Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 3 juin 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Bonjour, Monsieur Donia.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah oui, le cadre est un peu différent,

  9   mais nous retrouverons les mêmes personnages.

 10   Monsieur Karadzic.

 11   LE TÉMOIN : ROBERT DONIA [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à tous.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Bonjour, Monsieur Donia. J'aimerais que nous abordions la partie, la

 17   période qui a précédé l'établissement, la création des partis. Ce ne sera

 18   pas long, nous allons voir si nous avons un terrain d'entente, et si nous

 19   nous entendons sur certains points, ce qui nous évitera l'examen de

 20   documents.

 21   Vous savez que j'ai créé plusieurs ouvrages de poésie, de poésie pour

 22   les enfants, des comédies, des romans. Est-ce que dans mes œuvres, vous

 23   auriez trouvé quoi que ce soit qui vous aurait indiqué mon état d'esprit,

 24   ce qui pourrait, par exemple, militer contre moi dans ce procès ?

 25   R.  Je ne sais pas trop comment répondre à votre question. J'ai lu certains

 26   de vos recueils de poésie, le style, la façon dont vous vous exprimez dans

 27   ces poèmes ne révèle pas d'état de conscience qui militerait contre vous

 28   dans ce procès, non. Ce n'est pas ce que je dirais.

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  1   Q.  Merci. Avez-vous lu mon roman "La chronique magique ?"

  2   R.  Non, malheureusement, je ne l'ai pas lu.

  3   Q.  Mais vous savez que j'ai été récompensé par beaucoup de prix pour

  4   nombre de mes livres. Je ne le dis pas ici [inaudible] prix Sholokhov, le

  5   prix Jovan Ducic, et ceci, je ne dis pas ça sous l'angle littéraire, mais

  6   au niveau de la pensée politique qui était correcte.

  7   R.  Je ne sais pas, je ne connais pas tous ces noms, mais je sais que vous

  8   avez obtenu un prix, et que bon nombre de personnes ont trouvé votre œuvre

  9   excellente.

 10   Q.  Merci. Revenons à la période précédant la création du SDS. Connaissez-

 11   vous les rapports que j'avais avec mes concitoyens au sens religieux, au

 12   sens national ?

 13   R.  Je pense que du point de vue national, vous êtes arrivé à 15 ans à

 14   Sarajevo du Monténégro, et vous avez manifesté une loyauté locale, disons,

 15   envers le Monténégro, qui s'exprimait souvent comme étant une loyauté

 16   serbe. Je pense que ça a quelque peu évolué au fil du temps, et que cette

 17   mentalité s'est plutôt transformée en mentalité serbe, du moins, à mes

 18   yeux. Manifestement, je ne pourrais pas le dire aussi clairement que vous,

 19   mais surtout pendant les années 1980, vous êtes allé à Belgrade, vous y

 20   avez passé plusieurs mois et vous avez passé une année en prison, et votre

 21   identité serbe est devenue plus marquée.

 22   Q.  Merci. Etes-vous d'accord pour dire que ma région d'origine au

 23   Monténégro s'est trouvée après le congrès de Berlin d'Herzégovine, et qu'on

 24   l'appelle encore l'ancienne Herzégovine aujourd'hui, cette région ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous avez noté dans les œuvres de Vuk Karadzic, qu'il a dit

 27   que de l'Herzégovine, à Drobnjak, à Petnjica, et qu'en fait, c'est bien ma

 28   région d'origine, et c'est là que se trouve mon village natal ?

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  1   R.  Effectivement, vous êtes né à Petnjica, et vous avez vécu à Savnik,

  2   puis, à Niksic, pour arriver ensuite à Sarajevo. Je suis informé de cette

  3   question, mais je ne savais pas que Vuk Karadzic avait un lien avec cette

  4   région, mais je vous l'ai déjà dit, je sais que sa famille et la vôtre ont

  5   des racines communes.

  6   Q.  Son père est né dans mon village.

  7   En nous unifiant avec le Monténégro, nous sommes restés Herzégovins, tout

  8   en gardant un grand amour pour le Monténégro, et c'est pour cela que nous

  9   nous étions unifiés.

 10   R.  Mais écoutez, je ne comprends pas très bien la question. Q.  Pendant le

 11   congrès de Berlin, le Monténégro et la Serbie se sont vu octroyer

 12   l'indépendance ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et le Monténégro, à l'époque, a reçu plusieurs territoires 

 15   limitrophes, mon territoire, l'ancienne Herzégovine, s'est uni au

 16   Monténégro, plutôt que de rester en Herzégovine qui était encore sous  sous

 17   le régime turc ?

 18   R.  Disons que techniquement, c'était encore une souveraineté turque, mais

 19   sous administration austro-hongroise jusqu'en 1978. Manifestement, ceci ne

 20   faisait pas partie du Monténégro.

 21   Q.  Mais la vieille Herzégovine qui s'était réunie au Monténégro ne se

 22   trouvait plus sous le régime turc, alors que ce fut le cas pour

 23   l'Herzégovine jusqu'en 1908. La région de Durmitor, en  vieille

 24   Herzégovine, avec une population serbe, était liée au Monténégro, elle

 25   était libre, et c'est pour ça que nous nous sommes unis, parce que c'était,

 26   de toute façon, des terres serbes.

 27   R.  Vous faites plusieurs affirmations, plusieurs postulats, et il faudrait

 28   voir l'issue officielle et diplomatique du congrès de Berlin. Je ne veux

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  1   pas, ici, à côté, me dire que toutes ces terres étaient, de toute façon,

  2   des terres serbes. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous, là-

  3   dessus.

  4   Q.  Mais est-ce que vous connaissiez un autre état ? On parle des terres

  5   St-Sava. Est-ce qu'il y a eu, dans un autre état, une population autre que

  6   la population serbe depuis la nuit des temps -- enfin, depuis la période

  7   illyrienne ?

  8   R.  Mais je pense que nous parlons du Monténégro, beaucoup de Monténégrins

  9   ne seraient pas d'accord avec ce que vous venez de dire. Ils vous diraient

 10   qu'en fait, ces terres étaient habitées par des Monténégrins pendant très

 11   longtemps. Je trouve que cette question porte à contestation.

 12   Q.  Bien. Ne parlons plus du Monténégro. Mais à ce moment-la, on a déclaré

 13   que le Monténégro est une terre serbe, et la population était celle du Tzar

 14   Nikola -- enfin qu'ils ont appelé plus tard le roi Nicolas. Il estimait

 15   qu'il était le chef, le dirigeant serbe.

 16   R.  Mais ce n'était pas une terre serbe. C'était une principauté

 17   indépendante, le Monténégro.

 18   Q.  C'était un Etat indépendant, mais c'était un Etat serbe qui ne faisait

 19   pas partie de la Serbie, mais qui était une terre serbe. Chez moi, il y

 20   avait une population serbe, et quand nous nous sommes réunifiés avec le

 21   Monténégro, nous n'avons pas perdu notre nationalité, notre identité

 22   nationale, n'est-ce pas ?

 23   R.  Mais en se réunifiant avec le Monténégro, rien n'aurait conduit à une

 24   modification de l'identité nationale, c'est juste.

 25   Q.  Merci. Essayons de donner un meilleur éclairage sur la question, parce

 26   que mon identité nationale serbe s'est affirmée davantage dans les années

 27   1980, nous verrons bientôt pourquoi. Mais est-ce que vous savez que mon

 28   père, aujourd'hui décédé, avait un frère de sang de l'Albanie du Monténégro

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  1   ? C'était un Musulman d'Albanie. Vous le saviez ?

  2   R.  Non, je ne savais pas.

  3   Q.  Mais je l'ai dit dans des interviews, et à Niksic, mon voisin,

  4   s'appelait Mahmut Adzajlic, oncle du grand héros monténégrin, Mujo

  5   Adzajlic, un Musulman qui a combattu les turcs.

  6   R.  Je ne l'ai pas remarqué dans vos interviews. Mais rien ne me pousse à

  7   contester que vous auriez eu de mauvais sentiments envers des Musulmans de

  8   façon générale, et sûrement pas envers ceux que vous connaissiez.

  9   Q.  Merci. Quand ils veulent étudier les Monténégrins, ils vont à Belgrade

 10   -- enfin, c'est une anecdote que je vous donne ici, et ils étudient surtout

 11   l'histoire et le droit.

 12   R.  Alors, pourquoi est-ce que vous, vous êtes allé à Sarajevo ? Ça

 13   m'intéresse beaucoup. Mais c'est une autre histoire peut être.

 14   Q.  Je vais vous expliquer. Radio Belgrade n'était pas captable à Niksic,

 15   et Radio Titograd commençait la diffusion à midi. Donc, on a toujours

 16   écouté Radio de Sarajevo, c'était tout près. Et alors, moi, plutôt, comme

 17   j'aimais Sarajevo, j'ai étudié à Sarajevo. Ça vous semble plausible ?

 18   R.  Oui, c'est a peu près comme ça que j'aurais compris les choses.

 19   Q.  En 1960, j'avais 15 ans, j'arrive à Sarajevo, la Yougoslavie d'alors

 20   était loin d'être nationaliste, était loin d'être en passe d'être détruite.

 21   R.  C'était peut-être, cette année, l'apogée de l'Etat yougoslave, qui ne

 22   connaissait pas alors ses divisions nationalistes.

 23   Q.  Vous avez dit que j'étais bien intégré, je ne sais plus exactement ce

 24   que vous avez dit quand vous dites que je me sentais chez moi, à Sarajevo,

 25   et en dépit de mon identité monténégrine, je suis devenu Sarejevin [phon].

 26   Donc, votre origine vous donne une identité, et votre identité nationale

 27   vous en donne une autre; vous être d'accord sur cette idée ?

 28   R.  Je ne sais pas que penser. Mais je pense que vous aviez une identité,

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  1   disons, hybride, et quelque part chacun d'entre nous connaît cette

  2   situation de sol fidèle à un pays, à une nation, voire à une ville, à un

  3   lieu, parfois à une famille ou même à un métier. Et tout ceci existe

  4   simultanément, concomitamment. Des sentiments que vous décrivez en parlant

  5   de Sarajevo, je pense que vous parlez de "zavicajno," quand vous parlez de

  6   votre foyer, de votre maison. C'est votre loyauté viscérale, dirais-je.

  7   Q.  Merci. Mais il y a aussi des auteurs monténégrins, pas seulement vous,

  8   qui ont vu que j'aimais le Monténégro, mais le Monténégro, pour tous les

  9   Serbes, c'est quelque chose qui est très respecté. Tous respectent

 10   l'éthique monténégrine, les Serbes respectes beaucoup l'ethos, et pas

 11   l'ethnos du Monténégro.

 12   R.  Oui, mais ils n'arrêtent pas de raconter des blagues sur les

 13   Monténégrins.

 14   Q.  Ça, c'est vrai de nous tous, n'est-ce pas ?

 15   J'en ai parlé aussi dans mes interviews, est-ce que vous savez que

 16   tous mes contacts professionnels à Sarajevo, c'étaient avec des Musulmans ?

 17   Je ne vais pas les citer tous pour ne pas perdre le temps. Le professeur

 18   qui m'a enseigné la psychiatrie clinique, c'était un Musulman, je l'avais

 19   choisi exprès. Mon professeur de médecine interne, c'était un Croate, il

 20   s'appelait Ivan. Mon dentiste, que j'avais choisi, c'était Faruk, un

 21   Musulman. Mes avocats, que j'avais choisis, c'était Ekrem… j'ai le souvenir

 22   de son nom, mais pas un Musulman issu du Kosovo, et mon coiffeur, c'était

 23   un Musulman, et tout ce que je faisais à Sarajevo, c'était beaucoup avec

 24   les Musulmans.

 25   R.  Je ne vais pas le contester, mais entre le moment où vous êtes arrivé à

 26   Sarajevo et le moment où vous avez noué ces contacts, personne ne faisait

 27   attention à cette notion d'identité communautaire, si ce n'est peut-être

 28   dans le cadre d'une conversation personnelle, ou parce que ça intéressait

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  1   personnellement, et je pense que c'est cela que vous voulez dire. Vous

  2   n'avez pas cherché à contacter des Musulmans parce que c'étaient des

  3   Musulmans, mais il se fait que bon nombre des personnes qui étaient des

  4   contacts professionnels se trouvaient être des Croates ou des Musulmans,

  5   disons, par coïncidence. Est-ce que je vous ai bien compris ?

  6   Q.  Oui, vous avez bien compris. Il n'en donne pas moins que ces liens ont

  7   duré jusqu'au moment où la guerre a éclaté en 1992. Rien n'a changé. C'est

  8   chez Meha [phon] que je me suis fait couper les cheveux la dernière fois.

  9   C'est le meilleur coiffeur de Sarajevo. Je ne l'ai pas choisi parce qu'il

 10   était Musulman, mais parce que c'était le meilleur coiffeur, mais je ne

 11   l'ai pas choisi parce qu'il était expressément Musulman. Je voulais revenir

 12   à ce que vous aviez dit, à savoir que effectivement -- oui, je vois qu'on

 13   me demande de ralentir. Je le ferai.

 14   Nous parlions du 13 juillet. A Sarajevo, il y avait dans les trois

 15   groupes ethniques des personnalités de haut niveau chez les Serbes, les

 16   Croates et les Musulmans. Ce qui m'intéressait, c'était la qualité

 17   professionnelle de quelqu'un. Je ne choisissais pas quelqu'un par raison de

 18   sa religion.

 19   R.  Pour ce qui est de l'époque dès lors, effectivement, et de la vie qu'il

 20   y avait alors, oui, je crois que c'est vrai.

 21   Q.  Et ça a duré jusqu'au moment où la guerre a éclaté. Même en mars,

 22   c'était encore vrai, après ce qu'on a appelé le moment des barricades, des

 23   barrages. Jusqu'au 6 avril, j'ai gardé et j'ai conservé activement ces

 24   mêmes contacts. Vous êtes d'accord avec moi ?

 25   R.  Je ne sais pas si cela a été vrai pour toutes les personnes avec qui

 26   vous aviez des liens et qui n'étaient pas du même groupe de vous, mais ça

 27   me semble plausible, et ça sans doute été vrai pour certains de ces

 28   contacts.

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  1   Q.  Merci. Je voudrais relier ceci avec votre rapport concernant les

  2   origines de la Republika Srpska. Le 13 juillet -- je vais lire le texte en

  3   anglais : 

  4   "A la réunion du SDS, Karadzic s'est exprimé en termes élogieux pour les

  5   Musulmans. 'Notre objectif, c'est de réparer les relations

  6   intercommunautaires et de rétablir l'égalité, la réciprocité, et la paix

  7   civile. Je crois que la nation musulmane a un grand potentiel. Je pense en

  8   sa bonté humaine est simple.'"

  9   Page 20. Je n'ai pas tout lu, mais je suis arrivé jusque-là. Etablissons

 10   maintenant ceci : S'agissant de nos rapports avec les Musulmans, étaient-

 11   ils politiques ou religieux ? Est-ce que nos rapports avec l'Islam était à

 12   l'origine de quoi que ce soit ? Puisque vous avez répété mes dires, est-ce

 13   que vous croyez que nous voulions vraiment dire ce que nous disions ?

 14   R.  Vous avez sans nul doute maintenu et tenu votre parole dans les

 15   nombreux mois qui ont précédé les élections. Les trois partis nationaux, et

 16   surtout pendant les quelques dernières semaines de la campagne électorale,

 17   vous avez organisé des meetings conjoints. Vous avez fait des discours avec

 18   M. Kljuic, M. Izetbegovic, vous avez travaillé ensemble pour veiller à ce

 19   que les électeurs soient bien inscrits, et vous étiez des opposants en

 20   partenariat avec les Sociodémocrates [phon] et des Réformateurs dans cette

 21   campagne électorale. Donc, c'est vrai qu'on peut dire que pendant cette

 22   période jusqu'aux élections et un peu après, il y a eu, quand même, des

 23   sentiments de coopération et d'actions communes.

 24   Q.  Merci. Vous dites Sociodémocrates et Réformateurs, c'est gentil de

 25   votre part, mais nous, nous les combattions parce que pour nous c'étaient

 26   des Communistes, et nous voulions remplacer le régime.

 27   R.  Cette appellation était un peu technique. A l'époque, c'était le Parti

 28   social démocrate/Ligue des Communistes. Donc je crois que vous et moi, nous

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  1   avons raison.

  2   Q.  Merci. Lors de l'assemblée constituante du SDS, et vous avez dit qu'il

  3   y avait 3 000 personnes qui étaient présentes, est-ce que vous avez vu le

  4   programme du SDS, et est-ce qu'il y a un point particulier de ce programme

  5   qui aura attiré votre attention ?

  6   R.  Je crois avoir déjà fait la synthèse de certains de ces points dans mon

  7   rapport, mais ça fait un bout de temps que je n'ai pas examiné ce rapport.

  8   Vous pourriez peut-être me le rappeler. Je vous en remercie d'avance.

  9   Q.  Mais j'espère que nous pourrons faire afficher le programme du parti,

 10   mais est-ce que vous vous souvenez du discours que j'ai fait à l'assemblée

 11   constituante ?

 12   R.  Dans les grandes lignes, mais je ne me souviens pas de citations

 13   précises.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher le document 1D90, programme du

 15   SDS lors de la séance constituante du 13 juillet de 1990 ?

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Vous l'aurez remarqué, je ne voulais pas être président du parti, et

 18   j'ai proposé à d'autres d'endosser ces fonctions.

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Je suis sûr que vous aurez aussi remarqué que j'ai proposé qu'on ait en

 21   fait deux ailes, deux factions; l'une sociodémocrate et l'autre nationale ?

 22   R.  Oui. J'en ai parlé hier.

 23   Q.  Merci. Vous parlez le serbe, mais peut-être que l'Accusation a la

 24   traduction du document ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est dans votre liste 00928, visée par

 27   l'article 65 ter. Effectivement, nous avons une traduction en anglais.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on attend d'avoir la traduction à

  2   l'écran ? 00928. J'aimerais l'affichage de ce document.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Je vais lire en serbe, et vous avez, au regard du serbe, la version en

  5   anglais :

  6   "Programme du Parti social démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine.

  7   "Dans ce processus de revitalisation de la vie politique du peuple serbe en

  8   Bosnie-Herzégovine, et dans l'esprit de la liberté fondée sur la tradition,

  9   le SDS de Bosnie-Herzégovine fonde ses activités sur les principes

 10   humanistes et civilisés suivants.

 11   "1. La démocratie repose sur l'abolition du monopole unipartite.

 12   "2. La paix et la coopération entre les peuples sont les conditions

 13   préalables au développement de la justice sociale.

 14   "3. La liberté et les droits de l'homme et des citoyens sont des valeurs

 15   suprêmes.

 16   "4. Légitimité du système et état de droit.

 17   "5. Egalité comme base de la cohabitation.

 18   "6. Une Yougoslavie démocratique en tant qu'Etat fédéral moderne.

 19   "7. Relations internationales fondées sur le respect mutuel et la

 20   tolérance.

 21   "8. Etablissement d'un dialogue équitable, égalitaire et civilisé de

 22   représentants légitimement élus qui représentent tous les peuples et tous

 23   les citoyens.

 24   "9. La Bosnie-Herzégovine en tant que République et dotée des mêmes

 25   droits dans un Etat fédéral moderne.

 26   "10. Le Kosovo-Metohija au sein de l'Etat de Serbie garde son

 27   autonomie de type occidental.

 28   "11. Coopération avec l'Eglise orthodoxe serbe et sa participation à

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  1   la vie du peuple serbe à titre égalitaire, sur un même pied d'égalité."

  2   Ici, je ne vois pas le 12 en Serbe, mais c'est :

  3   "Le retour à l'héritage nationaliste, historique et culturel qui

  4   avait été pris aux Serbes."

  5   Est-ce qu'il faut vraiment tout lire ? Je ne pense pas que ce soit

  6   nécessaire, car nous avons le programme sous les yeux.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est à vous de voir.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Oui. Le point 20 est important.

 10   "20. Développement des zones rurales et de l'agriculture grâce à

 11   l'abolition des taxes agraires et politiques agraires destiné à protéger

 12   les paysans, les exploitants agricoles des vicissitudes diverses."

 13   Est-ce que ce programme était acceptable pour tous ?

 14   R.  Le gros de ce programme, oui. Je pense qu'il y a certains aspects ici

 15   qui constituent véritablement des portes d'entrée, des points de départ, et

 16   des débats qui ont eu lieu au cours de la période préélectorale, au cours

 17   de la campagne qui a précédé et à propos desquels certaines divergences de

 18   vue se sont faits jour. J'aimerais que l'on revienne à la première page,

 19   notamment. Le point 6, "la Yougoslavie démocrate en tant qu'Etat fédéral

 20   moderne," et le point 9, "la Bosnie-Herzégovine en tant que République

 21   jouissant des mêmes droits au sein d'un Etat fédéral moderne," ces points-

 22   là sont devenus des pommes de discorde. Pas quant à la manière dont les

 23   choses sont présentées, mais quant à l'interprétation qui en a été faite

 24   par vous-même et d'autres dirigeants du parti. Ceci renvoie certains des

 25   débats constitutionnels dont nous avons parlé hier.

 26   Le point 10, c'est en fait une déclaration qui consiste à rendre au

 27   Kosovo-Metohija un degré d'autonomie qu'il avait perdu suite à l'action de

 28   Milosevic en 1989, et je pense que sur ce point-là, il y avait une forte

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  1   convergence de vue entre votre parti et les autres.

  2   Maintenant, si j'examine les autres points, je pense pouvoir dire

  3   qu'en tout cas, parmi l'ensemble des points évoqués dans ce parti, il y en

  4   a au moins deux qui sont devenus de véritables pommes de discorde dans le

  5   cadre de la campagne électorale. Pour le reste, je pense qu'effectivement

  6   ils ont fait l'objet d'un large consensus.

  7   Q.  Merci. Vous souvenez-vous que nous avons annoncé ensuite

  8   l'établissement du SDS le 26 mars 1990, et qu'à l'époque, Izetbegovic avait

  9   écrit qu'il n'adresserait pas la parole au moindre parti en faveur du

 10   démantèlement de la Yougoslavie ? Cela a été la première déclaration du

 11   SDA.

 12   R.  Je n'ai pas un souvenir précis de cette déclaration-là. Il est exact

 13   que le SDA, le parti musulman, dans son premier programme, s'est dit en

 14   faveur d'une république unifiée de la Bosnie-Herzégovine au sein de la

 15   Yougoslavie, et qu'elle devait donc s'inscrire dans le cadre yougoslave.

 16   Q.  Merci. Vous avez remarqué et confirmé que M. Izetbegovic, avec les

 17   autres dirigeants musulmans, avait participé à cette première assemblée

 18   constitutive, qu'il s'en était félicité et qu'il avait même dit : "Mais

 19   qu'attendiez-vous ?" Ce à quoi on lui a répondu : "Un véritable parti serbe

 20   authentique." Ce n'est pas ce qu'il a dit ?

 21   R.  Je crois que ce qu'il a dit d'avantage c'est : "Nous vous attendions."

 22   Q.  Très bien. Vous souvenez-vous que quelqu'un, un membre de l'auditoire,

 23   lui a demandé quelle était la nature de la Yougoslavie dans laquelle il

 24   croyait, et il a répondu : "Je suis en faveur d'une fédération raisonnable

 25   ?

 26   R.  Oui, ou quelque chose de cet acabit.

 27   Q.  Merci. Vous souvenez-vous comment j'ai expliqué pourquoi Krajisnik

 28   était le porte-parole de l'assemblée, et pourquoi il faisait souvent partie

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  1   d'équipes de négociation ? J'ai dit qu'il en avait la compétence,

  2   manifestement, mais j'ai également ajouté que c'était là le souhait

  3   d'Izetbegovic, à savoir que Krajisnik fasse partie de ces équipes parce

  4   qu'ils se comprenaient très bien.

  5   R.  Non, je n'ai pas de souvenir précis dans ce sens, ni de cette

  6   déclaration.

  7   Q.  Merci, mais lorsque j'ai dit que nous avions dit que nous souhaitions

  8   une Yougoslavie démocrate en tant qu'Etat démocrate moderne, n'était-ce pas

  9   également ce qu'Izetbegovic voulait ? Il voulait, lui, une fédération

 10   raisonnable. N'était-ce pas là un pas en avant vers cette fédération

 11   raisonnable, qu'il avait appelé de ses vœux ?

 12   R.  Ceci nous amène à nous demander ce que les uns et les autres

 13   entendaient par "fédération" et "confédération". Je crois que votre

 14   question est légèrement différente dans la mesure, ou je suppose, vous

 15   suggérez qu'Izetbegovic était en faveur de la participation de M. Krajisnik

 16   parce qu'il aimait sa démarche vis-à-vis de cette idée d'une Yougoslavie

 17   moderne. C'est bien ce que vous suggérez, n'est-ce pas ?

 18   Q.  Ce que je voulais dire c'est que nous avons pris en considération ce

 19   que voulait la partie musulmane. J'ai demandé aux Musulmans ce qu'ils

 20   pensaient de la possibilité que Milan Trbojevic ou Krajisnik deviennent

 21   porte-parole de l'assemblée, parce que nous voulions éviter tout désaccord.

 22   C'est la raison pour laquelle j'ai choisi cette formulation, un Etat

 23   fédéral moderne, une Yougoslavie moderne, démocrate, de façon à converger

 24   avec la thèse ou les idées d'Izetbegovic. Vous êtes d'accord avec moi pour

 25   dire que c'est la démarche qui m'a animé à ce moment-là ?

 26   R.  Je crois qu'il y a là deux différentes questions. L'une concerne le

 27   choix du porte-parole de l'assemblée, président de la présidence, président

 28   du gouvernement, choix qui s'est opéré dans le cadre d'accords interpartis

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  1   après les élections. Et je crois qu'ici, ceci renvoie à la compatibilité

  2   des démarches et approches vis-à-vis de la Yougoslavie qui ont caractérisé

  3   la période, d'ailleurs, la période de fondement des partis, mais suite à

  4   quoi un certain nombre de divergences se sont fait jour et deux courants

  5   principaux se sont dégagés à ce moment-là sur ce que l'on devait entendre

  6   par Etat fédéral moderne.

  7   Q.  Je pense que je n'ai pas été suffisamment clair. Je n'étais pas en

  8   faveur du statu quo s'agissant de ce qu'était la Yougoslavie à l'époque.

  9   C'est la raison pour laquelle j'ai utilisé l'expression "fédération

 10   moderne", c'est quelque chose que je voulais utiliser pour me rapprocher le

 11   plus possible de la formulation qu'avait choisie Izetbegovic, à savoir ce

 12   concept de "fédération raisonnable". Vous êtes d'accord avec cela, n'est-ce

 13   pas ?

 14   R.  En ce qui concerne ce qu'a dit Izetbegovic, peut-être, mais je ne sais

 15   pas quel type de consultation vous avez pu mener avec lui avant l'adoption

 16   du programme. Le programme a été adopté lors de l'assemblée constituante en

 17   juillet, et je crois que c'est lors de cette même réunion qu'il a fait

 18   cette déclaration. Par la suite, on s'est surtout concentrés sur des

 19   déclarations faites pendant la campagne, déclarations à l'issue desquelles

 20   on a constaté des divergences de points de vue sur que devrait être la

 21   Yougoslavie, sur le nom qu'elle devrait prendre et sur la nature des

 22   changements qui devraient intervenir.

 23   Q.  Merci. Avez-vous remarqué dans l'un quelconque de mes entretiens

 24   qu'Izetbegovic et moi-même étions voisins et que nous avions l'habitude de

 25   nous rencontrer avant la création de son parti ou du mien, et avant même la

 26   tenue de l'assemblée constitutive, et que je savais, avant même cela, quel

 27   était son point de vue ?

 28   R.  Bien. Je ne le savais pas -- je ne sais pas quelle était la nature ni

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  1   l'intensité de vos contacts avec lui, mais c'est tout à fait plausible.

  2   Q.  Je vous remercie.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce que ce document soit versé

  4   au dossier, et pourrait-on afficher à l'écran la pièce P929, s'il vous

  5   plaît. C'est une pièce de l'Accusation.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons accepter le document 928 au

  7   dossier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D254, Madame,

  9   Messieurs les Juges.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le document P929,

 11   pièce de l'Accusation. Il s'agit du discours que j'ai prononcé lors de

 12   cette assemblée constitutive. Je demanderais à ce que l'on affiche la

 13   première page dans un premier temps, puis ensuite la page 4. Il n'est pas

 14   nécessaire d'examiner l'intégralité de ce discours. Concentrons-nous sur

 15   les parties les plus pertinentes.

 16   929. C'est une pièce de l'Accusation, je répète. Document 65 ter

 17   00929. La version en serbe est la bonne, et il nous faut maintenant la

 18   version en anglais. Oui.

 19   Il s'agit du discours d'inauguration qu'on a lancée lors de

 20   l'assemblée constitutive. Examinons maintenant la page 4. Page 4, s'il vous

 21   plaît. En anglais, en fait, c'est sans doute la page 3, et c'est la bonne.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Regardons l'avant-dernier paragraphe qui commence ainsi : "La

 24   coexistence," ou, "la cohabitation".

 25   "La coexistence a également donné naissance à certaines valeurs

 26   permanentes que le Parti démocrate serbe va entretenir et développer. Dans

 27   ce sens, le parti sera ouvert à toute coopération," - peut-on, s'il vous

 28   plaît, faire défiler vers le bas la version serbe, voire même afficher la

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  1   page suivante - "avec toutes les organisations démocratiques de la

  2   république et du pays. Nous ne saurions et ne souhaitons pas non plus

  3   coopérer avec les partis chez lesquels on retrouve même la plus infime

  4   trace d'antiserbisme, d'antiyougoslavisme, d'antisémitisme et

  5   d'antidémocratisme dans leur programme ou leurs activités.

  6   "Le nom du parti constitue sa plus grande et exacte légitimité. C'est

  7   le parti des Serbes de Bosnie-Herzégovine. C'est un parti démocrate qui

  8   oeuvrera dans le sens des intérêts des peuples et citoyens serbes et, par

  9   la même, oeuvrera pour les intérêts de tous les peuples et citoyens de

 10   notre région."

 11   Avez-vous eu connaissance de ce discours que j'ai fait ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Conviendrez-vous avez moi pour dire que la position exprimée par

 14   Izetbegovic le 26 mars, indiquant qu'il n'adresserait même pas la parole au

 15   parti qui était en faveur du démantèlement de la Yougoslavie, et sa

 16   déclaration selon laquelle il était en faveur d'une fédération moderne, et

 17   cette partie de mon discours, de mon programme, étaient là des bases

 18   solides pour une bonne coalition, coopération future entre ces deux partis

 19   ?

 20   R.  Comme je vous l'ai déjà dit plus tôt, je n'ai pas connaissance de

 21   déclarations particulières en date du 26 mars. Je sais qu'il a dit quelque

 22   chose qui était assez proche de cette expression, un Etat moderne, peut-

 23   être une fédération moderne. Je n'ai jamais été en mesure de bien

 24   comprendre a qui vous pensiez lorsque vous avez dit que vous ne souhaitiez

 25   pas coopérer avec des partis où leurs actions trahissaient à la moindre

 26   trace d'antiserbisme, d'antiyougoslavisme, d'antisémitisme et

 27   d'antidémocratisme. Pour moi, la porte était grande ouverte et ça aurait pu

 28   véritablement couvrir tous types de partis avec lesquels vous n'aviez

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  1   aucunement l'intention de coopérer.

  2   Mais à l'exception de cette déclaration devant laquelle je suis un

  3   peu perplexe, je dois bien le dire, effectivement, il y avait là une base

  4   solide de coopération avec le SDA dans un partenariat entre ces deux

  5   partis.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant voir la page 3, paragraphe 2

  8   dans la version en serbe.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  En attendant que cette partie du discours soit affichée, je vous

 11   rappellerais que nous avions déjà le Parti croate des droits à Zagreb, en

 12   Croatie, qui avait hérité des traditions du Parti des droits remontant à la

 13   période oustachi qui, en fait, donnait naissance aux Oustachi. En fait,

 14   c'était le Parti croate des droits qui avait engendré le mouvement oustachi

 15   avant la Deuxième Guerre mondiale, un mouvement fasciste qui en fait a créé

 16   l'Etat indépendant de Croatie.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce commentaire de M. Karadzic, c'est un

 20   commentaire, ce n'est pas une question.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet, je me demandais qui était en

 22   train de déposer.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Conviendrez-vous avez moi que le Parti croate des droits avait bien

 25   créé le mouvement oustachi qui était à la tête de l'Etat croate indépendant

 26   ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Conviendrez-vous avez moi que le Parti croate des droits avait été, en

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  1   quelque sorte, reconstitué et qu'un nouveau souffle avait été donné à son

  2   action dans les années 1990, au début des années 1990, en Croatie ?

  3   R.  Une faction politique a été constituée, baptisée le Parti croate des

  4   droits, se disant successeur du premier Parti croate des droits. Je ne sais

  5   pas s'il a été reformé, à proprement parler. Il a été constitué à ce

  6   moment-là, et il se réclamait de cette tradition.

  7   Q.  Conviendrez-vous que ce Parti croate des droits, lui aussi, fait l'écho

  8   d'exigences visant à la création une fois encore de cet Etat croate

  9   indépendant qui allait recouvrir Boka Kotorska, Srijem, et d'autres

 10   territoires qui faisaient historiquement partie de ce territoire ?

 11   R.  Pour être tout à fait honnête, je n'en sais rien.

 12   Q.  Mais ils ont publié cette carte, et ils ont dit eux-mêmes qu'ils

 13   reprenaient le relais du Parti croate des droits en se fondant sur les

 14   mêmes programmes. Vous êtes bien d'accord avec moi pour reconnaître qu'à la

 15   base de ce Parti croate de droits se trouvait le parti d'Ante Starcevic ?

 16   R.  En partie, oui.

 17   Q.  Vous conviendrez également que le nouveau Parti croate des droits,

 18   comme son devancier, était radicalement antiserbe, antiyougoslave,

 19   antisémite ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Conviendrez-vous avez moi que les Oustachi étaient antiyougoslaves,

 22   antiserbes et antisémites ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous vous souviendrez avoir confirmé que nous avions même certains

 25   doutes par rapport au président Tudjman lorsqu'il avait déjà dit qu'il

 26   était heureux que sa femme ne soit ni serbe ni juive ?

 27   R.  Oui, nous l'avons confirmé, et qu'il avait cette chance, oui.

 28   Q.  Bien. Ce faisant, cette position selon laquelle nous ne coopérerions

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  1   pas avec des partis antiserbes, antidémocrates, antiyougoslaves et

  2   antisémites, cette position ne vous semble-t-elle pas justifiée, position

  3   exprimée dans ce discours que nous venons d'examiner ?

  4   R.  Je ne sais pas si elle est justifiée ou non. J'ai simplement dit que je

  5   ne comprenais pas du tout ce que vous entendiez par là.

  6   Q.  Mais les choses sont-elles plus claires maintenant, lorsque je vous dis

  7   qu'il y avait un parti encore plus extrême, encore plus orienté vers la

  8   droite que l'Union démocratique croate, et que nous pouvions

  9   raisonnablement nous attendre à ce que davantage de partis de droite voient

 10   le jour, et que nous y avions parfaitement le droit de dire avec qui nous

 11   ne coopérions pas, parce que nous avions déjà à l'esprit certains exemples

 12   qui existaient déjà, et que le HDZ était précisément un parti de cette

 13   nature ?

 14   R.  Je crois que c'était là une manière de dire que vous ne coopéreriez pas

 15   avec qui que ce soit avec lesquels vous ne souhaitiez pas coopérer. C'était

 16   finalement une déclaration relativement ouverte, que vous vous réserviez le

 17   droit de frapper tout groupe de telle ou telle appellation selon que vous

 18   jugiez bon.

 19   Q.  Merci. Coopéreriez-vous avec un parti qui aurait des inclinations

 20   antiserbes, antiyougoslaves, antisémites ou antidémocrates. A notre place,

 21   l'auriez-vous fait ?

 22   R.  Non, je n'en sais rien. Lorsque j'ai lu ceci pour la première fois, je

 23   pensais que vous parliez de la Ligue des Communistes dans cette déclaration

 24   où vous faisiez état de partis éventuellement antidémocrates. Si j'avais

 25   été dans votre situation, je n'aurais pas eu difficulté à coopérer avec la

 26   Ligue des Communistes. Mais je le répète, je ne savais pas de qui vous

 27   parliez ici, et il me semblait simplement que vous laissiez la porte grande

 28   ouverte. Je ne pourrais donc pas vous donner une réponse logique, utile, à

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  1   cette question sans m'intéresser, sans approfondir la question de savoir

  2   qui vous considériez comme étant antiserbe, antidémocrate, antiyougoslave,

  3   ou encore, antisémite.

  4   Q.  J'aimerais vous donner lecture du deuxième paragraphe de la page 3.

  5   "Le but fondamental du parti -- nous ne pouvons pas avoir des citoyens de

  6   première classe et de deuxième classe," et cetera, et cetera."

  7   C'est en page 2 de l'anglais. M. Zulfikarpasic a dit certaines choses à

  8   propos de cela, à propos duquel d'ailleurs vous avez quelques informations.

  9   Mais concluons. Est-ce là un programme acceptable et un discours tout aussi

 10   acceptable prononcé lors de l'assemblée constitutive du parti ?

 11   R.  La seule chose qui me gêne, c'est la mesure dans laquelle vous parlez

 12   de cette nation serbe, et vous dites que la nation serbe est un groupe

 13   intégré, clairement défini et identifiable. Je suis également gêné par le

 14   regard que vous jetez sur les deux décennies précédentes et le bien-être de

 15   la population serbe dont vous dites qu'il existait bel et bien. Il me

 16   semble que ceci ouvrait la porte à un certain nombre de récriminations et

 17   de critiques non constructives dans la vie d'un parti politique. Cette

 18   observation, me semble-t-il, traduit cette notion qui était déjà très

 19   présente dans votre esprit à l'époque, notion donc d'un peuple serbe

 20   intégré, notion vous poussant également à évaluer le degré de bien-être de

 21   ce peuple en vous fondant sur des normes que vous tiriez de votre propre

 22   expérience et s'inspirant de votre propre point de vue. J'ai lu l'ensemble

 23   des objectifs du parti, et il me semble, par ailleurs, que ce que j'ai vu

 24   me paraisse tout à fait louable.

 25   Q.  Merci. Le peuple serbe en Yougoslavie, quel que soit le terme que l'on

 26   souhaite utiliser, était-il intégré dans un Etat unique ? Etait-ce déjà

 27   quelque chose qui avait été réalisé ? Ce n'est pas quelque chose que j'ai

 28   dû faire en 1990. Ça existait déjà.

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  1   R.  Excusez-moi, mais je n'ai pas compris la question.

  2   Q.  Vous dites que j'étais favorable à une intégration de l'ensemble de la

  3   nation serbe. Mais la nation serbe n'était-elle déjà pas intégrée en

  4   Yougoslavie en 1918, lorsqu'elle a fait partie de la Yougoslavie, régime

  5   unitaire à l'époque ?

  6   R.  Je ne pense pas que ceux qui s'identifient comme étant des Serbes aient

  7   jamais été regroupés en une formation distincte et compacte, comme vous le

  8   décriviez à l'époque.

  9   Q.  Je ne comprends pas ce que vous cherchez à dire. Ce que je cherche à

 10   dire, moi, c'est ceci : En 1918, tous les Serbes, les Croates, les

 11   Musulmans et les Slovènes vivaient dans un seul et même Etat, grâce à ce

 12   processus d'intégration, intégration interne et intégration avec d'autres

 13   peuples, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non. Un bon nombre de Croates vivaient hors du royaume. Il y a eu, bien

 15   sûr, ce royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes au départ. Et puis,

 16   beaucoup de Musulmans vivaient hors de cette entité, de Slovènes également,

 17   l'Autriche, l'Italie. On y trouvait -- la plupart de ces personnes qui

 18   s'identifiaient en tant que tels, résidents du nouvel Etat de Yougoslavie

 19   ou du nouveau royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, oui. Mais je

 20   ne dirais pas qu'ils étaient intégrés ou qu'ils faisaient partie d'un

 21   groupe intégré au sens où ils ne vivaient nulle part ailleurs ou ils

 22   auraient été rassemblés de manière tout à fait compacte dans une unité

 23   politique unique.

 24   Q.  Merci. En fait, les choses étaient différentes. Il s'agissait d'un pays

 25   unifié qui a ensuite été divisé en banovines. Mais ce pays est resté un

 26   Etat unitaire jusqu'en 1945, ou du moins, en 1941, il s'agissait d'une

 27   monarchie unitaire.

 28   R.  Nous argumentons peut-être sur les mots employés, mais je pense que

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  1   très rapidement dans l'histoire de ce royaume nous avons observé un rejet

  2   de la plupart de l'élite politique croate et, en fait, la forme que cet

  3   Etat revêtait à l'époque remettait ceci en question.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais verser ces documents, à savoir, le

  6   programme politique, ainsi que mon discours inaugural à l'assemblée

  7   constitutive.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons déjà verser un programme au

  9   dossier ainsi que le discours, qui est composé de trois pages, n'est-ce pas

 10   ? Attendez, nous devons donner des cotes.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D255.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que l'on pourrait revenir à la page numéro 4 en serbe pour vous

 14   montrer qu'il y avait une coopération avec les communistes et qu'il n'y

 15   avait pas d'esprit revanchard. Vous avez peut-être oublié d'attirer notre

 16   attention sur cela, mais je voulais vous prouver qu'il n'y avait pas

 17   d'esprit revanchard. Est-ce que vous êtes d'accord ?

 18   R.  Oui. Je suis d'accord, il n'y avait pas une expression d'esprit

 19   revanchard. Je n'ai jamais suggéré cela. J'ai simplement dit qu'en ce qui

 20   concerne les différents partis, la Ligue des Communistes était peut-être un

 21   des partis avec lequel vous n'auriez pas souhaité collaborer.

 22   Mais je suis d'accord avec vous, à savoir que le SDS était ouvert aux

 23   membres également de la Ligue des Communistes afin de rejoindre le SDS et

 24   d'approuver son programme.

 25   Q.  Merci. Mais je voulais simplement confirmer avec vous que nous n'avons

 26   jamais remis en question leur droit d'avoir un parti. Si vous regardez ce

 27   paragraphe, vous voyez qu'il n'y avait pas d'esprit revanchard, et nous ne

 28   mettons pas en question le droit de qui que ce soit de participer à la vie

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  1   politique ni à une campagne électorale ni à participer à un gouvernement.

  2   Par conséquent, nous avons essayé de gérer les questions

  3   idéologiques.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que nous en avons terminé avec ce

  5   document. Nous pouvons le retirer de l'écran.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Donia, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que la campagne

  8   précédant les élections s'est inscrite sous le signe de la tolérance sans

  9   qu'il y ait des excès, ni des incidents ni des obstacles quelconque à son

 10   déroulement ?

 11   R.  Pour sa plus grande partie, oui.

 12   Q.  Vous souvenez-vous que la seule chose que nous avions exigée à l'époque

 13   était la suivante. Nous voulions concevoir de manière différente les

 14   municipalités, si je puis m'exprimer ainsi, c'est-à-dire les communautés

 15   municipales ?

 16    R.  Ce n'était pas votre seule doléance. Je crois que ceci a joué un rôle

 17   dans la campagne électorale et cela également est entré dans le cadre des

 18   critiques générales de l'ère communiste, à savoir qu'il y avait une partie

 19   de la campagne électorale qui visait précisément le parti de la Ligue des

 20   Communistes.

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous avez remarqué dans notre programme politique que

 22   nous étions en faveur de l'abolition de certaines restrictions à la

 23   propriété foncière, c'est-à-dire qu'en fait un ménage ne pouvait pas avoir

 24   plus de dix hectares de terre ?

 25   R.  Oui, j'ai remarqué cette mention dans votre programme politique,

 26   effectivement.

 27   Q.  Et êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ceci allait à l'encontre

 28   des Serbes parce qu'il s'agissait principalement d'un peuple rural et

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  1   agricole en Bosnie-Herzégovine ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Et seriez-vous d'accord avec moi pour dire que c'était principalement

  4   les Serbes qui vivaient dans les zones rurales, alors que les Croates et

  5   les Musulmans, mais plus particulièrement les Musulmans, habitaient dans

  6   des zones urbaines ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Très bien. Nous pourrons prouver cela très facilement. Mais est-ce que

  9   vous seriez d'accord avec moi pour dire que les nouvelles instances au

 10   pouvoir dans toutes les républiques ont aboli les restrictions communistes

 11   concernant la propriété foncière avec un maximum donc de dix hectares ?

 12   Après cette abolition, tout le monde pouvait être propriétaire d'autant de

 13   terres qu'il le souhaitait ?

 14   R.  Je ne sais pas si c'était le cas pour toutes les républiques.

 15   Q.  Merci. Je suis sûr que vous vous souviendrez que nous avons remporté

 16   ces élections. Nous avons battu les trois partis nationaux. Les anciens

 17   communistes se sont ralliés aux réformistes et aux socialistes, et nous

 18   sommes arrivés à créer un gouvernement de coalition, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je pense qu'il est exact de dire que les trois partis nationaux ont

 20   gagné les élections et qu'ils ont gagné à tous les niveaux et dans la

 21   plupart des municipalités. Les anciens communistes, sous la forme du Parti

 22   social démocrate, et les réformistes ont remporté les victoires dans

 23   certaines zones, et notamment dans la municipalité de Tuzla. Ils ont

 24   également remporté des victoires à Novi Grad ainsi que dans la municipalité

 25   de Sarajevo. Il est vrai que la victoire était convaincante, mais elle

 26   n'était pas universelle.

 27   A l'époque, je vois que vous n'avez pas souhaité utiliser ce terme de

 28   plateforme de coalition, mais plutôt un partenariat de trois partis, et ce

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  1   partenariat était principalement basé sur un respect des accords

  2   interpartis qui avaient été conclus verbalement durant la campagne

  3   électorale. Et il y avait également un accord écrit qui avait été établi

  4   expliquant que les partis étaient disposés à répartir les rôles dans

  5   chacune des municipalités et également au niveau de la république en

  6   fonction du pourcentage des votes qu'avaient reçu les différents partis

  7   nationaux. Ces accords interpartis avaient exclu complètement les 20 à 25 %

  8   de vote des élections 1990 qui faisaient partie de ceux que l'on appelait

  9   l'opposition. Cela signifie qu'il y avait, et c'est vrai, une répartition

 10   des pouvoirs, mais également certains étaient exclus de ces pouvoirs.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les Juges de la

 12   Chambre souhaiteraient faire une pause plus tôt que prévu, donc si cela

 13   vous convient, nous pourrons faire la pause maintenant. Il s'agira d'une

 14   pause de 25 minutes.

 15   --- L'audience est suspendue à 15 heures 26.

 16   --- L'audience est reprise à 15 heures 54.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Donia, je ne vais pas vous demander si vous votez pour les

 21   démocrates ou pour les républicains, mais je vois que vous avez été désolé

 22   que les factions de gauche n'aient pas été inclues au sein de l'exécutif.

 23   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que M. Karadzic répète la question.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avez-vous vu ceci ?

 25   On vous demande de répéter votre question.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Je disais que vous sembliez être désolé pour les gauchistes qui avaient

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  1   été exclus de la branche exécutive du pouvoir, mais je suis sur que vous

  2   serez d'accord avec moi pour dire que les élections sont là pour changer la

  3   donne politique ?

  4   R.  Certaines élections sont là pour changer la donne, d'autres entérinent

  5   le status quo.

  6   Q.  J'aimerais vous demander ce que vous entendiez par là lorsque vous avez

  7   dit que nous avons exclu les partis de gauche. Est-ce que vous nous en

  8   tenez rigueur ?

  9   R.  Je fais référence aux accords interpartis, et j'avais rappelé que ces

 10   accords tels qu'ils avaient été établis excluaient du pouvoir le Parti

 11   social-démocrate, la Ligue des Communistes, ainsi que les réformistes, et

 12   d'autres petits partis qui avaient gagné quelques sièges ici et là, et cela

 13   signifiait que l'opposition était devenue l'opposition de gauche, mais en

 14   fait, cette opposition incluait des partis avec différentes orientations,

 15   les réformistes n'étaient pas vraiment un parti de gauche, il était plutôt

 16   un parti de la réforme. Par conséquent, les accords signifiaient qu'en

 17   fait, les trois partis nationaux monopolisaient le contrôle du pouvoir au

 18   niveau de l'Etat, ainsi qu'au niveau de la ville de Sarajevo, et dans la

 19   quasi-totalité des municipalités.

 20   Q.  Merci. Mais vous ne remettez pas en question le fait que ces partis

 21   avaient obtenus leurs places dans les législations au niveau, par exemple,

 22   des conseils municipaux ? J'entends par là les partis d'opposition.

 23   R.  Je pense qu'ils avaient été exclus des conseils municipaux ou des

 24   organes exécutifs municipaux.

 25   Q.  Tous les organes exécutifs au niveau de la république, mais également

 26   au niveau des municipalités, parce qu'ils avaient perdu le pouvoir, mais

 27   ils ont participé à la vie législative du pays, n'est-ce pas ?

 28   R.  Dans les zones où ils avaient des représentants au sein de l'assemblée

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  1   municipales, effectivement, oui. Et puis, il y a également l'exception

  2   importante de Tuzla, mais également à Vares, je crois qu'ils avaient

  3   remporté pas mal de voix, et je crois qu'ils ont eu un rôle très bref au

  4   sein des pouvoirs exécutifs de la municipalité de Vares.

  5   Q.  Merci. Avant de passer à autre chose, je voudrais revenir aux origines

  6   de la Republika Srpska, selon vous, à la page 9, vous dites que : 

  7   "La nouvelle constitution donnait de nouvelles attributions au

  8   président de la république, y compris le contrôle des forces armées, tant

  9   en temps de paix qu'en temps de guerre. Et ceci permettait également de

 10   garantir la centralisation de la République serbe, en éliminant l'autonomie

 11   dont bénéficiait auparavant le Kosovo et la Vojvodine."

 12   Etes-vous d'accord que la Vojvodine et le Kosovo, jusqu'en 1974,

 13   bénéficiaient, à un moment donné, d'une autonomie ?

 14   R.  Ils avaient été considérés, pour l'un, comme une région autonome, pour

 15   l'autre, une province autonome, et effectivement, ils bénéficiaient d'un

 16   certain niveau d'autonomie, effectivement.

 17   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la constitution de 1974 a

 18   élargi le degré d'autonomie dont bénéficiaient ces provinces, jusqu'au

 19   point ou elles étaient en mesure, en fait, de contrôler la Serbie et son

 20   pouvoir législatif ?

 21   R.  Elle n'était pas en mesure de contrôler la Serbie, mais s'était vu, en

 22   effet, accorder une plus large autonomie par la constitution de 1974. Comme

 23   nous l'avons indiqué hier, ces provinces ont acquis nombre de

 24   caractéristiques qui étaient propres aux républiques du point de vue des

 25   organes fédéraux.

 26   Q.  Mais ne vous rappelez-vous pas que la Serbie s'est trouvée incapable de

 27   faire passer un certain nombre de lois sans l'assentiment des assemblées de

 28   la Vojvodine et du Kosovo ?

Page 3304

  1   R.  Jusqu'à l'abolition de l'assemblée du Kosovo, et -- ou celle de la

  2   Vojvodine -- ou plutôt, jusqu'à l'avènement de cette nouvelle constitution,

  3   en 1989 ou 1990. Je voudrais qu'on soit tout à fait clairs sur la période

  4   de temps, donc, de 1974 à 1990.

  5   Q.  Très bien. Donc, lorsqu'en 1989 et en 1990, la constitution a modifié

  6   cette situation, est-ce qu'on a aboli l'autonomie, ou bien est-ce qu'on a

  7   simplement mis fin à un certain nombre de prérogatives élargies qui avaient

  8   été mises en place par la constitution, en 1974 ?

  9   R.  L'autonomie, dans ses composantes principales, a été abolie, mais pas

 10   intégralement.

 11   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que même dans une

 12   telle situation, le Kosovo et l'autonomie ont conservé davantage

 13   d'autonomie que ce dont ils avaient pu bénéficier avant 1974 ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Est-ce qu'ils avaient moins d'autonomie que ce qui les caractérisait en

 16   1974 dans ce cas-là ? Je parle d'avant 1974.

 17   R.  Oui, j'ai bien compris la question. Mon impression était qu'en effet,

 18   ces provinces bénéficiaient d'un degré d'autonomie inférieur, mais si vous

 19   me demandiez en détail ce que cela recouvre, je ne pourrais pas vous

 20   fournir ces détails. Ma réponse serait, donc, oui, de façon générale.

 21   Q.  Merci. Mais si, moi, je vous dis que l'objectif recherché et atteint

 22   par la constitution de 1990 était de permettre à la Serbie d'adopter des

 23   lois sur l'ensemble de son territoire, s'appliquant à l'ensemble de son

 24   territoire, qu'en dites-vous ? Enfin, c'est ce que je vous dis, que c'était

 25   là l'objectif de cette nouvelle constitution, et non pas l'abolissement de

 26   l'autonomie d'autres territoires, est-ce que vous en conviendriez ?

 27   R.  A mon sens, l'objectif principal ainsi que la conséquence la plus

 28   importante de la constitution de 1990 a été une centralisation de la

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  1   Serbie, ce qui comprenait également une réduction drastique du degré

  2   d'autonomie dont ces deux régions avaient pu bénéficier depuis 1974. Et à

  3   mon sens, l'objectif principal était de mettre en place un gouvernement

  4   plus centralisé.

  5   Q.  Merci. Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que cela ne revient

  6   pas exactement à la même chose de dire que l'autonomie a été abolie, ou de

  7   dire qu'en fait, on a mis fin à des prérogatives exagérées qui étaient

  8   celles de ces provinces et qui leur permettaient de contrôler l'activité

  9   législative de la Serbie. Est-ce que vous pensez que le New Hampshire, par

 10   exemple, par une décision qui serait prise dans cet Etat, pourrait entraver

 11   ou mettre fin à l'activité législative du Congrès sur un point particulier

 12   ?

 13   R.  Peut-être le Texas le pourrait-il, mais je crois que ce qui est

 14   important ici, c'est de voir que lorsqu'on est dans un renforcement de la

 15   centralisation, de façon implicite, on réduit l'autonomie, et cela est

 16   valable de façon générale. Alors, il y a évidemment les habitants de souche

 17   albanaise du Kosovo-Metohija, et c'est là toute la controverse. Ceux-ci

 18   étaient d'avis qu'on leur retirait ce à quoi ils avaient droit. On leur

 19   avait retiré cela en 1990, et évidemment les Serbes étaient, quant à eux,

 20   d'avis contraire. Donc c'est là l'objet de la controverse qui a eu lieu.

 21   Q.  Très bien. Mais je voudrais souligner ici que nous ne sommes pas tout à

 22   fait d'accord pour dire qu'il y ait eu abolition d'autonomie. Cette

 23   dernière n'a été que réduite par rapport à ce qui avait été accordé en

 24   1974. Mais ce que j'affirme, c'est que ces provinces ont continué, suite à

 25   ce changement de la constitution, à cet amendement, à bénéficier d'un degré

 26   d'autonomie qui était toujours supérieur à celui dont elles avaient

 27   bénéficié avant 1974. Enfin, nous allons poursuivre et peut-être revenir

 28   sur ce point en temps voulu.

Page 3306

  1   Mais est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire, bien que

  2   vous ayez indiqué qu'il n'y avait pas eu d'accord de signé, pour dire donc

  3   que des critères avaient fait l'objet d'un accord concernant le partage du

  4   pouvoir entre ces trois partis ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Conviendriez-vous également qu'un principe a été adopté qui consistait

  7   à se fonder sur le nombre de voix ou de sièges obtenus au parlement ou dans

  8   les instances municipales et que c'était donc un critère numérique, de

  9   cette nature-là, qui devait être respecté ?

 10   R.  Oui, en effet. Mais ce que j'ai compris concernant cet accord entre les

 11   trois partis était que chacun s'était vu accorder un certain pourcentage

 12   fondé sur une estimation approximative du nombre de voix obtenus, ou du

 13   nombre de délégués dont disposait chaque parti. Donc le parti qui arrivait

 14   en tête se voyait attribuer les postes de président de l'assemblée, de

 15   président de l'assemblée municipale ou dans le cas du gouvernement de la

 16   république tout entière, il s'agissait du président de la présidence, et

 17   cetera. Il y avait donc toute une hiérarchie qui se trouvait créée entre

 18   les trois partis et qui était fondée, à mon sens, sur le nombre de délégués

 19   élus dans chaque municipalité ainsi qu'à l'échelon de la république.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pouvons-nous avoir le document 1392 à

 21   l'écran, s'il vous plaît. Je voudrais simplement que nous examinions

 22   rapidement ces critères par lesquels nous étions liés.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qu'aux échelons inférieurs aussi cela

 25   s'appliquait ? Par exemple, si le chef du SJB local appartenait à un parti,

 26   il était d'usage que le commandant de la police appartient à l'autre parti,

 27   n'est-ce pas ?

 28   R.  Tout d'abord, concernant ce document, oui, en effet, nous avons là un

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  1   accord portant sur les pourcentages atteints par les différents partis. Je

  2   pense que cela date de décembre, à une date après la fin des élections.

  3   Mais manifestement, cela a résulté de discussions et d'accords préalables.

  4   Je crois que j'ai pris connaissance de ce document après avoir rédigé

  5   mon rapport intitulé "Les origines de la Republika Srpska."

  6   Mais la question la plus importante en fait était celle de savoir

  7   quelle partie se verrait attribuer les postes de chef du SJB et du chef du

  8   poste de la police. Il y avait un troisième poste, je crois, qui était

  9   celui de la personne se trouvant à la tête de la police routière, et ça

 10   aussi était pris en compte dans l'équilibre que l'on s'efforçait

 11   d'atteindre. Mais les postes les plus importants ont été partagés

 12   conformément aux termes de cet accord, qui a été également appliqué pour ce

 13   qui est d'une grande diversité de postes importants au sein du gouvernement

 14   à l'échelon de la république et des municipalités.

 15   Q.  Merci. Mais alors, on peut voir ici que le parti qui a obtenu moins de

 16   5 % se voit attribuer un poste de vice-président, poste qui fonctionne sur

 17   la base du volontariat et qui n'est pas rémunéré. Et si on atteint entre 5

 18   à 10 % --

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi. Avant que l'accusé ne

 20   poursuive sa lecture, le document porte le numéro 18514 dans la liste 65

 21   ter, et je crois que la traduction devrait être disponible et affichée dans

 22   quelques secondes. J'espère, en tout cas.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Si nous pouvions en effet recevoir ce

 25   document. Je suis parti de l'hypothèse que M. Donia lit le serbe.

 26    Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-être qu'il faudra attendre un petit

 27   peu plus longtemps, plutôt 30 que sept secondes. J'ai peut-être été un peu

 28   trop optimiste. Voilà.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà. Nous attendons encore simplement la page

  2   en anglais.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Donc vous voyez que pour un score compris entre 5 et 10 %, c'est un

  5   poste de vice-président à titre volontaire et un département au sein des

  6   autorités gouvernementales. Pour un score compris entre 11 et 20 %, on

  7   attribue un poste de vice-président, à titre professionnel cette fois-ci,

  8   et un département. De 21 à 32 %, un poste de vice-président et deux

  9   départements. Et de 33 à 50 %, le parti qui arrive en tête a le droit de

 10   choisir entre le poste de président de la municipalité ou de président d'un

 11   autre département, enfin pour le gouvernement municipal, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Je vois qu'on ne tient pas compte des partis de gauche en fait.

 13   Q.  Mais vous serez d'accord certainement pour dire qu'il y avait beaucoup

 14   de partis de gauche à l'époque ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, mais ce qu'a dit le témoin

 16   n'a pas été traduit.

 17   Je vois qu'il n'y a toujours pas de traduction anglaise à l'écran.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, mais c'est un problème

 19   purement technique. Je crois que nos collègues savent exactement ce qu'il

 20   faut faire, et je crois que mon collègue M. Reid s'efforce de faire le

 21   nécessaire pour joindre cette traduction au document.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] J'ai pu voir d'ailleurs la vitesse à

 24   laquelle ces deux collègues coopèrent et travaillent de concert. J'en ai

 25   été très impressionnée, positivement.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Donia a indiqué qu'en fait on n'avait pas

 27   pris en compte les partis de gauche. Et j'ai ensuite dit que nous avions eu

 28   des partis de gauche, et ce, en grand nombre, pendant 40 ans, et que nous

Page 3309

  1   en avions eu assez en fait.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Nous avions vu assez de partis de gauche, n'est-ce pas ?

  4   R.  Vous me donnez l'impression d'être encore très amère par rapport à tout

  5   cela.

  6   Q.  Bien, non. Mais j'étais un dissident, et les faits sont les faits. La

  7   population a tout simplement choisi d'élire un autre gouvernement, n'est-ce

  8   pas ? Un gouvernement différent.

  9   R.  Bien, la population a voté principalement au bénéfice des trois partis

 10   qui avaient été constitués sur une base nationale. Cependant, cela aurait

 11   été la décision de ces trois partis nationaux que d'exclure la Ligue des

 12   Communistes et d'autres partis de gauche, ce qui était en contradiction

 13   avec ce que vous avez déclaré lors de l'assemblée constituante du SDS, à

 14   savoir que les membres du SDS et de la Ligue des Communistes auraient été

 15   libres de participer au gouvernement.

 16   Q.  Très bien. Mais notre point de vue était qu'il n'y aurait pas d'esprit

 17   revanchard, qu'il n'y aurait pas de conspiration, pas le moins du monde.

 18   Ils pouvaient participer au gouvernement.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, est-ce que vous pouvez voir la page

 20   suivante.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous conviendrez que nous y voyons les deux partis qui ont

 23   gagné les élections et qui sont arrivés au pouvoir, et puis ensuite, à la

 24   page suivante, nous pouvons voir quels sont les trois partis qui ont

 25   partagé le pouvoir ? Donc la première page, nous avons la situation

 26   correspondant, par exemple, à l'Herzégovine occidentale où il n'y avait pas

 27   de Serbes. Il y avait les Croates et les Musulmans; est-ce que vous êtes

 28   d'accord ?

Page 3310

  1   R.  Oui, très bien. Mais juste pour être tout à fait précis, une page - et

  2   je ne suis pas tout à fait sûr de laquelle - porte sur la situation dans

  3   laquelle tous les trois partis constitués sur une base nationale ont

  4   récolté un certain nombre de voix. L'autre page concerne les situations

  5   dans lesquelles il y a eu principalement deux partis qui se sont opposés,

  6   et ce, au niveau municipal. Enfin, je crois que c'est ce que j'ai sous les

  7   yeux.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avoir la page suivante en anglais.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Il s'agit des localités mixtes où les trois communautés ethniques sont

 12   représentées et où chacun des trois partis constitués sur une base

 13   ethnique, chacune des trois communautés ethniques ont obtenu suffisamment

 14   de voix pour être représenté au parlement.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crains fort que nous n'ayons pas la

 16   traduction de la seconde page.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Et en attendant, Monsieur Donia, est-ce que vous seriez d'accord pour

 20   dire que c'est là l'accord qui a été passé entre les partis qui avaient

 21   obtenu plus de 80 % des sièges au sein des organes gouvernementaux ?

 22   R.  Je crois que ce chiffre de 80 % est exact. Je ne suis pas sûr que cela

 23   ait vraiment atteint 80 %, mais dans certaines municipalités, on allait

 24   même au-delà de 80 %, et dans d'autres, on était loin de s'en approcher.

 25   Q.  Merci. Mais à l'échelon de la république, c'était approximativement

 26   80 %, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qu'immédiatement après les élections,

Page 3311

  1   j'ai proposé, pour que les tensions soient apaisées, que l'on procède à la

  2   constitution d'un gouvernement formé d'experts et non pas sur la base de

  3   l'appartenance à tel ou tel parti ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et comme vous n'êtes pas sans le savoir, ceci n'a pas été accepté,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  En effet.

  8   Q.  Seriez-vous d'accord pour dire que le SDS a maintenu cette position et

  9   qu'au sein du gouvernement, elle a mandaté des experts à l'échelon le plus

 10   centralisé du gouvernement donc, plutôt que de nommer des membres du parti

 11   ? On fait l'exception de M. Ostojic, il ne s'agissait pas d'un représentant

 12   du SDS.

 13   M. Ostojic, lui, était membre du parti et président du comité

 14   exécutif, mais tous les autres membres du cabinet n'étaient pas membres du

 15   SDS. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire ça ?

 16   R.  Non, je ne m'en souviens pas. Je sais qu'il y avait eu 18 ministres

 17   nommés en tout et qu'environ un tiers d'entre eux avaient été nommés par le

 18   SDS. Je ne me rappelle pas combien parmi eux étaient des membres du parti.

 19   Q.  Alors je voudrais vous rappeler ce qu'il en était. Il y avait 18

 20   ministres, mais il y avait également des adjoints de ces ministres, qui

 21   faisaient aussi partie du gouvernement, ce qui porte le chiffre total à 36,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui. Le terme "gouvernement" correspondrait à ce que l'on appelle

 24   cabinet aux Etats-Unis ou le conseil des ministres dans les institutions

 25   européennes.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez que partout dans chaque instance

 27   où le ministre était un membre du SDS, son adjoint appartenait au HDZ ou au

 28   SDA et vice-versa ?

Page 3312

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Merci. Vous souvenez-vous que le vice-premier ministre était le Dr

  3   Miodrag Simovic, et ce, sur nomination du SDS, mais qu'il n'était pas

  4   membre du SDS lui-même ?

  5   R.  Oui. Le Dr Simovic était un spécialiste de droit constitutionnel à

  6   l'époque, et je crois que c'est toujours vrai.

  7   Q.  Dans le régime politique précédent, il avait rencontré beaucoup de

  8   difficultés et il était sur la liste du SDS. Est-ce que vous vous rappelez

  9   que le ministre de la justice, Ranko Pejic, avait également été ministre

 10   dans le régime politique précédent et que lui aussi avait été persécuté ?

 11   R.  Je ne me rappelle pas qu'il y ait eu le moindre harcèlement dirigé

 12   contre le Dr Simovic ou M. Pejic, ou la moindre poursuite diligentée contre

 13   eux. Je sais simplement qu'ils ont occupé les postes que vous avez

 14   indiqués.

 15   Q.  Bien, je vais vous énumérer de quoi il s'agit très brièvement. Miodrag

 16   Simovic était vice-premier ministre, Momcilo Pejic était au département de

 17   la finance. Peut-être que vous en avez la liste ou peut-être que le bureau

 18   du Procureur dispose de cela.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas cette

 21   liste, mais avec tout le respect que je vous dois, je crois qu'il n'est pas

 22   approprié de laisser M. Karadzic nous livrer un tel résumé. S'il souhaite

 23   demander quelque chose de précis à M. Donia concernant ces différentes

 24   personnalités, qu'il pose une question.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je pensais que cela permettrait

 27   d'aller plus vite.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 3313

  1   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous vous rappelez que Momcilo

  2   Pejic était ministre des Finances et qu'il n'était pas membre du SDS ?

  3   R.  Je me rappelle qu'il a été nommé ministre des Finances. Je ne sais pas

  4   quel était son lien avec le SDS.

  5   Q.  Vous vous rappelez que les deux Pejic, Ranko et Momcilo Pejic, avaient

  6   tous deux été ministres dans le cadre du système politique précédent ?

  7   R.  Non, je ne m'en souviens pas.

  8   Q.  Vous rappelez-vous que l'adjointe du ministre de la Santé était de Dr

  9   Tatjana Starovic Medan et qu'elle n'était pas membre du SDS ?

 10   R.  Je me rappelle qu'elle était vice-ministre de la Santé, mais je ne me

 11   rappelle pas, encore une fois, de la nature de son lien éventuel avec le

 12   SDS.

 13   Q.  Vous rappelez-vous que le Pr Branko Djeric était, je crois, ministre du

 14   Développement et qu'il n'était pas ministre du SDS, qu'en revanche, il

 15   était membre du conseil politique en tant que personnalité extérieure au

 16   parti ?

 17   R.  J'ai pris connaissance du parcours donc du professeur Djeric pendant

 18   les années de la guerre. Je crois qu'il avait été premier ministre du

 19   gouvernement de la Republika Srpska, mais je ne suis pas au courant du lien

 20   qu'il pouvait avoir avec le SDS à l'époque ni de la position ministérielle

 21   qu'il aurait pu occuper.

 22   Q.  Est-ce que vous vous rappelez que Milivoje Nadazdin était ministre de

 23   l'Agriculture, et que lui non plus n'était pas un membre du SDS ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Si je vous dis que toutes ces personnalités étaient des experts de tout

 26   premier plan dans leur domaine respectif et qu'elles n'étaient pas membres

 27   du SDS, vous ne le nierez pas, n'est-ce pas, vous ne remettez pas cela en

 28   question. En fait, vous n'avez pas d'information permettant d'affirmer le

Page 3314

  1   contraire ?

  2   R.  Je n'ai pas d'information à ce sujet.

  3   Q.  Vous rappelez-vous que la personne qui était à la tête de la liste du

  4   SDS dans la circonscription électorale de Sarajevo était le président de

  5   l'association culturelle Prosveta, il s'agissait du Pr Maksimovic qui, à ce

  6   moment-là, n'était pas membre du SDS, il intervenait, mais en qualité de

  7   personnalité extérieure au parti ?

  8   R.  J'ai l'impression que vous ajoutez une qualification à cela. Moi, je me

  9   souviens du Pr Maksimovic en tant que membre du SDS quasiment des premiers

 10   jours. Alors, peut-être n'était-il pas membre tout au début, mais je crois

 11   qu'il l'est devenu très rapidement.

 12   Q.  Oui, vous avez raison. Est-ce que vous vous rappelez que Milan

 13   Trbojevic a été parmi les six premiers, et qu'il n'est jamais devenu membre

 14   du SDS alors qu'il était un parlementaire, il avait été élu au parlement ?

 15   R.  Non, je ne savais pas cela.

 16   Q.  Vous rappelez-vous que dans la circonscription électorale de Banja

 17   Luka, la tête de liste était Vojo Kupresanin qui était à la tête d'un petit

 18   parti, le Front patriotique qui, pour les besoins de l'élection, a ensuite

 19   fait front commun avec nous ?

 20   R.  Je me rappelle, effectivement, qu'il était à la tête de cette

 21   formation. Je me rappelle ce Front patriotique. Je sais que cette

 22   organisation était active dans la région de Banja Luka. Mais je n'étais

 23   pas, en fait, au courant du fait qu'il était à la tête de cette formation,

 24   et qu'il en avait été le fondateur.

 25   Q.  Vous rappelez-vous que Vitomir Zepinic n'était pas, lui non plus,

 26   membre du SDS, et que pourtant, il avait été adjoint du ministre de

 27   l'Intérieur ?

 28   R.  Oui.

Page 3315

  1   Q.  Reconnaissez-vous qu'aucun, parmi les chefs des CSB, n'avaient --

  2   alors, avant tout, je voudrais vous demander si vous savez ce que sont les

  3   CSB, les centres de sécurité publique régionaux à la différence des SJB,

  4   les postes de sécurité publique ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Les postes de sécurité publique, les SJB, sont présente à l'échelon

  7   municipal, alors que les CSB, les centres, eux, sont présents à un échelon

  8   supérieur à ceux des municipalités, c'est-à-dire à un échelon regroupant

  9   plusieurs municipalités, n'est-ce pas ?

 10   R.  Je n'ai aucune raison d'en douter.

 11   Q.  Merci. Avez-vous remarqué -- enfin, vous avez bien noté que ces postes

 12   avaient fait l'objet de luttes particulièrement âpres. Avez-vous remarqué

 13   qu'à Banja Luka, ce poste avait été très convoité, et que moi-même,

 14   conjointement avec Zepinic, j'ai procédé à un arbitrage en faveur de

 15   quelqu'un qui n'était pas membre du parti ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les interprètes n'ont

 17   pas pu suivre la fin de votre question. Pourriez-vous ralentir, dans un

 18   premier temps, et répéter la fin de votre question.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Donc, à Banja Luka, deux courants étaient en train de s'affronter,

 22   Jevto Jankovic était juge et membre du parti, et Stojan Zupljanin n'était

 23   pas membre du parti, mais il avait de l'expérience en tant que policier, et

 24   ils étaient tous les deux en concurrence. Est-ce que vous vous rappelez que

 25   Zepinic et moi avons procédé à un arbitrage, et avons tranché, en fait, en

 26   faveur de celui des deux qui avait le plus d'expérience en matière de

 27   police ?

 28   R.  Non.

Page 3316

  1   Q.  Si je vous dis maintenant que dans tous les CSB, dans tous les centres

  2   de sécurité publique, jamais aucun des chefs de CSB n'a été membre du SDS,

  3   qu'il s'agisse, en fait, de la sécurité publique ou de la Sûreté d'Etat ?

  4   Ceux qui s'étaient trouvés à la tête de ces instances n'étaient pas des

  5   membres du SDS ? Est-ce que vous accepteriez cela ?

  6   R.  Si vous me fournissez des éléments de preuve allant dans ce sens, oui.

  7   Q.  Juste une correction. Simo Drljaca, à Prijedor, était bien un membre du

  8   parti, mais est-ce que vous savez que Stojan Zupljanin, lui, n'était pas

  9   membre du SDS ?

 10   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Deux commentaires. Cette série de

 13   questions-réponses semble durer depuis un certain temps, et je ne comprends

 14   pas du tout quelle est la pertinence de ce type de question. Deuxième

 15   commentaire, cela porte sur la manière dont les questions sont formulées,

 16   Monsieur le Président, Messieurs les Juges. J'ai soulevé ceci à plusieurs

 17   reprises au vu des commentaires et du fait que le Dr Karadzic dépose, et il

 18   me semble que chacune de ces questions commence par une déposition par

 19   l'accusé avant de passer à sa question, et je me demande combien de temps

 20   cela devra encore durer.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les Juges de la

 22   Chambre se doivent de vous rappeler que seules les réponses du Dr Donia

 23   constitueront une déposition. Tout commentaire, toute déclaration, toute

 24   observation de votre part ne pourra pas être considéré comme élément de

 25   preuve ou comme déposition à ce stade. Par conséquent, je vous demanderais

 26   de vous rappeler ce que nous vous avons dit précédemment, à savoir, et je

 27   cite :

 28   "La Chambre est préoccupée par le fait que vous n'utilisez pas de manière

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  1   suffisamment efficace le temps qui est consacré à votre contre-

  2   interrogatoire. La Chambre, par conséquent, envisage d'établir des limites

  3   de temps pour votre contre-interrogatoire pour chaque témoin, et ceci sera

  4   déterminé au cas par cas, en fonction des témoins, et vous serez tenu de

  5   vous conformer à ces durées imposées de contre-interrogatoire, à moins que

  6   vous puissiez justifier de temps supplémentaire, le cas échéant. Durant

  7   votre contre-interrogatoire, si vous ne nous montrez pas que vous avez pris

  8   en compte nos conseils, les Juges de la Chambre se verront obligés

  9   d'imposer des durées limitées à vos contre-interrogatoires."

 10   Donc, gardez ceci à l'esprit, et suivez les conseils de votre conseiller ou

 11   de vos conseillers juridiques, ainsi que des Juges de la Chambre lorsque

 12   vous mènerez vos contre-interrogatoires, de façon à ce que ceci se déroule

 13   de manière aussi efficace que possible, et nous étudierons la situation.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, en fait, peut-être que je perds du

 15   temps en essayant de gagner du temps de façon à éviter de mettre l'accent

 16   sur des points plus précis pour jeter toute la lumière sur la vérité avec

 17   M. Donia. Donc, peut-être que c'est une erreur de ma part, mais cette série

 18   de questions est très importante, parce que ce que j'avance, c'est que le

 19   Parti démocratique serbe a gagné le pouvoir, mais n'a pas saisi le pouvoir,

 20   ou ne l'a pas, en fait -- mais ne l'a pas confisqué, ou ne se l'est pas

 21   arrogé, et ceci est très important pour moi. Il s'agit d'un élément crucial

 22   par rapport aux nombreux éléments qui sont dans le mémoire préalable au

 23   procès, et nous verrons plus tard pourquoi.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Donia, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'au sein du

 26   pouvoir exécutif des autorités, le Parti démocratique serbe n'a pas nommé

 27   de cadres du parti, mais des personnes qu'ils ont trouvé au sein de

 28   différents services, qui étaient, donc, déjà en poste ?

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  1   R.  Si vous entendez par "cadres du parti" des membres du parti, je pense

  2   que ceci était le cas pour le cabinet, pour le  gouvernement de Bosnie-

  3   Herzégovine, pour la plus grande partie des exemples.

  4   Q.  Est-ce que vous serez d'accord pour dire que les forces de police et

  5   les positions les plus hautes n'étaient pas octroyées à des personnes qui

  6   n'étaient pas déjà, par exemple, membre des forces de police, et que ces

  7   personnes n'étaient pas des membres du parti, mis à part à Prijedor.

  8   R.  Non, je ne suis pas d'accord.

  9   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire, nous donner les noms d'officiers de

 10   police haut placés qui étaient membres du parti  ?

 11   R.  Je ne peux simplement pas accepter ce que vous avancez ici, la manière

 12   dont vous formulez ceci.

 13   Q.  Qu'en est-il de Vitomir Zepinic qui était ministre adjoint, c'était le

 14   poste le plus élevé serbe au niveau du ministère de l'Intérieur, est-ce

 15   qu'il était membre du parti ? Nous le prenons comme exemple.

 16   R.  Mais ce n'était pas le poste le plus élevé serbe au sein du ministère

 17   de l'Intérieur. A ma connaissance, il n'a jamais été membre du SDS.

 18   Q.  Et si je vous disais que Mico Stanisic -- à l'époque, il ne l'était pas

 19   non plus ni aucun des chefs des services de Sécurité, est-ce que vous

 20   seriez d'accord avec moi, ou est-ce que vous avez des preuves que ceci

 21   n'était pas le cas ?

 22   R.  Je ne sais pas ce qu'il en était de Mico Stanisic. Je sais qu'il a été

 23   membre du parti rapidement après cela, mais je ne sais pas ce qu'il en

 24   était de la période que vous venez d'aborder.

 25   Q.  Est-ce que vous avez remarqué que les dirigeants du parti avaient fait

 26   l'objet de beaucoup de critiques pour avoir donné le pouvoir, et d'avoir,

 27   en fait, donné les rênes de différentes agences ou instances à des experts

 28   plutôt qu'a des membres du parti ?

Page 3319

  1   R.  Non.

  2   Q.  Merci. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que le Parti démocratique

  3   serbe avait gagné le poste de président de l'assemblée ? Le SDA avait le

  4   poste de président de la présidence et le HDZ occupait le poste de premier

  5   ministre.

  6   R.  C'est ainsi que les choses se sont déroulées. Je ne sais pas si on peut

  7   dire que le SDS a gagné le poste de président de l'assemblée. Cette

  8   nomination a été le résultat d'accords entre les différents partis, et en

  9   vertu de ces accords, les partis nationaux ont eu à nommer ces personnes

 10   aux trois postes, compte tenu du pourcentage des voix qu'ils avaient

 11   obtenues au niveau de la république.

 12   Q.  Donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire que nous avons commencé par

 13   répartir les postes, et puis nous avons essayé de voir qui nous pouvions

 14   pressentir pour pourvoir ces postes ?

 15   R.  Je pense que ceci est plus ou moins le cas. Ceci est certainement le

 16   cas pour les trois postes que vous venez de mentionner au niveau de la

 17   république, également au niveau de la ville de Sarajevo, et je suis sûr que

 18   c'est également le cas dans de nombreuses municipalités.

 19   Q.  Merci. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que le ministère de

 20   l'Intérieur -- ou plutôt, le poste du ministère était revenu au SDA, et le

 21   poste du ministre de la Défense est revenu au HDZ ?

 22   R.  Ces deux partis nationaux ont effectivement nommé ces personnes à ces

 23   deux postes, effectivement.

 24   Q.  Et êtes-vous d'accord pour dire que le SDS n'a jamais demandé d'avoir

 25   ces postes, et qu'il a plutôt demandé d'avoir le poste au sein du ministère

 26   des Finances et du ministère de l'Agriculture ?

 27   R.  Oui. Les journaux du Pr Koljevic qui recensent ce qui s'est passé à

 28   l'époque montrent que vous avez décidé de pas viser ces deux postes, à

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  1   savoir ministère de l'Intérieur et ministère de la Défense, parce que la

  2   JNA était la force militaire dominante dans la zone, et par conséquent,

  3   vous pensiez que ceci ne rimait à rien de briguer ces postes, puisqu'ils

  4   n'auraient pas beaucoup de conséquences, compte tenu de la présence de la

  5   JNA.

  6   Q.  Mais êtes-vous d'accord que les Croates étaient très sensibles à la

  7   personne qui occuperait le poste du ministère de la Défense, compte tenu de

  8   la présence de la JNA, et que nous avons fait des concessions, puisque nous

  9   avons accepté que le ministère de la Défense soit chapeautée par un Croate

 10   ?

 11   R.  Je ne suis pas au courant de négociations qui ont amené à ces

 12   négociations. Je ne peux que dire que d'après les observations du Pr

 13   Koljevic, vous ne considériez pas ces deux ministères comme étant

 14   importants pour le SDS.

 15   Q.  Merci. Etes-vous d'accord pour dire que la reconstitution de

 16   l'assemblée, dans son discours de mi-janvier, un discours de M.

 17   Izetbegovic, il s'entend, montrait qu'il était encore en faveur de la

 18   Yougoslavie ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que tout le monde a été surpris

 21   lorsque le 31 janvier, M. Izetbegovic a lancé l'initiative de l'adoption

 22   d'une déclaration de souveraineté pour la Bosnie-Herzégovine ? Nous parlons

 23   de 1991, il s'entend.

 24   R.  Oui, janvier 1991. Non, je ne pense pas que c'était une surprise pour

 25   qui que ce soit. Je serais d'accord avec vous pour dire que c'est la

 26   personne qui a grandement contribué au lancement de cette initiative, et

 27   que les dirigeants du SDA et la plupart des dirigeants du HDZ avaient

 28   soutenu cette initiative.

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  1   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que le SDS était contre cela, et qu'en

  2   février, M. Izetbegovic a pris la parole à l'assemblée ? Nous l'avons

  3   mentionné hier, d'ailleurs.

  4   R.  Un certain nombre de délégués du SDS à l'assemblée se sont exprimés

  5   contre une proposition de déclaration de souveraineté, une fois qu'elle

  6   avait été proposée dans le cadre des débats, et je crois que ceci s'est

  7   produit le 27 février, effectivement. Je crois que vous avez également pris

  8   la parole à l'assemblée pour la première fois, à ce moment-là.

  9   Q.  Merci. Vous avez confirmé que M. Aldo Campara, secrétaire de

 10   l'assemblée, avait, à cette occasion, confirmé que nous avions la

 11   possibilité de nous référer au conseil pour la réalisation de l'égalité

 12   nationale, et c'est sur cette base que toute adoption de cette déclaration

 13   pourrait être réalisée ultérieurement ?

 14   R.  Nous avons consulté les documents de cette séance de l'assemblée hier,

 15   et on peut voir la décision en la matière. La décision était basée sur des

 16   motifs constitutionnels, et stipulait qu'une demande émanant de plus de 20

 17   délégués de l'assemblée déclancherait la saisine de cette instance au sujet

 18   de ce projet de législation, et tant que cette instance n'avait pas pris de

 19   décision, cette mesure ou proposition ne pourrait pas faire l'objet de

 20   vote. Elle pouvait faire l'objet de discussion, mais certainement pas de

 21   vote.

 22   Q.  Merci. Revenons un petit peu en arrière. Vous souvenez-vous que le 7

 23   janvier 1991, à Sarajevo, la résolution des intellectuels musulmans a été

 24   publiée, demandant une Bosnie souveraine. Cela a été publié le 8 janvier,

 25   diffusé par les médias.

 26   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous m'avez demandé hier si

 27   je pourrais saisir l'occasion d'examiner le compte rendu d'audience de la

 28   séance qui vient d'être abordée. Je me demandais si je pourrais répondre à

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  1   ce stade à votre demande, parce que nous venons d'en parler.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si on pourrait à nouveau

  4   afficher le compte rendu de la séance du 27 février.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P969, n'est-ce pas

  6   ?

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] En fait, Monsieur le Président, Messieurs

  8   les Juges, le compte rendu d'audience de toute la séance du 27 février est

  9   le document de la liste 65 ter 06291.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  En attendant, je voudrais vous poser la question suivante : Est-ce que

 12   vous êtes au courant de cette déclaration, la résolution des intellectuels

 13   musulmans du 8 janvier ?

 14   R.  Oui, mais cela fait longtemps que je ne l'ai pas reconsultée. Je ne me

 15   souviens pas exactement de son contenu.

 16   Q.  Et vous souvenez-vous que la présidence de la RSFY, le 9 janvier, a

 17   publié un ordre concernant la formation de toute force armée non dûment

 18   constituée et demandait d'abandonner ou de remettre les armes qui auraient

 19   été passées dans le pays de manière illégale, et ceci devait être réalisé

 20   d'ici au 9 janvier, alors que la Croatie a demandé une prolongation de ce

 21   délai de 48 heures ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Très bien. Nous pouvons maintenant passer au 27 février.

 24   R.  Pour ce qui est de la pagination interne, la page qui nous intéresse

 25   est la page 27/1.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis toujours époustouflé par votre

 27   mémoire, Monsieur Donia.

 28   Oui, Madame Edgerton.

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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Si le Dr Donia fait référence à la page qui

  2   était affichée hier sur le prétoire électronique, c'est la page 101 de ce

  3   document, et ce document n'a malheureusement pas encore été traduit.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'espérais que l'on pourrait revenir en

  5   haut de la page 6, ou plutôt, en bas de la page 5, parce que je pense que

  6   ce passage permettra de replacer dans son contexte la déclaration de M.

  7   Izetbegovic. Voyons voir. 

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous allez le lire ?

 10   R.  Mais c'est votre langue, Monsieur Karadzic.

 11   Q.  Oui, je vois. Je cite :

 12   "Je vais continuer à chercher une solution qui permettra de remplir les

 13   deux critères. Tout d'abord, selon moi, il y a deux conditions préalables

 14   qui doivent être remplies. Tout d'abord, une Bosnie démocratique et

 15   souveraine dans sa totalité, et une voie pacifique vers cet objectif,

 16   c'est-à-dire pas par le biais d'une guerre civile et par le biais de morts.

 17   Cette voie comprendrait la Bosnie, devrait faire l'objet de vérification,

 18   et nous devrions lancer une initiative pour se lancer dans cette voie et

 19   utiliser toutes les possibilités pour aller dans cette direction. Ces deux

 20   conditions que j'ai mentionnées, c'est-à-dire une Bosnie-Herzégovine

 21   unifiée et souveraine, ainsi qu'une voie pacifique vers cet objectif, ne

 22   revêtent pas la même valeur. Tout d'abord, pour une Bosnie souveraine

 23   j'abandonnerais la paix, mais pour la paix en Bosnie, je n'abandonnerais

 24   pas une Bosnie souveraine. (Il y a eu des applaudissements.) De la même

 25   manière, étant donné que ceci est sujet polémique, la Bosnie-Herzégovine

 26   entend, si je devais choisir donc, la Bosnie-Herzégovine devrait arriver en

 27   premier et la Yougoslavie en second. C'est ainsi que je formulerais ma

 28   position. (Là, il y a eu à nouveau des applaudissements.)"

Page 3325

  1   Est-ce que cela suffit ?

  2   R.  Juste une autre phrase, Docteur Karadzic, merci.

  3   Q.  "Vous aurez maintenant la possibilité d'évaluer si mes opinions sont

  4   acceptables ou pas et si cette assemblée peut soutenir ces opinions, parce

  5   que pour moi ceci est particulièrement important, c'est quelque chose qui

  6   est particulièrement important pour moi et qui est soutenu par les citoyens

  7   de Bosnie-Herzégovine, mais également de Yougoslavie. Il s'agit en fait

  8   d'une égalité historique et politique pour la Bosnie-Herzégovine comme

  9   réalité."

 10   R.  Ceci, en fait, laisse penser que M. Izetbegovic demandait des

 11   contributions à ce sujet. Je voudrais passer à la page suivante, parce que

 12   je crois que c'est le Dr Karadzic qui est l'intervenant suivant, après la

 13   prise de parole par M. Izetbegovic. Je pense qu'il s'agit de la page

 14   suivante après ce discours. Le discours que nous venons de citer en partie

 15   était à la page 7, 8, 9, et 10, et je pense, par conséquent, que la prise

 16   de parole du Dr Karadzic, on peut la retrouver cinq pages après celle à

 17   laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle, et vous pouvez voir que le

 18   Dr Karadzic fait un bref discours et il corrige une citation que M.

 19   Izetbegovic avait pris d'un entretien entre le Dr Karadzic dans un journal

 20   de Belgrade, "Borba", mais il ne mentionne pas les propos qui viennent

 21   d'être prononcés par M. Izetbegovic.

 22   Est-ce que vous voulez passer en revue cette prise de parole

 23   exactement ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si c'est nécessaire, Mme Edgerton s'en

 25   occupera.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez

 28   poursuivre.

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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  C'est exactement ce que je voulais dire, mais je n'ai rien contre parce

  3   que c'est un fait, j'ai toujours été en faveur d'un Etat fédéral et de lois

  4   fédérales, et c'est ce qui est mentionné dans cette prise de parole. Merci.

  5   Monsieur Donia, vous souvenez-vous de l'accord du 18 mars ? Nous y

  6   reviendrons un peu plus tard, mais pour commencer, j'aimerais savoir si

  7   vous pourriez confirmer que cet accord avait, en fait, pris en compte les

  8   critères mentionnés par M. Izetbegovic, c'est-à-dire les deux critères qui

  9   avaient été présentés, à savoir une Bosnie unifiée et souveraine.

 10   R.  De quoi parlez-vous ? De quel accord parlez-vous le 18 mars ?

 11   Q.  Il s'agit de l'accord de Lisbonne. Les trois partis s'y sont conformés

 12   le 18 mars, mais la Bosnie voulait garantir qu'il s'agissait d'un Etat

 13   unifié et souverain.

 14   R.  Ce que vous avez appelé l'accord de Lisbonne, Monsieur Karadzic, était

 15   un accord de principe qui devait constituer la base de négociations

 16   ultérieures, et les trois partis, représentés par leurs dirigeants, ont

 17   accepté cet accord sur le principe, mais en même temps ont essayé de ne pas

 18   apporter des dernières touches à cet accord, vous y compris. Vous avez été

 19   très clair en disant que vous n'accepterez rien qui n'aurait pas été signé,

 20   et ce document n'a pas été signé.

 21   Par conséquent, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y a eu un

 22   accord final le 18 mars 1992, et j'irais plus loin en disant que 14 mois,

 23   ou 13 mois après que ces déclarations étaient prononcées par M. Izetbegovic

 24   et par vous-même au sein de l'assemblée, beaucoup de choses avaient

 25   changées. Des accords intérimaires ont été conclus, d'autres n'ont pas été

 26   respectés, et la situation était différente du tout au tout, tant sur le

 27   terrain qu'au niveau des positions des principaux participants politiques.

 28   Q.  Monsieur Donia, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que nous devons

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  1   encore aborder deux questions : les cartes et la question de l'armée le 18

  2   mars. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que nous avions accepté de

  3   poursuivre les discussions sur les cartes, la carte de départ avait été

  4   adoptée comme point de départ, mais il y avait encore beaucoup de

  5   discussion concernant cette carte et concernant l'armée ?

  6   R.  L'accord avait été décrit par vous-même et par les négociateurs de la

  7   Communauté européenne comme un accord de principe qui devait constituer la

  8   base de négociations ultérieures. Maintenant pour ce qui est des détails

  9   qui avaient déjà fait l'objet d'un accord, mais sans signature, et pour ce

 10   qui est de savoir ce qui devait encore être résolu, je ne pourrais pas

 11   vraiment vous en dire plus, car je ne le sais pas.

 12   Q.  Mais nous avons déclaré publiquement que ce qui nous restait à faire

 13   c'était de définir la carte et de résoudre la question de l'armée, et ceci

 14   devait être décidé par référendum. Le référendum devrait confirmer l'accord

 15   qui avait été conclu. Tous les principes avaient été adoptés. Ce qui

 16   restait était de peaufiner cette carte. La carte avait déjà été adoptée

 17   quant à sa forme de départ, et la question de l'armée devrait encore être

 18   réglée. Mais ceci avait été annoncé publiquement.

 19   R.  Je suis sûr qu'il y a les documents à cet effet qui montreront ce qui

 20   avait été publié, et il y a énormément également de documents concernant la

 21   nature de cet accord de principe, et les longues discussions qu'il y a eu

 22   lors de la 11e séance de l'assemblée et les différentes prises de parole

 23   tant de votre part que des autres dirigeants.

 24   Q.  Est-ce que ce procès-verbal est versé au dossier dans son intégralité ?

 25   Il s'agit d'une réunion de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, assemblée

 26   conjointe.

 27   R.  Est-ce que nous sommes revenus en 1991 lorsque nous parlons de cette

 28   assemblée ?

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Nous parlons du document que nous venons de lire, vous et moi.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous parlons d'un PV qui comporte 252

  5   pages, mais selon la pratique adoptée par cette Chambre, de tels documents

  6   sont admis dans leur intégralité. Donc vous aimeriez remplacer ce document

  7   par le précédent qui a déjà été admis ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas encore ce qui a été admis.

  9   S'agit-il de la partie dont j'ai donné lecture et que j'ai soumise à M.

 10   Donia, car cette portion du texte concerne M. Izetbegovic. Mais je n'ai

 11   rien contre le fait que l'intégralité du PV soit versée au dossier, si cela

 12   facilite les choses. Mais si cela facilite les choses, à ne verser que la

 13   portion du texte montrant ce qu'a dit M. Izetbegovic, cela peut se faire.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est admis et enregistré aux

 15   fins d'identification.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je vous faire

 17   une proposition qui pourrait aider la Chambre ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Sous réserve de ce que le Dr Karadzic et M.

 20   Donia disent, le passage dans lequel M. Izetbegovic commence à parler se

 21   trouve en page 96 de ce document 65 ter numéro 06291, et il se termine en

 22   page 105. Etant donné les problèmes de traduction qui se posent, fournir

 23   aux Juges de la Chambre et à mes collègues dans le prétoire une idée du

 24   contexte qui leur permettra de mieux évaluer la discussion, sans surcharger

 25   qui que ce soit, serait peut-être une bonne idée.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Karadzic prend la parole ensuite dans

 27   le texte, n'est-ce pas ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Je peux vérifier, mais je pense que M.

Page 3329

  1   Karadzic s'exprime dans les deux pages du PV qui suivent. Donc page 106 et

  2   107.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je note que la locution de M. Karadzic a

  4   été brève. Avec cette remarque, nous admettons ce document et

  5   l'enregistrons aux fins d'identification.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D256, sous cote MFI,

  7   Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Donia, j'aimerais que nous revenions à présent sur votre

 12   affirmation faite précédemment selon laquelle il importe d'établir les

 13   causes et les conséquences ainsi que le rapport entre les causes et les

 14   conséquences. A cette fin, je vous demande si vous vous rappelez que dans

 15   la période antérieure, qui se termine en février 1991, nous avions parlé de

 16   la nécessité de créer de nouvelles communautés de municipalités ?

 17   R.  Oui. Vous-même et les partis en présence avez discuté de l'idée de

 18   créer des communautés de municipalités -- aviez établi de nouvelles

 19   communautés de municipalités avant cette locution, effectivement.

 20   Q.  Conviendrez-vous que ceci s'appuyait sur la constitution ?

 21   R.  Il y a une partie de cette question à laquelle je ne peux répondre,

 22   mais quoi qu'il en soit, il y avait dans la constitution de Bosnie-

 23   Herzégovine de 1974, une disposition qui prévoyait la création de

 24   communautés de municipalités dans le but de réunir des municipalités pour

 25   l'exercice de certaines fonctions particulières.

 26   Ce que je ne sais pas c'est quel est le texte législatif ou quelle

 27   est telle ou telle disposition dans la constitution qui pourraient être

 28   intervenus dans la création de ces communautés de municipalités. Est-ce que

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  1   c'était l'assemblée de la république qui devait donner son accord, ou est-

  2   ce que c'était la présidence de la république qui devait donner son

  3   consentement, et quelles étaient les étapes nécessaires pour créer ces

  4   communautés de municipalités ? En fait, un certain nombre d'entre elles

  5   existaient déjà en 1990, notamment la communauté de municipalités Banja

  6   Luka, qui englobait 12 ou 15 municipalités dans et dans les environs de

  7   Banja Luka.

  8   Q.  Merci. J'aimerais, si vous le voulez bien, que nous précisions un

  9   point. Vous savez ce qu'est une communauté locale, n'est-ce pas. Vous êtes

 10   d'accord sur le fait qu'il s'agit d'une unité territoriale de faible

 11   superficie qui est comprise à l'intérieur d'une municipalité ?

 12   R.  Oui. Je pense que nous pouvons dire que c'est l'unité administrative la

 13   plus petite existant dans une république, en fait, dans la plus grande

 14   partie de la Yougoslavie.

 15   Q.  Je vous remercie. Conviendrez-vous qu'une communauté locale peut

 16   couvrir un village, mais également qu'un village de grande taille peut se

 17   diviser en plusieurs communautés locales ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Merci. Savez-vous ce que veut dire le mot "atar" dans notre langue ?

 20   Est-ce que ce mot signifie la superficie d'un village ?

 21   R.  Je ne sais pas.

 22   Q.  Donc, une communauté locale peut englober plusieurs villages, mais

 23   chaque village a également ses propres frontières, l'emplacement de ses

 24   forêts, de ses prairies est déterminé. Est-ce que vous êtes d'accord sur ce

 25   point ?

 26   R.  Il y a plusieurs questions dans cette question. Une communauté locale

 27   peut recouvrir plusieurs villages, mais normalement ce n'était pas le cas.

 28   Normalement, un village correspondait à une communauté locale, "mjesna

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  1   zajednica", mais il pouvait arriver qu'un village englobe plusieurs

  2   communautés locales. Et lorsqu'un village était de taille importante, il

  3   pouvait se diviser en plusieurs communautés locales.

  4   Q.  Si nous pensons aux frontières d'un village, donc, un territoire que

  5   nous appelons dans notre langue "atar", est-ce que pendant la période

  6   communiste, ce territoire était, dans la plupart des cas, dans la majorité

  7   des cas, propriété de l'Etat ?

  8   R.  Oui, c'est exact. On appelait ça propriété sociale. C'était une

  9   définition assez vague qui impliquait qu'aucun particulier, aucune

 10   entreprise n'était propriétaire de ce territoire, mais qu'il appartenait,

 11   d'une certaine façon, à l'Etat, ou en tout cas, qu'il était géré par les

 12   municipalités au nom de l'Etat. Je peux me dire d'accord avec cela.

 13   Q.  Je vous remercie. Ce qui signifie que la superficie d'un village,

 14   c'est-à-dire un "atar", appartenait au village ou à l'unité territoriale

 15   qui constituait le village. Donc, il s'agissait d'une propriété de la

 16   société qui relevait de cette unité territoriale. Les villages n'avaient

 17   pas le droit de couper des arbres, d'abattre des arbres dans un "atar" ou

 18   dans un district, c'est-à-dire dans le territoire d'un autre village.

 19   R.  Je pense que lorsqu'une terre était propriété sociale, ce qui était le

 20   cas dans la moitié de la Bosnie-Herzégovine, sinon un peu plus, ce n'est

 21   pas un village ou une municipalité ou une unité territoriale qui était

 22   propriétaire de la terre, mais le fait de parler de propriété sociale

 23   impliquait que ces entités étaient régies par l'administration de l'Etat.

 24   Q.  Merci. Conviendrez-vous que le régime communiste a appliqué cette

 25   notion de propriété sociale ou de propriété de l'Etat en confisquant, en

 26   s'appropriant des propriétés privés après la révolution ?

 27   R.  C'est certainement ça, mais cette pratique de créer des terres communes

 28   n'était pas la pratique de telle ou telle personne, elle remontait à des

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  1   siècles en arrière, et existait déjà à l'époque de l'Empire ottoman en

  2   Bosnie, c'était un élément important dans les discussions portant sur les

  3   réformes agraires à l'époque de l'Autriche-Hongrie depuis 1918, et

  4   également, à l'époque du Royaume de Yougoslavie. Donc, si nous parlons de

  5   continuité historique, cela faisait bien longtemps que cette pratique avait

  6   cours, mais il y a eu quelques confiscations de propriété après 1945.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

  9   numéro 18514 et son versement au dossier. Ce document n'a pas encore été

 10   versé au dossier. Il concerne les critères relatifs au partage du pouvoir

 11   entre les trois parties en présence. Et je demanderais, ensuite,

 12   l'affichage de la carte de Bosnie-Herzégovine où on voit les frontières des

 13   municipalités. C'est la carte numéro 2.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que nous ayons donné un

 15   numéro de pièce à conviction au document dont vous avez demandé le

 16   versement au dossier, celui qui concernait les critères. Donc, nous lui

 17   donnerons un numéro de pièce enregistré aux fins d'identification dans

 18   l'attente de la traduction de la deuxième page.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agira de

 20   la pièce D257, enregistrée aux fins d'identification, c'est-à-dire avec

 21   cote MFI.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Karadzic, de

 23   nous l'avoir rappelé.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que s'affiche la carte

 25   numéro 2, c'est-à-dire la deuxième carte parmi celles dont les numéros vont

 26   de 0701 à 0703 dans le dossier des cartes Karadzic.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Mais, Monsieur Donia, dans l'attente de l'affichage de cette carte, je

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  1   vous demande si vous conviendrez du fait que les centres municipaux ou

  2   centres des communautés locales possédaient des institutions

  3   administratives, telles que services d'audit public, services fiscales,

  4   services de sécurité, centres de sécurité, autrement dit qu'elles

  5   constituaient pratiquement de petits Etats ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qui, d'après vous, est le

  8   centre d'une municipalité, et quels étaient les attributs de tels centres

  9   municipaux ?

 10   R.  Il est certain que ces municipalités n'avaient aucun attribut de

 11   souveraineté qui aurait pu permettre de les comparer à des Etats. J'espère

 12   qu'il n'y a pas de problème d'interprétation, mais enfin ce n'était pas des

 13   Etats. Il s'agissait, en général, d'associations de municipalités qui

 14   avaient été créées à des fins bien précises, comme, par exemple, d'assurer

 15   une bonne répartition des égouts, une bonne distribution de l'eau, et dans

 16   certains cas, pour des raisons de convenance financière ou administrative.

 17   Ces communautés de municipalités pouvaient avoir des centres de

 18   vérification des comptes qui étaient plus puissants de cette façon, et qui

 19   étaient, donc, un outil financier puissant destiné à assurer des rentrées

 20   d'argent. L'argent ne pouvait circuler dans l'ex-Yougoslavie qu'en passant

 21   par un service de vérification des comptes publics. Donc, cette

 22   dénomination de "services de vérification des comptes publics" peut être un

 23   petit peu trompeuse. En effet, ces institutions étaient plus puissantes que

 24   leur dénomination ne l'indique. C'était un peu comme des banques

 25   régionales. Donc, les communautés de municipalités pouvaient bénéficier de

 26   telles institutions administratives, mais il s'agissait toujours de

 27   structures créées par les municipalités.

 28   Q.  Je crois que c'est l'article 52 de la constitution de 1955 qui traite

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  1   de ce point, et cette disposition n'a pas été modifiée par la suite. Elle

  2   stipule que les municipalités ont la possibilité de se regrouper en

  3   communautés de municipalités, et que l'une des communautés locales

  4   concernées sera le centre de la municipalité. Vous êtes d'accord sur ce

  5   point ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vous remercie.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la carte à présent,

  9   la carte numéro 2 qui se trouve dans le dossier des cartes et dans le

 10   prétoire électronique, entre les documents 0701 et 0723.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Apparemment, nous venons enfin de

 12   déterminer le numéro 65 ter de ce document. Bien. Il semble que l'heure de

 13   la pause soit arrivée. Nous allons, donc, faire 25 minutes de pause. Après

 14   quoi, nous verrons cette carte dans le prétoire électronique.

 15   --- L'audience est suspendue à 17 heures 16.

 16   --- L'audience est reprise à 17 heures 44.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Donia, est-ce que je peux vous demander de regarder cette

 21   carte et de nous dire, je vous prie, si on y voit les frontières

 22   municipales en Bosnie-Herzégovine.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Conviendrez-vous que la ville de Sarajevo figure dans cette carte comme

 25   un tout, mais que les frontières des municipalités de cette ville ne

 26   figurent pas sur la carte ?

 27   R.  En effet, il semble que ce soit le cas.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Qu'on montre le bas de la carte un peu mieux

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  1   sur l'écran. Je demande qu'on fasse défiler la carte vers le haut pour que

  2   nous voyions Trebinje. Encore un peu. Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Tout à fait au sud de la carte, nous voyons la municipalité de

  5   Trebinje, de Ljubinje, de Bileca, de Nevesinje, et de Gacko, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, oui.

  7   Q.  Vous conviendrez que ces municipalités abritaient une population

  8   majoritairement serbe ?

  9   R.  Si je me souviens bien, toutes ces municipalités avaient une majorité

 10   serbe, oui.

 11   Q.  Et vous vous rappelez que ces municipalités étaient désignées sous un

 12   nom global qui était celui de Bosnie orientale ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Conviendrez-vous que dans le cadre de la municipalité de Stolac, il

 15   existait un lieu qui s'appelait Berkovici, et qui, par le passé, avait été

 16   une municipalité ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Vous le niez ou vous ne vous en souvenez pas ?

 19   R.  Vous m'avez demandé si je m'en souvenais. Je ne m'en souviens pas.

 20   Q.  Admettriez-vous que Berkovici avait existé en tant que municipalité par

 21   le passé, si je vous dis cela, et qu'ensuite Berkovici a été intégré à la

 22   municipalité de Stolac ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Donc, vous le contestez, c'est bien cela ?

 25   R.  Je suis tout à fait prêt à examiner des éléments qui prouveraient ce

 26   fait, je les examinerais avec plaisir.

 27   Q.  Merci. Mais cela vous semble-t-il raisonnable que je vous dise que le

 28   développement de Berkovici s'est arrêté net au moment où Berkovici a été

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  1   intégré à la municipalité de Stolac ?

  2   R.  Je ne sais pas ça.

  3   Q.  Merci. Connaissez-vous l'expression dans notre langue,

  4   "gerrymandering," qui signifie charcutage électoral ?

  5   R.  Oui, c'est un terme utilisé dans le domaine de la corruption politique

  6   aux Etats-Unis.

  7   Q.  C'est cela, c'est cela. Merci de l'expression utilisée par vous, elle

  8   est encore meilleure. Ce charcutage électoral signifie qu'on manipule les

  9   unités électorales afin de donner la majorité à tel ou tel parti, n'est-ce

 10   pas, pour que ce parti obtienne le pouvoir ?

 11   R.  Non, ce n'est pas tout à fait cela. Charcutage électoral et

 12   "gerrymandering," c'est un terme qui a été créé d'après le nom du

 13   gouverneur du Massachusetts dont le prénom était Gerry, au début du XXe

 14   siècle. Il a créé des régions électorales destinées à lui assurer sa

 15   réélection et les frontières de la région ont été tracées en forme de

 16   salamandre plus ou moins sur le plan. Donc, ce terme était destiné à

 17   désigner un pouvoir existant qui tenait à s'assurer sa propre réélection en

 18   constituant une série d'unités électorales formées sur mesure afin de

 19   marginaliser ceux qui pouvaient voter contre.

 20   Q.  Je vous remercie de ces explications. C'est donc ce que ce Gerry a

 21   fait. Mais le terme "gerrymandering," le phénomène du charcutage électoral

 22   peut être appliqué à toutes sortes de situations différentes, n'est-ce pas

 23   ?

 24   R.  Non, c'est une expression qui est strictement limitée à la désignation

 25   d'efforts destinés à assurer une réélection.

 26   Q.  Je vous remercie. Savez-vous à quelle municipalité ou à quelle

 27   communauté de municipalités était attachée cette Herzégovine orientale, où

 28   se trouvait son siège ?

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  1   R.  Mais de quelle période parlez-vous ?

  2   Q.  Avant les élections de 1990.

  3   R.  Non.

  4   Q.  Conviendrez-vous qu'il s'agit de Trebinje qui est une ville

  5   industrielle, une belle ville, une ville développée de bonne façon ?

  6   R.  Parmi les municipalités que vous avez citées tout à l'heure, il aurait

  7   pu y avoir un certain nombre de candidats pour abriter le siège de la

  8   communauté des municipalités. Je ne sais pas exactement s'il y avait une

  9   municipalité abritant un tel centre, et je ne sais pas laquelle c'était.

 10   Q.  Mais si je devais vous dire que toutes ces municipalités trouvent leur

 11   siège, leur centre à Mostar, toutes ces municipalités serbes, est-ce que

 12   vous conviendriez qu'un tel fait pouvait susciter le mécontentement des

 13   Serbes, car Mostar se développait finalement au détriment de leur

 14   municipalité ?

 15   R.  Vous venez de qualifier ces municipalités comme étant des municipalités

 16   serbes. Pour ma part, je n'admets pas cette qualification. En réalité,

 17   toutes ces municipalités abritaient une population mélangée. Il y avait,

 18   dans toutes ces municipalités, effectivement, une majorité de population

 19   serbe, mais les villes, en particulier, abritaient des populations très

 20   diversifiées, en tout cas, la plupart d'entre elles. En tant qu'unité,

 21   c'était une entité qui présentait certaines caractéristiques assez

 22   particulières, terrain rocheux, grande production agricole, je ne sais pas

 23   pourquoi il aurait été logique ou illogique que Mostar devienne le centre

 24   de la communauté des municipalités qui englobait toutes ces municipalités.

 25   Mostar, bien entendu, était la ville la plus importante, la plus vaste de

 26   cette partie de la Bosnie-Herzégovine qui s'était pas mal développée sur le

 27   plan économique, à cette époque-là, et dont la population était très

 28   mélangée, aussi bien sur le plan des classes sociales que sur le plan des

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  1   groupes ethniques. Donc, Mostar, c'est certain, pouvait être un candidat

  2   assez acceptable pour devenir le siège ou le centre de cette communauté de

  3   municipalités.

  4   Q.  Mais New York n'est-elle pas un bon candidat pour devenir la capitale

  5   de l'Etat de New York, alors qu'en fait, cette capitale est toujours Albany

  6   ? Et pourquoi est-ce que Mostar devait se développer au détriment des

  7   municipalités dont nous avons parlé ?

  8   R.  Je n'admets pas que Mostar se soit développée plus vite que Trebinje.

  9   Je ne dispose pas du nombre suffisant de critères économiques pour le

 10   savoir.

 11   Q.  Bien. Je l'admets. Mais si je devais vous soumettre le fait suivant,

 12   que ces municipalités abritaient une population qui était serbe à 80 %, que

 13   leur développement a été totalement ralenti, pour ne pas dire arrêté,

 14   pendant plusieurs décennies, est-ce que vous pensez que le centre d'un

 15   pouvoir financier ou administratif ou économique, tel que Mostar l'était,

 16   centre d'investissement également, pouvait être acceptable pour Bileca ou

 17   Trebinje, et est-ce que le fait que Mostar soit le siège de cette

 18   communauté de municipalités ne pouvait pas avoir une incidence sur le

 19   développement de toute la région ?

 20   R.  Il est exact que si on réfléchit à la question sous l'angle socialiste

 21   - mais je ne pense pas que ce soit le problème ici - mais enfin, disons que

 22   si on place le centre à tel ou tel endroit, il va nécessairement se

 23   produire que ceci va avoir une incidence sur le développement de la région.

 24   Ces municipalités étaient les plus développées sur le plan financier et

 25   administratif, et il était préférable que le centre se trouve à l'endroit

 26   le plus développé sur ces deux plans, car il pouvait tirer profit des

 27   moyens et des ressources disponibles pour que grâce au développement de la

 28   grande ville en question, toute la région puisse se développer également.

Page 3339

  1   Je n'admets pas l'idée de base selon laquelle faire d'une municipalité

  2   rurale un centre conduirait automatiquement à un développement économique.

  3   Q.  Mais Trebinje n'est pas un lieu isolé. C'est le centre de

  4   l'Herzégovine. Est-ce que vous contestez le fait que l'Herzégovine

  5   orientale s'est développée plus lentement que Mostar, et que toutes les

  6   localités situées le long de la vallée de la Neretva ?

  7   R.  Je dis simplement que je ne le sais pas. Je suis sûr que c'est un fait

  8   qui nécessite de connaître un certain nombre d'indicateurs économiques pour

  9   se prononcer. Or, je ne dispose pas de ces indicateurs économiques, et je

 10   n'ai pas de souvenir précis de les avoir examinés. Donc, je ne saurais

 11   répondre à cette question.

 12   Q.  Je vous remercie. J'espère que la semaine prochaine, je pourrai vous

 13   montrer certains éléments relatifs à ce sujet. Est-ce que vous avez tracé

 14   un cercle sur la carte pour désigner les frontières de ces municipalités

 15   situées non loin de Trebinje, ou alors, est-ce que vous pourriez le faire ?

 16   Je vous demanderais donc de tracer un cercle sur la carte pour désigner les

 17   frontières des municipalités en question.

 18   R.  Quoi ? Excusez-moi. Qu'est-ce que vous me demandez de faire ?

 19   Q.  Pourriez-vous tracer un cercle autour de la communauté des

 20   municipalités serbes qui se termine à Mostar. Veuillez, donc, annoter ce

 21   plan par indication des frontières de Gacko, Nevesinje, et tout cela

 22   jusqu'à Mostar, de toutes ces municipalités dont nous avons parlées. Tracez

 23   un cercle autour de ces municipalités, y compris Stolac.

 24   R.  Je n'ai pas dit que j'étais d'accord quant au fait qu'il s'agissait

 25   d'une communauté de municipalités de l'Herzégovine orientale. J'ai

 26   simplement vu des éléments indiquant que cela pouvait être le cas, ou en

 27   tout cas, indiquant quand cette unité a été créée ou quoi que ce soit de ce

 28   genre.

Page 3340

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, quel est votre

  2   objectif ? Les Juges aimeraient revoir la carte. Nous voyons où se trouve

  3   Mostar, mais nous devrions voir également l'emplacement de toutes les

  4   municipalités dont vous avez fait mention.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Oui, je vous remercie, mais conviendrez-vous que ces municipalités

  7   faisaient partie de la communauté des municipalités de Mostar ? C'est de

  8   notoriété publique. Chacun le savait.

  9   R.  Non, je n'en conviens pas.

 10   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous voyez les municipalités de Foca,

 11   Gorazde, Cajnice, Rudo et Visegrad ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Conviendrez-vous que ces municipalités recouvrent la zone que nous

 14   avions l'habitude d'appeler l'ancienne Herzégovine ? C'est là que se trouve

 15   également la localité d'où je suis originaire.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Savez-vous où était le centre de cette association de municipalités ?

 18   R.  Je ne savais pas qu'il y avait une association de municipalités. Je

 19   sais qu'il y avait des associations de municipalités avant 1990, et je sais

 20   plus ou moins les municipalités qui appartenaient à l'association des

 21   municipalités de Banja Luka, mais quant à savoir où étaient les autres, je

 22   ne sais pas.

 23   Q.  Si je vous disais que le centre principal ou la ville principale de

 24   cette association des municipalités était à Gorazde, c'est-à-dire qui était

 25   à majorité musulmane, et non Foca, qui était plus importante et plus

 26   développée et qui avait une majorité serbe en son sein, que diriez-vous de

 27   cela ?

 28   R.  J'aimerais voir les documents qui font état de sa création, et

Page 3341

  1   j'aimerais également ainsi pouvoir déterminer quel était le chef-lieu ou le

  2   centre de cette association de municipalités.

  3   Q.  Vous devriez le savoir, puisque c'était le thème de votre rapport

  4   d'expert. Vous devez savoir cela, puisque cela relève de l'histoire

  5   politique de la crise en Bosnie. Si, dans votre rapport, vous allez à

  6   l'encontre de la position de Karadzic consistant à dire que les

  7   municipalités avaient été redécoupées, vous devez, en fait, fournir les

  8   raisons, et vous devez chercher les raisons qui expliquent pourquoi

  9   Karadzic a demandé cela.

 10   Et j'avancerais, ici, que Gorazde s'est développée de manière

 11   beaucoup plus rapide que Cajnice, et il y avait, en fait, le pouvoir

 12   politique et financier qui était à Gorazde, et c'est ce que je vous

 13   présente ici, c'est ce que j'avance, dans le cadre du thème que j'aborde à

 14   l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé un

 15   redécoupage des municipalités sur la base de la constitution.

 16   Est-ce que vous ne pensez pas que vous auriez dû vérifier quelles

 17   étaient les demandes de Karadzic, si vous aviez des objections quant à ses

 18   propositions ? Est-ce que vous n'auriez pas dû vous pencher sur tout cela ?

 19   R.  Je crois, Monsieur Karadzic, que j'ai décrit votre critique de la

 20   structure municipale de manière tout à fait fidèle et juste. Je ne suis pas

 21   rentré dans le détail des différents découpages municipaux, sauf pour le

 22   cas d'Ozren que vous aviez mentionné dans vos discours et dans vos

 23   articles, ainsi que dans les entretiens que vous aviez donnés.

 24   Et pour être honnête, je dois dire que je n'ai jamais entendu ce

 25   scénario, et je ne suis pas convaincu que d'établir un chef-lieu d'une

 26   association de municipalités aurait pour conséquence de créer un

 27   développement beaucoup plus important que dans d'autres municipalités qui

 28   faisaient partie de cette association de municipalités. C'est la première

Page 3342

  1   fois que j'entends parler de cette théorie, et je pense qu'il faudrait voir

  2   ce qui s'est passé dans d'autres associations de municipalités qui ont eu

  3   un chef-lieu pendant plusieurs décennies à tel endroit, parce qu'il ne

  4   semble pas que ceci tombe sous le sens. Ce n'est pas nécessaire d'avoir ou

  5   d'observer une croissance économique exponentielle au sein d'un centre

  6   administratif, surtout lorsque ces niveaux administratifs sont assez ténus.

  7   Q.  Très bien. Nous pourrons approuver cela le moment voulu et lorsque nous

  8   parlerons notamment d'Ozren.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant faire

 10   descendre un petit peu la carte, s'il vous plaît.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous voyez où il est mentionné Srebrenica et Bratunac ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que Srebrenica et Bratunac constituent la forme d'une salamandre

 15   ?

 16   R.  Je ne sais pas. Tout ceci dépend d'un certain parti pris. Je ne sais

 17   pas. Non, je ne vois pas une forme qui ressemble à une salamandre.

 18   Q.  Mais vous avez parlé de "gerrymandering", de ce charcutage électoral,

 19   et vous avez dit que ça prenait la forme de salamandre, et vous avez que

 20   vous avez en haut Skelani, et puis, vous avez les territoires qui sont

 21   environnants également, et vous avez les municipalités de Srebrenica et

 22   Bratunac qui ont un peu été déformées de cette manière. Est-ce que vous

 23   êtes d'accord ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Est-ce que vous savez qu'à un moment donné Skelani a été une

 26   municipalité à proprement parler ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous voyez Lopare et Ugljevik ? Est-ce que vous savez

Page 3343

  1   que c'est là que se trouve le mot Majevica ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Savez-vous que sur le territoire serbe, il y avait une municipalité qui

  4   s'appelait Priboj, et maintenant, on ne peut même pas trouver Priboj sur la

  5   carte ?

  6   R.  Qu'entendez-vous par "territoire serbe" ?

  7   Q.  Eh bien, cette zone était à 100 % habitée par des Serbes. C'est ce que

  8   je veux dire par là.

  9   R.  Et dans quelle zone cela se trouvait-il ?

 10   Q.  Lopare, Ugljevik et le mont Majevica, en direction de Tuzla.

 11   R.  Je ne connais pas la composition ethnique de ces municipalités en 1991,

 12   mais je sais qu'aucune d'entre elles n'avait une population à 100 % serbe.

 13   Q.  Mais est-ce que la Bosnie était à 100 % peuplée de Musulmans ?

 14   R.  Bien sûr que non.

 15   Q.  Alors, comment pouvons-nous justifier des tentatives d'indépendance de

 16   la Bosnie, alors qu'elle n'est pas à 50 % musulmane, alors qu'ici, votre

 17   critères est, en fait -- vous voulez appliquer une condition de 100 % serbe

 18   ? Priboj était presque à 80 % serbe, lorsque la municipalité a été abolie.

 19   R.  Je crois que vous exagérez un peu les chiffres et les pourcentages.

 20   Vous aviez dit, la première fois, que c'était à 100 %. Maintenant, vous me

 21   dites que c'était peuplé à 80 % de Serbes. Donc, il semble que vos

 22   déclarations ne soient pas cohérentes.

 23   Q.  Je dois dire que ce n'est pas important de savoir si c'est plus de 50 %

 24   et combien de plus de 50 % il s'agit. Mais le fait est qu'il nous faudrait

 25   maintenant une loupe pour trouver la municipalité de Priboj qui est morte

 26   de sa belle mort. Il s'agit maintenant d'une très petite localité, parce

 27   qu'en fait, la municipalité en tant que tel a été abolie et a été fusionnée

 28   avec la municipalité avoisinante.

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  1   Est-ce que vous direz, ici, ou vous pensez, ici, que cette

  2   municipalité n'a jamais existé à Majevica ?

  3   R.  Est-ce que je pense que la municipalité de Majevica n'a jamais existé ?

  4   Je ne crois pas que vous ayez jamais mentionné qu'il y avait une

  5   municipalité à Majevica.

  6   Q.  Il s'agit de la municipalité de Priboj sur le mont Majevica.

  7   Monsieur Donia, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que des

  8   municipalités dans le monde entier peuvent comprendre entre 1 500 et 5 000

  9   habitants ?

 10   R.  Les municipalités dans le monde ?

 11   Q.  Dans la plupart des pays du monde, il s'entend.

 12   R.  Non.

 13   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'en moyenne, il y avait 40

 14   000 habitants dans des municipalités en Union soviétique et en Yougoslavie

 15   ? Mais dans les autres pays, le chiffre était moins important.

 16   R.  C'était la moyenne en Bosnie, et c'était le cas aux environs de 1991.

 17   Je ne sais pas ce qu'il en est pour l'Union soviétique.

 18   Q.  Oui, c'était également aux environs de 40 000. Et savez- vous que dans

 19   d'autres pays, il y a beaucoup moins d'habitants par municipalité ? Par

 20   exemple, la Grèce a des municipalités en moyenne de 8 500 habitants en

 21   moyenne. Et pour le reste, c'est encore moins. Est-ce que vous connaissez

 22   ces chiffres ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais savoir comment cela aide les

 24   Juges de la Chambre, Monsieur Karadzic. Veuillez passer à autre chose, à

 25   une autre question.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous verrez, Messieurs les Juges, que le

 27   charcutage électoral et le redécoupage des municipalités est, en fait, un

 28   facteur purement ou principalement politique, ce qui a amené à la crise.

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  1   Mais quoi qu'il en soit, passons à autre chose.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Donia, est-ce que vous voyez les municipalités de Bijeljina,

  4   de Zvornik et de Lopare ?

  5   R.  Zvornik, Bijeljina. C'était quoi la troisième ?

  6   Q.  Bijeljina et Ugljevik. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que

  7   Bijeljina, et Lopare, et Ugljevik appartenaient ou faisaient partie de

  8   l'association des municipalités de Semberija et de Majevica ?

  9   R.  Si vous utilisez le terme géographique, oui, ça semble être le cas.

 10   Q.  Est-ce que vous savez où était le chef-lieu de cette association de

 11   municipalités ?

 12   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas quels étaient les chefs-lieux des

 13   associations de municipalités avant 1990. Je savais que toutes les

 14   municipalités appartenaient à une association de municipalités, mais je ne

 15   sais pas ou se trouvait le chef-lieu de cette association de municipalités.

 16   Q.  Et quels étaient les centres régionaux de ces municipalités ? Peut-être

 17   que vous trouverez cette question plus facile. Etes-vous d'accord pour dire

 18   que le centre régional de ces municipalités était Tuzla, et non Bijeljina ?

 19   R.  Je ne sais pas.

 20   Q.  Et si je vous soumets la chose suivante, que c'était Tuzla qui était le

 21   principal centre régional, et que Tuzla a observé une croissance

 22   exponentielle, et que ce n'est donc pas Bijeljina, puisque Bijeljina n'a

 23   commencé à se développer que maintenant, qu'en diriez-vous ?

 24   R.  Je crois que c'est le cas, mais les raisons de la croissance

 25   exponentielle de Tuzla n'ont rien à voir avec le fait qu'il s'agissait d'un

 26   chef-lieu d'association de municipalités, du moins autant que je le sache.

 27   Tuzla a vu sa croissance augmenter par le fait qu'il y avait des mines de

 28   sel, il y avait également eu beaucoup d'industrialisation, y compris

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  1   l'usine chimique de soda, ainsi que d'autres structures qui se sont

  2   développées au sein de la municipalité.

  3   Q.  Et comment expliquez-vous maintenant que Bijeljina est florissante,

  4   alors qu'elle a subi la guerre, les sanctions, la pauvreté, mais Bijeljina

  5   se développe maintenant parce qu'il s'agit du centre régional ?

  6   R.  Je suis allé à Bijeljina, et j'ai remarqué que cette localité s'était

  7   développée durant la période socialiste. Et je ne serais pas d'accord avec

  8   la manière dont vous décrivez ces événements. Il y a peut-être également

  9   des indicateurs économiques qui pourraient étayer votre propos, mais de là

 10   à déterminer si cette ville a observé une croissance exponentielle ou pas

 11   sous la période socialiste, je crois qu'en fait, toute cette partie, le

 12   long de la rivière de la Drina, s'est beaucoup développée.

 13   Q.  Et si je vous disais que Bijeljina a commencé à se développer après

 14   cette guerre, c'est-à-dire la guerre civile, lorsque cette localité est

 15   devenue centre régional, et que maintenant, elle fait montre d'activités

 16   florissantes, comment est-ce que cela pourrait expliquer autrement que par

 17   cette description que les revenues vont plutôt à Bijeljina qu'à Tuzla ?

 18   R.  Je pense que vous avez tort de ne pas prendre en compte les activités

 19   qui ont amené au développement durant la période socialiste. Je comprends

 20   que vous ayez des raisons de ne pas être satisfait des régimes communistes

 21   et socialistes, y compris pour des raisons très personnelles, mais je pense

 22   qu'il faut reconnaître que le développement de la Bosnie-Herzégovine sous

 23   le socialisme a été énorme, plus particulièrement durant les 30 premières

 24   années. Les villes ont grandi. L'économie était florissante.

 25   L'industrialisation s'est développée. Il y a eu une croissance

 26   démographique également. La population est devenue moins analphabète. Tout

 27   ceci sont des faits tout à fait simples qui ont été observés durant cette

 28   période de développement économique sous un régime socialiste. Donc, je

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  1   vous dirais qu'on pourrait prouver que certaines villes ne se sont pas

  2   développées autant après le socialisme que pendant la période du socialisme

  3   des décennies précédentes.

  4   Q.  Pensez-vous que le développement de la Bosnie-Herzégovine était bien

  5   équilibré d'un point de vue régional ? Est-ce que vous avez remarqué dans

  6   notre manifeste politique, ou notre programme politique, un engagement à un

  7   développement régional bien équilibré ? C'était un des points de notre

  8   programme du SDS. Mais procédons par ordre. Est-ce que vous avez remarqué

  9   dans notre programme politique un appel à un développement régional bien

 10   équilibré ?

 11   R.  Oui, je m'en souviens.

 12   Q.  Est-ce que vous pensez qu'un bon développement régional équilibré

 13   existait déjà en Bosnie-Herzégovine, et ceci avant les élections dont je

 14   parle ?

 15   R.  Tout dépend ce que vous entendez par régions. Il est évident que le

 16   développement de la région de Sarajevo a été le plus visible et le plus

 17   important. D'autres régions n'ont pas connu une industrialisation de la

 18   même ampleur que Sarajevo, et, d'ailleurs, la plupart des régions n'ont pas

 19   connu une industrialisation de la cadence de celle de Sarajevo. Mais je

 20   n'ai pas vu d'élément qui laissait penser que des régions entières étaient

 21   beaucoup moins développées que d'autres dans le reste de la République.

 22   Je me souviens que les dirigeants de Banja Luka avaient commencé à

 23   organiser les municipalités de la Bosanska Krajina, et le principal chantre

 24   de ce projet était le Dr Dusko Jaksic, qui était le directeur de l'institut

 25   d'économie de Banja Luka. A ma connaissance, il occupe toujours ce poste.

 26   Lorsque des exigences politiques ont vu le jour, afin de redresser le tir

 27   en Krajina de Bosnie, c'était une des personnes, lui, qui voulait entendre

 28   que les chiffres ne montraient pas cela. Quelquefois, il s'agit purement de

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  1   discrimination vis-à-vis de certaines régions, et ceci est basé sur des

  2   critères politiques plutôt qu'économiques.

  3   Q.  Nous y reviendrons plus tard, Monsieur Donia. Est-ce que vous voyez

  4   Banovici, ces deux rivières; puis vous avez la rivière Bosna qui passe par

  5   Maglaj, puis vous avez Braca, qui passe par Lukavac à Gracanica, et leur

  6   confluence se trouve à Doboj ?

  7   R.  Oui, je crois que nous avons perdu tous les autres protagonistes dans

  8   ce prétoire, mais je vois de quelle région vous parlez.

  9   Q.  Entre ces deux rivières, vous avez le mont Ozren entre ces deux

 10   rivières, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Q.  Savez-vous que sur le mont Ozren il y avait à un moment donné une

 13   municipalité qui s'appelait Petrovo Selo ?

 14   R.  Non, je ne savais pas.

 15   Q.  Savez-vous que cette municipalité a été abolie et Ozren, qui était à

 16   100 % serbe, a été réparti au sein des municipalités environnantes, qui

 17   étaient musulmanes ?

 18   R.  Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous qualifiez les

 19   municipalités environnantes de musulmanes, et je ne connais pas

 20   l'historique administratif de la zone d'Ozren avant 1991.

 21   Q.  Merci. Ce que j'essaie de dire, Monsieur Donia, c'est quelque chose que

 22   tous les habitants de la région savent, tous les paysans savent, c'est-à-

 23   dire que leur manne a complètement cessé lorsque la municipalité de Petrovo

 24   Selo a été abolie. Ils ont maintenant une nouvelle municipalité, la

 25   municipalité de Petrovo et d'Ozren, qui a été divisée au sein des autres

 26   municipalités, et les Serbes sont devenus une minorité nationale au sein de

 27   ces municipalités.

 28   Est-ce que vous savez pourquoi je parle d'Ozren comme cas d'école ?

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  1   R.  Vous parlez d'Ozren en tant que paradigme ? Je ne comprends pas trop ce

  2   que vous entendez par là.

  3   Q.  Je vais expliquer qu'une entité serbe compacte a été abolie, et qu'elle

  4   a été répartie dans les municipalités avoisinantes au sein desquelles les

  5   Serbes sont devenus une minorité.

  6   R.  Encore une fois, il ne s'agit de charcutage électoral puisqu'il n'y

  7   avait pas d'élections en préparation au moment où les frontières

  8   administratives ont été tracées. Je suppose que ce que vous, vous avez

  9   fait, c'est du charcutage électoral ou du "gerrymandering" durant la

 10   période de la guerre et immédiatement après, pour vous assurer que les

 11   partis serbes gagneraient dans ces différentes régions.

 12   Mais si vous regardez la répartition géographique des villages

 13   serbes, c'est-à-dire au sud de Doboj dans la zone d'Ozren, vous avez une

 14   configuration qui a un peu la forme d'un serpent, et de considérer ces

 15   villages comme une municipalité, ceci irait à l'encontre de la notion d'une

 16   municipalité telle qu'elle existait sous le régime socialiste, et j'ai

 17   expliqué ceci il y a quelques jours. Une municipalité devait disposer d'un

 18   centre, d'un chef-lieu, si l'on peut l'appeler ainsi, qui aurait le même

 19   nom que le nom de la municipalité. Cette municipalité devait être aussi

 20   autonome, économiquement parlant que possible, ou autosuffisante. Elle

 21   pouvait être entourée de terres agricoles ou de terres à propriété sociale

 22   avec, bien sûr, des villages, et l'objectif de cette notion de municipalité

 23   était de déterminer une zone géographique et économique, avec pour objectif

 24   d'encourager le développement économique. A ce niveau-là, le développement

 25   économique était encouragé sous un régime socialiste.

 26    Les associations de communautés n'étaient qu'un produit secondaire

 27   par rapport à l'unité fondamentale d'analyse ou d'administration, qui était

 28   la communauté sociopolitique.

Page 3351

  1   Je comprend tout à fait pourquoi vous choisissez Ozren comme cas

  2   d'école ou comme exemple, mais je pense que si vous créez une municipalité

  3   à Ozren, elle aurait été homogène d'un point de vue ethnique dans sa grande

  4   partie, et cela irait probablement à l'encontre des possibilités d'un

  5   développement économique, puisqu'il y aurait en fait un découpage

  6   géographique assez peu linéaire et ceci n'aurait pas non plus la diversité

  7   qui permettrait à la région de se développer.

  8   Q.  Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que dans une démocratie, on

  9   aurait dû demander l'avis des populations pour savoir ce qu'elles

 10   voulaient, n'est-ce pas ?

 11   R.  En tant que principe général, oui, je pourrais être d'accord avec cela.

 12   Q.  Merci. Est-ce que l'on pourrait maintenant regarder la région de la

 13   Bosnie occidentale. Vous voyez Glamoc, Bosanski  Petrovac. Est-ce que vous

 14   savez où se trouvait le chef-lieu de cette association de municipalités où

 15   l'on retrouvait Bosanski Petrovac, Drvar et Glamoc ?

 16   R.  Vous parlez de la période avant 1990 ?

 17   Q.  Le chef-lieu était à Bihac, et ces municipalités étaient très pauvres.

 18   Les populations étaient parties. Il n'y avait pas d'industrie ni de secteur

 19   secondaire. Il n'y avait pas d'économie à proprement parler. Les gens

 20   avaient quitté la zone. Est-ce que vous me croyez ou est-ce que voulez que

 21   je vous donne des chiffres ?

 22   R.  J'aimerais beaucoup voir des chiffres. Mais je voudrais attirer votre

 23   attention sur le fait qu'il s'agit d'un centre administratif qui, en

 24   Bosnie, remontait à plus de 100 ans, et il en irait de même pour Mostar,

 25   par exemple. Durant l'Empire austro-hongrois, ils avaient sélectionné les

 26   cinq ou six villes les plus importantes et ils les avaient désignées

 27   centres administratifs, et c'est un peu avec la même technique que les

 28   municipalités ont été créées sous un régime socialiste. Encore une fois, ce

Page 3352

  1   que vous avancez ici ne tombe pas nécessairement sous le sens, le fait de

  2   nommer arbitrairement un centre administratif ne créerait pas

  3   nécessairement une économie florissante au dépend des autres zones

  4   environnantes.

  5   Q.  Mais Monsieur Donia, il y a un million et demi de Serbes qui écoutent

  6   cela, et il y a trois millions de Musulmans et de Croates en Bosnie et en

  7   Herzégovine qui savaient exactement ce dont je parle. Lorsqu'il y a un

  8   centre administratif d'une association de municipalités, vous avez le

  9   pouvoir économique, vous avez l'argent, vous avez les finances, vous avez

 10   l'investissement. Tout est concentré dans cette zone, tout ce qui a trait à

 11   ces municipalités se passe là-bas.

 12   Vous avez, par exemple, Livno, qui a été relié à Glamoc, par exemple,

 13   et les autres villes ont beaucoup souffert, alors que Livno n'a pas

 14   souffert de cela.

 15   R.  Je crois que vous surestimez la taille de votre auditoire en parlant de

 16   quatre millions et demi, mais pour ce qui est du développement économique

 17   de ces zones, je ne prétends pas avoir des connaissances précises sur le

 18   taux de développement économique de chacune d'entre elles, mais je ne suis

 19   pas convaincu que la différence de cadence de développement d'une ville par

 20   rapport à l'autre pourrait être mesurée à l'aune du fait qu'il s'agit d'un

 21   chef-lieu d'association de municipalités ou pas.

 22   Q.  Convenez-vous qu'avant la Seconde Guerre mondiale, Kalinovik avait une

 23   population de 25 000 habitants, et que cette population n'était que de 5

 24   000 habitants juste avant la toute dernière guerre, la guerre récente ?

 25   Kalinovik, c'est une municipalité dont la population est majoritairement

 26   serbe et qui est située aux environs de Foca.

 27   R.  Je ne suis pas au courant. Je ne connais pas la population de cette

 28   localité à quelque moment que ce soit.

Page 3353

  1   Q.  Monsieur Donia, vous avez déclaré quelle était votre position sur le

  2   plan politique eu égard aux communautés de municipalités, et vous avez dit

  3   que votre position s'appuyait sur un point de vue économique, que c'était

  4   une motivation économique qui avait présidé à la création de ces

  5   communautés de municipalités et non une motivation ethnocentrique.

  6   Conviendrez-vous avec moi que vous auriez dû connaître les sujets sur

  7   lesquels je suis en train de vous interroger pour aboutir à une telle

  8   conclusion, à savoir que les Serbes présentaient des exigences en termes de

  9   frontières de municipalités qui étaient injustifiées ? Et nous voyons que

 10   ces frontières ont évolué, qu'elles ont changé en raison de mesures prises

 11   par les Communistes.

 12   R.  Je pense que cela fait au moins cinq questions que vous me posez là. Je

 13   vais essayer de les trier et d'y répondre.

 14   Vous déclarez que j'ai exprimé le point de vue selon lequel les

 15   motivations de ceux qui avaient fait tout cela étaient ethnocentriques. Je

 16   n'ai pas déclaré cela.

 17   Q.  Non, non, non, excusez-moi, j'ai peut-être été imprécis. Je vais

 18   préciser. Vous avez déclaré que nos revendications au sujet des

 19   municipalités ou des communautés de municipalités étaient d'une certaine

 20   façon le signe d'une action politique subversive, de quelque chose qui

 21   n'était pas souhaitable et qui n'était pas justifié; c'est bien cela ?

 22   R.  Non, je ne pense pas que ce soit exact. J'ai noté votre critique des

 23   structures municipales, et j'ai examiné la situation de Sarajevo plus en

 24   détail que celle de quelconque localité. J'ai également examiné la

 25   situation de la Krajina bosniaque dans une certaine mesure, et après m'être

 26   penché sur toutes ces zones, je n'ai pas constaté que c'était un facteur

 27   ethnonational [phon] qui était à la base de la détermination des frontières

 28   des municipalités en question sous le socialisme, et je pense avoir indiqué

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  1   que, pour l'essentiel, le tracé des frontières municipales ne s'est pas

  2   fait sur la base de critères ethniques, et je maintiens cette position. Je

  3   pense que les frontières municipales que nous examinons aujourd'hui ont été

  4   déterminées, pour l'essentiel, dans l'intention de permettre un

  5   développement économique rationnel dans le cadre d'une région géographique

  6   gérable sur le plan administratif. Il y a d'autres facteurs également qui

  7   sont intervenus pour le tracé de ces frontières.

  8   Le fait est que développer 109 municipalités est une tâche assez

  9   extraordinaire pour un gouvernement, pour n'importe quel gouvernement, et

 10   que cette unité est sans doute l'unité la plus petite dont on puisse

 11   s'attendre de façon réaliste qu'elle puisse avoir une incidence sur le plan

 12   du développement économique. Et même dans ces conditions, vous pouvez vous

 13   rendre aujourd'hui dans l'une quelconque de ces municipalités et y trouver

 14   des usines pour certaines abandonnées, pour certaines très petites, mais

 15   des usines qui ont été installées pendant la période communiste [comme

 16   interprété] dans la lutte de contribuer à l'effort économique de

 17   municipalités qui devaient être autosuffisantes.

 18   Je soulignerais que vous examinez cette question d'un point de vue

 19   strictement national, strictement ethnique, et que vous vous efforcez de

 20   présenter vos propositions en affirmant qu'il s'agit d'un territoire serbe,

 21   cela ne me pose pas de problème. Je ne vois pas qu'il soit illégal de

 22   préconiser telle ou telle structure en fin de compte. Je ne prononce pas de

 23   jugement de valeur, mais je souligne que ceci est lié à votre

 24   interprétation, à votre conception des territoires serbes, et que ceci est

 25   lié au nouveau tracé municipal que vous avez à l'esprit, en fait, et que

 26   tout ceci, de votre part, appelle du charcutage électoral dans le but de

 27   créer des zones serbes compactes qui pourraient être peuplées

 28   majoritairement par des Serbes en laissant tout le reste de côté.

Page 3355

  1   Q.  Je vous remercie. Merci d'avoir dit que ceci était une façon légale et

  2   légitime de fonctionner, mais ce n'est pas ce que j'ai lu dans votre

  3   rapport. Mais voici ma question : Dans la municipalité -- si la

  4   municipalité de Berkovici avait continué à exister, cela aurait nui à qui ?

  5   Et si les municipalités de Petrovo ou d'Ozren avaient continué à exister,

  6   ainsi que d'autres, qui en aurait été lésé ?

  7   R.  Je suppose, dans ces conditions, que vous proposez de recréer ces

  8   municipalités qui ont disparu depuis longtemps ? C'est bien cela que vous

  9   proposiez ?

 10   Q.  Elles ont été créées. Berkovici a de nouveau été créée, elle existe.

 11   Petrovo également. Les gens ont finalement -- enfin, la communauté de

 12   municipalités a finalement reçu ses revenus, ses moyens économiques pour

 13   continuer à se développer. Maintenant, ces municipalités peuvent avoir une

 14   école, et cetera. Elles peuvent avoir un développement propre qui a été

 15   stoppé net, lorsque ces municipalités ont été abolies par le passé.

 16   Alors, croyez-vous que ce soit justifié ou pas que sous le

 17   socialisme, on accordait une grande importance à l'endroit où se trouvait

 18   le service de comptabilité public, à l'endroit où se trouvait la banque, à

 19   l'endroit où se trouvait le comité municipal, ou bien le comité

 20   intermunicipal, ou bien la Ligue des Communistes, ou encore le comité

 21   d'autogestion des intérêts de cette municipalité en matière d'éducation, de

 22   santé, et cetera, et cetera ? Est-ce qu'on accordait beaucoup d'importance

 23   aux sièges des institutions financières qui avaient la haute main sur les

 24   revenus de toute la communauté ? Est-ce que vous conviendrez que sous le

 25   socialisme, tout ceci était concentré dans les chefs-lieux de ces

 26   communautés de municipalités ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Dans ces conditions, où se trouvaient les institutions de ces

Page 3356

  1   communautés de municipalités ? Où est-ce qu'elles étaient basées ?

  2   R.  Nombre d'entre elles étaient basées au niveau municipal, et je pense

  3   que vous attribuez trop d'importance aux communautés de municipalités qui

  4   existaient sous le socialisme.

  5   Q.  Mais pourquoi dans ces conditions, est-ce que ce fait est devenu

  6   important ?

  7   R.  Il est devenu important parce que vous en avez fait un outil destiné à

  8   affaiblir, paralyser, et finalement, neutraliser le gouvernement de Bosnie-

  9   Herzégovine. Pour vous, c'était un outil de construction d'un Etat. Votre

 10   objectif était de créer une nouvelle structure politique des Serbes de

 11   Bosnie dans l'intention que cette structure l'emporte sur la Bosnie-

 12   Herzégovine telle qu'elle existait en 1991.

 13   Q.  Est-ce que vous voulez dire que nous avions l'intention de créer un

 14   Etat serbe en Bosnie, en juillet 1990, au moment où nous avons créé le

 15   parti et présenté le programme du parti ?

 16   R.  Non, ce n'est pas ce que je veux dire.

 17   Q.  Mais c'est à ce moment-là que nous avions des observations à faire sur

 18   le développement régional. Est-ce que vous conviendrez que notre motivation

 19   était d'œuvrer au développement régional qui était attardé, ralenti, freiné

 20   dans les régions serbes, parce que les revenus dont disposaient ces régions

 21   étaient entre les mains des centres qui exploitaient ces zones sans en

 22   faire partie ? Pour dire les choses simplement, tous ces secteurs, toutes

 23   ces zones étaient exploités.

 24   R.  Docteur Karadzic, les choses que vous avez faites au début des années

 25   1990 ont donné le rythme du développement économique de la Bosnie il y a 50

 26   ans déjà. Vous avez détruit l'économie. Vous avez détruit les

 27   infrastructures dont dépendait le développement économique, et je déclare

 28   que tout ceci a abouti à une situation de prospérité économique après la

Page 3357

  1   guerre en Republika Srpska. Je pense que cette affirmation est assez

  2   raisonnable.

  3   Q.  Monsieur Donia, vous m'avez facilité la tâche. J'ai maintenant une

  4   autre question à vous poser : Est-ce qu'en 1990, nous pensions à la

  5   régionalisation ? Est-ce que nous avions déjà cette idée en tête ?

  6   R.  Je ne sais pas. Les premières actions menées en faveur de la

  7   régionalisation datent de la mi-janvier 1991. Donc, est-ce que ceci était

  8   dans votre esprit en tant que projet, est-ce que vous aviez l'idée de créer

  9   des associations de communauté en raison de cette initiative du SDS, est-ce

 10   que ceci vous est venu à l'esprit en 1990, je n'en sais rien.

 11   Q.  Mais tenons-nous en à ce que nous savons, et ce que nous savons, c'est

 12   que notre campagne électorale où il a été question des frontières des

 13   municipalités et de la création de communautés de municipalités s'est menée

 14   pour répondre aux désirs et aux besoins de la population selon des bases

 15   démocratiques, parce que les populations souhaitaient vivre mieux, elles

 16   souhaitaient avoir une meilleure vie, et il n'était pas question de

 17   calculer des pourcentages dans les régions autonomes, n'est-ce pas ?

 18   R.  Encore une fois, je remarque qu'il y a plusieurs questions dans la

 19   question que vous venez de poser. Les propositions visant à redessiner les

 20   frontières municipales faisaient, cela est certain, partie de la campagne

 21   électorale. Je n'ai vu aucun élément qui puisse démontrer que ceci ait eu

 22   un lien avec l'aspect économique et le développement économique. Pendant la

 23   campagne électorale, je n'ai pas vu de tels éléments. Il est tout à fait

 24   clair que dans votre programme, vous aviez inscrit un ou deux points qui

 25   permettaient de s'occuper du développement économique, mais ces points

 26   n'ont été que faiblement discutés pendant les premières semaines de la

 27   campagne, et ont pratiquement été oubliés après la campagne.

 28   Q.  Je vous remercie.

Page 3358

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque cette carte comporte des annotations de

  2   ma main, elle ne sera pas versée au dossier. Je demande l'affichage de la

  3   pièce D255, à présent, qui est déjà une pièce à conviction de façon à vous

  4   montrer comment M. Izetbegovic a fonctionné avant la publication de notre

  5   programme, autrement dit de vous montrer que le SDA n'a jamais eu la

  6   moindre critique à formuler par rapport à toutes ces activités que nous

  7   menions.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pièce D255 sur les écrans, je vous prie.

  9   Q.  Donc, nous pouvons établir, Monsieur Donia, à quel moment les Serbes

 10   ont estimé nécessaire de créer des régions autonomes et à quel moment ils

 11   ont estimé nécessaire de créer la Republika Srpska, parce que si nous

 12   n'établissons pas ces dates, il est inutile de faire des déclarations

 13   générales.

 14   Alors, dernier paragraphe, je cite :

 15   "Partout, et notamment ici, en Bosnie-Herzégovine, nous nous sommes

 16   consacrés en grande partie au système qui semblait avoir été établi en vue

 17   d'aboutir à notre anéantissement sur le plan national. A l'époque, une

 18   attention importante était consacrée au régime et au système, et c'est à ce

 19   moment-là que l'appauvrissement le plus important a eu lieu, précisément

 20   dans ces secteurs serbes, dans ces zones serbes, et ces zones serbes

 21   étaient loyales au système, mais ce sont celles qui ont subi un déclin

 22   culturel et économique, et vécu des émigrations très importantes. Plusieurs

 23   centaines de milliers de Serbes ont quitté la Bosnie-Herzégovine dans cette

 24   période, la Bosnie-Herzégovine est restée privée de pas mal de ses enfants.

 25   L'organisation territoriale s'est démantelée et la nation serbe s'est

 26   réduite à une situation très inférieure sur le plan démocratique et

 27   politique."

 28   Alors, c'est un extrait d'un discours introductif à l'assemblée prononcé

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  1   par moi, et personne n'a rien eu à dire au sujet de cela, parce que ce

  2   discours est appuyé par toutes les analyses économiques possibles à

  3   l'époque. Vous conviendrez avec moi que tel est bien le cas, Monsieur Donia

  4   ?

  5   R.  Je pense que j'ai déjà fait remarquer que votre discours à l'assemblée

  6   constituante vous a permis de formuler cette notion du peuple serbe qui

  7   devait être considéré comme un tout homogène et comme un groupe

  8   démographique cohérent, et c'est à cela que je pensais, à l'idée selon

  9   laquelle les Serbes étaient victimes de la période socialiste. Mais ceci

 10   n'est peut-être pas très productif, car il s'agit d'une présentation

 11   erronée du caractère global du gouvernement socialiste, de ses intentions

 12   et de sa politique. Je pense qu'en fait, plus tard dans la campagne

 13   électorale, la proposition qu'avait le gouvernement a été présentée plus en

 14   détail, et que c'est à ce moment-là que l'idée a été avancée que les

 15   actions du gouvernement avaient retardé le développement économique des

 16   trois peuples dans cette période, lorsque vous-même organisiez des

 17   rassemblements populaires, comme la plupart des partis politiques existants

 18   à l'époque.

 19   Donc, je pense que vous venez d'exprimer une idée qui a évolué par la

 20   suite et qui est devenue beaucoup plus convaincante plus tard, mais qui est

 21   liée à un programme bien précis destiné à remédier aux problèmes de

 22   l'époque, mais ce programme était, en fait, le programme d'un parti unique

 23   et n'était pas une initiative fondée sur l'ethnicité, en 1991. A mon avis,

 24   ce n'était pas une proposition précise ou une initiative précise pendant la

 25   campagne électorale, ou même dans les quelques semaines qui ont suivi les

 26   élections, mais elle s'est développée ainsi au début de 1991.

 27   Q.  Monsieur Donia, est-ce que vous considérez que le peuple serbe

 28   n'existait pas en tant qu'entité, mais que c'est moi qui me suis efforcé de

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  1   le créer ? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de dire ?

  2   R.  Je ne dirais pas que vous vous êtes efforcé de le créer. J'ai dit que

  3   vous le considériez comme une espèce de renouveau national. Vous vous

  4   efforciez de faire prendre conscience aux gens, sur le plan national, qu'il

  5   fallait avoir cette propre conception d'eux-mêmes en tant que Serbes, et

  6   que c'est peut-être l'une des raisons qui leur a permis de décrire leur

  7   identité en tant que Serbes, et non plus en tant que Yougoslaves, c'est-à-

  8   dire quelque chose de plus hybride, ou en tant que quoi que ce soit

  9   d'autre. Vous souhaitiez que ces populations se considèrent fermement comme

 10   serbes et se comportent comme des nationalistes serbes, ce qui impliquait

 11   qu'elles devaient défendre les idéaux et le programme du SDS.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 3 de ce

 13   document.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Donia, est-ce que vous pensez que les Serbes de Bosnie

 16   auraient été autre chose que les Serbes de Yougoslavie ?

 17   R.  Je pense qu'ils étaient différents des Serbes vivant à l'est de la

 18   Drina, d'une façon assez circonscrite. Leur situation était différente. Ils

 19   étaient impliqués dans l'existence d'autres républiques, d'une autre

 20   république, et étaient attirés par des idéaux bien précis, même si, de

 21   façon générale, les dirigeants nationaux serbes avaient en commun un grand

 22   nombre d'idéaux et que tous les Serbes partageaient une seule et même

 23   allégeance à leur identité nationale. Mais il y avait des différences entre

 24   les deux groupes -- je les ai d'ailleurs trouvées assez intéressantes,

 25   personnellement, différences entre les Serbes vivant à l'ouest de la Drina

 26   qui semblaient plus axés sur ce qu'avaient vécu les Serbes pendant la

 27   Seconde Guerre mondiale que les Serbes résidant en Serbie.

 28   Q.  Mais vous conviendrez que les Serbes de Nis et de Novi Sad sont plus

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  1   différents les uns des autres que les Serbes de Bosnie et les Serbes de la

  2   Sumadija ?

  3   R.  Oui, je pense qu'on pourrait les considérer comme ce que j'appellerais

  4   une sous-communauté d'une communauté nationale. Les gens de la communauté

  5   plus vaste partageaient l'identité serbe sur tout le territoire yougoslave.

  6   Q.  Mais ce qui m'inquiète un peu, Monsieur Donia, c'est la chose suivante

  7   : Vous semblez considérer que nous avons produit quelque chose en Bosnie-

  8   Herzégovine que nous n'avions pas le droit de produire. Est-ce qu'un

  9   million et demi de Serbes en Bosnie-Herzégovine ont le droit de se battre

 10   pour leur égalité par rapport aux autres, pour leurs biens, leur propriété

 11   économique, pour leur identité culturelle, pour leur identité nationale ?

 12   Est-ce que ce groupe d'un million et demi avait des droits qui lui étaient

 13   propres et le droit d'agir ainsi ?

 14   R.  Je pense que tout homme a des droits qui sont ceux de tout citoyen,

 15   quelle que soit l'entité politique à laquelle il appartient. Mais les êtres

 16   humains n'auraient pas dû avoir le droit d'éliminer les membres d'autres

 17   groupes hors des territoires sur lesquels ils avaient des prétentions. Ils

 18   n'avaient pas non plus le droit de couper, d'isoler des territoires sur

 19   lesquels ils vivaient.

 20   Q.  Est-ce que vous faites un jugement de valeur, à ce moment-là ? Est-ce

 21   que vous dites que les Serbes de Bosnie-Herzégovine voulaient faire ce que

 22   vous venez de décrire, qu'ils voulaient agir selon les modalités que vous

 23   venez de présenter ?

 24   R.  Je dis simplement qu'ils avaient de nombreux droits et qu'il était bon

 25   qu'ils bénéficient, qu'ils jouissent de ces droits comme tout autre citoyen

 26   de Bosnie-Herzégovine. Ils auraient dû avoir les mêmes droits que les

 27   autres citoyens de Bosnie-Herzégovine. Mais lorsqu'on en arrive à détruire

 28   les fondements sur lesquels s'appuient d'autres groupes, alors, ils

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  1   n'auraient pas dû avoir le droit de le faire, et n'importe quel autre

  2   groupe n'aurait pas dû non plus avoir ce droit.

  3   Q.  Très bien. Nous y reviendrons. Mais est-ce que vous laissez entendre

  4   que c'est ce que les Serbes ont fait ? Est-ce que c'est votre position, que

  5   les Serbes ont fait ce que vous venez de dire, et qu'ils n'auraient pas dû

  6   le faire ?

  7   R.  Ce que je veux dire, s'agissant de cette période -- et je tiens à être

  8   tout à fait clair. S'agissant de la période dont nous parlons, c'est-à-dire

  9   avant janvier 1991, je réponds : Absolument pas. Ce n'est pas ce que je

 10   laisse entendre. Je pense que si on parle de 1992, il y a pas mal de ce que

 11   je viens de dire qui s'est fait.

 12   Q.  Nous préciserons tout cela en temps utile, mais, Monsieur Donia,

 13   pensez-vous que la création de l'Union démocratique croate, c'est-à-dire --

 14   et la création du Parti croate des droits, que la création du Parti

 15   d'Action démocratique s'appuyaient sur des racines que vous n'autorisez pas

 16   les Serbes à posséder ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Donc, tous ces partis qui ont démarré en 1990, donc, les principaux

 19   partis vainqueurs des élections en Slovénie, en Croatie et en Bosnie-

 20   Herzégovine, s'appuyaient sur une base ethnique ou ethnocentrique ?

 21   R.  Comme nous l'avons dit hier, il y a eu ce que j'appellerais

 22   multiplication d'activités nationales démocratiques, et à la fin de 1989,

 23   tout ceci a commencé, c'est-à-dire au moment où il est devenu évident que

 24   des élections multipartites allaient avoir lieu en Yougoslavie d'une façon

 25   ou d'une autre. Une partie, petite ou grande, de toutes ces activités, de

 26   toute cette multiplicité d'activités, était orientée vers l'appui de partis

 27   nationaux. Certains, d'ailleurs, n'étaient pas nationaux. On pourrait même

 28   les appeler des partis antinationaux. Mais en tout cas, ces activités ont

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  1   scellé l'émergence de la démocratie. Et les gens ont créé des partis par

  2   dizaines et par centaines dans l'ex-Yougoslavie, dans cette période, et les

  3   programmes de ces partis étaient des plus divers. C'était la marque d'une

  4   démocratie naissante.

  5   Q.  Je vous remercie. Conviendrez-vous que l'Union démocratique croate

  6   était un parti -- c'est-à-dire le parti le plus important de Croatie à

  7   balayer tous les autres partis ? C'est le parti qui l'a emporté aux

  8   élections. Donc, voilà, c'était ma première question. Oui ou non ? Cela

  9   suffira pour le moment.

 10   R.  S'il a balayé les autres partis ? Non. Il n'a pas balayé les autres

 11   partis. Il l'a emporté grâce à une victoire qui ne lui a pas donné la

 12   majorité absolue à l'issue des élections, mais il a obtenu la majorité des

 13   sièges de l'assemblée, parce que c'est bien de cela que nous parlons, nous

 14   parlons de la mise en place de la première législature après le système

 15   communiste.

 16   Q.  Et les électeurs croates avaient une autre possibilité à leur

 17   disposition. Ils avaient d'autres candidats pour lesquels ils auraient pu

 18   voter, mais ils ont choisi de voter pour le HDZ, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je pense que je viens de répondre que le HDZ n'avait pas obtenu la

 20   majorité absolue des voix.

 21   Q.  Il me semble que nous nous sommes mis d'accord sur le fait que le Parti

 22   d'Action démocratique avait été créé avant le Parti démocratique serbe,

 23   n'est-ce pas ?

 24   R.  J'ai dit que si, afin de déterminer si un parti est dûment organisé, il

 25   a bénéficié d'une assemblée constitutive, le Parti de l'Action démocratique

 26   a été constitué le 26 mai, et le SDS a été constitué au début du mois de

 27   juillet. Mais on pourrait utiliser d'autres critères pour déterminer si un

 28   parti est dûment constitué. Mais si on tombe d'accord pour dire qu'il

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  1   s'agit du critère approprié, dans ce cas-là, ce serait le cas, c'est-à-dire

  2   que le SDA a été constitué avant le SDS.

  3   Q.  Pensez-vous que quelqu'un pourrait prétendre que les Serbes en Bosnie-

  4   Herzégovine auraient créé le SDS si cela n'avait pas été précédé par la

  5   victoire importante du HDZ en Croatie et les activités du HDZ ? Est-ce que

  6   vous pensez que ce SDS aurait vu le jour si ces autres partis n'avaient pas

  7   vu le jour ? Est-ce que vous avez des preuves de cela ?

  8   R.  Je crois que vous me demandez de prouver quelque chose qui ne s'est pas

  9   passé, mais je crois que nous l'avons déjà dit hier, il y avait

 10   foisonnement d'activités, à commencer par le début de l'année 1990, avec

 11   comme point d'orgue l'organisation ou la constitution du SDS. Quant à la

 12   forme qu'a revêtu le SDS, c'est en fait dû à divers facteurs. Tout d'abord,

 13   on a pensé, et vous étiez l'un de ceux-là, qu'il n'était pas bon de

 14   constituer un parti comme une antenne d'un parti dans une république

 15   voisine. Le HDZ, bien sûr, l'a fait, mais je ne pense pas que ça a été une

 16   réussite franche.

 17   Vous avez hésité à vous impliquer, en tant que président du parti;

 18   vous avez certainement joué un rôle dans la constitution et dans la forme

 19   qu'a revêtu le SDS à terme, et c'est peut-être sur les conseils importants

 20   de M. Cosic et d'autres que le SDS ne s'est pas associé à un autre parti en

 21   Croatie par rapport au SDS de Bosnie, que vous avez, par conséquent,

 22   constitué un parti distinct. Et M. Raskovic ou le Dr Raskovic était à la

 23   tête de ce parti en Croatie.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je crois que nous

 25   devons lever la séance pour aujourd'hui, et nous reprendrons le contre-

 26   interrogatoire la semaine prochaine. Durant le week-end, essayez de

 27   réfléchir à la suite de votre contre-interrogatoire de façon à le mener

 28   pour poser des questions précises et bien ciblées, et ceci permettra de

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  1   réduire le temps du contre-interrogatoire.

  2   Lundi, nous aurons notre séance dans la salle d'audience numéro I, le

  3   matin, mais étant donné qu'il y aura une réunion plénière des Juges, à 13

  4   heures, nous lèverons la séance à 12 heures 50. Je vous dis tout cela pour

  5   que vous puissiez planifier. Et si c'est nécessaire, nous repasserons à

  6   huis clos partiel, et nous pourrons aborder également certains éléments en

  7   l'absence du témoin, mais il y a une requête concernant le témoin qui va

  8   arriver à la fin du mois, et je me demandais si la Défense voulait répondre

  9   à cette requête.

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. En fait, je n'ai

 11   pas eu la possibilité d'en parler avec le Dr Karadzic, mais nous pourrons

 12   vous le transmettre demain.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourrez faire ceci par

 14   écrit ?

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Je vous

 17   souhaite un excellent week-end, et je vous donne rendez-vous lundi, à 9

 18   heures.

 19   --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le lundi 7 juin 2010,

 20   à 9 heures 00.

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