Page 4655
1 Le mardi 6 juillet 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Monsieur Tieger, veuillez poursuivre.
8 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 LE TÉMOIN : MOMCILO MANDIC [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Contre-interrogatoire par M. Tieger : [Suite]
12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Mandic.
13 R. Bonjour, Monsieur Tieger.
14 Q. Avant la suspensions d'audience hier, je vous interrogeais au sujet de
15 ce que vous aviez dit dans votre déposition dans l'affaire
16 Stanisic/Zupljanin au sujet de ce que vous aviez appelé le genre de
17 professeur imbu de lui-même, et au sujet du fait que selon vous il leur
18 semblait important, je cite : "D'avoir des photos sur eux," des photos
19 autrement dit de paramilitaires et ces professeurs auxquels vous faisiez
20 référence souhaitaient avoir ces photos. Vous l'avez confirmé, cela se
21 trouvait à la page 4 649 du compte rendu. J'aimerais maintenant vous
22 montrer une photographie et vous demandez si l'une des personnes que l'on
23 voit sur ces photographies correspondent à cette définition du professeur
24 imbu de lui-même.
25 Je demande que l'on diffuse le document 40146 grâce au système Sanction.
26 [Diffusion de la cassette vidéo]
27 M. TIEGER : [interprétation]
28 Q. C'est une séquence vidéo très courte, Monsieur Mandic. On peut la
Page 4656
1 diffuser une nouvelle fois, mais vous avez peut-être déjà reconnu la
2 personne qu'on voit sur les images.
3 R. Peut-on rediffuser parce que le système électronique n'était pas
4 branché.
5 M. TIEGER : [interprétation] Absolument.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 M. TIEGER : [interprétation]
8 Q. Je vous demande d'abord si vous reconnaissez les personnes qu'on voit
9 sur cette vidéo.
10 R. Il me semble que c'est un événement d'avant la guerre à Bijeljina,
11 lorsqu'il y a eu un incident lié à des tensions interethniques, et que
12 Biljana Plavsic, qui était membre de la présidence, et Fikret Abdic, se
13 sont rencontrés avec d'autres membres du gouvernement. Ils sont allés à
14 Bijeljina ce jour-là en raison de cet incident, et c'est une vidéo qu'on a
15 vu à de très fréquentes reprises à la télévision de Bosnie-Herzégovine, Mme
16 Biljana Plavsic embrasse Zeljko Raznatovic, dit Arkan. Je crois que ça
17 s'est passé en mars 1992.
18 Q. Je vous remercie, Monsieur Mandic. Est-ce que c'est l'une des images
19 que vous aviez à l'esprit lorsque vous avez parlé de ces personnes qui
20 souhaitaient prendre des photographies de paramilitaires ?
21 R. J'aurais plutôt tendance à penser que la personne dont j'ai parlé hier
22 avec une certaine émotion faisait un travail qu'elle ne savait pas faire,
23 et que d'une façon un peu exhibitionniste, elle s'efforçait de se rendre
24 populaire auprès du peule et de se donner l'apparence d'un dirigeant
25 populaire dans ces circonstances particulières.
26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
27 au dossier du document 40146.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
Page 4657
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P1108,
2 Monsieur le Président.
3 M. TIEGER : [interprétation]
4 Q. Monsieur Mandic, hier il a été fait mention de la 22e Séance de
5 l'assemblée des Serbes de Bosnie tenue à Zvornik en novembre 1992. Le
6 document en question a été versé au dossier. Vous avez évoqué les
7 commentaires formulés par un certain nombre de personnes, et notamment par
8 Mme Plavsic, pendant cette réunion, j'aimerais que nous nous penchions
9 rapidement sur les commentaires de Mme Plavsic qui se trouvent en page 20
10 de la version anglaise ainsi qu'en bas de la page 19 et en haut de page 20
11 de la version B/C/S. De ce document, qui si je ne me trompe, est désormais
12 la pièce P1105.
13 Bien sûr, nous essayons d'utiliser Sanction pour revenir au prétoire
14 électronique.
15 M. TIEGER : [interprétation] A des fins d'intendance, Monsieur le
16 Président, avant de nous pencher sur cet extrait du document, il me faut
17 faire remarquer que dans la pièce précédente, la brève séquence que nous
18 avons regardée allait du code horaire 01:48:20 à 01:48:33.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.
20 M. TIEGER : [interprétation]
21 Q. Monsieur Mandic, la partie du document, c'est-à-dire de la pièce P1105
22 qui est à l'écran actuellement, reprend les propos de Mme Plavsic le jour
23 dont nous parlons, et voici ce qu'elle dit, je cite :
24 "Je tiens avant tout à dire quelque chose qui me concerne personnellement,
25 puisque Mico Stanisic a prononcé mon nom. Je tiens à éviter tout malentendu
26 parce que les gens disent beaucoup de choses, la plupart du temps, ils
27 parlent des crimes qui sont en train de détruire notre pays et notre
28 peuple. Je ne voudrais pas que vous pensiez que ceci est une forme de
Page 4658
1 rumeur. J'aimerais répondre à M. le ministre Stanisic. Il est vrai, ce
2 n'est pas une rumeur, Monsieur le Ministre, qu'après la déclaration du
3 président de la République, c'est-à-dire après l'appel qu'il a lancé aux
4 volontaires de toutes les terres serbes et de tous les pays orthodoxes,
5 j'ai envoyé des lettres à toutes les adresses en question. Mon intention
6 était de payer quiconque souhaitait se battre pour la cause serbe et
7 rassembler autour de soi. Donc les lettres sont parties. Vous parlez de
8 formations paramilitaires et non paramilitaires, vous recevrez mes excuses.
9 Ceci n'a rien à voir avec moi. Je cherchais des gens qui étaient prêts à se
10 battre pour la cause serbe, qui étaient prêts à se battre sur le territoire
11 de la Republika Srpska. Les lettres ont été envoyées à l'Union Soviétique,
12 à Seselj et à Arkan, et à Jovanovic. Faites ce que vous voulez, accusez-moi
13 si vous le voulez, je tiens à ce que les choses soient claires, parce que
14 c'est la deuxième fois, M. le ministre, ce n'est pas de l'ouï-dire, j'ai
15 fait cela effectivement et vous pouvez me juger pour cela, si vous le
16 souhaitez."
17 Puis nous voyons le mot entre guillemets, "applaudissement" dans cette
18 transcription.
19 Alors, Monsieur Mandic, est-ce que ce sont bien les commentaires de Mme
20 Plavsic auxquels vous faisiez référence hier, en tout cas, en partie
21 lorsque vous parliez des invitations qu'elle avait lancées à des
22 paramilitaires pour qu'ils viennent en Republika Srpska ?
23 R. Oui, Monsieur Tieger.
24 Q. Monsieur Mandic, avez-vous su si d'autres dirigeants bosno-serbes
25 avaient une haute opinion d'Arkan et souhaitaient qu'ils viennent en
26 Republika Srpska, ou même souhaitaient que leur photographie soit prise en
27 sa compagnie ?
28 R. Je ne suis pas au courant.
Page 4659
1 M. TIEGER : [interprétation] Dans ces conditions, j'aimerais maintenant
2 vous montrer le document 65 ter numéro 4508 qui est une autre séquence
3 vidéo, donc il va nous falloir repasser sur le système Sanction.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
6 Juges, cette séquence date du mois d'octobre 1995, le 23 octobre 1995.
7 [Diffusion de la cassette vidéo]
8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
9 "Monsieur le commandant en chef, Bataillon de la Garde des Volontaires
10 serbes, est aligné en votre honneur, Monsieur. Les rangs sont prêts pour
11 inspection."
12 "Pour la garde, pour vous, en tant que commandant de la garde."
13 "Merci beaucoup, Monsieur le président. Nous tenons à vous exprimer notre
14 gratitude. Ce n'est pas la fin, c'est le début. Merci des quelques mots que
15 vous venez de prononcer."
16 "Je vous remercie, je vous félicite et j'espère que nous nous rencontrerons
17 à nouveau en temps de paix. Vous aurez toujours une place centrale dans le
18 cœur des gens que vous avez défendus. Merci."
19 "Monsieur le président, au nom de la Garde des Volontaires serbes, je
20 souhaite vous dire deux mots, à savoir que nous sommes prêts et que nous
21 répondrons à votre appel de revenir pour défendre notre patrie éternelle,
22 pour défendre nos femmes et nos enfants, pour défendre le territoire serbe
23 et notre religion orthodoxe. Merci, Monsieur le président."
24 "Très bien, Monsieur le président, nous allons maintenant rebrousser
25 chemin. Je vous remercie encore une fois."
26 "Au revoir."
27 "Nous sommes ici, nous resterons ici et nous serons en contact."
28 [Fin de la diffusion de cassette audio]
Page 4660
1 M. TIEGER : [interprétation]
2 Q. Monsieur Mandic, tout d'abord même si je pense connaître la réponse à
3 cette question, je vous demande si vous avez eu connaissance de
4 l'organisation de cette cérémonie ?
5 R. Non, non, c'est la première fois que je vois ces images.
6 Q. Est-ce que ces images vous rafraîchissent la mémoire quant à
7 l'importance de l'appui dont bénéficiait Arkan ou d'autres paramilitaires,
8 membres de la direction des Bosno-serbes ?
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous allez
10 faire identifier les personnes que l'on voie dans cette vidéo ?
11 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'aurais
12 dû commencer par là, bien entendu.
13 Q. Monsieur Mandic, pour le compte rendu d'audience et dans l'intérêt des
14 Juges de la Chambre, pouvez-vous indiquer si vous avez reconnu l'une ou
15 l'autre des personnes que l'on voie sur les images de cette vidéo ?
16 R. Sur les images de la vidéo, j'ai reconnu le président de la République
17 serbe, M. Radovan Karadzic, ainsi que Zeljko Raznatovic, dit Arkan,
18 commandant de la Garde des Volontaires.
19 Q. Merci, Monsieur Mandic. Et avant que vous ne répondiez à cette
20 question, je vous avais demandé si la diffusion de ces images vous avait
21 rafraîchi la mémoire quant à l'importance de l'appui dont jouissait Arkan
22 ou d'autres membres des formations paramilitaires de la part des dirigeants
23 bosno serbes ?
24 R. Comme nous l'avons vu jusqu'à présent, Biljana Plavsic avait la
25 responsabilité de ces formations paramilitaires, c'est elle qui était
26 chargée de les contacter et de les inviter à venir. C'est elle qui était la
27 passerelle entre les Serbes de Bosnie qui se battaient en Bosnie et les
28 gens qui venaient d'autres états, pour autant que je le sache, bien sûr.
Page 4661
1 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement
2 au dossier du document 40548.
3 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas que
4 le témoin ait été capable de s'exprimer au sujet de cette vidéo.
5 L'événement en question s'est produit après son départ, il a dit ne pas
6 avoir été informé de cette cérémonie. Tout ce qu'il a fait c'est
7 d'identifier deux des personnes qui sont sur les images, et je ne pense pas
8 que ce soit un témoin qui puisse permettre d'établir le fondement propice
9 au versement au dossier de ce document. Je vous remercie.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que le contenu ne concerne
11 pas le sujet de sa déposition, Maître Robinson ?
12 M. ROBINSON : [interprétation] Si, mais je ne crois pas que ceci rende le
13 document admissible. Le lien est assez lâche, le témoin n'a pu fournir
14 aucun fondement quant à l'exactitude de ce que nous avons vu.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De l'avis de la Chambre, Monsieur
17 Tieger, il n'existe aucun lien entre la vidéo et le témoin que nous avons
18 face à nous.
19 M. TIEGER : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur le Président. Je suis
20 désolé de ne pas avoir eu l'occasion de m'exprimer avant que les Juges ne
21 se consultent, mais je voudrais faire une remarque au sujet du lien en
22 question. La question centrale au cœur de cette vidéo était l'invitation
23 faite à des paramilitaires et les contacts avec des paramilitaires, le
24 soutien apporté aux paramilitaires, et cetera, et le point central de toute
25 l'affaire, c'est que Mme Plavsic, qui était membre de la présidence en même
26 temps que le Dr Karadzic et une collaboratrice très proche du Dr Karadzic,
27 est visible sur les images de cet extrait de la vidéo, qui date de la 22e
28 séance du gouvernement et où nous avons entendu les mots suivants, je cite
Page 4662
1 :
2 "Après la déclaration du président de la république, à savoir le Dr
3 Karadzic, après l'appel qu'il a lancé aux volontaires des terres serbes et
4 de tous les autres pays, Mme Plavsic a réagi."
5 Donc c'est le témoignage qui a été fait dans l'affaire Stanisic/Zupljanin
6 par ce témoin et qui concernait la réaction du Dr Karadzic à l'appui
7 apporté par Mme Plavsic.
8 C'est un document qui, à mon avis, devrait être versé au dossier dans
9 n'importe quel système judiciaire de common law. Il n'est pas question ici
10 de l'exactitude de ce document ou de sa véracité. C'est une séquence vidéo.
11 Je ne pense pas que Me Robinson ou M. Karadzic vont contester le fait que
12 cette vidéo dépeigne de façon précise et exacte ce qui s'est passé et
13 l'événement qui a été filmé. C'est le Dr Karadzic que l'on voit sur cette
14 vidéo, donc c'est un moment tout à fait opportun pour l'admission de ce
15 document, plus opportun en tout cas qu'une déposition ultérieure qui serait
16 liée avec l'élément central de cette déposition sous forme écrite ou sous
17 forme d'un document qui serait versé automatiquement au dossier avec un
18 témoin qui viendrait nous dire :
19 "Il y a des vidéos où l'on voit l'accusé aux côtés de personnalités
20 paramilitaires."
21 Je demanderais à la Chambre de réfléchir une nouvelle fois à la question,
22 et je répète que je suis certain que dans la présente affaire ce genre de
23 document est exactement celui que Me Robinson et M. Karadzic aimeraient
24 voir versé au dossier de l'affaire. Ils font simplement consigner leur
25 objection par rapport à des déclarations antérieures de la Chambre en
26 réponse à leurs arguments, et je pense qu'ils essaient d'établir des
27 parallèles. Alors, comme je l'ai dit, je pense qu'il y a des facteurs tout
28 à fait précis qui permettent le versement au dossier de ce document, même
Page 4663
1 si Me Robinson et M. Karadzic pensent que ce n'est pas le moment opportun
2 pour le verser.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelques mots ?
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson ou Monsieur Karadzic,
5 qu'est-ce que vous avez à dire ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. J'aimerais dire ce qui suit. C'est une
7 question de principe, mais pas seulement une question de principe. C'est
8 aussi une question de fond.
9 Biljana Plavsic et ce dont le témoin a parlé portait et concernait l'année
10 1992. Or, ces images datent de 1995. En dehors de cela, nous avons proposé
11 le versement au dossier de certains documents à plusieurs reprises qui
12 portaient sur ce phénomène, et aucun de ces documents n'a été admis. Alors,
13 entendons un autre témoin pour verser au dossier ce document-ci. Ceci n'est
14 pas nuisible à la Défense, mais c'est une question de principe. Ce document
15 n'est pas dans le contexte actuel. Nous avons demandé que d'autres
16 documents soient admis, qui étaient tout à fait en rapport avec le
17 contexte, qui portaient directement sur le sujet dont il était question.
18 Celui-ci est totalement hors contexte.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
20 Monsieur Tieger, il ne se pose aucun problème de pertinence ou de véracité
21 de cette séquence vidéo. Je suis d'accord avec vous sur le fait que ce
22 sujet pourrait faire l'objet de versement au dossier d'un certain nombre de
23 documents versés automatiquement à un stade ultérieur du procès, mais ce
24 qui est en question ici c'est la bonne conduite des interrogatoires.
25 Pour soumettre quelque chose au témoin, il faut qu'il y ait un lien
26 entre le témoin et le sujet qu'on lui soumet. Dans le cas contraire, dans
27 un procès de cette importance, nous n'arriverons pas au bout, en
28 particulier si nous pensons au contre-interrogatoire. Donc, c'est la
Page 4664
1 perspective que la Chambre a à l'esprit en ce moment, et je pense que la
2 Chambre s'est efforcée à plusieurs reprises de faire bien comprendre sa
3 position aux deux parties.
4 Donc ce document ne sera pas admis, comme nous l'avons indiqué déjà,
5 Monsieur Tieger. Veuillez procéder.
6 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
7 Q. Monsieur Mandic, nous avons hier -- nous vous avons présenté un certain
8 nombre de documents qui portent sur le fait que l'on ait eu connaissance à
9 l'époque de la présence d'Arkan à Sarajevo. Saviez-vous qu'Arkan
10 travaillait avec ou en collaboration avec les autorités politiques ou
11 militaires bosno-serbes au printemps ou à l'été 1992 ?
12 R. Je sais que Biljana Plavsic a communiqué avec Zeljko Raznatovic, dit
13 Arkan, depuis le mois de mars 1992. Pour le reste, je n'en sais rien.
14 Q. J'aimerais vous poser une question plus générale. Qui était Radmila ?
15 R. Je ne sais pas.
16 M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais vous montrer les images d'une
17 vidéo, qui est le document 65 ter numéro 30 666.
18 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la séquence vidéo
19 précédente n'a pas été versée, mais il peut être utile d'indiquer les codes
20 horaires de cette pièce néanmoins, puisqu'elle a été diffusée aujourd'hui.
21 Alors, le code horaire des images que nous avons vues dans la vidéo
22 précédente allait de 00:01:00 à 00:04:05. Nouvelle vidéo.
23 [Diffusion de la cassette audio]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
25 "Bonjour."
26 "Bonjour."
27 "Je vous appelle du MUP serbe de Sarajevo."
28 "Serbe quoi ?"
Page 4665
1 "Le MUP serbe de Sarajevo."
2 "Oui."
3 "Dites-moi : quel est le numéro du poste de police de Zvornik ? Qu'est-ce
4 que nous avons à Zvornik ?"
5 "Un instant."
6 "Et qui est-ce qui contrôle Zvornik ?"
7 [Fin de la diffusion de cassette audio]
8 M. TIEGER : [interprétation] Un instant je vous prie, Monsieur Mandic. Je
9 voudrais vous faire savoir qu'il s'agit d'une écoute téléphonique du 16
10 avril 1992.
11 Je pense que nous pouvons poursuivre.
12 [Diffusion de la cassette audio]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Allô."
15 "Allô."
16 "Bonjour."
17 "Le MUP serbe de Sarajevo."
18 "Oui."
19 "D'où est-ce que vous appelez ?"
20 "De Sarajevo."
21 "Un instant. Un instant, un instant."
22 "Ah, merci. Allô."
23 "Oui."
24 "Qui est à l'appareil ?"
25 "Radmila. Qui est à l'appareil ?"
26 "Arkan."
27 "Arkan, je suis Radmila, et je vais vous dire quelle Radmila je suis."
28 "Hm-hm."
Page 4666
1 "C'est Zoran Kalazic qui t'en a parlé, mais tu ne t'en souviens pas, et il
2 faudrait s'adresser à Buda Markovic."
3 "Ah, oui, oui."
4 "Ecoute, notre homme est tombé à Zvornik. Il revenait de Belgrade."
5 "Qu'est-ce qu'il a fait ?"
6 "Eh bien, il est tombé. Il a été pris à Zvornik."
7 "Mais quel est son nom à Zvornik ?"
8 "Bien, c'est exactement ce dont je voudrais parler. Mais comment est-ce
9 qu'il a été touchée ?"
10 "Et bien, voilà, il travaillait chez nous sous les ordres de Momo Mandic."
11 "Oui."
12 "Hier il est allé voir sa famille, Mladjo à Belgrade."
13 "Oui."
14 "Et il était en train de rentrer."
15 "Mladjo, quel est le nom de cet homme -- non, non, l'homme de Zvornik
16 qui l'a attrapé ?"
17 "Arkan, c'est un certain Sabic."
18 "Mais bon dieu de merde, qui est Sabic ?"
19 "Je ne sais pas. Ecoute, le petit jeune il conduisait sa voiture jusqu'à la
20 brasserie. Il travaillait avec celui qui l'accompagnait. Tu sais, il y
21 avait de l'ammoniaque, on l'utilise dans les brasseries, et on ne l'a pas
22 laissé passer."
23 "Les nôtres ne l'ont pas laissé passer."
24 "Mais ils l'ont attrapé à Zvornik ?"
25 "Il dit qu'il a été pris à Zvornik :
26 "C'est impossible à Zvornik, mais c'est mon avis aussi Zvornik, mais
27 personne n'a pu l'arrêter à Zvornik."
28 "Mais lui, il a appelé pour dire qu'il était à Zvornik."
Page 4667
1 "Qu'est-ce qu'il a dit ?"
2 "Sabic a téléphoné pour dire qu'il a été arrêté à Zvornik."
3 "A Zvornik, c'est pas possible. Certainement pas à Zvornik."
4 "Et bien dit moi s'il te plaît, s'il va à Belgrade en passant par
5 Zvornik pour aller à Sarajevo, est-ce qu'il y a un village, est-ce qu'il y
6 a une ville, un hameau, un bourg, qu'ils tiennent où le chemin ne serait
7 pas sûr pour lui ?"
8 "Pour te dire la vérité, je ne sais pas. Je n'ai pas la moindre
9 idée."
10 "Tu ne sais pas ?"
11 "Je ne sais pas."
12 "Nous ne savons pas. Vois-tu, nous ne pouvons toujours pas leur
13 montrer nos cartes pour qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils ont attrapé
14 un type important ?"
15 "Oui, oui."
16 "Et bien, ce n'est pas quelqu'un d'important, mais il travaille pour
17 nous, oui."
18 "Et bien voilà, écoute-moi, je ne sais pas."
19 "Est-ce que tu as des hommes à toi à Zvornik qui pourrait savoir où
20 il pourrait se trouver ?"
21 "Mais non. Moi j'ai retiré mes hommes de Zvornik."
22 "Ah, vous vous êtes retirés de Zvornik ?"
23 "Oui, bien sûr, tu vois bien qu'ils me courent après. Tu ne sais pas
24 quelle est la situation ici ?"
25 "Je sais, je sais tout ça. Ils sont après nous aussi, le monde entier
26 semble être après nous."
27 "J'ai retiré mes hommes parce qu'ils ont laissé des Serbes là-bas à
28 Zvornik pour contrôler les Serbes et l'armée sont là-bas."
Page 4668
1 "Mais ça en sert à rien si tu ne sais pas."
2 "J'appellerai la cellule de Crise pour voir ce qui se passe."
3 "Nous aussi on a besoin de savoir."
4 "Donne moi le numéro de la cellule de Crise à Zvornik."
5 "Dejan."
6 "Comment il s'appelle le président ?"
7 "Dejan Markovic, Dejan Markovic, bon."
8 "Alors, écoute."
9 "075."
10 "Bon."
11 "584."
12 "Oui."
13 "704."
14 "704."
15 "Il y a autre chose ?"
16 "Et 075."
17 "Oui."
18 "584-685685."
19 "Je vais les appeler tout de suite."
20 "Bon fait le."
21 "Quand est-ce que tu nous rappelleras ?"
22 "Ah bon, quoi ?"
23 "Quand est-ce que tu nous rappelleras ?"
24 "Et comment vont les enfants ?"
25 "Bien."
26 "Très bien. Et bien, vient nous rendre un peu visite ici. Je sais que
27 tout le monde veut me voir et tu penses que c'est pourquoi ? Mais tu
28 devrais te rendre compte de la situation qui est --"
Page 4669
1 "Mais oui, oui, je me rends bien compte, tout cela ne sert à rien."
2 "Ah ?"
3 "Ça sert à rien, Arkan, à rien, à rien. Enfin je ne sais pas, non, ce
4 n'est pas que ça sert rien…"
5 "Mais où est-ce que tu es maintenant ?"
6 "Je suis à notre état-major à Vrace, dans l'école."
7 "Ah-ha."
8 "C'est le seul endroit que nous tenons à Sarajevo. Est-ce que tu as
9 notre numéro ?"
10 "J'ai tous les numéros. J'ai parlé à Stanisic, et …"
11 "Oui, Mico Stanisic, fait-le venir à Pale. Mais qu'est-ce qui font
12 là-haut ?"
13 "C'est des imbéciles, des connards."
14 "Mais écoute, fait-le venir."
15 "Il y a une autre ligne. Je vais leur parler, toi reste en ligne."
16 "D'accord. D'accord. Je reste en ligne. Vas-y Arkan."
17 "Donc vous êtes à Sarajevo ?"
18 "Nous sommes à Sarajevo dans l'école à Vrace."
19 "D'accord. Est-ce que vous tenez ce lieu au moins ?"
20 "Oui, nous tenons ce lieu. Enfin, nous tenons, Arkan, on pourrait
21 tout tenir, si seulement quelqu'un nous donnait l'ordre d'avancer. Je ne
22 sais pas ce qu'ils attendent pour nous donner l'ordre."
23 "Voilà c'est ça."
24 "Mais pourquoi est-ce qu'ils attendent. Pourquoi est-ce que
25 l'Amérique menace les Serbes ?"
26 "C'est ça, c'est ça, et on a peur."
27 "C'est ça le problème, ils ont tous peur."
28 "Ils sont des trouillards évidemment. Et le temps passe."
Page 4670
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4671
1 "C'est ce que -- et nous perdons du temps. On aurait dû -- on aurait
2 dû quand --"
3 "Personne ne répond à ce numéro 584-704."
4 "Mais y'a pas moyen. Vous ne devriez pas leur permettre de faire ça."
5 "Ecoute, attends, je vais essayer l'autre numéro."
6 "Oui, oui. Vas-y. Personne ne répond à Zvornik à la cellule de Crise
7 aujourd'hui."
8 "Bien oui, c'est ça."
9 "Je vais essayer."
10 "Est-ce que t'as parlé à Buda ?"
11 "Non, pourquoi ?"
12 "Parce qu'il y a longtemps que je ne lui ai pas parlé. Mais dit moi
13 une chose s'il te plaît…"
14 "Oui."
15 "Alors, à Sarajevo, vous contrôlez au moins une partie de Sarajevo ?"
16 "Nous contrôlons une partie, ils n'osent pas mettre leur tête dans
17 cette partie de Sarajevo. On aurait pu contrôler une partie plus grande de
18 Sarajevo."
19 "Mais pourquoi est-ce que personne ne donne l'ordre ?"
20 "Et bien, Karadzic devrait le faire. Il a le téléphone là-haut à Pale
21 ?"
22 "Bien il a le téléphone, mais pourquoi est-ce que vous ne lui
23 demandez pas à lui ?"
24 "C'est un représentant officiel là-haut, non."
25 "On vient de recevoir l'information ils sont en tain de dessiner la
26 carte à Pale."
27 "Hm-hm ?"
28 "Ils sont à Pale, Momo, le vice-ministre est ici seulement."
Page 4672
1 "Oui, oui. Et qu'est-ce qu'il peut faire ? Il peut rien faire."
2 "Il peut rien faire s'il n'a pas un ordre."
3 "C'est l'armée, l'armée qui fait tout, mais rien ne sert à rien."
4 "Mais l'armée s'est échappée aussi. On l'a menacé avec des avions et
5 elle a fichu le camp."
6 "Où ça ?"
7 "Où elle est, ici ?"
8 "L'armée les a menacé, je veux dire les Américains la menacé."
9 "Les Américains ?"
10 "Mais oui."
11 "Nous, nous allons bien, les gens savent tout cela certainement."
12 "Qu'ils aillent se faire foutre."
13 "Mais pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas envoyé en Croatie, à Zagreb ?"
14 "Qui ?"
15 "Bah, l'Amérique."
16 "Il n'y avait pas d'autre possibilité. On voit bien que le monde
17 entier nous accuse d'être l'agresseur."
18 "Oui, mais moi ça ne me ferait pas peur."
19 "On n'a pas peur, on ne meurt qu'une fois, pas une centaine de fois."
20 "Oui, une seule fois."
21 "Moi je paierais beaucoup. Aucun d'entre nous se rend compte que ça
22 sert à rien bon dieu d'être honnête."
23 "C'est pour cela qu'on fait attention. On a des enfants à Sarajevo."
24 "Et maintenant qu'est-ce qui se passe, on attend, c'est ça ?"
25 "Hier, y'a un jeune, un ambassadeur qui était ici…"
26 "Qu'il aille se faire foutre."
27 "Elle a dit qu'elle était l'ambassadeur des enfants."
28 "Elle est l'ambassadeur des enfants d'Alija."
Page 4673
1 "Non, non, des nôtres, des nôtres."
2 "Ah, de nos enfants ?"
3 "Oui, des nôtres. Son nom de famille c'est Vidakovic."
4 "Vidakovic."
5 "Oui. Son père et sa mère sont en France."
6 "Tout ça c'est à eux, tout ça, ça fait partie de leur politique à
7 eux, je ne crois à rien de tout ça. Ils cherchent à se faire valoir en
8 travaillant pour les enfants…"
9 "Ils nous ont fait bouger les connards."
10 "Excuse-moi d'utiliser ces mots, mais c'est bien ce qui se passe."
11 "Et l'autre numéro est occupé en ce moment."
12 "Le 685, c'est ça ?"
13 "Oui, oui, ça sonne mais personne ne répond. On va essayer une
14 nouvelle fois. Ecoute."
15 "Tu entends ?"
16 "Dis-moi, appelle-les à un autre moment, Tu comprends."
17 "A ce même numéro ?"
18 "Oui."
19 "D'accord. Je rappellerai."
20 "Bon, bonne chance."
21 "Oui, au revoir, bonne chance."
22 [Fin de la diffusion de cassette audio]
23 M. TIEGER : [interprétation]
24 Q. Est-ce que vous reconnaissez l'une ou l'autre voix que nous avons
25 entendue dans cette conversation ? Ce sera ma première question.
26 R. Je n'ai reconnu aucune voix. Je ne reconnais aucune de ces voix.
27 Q. D'après l'écoute téléphonique c'est une conversation qu'a Mme Radmila
28 Kalaba et Zeljko Raznatovic, dit Arkan. Je vous ai demandé si vous saviez
Page 4674
1 qui était Radmila. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous avez des
2 informations à propos d'une certaine Radmila qui avait des liens avec le
3 MUP serbe de Sarajevo ?
4 R. Je ne sais pas qui est cette dame qui s'appelle Radmila Kalaba. Sans
5 doute travaillait-elle dans les services administratifs de la police serbe.
6 Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de ce nom. Je ne me souviens ni du
7 prénom, ni du patronyme. C'est une préposée sans doute. Est-ce qu'elle
8 travaillait, à ce moment-là, dans la police ou avant ? Je ne sais pas, mais
9 avant la guerre, ça j'en suite sûr, elle ne travaillait pas pour la police
10 et moi je ne connais pas du tout ce nom de Radmila Kajaba.
11 Q. Laissons le patronyme de côté pour un moment. Est-ce que vous avez
12 entendu prononcer le nom d'une certaine Radmila, qui travaillait pour vous
13 et qui, plus d'une fois sans nul doute, aurait appelé telle ou telle
14 personne en votre nom pour établir un contact téléphonique avec ces
15 personnes ?
16 R. Ma secrétaire, elle s'appelait Radmina Radojcic avant la guerre quand
17 le MUP était mixte, et pendant un temps elle a été avec moi à Vraca au
18 ministère de la Justice. Mais, ici il ne s'agit pas de cette Radmila
19 Radojcic. C'est clair, ces deux personnes, Radmila Kalaba et Radmila
20 Radojcic, ce n'est pas la même chose. Moi, j'avais Radmila Radojcic comme
21 secrétaire, et je pense qu'aujourd'hui, elle travaille au centre de police
22 de Bijeljina. Avant la guerre et pendant la guerre, elle travaillait au
23 ministère de la Justice, c'était ma secrétaire. Je ne sais pas qui est
24 cette Kalaba.
25 Q. Cette conversation nous l'a montrée, cette Radmila-ci appelle quelqu'un
26 en rapport avec une personne qui apparemment a été capturée à Zvornik, il
27 s'agissait de quelqu'un qui travaillait, dit-elle, sous les ordres de Momo
28 Mandic, et qui conduisait la famille du frère de Momo, la famille de
Page 4675
1 Mladen, à Belgrade.
2 R. Je suis au courant de ceci. La première fois que j'ai écouté cette
3 conversation c'est au moment du récolement avec Mme Korner, qui est premier
4 substitut ici. J'ai entendu il y a deux ou trois mois cette conversation.
5 Dejan Markovic était un chauffeur de la brasserie. Et Hilmo Selimovic lui
6 en était directeur, il était ministre adjoint au ministère conjoint de la
7 Police. C'était un ami à moi. Celui-ci qui avait 20 ans à l'époque, a
8 conduit la famille de mon frère à Belgrade. Mon frère était policier lui
9 aussi. Il donnait des cours à l'académie de police. Il a été arrêté par un
10 groupe musulman armé, et cette Kalaba connaissait sans doute plusieurs
11 numéros de téléphone et elle avait des contacts avec Zeljko Raznatovic, dit
12 Arkan. Hilmo Selimovic m'a beaucoup aidé, il a réussi à trouver cet homme,
13 ce jeune homme quelque part, il y a eu un échange, et je sais que la vie de
14 cet homme a été sauvée grâce à Hilmo Selimovic et aux connaissances qui
15 avait arrêté ce jeune homme d'environ 20 ans à l'époque.
16 Donc la première fois que j'ai entendu cette conversation, c'est au moment
17 du récolement avec Mme Korner, et il est certain que cette Radmila n'avait
18 pas auparavant travaillé pour la police.
19 Q. Est-ce que vous savez si elle vous a transmis les informations qu'elle
20 avait obtenues d'Arkan, à propos de cet incident ?
21 R. Monsieur Tieger, moi, je ne sais pas qui c'est Radmila Kalaba.
22 Q. Est-ce que vous saviez quelles étaient les conditions qui prévalaient à
23 l'époque à Zvornik, dont il est question dans cette écoute téléphonique ?
24 R. Tout ce que je sais je l'ai appris de cette conversation-ci. Je ne
25 savais pas ce qui se passait à ce moment-là à Zvornik. Vous voyez, la
26 conversation nous montre, que cette femme-ci ne sait pas qui est à Zvornik
27 et ne sait pas ce qui s'y passe, elle ne connaît pas les faits qui se
28 produisent là-bas. Je ne sais franchement pas.
Page 4676
1 M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement de cette écoute
2 téléphonique, Monsieur le Président.
3 M. ROBINSON : [interprétation] Objection au motif de la pertinence. Je ne
4 sais pas en quoi ceci est pertinent dans le procès intenté à M. Karadzic.
5 Deuxième motif, c'est vraiment une question secondaire et indirecte le
6 transport de la famille du témoin, ce n'est pas recevable. Si la Chambre
7 estimait que c'était recevable, ce ne serait que pour avoir une cote
8 provisoire, puisque le témoin n'a pas été en mesure d'authentifier les voix
9 que l'on entend.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez répondre.
11 M. TIEGER : [interprétation] Je ne sais pas si vous voulez que je réagisse
12 aux motifs invoqués de l'absence de pertinence. Je ne sais vraiment pas par
13 où commencer.
14 Nous avons ici un contact du MUP serbe, pour savoir ce qui se passe à
15 Zvornik d'après l'écoute téléphonique. Arkan explique quels sont ses
16 rapports avec les autorités serbes de Zvornik, à savoir qu'ils les laissent
17 faire ce qu'il faut. Et la question de savoir du moment où il va peut-être
18 venir. On parle aussi de M. Karadzic, là, le lien entre Karadzic et le MUP
19 serbe a déjà été établi à maintes reprises, sous maintes formes. J'essaie
20 simplement de faire verser au dossier un document qui montre les liens
21 existant entre M. Karadzic et Arkan.
22 Je pourrais poursuivre, mais on propose peut-être une cote provisoire pour
23 identification, je constate effectivement que le témoin n'a pas identifié
24 les locuteurs de l'écoute téléphonique, mais il a quand même dit certaines
25 choses quant au contenu même de l'échange téléphonique.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin n'a pas réussi à reconnaître
28 les voix des locuteurs, mais le nom du témoin est mentionné dans l'écoute
Page 4677
1 téléphonique et le témoin à l'audience a confirmé les événements mentionnés
2 dans cette écoute téléphonique. Ce document recevra donc une cote
3 provisoire pour identification.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce MFI
5 Président.
6 M. TIEGER : [interprétation]
7 Q. Je pense que c'est jeudi, que vous avez fait allusion à une écoute
8 téléphonique qu'on trouvait dans le classeur qui en contenait plusieurs, et
9 dans celle-ci, il y avait vous qui parliez ainsi que M. Prstojevic, et j'ai
10 demandé si ça pouvait être -- vous avez demandé à ce qu'on diffuse -- deux
11 fois d'ailleurs, vous l'avez demandé à entendre cette conversation
12 interceptée; vous vous en souvenez ?
13 R. Oui, je lui ai demandé de permettre à ce juge, Musulman, de reprendre
14 ses fonctions, car il avait été limogé.
15 Q. Mais, d'ailleurs, vous avez dit, en faisant référence à cette écoute
16 téléphonique, que c'était à propos du siège complet de la municipalité, du
17 blocus complet, et du Juge Musanovic, mais, en fait, la discussion allait
18 plus loin. Elle parlait du nettoyage ethnique à Ilidza, n'est-ce pas ?
19 R. Je ne sais pas. Vous pourriez me montrer cette partie ? Ou plutôt,
20 montrez-moi tout le classeur, je pourrais retrouver ce document en
21 question.
22 Q. Vous pouvez les deux. Nous allons diffuser l'écoute téléphonique, et
23 nous allons en même temps vous remettre le classeur.
24 R. Oui, écoutons tout l'entretien, si c'est possible.
25 M. TIEGER : [interprétation] C'est l'intercalaire 17.
26 C'est le document 30829 de la liste 65 ter. Je pense qu'il faudra utiliser
27 le système Sanction.
28 [Diffusion de la cassette audio]
Page 4678
1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "Bonjour --"
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez recommencer. Le
4 système Sanction est branché.
5 [Diffusion de la cassette audio]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "Oui, bonjour, bonjour, le ministère serbe de la Justice; est-ce que je
8 peux parler à M. Prstojevic ?
9 Qui veut lui parler ?
10 Le ministre, le ministre, Momcilo Mandic, le ministre de la Justice.
11 Oui, un instant, s'il vous plaît.
12 Merci.
13 Bonjour.
14 Oui.
15 M. Prstojevic ?
16 Oui, en personne.
17 Un instant, s'il vous plaît.
18 Allô, allô, bonjour.
19 Comment ça va ?
20 Très bien, merci, et vous-même ?
21 A qui ai-je l'honneur ?
22 Momo Mandic, le ministre de la Justice.
23 Exactement, c'est bien ça. Aucun ministre n'a un plus beau nom.
24 C'est exact, car il n'a rien de plus beau que la justice.
25 C'est vrai, il suffit d'y parvenir, de rendre la justice.
26 Dites, Prstojevic; est-ce que vous avez des problèmes, des gens qui vous
27 embêtent à Ilidza ?
28 Non, non.
Page 4679
1 Vous ne leur permettez pas, n'est-ce pas ?
2 Exact. Si quelqu'un m'embête je prends une arme, et je commence à tirer.
3 Quand les Turques m'embêtent, mon armée et moi, et bien, nous prenons les
4 armes, nous nous défendons.
5 Vous êtes de l'Herzégovine ou de Zagreb ?
6 Pas vraiment. Je suis un Herzégovinien orthodoxe.
7 Voyons. Vous êtes Herzégovinien.
8 Oui, Kalinovik, c'est ma municipalité.
9 Deux questions. Nous avons appris que vous donnez des ultimatums à certains
10 Turques pour les chasser de certaines localités, que les gens réagissent
11 mal. Ils en profitent, ces Musulmans, les médias et tout.
12 Oui.
13 Alors ne faites rien de la sorte parce qu'il faut d'abord parler à Djeric
14 et aux gens qui sont là, parce que c'est une très mauvaise publicité pour
15 nous comme pour tout le monde. Ils ont l'option civile, il faut faire
16 preuve de plus de souplesse et ne pas toucher les Musulmans qui sont prêts
17 à écouter, qui sont loyaux. On ne peut pas faire le nettoyage ethnique
18 d'Ilidza, ni d'un autre endroit d'ailleurs, en tout cas c'est ce que je
19 pense le gouvernement, et les dirigeants politiques. Les sommets politiques
20 savent déjà que vous avez dit que les gens avaient 24 heures pour partir.
21 Non, non, non, ce n'est pas de leur sécurité.
22 Mais qu'est-ce que vous avez dit ?
23 Vous n'êtes pas responsable de leur sécurité, c'est ça que vous avez dit.
24 Oui, mais où est-ce que j'ai dit ça.
25 Mais les gens que vous devez --
26 Oui, je sais, mais on ne l'a pas dit publiquement. Ce n'est pas la même
27 politique.
28 Je sais, je sais qu'est-ce qu'il faudrait que ce soit, ils commencent à
Page 4680
1 nous faire marcher.
2 Oui, mais on ne le dit pas. On ne l'écrit pas publiquement.
3 Dans ce contexte, vous savez ce qui est nécessaire, sans doute étiez-vous
4 là pendant les pourparlers, quand on a parlé de ce qu'il fallait faire et
5 comment il fallait faire. Il y avait ces Musulmans qui nous ont dit, oui,
6 c'est une espèce de protection, ces conards, tant que Fadil Musanovic est
7 le juge, mais s'il n'a pas encore pris la fuite, dis-lui qu'il faut qu'il
8 travaille pour nous et que nous en prenions tout le monde, les Musulmans,
9 les Croates, les Serbes, quel que soit leur groupe ethnique, du moment
10 qu'ils restent loyaux à l'Etat serbe. Il faut essayer de placer deux ou
11 trois conards des Musulmans quelque part.
12 Tu sais quoi, Momo ?
13 Quoi ?
14 Même si t'as les meilleures intentions du monde, avec tout ce que les
15 Musulmans d'Ilidza ont déjà fait, ce qu'ils font tant qu'il y a le blocus
16 des Serbes à Hrasnica, à Sokolovic, ça fait un mois qu'il n'y a pas un
17 Serbe qui est sorti.
18 Je sais dit, Mandic, mon frère, ma sœur, mon père et ma sœur, y sont.
19 Et personne ne peut en sortir, même si nous, on les laisse partir, alors
20 qu'ils prennent 5 000 Musulmans, mais qu'ils en libèrent autant chez les
21 Serbes. On n'a pas la possibilité de le faire, nos tribunaux correctionnels
22 n'ont pas reçu une seule plainte, personne n'en a déposé.
23 Mais ainsi, fais pression sur Tomo Kovac, sur la police pour qu'ils
24 travaillent, puis ils troublent l'ordre public. C'est vous le gouvernement
25 là-bas, forcez-les à travailler. Fais des arrestations, il y a beaucoup de
26 choses qui se passent, pas Ilidza en particulier mais dans toute notre
27 République. Il y a des gangs, il y a des voleurs, des profiteurs, alors il
28 faut que la police fasse son travail. Il faut faire une réunion, si les
Page 4681
1 tribunaux marchent, et bien, qu'ils travaillent.
2 Oui.
3 Ce serait bon sur le plan politique. Je ne veux pas insister, parce que ce
4 n'est pas à moi de le faire. Ilidza ne m'appartient pas, ce n'est pas, je
5 sais ce qui est politique. On connaît les médias, vous savez ils ont pris
6 par exemple Pejanovic, Kecmanovic, d'autres et maintenant tout le monde est
7 au courant. Il faut apprendre certaines choses même des Musulmans.
8 Oui, et pour l'opinion publique en général, je veux dire s'il n'y en a pas
9 là, il y en d'autres et on dit à la télévision à Srna ou à Belgrade, pas
10 seulement Ilidza dans d'autres zones aussi, il faut examiner la question.
11 Dites-moi : où est-ce que vous êtes, moi, je suis tout le temps à Kula
12 plutôt qu'à Lukavica ?
13 Et bien, j'irai vous voir quand j'aurai l'occasion.
14 Mais oui, faites-le. On prendra un café, oui d'accord convenu.
15 La municipalité serbe d'Ilidza, vous voyez, parce que je crois qu'il y a
16 quelque différend sur le plan territorial au niveau qui apparaisse dans
17 l'organisation du système judiciaire.
18 Pas de problème, c'est normal. On en parlera, il n'y a pas de problème. Si
19 vous passez, et bien, venez.
20 D'accord, oui, je le ferai,
21 Mais d'abord, voyez avec vos associés, avec Tomo Kovac ce qu'il faut faire
22 pour que ces gens soient punis, parce que ces criminels, ces profiteurs de
23 guerre sont très actifs.
24 C'est vrai mais vous voyez ne serait-ce que l'autre jour --
25 Oui, d'accord, mais maintenant il faut que vous participiez, et forcez
26 Kovac à travailler.
27 Journal officiel numéro 6. On l'a reçu qu'avant-hier et c'est seulement
28 maintenant qu'on a une base juridique, légale qui nous permet de
Page 4682
1 travailler.
2 Excellent, excellent. Il faut que ce soit adopté pour que les gens voient
3 que les Serbes ne boivent pas, ne sont pas des buveurs qui ne passent pas
4 leur journée à tirer avec des canons, mais qui travaillent, que nous sommes
5 des gens normaux qui veulent travailler avec la population.
6 Ok, à plus tard. Salut."
7 [Fin de la diffusion de cassette audio]
8 M. TIEGER : [interprétation]
9 Q. Monsieur Mandic, vous reconnaissez les intervenants de cette
10 conversation ? Ce sera ma première question.
11 R. Il y a notamment moi et Nedjeljko Prstojevic.
12 Q. Vous avez demandé la diffusion de cette écoute téléphonique. Maintenant
13 que vous l'avez entendue; est-ce que vous vous rappelez mieux qu'il
14 s'agissait de renseignements que vous aviez selon lesquels Prstojevic avait
15 commencé à faire un nettoyage ethnique à Ilidza ?
16 R. Mais c'est parvenu au niveau de M. Djeric, le premier ministre du
17 gouvernement. C'est lui qui m'en a parlé. Bien entendu, il a ajouté que je
18 devrais avec prudence parler à M. Prstojevic et qu'il ne fallait pas
19 empêcher la vie normale à Ilidza ou limoger des gens simplement parce que
20 c'étaient des Musulmans.
21 Monsieur Tieger, par exemple, Prstojevic le dit clairement ici, à Hrasnica,
22 il y avait un certain nombre de Serbes qui y habitait, qui avait été placé
23 en détention à l'école ou au centre médical de Hrasnica. Tous les deux, ils
24 essayaient de voir comment puisqu'on pouvait détenir des Serbes, enfin les
25 Serbes pour voir si on pouvait faire pareil à Ilidza. Et moi, j'essaie de
26 lui dire que c'était mauvais, que ce n'est pas comme ça que l'Etat serbe
27 pouvait être créé, qu'on ne pouvait pas entraver, limoger des gens
28 simplement parce qu'ils n'étaient pas du même groupe ethnique.
Page 4683
1 Q. Mais, Monsieur Mandic, vous vous concentrez sur des actes de limogeage
2 ou de blocus, mais ici, vous parlez du fait de chasser des gens de chez
3 eux. Quand vous parlez à Prstojevic, et c'est ce que Tomo Kovac, entre
4 autres, vous avez donné comme renseignements, n'est-ce pas ?
5 R. Non, pas en ce moment-là, je n'avais pas ces renseignements. C'était M.
6 Djeric qui me l'avait dit. Il m'avait dit que Prstojevic avait dit, à des
7 Musulmans qui habitaient dans une partie d'Ilidza, qu'il m'était impossible
8 de garantir leur sécurité s'ils y restaient, et c'était très mauvais, si
9 bien pour la République serbe que pour la politique que menait le peuple
10 serbe. C'était mauvais pour tout le monde et nous avons essayé de
11 convaincre Prstojevic de la nécessité de ne pas le faire, qu'il ne pouvait
12 pas être vu en train d'effectuer un nettoyage ethnique, ni d'intimider qui
13 que ce soit qui n'était pas Serbe de cette façon-là.
14 Q. Vous insistez auprès de M. Prstojevic du mauvais effet médiatique que
15 ce genre d'effort pouvait avoir; c'est bien cela ?
16 R. Mais j'ai essayé de le persuader, de lui faire comprendre qu'il ne
17 fallait pas faire ce genre de choses, que ce n'était pas ce qu'il fallait
18 faire. Je lui ai parlé de la politique menée publiquement par les
19 dirigeants serbes, qui n'avaient de cesse de répéter qu'on ne pouvait pas
20 aspirer à établir en Europe ou en ex-Bosnie-Herzégovine un état pur sur le
21 plan ethnique, nettoyé.
22 Jeudi, j'ai parlé de certaines personnes. Il y avait notamment
23 quelqu'un de Krajina dont je ne me souviens pas du nom, mais il y avait des
24 extrémistes, effectivement. C'est un phénomène délétère dans tout état. Ah
25 oui, je me souviens maintenant du nom de cet homme-là dont nous avons
26 parlé. C'était Kupresanin. Vojo Kupresanin.
27 Q. Au cours de cette conversation, M. Prstojevic a compris la facette de
28 la communication et dit que vous essayiez de lui faire comprendre, et il a
Page 4684
1 dit qu'il ne l'avait pas fait publiquement. Il a insisté pour dire qu'il
2 n'avait pas déclaré ce genre de choses publiquement.
3 R. Non, Monsieur Tieger. Il a compris que ce n'était pas pour le -- il m'a
4 dit :
5 "Mais qui vous l'a dit ? Où est-ce qu'on a dit ça ? Où est-ce qu'on a
6 entendu dire ce genre de choses ? Qui aurait pu exprimer la position qui
7 était la sienne au gouvernement ?"
8 On n'a fait aucune référence à l'opinion publique. En tout cas, pas dans le
9 sens où on entend les médias, mais ça a été dit devant quelqu'un qui avait
10 transmis la position de M. Prstojevic au gouvernement. Donc, nous, on lui a
11 demandé de ne plus faire ce qu'il faisait, ce qu'il avait l'intention de
12 faire.
13 Il y a une autre écoute téléphonique d'une conversation que j'ai eue avec
14 Tomo Kovac, quand j'ai proposé à Tomo d'essayer de dissuader Prstojevic de
15 faire quelque chose qu'il faisait avec obstination. J'ai même dit : "Bien,
16 s'il ne peut rien faire d'autre, qu'il le tue," ai-je dit. Ce n'était pas
17 sérieux, bien sûr, mais j'ai dit qu'il fallait par tous les moyens essayer
18 d'empêcher cette personne de faire ce qu'elle faisait.
19 Q. D'après vos informations à vous, est-ce que quelqu'un a fait quelque
20 chose pour essayer de démettre M. Prstojevic de ses fonctions ?
21 R. Mais précisément dans cette conversation-ci, j'explique à Prstojevic
22 que moi, ministre de la Justice, je n'ai pas à régir l'administration
23 publique municipale. Le président de la municipalité aurait pu déjà le
24 mettre à pied. Le gouvernement aurait pu prendre des mesures conservatoires
25 et assurer un gouvernement de transition par intérim, une administration
26 qui aurait succédé à la précédente, qu'on aurait pu démanteler.
27 Q. Je suppose que votre réponse découle de la première. Je vous demande si
28 on a essayé d'entamer une action en justice de poursuivre ou de punir sous
Page 4685
1 une forme ou une autre M. Prstojevic pour ce qu'il avait fait ou pour ce
2 qu'il était en train d'essayer de faire ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour quel motif ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Tieger dit qu'il a essayé de faire quelque
6 chose, mais ça été dit, rien d'autre. Nous ne savons pas, nous n'avons pas
7 de fait pour voir qu'il a quelque chose. On a eu la propagande des mass
8 médias musulmans, mais M. Prstojevic a démenti tout cela.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette intervention n'a pas lieu d'être.
10 Vous pourrez chercher des précisions au moment de votre contre-
11 interrogatoire.
12 Monsieur Mandic, pouvez-vous répondre à la question.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pourriez la répéter la question, Monsieur
14 Tieger ?
15 M. TIEGER : [interprétation]
16 Q. Oui. Est-ce que, à votre avis, des efforts ont été faits pour entamer
17 une action en justice pour poursuivre M. Prstojevic pour ce qu'il avait
18 fait ou pour ce qu'il essayait de faire ?
19 R. M. Djeric m'a donné des renseignements. Il m'a donné l'ordre de parler
20 à Prstojevic et de lui dire que si il faisait bien ces choses-là, eh bien,
21 il devrait cesser de les faire. Je ne sais pas si Prstojevic a été puni.
22 C'était un parlementaire. Il bénéficiait donc de l'immunité qui est donnée
23 à un député, et c'était aussi un fonctionnaire de la municipalité. A-t-il
24 été puni, je ne sais pas. Je sais qu'on l'a convoqué à Pale après un
25 certain temps pour qu'il ait un entretien précisément sur ces problèmes,
26 mais je ne sais pas ce qui s'est passé après cela.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mandic, vous me corrigerez si
28 je me trompe mais, à l'époque, M. Prstojevic à l'époque était président de
Page 4686
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4687
1 la municipalité serbe d'Ilidza, en même temps qu'il était député à
2 l'assemblée des Serbes de Bosnie, n'est-ce pas ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on, dans ce cas, dire que M.
5 Prstojevic était votre subordonné, au sens où il était subordonné au
6 gouvernement ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur. Non, Monsieur le Président.
8 Prstojevic était député. Il jouissait par conséquent d'une immunité, si
9 bien que le pouvoir exécutif ne pouvait rien contre lui tant que
10 l'assemblée n'avait pas levé cette immunité ou, plus précisément, la
11 commission législative de l'assemblée des Serbes de Bosnie qui pouvait
12 lever cette immunité. En tant que tel, il ne tombait pas sous le coup du
13 pouvoir exécutif. Il y avait toute une procédure de levée de l'immunité
14 d'un député qui pouvait être initiée à l'assemblée et, en revanche, il
15 fallait qu'une décision levant cette immunité soit prise avant qu'on puisse
16 entamer des poursuites. Jusqu'à ce que cette immunité soit levée, il en
17 bénéficiait, comme tout député. C'était le cas d'ailleurs du président de
18 l'assemblée.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc il jouissait d'une immunité pour ce
20 qui concernait ses actes en qualité de député, mais je ne suis pas sûr
21 qu'il ait jouit de privilèges équivalents en sa qualité de président de
22 municipalité, n'est-ce pas ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Il était
24 simultanément député et président de municipalité. Simultanément. Il avait
25 deux fonctions en même temps. En tant que député, il avait été élu par la
26 population locale, et en tant que président de la municipalité d'Ilidza,
27 par les représentants locaux.
28 Comme je lui ai dit, je ne pouvais pas lui donner le moindre ordre, mais je
Page 4688
1 lui ai indiqué que tel ou tel agissement n'était pas dans l'intérêt du
2 peuple serbe et représentait une mauvaise façon d'agir, qu'il devait s'en
3 abstenir.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, cette conversation est
5 datée du 2 juin 1992, n'est-ce pas ?
6 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mandic, comment un président de
8 municipalité était-il nommé à l'époque ? Etait-il élu ? Etait-il nommé dans
9 ses fonctions par quelqu'un ou par l'assemblée peut-être ? Oui, je répète
10 ma question. Comment le président de la municipalité, était-il nommé à
11 l'époque ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Les représentants du parlement local
13 choisissaient -- ou plutôt élisaient leur président de municipalité.
14 C'était des parlementaires locaux d'Ilidza donc qui l'on élus, des
15 parlementaires, des députés originaires de ce territoire.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
17 Monsieur Tieger, à vous.
18 M. TIEGER : [interprétation]
19 Q. Juste une précision, Monsieur Mandic. Je crois me souvenir que, dans le
20 procès Krajisnik, cette conversation avec Prstojevic a été abordée -- ou
21 plutôt, on a parlé de M. Prstojevic et que vous avez indiqué qu'il était
22 député. Ensuite il y a eu des précisions qui ont été ajoutés pendant votre
23 interrogatoire indiquant qu'il n'avait pas été député. Alors, bien sûr,
24 tout cela peut faire l'objet de vérification, mais c'est le souvenir que
25 j'en ai. Nous pourrions vérifier le compte rendu.
26 R. Je pense qu'il faudrait vérifier, mais je suis persuadé, Monsieur
27 Tieger, qu'il faisait partie de la première législature de l'assemblée des
28 Serbes de Bosnie. Donc parmi les 83 députés, je suis sûr par ailleurs qu'il
Page 4689
1 était présent aux sessions de l'assemblée et qu'il participait aux débats
2 pour autant que je puisse m'en souvenir.
3 Q. Je ne remets pas en cause le fait qu'il se soit exprimé lors des
4 sessions de l'assemblée. De faite, pendant votre déposition ici même, nous
5 nous sommes penchés sur certains commentaires émanant de M. Prstojevic lors
6 de la 17e Session de l'assemblée. Mais il est exact, n'est-ce pas, qu'en
7 dehors des membres du parlement, des députés à proprement parler, il y
8 avait également d'autres personnalités qui pouvaient être amenées à
9 s'exprimer lors des sessions de l'assemblée, des fonctionnaires
10 ministériels, des membres de la présidence, les présidents de
11 municipalités, et cetera, n'est-ce pas ?
12 R. Dans le système parlementaire, Monsieur Tieger, ce sont les députés qui
13 se rendent à l'assemblée et les membres du gouvernement et de la présidence
14 et évidemment sur invitation d'autres personnalités dont le président de
15 l'assemblée estime qu'elles doivent être présentes, mais sur invitation;
16 cependant, puisque Prstojevic était présent à chaque session,
17 systématiquement, je suis persuadé qu'il était député de cette même
18 assemblée parce qu'il n'y aurait pas eu d'autre fondement sur la base
19 duquel il aurait pu venir. En fin de compte, il devrait être possible de
20 retourner la liste des 83 membres de cette première législature pour
21 vérifier.
22 M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite demander le versement de cette
23 conversation interceptée.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P1110, Madame
26 et Messieurs les Juges.
27 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas
28 d'autres questions.
Page 4690
1 Merci, Monsieur le Témoin.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous remercie.
3 Juste une question d'intendance. Vous avez demandé le versement de ces
4 différents qualifiés de documents connexes, n'est-ce pas ?
5 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre s'est penchée sur ces
7 différents documents et certains d'entre eux, notamment des conversations
8 interceptées ne constituent pas du point de vue de la Chambre une partie
9 nécessaire et indissociable de la déposition du témoin ou du compte rendu
10 de cette dernière. Je vous fournir les références : 20992, 30170, 30341,
11 30651, 30656, 30695, 30705, 30738, 30798, 30813, et 30833. Ces
12 conversations interceptées n'ont pas été réécoutées pendant la déposition
13 de M. Mandic. Nous n'avons pas passé ces enregistrements dans le prétoire.
14 Alors juste un instant s'il vous plaît. Ces conversations interceptées ont
15 simplement été versées en s'étendant sur l'accord entre les parties et le
16 témoin ne s'est pas exprimé à leur sujet dans le prétoire. Alors ce que le
17 témoin a fait c'est qu'il a confirmé l'authenticité d'un certain nombre de
18 conversations pendant l'interrogatoire principal. Par ailleurs, du point de
19 vue de la Chambre, nous avons là tout un ensemble de documents qui ne
20 peuvent pas être considérer comme étant indispensable et indissociable du
21 compte rendu. Donc si vous souhaitez en demander le versement de façon
22 indépendante, vous devrez y revenir point par point.
23 Donc je relève l'heure. Aujourd'hui, l'audience devra se terminer à 13
24 heures 45 et nous allons donc prendre une pause de 20 minutes à présent. Si
25 vous le voulez bien, nous pourrons nous pencher sur ces différents
26 documents. Dans le cas contraire, Monsieur Karadzic pourra commencer son
27 contre-interrogatoire.
28 --- L'audience est suspendue à 10 heures 17.
Page 4691
1 --- L'audience est reprise à 10 heures 40.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai oublié de vous dire, Monsieur
3 Tieger, que les autres documents seraient quant à eux versés au dossier.
4 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Afin de gagner du temps, je souhaiterais porter l'attention du témoin sur
6 un seul des documents dont le versement a été proposé et que la Chambre a
7 évoqué. Il s'agit du numéro 20992.
8 Q. Alors, Monsieur Mandic, j'essaie de trouver un moyen d'aller plus vite.
9 Je voudrais à cette fin vous présenter un document qui a été élaboré
10 pendant l'affaire Krajisnik. Il va s'afficher dans quelques instants à
11 l'écran.
12 Pourrions-nous présenter également au témoin la page qui précède celle-ci
13 ?
14 Alors bien que ceci soit indiqué en anglais, Monsieur Mandic, je présume
15 que vous serez en mesure d'identifier les noms qui apparaissent en alphabet
16 latin, en tout cas, il est écrit, je cite, que :
17 "Le 1er octobre 2004, Momcilo Mandic a écouté les conversations
18 téléphoniques interceptées suivantes et a identifié les voix des personnes
19 y participants comme il est précisé infra."
20 Pouvons-nous passer à la page suivante ?
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la page 1 dans le prétoire
22 électronique, et la page précédente est la 2.
23 M. TIEGER : [interprétation]
24 Q. Donc comme je l'ai indiqué, nous avons ici une liste de toute une série
25 de conversations interceptées, Monsieur Mandic, y compris certaines que
26 vous avez eu l'occasion de réécouter à l'occasion de votre déposition de
27 ces derniers jours.
28 Les entrées de cette liste reprennent, à chaque fois, la date de la
Page 4692
1 conversation interceptée concernée, les numéros d'identification tant en
2 version anglaise qu'en version B/C/S, et l'identité des personnes dont les
3 voix ont été reconnues, et enfin, une référence aux parties de votre
4 entretien ou de vos entretiens correspond où vous avez identifié ces
5 conversations.
6 Donc je voulais important que vous confirmiez avoir participé à toute
7 cette préparation dans l'affaire Krajisnik, pendant laquelle vous avez
8 écouté un certain nombre de conversations interceptées et identifier des
9 voix. Est-ce bien le cas ?
10 R. Oui.
11 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
12 demander le versement de ce document, et j'ose espérer, que je serai en
13 mesure de m'appuyer sur lui dans la mesure où certaines de ces
14 conversations interceptées pourraient avoir une importance à l'avenir lors
15 d'une demande de versement ultérieure concernant ces conversations
16 interceptées.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous ne demandez que le versement
18 de ce document ?
19 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors j'aimerais demander à M. Karadzic
21 ou à Me Robinson ce qu'il en est des documents connexes ainsi que de celui-
22 ci.
23 Maître Robinson.
24 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, ceci est
26 versé au dossier et le numéro de pièce à conviction sera communiqué par le
27 Greffier en temps utile aux parties.
28 Monsieur Karadzic, vous pouvez commencer votre contre-interrogatoire.
Page 4693
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
2 Contre-interrogatoire par M. Karadzic :
3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Ministre.
4 R. Bonjour, Monsieur le Président.
5 Q. Avec la permission de la Chambre, je souhaiterais tout d'abord exprimer
6 ma compassion pour tous les désagréments que vous avez eus à subir de façon
7 tout à fait injustifiée à cause de moi, et je voudrais exprimer cette même
8 compassion pour mes propres amis, ma famille, et des personnes aussi
9 d'ailleurs que je ne connais même pas, qui ont eu à encourir toutes sortes
10 de désagréments pour les actes d'autrui. Donc je voudrais que vous veuillez
11 bien l'accepter mes excuses en raison de ce que vous avez à subir.
12 R. Je les accepte avec plaisir.
13 Q. Pour commencer, au compte rendu d'audience en page 404, ou plutôt, 4
14 404, il est dit en ligne 15, je cite :
15 "Parce qu'en 2003, j'ai été soupçonné d'avoir aidé le Dr Karadzic à se
16 cacher. J'ai passé cinq mois en cellule d'isolement à Belgrade, et aucun
17 des membres de ma famille ne pouvaient me rendre visite."
18 C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?
19 R. C'est exact, Monsieur le Président. Personne ne pouvait me rendre
20 visite à l'exception des enquêteurs du TPY
21 district pour m'emmener dans une pièce à part, la prison de Bacvanska, et
22 ceci, pour m'interroger sur vous où vous vous trouviez, où vous séjourniez,
23 qui vous finançait, et cetera.
24 Q. Merci. Alors, en page 4 405 du compte rendu, vous avez dit, je cite :
25 "Après cela j'ai été kidnappé en qualité de citoyen du Monténégro et j'ai
26 été transféré, en l'espace de deux heures, vers une prison située à
27 Sarajevo, sans que la moindre procédure d'extradition n'ait été menée à
28 bien, ni la moindre procédure d'ailleurs."
Page 4694
1 Ensuite à la même page, je cite :
2 "Et ensuite ces agents et ces enquêteurs m'ont dit que je serais traduit en
3 justice en Bosnie-Herzégovine, et que le procureur de Bosnie-Herzégovine
4 dresserait un acte d'accusation en mon encontre, que je serais condamné à
5 une peine de prison de huit ans. Et lorsque j'ai déclaré qu'ils ne
6 disposaient du moindre motif valable pour me poursuivre en justice, ils
7 m'ont rétorqué qu'ils en trouveraient bien un et que cela n'avait aucune
8 importance."
9 Donc c'est ce que vous ont déclaré les enquêteurs des services du
10 Procureur, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, Monsieur le Président, tout ce qu'ils m'ont dit, tout ce qu'ils
12 m'ont promis qu'ils allaient faire ils l'ont également tenu. Moi, j'étais
13 citoyen du Monténégro, j'ai été kidnappé sans que la moindre procédure
14 d'extradition ou autre, mais la moindre procédure fondée ait été menée à
15 bien. On m'a kidnappé dans mon appartement et j'ai été transféré on m'a
16 fait passé la frontière. Si bien qu'en deux heures à peine je me trouvais
17 en Bosnie-Herzégovine, M. Rattel m'attendait à la frontière. C'est un des
18 collaborateurs du bureau du Procureur du TPY
19 ensuite en prison. Ensuite j'ai été transféré à l'unité de détention du
20 tribunal de Bosnie-Herzégovine correspondant.
21 Dans la soirée, comme cela a été confirmé par le président de ce Tribunal,
22 j'ai été emmené par les enquêteurs, ou, plutôt, des agents du bureau du
23 Procureur du TPY. Un homme les accompagnait, un certain Andan [phon]
24 Dragan, qui était le chef de la police serbe, qui m'a demandé ce qu'il en
25 était de mon état de santé, où je résidais, et tous les autres
26 renseignements. Ils m'ont indiqué que, si je coopérais, je serais relâché
27 très rapidement et que, si ce n'était pas le cas, ils trouveraient bien une
28 base sur laquelle dresser un acte d'accusation pour crimes de guerre contre
Page 4695
1 moi. Moi, je leur ai répondu qu'ils ne disposaient ni de l'un ni de
2 l'autre.
3 Parce que je crois que M. Tieger avait été à la tête de cette enquête. A
4 plusieurs reprises, j'avais fait l'objet d'enquêtes et toutes les mesures
5 d'enquête diligentées à mon encontre avaient été classées sans suite.
6 Donc tout ce qui m'a été promis dans les heures de cette soirée a
7 bien été tenu, à savoir qu'une enquête a été menée dans l'affaire de la
8 Privredna Banka, cette banque qui était ma propriété. Elle aurait eu à
9 faire, elle aurait octroyé des crédits immobilités à différentes
10 entreprises serbes qui, à leur tour, vous auraient financé.
11 Je crois que je suis la seule personne à avoir été officiellement
12 accusée d'avoir aidé des suspects ou des accusés du TPY
13 J'ai été relâché, j'ai été libéré et disculpé de tous ces chefs
14 d'accusation parce que Mme Robinson s'est livré à un faux témoignage. Elle
15 a comparu en tant que témoin expert et c'est sur la base de sa déposition
16 que j'ai été accusé, et une fois que j'avais purgé les deux tiers de ma
17 peine, il a été établi que tout cela ne reposait sur rien. Mais comme vous
18 le savez, Monsieur le Président, en Bosnie-Herzégovine les citoyens
19 américains jouissent d'une immunité, ils ne peuvent pas être poursuivi même
20 pour parjure. Mme Robinson a même emporté de l'argent de ma banque et elle
21 s'en est allée à Dallas, au Texas.
22 Il y a encore une autre chose que je dois dire. M. Schwarz-Schilling, le
23 représentant de l'Union européenne pour la Bosnie-Herzégovine, a reconduit
24 le mandat d'administrateur temporaire de Mme Toby Robinson, comme donc
25 administratrice de ma banque privée; il l'a fait vendredi dernier. Puisque
26 le chef du Sip [phon], Sreten Jovic, et M. Sinisa Karan [phon], ont amené
27 des documents concernant les méfaits dont s'étaient rendus coupable ce
28 témoin, et bien cette dernière a été remerciée et est partie d'urgence, est
Page 4696
1 retournée d'urgence aux Etats-Unis. Parce que je suppose que M. Schwarz-
2 Schilling a d'abord consulté Bonn, son gouvernement tutélaire, et ensuite
3 il s'est rendu compte de la réalité de la situation.
4 Toutes ces personnes qui ont agi ainsi, qui m'ont placé en détention, qui
5 m'ont transformé en une personnalité controversée, un homme d'affaire
6 controversé, l'on fait parce qu'il existait ce soupçon que je vous venais
7 en aide, que je vous aidais à vous cacher et à prendre soin de vous.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mandic, je comprends bien que
10 tous ces détails soient importants de votre point de vue, mais l'accusé
11 dispose d'un temps limité et je vous prie, par conséquent, de bien vouloir
12 être plus concis.
13 Je vous rappelle également que vous vous exprimez dans la même langue tous
14 les deux, par conséquent, il convient de ménager une pause à chaque fois
15 entre la question et la réponse.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'y emploierai, Monsieur le Président, je
17 vous prie de m'excuser.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais maintenant présenter aux Juges
19 de la Chambre à quel point il est possible de vivre dans une situation de
20 non droit. Il ne s'agit pas ici uniquement du cas du haut représentant
21 autorisé --
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Venez-en à votre question.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais je voulais simplement dire que
24 d'habitude, lorsqu'on fait quelque chose de grave, on est condamné à dix
25 ans de prison, alors qu'ici, on a quelqu'un qui n'a rien fait qui se
26 retrouve condamné à huit ans.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Alors je voulais vous demander, Monsieur Mandic : est-ce que vous avez
Page 4697
1 réussi à vous plaindre auprès de M. Tieger de quelques façons que ce soit ?
2 R. Non. Pour ce qui concerne Sarajevo et la Bosnie-Herzégovine, M. Tieger
3 n'a jamais été sur place. Je n'ai jamais eu le moindre contact avec lui. En
4 revanche, les enquêteurs du TPY étaient bien présents, du bureau du
5 Procureur.
6 Q. Merci. Je vais passer maintenant à des questions pour lesquelles nous
7 allons voir si vous pouvez répondre par oui ou non.
8 Est-ce que, dans l'affaire Krajisnik, vous avez subis des pressions
9 similaires et est-ce que vous avez déposé également en étant soumis à une
10 forte pression ?
11 R. Monsieur le président, j'étais suspecté de crime de guerre à l'époque.
12 Alors, bien entendu, les collaborateurs de M. Tieger, Milford, je crois
13 qu'il s'appelait, et puis deux autres, ne cessaient de me rappeler que
14 j'étais suspect, que j'allais être mis en accusation probablement et que je
15 devais faire attention à ce que je disais; cependant, M. Tieger a fait très
16 professionnellement son travail, il était tout à fait équitable et en
17 revanche il avait des collaborateurs qui étaient très agressifs et qui ne
18 cessaient de me dire que j'allais probablement être mis en accusation,
19 c'était après ma sortie de prison à Belgrade.
20 Q. Merci. Alors vous avez été acquitté de tous les chefs d'accusation qui
21 avaient été avancés devant ce tribunal de Bosnie-Herzégovine pour crime de
22 guerre, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, tout s'est passé conformément à ce qui m'avait été promis par les
24 enquêteurs. On m'avait dit que j'allais être mis en accusation, mais pas
25 condamné, et c'est bien ce qui s'est passé. Je crois que j'ai été accusé de
26 crime contre l'humanité. Je crois que c'était la décision finale.
27 Q. Merci. Alors je voudrais vous présenter encore un autre élément en
28 dehors des pressions auxquelles vous avez été soumises pendant que vous
Page 4698
1 déposiez dans l'affaire Krajisnik. Il s'agit d'un compte rendu qui a déjà
2 été versé au dossier.
3 Le 18 -- ou plutôt, le 15 décembre 2004, M. Stewart a dit la chose
4 suivante, je cite :
5 "Nous nous sommes penchés, nous avons entendu la déposition de témoins
6 importants; de notre point de vue, nous avons fait de notre mieux pour ne
7 pas rendre cela trop manifeste."
8 Vous avez déposé à partir du 23 novembre jusqu'au 10 décembre 2004, n'est-
9 ce pas ?
10 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'était à cette époque-là, mais je
11 ne me rappelle pas tous ces détails, Monsieur le président.
12 Q. Merci. Ensuite, le 28 février 2005, Mlle Lucas a déclaré, je cite :
13 "Avec des témoins qui font que l'on s'aventure au-delà des faits
14 incriminés, et dans une zone dans laquelle les faits faisant l'objet d'un
15 accord ne tienne plus, le fait que nous n'ayons pas pu bénéficier d'une
16 analyse et d'une lecture intégrale des documents pertinents ou
17 potentiellement pertinents compromet la présentation de la théorie de
18 l'Accusation au titre du contre-interrogatoire."
19 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos partiel un
21 instant ?
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant cela --
23 Monsieur Tieger ?
24 M. TIEGER : [interprétation] L'accusé est en train de poser des questions
25 concernant les propos tenus par un certain nombre de conseil après la
26 déposition de ce témoin. En dehors de la question de la pertinence même de
27 ceci par rapport à la déposition du témoin, cela invitera ce même témoin à
28 spéculer quant à la pertinence, elle a été toute sauf établie, donc je
Page 4699
1 m'oppose à ceci.
2 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, à mon sens, la
3 remarque de M. Tieger est tout à fait pertinente. M. Mandic peut bien
4 souhaiter s'exprimer sur un certain nombre de sujets, mais votre propre
5 temps est limité et il ne s'agit pas ici de sujet qui ont trait à l'acte
6 d'accusation dressé contre vous.
7 La question que je voulais poser un témoin est la suivante : Monsieur
8 Mandic, est-ce que vous nous dites que votre déposition dans l'affaire
9 Krajisnik était entachée d'inexactitude ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné dans l'affaire Krajisnik en
11 2004. Je crois que c'était durant le semestre en 2004, je crois que
12 c'était durant le deuxième semestre de 2004 et ce que j'ai dit était exact
13 parce que c'était ce que je savais.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je voudrais établir un lien par
15 rapport à la dernière déposition de M. Mandic qui manifestement a été faite
16 en dehors des pressions qui existaient à l'époque de sa déposition dans
17 l'affaire Krajisnik. Donc en dehors de ces pressions et en dehors du
18 contexte qui a marqué l'affaire Krajisnik, car dans l'affaire Krajisnik il
19 y avait pas mal de zones d'ombre que M. Mandic a pu éclaircir. Mais si vous
20 ne voulez pas entendre ce qu'a dit M. Stewart dans l'affaire Krajisnik,
21 d'accord. Vous voulez l'entendre ou pas ?
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'entendre, mais je demande
23 que nous passions à huis clos partiel pour voir quel est le détail de cette
24 question.
25 [Audience à huis clos partiel]
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 4700
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 [Audience publique]
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes à présent en audience
18 publique.
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Monsieur Mandic, avez-vous remarqué une quelconque différence dans le
21 contre-interrogatoire qui a été mené dans l'affaire Stanisic/Zupljanin par
22 rapport au contre-interrogatoire mené dans l'affaire Krajisnik ?
23 R. Pourriez-vous être plus précis ?
24 Q. Etant donné que vous ne subissiez plus de pression et que la Défense
25 était mieux préparée que dans l'affaire Krajisnik, avez-vous remarqué que
26 le contre-interrogatoire aurait été plus fluide et plus précis ?
27 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Dr Karadzic, ma première remarque
28 consiste à vous dire que ceci n'a pas de pertinence par rapport aux
Page 4701
1 questions traitées par ce témoin qui vous concerne. Puis, le deuxième
2 point, c'est que votre question appelle des spéculations. Et en troisième
3 lieu, si elle était autorisée, elle ouvrirait un champ tellement vaste
4 puisqu'il s'agirait de procès qui ne sont pas directement l'espère dont
5 nous traitons, que nous perdrions des semaines sinon des mois. Donc, je
6 vous demanderais de vous concentrer sur les questions pertinentes par
7 rapport à l'acte d'accusation dont vous faites l'objet.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que c'est le
9 sujet sur lequel vous souhaitiez adresser aux Juges ?
10 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vous remercie.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Essayons de nous rapprocher du terme de ma question. Je vous demande si
13 vous avez ajouté quelque chose dans votre déposition dans l'affaire
14 Stanisic/Zupljanin par rapport à ce que vous aviez dit dans l'affaire
15 Krajisnik.?
16 R. Non, Monsieur le président. Je m'en tiens fermement aux affirmations
17 que j'ai faites dans ma déposition dans l'affaire Stanisic/Zupljanin.
18 Q. Je vous remercie.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que le témoin présent ici est un
20 témoin de la Chambre, la Défense propose que sa réponse soit versée au
21 dossier au titre de l'application de l'article 92 ter du règlement en
22 matière d'introduction. Les documents dont je parle sont les documents
23 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre ne vous suit pas sur ces
25 numéros. J'aimerais savoir si la demande de versement que vous faite
26 concerne la déposition de M. Mandic dans l'affaire Stanisic/Zupljanin ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Les numéros que je viens de citer sont des
28 numéros de pièces en 1D. Autrement dit, des pièces de la Défense dans
Page 4702
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4703
1 l'affaire Stanisic/Zupljanin.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
3 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, de façon générale, bien
4 entendu, nous n'avons aucune objection au recours à l'article 92 ter du
5 règlement lorsque ce recours est fait en bonne et due forme, mais je me
6 dois de remarquer ici toutefois que l'un des éléments qui conditionne le
7 recours à l'article 92 ter, c'est la possibilité de revoir les déclarations
8 dont la demande de versement est faite. Or, ceci n'a pas été le cas à
9 l'instant. J'ai bien remarqué que s'agissant des dépositions faites au
10 titre de l'article 92 ter dans l'affaire Stanisic/Zupljanin, l'Accusation
11 s'était vue invitée à faire traduire l'intégralité du compte rendu
12 d'audience. Donc, encore une fois, je n'ai pas d'objection sur le principe
13 à ce qu'on recourt à l'article 92 ter de l'autre côté de cette salle, donc
14 à ce que la partie adverse recourt à l'emploi de cet article, mais je pense
15 qu'il importe de remarquer que les éléments conditionnant ce recours à
16 l'article 92 ter n'ont pas été satisfaits.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce qu'il a été demandé
18 à l'Accusation de traduire l'intégralité du compte rendu ? Je veux dire, en
19 l'espèce ?
20 M. TIEGER : [interprétation] De la déposition de ce témoin dans l'affaire
21 Krajisnik, car il n'était pas avéré que le témoin avait pu entendre
22 l'intégralité de sa déposition, donc le compte rendu anglais a dû être
23 retraduit et présenté au témoin pour qu'il puisse le relire.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce n'était pas un problème de
25 communication de pièce.
26 M. TIEGER : [interprétation] Non, non, ce n'était pas aux fins de
27 communication. C'était dans le cadre précis de la nécessité pour le témoin
28 de relire sa déposition précédente.
Page 4704
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va réfléchir à la question
2 mais, entre-temps, vous pouvez procéder.
3 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
5 M. ROBINSON : [interprétation] Un point d'information supplémentaire. Si la
6 Chambre juge nécessaire de satisfaire à ce critère, nous demandons que les
7 cassettes audio de la déposition soient mises à disposition et, pendant le
8 week-end, le témoin pourrait sans doute les réécouter et être en mesure la
9 semaine prochaine de satisfaire à cette exigence, si la chose est jugée
10 nécessaire. Je vous remercie.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ma question technique consiste à me
12 demander si le témoin devrait être contre-interrogé par l'Accusation.
13 M. ROBINSON : [interprétation] Après le contre-interrogatoire du Dr
14 Karadzic, et sur la base des comptes rendus Zupljanin/Stanisic simplement ?
15 Je ne pense pas que nous ayons objection, si les questions évoquées dans
16 ces comptes rendus d'audience ont été couvertes par la déposition, sans
17 l'avoir été par l'interrogatoire du Dr Karadzic.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous verrons.
19 Veuillez procéder.
20 M. TIEGER : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, Monsieur le
21 Président, la Défense est en possession de ces cassettes audio.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je ajouter
23 quelques mots ?
24 Mme Korner m'a remis une traduction de ma déposition dans l'affaire
25 Krajisnik, ce qui m'a rafraîchit la mémoire, car cette déposition date d'il
26 y a six ans. S'agissant de ma déposition dans l'affaire Stanisic/Zupljanin,
27 ce n'est pas nécessaire, parce que j'ai témoigné il y a à peine quelques
28 mois et mon témoignage est encore très frais dans ma mémoire. Donc, de mon
Page 4705
1 point de vue, il n'est pas nécessaire de me rafraîchir la mémoire pour me
2 rappeler ce que j'ai dit dans l'affaire Stanisic/Zupljanin. Enfin, c'est
3 mon point de vue personnel.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Mandic. Et
5 vous apporteriez les mêmes réponses aux mêmes questions si elles vous
6 étaient posées aujourd'hui ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, absolument, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Répondez dans ces conditions aux
9 questions -- vous répondriez donc de la même façon aux questions. C'est
10 bien ce que je voulais dire.
11 Veuillez procéder, Monsieur Karadzic.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Toutes mes excuses, parce que je pose des questions tout à fait
15 élémentaires, mais je le fait dans l'intérêt des Juges de la Chambre et des
16 participants dans ce prétoire, pour leur permettre de bien comprendre la
17 situation.
18 Conviendrez-vous que dans notre système et avant l'établissement du système
19 multipartite, il existait une obligation légale qui était une mesure de
20 bonne conduire au sein du gouvernement, à savoir que le gouvernement était
21 partagé entre les trois groupes ethniques présents en Bosnie-Herzégovine,
22 que leur participation, leur représentation était proportionnelle ?
23 R. Oui.
24 Q. Je vous remercie. Vous rappelez-vous qu'il lui avait toujours eu d'une
25 certaine façon une certaine domination, il y a un groupe sur un autre, même
26 dans ce système propositionnel. Je vais essayer de vous aider en vous
27 disant par ailleurs que si nous revenons à l'époque turque, comme l'a dit
28 Zulfikarpasic, nous étions une nation de deuxième zone, et que les
Page 4706
1 Musulmans étaient privilégiés, n'est-ce pas, à cette époque-là ?
2 R. Ils étaient la nation majoritaire sur le plan numérique, et ils avaient
3 une certaine domination en Bosnie-Herzégovine.
4 Q. Après une rébellion de courte durée, pendant le règne de l'Autriche-
5 Hongrie, ils ont également été privilégiés ?
6 R. Je ne saurai répondre à cette question.
7 Q. Alors je vais vous résumer la situation, et vous pouvez nous dire ce
8 que vous en pensez.
9 Pendant la Première Guerre mondiale, les Musulmans étaient opposés
10 aux Serbes, enfin la majorité des Musulmans, n'est-ce pas ?
11 R. La nation musulmane était pour partie, favorable à l'état
12 indépendant de Croatie et ses représentants faisaient partie de l'armée de
13 cet état indépendant de Croatie, qui avait été créé par Hitler et qui a
14 existé jusqu'en 1944.
15 Q. Vous parlez bien de la Seconde Guerre mondiale ici ?
16 R. Je parle de la Seconde Guerre mondiale.
17 Q. Vous rappelez-vous, qu'après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu une
18 coalition avec les Serbes, et que les Croates n'ont pas passé un bon moment
19 en Bosnie-Herzégovine, parce qu'ils avaient perdu la guerre ?
20 R. Je ne sais pas.
21 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne parlez pas en même temps, Monsieur
23 Mandic et Monsieur Karadzic; les interprètes passent un très sale moment.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Vous n'êtes pas au courant de cela, vous êtes peut-être trop jeune.
26 R. Président, je ne suis pas au courant de cela. Cela fait 15 ans que je
27 fais partie de la police, et je n'étais pas au courant de cela. D'ailleurs
28 je ne suis toujours pas au courant aujourd'hui de ce qui s'est passé après
Page 4707
1 cette guerre-là.
2 Q. Vous rappelez-vous qu'à partir de la fin des années 1960, le sigle SRBH
3 était interprété, c'était une forme de plaisanterie comme signifiant le
4 magasin privé de Branko Hamdija; est-ce qu'il y avait domination de la
5 coalition croate musulmane à cette époque-là, à la fin des années 1960 ?
6 R. Je ne sais pas, je ne suis pas au courant, président.
7 Q. Bien. Mais conviendrez-vous qu'à cette époque-là, dans le système qui
8 était appliqué à l'époque, il y avait des professionnels d'excellente
9 qualité au sein de la police et de la Justice ?
10 R. Oui, c'est certain.
11 Q. Mais conviendrez-vous également qu'il y a des gens qui ont été
12 persécutés pour des raisons idéologiques, sur des bases idéologiques ?
13 R. Ça a été le cas pendant toute l'histoire des peuples yougoslaves, y
14 compris après la Seconde Guerre mondiale.
15 Q. Conviendrez-vous que dans les années 1990, il y a eu grâce aux
16 sélections une transformation du système en vigueur, c'est-à-dire qu'on est
17 passé du système monopartite au système pluripartite ?
18 R. Oui.
19 Q. Conviendrez-vous que la question de la confiance dans les cadres
20 anciens pouvait être conditionnée par cette partialité idéologique et
21 l'application illégitime de ces préoccupations idéologiques; est-ce qu'on
22 pouvait distinguer entre un policier professionnel, correct, et un policier
23 qui était motivé par des raisons idéologiques dans son travail ?
24 R. Oui.
25 Q. Merci. J'aimerais maintenant vous soumettre une thèse. Imaginons que
26 quelqu'un sur le terrain ne soit pas d'accord avec une nomination; est-ce
27 que j'aurais raison de dire que les raisons de son désaccord pourrait être
28 les suivantes : à savoir que dans le système antérieur, cet homme s'était
Page 4708
1 comporté de façon anti-professionnelle et incorrecte. Deuxième possibilité,
2 que cet homme ait été corrompu en rapport direct avec des criminels; en
3 troisième lieu, qu'il aurait pu être manipulé ou subir des pressions de la
4 part des Croates ou des Musulmans, et quatrième possibilité, que son
5 désaccord ait été dû à un mécontentement personnel, à une divergence
6 personnelle ?
7 R. Il est certain, Monsieur le président, que dans le système socialiste,
8 le service de Police était très complet, et qu'il y avait certains
9 policiers dans ce système socialiste qui étaient partiaux, qui donc
10 persécutaient des gens qui avaient des idées différentes, et toute personne
11 qui estimait que le système socialiste n'était pas valable. Donc les
12 personnes en question étaient poursuivies, persécutées et parfois chassées
13 de la Bosnie-Herzégovine.
14 Mais les motifs qui poussaient les policiers en question pouvaient être de
15 toute nature. Ils pouvaient être corrompus, ils pouvaient être mus par des
16 critères idéologiques, ils pouvaient être manipulés, ils pouvaient avoir
17 une opposition personnelle contre les chefs de la hiérarchie supérieure. Il
18 y avait souvent des antagonismes de ce genre, mais ces personnes restaient
19 à leur poste.
20 Q. Je vous remercie. Si quelqu'un sur le terrain vous demandait de ne pas
21 mettre en œuvre une nomination, est-ce que nous pourrions partir du
22 principe que la raison de cela aurait été l'un des quatre critères que je
23 viens de mentionner ? Est-ce que vous vous rappelez que nous n'avons pas
24 reconnu l'animosité personnelle, le quatrième critère ?
25 R. Comme je l'ai dit - et je l'ai déjà dit à plusieurs reprises -
26 s'agissant de vous, en tout cas, Monsieur le président, M. Tieger, a réussi
27 à nous présenter deux écoutes téléphoniques dans l'espace d'une année. Des
28 conversations téléphoniques entre vous et moi, et il y a eu des nominations
Page 4709
1 qui ont été faites sur le terrain, donc certaines personnes étaient
2 candidates à certains postes. C'est ce dont il était question dans ces
3 écoutes téléphoniques. Je ne parle pas uniquement de la partie serbe, mais
4 aussi de la partie croate et musulmane. Mais vous ne m'avez jamais demandé
5 personnellement de régler tel ou tel désaccord personnel avant la période
6 en question, en rejetant tel ou telle nomination. En tout cas,
7 personnellement, je n'ai jamais eu l'expérience d'une demande de ce genre.
8 Q. Je vous remercie. Est-ce que, par hasard, vous vous rappelez la période
9 qui a suivi immédiatement les élections ? J'ai proposé, bien sûr que soit
10 mis en place immédiatement un gouvernement de professionnels pour que
11 cessent les tensions politiques en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
12 R. Je sais que vous avez proposé de mettre en place un gouvernement
13 qualifié, de professionnels. Mais est-ce que c'était avant ou après les
14 élections, je ne me rappelle pas précisément, Monsieur le président, parce
15 que je travaillais au tribunal. Je ne suivais pas de près les événements
16 politiques.
17 Q. Merci. Mais dites-moi : j'aimerais vous rafraîchir la mémoire. Si je
18 vous donnais le nom de certains membres du Parti démocratique serbe, qui
19 ont été nommés à des postes responsables parce qu'ils avaient des capacités
20 professionnelles, est-ce que vous pourriez les reconnaître ? Savez-vous qui
21 était les ministres, et les vices ministres parmi les Serbes à l'époque ?
22 R. Oui, je connais toute la structure politique. Je connais les noms de
23 toutes les personnes en question, parce que j'ai collaboré avec eux pendant
24 toute l'année 1991, et jusqu'au début 1992, mais même plus tard aussi, des
25 gens qui faisaient partie du gouvernement de la Republika Srpska, je
26 connais leurs noms.
27 Q. Merci. Vous rappelez-vous que le ministre de la Justice était Ranko
28 Nikolic, qui dans le système précédent avait été au cœur d'une affaire de
Page 4710
1 corruption et avait été présumé coupable de corruption, et on lui a redonné
2 son poste, car cette affaire avait été montée de toutes pièces ?
3 R. Oui, c'était le ministre de la Justice de la République socialiste de
4 Bosnie-Herzégovine, et c'était le premier ministre de la République serbe
5 de Bosnie-Herzégovine.
6 Q. Vous rappelez-vous qu'il n'était pas membre du SDS
7 R. Non, il n'était pas membre d'un parti quelconque.
8 Q. Je vais maintenant vous poser la question au sujet de deux hommes qui
9 portent le même nom, Pejic, Momcilo et Ranko Pejic, qui sont apparentés.
10 Momcilo était également ministre du gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Oui, il était ministre du gouvernement de la République socialiste de
12 Bosnie-Herzégovine. Il ne faisait partie d'aucun parti politique et il
13 était ministre des finances avant les élections multipartites.
14 Q. Nous l'avons nommé également au poste de ministre de finance, n'est-ce
15 pas ?
16 R. Conviendrez-vous que Ranko Pejic, lui aussi qui était économique donc
17 un spécialiste, un professionnel, avait un poste au sein du gouvernement
18 précédent ?
19 R. Oui.
20 Q. Conviendrez-vous que ni Miodrag Simovic, ni le ministre de
21 l'agriculture et des forêts, et des cours d'eau, Nadazdin, ni le suppléant
22 du ministre de la justice, le Dr Tatjana Starevic, Medan,qu'aucun de ces
23 hommes n'était membre du SDS, sauf Velibor Ostojic, décédé depuis ?
24 R. Moi-même, je n'ai jamais été membre du Parti démocratique serbe, et
25 j'ai pourtant été élu comme ministre de la police représentant du peuple
26 serbe. La plupart des hommes dont vous avez donné le nom n'étaient
27 adhérents d'aucune parti politique or ils ont été membres du premier
28 gouvernement après les élections multipartites.
Page 4711
1 Q. Vous avez déjà confirmé, n'est-ce pas, que ni vous ni moi, nous nous
2 étions vus par le passé. Savez-vous que je ne connaissais pas Vito Zepinic,
3 pas plus que Simic, avant la formation du gouvernement ?
4 R. Je ne saurais répondre à cette question. Mais pour ce qui me concerne,
5 je vous ai vu pour la première fois de ma vie, au début 1991, je crois,
6 lorsque Vito Zepinic m'a invité dans les bureaux du parti pour me nommer à
7 mon poste.
8 Q. Merci. Conviendrez-vous qu'aucun des chefs régionaux de la police
9 n'était adhérent du parti et que j'en connaissais aucun ?
10 R. Monsieur le président, si vous vous souvenez, lorsque nous nous sommes
11 rencontrés la première fois, vous m'avez dit : Vous êtes M. Mandic, je fais
12 votre connaissance, vous êtes juge, n'est-ce pas ? J'ai répondu : Oui. Vous
13 m'avez dit : Je vous en prie, si vous obtenez ce poste, vous-même et
14 Zepinic, j'aimerais que vous ne recrutiez que des professionnels -- que des
15 policiers d'appartenance serbe professionnels de la police qui sont adaptés
16 à ce genre de poste. Ça c'est resté gravé dans ma mémoire parce que c'était
17 ma première rencontre avec vous.
18 Q. Merci. Je ne sais pas si vous connaissez les modalités de nomination de
19 M. Zupljanin, parce que là-bas, il y a eu une crise qui a duré longtemps.
20 M. Zupljanin et moi-même nous sommes rencontrés, la majorité du SDS avait
21 un avis. J'ai demandé à Zupljanin, Qui parmi les candidats étaient le plus
22 professionnel ? M. Zepinic m'a parlé de Zupljanin, et j'ai fait mon choix
23 en faveur de Zupljanin. Est-ce que vous vous rappelez tout cela ?
24 R. Non, Monsieur le président, mais ce que je sais c'est que sur
25 proposition de M. Zepinic que le chef de la police de Banja Luka, M.
26 Zupljanin, a été nommé à son poste.
27 Q. Merci. Vous rappelez-vous que j'ai subi des critiques et des pressions
28 de la part des structures du parti, au motif que le parti pouvait prendre
Page 4712
1 le pouvoir mais qu'en fait ce ne sont pas des membres du parti qui sont
2 arrivés au pouvoir, mais des professionnels, des techniciens ?
3 R. Oui. Moi aussi, j'ai subi des critiques de la part des Croates et des
4 Musulmans qui disaient que je recrutais mes Musulmans à moi et des gens qui
5 n'étaient pas de haut responsable du parti, parce qu'il y avait trois
6 partis politiques en présence, et qu'eux, ceux qui me critiquaient, se
7 comportaient de façon très incorrecte ils voulaient que les responsables de
8 la police soient des responsables des partis qu'ils représentaient, des
9 partis politiques.
10 Q. Conviendrez-vous que le Parti démocratique serbe n'investit aucun des
11 ministères importants, comme on les appelait, c'est-à-dire ministère de la
12 Défense, ministère des Affaires étrangères, par exemple, et que nous avons
13 choisi le ministère des Finances, le ministère de l'Information, le
14 ministère de l'Agriculture, des forêts et des cours d'eau ? Est-ce que vous
15 vous rappelez cela ?
16 R. Bien sûr. Le ministère de la Défense ce sont les Croates qui l'ont
17 pris, et c'est Jerko Doko, qui a été à sa tête. Le ministère de la police
18 était dirigé par le ministre Delimustafic, un Musulman. Et le ministère des
19 Finances, bien sûr, était dirigé par Pejic, qui était déjà un professionnel
20 de la finance dans le gouvernement précédent, et qui a continué son travail
21 dans le nouveau gouvernement.
22 Q. Merci. Vous rappelez-vous que, déjà à l'époque, des socialismes, mais
23 c'était une manière de bonne conduite, c'était aussi une obligation légale
24 et c'était aussi le résultat d'un accord entre les partis politiques, les
25 postes se répartissaient de la façon suivante, si la direction, le poste le
26 plus important était donné au représentant d'un parti, le suppléant dans
27 cette même fonction devait venir d'un autre parti politique, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, j'ai déjà expliqué ça en répondant aux questions de M. Tieger. Si
Page 4713
1 c'était un Serbe qui était chef de la police, le groupe ethnique suivant du
2 point de vue de sa représentativité numérique obtenait le deuxième poste au
3 sein de cette administration donc dans la police. Alors si c'était les
4 Croates qui venaient en deuxième du point de vue numérique dans la
5 population, le vice-responsable de la police devait être un Croate.
6 Q. Dans l'une des écoutes téléphoniques dont nous demanderons le versement
7 au dossier aux fins d'identification, j'informe l'un de vous qu'à Prijedor,
8 en dehors du chef de la police et du commandant de la police, poste qui
9 revenait aux Serbes, un Musulman avait été nommé à un poste, à savoir au
10 poste de secrétaire de la défense de la municipalité. Est-ce que c'est une
11 question qui pouvait préoccuper telle ou telle communauté ? Ce n'était pas
12 seulement injuste, mais c'était également inquiétant ?
13 R. Pourriez-vous me rappeler de quel document vous parlez ?
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, ce sera peut-être plus facile de
15 travailler sur la base des documents. Je demande l'affichage du document 65
16 ter, numéro 18004.
17 C'est un document 65 ter, il devrait donc s'accompagner de sa traduction.
18 C'est un courrier du Parti démocratique serbe, qui date du 7 mars 1991,
19 pour destinataire tous les conseils municipaux du SDS
20 courrier est, je cite :
21 "Procédure applicable au choix des personnels responsables dans le
22 cadre des compétences des ministères de la république."
23 Nous lisons, je cite :
24 "Nominations des chefs du centre des services de Sécurité et des
25 commandants cette nomination se fera selon la procédure suivante :
26 L'assemblée municipale ou le conseil exécutif de la municipalité propose
27 une candidature officielle, sur la base d'un accord antérieur entre les
28 partis politiques, au ministère de l'Intérieur, et au vice-ministre de
Page 4714
1 l'intérieur, Vito Zepinic. Veuillez n'exercer aucune pression en faveur de
2 candidats qui ne répondent pas aux critères. Il est souhaitable de nommer
3 deux candidats à chaque poste."
4 Puis il y a une autre proposition qui concerne le ministère de la Justice
5 et il est indiqué que les nominations devraient être décidées par le
6 gouvernement.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Puis je voudrais que l'on examine la page 2, Monsieur le Témoin.
9 Est-ce que ceci correspond à ce que vous savez de la position défendue par
10 le Parti démocratique serbe qui souhaitait que les procédures soient
11 procédées strictement et que seul le gouvernement ait la décision
12 définitives et qu'il y ait deux candidats pour chaque post ?
13 R. Oui, pour autant que je le sais, il n'y a eu que trois nominations,
14 trois candidatures pour la police.
15 Q. Oui. En tout cas, deux, mais en général, il y en avait trois
16 effectivement.
17 Est-ce que le document peut être admis au dossier.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous n'avons pas la traduction de
19 ce document, donc pour l'instant il sera enregistré aux fins
20 d'identification.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D355, enregistré aux
22 fins d'identification, Monsieur le Président.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
24 Je demande à présent l'affichage du document 65 ter numéro 18554.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. S'agissant du document 18554, nous attendons son affichage, je voudrais
27 vous lire ceci. Ici, on a une affectation de poste au sein du ministère, de
28 postes de responsabilité à des fonctions exécutives. Vous avez le premier
Page 4715
1 poste -- apparemment je lis un peu vite pour les interprètes. Mais j'espère
2 que vous voyez le document à l'écran. Voyez ce poste de ministre, il est
3 confié au HDZ, ministère de la Défense, ministre adjoint SDA, et cetera.
4 Mais vous, vous connaissez mieux la situation au ministère de l'Intérieur,
5 n'est-ce pas ?
6 Est-ce que vous voyez ici que nous, nous avons obtenu le poste d'adjoint ou
7 de vice-ministre et du poste de ministre chargé de la lutte contre la
8 criminalité, le ministre adjoint - c'était vous - Zepinic il était ministre
9 en second, et puis je pense que nous avons aussi obtenu le poste
10 d'assistant ministre pour ce qui est de l'analyse et du renseignement. Mais
11 est-il vrai qu'au ministère de l'Intérieur, le poste du ministre est le
12 poste le plus important ?
13 R. Oui.
14 Q. Au deuxième rang, est-ce qu'on a le poste de chef de la sûreté de
15 l'état ?
16 R. Oui.
17 Q. Etes-vous d'accord pour dire que nous n'avons jamais eu que des postes
18 de deuxième rang si j'ose dire ici pour ces fonctions ?
19 R. C'est exact.
20 Q. Est-il exact de dire que le ministre ou quelqu'un qui travaillerai au
21 ministère de l'Intérieur a, en contravention de la loi, aboli le poste de
22 sous-secrétaire de la Sûreté de l'Etat qui aurait dû nous être attribué ?
23 R. Si vous vous en souvenez, Monsieur le président, avant que l'adjoint
24 Kvesic ne prenne ses fonctions et qu'il devienne des rangs du peuple serbe,
25 ça devait être Nedjo Vlaski, il avait travaillé dans le système de la
26 Sûreté de l'Etat dans l'air socialiste pendant de nombreuses années. Branko
27 Kvesic a établi un nouveau système d'affectation de poste et il a
28 pratiquement aboli ce poste de ce qu'on appelle adjoint, ce qui veut dire
Page 4716
1 que le SDS a perdu ce poste exécutif. Vous avez émis mainte protestation,
2 vous avez écrit une série de lettres, mais Nedjo Vlaski n'a quand même
3 jamais exercé ce poste qui, d'après l'accord inter partite, aurait dû être
4 accordé à la communauté serbe et c'est ce même Branko Kvesic que nous avons
5 entendu dans une conversation interceptée présentée par M. Tieger.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
7 Puis-je demander le versement de ce document ?
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mandic, avez-vous connaissance
9 de l'existence de ce document ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est l'écriture de qui que nous voyons
12 ici, par exemple ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est l'écriture de M. Karadzic.
14 Je crois enfin, je ne suis pas sûr. Parce qu'on avait tout ceci dans les
15 ministères, au gouvernement, cette affectation de poste, ces documents
16 portant affectation de poste, ceci permettait de savoir quels seraient les
17 postes pourvus à telle ou telle communauté. Ce document, il rend compte de
18 l'accord de coalition, l'accord inter partite, donc accord convenu entre
19 les parties qui étaient sortis vainqueurs des élections.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voyez une date en haut
21 du document ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Le mois de janvier 1991.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
24 M. TIEGER : [interprétation] Rapidement deux choses, Monsieur le Président.
25 Je pense que la Chambre a dû intervenir parce que j'ai eu l'impression que
26 par ce processus l'accusé essaie d'authentifié le document puis se met à
27 poser des questions générales et je pense qu'il faudra que l'accusé se
28 concentre davantage sur la possibilité que ce soit le témoin qui fasse ça,
Page 4717
1 qu'il authentifie le document d'abord. Je ne sais pas s'il y a une
2 traduction du document, mais ceci mis à part et au-delà des irrégularités
3 quant à la procédure, je n'ai pas d'objection quant au versement du
4 document.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
6 Ce document recevra une cote provisoire en attente de traduction
7 officielle.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce MFI
9 Président.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous devez justifier vos questions au
11 témoin de façon à ce que la Chambre comprenne sur quoi porte ce document.
12 Poursuivez, Monsieur Karadzic.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] mais, je voudrais simplement dire ceci :
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que ceci rencontre de la quintessence, de
16 l'accord conclu entre les parties, accord en vertu du duquel les fonctions
17 exécutives ou des autorités exécutives auraient dû prendre des mesures pour
18 procéder à ces désignations ?
19 R. Oui.
20 Q. Donc, pour le SDA et le HDZ, est-ce que tous les accords ont été
21 respectés ?
22 R. En ce qui concerne le ministère de la Police, oui.
23 Q. Mais est-ce que nous, Serbes, nous avons été dupés en étant spolié de
24 ce poste de secrétaire ou de ministre, ou d'adjoint du sous secrétaire à la
25 Sûreté de l'Etat en vertu de cette modification illégale du système
26 d'affection, des conditions d'affectation de poste ?
27 R. Oui.
28 Q. Vous savez bien ce que ça voulait dire la Sûreté de l'Etat dans notre
Page 4718
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4719
1 système, n'est-ce pas ? Est-ce que ceci aurait été une raison légitime chez
2 les Serbes d'avoir des préoccupations ?
3 R. Est-ce que vous pourriez être plus clair ? Vous parliez des Serbes
4 employés par la police dans le parti, tous les Serbes.
5 Q. Mais tous les Serbes de façon générale. Est-ce que la Sûreté de l'Etat
6 n'était pas un service important susceptible de pratiquement tout contrôler
7 surtout l'ère précédente ?
8 R. Oui. C'était un service de la Sûreté de l'Etat.
9 Q. Etes-vous d'accord pour dire, d'après cette méthode en vertu de
10 laquelle on donne le premier poste à une communauté et puis le deuxième
11 poste en importance à une autre communauté, c'est quelque chose qui permet
12 d'établir un système de contrôle démocratique ?
13 R. Oui.
14 Q. Peut-on donc conclure que dans les services de la Sûreté de l'Etat, ce
15 mécanisme de contrôle démocratique, il a été violé de par l'annulation du
16 poste qui était en fait, qui devait revenir aux Serbes ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce que ceci aurait été une raison légitime pour laquelle les Serbes
19 employés dans la police, dans le parti ou de façon générale s'inquiètent ?
20 R. Je ne peux pas parler de façon générale, je vais vous parler des Serbes
21 qui étaient des employés de police, je ne sais pas.
22 Q. Oui, mais s'il se passait des choses, il se passait bien des choses en
23 Croatie. Etes-vous d'accord pour dire que des racines mêmes des armées
24 sécessionnistes de Slovénie, ni de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, elles
25 se trouvaient ces racines dans le MUP, au ministère de l'Intérieur, dans
26 les services de Police ?
27 R. Oui.
28 Q. La Sûreté de l'Etat en Bosnie-Herzégovine, elle appartenait au HDZ,
Page 4720
1 n'est-ce pas ? Elle avait été confiée aux représentants du peuple croate.
2 R. Oui.
3 Q. Les représentants de la Bosnie-Herzégovine, des Croates en Bosnie-
4 Herzégovine, voulaient-ils la sécession ? Etaient-ils du côté de la Croatie
5 dans la guerre menée contre la Krajina ?
6 R. Oui.
7 Q. Alors dans cette optique-là, si la Sûreté de l'Etat n'était pas
8 supposée avoir ce contrôle, à savoir l'adjoint à ce dispositif de contrôle
9 avec l'adjoint du sous-secrétaire à la Sûreté de l'Etat qui serait venu de
10 chez les Serbes, est-ce que ça aurait été une raison justifiant les
11 inquiétudes des Serbes ?
12 R. Oui, parce que, bon, c'était une source d'inquiétudes pour le SDS, pour
13 les dirigeants du SDS. L'homme de la rue n'en savait sans doute rien.
14 Q. Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du document 30 020 de la liste 65
16 ter. C'est une écoute téléphonique. Nous avons dû l'utiliser même si nous
17 avons souvent des objections quant à l'utilisation de ces conversations
18 interceptées.
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. 21 mai 1992. Il s'agit d'une conversation qu'a M. Zepinic avec moi.
21 Est-il vrai qu'à l'époque, M. Zepinic, par définition et en vertu des
22 fonctions qu'il a exercées, qu'il avait la responsabilité de désigner le
23 personnel serbe aux fonctions qui revenaient aux Serbes ?
24 R. Oui. Zepinic était membre du SDS au ministère de la police.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 2.
26 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir.
27 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
28 M. TIEGER : [interprétation] Avant qu'on ne montre au témoin certaines
Page 4721
1 parties de l'écoute téléphonique, est-ce qu'on pourrait avoir des
2 précisions quant à l'objection formulée par M. Karadzic ? Il disait qu'il
3 s'opposait de façon générale à l'utilisation de ces écoutes téléphoniques.
4 Pourrait-on avoir des précisions ?
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faisait sans doute référence à
6 l'objection générale qu'il a évoquée dans certains arguments déjà
7 présentés.
8 Est-ce que je vous suis, Monsieur Karadzic ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] A l'aide de ce document, je veux montrer
10 comment s'est fait la réalisation.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, attendez. Je parlais de ce que vous
12 avez dit à propos des écoutes téléphoniques. Vous avez dit que vous vous
13 opposiez, que vous faisiez objection à leur utilisation. Vous avez dit :
14 "Ici, c'est une écoute téléphonique," mais vous aviez une objection de
15 principe quant à leur utilisation.
16 Que vouliez-vous dire ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais vous le savez. Vous connaissez la position
18 qu'a déjà présentée aussi Me Robinson, à savoir que ces conversations
19 interceptées avant la guerre ne peuvent être utilisées que pour montrer
20 l'inéquité du SDA, qui a mis sous écoutes les Serbes alors qu'ils ne l'ont
21 pas fait pour les Musulmans ni les Croates. On n'a pas une seule
22 conversation interceptée d'Izetbegovic ou d'un autre chef de parti;
23 Plavsic, Koljevic, tout le monde était mis sous écoute. Donc si c'est pris
24 comme élément de preuve, c'est uniquement quelque chose qui prouve que les
25 Serbes ont subit une pression, qu'ils ont été mis sous écoute, n'est-ce pas
26 ?
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes satisfait de cette réponse,
28 Monsieur Tieger ?
Page 4722
1 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au compte rendu d'audience, M. Mandic n'a pas
4 dit que Vito Zepinic était membre du Parti démocratique serbe. Non, il
5 n'était pas affilié du parti. Ce n'est pas ce que le témoin a dit. Il était
6 la personne chargée des ressources humaines, du personnel.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Il a veillé à ce que l'accord conclu entre les parties soit bien
9 respecté par les Serbes ?
10 R. C'est lui qui s'est occupé de la politique en matière de personnel au
11 nom du SDS, au ministère de la Police.
12 Q. Nous allons revenir à cette question pour voir qui nous avions présenté
13 comme candidat et en fonction de quels critères ces personnes avaient été
14 proposées.
15 Page 2 du document. En serbe -- oui. Je ne suis pas sûr de la concordance
16 entre les versions serbe et anglaise.
17 Ici, ce que je dis, est ceci :
18 "Mais quant est-il de cette unité spéciale ?"
19 En serbe, ça se trouve dans la première case, dans le premier encadré de la
20 page. Manifestement, je me suis rendu compte que quelque chose changeait,
21 avait été modifié dans cette unité spéciale. Et un peu plus bas, je dis :
22 "Eh bien, s'ils ont le commandement de la police, nous, il nous faudra
23 avoir le commandement de l'unité spéciale," n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Un peu plus loin, je dis mon inquiétude. Vojkovici, c'est un quartier
26 serbe ?
27 R. Oui.
28 Q. Je dis qu'il y a des gens en vêtements civils qui fourrent leur nez du
Page 4723
1 côté de Vojkovici. Ils sont une vingtaine. Ce sont des policiers, mais ils
2 ne sont pas en uniforme. Zepinic dit :
3 "Etat parallèle ?"
4 Je dis :
5 "Je ne sais pas."
6 Je dis que je crains que ce ne soit pas la police parce
7 qu'apparemment, on ne fait pas de différence.
8 Est-ce que vous avez constaté qu'aussitôt après les élections, on a de
9 moins en moins fait la distinction entre la police et le SDA ?
10 R. Le ministère de la Police, le chef de la police en tenue avait été
11 choisi parmi les Musulmans ex-officio, et c'était l'officier supérieur de
12 l'Unité spéciale du MUP.
13 Q. A ce moment-là, est-ce que c'était Vikic, un Croate, qui était
14 commandant de l'Unité spéciale ?
15 R. Oui.
16 Q. Normalement, est-ce que si on a comme chef de police un Musulman, est-
17 ce qu'on ne devrait pas avoir à la tête de cette unité un Serbe ?
18 R. Je ne peux pas vous répondre, Monsieur le président, parce que Vito
19 Zepinic était responsable du personnel à l'époque, et moi, je ne m'y
20 connaissais pas trop dans cette discussion au niveau ministériel pour
21 savoir quelle était la politique en matière de personnel, comment on
22 affectait les postes aux ministères de la Police.
23 Q. Je vous remercie.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais avoir la page.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Est-ce que vous voyez ici, Monsieur le Ministre ? Il s'agit ici de ma
27 frustration de voir comment Vito Zepinic exécute et met en œuvre l'accord
28 interpartite. Moi, je lui demande pourquoi il y a certaines personnes que
Page 4724
1 ne veulent pas les gens de la base au niveau local. Vous voyez cet endroit
2 à cette page ? Je parle d'un certain Maletic, notamment, à propos de qui je
3 pose une question. N'est-il pas vrai que le problème le plus fréquent
4 c'était qu'un niveau local on ne voulait pas avoir quelqu'un qui les avait
5 illégalement persécutés sous le système précédent ?
6 R. Je pense que nous nous sommes occupés de cela, Monsieur le président,
7 quand nous avons parlé de ces quatre postes. On a parlé qu'il ne fallait
8 pas qu'il y ait corruption, manipulation et ainsi de suite. Ici, vous
9 parlez de ces individus, qui ont persécuté les Serbes, qui étaient
10 indésirables pendant l'ère socialiste, et ici, vous dites ceci à Zepinic,
11 qui vous explique certaines choses, et il vous explique la façon dont il
12 voit lui les modalités d'élections et d'affectation de ces personnes.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir la page 4 en serbe, s'il
14 vous plaît ? Je pense que c'est la page 5 en anglais.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. Ici, je dis :
17 "D'abord il y a un Croate, me semble-t-il, et puis le deuxième c'est un
18 Croate aussi. Alors dis-je, il faut en tenir compte, parce qu'ils ont Hebib
19 au commandement de la police. Il faudra avoir au moins ce poste pour que
20 nos gens à nous tout du moins sachent que rien d'illégal ne se fera. On n'a
21 pas peur de ce qui est illégal, mais nous avons peur que quelque chose
22 d'illégal soit fait."
23 Est-ce que vous venez de voir ce passage ?
24 R. Vous venez de me le rappeler, Monsieur le président. Le commandant de
25 la brigade cette unité spéciale c'était un Croate. Et le commandant, le
26 chef de l'unité spéciale lui aussi était Croate.
27 Q. Bon, c'est bien, vous avez trouvé le bon endroit du texte. Nous, ce que
28 nous demandons, c'est un contrôle démocratique. On ne peut pas mettre le
Page 4725
1 pain et le couteau dans la même main. C'est ce qu'on dit dans nos contrés,
2 donc on ne peut pas avoir au premier poste quelqu'un qui sera de la même
3 communauté que celui qui occupe le deuxième rang au niveau des
4 responsabilités ?
5 R. C'est ce que j'ai dit.
6 Q. "Et quand nous aurons notre homme sur place, il pourra veiller à ce que
7 rien d'illégal ne soit fait. Enfin, je dis il faut que la justice et
8 légalité règne partout. Si nous avons un homme à un poste de responsabilité
9 suprême, à ce moment-là, ce seront les autres qui auront les postes
10 suivants, et on dit ici, 'Oui, on va s'en occuper'."
11 Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que, pendant très longtemps, nous
12 avons pensé que M. Zepinic allait se charger de tout ceci, et puis
13 finalement nous avons été frustrés parce que M. Zepinic a fait l'objet de
14 manipulation, il s'est laissé manipuler, et les gens de là-bas n'étaient
15 pas contents ?
16 R. Exact.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande une cote provisoire pour
18 identification.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce MFI
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. 1D2019.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Nous attendons l'affichage du document, mais je vais déjà vous demander
24 ceci : Le gouvernement il a été établi vers la fin du mois de janvier 1991;
25 vous vous en souvenez, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Puisque nous étions à même de le savoir, est-ce que vous savez que dès
28 février 1911 il avait été décidé de constituer un conseil chargé de la
Page 4726
1 défense des Musulmans rattachés au SDA ?
2 R. Non, je ne le savais pas, Monsieur le président.
3 Q. Est-ce que vous saviez que, dès le mois de juin, il a commencé ces
4 activités ce comité ou ce conseil ?
5 R. Oui, ça, oui, je le savais.
6 Q. Bon. Occupons-nous de ce document d'abord. Nous n'avons pas la version
7 serbe à l'écran. Moi, non plus. Mais vous avez un document qui porte la
8 date du 4 juin 1991. Ministère de l'Intérieur qui envoie ce document à la
9 présidence de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, au conseil
10 chargé de la Protection de l'ordre constitutionnel. Est-ce que vous vous
11 souvenez que c'était Mme Plavsic qui était présidente de ce conseil ?
12 R. Oui, Mlle Biljana Plavsic était présidente du conseil chargé de la
13 protection de l'ordre constitutionnel de la République socialiste de
14 Bosnie-Herzégovine.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux avoir le texte en B/C/S ? Je
16 ne l'ai pas, mais je vais lire, mais vous comprendrez vite.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. C'est un rapport concernant l'arrestation de membres du MUP croate. En
19 fait, c'est de 1992, non, mais tout ceci se passe en 1991, 18 mai 1991. 4
20 juin , ce jour-là le 4 juin 1991, vous rédigez cette lettre de garde et
21 vous l'adressez au conseil chargé de la protection de l'ordre
22 constitutionnel, parce que des hommes du MUP avaient été arrêtés, qui
23 avaient été arrêtés à Bosansko Grahovo et qui transportaient des armes.
24 R. Oui, des armes et des Motorola.
25 L'INTERPRÈTE : C'était le MUP croate, précise l'interprète.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Pourriez-vous nous préciser les circonstances de ce qui s'est passé ?
28 R. Je pense que le poste de sécurité publique de Bosansko Grahovo avait
Page 4727
1 stoppé un convoi qui transportait des armes et qui traversait le territoire
2 de Bosnie-Herzégovine pour les acheminer en République de Croatie. Il y
3 avait des fusils, des munitions, mais aussi des Motorola, et moi,
4 j'informais ici Mlle Biljana Plavsic de la chose.
5 Q. Fort bien. Je vais lire en anglais :
6 "On a le numéro d'ordre strictement confidentiel" - il est donné - "date 4
7 juin 1991, nous vous envoyons par la présente le rapport du MUP, ministère
8 de l'Intérieur de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine en date du
9 18 mai 1991 rapport consécutif à l'arrestation de membres du MUP de la
10 République de Croatie par le personnel de poste de sécurité publique de
11 Bosansko Grahavo, et je vous envoie le rapport du 27 mai 1991, sur la
12 réunion de travail au cours de laquelle la question concernant le fait
13 d'avoir ordonné la détention et la prorogation de la détention de ces trois
14 policiers du MUP croate avaient été examinées."
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, vous voulez
16 intervenir.
17 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, mais je ne sais pas combien de
18 temps M. Karadzic veut consacrer à ce document. Nous pouvons vous donner
19 une copie papier manifestement, c'est un document en B/C/S puisque c'est la
20 langue d'origine du document. On pourra le placer sous le rétroprojecteur.
21 Je pense que ce sera plus rapide.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'avais pas l'intention de m'attarder sur ce
24 document, mais je pense que ce sera intéressant pour les participants à
25 l'audience. Je voulais une confirmation.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Est-ce que Mme Plavsic vous a demandé, le 3 juin, de l'informer, elle,
28 qui était présidente du conseil chargé de la Protection de l'ordre
Page 4728
1 constitutionnel, pour l'informer de cet incident, et vous envoyez cette
2 lettre le 4 juin, versés
3 à cette lettre en annexe les rapports.
4 R. Exact.
5 Q. Merci.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document. Je ne
7 sais pas si le témoin veut se rafraîchir la mémoire quant au contenu, il
8 peut examiner la version en B/C/S.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il y a une coquille à la
10 deuxième page, Monsieur Mandic. Je crois qu'il faut lire "1991."
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez raison.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette lettre, elle a bien été envoyée en
13 1991, n'est-ce pas, Monsieur Mandic ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Si je dis que ceci s'est passé avant qu'un conflit ouvert n'éclate en
18 Croatie; est-ce que j'ai raison ?
19 R. Oui.
20 Q. Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D358.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est, Monsieur
25 Karadzic. Je ne sais pas si le moment se prête bien à la pause. Si ceci
26 vous convient, nous allons faire une pause d'une demi-heure.
27 Oui, Monsieur Tieger.
28 M. TIEGER : [interprétation] Quelques mots à peine, c'est à propos de la
Page 4729
1 question 92 ter à propos de Stanisic/Zupljanin.
2 Je ne veux pas ici poser d'obstacle -- faire de l'obstruction, mais quand
3 on voit la déposition, la transcription en audience publique en vertu du 92
4 ter, il y a quelque différence au niveau des déclarations, mais on a repris
5 ceci. Serait-il bien d'avoir été averti pour pouvoir y réfléchir, mais je
6 voulais simplement -- je pense qu'il faut un certain temps de réflexion, le
7 temps d'examiner ceci à la lumière de l'article pour réagir.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'allais en parler après la pause, mais
9 puisque vous en parlez maintenant je précise ici.
10 Puisqu'il y a plus de 1 000 pages, au lieu de demander le versement de la
11 totalité du compte rendu d'audience du procès Stanisic/Zupljanin, je
12 voudrais demander à l'accusé de cerner les parties précises du compte rendu
13 d'audience dont il demanderait le versement. Demande-t-il le versement pour
14 montrer qu'il y a des incohérences entre les déclarations ou si c'est pour
15 ajouter quelque chose, nous verrons ?
16 Ceci étant dit, nous allons maintenant faire une pause d'une demi-heure.
17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
18 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous sembliez vous
20 apprêter à dire quelque chose lorsque j'ai évoqué les comptes rendus
21 correspondants à la déposition du présent témoin dans l'affaire
22 Stanisic/Zupljanin, de quoi s'agissait-il ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence. Il s'agit d'environ 440 pages.
24 Si cela représente un volume trop important, je peux examiner ce compte
25 rendu, nous pouvons nous pencher sur ce compte rendu, obtenir du témoin la
26 confirmation des passages correspondants et nous aurons besoin, dans ce
27 cas-là, d'un jour supplémentaire. S'il s'agit là d'une voie plus praticable
28 du point de vue de la Chambre, nous pourrions peut-être procéder ainsi,
Page 4730
1 afin de ne pas encombrer le dossier en l'espèce.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais veuillez nous communiquer les
3 numéros des pages particulières auxquelles vous pensez. Vous pouvez, bien
4 sûr, présenter ces différents extraits, nous aurions besoin de connaître
5 les pages correspondantes afin de pouvoir nous pencher, nous aussi sur ces
6 passages. Donc veuillez nous communiquer par voie écrite, par email ou
7 comme vous préférez les numéros de pages précis parmi ces 300 ou 400 pages
8 que vous souhaitez présenter.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Très bien. Mais si nous ne présentons
10 pas ces 300 ou 400 pages dans le prétoire, dans ce cas-là, il nous faudra
11 demander le versement complet de la déposition de M. Mandic. Mais si nous
12 nous voyons accorder ce temps supplémentaire, nous pouvons examiner en
13 audience ces passages et obtenir du témoin un certain nombre de précisions.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas voulu suggérer que vous
15 deviez nécessairement vous pencher sur chacun de ces passages, avant de
16 pouvoir en demander le versement. Mais comme je vous l'ai indiqué, la
17 Chambre souhaitait connaître les numéros des pages précises concernées sur
18 lesquelles vous pensez interroger le témoin.
19 Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.
20 L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Sur lesquelles dont vous souhaitez
21 demander le versement.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
23 Si je me rappelle bien, ce document a déjà été versé, celui du 4 juin
24 1991, n'est-ce pas ?
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, sous la cote D358.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
27 Pouvons-nous maintenant avoir à l'écran le document 1D1891 ?
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 4731
1 Q. Monsieur Mandic, je présume que vous étiez au moins aussi au courant
2 que nous des agissements secrets du SDA, mais ce que nous avons ici n'est
3 même pas vraiment secret. Le 11 juin 1991, le conseil de Défense des
4 Musulmans au sein du SDA a été constitué à Sarajevo, et cela vous en étiez
5 au courant, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous ayons le bon document,
8 c'est bien celui-là, c'est de celui-ci qu'il s'agit.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Est-ce bien cela, Monsieur le Témoin ?
11 R. Oui, le secrétaire général du SDA de l'époque est le signataire de ce
12 document, Hasan Cengic.
13 Q. Merci. Lorsque je parlais du fait que le lien entre le SDA et la police
14 était en train de se perdre, j'avais à l'esprit M. Cengic avant tout. Alors
15 pourriez-vous me dire ce que savez de M. Hasan Cengic, en cas de ministre
16 chargé de questions religieuses; c'est un imam, n'est-ce pas ?
17 R. Je sais tout de M. Cengic, Monsieur le président. Je crois qu'il a
18 d'abord terminé les études soit en Algérie soit en Iran, dans une medresa.
19 J'ai travaillé au sein du service où il était employé pendant assez
20 longtemps, en fait.
21 Q. Est-ce que vous savez qu'un tribunal de Bosnie-Herzégovine l'a condamné
22 en 1983, pour son ralliement à la déclaration islamique ?
23 R. Il était membre de ce groupe qui s'appelait les jeunes Musulmans. Il a
24 été traduit en justice et condamné en même temps que M. Izetbegovic, dans
25 les années 1980.
26 Q. Savez-vous que son père, Halid, avant même les élections, dès 1990,
27 avait déjà constitué la 1ère Unité de la Ligue patriotique à Foca, dans
28 l'une des mosquées de Foca, Ustikolina ?
Page 4732
1 R. Non.
2 Q. Savez-vous que son père a été l'homme numéro un des logistiques de
3 l'ABiH, son père Halid, ultérieurement ?
4 R. Oui.
5 Q. Merci.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce
7 document.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
9 Mme LA GREFFIERE : [interprétation] Le document recevra la cote D359.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrons-nous avoir le document 1D1885 à
11 l'écran ?
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Pendant qu'il s'affiche, veuillez me dire la chose suivante : êtes-vous
14 d'accord pour dire concernant Mme Plavsic, dont nous avons vu qu'elle
15 présidait cet organe chargé de la Défense de l'ordre constitutionnel; est-
16 ce que vous êtes d'accord pour dire que le président -- que le président de
17 la présidence, ex officio, est également président du conseil de la Défense
18 de la République ?
19 R. Oui, d'un point de vue constitutionnel.
20 Q. C'était bien M. Izetbegovic, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Donc M. Izetbegovic était président du conseil chargé de la défense de
23 tous les trois peuples, mais que diriez-vous s'il devenait également
24 président de ce conseil semi légal chargé de la défense des Musulmans; qui
25 faudrait-il arrêter. Je parle de M. Izetbegovic, lorsqu'on parle d'une
26 telle position ?
27 R. Je suis un témoin ici, je ne suis pas expert, Monsieur le président. Si
28 vous me citez à comparaître en qualité d'expert, je pourrais peut-être vous
Page 4733
1 répondre.
2 Q. Merci. Alors il y avait encore une page précédente, mais maintenant je
3 ne la vois pas.
4 Est-ce que vous pouvez vous pencher sur la lettre qui accompagne ce
5 document ? Pourriez-vous en donner lecture et ensuite la commenter ?
6 R. Citation :
7 "Conformément à l'accord conjoint passé entre les représentants
8 habilités du MUP de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine et du
9 MUP de la République de Croatie, et conformément aux instructions
10 concernant les modalités de recrutement des candidats au poste -- aux
11 fonctions de policier, les agents du centre d'instruction du MUP de la
12 République de Croatie et du SDA de Sarajevo sont recommandés ainsi que le
13 candidat sus nommé afin de participer à une formation dans votre centre."
14 Q. Il s'agit de Mirsad Lukovic, n'est-ce pas, qui est cité ici ?
15 R. Oui.
16 Q. En fait, c'est Mirsad Lukovic qui est le fameux candidat qui doit
17 participer à cette formation ?
18 R. Oui, mais quelqu'un d'autre a signé au nom de Hasan Cengic, ici.
19 Q. Merci. Voyez maintenant le fait suivant : nous avons environ 80
20 enregistrements de candidats comparables pour suivre une formation de
21 l'entraînement, est-ce qu'il s'agit de recommandation qui concerne la
22 Croatie ? Est-ce qu'en Bosnie-Herzégovine, il y avait des institutions de
23 formation comparable ?
24 R. En Bosnie-Herzégovine il y avait différents endroits où les policiers
25 suivaient un entraînement, une formation. Il avait l'école de Vraca,
26 l'école secondaire des cadets, les écoles secondaires de niveau supérieur
27 également. En plus, des cours qui étaient destinés aux techniciens de la
28 police scientifique, aux policiers, aux personnels des Unités de Démineur
Page 4734
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4735
1 ou de Lutte contre -- ou des Unités de Lutte contre le sabotage, et cetera.
2 Je crois qu'il y avait un centre d'Instruction à Tarcin, à Banja Luka, à
3 Bihac, à Mostar, et je crois qu'il y en avait également un à Doboj pour ce
4 qui concerne en tout cas les formations fournies aux policiers. Mais je
5 n'en suis pas tout à fait sûr.
6 Q. En tout cas, pour les Juges de la Chambre, je voudrais vous demander de
7 confirmer qu'il s'agit de cours qui étaient destinés à des adultes déjà
8 dotés d'un niveau minimum et qui devaient suivre une formation
9 supplémentaire pour devenir policier, n'est-ce pas ?
10 R. Il s'agissait de cours qualifiés de cours spécialisés auxquels
11 pouvaient se porter candidats ceux qui avaient accompli leur service
12 militaire, qui avaient terminé une école secondaire spécialisée. S'il
13 s'agissait, en tout cas, de cours destinés à de futurs policiers, à de
14 futurs techniciens de la police scientifique ou à de futurs agents de la
15 défense anti-sabotage, et cetera.
16 Q. Merci. A la différence de cela les cadets eux suivaient les cours de
17 l'école d'académie secondaire de police, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, ces élèves, tout comme moi-même d'ailleurs, ont suivi cette école
19 en quatre ans, l'école de la police, l'école secondaire située à Vrace.
20 Q. Merci. Ces hommes -- que ces personnes que le SDA envoyaient en Croatie
21 suivre une formation s'agissait-il de cadets d'élèves, ou bien s'agissait-
22 il d'adultes qui devaient suivre une formation complémentaire ?
23 R. Il s'agissait ici de formation pour de futurs agents, de futurs
24 policiers; ce qui signifiait en fait qu'il s'agissait de personnes qui
25 avaient déjà suivi une formation préalable.
26 Q. Merci.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors je voudrais que l'on place sur le
28 rétroprojecteur la lettre qui accompagnait normalement ce document. Elle
Page 4736
1 devrait normalement être disponible aussi dans le système électronique mais
2 nous n'arrivons pas à la retrouver.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Puis-je vous demander de lire à haute voix également ce que vous allez
5 voir maintenant sur le rétroprojecteur ?
6 R. "Instructions pour l'envoie de candidats au centre de Formation du MUP
7 de la République de Croatie, au comité exécutif du SDA, à remettre en
8 personne au président.
9 "Veuillez trouver en annexe une copie de l'instruction concernant les
10 modalités de recrutement de candidats aux fonctions de policiers débutant
11 au sein du MUP de la République de Croatie. Nous vous informons de votre
12 obligation d'informer les candidats de ces mêmes instructions. Nous
13 soulignons que chaque candidat a l'obligation de fournir le formulaire du
14 parti qui vous est fourni en annexe un extrait d'acte de naissance, un
15 livret de famille et les actes correspondant à son mariage s'il y a lieu,
16 pour les documents ayant trait à l'accomplissement de son service
17 militaire, un extrait de casier judiciaire vierge, un certificat attestant
18 de sa formation secondaire achevée, une carte d'identité et son livret de
19 travail s'il y a lieu, dans un délai de cinq jours s'ils ne satisfont pas
20 aux critères du -- ils doivent également passer un examen médical."
21 En bas, on a l'adresse du centre de formation en République de Croatie.
22 Q. Hasan Cengic est le signataire, mais c'est encore une fois signé par
23 quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. C'est un document qui appartient à un parti, comme toutes les
26 instructions de ce type, en général ?
27 R. Oui, c'est un document émanant du Parti du SDA.
28 Q. Y avait-il la moindre raison pour un parti d'attribuer un certain
Page 4737
1 nombre de places pour que des personnes puissent suivre des formations afin
2 de devenir policier ? Y avait-il la moindre raison de dépêcher des
3 candidats à cet effet pour qu'ils puissent être formés en Croatie ? Est-ce
4 que cela n'aurait pas pu être fait en Bosnie ?
5 R. Oui, mais cela s'est fait à l'insu du ministre de l'intérieur et à
6 l'insu de tout autre organe d'Etat de la République de Bosnie-Herzégovine.
7 Q. Mais en tant que policier, vous étiez au courant, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, nous avions des éléments à ce sujet.
9 Q. Merci.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.
12 Monsieur Mandic, je voudrais que nous soyons un peu plus précis. Vous avez
13 dit que cela s'était fait à l'insu du ministre de l'intérieur. Ensuite vous
14 avez dit avoir disposé vous-même d'un certain nombre d'informations à ce
15 sujet. Qu'avez-vous voulu dire ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, le ministère chargé de
17 la Police en Bosnie-Herzégovine disposait d'un certain nombre de centres
18 d'Instruction et de Formation au sein desquels des formations étaient
19 assurées pour tous les différents types de policiers, qu'il s'agisse de
20 cours spécialisés au niveau du secondaire jusqu'aux cours qui étaient
21 proposés et qui étaient de niveau universitaire. Les informations que nous
22 avons reçues en provenance du terrain nous indiquaient que des Musulmans
23 étaient envoyés en secret pour être formés en Croatie à l'insu du ministère
24 chargé de la police. Cela n'a jamais fait l'objet du moindre débat et le
25 ministre n'en a jamais été informé de façon officielle, pas plus que l'un
26 quelconque d'entre nous, qui étions membres, qui étions des agents du
27 ministère, et, plus, précisément, du collège de ce dernier.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
Page 4738
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Ai-je raison, dans ce cas-là, de dire qu'il s'agit ici d'une tentative
3 de constituer une police de parti à l'insu des organes de l'Etat ?
4 R. Est-ce que vous pourrez reformuler votre question, s'il vous plaît ?
5 Q. Si le SDA est en train d'envoyer de façon clandestine à l'insu de la
6 police de l'Etat, un certain nombre de personnes, afin que ces dernières
7 soient formées dans une autre république, ne s'agit-il pas là d'agissements
8 par lesquels le SDA est en train de mettre en place sa propre capacité en
9 terme d'effectifs armés ?
10 R. A ce moment-là, pour les cadres n'appartenant pas au groupe ethnique
11 musulman au sein du ministère la situation n'était pas du tout claire. Il
12 était difficile de savoir si ces personnes étaient envoyées en Croatie pour
13 participer aux hostilités pour se battre sur le front, ou bien, si c'était
14 véritablement à des fins de formation qu'ils étaient envoyés. Ce n'est que
15 vers la fin 1991 et début 1992 que nous avons découvert quelle avait été la
16 finalité de ces formations auxquelles de jeunes Musulmans avaient été
17 envoyés non seulement en Croatie et à Zagreb, mais également dans un
18 certain nombre de pays musulmans.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va verser au dossier ce
20 document, le document précédent 1D1885, sous la cote D360.
21 Mais pour ce qui est du statut du document suivant, qui est similaire, je
22 ne suis pas tout à fait sûr de son statut. Figure-t-il sur la liste 65 ter
23 ?
24 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela peut être intégré à la même pièce, parce
26 qu'il s'agit d'une lettre qui accompagne un certain nombre de documents
27 annexés, en fait, à la même lettre.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, la date est la même, la
Page 4739
1 nature est très semblable.
2 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection, Monsieur le
3 Président.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
5 Nous allons donc verser ce document aux fins d'identification, en attendant
6 une traduction, de la seconde partie du document.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
8 Je voudrais juste vous informer que ce texte, qui représente des
9 instructions, est exactement le même pour tous les 80 candidats. Dans un
10 des cas, cela a été traduit. Il n'y a que les noms qui varient.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Alors, Monsieur Mandic, en déposant dans l'affaire Stanisic et
13 Zupljanin, vous avez eu l'occasion d'examiner les noms des personnes qui
14 ont été envoyées pour une formation en Croatie. S'agissait-il dans tous les
15 cas de personnes appartenant au groupe ethnique musulman ?
16 R. Oui, absolument.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avoir le document 1D1882 à
18 l'écran, s'il vous plaît ?
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Pendant que cela s'affiche, je voudrais vous demander s'il y a eu ou
21 non des Musulmans qui ont exprimé des réserves par rapport à cette façon de
22 procéder, voire des critiques ?
23 R. Cela s'est produit, Monsieur le président, au moment où ces jeunes gens
24 revenaient en Bosnie-Herzégovine et au moment où ils étaient affectés à
25 différents postes. Après ces affectations, il y a eu un certain nombre de
26 fonctionnaires de différents grades et qui appartenaient au groupe ethnique
27 musulman, fonctionnaires qui n'avaient pas été informés de ce programme de
28 formation et qui ont exprimé leur surprise lorsqu'ils ont vu que ces
Page 4740
1 individus étaient nommés à un certain nombre de postes aux côtés de
2 personnel qualifié des organes correspondant de la République de Bosnie-
3 Herzégovine. Néanmoins, tous ces individus ont été nommés à ces différents
4 postes. En fait, personne ne savait qu'ils avaient subi une formation.
5 Q. Merci.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors pour ce qui est de 1D1882, pourrions-nous
7 l'avoir à l'écran maintenant.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que cela a déjà été
9 chargé dans le système électronique.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si, cela devrait avoir déjà été chargé dans le
11 système.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les juristes de la Chambre m'indiquent
13 que ce n'est pas le cas.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.
15 Pendant que nous attendons l'affichage de ce document, je voudrais demander
16 l'affichage du document qui porte la référence 30 103 dans la liste 65 ter.
17 Ah, voilà. Nous avons le document précédent maintenant, 1D1882, et en
18 préparation déjà, je voudrais signaler le 1D1883.
19 Nous avons là la version anglaise. Pouvons-nous avoir également la version
20 serbe.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Pour votre information, il s'agit ici d'une lettre adressée par
23 le CSB de Banja Luka à Mme Plavsic en sa qualité de présidente du conseil
24 chargé de la défense de l'ordre constitutionnel de la République socialiste
25 de Bosnie-Herzégovine.
26 Alors pour ne pas en donner une lecture intégrale, je voudrais
27 simplement vous demander de donner lecture du dernier paragraphe qui est en
28 bas de page et qui se poursuit page suivante. Est-ce que vous voyez dans la
Page 4741
1 version serbe sur la partie gauche de l'écran ce dernier paragraphe ?
2 R. Oui.
3 Q. Pouvez-vous le lire à haute voix, avant que nous passions à la page
4 suivante.
5 R. Vous voulez dire le paragraphe qui commence : "Lundi, 22…"
6 Q. Oui, vous pouvez commencer là.
7 R. Citation :
8 "Lundi, 22 juillet 1991, je me trouvais à un rendez-vous de travail au
9 ministère et j'ai été extrêmement étonné lorsque j'ai reçu le rapport de
10 synthèse relatif à la systématisation des postes de travail. Je n'ai pas
11 été tant étonné par le contenu que par la forme et notamment les couleurs
12 dans lesquelles il était imprimé. Il est bien connu que la couleur choisie
13 pour les équipements de la police est le bleu, alors que là, tout d'un
14 coup, la correspondance officielle faisait usage de la couleur verte, ce
15 qui était un signe de la domination musulmane dans ce ministère
16 particulièrement important. Tout ceci est le fait des deux assistants du
17 ministre, et ce, plus précisément l'assistant du ministre pour la police,
18 M. Avdo Hebib, et l'assistant chargé des questions juridiques et
19 administratives ainsi que des ressortissants étrangers, M. Salimovic. Ces
20 tentatives sont faites afin de créer une armée musulmane issue de ce
21 ministère, et cela est manifeste également aux vues de --"
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] "-- aux vues des activités qui ont débutées le
24 22 juillet 1991. Notre proposition était que, dans la mesure où des
25 formations devraient être organisées, elles le soient conformément au
26 nombre de personnel, aux effectifs manquant, groupe ethnique par groupe
27 ethnique et que, conformément à cela, on recrute un plus grand nombre de
28 Serbes originaires de la République de Croatie qui étaient employés là-bas
Page 4742
1 au sein des services de Sécurité et à l'encontre desquels les méthodes les
2 plus perfides ont été employées pour les chasser de leur poste. En raison
3 de cela, les frais associés à ces cours devraient être particulièrement
4 réduits; cependant, pour ce qui est de l'affectation, de l'envoi de ces
5 stagiaires pour suivre des formations, un jeu extrêmement perfide est en
6 train de se dérouler. D'abord, on propose 300 puis ensuite 400 candidats,
7 et nous avons des indications qu'un grand nombre de stagiaires appartenant
8 au groupe ethnique musulman étant originaires de Sandzak, environ 80 %… "
9 Q. Paragraphe suivant.
10 R. "…certains membres du groupe ethnique musulman sont envoyés de façon
11 organisée au cours du MUP de la République de Croatie, et il est manifeste
12 à partir des notes de service que nous vous fournissons en annexe que la
13 situation --"
14 Q. Je voudrais juste vous demander, pour les Juges de la Chambre, où se
15 trouve Sandzak ?
16 R. En République de Serbie. C'est dans le district de Raska.
17 Q. Et cela a-t-il rapport avec la Bosnie-Herzégovine, le Sandzak ?
18 R. C'est un nom qui est utilisé pour qualifier les Musulmans originaires
19 du district de Raska et qui vivent à Sarajevo.
20 Q. Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document et afficher le
22 1883.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il est admis sous la cote D361.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
25 Alors maintenant, que nous avons ce document, il s'agit donc du chef de CSB
26 de Banja Luka qui s'exprime. C'est une note de service.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Est-ce que vous pourriez l'examiner ? Il n'est pas nécessaire d'en
Page 4743
1 donner lecture. Ne donnez pas lecture des noms. Laissons les personnes de
2 côté, mais voyons de quoi il s'agissait.
3 Un certain Gunic, Isak, connu sous le nom d'Iso [phon], en sa qualité de
4 membre du SDA, organisait le départ de Musulmans afin qu'ils puissent
5 suivre un cours en République de Croatie, plus précisément à Zagreb, afin
6 que des cours durant deux mois puissent être dispensés avec octroi d'un
7 salaire de 2 600 dinars, financés par les Émirats Arabes Unis. Donc, Gunic
8 a présenté un certain nombre de formulaires que devaient être remplis avant
9 d'aller à Zagreb, et cet agent de police qui a découvert cela affirme que,
10 en en-tête, on trouve SDA et le nom de Hasan Cengic. Alors ce monsieur dit
11 que lui a refusé, le formateur dit qu'il a refusé de se rendre à ce stage
12 et qu'il a informé un collègue policier de ces événements. C'est lui donc
13 qui a rédigé cette note de service.
14 Est-ce que ceci est conforme aux informations que vous avez reçues de façon
15 officieuse concernant les agissements du SDA ?
16 R. C'est une des façons dont nous avons appris le départ de ces jeunes
17 hommes de groupe ethnique musulman qui participaient à des stages de
18 formation en République de Croatie, ce dont j'ai parlé il y a un instant
19 aux Juges de la Chambre.
20 Q. Monsieur Mandic, voici ma question : Si le Parti d'Action démocratique
21 prépare la création d'une police secrète et d'une force armée secrète qui
22 est son ennemi déclaré ?
23 R. Les Serbes.
24 Q. Eventuellement la JNA, n'est-ce pas ?
25 R. En tant que peuple, c'est le peuple serbe.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
27 Je demande le versement au dossier de ce document.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
Page 4744
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce D362,
2 Monsieur le Président.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du document 65
4 ter numéro 30103. 30103 donc.
5 Il s'agit d'une écoute téléphonique d'une conversation interceptée
6 entre moi-même et M. Krajisnik en date du 13 juillet 1991 et cette
7 conversation porte pour l'essentiel sur les difficultés qui étaient au sein
8 du MUP.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'informe qu'il n'existe pas de
10 document répondant à ce numéro dans le prétoire électronique.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est le numéro 65 ter 30103.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je l'ai ici, 30103, je l'ai devant
13 moi. Le document devrait s'afficher sans tarder sur vos écrans aussi.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. Alors maintenant je vous prie de bien prêter attention à --
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous aurions besoin que s'affiche aussi la page
18 2 de la version anglaise et qu'au lieu de la note officielle qui est
19 toujours affichée à l'écran, nous ayons également la version B/C/S du
20 document que je viens de demander.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Bien. Alors le passage que je cite se trouve en bas de page dans la
23 version serbe. M. Krajisnik dit :
24 "Mico Stanisic m'a appelé."
25 Puis il reprend un peu plus loin en disant :
26 "Ils ont des problèmes terribles là-bas et il nous faut tout simplement
27 mettre de l'ordre en grand. L'autre type là, le [imperceptible] a encore
28 appelé l'autre jour et il peut aller se faire voir, et moi, je dis que
Page 4745
1 Ljuto est bizarre. Je ne sais pas si c'est Ratko, en tout cas, il faut
2 qu'on convaincre Ratko que Ljuto est assez bizarre parce que c'est Ljuto
3 qui avait proposé son nom, d'où ma remarque.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous passions à la
5 page suivante, page 3 en anglais.
6 Je n'ai pas dit que Vito était un "monstre" comme cela est indiqué au
7 compte rendu d'audience. J'ai dit qu'il était "étonnant", plutôt du genre
8 "miracle". J'aimerais que la correction soit apportée au compte rendu
9 d'audience.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Bien. Je poursuis la citation de l'écoute téléphonique, un peu plus
12 bas, Krajisnik dit :
13 "Ils n'ont pas tout résolu. Moi, je pensais que nous allions nous adresser
14 à tous les cadres là-bas pour tout régler bien comme il faut, que nous
15 allions écrire un courrier en mettant en exergue toutes les irrégularités
16 qui ont été commises et que nous disions : 'Messieurs, il faut que tout
17 cela se résolve,' et que nous attendions une réponse, car il faut et
18 voulons que tout soit réglé, ça c'est tout à fait clair."
19 Fin de citation, et cetera, et cetera.
20 Alors peut-être serait-il bon que vous lisiez une réplique de Karadzic et
21 une de Krajisnik --
22 R. Mais, moi, je n'ai pas la page 2.
23 Q. On voit simplement la mention : "Mais, oui, bien sûr". Vous le voyez,
24 quatrième ligne à partir du bas.
25 R. "Mais oui, bien sûr, c'est terrible, tous ces petits trucs et ces
26 petites manigances. Tout ça vraiment c'est terrible. Les gens ne peuvent
27 plus vivres ensemble dans ces conditions, c'est abominable ce qu'ils sont
28 en train de faire."
Page 4746
1 Krajisnik dit :
2 "Oui, oui."
3 "Et en fait, c'est Vito tout ça. Ils l'ont acheté, mec. Ils lui ont acheté
4 une voiture. Voilà ce qu'ils ont payé pour son appartement. Tout ça c'est
5 de la racaille. C'est un sac de racaille. Je pense qu'il est de la pire
6 espèce de racaille."
7 Krajisnik répond :
8 "On, mon Dieu. De mon côté, je ne peux pas croire ce que vous êtes en train
9 de dire, mais honnêtement tout cela n'est pas bon."
10 Q. Est-ce que vous savez de quoi discutent ces deux hommes ?
11 R. Quand j'ai témoigné dans l'affaire Stanisic/Zupljanin, j'ai décris en
12 détail le fait que le SDA avait corrompu M. Vito Zepinic.
13 Monsieur le président, puisque nous parlons de ce genre de personne, c'est
14 exactement à cette catégorie qu'il appartenait. Il s'est fait payé une
15 voiture, une Mazda 626, que l'on a trouvé à Kasindol, non loin de Lukavica
16 au début de la guerre, et on lui a acheté aussi une maison, au numéro 8 de
17 la rue Leninova. Ils lui ont payé une maison, voilà ce qu'il était. On a
18 aussi trouvé de l'argent chez lui, on a trouvé la Mazda 626, on a découvert
19 que sa maison avait été achetée pour servir de local professionnel, mais la
20 seule chose qu'on n'a pas trouvée c'est l'argent liquide.
21 Q. Mais il était sensé rendre quel service ?
22 R. Enfin, ce n'était pas une maison, on lit "house" en anglais au compte
23 rendu. C'était un lieu de travail, un local professionnel, donc c'était un
24 magasin sans doute ou en tout cas un local dans lequel des transactions
25 pouvaient se faire.
26 R. Oui, oui, d'accord un local professionnel.
27 Q. Mais pourquoi est-ce qu'on lui faisait des cadeaux d'une si grande
28 valeur, dans quel but ?
Page 4747
1 R. Comme nous le savons tous, Vito Zepinic était au ministère, il était
2 responsable du personnel, il était responsable de tout ce qui passait au
3 sein du ministère sur le plan des effectifs des salariés. Donc l'objectif
4 était de l'amener à aider le peuple musulman puisqu'il était serbe et de
5 faire en sorte que les armes qui passaient par la Croatie et la Slovénie ou
6 même qui arrivai en avion à partir des pays arables pénètrent sans encombre
7 en Bosnie-Herzégovine. Il y avait aussi des problèmes de personnel, il y
8 avait des honnêtes gens qui essayaient de réduire au silence de cette
9 façon. Pendant un moment, je crois que je vous ai surpris d'une certaine
10 façon, Monsieur le président, en racontant certaines histoires qui
11 circulaient au sujet des gens qui faisaient leur travail honnêtement en
12 s'adressant à Rajko Dukic. Il s'est efforcé de rester en place le plus
13 longtemps possible pour faire ce pourquoi les membres du SDA l'avait payé.
14 Q. Je vous remercie. Est-ce que nous pourrions voir ce qui suit après
15 Krajisnik. C'est Rajko qui intervient et je dis :
16 "Non, non. Rajko est ici. Il se sent coupable parce qu'il a recommandé
17 l'autre type, mais il ne devrait pas se sentir coupable."
18 Est-ce que vous conviendrai que nous avons tous commis des erreurs au sujet
19 de ces candidatures et nominations et ce que j'essaie de faire c'est de
20 supprimer le sentiment de culpabilité que pourrait ressentir Rajko Dukic ?
21 R. Pour autant que je le sache, Rajko Dukic était président du conseil
22 exécutif du parti démocratique serbe, c'était le numéro 1 du parti.
23 Q. Donc il est question de tout ce qui est en train de se passer et nous -
24 - la réplique qui indique que nous ne pouvons pas parvenir à ce que les
25 choses se fassent légalement au sein du MUP. Puis est-ce que vous pourriez
26 commencer à lire à partir des mots, "makako [phon]…"
27 R. "Mais bon sang, comment est-ce qu'il a pu se gourer autant. Ecoute,
28 j'ai dit à tous ces gens là-bas, messieurs, nous avons uniquement le droit
Page 4748
1 de vivre ensemble, et nous insisterons pour que ce droit soit respecté.
2 Nous ne laisserons personne déchirer la Bosnie sur le dos du peuple serbe.
3 Et voilà."
4 Karadzic, dit, je cite :
5 "Très bien."
6 Krajisnik, réplique en disant :
7 "Oui, en gros très bien."
8 Q. Alors est-ce que vous étiez au courant du fait que nous oeuvrions au
9 maintien d'une Bosnie-Herzégovine unie, et intégrée en tant qu'état dans
10 lequel régnait l'état de droit ?
11 R. Oui.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais le versement au dossier de cette
13 écoute téléphonique, en tout cas enregistrement aux fins d'identification.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'enregistrement aux fins
15 d'identification en tant que pièce D363. Mais il y a aussi des questions
16 administratives à traiter qui portent sur le document précédent, le 1D1882.
17 Il ne s'accompagne pas de traduction, donc nous voudrions l'enregistrer aux
18 fins d'identification.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il y a une traduction.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La lettre de Zupljanin à Plavsic ou
21 plutôt non, ce n'est pas une lettre c'est une note officielle. Je ne pense
22 pas qu'il y ait une traduction.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si, si, il y a une traduction.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais la dernière pièce qui s'accompagne
25 d'une traduction anglaise, est bien la pièce D362 ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] 263, pas 262, 263. Le document 1883.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon donc il n'y a pas de traduction
28 anglaise pour le document 1D1883, que nous enregistrons par conséquent aux
Page 4749
1 fins d'identification en attente de traduction.
2 Pour le document 1D1885, qui a été admis en tant que pièce D360,
3 enregistrée aux fins d'identification, j'ai vérifié dans le prétoire
4 électronique, pendant qu'on soumettait le document au témoin, et je n'ai
5 trouvé qu'un seul document sans traduction. Mais je ne suis pas sûr que M.
6 Sladojevic ne puisse pas remédier à la situation. Pour l'instant, nous
7 avons 80 documents, 80 pages de couverture de lettres, et la lettre que
8 vous avez montrée grâce au rétroprojecteur fait peut-être partie de ces 80
9 courriers dans un document. Je n'ai pas encore vérifié. Donc pour
10 l'instant, nous admettons ces deux pages qui ont été soumises au témoin,
11 car nous n'avons pas nécessité d'admettre l'intégralité de ce courrier.
12 Procédons.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Karadzic, Excellence, c'est une lettre
14 standard de recommandation, pour les 80. C'est un format normalisé, donc on
15 peut l'admettre tel quel parce que c'est le même texte pour les 80 noms.
16 C'est seulement le nom qui change, ce sont des formulaires.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous avons des
18 témoins qui confirmé qu'ils étaient 80. Donc nous n'avons pas besoin de
19 verser au dossier les 80 formulaires, ni de les faire traduire.
20 Donc veuillez procéder, Monsieur Karadzic.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
22 Je demande l'affichage du document 65 ter, numéro 0113. Je crois que ce
23 document a déjà été versé au dossier pendant l'interrogatoire de
24 l'Accusation. Je parle du document 65 ter numéro 30113. Ce n'est pas le
25 document qui s'affiche en ce moment-là, 30113. 30113 donc, il a peut-être
26 été enregistré aux fins d'identification.
27 Le voilà, oui, c'est bien ce document-là.
28 Maintenant, je demande l'affichage de la page 4 en version anglaise, et de
Page 4750
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 4751
1 la page 4 également en version B/C/S.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le document qui est devenu après
3 admission au dossier, la pièce P1079.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, sans doute enregistré aux fins
5 d'identification.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. Alors au milieu de la page, nous voyons Karadzic qui dit :
8 "Bon, alors dites-moi ce qui se passe à Prijedor."
9 Vous voyez le début de ce passage, c'est une conversation entre vous-même
10 et moi, en date du 22 juillet 1992, donc après les élections, après la
11 constitution du gouvernement, sept mois après la mise en place du
12 gouvernement. Pourriez-vous donner lecture de ce passage, je vous prie.
13 R. Radovan Karadzic :
14 "Bon, dites-moi : est-ce que vous avez des informations, l'après-midi, vers
15 5 heures de l'après-midi, ils ont mis en place un des leurs, là-bas ?
16 Maintenant c'est un homme, un des leurs, un homme musulman qui est à la
17 tête de la défense, c'est un membre de la Défense territoriale musulmane."
18 La réponse :
19 "C'est merci, et cetera."
20 Q. Merci, merci. Je voudrais vous poser maintenant la question suivante :
21 est-ce que ceci ne porte pas sur un problème bien précis, à savoir que sept
22 mois après la signature d'un accord entre les deux parties, cet accord
23 n'est pas respecté puisque à tous les postes importants on nomme des
24 Musulman ?
25 R. Il y a eu des cas de ce genre, Monsieur le président, oui.
26 Q. Merci. Ce document est déjà une pièce à conviction. Pour ma part, je
27 voulais simplement rappeler au témoin ce qui nous arrivait à l'époque.
28 Monsieur le Témoin, considérez-vous que les Serbes de Prijedor avaient des
Page 4752
1 raisons de s'inquiéter étant donné que la guerre en Croatie était toute
2 proche et qu'il y avait déjà des rumeurs qui couraient sur la distribution
3 d'armes, et cetera.
4 R. Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne sais pas comment les
5 gens se sentaient.
6 Q. Est-ce qu'on pourrait qualifier tout ceci de tricherie ou de l'heur,
7 des choses illégales ?
8 R. Il n'y a pas eu de tricherie. On a simplement -- de tromperie, on a
9 simplement pas respecté l'accord conclu.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Merci.
11 1D01393.
12 Je vois la réponse donnée par le témoin, mais ça n'a pas été inscrit au
13 compte rendu d'audience. On dit ici que ce n'était pas légal.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que ce n'était pas illégal, parce que
15 si une personne ne répondait pas aux conditions requises, à ce moment-là,
16 il n'y a rien d'illégal, c'est simplement que l'accord conclu entre les
17 parties n'était pas respecté.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. C'était contraire aux coutumes, n'est-ce pas ?
20 R. Mais quand on voit la répartition des communautés dans la population,
21 normalement on devait avoir au premier poste ou plus élevé, un représentant
22 d'une communauté, et puis on allait par ordre décroissant. Mais ça n'a pas
23 été respecté, mais ce n'était pas illégal.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on avoir maintenant l'affichage du
25 document 1D01393.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Nous avons la date du 12 février 1991, c'est-à-dire un mois après la
28 création du gouvernement de coalition. Je vais vous demander de donner
Page 4753
1 lecture ou vous demandez plus exactement, si vous êtes en mesure de lire ce
2 texte.
3 "S'agissant de l'évaluation de la situation en matière de sécurité…"
4 R. Ecoutez, ma vue n'est pas assez bonne, c'est illisible.
5 Q. Je m'en charge. Ceci a été envoyé à tous les comités municipaux du SDS,
6 à tous les comités, à tous les militants du SDS
7 vous lis le texte :
8 "S'agissant de la situation en matière de sécurité, signalons deux aspects
9 qu'il faut préciser. Premièrement, les appartements, habitations de membres
10 de l'armée de la JNA sont désignés par un signe précis, distinctif.
11 Deuxièmement, il circule des rumeurs selon lesquelles il y a des achats
12 illégitimes d'armes --"
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
14 M. TIEGER : [interprétation] C'est la pièce de l'Accusation 01458. Mais
15 c'est aussi la pièce D00259, et nous avons une traduction à notre
16 disposition, je tenais à le préciser car ceci pourra nous être utile, je
17 pense.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En d'autres termes, ce document a déjà
19 été versé au dossier. Voyons ce que donne cette cote.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est bien la pièce D259.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur Mandic, je vous rappelle ceci, cette lettre dit que les
23 habitations, appartements à des membres de la JNA étaient indiqués par des
24 signes distinctifs, comme ce fut le cas en Croatie, et deuxièmement, il y
25 avait des rumeurs disant que les gens se procuraient des armes. Les comités
26 que j'ai mentionnés sont priés d'établir des rapports, dont ils enverront
27 copie aux partis et copie aussi au chef de la garnison la plus proche de
28 leur lieu.
Page 4754
1 Est-ce que vous voyez qu'il y avait déjà des tensions qui se créaient du
2 fait de ces rumeurs, et qu'à l'époque aussi, parce qu'on apposait aux
3 demeures d'officiers de l'armée de la JNA des signes distinctifs ces
4 tensions montaient ?
5 R. Je sais qu'il y avait ce genre de chose en République de Croatie et
6 puis dans la partie limitrophe frontalière séparant la Croatie de la
7 Bosnie, le long de la rivière Una. Mais je ne sais pas si ça s'était fait
8 déjà dans la partie orientale, à cette époque-là.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque ce document a déjà été versé au
10 dossier, je demande l'affichage du document 30088 de la liste 65 ter, parce
11 que c'est en rapport avec ce sujet-ci. Je répète le numéro 30088.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Vous souvenez-vous, que M. Izetbegovic, jusqu'à la fin de janvier 1991,
14 était favorable au maintien de la Yougoslavie, telle qu'elle existait ?
15 R. Je sais parce que j'ai assuré la sécurité de ces fameux rassemblements
16 ou de ces fameuses réunions qui ont réuni les présidents de toutes les
17 républiques yougoslaves.
18 Q. Vous souvenez-vous qu'à la fin de janvier, le SDA avait annoncé
19 l'adoption d'une déclaration de souveraineté, qui était un pas franchi en
20 direction de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine ?
21 R. Oui.
22 Q. Ces tensions, toutes ces rumeurs qui circulaient vers la mi-février,
23 est-ce qu'elles indiquent que c'est précisément l'annonce qui avait été
24 faite de l'indépendance qui était la cause de ces tensions ?
25 R. Tout ce que je sais c'est que les Serbes voulaient rester au sein de la
26 Yougoslavie, telle qu'elle était. Pendant tout un temps, les Musulmans le
27 voulaient eux aussi. Le premier président de cette Yougoslavie tronquée
28 sans la Slavonie devait être musulman.
Page 4755
1 M. TIEGER : [interprétation] Je vois ce que dit le transcript à la page
2 96/18, on dit : "Janvier 1991." Je ne sais pas si c'était là ce que voulait
3 dire la question. Il y a peut-être une petite erreur au niveau de la date.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux peut-être vous aider :
5 "Jusqu'à la fin de janvier 1991" - c'est la question que j'ai posée
6 au témoin - "est-il vrai que jusqu'à cette date-là le SDA, Izetbegovic
7 était favorable au maintien de l'ancienne Yougoslavie ?"
8 La réponse a été : "Affirmative."
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. C'est seulement fin janvier, le 31 janvier, plus exactement, que
11 le SDA a changé une modification de politique, juste après les élections ?
12 R. Je ne sais pas si le SDA a changé de position en janvier 1991. Je ne
13 sais pas si ce fut le cas.
14 Q. Bon. Vous ne vous mêliez pas de politique, mais la première tentative
15 visant à adopter ce document s'est faite fin janvier 1991 ?
16 R. Je ne suis pas au courant de cela, Monsieur le président.
17 Q. Ici, nous avons une conversation que j'ai avec Zepinic qui avait été
18 mise sous écoute par ses propres services. Il était ministre adjoint.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir la deuxième page dans
20 les deux versions ?
21 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : Zepinic était vice-ministre.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Ici, où on dit : "Ah, ah."
24 R. "Je vais vous le dire, cette restructuration qui est en train de se
25 faire, il faut voir ce qu'elle va signifier dans les faits, et il ne faut
26 pas aussi qu'un seul de vos hommes soit limogé, si vous tous --"
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir la page 3 en anglais.
28 LE TÉMOIN : [interprétation]
Page 4756
1 "-- avant de voir si c'est bon ou pas. Il me faut signer quelque
2 chose. Simovic m'a envoyé quelque chose que je dois signer. Mais Simovic ne
3 me dit pas. Je crois que c'est oui, c'est Doko, ou Doka qu'il l'a. J'ai dit
4 à Simovic de m'appeler en toute urgence. Il est à une réunion du cabinet --
5 "
6 Ah, oui, je vois maintenant le texte à l'écran, on voit où il travaillait,
7 et maintenant je m'interroge -- je me demande comment on va muter ce jeune
8 homme peut-être qu'il est nécessaire là où il est. Peut-être est-il le seul
9 qui soit vraiment nécessaire dans ce service, et Simovic ne m'en a rien
10 dit. Mais c'est sans doute Doko qui l'a.
11 Q. Nous allons nous arrêter ici, à la page 4 en anglais. N'était-ce pas
12 une manipulation fréquente qui était opérée ? On faisait une
13 restructuration pour déloger un Serbe d'un service parce que s'il était
14 resté il aurait pu voir ce que faisaient ces collègues ?
15 R. Mais ça s'est fait aussi dans les forces de police, que j'ai décrit.
16 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de Knezevic qui était dans le
17 service des transmissions du ministère de l'Intérieur ?
18 R. Oui. Je pense qu'il était assistant ministre de la communication.
19 Q. Vous souvenez-vous que ce service de transmission avait été repris par
20 le SDA, lui aussi ?
21 R. Ça je ne suis pas au courant.
22 Q. Etes-vous d'accord pour dire que toutes ces mises sous écoute illégales
23 ça n'avait pas été le fait du MUP, mais du SDA ?
24 R. Ça a été fait aussi par le service dont je faisais partie, mais il y a
25 des gens qui ont emporté tous ces enregistrements, et pour les placer dans
26 un lieu bien précis, à un seul but, le Parti du SDA. Ça n'a jamais été le
27 parquet, ou l'Etat, qui a ordonné la mise sous écoute dans le cadre d'une
28 affaire ou d'une autre. Non, c'était des politiques de partis qui se
Page 4757
1 pratiquaient, c'était ce qui était bon pour un parti, et le chef de toute
2 cette équipe, le directeur de toute cette action s'appelait Munir
3 Alibegovic, qui dans les années 80 avait mis Izetbegovic sous les verrous.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on voir la page 4 en anglais,
5 la page 5 en serbe?
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. Regardez ici, Karadzic dit ceci :
8 "Mais comment peuvent-ils le licencier à notre insu ?"
9 Puis dans le dernier tiers, Karadzic dit ceci :
10 "Mais non, je ne sais pas qui est muté, qui a affecté Simovic à ce poste."
11 "Peut-être qu'il s'est arrangé avec Simovic."
12 Karadzic :
13 "Oui, oui. Moi, je t'en prie, arrange-toi parce que moi je ne veux
14 pas --"
15 "Simovic --"
16 Karadzic :
17 "N'en laisse pas partir un seul. J'ai dit à Simovic -- ou du
18 gouvernement de laisser le gouvernement et -- enfin, on se parlera au
19 téléphone. Il n'y a pas un seul poste qu'il peut -- enfin…"
20 Q. Est-ce que vous pouvez sauter un passage pour voir ici où Karadzic dit
21 : "Pane" ?
22 R. "Mais non, Kuzenovic devrait être resté parce que si ceci est bon pour
23 nous, on ne peut pas le déplacer à notre insu. Mais ce qui compte, c'est
24 que jamais -- ils ne pourront jamais rien faire avec."
25 Zepinic :
26 "Non. Il faut comprendre que hier, hier soir, on a en parlé à une
27 réunion du comité. Pas question. Exclu."
28 Karadzic dit :
Page 4758
1 "Mais, enfin, arrange une réunion matinale quotidienne pour voir ce qui
2 s'est passé la veille et ce qui a pu être préparé pour la journée. Rien,
3 aucune affectation de poste ne doit se faire sans le plein assentiment de
4 tous les Serbes."
5 Zepinic :
6 "Bien, attends. Je ne sais pas. Il faudrait voir ce qu'il en est, en parler
7 à Simovic."
8 Karadzic :
9 "Parce que le résultat de tout ceci c'est que nous avons préparé un
10 scénario et ça va être horrible."
11 Vous voulez que je continue, Monsieur Karadzic ?
12 Q. Oui, mais abstenez-vous de prononcer le mot qui commence par "m" en
13 français.
14 R. "Bon, nous avons préparé ceci, mais pour éviter cela, il faut se
15 rencontrer tous les jours."
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on voir la page suivante en serbe. Ce sera
17 la page 5 en anglais.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Zepinic :
19 "Mais c'est vraiment surprenant."
20 Karadzic :
21 "Parce que ce gouvernement, il est partagé par les trois nations et on va
22 faire les bêtes. Si on n'est pas assez malins, si les autres ne font pas
23 attention, c'est eux qui vont s'en sortir vainqueur."
24 Zepinic :
25 "Ça, j'en suis sûr."
26 Karadzic :
27 "Mais c'est ce qui se passe dans toutes les communautés plurinationales. Il
28 y a partage du pouvoir et chaque communauté essaie de ne pas se laisse
Page 4759
1 avoir et, nous, on nous a eu au MUP, surtout à la Sûreté de l'Etat. On a
2 perdu au change et on ne sait pas aussi…"
3 Q. Est-ce que c'est clair ici, Monsieur Mandic, ce que je demande ici, ce
4 n'est pas que moi ou le parti nomme ces personnes, mais que le MUP au
5 collège se mettent d'accord et que la solution trouvée soit acceptable à
6 nos yeux ?
7 R. Oui.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on donner la page suivante en serbe ? En
9 anglais, c'est la page 7.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Alors, c'est le paragraphe, c'est la ligne 7 en partant du bas. Un
12 certain Suka, qu'ils essaient de faire passer.
13 Veuillez attendre juste quelques instants.
14 R. Karadzic :
15 "Mais attendez s'il vous plaît. Brane Suka a la pire réputation
16 auprès des vrais Serbes. Il mettait sous écoute nos locaux là-bas et il
17 fouillait" - suppose que c'est ce que ça veut dire - "il fouillait le
18 magasin de vivres."
19 Zepinic :
20 "Alors, comment se fait-il qu'ils me le proposent ?"
21 Karadzic :
22 "Qui le proposent ?"
23 Zepinic :
24 "Devedlaka et toute cette compagnie."
25 Karadzic :
26 "Mais Devedlaka et la compagnie ne peuvent pas le proposer tant qu'on
27 ne s'est pas réunit, tout le collège serbe. C'est impossible."
28 Zepinic :
Page 4760
1 "Nous ne sommes pas au courant et eux non plus."
2 Karadzic :
3 "S'il vous plaît, ne transmettez pas cela. Ils ne doivent pas être au
4 courant. Il ne faut rien faire à titre individuel. Ici, il s'agit d'une
5 affaire privée. L'ensemble du collège doit se réunir et dire, concernant
6 tel et tel poste, nous proposons telle et telle personne. Et je vous
7 demande que plus personne n'agisse à titre privé parce que personne n'a le
8 droit de faire cela."
9 Q. Est-ce que cela ne confirme pas que le parti n'est pas en train de
10 demander tout cela pour son propre compte, mais qu'il est en train de
11 demander en fait que l'ensemble du collège serbe se réunisse pour parvenir
12 à un accord ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous vous rappelez qu'il y ait eu le moindre bon policier
15 professionnel, le moindre bon professionnel que nous aurions rejeté et qui
16 serait resté à l'extérieur, qui serait resté hors du service de police de
17 la nouvelle organisation démocratique ?
18 R. Non, aucun.
19 Q. Merci.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, passons à la page 9 de la version
21 anglaise et la page suivante en serbe.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Pouvez-vous lire le paragraphe le plus important ?
24 R. Citation :
25 "Très bien. Alors, veuillez faire en sorte que le collège se réunisse tous
26 les matins et que tout cela soit fait. Hier, j'étais avec Izetbegovic et
27 Zulfikarpasic et j'ai dit, très clairement, je lui ai dit en face que nous
28 allions former un gouvernement parallèle, une police parallèle, que nous
Page 4761
1 allions retirer tous nos hommes et que le gouvernement aurait l'obligation
2 de les payer, que nous allions retirer tous nos hommes en arme et que nous
3 allions former un Etat parallèle si, vous, vous continuez à…"
4 Q. [aucune interprétation]
5 R. "…faire n'importe quoi, et lui, il se contentait de me regarder et de
6 sciller [phon], parce que c'est vraiment ce que nous allons faire. Même
7 Dieu ne peut pas nous en empêcher, parce que ce sont eux qui ont commencé à
8 nous jouer des tours. Il n'y a pas la moindre hésitation à cet égard. En
9 une semaine, nous allons le faire. Qu'il y ait la guerre dans ce cas-là
10 mais, au moins, c'en sera terminé avec tout ça."
11 Q. Ensuite.
12 A. Karadzic :
13 "Nous allons en finir avec tout ça et toutes ces petites tromperies,
14 c'est terminée. Nous sommes devant la signature d'un document très
15 important, signature conjointe avec eux, avec les Musulmans, mais, moi, je
16 ne signerai pas tant que tous ces différents -- tout cela ne sera pas
17 terminé, et je maintenant voir Devedlaka afin qu'il n'ose plus jamais faire
18 des propositions en privé en avançant le nom d'un tel ou d'un tel,
19 propositions qui n'auront pas été vérifiées au sein du parti."
20 Q. Merci. Vous rappelez-vous les dates du 22 au 24 juillet ? Vous
21 rappelez-vous qu'il s'agissait à cette date d'un accord historique passé
22 entre les Serbes et les Musulmans, qui avait été obtenu avec Zulfikarpasic
23 du côté musulman, qui agissait au nom d'Izetbegovic ? Je parle de -- je dis
24 ici que je signerai les accords uniquement s'ils sont appelés à être
25 honorés.
26 R. Oui. M. Zulfikarpasic était président du parti des musulmans. Il avait
27 été choisi par M. Izetbegovic pour négocier avec les Serbes la signature de
28 cet accord. C'était censé être un accord historique entre les Musulmans et
Page 4762
1 les --
2 Q. Merci.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document aux fins
4 d'identification.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il reçoit la cote D364, aux fins
7 d'identification.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous devons arrêter
9 votre contre-interrogatoire pour le moment, il y a un certain nombre de
10 questions que la Chambre souhaite soulever à ce stade.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'avais encore un autre document portant cette
12 même date, mais je peux y revenir demain.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première chose, vous concerne,
14 Monsieur Mandic.
15 La Chambre de première instance a été informée de ce que vous souhaitiez,
16 vous vouliez pouvoir rentrer chez vous ce week-end. Car il est peu probable
17 que vous terminiez votre témoignage à la fin du week-end, et nous n'allons
18 pas siéger ni le vendredi 9 juillet ni le lundi 12 juillet, et vous avez
19 garanti que vous alliez y revenir pour terminer votre déposition, une fois
20 le week-end passé. Je pense qu'il faut vous autoriser à rentrer chez vous,
21 parce que le week-end va se prolonger et nous remercions la Section des
22 Victimes et des Témoins, qui a pris toutes les dispositions nécessaires.
23 Mais je vous rappelle, comme je l'ai déjà fait auparavant, qu'il est
24 impérieux que vous ne parliez à personne de la teneur de votre déposition,
25 tant que celle-ci n'est pas terminée.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Merci, Madame et Messieurs les Juges, il y va de soi. Je respecterais
28 rigoureusement vos conditions.
Page 4763
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La deuxième question ne vous concerne
2 pas, mais peut-être Me Robinson pourra-t-il intervenir pour M. Karadzic.
3 Ceci concerne une des requêtes demandant une ordonnance contraignante.
4 La Chambre est en phase de décider de trancher la requête déposée à cet
5 égard par l'accusé, vous le savez. Seules deux requêtes sont en souffrance,
6 celle qui concerne la Croatie et celle qui concerne la Bosnie-Herzégovine.
7 S'agissant de la première, la Chambre a reçu les arguments de la Croatie le
8 24 mars, la Croatie, il dit qu'elle est toujours à la recherche des
9 documents sollicités par l'accusé. Elle ajoute qu'elle est prête à fournir
10 à l'accusé, une liste de documents qu'il pourra inspecter.
11 Avant de se prononcer sur la requête, la Chambre aimerait savoir ceci, est-
12 ce que quelque chose a changé depuis, y a-t-il quelque chose de neuf, plus
13 exactement; est-ce que la Défense a reçu de la part de la Croatie davantage
14 de document, depuis le 24 mars ? La Défense a-t-elle été en contact avec
15 les autorités de Croatie pour pouvoir procéder à l'inspection, à l'examen
16 des documents. Quelle est l'attitude de la Défense, à son avis quelle est
17 la meilleure démarche à adopter ?
18 Avant de se prononcer la Chambre aimerait avoir l'aide de la Défense qui
19 pourrait répondre par écrit, à ces questions d'ici à la fin de la semaine,
20 dans la mesure du possible.
21 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête de Me Robinson.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprendrons l'audience, demain à 9
23 heures.
24 L'audience est levée.
25 [Le témoin quitte la barre]
26 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mercredi 7
27 juillet 2010, à 9 heures 00.
28