Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 27 mai 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Monsieur Karadzic, vous

  7   pouvez commencer ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas entendu.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, s'il vous plaît.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Merci.

 11   LE TÉMOIN : COLM DOYLE [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à toutes les

 14   personnes présentes.

 15   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Colonel.

 17   R.  Bonjour.

 18   Q.  J'aurais souhaité que nous examinions rapidement des documents qui ont

 19   été présentés par l'Accusation par votre intermédiaire. Je voudrais que

 20   l'on affiche le document 11036 de la liste 65 ter.

 21   Pendant que nous attendons l'affichage de ce document, dites-nous, Colonel,

 22   si vous aviez reçu des instructions vous enjoignant à une impartialité

 23   totale et au respect de toutes les trois parties ? Est-ce que c'était la

 24   position de vos supérieurs ?

 25   R.  Le principe de base du service au sein de l'Union européenne est de

 26   rester impartial et de ne montrer aucune subjectivité. Donc je répondrais

 27   par oui.

 28   Q.  Merci. Alors, nous avons ici à l'écran un rapport émanant de vous. Est-

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  1   ce que c'est votre écriture ?

  2   R.  Oui, en effet.

  3   Q.  Merci. C'est daté d'octobre, et ça couvre la période du 15 au 23

  4   octobre 1991, n'est-ce pas ?

  5   R.  Tout à fait.

  6   Q.  Nous voyons ici que votre équipe s'est rendue en visite à Banja Luka,

  7   Doboj, Gracanica, Derventa, Srbac, Bosanski Kobas, Slavonski Kobas,

  8   Bosanski Brod and Slavonski Brod; est-ce exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pouvons-nous avoir la dernière phrase figurant en bas de la première

 11   page. Il est devenu visible que les autorités croates instrumentalisent, et

 12   cetera -- est-ce que vous pourriez continuer peut-être de lire vous-même

 13   puisque c'est votre écriture ? C'est donc le passage que je viens de

 14   commencer à lire, "Il est devenu visible," et cetera.

 15   R.  Je pense que ça doit être un peu plus bas dans le texte.

 16   Q.  C'est en page 2. En fait, il nous faudrait le haut de la page. Et sur

 17   le bas de la première page, commençait la phrase par les mots : "Il est

 18   devenu visible que les autorités croates utilisent," et après je n'ai plus

 19   la suite. Est-ce que vous pourriez continuer à lire le haut de la page

 20   suivante. Est-ce que vous pourriez continuer à lire, s'il vous plaît. C'est

 21   de haine qu'il s'agit, "hatred," ou -- ah, contrôle ?

 22   R.  "Contrôle du pont et des ferry en tant qu'arme politique. Ensuite, il y

 23   a des observations générales de notre équipe. Nous étions bienvenus

 24   partout. L'impression générale était que l'Union européenne devait résoudre

 25   le problème politique. Les partis politiques ne se faisaient pas confiance,

 26   principalement les Croates et les Musulmans contre les Serbes, aucune

 27   partie ne souhaitait faire de compromis. Il y avait toujours référence

 28   constante au passé et une peur pratiquement hystérique de la part des

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  1   Serbes concernant la menace croate. Ce qui est contré par le fait que les

  2   Croates considèrent que les Serbes ne veulent que créer la Grande-Serbie,"

  3   et cetera.

  4   Q.  Pouvons-nous faire une pause à cet endroit. Je vais maintenant vous

  5   narrer brièvement comment pendant la Seconde Guerre mondiale on a justifié

  6   les crimes commis contre les pauvres et les paysans serbes. Il a été dit

  7   que la faute en revenait au roi Petar Karadjordjevic, et le prix en a été

  8   payé soi-disant par les paysans serbes.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je ne vois pas très

 10   bien quelle peut être la pertinence de tous vos commentaires. Posez une

 11   question uniquement.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, voilà la question :

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous considérez que cette peur d'une Grande-Serbie pouvait

 15   justifier les crimes commis contre les Serbes pauvres en Croatie et en

 16   Bosnie-Herzégovine ?

 17   R.  Mon rôle en tant que membre de l'Union européenne était d'observer, de

 18   faire rapport sur ce que j'avais vu et de relayer un peu les opinions des

 19   différentes parties en présence. Je n'étais pas là pour comparer qui que ce

 20   soit avec ce qui s'est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale. Je dois

 21   dire que c'est un handicap d'ailleurs, car chaque fois que l'on se

 22   réunissait avec qui que ce soit, tout le monde en revenait aux atrocités de

 23   la guerre, et je disais que pour arriver à aller de l'avant, il fallait

 24   oublier le passé et se concentrer sur ce qui s'était passé uniquement dans

 25   les années récentes. Donc en pratique, lorsque je rencontrais un parti

 26   politique, quel qu'il soit, soit en tant que directeur de la Mission des

 27   observateurs ou lorsque j'étais à Banja Luka, je leur disais : Ne me donnez

 28   pas de leçon d'histoire, je ne veux pas entendre parler de l'histoire. Je

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  1   n'en ai pas besoin.

  2   Donc je savais bien qu'on avait tendance à toujours revenir au passé, mais

  3   que ceci ne faisait pas avancer les choses, et je considérais même qu'on

  4   s'en servait comme une excuse pour ne pas faire avancer les choses.

  5   Donc oui, je sais parfaitement ce qui s'est passé au cours de la guerre, je

  6   suis au courant, mais je pense uniquement que cela n'a servi qu'à rendre

  7   notre travail encore plus difficile.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le compte rendu, il faudrait que le

  9   greffier d'audience puisse nous dire quelle est la cote de ce document.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document a été admis sous la cote

 11   P922.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Merci, Colonel. Est-ce qu'au point numéro 5, vous dites que les Croates

 15   à Slavonski Brod ont insisté pour dire qu'ils étaient en situation de

 16   guerre; est-ce exact ?

 17   R.  Oui, c'était l'impression que j'avais à l'époque. C'est ce qu'ils m'ont

 18   dit d'ailleurs lorsque j'ai rencontré le maire de la ville.

 19   Q.  Merci. Pourrions-nous maintenant avoir la page de ce même document qui

 20   se termine par les chiffres 062. C'est la cinquième page dans la pagination

 21   interne du document. Voilà.

 22   Donc vous vous êtes rendu également à Doboj. Vous avez rencontré là-bas

 23   trois personnes; est-ce exact ?

 24   R.  Oui. J'ai rencontré des membres de la JNA.

 25   Q.  Est-ce que vous notez que ce Hadzic Cazim, est-ce que vous saviez que

 26   cet individu était un Musulman ?

 27   R.  Non, je ne savais pas.

 28   Q.  Plus tard, vous avez reçu ces deux, Pavlovic et Hadzic, ensuite vous

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  1   avez eu des conversations d'une nature différente que celle que vous avez

  2   eue lorsqu'il y a eu une troisième personne présente. Est-ce que vous avez

  3   remarqué que lorsqu'ils se présentaient séparément, les Croates, les Serbes

  4   et les Musulmans avaient tendance à se calomnier les uns les autres, alors

  5   que leur comportement était différent lorsqu'ils étaient les uns en

  6   présence des autres ?

  7   R.  Je crois que vous devez m'expliquer plus avant à quoi vous faites

  8   référence, Monsieur Karadzic. Est-ce un rapport que j'aurais écrit ? Je

  9   vois ici un rapport qui date du 22 octobre, et il n'est fait mention

 10   d'aucun nom. Donc je ne comprends pas très bien votre question.

 11   Q.  Bien, ici, vous avez reçu à Doboj, non seulement des représentants des

 12   forces armées, mais également le président de la municipalité et des

 13   membres de l'assemblée en même temps que le commandant des forces armées

 14   sur place. Il est dit que l'adjoint du maire était également présent et

 15   qu'il y a eu des discussions. Est-ce que vous pourriez poursuivre la

 16   lecture, s'il vous plaît. Il y a quelque chose qui est barré, mais chez

 17   moi, ça ne l'est pas dans ma version.

 18   R.  Faites-vous référence au rapport du 22 octobre ?

 19   Q.  En effet. A ceci près que dans la version que j'ai sur papier, rien n'a

 20   été expurgé, alors qu'à l'écran je vois qu'il y a des noms qui ont été

 21   barrés. Je voulais simplement vous dire qu'ici vous avez reçu trois

 22   personnes. Vous aviez un entretien tout à fait correct, et vous avez parlé

 23   des réservistes. Est-ce que vous pourriez nous donner lecture de ce

 24   paragraphe, s'il vous plaît.

 25   R.  "J'ai rencontré le vice-président de la municipalité et les membres de

 26   l'assemblée avec le commandant de la garnison militaire." Les noms,

 27   ensuite, sont expurgés. "La discussion a été fructueuse, elle portait sur

 28   les craintes suscitées par les réservistes. Le commandant militaire suivait

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  1   les accords fédéraux officiels, mais il a été d'accord pour dire qu'il y

  2   avait de l'indiscipline au sein des réservistes et il a promis d'enquêter

  3   sur cela."

  4   Dois-je poursuivre ?

  5   Q.  Non, ce n'est pas la peine. Passons à la page suivante. Je souhaiterais

  6   que nous examinions le second paragraphe. Pourriez-vous en donner lecture

  7   là où il y a une mention faite de Bosanski Brod.

  8   R.  "J'ai rencontré le maire et les représentants officiels de Bosanski

  9   Brod et je les ai écoutés lorsqu'ils m'ont donné leurs opinions sur les

 10   effets de l'interdiction de passage du pont par les Croates. Et j'ai eu une

 11   discussion avec l'autre camp aussi. Il n'y a aucun progrès. Les Croates

 12   étaient intransigeants, extrêmement arrogants. Il est évident que le

 13   problème du pont est une arme politique qu'utilise la Croatie, et nous

 14   considérons que les avancements à propos de ce pont ne pourront pas se

 15   faire au niveau local."

 16   Q.  Merci. Pouvons-nous maintenant avoir la page suivante.

 17   Cette fois-ci, vous avez rencontré les trois dirigeants des trois groupes

 18   religieux, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, on voit que c'étaient les équipes 3 et 4, ce qui signifie que

 20   c'étaient les deux équipes de la MOCE qui étaient déployées à Banja Luka

 21   qui se sont retrouvées ensemble. C'était notre dernier effort à essayer

 22   d'avoir une réunion avec les trois partis politiques ensemble, et je me

 23   suis rendu compte là que les partis n'avaient plus rien en commun. Et nous

 24   avons décidé à partir de ce moment-là de ne rencontrer les partis que

 25   séparément et non plus conjointement.

 26   Q.  Merci. Ensuite, au milieu il est indiqué que : "A l'inverse. Il était

 27   visible que des divisions profondes ainsi que la déviance ne représentaient

 28   pas un terreau fertile pour l'obtention d'une solution pacifique."

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  1   Donc vous voyez qu'il y a une grande défiance qui règne, que les parties

  2   sont très divisées entre elles, et vous avez même prévu que cette défiance

  3   n'était pas propice à l'obtention d'une solution pacifique, n'est-ce pas ?

  4   R.  En effet.

  5   Q.  Merci. Pouvons-nous passer à la page suivante.

  6   Savez-vous qui habite dans la localité de Bosanski Kobas ?

  7   R.  Non, je n'en sais rien.

  8   Q.  A 90 %, je crois, c'était une localité peuplée de Musulmans, et elle se

  9   trouve à ce moment-là complètement encerclée par des Serbes, c'est-à-dire

 10   des villages serbes et des municipalités à forte majorité serbe, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  Lorsque je me suis rendu sur ces lieux, nous étions toujours avec un

 13   interprète qui traduisait tout ce qui nous était dit et, évidemment, comme

 14   je ne parle pas le serbo-croate, je faisais confiance à mon interprète.

 15   C'est un interprète qui nous avait été proposé par les représentants de

 16   Banja Luka. Donc je n'ai pu écrire ce que cet interprète m'a dit. Et

 17   évidemment, je pense qu'il me disait la vérité, mais si vous me dite que

 18   c'était l'inverse de ce qui est la vérité, ça veut dire qu'il me mentait,

 19   et il était Serbe.

 20   Q.  Pourquoi pensez-vous qu'il aurait pu ne pas dire la

 21   vérité ?

 22   R.  Vous êtes en train de me dire que c'était une communauté qui était

 23   pratiquement entièrement musulmane, or ici j'ai écrit qu'elle est à 98 %

 24   serbe. Je n'ai pu obtenir cette information que de ce que m'ont dit les

 25   gens là-bas ou alors c'est l'interprète qui a déformé les propos des

 26   personnes qui me parlaient.

 27   Q.  Peut-être ai-je manqué de précision. En tant que municipalité, Srbac

 28   est peuplée à plus de 90 % de Serbes, mais Bosanski Kobas, qui est un

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  1   village au bord du fleuve auquel vous avez rendu visite, est presque à 90 %

  2   peuplé de Musulmans. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

  3   R.  Non, je ne m'en souviens pas, mais puisque vous le dites, je vous

  4   crois.

  5   Q.  Merci. C'est quelque chose qui est facile de vérifier. Est-ce que vous

  6   pourriez nous donner lecture du deuxième paragraphe qui commence par les

  7   mots "the team," l'équipe ?

  8   R.  "L'équipe est passée le long de la frontière entre Srbac et Bosanski

  9   Kobas. Les gens de Kobas avaient les mêmes inquiétudes que les gens de

 10   Srbac. Le passage de la rivière était interdit par les Croates. Le ferry

 11   est taqué de l'autre côté de la rivière, et de plus, il est bourré

 12   d'explosifs. L'équipe a organisé une réunion avec les deux camps qui

 13   pourront traverser la rivière en bateau. L'équipe pourra rencontrer les

 14   officiels croates à Slavonski Brod lundi le 12 [comme interprété] octobre à

 15   14 heures pour parler du premier ferry."

 16   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que vous avez retrouvé les

 17   mêmes peurs que celles qui étaient présentes à Srbac, également à Bosanski

 18   Kobas à l'égard des Croates, c'est ce qui est écrit dans ce paragraphe,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  Une partie avait peur. Si je me souviens bien, je crois que le côté qui

 21   se trouvait en Bosnie avait plus peur que l'autre. Je pense que les Croates

 22   avaient une peur différente. Ils avaient peur, en fait, d'un avion ou

 23   d'avions, d'aéronefs, qui auraient survolé la zone. On n'a jamais rien vu,

 24   nous. Mais chaque fois que nous allions quelque part, tous les gens nous

 25   faisaient part de leurs craintes, de leurs inquiétudes pour leur propre

 26   communauté, et ceci s'appliquait aux trois communautés.

 27   Q.  Merci. Je souhaiterais indiquer ici une chose et vous demander ce que

 28   vous en pensez. Bosanski Kobas est peuplée presque à 100 % de Musulmans. La

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  1   localité se trouve encerclée totalement par des Serbes. Pendant toute la

  2   durée de la guerre, la situation y a été sûre, et ils n'avaient pas peur

  3   des Serbes, mais des Croates qui se trouvaient de l'autre côté du fleuve

  4   Sava, n'est-ce pas ? Ils ont participé à nos forces armées d'ailleurs.

  5   R.  Je n'ai pas une connaissance bien précise de la chose.

  6   Q.  Ils n'avaient pas peur des Serbes. Ils ne vous ont pas indiqué avoir

  7   peur des Serbes et des habitants de Srbac, mais plutôt des Croates qui

  8   habitaient de l'autre côté de la Sava.

  9   R.  Vous devez prendre ce rapport pour ce qu'il est, en fait. Je l'ai écrit

 10   suite à l'expérience que nous avons vécue en tant qu'équipe. Je ne me

 11   souviens pas de ce jour exact. J'étais à de nombreux endroits, à de

 12   nombreuses occasions, j'ai rencontré un grand nombre de personnes. Mais je

 13   pense vraiment que les rapports que j'ai écrits avec mon équipe reflètent

 14   vraiment l'opinion des gens à l'époque et leurs craintes.

 15   Q.  Merci. Pouvons-nous avoir la page suivante. La phrase dit à ce que je

 16   vois :

 17   "Ai rencontré le maire de Banja Luka, ensuite ai rendu visite à l'hôpital

 18   et au centre de contrôle des réfugiés. Rien à signaler."

 19   Est-ce que je puis vous demander pourquoi il n'y avait rien à signaler

 20   alors que vous avez vu tant de réfugiés ? Qui étaient ces réfugiés ?

 21   R.  Nous avions rencontré les différents dirigeants à Banja Luka avant ce

 22   rapport. Donc ce rapport a été rédigé, parce que vous avez demandé de

 23   visiter l'hôpital et le centre de réfugiés. Il y a sans doute eu des

 24   rapports qui ont été présentés par une autre équipe. Parce que lorsque nous

 25   étions cantonnés à Banja Luka, il y avait deux équipes qui étaient envoyées

 26   chacune dans des emplacements différents. Donc je pense que l'autre équipe

 27   avait fait rapport de ce qui se passait sur ce point.

 28   Q.  Mais ce que je voulais savoir, c'était qui étaient ces réfugiés que

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  1   vous avez vus ?

  2   R.  Je ne m'en souviens pas. Absolument pas.

  3   Q.  Si je vous dis qu'il s'agissait de Serbes originaires de Slavonie

  4   occidentale, est-ce que cela vous semble cohérent ?

  5   R.  Je ne peux vraiment pas faire de commentaires à ce propos, car je ne

  6   sais absolument pas d'où pouvaient venir ces réfugiés.

  7   Q.  Merci. Ce document a déjà été versé au dossier. Je souhaiterais que

  8   nous affichions la page suivante.

  9   Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, nous donner lecture du

 10   second paragraphe.

 11   R.  "On nous a dit que la région d'Ozren, entre Doboj et Petrovo Selo,

 12   avait maintenant été divisée en matière de communautés. Les Musulmans

 13   étaient séparés des Serbes, mis à part (dans le cadre du travail) par la

 14   rivière Spreca. Les Musulmans sont au nord et les Serbes au sud."

 15   Cela dit, avec tout le respect que je vous dois, si j'avais su que ces

 16   rapports referaient jour ainsi 18 ans après, j'aurais essayé d'écrire de

 17   façon plus correcte. J'en suis désolé.

 18   Dernière phrase.

 19   "Les membres serbes de l'assemblée ne sont pas sûrs du retrait."

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez comment se présente Ozren ? Vous

 21   rappelez peut-être la carte ? On va peut-être en afficher une. Un instant,

 22   s'il vous plaît.

 23   Il s'agit d'une carte représentant la composition ethnique de la Bosnie-

 24   Herzégovine. Il s'agit du document numéro 3 de ce classeur. Le numéro de

 25   page finissant par les chiffres 0701, et jusqu'à la page dont le numéro

 26   finit par les chiffres 0724.

 27   Je me demande comment nous pourrions la présenter, peut-être, ou l'afficher

 28   différemment ?

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'arrive pas à vous suivre, Monsieur

  2   Karadzic. A quel classeur faites-vous référence ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'une carte qui se trouve dans le

  4   classeur dans la liasse numéro 3, le fascicule numéro 3, qui a été composé

  5   spécialement à cet effet. Ce fascicule numéro 3 correspond au numéro ERN

  6   0701 à 0724.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le seul classeur que les Juges ont reçu

  8   est le classeur à l'égard de Sarajevo. Enfin, vous n'avez qu'à le présenter

  9   au témoin.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Peut-on placer cette carte sur le

 11   rétroprojecteur ?

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous pouvons vous fournir plus tard

 13   ce classeur, si vous voulez, Monsieur le Juge.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Colonel, est-ce que cette notion de "gerrymandering" vous est familière

 17   ?

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   Q.  Laissez-moi vous rappeler qu'il s'agit d'une manipulation des

 20   circonscriptions électorales que Jerry Mander avait inauguré aux Etats-Unis

 21   au 19e siècle afin de s'assurer la prévalence d'un parti minoritaire dans

 22   des élections tout simplement en redistribuant la carte électorale. Est-ce

 23   que ça vous dit quelque chose ? Est-ce que ça vous rappelle de quoi il

 24   s'agit ?

 25   R.  Tout à fait dans ce cas-là.

 26   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut avoir maintenant ce document sur le

 27   rétroprojecteur ? Pendant que cela s'affiche, je vais vous donner

 28   introduction, Colonel. Le reproche fait par la partie serbe a consisté à

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  1   dire que pendant toute cette période le pouvoir s'est livré à une

  2   manipulation de ces territoires où les Serbes étaient majoritaires de façon

  3   à ce qu'ils apparaissent partout minoritaires. Vous voyez, par exemple,

  4   qu'à Gracanica, il y a --

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] On doit poser des questions au

  6   témoin. Ce n'est pas à l'accusé de déposer.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet. Nous avons maintenant la carte

  8   à l'écran. Posez votre question, Monsieur Karadzic.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Colonel, est-ce que vous voyez Ozren sur cette carte, cet îlot de

 11   couleur bleue ?

 12   R.  Vous devez me le montrer cet endroit, parce que je ne le repère pas

 13   bien moi-même. Je n'arrive pas à le repérer sur cette carte.

 14   Q.  Vous voyez à gauche il y a Tesanj, en fait, c'est un îlot bleu entouré

 15   par la couleur verte, au sud de Doboj. Est-ce que vous pourriez -- non, on

 16   ne peut pas annoter cette carte.

 17   C'est entouré de Tesanj, Maglaj, Zavidovici, Gracanica, et Doboj.

 18   Est-ce que vous voyez maintenant cette partie ? Cela a la forme d'un

 19   hameçon.

 20   R.  Oui, je vois.

 21   Q.  Est-ce que vous voyez que cette zone est peuplée quasiment à 100 % de

 22   Serbes ? La couleur bleue indique une présence serbe, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous voyez ces lignes un peu plus épaisses qui indiquent les

 25   limites des municipalités ? Les lignes un peu moins épaisses indiquent les

 26   limites des villages, alors que les lignes épaisses marquent les frontières

 27   des municipalités.

 28   R.  Est-ce que vous parlez de cette zone ici ?

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  1   Q.  Je ne vois pas ce que vous êtes en train de montrer, mais il s'agit de

  2   la seule zone en bleu qui est complètement isolée. Non, non, pas du tout.

  3   Voilà, il faut remonter. Voilà. Remontez encore un petit peu, encore. Non,

  4   non. C'est une zone plus étendue, au nord-est de Maglaj.

  5   R.  Ici ?

  6   Q.  C'est une zone plus grande. Voilà. Là où vous étiez à l'instant, à

  7   l'est. A l'est. Encore à l'est. Encore un peu plus à l'est. Voilà, cette

  8   grande zone de couleur bleue. 

  9   R.  Très bien. Merci. J'ai trouvé.

 10   Q.  Donc c'est cela Ozren. Est-ce que vous voyez dans cet îlot bleu les

 11   lignes plus épaisses qui indiquent les limites des municipalités ?

 12   R.  Oui, au sein de cette zone bleue; c'est ça ?

 13   Q.  [aucune interprétation]

 14   R.  Oui, je vois.

 15   Q.  En effet. Est-ce que vous voyez qu'une partie d'Ozren fait, en fait,

 16   partie de Maglaj ?

 17   R.  Je vois la ville de Maglaj et je vois que la couleur est différente.

 18   Maglaj est dans une zone qui est en vert, alors que la zone qu'on a

 19   regardée précédemment était en bleu.

 20   Q.  Oui, mais la frontière municipale ne correspond pas à la frontière

 21   ethnique. Est-ce que vous voyez la ligne noire plus épaisse qui indique les

 22   frontières de la municipalité de Maglaj. Et ce qu'on peut voir, c'est

 23   qu'une bonne partie d'Ozren appartient à la municipalité de Maglaj ?

 24   R.  Je ne sais pas à quoi ressemblait cette carte précédemment. Puis-je

 25   dire quelque chose, Madame, Messieurs les Juges. L'un des problèmes

 26   principaux de la Mission des observateurs était d'essayer de trouver une

 27   carte de la composition ethnique de Bosnie qui aurait pu être acceptée par

 28   tous comme représentant une bonne fois pour toutes les municipalités

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  1   serbes, croates et bosniaques. Donc je me demandais toujours si je pouvais

  2   avoir une carte à laquelle on pouvait faire référence, mais ils n'étaient

  3   jamais d'accord sur les cartes. Les trois parties avaient chacun leurs

  4   problèmes. Nous avions une carte à la mission où les municipalités

  5   musulmanes étaient en vert; les Croates, en bleu; et les Serbes, en rouge.

  6   Lorsque j'ai utilisé cette carte, j'ai voulu l'utiliser, on m'a dit que ça

  7   n'allait pas parce que les gens n'y croyaient pas.

  8   Puisque cette carte aurait été rédigée par deux personnes qui, forcément,

  9   n'avaient pas été acceptées par la troisième partie. C'est vraiment le

 10   problème dans ce pays, personne n'était jamais d'accord sur la composition

 11   ethnique définitive des municipalités serbes, croates et musulmanes,

 12   principe général. Donc lorsque je regarde cette carte, je comprends bien ce

 13   que me dit M. Karadzic, mais je ne sais absolument pas à quoi ressemblait

 14   la carte avant ou après. Les gens, de toute façon, n'avaient qu'une chose

 15   en tête, c'était les cartes. Alors, nous, nous nous rendions dans les

 16   municipalités pour parler aux gens, et pas uniquement pour compulser des

 17   cartes.

 18   Q.  Merci. Colonel, c'est un institut tout à fait officiel de l'Etat qui a

 19   dressé cette carte et qui a indiqué les délimitations de chaque village,

 20   avec ces lignes plus fines. Et une fois ces délimitations indiquées, on a

 21   colorié de la couleur adéquate. Mais à Ozren, nous avons des lignes qui

 22   nous indiquent à quelles municipalités appartiennent les différentes

 23   parties. Donc ces villages appartiennent à la municipalité de Maglaj, dans

 24   la partie occidentale. Au sud, c'est rattaché à Zavidovici. Au sud-est, à

 25   Lukavica, et au nord-est, à Gracanica.

 26   Est-ce que vous voyez cette ligne plus épaisse qui court à travers la zone

 27   bleue et qui marque l'appartenance de tous ces différents villages, en

 28   fait, aux municipalités voisines, environnantes ? Les sièges de ces

Page 2808

  1   différentes municipalités sont en zone verte, donc ce sont des

  2   municipalités à majorité musulmane, Tesanj, Maglaj, Zavidovici. Je vais de

  3   l'ouest en est, Banovici, Lukavac, Gracanica.

  4   R.  Oui, je vois à quoi vous faites référence.

  5   Q.  Merci. Je voudrais maintenant vous dire que Petrovo Selo, à une

  6   certaine époque, avait été une municipalité, une municipalité serbe.

  7   Aujourd'hui, c'est de nouveau une municipalité serbe, mais à un moment

  8   donné, cette zone a été partagée entre différentes municipalités musulmanes

  9   voisines, si bien que les Serbes s'y sont retrouvés, dans chacune de ses

 10   municipalités, en minorité. Est-ce que vous voyez cela ?

 11   R.  Je ne le vois pas en regardant cette carte. Je vois juste une carte où

 12   il y a une mosaïque de couleurs, et vous, vous me donnez des informations à

 13   propos de cette carte. Mais je ne peux pas être d'accord ou pas d'accord

 14   avec vous. Je n'ai pas d'opinion à propos de cette carte.

 15   Q.  Très bien. Mais vous avez été à Petrovo Selo, n'est-ce

 16   pas ? Petrovo Selo se trouve au milieu de cette zone d'Ozren marquée en

 17   bleu.

 18   R.  Non. Je ne me souviens pas m'être rendu dans ce village. Dans mon

 19   rapport, j'ai dit qu'on nous a dit. Ce n'est pas que nous nous sommes

 20   rendus sur place. On nous a dit que la zone d'Ozren entre Doboj et

 21   Petrovici était sous le coup d'une division des communautés. C'est tout ce

 22   qui est dit. Je ne me souviens pas m'y être rendu, puisque je faisais

 23   rapport souvent des municipalités que j'avais visitées. Donc c'est mon

 24   rapport, certes, mais il n'est pas écrit noir sur blanc que je m'y suis

 25   rendu, juste qu'on m'a donné des informations à propos de cet endroit.

 26   Q.  Merci. Il est possible qu'il en ait été ainsi. Mais maintenant, ce que

 27   nous voyons, c'est qu'il y a une forte concentration des populations serbes

 28   qui, en fait, a été partagée entre les municipalités voisines. Ce que vous

Page 2809

  1   avez entendu dire et ce que vous avez consigné, c'est que maintenant il

  2   avait été décidé par eux qu'il fallait avoir une organisation municipale

  3   différente. Bien, Colonel, il s'agit là d'un élément dont vous auriez dû

  4   être informé, vous auriez dû être informé de la raison pour laquelle les

  5   Serbes exigeaient qu'on leur rende leurs anciennes municipalités. C'était

  6   parce qu'en tant que minorités au sein des municipalités voisines, ils

  7   étaient dans une position désavantageuse. Est-ce que quelqu'un vous a

  8   informé de cet élément ? Je vois que vous avez consigné qu'il y avait ce

  9   problème pour eux d'être une minorité.

 10   R.  Oui, en effet, dans toutes les réunions, ils en parlaient. Tous les

 11   partis exprimaient leurs préoccupations, nous les notions, ensuite nous les

 12   relayions. Puisque c'était notre rôle. Mais nous ne rentrions pas dans les

 13   détails. Si nous étions rentrés dans les détails, il nous aurait fallu

 14   avoir énormément de membres à notre disposition pour faire des enquêtes.

 15   Moi, ici, j'étais principalement pour relayer l'opinion des gens que je

 16   rencontrais.

 17   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que conformément à la constitution, ces

 18   communautés locales, ou plutôt, ces villages ont le droit de

 19   s'autodéterminer en faveur d'une organisation municipale différente,

 20   qu'elles ont le droit de sortir d'une municipalité pour constituer une

 21   municipalité nouvelle avec d'autres communautés locales ou villages

 22   voisins, ou bien de se rattacher à une autre municipalité ? Est-ce que vous

 23   étiez au fait de cette disposition constitutionnelle ?

 24   R.  Non, je ne la connaissais pas.

 25   Q.  Mais vous croyez ce que je vous dis, n'est-ce pas ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette question n'est absolument pas

 27   pertinente, Monsieur Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais que l'on relève au compte

Page 2810

  1   rendu d'audience que cette carte porte la cote 4250, dans le système

  2   électronique 4250 dans la liste 65 ter, donc je voudrais leur demander le

  3   versement, et nous aurons souvent l'occasion de nous appuyer sur cette

  4   carte.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.

  6   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pas d'objection.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pièce sera admise.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle recevra la cote D225.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Ce que nous avons maintenant à l'écran, Colonel, est-ce que cela nous

 11   dit qu'à Gracanica il y a une population de 60 000 habitants, à 73 %

 12   musulmane, à 23 % serbe et 4 % appartenant à d'autres communautés

 13   ethniques; est-ce bien cela ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci. Nous pouvons avancer. Page suivante.

 16   Vous voyez comment les choses se présentent à Gracanica. La page suivante

 17   qui se termine par les chiffres 068 pour ce qui est de son numéro.

 18   A Doboj, les noms ont été expurgés, donc je ne les citerai pas, mais il y a

 19   un Croate et un Musulman, et vous allez voir tout de suite que lorsque la

 20   troisième partie est absente, ils se retournent contre la JNA et ils vous

 21   donnent certains types d'information, celles qui leur conviennent. Les noms

 22   sont barrés, mais vous voyez qu'il n'y a pas de représentants ni de mention

 23   du SDS à aucun   moment ? Nous avons le SDA, le SDP, le Parti libéral, et

 24   encore une fois le SDA ?

 25   R.  Oui, je le vois.

 26   Q.  Est-ce que vous comprenez maintenant mieux pourquoi on se sent mal en

 27   tant que minorité lorsqu'on est dans un environnement intolérant et hostile

 28   ?

Page 2811

  1   R.  Non, ça je ne le vois pas. Tout ce que je vois c'est que les Serbes

  2   n'ont pas participé à cette réunion, et ils avaient sans doute décidé de ne

  3   pas venir, puisque nous avions annoncé à tous que nous nous rendions dans

  4   des régions bien précises et nous voulions parler à tous les partis en

  5   présence. Si une partie décide de ne pas venir, on l'admet, tant pis. Donc

  6   je ne peux pas dire que c'est parce qu'il n'y a pas de représentants serbes

  7   présents que cela signifie qu'ils sont maltraités. Je n'accepte pas cela.

  8   Q.  Oui, mais, Colonel, vous voyez que ce sont les postes des uns et des

  9   autres qui sont ici indiqués, président d'assemblée, président de

 10   municipalité, président du SDA. Donc il s'agit de postes officiels à

 11   l'échelon de la municipalité, mais en tout cas ces présidents de la

 12   municipalité ou du comité exécutif n'ont absolument aucun lien avec le SDS

 13   ni avec les Serbes. Par conséquent, nous avons ici un déséquilibre, n'est-

 14   ce pas ?

 15   R.  Non, au vu des participants ce jour-là, en effet, il semble qu'il n'y

 16   ait pas eu de représentant du SDS. Ça, je suis d'accord avec vous pour en

 17   convenir, mais je ne peux pas aller au-delà. Je ne peux rien ajouter.

 18   Q.  Si nous examinons votre journal, les dix ou 15 réunions dont il y est

 19   fait état, on voit qu'il n'y a pas de représentants du SDS et il n'y a même

 20   pas de représentants des Serbes. Il n'y a qu'une fois où vous avez

 21   rencontré les représentants des trois partis, mais pour l'essentiel, vous

 22   avez rencontré des Musulmans et des Croates. Alors, pouvons-nous voir la

 23   page suivante.

 24   Nous voyons ici que vous vous êtes rendu en visite à Manjaca, ainsi qu'au

 25   camp de réfugiés de Banja Luka, à l'évêché catholique ainsi qu'au mufti. En

 26   revanche, l'évêque serbe, vous ne lui avez pas rendu visite, n'est-ce pas ?

 27   R.  Non, absolument pas. J'ai dîné avec l'évêque serbe et son assistant. Il

 28   m'avait invité très spécialement, et j'ai été ravi de venir. Mais ce

Page 2812

  1   n'était pas cette semaine-là. Lorsque j'étais chef de la mission, la

  2   dernière cérémonie à laquelle j'ai assisté c'était un dîner avec l'évêque

  3   serbe de la région. Je me souviens très bien de cette personne, d'ailleurs

  4   j'ai des photographies de nous deux ensemble. Donc il était peut-être pas

  5   disponible cette semaine-là, mais sachez que je l'ai rencontré, et ce, à

  6   plus d'une reprise, et j'ai été ravi d'ailleurs de le rencontrer.

  7   Q.  Pouvons-nous faire défiler la page vers le bas pour voir la fin de ce

  8   deuxième paragraphe. Il y est dit :

  9   "Il y a également des incertitudes concernant le référendum qui doit se

 10   tenir du 8 au 10 novembre."

 11   Vous pensez ici au plébiscite serbe, n'est-ce pas ?

 12   R.  Désolé, je ne l'ai pas à l'écran. Je pense que ce n'est pas la bonne

 13   page qui est affichée.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet. Je crois que c'est plus haut.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Mais si, c'est la fin du second paragraphe. C'est la dernière phrase du

 17   second paragraphe.

 18   R.  Je l'ai trouvé.

 19   "Il y a aussi une grande incertitude à propos du référendum qui est prévu

 20   les 9 [comme interprété] et 10 novembre."

 21   Je pense que ceci doit faire référence au référendum organisé par la

 22   communauté serbe. Mais ceci n'est pas mon écriture, donc c'est sans doute

 23   un autre membre de l'équipe qui a écrit tout cela, ce qui ne signifie pas

 24   que je refuse le contenu de ce document.

 25   Q.  C'est possible, mais c'est vous qui avez signé. Alors, qu'est-ce que

 26   l'on entend par cette notion d'incertitude autour du référendum ?

 27   R.  J'imagine que les gens étaient inquiets, parce que les Serbes de Bosnie

 28   avaient organisé un référendum pour eux-mêmes, et ceci ne serait sans doute

Page 2813

  1   pas accepté pour les autres parties en présence. A mon avis, c'est ce que

  2   signifie cette phrase. En effet, nous étions très préoccupés des

  3   conséquences éventuelles de ce référendum. Les Serbes avaient déjà établi

  4   leur propre région autonome, ce qui était déjà une préoccupation. D'autres

  5   membres ne voulaient pas entrer dans cette région. D'ailleurs, il y a un de

  6   mes rapports qui le reflète. Donc tout événement de cette nature qui

  7   n'impliquait qu'un seul côté de la population créait énormément

  8   d'incertitude. Je pense que c'est tout à fait normal d'ailleurs.

  9   Q.  Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire que les Serbes eux aussi

 10   avaient de bonnes raisons d'être préoccupés, d'être tendus par rapport au

 11   référendum qui, fin février, avait été organisé par la communauté croate et

 12   la communauté musulmane ?

 13   R.  Oui, je suis d'accord.

 14   Q.  Vous comprenez finalement la tension et la préoccupation qui existaient

 15   de part et d'autre ?

 16   R.  En effet.

 17   Q.  Merci. Pouvons-nous avoir la page suivante.

 18    Nous voyons que vous vous êtes rendu à Banja Luka et vous avez rencontré

 19   l'imam et le dirigeant du SDA à Banja Luka. Est-ce que vous vous rappelez

 20   son nom ?

 21   R.  Je ne me souviens pas de son nom. Mais je vous rappelle que j'étais été

 22   pris en photographie avec lui. Donc je l'ai en photo, mais je ne me

 23   souviens pas de son nom.

 24   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il y avait 14 % de Musulmans

 25   à Banja Luka ? Acceptez-vous cette donnée qui est une donnée du recensement

 26   ?

 27   R.  Je ne vois pas pourquoi je ne serais pas d'accord avec vous.

 28   Q.  Le dernier paragraphe dit que vous avez continué à recevoir bon accueil

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  1   au sein des assemblées et de la part du public et qu'une grande attention

  2   vous a été accordée dans les médias.

  3   Alors, je voudrais cependant vous rappeler, Colonel, que ce président

  4   du SDA se nommait Krzic, Muhamed Krzic, je crois. Est-ce que ce nom vous

  5   est familier ?

  6   R.  Non, ce nom ne m'est pas familier.

  7   Q.  Les Musulmans étaient donc présents à Banja Luka et représentaient 14 %

  8   de la population. Je voudrais maintenant qu'on affiche dans le système

  9   électronique le document 1280. C'est un document 1D, je crois, n'est-ce pas

 10   ? 1D1280. Afin que vous puissiez voir ce que préparait ce M. Krzic à Banja

 11   Luka, c'est un document écrit de sa main. C'est la description d'une

 12   insurrection à Banja Luka, Banja Luka qui, à ce moment-là, était quand même

 13   éloignée des événements de la guerre d'une bonne centaine de kilomètres.

 14   Muharem Krzic, voilà.

 15   Est-ce que nous pourrions avoir la page suivante. La page suivante.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a dit que ce nom de

 19   Krzic ne lui disait rien. Donc il est inutile de lui donner lecture de ce

 20   document. Essayez de poser votre question de façon synthétique, et si le

 21   témoin ne sait pas ce dont vous parlez, passez à autre chose. C'est ainsi

 22   qu'il faut procéder.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que, Colonel, quiconque vous a informé que le SDA a Banja Luka,

 26   où les Musulmans représentaient 14 % de la population -- je vais

 27   reformuler. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que M. Radic, l'ex et

 28   maintenant défunt maire de Banja Luka, était une personne tout à fait

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  1   correcte qui prenait en compte les intérêts et les droits des Musulmans et

  2   des Croates à Banja Luka ? Je crois que vous l'avez rencontré, n'est-ce pas

  3   ?

  4   R.  Oui, j'ai rencontré le maire de Banja Luka. Je ne me souviens pas très

  5   bien de ce dont nous avons parlé, mais il est vrai que je l'ai rencontré.

  6   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que c'était un homme

  7   responsable qui prenait soin des droits des Musulmans et des Croates ?

  8   R.  Je ne peux pas répondre à cela car je n'en sais rien. Je me souviens

  9   avoir rencontré cette personne et je me souviens que c'était une personne

 10   volontaire, déterminée, mais au-delà je ne peux pas vous dire grand-chose.

 11   Nous habitions à Banja Luka, donc de ce fait, comme nous habitions dans la

 12   ville de Banja Luka, nous connaissions un petit peu les préoccupations qui

 13   régnaient dans la ville. Et ce qui nous inquiétait principalement c'était

 14   le comportement des réservistes. On les voyait dans l'hôtel le soir,

 15   c'était une de nos inquiétudes. Mais je ne me souviens pas des détails

 16   précis de ma réunion avec le maire.

 17   Q.  Merci. Saviez-vous que le SDA sous la direction de ce M. Krzic

 18   préparait une insurrection armée en pleine Banja Luka ? Ainsi que cela est

 19   écrit d'ailleurs dans ce document.

 20   R.  Non. Ça, je n'en sais rien.

 21   Q.  Merci. Nous demanderons le versement de ce document par l'intermédiaire

 22   d'un autre témoin. Dans ce cas, pouvons-nous avoir la page suivante. Page

 23   suivante, mais du document précédent.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez dire le rapport manuscrit,

 25   le P922; c'est cela ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Est-ce que nous pouvons voir la page 071.

 27   Nous avons ici la page dont le numéro se termine par 058.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 2816

  1   Q.  Colonel, il est écrit ici que vous avez reçu des plaintes portant sur

  2   le prix qui était demandé pour la location de locaux professionnels. Est-ce

  3   que vous voulez dire ici que ces prix n'augmentaient que pour les Musulmans

  4   à Banja Luka, alors que les Serbes, eux, pouvaient les obtenir et les louer

  5   à un prix plus avantageux ?

  6   R.  Ici on parle des loyers pour les locaux professionnels. Ce ne sont pas

  7   les prix de vente. Donc c'est une réunion que nous avions eue à Banja Luka,

  8   et c'était une des préoccupations qui nous avaient été relayées.

  9    Q.  Oui, c'est ce que j'avais en tête, le loyer. Est-ce que c'est quelque

 10   chose que vous avez compris comme le fait qu'il existait des

 11   discriminations en matières de prix, il y avait un prix pour les Musulmans

 12   et un autre pour les Serbes ?

 13   R.  Oui, c'est ce que j'avais cru comprendre dans le cadre de cette

 14   réunion.

 15   Q.  Est-ce que vous avez procédé à une vérification de cette information

 16   auprès des Serbes ? Auprès du maire ?

 17   R.  Non, je n'ai pas évoqué cette question auprès du maire et je n'ai pas

 18   fait une vérification.

 19   Q.  Merci. Pouvons-nous maintenant passer à la page dont le numéro se

 20   termine par les chiffres 075. Ceci dit, moi, à votre place, j'aurais

 21   procédé à une vérification. C'est une information de taille quand même pour

 22   laquelle j'affirme qu'elle était inexacte, et c'était une tentative de

 23   faire apparaître les choses de façon plus négative.

 24   Alors, pouvez-vous lire la partie qui commence par "informed us" ?

 25   R.  "Elles nous ont dit que leur plus grand problème était la pénurie de

 26   fuel et de médicaments. Nous avons suggéré qu'une autre équipe se rende --"

 27   là je n'arrive pas vraiment à lire ce qui est écrit. "Nous avons proposé

 28   que la deuxième équipe," parce qu'il y avait une deuxième équipe

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  1   d'observateurs, "en informe le maire."

  2   Comme je vous l'ai dit, la deuxième équipe de Banja Luka s'occupait

  3   principalement de la ville. C'était à eux de s'en occuper. Donc une équipe,

  4   parfois, remplaçait une autre équipe, certes. Et lorsque cette autre équipe

  5   nous a remplacés, nous avons proposé que cette autre équipe qui nous

  6   remplaçait évoque ce problème auprès du maire. Je pense que c'est ce dont

  7   il s'agit.

  8   Q.  Et à la phrase précédente, il semble être dit que le nombre de réfugiés

  9   et la situation générale sont devenus un problème pour la région. Il y a

 10   une pénurie de fuel et une pénurie de médicaments de ce fait; c'est bien

 11   cela ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ici, on parle du 28 octobre; c'est bien cela ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Bien.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je peux aider soit l'Accusation, soit le

 17   greffe. Il y a un grand nombre de documents qui ont tendance à émerger,

 18   mais sous différentes cotes, et de ce fait le dossier était extrêmement

 19   étoffé. Mais je passe ces documents, ils sont redondants, ça ne sert à

 20   rien.

 21   Puis-je maintenant avoir, s'il vous plaît, le document 21084 de la

 22   liste 65 ter à l'écran.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Merci. Le 27 novembre, vous avez une réunion avec le premier ministre;

 25   c'est bien cela ?

 26   R.  C'est mon premier jour en tant que chef de la Mission des observateurs.

 27   Q.  Bien. Mais le premier ministre n'a fait que proférer des injures, et

 28   ce, au profit de la République de Croatie et de la Communauté croate de

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  1   Bosnie-Herzégovine, qui n'a absolument rien dit, et qui représentait la

  2   position du gouvernement. Qu'en avez-vous à dire ?

  3   R.  Tout dépend de ce que vous voulez dire. Je ne vois pas de quoi vous

  4   parlez ici. J'ai fait rapport de ma réunion avec le premier ministre, et

  5   rien d'autre.

  6   Q.  Oui, mais enfin, vous auriez dû, en fait, avoir une réunion avec trois

  7   personnes, le premier ministre et les deux vice-premiers ministres. Parce

  8   que sachez que le premier ministre a donné son opinion qui ne reflétait

  9   absolument pas l'opinion du gouvernement. Le premier ministre est une

 10   personne, ce n'est pas un gouvernement. C'est le gouvernement qui est une

 11   institution.

 12   R.  Ecoutez, avec tout le respect que je vous dois, Monsieur Karadzic, si

 13   le chef d'une mission de surveillance doit rencontrer le premier ministre,

 14   il le rencontre à sa demande. Je ne vais pas demander à rencontrer ses

 15   adjoints aussi, parce qu'ils sont d'une autre appartenance ethnique. C'est

 16   un problème d'appartenance ethnique, et c'était ça le problème, en fait.

 17   Puisque personne ne se faisait confiance, lorsque les gens étaient

 18   d'appartenance ethnique différente. Je ne vois pas pourquoi je

 19   n'accepterais pas une proposition de rencontre avec un premier ministre.

 20   Q.  Ecoutez-moi, je ne vous attaque pas, j'attaque le premier ministre. Car

 21   je pense qu'il a abusé de son pouvoir et de sa position en tant que premier

 22   ministre. Il a fait comme s'il était une institution alors qu'il n'était

 23   qu'une personne. Il était là pour relayer la position du gouvernement, et

 24   non pas son opinion personnelle, et ce, en faisant semblant de représenter

 25   le gouvernement. Vous êtes d'accord ?

 26   R.  Je ne sais pas comment j'aurais pu faire autre chose que d'accepter de

 27   le rencontrer, c'est quand même le premier ministre. Je ne savais

 28   absolument pas de quoi on allait parler lors de la réunion, et dans ce

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  1   rapport, d'ailleurs, il est écrit que nous avons évoqué un certain nombre

  2   de problèmes, et c'est d'ailleurs lui qui a évoqué ces problèmes avec moi.

  3   Q.  Bien. Mais avez-vous remarqué par la suite que lorsque les gens

  4   voulaient vous rencontrer individuellement, ils ne vous racontaient pas les

  5   mêmes choses que lorsqu'ils étaient accompagnés des deux autres

  6   représentants des autres communautés ? Leur version était différente

  7   lorsqu'ils étaient seuls ?

  8   R.  Cela se peut, cela se peut. Je n'ai pas de preuve tangible de cela,

  9   mais je vois bien à quoi vous faites allusion. J'ai rencontré le premier

 10   ministre qui était Croate, ensuite j'ai rencontré son adjoint qui était

 11   Musulman, enfin, le vice-premier ministre qui était Musulman. Donc j'ai

 12   rencontré deux membres de deux communautés ethniques, et j'ai pu rencontrer

 13   ces deux personnes représentant deux communautés ethniques.

 14   Q.  Bien. Pourrions-nous avoir à l'écran maintenant la pièce 30320. Il

 15   s'agit d'une conversation interceptée.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voulez-vous verser ce document avant que

 17   nous voyions le premier ? Mais le greffier me dit qu'il a déjà été admis.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, ce document a été admis sous la cote

 19   P946, et c'était le numéro 11084 de la liste 65 ter.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le greffier d'audience pourrait-il

 23   répéter la cote du document précédent ?

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est le P946.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 946. Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Il s'agit d'une conversation interceptée entre Bozidar Vucurevic --

 28   non, je me trompe. Il s'agit de la pièce 30323. Je suis désolé, j'ai fait

Page 2821

  1   une erreur lorsque j'ai donné le numéro de la liste 65 ter.

  2   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la pièce 30323.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Colonel, vous voyez que mes conversations étaient interceptées, et

  6   d'ailleurs, mon nom de code était Latas. Vous le voyez ?

  7   R.  Oui, je vois bien que c'est le code qui est écrit ici.

  8   Q.  Savez-vous qui était ce Latas ?

  9   R.  Je n'en ai aucune idée.

 10   Q.  Il y a un roman d'Ivo Andric où Latas était un Serbe. Mais il est

 11   devenu Turc, il est devenu un grand Pasa, et les Sultans l'ont envoyé pour

 12   punir les Beys de Bosnie. Ça m'a fait rire quand j'ai vu qu'ils

 13   m'appelaient Latas, parce qu'ils considéraient que j'étais une personne

 14   envoyée -- enfin, d'Istanbul -- non, voire plutôt de Belgrade, et ce, pour

 15   punir les Beys de Bosnie. Pourrions-nous avoir la page 4, s'il vous plaît,

 16   de ce document ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, enfin, je ne vois pas en quoi cela

 18   concerne le témoin. Quelle est votre question ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais d'abord avoir la page 4 de ce

 20   document.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  M. Vucurevic, le maire de Trebinje, m'informe qu'ils ont un grand

 23   nombre de prisonniers. Vous étiez en contact avec ce M. Vucurevic, n'est-ce

 24   pas ? Et ici, une question pour vous, mais d'abord, un avertissement en ce

 25   qui concerne la traduction de ce document.

 26   Il est écrit ici, pour Radovan Karadzic qui parle : "Garde-les bien." Et on

 27   fait référence à 132 prisonniers parmi lesquels il y a certains étrangers.

 28   Saviez-vous qu'il y avait 132 prisonniers à Bileca, y compris des

Page 2822

  1   mercenaires étrangers ?

  2   R.  Non, je n'en savais rien.

  3   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur le fait que la traduction de ces

  4   conversations téléphoniques interceptées diverge énormément de l'original,

  5   et de ce fait il y a des erreurs. Il est écrit ici : "Keep them well,"

  6   "Garde-les bien," alors que j'ai plutôt dit : "Occupe-t'en bien." C'est ça

  7   qui est écrit, en fait, en bosnien.

  8   Je n'ai pas du tout dit : "Garde-les," mais "Occupe-t'en bien."

  9   Page suivante -- je l'ai trouvée.

 10   Il y a encore une erreur très importante. Il est écrit, ceci ne doit pas

 11   être rendu public, alors que j'ai dit, cela doit être rendu public. J'ai

 12   fait deux phrases positives, et dans la traduction on met une négative.

 13   Et vers la fin, il est écrit : "Oui, on verra demain. Nos forces

 14   approchent, ils arrivent de Konavlje et de Boka et de Zubac, ils sont

 15   proches. Demain, nos forces se rencontreront à l'entrée de Kupari et ici.

 16   Mais de quelles forces parle-t-on ici, fin octobre 1991 ?

 17   R.  Monsieur Karadzic, je n'arrive pas du tout à vous suivre.

 18   Q.  Monsieur Vucurevic, je fais référence à des forces qui seraient au sud

 19   de Trebinje près de Kupari, et je voulais vous demander la chose suivante :

 20   vous connaissiez la région, vous saviez ce qui s'y passait. Donc de quelles

 21   forces s'agit-il, à quelles forces fait-il référence lorsqu'il dit "nos

 22   forces" ?

 23   R.  Je n'en ai aucune idée.

 24   Q.  C'est l'armée populaire yougoslave ?

 25   R.  J'étais à Bileca pour rencontrer le général Strugar qui était

 26   commandant du 2e Groupe opérationnel et j'ai rencontré le maire le matin

 27   même. Et suite à cette réunion avec le général, il m'a dit qu'il avait

 28   pilonné Dubrovnik. Ce qui a fait l'objet d'ailleurs d'un autre procès ici.

Page 2823

  1   Il m'a dit qu'il l'avait fait, parce que certains membres de ses troupes au

  2   sein de la JNA étaient attaqués par les Croates. Voilà. C'est les seules

  3   références aux forces militaires dont on avait parlé. Des forces croates

  4   harcelaient la JNA qui était sous le commandement du général Strugar, il a

  5   décidé de riposter en représailles.

  6   Je savais que --

  7   Q.  De toute façon, nous verrons cela avec un autre témoin, ce n'est pas

  8   grave. Vous aviez beaucoup de choses à faire en 1992 vers Neum, n'est-ce

  9   pas ?

 10   R.  Oui, en effet. Je me suis rendu à Neum. J'étais assez inquiet de ce qui

 11   s'y passait, donc je m'y suis rendu. C'était en décembre 1991. Je suis

 12   retourné dans la région de Bileca avec le chef de la Mission des

 13   observateurs, l'ambassadeur portugais Salgado [phon], pour une réunion. Ça

 14   devait être vers le mois de février 1992. Mais il faudrait que je vérifie

 15   en regardant mes notes. Ce sont les deux seules occasions où je me suis

 16   rendu dans cette réunion. J'avais déjà été à Mostar parce que là aussi il y

 17   avait des problèmes.

 18   Q.  Merci. Pourrions-nous maintenant avoir la pièce 11039 de la liste 65

 19   ter à écran, qui correspond à la pièce 21076.

 20   Ce document est un rapport que vous avez signé. Vous avez probablement

 21   également rédigé ce rapport concernant la séance de l'assemblée du 24

 22   janvier 1992. Séance conjointe ou mixte. Et vous y décrivez que nous

 23   représentions une espèce de coulis, en tout cas, que c'était de la poudre

 24   aux yeux, ou une façade, et que par notre seule présence nous essayons de

 25   donner une apparence de légitimité à cette assemblée. Alors nous voyons

 26   maintenant les numéros qui correspondent à ces -- mais est-ce que vous vous

 27   rappelez de ce rapport ?

 28   R.  Oui, je m'en souviens.

Page 2824

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je note

  2   qu'il s'agit de la pièce P942.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Voyons maintenant la première page, vous dites, je cite :

  5   "La caractéristique principale ou le sujet principal, entre autres sujet

  6   discuté, était la question de savoir si un référendum national devait être

  7   organisé sur la question de la souveraineté, et dans l'affirmative, quelle

  8   devait être la formulation de ce référendum et la date à laquelle il se

  9   tiendrait."

 10   Est-ce que vous vous souvenez maintenant qu'il s'agissait de cette séance

 11   pendant laquelle nous avons accepté la proposition de Muhamed Cengic aux

 12   termes de laquelle il conviendrait de procéder à une régionalisation, et

 13   que dans ce cadre nous étions censés également organiser un référendum ?

 14   R.  Je me rappelle avoir rédigé ce rapport et avoir été présent lors de la

 15   session du parlement. Comme je l'ai indiqué précédemment, je ne parle pas

 16   le serbo-croate, je dépendais donc d'une interprétation des propos tenus et

 17   ceci est le rapport que j'ai rédigé ensuite une fois de retour dans mon

 18   quartier général.

 19   Q.  Est-ce que vous pourriez donner lecture, s'il vous plaît, de ces dix

 20   points qui apparaissent ici. Vous le ferez mieux que moi puisque vous avez

 21   rédigé ce texte.

 22   R.  Vous me pardonnerez parce que c'est très peu lisible. Mais on peut lire

 23   peut-être quand même premièrement, "si la Yougoslavie ne peut pas exister,

 24   dans ce cas-là, une Bosnie-Herzégovine non plus. Deuxièmement, nous ne

 25   permettrons pas que les Serbes soient mis en minorité."

 26   Ensuite, au point numéro 3, je n'arrive pas à lire les tout premiers

 27   mots.

 28   Quatrièmement, "la seule garantie possible pour les Serbes c'est un

Page 2825

  1   Etat serbe séparé en Bosnie-Herzégovine.

  2   "5. Ils ne croient pas que leurs droits pourront être protégés s'ils

  3   deviennent une minorité en Bosnie-Herzégovine.

  4   "6. Les Serbes n'accepteront pas d'être contraints à entrer dans une

  5   solution dont ils ne veulent pas.

  6   "7. Aucun référendum n'est possible en raison de ce qui s'est passé,

  7   de ce que les Serbes ont subi pendant la Deuxième Guerre mondiale."

  8   "8. "Le but du SDA, du parti musulman et la création d'un été islamique en

  9   Bosnie-Herzégovine.

 10   "9. Nous ne sommes pas contre un référendum où l'expression d'une libre

 11   volonté, mais nous sommes contre cela qui est proposé par le président.

 12   "10. Nous recommandons que le SDA et le HDZ continuent à procéder sans le

 13   SDS, puisque ce dernier a déjà organisé son propre plébiscite les 9 et 10

 14   novembre."

 15   Excusez-moi. C'est le mieux que je puisse faire.

 16   Q.  Merci. Donc notre position était que si la Yougoslavie était

 17   démantelée, la Bosnie-Herzégovine ne pouvait pas rester en l'état. Est-ce

 18   que vous saviez que la Bosnie-Herzégovine était qualifiée de Yougoslavie en

 19   miniature, modèle réduit de la Yougoslavie ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Merci. Pouvons-nous avoir maintenant la page suivante de votre rapport.

 22   Premier paragraphe, il est dit, "La concession." Est-ce que vous pourriez 

 23   nous donner lecture de cela, enfin, tout au début, il y avait --

 24   R.  Vous voulez dire sous l'intitulé "Commentaires" ?

 25   Q.  Non, non. Le début du premier paragraphe en haut de la page.

 26   R.  "Il y avait des pauses très longues afin de pouvoir examiner certaines

 27   questions. A 13 heures, il est apparu qu'un accord avait été trouvé, un

 28   document a été communiqué à tous les membres faisant état de la formulation

Page 2826

  1   pour le référendum. La concession consentie par le SDS correspondait aux

  2   termes de cet accord permettant un processus de régionalisation au bénéfice

  3   de chaque communauté ethnique. Quant à savoir ce que cela signifie

  4   exactement, ce n'était pas clair. Cependant, le président du SDS, M.

  5   Karadzic, a commencé à parler, ensuite c'est devenu clair que ce qui était

  6   prévu par le SDA et le HDZ n'était pas ce qui avait été compris par le SDS.

  7   Après une pause supplémentaire, le président d'assemblée a déclaré qu'aucun

  8   progrès n'avait été fait, une session a été conclue à ce moment-là et le

  9   SDS s'est retiré."

 10   Q.  Merci. Nous allons nous reporter sur ceci à un autre moment. Donc

 11   Muhamed Cengic a proposé quelque chose, nous l'avons accepté, après la

 12   pause eux-mêmes ils l'ont rejeté. Est-ce que vous pourriez maintenant nous

 13   donner lecture des commentaires.

 14   R.  Commentaires :

 15   "1. Il semble que pour le SDS, que bien qu'il ait accepté de participer à

 16   la session, ce n'ait été que pour donner le change et qu'il n'aurait pas

 17   soutenu ce référendum au prix de concessions déraisonnables.

 18   "2. Le SDS a une véritable obsession concernant le fait de devenir une

 19   minorité. Il est douteux que cela soit justifié.

 20   "3. Il est regrettable que la décision sur le référendum ait été d'un côté

 21   majoritaire mais n'ait pas reçu le soutien de tous. Ce fait sera utilisé

 22   par le SDS comme un argument contre la coordonnée à ce référendum.

 23   "4. Il n'est absolument pas certain que certains Serbes n'accepteraient pas

 24   de participer à ce référendum. Certains membres des partis d'opposition qui

 25   ont soutenu la motion représentent les Serbes. Il y a aussi chez certains

 26   Serbes le sentiment qu'une république souveraine et indépendante est

 27   inévitable."

 28   Q.  Colonel, pourquoi avez-vous qualifié ces concessions de déraisonnables

Page 2827

  1   alors que nous étions déjà en négociations avec l'ambassadeur Cutileiro

  2   dans cette phase, et qu'en fin de compte c'est bien ce qui nous a été

  3   proposé et ce qui a été retenu à

  4   Dayton ?

  5   R.  L'impression que j'ai eue - et vous devez encore une fois ne pas

  6   oublier que tout ce débat s'est fait en serbo-croate et que j'avais un

  7   interprète - mon impression, sur la base de cette interprétation, c'était

  8   que les Serbes de Bosnie ne voulaient pas que l'organisation de ce

  9   référendum se poursuive s'il n'y avait pas consensus à ce sujet. Une fois

 10   qu'une objection avait été soulevée par le SDS à ce sujet, en s'appuyant

 11   sur le principe du consensus, nous avons compris qu'il n'y aurait pas

 12   d'accord. Donc c'était la déduction que j'ai pu faire sur la base de ce que

 13   j'ai pu comprendre des débats.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons faire une pause de 20

 15   minutes.

 16   --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.

 17   --- L'audience est reprise à 10 heures 47.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Colonel, nous en étions restés à cette estimation qui était la vôtre,

 22   selon laquelle il se serait agi de concessions déraisonnables. Est-ce que

 23   vous considérez comme déraisonnable le fait que la Suisse soit dotée de

 24   cantons, cantons définis sur la base d'un découpage ethnique, ou plutôt,

 25   linguistique ?

 26   R.  Je ne suis pas expert en matière de système politique helvétique, mais

 27   je n'ai vraiment aucune connaissance spécifique à ce sujet. Je ne crois pas

 28   pouvoir formuler le moindre commentaire.

Page 2828

  1   Q.  Au numéro 2, vous dites, je cite : "La question de savoir si leurs

  2   peurs sont justifiées est pour le moins problématique." Mais étiez-vous au

  3   fait des positions exprimées par de nombreuses personnalités occidentales

  4   indiquant que ces peurs étaient

  5   justifiées ? Par exemple, Colin Powell et certaines autres personnalités

  6   ont indiqué que ces peurs étaient justifiées. Par exemple, Colin Powell,

  7   dans le "New York Times" du 19 septembre -- si nous pouvions peut-être

  8   placer ceci sur le rétroprojecteur, pour que le colonel puisse le voir

  9   aussi, pour qu'il puisse voir quelle était la position de la personne qui

 10   exerçait le commandement des forces armées des Etats-Unis.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que cela soit

 12   nécessaire. Le colonel est tout à fait en mesure de répondre à votre

 13   question.

 14   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En revanche, il ne revient pas au témoin

 16   de formuler des commentaires sur les propos tenus par d'autres. Si vous

 17   avez une question, veuillez la poser.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Colonel, est-ce que vous vous intéressiez également aux positions des

 20   principales personnalités du monde occidental, et est-ce que vous avez noté

 21   ces positions par rapport à cette question des peurs des Serbes, peurs au

 22   sujet desquelles vous avez dit qu'il était douteux qu'elles soient

 23   justifiées ? Est-ce que vous saviez que toutes ces autorités, toutes ces

 24   personnalités avaient déclaré que ces peurs étaient justifiées ?

 25   R.  Non, je n'avais pas connaissance de cela. Ce que je fournis ici, c'est

 26   ma propre évaluation fondée sur l'expérience qui était la mienne au moment

 27   où j'étais en mission en Bosnie. Ce que d'autres pouvaient penser à cet

 28   égard, cela les concerne. Mais cela n'affectait pas ma propre évaluation.

Page 2829

  1   Q.  Merci. Pouvons-nous avoir le document numéro 21075 de la liste 65 ter,

  2   s'il vous plaît. Pouvons-nous avoir la page suivante.

  3   Vous avez indiqué ici au point numéro 2 :

  4   "Le 13 octobre, le président Izetbegovic a proclamé la neutralité dans une

  5   déclaration unilatérale de sa part avant de demander l'accord des membres

  6   de la présidence (les deux membres serbes ont soulevé une objection). "

  7   Savez-vous que suite à cela, le président Izetbegovic a déclaré qu'il y

  8   avait peut-être eu infraction à certaines lois, mais qu'il y avait

  9   différentes catégories de lois, que tout cela était dynamique et qu'il y

 10   avait peut-être certaines lois qu'il convenait de ne pas prendre au pied de

 11   la lettre ?

 12   R.  Je ne me souviens pas de cela, mais je constate qu'en fonction de

 13   l'appartenance ethnique des uns et des autres, chacun avait sa propre

 14   interprétation de ce qu'étaient les règles. C'est le constat que j'ai pu

 15   faire pendant toute la durée de ma présence sur place.

 16   Q.  Mais est-ce que cela signifie que la constitution n'existait pas et

 17   est-ce que cela signifie que l'appartenance ethnique en fin de compte était

 18   plus importante que la constitution et que les obligations qui en

 19   découlaient ?

 20   R.  Non, pas nécessairement, mais si je puis simplement mettre en avant un

 21   élément, la dernière phrase du rapport que j'ai rédigé suite au référendum

 22   dont il était question lors de la séance de l'assemblée, cette phrase

 23   soulevait la préoccupation qui était la mienne par rapport à la décision

 24   prise au sujet de ce référendum et la question de savoir si elle était

 25   conforme ou non à la constitution, et c'est ce que j'ai dit hier également.

 26   J'ai essayé d'obtenir auprès des plus hautes personnalités du système

 27   judiciaire une position claire quant à ces différentes questions, question

 28   notamment de savoir ce qui était légal et ce qui n'était pas, et je n'ai

Page 2830

  1   pas pu obtenir une interprétation qui pourrait faire autorité. Donc il n'y

  2   avait pas de consensus apparemment quant à ce qui était conforme à la

  3   constitution et ce qui n'était pas, et dans un tel contexte pour la mission

  4   d'observation à la tête de laquelle je me trouvais, la situation était très

  5   difficile. Il était très difficile pour nous d'obtenir une position claire.

  6   Tout ce que nous pouvions faire c'était de coucher par écrit les

  7   préoccupations qui avaient été exprimées au sujet de ces différentes

  8   questions, et je crois m'être acquitté de cela.

  9   Q.  Merci. Je ne vous attaque en rien. J'essaie simplement d'apporter des

 10   précisions concernant certains points.

 11   Pour ce qui est de la neutralité, si la Grande-Bretagne était menacée

 12   et l'on venait à proclamer l'état de guerre ou bien la Bavière en tant

 13   qu'unité fédérale de la République fédérale allemande, est-ce que ces

 14   entités auraient la possibilité de proclamer leur neutralité ?

 15   R.  Du point de vue d'un autre Etat, ça dépendrait probablement de la façon

 16   dont cet Etat est organisé et constitué. Je ne suis pas un expert en la

 17   matière. D'ailleurs, je suis Irlandais, et donc en ce qui concerne les Iles

 18   britanniques, j'essaie toujours de rester un peu à l'écart.

 19   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Il me semble que c'est un

 20   point de vue assez sage, si vous me le permettez.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Mais vous vous permettez quand même de procéder à des évaluations. Au

 24   point suivant, vous dites :

 25   "Le 24 octobre," est-ce que vous pourriez peut-être lire cela, "le

 26   SDS a fait preuve de son incapacité à accepter une démocratie véritable en

 27   mettant en place un parlement interne afin de manifester son mécontentement

 28   --"

Page 2831

  1   R.  "Displeasure," mécontentement.

  2   Q.  "…leur mécontentement suite à la situation dans laquelle ils se sont

  3   retrouvés, à savoir ils ont été mis en minorité sur des points-clés ayant

  4   trait à la souveraineté."

  5   Est-ce que vous accepteriez le fait que les points cruciaux concernant la

  6   démocratie soient déterminés par la constitution ? Or, si nous avons une

  7   constitution dans le cadre de laquelle nous disposions d'un droit de veto,

  8   est-ce que c'était la preuve de notre incapacité d'accepter la démocratique

  9   à laquelle nous avons affaire là ou bien n'est-ce pas plutôt là preuve de

 10   l'incapacité de quelqu'un d'autre de respecter les conditions et les règles

 11   telles que la constitution en dispose ?

 12   R.  Oui, je serais assez d'accord avec cela, mais encore une fois, je tiens

 13   à dire que ce qui me préoccupait c'était de savoir exactement ce que

 14   stipulait la constitution. C'est la raison pour laquelle j'ai essayé

 15   d'obtenir des définitions, mais je ne suis jamais parvenu à recevoir une

 16   interprétation définitive. Voyez-vous, avec tout groupe de règles et de

 17   règlements, ils ne sont valables que s'ils sont acceptés par toute la

 18   communauté, mais là je ne savais pas exactement quelle partie avait quelle

 19   interprétation de la constitution. Et c'est la raison d'ailleurs des

 20   problèmes qui ont pu se poser en Bosnie.

 21   Q.  Merci. Je dois dire avec regret qu'au sein de la Communauté européenne,

 22   vous n'avez pas été bien préparé, car en février et mars 1991, les parties

 23   musulmanes et croates se sont efforcées d'obtenir une déclaration de

 24   souveraineté. Nous avons opposé notre veto et nous nous sommes adressés au

 25   conseil chargé d'étudier les questions liées à l'égalité ethnique. Le

 26   conseil a été empêché de faire son travail, et c'est la raison pour

 27   laquelle nous avons créé notre propre assemblée nationale. Savez-vous qu'il

 28   existait un conseil chargé de régler les questions et problèmes d'égalité

Page 2832

  1   ethnique et que nous y avions un droit de veto ?

  2   R.  Non, ça je ne savais pas.

  3   Q.  Soyez sûr que je ne vous attaque pas vous. J'attaque ceux qui vous ont

  4   si mal préparé à votre travail, car la dernière protection de la

  5   constitution était ce conseil auquel nous nous sommes adressés. Vous auriez

  6   dû savoir qu'il existait ce conseil chargé de l'égalité ethnique. Est-ce

  7   que vous conviendrez qu'en cas d'existence d'un tel conseil, qui était donc

  8   une espèce d'assemblée réunissant tous les groupes ethniques, nous avions

  9   le droit de prendre des contre-mesures au cas où ce conseil serait amené à

 10   disparaître ?

 11   R.  Je crains de devoir dire ici que tous ces rapports qui étaient envoyés

 12   à des autorités supérieures -- parce que, voyez-vous, l'Union européenne

 13   pour laquelle nous travaillons compte en son sein un certain nombre de

 14   personnes qui prennent des décisions. Ce sont ces personnes qui sont

 15   qualifiées. Et moi, mon rôle consistait à être sur place, à observer, à

 16   rendre compte, et j'ai fait au mieux de mes capacités et d'ailleurs même

 17   au-delà, dirais-je. Mais je ne serais pas surpris que le contenu des

 18   rapports envoyés par moi n'ait pas été examiné comme il se doit par les

 19   chefs des équipes qui dirigeaient les missions d'observateurs

 20   internationaux à Zagreb. Mais encore une fois, j'ai essayé de rendre compte

 21   le plus fidèlement possible de ce qui se passait sur le terrain, et il

 22   appartenait à ceux qui lisaient mes rapports de faire les recommandations

 23   nécessaires.

 24   Q.  Je vous remercie. Merci beaucoup. Cela me soulage beaucoup, parce que

 25   suite à tous ces rapports, la Communauté européenne a mis en place le plan

 26   Cutileiro, ce qui signifie qu'ils se sont bien rendu compte -- enfin, je

 27   dois vous présenter mes excuses, mais il apparaît qu'ils ont dû se rendre

 28   compte de la situation telle qu'elle était, et que nous avons fait ce qu'il

Page 2833

  1   fallait pour qu'ils soient amenés à nous proposer le plan Cutileiro. Savez-

  2   vous qu'il y avait un plan qui nous a été proposé par la Communauté

  3   européenne ?

  4   R.  Je sais qu'un plan a été mis en place par l'équipe dirigée par

  5   Cutileiro. Mais d'où est venu ce plan, je ne le sais pas. Je ne travaillais

  6   pas à ce niveau de responsabilité.

  7   Q.  Mais vous conviendrez que c'est dans le cadre de la conférence en

  8   Yougoslavie, de la sous-conférence sur la Bosnie-Herzégovine dirigée par

  9   Lord Carrington que cela s'est fait, et Lord Carrington l'a dirigée jusqu'à

 10   la fin de 1992, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Q.  Est-ce que vous avez eu connaissance des prémisses fondamentales de ce

 13   plan ?

 14   R.  Non. Ce plan date du 18 mars, et à ce moment-là, je dirigeais la

 15   Mission des observateurs. Je ne travaillais pas avec Lord Carrington. Donc

 16   je n'étais plus impliqué dans cela.

 17   Q.  Merci. Mais le 12 avril, pendant le cessez-le-feu que vous avez rendu

 18   possible et même que vous avez réussi à faire conclure par les parties, le

 19   cessez-le-feu de cette époque-là fait référence à ce plan et déclare que la

 20   conférence devrait poursuivre son travail et l'accélérer afin de parvenir

 21   à, et cetera, et cetera. Nous verrons ce document plus tard, le but étant

 22   de définir le territoire auquel s'appliquait le plan Cutileiro.

 23   Donc en fonction de vos rapports, la Communauté européenne en est arrivée à

 24   proposer le plan Cutileiro et a déclaré que nos droits étaient

 25   justifiables. Si nécessaire, nous pouvons faire afficher sur les écrans les

 26   documents pertinents. Je crois que l'Accusation est en possession de

 27   l'accord de Lisbonne, par exemple, du texte de cet accord. Mais si vous ne

 28   savez rien de ce plan, nous poserons ces questions à un autre que vous.

Page 2834

  1   Nous avons toujours à l'écran le document de tout à l'heure, n'est-ce pas,

  2   c'est bien cela. Je demande à présent l'affichage de la page 218, le numéro

  3   de page étant en bas de page. Donc en page 218, vous rendez comte de la

  4   création de la Bosnie-Herzégovine serbe.

  5   Là, ce que nous avons à l'écran c'est la page 19. Moi, je voudrais la page

  6   précédente, la page 218, et non 219.

  7   Nous lisons dans ce texte :

  8   "Sarajevo - l'assemblée de la nation serbe de Bosnie-Herzégovine a vérifié

  9   la nuit dernière les résultats du plébiscite mené auprès de la nation serbe

 10   dans cette république en date du 9 et 10 novembre."

 11   N'est-ce pas ? Donc ceci est perçu comme la réalisation de plébiscite nous

 12   concernant. Et il est dit un peu plus loin dans le texte qu'il y a 1 400

 13   000 Serbes et près de 40 000 représentants d'autres groupes ethniques, des

 14   Musulmans et Croates en particulier, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Au paragraphe 4, vous évoquez ceux qui ont été chargés par la

 17   municipalité pour mener des pourparlers avec d'autres entités, et nous

 18   lisons en deuxième phrase de ce paragraphe :

 19   "Durant les négociations, ils ont l'obligation de respecter les intérêts

 20   des deux autres nations et l'obligation de ne pas faire opposition, au cas

 21   où les Musulmans et Croates décideraient de créer un état conjoint

 22   distinct."

 23   Conviendrez-vous que ce que nous demandons ici c'est de voir nos droits

 24   reconnus au même titre que le droit des autres, et nous demandons que

 25   l'assemblée décide sur ce point comme elle l'a fait ce jour-là ?

 26   R.  Bien, ce document est arrivé en ma possession. Je ne me rappelle pas

 27   qui me l'a donné ou est-ce que je l'ai reçu dans des conditions très

 28   officielles ou pas, mais je sais que l'une des conséquences du résultat de

Page 2835

  1   ce plébiscite c'est qu'il est né une préoccupation très importante au sein

  2   de la présidence de Bosnie parce que des membres de la présidence me l'ont

  3   fait savoir, et quand je dis membres de la présidence, je ne parle pas de

  4   membres représentant le groupe ethnique serbe, mais en tout cas ils m'ont

  5   appris que le gouvernement estimait qu'il était en train de perdre le

  6   contrôle dans ces régions. Et je me suis rendu dans une ou deux de ces

  7   régions, et les gens avec qui je me suis entretenu qui n'étaient pas des

  8   Serbes étaient extrêmement anxieux, très nerveux, très apeurés, et le

  9   gouvernement collectif de Bosnie estimait qu'il était en train de perdre le

 10   pouvoir dans ces régions, ce qui pour lui était une source de préoccupation

 11   intense.

 12   Q.  Merci. Nous devrions avoir plus de temps pour discuter de ce point,

 13   pourquoi il a perdu le pouvoir qui était le sien et est-ce que le pays

 14   avait ou n'avait pas les attributs d'un véritable Etat. Mais nous devrons

 15   discuter de cela avec un autre que vous. Je demande l'affichage du document

 16   1138 sur les écrans.

 17   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : 11038.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte

 19   rendu d'audience, le document précédent a été admis au dossier en tant que

 20   pièce à conviction P919, et son numéro 65 ter était le 11038.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 11038.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc il s'agit du même document

 24   exactement que celui que nous venons de voir.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Apparemment, c'est le cas, Monsieur le

 26   Président.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est un doublon, mais quoi qu'il en soit,

 28   je demande l'affichage de la page 4 de ce document.

Page 2836

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Je cite G : "L'arrivée de près de 150 000 réfugiés."

  3   Parce que je ne sais pas si c'est vous qui signez ce texte, mais en tout

  4   cas l'auteur de ce texte estime que ces 150 000 réfugiés augmentent le

  5   niveau de tension et diminuent les opportunités existant en Bosnie-

  6   Herzégovine et qu'il y a en particulier un effet de cet afflux de réfugiés

  7   sur les réservistes, la politique de mobilisation, et cetera, et cetera.

  8   Alors, saviez-vous qui étaient ces 150 000 réfugiés ?

  9   R.  A ce moment-là, je ne le savais pas. Je devrais sans doute relire

 10   d'autres rapports, mais comme ça, de mémoire, je vous réponds non, je ne

 11   peux pas répondre à votre question.

 12   Q.  Mais il vous semble raisonnable que je vous dise que ces 150 000

 13   réfugiés étaient des Serbes qui résidaient en Croatie et qui s'étaient

 14   enfuis vers la Bosnie ?

 15   R.  Non, pas particulièrement. Je ne sais tout simplement pas. Mais cela

 16   aurait pu être le cas ce que vous dites, oui.

 17   Q.  Mais de qui aurait-il pu s'agir d'autres que de Serbes ?

 18   R.  Bien, il aurait pu s'agir de Musulmans qui, peut-être, auraient fui la

 19   région où eux habitaient. Je ne sais pas tout simplement.

 20   Q.  Dans le cadre de la Bosnie - et vérifions la date de rédaction de ce

 21   texte - ce texte date toujours de 1991, octobre 1991. Alors, en octobre

 22   1991, qui, en dehors des Serbes, aurait pu être réfugié en Bosnie ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Doyle, ce rapport porte la date

 24   du 20 février 2002.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est un rapport que j'ai établi, parce

 26   que le chef de mission venait en visite officielle et nous avions prévu une

 27   réunion avec les autorités politiques et les plus hauts responsables, donc

 28   on m'a demandé d'établir ce rapport afin d'informer au mieux le chef de la

Page 2837

  1   Mission de vérificateurs qui devait finalement venir. Il était Portugais,

  2   donc le rendez-vous devait être pris au début de l'année, en janvier de

  3   l'année suivante, mais finalement il a décidé de venir plus tôt, car il y

  4   avait eu une attaque contre la Mission des vérificateurs et cinq de mes

  5   collègues avaient été tués. Donc le voyage a finalement été repoussé à une

  6   date ultérieure.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je

  8   devrais dire que 2002 doit être remplacé par 1992. Donc le rapport porte la

  9   date du 20 février 1992.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Mais pouvez-vous nous dire s'agissant de la région qui avait été

 13   abandonnée par les Serbes, quelle est la région que les Serbes avaient fuie

 14   pour se rendre en Bosnie ?

 15   R.  Non, je ne sais pas, mais ce que je sais c'est qu'il y avait beaucoup

 16   d'habitants de Bosnie qui quittaient certaines régions. J'en ai déjà rendu

 17   compte précédemment. Par exemple, j'ai parlé de la situation à Banja Luka,

 18   où certains Musulmans étaient contraints, étant donné les loyers plus

 19   élevés et les problèmes qui se posaient dans l'éducation, de partir. Un

 20   groupe de Musulmans est venu me voir un soir à mon hôtel pour me dire

 21   qu'ils estimaient que les conditions devenaient particulièrement difficiles

 22   et qu'ils étaient sur le point de partir vers Sarajevo parce qu'ils ne se

 23   sentaient plus en sécurité à Banja Luka. Pour moi, il s'agissait de

 24   déplacement de population à l'intérieur d'un pays, donc on pouvait les

 25   appeler des réfugiés. Mais je ne saurais répondre à votre question quant à

 26   l'identité exacte des 150 000 réfugiés dont vous avez parlé. Je ne sais pas

 27   d'où ils venaient et je ne sais pas de qui il s'agissait exactement et s'il

 28   y avait quelque chose que j'aurais dû ou que j'aurais pu faire, admettons,

Page 2838

  1   mais je ne saurais répondre à votre question dans le détail ici

  2   aujourd'hui.

  3   Q.  Je vous remercie. Je vous dirais qu'il s'agissait de personnes

  4   déplacées, par exemple, des Serbes de Livno qui se sont enfuis au mois de

  5   mars. Donc il s'agissait de personnes déplacées. C'étaient des réfugiés qui

  6   s'enfuyaient vers une autre république.

  7   Je demande l'affichage de la page 4 de ce document, où il est question de

  8   ce que vous dites dans un de vos rapports au sujet de Mostar. Paragraphe 3.

  9   Alors, les trois derniers chiffres du numéro 65 ter sont 088. C'est celui-

 10   là que je voudrais voir afficher à l'écran, et pas le 085 qui s'affiche

 11   actuellement.

 12   Paragraphe 3 :

 13   "L'apparition du HOS dans le secteur à proximité des troupes de la JNA."

 14   Qui étaient ces forces du HOS qui se trouvaient tout près des troupes de la

 15   JNA et qui ont créé une tension ?

 16   R.  Je crois qu'il s'agissait de Croates, certains provenant d'Herzégovine

 17   occidentale et d'autres qui avaient traversé la frontière pour entrer en

 18   Bosnie à partir de la Croatie.

 19   Q.  Merci. J'espère que votre mémoire s'améliore, car hier vous ne saviez

 20   pas qui étaient les membres du HOS. Aujourd'hui, apparemment, vous le savez

 21   un peu mieux.

 22   R.  Oui. C'est seulement à la fin de mon audition d'hier que j'ai fait

 23   l'effort de me rappeler où j'avais déjà entendu ce sigle, et je me suis

 24   souvenu que je l'avais entendu en Herzégovine occidentale. Voilà pourquoi.

 25   Q.  Merci. Nous n'avons plus besoin de ce document.

 26   Je demande à présent l'affichage du document 65 ter numéro 11069 qui,

 27   normalement, devrait être identique au document 65 ter numéro 21078.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un numéro de pièce à conviction ?

Page 2839

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le document dont

  2   nous parlons n'a pas été admis au dossier --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Merci. C'est le document qui a été

  4   exclu par l'Accusation.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous poursuivre ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Ce document est un rapport établi par la mission que vous dirigiez en

 10   date du 8 mars 1992, et j'aimerais appeler votre attention sur la deuxième

 11   moitié du paragraphe qui se lit comme

 12   suit : "La JNA se voit elle-même comme une force," -- s'il vous plaît,

 13   pourriez-vous lire le texte vous-même. Vous connaissez sans doute mieux ce

 14   texte que quiconque ici.

 15   R.  "La JNA se voit elle-même comme une force de stabilité et de paix. Le

 16   maire et la communauté de Neum résisteront à toute tentative de la part de

 17   la JNA de pénétrer Neum, et ils se voient eux-mêmes comme un front en

 18   Herzégovine occidentale (des populations croates) au cas où la JNA

 19   déciderait d'entrer dans Neum."

 20   Q.  Je vous remercie. Et un peu plus bas, nous lisons, je vais en donner

 21   lecture moi-même :

 22   "Nous assistons sur le territoire de Neum à ce qui est une invasion de

 23   facto de la Bosnie-Herzégovine par l'armée de Croatie. Un grand nombre de

 24   soldats croates participent à cela, mais ils sont décrits par l'armée

 25   croate comme des --" je ne parviens plus à lire -- quelque chose de légal -

 26   -

 27   R.  Local, local.

 28   Q.  Quelque chose de ?

Page 2840

  1   R.  Local. Je crois que le mot que l'on doit lire ici est local. Dans la

  2   phrase :

  3   "En tant que forces de défense locales." Mais pourriez-vous continuez

  4   à lire, je vous prie.

  5   R.  "Un grand nombre de soldats croates participent à cela, mais ils sont

  6   décrits par l'armée en tant que forces de défense locales que l'armée de

  7   Croatie ne peut peut contrôler. Ces forces de défense locales (admises par

  8   l'armée de Croatie) sont organisées et conseillées par l'armée de Croatie.

  9   Elles utilisent des camions de l'armée de Croatie arborant des signes

 10   distinctifs militaires, et les hommes sont équipés de fusils, d'uniformes,

 11   de casques métalliques neufs et viennent au travail --" ou "devraient venir

 12   au travail tous les soirs à partir des secteurs de Neum et de Metkovic."

 13   Q.  Merci. Est-ce que ceci pourrait être la raison qui a suscité la

 14   préoccupation des Serbes dans la région avec ses habitants qui, pendant la

 15   Deuxième Guerre mondiale, ont été jetés dans des puits et n'ont été enterré

 16   qu'en 1991 dans la région en question ? Est-ce que ceci aurait pu être un

 17   motif de préoccupation, d'inquiétude, de crainte pour ceux qui vivaient

 18   dans les environs de Neum en Bosnie-Herzégovine ?

 19   R.  Oui, je serai d'accord sur ce point.

 20   Q.  D'accord. Très bien. J'aimerais que nous lisions maintenant le

 21   paragraphe suivant qui commence par les mots : "En dépit de l'armée de

 22   Croatie." Auriez-vous l'amabilité de lire ce passage ?

 23   R.  "En dépit des protestations de l'armée de Croatie indiquant que ces

 24   forces n'étaient pas sous son contrôle, nous voyons des éléments qui

 25   prouvent le contraire. Des observateurs de la Communauté européenne ont été

 26   bloqués par des gens qui, manifestement, dépendaient de l'armée de

 27   Croatie," avec des noms manifestement liés à l'armée de Croatie,  "sous la

 28   16e Brigade de Bosnie-Herzégovine en particulier et --"

Page 2841

  1   Q.  [aucune interprétation] 

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous entendons en ce moment

  5   l'interprétation française. J'espère que maintenant le problème technique

  6   est résolu. Vous pouvez poursuivre. En tout cas, vous comprendrez sans

  7   doute pourquoi il faut faire une pause entre les questions et les réponses.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me permettrais de vous dire que certains

  9   des renseignements que nous recevions nous étaient fournis par des membres

 10   de la Mission de vérification qui étaient basés en Croatie, c'est là

 11   qu'était le QG de la Mission de vérification, à Split, et donc ces

 12   représentants suivaient la situation à partir de la Croatie. C'est de là

 13   qu'ils suivaient la situation à la frontière, et les noms des commandants

 14   nous étaient donnés par ces représentants de la Mission de vérification

 15   basés en Croatie. Mais j'étais assez inquiet à ce moment-là pour rédiger le

 16   rapport que j'ai rédigé et que vous avez sous les yeux à l'instant, parce

 17   qu'il se passait des évolutions en Herzégovine occidentale qui étaient

 18   suffisamment graves à mes yeux pour justifier la rédaction d'un tel rapport

 19   au sujet de la situation en Herzégovine occidentale, et donc j'ai porté

 20   tout cela à l'attention de la présidence.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Merci. Est-ce que la Communauté européenne a averti la Croatie qu'elle

 23   devait retirer ses forces de Bosnie ?

 24   R.  Je n'ai aucune idée.

 25   Q.  Merci. Je demande maintenant l'affichage de la page suivante. Dans ce

 26   paragraphe, il est écrit que la JNA se comporte de façon correcte, que, par

 27   exemple, les soldats croates posent des questions aux habitants, qu'ils ne

 28   gênent personne, qu'ils ne constituent un obstacle pour personne. Mais au

Page 2842

  1   paragraphe suivant - et vous remercierais de bien vouloir en donner lecture

  2   - le paragraphe suivant qui commence par "par ailleurs."

  3   R.  "Par ailleurs, les forces croates menacent les villageois serbes de la

  4   région qui sont terrifiés. De vieilles femmes nous disent qu'elles dorment

  5   sur les collines la nuit et qu'il y a des tirs qui proviennent des villages

  6   croates contre leur village toute la nuit. Au moment où nous parlons, des

  7   tirs proviennent des collines qui se trouvent en Bosnie-Herzégovine de

  8   l'autre côté du front."

  9   Q.  Merci. Au paragraphe suivant encore, on lit que les civils serbes sont

 10   évacués, qu'ils prennent la fuite et que la JNA est furieuse de l'invasion

 11   que subie la Bosnie-Herzégovine :

 12   "La JNA a mis en position des chars et des forces d'infanterie au voisinage

 13   de la périphérie de la communauté locale de Neum. La JNA a répété à

 14   plusieurs reprises, comme l'a fait le commandant du 2e Corps d'armée et

 15   comme l'a fait également le commandant du 4e Corps d'armée, que l'armée de

 16   Croatie, si elle ne met pas un terme à son déplacement vers la Bosnie-

 17   Herzégovine, sera contrainte de le faire par les armes. L'armée de Croatie

 18   semble souhaiter que la JNA fasse ce qu'elle dit, c'est-à-dire qu'elle

 19   vienne au secours des habitants croates mis en danger dans la communauté

 20   locale de Neum."

 21   Est-ce que vous vous rappelez que jusqu'à une période récente, le président

 22   de Croatie, Stjepan Mesic, n'a cessé de dire que la guerre allait passer de

 23   Croatie en Bosnie-Herzégovine et que ceci améliorerait grandement la

 24   position de la Croatie, ou en tout cas la rendrait plus facile dans sa

 25   guerre contre la JNA ?

 26   R.  Non, je ne sais pas ce que disait à l'époque le président de la

 27   Croatie, mais comme je l'ai déjà dit, je savais ce qui se passait de façon

 28   générale sur le territoire de l'Herzégovine occidentale, et ceci m'a

Page 2843

  1   suffisamment inquiété pour que moi-même, je commence à enquêter, à établir

  2   des rapports et à les transmettre.

  3   Q.  Merci. Puis deuxième moitié du paragraphe suivant, je

  4   cite :

  5   "Ce mouvement de la JNA dans une zone de cessez-le-feu s'est

  6   poursuivi jusqu'à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine et jusqu'à des

  7   secteurs occupés normalement par les Corps de Titograd et d'Uzice. Il ne

  8   s'agit d'aucune violation de quoi que ce soit. La JNA estime qu'elle est

  9   plus tolérante que quiconque, mais qu'elle est arrivée au bout de sa

 10   patience."

 11   La partie croate est en train de négocier le mouvement des Corps

 12   d'Uzice et de Podgorica dans la zone de responsabilité qui est la sienne.

 13   Quant à votre observateur, il estime qu'il ne s'agit d'une violation de

 14   quoi que ce soit, car le corps d'armée est en train de faire manœuvre dans

 15   sa propre zone de responsabilité; c'est bien  cela ?

 16   R.  J'admets que ce corps d'armée faisait le devoir qui était le

 17   sien, mais encore une fois, je dirais que la plupart des informations que

 18   je recevais provenaient de la Mission des observateurs basée en Croatie, et

 19   pas de chez nous parce, qu'eux étaient davantage en mesure de suivre

 20   exactement ce qui était en train de se passer. Et quand je suis allé à

 21   Neum, je n'ai pas été particulièrement bien accueilli par les Croates qui

 22   habitaient là-bas.

 23   Q.  Une minute. J'aimerais savoir si ce document a déjà été versé au

 24   dossier ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ce cas-là, j'aimerais en demander le

 27   versement.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il sera versé.

Page 2844

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D226.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Pourrions-nous avoir maintenant la

  3   pièce 65 ter 11098 à l'écran et vérifiez si ce document a été versé au

  4   dossier ou non.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, en effet. Il a été déjà admis vous

  6   la cote P920.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Donc il s'agit d'un document qui est signé de votre main, et j'aimerais

 10   que vous nous confirmiez à nouveau que vous aviez un mandat qui était

 11   d'être parfaitement objectif, n'est-ce pas, vous n'étiez pas censé avoir de

 12   parti pris ?

 13   R.  En effet.

 14   Q.  Très bien. Paragraphe A :

 15   "La région d'Herzégovine occidentale est en grande tension depuis un bon

 16   moment, tel que c'est mentionné dans le rapport spécial présenté pour

 17   Zagreb, le 9 mars. Les régions de Neum, Capljina, Stolac, et Ljubinje ont

 18   une grande présence du HOS (forces paramilitaires croates). Il est

 19   apparent, à l'heure actuelle, que les autorités de Bosnie-Herzégovine ne

 20   contrôlent pas ce point, et ont choisi de ne pas s'y attaquer."

 21   Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que Ljubinje était une

 22   municipalité principalement serbe ?

 23   R.  Ecoutez, je n'en sais rien. Je n'en suis pas sûr. Cela dit, je n'ai

 24   aucune raison de ne pas vous croire, mais je n'en sais rien.

 25   Q.  Bien. Je dois dire que c'est une observation assez précise, en effet,

 26   les représentants officiels de Bosnie ne voulaient pas que l'on leur parle

 27   de ce problème, ils ne voulaient pas être gênés par les intimidations des

 28   civils serbes, en Bosnie-Herzégovine. Ils ne voulaient pas en parler.

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  1   Enfin, je poursuis avec le B :

  2   "Ces forces ont été vues dans les zones de Travnik (confirmé), et Bosanski

  3   Brod (non confirmé). Ces forces portent ouvertement des armes et portent

  4   des uniformes CA."

  5   Pouvez-vous nous confirmer que ces forces se sont rendues coupables d'un

  6   massacre, massacre de Serbes, le 3 mars ?

  7   R.  Ça, je n'en sais rien.

  8   Q.  Très bien. Maintenant, passons au paragraphe sur les SDA. Pouvez-vous

  9   en donner lecture.

 10   R.  "Il y a des rapports en grand nombre qui parlent de la présence de

 11   paramilitaires armés musulmans (Bérets verts). Nous devons vérifier ces

 12   informations, ainsi que les effectifs et les emplacements de ces troupes.

 13   Nous sommes convaincus qu'ils sont bel et bien armés, et équipés

 14   d'uniformes, et nous espérons obtenir plus d'informations sur ces forces."

 15   Q.  Je crains que cela n'ait pas été correctement interprété dans mes

 16   écouteurs. Vous dites que nous estimons qu'ils sont armés et munis

 17   d'uniformes. Nous espérons obtenir davantage d'éléments concernant ces

 18   forces."

 19   Pourquoi la Mission d'observation de la Communauté européenne se déclarait-

 20   elle satisfaite du fait que les groupes armés musulmans sont équipés et ont

 21   suivi une formation ?

 22   R.  Vous n'interprétez pas correctement cette phrase. Ce n'est pas qu'ils

 23   sont satisfaits, c'est qu'ils sont convaincus qu'ils sont armés. Donc ce

 24   n'est absolument pas le mot "satisfait" dans le sens "être content." C'est

 25   "satisfied" en anglais, qui veut dire "convaincu" en français. Nous savions

 26   très bien, nous étions convaincus donc qu'ils étaient armés, qu'ils avaient

 27   des armes et des uniformes.

 28   Q.  Il est écrit : "We are satisfied that --" Donc, très bien, c'est une

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  1   expression. Mais moi, ce qui m'intéressait, c'était de savoir si vous étiez

  2   satisfait au sens strict du fait qu'ils soient ainsi équipés. Est-ce que

  3   selon les sources musulmanes, il n'y avait pas environ 80 % des forces

  4   musulmanes qui, pendant toute l'année 1992, ont combattu en civil -- 75 à

  5   80 % d'entre eux, est-ce que vous disposez de cette information ? Parce que

  6   cela impliquerait que ce que vous avez pu voir ne représentait, tout au

  7   plus, que 20 % des forces armées musulmanes.

  8   R.  Je ne suis pas au courant de pourcentage de personnes en civil par

  9   rapport aux personnes en uniformes.

 10   Q.  Voyons maintenant, Colonel, les conclusions auxquelles vous êtes

 11   parvenu concernant les Serbes et le SDS :

 12   "La communauté serbe en Bosnie-Herzégovine possède énormément, ce qui est

 13   évident au vu des forces déployées dans les barricades qui se trouvent dans

 14   et autour de Sarajevo, le 2 mars. Et nous le savons aussi par le biais des

 15   enquêtes effectuées au sein des municipalités par nos équipes. C'était, à

 16   ce moment-là le dirigeant du parti du SDS, M. Karadzic, et toujours escorté

 17   par un grand nombre de gardes du corps lourdement armés. Le comité de Crise

 18   du parti du SDS se trouve dans l'hôtel Holiday Inn. Les membres du comité

 19   portent ouvertement des armes, ce qui inquiète les membres de la

 20   représentation des Nations Unies qui se trouvent, eux aussi, au Holiday

 21   Inn."

 22   Vous conviendrez que l'escorte dont je disposais -- enfin, nous avons

 23   éclairci -- nous avons précisé ce point, c'était une escorte qui m'avait

 24   été attribuée par la police, parce qu'il y avait une tentative d'assassinat

 25   visant le ministre Ostojic. Mais est-ce qu'on peut conclure de ceci que les

 26   Serbes ne disposaient pas d'unités armées, et qu'il était impossible de

 27   citer le nom de la moindre formation paramilitaire serbe, n'est-ce pas

 28   exact ?

Page 2848

  1   R.  Ce que j'essaie de dire, en fait, c'est qu'il y a un grand nombre de

  2   rapports que nous recevions et qui montraient que les Serbes de Bosnie

  3   étaient armés, de plus en plus armés, et la plupart d'entre eux n'étaient

  4   pas en uniforme. Donc on n'avait pas l'impression qu'ils faisaient partie

  5   d'unités organisées. Et ceci est devenu de plus en plus évident lorsque

  6   l'armée de la JNA, l'armée fédérale s'est retirée de Croatie, et que

  7   l'armée des Serbes de Bosnie a commencé à s'organiser. Et j'ai vu moi-même

  8   le nombre d'armes portés par les Serbes lorsqu'ils tenaient les barricades

  9   en ville. J'ai d'ailleurs essuyé des tirs venant de ces barricades, lorsque

 10   j'ai essayé d'évacuer les observateurs de l'Union européenne qui

 11   surveillaient le référendum. De toute façon, je ne faisais que relater ce

 12   que j'avais vu.

 13   Q.  Merci. Je souhaiterais vous rappeler que la partie serbe soutenait la

 14   JNA, et qu'elle a répondu à l'appel à la mobilisation, elle a reçu des

 15   armes, les a tenues sous bonne garde, et les membres concernés les

 16   emmenaient chez eux conformément à la doctrine de la Défense populaire

 17   généralisée de Tito, mais est-ce que vous n'êtes pas d'accord pour dire

 18   qu'on peut aligner le nom d'un certain nombre de formations paramilitaires

 19   croates, tout comme musulmanes, mais qu'on ne peut absolument pas faire la

 20   même chose pour des formations paramilitaires serbes parce qu'il n'y en

 21   avait pas ?

 22   R.  Je ne sais pas si ça existait ou non. Je n'ai pas vu d'unités

 23   militaires des Serbes de Bosnie organisées en tant qu'unités militaires. Ce

 24   qui ne signifie pas qu'il y avait pas énormément de Serbes de Bosnie qui

 25   arboraient des armes ouvertement et qui en portaient aussi. Ça, je tiens à

 26   le dire, je l'ai vu le 1er et le

 27   2 mars.

 28   Q.  Mais ce que je souhaite savoir : c'était que la communauté serbe

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  1   s'était focalisée sur la JNA et qu'elle ne disposait pas de ses propres

  2   formations paramilitaires, mais maintenant, si on ne peut pas isoler leurs

  3   noms et les mettre en avant, je pensais qu'on pouvait conclure qu'il n'y en

  4   avait pas. Mais voyez maintenant la suite au point B :

  5   --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une minute, Monsieur Karadzic. Avez-vous

  7   un commentaire à faire à ce sujet, Monsieur le Témoin ? C'est le but quand

  8   même.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai aucun commentaire à faire sur ce

 10   point.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, poursuivez,

 12   Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  La dernière partie, je cite :

 16   "Cette recrudescence de tensions annonce, à notre sens, le résultat -

 17   - ou plutôt se manifeste par le manque de progrès obtenus au cours des

 18   pourparlers tenus sous l'égide de [inaudible]; et les incertitudes dans

 19   lesquelles l'on se trouve quant à la question de savoir si l'indépendance

 20   sera reconnue ou non."

 21   Colonel, est-ce que vous avez appris plus tard les positions d'un grand

 22   nombre de personnalités occidentales consistant à dire que la

 23   reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine avait été une erreur monumentale de

 24   la communauté internationale ?

 25   R.  Le seul commentaire que je pourrais faire à ce propos, c'est que

 26   lorsque la conférence de paix a été créée, mise en place, elle l'a été à

 27   trois conditions. Tout d'abord, il y aurait un cessez-le-feu. Deuxièmement,

 28   il n'y aurait aucune modification de frontière, à moins que toutes les

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  1   républiques en conviennent; et troisièmement, qu'il n'y ait aucune

  2   reconnaissance d'une république à moins que ceci ait été négocié au

  3   préalable. Lord Carrington lui-même était extrêmement inquiet lorsqu'une

  4   des républiques a été reconnue, car c'était une reconnaissance qui se

  5   faisait en dehors du mandat de la mission de paix ou de la conférence de la

  6   Communauté européenne sur la Yougoslavie. Donc il se peut, qu'en fait, les

  7   hommes politiques en Europe aient fait des choses qui soient bien

  8   différentes de la façon dont Lord Carrington interprétait le mandat qui lui

  9   avait été donné. Ceci dit, tout ceci est bien au-dessus de ma compétence.

 10   Q.  Je ne vous attaque en rien et je ne recherche pas les erreurs qui

 11   auraient pu être les vôtres. J'essaie d'obtenir votre éclairage. Je

 12   voudrais maintenant donner lecture de ce que James Bissett a dit à ce

 13   sujet, l'ambassadeur du Canada en Yougoslavie de 1990 à 1992, lors d'une

 14   audition au congrès :

 15   "J'ai été témoin de première main en ma qualité de diplomate de

 16   l'incapacité des diplomates occidentaux et la maladresse dont ils ont fait

 17   preuve suite à l'effondrement de la Yougoslavie, ce qui a contribué à un

 18   véritable bain de sang et à l'explosion de violence qui a suivi le

 19   démantèlement de cet Etat. Voici quelques exemples : la reconnaissance

 20   prématurée de la Croatie sans avoir obtenu le moindre garantie du respect

 21   des droits civils et des droits de l'homme de la population serbe était un

 22   facteur considérable dans l'éclatement de la guerre civile compte tenu des

 23   événements survenus lors de la Seconde Guerre mondiale.

 24   "Deuxièmement, les encouragements donnés à Alija Izetbegovic pour qu'il ne

 25   signe pas l'accord dit de Lisbonne et pour qu'il poursuive la tenue de ce

 26   référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine étaient, comme tout

 27   un chacun pouvait s'en rendre compte, une impasse qui ne pouvait que

 28   conduire à la mort et au déplacement de millier de personnes."

Page 2851

  1   Colonel, est-ce que ces évaluations vous semblent être celles d'une

  2   personne bien placée pour tenir de tels propos ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de répondre, Monsieur le Témoin.

  4   Je donne la parole à Mme Uertz-Retzlaff.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ça suffit. Nous avons entendu un

  6   grand nombre de commentaires de la part du Dr Karadzic, et le témoin a

  7   essayé de commenter. Mais maintenant, lorsqu'on lui demande quelles sont

  8   les interprétations à donner au courant mots d'hommes politiques dans le

  9   monde entier, le témoin a dit ce qu'il en sait et ne peut pas dire grand-

 10   chose de plus. Cela n'aide en rien la Chambre de première instance.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre de première instance est

 13   parfaitement d'accord avec ce que vient de nous dire Mme le Procureur.

 14   Sachez que vous avez totalement épuisé ce sujet. Ne vous acharnez plus sur

 15   ce sujet et passez à autre chose.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je simplement donner lecture au colonel

 17   d'une brève déclaration du général Powell portant sur les peurs au sujet

 18   desquelles le colonel lui-même s'était interrogé ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Dans ce cas-là, nous procéderons avec un

 21   autre témoin.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Colonel, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que si la communauté

 24   internationale a commis de nombreuses erreurs en reconnaissant certaines

 25   républiques, est-ce que vous ne seriez pas d'accord pour dire qu'il

 26   conviendrait pour la communauté internationale de corriger ces erreurs ?

 27   R.  Je pense que malheureusement on tire souvent les enseignements d'un

 28   fait qu'après que ce fait ait eu lieu, ce qui ne change pas la réalité

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  1   malheureusement. Je savais bien qu'il y avait énormément de divergences

  2   d'opinion entre les membres de l'Union européenne quant à savoir comment

  3   traiter le problème des républiques de l'ex-Yougoslavie, et tout dépendant

  4   de la présidence de l'Union européenne. Chaque fois qu'il y avait un

  5   président, on changeait d'opinion malheureusement, mais je ne veux pas

  6   aller beaucoup plus loin que cela.

  7   Q.  Merci. Le document précédent a déjà été versé en tant que document de

  8   l'Accusation, n'est-ce pas ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avoir le document 06220 de la

 11   liste 65 ter à l'écran. Il s'agit de la Résolution 749 du 7 avril 1992.

 12   Vous n'étiez pas sur place, mais c'est une résolution prise à New York en

 13   tout état de cause.

 14   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ce que nous voyons ici, ce qui

 15   est dit : "Le secrétaire général, reconnaissant les progrès faits --"

 16   enfin, "le secrétaire général et toutes les parties tiennent à ce que le

 17   cessez-le-feu soit maintenu et stabilisé." Est-ce que vous êtes d'accord

 18   qu'il est fait mention ici à toutes les parties.

 19   R.  Oui, je le vois.

 20   Q.  Pouvons-nous avoir la page suivante. C'est au point

 21   numéro 6 :

 22   "Le secrétaire général, en appel à toutes les parties ainsi qu'aux autres

 23   concernées en Bosnie-Herzégovine, appelle à la coopération entre toutes ces

 24   parties de concert avec la Communauté européenne et les efforts qu'elle

 25   déploie afin qu'elle vienne à un accord de cessez-le-feu et une solution

 26   politique négociée."

 27   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cette solution politique

 28   recherchée par la Communauté européenne reçoit le soutien plein et entier

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  1   du Conseil de sécurité ?

  2   R.  Oui, j'admets parfaitement la teneur de cette résolution.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ceci a bien été adopté ?

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, ça n'a pas été admis.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, il sera

  6   admis.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D227.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant avoir le document 9276

  9   de la liste 65 ter, s'il vous plaît. Et je crois que ce document a déjà été

 10   versé comme P947. C'est un document qui vous sera certainement familier

 11   puisque vous l'avez élaboré. C'est un accord de cessez-le-feu obtenu le 12

 12   avril à Sarajevo. Je me trouvais moi-même à Ilidza, à l'hôtel Bosna, où

 13   vous vous trouviez vous-même, et donc en votre présence, ainsi qu'en

 14   présence de l'ambassadeur Cutileiro et peut-être également de Lord

 15   Carrington, il ne devait pas être bien loin.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Donc est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il s'agit là de

 18   l'accord qui devait être appliqué à partir de minuit dimanche 12 avril.

 19   C'est bien ce que dit le premier point, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire également qu'au quatrième

 22   paragraphe, nous avons une disposition qui indique qu'il faut :

 23   "Démanteler toutes les formations armées irrégulières en conformité

 24   avec le planning qui a fait l'objet d'un accord."

 25   Est-ce que vous en convenez ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce qu'à votre avis, les Bérets verts et le HOS constituaient des

 28   formations armées ou des unités armées  irrégulières ?

Page 2854

  1   R.  Bien, à ce moment-là, ils ne faisaient pas partie de l'armée fédérale

  2   officielle de l'ex-Yougoslavie, qui était la JNA. Donc toutes forces en

  3   dehors de la JNA, d'après moi, étaient des paramilitaires, qu'ils soient

  4   Serbes, Croates ou Musulmans. Donc il s'agissait, pour toutes, de

  5   formations armées irrégulières, qu'ils soient Croates, Serbes ou Musulmans,

  6   et c'est à ceci qu'on fait allusion d'ailleurs ici.

  7   Q.  Mais comment s'appelaient les unités irrégulières serbes ?

  8   R.  Bien, nous n'avions pas -- je crois qu'à ce moment-là il n'y avait pas

  9   encore d'unités organisées. Mais tout le monde avait une arme, il y avait

 10   des armes partout, surtout chez les Serbes de Bosnie. Donc nous

 11   considérions que ces personnes faisaient partie d'une organisation qui

 12   avait accès à des armes, qui utilisaient leurs armes puisque cela était

 13   montré lorsqu'ils tenaient les barricades. Et chaque fois qu'on a essayé de

 14   négocier le passage au point de contrôle pour essayer de ramener les

 15   observateurs de l'Union européenne à l'aéroport, ça m'a pris trois heures

 16   pour faire 4 kilomètres et j'ai dû négocier mon passage au travers de huit

 17   points de contrôle tenus par des Serbes de Bosnie en armes. Alors, si vous

 18   voulez les appeler unités, tant mieux. A mon avis, c'est une façon de

 19   parler. En tout cas, organisés, les Serbes de Bosnie étaient organisés --

 20   enfin, on ne peut pas en parler comme étant une force militaire. Il

 21   s'agissait, en fait, de civils armés. Donc c'était peut-être une façon de

 22   parler. Tout dépend de comment vous voulez les appeler.

 23   Q.  Vous allez voir maintenant que ce n'était pas le cas. Est-ce que vous

 24   savez qu'aux termes de notre législation, la Défense territoriale était

 25   présente dans chaque municipalité et que le président de la municipalité

 26   jouait également le rôle de chef de la Défense pour la municipalité en

 27   question ?

 28   R.  Oui, oui, je suis au courant de cela.

Page 2855

  1   Q.  Est-ce que vous savez également que cette Défense territoriale est

  2   soumise au contrôle et au commandement de la JNA et qu'elle est responsable

  3   devant la JNA ?

  4   R.  Oui, je m'en suis rendu compte lorsque j'étais du côté de Banja Luka.

  5   Q.  Colonel, êtes-vous au courant de l'existence d'une seule formation

  6   paramilitaire serbe en dehors de la Défense territoriale de chaque

  7   municipalité, et d'ailleurs chaque entreprise disposait de ses propres

  8   armes et de sa propre Défense territoriale, mais en dehors de cela, est-ce

  9   que vous êtes au courant de l'existence de la moindre formation

 10   paramilitaire serbe qui aurait été soumise à la JNA ?

 11   R.  Lors de mon séjour en Bosnie, nous avons eu beaucoup de mal à faire le

 12   distinguo - et j'en ai déjà parlé d'ailleurs - entre les différentes forces

 13   armées. Revenons à l'attaque qui, d'après nous, était une attaque venant

 14   des Musulmans dans la région d'Ilidza, du côté de l'hôtel où je me

 15   trouvais, tout ceci a été repoussé par des personnes qui étaient en

 16   uniforme de la police. C'était une milice de la police. Mais ils étaient

 17   tous Serbes de Bosnie. Donc lorsque vous me dites qu'on vous a donné une

 18   escorte de police, c'était quand même des Serbes qui étaient en uniforme de

 19   la police. Et ça nous rendait les choses très difficiles. Regardez, dans la

 20   JNA, il y avait des Serbes de Bosnie qui ont pris avec eux leurs uniformes,

 21   leurs chars, leurs tanks et leurs armes et qui sont devenus l'armée serbe

 22   de Bosnie. Donc le problème, en fait, était l'accès aux armements plutôt

 23   que l'accès aux uniformes. Les Serbes de Bosnie auraient sans doute préféré

 24   peut-être ne pas être en uniforme, parce qu'ainsi il était plus difficile

 25   de savoir exactement à qui on avait affaire lorsqu'on les rencontrait.

 26   Q.  Merci. Voyez le second paragraphe maintenant :

 27   "Mettre un terme à toutes les activités qui peuvent générer la peur et

 28   l'instabilité parmi la population telles que l'action des tireurs

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  1   embusqués, le bombardement de Sarajevo et d'autres villes et villages.

  2   Toutes les fouilles de maisons, l'érection de barricades et les actions

  3   arbitraires de toute nature doivent s'arrêter immédiatement."

  4   Est-ce que vous vous rappelez que M. Prstojevic, le président de la

  5   municipalité d'Ilidza, vous a écrit suite à cela pour vous indiquer que les

  6   Musulmans avaient poursuivi leur activité de fouilles des maisons serbes ?

  7   R.  Non, je n'ai pas d'information à ce sujet, et --

  8   Q.  Ce document qui s'affiche maintenant a été versé, n'est-ce pas ? Nous

  9   allons maintenant revenir -- voyons l'avant-dernier paragraphe :

 10   "Il convient de commencer de façon urgente à travailler à la définition des

 11   futures unités constitutives de la Bosnie-Herzégovine.

 12   "Dans ce contexte, les trois parties principales réaffirment leur

 13   opposition à la reconnaissance de toute portion de territoire conquise par

 14   la force, réaffirment également le droit au retour des réfugiés sans

 15   conséquences préjudiciables pour ces derniers du point de vue de leur

 16   emploi ou de tout autre point de vue."

 17   Donc est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la conférence a poursuivi

 18   ses travaux et que cet accord dispose qu'il convient de travailler de façon

 19   accélérée à la définition des frontières des différentes unités

 20   constitutives, et qu'il s'agit là d'un processus politique ?

 21   R.  Oui, certes, mais je soulèverais deux points : tout d'abord, le cessez-

 22   le-feu, bien qu'il ait été signé, n'a pas été respecté, et lorsque l'on

 23   parle du droit au retour des réfugiés qui aurait fait l'objet d'un accord,

 24   sachez que la seule chose que j'ai vue dans ma région c'est des gens

 25   expulsés d'Ilidza, expulsés par les Serbes de Bosnie.

 26   Q.  Colonel, vous ne disposez d'aucune preuve à cet effet, parce que ces

 27   personnes sont parties de leur propre initiative. Lorsqu'on est en

 28   situation de guerre, les personnes partent de leur propre initiative vers

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  1   des contrées où elles se retrouveront au sein d'une majorité. Vous n'avez

  2   pas de preuves disant le contraire.

  3   R.  Désolé, Monsieur Karadzic. Je l'ai entendu de la bouche du chef des

  4   Serbes de Bosnie --- le nouveau chef de la communauté serbe de Bosnie à

  5   Ilidza qui a admis que les non-Serbes ont été expulsés. Il m'a bel et bien

  6   dit qu'ils ont été expulsés contre leur gré, certes, il a dit que c'était

  7   pour leur propre protection, et il l'a admis en tant que dirigeant de la

  8   communauté serbe de Bosnie à Ilidza. J'ai un exemple donc.

  9   Q.  Comment s'appelait ce dirigeant des Serbes de Bosnie ?

 10   R.  Je ne me souviens pas de son nom. Je vous l'ai dit hier que je ne me

 11   rappelais pas de son nom.

 12   Q.  Colonel, qui aurait eu intérêt à saboter la conférence, les Serbes ou

 13   les Musulmans ?

 14   R.  Ce mot "sabotage" ne me plait pas beaucoup. Je ne peux pas admettre que

 15   les partis politiques en présence avaient l'intention de saboter la

 16   conférence. Certes, d'autres choses étaient accomplies quand même.

 17   Q.  Dans votre journal, à l'entrée correspondant au 27 avril, pourrions-

 18   nous voir la note que vous avez consignée, où vous y dites que vous vous

 19   efforcez de convaincre le SDA et le HDZ de participer aux pourparlers à

 20   Lisbonne, et vous dites que c'est difficile. Est-ce que vous voyez cela ?

 21   C'est en haut de page. Est-ce exact ?

 22   R.  Oui, je le vois.

 23   Q.  Est-ce que vous avez jamais rencontré des difficultés avec les Serbes

 24   pour ce qui est de leur participation à la conférence ? Pourquoi les Serbes

 25   étaient-ils les seuls pour lesquels il n'était pas nécessaire de les

 26   convaincre et d'essayer de les persuader d'aller participer aux

 27   négociations ?

 28   R.  Les circonstances entourant le 27 avril étaient tout à fait différentes

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  1   que ce qui s'est passé à d'autres occasions, puisque le président pensait

  2   qu'il allait être tué par les Serbes de Bosnie s'il allait à l'aéroport.

  3   Donc pour se rendre à l'aéroport, une escorte des Nations Unies a été

  4   organisée. La plupart des routes menant à l'aéroport ainsi que l'aéroport

  5   lui-même se trouvaient dans des zones difficiles, où on risquait les tirs

  6   embusqués, où il y avait eu des combats, et c'est ce qui était arrivé

  7   d'ailleurs lorsque Cutileiro et Pinheiro étaient arrivés pour les

  8   négociations. Je n'ai pas d'explication à donner quant à savoir pourquoi

  9   les Croates -- bon, j'ai parlé à M. Brkic, je ne sais pas pourquoi il s'est

 10   retiré, je n'en ai aucune idée. Mais dès que j'ai garanti la sécurité du

 11   président serait assurée, il a été d'accord pour s'y rendre. Mais l'une des

 12   raisons pour laquelle il ne pouvait pas s'y rendre, c'est parce que

 13   Belgrade qui contrôlait la tour de contrôle de l'aéroport de Sarajevo a

 14   refusé que l'avion que nous avions préparé ou affrété n'atterrisse. On a pu

 15   renégocier le départ que le lendemain.

 16   Le président était inquiet pour sa sécurité, c'est pour cela qu'il ne

 17   voulait pas aller à Lisbonne. D'ailleurs il y a tant d'autres raisons

 18   d'avoir assez peur pour sa sécurité, puisque lorsqu'il est revenu il a été

 19   quand même pris en otage par la JNA. C'est dans ce contexte-là que

 20   j'expliquerais pourquoi j'ai dû absolument convaincre le président de se

 21   rendre à Lisbonne. Parce que j'étais sur place. C'est la seule fois qu'il y

 22   a eu la moindre réticence de la part d'une des parties en présence de se

 23   rendre à des négociations de paix. Et si je puis poursuivre d'ailleurs, je

 24   tiens à dire que j'ai eu énormément de mal à faire venir les Serbes de

 25   Bosnie au QG des Nations Unies pour des pourparlers de paix. Après que nous

 26   ayons permis la libération du président. Parce que la plupart d'entre eux

 27   s'étaient rendus à Pale à ce moment-là, et lorsque j'ai invité les Serbes

 28   de Bosnie à venir, personne n'est venu. C'étaient les questions qui

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  1   existaient à l'époque, c'étaient les problèmes qui existaient à l'époque et

  2   que nous devions nous efforcer de résoudre.

  3   Q.  Oui mais, Colonel, vous conviendrez qu'ils avaient tué de

  4   nombreux soldats et de nombreux officiers qui avaient fait partie de ce

  5   convoi. Est-ce que vous reconnaissez que les Serbes laissaient passer au

  6   poste de contrôle, y compris le général Delic, et j'affirme qu'ils

  7   n'auraient jamais tiré sur Izetbegovic. Ils laissaient passé le général

  8   Delic, ils le saluaient, ils le laissaient passer avec son escorte de la

  9   FORPRONU. Est-ce que vous reconnaissez cela ou vous le contestez ?

 10   R.  Non, je n'étais pas présent lors de cet incident du convoi, parce que

 11   j'étais retenu en tant que tâche collatérale à Lukavica. Je pense que c'est

 12   à ça que vous faites allusion. Je sais que le convoi était attaqué, je sais

 13   qu'un grand nombre de membres de la JNA ont été tué, enfin, un grand

 14   nombre, sept, je crois. Donc c'est à ceci que vous faites référence ? En

 15   effet, ce convoi a bel et bien été attaqué. Enfin, je ne suis pas sûr

 16   d'avoir répondu à cette question et d'avoir surtout compris votre question.

 17   Q.  Avant que nous ne fassions une pause, je vais peut-être avoir le temps

 18   de vous dire quand même que votre spéculation consistant à dire que les

 19   Serbes risquaient de tuer le président Izetbegovic est complètement

 20   infondée, parce qu'il n'y avait pas de terrorisme chez nous. Nous n'avons

 21   pas d'expérience du terrorisme ni de tradition à ce sens, nous sommes

 22   contre.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce une question, Monsieur Karadzic ?

 24    L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous savez que pour les Serbes, la tradition du terrorisme

 27   est tout à fait étrangère.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant votre réponse, Monsieur le Témoin,

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  1   je crois que Mme le Procureur voudrait prendre la parole.

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, il y a déformation des propos du

  3   témoin, il n'a pas fait de spéculation, de conjecture. Il a juste dit que

  4   M. Izetbegovic avait eu peur et qu'il avait dû convaincre M. Izetbegovic

  5   parce qu'il avait peur à l'époque.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Question maintenant, quand est-il

  7   des Serbes et de leur habitude du terrorisme ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne suis pas convaincu du tout au

  9   vu de ce que j'ai vu d'ailleurs, ce que j'ai vécu. On m'a tiré dessus quand

 10   même lorsque j'ai essayé de forcer le passage aux barricades serbes pour

 11   aller à l'aéroport de Sarajevo. J'étais quand même le chef de la Mission

 12   des observateurs, j'étais en uniforme, j'avais une automobile. Et pourtant

 13   les Serbes de Bosnie n'ont pas hésité à me tirer dessus, lorsque j'essayais

 14   de négocier un passage pour mes observateurs jusqu'à l'aéroport, ça c'est

 15   un fait. Alors qu'on appelle ça du terrorisme ou pas, ça c'est sujet à

 16   interprétation.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Sur cette réponse, nous

 18   allons faire une pause bienvenue de 30 minutes.

 19   --- L'audience est suspendue à 12 heures 07.

 20   --- L'audience est reprise à 12 heures 39.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que cet accord de cessez-le-feu a

 23   déjà été versé ? C'est bien le cas ? Oui, cela avait été versé par

 24   l'Accusation, n'est-ce pas ? Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Colonel, dans votre journal, à la date du 2 mai, il est écrit, je cite

 27   : "Le président a été 'fait prisonnier' à l'aéroport." Est-ce que cela vous

 28   évoque quelque chose ?

Page 2861

  1   R.  Non. Fait prisonnier signifie qu'il était retenu contre sa volonté.

  2   Donc je ne savais pas s'il fallait dire qu'il avait été pris en otage ou

  3   fait prisonnier. Mais en tout cas, ça ne veut rien dire d'autre que le fait

  4   qu'il était retenu contre sa volonté.

  5   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que par rapport à cette

  6   date du 27, quand vous avez dû les convaincre d'y aller et que vous dites

  7   que la raison probable était ce danger qu'Izetbegovic ne soit tué, est-ce

  8   que vous êtes d'accord pour dire que pendant au moins dix jours au

  9   préalable le commandement de la 2e Région militaire avait été assiégé par

 10   les Bérets verts et que cela découlait d'une directive d'instructions

 11   émises par Hasan Efendic, le 12 avril 1992, aux termes desquelles il

 12   fallait mettre sous blocus toutes les casernes et tout ce qu'il fallait

 13   faire par rapport à ces casernes, tout ce qui avait déjà été fait en

 14   Croatie ?

 15   R.  Oui. Vous m'avez présenté ce document hier, je n'ai pas de raison de ne

 16   pas en convenir, donc je reconnais que cela s'est produit.

 17   Q.  Merci. Vous êtes d'accord pour dire que le 23 également le même Hasan

 18   Efendic a émis des instructions, puis cela a été suivi par des instructions

 19   émises par le ministère de l'Intérieur aux termes desquelles d'intensifier

 20   les attaques lancées contre les installations et le personnel de la JNA ?

 21   R.  Non, je n'ai pas connaissance de cela.

 22   Q.  Mais nous avons vu cela hier également. C'est le document 1D1222.

 23   Pouvons-nous l'avoir à l'écran. D222, excusez-moi. C'est la pièce à

 24   conviction D222.

 25   Donc nous vous avons présenté ceci hier, Colonel. Il s'agit des

 26   instructions émises par le quartier général de la Défense territoriale de

 27   la République de Bosnie-Herzégovine en date du 23 avril. Alors, si nous

 28   pouvions passer maintenant à la page 2. Vous voyez quelles sont les tâches

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  1   confiées aux commandements de district de la Défense territoriale.

  2   Constituer les unités de la Défense territoriale composées d'unités de

  3   volontaires, de membres de la Ligue patriotique. Excusez-moi.

  4   "Procéder immédiatement à la prise de contrôle des entrepôts de

  5   munitions et d'armes, bloquer les casernes, prendre le contrôle de ces

  6   casernes et faire prisonniers les membres de la JNA sur le territoire de la

  7   Bosnie-Herzégovine. Procéder à une opération défensive en deux étapes.

  8   Première étape, activités de combat par les groupes, résistance massive des

  9   citoyens pendant une durée de dix à 15 jours. Deuxième étape, mise en œuvre

 10   d'une opération d'une durée de 20 à 30 jours avec pour but de briser

 11   l'ennemi et créer les conditions de son expulsion du territoire. Etre prêt

 12   à agir immédiatement."

 13   Colonel, à quel ennemi est-il ici fait référence ?

 14   R.  Pour commencer, je dois dire que le document ne s'affiche pas

 15   dans une langue que je peux comprendre. Il n'y a pas de traduction

 16   anglaise, je présume.

 17   Je suppose que l'ennemi, cela aurait dû être les Serbes de Bosnie

 18   puisque cela a été émis par Efendic. Ils étaient considérés comme ennemis à

 19   cette étape. Alors, il y avait eu des intimidations, des expulsions. La

 20   ville en était arrivée au stade où elle était pratiquement assiégée. C'est

 21   tout ce que je suis en mesure de supposer.

 22   Q.  Je vous remercie. Ceci a été émis le 23 avril. Nous avons présenté ici

 23   cette information provenant des Croates selon laquelle cette ligne au sein

 24   du SDA souhaitait nous expulser de Bosnie. Nous allons présenter encore un

 25   élément montrant que des représentants des Etats-Unis avaient été informés

 26   de cela. Donc vous avez tout à fait raison. Ils avaient l'intention de nous

 27   expulser de Bosnie. Cependant, si ceci est émis le 23 avril, est-ce que ce

 28   n'est pas là précisément la raison même de la préoccupation qui prévaut, et

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  1   non pas la peur des Serbes ? Parce qu'une guerre totale a été déclarée

  2   contre les Serbes et la JNA, ensuite ces gens sont censés aller participer

  3   à une conférence de paix. Mais pourquoi y iraient-ils s'ils ont déjà fait

  4   le choix de la guerre ? Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec cela ?

  5   R.  Oui, on pourrait interpréter cela dans un sens ou dans l'autre. On

  6   pourrait dire qu'il s'agit de se conformer à cette exigence de participer à

  7   des pourparlers de paix, mais d'autre part, il convient également de

  8   prendre le contrôle d'autant du territoire qu'on peut le faire, parce que

  9   plus nous en prenons, plus nous pourrons éventuellement en restituer. C'est

 10   une interprétation possible. Donc cela était fait sur le terrain avec

 11   différentes unités, avec différentes parties qui ont signé les documents et

 12   probablement de toutes parts. Mais je voudrais vous donner mon opinion

 13   personnelle. Les Serbes de Bosnie avaient déjà des armes, alors que les

 14   Croates et les Musulmans de Bosnie n'y avaient pas accès, et la seule façon

 15   pour eux de se procurer des armes était de se les procurer par la force

 16   auprès de la JNA. C'est mon estimation. Donc un blocus des casernes avait

 17   été fait également, à mon avis, pour éviter que la JNA ne fournisse encore

 18   davantage d'armes aux Serbes de Bosnie, qui en avaient déjà une certaine

 19   quantité. Donc du point de vue des Musulmans de Bosnie qui n'avaient

 20   pratiquement pas accès aux armes, c'était ce que je comprenais. J'ai même

 21   reçu une demande du vice-président, Ejub Ganic, afin de voir ce que je

 22   pouvais faire afin de permettre aux Musulmans de recevoir davantage d'armes

 23   et d'être en mesure de se défendre, parce que les Serbes de Bosnie, comme

 24   vous le savez, avaient reçu des armes de la JNA et procédaient à

 25   l'organisation de leurs propres unités militaires. En tout cas, c'est la

 26   supposition que je suis en mesure d'avancer.

 27   Q.  Votre supposition n'est pas exacte, Colonel, parce que la JNA

 28   considérait les Serbes comme un effectif de réserve au titre de la

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  1   mobilisation, et non pas comme étant un effectif qui se serait trouvé sous

  2   mon commandement. Je suppose que vous pouvez être d'accord sur ce point,

  3   parce que nous n'exercions aucun commandement sur eux. N'oubliez pas quelle

  4   a été la succession des événements. La seconde région militaire s'est

  5   trouvée assiégée par les Bérets verts. Le 12 avril, nous avons signé un

  6   accord de cessez-le-feu, et le même jour sont émises ces instructions

  7   demandant que des attaques soient lancées et qu'un blocus soit mis en

  8   place; ensuite, j'ai proposé une plateforme politique à la date du 22 avril

  9   où je propose une solution tout à fait pacifique; ensuite, eux, ils

 10   émettent des instructions pour une guerre totale, puis ils se rendent aux

 11   pourparlers de paix; le 2 mai, ils tuent des soldats dans Sarajevo; et le 3

 12   mai, ils arrêtent ce convoi composé d'une unité de volontaires.

 13   Que faut-il rajouter encore comme élément pour conclure et déterminer qui

 14   est pour la paix et qui est pour la guerre ? Ne considérez-vous pas que les

 15   Serbes ont fait preuve de suffisamment de patience et de bonne volonté,

 16   qu'ils ont fait clairement le choix de la paix, alors que les choix faits

 17   du côté de la partie musulmane, à l'inverse, sont clairement en faveur de

 18   la guerre ?

 19   R.  Je ne suis pas d'accord avec votre évaluation, Monsieur Karadzic. Je

 20   dois dire que la connaissance que j'avais des événements sur le terrain me

 21   porte à être en désaccord avec vous. Il y avait des opérations de nettoyage

 22   ethnique de grande envergure. Et ce type d'argument, je crois, peut être

 23   avancé par n'importe qui tout simplement pour défendre sa cause. Je crois

 24   que ce qui posait véritablement problème, ce qui était difficile, c'était

 25   de mettre en œuvre les propositions. Les cessez-le-feu étaient

 26   régulièrement signés. Mais cela semblait rester sans effet sur le terrain.

 27   Et concernant les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, la

 28   situation était similaire, cela ne prenait pas corps sur le terrain.

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  1   Alors, je peux simplement vous livrer une interprétation de ce que

  2   j'avais à l'époque comme élément disponible sur la situation. Vous pouvez

  3   ne pas être d'accord avec moi, mais en tout cas, le nettoyage ethnique qui

  4   se déroulait à Bijeljina et à Zvornik et d'autres zones ne donnait pas

  5   l'impression que les Serbes de Bosnie se montraient particulièrement plus

  6   tolérants que les autres.

  7   Q.  Merci. Mais vous ne contestez pas le fait que la FORPRONU elle-

  8   même a conclu que 90 % des violations des accords de cessez-le-feu étaient

  9   le fait de la partie musulmane ?

 10   R.  Bien, je n'étais pas membre de la FORPRONU et j'ignore d'où vous

 11   tenez ce chiffre de 90 % lorsque vous dites que 90 % des violations des

 12   accords de cessez-le-feu, selon la FORPRONU, auraient été le fait des

 13   Musulmans. La seule chose que je sais c'est que, de fait, la ville était

 14   assiégée par les Serbes de Bosnie. Je trouve ça assez difficile à accepter.

 15   Je ne nie pas cela, mais en tout cas cela ne me semble pas en accord avec

 16   ce que j'ai observé.

 17   Q.  Mais, Colonel, faites-vous une différence entre l'encerclement et

 18   le fait d'assiéger ?

 19   R.  Bien, qu'il s'agisse d'encerclement ou de siège, l'un et l'autre

 20   ont pour but de maintenir les personnes qui se trouvent à l'intérieur là où

 21   elles se trouvent. Donc c'est une différence purement terminologique. Cela

 22   revient à dénier aux intéressés leur liberté de mouvement. Je ne suis pas

 23   tout à fait sûr -- enfin, s'il ne s'agissait pas d'un siège, pourquoi a-t-

 24   il fallu creuser un tunnel sous l'aéroport de Sarajevo pour approvisionner

 25   la ville et pour évacuer des habitants. Je crois que la communauté

 26   internationale aurait reconnu qu'il s'agissait bien d'un siège, mais là

 27   encore, c'est une interprétation. En tout cas, c'est mon point de vue.

 28   Q.  Oui, mais, Colonel, nous allons maintenant vous montrer, entre autres,

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  1   des documents qui viennent de la conférence de Londres et qui montrent que

  2   les restrictions imposées par la partie serbe autour de Sarajevo concernait

  3   exclusivement des questions militaires. Nous avons proposé l'ouverture de

  4   sept corridors. Nous avons proposé la réouverture de la circulation à des

  5   fins commerciales et la circulation civile et que les seules restrictions

  6   mises en place concernaient le matériel et les personnels militaires. Est-

  7   ce que vous niez cela ou est-ce que vous reconnaissez que c'est une

  8   possibilité ?

  9   R.  Je ne suis pas tout à fait sûr des résultats de la conférence de

 10   Londres, mais je ne suis pas d'accord avec cela, non. En tout cas, en me

 11   fondant sur ma propre expérience, je ne suis pas d'accord.

 12   Q.  Merci. Alors, ce document a déjà été versé. Pourrions-nous avoir

 13   maintenant le document 1D315 ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] L'un des documents précédents n'a pas

 16   été versé. Une cote lui a été attribuée aux fins d'identification; nous

 17   n'avions pas de traduction et nous ne pouvions même pas prendre position

 18   quant à ce document, à défaut de pouvoir accéder à l'intégralité de son

 19   contenu.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous vous référez au D222.

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le document précédent, le 937

 23   [comme interprété], avait été versé. C'était l'accord de cessez-le-feu,

 24   n'est-ce pas ?

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Pouvons-nous alors avoir le document

 27   suivant, et nous devrons passer brièvement à huis clos partiel, il s'agit

 28   du 1D01292.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous passons à huis clos

  2   partiel.

  3    Nous sommes maintenant à huis clos partiel.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 27   [Audience publique]

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demande l'affichage du

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  1   document 65 ter numéro 01136 à présent, je vous prie. Je pense qu'il

  2   constitue déjà une pièce à conviction.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

  4   pièce P941.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Colonel, ce document est un procès-verbal d'une réunion entre M. Vance

  7   et Lord Carrington, président de la conférence sur l'ex-Yougoslavie, en

  8   présence du Dr Karadzic, dirigeant des Serbes de Bosnie.

  9   Je vais donner lecture du texte en anglais.  Le premier paragraphe :

 10   "Le Dr Karadzic a dit que les Serbes étaient prêts à négocier.

 11   Malheureusement, les Musulmans avaient déjà négocié de mauvaise foi. Les

 12   Musulmans avaient accepté les principes établis le 18 mars, mais désormais

 13   ils trahissaient ces principes. Ils ne s'intéressaient qu'à la mise en

 14   place d'un Etat musulman."

 15   Puis, une phrase plus bas :

 16   "Les Serbes étaient prêts à restituer des territoires et étaient satisfaits

 17   si la Bosnie-Herzégovine devait demeurer à l'intérieur des frontières

 18   existantes, mais la population serbe de Bosnie souhaitait une pleine

 19   autonomie par rapport aux Musulmans et aux Croates."

 20   Puis le paragraphe 2 :

 21   "Le Dr Karadzic était prêt à discuter de la restitution de territoires en

 22   tant qu'un des éléments d'un accord global, mais affirmait que tout accord

 23   devait permettre protéger les propriétés serbes," et cetera.

 24   Passons maintenant à la page suivante :

 25   "M. Vance a demandé ce que le Dr Karadzic était prêt à faire pour mettre un

 26   terme au combat. Lord Carrington a déclaré que l'opinion mondiale était

 27   fermement opposée aux Serbes, en particulier après l'escalade récente des

 28   combats dans les environs de Sarajevo. Le Dr Karadzic a rétorqué que les

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  1   Musulmans étaient responsables de cette escalade. Les forces serbes avaient

  2   l'autorisation de répliquer aux tirs qu'elles subissaient dans le seul but

  3   de se défendre. Les Musulmans pilonnaient régulièrement leur propre

  4   population. Ils auraient pu être responsables des pilonnages intensifs de

  5   Sarajevo les 24 et 25 août. Le commandant Doyle a déclaré que les

  6   paramilitaires serbes soutenus par la JNA étaient à l'origine des combats

  7   pour avoir pilonné la Vieille Ville de Sarajevo au mois d'avril. Les

  8   Musulmans auraient pu accepter cela. Les déclarations enflammées des

  9   commandants serbes qui menaçaient de tirer sur les vols humanitaires des

 10   Nations Unies sous le prétexte que ces avions transporteraient des armes

 11   étaient une véritable manne du ciel pour les Musulmans et la presse

 12   mondiale," et cetera. Puis dans la dernière phrase :

 13   "Karadzic a déclaré qu'il était prêt à accepter les observateurs des

 14   Nations Unies sur toutes les positions d'artillerie tenues dans Sarajevo et

 15   dans les environs de Sarajevo."

 16   C'était le paragraphe 4. Vous vous rappelez cette   conversation ?

 17   R.  Oui

 18   Q.  Vous rappelez-vous par ailleurs que le Pr Koljevic a déclaré que les

 19   Serbes avaient obtenu un accord avec les Nations Unies au sujet de Sarajevo

 20   et avaient proposé la démilitarisation de la ville ?

 21   R.  Non, je ne me rappelle pas de cela. Je me rappelle de la conversation

 22   relative aux pourparlers de Lisbonne où il avait été question que les

 23   Nations Unies assurent la sécurité de l'aéroport de Sarajevo pour permettre

 24   la livraison de l'aide humanitaire.

 25   Q.  Admettez-vous que nous avons toujours proposé aux observateurs d'être

 26   aux côtés de nos artilleurs sur les positions d'artillerie et que nous

 27   avons proposé la démilitarisation de Sarajevo et que nous avons remis

 28   l'aéroport entre les mains des responsables des Nations Unies ? Mais

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  1   parlons d'abord du premier point. Est-ce que nous avons bien remis

  2   l'aéroport aux Nations

  3   Unies ?

  4   R.  Oui, ceci c'est finalement fait après des négociations intensives.

  5   Q.  Les négociations ont toujours été une formalité technique, mais

  6   revenons au fond de la question, si vous voulez bien. Est-ce que l'aéroport

  7   a été remis aux Nations Unies; oui ou non ?

  8   R.  Durant les pourparlers de paix de Lisbonne, nous avons obtenu de vous

  9   un document qui indiquait que dans certaines conditions les Serbes de

 10   Bosnie, ou plutôt, l'aéroport serait remis aux Nations Unies par les Serbes

 11   de Bosnie. Je me rappelle cela, c'est certain.

 12   Q.  Je vous remercie. Admettez-vous que nous avons continué à proposer la

 13   démilitarisation de Sarajevo alors que la partie musulmane l'a toujours

 14   refusée ?

 15   R.  Je ne me rappelle pas cela dans ce contexte particulier, mais nous

 16   sommes devenus très habitués à des expressions dans lesquelles les gens

 17   disaient, Tout ce que nous sommes en train de faire c'est de protéger les

 18   Serbes, et nous promettons de faire ceci et cela et nous promettons d'aller

 19   dans tel et tel sens.

 20   Puis je reviens à ce que j'ai déjà dit précédemment, à savoir qu'il y

 21   avait de très nombreux accords de cessez-le-feu qui ont été signés à

 22   Sarajevo et que rien n'ait été fait. En réalité, ils étaient violés

 23   pratiquement avant que l'encre de la signature au bas de ces accords ne

 24   sèche. Donc c'était un sentiment que nous avions, que toutes ces personnes

 25   participant aux pourparlers de paix souhaitaient être considérées comme

 26   coopérant avec la communauté internationale, mais qu'en réalité, les

 27   réactions ne correspondaient pas à ce qui était signé dans les accords et

 28   que, par conséquent, un morceau de papier avec une signature au bas du

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  1   papier stipulant que nous sommes d'accord pour un cessez-le-feu ne signifie

  2   réellement pas grand-chose et qu'en fait, le commandement militaire des

  3   Nations Unies ne faisait référence à la signature d'un cessez-le-feu que du

  4   point de vue de la nécessité de se rappeler que la signature avait été

  5   apposée. Même si c'est nous qui étions impliqués dans les pourparlers de

  6   cessez-le-feu, nous nous efforcions de faire de notre mieux pour obtenir

  7   une fin du conflit.

  8   Autrement dit, le principe des cessez-le-feu n'était pas à la hauteur

  9   dans de bien nombreux cas des actions qui étaient entreprises par la suite.

 10   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous voyez que :

 11   "Le Dr Karadzic a déclaré qu'il avait émis des consignes pour que ses

 12   forces cessent de harceler les Musulmans et Croates qui souhaitaient

 13   'quitter' les territoires contrôlés par les Serbes et que des documents ont

 14   été signés à cet effet. Il a confirmé que tout document nouveau n'aurait

 15   aucune validité à la lumière du dernier règlement."

 16   R.  Bien, je suis au courant de la conversation que j'ai eue avec vous dans

 17   un hôtel à Bruxelles où nous avons discuté de cette question. Je suis sûr

 18   que vous vous en souvenez. Personnellement, j'ai évoqué cette question avec

 19   vous lorsque je vous ai rencontré, parce qu'un photographe avait fait

 20   paraître en première page du "Sunday Time" une photo et que nous avons eu

 21   une conversation officieuse dans le hall de cet hôtel. Vous vous

 22   rappellerez sans doute ce fait et que c'est moi qui ai amené la question

 23   dans la conversation, cette question des populations qui étaient

 24   contraintes de signer un document abandonnant leurs maisons, et vous avez

 25   indiqué que vous entreprendriez quelque chose pour que chacun sache que

 26   c'était illégal. Nous avons discuté de cela lors de notre rencontre lundi

 27   dernier, et vous nous avez dit que vous aviez entrepris des actions dans ce

 28   sens. Personnellement, je ne suis pas au courant des actions entreprises

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  1   par vous parce que je n'étais pas dans la région à ce moment-là. Donc la

  2   question de la signature de document, je crois que vous reconnaîtrez que

  3   c'est moi qui l'ai évoquée.

  4   Q.  J'admets tout à fait cela, mais je ne le reconnais pas, parce que vous

  5   m'avez parlé de deux municipalités en dehors de Pale où cela s'était passé.

  6   J'aimerais l'affichage du document 101 à présent.

  7   Donc vous m'avez informé de cela le 16 août; c'est bien cela ?

  8   R.  Excusez-moi, pouvez-vous répéter, Monsieur Karadzic, que dites-vous au

  9   sujet du 16 ?

 10   Q.  Vous m'avez informé de cela le 16 août à Londres; c'est bien cela ?

 11   R.  Non. Je vous en ai informé à Bruxelles, je crois. Ce n'était pas à

 12   Londres.

 13   Q.  Bien, probablement à Bruxelles, mais en tout cas c'était le 16 août,

 14   n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, c'était le 16 août.

 16   Q.  Colonel, dans ce document qui est émis le 19 -- je demande l'affichage

 17   des deux versions sur l'écran, version serbe et version anglaise.

 18   Paragraphe 3. Dans le préambule du texte, nous lisons les mots état-major

 19   principal. La date est celle du 19 août. Nous lisons QG de l'armée de la

 20   Republika Srpska, ministère de l'Intérieur, tous les centres de la sécurité

 21   publique :

 22   "Selon notre décision du 13 juin 1992 et dans le respect des normes

 23   internationales de la guerre, j'ordonne à nouveau," je répète, "j'ordonne à

 24   nouveau." Maintenant, regardez le point 3 :

 25   "D'empêcher les relogements forcés et tous les actes de confiscation

 26   illégale dirigés contre la population civile, et aussi bien l'éventuelle

 27   confirmation de la vente ou de la cession de propriétés ou toute

 28   déclaration de la part des réfugiés indiquant qu'ils ne reviendraient pas,

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  1   ces documents n'ayant aucune validité juridique et étant déclarés nuls et

  2   non avenus."

  3   Savez-vous, Colonel, si de telles confirmations ont réellement eu lieu et

  4   ont été admises en tant que valables après la publication de cet ordre qui

  5   avait force de loi et qui proclamait de tels documents nuls et non avenus ?

  6   Oui, oui. C'est bien la traduction, nuls et non avenus, même si on pourrait

  7   peut-être en anglais utiliser d'autres termes que ceux qui sont dans le

  8   document anglais.

  9   R.  Bien, j'aurais dit que j'ai plaisir à dire que sur mon initiative,

 10   lorsque j'ai évoqué cette question devant vous, une action a été

 11   entreprise, et probablement ce document est-il une indication que cette

 12   pratique était une pratique courante et qu'elle avait cours jusqu'à ce

 13   moment-là, le fait que des gens se voient ordonner de signer un document

 14   abandonnant leur propriété, qui était quelque chose de tout à fait illégal,

 15   comme vous venez de le souligner. Donc je suis satisfait de voir que ce

 16   fait figure noir sur blanc dans ce document.

 17   Q.  Mais je dois réagir à ce que vous veniez de dire, que c'était de

 18   notoriété publique. Non, cela ne l'était pas. C'est ce que j'entends de

 19   votre bouche pour la première fois. Simplement, cela s'est passé dans deux

 20   municipalités, Kljuc et Sanski Most avec lesquelles nous n'avions rien à

 21   voir, et ceci empêchait les gens de se reloger ailleurs ou de partir. Parce

 22   que si vous demandez à quelqu'un d'abandonner sa propriété, il réfléchit

 23   une nouvelle fois à sa décision en se demandant si vraiment il va partir où

 24   pas. Donc ceci était précisément une action dirigée contre le nettoyage

 25   ethnique. Ce n'était pas une mesure destinée à accélérer le départ de

 26   certaines populations. Cela ne s'est produit que dans deux municipalités,

 27   et aucune de ces confirmations ou de ces certificats d'abandon n'a

 28   effectivement été mise en œuvre dans les faits. Que dites-vous de cela ?

Page 2877

  1   R.  Je ne sais pas exactement quelles ont été les conséquences des

  2   directives émanant de vous. La seule chose que je peux dire, c'est que je

  3   suis satisfait qu'une action ait apparemment été entreprise suite à mon

  4   initiative de Bruxelles.

  5   Q.  Trois jours après votre initiative, n'est-ce pas, Colonel ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vous remercie. Donc dans ce document, dans le document précédant de

  8   la conférence plutôt, nous avons établi et confirmé que nous étions prêts à

  9   accepter la présence des observateurs et des superviseurs internationaux

 10   auprès de nos artilleurs, et que nous étions prêts à remettre l'aéroport

 11   aux Nations Unies, et que je considérais comme nuls et non avenus ou

 12   déclarés illégaux les documents dont nous venons de parler. Confirmez-vous

 13   que ce que nous vous avons dit à la conférence a réellement été mis en

 14   œuvre dans la pratique ?

 15   R.  Bien, je ne sais pas ce qui a été mis en œuvre dans la pratique. C'est

 16   bien le problème, Monsieur Karadzic. Je ne travaillais pas pour les Nations

 17   Unies. La seule référence que je vois dans ce document, c'est une référence

 18   aux observateurs des Nations Unies présents dans les secteurs environnant

 19   Sarajevo au moment où il y a eu prise d'otages et où ces observateurs ont

 20   été maintenus en détention sous la contrainte. Mais je n'ai pas de

 21   connaissance personnelle de ces événements, car cela s'est passé au moment

 22   où je n'étais pas dans la zone d'opération. Mais voilà ce que j'ai vu et lu

 23   dans les médias internationaux plus tard. Ce que je sais, c'est qu'à

 24   l'époque, la Mission des observateurs avait été retirée du territoire de la

 25   Bosnie-Herzégovine. Donc les seuls observateurs qui pouvaient être présents

 26   étaient des représentants des Nations Unies, et n'étant pas membre moi-même

 27   des Nations Unies, je n'ai pas eu connaissance du modus operandi appliqué à

 28   cette époque-là. Comme vous venez de le souligner, je n'étais pas en

Page 2878

  1   Bosnie. Je ne travaillais pas en Bosnie à ce moment-là.

  2   Q.  Mais saviez-vous que nous n'avons pas tenu notre promesse, nos

  3   promesses, que nous n'avons pas rempli les responsabilités que nous nous

  4   étions engagés à remplir ?

  5   R.  Je n'ai aucune connaissance sur ce point. Tout simplement je ne sais

  6   pas.

  7   Q.  Je vous remercie. Je demande à présent l'affichage du document 1D1276,

  8   je vous prie. Avant que le texte n'apparaisse sur les écrans, Colonel,

  9   j'aimerais vous rappeler la situation et vous montrer quelle était la

 10   cohérence de la politique menée par les Serbes. Le 12 avril nous avons

 11   signé un accord de cessez-le-feu que nous avons respecté, et ici le

 12   document que je fais afficher est une lettre du président de la

 13   municipalité serbe d'Ilidza, M. Prstojevic, lettre qui vous est adressée.

 14   C'est le document 1D1276.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro, je vous

 16   prie ? Oui. Il est sur les écrans.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Dans le texte de cessez-le-feu du 12 avril, à la rédaction duquel vous

 20   avez travaillé, nous nous étions engagés à ne pas créer de problèmes aux

 21   civils, à ne pas fouiller les appartements et maisons, et cetera, donc à

 22   laisser les civils tranquilles et à respecter le cessez-le-feu.

 23   Voilà maintenant ici ce que Nedeljko Prstojevic, président de la

 24   cellule de Crise municipale d'Ilidza, voilà ce qu'il déclare le

 25   3 mai. Le texte en anglais est de bien meilleure facture que le texte

 26   serbe, donc je vais lire le texte en anglais. Je cite :

 27   "Messieurs, dans les trois communautés de Hrasnica, Rutmice et Sokolovic

 28   Kolonija, les Musulmans ont pris des Serbes en otages."

Page 2879

  1   "Ils font irruption dans les maisons serbes, commettent des actes de

  2   pillage dans ces maisons, démolissent ces maisons et emmènent sous la

  3   contrainte de nombreuses personnes vers des lieux non identifiés. A titre

  4   d'exemple, un civil, Obrad Milovic, vivant au numéro 2 de la rue Djerdapska

  5   [phon] à Sokolovic Kolonija a été roué de coups et rentré à son domicile,

  6   et a ensuite reçu l'ordre de se rendre au QG des Bérets verts au moins

  7   toutes les deux heures. Chaque fois qu'il y est allé il a à nouveau été

  8   roué de coups, de sorte que ce malheureux a succombé à une importante

  9   hémorragie de la bouche et du nez, et les médecins supposent qu'il

 10   souffrait également d'hémorragie interne.

 11   "Nous en appelons à la mission de la Communauté européenne pour qu'elle

 12   constitue immédiatement une commission mixte qui, en allant d'une maison à

 13   l'autre, confirmera rapidement la situation dans laquelle se trouve la

 14   population serbe de ces trois localités susmentionnées. Avec mes

 15   respectueuses salutations, commandant de la cellule de Crise, Nedeljko

 16   Prstojevic."

 17   Vous rappelez-vous cette lettre, Monsieur ?

 18   R.  Non, je ne me rappelle pas cette lettre. Je n'ai pas souvenir de

 19   l'avoir jamais reçue. Elle est adressée à la Communauté européenne. Je

 20   suppose qu'elle a dû être adressée à la Mission des observateurs. Je

 21   n'étais plus membre de cette Mission des observateurs. Donc je n'ai aucune

 22   connaissance au sujet de cette lettre. Tout ce que je sais, c'est que j'ai

 23   reçu une plainte pour un problème similaire à celui-ci de la part d'une

 24   femme dont le mari était Musulman et avait été emmené dans une zone sous

 25   contrôle des Serbes de Bosnie et était présumé avoir été torturé. Mais je

 26   n'ai pas connaissance de ce document-ci. Non.

 27   Q.  Ce qui est intéressant, c'est que vous avez connaissance de ce

 28   problème, mais pas de ce document-ci. Ceci permet de nourrir quelques

Page 2880

  1   doutes par rapport à l'objectivité qui a déjà été un sujet de discussion

  2   entre nous précédemment.

  3   R.  Je fais objection à ce commentaire, Monsieur Karadzic, de toutes mes

  4   forces.

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] C'est un commentaire contestable,

  6   Docteur Karadzic. La question du doute, quoi qu'il en soit, est une

  7   question qui relève des prérogatives de la Chambre.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas de problème. Ne doutons pas. Mais j'ai mes

  9   doutes personnels par rapport à la nécessité manifestée par le colonel de

 10   répondre à des questions que je ne lui ai pas posées.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous savez quel est l'autre destinataire de ce courrier ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Merci. Je demande le versement au dossier de cette lettre.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Selon les directives que nous avons

 16   reçues quant aux règles applicables a l'admission des documents au dossier

 17   par la présente Chambre de première instance, le témoin n'a pas reconnu

 18   connaître ce document. Il dit ne pas l'avoir reçu. Il n'a pas pu commenter

 19   la teneur du document non plus.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avions même pas besoin de votre

 21   aide, Madame. Je vous remercie, Madame Uertz-Retzlaff.

 22   Ce document est rejeté.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage du document

 24   1D315, à présent.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Colonel, ceci est une lettre émanant du premier ministre de la

 27   République serbe de Bosnie-Herzégovine, M. Djeric, et qui vous est envoyée

 28   en date du 3 mai. L'avez-vous reçue, cette lettre-ci ?

Page 2881

  1   R.  Je ne saurais garantir l'avoir reçue. Je ne suis pas tout à fait sûr.

  2   Il est possible que je l'ai reçue, mais je sais qu'entre le 2 et le 12 mai

  3   je me suis concentré sans restriction aux négociations en rapport avec les

  4   cessez-le-feu, avec la libération des otages et du président et avec le

  5   désir de voir l'armée fédérale se retirer du territoire de Bosnie. Donc ces

  6   questions occupaient totalement mon attention. Il est possible que cette

  7   lettre m'ait été envoyée. Mais elle ne me revient pas à l'esprit

  8   immédiatement, mais je ne suis pas en mesure de nier avoir reçu cette

  9   lettre. Tout simplement, je n'ai pas de souvenir au sujet de cette lettre.

 10   Q.  Voyons ce que dit le premier ministre, M. Djeric. Je cite :

 11   "Après notre entretien d'hier à Pale, qui a été considéré par les deux

 12   parties comme couronné de succès, durant la nuit dernière, les unités de ce

 13   qu'il est convenu d'appeler la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine

 14   ont attaqué nos positions dans les lieux suivants : Vojkovici et Grlica, à

 15   partir de Sokolovic Kolonija; et Vraca, à partir de toutes les directions à

 16   l'aide de fusils automatiques et d'artillerie mobile."

 17   Vous rappelez-vous cette rencontre du 1er mai avec le premier ministre, M.

 18   Djeric ? Entre vous-même et le premier ministre M. Djeric.

 19   R.  Je me rappelle cette rencontre, et je ne suis certainement pas d'accord

 20   pour dire qu'elle a été estimée par les deux parties comme ayant été

 21   couronnée de succès. Personnellement, cette rencontre a été un échec total,

 22   car la seule raison pour laquelle j'étais allé à cette rencontre était pour

 23   vérifier si oui ou non l'artillerie battait en retraite selon les

 24   instructions que j'avais reçues de Lisbonne; et nous avons découvert que

 25   tel n'était pas le cas. Donc de mon point de vue, il ne s'est pas du tout

 26   agi d'un succès. C'est un point de vue qui est exprimé par l'auteur de

 27   cette lettre, mais qui n'est certainement pas le mien.

 28   Q.  Voyons ce que nous lisons au paragraphe 3, je cite :

Page 2882

  1   "Si les attaques armées dues au SDA et au HDZ se poursuivent, nous devrons

  2   réagir avec fermeté. Ce qui signifie qu'on ne peut pas nous demander de

  3   retirer nos pièces d'artillerie des environs de Sarajevo si un tel retrait

  4   est immédiatement suivi par des attaques contre nos positions et nos unités

  5   de la part de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine. Si la radio,

  6   la télévision et la presse, totalement sous le contrôle d'une seule partie,

  7   continuent à semer par les informations diffusées la terreur parmi les

  8   Serbes, on ne peut pas nous demander de ne pas prendre possession des

  9   répéteurs de télécommunication pour modifier leurs directions de réception

 10   et de diffusion."

 11   Et un peu plus loin, je cite :

 12   "A moins que la partie adverse ne fournisse des garanties sérieuses quant

 13   au fait qu'elle ne placera pas ses soldats et ses armes dans des convois

 14   transportant de l'aide humanitaire et médical, et qu'elle n'utilisera pas

 15   l'aéroport pour organiser la distribution d'armes, nous ne serons pas prêts

 16   à débloquer les routes parce que ceci signifierait agir contre nos propres

 17   intérêts. En tant que soldat, vous savez bien que ce serait du suicide."

 18   Colonel, est-ce que vous avez tenu compte du fait que la première ministre

 19   de la République serbe de Bosnie-Herzégovine vous a informé du fait que

 20   vous ne preniez pas les actions les plus adaptées vis-à-vis des deux

 21   parties et que l'on nous demandait de faire quelque chose qui était

 22   nettement à l'avantage de la partie adverse sur le plan militaire ? Est-ce

 23   que vous avez quelque chose que vous pourriez citer et qui a été donné à la

 24   partie adverse en tant qu'avantage militaire ?

 25   R.  Je n'admets pas que le contenu de cette lettre soit vrai de quelque

 26   façon que ce soit. J'en réfute la majeure partie. Il s'agit ici de sous-

 27   entendu indiquant que les Nations Unies auraient autorisé des circulations

 28   d'armes dans l'aéroport, que des armes auraient été placées dans des

Page 2883

  1   convois, et que j'aurais eu une rencontre satisfaisante à Pale le 1er mai,

  2   ce qui est contraire à la vérité. Pourquoi est-ce que je devrais admettre

  3   automatiquement ce qui est écrit dans cette lettre. Comme je l'ai dit, je

  4   n'ai pas souvenir d'avoir reçu cette lettre, et plus je la lis, moins j'en

  5   accepte la teneur. Donc je dois admettre en toute vérité que je ne me

  6   rappelle pas l'avoir eue entre les mains, mais en tout cas le contenu de

  7   cette lettre ne m'aurait pas satisfait.

  8   Il me semble tout à fait étonnant qu'une ville assiégée, vous savez, qu'il

  9   n'est pas fait référence ici à des attaques de la part des Musulmans. Je

 10   veux dire, ceci est contraire à la réalité de ce qu'on pouvait constater

 11   sur le terrain.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il me semble que le document a été

 13   envoyé en anglais avec signature et sceau.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Je n'ai

 15   aucun souvenir d'avoir reçu. Pas mal de documents sont dans des dossiers,

 16   et je n'ai certainement pas ce document à ma possession.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Colonel, vous avez témoigné vous-même que l'attaque contre la partie

 20   serbe d'Ilidza s'est produite une semaine avant cette lettre. Et dans votre

 21   journal personnel vous ne faites aucune mention de votre rencontre avec M.

 22   Djeric mais uniquement de votre rencontre avec Mme Plavsic ?

 23   R.  Non. Ce que j'ai dit à cet égard dans ce contexte, Monsieur Karadzic,

 24   c'est que je suis allé à Pale en compagnie de Mme Plavsic. Je ne dis pas

 25   que je n'ai rencontré personne d'autre qu'elle là-bas. J'ai rencontré pas

 26   mal de monde. Je ne savais pas qui était la plupart des personnes que j'ai

 27   rencontrées, car pour autant que je le sache, c'étaient des ministres

 28   nouvellement nommés au gouvernement de la Republika Srpska, entité qui

Page 2884

  1   n'était pas reconnue à cette époque-là. Donc je savais que c'étaient des

  2   nouveaux ministres de la Republika Srpska, mais je ne savais pas qui

  3   étaient toutes ces personnes. La seule personne que je connaissais

  4   effectivement c'était Mme Plavsic dont j'ai le souvenir, parce que je

  5   savais qu'elle était membre serbe de la présidence de la Bosnie-

  6   Herzégovine. Donc c'est la seule référence que j'ai faite. Je n'ai parlé

  7   que d'elle. C'est avec elle que je suis allé à Pale. Mais les gens que j'y

  8   ai rencontrés, je n'ai pas souvenir de leurs noms parce que c'était des

  9   noms qui étaient nouveaux pour moi.

 10   Q.  Je ne tiens absolument pas à vous attaquer, Colonel, mais voyons votre

 11   journal personnel. D'abord, vous aviez des rencontres assez fréquentes avec

 12   des Serbes; et deuxièmement, vous ne vous rappelez que deux ou trois noms,

 13   mais pour les autres vous ne vous en souvenez pas. Le 12 avril vous avez

 14   rencontré Ganic, puis vous avez rencontré des représentants du HDZ. Le 13

 15   avril vous avez rencontré des représentants du SDS. Après cela, il n'y a

 16   pratiquement plus rien, puis le 16 avril vous rencontrez des représentants

 17   du HDZ. Le 17 avril, vous rencontrez des gens qui travaillent à la

 18   télévision. Donc télévision. Le HDZ et le SDA, brève rencontre plus tard

 19   avec Karadzic et Koljevic. Ça, c'est à Ilidza. Puis vous parlez de

 20   Cutileiro. Colonel, vous aviez des rencontres peut-être pas très

 21   fréquentes, mais avec d'autres personnes. Le 22, par exemple --

 22   Est-ce que vous pourriez m'aider, en me disant ce que signifie ce mot que

 23   je lis dans votre journal, "Somun" ? C'est le 22 avril. A droite de la

 24   page.

 25   R.  Excusez-moi, le 22 avril ?

 26   Q.  Oui, à droite de la page. C'est peut-être le 23 avril, mais quoi qu'il

 27   en soit, il est question d'une visite de Pinheiro; c'est ce qui est écrit.

 28   R.  Oui, si vous souhaitez je peux vous expliquer.

Page 2885

  1   Q.  Est-ce que vous pourriez donner lecture de ce qui est écrit dans votre

  2   journal, je vous prie.

  3   R.  "Problèmes avec le première ministre Kouchner, la présidence s'efforce

  4   d'imposer des pourparlers avec la président du SDA en sa qualité de chef de

  5   l'Etat et le HDZ à partir d'une position élevée contre l'ennemi. J'ai

  6   averti Somun et le président ainsi que le HDZ que cela conduirait à un

  7   désastre."

  8   Monsieur Karadzic, pourrais-je vous expliquer cela, parce qu'en dehors de

  9   ce contexte étant donné que ce sont des gens avec qui je n'avais pas de

 10   problèmes, il faudrait peut-être que je m'explique.

 11   Q.  Oui, rapidement, si vous pouvez le faire, mais rapidement.

 12   R.  Jaoa Pinheiro était quelqu'un que j'ai rencontré à l'aéroport de

 13   Sarajevo lors d'une réunion à laquelle vous avez participé également, et ce

 14   matin-là le président a déclaré qu'il souhaitait rencontrer Lord Carrington

 15   à sa sortie de l'avion. J'ai dit non, parce que mon point de vue à l'époque

 16   c'était que le président était présent à cet endroit en tant que dirigeant

 17   du SDA et que vous étiez présent en tant que dirigeant du SDS. Et par

 18   conséquent, si on lui accordait le statut de président durant une rencontre

 19   de ce genre, cela pourrait éventuellement indiquer qu'il était à un niveau

 20   hiérarchique supérieur au vôtre, et je ne voulais pas que ce soit

 21   l'interprétation donnée. C'est la raison pour laquelle j'ai averti M.

 22   Somun, qui était attaché à la mission dont j'étais responsable en tant

 23   qu'officier de liaison auprès de la présidence, que si qui que ce soit

 24   jouait à de tels jeux politiques, j'entreprendrais quelque chose en

 25   envoyant un message à l'avion pour lui dire de ne pas atterrir. Le problème

 26   de Kouchner était différent et n'était pas pertinent, je pense, par rapport

 27   à ce dont nous discutons en ce moment.

 28   En réalité, j'ai estimé ce jour-là que le président aurait pu utiliser sa

Page 2886

  1   position de président pour rencontrer les gens qui étaient dans l'avion,

  2   ensuite j'ai pensé qu'il ne devrait pas le faire, que vous étiez tous sur

  3   un pied d'égalité et que vous pourriez tous le rencontrer en même temps. En

  4   fait, c'était dans votre intérêt que j'ai envoyé cet avertissement à M.

  5   Somun.

  6   Puis ce qui est écrit un peu plus bas c'est une référence à la difficulté

  7   qu'il y avait pour chacun à retourner à l'aéroport. La signature du cessez-

  8   le-feu est mise en exergue. Vous étiez le premier à signer le cessez-le-

  9   feu, c'est vrai, avant les autres représentants. Bien entendu, il vous

 10   était plus facile de le signer, mais c'est quelque chose dont je pensais

 11   qu'il valait la peine de creuser la question de façon un peu plus

 12   approfondie. Le problème que j'avais c'est que je voulais tenter de

 13   persuader le président de revenir à l'aéroport, parce qu'il était inquiet

 14   étant donné que le secteur était sous le contrôle d'éléments qui relevaient

 15   des Serbes de Bosnie.

 16   Donc j'ai réussi à persuader le président de revenir pour signer le

 17   document ce soir-là, et voilà les notes que j'ai prises à ce moment-là. Si

 18   vous avez d'autres questions sur ce sujet, je vais essayer d'y répondre.

 19   Q.  Je vous remercie. Est-ce que cette lettre de M. Djeric -- je ne crois

 20   pas qu'elle ait déjà été versée au dossier. Donc j'en demande le versement.

 21   Elle a été remise à vos représentants. Vous auriez dû la recevoir.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins qu'il y ait objection de la part

 23   de l'Accusation, le document sera admis.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le

 25   Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est admis.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D229, Monsieur le

 28   Président.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Document 1D01283. C'est un rapport quotidien que vous faites dans le

  5   cadre de la Mission des observateurs. Il date du 1er juin, ce rapport. Vous

  6   n'étiez pas sur place, mais c'est un document important par rapport à ce

  7   dont nous parlions à l'instant. 1D01283, j'en demande l'affichage sur les

  8   écrans, et je demanderais que nous passions brièvement à huis clos partiel.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 10   partiel.

 11   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 2888 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Poursuivez, Monsieur Karadzic.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Colonel, vous dites que les Musulmans n'avaient pas suffisamment

  6   d'armes à leur disposition, et hier j'ai affirmé que les Musulmans avaient

  7   créé la Ligue patriotique le 30 avril, décision qui a été prise le 31

  8   avril. La ligue a été formée le 30 avril. Et vers la fin mai et mi-juin,

  9   ils disposaient d'états-majors municipaux, d'états-majors régionaux et

 10   d'unités de la Ligue patriotique dans plus de 103 municipalités. Donc ils

 11   avaient obtenu des armes de la part de la Défense territoriale. Ils

 12   recevaient aussi des armes de Croatie, les achetaient en Slovénie, ils

 13   enfreignaient l'embargo sur les armes avec l'approbation de grands pays

 14   d'ailleurs, et le secrétaire général a dit très tôt dans un rapport au

 15   Conseil de sécurité que le problème du manque d'armes des Musulmans n'était

 16   plus du tout à l'ordre du jour. C'était plutôt un problème. Donc vous êtes

 17   d'accord avec moi pour dire que les Musulmans ont reçu un grand nombre

 18   d'armes suite à l'accord concernant l'évacuation des   casernes ?

 19   Pourrions-nous avoir la pièce 21286 à l'écran, il s'agit d'un document de

 20   l'Accusation.

 21   R.  Vous m'avez posé une question, je pense, Monsieur Karadzic, et je tiens

 22   à vous dire en réponse que je ne sais absolument pas si les Musulmans

 23   avaient beaucoup d'armes ou non. Tout ce que j'ai dit précédemment c'est

 24   que par rapport aux armes aux mains des Serbes de Bosnie au départ, les

 25   Musulmans de Bosnie avaient, eux, très peu d'armes. C'est tout ce que j'ai

 26   dit hier. Rien de plus. Je ne dis absolument pas qu'il n'y avait aucune

 27   arme, mais tout ce que j'ai dit c'est qu'on ne pouvait pas comparer le

 28   nombre d'armes détenues par les Serbes de Bosnie avec celui détenues par

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  1   les Musulmans de Bosnie, en tout cas selon mes estimations.

  2   Q.  Revenons-en au fait. Qui commandait les Serbes de Bosnie et qui

  3   commandait les Musulmans de Bosnie ? Vous êtes d'accord avec moi pour dire

  4   que jusqu'au 20 mai, les Musulmans de Bosnie étaient sous le commandement

  5   de la JNA ou de leur propre organisation de Défense territoriale locale,

  6   alors que simultanément, les Musulmans, eux, avaient leurs propres

  7   formations armées ?

  8   R.  Ecoutez, je ne peux pas vraiment vous dire grand-chose à ce propos. Les

  9   Musulmans ont peut-être une ou deux formations armées, mais ils étaient

 10   toujours en train d'essayer d'obtenir des armes. C'est pour cela que nous

 11   avons essayé de mettre sur pied un blocus sur les casernes pour être sûr

 12   que les armes n'allaient pas continuer à être remises aux Serbes de Bosnie.

 13   C'était l'évaluation de la mission des observateurs, et c'était mon

 14   évaluation de la situation. Quant à savoir si vous l'acceptez ou non, ça

 15   c'est autre chose. Mais en tout cas, c'est mon opinion et c'est basé sur ce

 16   que j'ai vécu.

 17   Q.  Très bien. Il est bon de savoir qu'il s'agit de votre opinion et que ce

 18   ne sont pas des faits que vous avez établis une bonne fois pour toutes.

 19   Maintenant penchons-nous sur cet accord qui a été signé, et je pense que

 20   vous y avez pris part, d'ailleurs vous êtes mentionné en référence au

 21   numéro 4, envoyé personnel de Lord Carrington, M. Doyle; c'est bien vous ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Au point 2, il est écrit :

 24   "Les parties à l'accord ont convenu dans le cadre du retrait des forces de

 25   la JNA de la République de Bosnie-Herzégovine, le retrait des

 26   commandements, des unités et des institutions avec tous leurs armements,

 27   leurs munitions et leurs mines et leurs explosifs, leur équipement et tous

 28   leurs biens meubles, qui restent après avoir rendu à la Défense

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  1   territoriale ce qui lui appartient, et ce, dans les casernes de Zenica,

  2   Travnik et Konjic, ainsi que dans les casernes de Sarajevo appelées

  3   Maréchal Tito, Victor Bubanj, Jusuf Djonlic, Gavrilo Princip, c'est-à-dire

  4   la caserne de Jajce, QG de la  2e Région de l'armée, institutions

  5   militaires Romanija et foyer de l'armée."

  6   Donc lorsque l'on lit cet article, il semble clair que la JNA a rendu les

  7   armes de la TO aux Musulmans et a laissé sur place à Sarajevo un grand

  8   nombre d'armes lourdes ainsi que dans d'autres casernes, y compris Zenica.

  9   Nous avons des preuves à cet effet d'ailleurs, et donc on ne pouvait plus

 10   dire que les Musulmans de Bosnie n'étaient pas suffisamment armés. Vous

 11   vous souvenez quand même que la JNA a donné 6 000 canons à Sarajevo par le

 12   biais du général Boskovic aux Musulmans pour obtenir la libération des

 13   cadets qui étaient détenus dans la caserne du maréchal Tito ?

 14   R.  Je tiens à dire une chose à ce propos. Lorsque cet accord était en

 15   négociation, j'ai assisté personnellement aux pourparlers, c'est écrit ici

 16   d'ailleurs, en tant qu'envoyé de Lord Carrington. Je n'étais pas en charge

 17   des pourparlers et j'ai été évacué de la ville de Sarajevo le 12 mai, très

 18   rapidement. Donc ce qui fait que je ne sais absolument pas quelles

 19   dispositions de cet accord ont été mises en œuvre, je n'étais plus en

 20   position de le faire. Je tiens à dire aussi que toute la mission de

 21   surveillance de l'Union européenne a aussi été évacuée un jour avant moi,

 22   je crois, ou très tôt le matin. Donc nous essayions de négocier ce retrait,

 23   et je suis d'accord pour dire qu'en effet, la JNA voulait vraiment que son

 24   retrait se fasse de façon digne, le retrait du territoire de Bosnie, et je

 25   l'ai appris d'ailleurs lorsque j'ai eu une réunion au commandement général

 26   de l'armée serbe à Belgrade le lendemain. Mais quant à savoir si les

 27   dispositions de cet accord allaient être mises en œuvre ou non, je ne

 28   pouvais pas le savoir, puisque j'ai été évacué très rapidement et je

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  1   n'étais plus sur le théâtre des opérations.

  2   Q.  Si je vous disais qu'il existe un autre document -- enfin, cet accord

  3   a-t-il été versé au dossier ?

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, cote 150 [comme interprété].

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Très bien. Avons-nous le temps encore d'étudier un seul document. Le

  7   1D01263, 11 mai. Vous étiez encore sur place. L'état-major principal des

  8   forces de la RSFY, commandement du poste militaire 5027 à Sarajevo, colonel

  9   Enes Taso, un Musulman. Ensuite, Laslo Pravda, ça semble être un Hongrois.

 10   Les autres, visiblement, ce sont des Serbes. Au point 2, il est écrit :

 11   "Demain, l'évacuation du personnel et des biens meubles commencera à partir

 12   de plusieurs casernes : Maréchal Tito, Viktor Bubanj, Jusuf Dzonlic,

 13   Gavrilo Princip. Le principe de base est que l'on restitue les armes de la

 14   TO de quatre municipalités sur lesquelles le chef de l'état-major

 15   principal, le colonel Panic, a convenu de rendre ces armes. L'évacuation a

 16   fait l'objet d'un accord, et les armes doivent être rendues à la TO. Comme

 17   vous le voyez ici, les dispositions de l'accord ont été mises en œuvre très

 18   rapidement, là je parle de l'accord auquel vous aviez participé. Et sur la

 19   deuxième page, il est écrit qu'avec l'assentiment du chef de l'état-major

 20   principal, les armes doivent être préparées pour la Défense territoriale

 21   des quatre municipalités auxquelles il est fait référence selon la liste

 22   fournie le jour précédent.

 23   Q.  Savez-vous, Monsieur le Témoin, combien d'armes ont reçues ces quatre

 24   municipalités et savez-vous que les Serbes n'ont reçu aucune de ces armes ?

 25   R.  Il y a deux choses que j'aimerais dire à propos de ce document. Tout

 26   d'abord, j'ai commencé mon évacuation de la ville de Sarajevo à 5 heures 30

 27   du matin le 12 mai, donc il est impossible que je sache quoi que ce soit à

 28   propos de ce qui est écrit dans cette lettre. Deuxièmement, ultérieurement,

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  1   on m'a appris - je ne sais plus très bien de qui d'ailleurs - qu'un grand

  2   nombre d'armes qui avaient été laissées par la JNA ont été restituées, mais

  3   elles ne fonctionnaient plus parce qu'ils ne voulaient pas qu'ils tombent

  4   dans des mauvaises mains. Donc je ne sais absolument pas combien d'armes

  5   ont été reprises par les Musulmans. Je ne sais pas. Le 12 mai, ma priorité

  6   c'était de quitter la ville, c'était mon évacuation, car en effet, des

  7   menaces pesaient sur ma vie, et c'était tout ce qui m'intéressait à

  8   l'époque.

  9   Q.  Quelques canons à Zenica n'étaient plus équipés de leurs éléments de

 10   sécurité, mais pour les autres, tout fonctionnait. A Sarajevo, tout

 11   fonctionnait. Ils ont reçu quand même 6 000 canons, principalement des

 12   fusils et des canons de mitrailleuses et de mitraillettes. Donc vous vous

 13   souvenez qu'il y avait quand même une crise entre nous et la Yougoslavie

 14   parce qu'on leur a donné énormément d'armes pour obtenir la libération des

 15   cadets ?

 16   R.  Je me souviens de cet incident à propos des cadets, mais je ne sais pas

 17   sous quelles conditions le blocus a été levé, blocus qui pesait contre les

 18   casernes. Je ne sais pas. Posez plutôt vos questions aux Nations Unies. Ils

 19   sont restés en ville après moi. Moi, comme je vous le dis, j'ai été évacué

 20   le 12 mai, donc je ne sais pas ce qu'il en était. Je pense que vous devriez

 21   demander ces clarifications auprès des Nations Unies. Il me semble que

 22   c'est le général MacKenzie qui a repris cette partie des négociations après

 23   mon départ de la Mission d'observation de l'Union européenne. Je ne peux

 24   pas vraiment vous dire grand-chose de plus à ce propos.

 25   Q.  Mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ce document datant du 11

 26   mai corrobore ce qui a été dit dans le document précédent, document qui

 27   porte votre nom et auquel vous avez assisté à sa signature d'ailleurs ?

 28   Donc ça c'est l'étape suivante, la mise en œuvre du document précédent ?

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  1   Pouvez-vous confirmer ?

  2   R.  Ecoutez, je ne peux pas confirmer grand-chose. Il faudrait que je le

  3   compare déjà avec le document précédent, or celui-ci est en serbe et il n'y

  4   a pas de traduction. Donc il faudrait que je puisse déjà en prendre

  5   connaissance et le lire pour pouvoir le comparer avec le document

  6   précédent.

  7   Q.  Mais vous l'avez au transcript puisque je vous l'ai traduit. J'en ai

  8   donné lecture et vous avez la traduction par l'interprétation. En fait,

  9   ici, le lendemain immédiatement, on met en œuvre les dispositions de

 10   l'accord. Mais ce qui est écrit au compte rendu maintenant correspond-il

 11   aux dispositions de l'accord auquel vous avez participé, en tout cas en ce

 12   qui concerne la signature ?

 13   R.  Oui, mais c'est quand même une traduction extrêmement rapide que nous

 14   avons eue de la part des interprètes. Je ne sais pas si elle est correcte

 15   ou non. Je sais que l'on peut traduire les documents de toutes sortes de

 16   façons, il y a plusieurs interprétations que l'on peut donner à un texte.

 17   D'ailleurs, j'en ai subi les conséquences. Je ne remets pas du tout en

 18   cause votre traduction, non. Mais je vous dis juste que je ne peux pas lire

 19   le serbo-croate, et donc je ne peux pas me prononcer.

 20   Q.  Je lisais en serbe, mais vous avez eu l'interprétation en anglais de la

 21   part des interprètes.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De toute façon, nous allons lever la

 23   séance.

 24   Madame le Procureur, quelle est votre position à propos de ce document ?

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous ne sommes pas contre

 26   l'admission, du moment qu'il est traduit.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Il recevra donc une cote

 28   provisoire en attendant la traduction.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote MFI 231.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons donc demain

  3   à 9 heures.

  4   Nous remercions les interprètes et la sténotypiste d'avoir été si

  5   patients.

  6   --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le vendredi 28 mai

  7   2010, à 9 heures.

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