.  Bien. Nous n'avons pas besoin de voir la fin de cette séquence.

 18   Monsieur van Lynden, j'aimerais vous demander la chose suivante : quelle

 19   est la position que nous aurions pu tenir qui aurait été aussi en contrebas

 20   de l'hôpital militaire de Sarajevo ? Saviez-vous où se trouvaient nos

 21   positions et savez-vous d'où venaient ces tirs, c'est-à-dire de la gauche,

 22   donc de l'est de l'hôpital militaire, mais au niveau même de l'hôpital

 23   militaire, donc en contrebas ?

 24   R.  Non. Les tirs rentrent dans la ville qui est à l'ouest de l'hôpital

 25   militaire et venaient donc, comme je l'ai dit, du sud de Sarajevo, des

 26   collines. Donc ce n'était pas vraiment en contrebas, c'est un point assez

 27   élevé. Ils ne sont pas arrivés des berges de la Miljacka. Ces tirs

 28   émanaient d'une position plus élevée.

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  1   Q.  Très bien. Mais s'ils arrivent de l'est, bon, ne parlons pas de la

  2   pente, mais ils arrivent de l'est de l'hôpital militaire. La direction est

  3   d'est en ouest, ce n'est pas direction nord/sud ? Si ça l'avait été

  4   direction nord/sud, ça l'aurait passé au-dessus de votre tête.

  5   R.  Si c'était sud/nord, cela aurait été au-dessus de notre tête. Cela

  6   venait du sud, en fait, parfois directement du sud de l'endroit où nous

  7   nous étions positionnés, parfois un peu plus de sud/est de l'endroit où

  8   nous nous trouvions de ces collines-là, et ces tirs rentraient dans la

  9   ville donc depuis ce sud sud/est. Ici sur ces images, bien sûr, ça vient de

 10   l'ouest, mais on a vu des images où on a vu des roquettes qui

 11   atterrissaient à notre est, sur la vieille ville.

 12   Q.  Ce qui m'intéresse, c'est l'endroit où arrivent ces projectiles qui

 13   sont en tirs horizontaux venant du sud/est vers le nord/ouest, mais qui

 14   volent horizontalement au niveau de l'hôpital militaire. Il s'agit quand

 15   même d'un tir horizontal, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, à peu près, mais c'est un tir qui vient du sud de l'endroit où

 17   nous étions postés et qui tirent sur des cibles qui sont à notre ouest.

 18   Q.  Mais ils atteignent aussi le sud. Ils se déplacent horizontalement

 19   d'est en ouest sur l'écran ?

 20   R.  Non, j'ai bien dit que ce ne sont pas des tirs qui viennent directement

 21   devant nous et passent devant l'hôpital, absolument pas. Ils émanent du sud

 22   de l'hôpital, peut-être sud/est aussi, mais certainement pas plein est.

 23   Donc ils arrivent plutôt du sud et rentrent dans la ville.

 24   Q.  Dites-nous, quelle est la direction de ce tir et pas par rapport à

 25   l'hôpital militaire, mais par rapport à l'azimut. De quoi s'agit-il, est-ce

 26   un tir sud/nord ou un tir est/sud-ouest -- est/nord-ouest ?

 27   R.  C'est sud à nord-ouest.

 28   Q.  Très bien. Mais dans ce cas-là, les tirs auraient dû passer au-dessus

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  1   de vos têtes et non pas au-delà ?

  2   R.  Mais sachez que certains projectiles sont passés juste au- dessus de

  3   nos têtes et les bâtiments où nous nous trouvions ont été atteints à

  4   plusieurs reprises. Donc il y avait des tirs sud/nord, mais ici il s'agit

  5   de tirs qui sont un peu au-delà de notre position et on le voit bien sur

  6   ces images, ils passent au-delà de nos positions.

  7   Q.  Très bien.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous n'avons plus besoin de cette séquence

  9   vidéo, je pense que nous en avons assez vu.

 10   Q.  A la page 30, vous dites :

 11   "On les voyait arriver sur la ville."

 12   Vers la fin de la page, vous êtes plus précis, et vous dites que vous ne

 13   pouviez rien voir d'autre ailleurs, que : 

 14   "On ne pouvait pas savoir, au vu des images" -- vous n'aviez jamais

 15   rien vu d'aussi violent en ce qui concerne des combats d'artillerie. Ce qui

 16   donne une indication de pilonnage extrêmement violent qui a eu lieu lors

 17   des nuits qui ont suivi.

 18   Mais vous maintenez ce que vous avez dit, c'est-à-dire que tout ceci

 19   venait des collines et tombait sur la ville, et tout ceci émanait des

 20   Serbes, n'est-ce pas ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Je suis désolé, il y a une petite erreur

 23   dans la transcription. En fait, ce qu'a dit le témoin, c'est qu'il n'avait

 24   jamais été en mesure de "prendre de telles images," ce qui n'a pas été

 25   consigné correctement au compte rendu.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour répondre à votre question, sachez tout

 28   d'abord que j'ai essayé de comparer ces images avec ce que j'avais déjà

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  1   vécu précédemment dans d'autres zones de guerre. Pendant toute ma carrière

  2   de correspondant de guerre, je tiens à dire que je n'ai jamais pu, en tant

  3   que reporter de télévision, pu filmer autant de tirs d'artillerie, de tirs

  4   de mitrailleuses lourdes sur une ville.

  5   Comme je l'ai expliqué mercredi, lorsque l'on fait un film dans une zone de

  6   guerre, c'est tout à fait différent que lorsque l'on fait un film à

  7   Hollywood. C'est difficile. On ne va pas décider où les obus vont atterrir,

  8   on doit s'adapter à la situation et réagir. Or, arriver à capturer autant

  9   d'images sur une caméra, cela montre que les pilonnages étaient absolument

 10   intensifs.

 11   Lorsque j'avais dit "on les voyait arriver," c'était les tirs de roquettes

 12   qui arrivaient de l'est de Sarajevo, du haut des collines sur la ville. On

 13   voyait ces roquettes, non seulement lorsqu'elles étaient tirées depuis leur

 14   origine, mais aussi jusqu'à l'endroit où elles explosaient; ce qui n'est

 15   pas très courant. En tout cas, j'ai rarement vu ça de ma vie.

 16   Je n'écarte pas le fait que certains de ces tirs auraient très bien pu être

 17   dirigés vers les zones serbes, mais je n'ai pas vu de tirs de barrages, de

 18   tirs de barrages à l'arme lourde dirigés vers les collines méridionales de

 19   Sarajevo contrôlées par vos forces. J'ai vu un tir de barrage intense qui

 20   venait sur Sarajevo et qui atteignait la partie de Sarajevo contrôlée par

 21   le gouvernement de Bosnie.

 22   Q.  Si je vous comprends bien, à la page 32, lorsque vous dites que les

 23   mortiers tiraient long, puis tiraient court, ensuite arrivaient à la cible,

 24   ça signifie qu'on ne peut jamais atteindre sa cible du premier coup ?

 25   R.  Là, ce n'étaient pas des tirs de mortiers, c'étaient des tirs de

 26   l'artillerie. lorsque j'en parlais. C'étaient des tirs d'artillerie qui ont

 27   atteint la gare de triage. Bien sûr, un tir d'artillerie peut atteindre sa

 28   cible du premier coup. Mais d'habitude -- enfin, d'après ce que je sais, il

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  1   faut d'abord tirer quelques obus pour régler la cible -- pour dérégler la

  2   cible et pour l'atteindre. C'est pour cela d'ailleurs que l'on a des

  3   observateurs d'artillerie qui règlent les tirs et qui indiquent aux

  4   servants du mortier comment modifier la hausse du canon. Enfin, j'ai une

  5   petite expérience en tant que commandant d'une équipe de mortiers, je sais

  6   qu'on tire d'abord long, puis court. Le premier tir est trop long ou trop

  7   court. Ensuite, le deuxième, d'habitude, n'atteint pas non plus la cible.

  8   Mais si on a une très bonne équipe et de bons servants, on atteint sa cible

  9   au troisième coup.

 10   Et ce que nous avons vu ce jour-là, juste après l'évacuation des

 11   casernes du maréchal Tito, nous avons vu donc les premiers tirs

 12   d'artillerie qui ont atteint la gare -- enfin, étaient trop longs. Donc on

 13   leur a demandé visiblement la hausse des canons, ensuite ils ont réussi à

 14   atteindre la cible qui était cette fois-là la caserne du maréchal Tito. Et

 15   on voyait qu'ensuite ils ont été extrêmement précis.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Karadzic, je pense que

 17   nous pouvons faire notre première pause de 15 minutes.

 18   --- L'audience est suspendue à 9 heures 48.

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais juste dire quelque chose

 23   rapidement. J'espère que nous allons pouvoir en terminer avec ce témoin

 24   aujourd'hui, pour lui surtout. Et si c'est le cas, sachez que j'aurais

 25   besoin d'à peu près sept minutes pour mes questions supplémentaires.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 27   Monsieur Karadzic.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est extrêmement précis, sept

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  1   minutes.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] J'essaie d'être précis.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Oui, c'est un témoin si précieux que je ne suis pas du tout sûr

  5   moi-même d'en avoir terminé avec le temps qui m'a été alloué, mais enfin,

  6   je vais essayer.

  7   Page 35 du compte rendu du 19 mai, vous dites de Sarajevo :

  8   "Penser que chaque nuit à Sarajevo ne pourra pas empirer, pourtant ça

  9   empire à chaque fois, ce qui rend les tentatives des négociateurs à obtenir

 10   une paix dans la ville parfaitement ridicules. Moins de quelques heures

 11   avant qu'ils mettent leurs signatures sur un accord…"

 12   Donc vous êtes en train de dire que finalement les efforts et les

 13   tentatives des médiateurs sont ridiculisés. Je suis d'accord avec vous,

 14   mais à qui pensiez-vous lorsque vous pensiez qu'ils étaient ridiculisés ?

 15   Qui évitait les négociations de paix, qui évitait la solution pacifique ?

 16   Les Serbes ou les Musulmans ? Laissons les Croates de côté pour le moment.

 17   Entre les Serbes et les Musulmans, lesquels ?

 18   R.  Non, je dis juste qu'au vu de l'escalade des combats auxquels j'ai

 19   assisté à l'époque, ça ridiculisait parfaitement les tentatives faites par

 20   l'Union européenne et par les Nations Unies d'amener la paix dans une ville

 21   qui, en fait, était en pleine guerre.

 22   Q.  Merci. Au paragraphe suivant, vous dites, moins de 24 heures plus tôt,

 23   vous suggérez que les commandants serbes avaient signé un cessez-le-feu,

 24   mais ne l'ont pas respecté et que leurs tireurs ont continué leurs tirs.

 25   Mais connaissez-vous la position officielle des Nations Unies sur

 26   laquelle 90 % des accords de cessez-le-feu ont toujours été violés par les

 27   Musulmans, et non pas par les Serbes, et que près de 100 % des délits

 28   commis dans la ville de Sarajevo ont été lancés par les Musulmans ? Ce sont

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  1   les chiffres des Nations Unies et de la FORPRONU. Donc saviez-vous tout

  2   cela, et est-ce que cela semble suggérer que les commandants serbes

  3   enfreignaient les cessez-le-feu qu'ils avaient signés ?

  4   R.  Nous étions informés par les gens qui parlaient aux Nations Unies

  5   à l'époque que des commandants serbes avaient signé des cessez-le-feu et

  6   qu'à la connaissance que les Nations Unies avaient de la situation à

  7   l'époque, il semblait que ces cessez-le-feu aient été enfreints par des

  8   Serbes tirant. Je ne parle pas ici de la totalité de la guerre. Je ne parle

  9   que du début de la guerre, bien sûr.

 10   Q.  Mais j'aimerais vous rappeler quelque chose. Les documents musulmans

 11   depuis le début juin jusqu'au 20 juin, que nous avons présentés il y a

 12   quelques jours, montrent bien que d'un côté, ils signaient, et de l'autre

 13   côté, ils poursuivaient leurs actions, comme si Hasan Efendic n'avait rien

 14   signé. Halilovic poursuivait ses offensives, et on a un grand nombre de

 15   comptes rendus où l'on dit que Milinkladska est en feu. Nous avons presque

 16   entièrement capturé leur caserne à Nedzarici. Alors comment accepter qu'il

 17   s'agit de Serbes qui auraient enfreint le cessez-le-feu, alors qu'il s'agit

 18   d'infractions faites par les Musulmans ? En bas de la page, où l'éminent M.

 19   Nicholls était très satisfait et a dit que la rémunération correcte

 20   s'expliquait d'elle-même. Il avait tout compris donc, et je crois que tout

 21   le monde dans le prétoire avait compris aussi que vous aviez accusé les

 22   Serbes d'avoir enfreint ces cessez-le-feu. Or, l'avez-vous fait ?

 23   R.  Comme je l'ai dit, les personnes se trouvant au QG des Nations Unies à

 24   Sarajevo à l'époque, que c'est ce qui s'était passé ces jours-là, en effet.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je tiens à dire que lorsque M. Nicholls

 26   a dit que ceci s'expliquait de lui-même, il devait sans doute avoir fait

 27   référence au garçon couché sur la table.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Mais on ne sait

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  1   rien de ce garçon non plus. Je pense qu'il faisait plutôt référence à la

  2   séquence totale. Enfin, moi, c'est ce que je pensais. Mais pourrions-nous

  3   avoir maintenant la pièce 1D01155 à l'écran. Pourrions-nous l'avoir à

  4   l'écran ? La1D01155.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous étiez à Hadzici à l'époque, et il s'agit d'un rapport du8

  7   commandement du Corps de Sarajevo-Romanija à son état-major principal. Ce

  8   qui m'intéresse c'est la première page. Il est écrit :

  9   "Malgré le cessez-le-feu conclu dans le secteur de Sarajevo, l'ennemi a

 10   tiré 15 obus sur Ilidza et Nedzarici depuis le secteur de Hrasnica, secteur

 11   où les véhicules de la FORPRONU étaient censés passer. Aucune autre

 12   activité importante de l'ennemi n'a été observée."

 13   Vous avez quand même noté ici que 15 obus sont tombés sur un quartier serbe

 14   ?

 15   R.  Je tiens à dire que ceci n'a rien à voir avec mon rapport de juin 1992.

 16   C'est complètement distinct.

 17   Est-ce que ce rapport confirme bien que 15 obus soient tombés sur Ilidza et

 18   Nedzarici ? Je n'en sais rien. Je ne sais pas si ce rapport est fiable et

 19   précis ou non. Je ne l'ai jamais vu précédemment, et comme vous l'avez dit,

 20   je n'étais pas ni à Ilidza ni à Nedzarici à l'époque.

 21   Q.  Très bien.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement de cette pièce au

 23   dossier, s'il vous plaît.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, qu'avez-vous à dire ?

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Je soulève une objection, Madame, Messieurs

 26   les Juges, suite aux lignes directrices, telles que je les ai comprises en

 27   tout cas. Le témoin a très clairement dit qu'il ne pouvait pas faire de

 28   commentaire sur ce sujet, qu'il n'avait pas assisté à cela. Tout ce qu'il

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  1   peut dire c'est que le rapport semble indiquer cela, mais ça ne va pas plus

  2   loin.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. La règle s'applique donc.

  4   Nous n'allons pas admettre ce document.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir maintenant la pièce

  6   1D01154.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Qui fait référence à Hadzici, l'endroit où vous vous trouviez. Il

  9   s'agit du document 1D01154.

 10   Donc il est écrit :

 11   "Au cours de la journée, l'ennemi a tiré des tirs d'artillerie sur

 12   plusieurs emplacements, principalement Hadzici, Zenik, Vrelo Bosne, Vreoce,

 13   et Nedzarici. Des tirs d'artillerie, plus particulièrement des tirs de tirs

 14   embusqués ainsi que des tirs de Browning sur Hadzici. Et selon nos ordres,

 15   nos forces n'ont pas riposté."

 16   Donc vous étiez à Hadzici ? Est-ce que vous avez rendu compte du fait que

 17   Hadzici était ciblée ? Vous avez fait rapport, n'est-ce pas ?

 18   R.  Je ne sais pas s'il était à Hadzici le 20 septembre. Je sais que

 19   j'étais à Hadzici en septembre, mais je ne suis pas certain d'être là ce

 20   jour-là exactement, je ne m'en souviens pas. Sachez, Monsieur Karadzic que

 21   nous ne sommes pas restés dans ce quartier du centre du village, la

 22   bourgade, je ne sais pas comment vous voulez appeler Hadzici. Nous avons

 23   été envoyés voir une unité des forces des Serbes de Bosnie dans les

 24   collines, dans une zone boisée - j'en ai parlé hier d'ailleurs - et j'ai

 25   dit que cette unité a été l'objet de tirs, elle a essuyé des tirs. Nous

 26   l'avons filmé, nous avons filmé la riposte, car en effet, ils ont riposté.

 27   Q.  Merci.

 28   R.  Si je puis ajouter une chose. Lorsque nous étions à Hadzici, il n'y

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  1   avait pas de pilonnage. Nous n'avons pas assisté à cela. Ce qui n'exclut

  2   pas le fait que cela aurait pu arriver avant notre séjour ou après. On ne

  3   nous a pas montré en tout cas les dégâts si ça avait arrivé précédemment.

  4   Tout ce qu'on a fait c'est de nous emmener dans une position dans les

  5   collines, dans une zone boisée, où nous avons filmé ce dont je vous ai

  6   parlé.

  7   Q.  Très bien. Je vous remercie.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous admettre ce document ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, le témoin ne peut pas commenter

 10   sur la véracité de ce qui est écrit. Mais vous pourrez le présenter à un

 11   autre témoin. Mais nous n'allons pas l'admettre par le biais de celui-ci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Pouvons-nous maintenant passer à la

 13   page 37, s'il vous plaît.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur la page 37 du compte rendu du 19

 16   mai, où vous dites dans votre clip vidéo : "Sarajevo et sa banlieue

 17   brûlaient."

 18   Et plus bas :

 19   "La situation dans l'hôpital principal de la ville est pire. La contre-

 20   offensive de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine est censée être

 21   contrée par un barrage de tirs," et cetera, et cetera.

 22   Ensuite, à la page 38, vous poursuivez en réponse à une question de M.

 23   Nicholls :

 24   "Au début, il semble que toute la ville soit prise pour cible. Est-ce que

 25   vous pouvez vous souvenir si vous vous rappelez des quartiers de la ville

 26   dont vous parlez ?"

 27   Réponse :

 28   "Comme j'ai dit, nous avions l'impression que toute la ville," et

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  1   vous répétez, et cetera.

  2   Voici ma première question : vous continuez à dire qu'il s'agit d'une

  3   contre-offensive des forces musulmanes ou que c'était uniquement leur

  4   offensive,que c'étaient les Serbes qui ont riposté par une contre-offensive

  5   ?

  6   R.  On nous a dit -- donc ici je parle du quartier où il y avait la

  7   maternité. On n'a pas le droit de s'y rendre. Mais on nous a dit qu'ils

  8   avaient lancé une contre-offensive, et l'homme qu'on a vu arriver, blessé,

  9   était tombé sous un tir de barrage ripostant à l'offensive. Donc c'était

 10   une opération tout à fait militaire qui a eu lieu sur la ligne de front.

 11   Q.  Merci. Très bien.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  Vous avez aussi dit que c'était votre impression, vous aviez

 14   l'impression que la ville entière était ciblée.

 15   Mais lorsqu'on a parlé avant votre déposition, je vous ai demandé si

 16   vous aviez vu Mostar et Vukovar. Savez-vous combien de temps la guerre a

 17   duré à Vukovar et à Mostar ? C'était deux ou trois mois à Vukovar, n'est-ce

 18   pas ?

 19   R.  Trois mois et demi à Vukovar et, en effet, j'ai couvert cet événement

 20   du début jusqu'à la fin.

 21   Q.  Et pour ce qui est de Mostar ?

 22   R.  Ça, je n'ai pas couvert la bataille de Mostar.

 23   Q.  Si Sarajevo était ciblée dans sa totalité, à quoi ressemblerait-elle

 24   après 1 300 jours de guerre ? Vous avez l'expérience, donc d'après vous,

 25   après 1 300 jours de guerre, à quoi pourrait ressembler Sarajevo si elle

 26   avait été prise pour cible en entier ? Avec 500 obus qui tombaient en

 27   moyenne sur la ville par jour. Par rapport à Vukovar qui était en guerre

 28   pendant trois mois et demi, ou Mostar. Vous avez vu des images de Mostar où

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  1   il y a des bâtiments vides, totalement détruits.

  2   R.  Vous déformez mes propos. J'ai dit que cette nuit-là, nous avions

  3   l'impression que la ville entière était ciblée, parce que nous avons vu des

  4   obus qui tombaient partout dans la ville. Ce qui n'a pas du tout été le cas

  5   au jour le jour pendant les 1 300 jours de cette guerre. C'est ce qui s'est

  6   passé cette nuit-là.

  7   A quoi ressemblait Vukovar après trois mois et demi ? Vukovar était

  8   une petite ville baroque sur le Danube qui a été pilonnée extrêmement

  9   violemment. Je ne sais pas exactement combien d'obus sont tombés sur

 10   Vukovar, mais Vukovar a été quasiment rasée. D'après ce que j'ai vu, une

 11   grande partie de Sarajevo aussi a été rasée, mais la situation était

 12   différente à Sarajevo quand même, car c'est une ville beaucoup plus étendue

 13   que Vukovar.

 14   Q.  Quel quartier de Sarajevo a été rasé ? Donnez-nous un exemple.

 15   R.  Certains quartiers ont été rasés. Le bâtiment "Oslobodjenje", la vielle

 16   bibliothèque. Les obus tombaient partout ici et là.

 17   Q.  Mais vous avez dit que certains bâtiments ont été détruits. Mais

 18   j'avais cru comprendre que vous aviez dit que des quartiers entiers avaient

 19   été détruits. Pour ce qui est des bâtiments individuels, je suis d'accord

 20   avec vous.

 21   A la page 37, vous dites, Sarajevo brûle au cœur de la ville comme dans les

 22   banlieues.

 23   Mais les Serbes tenaient l'essentiel du cœur de Sarajevo et une partie de

 24   la banlieue aussi ?

 25   R.  En effet. Je suis d'accord avec vous, les Serbes tenaient une partie du

 26   cœur de la ville et quelques banlieues aussi, et les zones que nous avons

 27   vues en flammes ce jour-là étaient des quartiers contrôlés par le

 28   gouvernement de Bosnie. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de tirs sur le

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  1   territoire tenu par vos forces un autre jour, mais ce jour-là, je vous dis

  2   ce que nous avons vu et ce que nous avons filmé.

  3   Q.  Merci. Page 42, toujours du compte rendu du 19 mai, vous dites que vous

  4   avez été arrêtés à plusieurs points de contrôle.

  5   Arrêtés, on a entravé votre progression ou on vous a arrêtés pour de vrai ?

  6   Et dans ce cas-là, pourquoi n'avez-vous pas informé votre chaîne de

  7   télévision ?

  8   R.  Nous avons été arrêtés, c'est-à-dire qu'on n'a pas eu l'autorisation de

  9   progresser, en effet, et on nous a dit de retourner à Pale. Et on a informé

 10   la chaîne. Si je me souviens bien d'ailleurs, vous aviez un ministre de

 11   l'information. Donc chaque fois que nous étions arrêtés à un point de

 12   contrôle, on l'informait de cela. C'est pour cela que j'ai dit arrêté. On a

 13   arrêté notre progression, on nous a empêché de poursuivre notre route. On

 14   nous a interdit, en fait, d'aller aux lignes de front pour filmer ce qui

 15   s'y passait, et nous en avons informé, bien sûr, les membres de votre

 16   administration qui s'occupaient des relations avec la presse étrangère.

 17   C'est pour cela d'ailleurs que je m'y suis entretenu avec vous lors de la

 18   Conférence de Londres et aussi à l'hôtel Intercontinental au début

 19   septembre à Belgrade pour m'assurer que ceci ne se reproduirait plus, et

 20   que si nous venions sur place, nous pourrions travailler, nous pourrions

 21   filmer, nous pourrions interviewer les Serbes pour qu'ils présentent leurs

 22   propres arguments, Monsieur Karadzic. En septembre, cela a plus ou moins

 23   fonctionné d'ailleurs, quoi qu'il y ait eu des unités militaires que nous

 24   n'avons pas eu le droit de filmer, bien que nous soyons escortés par deux

 25   policiers militaires de vos propres forces.

 26   Q.  Ecoutez, il n'y a pas de commandant qui aime voir des civils mettre

 27   leurs nez dans ce qui passe sur la ligne de front, surtout des

 28   journalistes, et encore moins des journalistes étrangers, mais je dirais

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  1   plutôt que votre progression a été entravée. Vous n'avez pas été arrêtés.

  2   Ce n'est pas une arrestation telle quelle, n'est-ce pas ?

  3   R.  Stricto sensu, vous avez raison. Nous avons vu notre progression

  4   entravée, et nous a dit de faire demi-tour. Mais effectivement, nous

  5   n'avons pas été jetés en prison.

  6   Q.  Merci. Regardez la page 44. Vous avez dit que vos collègues de la

  7   télévision serbe vous avaient agressés, pas à cause des reportages que vous

  8   aviez faits auparavant, mais parce qu'apparemment ils pensaient que vous

  9   aviez présenté Juka Prazina comme un espèce de héros. Comment est-ce qu'il

 10   s'appelait ? Oui, Robin des bois. C'est ça. Donc ces journalistes serbes ne

 11   s'opposaient pas à ce que vous faisiez, mais plutôt au fait que vous aviez

 12   présenté comme un héros, un violeur qui jetait aussi des gens par les

 13   fenêtres.

 14   "Et il y a ici aussi d'autres questions," cite M. Karadzic. "Mais

 15   c'était un exemple de la mentalité assez bizarre dont était emparée la

 16   plupart des gens apparemment à Pale, parce qu'on racontait des choses à

 17   propos d'un homme que j'ai décrit comme étant un des principaux défenseurs

 18   de Sarajevo, Juka Prazina, et j'ai dit pourtant que c'était un criminel

 19   avéré, et les journalistes pensaient que ce reportage était contre eux."

 20   C'est ça. A votre avis, n'est-ce pas là une caractéristique d'une mentalité

 21   de groupe collective ou nationale ? Si un psychiatre le disait, ce ne

 22   serait pas correct, mais il n'empêche que vous avez présenté ainsi la

 23   mentalité serbe à Pale dans vos reportages ?

 24   R.  Pour nous, c'était très bizarre que les gens à qui nous avons parlé à

 25   Pale, et surtout à la télévision de Pale, que ces gens soient tout à fait

 26   ravis des reportages montrant le pilonnage, les blessés de Sarajevo,

 27   reportages dont vous dites maintenant depuis deux jours qu'ils étaient

 28   truffés d'inexactitudes. C'est vrai qu'il y avait sans doute des

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  1   inexactitudes, mais ces gens de Pale semblaient en être tout à fait

  2   satisfaits, alors que, d'après nous, c'étaient des reportages qui ne

  3   servaient pas la cause serbe.

  4   J'ai fait un reportage pour Juka Prazina, dans lequel j'ai dit clairement

  5   que c'était un condamné, un criminel avéré notoire. Et j'ai parlé à des

  6   gens à Bruxelles, à Londres, à La Haye de ce reportage, et tous convenaient

  7   que c'était un reportage qui était plutôt favorable à la cause serbe.

  8   Pourtant, les Serbes l'ont vu à l'envers, disons. Vous avez dit de certains

  9   reportages qui étaient dans l'intérêt serbe, vous les avez critiqués, et

 10   pour les autres, vous avez dit le contraire, alors que pour nous,

 11   effectivement, cette attitude était des plus bizarres.

 12   Q.  Je suppose que vous connaissez le travail et la réputation de David

 13   Binder du "New York Times." Il est connu de tous. Vous avez déjà entendu

 14   parler de lui, n'est-ce pas ? Vous le connaissez, David Binder ?

 15   R.  Non, je ne le connais pas.

 16   Q.  Mais il est très, très connu. C'est un journaliste confirmé. Et en juin

 17   1994, il écrit un article dans le "New York Times" qui disait que :

 18   "Politiquement, à New York et à Washington, il était tout à fait correct

 19   politiquement de toucher les Serbes, et ceci, jusqu'à un point où ça

 20   devient raciste. On voulait pratiquement, ce faisant, rendre impossible

 21   d'avoir un reportage objectif."

 22   Nous avons ici les mots utilisés par un journaliste qui jouit d'une

 23   excellente réputation et qui écrit dans le "New York Times." Qu'en pensez-

 24   vous ?

 25   R.  Je ne réponds pas de ce que ce journaliste aurait pu écrire, et que je

 26   ne connais pas d'ailleurs.

 27   Q.  Oui, mais lui, il parle de correspondants qui parlent des Serbes.

 28   J'espère que vous n'êtes pas inclus dans ce lot, même si cette

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  1   qualification que vous faites de la mentalité serbe ça avait un certain

  2   arrière-goût, et c'est pour ça que je cite David Binder, parce que c'est

  3   ainsi caractériser une mentalité serbe qui a des relents quand même

  4   subtils, certes, mais de racisme.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls ?

  6   Arrêtez de faire des commentaires, Monsieur Karadzic.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] On a un numéro 65 ter ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une citation de ce qu'a écrit dans le

 10   "New York Times" M. David Binder. Si vous le voulez, on peut vous montrer

 11   tout le texte, mais je n'avais pas l'intention d'en demander le versement.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce n'est pas ça qui compte. Il faut

 13   quand même informer la partie adverse de la nature des documents que vous

 14   voulez utiliser en contre-interrogatoire, ça c'est un principe.

 15   Mais avançons.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de réagir au commentaire que

 17   vient de formuler M. Karadzic en fin d'intervention.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour autant que vous soyez bref.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'essayais pas ici de qualifier la

 20   mentalité collective serbe. Je parlais de la réaction de Serbes de Bosnie

 21   aux reportages que j'avais faits au début juin. Ils étaient contre un de

 22   ces reportages alors qu'ils étaient parfaitement satisfaits du reste. Ce

 23   n'est pas là caractériser une mentalité collective, Monsieur Karadzic. Et

 24   ce n'est sûrement pas du racisme.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Merci. Page 45, vous y dites que je vous aurais dit, je cite :

 27   "…que les enclaves étaient inacceptables, qu'il fallait qu'elles deviennent

 28   partie intégrante du territoire serbe."

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  1   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que sur toutes les cartes, ces

  2   territoires que vous qualifiez d'enclaves c'étaient des territoires

  3   acceptés par les Serbes comme étant tenus par les Musulmans, il y avait la

  4   carte Cutileiro, la carte Vance-Owen, la carte Owen-Stoltenberg. Et là,

  5   nous avons toujours accepté que ce territoire deviendrait un territoire

  6   musulman. Et d'ailleurs, j'ai autorisé le président Milosevic à dire que

  7   nous, nous n'étions pas intéressés par Srebrenica, que ça pouvait

  8   finalement faire partie d'un territoire musulman. Vous ne saviez pas ça ?

  9   R.  On m'a demandé ce que vous m'aviez dit lors de notre rencontre, et j'ai

 10   essayé de me souvenir du mieux que je pouvais, et vous aviez dit que ce

 11   n'était pas acceptable. Je ne sais pas, et on ne m'a pas posé de questions,

 12   sur ce que vous auriez dit ailleurs en d'autres circonstances. Moi, j'ai

 13   relaté le souvenir que j'avais de ces conversations.

 14   Q.  Mais nous allons être encore plus d'accord pour dire que vos carnets de

 15   notes seraient très précieux ?

 16   Prenons la page 50 --

 17   R.  Mais vous me posez une question ou pas ?

 18   Q.  Non, non, ce n'est pas une question. Je me contente d'avaliser, de

 19   répéter et de justifier ma demande d'obtention de ces carnets de notes.

 20   R.  Je ne me souviens pas si j'ai écrit des notes à propos de ces réunions.

 21   Q.  Mais ça a été consigné au compte rendu, et je suis en train de le

 22   contester. Alors, penchons-nous sur la page 52, s'il vous plaît. On parle

 23   de ce couvent, où il y avait les bonnes sœurs qui ont servi du café et

 24   distribué des vivres. C'était sur le territoire de qui ? Parce que vers la

 25   fin, on dit :

 26   "Les attaques par des Serbes dans ce secteur ont diminué, ce qui fait que

 27   le commandant vraiment fait sentir toute sa confiance."

 28   Sur le territoire de qui se trouvait donc ce couvent ?

Page 2625

  1   R.  Attendez -- je suis désolé, mais ça n'a aucun sens ce que je vois à

  2   l'écran. Vous dites : "Par les Serbes dans ce secteur qui ont diminué --"

  3   pour ce qui est de ce couvent, il était en territoire tenu par les Serbes.

  4   Q.  Alors, ça c'est vos propos à vous extraits du clip vidéo, vous avez dit

  5   :

  6   "Cette série de petits villages le long du cimetière, ils ont été

  7   transformés en casemates, on a redécoré en vitesse les planchers en mettant

  8   des bûches, même si certains font preuve de plus d'imagination. Il y a

  9   certains miroirs qui permettent à des gardes de voir de partout --"

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas correct.

 11   "Il y a cette série de petites villas qui ont été transformées en

 12   bunkers. Et on a, à la hâte, redécoré les séjours avec des troncs, même si

 13   certains ont plus d'imagination. Les miroirs des salles de bain sont placés

 14   de façon à permettre à un garde à voir sous tous les angles. Récemment, il

 15   y a eu diminution des attaques sur les lignes serbes dans ce secteur, ce

 16   qui fait que le commandant du bataillon est très confiant."

 17   Vous vous en souvenez ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et quelle était votre question, Monsieur

 20   Karadzic ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, on dit, "attaques par les Serbes,"

 22   pas "sur les lignes serbes", si on a la même transcription.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous savez que les comptes rendus

 24   d'audience sont vérifiés avant le lendemain matin, on fait une comparaison

 25   entre la bande son et le texte. Moi, je vous ai lu la version corrigée.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Nous avons la traduction de ce reportage, la

 27   transcription de cette séquence vidéo, et vous venez d'en lire une partie,

 28   Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Alors, est-ce que nous sommes d'accord pour dire que ce couvent se

  5   trouve du côté serbe, sur le territoire serbe, et que ces nonnes se

  6   trouvent sur un territoire où le pouvoir est exercé par les Serbes ?

  7   R.  J'ai déjà dit que c'était comme ça.

  8   Q.  Merci.

  9   R.  Mais quelle était votre question pour ce qui est de l'autre partie du

 10   reportage que vient de nous lire le Président de la

 11   Chambre ?

 12   Q.  Oui. Merci. Il n'y aurait pas eu de question si la transcription était

 13   bonne, parce que dans la version que j'ai, il est dit que les Serbes

 14   s'étaient attaqués à ce territoire. Or, les Serbes tenaient ce territoire,

 15   et c'était attaqué par les Musulmans. Nous étions en train de protéger ces

 16   nonnes. Nous avons sauvé leur bibliothèque. On l'a restituée à la fin de la

 17   guerre, et nous avons des éléments de preuve à cet effet qui datent de

 18   toute la période de la guerre. Merci.

 19   Est-ce que je peux vous demander de prêter attention à la page 56 du compte

 20   rendu du 19. M. Nicholls vous a demandé :

 21   "Si vous avez déclaré que c'était une cible civile dans le reportage que

 22   nous venons de voir. Pourriez-vous nous donner une explication. Est-ce que

 23   vous avez vu des indications de tirs venant de cet immeuble ou nous dire

 24   comment vous avez tiré cette

 25   conclusion ?"

 26   Voici ce que vous avez répondu :

 27   "Bien, à ce moment-là de la guerre, nous savions déjà parfaitement que

 28   chaque fois qu'il y avait un incident qui survenait à Sarajevo, la défense

Page 2627

  1   des Serbes de Bosnie, c'était de dire que ça avait été une cible militaire

  2   légitime, ou encore que les Musulmans avaient tiré sur leur propre camp, et

  3   ça s'est passé ici, en décembre 1992, et nous avons été très rapides. Ce

  4   que je veux dire, c'est que nous l'avons fait. Si un bâtiment était utilisé

  5   par des éléments de l'ABiH, nous n'avons pas fait que rencontrer cet homme

  6   désemparé que nous avons vu sur ces images dont l'appartement avait été

  7   détruit. Nous avons rencontré d'autres personnes dans l'appartement, et

  8   nous avons dit -- ces gens ont répondu : Mais vous êtes fous, nous n'allons

  9   pas laisser les militaires utiliser ce bâtiment, sinon on connaît les

 10   répercussions que ça aurait ?"

 11   Alors, ma question : est-ce que vous pensez qu'ils sont entrés dans

 12   des bâtiments où les citoyens de ces bâtiments de ces parties de Sarajevo

 13   pouvaient décider si quelqu'un allait, oui ou non, tirer depuis la fenêtre

 14   de leur immeuble ou du toit de leur immeuble ? Vous croyez que les citoyens

 15   étaient consultés ou est-ce qu'ils devaient forcément accepter toutes les

 16   choses décidées par les Bérets verts ? Donc est-ce que ceci suffit pour

 17   tirer une conclusion qui serait celle de dire que ce n'est pas là une cible

 18   militaire ?

 19   R.  Ici, je parlais d'un immeuble précis. Je vous rappelais les questions

 20   que nous y avions posées et les réponses données notamment par les

 21   occupants de cet immeuble. Mais nous sommes aussi allés au QG de la

 22   FORPRONU pour y demander si des hommes de la FORPRONU avaient vu des tirs

 23   venir de l'immeuble ciblé, et la réponse a été négative. On avait tiré avec

 24   des balles incendiaires et ce n'est pas un commentaire qui concernait

 25   n'importe quel immeuble de Sarajevo.

 26   Q.  Merci. Dans un autre extrait vidéo, vous avez dit que les défenseurs

 27   avaient transformé leurs appartements et locaux commerciaux en places de

 28   tirs, et c'est ce qui explique ce que vous venez de nous avancer à

Page 2628

  1   l'instant, je veux bien l'accepter.

  2   R.  Non, non. Non, non. Attendez. Attendez une minute. Sur les lignes de

  3   front, mais aussi de votre côté des lignes de front, des appartements, des

  4   bureaux avaient été transformés en installations militaires. Mais ici, on

  5   n'était pas dans un immeuble se trouvant sur la ligne de front. C'était un

  6   immeuble civil qui avait été pris pour cible. Donc c'était tout à fait

  7   différent de la situation qu'on avait pour des immeubles se trouvant juste

  8   sur la ligne de front.

  9   Q.  Avez-vous entendu parler du meurtre de l'épouse du général Sefer

 10   Halilovic et de son frère à elle, qui ont été tués à la terrasse de leur

 11   appartement ? Et on a essayé de présenter la chose comme étant le résultat

 12   d'un obus serbe. Mais Sefer Halilovic, étant donné que c'était un officier,

 13   a fait tomber cela à l'eau et il a expliqué qu'il s'est agi d'une

 14   explosion. En avez-vous entendu parler, de cela ?

 15   R.  Oui, et effectivement, on nous a aussi dit que ce n'était pas le fait

 16   de tirs serbes, mais que c'était en rapport avec une espèce de combat

 17   interne.

 18   Moi, je n'étais pas à Sarajevo. Donc je n'ai pas fait personnellement de

 19   reportage sur cet événement, mais je sais que ça s'est passé, et je sais

 20   que, disons, des tirs ou d'obus étaient venus des Musulmans de Bosnie.

 21   Q.  Je voudrais maintenant qu'on nous montre le D162. Il s'agit du livre du

 22   général Rose que nous allons citer souvent ici. D162, page 18.

 23   Voyons le livre du général Rose, page 18 :

 24   "Tactique initiale de la part des Musulmans --"

 25   Alors, je vais commencer à donner lecture en attendant qu'on nous montre le

 26   texte, il parle de son arrivée à Sarajevo.

 27   "Alors que nous franchissions la ligne de conflit pour aller dans la partie

 28   musulmane, nous avons eu des tirs de mortier de 120-millimètres sur notre

Page 2629

  1   gauche. Il y avait des tirs au-dessus de la ville. J'ai demandé ce qui se

  2   passait, et Victor Andreev, le conseiller civil russe des Nations Unies à

  3   Sarajevo, qui était venu à ma rencontre et qui allait devenir mon ami

  4   inséparable, un collègue inséparable, il m'a dit que je n'avais pas à

  5   m'inquiéter, que de l'avis du gouvernement de Bosnie, ça n'existait pas. Il

  6   a expliqué que ça, ça n'existait pas, il n'y avait qu'une action politique.

  7   Chaque fois que quelqu'un arrivait à Sarajevo, c'est comme ça qu'il était

  8   accueilli, et les Serbes ont toujours riposté dans la même veine par des

  9   tirs d'artillerie sur la ville. Par conséquent, les visiteurs avaient la

 10   démonstration pratique de l'agression en train de se commettre contre

 11   l'état de Bosnie."

 12   Ce que nous affirmons, c'est-à-dire dans votre récolement, vous avez

 13   affirmé que notre thèse la plus faible était celle d'avancer que eux nous

 14   tiraient dessus, souvent qu'ils ont procédé par supercheries successives.

 15   Et nous affirmons ce que dit le général Rose, à savoir que l'objectif

 16   principal de la politique musulmane, c'était de provoquer une intervention

 17   étrangère et de diaboliser les Serbes; alors, soit pas des meurtres, soit

 18   en tirant vers leur propre partie.

 19   Alors, une fois que vous auriez compris que le gouvernement musulman vous

 20   avait trompé, vous avez été tourné en bourrique ?

 21   Alors, le compte rendu dit "did you." Moi, j'ai dit "would you."

 22   Est-ce que vous vous sentiriez mal à l'aise si vous aviez été tourné en

 23   bourrique ? Et nous affirmons que c'est le cas, parce que je ne pense pas

 24   que vous ayez été partial de façon délibérée.

 25   Q.  Je suis content de vous l'entendre dire, Monsieur Karadzic. Jamais je

 26   n'ai été accueilli à Sarajevo comme M. Rose semble l'avoir été. Et en juin,

 27   début juin, je ne pense pas que ce que nous avons vu eut été organisé pour

 28   me faire plaisir. Effectivement, je n'ai pas vu la même chose que M. Rose.

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  1   La question, il faudrait la poser à M. Rose et à M. Andreev pour voir ce

  2   qu'ils ont à dire. Mardi après-midi, je vous ai dit que vous aviez fait des

  3   affirmations répétées selon lesquelles c'était les Musulmans qui tiraient

  4   sur eux-mêmes, et qui étaient la cible de vos tirs. Et à mon avis, mon

  5   expérience ne confirme pas cette affirmation. Les Musulmans de Bosnie ont

  6   subi suffisamment de tirs de vos forces, ils n'avaient pas besoin de tirer

  7   sur eux-mêmes pour causer ces aliénations internationales.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer les pages 69 et

 10   70 de ce livre. Je vais en donner lecture :

 11   "Mais on soutenait aussi beaucoup de journalistes à Sarajevo qui

 12   soutenaient l'option guerrière, parce qu'à leur avis, il était moralement

 13   correct d'engager une espèce de guerre sainte contre les Serbes ou encore

 14   parce que les images de la guerre, ça se vend mieux que celles de la paix."

 15   C'est vers le bas, puisque ça passe à la page 70. Montrez-nous le bas.

 16   Comment voyez-vous, Monsieur, cette estimation avancée ou évaluation

 17   avancée par un reporter au sujet du général Rose qui a compris qu'on

 18   informait l'opinion de façon autre que ou non conforme à ce qui se passait

 19   vraiment ?

 20   R.  Si je ne m'abuse, le général Rose, c'était un soldat, pas un

 21   journaliste.

 22   Il y présente ici son avis. Que voulez-vous que je dise sur cet avis

 23   ?

 24   Q.  Moi, je suis en train de vous dire qu'en sa qualité de militaire, il a

 25   compris qu'on informait l'opinion publique de façon différente de celle

 26   qu'il la comprenait en sa qualité de soldat, comme cela se passait

 27   vraiment.

 28   R.  Ça le regarde. Posez-lui la question à lui, pas à moi.

Page 2631

  1   Q.  Mais les Nations Unies, c'était l'une des sources d'information. Vous

  2   avez pu vous informer, vous-même, auprès d'eux ?

  3   R.  Oui, mais en 1992, le général Rose n'était pas à Sarajevo. Il est

  4   arrivé à Sarajevo en 1994.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous nécessitez

  6   encore de combien de temps pour terminer le contre-interrogatoire ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais besoin de deux ou trois heures, et je

  8   vois comment la situation se présente. Donc nous allons demander à M. van

  9   Lynden de revenir une autre fois, parce que cela nous permettrait également

 10   de choisir lui-même des parties de ses carnets de notes à lui, parce que

 11   bien qu'il n'ait passé qu'un certain temps déterminé en Bosnie, c'est un

 12   témoin précieux. Sur son exemple et sur la présentation de ce qu'il a dit,

 13   il ne sera possible de tirer au clair bon nombre de points.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur van Lynden, le greffe et la

 15   Section des Victimes et des Témoins m'ont informé du fait qu'ils ont des

 16   dispositions particulières avec l'aéroport, ce qui voudrait dire que vous

 17   pourriez quitter l'enceinte du Tribunal vers midi; est-ce exact ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas ce qu'on m'a dit. Tout ce que je

 19   sais, c'est qu'il y a un vol que je dois prendre cet après-midi.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je m'en rends bien compte, mais ça a été

 21   confirmé par le greffe.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais personne ne m'a parlé de ces dispositions

 23   particulières entre le Tribunal et l'aéroport. Donc je ne suis pas au

 24   courant.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir. Je n'étais pas

 28   au courant de ces dispositions particulières ni de cette heure de départ.

Page 2632

  1   Je voulais vous dire simplement ceci : c'est de façon catégorique que je

  2   m'oppose à imposer une hâte quelconque au témoin. Il a des besoins -- bon,

  3   M. Karadzic a déjà pratiquement contre-interrogé pendant huit heures, c'est

  4   à lui -- peu importe la façon qu'il a prise pour le faire, mais ça fait

  5   déjà quand même beaucoup de temps, deux journées d'audience.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas qu'il ait eu autant de

  7   temps, mais je n'ai pas vérifié. Mais effectivement, soyons prudents, je ne

  8   voudrais pas que le témoin rate l'avion. Il faudra, malheureusement, que

  9   vous reveniez à un moment qui vous conviendra. La Section des Victimes et

 10   des Témoins sera en contact avec vous pour déterminer la date qui vous

 11   conviendra le mieux. C'est à ce moment-là que vous reprendrez.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que vous décidez, Monsieur le

 13   Président. L'expérience que j'ai acquise en qualité de témoin en ce

 14   Tribunal fait que je suis quelque peu surpris, parce que l'accusé a eu

 15   beaucoup de temps pour m'interroger. Il pense que je suis un témoin très

 16   important, ce n'est pas ce que je dirais personnellement.

 17   J'ajouterais ceci à ce propos : d'abord, c'est en novembre qu'on m'a

 18   contacté et on m'a donné une date de comparution. Depuis, j'ai reçu

 19   plusieurs dates différentes. Chaque fois, j'ai dû changer mes projets,

 20   parce que je devais garder à l'esprit ces obligations que j'ai envers le

 21   Tribunal, et chaque fois, ça a été annulé. Ça fait beaucoup de temps depuis

 22   novembre jusqu'en mai pour apprendre de façon répétée que vous devez

 23   changer vos engagements parce que vous devrez comparaître. Je ne sais pas

 24   si aucun d'entre vous a déjà été témoin. Ce n'est pas une situation

 25   particulièrement confortable.

 26   Bon, je suis venu ici, j'ai accepté certaines contraintes, ça m'a

 27   posé des problèmes d'ordre privé, je suis venu pour comparaître cette

 28   semaine. J'ai donné ce temps de ma vie au Tribunal, et je serais assez

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  1   d'accord avec ce que dit le Procureur, ça devrait suffire.

  2   Ceci étant, je dirais que l'expérience que j'ai du Tribunal fait que jamais

  3   je n'ai eu de contre-interrogatoire aussi brouillon. Jamais je n'ai entendu

  4   un accusé faire autant de commentaires ni un avocat de la Défense faire

  5   autant de commentaires. Vous l'avez dit vous-même, Monsieur le Président,

  6   il a provoqué une grande perte de temps. Mais c'est sa faute à lui, pas la

  7   mienne.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je ne veux pas

 10   enfoncer le clou. Mais regardez le compte rendu d'audience, et je vous

 11   demanderais de revenir sur cette décision. Je ne sais pas d'ailleurs si

 12   vous avez décidé de rappeler le témoin à la barre, ce n'est peut-être

 13   encore qu'une possibilité. A mon avis, vous avez dit le temps que pouvait

 14   escompter l'accusé, il a dit le savoir, être au courant de ça, mais qu'il

 15   pourrait peut-être demander que le témoin revienne à la barre, mais qu'il

 16   faudrait voir ceci à la lumière de la façon dont il avait utilisé le temps

 17   qu'il avait obtenu. La Chambre l'a encouragé de façon répétée à faire

 18   meilleure utilisation du temps qu'il avait à poser des questions

 19   pertinentes. A mon avis, il ne l'a pas fait. Ceci devrait avoir une

 20   incidence sur l'éventuelle décision de faire revenir le témoin, déjà vu le

 21   temps qu'a consacré le témoin à la comparution.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Ce n'est jamais facile, parce

 23   qu'effectivement, quand un témoin vient témoigner, il doit subir un contre-

 24   interrogatoire. Mais ce que dit le témoin à propos du contenu du contre-

 25   interrogatoire traduit bien ce que pense la Chambre. Pourtant, l'accusé

 26   doit avoir la possibilité de terminer son contre-interrogatoire, quelles

 27   que soient les modalités qui conviennent pour ce faire, même si on n'est

 28   pas convaincu de l'efficacité dont il aurait fait preuve. Mais au fond,

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  1   quand un témoin est appelé à la barre, la durée de son audition est

  2   déterminée par le contre-interrogatoire et pas par la nécessité de ne pas

  3   rater un avion. Le témoin se met à la disposition du Tribunal, le Tribunal

  4   est ravi quand le témoin peut répondre à ses engagements personnels. Je

  5   suis sûr que la Chambre pourra réexaminer le compte rendu, M. Karadzic

  6   pourra lui aussi le faire et se demander si c'est vraiment nécessaire de

  7   vous rappeler à la barre, et le témoin pourra voir s'il est prêt ou pas à

  8   revenir.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce serait outrage si je ne revenais pas,

 10   n'est-ce pas ?

 11   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Ça, ce n'est pas dit, mais ce n'est

 12   pas ce qui est abordé pour le moment. Voyons d'abord s'il est vraiment

 13   nécessaire que vous reveniez. Je sais que M. Karadzic a déjà consacré

 14   beaucoup de temps, sinon, la totalité du temps dont il avait besoin pour

 15   revoir la situation. Il ne va pas se prononcer de façon définitive et

 16   rendre encore plus improbable le départ de l'avion avec vous dedans. Mais

 17   je pense qu'il est préférable que toutes les parties revoient ce texte

 18   avant de prendre une décision.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je dois revenir à la barre, est-ce que ça

 20   peut se passer le plus vite possible ? Fin de la semaine prochaine ou sous

 21   quinzaine.

 22   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je ne sais pas si nous pouvons vous

 23   aider en matière de calendrier, mais je suis sûr que l'Accusation aura

 24   entendu ce que vous avez dit.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne suis pas autorisé à parler à

 26   l'Accusation si mon audition n'est pas terminée. Bien sûr que je vais

 27   essayer de dire quelque chose à l'Accusation par votre truchement.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais je suis sûr que M. Karadzic ne

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  1   s'opposerait pas, pas plus que la Chambre, à ce que vous parliez de la

  2   question d'un calendrier, parce que ça ne tombe pas sur le contenu de votre

  3   audition.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander à la Section des

  5   Victimes et Témoins d'assurer la coordination entre les deux parties pour

  6   déterminer une date à laquelle reviendra M. van Lynden. Merci, Monsieur le

  7   Témoin, d'être prêt à revenir pour terminer votre audition. Merci. Je le

  8   répète, n'oubliez pas qu'en l'espèce, vos dires sont versés au dossier par

  9   le truchement d'une procédure écrite, il a fallu plusieurs heures

 10   d'interrogatoire principal même si, en tout, la présentation des moyens à

 11   charge a fait deux heures. L'accusé, lui, a besoin de plus de temps que ça

 12   puisqu'il y a eu dépôt de déclaration préliminaire.

 13   Merci.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 15

 16   minutes, et nous entendrons le prochain témoin ensuite.

 17   --- L'audience est suspendue à 11 heures 06.

 18   --- L'audience est reprise à 11 heures 22.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il y a quelques points

 20   administratifs à aborder. C'est ce qu'on m'a dit, en tout cas. Qui veut

 21   commencer ? Monsieur Nicholls ou Monsieur Karadzic ?

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Je suis juste venu pour soulever une

 23   objection au cas où les passages du livre de M. Rose que nous n'avons pas

 24   traités auraient été -- on aurait demandé le versement de ces pièces.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le prétoire électronique nous fait

 26   remarquer, qu'en fait, certains passages de ces livres ont déjà été admis.

 27   M. NICHOLLS : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certains passages, bien sûr, posés à

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  1   certains -- parce que ce sont des pages qui ont été présentées à d'autres

  2   témoins. Je ne sais pas si on a le numéro de la page, la 174, je crois.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] 18, 69, 70, si je puis. Mais je tiens à dire

  4   aussi que l'accusé a confirmé qu'après Markale, en février 1994, il se

  5   trouvait à Sarajevo. Il a donc coopéré avec le général Rose. Enfin, il

  6   aurait pu coopérer avec le général Rose et il aurait pu obtenir des

  7   informations de la part de cette personne.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous, quand même, vous soulevez une

  9   objection, Monsieur Nicholls, quant à l'admission de la page 18 et les

 10   pages 69 à 70.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, en effet. Au vu des principes généraux

 12   qui règlent la procédure, la conversation que nous avons à la page 18, le

 13   témoin a dit qu'il ne se souvenait pas de cela, qu'il ne savait rien. Les

 14   commentaires du général Rose, ensuite, sur son livre à propos des

 15   journalistes, le témoin a encore dit qu'il ne pouvait pas faire de

 16   commentaires à ce propos, et de plus, il n'y a pas du tout de référence

 17   temporelle. Donc je considère qu'il ne faudrait pas admettre ce document.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis un peu d'accord avec vous. Je ne

 19   me souviens pas très bien dans quel contexte la page 147 de ce livre a été

 20   admise. La 174, en fait.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une chose à ajouter.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une minute. Le témoin n'a donc pas pu

 23   confirmer le contenu du passage, n'a pas pu faire de commentaires donc pour

 24   vérifier la crédibilité du témoin, c'est pour cela que ces pages ont été

 25   présentées au témoin. Mais je considère que nous ne devrions pas admettre

 26   ces pièces, si nous suivons la règle que nous nous sommes donnés au départ

 27   de ce procès.

 28   Ensuite, qu'avez-vous à dire, Monsieur Karadzic ?

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] En ce qui concerne la question précédente, je

  2   sais que vous avez rendu une décision. Je tiens à dire que M. van Lynden a

  3   bel et bien confirmé qu'il avait obtenu des informations à propos

  4   d'événements de la part des Nations Unies. Le général Rose n'aurait pas pu

  5   rester silencieux sur ce genre de sujet, et sur le fait aussi que c'est sa

  6   position qui était bien connue. Il y a donc une divergence ici.

  7   Ensuite la Défense n'est pas opposée à ce que M. van Lynden revienne mardi,

  8   par exemple, lorsqu'on aura terminé avec M. Doyle. C'est ce qu'il voulait,

  9   et je pense que ce serait peut-être la meilleure façon de procéder, parce

 10   que nous aurons encore son témoignage très frais dans notre mémoire.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais laisser tout cela aux mains des

 12   parties. Elles n'ont qu'à contacter la Section des Victimes et des Témoins

 13   pour essayer d'arranger une date qui arrangerait tout le monde.

 14   Mais M. Morrison a quelque chose à dire.

 15   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je pense que le

 16   témoin nous a fait valoir quelle était sa position très clairement. Nous

 17   avons bien compris ce qu'il avait à dire. Donc si vous avez l'intention de

 18   lui présenter des déclarations verbatim, vous allez recevoir le même type

 19   de réponses que ce que vous avez reçues jusqu'à présent, et je pense qu'un

 20   grand nombre des déclarations que vous avez faites et que vous avez

 21   présentées au témoin seraient mieux utilisées si vous les présentiez à un

 22   autre témoin, un témoin qui peut véritablement parler de l'authenticité de

 23   la déclaration et de son contenu, de sa teneur, plutôt que de commenter sur

 24   une observation partielle ou une observation subjective. Ce serait peut-

 25   être une façon beaucoup plus efficace de présenter des éléments de preuve à

 26   la Chambre, et nous ne sommes pas vraiment sûrs qu'il soit absolument

 27   indispensable de faire revenir M. van Lynden pour parler de tout cela.

 28   Donc je pense que vous devriez quand même réfléchir à deux fois avant de

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  1   demander à ce que M. van Lynden ne revienne.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Merci. Je vais étudier votre

  3   proposition avec mes associés et mes conseillers, mais nous avions demandé

  4   12 heures au départ avec M. van Lynden. Ensuite, nous avons eu droit à 8

  5   heures. Mais s'il ne vient pas la semaine prochaine, il nous faudrait faire

  6   une pause la semaine prochaine. On nous avait promis une pause d'ailleurs

  7   au début du procès, lorsque le planning initial a été mis sur pied. Je

  8   pense qu'on peut le trouver dans le compte rendu d'ailleurs, on peut

  9   trouver cette référence. Nous avons dû procéder plus rapidement que prévu,

 10   avec moins de temps de préparation que prévu aussi. Il s'agit quand même

 11   d'un témoin essentiel qui va venir. Je vous donnerai donc, une réponse

 12   définitive après avoir consulté avec mes associés.

 13   Mais si M. van Lynden ne vient pas la semaine prochaine, si nous

 14   arrivons à terminer la déposition de M. Doyle rapidement, la Défense

 15   souhaiterait une pause la semaine prochaine. Ou peut-être qu'on ne procède

 16   qu'à l'interrogatoire principal, et qu'on puisse remettre le contre-

 17   interrogatoire à la semaine suivante, donc pas la semaine prochaine mais la

 18   semaine d'après.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous allons envisager cela

 20   une fois que les parties nous feront une proposition pratique.

 21   Pouvons-nous faire venir le témoin maintenant ?

 22   Madame Uertz-Retzlaff.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bonjour. Avant de faire venir le

 24   témoin, j'ai un point administratif à soulever, mais il conviendrait de

 25   passer à huis clos partiel pour ce faire.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 27   Nous sommes maintenant à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel]

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 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame le Procureur.

 23   Faisons entrer le témoin.

 24   Maintenant, qu'en est-il de la numérotation des pièces ?

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Les pièces qui avaient été numérotées

 26   précédemment, D213 et D214, devraient recevoir, en fait, la cote D211 et

 27   D212 respectivement. Je vous remercie.

 28   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Doyle. Pourriez-vous,

  2   s'il vous plaît, faire la déclaration solennelle.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai --

  4   LE TÉMOIN : COLM DOYLE [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répétez, car le microphone

  7   était éteint, et donc vos propos n'ont pas pu être traduits.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

 11   Madame Uertz-Retzlaff, c'est à vous.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Interrogatoire principal par Mme Uertz-Retzlaff:

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Doyle.

 15   R.  Bonjour.

 16   Q.  Pouvez-vous nous donner votre nom ?

 17   R.  Colm Doyle.

 18   Q.  Vous êtes colonel à la retraite de l'armée irlandaise ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous avez déjà témoigné ici deux fois, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic les 26 et 27 août 2003 ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Colonel, avez-vous pu relire l'essentiel de votre déposition dans

 25   l'affaire Milosevic avant de venir ici ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Lorsque vous avez relu cette déclaration, avez-vous identifié trois

 28   faits que vous aimeriez clarifier ?

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  1   R.  Oui. Il y a trois petits points qui, à mon avis, doivent être amendés.

  2   Q.  Très bien. En ce qui concerne la page de compte rendu

  3   25 312 de l'affaire Milosevic, où vous parliez avec M. Milosevic du débat

  4   parlementaire sur le référendum portant sur l'indépendance, vous voulez

  5   clarifier la date donnée par M. Milosevic lorsqu'il a parlé du 24 octobre,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui. Le 24 octobre, c'est un autre événement. Moi, je faisais référence

  8   au débat parlementaire qui a eu lieu plus tard, ultérieurement.

  9   Q.  Et quand exactement ?

 10   R.  En janvier 1992, si je ne m'abuse.

 11   Q.  Très bien. Ensuite à la page 25 377, M. Milosevic ainsi que le général

 12   MacKenzie, à propos de la durée du blocus de la caserne du maréchal Tito,

 13   et vous avez répondu : Ce n'est pas possible puisque  MacKenzie parlait de

 14   mois, et vous avez fait référence à votre visite sur place pour dire que

 15   vous aviez compris que la caserne avait été assiégée pendant environ deux

 16   jours.

 17   Donc quelle est la clarification que vous souhaitez apporter à votre

 18   déposition ?

 19   R.  Lorsque je parlais de la caserne qui a été assiégée pendant deux jours,

 20   ce n'était pas la caserne du maréchal Tito, mais c'était le QG de l'armée

 21   fédérale à Sarajevo, à Bistrik, si je ne m'abuse.

 22   Q.  Ensuite à la page 2 538, il y a une date du 12, la date du 12 juin qui

 23   serait la date à laquelle la communauté, la Mission d'observation de

 24   l'Union européenne aurait quitté Sarajevo. Vous voulez corriger ?

 25   R.  Non. C'est le 12 mai 1992, et non pas le 12 juin 1992.

 26   Q.  Donc à l'exception de ces trois clarifications apportées, pouvez-vous

 27   nous affirmer maintenant que le compte rendu de votre déposition dans

 28   l'affaire Milosevic reflète fidèlement les éléments de preuve que vous avez

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  1   souhaités apporter à la Chambre, à l'époque ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Répondriez-vous de la même façon, si on vous posait les mêmes

  4   questions, aujourd'hui ?

  5   R.  Oui.

  6   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, le

  7   versement de cette déposition, la pièce 90012 de l'article 65 ter, s'il

  8   vous plaît.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit du compte rendu de la

 10   déposition de ce témoin dans l'affaire Milosevic, l'affaire Slobodan

 11   Milosevic, n'est-ce pas ?

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, il porte le numéro 90012.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais à l'époque, M. Doyle a témoigné

 14   comme témoin 92 ter, n'est-ce pas ?

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, mais il a fait une déposition

 16   supplémentaire assez longue, et c'est cela que nous souhaitons verser. La

 17   déclaration du témoin a servi de base à sa déposition 92 ter dans l'affaire

 18   Slobodan Milosevic, a servi de pièce, et porte maintenant la cote 10879.

 19   Nous n'avons pas rédigé de déclaration consolidée, parce que les éléments

 20   de preuve de la déposition et de la déclaration sont à peu près identiques.

 21   Mais nous aimerions verser cette déposition au dossier, parce qu'au cours

 22   du témoignage dans l'affaire Milosevic les paragraphes de la déclaration

 23   sont sans cesse cités, surtout par M. Milosevic. Je vous demanderais donc,

 24   à la fin de la déposition, de verser au dossier la déclaration 92 ter mais

 25   uniquement comme document de référence. Ce n'est pas qu'il y ait une teneur

 26   différente entre la déposition et la déclaration, mais c'est juste que la

 27   déclaration sert de base à la déposition.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avez-vous une

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  1   objection à formuler ?

  2    L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Du moment que j'ai suffisamment de temps

  3   pour contester tout ce qui est dit, dans ce cas-là, moi, cela ne me dérange

  4   pas.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais à l'avenir quand même que

  6   vous nous fournissiez une déclaration consolidée.

  7   Monsieur Tieger.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Je ne veux pas vous faire perdre de temps,

  9   nous pouvons peut-être en parler plus tard. Nous avons étudié tout ça de

 10   près, nous avons essayé de répondre à l'esprit et à la lettre de vos

 11   consignes, mais nous avons vraiment l'impression, après mûre réflexion,

 12   qu'une déclaration consolidée ne ferait pas avancer les choses. Ça

 13   risquerait plutôt de compliquer les choses, plutôt que de les simplifier,

 14   et cela risquerait aussi de donner plus de travail à tout le monde. En tout

 15   cas, dans ce contexte-ci, nous ne pensons vraiment pas qu'une déclaration

 16   consolidée soit la solution parfaite. Mais nous pourrons, bien sûr, en

 17   parler ultérieurement, puisque je pense que nous n'avons pas beaucoup de

 18   temps.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Passons à autre chose.

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Avec votre permission, je vais

 21   maintenant lire un résumé des éléments de preuve admis par le colonel

 22   Doyle.

 23   Du mois d'octobre 1991 au mois de mars 1992, le colonel Doyle a servi

 24   en tant que membre de la Mission d'observation de la Communauté européenne,

 25   la MOCE, en Bosnie-Herzégovine. Au départ, il était cantonné à Banja Luka,

 26   et à partir du 24 novembre 1991, il était cantonné à Sarajevo où il était

 27   chef du QG de la Mission de la MOCE à Sarajevo.

 28   Pendant cette période de temps, le colonel Doyle a rencontré les

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  1   dirigeants de Bosnie-Herzégovine, à la fois au niveau local et au niveau de

  2   la république, y compris l'accusé.

  3   Il se rappelle que les dirigeants serbes locaux parlaient très souvent de

  4   l'histoire et des événements et des atrocités qui avaient eu lieu au cours

  5   de la Deuxième Guerre mondiale et déclaraient qu'ils avaient peur que tout

  6   ceci recommence. Les représentants musulmans ont informé le témoin qu'ils

  7   étaient intimidés, qu'ils avaient peur de sortir la nuit. Les réservistes

  8   serbes de Bosnie, les forces serbes de Bosnie revenaient de leurs

  9   affectations en conservant leurs armes, ce qui provoquait des incidents qui

 10   faisaient augmenter la tension entre les Serbes et les non-Serbes.

 11   Le colonel Doyle savait que suite au retrait de la JNA de Croatie,

 12   les tensions allaient augmenter dans les régions où la présence des forces

 13   de la JNA allait augmenter. Il a observé la transformation de la JNA en

 14   armée serbe et la relation très étroite de la JNA avec les Serbes de

 15   Bosnie.

 16   Suite à des réunions avec l'accusé, le colonel Doyle a remarqué qu'il était

 17   le chef incontesté du Parti démocratique serbe. Les membres de la

 18   présidence de la BiH, Plavsic et Koljevic, ainsi que d'autres dirigeants de

 19   Bosnie s'en remettaient toujours à ses décisions.

 20   Au cours d'une réunion avec l'accusé qui a eu lieu juste avant le

 21   référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, l'accusé a prédit

 22   qu'il y aurait un conflit en Bosnie-Herzégovine si celle-ci était reconnue

 23   internationalement sans qu'un accord ait été conclu au préalable avec les

 24   Serbes de Bosnie.

 25   Le 2 mars 1992, le lendemain des résultats du référendum, des tirs ont

 26   commencé à Sarajevo et les Serbes ont érigé des barricades. Lorsqu'il s'est

 27   approché d'une de ces barricades, la personne en charge de la barricade a

 28   fait remarquer au colonel Doyle que cette barricade ne serait démontée que

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  1   si Karadzic en donnait l'ordre.

  2   A partir du mois d'avril 1992 jusqu'au mois d'août 1992, le colonel Doyle a

  3   travaillé en tant que représentant personnel de Lord Carrington, le

  4   président de la conférence de paix internationale sur l'ex-Yougoslavie. A

  5   ce poste, il a continué à participer à des réunions de très haut niveau

  6   avec toutes les parties, y compris avec l'accusé, et à suivre l'évolution

  7   de la situation politique et militaire.

  8   Le 10 avril 1992, Martin Bell de la BBC a informé le colonel Doyle que 25

  9   000 réfugiés se déplaçaient depuis Zvornik, et le colonel Doyle a relayé

 10   cette information auprès de l'accusé. A une autre fois, après que le QG de

 11   la Mission de la MOCE ait reçu des rapports à propos de nettoyage ethnique,

 12   une équipe de la MOCE a été envoyée à Foca, mais n'a pas pu entrer dans

 13   cette ville, l'entrée lui étant refusée par les forces de la JNA. Le

 14   colonel Doyle a soulevé ce point avec M. Koljevic.

 15   En avril 1992 aussi, le colonel Doyle était engagé dans des négociations

 16   portant sur le cessez-le-feu. Au cours de ces négociations, les

 17   représentants officiels des Serbes de Bosnie ont essayé de diviser les

 18   équipements appartenant à la télévision de Sarajevo. Le 18 avril 1992, la

 19   télévision de Sarajevo a reçu un appel venant de Pale les avertissant

 20   d'arrêter immédiatement toute diffusion, sinon elle serait détruite. Le

 21   colonel Doyle a recherché et obtenu l'assurance de Karadzic que ceci ne se

 22   produirait pas. Mais environ 20 minutes plus tard, la télévision de

 23   Sarajevo a été pilonnée par les forces serbes, ce qui a provoqué la mort de

 24   deux civils. Et la soirée de ce même jour, l'accusé a reconnu que cette

 25   attaque avait été bel et bien été commise par des Serbes, mais que c'était

 26   une attaque non autorisée et qu'il allait lancer une enquête à ce propos.

 27   Le colonel Doyle a observé et a bien remarqué le pilonnage constant de la

 28   ville de Sarajevo par les forces serbes. Il a aussi reçu des rapports à

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  1   propos des activités des tireurs embusqués. Le pilonnage permanent de la

  2   ville a résulté dans le fait suivant : le 11 mai, les observateurs de la

  3   MOCE et d'autres représentants de la communauté internationale ont dû

  4   quitter la ville, et le colonel lui-même est parti le 12 mai.

  5   Le 3 juillet 1992, lorsque le colonel Doyle est revenu à Sarajevo, il

  6   a remarqué que la situation s'était détériorée. La ville était bombardée à

  7   l'artillerie lourde tous les jours.

  8   Le 16 août 1992, alors qu'il se trouvait à Bruxelles dans le cadre

  9   d'une négociation, le colonel Doyle a présenté à l'accusé un article du

 10   "Times" où il y avait une photographie à la une de détenus Musulmans dans

 11   un camp à Prijedor. Plus tard dans la journée, l'accusé a déclaré qu'il

 12   était assez inquiet à propos de l'impact que cet article pourrait avoir. Le

 13   colonel Doyle s'est entretenu avec lui à propos des Musulmans et des

 14   Croates qui devaient signer et abandonner leurs propriétés aux Serbes de

 15   Bosnie avant de quitter les lieux. L'accusé a accepté que ceci n'était pas

 16   légal et qu'il condamnerait publiquement cette pratique.

 17   Ceci met un terme au résumé, et maintenant j'aimerais poser quelques

 18   questions supplémentaires au témoin, s'il vous plaît.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Mais la déclaration 92 ter du

 20   témoin n'a pas reçu de cote. Nous devrions le faire.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce 90012 recevra la cote P918.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 24   Q.  Vous avez décrit vos fonctions et votre témoignage en tant

 25   qu'observateur parfaitement impartial de ce qui s'était passé sur le

 26   terrain. Nous aimerions savoir quel était le mandat exact de la Mission

 27   d'observation de la Communauté européenne ?

 28   R.  Le mandat de cette organisation est dans le MOU, "Memorandum of

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  1   Understanding", mémorandum d'entente, signé le 11 [comme interprété]

  2   octobre 1991. La mission était d'essayer de contenir la situation, de

  3   s'assurer que la situation n'allait pas passer hors contrôle, et si cela

  4   n'était pas possible, au moins d'observer ce qui se passer afin de relayer

  5   correctement les événements sur le terrain à l'Europe.

  6   Q.  Très bien. J'aimerais maintenant que nous ayons la pièce 11038 de la

  7   liste 65 ter à l'écran, page 10. Il s'agit de la pièce dont l'ERN est 0334-

  8   0091.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Page 10, s'il vous plaît, ce n'est

 10   pas celle qui est à l'écran à l'heure actuelle.

 11   Q.  Monsieur Doyle, s'agit-il de ce mémorandum d'entente dont vous nous

 12   avez parlé ?

 13   R.  Oui, je pense que c'est cela.

 14   Q.  Pouvons-nous avoir les pages 16 à 18 à l'écran, s'il vous plaît, donc à

 15   la fin de ce document. Cela nous suffit.

 16   A la fin de ce mémorandum, on voit des éléments détaillant la structure et

 17   les effectifs ?

 18   R.  Tout à fait. C'est ce qui concerne la mission en ce qui concerne

 19   Sarajevo.

 20   Q.  Merci.

 21   R.  Donc qui était le centre régional de la MOCE.

 22   Q.  Merci.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais demander le versement de

 24   la pièce 11038, s'il vous plaît.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote P191 [comme

 27   interprété].

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

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  1   Q.  Lorsque vous travailliez au sein de l'armée irlandaise, aviez-vous déjà

  2   servi en tant qu'observateur d'une zone de conflit ?

  3   R.  Oui, j'ai été membre des forces de défense irlandaises des Nations

  4   Unies. Par exemple, à Chypre, j'étais capitaine en 1968. J'étais avec la

  5   première unité irlandaise au Liban avec l'UNIFIL en 1978. Mais surtout,

  6   entre 1984 et 1986, j'étais observateur militaire auprès de l'organisation

  7   des Nations Unies chargée de certains conflits. Donc j'ai passé six mois en

  8   Syrie et un an et demi au Liban. Donc j'étais assez chevronné en ce qui

  9   concerne ce type de missions.

 10   Q.  Très bien. Pour ce qui est des rapports de Mission de la MOCE que vous

 11   avez rédigés, pourriez-vous nous dire où vous avez obtenu votre

 12   information, de quelles sources l'avez-vous tirée ?

 13   R.  La Mission d'observation à Sarajevo comptait environ 60 personnes

 14   venant de tous les pays de l'Union européenne et quatre autres pays qui

 15   faisaient partie de l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la

 16   coopération en Europe. Il me semble que c'était la Pologne, la Suède, la

 17   République tchèque, ou la Tchécoslovaquie, comme elle s'appelait à

 18   l'époque, et le Canada. Donc c'était principalement des officiers

 19   militaires qui avaient déjà servi à l'étranger et il y avait aussi les

 20   personnes membres des ministères de la Défense de différents Etats et des

 21   membres aussi de la commission européenne. J'avais organisé tout cela en

 22   différentes équipes pour couvrir à la fois les zones serbes, les zones

 23   croates et les zones musulmanes, donc Bihac, Tuzla, Banja Luka, Sarajevo,

 24   Mostar. Et donc ils se rendaient sur place pour rencontrer les membres de

 25   la communauté religieuse, les dirigeants politiques locaux, les dirigeants

 26   civils et les forces de la JNA. Parfois aussi, ils compilaient ensuite des

 27   rapports qui m'étaient envoyés. Nous regardions les rapports, les

 28   étudiions, les analysions, et nous rédigions un rapport consolidé à envoyer

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  1   au QG à Zagreb.

  2   Q.  Merci.

  3   Vous avez donc eu des contacts personnels avec les différents dirigeants

  4   des parties belligérantes, mais en avez-vous conclu que, selon eux, les

  5   parties considéraient que vous étiez impartiaux ?

  6   R.  Ecoutez, nous étions acceptés par toutes les parties. En tout cas, ils

  7   coopéraient tous avec nous. Lorsque nous demandions des réunions, ils

  8   l'acceptaient. Nous n'avons jamais essuyé de refus, donc nous considérions

  9   que nous étions un groupe de personnes suffisamment neutre pour faire le

 10   travail qu'on nous demandait de faire.

 11   Q.  Dans votre déposition précédente, ainsi que dans les rapports qui ont

 12   été déposés à l'époque, vous avez dit que vous obteniez des informations

 13   depuis les représentants du gouvernement de Bosnie à propos de

 14   l'accumulation de troupes de la JNA suite au retrait des troupes de Croatie

 15   et du fait aussi qu'un grand nombre d'armes qui venaient de la JNA étaient

 16   accumulés, et que ceci était perçu comme une menace par les non-Serbes.

 17   Donc avez-vous remarqué cela dans le cadre de vos observations ?

 18   R.  Il y avait des tendances qui faisaient jour dans tous les rapports que

 19   l'on recevait depuis le terrain. Et il semblait vraiment qu'un grand nombre

 20   de Serbes de Bosnie avaient accès à des armes, alors que les Musulmans et

 21   les Croates n'avaient pas accès à ces armes. Lorsqu'on a essayé de fouiller

 22   un peu pour voir ce qui se passait, on s'est rendus compte que lorsque la

 23   JNA avait fait un appel à la mobilisation, le président de la Bosnie,

 24   Izetbegovic, avait déjà déclaré qu'eux seraient neutres, et que de ce fait,

 25   la nation n'avait pas à répondre à cet appel à la mobilisation. Mais ce

 26   sont les Serbes de Bosnie qui ont été sous les drapeaux. Suite à la

 27   mobilisation, on leur a permis de conserver leurs armes après leur

 28   instruction. Alors, quand on combine cela avec le retrait de la JNA à la

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  1   Croatie, on voit que les membres de la JNA qui étaient natifs de Bosnie ont

  2   eu le droit de rester en Bosnie. La plupart d'entre eux étaient, en fait,

  3   des Serbes de Bosnie, mais du jour au lendemain, finalement, ils ont créé

  4   l'armée des Serbes de Bosnie, parce que quand la JNA a quitté la Croatie et

  5   est rentrée en Bosnie, ensuite qu'ils ont essayé de quitter la Bosnie, ils

  6   ont remis leurs chars, l'artillerie, la plupart de leur équipement aux

  7   Serbes de Bosnie. Donc du jour au lendemain, les Serbes de Bosnie ont pu se

  8   constituer une armée.

  9   Q.  J'aimerais demander le versement de la pièce 65 ter 10098 [comme

 10   interprété]. Il s'agit d'un rapport daté du 13 mars 1992 portant sur la

 11   situation en Bosnie-Herzégovine, c'est un rapport d'une page.

 12   Colonel, est-ce que nous avons bien affaire ici à l'un de vos rapports ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Juste pour apporter une précision, parce que nous trouvons cela dans de

 15   nombreux documents, RC Sarajevo, cela représente quoi ?

 16   R.  C'est le centre régional.

 17   Q.  Et DHOM, que représente cet acronyme ?

 18   R.  DHOM c'est le chef adjoint de la mission, basé au quartier général de

 19   Zagreb.

 20   Q.  Si on se penche sur le point (b). Donc au point (b), il est question

 21   d'une grande quantité d'armes qui se trouvaient dans les localités serbes.

 22   Est-ce que c'est à cela que vous vous référiez ?

 23   R.  Oui. C'était l'évaluation qui était la nôtre à l'époque.Mme UERTZ-

 24   RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais qu'on puisse verser ce document.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P920.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on

 28   affiche le document numéro 00039 de la liste 65 ter. Pendant que ce

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  1   document s'affiche, je voudrais simplement indiquer qu'il s'agit du procès-

  2   verbal de la 24e session de l'assemblée de la Republika Srpska datée du 8

  3   janvier 1993. Voilà.

  4   Q.  Colonel, avez-vous eu la possibilité d'examiner ce document depuis que

  5   vous êtes arrivé ici à La Haye cette fois-ci, au moins partiellement ?

  6   R.  Oui. J'ai pu lire en diagonale le document, en effet.

  7   Q.  Pouvons-nous passer à la page 53 de la version en B/C/S et page 77 en

  8   anglais. Je souhaiterais qu'on agrandisse le texte, s'il vous plaît. Très

  9   bien.

 10   Si vous vous reportez au paragraphe qui est le troisième et qui commence

 11   par les mots "Now we will go back to this" "maintenant, nous revenons sur

 12   un autre point."

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que vous le voyez ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  C'est M. Kupresanin qui s'exprime. On peut le voir indiquer deux pages

 17   auparavant. Il dit :

 18   "Nous disposions d'avions, d'obusiers, de chars, de canons. Mais qu'avaient

 19   les Musulmans ? Quelques fusils, quelques mitrailleuses qu'ils avaient

 20   achetés aux Serbes et des armes, pour ainsi dire, faites maison. Nous

 21   aurions pu traverser toute la Bosnie très facilement, mais nous ne l'avons

 22   pas fait."

 23   Cette remarque concernant les armes disponibles de parts et d'autres est-

 24   elle cohérente avec les informations dont vous disposiez à l'époque en

 25   Bosnie ?

 26   R.  Bien sûr, nous n'étions pas naïfs au point d'imaginer que les Musulmans

 27   et les Croates n'avaient aucune arme. Ils avaient certainement des armes,

 28   mais sans comparaison possible avec la quantité d'armes dont semblaient

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  1   disposer les Serbes. Ils semblaient disposer d'autant d'armes qu'ils

  2   pouvaient le souhaiter.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président --

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux m'exprimer brièvement ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous une objection ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai laissé passer cette question qui était une

  7   question directrice, mais j'aimerais que le Procureur fasse attention à

  8   l'avenir.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais simplement signaler que

 11   ce n'était pas une question directrice.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Non, non.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Procureur a présenté le procès-verbal

 15   de cette session de l'assemblée de la Republika Srpska et a demandé au

 16   témoin si ce qui y figurait était cohérent avec les éléments dont il

 17   dispose. Donc pas de question directrice.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais demander que ce document

 19   00039 puisse être versé. Mais nous venons de nous pencher uniquement sur un

 20   bref extrait de ce document alors qu'il est lui-même assez volumineux. Il

 21   s'agit par ailleurs d'un document qui remonte à l'époque des faits, qui est

 22   un procès-verbal tout à fait officiel, et c'est pour ça que je souhaiterais

 23   qu'on l'admette dans son intégralité, parce qu'il est pertinent en

 24   l'espèce. Le document, en effet, concerne des négociations internationales

 25   fournissant des détails concernant le territoire des différentes

 26   municipalités qui nous intéressent. Il aborde également les questions

 27   humanitaires, les souffrances endurées par la population serbe, et il donne

 28   des informations concernant les dirigeants des différentes municipalités

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  1   concernées. Donc j'estime que le document entre dans le cadre des

  2   instructions que vous avez fournies.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous allez continuer à

  4   utiliser ce document avec d'autres témoins ?

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, et

  6   je m'attends raisonnablement à ce que M. Karadzic l'utilise également.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Souhaitez-vous ajouter quelque chose,

  8   Monsieur Tieger ?

  9   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Cette catégorie de

 10   documents particulière, les procès-verbaux de sessions de l'assemblée, je

 11   crois qu'elle a déjà fait l'objet de décision de la Chambre indiquant

 12   qu'ils pouvaient être admis dans leur intégralité, et cela déjà été fait

 13   par le passé.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Monsieur Karadzic, avez-vous des remarques ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'ai pas de remarques. Je m'inclurai

 17   effectivement, moi aussi, sur ce même document.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit, le document est versé dans son

 20   intégralité.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P921.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on affiche

 23   le document 11036 de notre liste 65 ter.

 24   Q.  Est-ce que nous avons, ici l'un des rapports hebdomadaires que vous

 25   avez rédigés à l'époque où vous étiez basé à Banja Luka ?

 26   R.  Oui.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pourrions-nous avoir la page 3, s'il

 28   vous plaît, à l'écran.

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  1   Q.  Est-ce que vous pourriez nous lire le paragraphe numéro 7 qui est le

  2   premier en haut de la page, s'il vous plaît ?

  3   R.  Je cite :

  4   "La présence de tant de réservistes qui ont un comportement inadéquat et

  5   qui manquent de discipline préoccupe beaucoup les Croates et les Musulmans.

  6   Les Serbes soutiennent la mobilisation et se montrent particulièrement

  7   intraitables sur ce point."

  8   Q.  Alors, comme vous l'avez déjà signalé, vous avez déjà parlé de cela,

  9   mais est-ce que c'était une situation isolée ou quelque chose que vous avez

 10   observé dans différentes régions ?

 11   R.  C'est là l'un des facteurs qui semblait être plus ou moins systématique

 12   là où nos équipes ont été déployées, c'est-à-dire que les réservistes

 13   étaient, pour la plupart, des Serbes. Il s'agissait de prendre des mesures

 14   contre les réservistes qui manquaient de discipline et ne semblaient pas

 15   avoir le moindre sens de la discipline. Alors, j'ai discuté de cela avec un

 16   commandant de la JNA à Banja Luka, en lui demandant s'il était possible de

 17   prendre de telles mesures, il m'a assuré que ce serait le cas, ensuite il a

 18   été remplacé par un autre général, suite à quoi la situation à Banja Luka a

 19   semblé s'apaiser.

 20   Q.  Très bien. Je voudrais qu'on verse ce document.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P922.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 24   Q.  Je voudrais maintenant qu'on affiche le document 11037 de la liste 65

 25   ter, s'il vous plaît. Il s'agit d'un rapport du 30 octobre 1991. S'agit-il

 26   ici de votre propre rapport concernant votre visite au camp de détention de

 27   Manjaca ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Pendant que vous étiez en poste, est-ce que vous avez reçu des

  2   informations concernant d'autres lieux de détention ?

  3   R.  Nous avions reçu des éléments, en fait, de nombreux rapports et entendu

  4   également des rapports qui nous faisaient suspecter l'existence d'autres

  5   camps dans lesquels se trouvaient des détenus. Mais pour autant que je le

  6   sache, nous n'avions pas réussi à obtenir l'autorisation d'accéder au

  7   moindre de ces autres camps, et cela devenait particulièrement difficile

  8   pour la Mission d'observation. A l'époque où je suis allé à Manjaca, je

  9   l'ai fait avec l'autorisation des forces de la JNA de Banja Luka.

 10   Q.  Très bien.

 11   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, je

 12   souhaiterais demander le versement de ce document.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit. A moins qu'il y ait une objection.

 14   Il sera versé…

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P923, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 17   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 18   Q.  Colonel, vous avez décrit la mise en place de barricades à partir du

 19   mois de mars 1992, et les négociations consécutives portant sur le

 20   démantèlement de ces barricades.

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Dans ce contexte, je souhaiterais

 22   demander l'affichage du document 11040 de notre liste 65 ter.

 23   Q.  Pendant que le document s'affiche, je souhaite indiquer qu'il s'agit

 24   d'un rapport exceptionnel concernant la Bosnie-Herzégovine, daté des 1er et

 25   2 mars 1992. S'agit-il ici de votre rapport concernant les événements ?

 26   R.  Oui.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pourriez-vous, Monsieur le Greffier,

 28   afficher la page 2.

Page 2658

  1   Q.  Dans le premier paragraphe, il est question d'un groupe qui s'est

  2   approché d'une des barricades, il est question des négociations qui ont eu

  3   lieu ensuite. Est-ce que vous faisiez partie de ce groupe, est-ce que cela

  4   fait l'objet d'une référence dans ce paragraphe ?

  5   R.  Oui. J'ai mis sur pied ce groupe pour qu'il puisse traverser le pont,

  6   essayer d'obtenir le démantèlement de la barricade concernée. J'étais

  7   accompagné par M. Ostojic, le ministre de l'Information. Et comme il est

  8   indiqué dans le rapport, l'acronyme HRC ici désigne le chef du centre

  9   régional. C'était moi, en fait.

 10   Q.  Est-ce que vous vous rappelez la teneur des propos, des discussions qui

 11   ont été tenues aux fins d'obtenir le démantèlement de la barricade ?

 12   R.  Oui. J'ai demandé, puisqu'il y avait ce blocage, cette barricade, si je

 13   pourrais m'appuyer sur mon poste, l'autorité qui était la mienne, pour

 14   obtenir peut-être le démantèlement de cette barricade. Je me suis approché

 15   donc d'une de ces personnes, et celle à laquelle j'ai parlé, je lui ai

 16   demandé quelles étaient les conditions d'un démantèlement de la barricade.

 17   L'homme en question m'a répondu que cela ne serait possible que sur ordre

 18   exprès de M. Karadzic.

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais que ce document puisse

 20   être versé au dossier.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P924.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 24   Q.  Dans votre déposition et dans vos rapports, vous avez indiqué que le

 25   gouvernement bosniaque était opposé à la présence de la JNA. Mais pour

 26   quelle raison ?

 27   R.  Bien, la première fois que j'ai pris connaissance de cela, c'était

 28   juste après que j'avais pris mon poste de chef du centre régional, j'étais

Page 2659

  1   à Sarajevo. C'était vers la fin du mois de novembre, et on m'a demandé de

  2   rencontrer le premier ministre, M. Pelivan, un Croate. Je lui ai demandé

  3   très précisément pourquoi il semblait n'y avoir aucune initiative pour ce

  4   qui était de la JNA. Et il m'a répondu que de son point de vue et pour

  5   autant que le gouvernement était concerné, il considérait la JNA comme une

  6   "armée d'occupation." Alors, j'ai suggéré que la JNA, étant une force

  7   extrêmement importante, présente [inaudible] de la Bosnie-Herzégovine, il

  8   serait préférable d'avoir des négociations avec elle.

  9   Le point en question a été soulevé, en fait, par le premier ministre parce

 10   qu'il s'est référé à une mise hors service de roquettes, de fusées qui

 11   avaient été saisies sur la frontière entre le Monténégro et la Bosnie. Ces

 12   armes étaient chargées à bord de quatre camions, elles ont été confisquées

 13   par la police du gouvernement bosniaque. En fait, quand la police a fouillé

 14   les véhicules, elle a trouvé qu'ils étaient chargés de roquettes.

 15   L'information a été portée à la connaissance du gouvernement et du

 16   ministère de l'Intérieur. Et la JNA a ensuite déclaré que si ces armes

 17   n'étaient pas remises à la JNA, cette dernière les reprendrait par la

 18   force. Donc ce que j'ai compris, c'est que ces armes avaient été

 19   effectivement remises à la JNA.

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais qu'on affiche maintenant

 21   le document 09446 à l'écran, s'il vous plaît.

 22   Q.  Pendant que nous attendons son affichage, j'indique simplement qu'il

 23   s'agit d'un rapport de combat, rapport suite à une opération émanant du

 24   commandement de la 2e Région militaire, daté du 10 avril 1992. Alors, nous

 25   l'avons à la fois en anglais et en B/C/S.

 26   Colonel, est-ce que vous avez eu la possibilité d'examiner ce document,

 27   après votre venue à La Haye ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Aviez-vous des contacts avec le commandement de la 2e  Région militaire

  2   ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Où ce commandement se trouvait-il ?

  5   R.  Bien, le commandement était situé à Sarajevo. Il était dirigé par le

  6   général Kukanjac. Et je crois que le corps qui était présent à Sarajevo

  7   était le 4e Corps qui était commandé par le général Djudjarevic [phon].

  8   Alors, j'ai considéré qu'il serait utile de se rendre en visite dans toutes

  9   les garnisons importantes de la République de Bosnie-Herzégovine. Donc je

 10   suis allé aux garnisons de Bihac, Banja Luka, Sarajevo, Tuzla, et

 11   j'estimais donc qu'il était important que la Mission d'observation ait de

 12   bons contacts avec la JNA.

 13   Q.  Merci.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pouvons-nous avoir la page 3 en

 15   B/C/S, et la page 2 en anglais, s'il vous plaît. Et je voudrais qu'on

 16   puisse agrandir la partie du texte qui correspond au point numéro 3.

 17   Q.  Il y est indiqué au milieu de ce paragraphe numéro 3, je cite :

 18   "Le président de la Bosnie-Herzégovine affirme que la JNA est la seule

 19   force capable de sauver la population musulmane du secteur de Zvornik, mais

 20   qu'elle ne souhaite pas faire cela, ce qui ne fera que renforcer la

 21   position hostile de la position musulmane vis-à-vis de la JNA."

 22   Pourriez-vous nous décrire ce qu'on attendait de la JNA, d'une part, et

 23   quelle a été la ligne de conduite de la JNA, d'autre part, à Zvornik, pour

 24   autant que vous ayez été au courant de cela ?

 25   R.  Oui, j'avais reçu un certain nombre de rapports de membres de la

 26   Mission de la MOCE, mais bien que j'aie reçu un certain nombre de rapports

 27   de leur part, ils n'ont pas été en mesure, en fait, personnellement, de se

 28   rendre à Zvornik. Donc, je suppose, sur cette base, que le président de la

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  1   Bosnie-Herzégovine devait être au courant de la nature de la JNA qui était

  2   la force armée, et qu'en temps de conflit, elle était la seule en mesure de

  3   protéger la population musulmane.

  4   Nous avions des raisons de considérer que la JNA s'était appuyée sur la

  5   région de Zvornik pour procéder à un encerclement, et qu'elle refusait de

  6   laisser passer qui que ce soit en sortant, laisser sortir ou entrer qui que

  7   ce soit, mais nous n'avions pas d'informations de première main sur ce

  8   point. Donc je pense que c'est à cela que le président se référait à cette

  9   occasion.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je voudrais que le document puisse

 11   être versé.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P925.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame le Procureur, si cela vous

 15   convient, la Chambre estime qu'il conviendrait peut-être de faire une pause

 16   maintenant qui sera la dernière pause de la journée. Juste pour votre

 17   information, la Chambre a eu la possibilité de parcourir rapidement la

 18   liste des pièces jointes connexes, et nous avons repéré un certain nombre

 19   de documents pour lesquels vous avez encore une interrogation quant à

 20   savoir s'ils sont véritablement indispensables ou non, si on peut les

 21   séparer du reste de la déposition du témoin dans l'affaire Milosevic ou

 22   non. Alors, vous avez décidé de couvrir, d'inclure la plupart de ces

 23   documents, mais ceux qui restent, tels que le numéro 65 ter 11069. Bien, je

 24   me demandais si vous pouviez peut-être couvrir également ces documents-là,

 25   les prendre en compte dans l'interrogatoire principal.

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est, en

 27   fait, ce que je m'efforce de faire. Et je ne me pencherai pas sur la

 28   question des conversations interceptées, parce que je connais la position

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  1   de la Chambre de première instance à cet égard, à l'exception d'une

  2   conversation interceptée qui présente un caractère très particulier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous verrons de quoi il s'agit en temps

  4   voulu.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais je suis parfaitement consciente

  6   de ce que vous indiquez.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause

  8   de 15 minutes, et reprendrons ensuite jusqu'à 13 heures 30.

  9   --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

 10   --- L'audience est reprise à 12 heures 34.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame le

 12   Procureur.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Colonel, vous avez indiqué avoir discuté avec M. Koljevic au mois

 15   d'avril 1992 d'éléments d'information concernant le nettoyage ethnique à

 16   Foca. Que compreniez-vous sous ce terme de "nettoyage ethnique" ?

 17   R.  Bien, mon interprétation de cette notion de "nettoyage ethnique" était

 18   la suivante : il s'agissait de se débarrasser ou de chasser -- en fait, il

 19   s'agissait de recourir à la force pour expulser ou chasser la population

 20   d'une région donnée et il s'agissait également de s'efforcer de détruire

 21   toutes les preuve indiquant que cette population avait été présente dans ce

 22   territoire.

 23   Q.  Quel type de preuves ?

 24   R.  Il s'agissait donc d'expulser, de chasser par la force les personnes,

 25   et également de faire disparaître toute trace de leur présence. Par

 26   exemple, les mosquées ou autres institutions.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Alors, je voudrais que l'on veuille

 28   bien afficher le document numéro 11591 de la liste 65 ter à l'écran, s'il

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  1   vous plaît. Pendant que le document s'affiche, j'indique à tout un chacun

  2   qu'il s'agit d'un rapport du secrétaire général des Nations Unies adressé

  3   au Conseil de sécurité et daté du 12 mai 1992.

  4   Q.  Colonel, avez-vous eu la possibilité d'examiner ce document après votre

  5   arrivée à La Haye ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Pouvons-nous faire défiler vers le bas cette page afin d'afficher le

  8   paragraphe numéro 2. Dans la toute dernière ligne, on mentionne votre nom,

  9   et il est dit que vous avez rencontré M. Goulding. Est-ce que vous l'aviez

 10   informé, ou quelle était la nature de vos contacts ?

 11   R.  M. Goulding s'était rendu en Bosnie. Il souhaitait rencontrer, à mon

 12   sens, les différents dirigeants des partis et les responsables au

 13   gouvernement. Alors, j'avais été invité à le rencontrer à l'époque, en

 14   compagnie du commandant des forces stratégiques, le commandant Nambiar, et

 15   nous avons eu un entretien assez bref.

 16   Q.  Pouvons-nous passer à la page 2 de ce document, s'il vous plaît. Je

 17   voudrais que l'on agrandisse le paragraphe numéro 3.

 18   Il y est question de la situation à Sarajevo, et il est dit au début de la

 19   ligne 3 :

 20   "La ville est la cible de pilonnages nourris et de tirs de tireurs

 21   embusqués pendant la nuit, de pilonnages sporadiques à d'autres moments,

 22   souvent dirigés de façon tout à fait arbitraire par des Serbes qui ne sont

 23   pas membres des forces régulières et qui se trouvent sur les collines

 24   environnantes, qui utilisent des mortiers et de l'artillerie légère qui

 25   leur auraient été fournis par la JNA."

 26   Colonel, est-ce que cela est cohérent avec les informations que vous aviez

 27   à l'époque des faits ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce que vous avez vous-même assisté à des pilonnages ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Quand ?

  4   R.  C'était au mois d'avril, et j'étais dans le bâtiment des PTT. J'y suis

  5   resté pendant un certain temps. Et pendant certaines négociations, j'ai

  6   noté qu'il y avait des tirs d'artillerie, et certains obus sont tombés tout

  7   près du bâtiment des PTT, qui a été endommagé lui-même.

  8   Q.  Il y a également une référence à la pénurie de vivres et autres denrées

  9   de première nécessité en raison du blocus imposé par les forces serbes à la

 10   ville. Est-ce que cela est cohérent également avec vos propres observations

 11   ?

 12   R.  Oui. Il y avait des affrontements en cours dans la ville et il y avait

 13   une pénurie de vivres, et même dans la partie de la ville où je me

 14   trouvais, qui était la zone serbe d'Ilidza, cela était le cas. Il y avait

 15   des pénuries. Donc c'était quelque chose dont toute la population de toute

 16   la ville commençait à souffrir.

 17   Q.  Pourrions-nous maintenant faire défiler la page jusqu'au paragraphe

 18   numéro 5. Voilà. Je vais vous en donner lecture. Il est dit :

 19   "Tous les observateurs internationaux conviennent que ce qui est en train

 20   de se produire constitue un accord concerté de la part des Serbes de

 21   Bosnie-Herzégovine, avec l'accord et une forme ou une autre de soutien de

 22   la part de la JNA visant à créer des régions ethniquement pures dans le

 23   contexte des négociations portant sur la cantonisation de la république

 24   dans le cadre de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine présidée par

 25   l'ambassadeur Cutileiro. Les techniques utilisées sont la prise en

 26   recourant à la force militaire du territoire --"

 27   Pouvons-nous passer à la page suivante.

 28   "-- et l'intimidation de la population non-serbe."

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  1   Alors, il est dit ici que tous les observateurs étaient d'accord sur ce

  2   point. Est-ce que vous, vous en conveniez aussi ?

  3   R.  Oui, c'était pour l'essentiel ma position également.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Très bien. Je voudrais que ce

  5   document 11591 puisse être versé.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P937.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  9   Q.  Pendant les contacts que vous avez eus avec les Serbes de Bosnie à

 10   l'échelon local, mais aussi à l'échelon fédéral et celui de la république,

 11   est-ce que l'un quelconque d'entre eux a abordé la question des Musulmans ?

 12   R.  Oui. Ce commentaire a été formulé par un représentant des Serbes de

 13   Bosnie lorsque je me suis rendu à Pale le 1e mai 1992. Elle m'a dit :

 14   Monsieur Doyle, vous savez, je ne me sentirais en sécurité que si l'on

 15   construit une clôture autour de ma maison. A ce détail près, je suis prête

 16   à vivre dans une forme de coexistence. Je ne sais pas quelle était la

 17   fonction de cette femme, mais c'était certainement l'un des représentants

 18   des Serbes de Bosnie.

 19   Q.  Je voudrais demander l'affichage du document numéro 06608 de la liste

 20   65 ter. Il s'agit du procès-verbal d'une réunion du club des députés du SDS

 21   de Bosnie-Herzégovine, réunion tenue le 28 février 1992.

 22   Avez-vous eu l'occasion, au moins partiellement, d'examiner ce

 23   document depuis que vous êtes arrivé à La Haye ?

 24   R.  Oui.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pouvons-nous avoir à l'écran la page

 26   33 en anglais et 48 en B/C/S. Nous y verrons que c'est le Dr Karadzic qui

 27   s'exprime. Cela n'apparaît pas à cette page même, mais deux pages plus

 28   haut.

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  1   Q.  Et la page 52 en B/C/S et 36 en anglais, s'il vous plaît. Dans le haut

  2   de la page, cela commence par les mots "Imaginez la stupidité de cela."

  3   C'est le quatrième paragraphe.

  4   Il est dit dans ce quatrième paragraphe :

  5   "Imaginez la stupidité de cela : le conflit en Bosnie-Herzégovine est

  6   fondamentalement un conflit entre des peuples, tout comme cela a été le cas

  7   entre l'Inde et le Pakistan, et il n'y a là rien de nouveau. Le résultat a

  8   été un déplacement massif de population.

  9   "Les Musulmans ne peuvent pas vivre avec les autres. Nous devons être tout

 10   à fait clairs sur ce point. Ils n'ont pas pu vivre à côté des Hindous qui

 11   sont aussi paisibles que des agneaux. C'est leur religion hindoue qui en

 12   dispose ainsi. Il s'agit d'un peuple pacifique, mais ils ne pouvaient pas

 13   vivre avec eux. Ils n'ont pas pu cohabiter avec les Grecs à Chypre. Ils

 14   n'ont pas pu cohabiter au Liban avec des Arabes qui sont du même sang, qui

 15   parlent la même langue, mais ont une religion différente.

 16   "Il ne peut y avoir la moindre discussion sur ce point.

 17   "Et pourtant, ils mettent en place la Krajina de Bosnie là-bas, et dans

 18   deux ans à peine, vous aurez de nouveau des problèmes, vous devrez séparer

 19   les villages un par un, parce qu'ils prendront l'avantage avec leur taux de

 20   natalité et tous les stratagèmes auxquels ils recourent. Nous ne pouvons

 21   pas permettre que cela se produise."

 22   Colonel, est-ce que cette position des représentants serbes était celle que

 23   vous avez constatée à l'époque des faits sur place ?

 24   R.  Oui, les Serbes se référaient toujours aux Musulmans même si il

 25   s'agissait de Croates sur place, mais c'étaient toujours les Musulmans qui

 26   les préoccupaient. Et les sentiments qui apparaissent dans ce rapport

 27   c'étaient les mêmes que ceux que nous avions constatés. C'était notre

 28   impression sur le terrain.

Page 2668

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Puis-je demander le versement de ce

  2   document.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Encore une fois, dans son intégralité.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, parce qu'encore une fois, il

  5   s'agit d'un de ces documents officiels, et je suis tout à fait certaine que

  6   d'autres témoins s'y référeront, et nous ne serons pas surpris également

  7   que M. Karadzic y recourt.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous opposez-vous au

  9   versement de ce document ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, pas d'objection. J'attends simplement

 11   l'interprétation. Je n'ai pas d'objection, à ceci près que je vais être

 12   amené à verser davantage encore de documents, parce que ce n'est pas le

 13   seul document où on parle de ceci.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Le document sera versé.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P938.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes bien sûre. C'est bien P938 ?

 17   Poursuivez, Maître Uertz-Retzlaff.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande maintenant que le document

 19   de la liste 65 ter 40174 soit diffusé, et il s'agit d'une séquence vidéo

 20   d'images qui vont vous montrer le discours tenu à l'occasion de la 21e

 21   session de l'assemblée des Serbes de Bosnie le 30 octobre 1992.

 22   Q.  Auparavant, je vous demande si vous avez eu l'occasion de voir

 23   certaines de ces images et la transcription à La Haye ?

 24   R.  Oui.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant diffuser

 26   cette séquence vidéo ?

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

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  1    "Il s'agit ici de la 21e session de notre assemblée, et le chemin qui nous

  2   a menés ici est si riche que beaucoup de choses se passent d'une session à

  3   l'autre. Ce chemin c'est celui qui nous a amenés pas à pas à arriver à

  4   notre Etat, nous ne sommes plus l'Etat artificiel dans lequel nous étions

  5   forcés d'être maintenus dans une création artificielle, qui était cette

  6   Bosnie-Herzégovine, avec nos ennemis de toujours. Ceci n'a de cesse de me

  7   rappeler l'expérimentation dans laquelle on met contre leur gré un chat et

  8   un chien dans une cage, ou l'expérience d'un mauvais mariage qui est quand

  9   même maintenu par toutes sortes de moyens contraignants. Il apparaît qu'un

 10   chien et un chat ne peuvent coexister dans une boîte qu'à une condition,

 11   c'est que s'ils partent de leurs caractéristiques naturelles, ils ne sont

 12   plus ni chat ni chien. Nous ne pouvons pas être autre chose que des Serbes

 13   et nous ne pouvons pas vivre dans ce genre de boîte."

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que, lorsque vous avez parlé à des Serbes de Bosnie, est-ce

 16   qu'ils vous ont toujours dit qu'ils avaient pour ennemis séculaires les

 17   autres ?

 18   R.  Je pense que la plupart du temps les Serbes de Bosnie disaient qu'il

 19   leur été impossible de cohabiter avec les Musulmans. Je n'ai pas le

 20   souvenir qu'ils eussent prononcé ce nom d'ennemis jurés. Mais je pense que

 21   ça ne faisait aucun doute qu'ils n'étaient pas heureux de cohabiter avec

 22   les Musulmans de Bosnie. Et ça a été corroboré lorsque j'ai rencontré cette

 23   dame serbe de Bosnie à Pale. C'était souvent mentionné dans toutes les

 24   références.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il y a la pièce 40174, le document

 26   dont je demande l'admission. Il est volumineux. Je propose que ne soit

 27   versé que le discours prononcé par M. Karadzic, numéro ERN 0096-8187

 28   jusqu'au 0096-8192, parce que dans le reste de la séquence, on entend les

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  1   interventions d'autres personnes, et ce n'est pas une citation --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas vu l'horodatage de départ,

  3   mais apparemment ici à la fin on a 1 minutes 23 secondes.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Ça commence à zéro. Donc c'est

  5   du tout début.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce passage est versé.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P939.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 10   Q.  Vous parlez d'une conversation que vous avez eue avec Mme Plavsic alors

 11   que vous étiez en route en direction de Pale selon laquelle les Serbes

 12   auraient droit à 70 % du territoire. Est-ce que vous vous souvenez de la

 13   date à laquelle cette conversation a eu  lieu ?

 14   R.  Oui. J'étais en route vers Pale, c'était le 1er mai 1992.

 15   Q.  Pourquoi être allé à Pale avec Mme Plavsic ce jour-là ?

 16   R.  Les Serbes de Bosnie m'y avaient invité. Ils avaient déplacé la plupart

 17   des membres du personnel à Pale, à ce stade-là, et je ne voulais pas y

 18   aller en ma qualité de chef de la mission où on aurait pu me photographier

 19   pour montrer que c'était ainsi reconnaître l'existence de l'entité des

 20   Serbes de Bosnie. Donc j'ai dit je ne veux pas de publicité, et ils ont dit

 21   d'accord. En route, j'avais essayé d'y aller la veille, le dernier jour du

 22   mois d'avril, mais il y avait tellement de chars, de pièces d'artillerie,

 23   de matériel militaire qui circulaient sur l'artère principale en direction

 24   de Pale qu'on n'est pas arrivé à Pale la veille. Mme Plavsic m'a demandé si

 25   je pouvais y aller le lendemain; on aurait plus de chance, a-t-elle dit.

 26   Donc effectivement, j'y suis allé le 1er mai. En route, j'étais avec elle,

 27   elle exprimé certains avis. Elle m'a laissé entendre que les Serbes de

 28   Bosnie avaient l'habitude de vivre dans des espaces doivent dégager dans

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  1   beaucoup d'espace. Donc ils avaient besoin d'espace autour d'eux. Et ils

  2   ont dit que les Musulmans, au fond, c'étaient des négociants, des

  3   commerçants, et que normalement c'étaient des urbains et qu'ils n'avaient

  4   pas besoin d'autant d'espace, autant de territoires qu'en auraient besoin

  5   les Serbes. Puis elle m'a dit quelque chose que je n'oublierai jamais, elle

  6   m'a dit : Vous savez, Monsieur Doyle, il faut 3 millions de vies pour

  7   solutionner cette crise. Faisons-le et passons à autre chose.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le document 21082 peut-il être

  9   affiché, il s'agit d'un document de la liste 65 ter. Nous attendons son

 10   affichage. Vous avez ici la transcription d'une conversation interceptée

 11   entre M. Koljevic qui appelle M. Karadzic, de Lisbonne.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est bien le document 21082, n'est-ce

 13   pas ?

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 15    Q.  Est-ce que vous avez fourni la transcription de cette conversation

 16   interceptée au bureau du Procureur ?

 17   R.  Oui, auparavant. Il m'a été remis en mains propres par le maire adjoint

 18   -- ou le premier ministre adjoint, Rusmir Mahmutcehajic, et j'étais surpris

 19   d'y voir figurer mon nom.

 20   Q.  Est-ce qu'on peut agrandir la partie où on voit cette référence ? Je

 21   lis :

 22   "Ecoutez, il faut s'en occuper aujourd'hui. Nous avons eu l'accord de Doyle

 23   pour faire venir les observateurs où se trouve notre artillerie. Il faut

 24   que l'artillerie se retire, on ne peut pas commencer la conférence ici sans

 25   que ce soit fait."

 26   Vous êtes concerné, vous êtes mentionné dans cette conversation

 27   interceptée; est-ce que c'est exact ?

 28   R.  C'est ce jour-là que je suis allé à Pale. Si je suis allé à Pale,

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  1   c'était aussi pour cela, parce qu'il y avait, je pense, des pourparlers de

  2   paix à Lisbonne. Et M. Cutileiro m'avait demandé si j'irais à Pale, parce

  3   que d'après lui, les Serbes de Bosnie avaient laissé entendre qu'ils

  4   étaient prêts à retirer certaines de leurs armes de la région. J'ai emmené

  5   mon adjoint, M. Jeremy Braid. Je suis resté à Pale, disons, au QG des

  6   Serbes de Bosnie tandis que lui, il était emmené par les Serbes de Bosnie

  7   en voiture pour établir si, effectivement, les Serbes retireraient leur

  8   artillerie. Lui, il savait mieux que moi où se trouvaient les pièces

  9   d'artillerie. Mais à son retour, il m'a dit qu'il n'y avait aucune preuve

 10   d'un quelconque retrait d'artillerie. C'est pour ça que j'ai recommandé

 11   l'interruption des pourparlers de Lisbonne.

 12   Q.  Ils ont été interrompus ?

 13   R.  Oui, mais je ne sais plus exactement quand.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande le versement de ce

 15   document, car à mon avis, la situation n'est pas la même ici que pour les

 16   autres conversations interceptées.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ici, c'est quelque chose que le

 18   témoin a reçu --

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Très bien.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- au moment des événements. Objection,

 21   Monsieur Karadzic ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je tiens simplement à dire que ce serait une

 23   bonne idée de connaître la raison pour laquelle M. Mahmutcehajic a eu cette

 24   conversation, parce que nous aussi, nous faisions partie du gouvernement,

 25   nous représentions un tiers du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Nous

 26   n'étions aucunement des rebelles, on faisait partie du gouvernement, et

 27   ici, on mentionne le gouvernement donc des Serbes. Comment se fait-il que

 28   ce monsieur ait eu ce document en sa possession ?

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourrez le demander en contre-

  2   interrogatoire.

  3   Le document sera versé, mais --

  4   Monsieur Doyle, est-ce que vous savez qui a intercepté la conversation à

  5   l'époque ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne l'ai pas appris, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P940.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 11   Q.  Vous avez dit dans votre déposition qu'à Ilidza il n'y avait pas de

 12   non-Serbes qui travaillaient à l'hôtel Bosna. C'est là que vous étiez

 13   descendu avec M. Karadzic et, apparemment, que ces gens avaient été

 14   expulsés. Ça s'est passé quand ?

 15   R.  Je pense que ça s'est passé en mars 1992. On pouvait s'en souvenir,

 16   parce que les affrontements commençaient déjà en ville, et nous avions --

 17   enfin, le lieu où devait se tenir le dîner avait été déplacé, parce qu'on

 18   risquait de tirer sur l'hôtel. Ce qui m'a frappé, c'est le fait qu'il avait

 19   été invité par ce que je pourrais appeler le conseil municipal serbe.

 20   C'étaient des gens que je n'avais jamais rencontrés et le personnel avait

 21   tout à fait changé. Ce n'était plus les gens que j'avais rencontrés pendant

 22   les nombreux mois où j'avais été chef de la mission. Et il y avait une

 23   personne qui avait laissé entendre qu'il était le nouveau chef de la

 24   communauté, de la collectivité, et il m'a dit qu'on avait déplacé des

 25   Musulmans, qu'on les avait embarqués dans un camion, qu'ils auraient été

 26   envoyés dans le centre de la ville pour y être libérés.

 27   Mais je me souviens que je lui avais demandé s'il y avait dans le

 28   personnel de l'hôtel des Musulmans qu'on avait gardés. Il a dit : "On en a

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  1   gardé un parce que c'est un bon chef de cuisine, c'est bon cuisinier."

  2   Q.  Dans votre déposition, vous avez fait état d'une séance de la

  3   conférence sur l'ex-Yougoslavie qui s'est tenue le 13 août 1992, et vous

  4   décrivez cette situation à l'occasion de laquelle vous avez montré à M.

  5   Karadzic une photo des détenus du camp de Prijedor, que vous lui avez parlé

  6   à cette occasion, de la pression exercée sur les non-Serbes pour qu'ils

  7   cèdent des documents de cession de biens avant qu'ils ne soient forcés à

  8   partir. Comment est-ce que vous avez appris que cela se passait ?

  9   R.  Nous avions reçu beaucoup d'informations de la Mission d'observation

 10   qui nous avait dit que, disons, le modus operandi, le mode opératoire des

 11   Serbes de Bosnie constituait à faire ceci : prenez un territoire donné, et

 12   ils essayaient de veiller à ce que le territoire pris, et que les habitants

 13   qui avaient des biens cèdent leurs biens. Et il y a eu un reportage de

 14   "Sunday Times" qui en parlait, et aussi ça faisait partie de l'article avec

 15   la photo que j'ai donnée à M. Karadzic. Par la suite, lorsqu'il a vu cela,

 16   M. Karadzic a envoyé un certain M. Kennedy, qui était un conseiller à lui,

 17   pour voir si j'étais prêt à le rencontrer. J'ai dit que je ne faisais pas

 18   partie de la délégation officielle, mais qu'on pouvait se rencontrer dans

 19   le lobby de l'hôtel et que je pourrais m'entretenir avec lui.

 20   Ce faisant, j'ai évoqué la question de la cession des biens immobiliers. Il

 21   a reconnu que c'était quelque chose qu'on ne devrait pas faire, que c'était

 22   un acte illégal. Et j'ai dit qu'il aurait pu peut-être faire un geste,

 23   envoyer une lettre au "Times" pour dire que c'est vrai, c'était un acte

 24   illégal qu'il fallait empêcher. Et il m'a laissé entendre qu'il allait

 25   prendre des mesures. Je ne sais pas s'il en a prise ou pas. Je n'ai aucune

 26   preuve de ce qu'il l'aurait fait ou de ce qu'il ne l'aurait pas fait.

 27   Q.  Très bien.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais que la pièce 01136 de la

Page 2675

  1   liste 65 ter soit à l'écran, s'il vous plaît. Nous attendons l'affichage,

  2   et je peux vous dire qu'il s'agit d'un rapport d'une réunion qui a eu lieu

  3   dans le cadre de la conférence de Londres.

  4   Q.  Vous avez participé à cette conférence et ainsi qu'à cette réunion,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Passons à la page 2, s'il vous plaît, de ce document. Paragraphe 5 --

  8   vers la fin du paragraphe 5, les deux dernières phrases, il est écrit :

  9   "Le Dr Karadzic a déclaré qu'il avait donné des instructions pour que ces

 10   forces arrêtent de harceler les Musulmans et les Croates qui étaient prêts

 11   à quitter les régions serbes et qu'on le harcelait pour qu'il signe des

 12   papiers à cette fin. Il a confirmé que ce type de documents n'aurait aucune

 13   validité lorsqu'une solution serait trouvé en fin de compte."

 14   Avez-vous reçu ce document à propos de la conférence de

 15   Londres ?

 16   R.  Oui, j'ai reçu un exemplaire de ce document lors de la conférence de

 17   Londres.

 18   Q.  J'aimerais demander, s'il vous plaît, le versement au dossier de cette

 19   pièce.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote P941.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

 23   Q.  Pendant votre témoignage, vous avez décrit comment vous avez rencontré

 24   le Dr Karadzic et d'autres représentants des Serbes, et vous avez toujours

 25   dit qu'il était le dirigeant incontesté des Serbes, et que les autres

 26   membres de la direction serbe de Bosnie en référaient toujours à lui. Avez-

 27   vous vu cela ?

 28   R.  Oui, je l'ai observé. Par exemple, en janvier ou en février 1992. M.

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  1   Karadzic était le dirigeant des Serbes de Bosnie, et pour cela, pour ce

  2   fait, j'ai demandé à le rencontrer. Ceci a été organisé par le biais des

  3   membres serbes de la présidence, Mme Plavsic et M. Koljevic. Je l'ai

  4   rencontré sur place, je me suis entretenu avec lui, parce que je voulais

  5   rencontrer tous les chefs de tous les partis politiques, et chaque fois que

  6   nous rencontrions les dirigeants des Serbes de Bosnie, le Dr Karadzic était

  7   toujours présent. Il était là, soit avec Nikola Koljevic; parfois, il n'y

  8   avait que les deux, ces deux-là, ou il y avait aussi, parfois, Momcilo

  9   Krajisnik avec lui. Mais il y avait toujours présence de M. Karadzic. Et

 10   ils s'en référaient toujours à lui, ils s'en remettaient toujours à lui. En

 11   effet, il parlait anglais, et sachez que lorsqu'on participe à ce type de

 12   réunion, on comprend vite qui est le chef. Et vraiment, j'avais vite

 13   compris que c'était lui le chef incontesté des Serbes de Bosnie.

 14   Q.  Dans votre témoignage, vous avez aussi parlé du pilonnage de la station

 15   de télévision à Sarajevo, et des contacts que vous avez eus ensuite avec le

 16   Dr Karadzic. Donc, tout d'abord, pourquoi est-ce que vous vous êtes tourné

 17   vers le Dr Karadzic pour essayer d'éviter cette attaque sur la télévision ?

 18   R.  J'ai reçu un coup de fil, pendant l'après-midi de la station de

 19   télévision disant qu'ils avaient reçu un appel de Pale, des Serbes de

 20   Bosnie, leur disant que s'ils n'arrêtaient pas de diffuser dans les 30

 21   minutes, la station de télévision ferait l'objet d'une attaque armée. A

 22   l'époque, M. Karadzic était avec le comité de crise des Serbes de Bosnie, à

 23   l'hôtel Bosna, à Ilidza. Donc j'ai décidé de le contacter, j'ai parlé à un

 24   de ses représentants, et j'ai dit qu'il fallait absolument faire passer ce

 25   message à M. Karadzic, c'était très important. Ça a été fait -- enfin,

 26   j'imagine que ça a été fait, parce que dans les 20 minutes qui ont suivi,

 27   il est revenu vers moi, m'a dit qu'il s'était entretenu avec M. Karadzic,

 28   et que je n'avais pas à m'inquiéter parce qu'il n'y aurait pas d'attaque.

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  1   Or, il y a bel et bien eu une attaque. La station de télévision a fait

  2   l'objet, je crois, d'un pilonnage au mortier, et il me semble que deux ou

  3   trois personnes ont été tuées.

  4   Donc lorsque j'ai su cela, j'ai contacté toujours ce même représentant. Je

  5   lui ai dit de faire savoir à M. Karadzic qu'il y avait bel et bien une

  6   attaque, il y avait des victimes, et que j'allais le tenir responsable

  7   personnellement pour cela. Ensuite, au cours de la soirée, M. Karadzic et

  8   M. Koljevic sont venus ensemble me voir; ils étaient assez énervés, je dois

  9   dire. M. Karadzic a reconnu que l'attaque avait bel et bien eu lieu, mais

 10   il m'a dit qu'il n'y avait n'avait pas donné l'ordre de cette attaque et

 11   qu'il la condamnait fermement, et que je devais bien comprendre qu'il ne

 12   contrôlait pas toujours tous les militaires et à tout moment. Donc il ne

 13   voulait pas endosser la responsabilité de ce que certaines personnes

 14   avaient fait. Et il m'a donc fait savoir que cette attaque n'avait pas été

 15   autorisée. Mais je lui ai quand même fait savoir, au passage, que lorsqu'on

 16   est un chef, on endosse toutes les responsabilités de ses subordonnées, et

 17   donc que j'allais condamner cette attaque contre la station de télévision;

 18   d'ailleurs, je l'ai fait plus tard dans la soirée.

 19   Q.  Lorsque vous avez -- dans le cadre de votre déposition précédente et

 20   aussi dans les documents, vous parlez souvent de "paramilitaires serbes,"

 21   qu'est-ce que vous voulez dire par là, "paramilitaires serbes" ?

 22   R.  Dans le cadre des opérations de maintien de la paix -- enfin, après ce

 23   que j'ai vécu, on n'essaie pas d'obtenir des informations sur des unités

 24   bien précises, parce que les gens disent, dans ce cas-là : Non, vous êtes

 25   un agent de l'étranger, vous espionnez, et cetera. Donc il faut faire très

 26   attention pour rester neutre. Donc pour moi, un paramilitaire, qu'il soit

 27   Serbe ou Musulman, c'est quelqu'un qui porte des armes et qui ne fait pas

 28   partie de l'armée fédérale. Donc tous ceux qui sont en dehors de la JNA, il

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  1   y avait beaucoup de groupes, il y avait les Aigles musulmans, les Bérets

  2   verts, et cetera, mais on faisait référence à toutes les personnes armées,

  3   mais ne faisant pas partie de la JNA comme étant des paramilitaires, qu'ils

  4   soient en uniforme ou non, d'ailleurs.

  5   Q.  Ma dernière question sera la suivante : j'aimerais savoir si le Dr

  6   Karadzic contrôlait ces paramilitaires serbes de Bosnie ?

  7   R.  J'ai toujours considéré qu'il les contrôlait. En effet, au fur et à

  8   mesure que le conflit s'est envenimé, il était toujours en présence de

  9   personnes armées, toujours entouré de personnes en armes, certains en

 10   uniforme de la JNA parfois, ou parfois ils n'étaient pas en uniforme de la

 11   JNA. Donc j'avais l'impression -- j'interprétais cela comme -- étant donné

 12   -- de la seule façon suivante : étant donné qu'il était le chef incontesté

 13   des Serbes de Bosnie, il devait contrôler et il aurait dû contrôler tous

 14   les Serbes de Bosnie, y compris les forces armées.

 15   Q.  Il s'est occupé des cessez-le-feu aussi lorsqu'il y a eu négociations ?

 16   R.  Oui. Il a toujours été présent dans le cadre des cessez-le-feu, mis à

 17   part un cessez-le-feu qui a été négocié rapidement après le moment où on a

 18   réussi à négocier avec succès la libération du président Izetbegovic. Et en

 19   ce qui concerne ces accords de cessez-le-feu, nous essayions toujours

 20   d'obtenir un accord sur le retrait de l'armée fédérale de Bosnie. On avait

 21   invité les Serbes de Bosnie, ils ne sont pas rendus au bâtiment des PTT,

 22   parce qu'il y avait des problèmes de sécurité, ils étaient inquiets pour

 23   leur propre sécurité, ils s'étaient cantonnés à Pale, ils voulaient y

 24   rester. Mais souvent, on les a invités à participer à ces négociations,

 25   mais ils ne sont pas venus.

 26   Q.  Très bien.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ceci termine l'interrogatoire

 28   principal. En ce qui concerne les pièces jointes restantes, je demanderai

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  1   leur admission, mise à part celle dont vous avez parlé, puisque nous ne

  2   demandons pas son versement, parce qu'il n'est pas pertinent en l'espèce,

  3   et pour ce qui est aussi des conversations interceptées, je demande surtout

  4   l'admission de la pièce 11087, celle où le témoin déclare qu'il a reconnu

  5   des voix.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous voulez l'admission des pièces

  8   jointes, mis à part le 11069; et deux conversations interceptées, 30323 et

  9   30423; c'est cela ?

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, pas tout à fait. Je parlais des

 11   conversations interceptées qui sont référencées sur la liste et qui seront

 12   présentées par le truchement d'un autre témoin.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous ne demandez pas leur

 14   admission.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Lesquelles exactement ? Il y en a

 16   plus que deux, me semble-t-il. Il me semble bien j'ai donné une fourchette,

 17   si je ne m'abuse, une fourchette de numéros. C'est à partir du numéro 30323

 18   jusqu'au numéro 31614.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Donc vous voyez qu'il y a plus de

 21   deux conversations téléphoniques qui ne seront pas admises par le

 22   truchement de ce témoin, mais par le truchement d'un autre témoin.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections à formuler,

 24   Monsieur Karadzic ?

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, s'il n'y a pas de conversations

 26   téléphoniques interceptées admises, dans ce cas-là, je n'ai aucune

 27   objection à faire.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc tous les documents dont

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  1   vous avez demandé l'admission seront admis et recevront des cotes, et ces

  2   cotes vous seront communiquées ultérieurement par le greffe.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous avons environ 15 minutes.

  5   Monsieur Karadzic, voulez-vous commencer votre contre-interrogatoire.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si nous ne levons pas encore l'audience, oui,

  7   je vais commencer le contre-interrogatoire.

  8   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Doyle.

 10   R.  Bonjour, Monsieur Karadzic.

 11   Q.  Je souhaite vous remercier encore une fois pour l'amabilité dont vous

 12   avez fait preuve en acceptant de rencontrer la Défense et en nous apportant

 13   votre concours pour essayer d'apporter des précisions sur un certain nombre

 14   de points.

 15   Je voudrais que nous revenions sur certains points d'accord que nous avons

 16   apparemment réussi à dégager lors de notre entrevue. Est-ce que vous

 17   acceptez cette façon de procéder ?

 18   R.  Tout à fait.

 19   Q.  Merci. Il me semble que nous avons convenu du fait que les Musulmans

 20   ont rejeté l'appel à mobilisation. Non pas qu'ils avaient été exclus de la

 21   JNA d'une autre façon, à savoir que du fait de leur non-présentation à

 22   l'appel à mobilisation, les Serbes seraient devenus la seule base de

 23   l'effectif mobilisé par la JNA à l'époque ?

 24   R.  Oui, j'en conviens.

 25   Q.  Merci. Nous avons également convenu que vous n'aviez pas une

 26   connaissance particulière des conditions prévalant en Yougoslavie avant

 27   votre arrivée même. Vous ne vous y étiez pas intéressé particulièrement

 28   avant votre venue, n'est-ce pas ?

Page 2682

  1   R.  J'avais reçu le briefing opérationnel standard au QG militaire, on

  2   m'avait briefé sur la situation, mais en effet, c'était dans les grandes

  3   lignes et rien de plus.

  4   Q.  Merci. Nous avons convenu -- ou plutôt, vous avez confirmé un élément

  5   qui m'a plutôt préoccupé, à savoir qu'en 18 ans, le souvenir que l'on peut

  6   avoir de certains événements peut s'estomper quelque part, n'est-ce pas ?

  7   R.  En effet, je dois en convenir.

  8   Q.  Merci. Nous avons convenu que vous n'aviez pas tout à fait compris les

  9   manœuvres politiques qui s'étaient déroulées à haut niveau en Bosnie-

 10   Herzégovine, à l'échelon de ceux qui définissaient la politique, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  C'est vrai, je suis d'accord.

 13   Q.  Merci. Alors, nous avons, me semble-t-il, également convenu, ou plutôt,

 14   vous avez confirmé que les Serbes souhaitaient disposer d'un meilleur accès

 15   à la télévision de Sarajevo, ils souhaitaient une meilleure présence et une

 16   plus grande influence au sein de cette chaîne de télévision, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. Il y avait une interprétation différente concernant les

 18   discussions que nous avons eues à propos de ce que les personnes que je

 19   représentais voulaient dire par un accès plus important et ce que

 20   voulaient, en fait, les Serbes de Bosnie. La conclusion en ce qui concerne

 21   les arrangements que nous avions conclus est que les Serbes de Bosnie

 22   auraient dû avoir un accès à un temps d'antenne plus important à la

 23   télévision de Sarajevo, alors qu'en fait, les Serbes de Bosnie avaient

 24   interprété la chose différemment. Ils pensaient qu'ils avaient dit qu'ils

 25   voulaient, en fait, diviser les équipements et obtenir plus d'équipement,

 26   plus de bureaux, plus de studios, de régies, et cetera, un certain

 27   pourcentage des bâtiments. Ce n'était pas ce que nous avions à l'esprit

 28   lorsque nous avons eu ces pourparlers de paix. Donc dans cette réunion à la

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  1   chaîne de télévision deux jours après l'accord de cessez-le-feu, nous avons

  2   compris là que les Serbes de Bosnie voulaient pouvoir physiquement occuper

  3   des bureaux à la télévision. Or, comme ce n'était pas ce que nous avions en

  4   tête, nous parlions uniquement de temps d'antenne, et de ce fait, tout

  5   s'est arrêté.

  6   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que je vous ai présenté la

  7   chose à l'époque comme étant la constitution de trois chaînes pour trois

  8   groupes ethniques différents et que dans le cadre d'une télévision ethnique

  9   nous ne pouvions pas être traités de façon équitable si nous ne disposions

 10   pas de notre propre chaîne de télévision, avec notre propre langue, pour

 11   répondre aux besoins de notre culture, et que pour cela nous devions avoir

 12   notre propre studio ?

 13   R.  Oui, je sais maintenant que c'est ce que vous aviez en tête lorsque je

 14   me suis entretenu avec vous lundi dernier, et je comprends bien ce que vous

 15   voulez dire maintenant, mais alors que les pourparlers étaient en cours sur

 16   le terrain en Bosnie, ceci n'a jamais été l'argument présenté à l'époque.

 17   Si ça avait été présenté, ceux d'entre nous qui négocions auraient pu

 18   décider d'une façon ou d'une autre à ce propos. Mais d'après ce que j'ai

 19   compris lors des négociations, nous, on pensait uniquement que les Serbes

 20   de Bosnie voulaient avoir plus de temps d'antenne et, bien sûr, lors de ce

 21   temps d'antenne, ils auraient fait passer leur propre message, mais nous

 22   n'avions pas en tête le fait qu'ils voulaient les équipements physiques de

 23   la télévision.

 24   Q.  A votre avis, que souhaitaient obtenir les Musulmans ? Qu'est-ce que

 25   les Musulmans souhaitaient obtenir pour ce qui concernait la télévision ?

 26   Quelle était leur vision à eux ?

 27   R.  Je ne sais absolument pas ce qu'ils avaient en tête parce qu'ils

 28   semblaient être très contents du statu quo. Et je ne me rappelle pas que

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  1   les Musulmans, à un moment ou un autre, aient soulevé le problème de la

  2   couverture télévisuelle comme étant quelque chose qui les gênait.

  3   Mais la seule chose qu'ils ont dit c'est que le relais qui permettait de

  4   diffuser au-delà de Sarajevo était, d'après eux, perturbé physiquement, et

  5   donc -- en fait, le relais avait tendance à être dirigé vers Belgrade

  6   plutôt que vers le reste de la Bosnie. Mais à part ça, je ne me souviens

  7   pas qu'ils aient fait quelque demande que ce soit.

  8   Q.  Merci. Alors, nous allons voir s'ils étaient contents de ce qu'ils

  9   avaient. Nous allons voir ce qu'ils demandaient.

 10   Mais est-ce que vous avez connaissance que les Croates, jusqu'au jour

 11   d'aujourd'hui, continuent à demander à bénéficier de leur propre chaîne ?

 12   Puisque les Serbes ont leur chaîne, mais que les Croates, de leur côté,

 13   continuent à la demander et qu'ils ne l'ont toujours pas obtenue ? Est-ce

 14   que vous êtes au courant de cela ?

 15   R.  Non, je n'en ai aucune connaissance. Les informations les plus à jour

 16   que j'ai sur la vie en Bosnie aujourd'hui sont assez faibles. Je ne sais

 17   pas grand-chose de tout cela.

 18   Q.  Merci. Donc j'imagine que vous me croirez dans ce cas-là.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais que l'on affiche le document

 20   D148, s'il vous plaît. Le 1D148 dans le système électronique. J'espère que

 21   nous disposons d'une traduction. Ce n'est pas le bon document. Non, ce

 22   n'est pas celui-là. Ici, c'est le 148, mais ce qu'il me faut c'est 1D48.

 23   Normalement, nous devons avoir également une traduction anglaise. Est-ce

 24   qu'on pourrait l'afficher, s'il vous plaît. Voilà.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Colonel, je souhaiterais attirer votre attention sur cette lettre qui

 27   est adressée à la commission du personnel du SDA en date du 20 mars 1992,

 28   c'est-à-dire une semaine avant -- non, excusez-moi, deux semaines avant la

Page 2685

  1   reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine. Voilà ce qui est écrit, le

  2   président Harun Imamovic, président du conseil municipal du SDA de

  3   Sarajevo, demande la chose suivante :

  4   "Monsieur : lors de la 75e séance du conseil municipal du SDA de Sarajevo

  5   tenue le 17 mars 1992, une conclusion a été adoptée demandant que nous nous

  6   adressions à vous pour vous suggérer de prendre en temps opportun des

  7   mesures et d'entreprendre des actions visant à résoudre les problèmes du

  8   personnel posés à la radiotélévision de Sarajevo.

  9   "Il est inutile de souligner l'importance de cette institution dans tous

 10   les domaines de la vie politique et sociale.

 11   "Le conseil du SDA de Sarajevo à l'échelon de la ville maintient sa

 12   position selon laquelle aucun partage de la télévision de Sarajevo en

 13   plusieurs chaînes sur une base nationale ne peut être envisagé, et cela ne

 14   correspondrait pas aux intérêts du peuple musulman.

 15   "De même, nous indiquons que dans le but de la protection de nos intérêts

 16   nationaux, il serait indispensable que le directeur général de la

 17   radiotélévision soit un Musulman, tout comme le rédacteur en chef également

 18   de la radiotélévision.

 19   "Je pense qu'il s'agit là des conditions minimales en dessous desquelles il

 20   ne faudrait même pas accepter de participer à la moindre négociation."

 21    Alors, est-ce que nous n'avons pas ici la preuve que le SDA pense

 22   exactement de la même façon que moi, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un partage

 23   en plusieurs chaînes, à savoir que c'était la même chose à ce à quoi je

 24   pensais, un partage en plusieurs chaînes, et non pas une division des biens

 25   ?

 26   R.  Oui, c'est en effet ce qui est écrit dans cette lettre. Mais cela dit,

 27   je remarque qu'il n'y a pas de signature à cette lettre.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais l'original à gauche est signé.

Page 2686

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai bien vu. Je vous remercie, Monsieur

  2   le Président.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Deuxième question : est-ce que vous êtes d'accord pour dire que les

  5   intérêts du peuple musulman sont ici placés à part et au-dessus des

  6   intérêts des peuples croate et serbe ? On trouve cette phrase qui dit :

  7   "Le conseil du SDA de la ville de Sarajevo maintient sa position selon

  8   laquelle aucun partage de la télévision de Sarajevo en plusieurs chaînes

  9   sur une base nationale ne peut être envisagé."

 10   Voyons pourquoi. Je poursuis la citation :

 11   "Et un tel partage ne serait pas conforme aux intérêts du peuple musulman."

 12   Alors, est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'en Bosnie-Herzégovine, en

 13   plus du peuple musulman, il y avait également les Serbes et les Croates qui

 14   représentaient la majorité chrétienne dans ce pays ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Troisième question : est-ce que vous voyez comme moi que le minimum

 17   qu'ils exigent dans cet Etat commun et dans cette chaîne de télévision qui

 18   est commune c'est la chose suivante -- enfin, est-ce que vous êtes d'accord

 19   avec moi pour dire que leur vision de la démocratie c'est d'exiger qu'aussi

 20   bien le directeur général de la télévision que son rédacteur en chef

 21   doivent être des Musulmans. Est-ce que cela vous apporte peut-être la

 22   moindre lumière quant à cette position qui était celle de Mme Plavsic

 23   consistant à dire qu'il était particulièrement difficile de vivre dans un

 24   tel contexte ? Est-ce que c'est une revendication juste ici que d'exiger

 25   que la radiotélévision soit entre les mains des Musulmans ?

 26   R.  Je conviens avec vous que la teneur de cette lettre indique que les

 27   Musulmans, ici, cherchaient à obtenir quelque chose qui n'était pas

 28   raisonnable. Mais je ne ferais pas correspondre cela à ce qu'a dit Mme

Page 2687

  1   Plavsic à propos de cela, parce que je pense qu'il n'y a aucune relation de

  2   faite entre les deux choses.

  3   Q.  Merci. Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il est assez

  4   difficile d'imaginer une majorité chrétienne, et même d'ailleurs s'il

  5   s'agissait d'une minorité chrétienne, d'imaginer de son point de vue

  6   qu'elle ne soit pas suffisamment représentée au sein de la radiotélévision

  7   de Sarajevo, bien qu'il s'agit d'une majorité, et tout cela parce que cela

  8   ne serait pas conforme aux intérêts du peuple musulman ?

  9   R.  Oui, je l'ai déjà dit, je pense.

 10   Q.  Je voudrais à présent laisser de côté ce rappel de l'entretien que nous

 11   avons eu ensemble.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'avant cela on peut verser ce document

 13   au dossier, s'il vous plaît.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Uertz-Retzlaff ?

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pas d'objection.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il sera donc admis.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D213.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez poursuivre ? Vous avez

 19   encore des questions ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, juste une question.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Alors, la théorie que j'avance, Monsieur Doyle, est la suivante : notre

 23   position ne consiste pas à dire que nous ne pouvions pas vivre avec les

 24   Musulmans, mais plutôt à dire que nous ne pouvions pas vivre sous la

 25   domination des Musulmans. Et quand vous êtes arrivés en 1991, depuis ce

 26   moment-là, est-ce que vous avez appris le fait que nous avons proposé aux

 27   Musulmans de continuer à vivre avec nous au sein de la Yougoslavie ? Dans

 28   l'affirmative, nous aurions pu continuer à vivre à leurs côtés. Est-ce que

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  1   vous êtes conscient de cela ? De l'ambiguïté qu'il y a à assimiler la

  2   notion de vivre avec les Musulmans et de vivre sous leur domination.

  3   R.  Oui, j'ai eu cette référence lorsqu'un représentant serbe de Bosnie,

  4   lorsque je suis allé à Pale, m'a parlé de cela, et je ne parle pas de

  5   cohabitation ou de vivre sous la règle de l'un ou de l'autre. Mais je peux

  6   juste vous parler de ce que m'avait dit cette personne. Et lorsqu'on voit

  7   les passages qui ont été montrés ici et qui viennent de vos propres

  8   documents officiels des Serbes de Bosnie, je ne connais pas en tout cas de

  9   document qui déclare que vous étiez prêt à vivre sous la domination des

 10   Musulmans. Je ne comprends pas très bien ce que cela pourrait signifier

 11   d'ailleurs.

 12   Il y a toujours trois camps en Bosnie, les Musulmans de Bosnie, les Serbes

 13   de Bosnie et les Croates de Bosnie, donc je ne vois pas pourquoi on devrait

 14   dire que les Serbes de Bosnie étaient censés vivre sous la règle des

 15   Musulmans de Bosnie. Je ne comprends pas bien.

 16   Q.  Oui, mais est-ce que le document précédent que nous avons examiné ne

 17   vous suggère pas quand même, de façon assez claire, quel type de

 18   cohabitation sur un pied d'égalité nous attendait dans cet Etat ?

 19   R.  Si j'interprète le document qui est à l'écran, je pense qu'on ne parle

 20   ici que de la télévision et des problèmes de la télévision. Cela ne prend

 21   donc pas en compte la totalité de la vie en Bosnie. Cela parle uniquement

 22   des droits demandés pour avoir une chaîne de télévision distincte, et je

 23   comprends bien. Mais je ne pense pas que cela signifie que tout ceci doit

 24   être étendu à tous les aspects de la vie en Bosnie.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Sur cette question et sa

 26   réponse --

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- nous allons lever la séance pour

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  1   aujourd'hui. Nous reprendrons donc mercredi prochain à 9 heures du matin.

  2   [Le témoin quitte la barre]

  3   --- L'audience est levée à 13 heures 33 et reprendra le mercredi 26

  4   mai 2010, à 9 heures.

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