Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 20 juillet 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Veuillez poursuivre, Madame Uertz-Retzlaff.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  9   Madame, Messieurs les Juges.

 10   LE TÉMOIN : HUSSEIN ABDEL-RAZEK [Reprise]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   Interrogatoire principal par Mme Uertz-Retzlaff : [Suite]

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 14   Nous allons ce matin essayer une nouvelle diffusion de la séquence vidéo,

 15   dont le numéro 65 ter est 45025. J'espère qu'aujourd'hui nous avons la

 16   bande son.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Tout fonctionnait bien il y a dix

 19   minutes; je ne comprends pas pourquoi cela ne fonctionne pas maintenant.

 20   Non, cela ne fonctionne pas, donc nous abandons pour le moment.

 21   Y a-t-il une explication de ce non fonctionnement ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La juriste de la Chambre est en train de

 23   s'enquérir de la situation. Peut-on essayer une nouvelle fois ?

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Cette séquence est la deuxième que je

 26   souhaite faire diffuser, manifestement cela ne fonctionne toujours pas.

 27   Apparemment, le problème ne peut se résoudre dans les médias, c'est dommage

 28   que l'on n'entende pas les propos du Dr Karadzic, mais --

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les responsables audio/vidéo entendent

  2   le son dans la cabine de la régie, mais nous ne l'entendons pas. Donc le

  3   problème se résoudra sans doute plus tard.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bien. Dans ce cas, passons à autre

  5   chose; nous reviendrons sur ces vidéos plus tard.

  6   Q.  Dernier sujet qui m'intéresse, expulsion de la population, ce sujet

  7   fera l'objet de deux documents soumis au témoin. Mais avant d'en arriver

  8   là, Monsieur, vous dites, dans votre déclaration préalable, que le

  9   nettoyage ethnique a été un sujet majeur durant les réunions avec les

 10   dirigeant serbes de Bosnie, cette expression "nettoyage ethnique," comment

 11   l'entendiez-vous ?

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   L'INTERPRÈTE : Le témoin est invité à allumer son micro.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous allumer votre micro,

 15   Monsieur ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas utilisé l'expression "nettoyage

 17   ethnique." Je parlais d'incidents particuliers. Ce qui m'intéressait

 18   c'était les informations que nous recevions de la police et des

 19   vérificateurs internationaux au sujet de l'expulsion de population

 20   musulmane dans la région de Gorazde, si je ne me trompe ou dans une zone

 21   similaire. En effet, un rapport avait indiqué que 300 personnes à peu près

 22   avaient été expulsées de leurs domiciles. J'ai envoyé par écrit des

 23   renseignements à ce sujet à la direction, en expliquant que les populations

 24   musulmanes étaient en train d'être expulsées de la région de Gorazde.

 25   Certains Musulmans trouvant à se loger dans des hôtels de la région, mais

 26   certains éléments indiquaient que des événements de ce genre se

 27   développaient dans d'autres régions également. Je voulais donc que la

 28   direction connaisse ces incidents de façon à mettre des mesures en place

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  1   aux plus hauts niveaux.

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

  3   Q.  Lorsque vous avez parlé avec les dirigeants serbes de Bosnie de ces

  4   pratiques, ont-ils jamais utilisé l'expression "nettoyage ethnique" ?

  5   R.  Non, ils n'ont pas utilisé exactement ces mots-là, les mots "nettoyage

  6   ethnique," mais j'entendais sans cesse dans leur bouche ou, en tout cas,

  7   presque en permanence pendant nombre de réunions qu'il y avait des

  8   difficultés à vivre ensemble avec ces populations.

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65

 10   ter numéro 01137. Première page du document, je vous prie, sur les écrans.

 11   J'indique au préalable qu'il s'agit d'un rapport émanant de Tadeusz

 12   Mazowiecki, rapporteur spécial sur les droits humains, datant du 21 [comme

 13   interprété] août 1992.

 14   Q.  Général, dans votre déclaration préliminaire au paragraphe 52, vous

 15   évoquez ce document en déclarant que c'est l'un des documents que vous avez

 16   examiné avant de vous rendre à Sarajevo. Voici maintenant ma question :

 17   Avez-vous également relu ce document à votre arrivée ici le week-end

 18   dernier ?

 19   R.  Oui, je l'ai revu. Ce document, comme d'autres, se trouvait dans la

 20   liasse de documents d'information qui m'ont été remis au début de mon

 21   mandat pour les Nations Unies à Sarajevo lors de ma rencontre avec le

 22   général Nambiar. Le général Nambiar m'ayant déclaré que l'un des problèmes

 23   auquel je serais confronté était l'accroissement du nombre d'expulsions des

 24   habitants hors de leur domicile. Il déclarait que c'était l'un des

 25   événements auquel il devait être mis un terme en raison du préjudice que

 26   cela causait pour notre mandat en Yougoslavie.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage de

 28   la page 4 de ce document, et plus précisément du paragraphe 7.

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  1   Q.  Ce paragraphe 7 est précédé d'un chapeau dans lequel est évoqué la

  2   politique de nettoyage ethnique poursuivi dans les territoires sous

  3   contrôle serbe.

  4   Monsieur, pendant que vous vous trouviez à Sarajevo, avez-vous été informé

  5   de l'existence d'une telle politique ? Avez-vous appris qu'elle était en

  6   œuvre pendant votre séjour à Sarajevo ?

  7   R.  C'était là l'un des problèmes au sujet desquels nous n'avons cessé

  8   d'être mis en garde. Je me rappelle l'une des réunions durant laquelle nous

  9   avons soulevé la question avec Mme Plavsic. Elle a déclaré :

 10   "Ils ne peuvent pas vivre ensemble. Il y a 500 familles à Sarajevo

 11   que nous souhaiterions voir hors de Sarajevo car nous avons des inquiétudes

 12   pour leur vie et pour leur existence au quotidien. Je lui ai répondu que

 13   ceci était totalement contraire à notre mission et que des questions de ce

 14   genre devaient être traitées au niveau politique alors que, pour ma part,

 15   j'étais un militaire."

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Passons maintenant à la page 6 sur

 17   les écrans, je vous prie, pour nous pencher sur le paragraphe 17.

 18   Q.  Dans ce paragraphe 17, nous lisons, eu égard à ce qui était en train de

 19   se passer à Sarajevo, je cite :

 20   "La ville est pilonnée régulièrement dans le cadre de ce qui semble être

 21   une volonté délibérée de répandre la terreur parmi la population. Les

 22   tireurs embusqués tirent sur des civils innocents. La mission a rendu

 23   visite à l'hôpital, où elle a vu nombre de victimes civiles. Elle a pu

 24   constater les dégâts subis par l'hôpital en tant que tel, qui a été

 25   délibérément pilonné à plusieurs reprises en dépit du fait que le symbole

 26   internationalement reconnu de la Croix-Rouge y était visible."

 27   Général, ce qu'écrit le rapporteur spécial dans cette partie du rapport,

 28   l'avez-vous observé sur place ?

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  1   R.  En fait, les rapports qui proviennent des Nations Unies, je veux parler

  2   des observateurs militaires des Nations Unies, ou qui proviennent de la

  3   police ou des organisations humanitaires qui travaillaient dans la région

  4   de Sarajevo rendaient tous compte de cette situation pénible, à savoir

  5   l'aggravation spectaculaire de la qualité de la vie au quotidien pour les

  6   habitants et la pénurie en services indispensables, de même que la pénurie

  7   en vivres et en médicaments. Les habitants reflétaient la terreur sur leurs

  8   visages. Les gens étaient terrorisés, et j'ai vu les habitants courir sous

  9   l'effet de la peur causée par les tireurs embusqués. Pour ce qui nous

 10   concerne aux Nations Unies, nous subissions également le risque de ces

 11   tireurs embusqués chaque fois que nous nous déplacions dans les rues. La

 12   vie était très difficile, empreinte de désespoir, notamment pour les civils

 13   dans la région de Sarajevo.

 14   Q.  A cet égard, si vous vous penchez sur le paragraphe 18 du texte, nous y

 15   voyons mention des effets sur la population civile d'une telle situation.

 16   Etant donné leur état constant d'angoisse, la population ne quittait ses

 17   domiciles et ses abris que lorsque c'était indispensable et était gravement

 18   affecté par les combats et par le siège de la ville.

 19   Est-ce que les habitants étaient affectés de cette façon ? Est-ce que

 20   vous avez constaté cela sur place ?

 21   R.  Oui, en effet, de façon très claire.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 23   versement au dossier de ce document.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de vous donner la parole, j'ai

 26   quelques questions à adresser au témoin.

 27   Général Abdel-Razek, l'Accusation a déclaré que ce document était le

 28   rapport du rapporteur spécial, mais en première page nous lisons, je cite :

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  1   "Lettre du représentant permanent des Etats-Unis auprès des Nations Unies."

  2   Pourriez-vous nous dire exactement quelle est la nature de ce document ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Un grand nombre de documents a été diffusé à

  4   différents niveaux hiérarchiques, à commencer par le niveau fondamental du

  5   terrain à Sarajevo. En dehors des copies de documents envoyés aux Nations

  6   Unies, il y avait d'ailleurs des copies de ces documents qui étaient

  7   adressées à la direction de Zagreb, et j'en recevais également des copies.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, à votre avis, quelle est la nature

  9   exacte de ce document ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle de la situation. Je ne suis pas

 11   rentré dans les détails au sujet de ce document. Ce dont je parle, c'est la

 12   situation évoquée par l'Accusation, à savoir la situation qui prévalait à

 13   Sarajevo. Je parle précisément des questions évoquées par la représentante

 14   du bureau du Procureur au sujet de Sarajevo, mais je n'ai pas le souvenir

 15   de tous les détails. Ce que la représentante de l'Accusation a évoqué

 16   lorsqu'elle a cité un passage de ce document concernant Sarajevo concorde

 17   exactement avec la situation que j'ai vécue moi-même, ainsi que d'autres

 18   représentants des Nations Unies à Sarajevo à l'époque.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. J'aimerais vous entendre, Maître

 20   Robinson.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 22   Je pense qu'il y a ici une situation assez particulière car ce document est

 23   finalement un rapport d'enquête, et j'appellerais l'attention des Juges de

 24   la Chambre de première instance sur la décision rendue dans l'affaire

 25   Milutinovic qui porte sur le versement des éléments de preuve par le

 26   truchement du Témoin Sandra Mitchell et du Témoin Frederick Abrahams,

 27   décision dans laquelle les Juges de la Chambre ont exclu les éléments de

 28   preuve provenant de Human Rights Watch et des enquêtes menées par cette

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  1   organisation dans le cadre d'un rapport compilé par elle au sujet des

  2   atrocités commises au Kosovo. Je pense que lorsque nous sommes face à des

  3   éléments de preuve comme celui-ci, finalement il s'agit d'un rapport

  4   d'enquête provenant d'une tierce personne, il n'est pas admissible que ce

  5   document devienne une pièce à conviction sans que sa fiabilité ait été

  6   démontrée, et il y aura sûrement d'autres occasions de se pencher sur cet

  7   élément de preuve. Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous ne contestez pas

  9   l'authenticité de ce document, qui est un rapport d'un rapporteur spécial ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact. Aucun problème au sujet de

 11   l'authenticité.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff; est-ce que vous

 13   avez quelque chose à ajouter ?

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ceci un

 15   document officiel des Nations Unies, en dépit des premiers mots qu'on peut

 16   lire en haut du document. C'est un document qui porte sur la situation que

 17   le rapporteur spécial des Nations Unies a découvert sur le terrain, et il

 18   vient d'être confirmé en partie par le témoin.

 19   Je peux, bien sûr, soumettre au témoin tous les paragraphes de ce

 20   document, et nous entendrons sûrement d'autres détails, mais je pense que

 21   ce qui vient d'être fait suffit pour que ce document soit admissible.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Si vous me

 23   le permettez, je crois que la citation de Me Robinson est un peu trompeuse

 24   pour plusieurs raisons. D'abord la question liée à M. Abrahams portait sur

 25   la volonté de verser au dossier des déclarations individuelles de témoins,

 26   si je me souviens bien, et finalement, M. Abrahams a parlé de ce rapport

 27   dans son témoignage. Donc le rapport a été admis. Le rapport de M.

 28   Mazowiecki a été soumis à plusieurs témoins, en diverses occasions.

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  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que ceci

  2   n'est pas un élément de preuve en l'espèce ? Je suis désolé de m'adresser à

  3   M. Tieger, puisque c'est le dernier qui a pris la parole. L'élément de

  4   preuve en l'espèce vient de ce témoin, du général qui a confirmé la réalité

  5   factuelle de ce qu'indique ce document pour partir, en tout cas, document

  6   qui peut servir d'aide-mémoire au témoin. Mais cela ne prouve pas la valeur

  7   de ce document. Cela montre simplement qu'il y a concordance entre ce qui

  8   est écrit dans ce document et ce que le général mémorise et dont il peut

  9   attester. Donc si le document est admis, il ne peut être admis qu'en

 10   partie, dans sa partie qui concorde avec la déposition du témoin. Le

 11   document tout entier ne peut pas être un élément de preuve, ça, c'est

 12   certain.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 14   Juges, comme Mme Uertz-Retzlaff vient de le souligner, ce document n'a pas

 15   besoin d'être avéré par le biais de ce témoin. C'est un document officiel

 16   des Nations Unies dont l'authenticité n'est pas contestée. J'aurais

 17   tendance à insister, je me rends bien compte de ce que vous venez de dire,

 18   Monsieur le Juge, qui est tout à fait correct sur le plan logique, mais

 19   j'ai bonne confiance que la Chambre souhaite profiter des meilleures

 20   informations qu'elle peut obtenir, des informations les plus globales afin

 21   de rendre les décisions les plus valables. Ce rapport rencontre des efforts

 22   de la communauté internationale et du rapporteur spécial. C'est sans aucun

 23   doute un document que la Chambre aura intérêt à prendre en compte lors de

 24   ses libérations. Il est donc certainement admissible étant donné qu'il l'a

 25   été dans d'autres affaires.

 26   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, il n'est pas

 27   contesté que ce soit un document officiel, et il n'est pas contesté que ce

 28   document, je vous donne mon avis personnel peut être admis dans un but bien

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  1   précis et circonscrit. Ce document a sa propre valeur du point de vue de

  2   son authenticité, mais le simple fait qu'il soit admissible ne prouve pas

  3   la véracité de son contenu, qui doit être attesté. Voilà la question sur

  4   laquelle nous nous concentrons en ce moment.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Juge, je comprends bien et je me

  6   rends bien compte que plus la Chambre dispose d'informations d'une nature

  7   similaire à celle que produise ce document, étant donné la façon dont il a

  8   été élaboré et tous les détails qui l'entourent, plus la Chambre va pouvoir

  9   accorder de poids à cet élément de preuve.

 10   Par ailleurs, l'affaire à laquelle nous participons est une affaire dans

 11   laquelle les Juges de la Chambre pourront bénéficier d'informations

 12   provenant de sources diverses, et finalement ce sont les Juges qui

 13   assigneront le poids qui convient à chacun des documents qui leur seront

 14   soumis, sur la base de la totalité des éléments de preuve. C'est la raison

 15   pour laquelle il est important d'obtenir des renseignements de nature très

 16   diverse de façon à voir comment ils peuvent se recouper avant de déterminer

 17   quelle est la conclusion définitive en l'espèce, sur la base de l'ensemble

 18   des éléments de preuve et quel poids il convient à leur accorder. J'ai

 19   bonne confiance que cette Chambre comme d'autres Chambres de première

 20   instance sera en mesure d'apprécier le poids exact qu'il convient de donner

 21   à chacune des allégations contenues dans ce document, et en particulier aux

 22   renseignements qu'il convient dès lors qu'ils auront été comparés à

 23   d'autres éléments de preuve en l'espèce.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, un aspect

 25   supplémentaire.

 26   Nous allons soumettre au témoin d'autres rapports des Nations Unies

 27   d'une nature similaire et des résolutions des Nations Unies également.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Madame Uertz-

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  1   Retzlaff. Nous avons déjà passé trop de temps sur cette question.

  2   Ceci est un document officiel des Nations Unies. La situation qui est

  3   évoquée dans ce document a été confirmée par le témoin. Le poids à accorder

  4   à ce témoin est une question tout à fait différente qui fera l'objet des

  5   appréciations ultimes de la Chambre. Il n'y a donc aucun problème à

  6   l'admettre en tant qu'élément de preuve en cet instant. Le document est

  7   admis.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P1265, Monsieur

  9   le Président.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un point encore de précision,

 11   Madame Uertz-Retzlaff. Vous avez évoqué la déclaration préliminaire du

 12   témoin, dans laquelle il aurait dit que le nettoyage ethnique était un

 13   sujet majeur ?

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez --

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est la déclaration --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me dire à quel

 18   paragraphe figure cette déclaration ?

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, c'est au paragraphe 41 de la

 20   déclaration du témoin de 2002.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Malheureusement, nous avons cette

 22   déclaration, sans numérotation des paragraphes. Quelle est la page ?

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Alors j'aurais besoin de vérifier.

 24   C'est en page 8, avant-dernier paragraphe. Le témoin, il déclare, je cite :

 25   "Je me rappelle que c'était un sujet majeur à pratiquement toutes les

 26   réunions avec les dirigeants serbes de Bosnie."

 27   Il parlait du nettoyage ethnique. Le numéro ERN de la page est R109 --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, j'ai trouvé le passage. Je cite :

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  1   "Quant à l'expression 'nettoyage ethnique' elle a toujours été utilisée

  2   pendant mes réunions avec les dirigeants serbes de Bosnie. Je me rappelle

  3   que c'était un sujet majeur durant pratiquement chacune de ces réunions."

  4   Je vous remercie.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du

  6   document 65 ter numéro 01629.

  7   Ce document est un rapport de situation provenant d'un membre de la police

  8   civile des Nations Unies, M. Theriault, en date du 30 septembre 1992, et

  9   qui porte sur l'expulsion de 300 habitants musulmans de Grbavica, vers Novo

 10   Sarajevo.

 11   Q.  Général, vous avez évoqué il y a quelques instants, les 300 Musulmans

 12   expulsés de Gorazde. Je vous demande si le rapport que vous avez à présent

 13   sous les yeux est lié à l'événement dont vous venez de parler ?

 14   R.  Oui, oui. Ce rapport est l'un des rapports de police que j'ai reçus. Je

 15   veux parler de la police de Sarajevo, ce représentant de la police est venu

 16   dans mon bureau en personne. Il était très troublé par cet incident, et on

 17   a parlé durant les réunions que j'ai eues avec la partie serbe en

 18   particulier avec Mme Plavsic. Comme je l'ai déjà dit, ceci envoie un

 19   message très complexe et très perturbant. Au lieu de consacrer notre temps

 20   à l'exécution de nos missions, nous étions contraints de porter notre

 21   attention sur d'autres missions, et des incidents de ce genre étaient un

 22   véritable choc pour la communauté internationale. Je l'ai dit à de

 23   nombreuses reprises pendant les réunions que j'ai eues avec elle.

 24   Q.  A-t-elle admis que ceci était en train de se produire et que vous

 25   alliez agir en conséquence ou en tout cas, quelle a été sa réaction ?

 26   R.  Mme Plavsic a souvent examiné la question, et j'ai eu d'ailleurs une

 27   réunion ultérieure avec elle, pour l'entendre sur ce sujet; mais à ce

 28   moment-là, elle a parlé d'autres questions et n'a pas fourni de réponse

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  1   définitive sur toutes les questions qui avaient été soulevées pendant les

  2   réunions précédentes.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

  4   versement au dossier de ce document.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est admis.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P1266, Monsieur le

  7   Président, Madame et Messieurs les Juges.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais intervenir une nouvelle fois.

  9   Général, un point de précision, je vous prie. Au compte rendu d'audience

 10   d'aujourd'hui, en page 3, ligne 4, vous avez dit, il est question du

 11   nettoyage ethnique, je cite, vous avez dit :

 12   "Non, ils n'ont pas utilisé ces termes exacts, à savoir les termes

 13   "nettoyage ethnique," mais je n'ai cessé de les entendre constamment ou

 14   pratiquement constamment dans de nombreuses réunions en train de dire qu'il

 15   y avait des difficultés à vivre ensemble avec cette population."

 16   Mais Mme le Juge Lattanzi déclare que ce qu'elle a entendu de l'interprète

 17   de cabine française était un peu différent, donc pourriez-vous préciser qui

 18   avait des difficultés avec qui.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] L'expression "vivre ensemble" est une

 20   expression que j'entendais pendant les réunions que j'avais avec les

 21   dirigeants serbes de Bosnie. Ils utilisaient souvent cette expression en

 22   disant aujourd'hui, ils ont des difficultés à vivre ensemble et il faudrait

 23   que de nouvelles dispositions soient mises en place. Ils avaient une carte

 24   géographique en couleurs qui permettait d'expliquer que voilà telles

 25   régions doivent être données aux Croates, telles régions aux Serbes, et

 26   telles autres régions au Musulmans donc ils ne nient pas l'existence du

 27   problème. Ils m'ont remis un exemplaire de cette carte, et considéraient

 28   que ce que cette carte représentait était la solution idéale pour régler le

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  1   problème dès lors que le problème avait explosé et avait provoqué un

  2   conflit sanglant. Mais je n'ai pas utilisé l'expression "nettoyage

  3   ethnique" dans son sens anglais. Je parlais de l'expulsion de certaines

  4   populations, l'expulsion de certains habitants qui avaient une appartenance

  5   ethnique déterminée, en tant qu'événement que j'ai constaté de mes yeux, de

  6   la façon la plus claire qui soit. Mais je ne saurais parler de cela en tant

  7   que politique globale pratiquée surtout le territoire yougoslave. Je parle

  8   de ce que j'ai entendu à mon quartier général, des incidents qui ont

  9   perturbé mon travail, et eux décrivaient ces incidents de façon détaillée;

 10   en parlant d'expulsion de population dans une zone déterminée, à savoir la

 11   région de Gorazde. C'est la région dont nous sommes en train de parler.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Général.

 13   Je reviens à vous, Madame Uertz-Retzlaff.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Nous allons essayer encore une

 15   fois la diffusion de la vidéo --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'indique qu'un essaie sera fait

 17   pendant la pause. Donc si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous pourrions

 18   y revenir, pendant le contre-interrogatoire, avec l'indulgence de la

 19   Défense.

 20   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Dans ce cas, Monsieur le

 21   Président, je suis arrivé au terme de mon interrogatoire principal.

 22   Je demanderais que les pièces à conviction associées évoquées dans la

 23   déclaration du 16 juillet du témoin soient admises au dossier. Elles

 24   constituent une partie indispensable et inséparable de la déclaration

 25   préliminaire du général.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections de la Défense ?

 27   Une observation mineure. Qui concerne le document 65 ter numéro 40003, qui

 28   est une séquence vidéo, où l'on voit les images d'une rencontre entre le

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  1   général Abdel-Razek et le général Galic, je ne trouve pas la référence de

  2   ce document dans la déclaration préliminaire du témoin.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il y a une référence, mais je

  4   n'insisterais pas sur la diffusion de cet élément de preuve particulier car

  5   il ne fait que confirmer que le témoin que vous avez devant vous a bel et

  6   bien rencontré le général Galic. Donc je n'insisterai pas pour que cette

  7   vidéo soit diffusée.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le numéro 65 ter quel est-il 08586,

  9   peut-être ? Je n'ai pas trouvé la référence à ce document dans la

 10   déclaration préliminaire du témoin. Mais on m'a indiqué qu'il s'agissait

 11   d'un doublon par rapport au document 65 ter numéro 11352. En tout cas,

 12   j'aimerais savoir à quel endroit de la déclaration préliminaire du témoin

 13   on trouve une référence à ce document.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] La page 6 -- le numéro -- le document

 15   656 est mentionné -- à la page R109-1986, paragraphe 5. J'ai tout vérifié 

 16   --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous donner le numéro de

 18   la page ?

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Page 11. Si vous regardez l'avant-

 20   dernier paragraphe, il y a une référence à un document du 10 octobre. Qui

 21   est le document dont nous parlons justement, dans lequel -- il s'agit du

 22   rapport de la FORPRONU envoyé à Thornberry.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est écrit :

 24   "J'ai rendu compte au Pr Koljevic."

 25   Donc il semble que ce soit un rapport envoyé au Pr Koljevic.

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, cela porte sur une conversation

 27   avec Koljevic.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans sa conversation avec le Pr

Page 5528

  1   Koljevic, il fait référence à ce document précis des Nations Unies; c'est

  2   cela ?

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Tout à fait.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce n'est pas très clair.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je n'arrive pas à retrouver ce

  6   document dans mon classeur, je vais vérifier. J'avais déjà vérifié

  7   d'ailleurs, et c'était bel et bien cela.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Sous réserve de clarification

  9   ultérieure en ce qui concerne le document 8656, et vous allez retirer le

 10   40003, n'est-ce pas, si vous acceptez tout cela nous admettrons tous les

 11   autres documents.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Greffier vous fera connaître les

 14   cotes en temps et heure.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Juge Morrison a encore une question à

 17   poser au témoin avant le contre-interrogatoire.

 18   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] "Salam alaikum," Général.

 19   Je me demandais si vous pouviez nous dire à quoi ressemblait l'équipe que

 20   vous commandiez. Combien de personnes étaient sous vos ordres ? Quels

 21   grades avaient-ils, et est-ce que vous aviez une liberté de déplacement ?

 22   Est-ce que vous bénéficiez de liberté de déplacement dans Sarajevo ? Est-ce

 23   que c'était facile ? Votre mission était-elle difficile ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, en fait, la structure des

 25   forces des Nations Unies au Sarajevo était comme suit : Il y avait le

 26   commandement de la force, le QG se trouvait dans le bâtiment des PTT c'est

 27   ainsi qu'on l'appelait; donc sur place, il y avait le commandant, l'adjoint

 28   au commandant, le chef d'état-major du secteur, le centre opérationnel et

Page 5529

  1   le bureau de liaison, et puis les services administratifs et financiers, le

  2   bureau du conseiller politique, et un service fournissant des services

  3   supports, et les services de communication aussi donc. Pour ce qui est de

  4   la compagnie administrative était faite de français. Pour ce qui est des

  5   communications, c'était des Hollandais qui s'en occupaient. Il y avait

  6   aussi un service de santé, français. Tout était déployé sur place, c'est

  7   ainsi donc voilà la structure du commandement de secteur. Tous les

  8   officiers étaient professionnels. Certains étaient officiers d'état-major

  9   et ils étaient extrêmement chevronnés en ce qui concerne ce type

 10   d'opérations. Ils avaient tous travaillé pour les Nations Unies déjà.

 11   La force principale déployée était le Bataillon français, déployé à

 12   l'aéroport de Sarajevo. Il y avait aussi un Bataillon ukrainien, déployé à

 13   la caserne Tito, et le Bataillon égyptien, déployé dans le quartier B.

 14   Les opérations se faisaient à l'intérieur de Sarajevo. Ma liberté de

 15   déplacement était extrêmement entravée, je ne pouvais aller en fait que du

 16   QG à l'aéroport, pour vérifier ce qui se passait du côté du Bataillon

 17   français, et de l'aéroport nous pouvions ensuite avoir accès à d'autres

 18   régions, comme Pale, Jurina [comme interprété], ou autres. Nous avons

 19   étendu nos opérations jusqu'à la région de Kiseljak, où se trouvaient les

 20   forces bosniennes sous la direction de M. Morillon, et je pouvais y aller

 21   par Validja [comme interprété] pour aller jusqu'à Kiseljak.

 22   En ce qui concerne les communications et les mouvements, mes mouvements

 23   était limités du centre de Commandement, à la présidence, et aux régions où

 24   les bataillons étaient déployés, et pour aller à l'hôpital. Mes mouvements

 25   étaient limités, donc je ne pouvais pas vraiment aller au-delà de -- dans

 26   Sarajevo au-delà des endroits qui étaient utiles pour notre mission.

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pour ce qui est du document dont on

Page 5530

  1   vient de parler, j'ai vérifié, et dans ce rapport du 10 octobre 1992, si

  2   l'on se penche sur la deuxième page du document, on y décrit bel et bien

  3   une conversation avec le Pr Koljevic, et il est consigné la façon dont le

  4   Pr Koljevic et Mme Plavsic traitaient de certaines questions, ce dont

  5   parlait le témoin d'ailleurs. Il est vrai que la première ligne de la

  6   déclaration pourrait vous induire en erreur, mais il s'agit bel et bien

  7   d'un rapport qui porte sur les entretiens avec Koljevic et Plavsic.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous ne l'avons pas lu, mais nous

  9   comprenons bien maintenant quelle est la teneur de ce document. Il sera

 10   admis.

 11   Monsieur Karadzic, c'est à vous de procéder au contre-interrogatoire de ce

 12   témoin.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à tous.

 14   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Ce fut désolant que l'on n'a pas pu entendre ce clip vidéo. En

 18   revanche, on a quand même vu à quel point nous étions fringants il y a 18

 19   ans.

 20   Donc, Général, avez-vous rencontré les équipes de la Défense ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, de toute façon, nous

 22   verrons cette vidéo après la pause.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Donc je vous remercie, Monsieur le Témoin, d'avoir rencontré la

 25   Défense. Nous avons pu ainsi clarifier certains points qui restaient encore

 26   obscurs et sachez que votre témoignage sera extrêmement utile pour la

 27   Chambre de première instance, parce qu'il faut vraiment pouvoir comprendre

 28   ce qui se passait. Mais malheureusement, étant donné qu'il y a énormément

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  1   de relais en interprétation dans le cadre de votre témoignage, parfois les

  2   points ne sont pas extrêmement précis.

  3   Donc je tiens à vous remercier d'avoir été d'accord, d'avoir accepté

  4   un grand nombre de choses au cours de votre entretien, et je pense que cela

  5   nous permettra de raccourcir ce contre-interrogatoire d'ailleurs. Vous êtes

  6   d'accord avec pour dire que, lors de l'entretien que vous avez eu avec la

  7   Défense, la coopération était excellente, n'est-ce pas ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, avez-vous entendu la question ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument pas.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors nous allons réessayer. Veuillez

 11   répéter votre question; sinon, je peux la lire puisqu'elle est au compte

 12   rendu.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je vais la répéter, mais j'aimerais savoir

 14   tout d'abord si le général entend bien l'interprétation en arabe.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'entends la traduction en arabe.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais donc répéter ma question et

 17   répéter mes propos.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Donc je vous ai remercié tout d'abord pour avoir accepté de rencontrer

 20   l'équipe de la Défense et avoir aidé donc la Défense à clarifier certains

 21   points obscurs car, comme je l'ai dit, le fait qu'il y ait un relais dans

 22   l'interprétation, le fait que nous utilisons un grand nombre de langues

 23   dans ces débats peut parfois créer certaines ambiguïtés. Donc hier, par

 24   exemple, il y avait un grand nombre d'erreurs -- il y a une erreur en ce

 25   qui concerne l'appel téléphonique par rapport à un appel tout simplement,

 26   "appel" et "appel téléphonique". De ce fait, il y a eu un petit -- il y a

 27   eu une confusion, parce que cela modifie totalement bien sûr le texte.

 28   Mais je pense qu'au cours de notre entretien nous étions d'accord sur

Page 5532

  1   un certain nombre de choses. Voulez-vous que je les mentionne maintenant ?

  2   Oui, en tout cas, vous avez accepté -- vous étiez d'accord avec nous

  3   pour dire qu'au cours de votre séjour de six mois à Sarajevo, vous et moi

  4   avons coopérés extrêmement bien, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ecoutez, je peux commenter. J'ai répété à de nombreuses reprises

  6   que mes réunions avec la direction étaient d'ordinaire extrêmement

  7   fructueuses, l'atmosphère et l'ambiance étaient tout à fait bonnes. Nous

  8   parlions d'un grand nombre de sujets, et je tiens vraiment à dire que

  9   l'ambiance à ces réunions était toujours une ambiance très positive. Mais

 10   j'aimerais mettre de côté certains points essentiels. Ici, il s'agit de

 11   propos généraux.

 12   J'ai dit bien précisément que mes réunions avec les dirigeants se

 13   faisaient dans un grand respect. Ils montraient un grand respect envers moi

 14   et envers les Nation Unies, en général. Je tiens à dire que la situation

 15   était normale entre nous. Le problème n'était pas dans les réunions. Le

 16   problème était sur le terrain. Là, en revanche, dès qu'on se rendait sur le

 17   terrain pour voir si les accords conclus avec la direction étaient bel et

 18   bien mis en œuvre dans les faits, eh bien, parfois là on rencontrait des

 19   difficultés sur le terrain. Donc, le problème c'est qu'à Sarajevo et autour

 20   de -- le problème était dans Sarajevo et autour de Sarajevo, mais dans la

 21   pratique et sur le terrain, et non pas en théorie et dans les réunions avec

 22   les dirigeants. Là, l'ambiance était tout à fait positive. En revanche, sur

 23   le terrain, tout ce qui se passait n'était pas acceptable.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Général.

 25   Voici ce que nous avons entendu dans nos casques de la cabine anglaise.

 26   Ligne 19 :

 27   "Et j'aimerais laisser de côté certains points essentiels afin de… Et je

 28   parle -- et là je parle en général."

Page 5533

  1   Est-ce qu'il manque quelque chose ? Avez-vous dit autre chose ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, pas du tout. Je suis

  3   l'interprétation et l'interprétation est extrêmement précise.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Je vous remercie, Général. Cela dit, on peut dire que malgré le fait

  7   que nous ayons à débattre de sujets difficiles, vous pouvez dire que vous

  8   arrivez toujours à un accord avec nous. Vous n'êtes jamais vraiment parti

  9   d'une réunion sans avoir obtenu quoi que ce soit, n'est-ce pas ?

 10   R.  Monsieur Karadzic, je l'ai dit à de nombreuses reprises. Les réunions

 11   que j'ai eues avec vous étaient très positives. Nous en sommes sortis

 12   extrêmement heureux. Nous étions toujours d'accord pour rouvrir les routes,

 13   pour supprimer les barrages routiers pour arrêter le pilonnage de Sarajevo,

 14   pour rétablir la liberté de mouvement des Nations Unies. Les réunions se

 15   passaient bien, tout augurait bien aussi, et j'en sortais toujours assez

 16   heureux et pensant que les résultats seraient positifs. Mais les problèmes

 17   sur le terrain perduraient, toujours du pilonnage, les barrages routiers

 18   continuaient à être augmentés -- le nombre de barrages routiers augmentait,

 19   et je me suis plaint d'ailleurs à de nombreuses reprises soit à vous soit

 20   au général Mladic, à ce propos au cours de ces réunions. J'ai relayé aussi

 21   ces réclamations au général Galic, qui était l'opérationnel, le commandant

 22   opérationnel du secteur. Donc de votre bouche et de la bouche de M. Galic

 23   j'entendais énormément de propos très positifs, malheureusement qui étaient

 24   totalement contradictoires à ce qui se passait sur le terrain.

 25   J'aimerais pouvoir -- je peux dire en effet que les réunions avec les

 26   dirigeants politiques étaient positives. L'ambiance était positive, et nous

 27   espérions toujours que quelque chose de positif sortirait aussi sur le

 28   terrain. Mais les faits sur le terrain contredisaient totalement les

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  1   accords auxquels nous étions arrivés, peut-être le fait qu'il n'y avait pas

  2   assez de pression exercée sur les soldats sur le terrain, il y avait peut-

  3   être un problème dans la chaîne de contrôle et de commandement. Je ne sais

  4   pas vraiment, mais en tout cas on arrivait à des accords qui ne se sont

  5   jamais mis en œuvre sur le terrain.

  6   Donc les réunions étaient positives mais malheureusement en pratique,

  7   sur le terrain, les choses s'étaient passées tout à fait différemment.

  8   Q.  Merci. Convenez-vous avec moi que la plupart des accords que nous

  9   avons conclus ont été mis en œuvre ? Lors de nos réunions, vous aviez

 10   montré, vous aviez extrêmement bien compris la nature même de notre guerre

 11   civile, qu'il s'agissait d'une guerre où tout le monde se battait les uns

 12   contres les autres ou voisins se battaient contre voisins, et cetera, et

 13   cetera. Je pense qu'il serait bon que vous parliez de cela à la Chambre de

 14   première instance, vous leur parlez de ce type de guerre civile, où tout le

 15   monde, il y a différents éléments impliqués, mais tout le monde est armé,

 16   tout le monde se procurer des armes, et il s'agit d'une guerre où tout le

 17   monde avait peur de tout le monde. Nous en avons parlé d'ailleurs au cours

 18   de votre entretien avec la Défense, et vous m'avez fait comprendre -- vous

 19   nous avez dit que vous compreniez très bien la situation.

 20   R.  Oui, enfin, j'ai été briefé, enfin j'ai été plus que briefé. A

 21   Sarajevo, le général Nambiar m'a fait un exposé très précis de la

 22   situation. Il m'a expliqué quelle était la situation à Sarajevo, les

 23   tenants et les aboutissants, donc j'étais au courant. Donc j'avais reçu des

 24   rapports émanant des Nations Unies, j'ai eu des réunions avec l'ambassadeur

 25   yougoslave en Angola, j'ai reçu un grand nombre de documents venant de M.

 26   Goulding. Je recevais aussi des informations venant des médias, donc je

 27   connaissais la nature même du conflit.

 28   Comme l'a dit le général Nambiar, c'était une guerre civile. Les

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  1   voisins se battaient contre les voisins, les civils contre les militaires.

  2   On ne peut pas vraiment impliquer une seule partie. Tout le monde avait des

  3   sentiments extrêmement forts, en ce qui concerne la nature de cette guerre.

  4   Comme je l'ai dit, nous avions une mission humanitaire à faire à Sarajevo.

  5   Il fallait que l'aéroport reste ouvert pour pouvoir approvisionner la ville

  6   en aide humanitaire, il nous fallait donc protéger et escorter les convois

  7   humanitaires. Il fallait aider les civils dans la zone de conflit.

  8   En ce qui concerne le conflit en tant que tel, il était politique, et

  9   c'était du ressort des politiques. Alors que nous, nous étions là sur le

 10   terrain, nous étions là pour une mission opérationnelle.

 11   Q.  Merci. Parce que lors de nos entretiens lorsque nous parlions de la

 12   différence entre la théorie et la pratique, ce qui se passait donc dans les

 13   réunions et ce qui se passait sur le terrain, vous avez montré une certaine

 14   compréhension. Vous nous avez dit que vous ne mettiez pas la faute sur les

 15   dirigeants, parce que d'après vous, c'était la nature même de la guerre qui

 16   faisait que la situation était ainsi; vous maintenez cela ?

 17   R.  En tant que militaire, et j'ai participé à quatre guerres au Moyen-

 18   Orient. Donc je sais bien qu'on n'était loin de la paix. On n'était pas là

 19   pour surveiller un accord de paix ou un cessez-le-feu entre les parties au

 20   conflit. Notre mission était extrêmement limitée, on était en guerre et on

 21   utilisait des armes contre les civils. Mais ce qui m'intéressait donc

 22   c'était l'utilisation d'armes contre ces civils. Puisque je voulais

 23   m'assurer que les forces des Nations Unies avaient accès à tous les

 24   quartiers pour qu'ils puissent protéger les civils, ce qui était leur

 25   mission. Donc tout ce qui entravait notre mission était, bien sûr

 26   m'intéressait. Je soulevais ces sujets lors des réunions.

 27   J'ai bien dit que je comprenais -- les dirigeants de la mission des

 28   Nations Unies à Sarajevo comprenaient bien ce qui se passait, mais je tiens

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  1   à dire qu'il y avait sans doute un manque de communication entre les

  2   dirigeants et la direction sur le terrain. Ça devait être une faille

  3   quelconque dans leur système de commandement et de contrôle.

  4   Q.  Merci. Je crois que nous en avons parlé de la mise en œuvre des

  5   agréments avec votre partie, et surtout en ce qui concerne les éléments

  6   d'infrastructure. Mais l'un des problèmes principal était que l'on risquait

  7   d'avoir une partie s'arroger en fait la suprématie militaire et stratégique

  8   dans le cadre de la mise en œuvre de l'accord. C'est pour cela en fait

  9   qu'il y en avait beaucoup de mal à mettre en œuvre les accords sur le

 10   terrain.

 11   R. Je n'ai pas bien compris votre question; pourriez-vous, s'il vous

 12   plaît, être plus clair ?

 13   Q.  Non, je reviens sur nos points d'accord. Nous sommes convenus lors de

 14   notre entretien, nous étions quand même d'accord pour dire que dans la mise

 15   en œuvre des accords convenus entre nous et aussi avec votre partie,

 16   surtout pour ce qui est, par exemple, des problèmes humanitaires, des

 17   réparations à apporter aux infrastructures, le problème essentiel qui

 18   empêchait que tout soit mis en œuvre, c'est qu'un côté avait peur que

 19   l'autre s'arroge la suprématie stratégique ou tactique; et c'est pour cela

 20   qu'il a été très difficile de mettre -- qu'il était très difficile de

 21   mettre en  œuvre les accords obtenus lors des réunions.

 22   R.  Moi, ce qui m'intéressait est -- donc je le répète, quant à savoir qui

 23   voulait s'arroger la suprématie tactique ou stratégique, ça, ce ne

 24   m'intéressait pas, puisqu'il y avait une guerre en cours de toute façon.

 25   Mais ce qui était important pour moi, c'était l'endroit où cela se passait

 26   en fait, puisque nous étions là en fait pour réparer les infrastructures,

 27   pour être sûr que les services publics soient rétablis, approvisionnement

 28   en eau, électricité, gaz, et cetera. Or, ces services publics n'étaient pas

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  1   disponibles dans certains quartiers, et c'était très gênant. Cela avait

  2   tendance à exacerber la situation. Nous étions directement touchés

  3   d'ailleurs par -- il y a eu un moment où je n'ai pas pu prendre de douche

  4   pendant deux semaines. La situation était difficile. On obtenait de

  5   l'électricité à l'aide de générateurs. Donc imaginez un peu la situation,

  6   par exemple, dans les hôpitaux et dans d'autres quartiers de la ville.

  7   Moi, ce qui m'intéressait c'était d'obtenir des résultats. Je voulais être

  8   sûr que les accords conclus étaient véritablement mis en œuvre. Mais les

  9   accords étaient toujours conclus dans une atmosphère -- dans une ambiance

 10   extrêmement positive. On était tous d'accord pour trouver une solution.

 11   Mais, malheureusement, sur le terrain rien n'aboutissait.

 12   Q.  Merci. Maintenant, voyons les points sur lesquels nous sommes tombés

 13   d'accord lors de nos entretiens, et j'espère que vous pourrez répondre à

 14   mes questions par oui ou par non, ainsi nous pourrons gagner du temps.

 15   Vous avez bel et bien confirmé, n'est-ce pas, que lorsqu'un représentant

 16   officiel étranger arrivait, il y avait toujours un petit comité de

 17   bienvenue qui l'accueillait, une espèce de pilonnage, n'est-ce pas, et

 18   lorsque vous êtes arrivé, vous aussi, vous avez été accueilli ainsi par un

 19   pilonnage -- de bienvenue ?

 20   R.  Je ne peux pas parler pour les autres mais je peux vous dire ce qui

 21   m'est arrivé à moi.

 22   Lorsque Lord Owen ou M. Vance ou le secrétaire général sont arrivés pour

 23   rendre visite à Sarajevo, la situation semblait calme, mais je me souviens

 24   très bien, lorsque je suis arrivé pour la première fois, il y avait un feu

 25   d'artifice et j'ai passé toute l'année dans le bunker. Enfin feu d'artifice

 26   -- pilonnage.

 27   Q.  Merci. Vous avez dit qu'à votre arrivée à Sarajevo, en tout cas dans

 28   une déclaration écrite, on peut comprendre que ce que vous avez dit

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  1   signifierait que Sarajevo était détruite à ce moment-là. Mais durant notre

  2   entretien, nous avons tiré ce point au clair, et, en fait, ce que

  3   signifiait cette déclaration c'était que la majorité des banlieues de

  4   Sarajevo étaient détruites, alors que dans le centre, il y avait un certain

  5   nombre de bâtiments très élevés qui avaient été détruits ou endommagés,

  6   comme par exemple, le bâtiment "d'Oslobodjenje," et cetera, et cetera;

  7   c'est bien cela ?

  8   R.  J'ai dit que, pendant mon trajet entre l'aéroport et le quartier

  9   général, j'ai été surpris de constater l'importance des destructions, et

 10   que j'ai remarqué que plusieurs secteurs habités par des civils avaient été

 11   durement touchés par les obus. Le lendemain, j'ai fait un tour rapide en

 12   compagnie de M. Izetbegovic, et j'ai pu constater l'étendue des dommages

 13   provoqués par les pilonnages, à savoir vitres brisées, et traces d'éclat

 14   d'obus sur les bâtiments. Je n'ai pas dit que la ville était complètement

 15   détruite, mais j'ai remarqué que le niveau de dégâts était important, et

 16   ce, en particulier pendant le trajet que j'ai effectué entre l'aéroport et

 17   mon quartier général. Il nous faut dire également qu'en l'absence de

 18   bombardement aérien, le niveau des destructions ne peut pas être aussi

 19   important que ce que certains ont bien voulu dire.

 20   Q.  Mais conviendrez-vous que vous avez confirmé que les dégâts importants

 21   concernaient avant tout les banlieues de Sarajevo, la périphérie ?

 22   R.  Encore une fois, je dois répéter ce que j'ai déjà dit. Pendant le

 23   trajet que j'ai effectué entre l'aéroport et mon quartier général, j'ai

 24   remarqué des villages ou des hameaux en périphérie de Sarajevo qui avaient

 25   subi des dégâts importants et j'ai vu clairement les traces de pilonnage

 26   important dans ces secteurs.

 27   Q.  Merci. Vous avez dit pendant notre entretien, que la partie

 28   représentant le gouvernement ou, plus précisément, la présidence était

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  1   mécontente à leur égard, et qu'une campagne a été lancée à la télévision

  2   contre vous, parce que la présidence s'attendait de votre part à ce que

  3   vous accomplissiez des actions qui ne faisaient pas partie de votre mandat;

  4   c'est bien cela ? Vous pouvez simplement répondre à cette question par oui

  5   ou non.

  6   R.  Je n'ai jamais dit cela. Ce que j'ai dit clairement lorsque je l'ai

  7   dit, c'est que durant les derniers jours de ma mission suite aux opérations

  8   menées dans le secteur d'Otes, je suis parvenu à la conclusion que nous

  9   n'avions pas réussi faire grand-chose. Nous nous étions trouvés dans une

 10   situation identique à celle des civils, à savoir que nous étions pris au

 11   piège dans la ville, et je l'ai dit clairement durant une conférence de

 12   presse, qui a fait l'objet de publication de nombreux documents. Certains

 13   milieux ont ressenti une certaine frustration eu égard à ma d'ores et déjà,

 14   mais ce n'était pas à moi qu'il revenait de neutraliser cette frustration.

 15   Donc après un séjour de six mois dans la ville, dans le cadre de la mission

 16   qui m'avait été assignée, j'ai fini par ne plus dormir plus de quatre à

 17   cinq heures par nuit, et à la conférence de presse, pour être précis, j'ai

 18   eu un peu d'irritation dans le ton. Je suis contraint de l'admettre, parce

 19   que mon sentiment était que nous nous trouvions dans une situation où nous

 20   ne pouvions accomplir ce qui était demandé de nous, et en tant que

 21   militaire, j'avais le sentiment que je n'aurais pas dû me trouver là et que

 22   c'était une perte de temps.

 23   Les Nations Unies ont bien senti ce ton de colère et ont soulevé la

 24   question auprès du général Nambiar. Le général Nambiar a expliqué au

 25   secrétaire général que je ressentais une certaine frustration, que je

 26   venais de vivre une pression importante. A cette -- à l'époque-là, j'ai dit

 27   clairement que les Nations Unies devaient trouver un représentant pour me

 28   remplacer parce que j'avais décidé de mettre un terme à ma mission. Je n'ai

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  1   réagi avec irritation à l'égard de personne, d'aucune partie, d'aucun Etat.

  2   Ma réaction était due à la déception ressentie par rapport au fait de

  3   n'avoir pas réussi à accomplir ma mission. Dans la plupart des situations

  4   je m'efforce de faire de mon mieux pour réduire les pressions qui

  5   s'exercent ici ou là, des gens ont été évacués vers Split, et je pense que

  6   cette opération s'est déroulée sans encombre.

  7   Le seul échec, qui suscite encore une certaine amertume de ma part,

  8   réside dans le fait que nous ne sommes pas parvenus à récupérer les trois

  9   chauffeurs des Nations Unies qui avaient été enlevés. En dehors de cela, je

 10   n'ai aucun regret durable par rapport à quoi que ce soit que j'aurais fait

 11   dans le cadre de ma mission.

 12   Q.  Ce n'est pas à cela que je pensais, vous avez effectivement vécu des

 13   pressions exercées sur vous par toutes les parties, mais avez-vous confirmé

 14   qu'il était dans l'intérêt de la direction du SDA de provoquer une

 15   intervention étrangère ? J'ai bien dit SDA et pas SDS contrairement à ce

 16   qui est écrit au compte rendu d'audience en ce moment en anglais.

 17   R.  J'ai dit que ce sentiment était mon sentiment personnel. Personne ne

 18   m'a incité, personne ne m'a soufflé à l'oreille quoi que ce soit. Etant

 19   donné les pilonnages et les diverses privations que subissaient les civils

 20   et que l'on ne voyait pas le moindre espoir venant de la présence des

 21   forces des Nations Unies, j'ai été amené à me convaincre ou en tout cas à

 22   penser que les civils souhaitaient une intervention internationale, qu'ils

 23   souhaitaient que la communauté internationale intervienne dans l'affaire.

 24   Personne ne m'a glissé cette idée, c'est le sentiment qui était le mien et

 25   ceci m'amène encore une fois à mentionner le nettoyage ethnique, ma façon

 26   de le percevoir et personne ne m'a jamais soufflé le moindre mot à ce

 27   sujet, personne ne m'a mit des mots dans la bouche. Ce n'est pas cela que

 28   je voulais dire.

Page 5541

  1   Q.  Merci. Vous avez bien convenu n'est-ce pas, que le meurtre de deux

  2   soldats de la FORPRONU a été provoqué par des tirs qui provenaient de

  3   Butmir, zone contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine et que vous avez

  4   protesté à ce sujet auprès de Ganic et Izetbegovic, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ceci est indiqué clairement dans mon rapport. Toutes les parties au

  6   conflit, chacune des parties qui a fait un geste pour nuire au travail des

  7   Nations Unies se voyait confronté par moi à la réalité de cette action. Il

  8   y a eu ce convoie qui était sensé aller de Lukavica à l'aéroport. Des tirs

  9   ont été ouverts sur le convoie et suite à cela, deux chauffeurs ont trouvé

 10   la mort. J'ai réagi très rapidement. Une commission d'enquête a été mise en

 11   place, et nous, nous sommes efforcés d'établir précisément la direction du

 12   tir, et notre conclusion a été que les tirs provenaient des troupes

 13   musulmanes de Bosnie, en tout cas, de leur position. Je n'ai pas eu la

 14   possibilité de rencontrer M. Izetbegovic, à ce moment-là, donc j'ai

 15   rencontré M. Ganic et je lui ai dit clairement que nous avions toute raison

 16   de croire que les tirs avaient été ouverts en provenance de cette direction

 17   à savoir de l'endroit où ces troupes étaient positionnées. Je le lui ai dit

 18   avec toute la clarté nécessaire en présence de nombreux témoins tel que

 19   d'autres chauffeurs du convoie ainsi que leurs assistants qui ont convenu

 20   du fait que la source de ces tirs était bien Butmir. Je l'ai dit le plus

 21   clairement du monde, il n'y avait aucune utilité à essayer de le nier et je

 22   leur ai dit clairement que ceci représentait manifestement une violation de

 23   l'accord qui visait à assurer la protection des Nations Unies par rapport à

 24   toutes les parties belligérantes. Je pense que chacun sait à quel point

 25   j'ai été ferme et déterminé lorsque j'ai évoqué cette situation.

 26   Q.  Merci. Excusez ces instants d'interruption dus à l'interprétation.

 27   Vous avez été d'accord avec nous, n'est-ce pas, contrairement aux

 28   ambassades étrangères, aux différents gouvernements, et aux différentes

Page 5542

  1   représentations présentes sur place, vous êtes d'accord sur le fait que la

  2   partie serbe n'a jamais positionné des mortiers ou des pièces d'artillerie

  3   aux abords des positions des Nations Unies dans le but de provoquer des

  4   représailles contre les Nations Unies, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ceci est un fait dont je suis certain de même que mes subordonnés. Le

  6   siège des Nations Unies, notre quartier général, n'a pas été pilonné, mais

  7   j'ai aussi entendu le bruit de pilonnage provenant des bureaux des Nations

  8   Unies qui étaient sensés se trouver à 500 mètres de distances. Je suis allé

  9   voir l'autre partie, je le leur ai expliqué, j'ai entendu des salves tirées

 10   à partir d'un lieu situé non loin du bâtiment des Nations Unies. J'ai dit

 11   clairement que compte tenu de ces salves qui avaient été tirés depuis un

 12   lieu tout proche des Nations Unies, il y a eu réplique à ces tirs et que

 13   nos représentants des Nations Unies nous apprêtions à répondre à ces tirs.

 14   Mais à un certain moment, en tout cas, après un certain temps, les choses

 15   se sont arrêtées parce que ces mortiers étaient montés sur des camions et

 16   positionnés non loin de nos bureaux et qu'ils avaient pour habitude de

 17   partir très vite une fois qu'ils avaient tiré. Donc l'immeuble des PTT a

 18   été touché par des tirs en réplique suite à cet événement.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, puisque vous

 20   compreniez l'anglais, est-ce que votre question a bien été interprétée ?

 21   Est-ce que vous avez dit "contrairement aux ambassades étrangères" ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, j'ai dit : "contrairement au gouvernement

 23   bosniaque". Vous l'avez remarqué et je crois que le général a bien compris

 24   de quoi il retournait.

 25   Je demanderais maintenant l'affichage du document 1D02175, s'il vous plaît,

 26   grâce au prétoire électronique.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Général, il existe plusieurs documents qui portent sur le sujet dont

Page 5543

  1   vous venez de parler ainsi que des pilonnages visant les villages près

  2   desquels vous êtes passé.

  3   Vous rappelez-vous le hameau de Nedzarici ?

  4   R.  Oui.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me semble que nous avons quelques problèmes

  6   avec le prétoire électronique aussi, donc nous vous soumettrons ce donc

  7   après la pause.

  8   Je crois avoir bien lu le numéro du document. 1D01275.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Conviendrez-vous que le hameau de Nedzarici, le quartier de Nedzarici

 11   était un quartier purement serbe ?

 12   R.  Monsieur, il m'est difficile de déterminer après aussi longtemps si un

 13   quartier était exclusivement serbe ou musulman de Bosnie. Je ne saurais le

 14   dire avec une quelconque certitude, mais je ne vois pas très bien où vous

 15   pensez aller grâce à une telle question.

 16   Q.  Merci, Général. Je vous prierais de bien vouloir jeter un coup d'œil à

 17   la traduction de ce document. Ce document est un document émanant du

 18   ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine, armée de Bosnie-Herzégovine.

 19   Il s'agit d'un entretien entre un représentant de la FORPRONU et un

 20   représentant des forces armées de Bosnie-Herzégovine.

 21   Je vous demande si vous connaissiez le général Hosen ? J'espère bien

 22   prononcer le nom.

 23   R.  Monsieur, j'ai eu à traiter avec un grand nombre de dirigeants de

 24   l'autre partie, qui étaient accompagnés d'assistants et de suppléants. Donc

 25   je ne saurais me rappeler tous les noms. Lorsque j'ai rencontré le général

 26   Galic, il était accompagné d'autres officiers dont je ne me rappelle pas le

 27   nom. Mais lorsque je commençais une conversation, c'était avec mon

 28   interlocuteur, c'est-à-dire avec le commandant que j'avais en face de moi,

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  1   qui était au même niveau que moi. Mais je ne connais pas le nom de toutes

  2   les autres personnes qui accompagnaient cet interlocuteur.

  3   Q.  Mais --

  4   R.  Excusez-moi, excusez-moi. Désolé. C'est la première fois que je vois ce

  5   document. Ce document semble être le procès-verbal d'une réunion, et j'ai

  6   toute raison de penser que la référence à Hussein qu'on trouve dans ce

  7   document est une référence à moi-même. Donc c'est de moi que l'on parle, et

  8   je crois que c'est M. Cibo que j'ai rencontré. Il convient peut-être de

  9   vérifier dans le document. Je me souviens que nous sommes arrivés en retard

 10   à cette réunion parce que nous nous étions perdus en chemin. Nous avons

 11   fini par nous rendre au centre de commandement d'une autre unité et on nous

 12   a dit que ce n'était pas le lieu où la réunion était censée se dérouler.

 13   Lorsque nous sommes arrivés, avec un certain retard, il n'était pas content

 14   du tout. J'ai essayé de lui expliquer ce regrettable incident, et j'ai

 15   bonne raison de penser que la mention de Hussein que l'on trouve dans ce

 16   document me concerne moi, fait référence à ma personne.

 17   Q.  Merci. Excellent. Je vous demanderais de bien vouloir vous pencher sur

 18   le texte agrandi à l'écran, qui se trouve au milieu de la page. Dans cette

 19   phrase, c'est vous qui vous exprimez. Vous dites que les Nations Unies

 20   souhaitent établir la paix, qu'ils souhaitent faire taire les canons,

 21   qu'ils souhaitent entendre le chant de la paix, et cetera, et cetera. Et

 22   vous ajoutez, je cite :

 23   "Aujourd'hui à 3 heures, des soldats français de Nedzarici ont été

 24   blessés."

 25   Un peu plus loin, vous ajoutez, je cite :

 26   "Eu égard aux positions, à 500 mètres de nos positions, il y avait des

 27   mortiers qui tiraient à partir d'un lieu situé tout près de l'immeuble des

 28   PTT. Les Serbes ont répliqué en touchant une position située non loin de

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  1   notre bâtiment. Il n'y a pas eu de victimes."

  2   Un peu plus loin vous dites, je cite :

  3   "Une distance de 500 mètres devrait être respectée."

  4   Encore un peu plus loin, je cite :

  5   "Nous avons reçu de Londres, en provenance des Serbes, confirmation que

  6   dans quelques heures la FORPRONU aura autorisation d'accès."

  7   Voyons comment cela a été traduit. Je cite :

  8   "Ils obtiendront la possibilité d'examiner toutes les positions où se

  9   trouvaient les pièces d'artillerie lourde dans les environs de Sarajevo,"

 10   et cetera, et cetera.

 11   Donc vous dites qu'il y avait là le premier ministre, un commandant, et

 12   cetera.

 13   Vous rappelez-vous cette partie de la conversation ?

 14   R.  Comme je l'ai déjà dit, lorsque je me rends à une réunion de cette

 15   nature, un ordre du jour est convenu à l'avance, un certain nombre de

 16   points soumis à discussion, et cet ordre du jour est remis aux officiers de

 17   liaison des deux parties présentes à la réunion, l'ordre du jour étant

 18   envoyé avant la réunion afin que les informations nécessaires et que les

 19   préparatifs nécessaires puissent avoir lieu. Il y a des questions qui

 20   étaient évoquées à toutes les réunions. Chaque fois que je rencontrais le

 21   commandant Siber, c'est l'une des questions qui figurait à l'ordre du jour,

 22   et je puis dire que oui, il y a eu des sujets de ce genre évoqués pendant

 23   cette réunion. J'ai bonne raison de croire que les renseignements figurant

 24   dans ce document sont exacts car la partie musulmane de Bosnie avait un

 25   procès verbaliste, et c'était la même chose pour les représentants des

 26   Nations Unies. Nous prenions des notes de ce qui se disait pendant les

 27   réunions, de façon à pouvoir asseoir nos décisions sur les discussions d'un

 28   certain nombre de questions, avant de rendre compte à Zagreb.

Page 5546

  1   Q.  Merci. Vous dites que :

  2   "Tout est fait sur ordre d'un commandant présent à Londres et que les

  3   bonnes intentions ne suffisent pas, qu'il faut également une bonne

  4   volonté."

  5   Ensuite vous dites que Siber déclare que les Serbes reculent à certains

  6   endroits, qu'ils sont battus et qu'ensuite il y a représailles contre les

  7   civils. Mais vous gardez le silence au sujet de cela pendant un certain

  8   temps avant de déclarer, je cite :

  9   "Le présent accord émane de la Conférence de Londres et constitue également

 10   une obligation pour la partie d'en face. Je discuterai avec eux de cette

 11   question et j'élaborerai un plan suite à cet accord. Si nous concluons un

 12   accord, je vous en informerai, et si tel n'est pas le cas, je vous en

 13   informerai également," et cetera, et cetera.

 14   Puis, M. Siber déclare avoir besoin de cessez-le-feu. Il dit -je ne suis

 15   pas tout à fait sûr de la façon dont cela a été traduit - dans le but de

 16   permettre aux génies de réparer les -- d'eau et autres conduits

 17   d'alimentation, de chauffage en particulier, et cetera, et cetera. Non, en

 18   fait, c'est vous qui parlez.

 19   Puis nous lisons un peu plus loin, je cite :

 20   "Je suis désolé que vos hommes aient été blessés, mais que faisaient-

 21   ils à Nedzarici, où les combats étaient intenses ?"

 22   Vous répondez, je cite :

 23   "Ils escortaient un convoi," et cetera, et cetera.

 24   Donc si je vous rappelle le fait que Nedzarici était la sortie de

 25   l'aéroport depuis la rue Kasindolska, est-ce que vous vous rappelez que

 26   toutes les maisons qui se trouvaient là étaient des maisons appartenant à

 27   des particuliers, qu'il n'y avait aucune installation militaire et que les

 28   pilonnages qui ont visé ce quartier n'avaient qu'un seul but : terroriser

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  1   la population civile présente sur place ?

  2   R.  Monsieur, pourrais-je vous demander d'être plus précis ? Vous

  3   avez fait référence à certaines déclarations, mais je ne sais pas

  4   exactement de quelles déclarations vous avez parlé avec toutes les

  5   citations que vous avez faites. Il y a des points qui étaient évoqués par

  6   les deux parties durant les réunions. Par exemple, si vous deviez me dire

  7   qu'il y avait des soldats blessés au cours des événements, oui, je peux

  8   tout à fait le comprendre, parce que les combats étaient en cours et qu'il

  9   est prévisible que des gens vont être blessés durant des combats, mais ce

 10   que je ne comprends pas exactement, c'est qui a dit quoi dans les citations

 11   que vous venez de faire.

 12   Pendant ces réunions, des réunions de cette nature, j'avais une 

 13   conversation avec un seul interlocuteur, qu'il s'agisse du général Siber ou

 14   même du général Galic. Ici, je parle aux commandants militaires des deux

 15   parties en présence.

 16   Q.  Général, je vous prierais de vous pencher sur -- à propos de

 17   Siber, je cite :

 18   "Nous rendrons compte de tout au commandement suprême…"

 19   Et cetera, et cetera.

 20   Puis il ajoute, je cite :

 21   "Je suis désolé que vos hommes aient été blessés, mais que faisaient-ils à

 22   Nedzarici, où des combats féroces sont en cours ?"

 23   Donc vos soldats étaient à Nedzarici, où ils accompagnaient, où ils

 24   escortaient un convoi humanitaire. Entre-temps, les autres ont attaqué

 25   Nedzarici, sans le moindre but justifiable, en dehors du fait de terroriser

 26   et de détruire ce quartier. Il n'y avait aucune raison, il n'y a là que de

 27   petites maisons des particuliers. Alors la question est posée, que

 28   faisaient vos soldats à Nedzarici ? Ceci est donc bien la preuve qu'ils ont

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  1   attaqué Nedzarici, et qu'au passage, par hasard, ils ont tué des soldats

  2   français. Vous dites qu'ils escortaient un convoi humanitaire, et il

  3   répond, personne n'a annoncé qu'il y avait un cessez-le-feu. Alors voilà ce

  4   qui se passait, voilà comment les choses se déroulaient. Ils pilonnaient un

  5   quartier serbe de Sarajevo, et vos soldats par hasard se trouvaient là.

  6   Est-ce que vous voyez le paragraphe en question dans le texte ?

  7   R.  Monsieur, c'est ainsi que les choses se sont passées. Il est indiqué

  8   que des soldats français ont été touchés. Ils ne protégeaient pas un

  9   convoi. Le convoi était un convoi des Nations Unies qui venait de Bacevo.

 10   C'était un des convois qui arrivait régulièrement pour approvisionner notre

 11   secteur. Des tirs ont été tirés par le convoi, voilà ce dont il est

 12   question dans le document. Donc dans cette réunion, je ne pense pas qu'il a

 13   été dit qu'ils protégeaient le convoi. C'étaient des chauffeurs français

 14   qui apportaient des munitions administratives. Pas mal de choses ont été

 15   dites, j'ai répondu en conséquence. C'était un dialogue entre moi et le

 16   commandant qui se trouvait face à moi, je ne me rappelle pas les détails,

 17   mais des choses de ce genre arrivaient tout le temps, très souvent aient

 18   été évoquées dans mes rencontres avec différents commandant de la région de

 19   Sarajevo.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 22   document.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D501.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je remarque que l'heure tourne, et nous

 25   allons donc maintenant faire la pause et nous reprendrons à 11 heures.

 26   --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

 27   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons peut-être commencer par la

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  1   vidéo que vous vouliez nous montrer, Madame Uertz-Retzlaff.

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, tout à fait. Il semble que cela

  3   marche maintenant. Il s'agit du clip vidéo 45025 de la liste 65 ter.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "J'ai visité un hôpital à Sarajevo, et ça a été très, très, déprimant. Je

  7   ne m'attends pas à ce que ces jours-ci -- puis, j'y suis allé sans être

  8   annoncé. Je ne l'ai dit à personne. Je n'ai pas emmené les médias. Je n'en

  9   ai rien fait du tout. J'y suis allé comme un médecin."

 10   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

 11   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous en avons déjà parlé hier. Nous

 13   avons parlé de ce clip, Monsieur le Témoin, donc il n'a pas besoin de

 14   rentrer dans les détails, mais j'ai quand même une question à vous poser.

 15   Interrogatoire principal par Mme Uertz-Retzlaff : [Suite]

 16   Q.  [interprétation] Où a eu lieu cette réunion, s'il vous plaît, et est-ce

 17   que vous vous souvenez de la date de la réunion ?

 18   R.  Je ne me souviens pas exactement de tout ça, mais c'était pendant la

 19   crise, pendant les pilonnages. Nous recevions des visites des représentants

 20   de la Communauté européenne, M. Lord Owen, et du représentant du secrétaire

 21   général, M. Vance, et nous recevions aussi la visite du secrétaire général

 22   en personne.

 23   Il me semble que dans cette réunion qui suivait le pilonnage intensif de la

 24   ville, y compris les environs de l'hôpital, Lord Owen a décidé de se rendre

 25   sur place lui-même. C'était une visite impromptue, qui n'avait pas été

 26   prévue, si je me souviens bien. Mais avant de partir de Sarajevo pour nous

 27   rendre à cette réunion, il nous a dit qu'il s'était rendu près de

 28   l'hôpital, qu'il avait rencontré les médecins, qu'il les avait écoutés.

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  1   D'ailleurs, il était sorti avec une impression extrêmement défavorable, et

  2   il a soulevé ce point lorsqu'il a entamé la réunion. Je vois d'ailleurs que

  3   du côté des Serbes; il y a M. Karadzic, le Pr Koljevic et le général

  4   Mladic, et je vois que du côté des Nations Unies en revanche, il y a

  5   présence de M. Morillon et de moi-même aussi; je suis à gauche de Lord

  6   Owen.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'aimerais demander le versement de

  8   cette vidéo, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Uniquement ce passage ?

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous avons oublié de donner les

 12   repères de l'horodatage entre le début et la fin du clip.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] On a commencé à 1:34:33, si je ne

 14   m'abuse.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] 33.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Jusqu'à 1:35:30. Parfait. Ce

 17   sera admis.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote P1273.

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ensuite il y a le clip 65 ter 45015,

 20   et normalement on devrait entendre M. Karadzic.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "De l'autre côté, en ce qui concerne les Musulmans, nous le savons, et nous

 24   l'avons dit aux Musulmans, et finalement, tout va être réglé, en fin de

 25   compte, on traduira en justice ces hommes qui ont fait cela, qui

 26   bombardaient Sarajevo. Les Musulmans, l'armée musulmane, ceux qui mettaient

 27   des explosifs dans les rues de Sarajevo pour tuer leur propre peuple et

 28   faire accuser les Serbes. Tout cela est déjà détecté. Cela fait rire tout

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  1   le monde dans le monde entier. Par exemple, quand un haut dignitaire arrive

  2   et qu'une bombe tombe, et les mines des mortiers ont atteint le bâtiment de

  3   la présidence, tout le monde riait, tout le monde pensait que c'était

  4   ridicule, que c'était en fait monté de toutes pièces.

  5   "Karadzic : On ne peut pas conquérir Sarajevo. On ne veut pas détruire

  6   Sarajevo. Sarajevo, c'est notre ville. Mais quand quelqu'un met un mortier

  7   près d'un gratte-ciel et nous tire dessus, et tue 25 de nos hommes en un

  8   jour, il faut bien quand même que nous neutralisions cette cible.

  9   "Les gens de Sarajevo nous ont dit qu'ils savaient exactement ce qui

 10   arrivait à leur bâtiment. Ils ont entendu les tirs venant de leur bâtiment.

 11   Ils savaient que dans 30 à 45 minutes, les Serbes neutraliseraient le

 12   bâtiment, et c'est pour ça qu'ils se rendaient dans la cave. Donc les

 13   objets ménagers, les objets religieux à Sarajevo sont devenus en fait des

 14   objectifs militaires, et cela nous oblige à les neutraliser en riposte."

 15   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je ne sais pas très bien à quel

 17   moment le document a commencé. Je crois qu'il s'agit de la cote

 18   d'horodatage 00:01:37:8. C'est soit la cote de départ, soit la cote

 19   d'arrivée.

 20   Q.  Monsieur le Témoin, saviez-vous si les forces du gouvernement de

 21   Bosnie-Herzégovine avaient positionné des pièces d'artillerie sur les

 22   tours, les gratte-ciels ?

 23   R.  Je ne pense pas que l'on puisse employer l'artillerie de la sorte. En

 24   effet, lorsque l'on tire, il y a quand même un recul très fort.

 25   D'ordinaire, l'artillerie doit être montée sur un socle hydraulique pour

 26   absorber le recul. Donc ce n'est pas logique de mettre des pièces

 27   d'artillerie sur des gratte-ciels. Un professionnel ne pourrait pas y

 28   croire. On peut avoir des mortiers légers, par exemple, ou des lance-

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  1   roquettes, des lance-mortiers, des lance-obus. Je n'ai jamais entendu

  2   parler de tout ça. Mais je me souviens quand même qu'il y avait des

  3   mortiers légers qui étaient parfois montés sur des pick-up, des

  4   camionnettes, donc ça permettait d'être mobile. On tirait depuis le

  5   véhicule, et ensuite on se déplaçait. C'est  une tactique de guérilla

  6   normale. Mais mettre de l'artillerie lourde sur des tours, ça, je pense que

  7   c'était complètement impossible.

  8   Q.  Dernière question : avez-vous eu des informations ou avez-vous des

  9   éléments de preuve qui vous auraient permis de savoir que les Musulmans

 10   avaient placé des explosifs délibérément dans les rues pour tuer leur

 11   propre peuple et ensuite faire accuser les Serbes ?

 12   R.  Ecoutez, Madame, toutes les parties se plaignaient. Ils racontaient

 13   beaucoup de choses. Ce qui nous gênait en fait c'était à la fois les

 14   plaintes d'un côté, et puis l'autre partie qui faisait valoir le contraire.

 15   On ne peut pas imaginer que des explosifs soient placés sous le côté de la

 16   route, parce qu'il faudrait quand même avoir un système de mise à feu. Il

 17   faut avoir un détonateur. Il faut que quelqu'un se cache quelque part, et

 18   puis le convoi passe, et là, on déclenche l'explosion. Mais c'est une

 19   opération extrêmement complexe. Et lors de mon séjour à Sarajevo, je n'ai

 20   jamais observé cela. Mais j'ai entendu, en revanche, un grand nombre de

 21   rumeurs à cet effet, et ce, émanant des deux parties.

 22   Q.  Je vous remercie.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pouvons-nous, s'il vous plaît,

 24   admettre la vidéo que nous avons vue ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait. La cote de départ de

 26   ce clip est le 01:35:30.

 27   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non. C'est 0:09:52, et ça s'est

 28   terminé à 00:11:25.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, à l'écran, on voit autre chose.

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ce sont les cotes de la vidéo

  3   d'origine.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je ne sais pas très bien pourquoi les

  6   cotes sont différentes.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De toute façon, nous allons admettre

  8   cette séquence vidéo ?

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette séquence vidéo recevra la cote

 11   P1274.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 13   Monsieur Karadzic, je vous redonne la parole.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 16   Q.  [interprétation] Mon Général, je serais d'accord avec vous pour ce qui

 17   est d'une artillerie lourde, mais je ne sais pas si on vous a bien transmis

 18   les choses. Moi, j'étais en train de parler de mortiers et de canons sans

 19   recul. Est-ce que vous connaissez notre arme qu'on appelle canon sans recul

 20   ? Le nom lui-même dit qu'il n'y a pas de choque de retrait de l'arme suite

 21   à un tir effectué.

 22   R.  Ecoutez, ces canons sans recul sont des armes antichars qui tirent

 23   horizontalement, et on ne peut pas du tout utiliser des emplacements élevés

 24   pour positionner cette arme pour tirer. C'est une arme qui est utilisée

 25   contre les chars et contre les APC, les véhicules blindés de transport de

 26   troupes. Donc en effet, il n'y a pas de recul. Mais je ne pense pas que ce

 27   soit efficace de les positionner en hauteur. Ça ne servirait à rien. On

 28   peut imaginer qu'il y ait certains types de mortiers qui puissent être

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  1   installés sur des toits, principalement ceux de petit calibre uniquement.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Comme nous avons été voir Lord Owen,

  3   nous allons nous pencher sur ce qu'il a dit concernant ces mêmes sujets,

  4   notamment les alentours de l'hôpital.

  5   Je voudrais qu'on nous montre le 1D244, et je voudrais que le Greffier

  6   remette l'enregistrement vidéo au bureau du Procureur. C'est ce que nous

  7   avons montré lors de notre discours liminaire. Mais j'aimerais qu'on nous

  8   le montre une fois de plus à présent. Cela a été prélevé comme extrait

  9   vidéo pour demander un versement et remettre une copie au bureau du

 10   Procureur.

 11   [Diffusion de la cassette audio]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant nous avons le son, mais nous

 13   n'avons plus l'image.

 14   L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas de transcription

 15   de cet enregistrement vidéo.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passons à autre chose peut-être en

 17   attendant que la technique soit avec nous.

 18   Madame Uertz-Retzlaff, en attendant que la vidéo puisse être montrée, la

 19   pièce que vous avez versée sous la cote 8656 de la liste 65 ter doit être

 20   sous pli scellé, n'est-ce pas ? Je crois que vous l'aviez précisé

 21   précédemment.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le document que nous avons reçu des

 23   Nations Unies ne devait pas être placé sous pli scellé. Je crois que, pour

 24   ce qui est du document précédent, il y avait une raison bien précise qui

 25   demandait que ceci soit sous pli scellé, (expurgé) Mais à

 26   ma connaissance, ce n'est pas un document confidentiel.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons donc expurger le

 28   passage portant sur le témoin, mais nous allons admettre le document avec

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  1   une cote publique.

  2   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Tout à fait. Très bien.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] En attendant qu'on nous montre l'extrait,

  4   j'aimerais qu'on nous affiche le D351, je vous prie. C'est déjà versé au

  5   dossier. Le D351.

  6   Je crois bien que c'est le document qui nous intéresse. Je vous prie de

  7   nous montrer la page 3 du même document.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Mon Général, est-ce que vous vous souvenez de cette période et de ce

 10   document-ci ? Ici, à l'intention de M. Izetbegovic, il y a un courrier de

 11   la part de M. Morillon pour ce qui est du sujet de la violation des

 12   conventions de Genève. Est-ce que vous vous souvenez de ce courrier ? On

 13   vous l'a montré pendant votre récolement, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, oui, je pourrais presque dire avec certitude qu'il y avait des

 15   correspondances écrites soit par moi, soit par le général Morillon rendant

 16   compte de toutes les infractions faites par toutes les parties. Nous ne

 17   nous attardions pas sur une seule partie. Nous étions parfaitement neutres.

 18   Lorsque nous observions quelque chose, nous en rendions compte aux parties

 19   pertinentes à Sarajevo, et nous en informions aussi la direction à Zagreb.

 20   Ce n'est pas le seul document de ce type. Il y a un grand nombre d'autres

 21   documents portant sur toutes sortes d'infractions, qu'elles soient mineures

 22   ou majeures. Il s'agit d'une partie très routinière de notre travail au

 23   sein des Nations Unies.

 24   Q.  Ici, nous avons demandé le versement d'un document qui montre que dans

 25   une cours de l'hôpital de Kosevo, il y avait une batterie de mortier qui

 26   était placée constamment, et le général Morillon, ici, a protesté. Au

 27   deuxième paragraphe, il est dit qu'il y a eu des tirs depuis l'hôpital

 28   même. Il y a eu neuf obus de mortier de tirés, et par la suite, il y a eu

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  1   des ripostes dans la direction de la provenance des tirs, ce qui était une

  2   façon lâche de procéder à des tirs depuis l'hôpital et donnait lieu à des

  3   ripostes qui, de façon évidente, visaient à faire accuser la partie

  4   adverse.

  5   Alors, ça, c'est un élément qui a été évoqué par Lord Owen, n'est-ce pas, à

  6   savoir qu'on avait tiré sur l'hôpital ? Mais le général Morillon avait

  7   d'abord déterminé qu'il y a eu, pour commencer, des tirs depuis l'hôpital,

  8   et puis ensuite, on a voulu montrer que les Serbes avaient tiré sur un

  9   hôpital; c'est bien cela ?

 10   Général, vous pouvez apporter une réponse brève. Le clip de Lord Owen

 11   c'était à la même époque; est-ce que ce qu'il a dit se rapporte au même

 12   incident ?

 13   R.  Voilà, ce dont je me souviens des propos de Lord Owen. Je vous ai dit

 14   hier, qu'il était diplomate, et qu'il s'exprimait de façon extrêmement

 15   diplomatique sans provoquer en aucun cas l'autre partie. C'est ainsi qu'il

 16   procédait, même lorsqu'il s'adressait à la présidence, il utilisait

 17   toujours des termes très diplomatiques. Dans le cadre de ces réunions, il

 18   utilisait toujours ce langage. Moi, en tant que militaire, moi, je peux

 19   dire que ce sont ici des protestations et rien d'autre. Nous avons entendu

 20   les protestations venant du parti de général Galic ainsi que les

 21   réclamations venant du côté bosnien. Chaque partie essayait de justifier --

 22   essayait de se justifier. Lorsque je parlais avec le général Galic, je

 23   disais d'accord je comprends bien qu'il y a des forces qui sont

 24   positionnées dans certains emplacements, mais il faut que vous utilisiez

 25   beaucoup de sagesse. Ne ripostez pas. Si vous ripostez sur un quartier où

 26   il y a beaucoup de civils, ripostez ailleurs sur le front, mais n'attaquez

 27   pas des zones où se trouvent des civils, c'est une erreur. C'est une

 28   erreur, ça risque d'infliger un grand nombre de dégât, ça va blesser des

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  1   gens, ça va être très mauvais pour l'opinion publique aussi, parce que les

  2   civils trouvent la mort. Il s'agit quand même d'installation humanitaire,

  3   des hôpitaux qui sont détruits et qui ne peuvent plus opérer et

  4   fonctionner. Donc je leur disais : Evitez de pilonner le moindre endroit où

  5   il y a des civils. Si vous voulez vous lancer dans des pilonnages

  6   militaires, faites-le de façon professionnelle, sur d'autres cibles.

  7   Donc je ne veux pas étoffer et prolonger le débat, mais il y avait toujours

  8   des réclamations d'un côté, puis des contre réclamations de l'autre côté.

  9   Chaque partie essayait de se laver les mains pour dire que ce n'était

 10   absolument pas eux qui avaient agi, et pour essayer de faire endosser le

 11   blâme à l'autre partie, en fait la responsabilité à l'autre partie. Ceci

 12   était uniquement un jeu de riposte, de représailles.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je suis un peu

 14   inquiet en ce qui concerne votre façon de procéder. Il s'agit d'un document

 15   ici que nous avons admis, dans le cadre d'une déposition, de la déposition

 16   d'un témoin protégé, et vous remontrez ce document au témoin maintenant.

 17   Alors je suis d'accord pour que vous présentiez le document de façon

 18   succincte. Donc il a confirmé le document, et ensuite vous avez donné

 19   lecture de la totalité du document. Ce qui a déclenché une réponse

 20   extrêmement longue de la part du témoin, et tout ceci est parfaitement

 21   superflu. Donc gardez cela à l'esprit.

 22   Général, veuillez, s'il vous plaît, essayez de répondre de façon succincte,

 23   "oui" ou "non" ce sera parfait.

 24   Maintenant, poursuivez, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Mais toujours sur le sujet de ce document. Ici, le général Morillon ou

 28   plutôt vos services ont déterminé l'existence de mortier dans l'hôpital de

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  1   Kosevo, et au moins neuf obus tirés vers les positions serbes; c'est bien

  2   cela ? Répondez je vous prie par un "oui" ou par un "non."

  3   R.  Non, je n'ai pas dit cela personnellement. Je n'ai jamais dit qu'il y

  4   avait une lance mortier aux environs de l'hôpital. Nous nous rendions

  5   souvent à l'hôpital, et personnellement je n'ai jamais vu ce mortier. J'ai

  6   aussi reçu des informations venant des observateurs qui se trouvaient dans

  7   le quartier, ils n'ont jamais relayé ce type d'informations, selon

  8   lesquelles un mortier se serait trouvé aux environs de l'hôpital.

  9   Q. Mais le document parle pour lui-même. Je vais vous demander autre chose,

 10   mon Général, vous êtes un soldat, un militaire. Et si votre unité à vous

 11   est en train de subir des pertes, en raison d'une position de tir qui ouvre

 12   le feu vers vous; est-ce que vous allez riposter vers ailleurs ou est-ce

 13   que vous allez essayer de faire taire l'arme qui vous porte des pertes

 14   graves -- qui vous fait subir des pertes graves ?

 15   R.  En tant que chef militaire, je riposterais. Mais quant à savoir où je

 16   riposterais, je choisirais une cible de façon sage. J'utiliserais -- je ne

 17   veux pas riposter par vengeance, je veux riposter professionnellement. Donc

 18   je vais cibler mon tir ou mes tirs ailleurs, pas forcément vers les tirs de

 19   départ. En tant que militaire, on sait très bien que si cet engagement

 20   d'arme inflige des pertes, je peux, moi, infliger des pertes ailleurs tout

 21   simplement, tout en évitant de pilonner des zones ou des quartiers où se

 22   trouvent beaucoup de civils. Tout le monde sait très bien ce que je veux

 23   dire.

 24   Q.  Merci. Mais si le général Morillon, s'agissant des violations de

 25   convention de Genève, il fait le reproche à Izetbegovic, et pas à moi, donc

 26   les violations sont faites de leur côté. La responsabilité du fait d'avoir

 27   placé des pièces d'artillerie et des mortiers dans une zone habitée par des

 28   civils, cela relève de la responsabilité de ceux qui l'ont fait, n'est-ce

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  1   pas ? Oui ou non, est-ce qu'il est responsable pour avoir fait placer des

  2   pièces dans une zone habitée par des civils, et il se sert de civils comme

  3   boucliers pour porter des pertes à la partie adverse; est-ce que c'est

  4   légitime cela ou pas ?

  5   R.  Il ne s'agit pas de ligne de front classique. C'est une ligne de front

  6   qui se trouve dans une grande ville. Alors on n'était pas en train

  7   d'employer les civils, ils font partie de la guerre de toute façon. Ils

  8   sont partie prenante à la guerre, et personnellement en ce qui concerne

  9   l'accord des Nations Unies avec les différentes parties sachez que les

 10   Nations Unies voulaient éviter pour les combats entre civils. Ils voulaient

 11   que les routes soient ouvertes, ils voulaient que les convois des Nations

 12   Unies puissent se déplacer sans être attaqués, sans essuyer de tirs. Dès

 13   que quelque chose faisait obstruction à notre mission, nous en faisions

 14   part aux différentes parties. Le document parle de lui-même en effet, il

 15   s'agit exactement du même problème. C'est le type de problème que je

 16   faisais remonter auprès du général Galic et du colonel Siber. Il faut

 17   relire ce document en gardant à l'esprit le document précédent pour

 18   comprendre ce que dit le colonel Siber à propos des opérations qui auraient

 19   éventuellement pu toucher les forces des Nations Unies et certains civils.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 1D01157 au

 21   prétoire électronique. 1D01157.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Le 23 septembre 1992, ça fait déjà un mois que vous vous trouviez dans

 24   Sarajevo, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, oui, au vu de la date, c'est bien cela.

 26   Q.  Merci. Est-ce que je peux à votre intention, et à l'intention des

 27   autres parties présentes, recommander pour lecture le passage où on dit :

 28   "Durant le séjour du général Morillon à la caserne de Lukavica …"

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  1   Afin que vous puissiez voir le nombre de provocations pour ce qui est de la

  2   réponse à apporter, et là aussi, c'est ce que vous avez qualifié de "jeu de

  3   la guerre" tout à l'heure, n'est-ce pas ? Permettez-moi d'en donner lecture

  4   : 

  5   "Pendant le séjour du général Morillon à la caserne Slobodan Princip

  6   Seljo à Lukavica, l'ennemi a ouvert des tirs au mortier en direction de

  7   Vojkovici et Dobrinja. Nos unités ont reçu l'ordre de ne pas riposter aux

  8   tirs. L'attaque à l'infanterie et à l'artillerie entamée hier par l'ennemi

  9   depuis le secteur d'Ilidza s'est poursuivie aujourd'hui aussi."

 10   Il est dit que le général Morillon :

 11   "…ce matin entre 9 heures 30 et 11 heures, a séjourné dans le secteur

 12   d'Ilidza, où il s'est entretenu avec le commandant de la brigade d'Ilidza

 13   et le maire d'Ilidza."

 14   "Les pertes, c'est quatre combattants légèrement blessés."

 15   "Nous n'avons pas riposté."

 16   Alors est-ce que ceci coïncide avec vos souvenirs et les informations qui

 17   sont les vôtres concernant les comportements de tout un chacun dans cette

 18   zone ?

 19   R.  Je me souviens que nous nous sommes rendus à Ilidza lorsque le général

 20   Morillon est arrivé. Nous y allions pour inaugurer un poste de commandant

 21   pour les forces des Nations Unies en Bosnie. Nous sommes rendus à Ilidza et

 22   je lui ai donné conseil de ne pas rester à l'intérieur de Sarajevo pour

 23   pouvoir garder sa liberté de mouvement. Je lui ai dit "Soit vous allez à

 24   Ilidza ou vous allez ailleurs." Donc nous sommes rendus à Ilidza, nous

 25   avons reconnu un peu l'endroit, la région, le quartier. Nous avons

 26   rencontré les dirigeants, qui étaient très contents de rencontrer Morillon,

 27   mais nous n'avons pas entendu parler de combat ou de conflit. L'ambiance

 28   était très calme, très pacifique. On a parlé des installations qui

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  1   pouvaient être mises à la disposition de Morillon pour son commandement.

  2   Ensuite on est allés à Kiseljak. Il a trouvé que c'était quand même un

  3   endroit qui était plus approprié, plus propice pour y installer le

  4   commandement. Mais lorsque nous étions à Ilidza, je me souviens qu'il a

  5   parlé avec les commandants. Alors nous avons entendu parler de ces

  6   événements qui avaient eu lieu, mais qui ont sans doute eu lieu ailleurs

  7   puisque quand nous nous sommes rendus, il est certain que la situation

  8   était extrêmement calme. Ça, je m'en souviens très bien.

  9   Q.  Merci. Juste un petit point. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi

 10   pour dire qu'à l'occasion des visites de hauts gradés de la FORPRONU, la

 11   partie adverse a provoqué ? On voit que nous avons eu quatre combattants

 12   légèrement blessés mais que nous n'avions pas riposté. Est-ce que ceci

 13   s'est bel et bien passé comme cela ?

 14   R.  Si c'est la décision qui a bel et bien été prise, je l'apprécie. Mais

 15   afin de répondre à la question, je vais dire que lorsque j'étais avec

 16   Morillon à Ilidza, donc je vous ai dit qu'il faisait beau, l'ambiance était

 17   parfaite, tout s'est passé extrêmement bien. Tout le monde était content de

 18   nous voir, tout était très pacifique. Nous n'avons entendu aucun tir. On

 19   nous a rendu compte d'aucun événement qui aurait eu lieu. Il se peut que

 20   des événements aient eu lieu loin, mais nous en n'avons pas entendu parler.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on demander le versement au dossier de ce

 22   document ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D502.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le 1D01252

 26   maintenant. 1D01252. Je crois que nous n'avons ici qu'une version anglaise

 27   à notre disposition.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Mon Général, vous avez mentionné cet incident, me semble-t-il, et ici,

  2   nous avons une note à l'intention du secrétaire général qui se rapporte à

  3   une visite à la FORPRONU.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors est-ce qu'on peut nous montrer la page 4

  5   de ce document, et j'aimerais qu'on nous montre notamment le bas de cette

  6   page 4.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que vous voyez que cette partie a trait à un rapport en

  9   provenance de la Bosnie-Herzégovine ? J'attire votre attention sur ce qui

 10   est dit au paragraphe 12, où il est question des expectatives pour ce qui

 11   est d'une enquête un avion italien qu'on a abattu, et on l'a abattu à peu

 12   près dans le ciel de Fojnica

 13   R.  Si je me souviens bien, il me semble que l'avion a été abattu au-dessus

 14   d'un territoire qui était croate, me semble-t-il. L'incident nous a été

 15   rapporté au cours d'une réunion que nous avions avec vous du côté de

 16   Lukavica. Un de mes aides est venu me murmurer à l'oreille au cours de la

 17   réunion qu'il y avait eu un crash d'avion. Un avion avait été abattu alors

 18   qu'il était en route pour Sarajevo. J'ai rendu compte de cet incident à M.

 19   Goulding, et c'est pour cela que nous avons mis un terme rapide à la

 20   réunion, pour nous rendre rapidement au QG afin de suivre l'évolution de la

 21   situation.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre la page d'après

 24   aussi. Je prie les participants, les parties présentes dans le prétoire à

 25   prendre connaissance de la teneur de ce qui nous est montré.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Ici, M. Goulding dit que, si la chose a été faite délibérément dans

 28   l'objectif de provoquer la fureur de l'opinion publique occidentale pour

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  1   augmenter les chances de voir une intervention militaire qui était toujours

  2   en suspens, est-ce que vous ne pensez pas que c'était exclu que d'avoir vu

  3   les Serbes le faire, puisque c'était trop loin en profondeur des

  4   territoires tenus par les Musulmans et les Croates ?

  5   R.  Lorsque j'ai rendu compte de l'incident, tout ce que j'ai dit c'est

  6   qu'on nous avait part de cet incident qui avait eu lieu, et le chef d'état-

  7   major, le colonel Bederkenko [phon], le chef d'état-major du secteur, et

  8   d'autres officiers sont allés sur place pour enquêter et nous remmener un

  9   rapport. Je n'ai jamais dit qui avait abattu l'avion. Il fallait de toute

 10   façon qu'il y ait une enquête technique très sophistiquée afin d'identifier

 11   l'auteur de cet incident. Cela dit, l'incident aurait aussi pu avoir lieu

 12   du fait d'une erreur technique.

 13   Q.  Mais vous vous souviendrez que partant de cet incident, nous, on nous a

 14   imposé une interdiction de survol, n'est-ce pas ?

 15   Donc on nous a imposé une zone interdiction de survol du fait de cet

 16   incident. Oui ou non, mon Général, enfin ce n'est pas une grosse question.

 17   Est-ce que vous vous souvenez du fait que cet incident avait donné lieu à

 18   une interdiction de survol ?

 19   R.  Je me souviens qu'il a en effet une interdiction de survol. Les seuls

 20   avions autorisés étaient ceux qui convoyaient de l'aide humanitaire. Aucun

 21   vol militaire n'était accepté.

 22   Q.  Merci. Alors la moitié de ce paragraphe 13 dit --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, vous n'avez pas répondu à la

 24   question. On vous a demandé si cette interdiction de survol a été

 25   déclenchée par l'incident qui est évoqué dans ce document.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] L'interdiction de survol était déjà imposée

 27   puisqu'il y avait que les avions convoyant de l'aide humanitaire qui avait

 28   le droit de passer et de voler. Il n'y avait pas de vol autorisé dans cette

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  1   région. Les opérations se faisaient toujours sur terre uniquement et jamais

  2   dans l'air.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Mais je vais être plus précis, mon Général, vous souvenez-vous du fait

  5   que cet incident avait servi de motif pour faire pression sur nous pour

  6   déménager nos avions vers la Yougoslavie ? Là, c'est plus précis, et ça été

  7   un grand travail à effectuer, il y a eu beaucoup de travail à effectuer

  8   avec les Nations Unies à ce sujet.

  9   R.  Pour nous le travail était encore plus intense. En effet, il y avait

 10   donc cette interdiction de survol, mais nos vols aussi ont été interdits

 11   pendant au moins un mois du fait de cet incident. Les convoies humanitaires

 12   aériens ont été arrêtés et gelés pendant un moment, nous n'avons plus

 13   recevoir d'aide humanitaire que par voie terrestre. Nous n'avons donc été

 14   énormément affecté, touché, afin moi je parle de nous aux Nations Unies

 15   ainsi que les civils.

 16   Q.  Merci. On voit vers la moitié du paragraphe 13 que le leader serbe, le

 17   Dr Karadzic était plus positif, mais qu'il a maintenu, il a continué à

 18   élever ses objections pour ce qui est de la participation de la FORPRONU

 19   dans les puissantes régionales, par exemple, celle de la Turquie, le seul

 20   pays qui avait occupé la Yougoslavie pendant la Deuxième Guerre mondiale y

 21   compris l'Italie. Vous avez évoqué, vous vous en souviendrez que nous

 22   avions préféré des troupes en provenance de l'Afrique ou de l'Asie à la

 23   place des troupes venues des pays de l'OTAN, mais que la direction n'avait

 24   aucune réserve vis-à-vis du Bataillon égyptien, par exemple, mais on avait

 25   redouté que quelqu'un sur le terrain prendrait, les considérait les

 26   Egyptiens comme étant partiaux, ayant donc un parti pris.

 27   R.  J'ai déjà expliqué cela. Je peux parler longtemps du Bataillon égyptien

 28   puisque j'étais à l'origine de la création de ce bataillon. J'ai été nommé

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  1   commandant en Egypte, et en Egypte, bien sûr, nous avons nos propres règles

  2   d'engagement que nous devons respecter. Lorsque j'ai entendu ce genre de

  3   parole en Bosnie, j'ai dit : Arrêtez de propager ces rumeurs, c'est de la

  4   propagande; ne propagez pas ces rumeurs avant de pouvoir les étayer. En ce

  5   qui concerne le déploiement de forces des Nations Unies bien spécifiques,

  6   cela peut être fait s'il y a un accord avec les parties concernées. En

  7   effet, les parties concernées ont le droit d'accepter ou de s'opposer à la

  8   participation de certaine force. Il n'y a pas d'opposition à la présence

  9   d'un bataillon égyptien ou d'un autre bataillon. Je ne sais pas pourquoi ce

 10   problème est soulevé tout d'un coup dans ce document. Il n'y avait pas

 11   d'incidence sur la situation et je peux vous le confirmer non pas en tant

 12   qu'Egyptien, mais en tant que commandant des Nations Unies. Aucun dirigeant

 13   égyptien ne contrecarrerait les principes de sa mission et personne ne

 14   saurait violer les principes fondateurs de la mission. Notre slogan est

 15   d'être impartiaux, et nous sommes, tout le monde l'accepte. Vous avez déjà

 16   dit que vous pensez que parce que les Musulmans et les membres du Bataillon

 17   musulman étaient Musulmans, je comprends bien ce que vous dites, mais vous

 18   ne pouvez pas vous opposez à la présence d'un Bataillon égyptien ou d'un

 19   commandant égyptien uniquement du fait de sa confession, du fait de sa foi.

 20   Je suis égyptien, et je vous l'ai dit : Vous saviez que j'étais égyptien et

 21   vous ne vous êtes jamais opposé à ce que je participe aux réunions, vous

 22   l'avez dit d'ailleurs toujours en préambule en réunion et j'ai beaucoup

 23   apprécié vos propos.

 24   Q.  Je crains fort que je n'aie pas été suffisamment clair. C'est vous qui

 25   avez mentionné le fait que nous avions proposé que, sur le terrain dans le

 26   secteur accidenté, il n'y ait pas d'Egyptiens, mais pour leur propre

 27   sécurité à eux. Nous voulions préciser, ce n'est pas les dirigeants qui

 28   avaient formulé des réserves vis-à-vis de l'Egypte, mais on avait redouté

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  1   que sur le terrain, des gens ne vous considèrent comme ayant un parti pris

  2   d'avance. Mais je crois que nous avons tiré la chose au clair.

  3   Je vais vous montrer ce à quoi j'ai fait référence en vous montrant le

  4   document d'après, mais je voudrais que nous restions encore un paragraphe

  5   14 pour ce qui a été convenu à Londres s'agissant des pièces d'artillerie

  6   lourde. M. Goulding a dit que :

  7   "Du fait en ce qui concerne la mise en œuvre de l'accord Hogg, la

  8   FORPRONU dès le 2 septembre, a réussi à se mettre d'acte d'accusation avec

  9   le Dr Karadzic sur une définition d'arme lourde."

 10   Un peu plus bas :

 11   "Mais il a dit que, s'il avait accepté l'accord Hogg comme étant un

 12   geste qu'il faisait pour la conférence, mais les Musulmans ont depuis lancé

 13   un grand nombre d'offensives et il a déclaré qu'il honorerait l'accord que

 14   s'ils arrêtaient d'attaquer ses propres forces."

 15   Alors je vous demande de nous dire si vous avez gardé le souvenir de

 16   ce que M. Goulding avait constaté et il le constate ici par écrit dans ce

 17   courrier.

 18   R.  Non. Alors ce dont je me souviens c'est qu'au début de cette réunion,

 19   Nambiar m'a dit que les résultats de la Conférence de Londres étaient très

 20   positifs, donc nous avons parlé de la présence de ces armes lourdes sur 11

 21   positions et je devais surveiller ces positions, bien sûr, dans la limite

 22   de mon mandat. Vous m'avez dit - et c'est ce qu'on trouve ici - vous m'avez

 23   dit, dans la réunion que vous ne parliez absolument pas de la collecte,

 24   vous ne considériez pas que les Nations Unies devaient surveiller la

 25   collecte des armes lourdes, mais qu'elles pouvaient juste surveiller les

 26   armes lourdes là où elles étaient positionnées. Les Musulmans en avait un

 27   grand nombre. Vous nous l'avez dit et vous nous avez dit qu'il fallait donc

 28   nous surveillons la présence et les emplacements des armes lourdes. J'ai

Page 5567

  1   rendu compte de cela au général Nambiar et il nous a répondu que ce qui

  2   avait été conclu à l'ordre n'était pas mis en œuvre, en tout cas, pas de la

  3   façon dont nous l'avions compris. M. Goulding non plus n'avait pas compris

  4   les choses ainsi, et M. Goulding a parlé de sa propre version et les

  5   interprétations de la chose à M. Nambiar. Il y avait eu un accord pour

  6   surveiller les armes lourdes. Mais les choses sur le terrain ne se sont pas

  7   déroulées ainsi.

  8   Vous vous souviendrez sans doute, Monsieur, qu'étant donné que nous

  9   étions censés surveiller la collecte d'armes lourdes, nous devrions aussi

 10   surveiller les mortiers légers puisque ces mortiers légers peuvent

 11   occasionner des dégâts aux bâtiments, eux aussi.

 12   De plus, lorsque le général Nambiar m'a donné ces consignes à propos de ce

 13   qui avait été conclu à Londres, ce que vous aviez dit à Londres, je me suis

 14   penché sur la possibilité d'avoir assez d'observateurs pour surveiller tous

 15   ces emplacements, il n'en avait pas assez au sein des Nations Unies. Nous

 16   avons donc mis sur pied des petites unités, tirer des bataillons, et nous

 17   avons essayé de former ces observateurs pour qu'ils constituent une relève

 18   pour qu'ils complètent un peu les rangs des moniteurs, des observateurs,

 19   puisqu'on n'en avait pas assez. Ensuite donc ils ont poursuivi leur mission

 20   d'observateur puis ont été reversés dans leurs propres bataillons.

 21   Q.  Général, voyez un peu ce que M. Goding est en train d'écrire, complique

 22   les choses en déclarant que :

 23   "Le président Izetbegovic a compliqué les choses en prétendant que

 24   l'accord Hogg portait sur tous les armes lourdes contrôlées par les Serbes

 25   en Bosnie-Herzégovine. J'ai nié. J'ai réfuté cela, et le co-président a

 26   depuis lors confirmé ceci avec les autorités britanniques. Ils ont

 27   déterminé aussi et que le 12 septembre serait la date butoir," et cetera,

 28   et cetera.

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  1   Alors, Général, dans ce document original, en provenance du ministre

  2   Hogg, il est question de supervision, pas de contrôle. On parle de

  3   territoires contrôlés par les Serbes, mais il ne s'agit pas de contrôler la

  4   totalité des armes serbes.

  5   Ce que je vous ai posé comme question c'est la chose suivante : Est-

  6   ce que les parties en présence essayaient de tirer avantage de cette mise

  7   en œuvre de l'accord, et c'est ce qui a perturbé l'application de ce qui

  8   avait été convenu ? Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que M. Goulding a

  9   rédigé ici pour ce qui est du fait d'avoir compliqué les choses ?

 10   R.  Voilà ce que j'avais compris. J'avais compris qu'il y avait une erreur

 11   d'interprétation entre le terme "supervision," "supervision et control,"

 12   donc en anglais. Mais pourtant les choses étaient claires dans mon esprit.

 13   Supervision, ça signifie surveiller les armes lourdes qui sont en position.

 14   Il n'y avait absolument pas l'idée de les collecter, elles sont censées

 15   rester là où elles sont, et les Nations Unies sont là pour surveiller ces

 16   armes et pour vérifier les choses. La collecte, en revanche, c'est

 17   différent. Cela signifie qu'il faut collecter les armes et rassembler dans

 18   un endroit bien précis tout ce qui se fait sous l'égide des Nations Unies,

 19   et les Nations Unies sont là pour vérifier que ces armes ne sont pas

 20   utilisées. Donc nous avons demandé que ces batteries soient placées dans

 21   des positions bien précises pour que notre mission de surveillance soit

 22   facilitée, cela dit rien de tout ça n'a été mis en œuvre.

 23   Q.  Merci.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les armes ont été regroupées à 11 sites, mais

 25   nous n'avons pas autorisé le contrôle, tel que demander par Izetbegovic,

 26   mais nous avons demandé une supervision telle que prévue avec M.

 27   l'Ambassadeur.

 28   Alors donnez-nous la dernière page pour qu'on voie un peu ce qu'il a

Page 5569

  1   rédigé, qui est-ce qui l'a rédigé. Merci.

  2   Est-ce qu'on peut demander le versement de ce document au dossier, s'il

  3   vous plaît ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D503.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  7   J'aimerais qu'on nous montre le 1D2125. 1D2125. Je vais en donner lecture.

  8   Il s'agit de la date du 17 septembre 1992. Je ne sais pas s'il y a une

  9   traduction, en fait. Ce qui est encadré dit la chose suivante :

 10   "L'amertume de Razek, le commandant des forces de la FORPRONU à Sarajevo,

 11   le général de Brigade égyptien, M. Razek, a déclaré hier à la conférence de

 12   presse qu'il était choqué par la déclaration de la présidence, qui parle de

 13   façon inappropriée des forces de paix de  Nations Unies. Le général Razek a

 14   souligné que de cette façon-là il ne serait y avoir mise en œuvre d'une

 15   coopération avec la FORPRONU. Ganic avait semblé être un homme raisonnable,

 16   mais maintenant je suis choqué. Je souhaite lui rappeler que ce n'est pas

 17   de la sorte que l'on coopère, parce que, si nous ne bénéficions pas de la

 18   compréhension et de soutien des hommes sur place, nous allons devenir les

 19   ennemis de tout le monde."

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Alors vous souvenez-vous du fait que vous aviez déclaré avoir été

 22   choqué par le comportement de cette partie-là à une conférence de presse ?

 23   R.  Oui, oui, je peux le confirmer. Comme je l'ai déjà dit, les

 24   circonstances étaient difficiles. Juste après ma réunion après M. Ganic,

 25   après que je lui ai parlé du meurtre des chauffeurs français, il est devenu

 26   assez agressif envers moi, en tout cas. Il a fait certaines déclarations à

 27   la presse, et ces déclarations ont à rien aider à calmer le jeu entre les

 28   Nations Unies et les résidents.

Page 5570

  1   Il était dit que nous étions des officiers pauvres, venant de pays pauvres,

  2   que la situation ne faisait qu'empirer. Il nous a même insultés. Il nous a

  3   dit que nous étions que des Casques bleus, qui étaient intéressés

  4   financièrement, bien plus intéressés financièrement qu'intéressés par leur

  5   mission. Ça m'a choqué énormément. La réunion a été très animée, et j'ai

  6   dit : Allons, essayons de voir ensemble que faire. Après tout un officier

  7   égyptien a une très bonne vie en Egypte. Son niveau de vie est parfait,

  8   alors comment pouvez-vous accuser une personne de mon âge, de mon rang,

  9   d'être venu ici alors qu'on ne peut même pas prendre de douche ou qui

 10   souffre avec la population et avec tous les soldats ? Combien pouvez-vous

 11   m'accuser de venir dans mon intérêt ?

 12   J'ai même demandé que l'on fasse une conférence de presse. J'ai

 13   demandé aux médias de venir pour relayer cette information, pour que les

 14   médias rapportent et rendent compte des conditions de vie des forces des

 15   Nations Unies. Nous avons fait des déclarations et tout le monde savait que

 16   nous consentions d'énormes sacrifices dans cette région. Donc ces

 17   déclarations m'ont choqué, et dans le cadre d'une de ces conférences de

 18   presse, j'ai clarifié les choses, ce qui a permis ensuite d'améliorer un

 19   petit peu les relations entre nous.

 20   Q.  Mon Général, est-ce que vous pouvez nous donner à peu près une date

 21   pour ce qui est du moment où votre secrétaire a été blessé ?

 22   R.  Mon assistant était un ressortissant égyptien. Il me servait d'officier

 23   de liaison avec le Bataillon égyptien, du fait du problème de langue, et

 24   ceci m'a aussi permis de me concentrer sur les problèmes de discipline

 25   concernant le Bataillon égyptien. Mon assistant était un officier

 26   expérimenté, et il a été blessé dans le cadre d'une attaque sur le QG d'une

 27   des compagnies constituant le bataillon.

 28   Q.  Je pense que vous n'avez pas bien reçu -- vous n'avez pas reçu une

Page 5571

  1   interprétation correcte en arabe. Je parle de votre secrétaire, cette femme

  2   serbe qui a été blessée. Pouvez-vous nous dire à quel moment elle a été

  3   blessée ?

  4   R.  Oui. Elle a été blessée pendant le pilonnage de l'immeuble des PTT. Je

  5   crois qu'elle s'appelait Mlle Gordana. Elle était Serbe. Elle a été blessée

  6   au moment où l'immeuble des PTT a été frappé par un tir direct. Elle se

  7   trouvait dans la salle de repos et a été grièvement blessée au système

  8   nerveux, et le médecin de cet immeuble des PTT, qui était Français, a

  9   proposé qu'elle soit évacuée car elle n'était pas membre du personnel des

 10   Nations Unies.

 11   Q.  Mais dites-nous quand. Quand cela s'est passé, je vous prie, à peu près

 12   ?

 13   R.  Je ne parviens pas à me rappeler la date exacte, mais il existe des

 14   rapports qui indiquent cette date. Il est possible que cela se soit passé

 15   en novembre ou décembre à peu près.

 16   Q.  Merci. Excellent. Cela suffira.

 17   Je vous demanderais à présent de voir ce qu'a dit M. Ganic le 15 septembre

 18   dans le journal "Oslobodjenje" parution du 15 septembre. On y trouve un

 19   texte qui est dû à Ejub Ganic, dont le titre est "Le côté sombre de la

 20   FORPRONU," qui se lit comme suit, je cite :

 21   "La FORPRONU fait venir des secrétaires de Belgrade, de jeunes filles en

 22   âge d'être mariées dont le manque de connaissance de la langue anglaise est

 23   compensé par un très bel aspect physique et une démarche très agréable.

 24   Ganic affirme qu'elles sont également très douées pour l'espionnage. Il a

 25   écrit un certain nombre de choses au sujet de membres de la FORPRONU en

 26   disant qu'il s'agissait de personnes désorientées, indisciplinées qui

 27   n'avaient aucun mandat suspendu sur leurs têtes. Des journalistes étrangers

 28   --"

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends rien. Il n'y a pas

  3   d'interprétation. J'entends seulement M. Karadzic.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, en dehors de cela,

  5   qu'est-ce que vous êtes en train de lire ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je lis un document, le même document, le

  7   document qui est dans le prétoire électronique.

  8   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la

  9   deuxième partie de ce qui est encadré. On trouve d'abord ce qu'a dit le

 10   général, et en dessous ce qu'a dit M. Ganic.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois, parce qu'il a fait remarquer

 12   que cela avait un rapport avec "Oslobodjenje" et a donné le titre du

 13   document comment était : "Le côté sombre de la FORPRONU." C'est en raison

 14   de cela que je ne comprenais plus très bien.

 15   Général, est-ce que vous entendez maintenant les interprètes ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'entends à présent les interprètes,

 17   Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pourriez-vous répéter

 19   ce que vous venez de dire ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je tenais à lire les propos de M. Ganic

 21   auxquels a réagit M. Razek. Donc voilà ce qui était dit et écrit au sujet

 22   des secrétaires, des femmes serbes qui venaient de Belgrade pour travailler

 23   au sein de la FORPRONU. Est-ce que je devrais répéter tout le paragraphe ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous donner lecture de la

 25   question, Monsieur le Témoin. Donc, la question vous a été posée par M.

 26   Karadzic. L'article évoqué avait pour titre "Le côté sombre de la

 27   FORPRONU." Cet article se lisait comme suite, je cite :

 28   "La FORPRONU fait venir des secrétaires de Belgrade, de jeunes femmes en

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  1   âge d'être mariées, dont l'absence de connaissance de la langue anglaise

  2   est compensé par un aspect physique et une démarche très engageante. Ganic

  3   affirme qu'elles sont également très douées pour l'espionnage. Il a écrit

  4   au sujet de membres de la FORPRONU en disant qu'il s'agissait de personnes

  5   désorientées, indisciplinées, qui n'avaient aucun mandat suspendu au-dessus

  6   de leurs têtes."

  7   Alors, quelle est votre question à ce sujet, Monsieur Karadzic ?

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que c'est cela qui a pour partie causé votre irritation ?

 10   R.  Monsieur, je suis contraint ici de dire une chose, à savoir que ceci

 11   relève du travail des Nations Unies. Un commandant ou un responsable de

 12   haut grade des Nations Unies a toute l'attitude d'utiliser les services de

 13   personnes de la région, ceci dans le cadre des efforts des Nations Unies

 14   pour s'intégrer à la communauté locale.

 15   Q.  Je suis d'accord, mais je vous demandais si c'étaient ces mots

 16   particuliers de M. Ganic qui ont provoqué votre irritation, entre autres,

 17   rien d'autre ? Nous ne contestons pas ce que vous dites. Nous vous

 18   demandons simplement si ce sont ces mots qui ont, en partie en tout cas,

 19   provoqué votre irritation ?

 20   R.  Non. En fait, Ganic était blême parce que je venais de lui dire que la

 21   source des tirs était le bâtiment de la présidence. Cela l'a donc irrité et

 22   il a répondu dans les termes qu'il a utilisés. Personnellement, je n'étais

 23   pas satisfait de la façon dont il a décrit la situation. C'est la raison

 24   pour laquelle je lui ai dit :

 25   "Vous ignorez quelles sont nos conditions de vie, et si vous

 26   souhaitez envoyer vos représentants chez nous pour voir dans quelles

 27   conditions nous vivons à notre QG, vous pouvez le faire."

 28   Nous traitions les personnes de la région avec le plus grand respect. Cette

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  1   Mlle Gordana était une femme très respectable et respectée. Je pense, qu'en

  2   fait, ils ne comprenaient pas la façon dont nous travaillions, et ils ne

  3   voyaient pas comment nous travaillions. A cette époque-là, je n'ai pas tenu

  4   grand compte de ces déclarations, donc je ne sais pas ce qu'il a jouté à

  5   cette époque-là.

  6   Q.  Je vous remercie. Voici la façon dont les correspondants étrangers ont

  7   qualifié la situation, je cite :

  8   "Les correspondants étrangers estiment que ceci constitue une nouvelle

  9   étape dans la campagne médiatique dirigée contre les forces de paix des

 10   Nations Unies à Sarajevo, après des déclarations --"

 11   R.  Je n'entends pas les interprètes.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, ralentir un

 13   peu lorsque vous posez vos questions, Monsieur Karadzic ?

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] De plus, on a du mal à comprendre

 15   quel est le texte sur lequel se fonde M. Karadzic pour lire ce passage.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je lis la dernière partie du document dont nous

 17   parlons depuis quelque temps, dans la fenêtre que l'on voit sur cette page.

 18   "Strani" signifie "étranger."

 19   Je cite :

 20   "Les correspondants étrangers estiment que ceci constitue une

 21   nouvelle étape dans la campagne médiatique dirigée contre les forces de

 22   paix des Nations Unies à Sarajevo, après des déclarations ouvertes de la

 23   part d'un représentant de la FORPRONU, selon lesquelles ce sont les forces

 24   musulmanes qui sont responsables de toute une série d'attaques en ville, en

 25   particulier de l'attaque dirigée contre le convoi humanitaire des Nations

 26   Unies au cours de laquelle deux soldats français ont été tués."

 27   Vous avez déjà confirmé, n'est-ce pas, qu'ils ont été furieux ou qu'il est

 28   devenu blême parce que vous avez établi qu'ils avaient tiré sur toute la

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  1   ville et sur le convoi ?

  2   Je vous remercie. Je demande le versement au dossier de ce document.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le

  5   Président.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage à présent du document

  7   1D21 --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, je vous prie. Si nous

  9   respectons nos propres directives, j'indiquerai que je n'ai aucun problème

 10   à verser au dossier la première partie du document. Quant à la deuxième

 11   partie du document, elle est liée aux propos d'une tierce personne, et je

 12   ne pense pas que le témoin ait confirmé la teneur de ces propos. Je vais

 13   consulter mes collègues.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

 15   permettez-moi quelques mots rapides. Nous avons déjà versé au dossier des

 16   documents entiers alors qu'un témoin n'avait reconnu que certaines parties

 17   de ce document. Donc je pense qu'il serait cohérent par rapport à vos

 18   directives d'admettre l'intégralité de ce document, même si tout n'a pas

 19   été confirmé.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais les sujets sont tout à fait

 21   différents dans les deux parties du document, n'est-ce pas ?

 22   M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact. Mais cela était également le

 23   cas dans les autres documents que j'ai évoqués, à mon avis.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire un mot.

 25   Je n'ai pas posé cette question. Le général en personne a confirmé cela à

 26   l'avance. Il a déclaré que M. Ganic était livide en raison de ce qu'on peut

 27   lire dans le dernier paragraphe, à savoir qu'ils avaient établi, que

 28   c'étaient les forces de la présidence qui avaient tiré. Donc ce propos

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  1   avait été confirmé à l'avance par le témoin, je n'ai fait que souligner ce

  2   qu'avait dit le général en personne.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'étais pas sûr de ce à quoi était

  5   lié le commentaire du général. Mais étant donné ce qui vient d'être

  6   précisé, nous admettons ce document et nous l'enregistrons pour

  7   identification en attente de traduction.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D504, enregistrée aux

  9   fins d'identification avec cote MFI, Monsieur le Président, Madame,

 10   Messieurs les Juges.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   J'aimerais maintenant l'affichage du document 1D2126, qui a un rapport avec

 13   le dernier paragraphe du texte précédent précisément. Ce document est un

 14   extrait du journal "The Independant." En date du 18 janvier 1993.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  En tout cas, je suppose que c'est ce qui est écrit en haut du document.

 17   Nous constatons à la lecture de cet article que vous auriez proposé que le

 18   Conseil de sécurité lance un ultimatum aux forces en présence pour qu'elles

 19   retirent leurs armes, et cetera.

 20   Puis nous trouvons le passage suivant, je cite :

 21   "Le général Abdel Razek est prêt à œuvrer pour la solution des problèmes

 22   causés par la guerre civile."

 23   Est-ce qu'on peut faire défiler le texte vers le bas.

 24   Vous voyez, Général, le dernier paragraphe au bas de la première colonne,

 25   qui commence par "le général Abdel Razek… ?"

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-on agrandir encore un peu le texte

 27   à l'écran.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà, nous venons de voir apparaître le texte

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  1   qui m'intéresse à l'écran. Je cite :

  2   "Le général Abdel-Razek a déclaré qu'aucune intervention ne résoudrait les

  3   problèmes causés par la guerre civile. Une intervention serait très

  4   compliquée. La paix doit venir de la volonté du peuple concerné, a-t-il

  5   déclaré. Mais à présent, les forces en présence prennent plaisir à

  6   s'entretuer et à tout détruire alors que le monde ne fait qu'observer."

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Donc implicitement, on constate à la lecture de ces propos que vous

  9   souhaitiez une intervention, ou plutôt, que vous étiez opposé à une

 10   intervention et que vous souhaitiez que les parties belligérantes

 11   démontrent de la bonne volonté vis-à-vis de l'arrêt des tueries, n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  Cela n'a pas été dit en conférence de presse. Peut-être est-ce une

 14   partie d'une interview. Mais comme vous le savez, plusieurs correspondants

 15   de presse vivaient parmi nous et étaient très désireux de glaner des

 16   informations en parlant à des commandants. Donc il est possible que ce soit

 17   des propos que j'ai tenus durant une interview avec l'un de ces

 18   correspondants, et ceci est l'expression d'une position personnelle. Je

 19   pensais qu'une intervention impliquerait un recours à la force beaucoup

 20   plus vaste et que les forces présentes sur le terrain n'étaient pas en

 21   nombre suffisant. Par conséquent, j'avais le sentiment qu'il était

 22   nécessaire que le Conseil de sécurité exerce des pressions accrues, et donc

 23   c'est l'expression de ma part d'un sentiment personnel, d'un point de vue

 24   personnel. Je pensais que de telles pressions de la part du Conseil de

 25   sécurité conduiraient à la cessation des hostilités et qu'à ce moment-là

 26   des bons offices pourraient intervenir pour tenter de résoudre la

 27   situation. C'était mon point de vue personnel et cela n'avait rien à voir

 28   avec ma position en tant que commandant des Nations Unies.

Page 5578

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant voir le bas de la

  2   troisième colonne de cet article, donc agrandissement de la page, mais au

  3   niveau de la troisième colonne, je vous prie. Je vais en donner lecture,

  4   enfin, je vous demande d'en prendre connaissance. Cette partie de l'article

  5   concerne les attaques, et il est signalé que deux soldats de la Légion

  6   française ont été blessés. Je cite :

  7   "Lors d'une conversation, des officiers français ont souligné que…"

  8   Puis un peu plus bas, je cite :

  9   "Les forces musulmanes se sont rendues responsables de nombreuses

 10   attaques contre les forces des Nations Unies à Sarajevo. Ils ont également

 11   affirmé que les dirigeants musulmans de Bosnie maintiennent une limitation

 12   de l'approvisionnement en eau afin de renforcer la mentalité d'assiéger et

 13   de faire de la ville le centre de l'attention internationale."

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Vous rappelez-vous que c'est ce que nous n'avons cessé de dire tout le

 16   temps, et que l'on ne nous croyait pas jusqu'à ce que les représentants de

 17   la communauté internationale le constatent par eux-mêmes ?

 18   R.  Excusez-moi, Monsieur. Quelle est la question que vous me posez

 19   exactement ? Tout ceci faisait partie des petits jeux de la guerre.

 20   Q.  Vous me demandez quelle est la question. Bien, les Musulmans nous

 21   imposent leurs petits jeux de guerre de façon à nous faire condamner et

 22   dans le but de faire de toute la ville une victime; les Français que je

 23   viens de citer l'ont dit, développer la mentalité de siège. Tout ceci pour

 24   nous faire porter la responsabilité et personne ne nous a crus, lorsque

 25   nous l'avons affirmé tant que les représentants de la communauté

 26   internationale ne s'en sont pas convaincus par eux-mêmes, n'est-ce pas,

 27   lorsqu'ils ont constaté la situation ?

 28   R.  Monsieur Karadzic, j'ai été très clair dans ce que j'ai fait au sujet

Page 5579

  1   d'actions de ce genre. J'ai toujours envoyé des rapports au sujet de tels

  2   incidents. Lorsque l'on me demandait de déterminer la responsabilité de

  3   certains actes, je m'asseyais autour d'une table avec mes conseillers pour

  4   tenter d'établir la réalité des faits, et c'est sur ces faits que je

  5   fondais mon rapport. Lorsque nous pointions le doigt sur l'une ou l'autre

  6   des parties que nous considérions responsable d'avoir tiré les premiers,

  7   cette partie, bien entendu, niait le fait en question. Le déni était la

  8   marque de fabrique de toutes les parties avec lesquelles nous avions à

  9   traiter, et ceci a finalement créer la frustration que j'ai fini par

 10   ressentir, car nous nous trouvions dans une situation qui nous interdisait

 11   toute action. Nous étions en train de tourner dans un cercle vicieux.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 13   document.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D505, Monsieur le

 16   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du document

 18   1D2127, qui porte sur le même sujet.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  C'est une lettre dont vous êtes l'auteur. J'espère que nous disposons

 21   de l'original, et également de la version anglaise, mais je n'en suis pas

 22   sûr, en tout cas c'est une lettre que vous adressez au colonel Siber,

 23   numéro deux de l'état-major du commandement Suprême des forces armées de

 24   Bosnie-Herzégovine, et cette lettre porte la date du 19 janvier 1993. Objet

 25   de la lettre : "Danger pour la vie au centre-ville." Je cite :

 26   "Le QG de la FORPRONU, par le truchement des observateurs des Nations

 27   Unies, a reçu des informations indiquant qu'à Blazuj…"

 28   Savez-vous où se trouve Blazuj, Général ?

Page 5580

  1   R.  J'ai beaucoup de difficulté avec le nom des lieux. Je ne suis pas sûr

  2   que ceci ait une grande importance au vu des incidents majeurs dont nous

  3   sommes en train de parler, en tout cas dans mon souvenir, mais c'est peut-

  4   être l'un des lieux où un tel incident a eu lieu.

  5   Q.  Je vous remercie. Vous vous rappelerez peut-être que cela s'est passé

  6   alors que vous alliez d'Ilidza vers Hadzici. Mais ce texte ne comporte pas

  7   le mot "réservoir," alors qu'à Blazuj, il y avait un réservoir de carburant

  8   qui a été pilonné en date du 13 janvier 1993.

  9   "Le lendemain, des officiers du département logistique ont enquêté sur les

 10   lieux afin d'évaluer l'étendue des dommages et ont déterminé qu'il

 11   s'agissait d'un danger majeur pour l'environnement. Le dernier pilonnage de

 12   ces installations avait été pratiqué par des mortiers de calibre 120-

 13   millimètres à partir des positions situées sur le mont Igman."

 14   Puis nous voyons ce qui reste de tout cela. Mais dans le dernier paragraphe

 15   nous lisons, je cite :

 16   "Je souhaite vous informer au sujet des conclusions de l'enquête menée par

 17   notre équipe. Les installations du réservoir de Blazuj ont été touchées à

 18   présent des tirs directs, ce réservoir ayant une capacité de 45,000 tonnes

 19   de carburant et de 300 mètres cube de gaz, ce qui risque de provoquer une

 20   pollution importante de l'eau dans la ville, parce que la rivière Rakovica

 21   qui coule à Blazuj coule en direction de Sarajevo et passe à 100 mètres à

 22   peine du réservoir de carburant de Blazuj."

 23   Vous avez signé ce document. Nous lisons : "H. A. Razek, général de

 24   brigade, secteur de Sarajevo."

 25   Vous rappelez-vous cette lettre que vous avez envoyée au colonel Siber ?

 26   R.  Oui. Comme je l'ai déjà dit, dès lors qu'un incident avait lieu, nous

 27   rendions compte de cet incident à notre QG. J'avais l'habitude de parler à

 28   M. Galic, à M. Mladic, ainsi qu'à votre commandement. Je parlais aussi au

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  1   représentant de l'autre partie, à savoir au commandant de l'autre partie,

  2   de la même façon. Vous constaterez que la teneur de ces conversations est

  3   arrivée jusqu'aux échelons les plus élevés du commandement de Galic. Notre

  4   rôle consistait à porter à la connaissance des commandants des deux parties

  5   les incidents les plus graves.

  6   Q.  Je vous remercie. Encore une question. Convenez-vous que les forces

  7   musulmans étaient positionnées sur le mont Igman, ou plutôt, les forces de

  8   Bosnie-Herzégovine, comme disent les gens, et que c'est la raison pour

  9   laquelle c'est au colonel Siber que vous avez adressé votre lettre, n'est-

 10   ce pas ?

 11   R.  Oui. Oui, c'est exact.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 13   document.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous l'admettons en tant que pièce

 15   enregistrée aux fins d'identification, en attente de traduction.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D506, cote MFI,

 17   enregistrée aux fins d'identification, par conséquent.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je remarque l'heure.

 19   C'est l'heure de faire la pause.

 20   Général, j'ai oublié de vous l'indiquer au début de votre déposition, mais

 21   vous en avez sans doute été avisé par la Section chargée de la protection

 22   des Victimes et des Témoins. Pendant les suspensions d'audience, et ce,

 23   jusqu'à la fin de votre déposition, vous n'êtes censé discuter avec

 24   personne de votre déposition. Vous m'avez bien compris.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc suspension de nos débats qui

 27   reprendront à 13 heures.

 28   Toutes mes excuses, la suspension va durer une heure, donc nous reprendrons

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  1   nos débats à 13 heures 30.

  2   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 29.

  3   --- L'audience est reprise à 13 heures 32.

  4    M. LE JUGE KWON : [interprétation] La semaine dernière, lorsque j'ai

  5   annoncé que la Chambre siégerait de 9 heures à 14 heures 30 au lieu de 9

  6   heures à 15 heures, je pensais aux audiences à venir de faire générale,

  7   mais je n'ai peut-être pas été suffisamment précis eu égard à la journée

  8   d'aujourd'hui. En tout cas, c'était l'intention de la Chambre, à savoir

  9   qu'étant donné que deux membres de la Chambre participent encore à d'autres

 10   affaires, cela leur ménagera un temps suffisant pour siéger dans l'après-

 11   midi, mais ce, uniquement lorsque les salles d'audience sont disponibles.

 12   Donc en raison des circonstances, il nous faudra suspendre aujourd'hui à 14

 13   heures 45, et je crois savoir qu'une question doit être évoquée par vous,

 14   Maître Robinson, avant la fin de l'audience, donc je demanderais à M.

 15   Karadzic de bien vouloir conclure son contre-interrogatoire aujourd'hui, au

 16   plus tard à 14 heures 35.

 17   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demanderais si les conditions sont

 19   réunies que nous voyions la vidéo. Donc je demande la diffusion du document

 20   1D2144 avec l'aide de mon collaborateur.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Il ne faut pas se cacher qu'il y a ici une situation qui n'est pas

 24   caractérisée par une partie étant complètement noire et l'autre

 25   complètement blanche."

 26   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Avez-vous été en mesure de suivre cette réplique de Lord Owen, Général

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  1   ? Vous entendez les interprètes, Monsieur ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Avez-vous pu suivre ce que nous avons entendu dans cette séquence vidéo

  4   -- ce qu'a dit Lord Owen ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Merci. Etes-vous d'accord avec la position adoptée par Lord Owen dans

  7   cette vidéo ?

  8   R.  J'ai, pendant un déjeuner avec Lord Owen, entendu ce dernier exprimer

  9   certaines de ces positions, et il était d'avis que les torts étaient

 10   partagés par tous, que tout le monde avait quelque chose à se reprocher.

 11   C'était son avis. Il m'a dit cela au cours d'une discussion que j'ai eue

 12   avec lui en privé. Il m'a dit : tout le monde est responsable et nous

 13   devons mettre un terme à ces responsabilités. Mais c'était un diplomate, un

 14   homme qui ne proférait aucun propos susceptible d'être pris pour une

 15   accusation à l'égard de l'une ou l'autre des parties.

 16   Q.  Merci. Peut-on poursuivre la diffusion.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   "Lord Owen est venu en Bosnie-Herzégovine au mois d'août 1992 pour

 20   remplacer Lord Carrington en tant que représentant de la Communauté

 21   européenne. Il a rencontré une situation complexe, mais Lord Owen a souvent

 22   évoqué l'opinion négative des médias contre les Serbes, étant donné que les

 23   Serbes se voient reprochés tous les pilonnages. Les observateurs des

 24   Nations Unies ont vu un groupe de soldats en uniforme, des soldats

 25   musulmans qui étaient en train d'apporter un mortier dans l'hôpital et qui

 26   ont lancé un obus dans une direction déterminée, après quoi, très

 27   rapidement, ils se sont retirés et sont partis. Les équipes de la

 28   télévision sont arrivées et ont commencé à tourner quelques minutes plus

Page 5584

  1   tard, à partir des positions serbes, évidemment, un obus est tombé au

  2   voisinage immédiat."

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que ceci correspond à votre opinion et est-ce que ceci

  6   correspond aussi à ce que M. Morillon a écrit à M. Izetbegovic lorsqu'il a

  7   protesté contre cela en invoquant une violation des conventions de Genève ?

  8   R.  Je crois qu'il a également écrit à la partie serbe au sujet de certains

  9   événements. Dès que nous rassemblions des informations au sujet de certains

 10   incidents, nous écrivions à ce sujet et nous adressions nos écritures

 11   directement au commandant lié au problème, qu'il soit du côté des Musulmans

 12   de Bosnie ou de l'autre côté, et je sais à partir des discussions que j'ai

 13   eues avec le général Morillon qu'il a écrit une lettre de cette nature

 14   envoyée à la direction des Musulmans de Bosnie dans laquelle il évoquait

 15   l'abus de l'utilisation de leurs forces, les déploiements abusifs de leurs

 16   forces au voisinage de certaines installations civiles. J'ai discuté de

 17   cette question avec M. Ganic et il m'a dit : Mais où pouvons-nous aller ?

 18   Toute la région est pleine de bâtiments et de civils. Où est-ce que nous

 19   pouvons aller pour nous défendre ? Voilà quelle était sa position. J'ai

 20   toujours souligné qu'il était nécessaire qu'ils ne déploient pas leurs

 21   forces militaires au voisinage des installations des Nations Unies et

 22   qu'aucune force militaire ne devait être déployée au voisinage

 23   d'installations importantes, et ce, dans le but d'éviter les tollés que

 24   provoquaient les attaques contre des installations civiles et contre des

 25   civils, qui subissaient très durement ces pilonnages.

 26   Q.  Merci beaucoup.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on poursuivre la diffusion ?

Page 5585

  1   L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils n'ont absolument aucun

  2   texte écrit.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   " -- Owen a entendu dire que le général Morillon a envoyé suite à ce

  6   pilonnage une lettre aux dirigeants bosniaques. J'ai des éléments concrets

  7   qui me permettent de penser que cet acte constitue une violation des

  8   Conventions de Genève. Quand j'ai écrit au général Morillon, un soldat

  9   exceptionnel de tous les points de vue, je lui ai demandé pourquoi il n'a

 10   pas publié l'événement. Il m'a simplement regardé et a dit : 'Nous devons'

 11   --"

 12   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas pu voir le reste de la ligne dans les

 13   sous-titres, qui a disparue de l'écran.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qu'a dit Lord Owen, à savoir que

 16   la vie à Sarajevo et la réalité de la situation empêchaient le général

 17   Morillon et les autres représentants internationaux d'exercer des pressions

 18   publiques sur la présidence en lui imposant de mettre un terme à ces

 19   violations des Conventions de Genève et que c'est un fait que les gens qui

 20   étaient présents sur place jouaient un rôle très important eu égard à la

 21   publication de tels événements ?

 22   R.  Je tiens à dire que nous étions du personnel militaire. Nous n'étions

 23   pas censés exercer des pressions. Notre seul rôle consistait à envoyer des

 24   rapports au sujet des événements qui avaient lieu en demandant que des

 25   enquêtes soient menées et en faisant tout pour que des actions du même

 26   genre ne se reproduisent pas. Nous informions donc nos supérieurs, et

 27   c'était nos supérieurs qui avaient la capacité de coordonner leur travail

 28   avec l'envoyé personnel du secrétaire général et avec l'envoyé de la

Page 5586

  1   communauté européenne qui, a leur tour, exerçaient les pressions

  2   pertinentes sur les dirigeants concernés. Notre rôle ne consistait qu'à

  3   informer notre direction de ce que nous avions vu, de l'informer au sujet

  4   de certains événements. Et je crois que les choses se sont passées ainsi.

  5   Nombre d'événements ont eu lieu et chaque personne avait sa propre opinion.

  6   Mais personnellement je croyais, et je l'ai déjà dit, que tout cela n'était

  7   qu'un petit jeu de la guerre et que toutes les parties niaient la réalité

  8   des faits, qui découlait de telles actions.

  9   Chaque fois que nous informions une partie du fait qu'un tel événement

 10   avait eu lieu et que, dans les rapports de nos observateurs il était

 11   indiqué que les pilonnages avaient une source précise qui était désignée,

 12   les parties concernées répondaient toutes de la même façon, à savoir que

 13   c'était le jeu de la guerre, de façon générale, dans la région de Sarajevo.

 14   Q.  Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, mais le problème qui

 15   se pose ici c'est que la FORPRONU et les représentants internationaux

 16   pouvaient toujours faire des remarques à la partie serbe et les rendre

 17   public, alors que les dénégations de la partie serbe par rapport à la

 18   partie musulmane ou leurs protestations n'étaient jamais rendues publiques,

 19   et c'est ce que nous avons constaté en entendant les propos de Lord Owen.

 20   Suite à cela, une certaine image était dépeinte dans laquelle les Serbes

 21   étaient considérés comme les méchants, alors que la partie adverse avait le

 22   bon rôle et se présentait comme victime. Donc les médias étaient partiaux,

 23   et ce, contre les Serbes, n'est-ce pas ?

 24   R.  La partialité ne venait pas des médias. Les médias pouvaient se

 25   déplacer très facilement dans la région. Ils suivaient de très près

 26   l'évolution des événements, car vous savez bien que dans la région, les

 27   correspondants internationaux représentant des télévisions et de la presse

 28   écrite étaient très nombreux, comme c'est le cas dans n'importe quel

Page 5587

  1   conflit, où que ce soit dans le monde. Je sais qu'une présence aussi

  2   importante des médias est tout à fait normale, qu'elle fait partie des

  3   réalités de ce travail de journaliste. Je ne pensais pas qu'une partie

  4   était stigmatisée plus que l'autre. Je veux parler des Serbes.

  5   Comme les Juges de la Chambre viennent de l'entendre, et je l'ai déjà dit,

  6   chaque fois que je constatais une erreur commise par l'une ou l'autre des

  7   parties, j'en rendais compte dans un rapport, que l'erreur ait été commise

  8   par la partie musulmane de Bosnie ou par la partie serbe de Bosnie. Je

  9   rédigeais des rapports à ce sujet, je discutais avec les personnes

 10   concernées en disant : "Tel et tel événement a eu lieu à tel et tel

 11   endroit".

 12   Maintenant, qu'est-ce que faisaient les représentants politiques ?

 13   Moi, je n'étais pas représentant politique. J'étais commandant sur le

 14   terrain et mon seul rôle consistait à rendre compte des événements, ce que

 15   j'ai fait.

 16   Q.  Merci. La seule chose que je voulais dire, c'est qu'il aurait été utile

 17   sans doute que le général Morillon ait rendu cette lettre publique. Je

 18   crois que vous l'auriez rendue publique, car vous étiez très sévère à

 19   l'égard de Ganic.

 20   Mais voyons le reste de cette vidéo.

 21   R.  J'aimerais simplement ajouter que dans une certaine période pendant

 22   notre mandat, j'ai envoyé des lettres au général Morillon en sa qualité de

 23   responsable du secteur Sarajevo, mais il avait aussi des responsabilités

 24   par rapport à l'ensemble de la Bosnie. Pour ma part, je ne lui envoyais des

 25   rapports qui ne concernaient que le secteur de Sarajevo.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] La suite de la diffusion.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 5588

  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Mais pourquoi n'a-t-il pas rendu cette lettre publique ? Il m'a

  3   simplement répondu en haussant les épaules : 'Nous sommes obligés de vivre

  4   ici.' Lord Owen et le représentant des Nations Unies, Cyrus Vance,

  5   constatent que leurs efforts sont sabotés par la propagande de guerre,

  6   dirigée vers les Etats-Unis. Aux Etats-Unis, la chose est encore présentée

  7   d'une certaine façon, et tout indique que la situation n'est pas simple,

  8   car pas mal de tout cela relève de la propagande, n'a pas grand-chose à

  9   voir avec la vraie guerre, et les journalistes le savaient lorsqu'ils

 10   écrivaient leurs articles à ce sujet."

 11   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Merci. Conviendrez-vous qu'une propagande de guerre avait lieu au

 14   milieu de tout cela et que les Serbes étaient présentés comme les perdants

 15   de la guerre ? Il était dit qu'ils étaient incapables de mener une guerre

 16   valable dans le domaine de la propagande.

 17   R.  Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question. Je ne suis pas un

 18   spécialiste des médias. En fait, j'ai un diplôme en journalisme, mais

 19   lorsque les médias se trouvent quelque part et couvrent un événement - et

 20   d'ailleurs, j'ai dit, durant l'audience d'hier, que l'erreur était peut-

 21   être commise par vous, parce que vous aviez les armes lourdes - mais vous

 22   n'aviez pas la possibilité de rendre votre position suffisamment claire.

 23   J'ai demandé, personnellement, au correspond de CNN dans le secteur à

 24   l'époque de vous interviewer, et je crois que cette femme -- cette

 25   journaliste l'a fait. Donc si vous avez un argument, présentez-le. J'ai dit

 26   la même chose à Ganic.

 27   Lorsque je parle de représentante de CNN, je parle de Christiane

 28   Amanpour. Donc voilà comment les choses se passaient. Nous étions entourés

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  1   par les médias et j'ai fait tout ce qu'il était en mon pouvoir de faire

  2   pour permettre à toutes les parties de présenter leur thèse afin que la

  3   communauté internationale entende et interprète les choses comme elle le

  4   souhaitait. Je pensais que cela pouvait peut-être apporter une amélioration

  5   sur le terrain, c'était ce qui me préoccupait le plus. Mais on ne peut pas

  6   imposer aux médias ce qu'ils vont dire ou faire. Les journalistes ont leur

  7   propre caméra, ils ont leur propre méthode de travail. Ils collectent des

  8   informations ici ou là, selon des modalités qui sont les leurs. Il en

  9   existe de nombreuses.

 10   Q.  Merci. Mme Amanpour a obtenu, à plusieurs reprises, une interview de ma

 11   part; vous vous rappelez de cela ?

 12   R.  Oui, oui. Je me rappelle que j'ai dit, on raconte que cet homme est un

 13   méchant, mais allez le voir, posez-lui des questions, parlez-lui, dites-lui

 14   ce qui est dit à son sujet et écoutez ses réponses.

 15   Q.  Merci. Dites-moi, pendant notre entretien, nous nous sommes -- ou

 16   plutôt, j'ai admis que la communauté internationale avait proclamé les

 17   Serbes comme étant les agresseurs mais que vous vous êtes opposé à cela,

 18   car vous considériez que vous étiez en présence d'une guerre civile, dans

 19   laquelle il était particulièrement difficile de tout contrôler sur le

 20   terrain; est-ce bien le cas, oui ou non ?

 21   R.  Oui, oui, j'ai dit cela plus d'une fois. J'ai dit que c'était une

 22   guerre civile qui opposait des voisins et que nous étions pris au milieu de

 23   ces combats. Je ne faisais aucune distinction entre une partie ou l'autre.

 24   Je décris les choses comme elles l'étaient, c'était une guerre civile.

 25   Comme je vous l'ai déjà dit, je ne m'intéressais pas particulièrement à ce

 26   qui se passait sur le front. Ce qui m'intéressait avant tout, c'était le

 27   sort vécu par les civils de Sarajevo, et ce, dans un contexte marqué par

 28   des accords signés par les parties en présence.

Page 5590

  1   Q.  Merci. Nous nous sommes également mis d'accord, n'est-ce pas, sur le

  2   fait que vous étiez bien conscient du fait que j'ai toujours eu pour désir

  3   de vous aider à réaliser votre mandat, que c'était de ma part une position

  4   et un désir tout à fait sincère, n'est-ce pas ?

  5   R.  Monsieur, j'ai dit cela à de très nombreuses reprises. La discussion

  6   que j'ai eue avec vous a été positive. Nous nous sommes entendus sur ce qui

  7   était demandé à vos forces, mais le principal problème résidait dans la

  8   façon dont cette entente entre nous se traduisait sur le terrain. C'est

  9   cela qui nous a préoccupés. Nous n'avons pas grand-chose sur le terrain.

 10   Nous vous disions, mais pourquoi est-ce que nous recevons autant de

 11   protestations et c'était le jeu de la guerre, si je me souviens bien. Voilà

 12   les mots utilisés quand nous nous rencontrions, des mots très agréables

 13   étaient prononcés, des mots chaleureux, des mots indiquant une volonté

 14   d'agir, mais sur le terrain, je constatais une situation très différente.

 15   Q.  C'est pour cette raison que mon collaborateur vous a demandé si vous

 16   aviez l'impression que je m'efforçais de vous tromper. Vous avez répondu

 17   que la différence entre un souhait et la réalité de la situation sur le

 18   terrain n'est pas le fait d'une tromperie mais résulte de la nature même

 19   d'une guerre civile, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je n'ai jamais dit que qui que ce soit m'aurait trompé. En tant que

 21   général de métier, je sais parfaitement bien que des situations de ce genre

 22   se produisent en raison de la nature civile d'une guerre. Je savais très

 23   bien que la situation générerait de gros problèmes. Je demandais toujours

 24   aux parties de parler à leurs hommes pour imposer la discipline dans les

 25   rangs, d'exercer un contrôle sur leurs soldats sur le terrain, de façon à

 26   ce que l'objet de nos accords soit réellement mis en pratique; car la

 27   situation ne cessait de perdurer. Chaque fois que nous procédions à un

 28   dialogue agréable, de belles décisions et des réponses positives étaient

Page 5591

  1   données, des accords étaient conclus, mais sur le terrai nous découvrions

  2   une situation marquée par des événements tout à fait différents. Mais je

  3   n'ai jamais dit que qui que ce soit m'aurait trompé. Il se produit une

  4   espèce de chimie personnelle entre des gens qui se rencontrent, et à partir

  5   des discussions que j'ai eues avec vous, durant de nombreuses réunions,

  6   j'ai eu le sentiment que vous souhaitiez vraiment que les choses se passent

  7   dans le but d'améliorer votre image aux yeux de l'opinion publique. Je m'en

  8   rendais bien compte, mais le problème s'est situé au niveau de la chaîne de

  9   commandement. Comment est-ce que toutes ces bonnes intentions pouvaient

 10   arriver jusqu'aux soldats de base. Je crois que c'était là le problème

 11   principal, et que c'est ce qui a provoqué la crise dans la région de

 12   Sarajevo.

 13   Q.  Merci. Pour les besoins des Juges de la Chambre, des participants et

 14   les autres personnes, je tiens à ce que nous nous rappelions une chose; à

 15   savoir que vous avez confirmé que le fait en cas d'attaque en provenance de

 16   la ville, c'est-à-dire attaque dirigée contre les positions des soldats; le

 17   soldat, lui, il n'a pas besoin d'un ordre particulier ou d'instruction pour

 18   ce qui est de se défendre ou de riposter à des fins de défense.

 19   R.  Mais tout ça c'est normal, des choses qui arrivent. Mais ce sont les

 20   dirigeants, ce sont les chefs, si quelque chose se passe, c'est au chef

 21   d'arriver à contenir le problème; sinon, ça signifie qu'il y a un problème

 22   dans la chaîne de commandement. On en arrive au point où un soldat de base

 23   peut amener une crise au niveau des chefs. Le chef est là pour contrôler la

 24   situation et pour s'assurer que la situation redevienne normale lorsque les

 25   choses s'enveniment.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre maintenant la

 28   pièce D214.

Page 5592

  1   La vidéo, Votre Excellence, est-elle versée au dossier ? Parce que nous

  2   avons enregistré les clips sur un disque à part, donc il n'est pas

  3   nécessaire de reprendre les minutes et les secondes de chaque extrait

  4   vidéo. Nous pouvons fournir au Greffier les informations permanentes.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous nous dire, à quel programme

  6   ceci correspond ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça, c'est sorti du film d'un metteur en scène

  8   américain, Bogdanic. Mais les commentaires, enfin, nous ne demandons pas à

  9   ce que les commentaires soient versés au dossier. Ce qui nous intéresse

 10   pour versement au dossier c'est rien que ce que est en train de dire Lord

 11   Owen. Le film est intitulé : "Une guerre qui aurait pu être évitée." Elle

 12   est tout à fait disponible pour tout un chacun. Je crois qu'il y a des

 13   extraits encore que nous nous proposerions d'utiliser à l'avenir.

 14    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Savez-vous où ce film a été diffusé ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, je pense que ça a été à la

 16   télévision privée de Bosnie, la chaîne PN, mais ça a été diffusé sur

 17   plusieurs chaînes, à plusieurs reprises, mais ça a été tout à fait vérifié

 18   par l'auteur et approuvé par celui-ci. Donc nous avons le film entier et

 19   nous pouvons le mettre à votre disposition, et je crois que nous allons

 20   utiliser bien d'autres extraits encore à l'occasion de ce procès.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à soulever

 23   par rapport à l'utilisation de ce discours prononcé par David Owen, mais en

 24   revanche, je soulève une objection pour l'admission de la vidéo dans sa

 25   totalité.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, uniquement cet extrait, donc. Il

 27   sera donc admis.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D507.

Page 5593

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Est-ce qu'on peut nous montrer le 1D214, maintenant, s'il vous plaît ?

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  En attenant, mon Général, je voudrais vous informer de ceci : il s'agit

  5   d'un appel que nous avons lancé à l'intention de la totalité des officiers

  6   serbes originaires de Bosnie qui n'étaient pas encore venus. Là, je me

  7   propose de donner lecture d'un passage. Ça se rapporte à ce que vous venez

  8   de dire tout à l'heure, pour ce qui est de la possibilité d'exercer un

  9   contrôle au niveau de la chaîne de commandement.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est à l'écran. Mais ça n'existe

 11   qu'en B/C/S ?

 12   M. KARADZIC : [interprétation] Pour le moment, oui, on ne l'a qu'en B/C/S.

 13   Je vais en donner lecture. Les interprètes pourront vous le confirmer --

 14   vous confirmer la traduction et la véracité de ce que je dirai.

 15   "République serbe de Bosnie-Herzégovine, présidence, Pale, 6 août 1992."

 16   L'objet, c'est :

 17   "Appel à la totalité des officiers militaires serbes pour ce qui est

 18   de se mettre à la disposition de l'armée de la République serbe de Bosnie-

 19   Herzégovine."

 20   Est-ce que vous me permettez de demander l'affichage de la page suivante.

 21   Le milieu de la page suivante. Voilà, je vais donner lecture d'une seule

 22   partie seulement :

 23   "Comment vous sentez-vous lorsque vous savez qu'à votre place, les

 24   compagnies et les brigades sont commandées par des instituteurs, des

 25   ouvriers, des économistes, des professeurs, et vous êtes allé chercher une

 26   sécurité à un endroit où il n'y a point de guerre. Vous avez cédé vos

 27   places à des gens qui ont un grand cœur et vous avez gardé vos

 28   connaissances pour vous-même."

Page 5594

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Mon Général, cet appel désespéré de la part de la présidence à

  3   l'intention des officiers originaires de la Bosnie-Herzégovine leur

  4   demandant de revenir en Bosnie-Herzégovine pour commander les troupes; est-

  5   ce que ça vous confirme que nous n'avions pas suffisamment de cadres en

  6   matière de commandement et que les unités étaient conduites par des

  7   profanes, c'est-à-dire des gens qui avaient des professions tout à fait

  8   autres ?

  9   R.  Lorsque j'ai personnellement contacté les dirigeants des Serbes de

 10   Bosnie, j'ai rencontré des officiers extrêmement professionnels, c'était

 11   évident, ils étaient en uniforme, ils avaient l'air très professionnels,

 12   très disciplinés, et leur comportement le montrait bien. Sur le terrain

 13   aussi, j'ai rencontré des soldats extrêmement professionnels qui avaient

 14   été déployés dans différentes régions et qui transportaient leurs propres

 15   armes dans leur véhicule. Et j'ai aussi rencontré des civils armés. J'ai

 16   été arrêté par un certain nombre de groupes de ce type d'individus, et ce,

 17   des deux parties belligérantes. Il était évident qu'il s'agissait d'une

 18   guerre civile, où les civils se mélangeaient aux militaires. C'était la

 19   nature même de ce conflit. Je comprenais bien la situation. Mais la ligne

 20   de front n'était pas en plein désert, c'était en pleine ville. Donc,

 21   j'arrivais parfaitement à comprendre la situation. A un moment, vous vous

 22   êtes plaint à moi que vous n'aviez pas assez de troupes sur le terrain et

 23   que vous deviez absolument conserver vos armes. C'est ce que vous m'avez

 24   dit, en tout cas. L'autre partie disait que les civils ne faisaient que

 25   défendre leur propre maison. Vous, vous disiez ce que vous disiez et

 26   l'autre partie avait son propre discours.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut demander le versement au

Page 5595

  1   dossier de ce document avec une cote MFI ? Il faut, bien sûr, assurer une

  2   traduction intégrale du document.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ce document recevra une cote

  4   provisoire.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote D508 MFI.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais maintenant qu'on nous montre

  7   le 1D3218. 1D3218, s'il vous plaît. C'est bon. Est-ce que -- je pense que

  8   nous n'avons pas une version en langue serbe pour ce document.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors, mon Général, ici, ça se situe à la fin de votre séjour, 30

 11   janvier 1993, n'est-ce pas ? On peut peut-être zoomer pour que le général

 12   en prenne connaissance.

 13   R.  Oui. Il s'agit d'un document qui a été rédigé à la fin de mon séjour à

 14   Sarajevo, puisque j'ai quitté Sarajevo en février.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer à présent la

 17   page 3 de ce même document. Non, non, excusez-moi. C'est la page 1 et 2

 18   qu'il me faut. Descendez un peu, là où le titre est "Others", "Autres". Je

 19   vais donner lecture du texte en anglais.

 20   "Un vol de la FORPRONU et 20 vols du HCR ont atterri à l'aéroport. Le

 21   convoi du HCR, sept camions non déchargés, a aujourd'hui été escorté sur

 22   Pale. La mission de réparation de l'électricité à Golo Brdo a été annulée

 23   du fait qu'il n'y a pas eu de cessez-le-feu dans cette région. Le général

 24   Morozov, le ministre de la Défense ukrainienne, a fait une inspection de

 25   l'UkrBat, et ensuite a quitté Sarajevo à 11 heures 25. Les livraisons de

 26   vivres se poursuivent à Sarajevo, Butmir et Grbavica. Un poste des

 27   observateurs des Nations Unies (Papa 5) a pu être évacué suite à un

 28   pilonnage intensif."

Page 5596

  1   Page 3 maintenant, s'il vous plaît. Ici on voit les prévisions.

  2   "Les escortes de convois se poursuivront. Une mission pour remettre,

  3   repérer l'eau à Bacevo est prévue.

  4   "Les livraisons de vivre vont se poursuivre."

  5   Si vous vous en souvenez, mon Général, vous l'avez déjà vu ce

  6   rapport, me semble-t-il, il est question des tirs entrant et sortant, et au

  7   numéro 1, on dit, au paragraphe 1, on dit que :

  8   "Depuis les positions serbes il a été tiré 41 tirs à l'artillerie.

  9   "47 tirs au mortier.

 10   "25 tirs au char.

 11   "Et missiles, 25."

 12   Alors que sur le territoire passé sous le contrôle des Musulmans, c'est-à-

 13   dire du gouvernement -- oui, je voulais dire, depuis le côté musulman parce

 14   qu'ils disent : "Out going far."

 15   "Donc artillerie, 196; mortiers, 26; chars, aucun; lance-roquettes,

 16   5; et AAA, 19.

 17   "Ensuite les tirs entrant observés sur le territoire

 18   contrôlé par les Serbes.

 19   "Artillerie, 16; mortiers, 124; chars, rien, lance-roquettes, rien;

 20   et AAA, rien."

 21   Quatrièmement, les tirs entrant observés sur les quartiers contrôlés par la

 22   présidence :

 23   "Artillerie : 104.

 24   "Mortier : mortier, 344.

 25   "Chars : 3.

 26   "Lance-roquettes et AAA, rien."

 27   Au deuxième paragraphe, il est question de 196. Il semblerait que j'aurais

 28   lu "126," mais on peut tous voir ce document.

Page 5597

  1   Q.  Ce à quoi je veux en venir, mon Général, c'est : Pouvons-nous et

  2   comment expliquer le fait que la partie musulmane ait pu tirer 196 obus

  3   d'artillerie et sur ces 496 obus, il n'est tombé que 26 obus ? Où sont les

  4   177 et quelque obus d'artillerie ? Où sont-ils tombés ?

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je pense que votre question est un

  6   petit peu -- elle n'est pas très bien posée, puisque ici on parle d'obus

  7   qui sont tombés sur les zones contrôlées par les Serbes, ce qui signifie

  8   qu'il y a eu des mortiers, des obus qui ont très bien pu tomber mais ne pas

  9   être observés. Donc la question n'est pas posée.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, Excellence, ces éléments de preuve,

 11   enfin ces documents ne peuvent pas être pris comme éléments de preuve dans

 12   une affaire en justice en matière pénale.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est vous qui

 14   voulez en faire un élément de preuve. Moi, je ferais juste remarquer qu'au

 15   vu de ce qui est écrit dans ce document on ne peut pas quand même en tirer

 16   des conclusions comme vous en tirez.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je souhaite, c'est que le général

 18   m'apporte un commentaire pour verser au dossier ce document, non pas pour

 19   en guise d'élément de preuve pour ce qui est de ce qui s'est passé, mais

 20   pour dire que ces rapports sans enquête ne signifient pas grand-chose.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Alors, mon Général, est-ce qu'il y a une grande différence ? On voit

 23   les Serbes tirer 41 obus, et du côté de la présidence il est tombé 104

 24   obus. Les Musulmans auraient tiré 196 obus et il n'en est tombé que 26 sur

 25   le territoire serbe; c'est donc des divergences plutôt énormes; êtes-vous

 26   d'accord avec moi pour le dire ?

 27   R.  Permettez-moi de clarifier un petit peu ce qui est dit.

 28   Nous avons des sitreps des rapports de situation quotidiens,

Page 5598

  1   "situation report," donc qui font rapport des activités dans les secteurs.

  2   Nous avons des observateurs déployés à différents endroits. Bien sûr, ils

  3   ne peuvent pas couvrir la totalité du territoire, donc ces rapports font

  4   toujours figurer le terme "approximativement."

  5   Au cours de mon séjour, j'ai demandé à avoir des systèmes

  6   électroniques qui pourraient nous aider à déterminer la source des tirs,

  7   l'origine des tirs. Il me semble qu'il y avait une machine qui ne marchait

  8   plus de toute façon et je crois qu'elle appartenait aux Ukrainiens, c'était

  9   le Bataillon ukrainiens qui avait donc cette machine hors d'usage, et je

 10   pense que certains observateurs faisaient rapport de certains obus et en

 11   rataient d'autres. Donc il est éminent que ces rapports donnent une idée du

 12   pourcentage des tirs en ce qui concerne un camp par rapport à l'autre, donc

 13   expliquaient bien qu'il y avait plus de tirs venant d'un côté que de

 14   l'autre mais c'était tout. Donc j'insistais toujours dans mes conclusions

 15   pour bien faire figurer le terme "approximativement," sur le rapport. Ce

 16   sont des chiffres approximatifs.

 17   J'espère que vous avez compris ce que je voulais dire.

 18   Q.  Merci. Moi, j'ai compris. Dans une grande mesure j'espère que les Juges

 19   de la Chambre ont compris également.

 20   Mais laissez-moi vous demander ce qui suit : On autorise la possibilité

 21   délibérément ou par de façon fortuite, qu'il y ait eu des tirs venus du

 22   côté musulman qui sont tombés ou les obus sont tombés aussi du côté

 23   musulman ?

 24   R.  D'après ce que j'ai dit, je pense qu'il serait assez difficile

 25   d'essayer d'aller au fond des choses en ce qui concerne ce problème. Prenez

 26   en compte les capacités dont nous disposions à l'époque, il n'y avait pas

 27   grand nombre, nous, on nous demandait une mission extrêmement délicate et

 28   nous n'avions pas grand-chose pour la réaliser. Donc lorsque nous faisions

Page 5599

  1   rapport de pilonnage contre une position contrôlée par les Nations Unies,

  2   ces rapports étaient corroborés par les Serbes. Mais ces rapports

  3   représentaient ce que l'on pouvait faire de mieux avec nos moyens. En ce

  4   qui concerne le secteur Sarajevo, bien sûr.

  5   Pour en revenir aux rapports ceux qu'on voit à l'écran, on voit suite à ces

  6   rapports qu'un grand nombre d'obus venaient du territoire contrôlé par les

  7   Serbes, et nous voulions vérifier l'endroit où ces obus étaient tombés.

  8   Certains de nos observateurs ont pu s'assurer que des obus de fort calibre

  9   étaient tombés justement dans cette zone.

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous avez eu également la même attitude lorsqu'il

 11   s'agissait d'obus tirés par les Musulmans, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Je ne prenais pas partie. Je n'ai pas pris partie en faveur d'un

 13   camp ou d'un autre. Je travaillais avec mes subordonnés au commandement.

 14   Nous nous mettions d'accord sur le type de rapport à envoyer, après analyse

 15   détaillée des informations reçues, information que nous recevions

 16   d'officiers professionnels et ensuite, on envoyait nos rapports au QG, mais

 17   nous comprenions bien que nous étions en plein milieu d'une guerre, qu'il

 18   n'y avait pas cessez-le-feu envisagé, mais il y avait quand même des

 19   accords conclus avec les deux camps pour faciliter la mission des Nations

 20   Unies en temps de guerre.

 21   Q.  Merci. Mais nous ne pouvons certainement pas exclure la possibilité

 22   selon laquelle des obus d'artillerie tirés par une partie, un camp,

 23   auraient fort bien pu atterrir sur le territoire tenu par cette même

 24   partie, par ce même camp, n'est-ce pas ?

 25   R.  Enfin, moi, je ne dis pas ça avec certitude. Nous avons rédigé nos

 26   rapports en utilisant les informations dont nous disposions. En conclusion

 27   dans nos rapports, nous disons que les informations contenues dans le

 28   rapport sont basées sur des chiffres approximatifs. Si vous vous référez à

Page 5600

  1   mes rapports, vous pouvez voir que cela figure -- cet avertissement figure

  2   toujours.

  3   Q.  Général, soyez bien assuré que je ne critique ni les Nations Unies, ni

  4   vous-même, ni l'Egypte. Tout ce que je sais personnellement --

  5   Non, non, non. Au compte rendu, on n'a pas consigné : "Nothing was

  6   accurate," "Rien n'était exact ou précis." C'est bien ce que vous avez dit

  7   tout à l'heure ?

  8   R.  C'est ce que je voulais dire. Je n'étais pas -- je n'ai pas dit -- j'ai

  9   bel et bien dit que les informations que nous obtenions à propos des obus

 10   n'étaient pas parfaitement fiables. Il y avait des moyens techniques qui

 11   nous auraient permis d'avoir des chiffres parfaitement précis, mais ce sont

 12   des machines électroniques dont ils nous ne disposaient. Nous ne les avions

 13   pas. C'est pour cela que je dis que les informations chiffrées sont

 14   approximatives et essaient de refléter la vérité. Donc on ne peut pas dire

 15   que c'était des chiffres inventés, absolument pas. Ces chiffres étaient le

 16   plus proche de la vérité que ce que nous pouvions obtenir, puisque nous

 17   n'avions pas la capacité matérielle de déterminer l'origine des tirs.

 18   Q.  Merci, mon Général. Soyez bien assuré que je ne critique ni les Nations

 19   Unies, ni l'Egypte, ni encore moins vous-même. Ce que j'ai voulu faire

 20   déterminer, c'est cette relativité des choses, que vous venez de confirmer.

 21   A l'occasion du récolement, vous m'avez également précisé que les

 22   pilonnages, d'une manière générale pour ce qui est de la -- le lot, le

 23   tramway, et cetera, n'ont pas fait l'objet d'enquête et qu'il aurait été

 24   préférable pour ce qui est de ce procès au pénal que d'avoir eu des

 25   enquêtes, que d'avoir eu des rapports qui, eux, se trouvent à être rien que

 26   partiellement exacts.

 27   Q.  Mais nous avons enquêté sur ces incidents. Le problème, c'est que nous

 28   n'avions pas les capacités nous permettant de faire des enquêtes sur toutes

Page 5601

  1   les cibles pour vérifier d'où venaient les tirs. Ce n'est pas notre mission

  2   de toute façon. Nous avons toujours rendu compte des incidents, de façon

  3   générale, comme par exemple, pour Markale, lorsque le marché a été pilonné.

  4   Ensuite on a essayé de tirer un lien entre l'incident et l'origine des

  5   tirs, mais ce n'est pas vraiment précis. Il était difficile de déterminer

  6   l'origine des tirs. Il était donc difficile d'établir en fait une relation

  7   entre l'incident et le pilonnage. Vous savez, je ne remets absolument pas

  8   en cause ce que vous me dites, étant donné la relation que nous avions. Je

  9   sais très bien que les relations que vous entreteniez avec moi étaient

 10   bonnes et que vous avez toujours montré -- vous vous êtes montré très

 11   concilient vis-à-vis des Nations Unies. Je n'ai jamais rien dit qui allait

 12   à l'encontre de cela.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce

 15   document je vous prie.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D509.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le

 19   1D1222. C'est le P1006 de l'Accusation en même temps.

 20   Histoire de nous rafraîchir la mémoire, au sein et aux autres d'ailleurs --

 21   J'espère qu'il y a une traduction, puisque c'est une pièce de l'Accusation

 22   qui a été versée au dossier en tant qu'élément à charge. Merci.

 23   Alors, on voit commandement du Corps Sarajevo-Romanija à l'intention des

 24   commandements des différentes autres unités. Dans le texte serbe, il y a

 25   une ligne avec une inscription à la main. Ça veut dire "à la totalité des

 26   unités". Et puis, on rajoute les noms des unités.

 27   J'aimerais qu'on nous montre maintenant le paragraphe 18. C'est en page 3

 28   de la version serbe. Alors, le paragraphe 18, je vais en donner lecture en

Page 5602

  1   langue serbe. On voit la traduction anglaise. C'est le général Galic et le

  2   colonel Kuzmanovic qui envoient ça à leurs unités subordonnées, et le point

  3   18 se rapporte à la FORPRONU. Il est dit :

  4   "L'attitude vis-à-vis des membres de la FORPRONU des journalistes étrangers

  5   doit être tout à fait correcte, cultivée, aimable pour qu'ils voient

  6   également nos bons côtés aux fins de les présenter à notre avantage."

  7   Alors comme c'est déjà versé au dossier, nous n'allons pas demander le

  8   versement au dossier.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Mais vous avez certainement gardé en mémoire les efforts déployés par

 11   les officiers serbes et vous avez dit qu'à Ilidza, les officiers serbes

 12   vous avaient accueilli de façon aimable et tout à fait respectueuse, n'est-

 13   ce pas ?

 14   R.  Je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises. Je n'ai jamais eu le moindre

 15   problème avec les dirigeants, et même avec le général Galic lui-même. Je

 16   lui ai fait attirer son attention sur quelques points en lui disant qu'il

 17   fallait qu'il soit très strict lorsqu'il donnait des ordres à ses

 18   subordonnés, pour s'assurer que ses ordres soient obéis. Et je luis ai dit

 19   que s'il était certain que les ordres étaient bel et bien exécutés par ses

 20   troupes, cela améliorerait la réputation des Serbes, pour bien montrer

 21   qu'ils nous respectaient et qu'ils se comportaient parfaitement

 22   correctement. Mais je crois qu'on trouvera la -- on peut trouver la

 23   solution politique au problème ailleurs. J'ai toujours répété que, de toute

 24   façon, j'ai été traité de façon parfaitement civilisée, de façon

 25   parfaitement correcte. Je le répète et je le maintiens.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le

 28   1D2122.

Page 5603

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Il s'agit d'une confirmation de ce que vous avez dit à l'instant, de la

  3   façon civilisée et courtoise que nous avions adoptée à votre égard. Il

  4   s'agit d'une lettre de félicitations au général Galic lorsqu'il a été promu

  5   au rang de général, justement. Peut-on nous montrer la version anglaise

  6   aussi ? On dit :

  7   "Pour le général de brigade Galic à l'intention du général Hussein

  8   Abdel-Razek, 5 janvier 1993. C'est un honneur pour moi que de vous adresser

  9   des félicitations pour votre promotion au rang de général de division. Je

 10   vous présente mes compliments et ainsi qu'aux personnels et membres de la

 11   FORPRONU, secteur de Sarajevo, et nos meilleurs vœux pour une longue vie,

 12   une bonne santé," et cetera.

 13   Vous en souvenez-vous ?

 14   R.  Monsieur, nous sommes des soldats de métier et c'est de la pratique à

 15   l'armée que nous nous félicitions sur nos promotions mutuelles. Par

 16   exemple, je me souviens aussi que je suis venu vous souhaiter un bon Noël.

 17   C'est de la courtoisie pure. Ce sont des pratiques tout à fait normales

 18   dans le cadre de notre métier.

 19   Q.  Merci. Je vais faire une petite plaisanterie, maintenant. Lorsque des

 20   généraux s'emploient en faveur de la paix, alors ils sont supposés perdre

 21   leur job, n'est-ce pas ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ceci au dossier.

 23   Lorsqu'ils s'emploient en faveur de la paix, parce que vous avez --

 24   on n'a pas bien traduit les choses -- dans l'espoir d'aboutir à la paix,

 25   lorsque deux généraux expriment leur souhait en faveur de la paix, ils

 26   travaillent contre l'intérêt de leur emploi. C'est ce que j'ai voulu faire,

 27   comme plaisanterie.

 28   Est-ce qu'on peut demander le versement au dossier de cette pièce.

Page 5604

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D510.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le

  4   1D2146. Je crois que nous avons suffisamment de temps pour voir cette pièce

  5   encore.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce sera votre dernière question

  7   pour la journée.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D2146. Il s'agit d'une information de l'agence

  9   Srna qui dit :

 10   "La partie serbe a accepté la proposition au terme de laquelle il devrait y

 11   avoir démilitarisation d'un territoire d'au moins 1 000 mètres autour de

 12   l'aéroport de Sarajevo, chose qui est susceptible de résoudre de façon

 13   durable le problème de l'utilisation de ce port aérien pour l'acheminement

 14   de l'aide humanitaire. Il s'agit du détail le plus important issu de la

 15   réunion qui s'est tenue à Lukavica hier entre le général égyptien Hussein

 16   Abdel-Razek, commandant des forces de la FORPRONU pour le secteur Sarajevo,

 17   et le colonel Galic, commandant du corps d'armée Sarajevo-Romanija de

 18   l'armée de la Republika Srpska. Il a été examiné le problème d'abus des

 19   unités de la FORPRONU de la part des unités militaires musulmanes qui

 20   ouvrent le feu en direction des positions serbes en se servant, en guise de

 21   bouclier, d'installations, des moyens et des unités de la FORPRONU. Il a

 22   également été question de l'ouverture d'un corridor, pour ce qui est de la

 23   libre sortie des citoyens de Sarajevo dans deux axes, en direction de

 24   Belgrade et en direction de Split. La FORPRONU a également été mise au

 25   courant d'un massacre commis par les extrémistes musulmans à l'égard de la

 26   population serbe dans la cité de Dogredi [phon] à Sarajevo et du fait que

 27   la partie musulmane mobilisait les Serbes dans ses rangs pour les envoyer

 28   au premier rang de combat en arrêtant ceux qui refusaient de le faire."

Page 5605

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Alors est-ce que vous vous souvenez de ce succès notable pour ce qui

  3   était de procéder à la démilitarisation d'un périmètre de 1 000 mètres

  4   autour de l'aéroport ? Donc, il s'agissait, en somme, de démilitariser un

  5   pourtour de 1 000 mètres autour de l'aéroport.

  6   R.  Je me souviens avoir soulevé ce problème lors de l'une de mes réunions

  7   avec le général Galic, entre autres, et lors de mes réunions avec le

  8   général Galic, j'avais l'habitude de contacter d'abord un autre officier -

  9   je crois qu'il s'appelait Lakic - à propos de l'ordre du jour de la

 10   réunion. Alors, ce point bien précis n'a pas évolué de façon positive entre

 11   les deux parties et est resté l'une des pommes de discorde. Comme je l'ai

 12   dit précédemment, l'une des missions principales de la FORPRONU était de

 13   protéger l'aéroport et son personnel, et c'est pour cela que nous avons

 14   réuni les deux parties à l'aéroport, parce que nous voulions créer cette

 15   zone démilitarisée. C'était une idée du général Morillon. Nous voulions

 16   nous assurer que les Nations Unies puissent bénéficier de cette protection.

 17   Mais jusqu'au jour de mon départ, la situation sur ce point n'a absolument

 18   pas évolué de façon -- bon, je me souviens qu'il y a certaines pièces

 19   d'artillerie qui ont été retirées alors qu'elles étaient cachées sous des

 20   broussailles, mais les autres pièces sont restées en place, et cette zone a

 21   toujours été en proie au conflit.

 22   Q.  Mais est-ce que vous êtes d'accord pour ce qui est de Butmir, où il y

 23   avait des soldats du SDA à 50 mètres de l'aéroport, et eux, ils n'ont

 24   jamais accepté de se retirer, et le colonel Galic, lui - enfin, il était

 25   colonel à l'époque - il avait accepté cette proposition, mais c'est la

 26   partie adverse qui n'avait pas accepté. Mais ça n'a pas pu être mis en

 27   œuvre, faute de réciprocité de l'application de la mesure, n'est-ce pas ?

 28   R.  J'ai parlé de ce problème à M. Galic et je lui ai dit que le commandant

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  1   qui se trouvait dans la zone de Butmir n'était pas à la hauteur et créait

  2   énormément de problèmes pour les Nations Unies. Il a pris en compte ce que

  3   je lui avais dit. Il me semble qu'ensuite, le commandant de la zone de

  4   Butmir a été remplacé. Et en effet, nous considérions que la zone de Butmir

  5   était une source d'ennuis pour nous, et nous lui avons demandé de remplacer

  6   le commandant, et c'est exactement ce qu'il a fait.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de

  9   cette pièce.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Mais au compte rendu, il ne s'agissait pas de M. Galic ici, il

 12   s'agissait de M. Ganic, qui lui, était vice-président de la direction

 13   musulmane, n'est-ce pas, Général ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Le document recevra une cote

 15   MFI. Je pense qu'il recevra la cote D511 MFI. Mais maintenant, nous allons

 16   mettre un terme à votre déposition pour la journée. Nous reprendrons demain

 17   à 9 heures. Vous pouvez donc quitter le prétoire.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   Maître Robinson.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Il s'agit d'une requête pour que vous

 21   reveniez sur votre décision à propos du contre-interrogatoire du Témoin

 22   Ekrem Suljevic. Vendredi soir et lundi, nous avons reçu un grand nombre de

 23   documents communiqués au titre de l'article 66(B), y compris 41, que je

 24   n'ai jamais reçus précédemment et qui ont été rédigés par ce témoin, et qui

 25   portent sur différents incidents de pilonnage et sniping. Hier et

 26   aujourd'hui, l'Accusation vient de nous avertir qu'ils utiliseraient 45

 27   documents supplémentaires, en tant que pièces en ce qui concerne ce témoin-

 28   là, bien sûr, et portant sur les bombes aériennes. Nous considérons donc

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  1   que nous n'avons pas assez de temps pour nous préparer au contre-

  2   interrogatoire de ce témoin; et nous demandons donc que l'interrogatoire

  3   principal se fasse mais que le contre-interrogatoire se fasse après les

  4   vacances judicaires, afin que nous puissions bien sûr, d'abord étudier les

  5   documents qui viennent de nous être communiqués et éventuellement de mener

  6   des enquêtes supplémentaires si nous en avons besoin sur ces incidents.

  7   Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Nous considérons que ce serait une perte de

 10   temps parfaitement inutile. Je crois que les points soulevés par M.

 11   Robinson dans l'ordre.

 12   D'abord dire qu'il y a 41 documents supplémentaires qui ont été

 13   présentés à la Défense, ce n'est pas vrai. Il y a 45 documents. Ils étaient

 14   sur la notification du 8 juin, ils figuraient déjà. Ça fait quand même six

 15   semaines, nous avons averti des documents qui allaient être utilisés. Ce

 16   qui s'est passé c'est qu'une déclaration a été préparée, traitant de ces

 17   documents et en application des consignes de la Chambre par rapport à

 18   l'utilisation de ces documents. Ces documents ont déjà été l'objet soit de

 19   requête directe soit de requête au titre de l'article 94(b). De façon plus

 20   importante, je tiens à dire qu'ils étaient déjà présents, ils figuraient

 21   déjà dans la liste qui était dans la notification, envoyée à la Défense il

 22   y a environ six semaines, en juin.

 23   Alors bien sûr, nous avons la déclaration, l'emploi de la déclaration

 24   va être utile à la fois pour la Chambre et pour la Défense. Alors plutôt

 25   que de parler de tout cela en prétoire et de voir réagir à brûle-pourpoint,

 26   la Défense ainsi peut savoir ce que le témoin a dit à propos de ces

 27   document, peut se préparer à l'avance. Donc nous leur avons donné ces

 28   documents uniquement pour les aider à  leur contre-interrogatoire, rien

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  1   d'autre. Ça permet aussi à la Chambre de mieux comprendre les propos du

  2   témoin. Cela permet à la Chambre de poser des questions pour éclaircir

  3   certains points, le cas échéant.

  4   Maintenant pour ce qui est du document supplémentaire dont Me Robinson a

  5   parlé en ce qui concerne le 66(B). C'est une demande 66(B) qui est

  6   intervenue il y a très peu de temps par la Défense. Me Robinson a le droit

  7   de faire toutes les demandes 66(B) qu'il veut, mais nous ne considérons pas

  8   que cela donne un motif suffisant pour poursuivre le contre-interrogatoire.

  9   Ce sont des documents en fait qui ne reflètent d'incident à propos desquels

 10   l'Accusation a l'intention de poser des questions. M. Suljevic est un

 11   enquêteur, vous le savez bien. Il a participé à l'enquête d'un grand nombre

 12   d'incidents qui ne vont pas intéresser l'Accusation en l'espèce. Donc je ne

 13   comprends pas très bien ce que la Défense compte faire avec ces documents.

 14   Tout [imperceptible] de voir de toute façon. Mais nous tenons à dire qu'ils

 15   ne font pas partie des éléments de preuve dont l'Accusation compte se

 16   servir. Ces éléments de preuve, nous les avons communiqués à la Défense il

 17   y a très longtemps, il y a environ six semaines, en juin.

 18   Je tiens à vous donner une raison supplémentaire, jusqu'à présent, au cours

 19   des contre-interrogatoires, l'accusé je crois a tendance à se lancer dans

 20   des sujets qui ne rendent pas son contre-interrogatoire vraiment très

 21   efficace. En se basant sur les contre-interrogatoires qui ont déjà eu lieu,

 22   je pense que le temps qui a été alloué suffira largement pour traiter tous

 23   les sujets soulevés. Comme l'a dit le Juge Morrison, il y a peu de temps, à

 24   propos de requête similaire demandant une prorogation de délai, la Chambre

 25   est parfaitement capable de traiter de ces problèmes lorsqu'ils arrivent,

 26   même chose ici d'ailleurs.

 27   Donc nous nous opposons à la demande de Me Robinson.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Je suis désolé, je vois que ces

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  1   documents nous ont en effet été notifiés le 8 juin, et nous avons reçu

  2   l'explication donnant le lien entre le témoin et ces documents lundi

  3   dernier. C'est tout, donc je me corrige.

  4   Je tiens à dire à la Chambre que la demande en application de

  5   l'article 66(B) s'est faite le 21 juin, environ un mois, et nous avons reçu

  6   les documents, vendredi et lundi dernier.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais répondre.

  8   Nous nous sommes déjà entretenus avec Me Robinson, à propos des

  9   ressources qui sont nécessaires pour répondre à ces demandes. Il sait très

 10   bien qu'il nous faut du temps pour répondre surtout quand il y a d'autres

 11   requêtes 66(B), qui de toute façon sont en souffrance. Donc ce n'est pas

 12   comme on pouvait le faire du jour au lendemain.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De toute façon, la Chambre va

 14   lever la séance et nous rendrons notre décision demain matin.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste un instant. Je serai très bref.

 16   J'ai beaucoup de considération sur le fait avancé du manque de ressources

 17   du côté de l'Accusation. Je voudrais seulement qu'il y a une grande

 18   disproportion pour ce qui est du manque de ressource du côté de la Défense

 19   également.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 9 heures, demain matin.

 21   --- L'audience est levée à 14 heures 47 et reprendra le mercredi 21 juillet

 22   2010, à 9 heures 00.

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