Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 9752

  1   Le mardi 14 décembre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Oui, Maître Robinson, vous vouliez intervenir ?

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

  8   Merci de m'accorder quelques instants pour aborder deux questions. Il y a

  9   d'abord notre objection s'agissant de la déposition de ce témoin et puis

 10   notre ordonnance contraignante à propos des Etats-Unis.

 11   M. Karadzic regrette le décès, et l'opiné de M. Holbrooke, ceci nous

 12   empêchera d'utiliser ses propos, car nous espérions le citer en tant que

 13   témoin ? Aurais-je le droit de répondre à la lettre des Etats-Unis avant

 14   une ordonnance portant calendrier afin d'apporter des précisions sur notre

 15   demande d'ordonnance contraignante ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'allais précisément vous demander si

 17   vous aviez l'intention de retirer certains extraits de votre requête, comme

 18   ça avait été indiqué pour les Etats-Unis.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je pense que nous allons retirer

 20   certains éléments et apporter d'autres précisions. Ce sera à l'attention de

 21   la Chambre et des Etats-Unis.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas discuté en audience

 23   publique ?

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourrez déposer ceci quand ?

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Aujourd'hui.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Faites-le, vous en avez le droit.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 9753

  1   S'agissant de la déposition de M. Bell : Nous avons rencontré ce monsieur

  2   dimanche, et nous avons appris qu'il avait pour la première fois déposé

  3   sous serment pour ce qui est d'une affaire entendue au Canada à propos

  4   d'une prise d'otage, et ceci relève du Chef 11 de l'acte d'accusation. Nous

  5   n'avons pas cette transcription, nous voulons le dire, parce que s'il y a

  6   des éléments dans ce compte rendu du Canada qui nécessite son retour ici,

  7   il faudrait le préciser. C'est un problème récurant, lorsque nous avons des

  8   témoins qui ont témoigné en Serbie, en Croatie ou en Bosnie, notamment pour

  9   ce qui est de telle ou telle municipalité reprise dans l'acte d'accusation.

 10   Nous avons une requête pendante qui est d'ordonner la déposition ou que

 11   nous soit fourni la déposition de ce témoin -- ces éventuels dans des pays

 12   nationaux, dans des tribunaux nationaux. Merci.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voulais évoquer une question en

 14   rapport avec les exposés et écritures déposés par les parties, s'agissant

 15   du constat judiciaire en matière d'authenticité d'écoutes téléphoniques.

 16   J'avais demandé à l'Accusation de déposer sa requête avant la fin de

 17   l'année, mais ce que je voulais dire c'était avant la fin des vacations

 18   judiciaires, et le délai pour la réponse de la Défense commencera à courir

 19   à partir du moment où elle aura reçu les écritures de l'Accusation dans une

 20   semaine.

 21   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais nous voulons le faire avant, à

 22   la pause de Noël.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien, et si la Défense peut aussi

 24   déposer ses écritures plus tôt, tant mieux.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Autre chose, Maître Robinson. Dans

 26   la mesure du possible, si la Défense a eu l'occasion de voir un témoin, un

 27   témoin éventuel, potentiel a eu un entretien, et s'il y a un procès-verbal

 28   d'audition, je pense qu'il serait utile à toutes les parties que ces notes

Page 9754

  1   soient effectivement transcrites et envoyées au témoin dans les meilleurs

  2   délais après la tenue de l'entretien que cette personne aura avec la

  3   Défense pour qu'il y ait une accord sur la teneur de cette note pour éviter

  4   tout litige. Il n'y a pas d'obligation, manifestement ce n'est pas un

  5   devoir imposé à la Défense, mais ça semble être raisonnable parce que ça

  6   pourrait aussi écourter la déposition du témoin.

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

  8   Après l'expérience de M. Konings, je pense que c'est ce que nous allons

  9   faire à l'avenir. Nous allons tenir compte de vos recommandations.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Faisons entrer le témoin.

 11   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Bell.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous demander de prononcer la

 15   déclaration solennelle.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 17   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 18   LE TÉMOIN : MARTIN BELL [Assermenté]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 21   Veuillez vous installer, Monsieur.

 22   Vous avez la parole, Madame Edgerton.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.

 24   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Bell.

 26   R.  Bonjour.

 27   Q.  Veuillez décliner votre identité ?

 28   R.  Martin Bell.

Page 9755

  1   Q.  Monsieur Bell, vous avez été correspondant et responsable des affaires

  2   étrangères pour la BBC pendant 30 ans ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous avez été correspondant de guerre ?

  5   R.  Oui, pendant le plus clair de ce temps.

  6   Q.  Au cours de cette période, pendant ces quelque 30 ans de carrière et

  7   depuis, si j'ai bien compris, vous vous êtes trouvé dans quelque 100 pays

  8   et dans quelque 15 zones de guerre ?

  9   R.  Mais avec l'inflation, maintenant ce n'est plus 15 zones de guerre mais

 10   18.

 11   Q.  Dans ces situations de guerre et de conflit où vous vous êtes trouvé

 12   aux quatre coins du monde, il y a eu la guerre civile au Nigeria, les

 13   guerres du Moyen-Orient, la guerre de Vietnam, la guerre en Angola, au

 14   Salvador, au Nicaragua, la première guerre du Golf en 1991, ainsi que le

 15   conflit en Croatie en 1991 aussi.

 16    R.  Oui.

 17   Q.  De la Croatie, où vous étiez en 1991, vous êtes allé pour rapporter la

 18   guerre en Bosnie-Herzégovine, et vous avez envoyé des reportages sur le

 19   référendum, si j'ai bien compris, ceci en 1992, et vous y êtes resté

 20   jusqu'au moment de l'application des accords de Dayton ?

 21   R.  C'est vrai qu'il y a eu des périodes où je n'ai pas été en action. J'ai

 22   été blessé pendant un petit temps, ce qui fait que, pendant quatre mois,

 23   j'ai dû partir. Mais pour le reste, j'étais là.

 24   Q.  Nous allons revenir sous peu sur ces questions de façon plus

 25   approfondie, mais pour le moment je vous demande si, en février 1996, vous

 26   vous souvenez avoir fourni une déclaration au bureau du Procureur qui

 27   portait sur ce que vous aviez observé et vécu pendant le conflit en Bosnie-

 28   Herzégovine.

Page 9756

  1   R.  Oui, je m'en souviens.

  2   Q.  A la suite de cela, n'est-ce pas, vous avez été un témoin en ce

  3   Tribunal en 2007, mais aussi en 2009 dans le procès intenté au général

  4   Dragomir Milosevic et dans le procès intenté contre Momcilo Perisic, n'est-

  5   ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Enfin, est-ce que vous vous souvenez qu'au mois de mars 2010 vous avez

  8   signé une nouvelle déclaration préalable pour le bureau du Procureur qui

  9   faisait la synthèse des éléments dont vous venez de nous parler ?

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  Cette déclaration consolidée rapportait des commentaires que vous

 12   faisiez dans plusieurs séquences à propos de documents et d'une carte,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce qu'on y trouvait aussi des références à des passages d'un livre

 16   que vous avez écrit dans lequel vous relatiez votre expérience en Bosnie

 17   intitulée : "Confessions d'une zone de guerre" ?

 18   R.  Disons que c'était effectivement : "Confessions d'un bandit de zone de

 19   guerre," ça c'était le sous-titre, c'était une espèce de sobriquet qu'on

 20   m'avait donné, mais en fait le titre principal c'était : "In Harm's Way;"

 21   c'est comme ça qu'on m'avait appelé à Sarajevo, mais ce n'était pas

 22   sérieux.

 23   Q.  On retrouve bien certains passages du livre ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que vous avez regardé ces séquences vidéo qu'on retrouve dans

 26   votre déclaration de mars 2010 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce que vous avez aussi reconnu beaucoup de vos propres reportages ?

Page 9757

  1   R.  Oui, la plupart venaient des reportages que j'ai faits entre 1992 et

  2   1995.

  3   Q.  Lorsque ce n'étaient pas des reportages que vous aviez faits, est-ce

  4   que vous avez reconnu ou est-ce que vous déjà vu les scènes, les

  5   situations, les événements décrits dans ces reportages qui n'étaient pas

  6   les vôtres ?

  7   R.  Oui. Certains n'avaient pas de bande son, mais je connaissais les

  8   événements qu'ils décrivaient.

  9   Q.  Si, aujourd'hui, je vous reposais les mêmes questions qui découlent des

 10   informations qu'on retrouve dans votre déclaration de mars 2010, est-ce que

 11   vos réponses seraient les mêmes ?

 12   R.  Oui, elles seraient les mêmes à l'identique.

 13   Q.  Merci.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le document

 15   22275 de la liste 65 ter est une version expurgée de la déclaration fournie

 16   par M. Bell le 8 mars 2010, et j'en demanderais le versement en tant que

 17   pièce à charge.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelles seraient les parties expurgées ?

 19   Pourriez-vous nous le dire ?

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Volontiers.

 21   Il y a des parties sur lesquelles nous n'allons pas nous appuyer. Il s'agit

 22   des paragraphes 8, 10, 11, 12 --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai dit jusqu'au paragraphe 17; c'est

 24   bien cela ?

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Exact.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document est versé au dossier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1996.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

Page 9758

  1   Mme EDGERTON : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Bell, revenons à votre curriculum vitae en l'espace de

  3   quelques instants --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous allez présenter un bref

  5   résumé de la déclaration du témoin ?

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais j'étais sur le point de le faire,

  7   Monsieur le Président, vous m'avez devancée.

  8   Mais revenons quelques instants à votre curriculum vitae, effectivement je

  9   voudrais maintenant donner lecture des éléments de preuve qui viennent

 10   d'être versés.

 11   M. Martin Bell était correspondant de guerre de la BBC et il l'a été de

 12   1966 à 1997. Il a envoyé des reportages sur les événements survenus en

 13   Bosnie-Herzégovine à partir du début des hostilités en Croatie en 1991, et

 14   ceci, jusqu'au moment de la signature et de l'application des accords de

 15   paix de Dayton.

 16   Le 9 avril 1992, M. Bell a appris que Zvornik venait d'être attaquée par

 17   des forces serbes. Il a essayé d'aller à Zvornik ce jour-là, mais il s'est

 18   trouvé pris dans une vague de réfugiés musulmans, ils étaient près de 20

 19   000 qui prenaient la fuite suite à l'attaque. Il est rentré à Sarajevo, et

 20   avant d'envoyer un reportage relatif à cette attaque, il a informé l'envoyé

 21   personnel de Lord Carrington, M. Colm Doyle, qui en a parlé lors d'une

 22   réunion qu'il a eue avec M. Karadzic.

 23   M. Bell s'est trouvé en poste à Sarajevo pendant le plus clair de son temps

 24   passé en Bosnie-Herzégovine et il a envoyé de nombreux reportages qui

 25   montraient les conditions qui régnaient dans la ville. Il a notamment

 26   observé des cas de pilonnages et de tirs de tireurs embusqués dirigés sur

 27   la population dans les zones habitées par des civils et de graves pénuries

 28   de nourriture, d'eau, de gaz, d'électricité. Il dit que de tous les

Page 9759

  1   conflits dans lesquels il s'est trouvé, il dit qu'à Sarajevo, "c'est là

  2   qu'il y avait le moins de distinction entre les soldats et les civils quand

  3   on parle de cibles." M. Bell en personne a été blessé à l'estomac en août

  4   1992 par un éclat d'obus de mortier alors qu'il faisait un reportage à

  5   proximité de la caserne Marsal Tito en territoire tenu par les Musulmans de

  6   Bosnie.

  7   Il a parlé notamment dans ses reportages de l'utilisation d'une bombe

  8   aérienne modifiée à Hrasnica le 7 avril 1995 et d'une attaque au marché de

  9   Markale le 28 août 1995. A son avis, il aurait été impossible de mettre en

 10   selle l'attaque du marché.

 11   Au cours de la guerre, M. Bell a interviewé les dirigeants de toutes les

 12   parties belligérantes, dont l'accusé, M. Karadzic. Le 25 avril 1992, M.

 13   Bell a accompagné M. Karadzic dans une visite des positions entourant

 14   Sarajevo. Il se trouvait en surplomb sur une position à Trebevic, et

 15   l'accusé a confirmé que ses forces auraient pu prendre la ville, je cite,

 16   "à n'importe quel moment." En janvier 1993, M. Bell a accompagné l'envoyé

 17   du Haut-commissariat aux Réfugiés à Pale pour protester contre le fait

 18   qu'il n'était pas possible de faire parvenir de l'aide humanitaire à Zepa.

 19   Dans d'autres interviews avec l'accusé, la discussion a porté sur le

 20   territoire, les cartes et l'histoire.

 21   M. Bell et d'autres reporters étrangers ont été isolés de Pale à partir

 22   d'août 1994 et à partir de cette date, après que le Plan De la paix du

 23   Groupe de contact eut été rejeté.

 24   C'est ainsi que se termine le résumé que je viens de lire.

 25   Q.  Monsieur Bell, nous allons revenir à votre CV, et j'ai une question

 26   supplémentaire.

 27   Dans vos dépositions antérieures, dans vos écrits, vous avez dit que vous

 28   étiez maintenant ambassadeur de bonne volonté pour l'UNICEF. Vous êtes un

Page 9760

  1   ambassadeur de bonne volonté, comme on dit en anglais, qu'est-ce que vous

  2   faites ?

  3   R.  C'est un travail honorifique qui n'est pas rémunéré. Je vais aux quatre

  4   coins du monde, comme on dit, par exemple, en Somalie et au Yémen, là où

  5   l'UNICEF ne peut pas envoyer ses célébrités -- qui oeuvre aussi, en tant

  6   qu'ambassadeur. Je regarde ce qui y passe, et puis, j'essaie de

  7   sensibiliser la population, et surtout j'essaie de faire des levées de

  8   fonds qui devraient favoriser ces procès. C'est l'essentiel de ce travail.

  9   Q.  Depuis que vous avez quitté la BCC, ça fait quelques années; est-ce que

 10   vous avez maintenu des contacts avec l'ex-Yougoslavie, quels qu'ils soient

 11   ?

 12   R.  Tout à fait. La Bosnie est aussi chère à mon cœur que mon propre pays.

 13   J'y suis retourné plusieurs fois, et j'ai montré la Bosnie à des visiteurs.

 14   Il m'est arrivé de me trouver en Bosnie dans le cadre d'une mission pour

 15   l'UNICEF. En début d'année, j'ai fait un documentaire pour la radio, 30 ans

 16   après la mort du maréchal Tito, pour me demander si avec le recul on peut

 17   le rendre responsable des guerres qui ont suivi sa mort. Mort survenue

 18   maintenant, il y a 30 ans.

 19   Q.  Merci. Je vous ai dit que nous allions revenir à votre reportage sur le

 20   conflit de Bosnie-Herzégovine de façon plus détaillée, et pour voir d'où

 21   vous avez envoyé vos reportages, pour voir aussi le temps que vous aviez

 22   passé sur le théâtre de la guerre. Où est-ce que vous étiez basé, et d'où

 23   envoyez-vous vos reportages ?

 24   R.  Au départ, nous étions basés à Ilidza, en territoire tenu par les

 25   Serbes. Ensuite c'était en partie parce que l'hôtel Holiday Inn avait été

 26   endommagé lors d'attaque antérieure. Une partie de l'hôtel a été réparée,

 27   et nous nous y sommes installés tout un temps. Lorsqu'il y a eu cette

 28   guerre marginale entre les Musulmans et les Croates d'avril 1993 à février

Page 9761

  1   1994, j'ai passé beaucoup de temps en Bosnie centrale. Et ma base, c'était

  2   toujours Vitez ou Kiseljak. Bien entendu, j'ai été à Tuzla, à Mostar de

  3   temps en temps, et lorsque les accords de Dayton ont été appliqués, mis en

  4   œuvre, j'ai travaillé avec l'IFOR, et là, j'étais basé à Gornji Vakuf.

  5   Q.  Vous avez parlé d'Ilidza, de l'hôtel Holiday Inn, ce sont des lieux de

  6   Sarajevo ?

  7   R.  Oui, tous les deux. L'Holiday Inn, il est vraiment en plein cœur de la

  8   ville, entre la nouvelle ville et la vieille ville. Quant à Ilidza, à

  9   l'époque, se trouvait du côté de la ville qui était tenu par les Serbes.

 10   Q.  Quand vous étiez basé à Sarajevo, pourriez-vous nous dire à peu près

 11   combien de temps vous avez ou combien de fois vous avez envoyé des

 12   reportages de la ville ?

 13   R.  Quand j'étais basé dans la ville, c'était une occupation et une vraie

 14   occupation constante. Quand j'étais à l'Holiday Inn, mais pareil quand

 15   j'étais à Vitez ou aussi à Tuzla, j'ai fait l'impossible pour aussi envoyer

 16   depuis la Republika Srpska, et ceci le plus souvent possible. J'allais à

 17   Pale quand je pouvais le faire. J'ai eu des contacts réguliers avec

 18   l'accusé, que j'ai trouvé très utiles, prêt à aider, parce que j'ai

 19   toujours pensé que la clé, la clé de la solution de cette horrible guerre

 20   c'était dans une grande partie les Serbes. J'ajouterais que certains de mes

 21   collègues, des médias à Sarajevo pensaient que j'étais assez pro-serbe.

 22   Q.   Revenons sur certains des points que vous venez d'aborder.

 23   Vous dites à l'instant que vous avez fait l'impossible pour envoyer des

 24   reportages depuis ou sur la Republika Srpska, que vous aviez le sentiment

 25   que la solution de cette guerre pourrait venir en grande partie des Serbes,

 26   et certains de vos collègues vous considéraient comme étant pro-serbe.

 27   Alors de quelle façon avez-vous fait vos reportages en Bosnie-Herzégovine ?

 28   R.  Je n'étais pas un reporter en campagne ou faisant une campagne. Ma

Page 9762

  1   tradition journalistique c'est d'être un journaliste équilibré dans mon

  2   point de vue, voulant montrer les deux versants de chaque chose. Il fallait

  3   que je sache en parlant aux Serbes ce qu'ils voulaient faire et pourquoi

  4   ils le faisaient. Je l'ai dit toujours depuis le début, je ne cesse de le

  5   répéter, personne n'a le monopole de la souffrance dans cette guerre.

  6   Personne n'a le monopole du mal non plus. Des choses terribles ont été

  7   faites aux gens, des choses terribles ont été faites par des gens. Du début

  8   à la fin, j'ai essayé d'être le plus honnête possible, le plus équitable

  9   possible.

 10   Q.  Merci. Je reviens à un autre élément de votre réponse. Vous avez dit

 11   que vous aviez fait ce que vous pouviez pour envoyer des reportages depuis

 12   la Republika Srpska. Pourriez-vous nous dire si vous aviez accès à la

 13   partie serbe de Bosnie, à cette partie-là du front ? Comment vous y êtes-

 14   vous pris ?

 15   R.  Il fallait franchir des barrages routiers, dans les premiers mois de la

 16   guerre, ça été possible, et puis même après, quand j'étais à Vitez, qui se

 17   trouve en Bosnie centrale, nous avons utilisé notre Land Rover blindé pour

 18   traverser les barrages routiers d'Ilidza, pour aller à Grbavica. Là, j'ai

 19   été accueilli par un des commandant, M. Djokanovic, qui avait été blessé

 20   deux fois déjà. C'était un journaliste de métier. Il m'a montré la ligne de

 21   front tenue par les Serbes. Ce que j'ai essayé de dire dans mon reportage

 22   du jour, c'est que les Serbes, eux aussi, avaient été pris pour cible par

 23   des tireurs embusqués. Pour dire que les Serbes aussi étaient victimes de

 24   la guerre ou des victimes de guerre. J'ai encore cette image symbolique à

 25   l'esprit, c'est une route en pente et qui se trouve dans la ligne de mire

 26   des tireurs embusqués, de la ville. On avait aux étages supérieurs d'une

 27   maison des draps, des couvertures qui avaient été tendus aux fenêtres pour

 28   qu'on soit à l'abri du regard des tireurs embusqués, pour pouvoir bouger,

Page 9763

  1   sortir de la maison.

  2   Q.  Vous avez dit qu'il vous fallait franchir des barrages routiers pour

  3   aller en territoire tenu par des Serbes. Mais est-ce qu'il vous fallait un

  4   permis, une autorisation; est-ce que vous aviez une autorisation qu'il vous

  5   fallait obtenir de quelqu'un ?

  6   R.  A ce stade de la guerre, non. Plus tard, il nous a fallu des lettres

  7   d'autorisation de la part de l'armée bosnienne pour pouvoir sortir de

  8   Sarajevo, ou pour se rendre où que ce soit près des lignes de front, à

  9   Sarajevo. Mais pendant les premiers mois, je dirais même pendant la

 10   première année ou les deux premières années de la guerre, on pouvait passer

 11   par les barrages, par les postes de contrôle, tout simplement en présentant

 12   nos laissez-passer des Nations Unies ou parfois en acceptant qu'on nous

 13   fouille.

 14   Q.  Justement, vous venez de répondre -- justement en répondant à ma

 15   question portant sur l'accès aux territoires entre les mains des Serbes de

 16   Bosnie, vous avez répondu :

 17   "Nous avions besoin de lettre d'autorisation de la part de l'armée de

 18   Bosnie pour sortir de Sarajevo, afin de vous rendre sur le territoire tenu

 19   par les Serbes."

 20   Avez-vous besoin d'une autorisation ?

 21   R.  Pas à ce moment-là. En fait, en 1993, lorsque nous sommes arrivés à

 22   Pale, il a fallu qu'on se présente au centre de presse qui était géré par

 23   la fille de l'accusé, et là, on nous donnait des accréditations, et parfois

 24   on avait accès à certaines choses, parfois on ne l'avait pas, mais c'était

 25   assez informel. On pouvait s'approcher de la présidence, et puis l'un des

 26   assistants de l'accusé venait nous parler, on prenait un café, puis on

 27   s'informait de ce qui était en train de se passer, donc c'était une

 28   possibilité assez raisonnable qu'on avait d'accéder à des choses. Puis du

Page 9764

  1   point de vue d'un journaliste, ce qui était assez remarquable c'était qu'on

  2   était assez bien accueilli. C'était la seule guerre où j'ai pu rencontrer

  3   les protagonistes principaux, quasiment sans arrêt. Du côté des Nations

  4   Unies, tout le monde essayait de nous rendre service. Il y avait Dr

  5   Koljevic, Izetbegovic, et partout c'était pareil, en Bosnie centrale

  6   également. Donc on n'avait pas uniquement affaire aux portes-paroles, mais

  7   aux protagonistes principaux.

  8   Q.  Est-ce qu'il y a eu un changement à un moment donné s'agissant de votre

  9   capacité d'accéder au territoire tenu par les Serbes de Bosnie ?

 10   R.  Oui, ça a changé. Après le rejet du plan de paix du groupe de contact,

 11   on nous a interdit d'accéder. En fait, c'était en août 1994. On nous a

 12   montré les lignes de front. On nous a permis d'interviewer les militaires

 13   serbes de Bosnie sur les raisons pour lesquelles ils ont rejeté le plan de

 14   paix. Nous sommes revenus à Sarajevo avec nos enregistrements vidéo, et

 15   puis c'est la dernière fois que j'ai pu me rendre à Pale, donc c'était

 16   malheureux parce qu'à partir du moment où j'ai été isolé, c'était très

 17   difficile de présenter une version équilibrée de cette dernière année de la

 18   guerre.

 19   Q.  S'agissant du type de rapports que vous produisiez vous-même et

 20   d'autres membres de la presse présente à Sarajevo, donc ce que vous étiez

 21   capable de rédiger après cela, est-ce que cela en a été affecté ?

 22   R.  Oui, tout à fait. Il y a deux points là. D'une part, au sein de ma

 23   rédaction à Londres ils ont commencé à se fatiguer de la guerre en Bosnie à

 24   ce moment-là, puisque la guerre se poursuivait dans sa troisième année.

 25   Puis, deuxièmement, les forces du gouvernement bosniaque s'intéressaient

 26   davantage à ce qui était diffusé au sujet de leurs forces. Donc ils avaient

 27   peur que des images où leurs mortiers en train de tirer des coups de feu,

 28   leurs positions sur la ligne de front, qu'ils les mettent en danger, et ils

Page 9765

  1   avaient peur que l'ennemi puisse en tirer profit.

  2   Q.  Alors, vous venez de dire que cela a eu un impact. Alors quel impact

  3   est-ce que cela a eu ?

  4   R.  Je pense que je m'en suis plaint dans mon livre, à savoir que nous

  5   travaillions sur une zone d'un peu plus d'un kilomètre au niveau de la rue

  6   principale de Sarajevo. Il est devenu de plus en plus difficile de se

  7   rendre où que ce soit. J'ai essayé de me rendre au front près de Tuzla et

  8   je n'y suis pas parvenu. A l'époque je ne pouvais pas me rendre auprès des

  9   Serbes de Bosnie de leur côté, donc d'un point de vue du travail de

 10   journaliste, c'était très frustrant, en particulier, là, pendant l'été 1995

 11   où la guerre a été très intense, tout comme en été 1992, mais nous avions

 12   beaucoup moins accès aux événements.

 13   Q.  D'après ce que vous dites, que l'on vous a montré les lignes de front

 14   du côté du territoire des Serbes de Bosnie, autour de Sarajevo. Est-ce que

 15   vous avez pu voir des positions de tireurs embusqués ou de pièces lourdes ?

 16   R.  Oui, oui. Je me suis rendu sur les positions de deux batteries de

 17   canons de montagne. C'était en 1993, en janvier, et donc j'ai pris cette

 18   route de montagne pour me rendre à Pale. Je suis passé par les lignes de

 19   front où étaient positionnés les Serbes, les militaires serbes armés, et on

 20   a pu s'arrêter. Ils nous ont parlé, ils étaient très amicaux.

 21   Q.  Est-ce que le Dr Karadzic vous a accompagné à cette occasion ou lors

 22   d'une autre visite ?

 23   R.  Oui, une fois, très certainement. C'était un matin de Pâques, et il

 24   nous a montré ses positions, il a fait des déclarations pacifiques à

 25   l'intention de l'opinion et à l'intention des hommes politiques, de la

 26   diplomatie. C'était tout à fait légitime.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors, 65 ter 40517E. Il s'agit d'un

 28   reportage que vous avez vu ce matin-là.

Page 9766

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Il faudra recommencer.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande si ce sera interprété en

  5   B/C/S. Est-ce que vous avez la transcription ?

  6   Monsieur Karadzic, avez-vous entendu la traduction ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, mais j'étais en train de suivre en

  8   anglais.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'y a pas eu d'interprétation

 10   française non plus pour Mme le Juge Lattanzi.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Les transcriptions ont été distribuées. Je

 12   vais consulter mon collègue.

 13   Les transcriptions anglaises ont été distribuées hier, donc j'espère que

 14   toutes les parties intéressées les ont reçues, puisqu'il y a toute une

 15   série de transcriptions que nous avons l'intention d'utiliser. Peut-être

 16   que la cabine peut nous signaler qu'elles ont retrouvé les numéros 65 ter

 17   appropriés. Peut-être ai-je commencé un peu précipitamment.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   Est-ce que les cabines peuvent le confirmer ?

 20   L'INTERPRÈTE : Les numéros 65 ter ne figurent pas sur les transcriptions

 21   qui ont été diffusées.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Nous allons essayer de résoudre le

 23   problème.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pourrions peut-être faire une

 25   petite pause de cinq minutes pour résoudre cela.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais essayer de résoudre cela au plus

 27   vite pour que l'on puisse avancer sans problème. Merci.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-nous, Monsieur Bell. Il nous

Page 9767

  1   faudra faire une interruption de cinq minutes.

  2   --- La pause est prise à 9 heures 40.

  3   --- La pause est terminée à 9 heures 50.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton, poursuivons.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui. Merci.

  6   Je présente mes excuses à vous et à mes collègues. Je pense que nous avons

  7   failli être mis en défaite par la technologie, mais je pense que nous avons

  8   résolu le problème pour aujourd'hui.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] 65 ter 40517E, s'il vous plaît, M. Reid, de

 11   nouveau, c'est un document qui date d'avril 1992.

 12   L'INTERPRÈTE : Prière dans une église.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Martin Bell : C'était par un matin de Pâques d'après l'Eglise orthodoxe

 16   serbe, et les Serbes de Bosnie étaient en train de célébrer avec encore

 17   plus de ferveur qui ne le faisait pendant des années communistes, mais en

 18   particulier parce que cela faisait trois semaines que la guerre avait

 19   commencé. Toutes les communautés en [inaudible] aient pâti, les Musulmans,

 20   peut-être davantage tous. Un village près de l'aéroport a été attaqué par

 21   les Serbes et l'armée fédérale, sa mosquée a été touchée, huit personnes

 22   tuées; cependant, hier, le leader des Serbes de Bosnie a annoncé une

 23   offensive de paix avant de partir pour Lisbonne."

 24   "Karadzic s'exprime : Si nous n'avions pas d'espoir de trouver une solution

 25   politique, nous aurions déjà libéré Sarajevo. Nous l'aurions prise, puisque

 26   nous pouvons la prendre."

 27   "Le journaliste Martin Bell : M. Karadzic pour étayer sa thèse nous a

 28   emmenés pour visiter les positions au front qui surplombent Sarajevo. Il a

Page 9768

  1   utilisé un salut serbe à l'ancienne, 'Avec l'aide de Dieu.' Il souhaitait

  2   nous montrer que les Serbes respectaient le cessez-le-feu ici et qu'ils

  3   avaient l'intention de le faire.

  4   "Karadzic : Nous ne tirons pas. Nous voulons maintenir la paix et nous ne

  5   voulons pas contrôler les environs de Sarajevo.

  6   "Le journaliste : Vous pourriez prendre la ville demain si vous vouliez,

  7   n'est-ce pas ?

  8   "Karadzic : Oui, à tout moment.

  9   "Le journaliste : Telle est la force des Serbes autour de Sarajevo,

 10   Sarajevo est à leurs pieds. Ils sont prêts à négocier sur tous les points,

 11   mais si les Musulmans veulent la guerre, ils l'auront et la ville ne pourra

 12   pas être défendue."

 13   [Fin de diffusion de cassette vidéo]

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pense que l'interprétation est terminée.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Bell, je souhaite vous poser plusieurs questions au sujet de

 18   cet extrait que nous avons vu.

 19   Premièrement, est-ce que vous vous souvenez exactement de cet endroit où

 20   vous vous êtes rendu ?

 21   R.  Oui. C'étaient les lignes de front qui se situent en surplomb de

 22   Trebevic.

 23   Q.  Au début de cet extrait, M. Karadzic fait un commentaire, il dit qu'ils

 24   auraient libéré Sarajevo s'ils ne pensaient pas pouvoir aboutir à une

 25   solution politique. Est-ce que vous savez où cela a été enregistré ?

 26   R.  Il me semble que c'était lorsque nous l'avons rencontré pour la

 27   première fois plus tôt dans la même matinée. Donc nous avons dû passer un

 28   certain temps avec lui, suffisamment pour que mon caméraman puisse arriver

Page 9769

  1   dans sa voiture, où il a salué de la manière traditionnelle serbe. Donc

  2   c'était une petite conférence de presse, si vous voulez, en déplacement

  3   avant qu'il ne parte pour la conférence de Lisbonne, et de toute évidence,

  4   et je dirais en toute légitimité, il s'est lancé dans une offensive de

  5   paix.

  6   Q.  Monsieur Bell, qu'entendez-vous par ces termes lorsque vous parlez

  7   d'offensive de paix ?

  8   R.  C'était quelque chose que tous les dirigeants politiques faisaient, à

  9   savoir ils reprochaient les combats aux autres et ils montraient qu'eux

 10   étaient prêts à rechercher une solution pacifique et qu'ils souhaitaient la

 11   paix. D'un point de vue militaire, j'aurais imaginé qu'il y aurait eu

 12   énormément de victimes et de combats de rue si les Serbes avaient voulu

 13   prendre Sarajevo. Même à la fin de la guerre, il y a eu des destructions

 14   terribles à Sarajevo, mais la ville aurait pu être rasée, comme cela était

 15   le cas de Vukovar dans la guerre en Croatie. Donc il y a toujours eu un

 16   équilibre, c'est du moins ce que je pense, et je pense que les Serbes de

 17   Bosnie, d'emblée, ont recherché une solution qui serait une bonne solution

 18   pour eux.

 19   Q.  A votre avis, les Serbes de Bosnie ont -- est-ce que le fait que les

 20   Serbes de Bosnie ont encerclé Sarajevo a joué un rôle là-dedans ?

 21   R.  Oui, absolument. S'ils avaient pu jeter la ville à genoux, et s'ils

 22   avaient pu plus ou moins forcer le gouvernement bosnien à capituler, là ils

 23   auraient eu une paix selon les conditions qui leur auraient été les plus

 24   intéressantes pour eux.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation]

 26   Est-ce que nous pouvons verser au dossier la pièce 40517E, s'il vous plaît

 27   ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La partie que nous avons vue ?

Page 9770

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, tout à fait, c'est la partie à

  2   laquelle se réfère M. Bell dans sa déclaration.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Mais la vidéo elle-même commence à

  4   37 minutes 55, mais vous ne verserez au dossier que l'extrait que nous

  5   avons vu ou la totalité de la bande ?

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je voudrais

  7   verser au dossier c'est l'extrait que nous avons vu dans le prétoire.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Cet extrait sera versé

  9   au dossier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1997.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur Bell, vous avez mentionné le fait

 12   que vous vous êtes rendu sur les positions des batteries de canons de

 13   montagne en janvier 1993, je voudrais voir votre reportage qui rend compte

 14   de cette visite. Il s'agit de la pièce 65 ter 40348H. Est-ce que les

 15   cabines pourraient, s'il vous plaît, nous indiquer qu'elles ont retrouvé la

 16   transcription appropriée avant que l'on ne commence à visionner ?

 17   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Martin Bell : Il commande les gros canons à l'ouest de la ville. Au

 21   début de la guerre, il avait été qualifié de criminel de guerre par le

 22   gouvernement de Bosnie, et il n'aime pas cette idée. Il n'a jamais tué

 23   personne, dit-il, de toute sa vie. Maintenant il a le pouvoir de rayer

 24   Sarajevo de la carte dans un rayon à 5 miles de la ville avec un canon de

 25   100 mètres [comme interprété] par des tirs directs ou indirects. S'il

 26   s'agit de bombarder comme certains Américains l'ont dit, ces canons seront

 27   une aussi bonne cible pour les Américains que la ville ne l'est pour lui.

 28   "Est-ce que vous avez peur de la menace de l'intervention occidentale ?

Page 9771

  1   "Colonel : Non, cette menace ne fait que nous unir. L'intervention

  2   militaire, toutes les fusées, tous les avions qu'on peut lancer ne nous

  3   détruirons pas. Le monde devrait comprendre que nous combattons pour le

  4   droit à l'autodétermination, le droit de choisir notre propre Etat et de

  5   vivre comme tout autre pays d'Europe.

  6   "Martin Bell : Trois jours auparavant, ses hommes avaient repoussé une

  7   attaque à l'infanterie. Maintenant ils répondent aux canons à des tirs de

  8   mitrailleuses. C'est une partie active de la ligne, et le rôle onusien ici

  9   est d'être observateur dans la guerre menée par autrui. Sur les lignes de

 10   front, la perspective de la guerre semble s'éloigner. La guerre ne fait que

 11   s'intensifier entre les Musulmans et les Serbes."

 12   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 13   Mme EDGERTON : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Bell, quel serait votre commentaire s'agissant de la vue

 15   directe qu'on avait de cet endroit, de cette position sur la ville ?

 16   R.  Je pense que ceci montre tout simplement que la ville était vraiment à

 17   la merci des armes lourdes des Serbes, la question c'était de savoir si on

 18   voulait les utiliser ces armes. Si elles l'avaient été, le colonel aurait

 19   pu voir l'effet direct des tirs qu'il aurait ordonnés et il aurait pu

 20   assurer l'ajustement des tirs. Il était vraiment indigné, je m'en souviens,

 21   d'avoir été qualifié de criminel de guerre, parce que c'était un des traits

 22   caractéristiques de cette guerre, Madame et Messieurs les Juges. Chaque

 23   partie tendait à considérer les chefs militaires de l'autre partie comme

 24   des criminels de guerre en raison de leur fonction tout simplement.

 25   Nous avons eu beaucoup de peine à le convaincre à faire cette

 26   déclaration, mais je pense qu'elle montre très clairement ce que pensaient

 27   ces soldats, ces officiers à l'époque.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

Page 9772

  1   Je demande maintenant que ce que nous venons de voir devienne une

  2   pièce à charge, le document 40348H.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Ce sera la pièce P1998.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Monsieur Bell, je suis sûre qu'au cours des nombreuses guerres dont

  6   vous avez été témoin pour la BBC, chacune était particulière et unique en

  7   son genre. Mais avec le recul, est-ce qu'il y a quelque chose qui est

  8   caractéristique de ce conflit qui a sévi à Sarajevo ?

  9   R.  Oui, voici ce que je dirais : Tout d'abord, c'était le fait que les

 10   civils étaient au centre même, inévitablement, ils allaient se trouver

 11   entraînés forcément dans un conflit mené à l'arme moderne dans une ville

 12   moderne industrielle. Autre chose qui m'a frappé à l'époque, c'était sans

 13   doute la première fois que dans l'histoire de la guerre des armes de

 14   destruction massive ont été utilisées au moment même où nous avions des

 15   instruments de communication de masse pour en parler et pour amener ces

 16   images au quotidien dans le foyer de chaque Européen et de chaque citoyen

 17   du monde. Donc je pense que quelque part nous étions nous, journalistes,

 18   par la force des choses aussi bien des témoins que des participants.

 19   Q.  Si je vous demandais de décrire à l'intention des Juges la situation

 20   que connaissaient les civils dans la Sarajevo assiégée que vous avez vue au

 21   fil du temps, qu'est-ce que vous diriez ?

 22   R.  Je dirais que ces civils ont dû subir trois ans et demi d'une situation

 23   déplorable; ça n'a pas été constant. Il y a eu des accalmies dans les

 24   conflits. Parfois il y a eu de l'approvisionnement, mais ça n'a pas

 25   toujours été le cas. Ce n'est pas simplement qu'on était pris entre deux

 26   feux. Il y a eu le fait que de part et d'autre des lignes de confrontation

 27   on a pris délibérément, sciemment pour cible des civils.

 28   Q.  Voyons maintenant un extrait d'un reportage effectué par vous en

Page 9773

  1   janvier 1993, ça faisait partie d'un documentaire réalisé pour l'émission

  2   "Panorama." Je le précise pour les interprètes, c'est le numéro 40348D.

  3   Nous allons bientôt diffuser ces images, mais auparavant pourriez-vous nous

  4   donner quelques explications sur ce programme que vous avez réalisé pour

  5   "Panorama," que recherchiez-vous, quel était votre objectif au moment où

  6   vous avez effectué ceci ?

  7   R.  "Panorama" c'est une série de mini documentaire assez long. Ça me

  8   donnait la possibilité d'avoir un mois pour ne plus faire le genre de

  9   reportage assez fragmentaire, assez hâtif qu'il fallait forcément faire au

 10   jour le jour parce que j'ai pu passer beaucoup plus de temps avec les gens

 11   pour les entendre, voir leur point de vue. Au fond, j'avais aussi deux

 12   autres objectifs que je poursuivais. Je voulais documenter le plus possible

 13   l'ampleur des tueries et le nombre de gens qui sont tombés et qui ont été

 14   victimes au début de la guerre, dans les premières semaines, les premiers

 15   mois, ce qu'on ne savait pas véritablement. Je voulais aussi mieux

 16   comprendre la situation des Serbes.

 17   Vous avez vu les canons de montagne avec ce colonel Bartula, ça fait partie

 18   aussi de ce documentaire pour "Panorama," on y trouvait aussi des images

 19   d'un massacre de Serbes dans un village se trouvant près de Bratunac le

 20   jour de la Noël orthodoxe en 1993, donc vous avez plusieurs intentions qui

 21   se retrouvent et qui se conjuguent ici. Mais il se passait tellement de

 22   choses, et mon caméraman était vraiment formidable, et je pense que ça a

 23   donné quelque chose qui était fidèle à la vérité.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 25   Peut-on maintenant voir le document 40348D. Diffusez ces images.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Martin Bell : Mais on trouve surtout des civils parmi les victimes

Page 9774

  1   et voici un échantillon de ce qu'est la vie dans une ville où même les

  2   panneaux de signalisation montrent qu'il y a eu des tirs de tireurs

  3   embusqués dirigés sur eux. Les tireurs d'élite serbes se trouvent peut-être

  4   à 100-150 yards du district du Kosovo, où les gens vivent tous juste contre

  5   la ligne de front. Aucun lieu n'est sûr, on ne peut même pas se protéger

  6   dans des abris parce qu'il n'y a plus d'eau, et il n'y a de l'eau que dans

  7   la cave d'un immeuble. La cave elle-même c'est un espèce de refuge, mais

  8   chaque fois que les citoyens essaient d'en sortir, il faut bien sortir tous

  9   les jours, ceux qui vont chercher de l'eau et qui reviennent sont dans la

 10   ligne de mire des tireurs. Aujourd'hui, il y a déjà une victime de ces tirs

 11   embusqués et apparemment dit-on une autre vient de tomber. Les tireurs

 12   d'élite sont vraiment très précis dans leurs tirs. Parce qu'avant la

 13   guerre, ici c'était un pays où on aimait la chasse. La victime, c'est un

 14   homme qui a été touché à la jambe, il venait de tourner à l'angle du

 15   bâtiment lorsque le tireur embusqué l'a attrapé. Ça se passe tous les jours

 16   et souvent plus d'une fois par jour.

 17   "[Aucune interprétation] Notre interprète, qui est aussi médecin de

 18   profession, panse la blessure. Mais l'état de choc s'installe. C'est la

 19   Sarajevo d'aujourd'hui, c'est la Sarajevo de tous les jours. 'Il a été

 20   touché pour un sceau d'eau,' comme le dit un de ses compagnons. Ça ne

 21   change rien aux habitants du quartier. Deux victimes aujourd'hui, deux

 22   victimes en un jour, et pourtant ils doivent utiliser cet itinéraire

 23   périphérique où ils sont peut-être moins sous les feux des tireurs

 24   embusqués. Mais il leur faut quand même aller chercher de l'eau, et à moins

 25   qu'il n'y ait de l'eau courante et à moins que la paix ne revienne, il

 26   faudra bien qu'ils s'y prennent de cette façon pour aller en chercher. Il

 27   n'y a aucune façon de se protéger, il n'y a aucune façon d'échapper à la

 28   ligne de front.

Page 9775

  1   "Il y a quelquefois deux morts quand la journée est tranquille, mais

  2   nombreux, beaucoup plus nombreux sont les blessés --"

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Je réitère mes excuses.

  6   Effectivement, la transcription a été modifiée hier soir. M'accordez-vous

  7   un instant pour essayer de trouver le reste de la transcription.

  8   M. Reid est en train d'imprimer la version corrigée de la

  9   transcription, et il faudrait peut-être que ce soit distribué aux

 10   interprètes auprès desquels je m'excuse et que je remercie d'avance.

 11   Monsieur l'Huissier, est-ce que vous voulez bien apporter ce document

 12   à la cabine française ?

 13   L'INTERPRÈTE : Les interprètes remercient l'huissier et Mme Edgerton.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons poursuivre ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Martin Bell : Chaque jour ici on paie le prix de la recherche d'une

 19   solution négociée. Cet homme ici il était encore en vie lorsqu'il est

 20   arrivé à l'hôpital, mais il était à deux doigts de la mort. Effectivement,

 21   il est mort à la suite du traumatisme qu'il a subi.

 22   "Les combats s'intensifient, surtout le soir. Des tirs de canon ici dirigés

 23   sur un immeuble de bureaux de ce qui reste du centre de la ville. Les

 24   rescapés essaient de s'abriter dans les sous-sols. Mais rien n'est sûr à

 25   Sarajevo, vous avez ici près de la rivière un lieu qui était avant un

 26   restaurant et qui est maintenant redevenu une caverne, ce qu'il était au

 27   début. Soixante-dix personnes s'y trouvent et y vivent depuis du siège."

 28   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

Page 9776

  1   Mme EDGERTON : [interprétation]

  2   Q.  Vous voyez qu'ici il est question de personnes qui ont été blessées

  3   lorsqu'elles allaient chercher de l'eau. Est-ce que c'est la situation de

  4   quelqu'un qui est pris entre deux feux ?

  5   R.  L'homme qui a été blessé visiblement avait été ciblé. On aurait pu

  6   aller n'importe où ce jour-là en ville. Nous avons pris cet exemple, ce

  7   lieu, et nous sommes restés sur les lieux.

  8   Malgré tout, après toutes ces années, je l'avoue, ces images

  9   m'ébranlent. J'ai été accusé plus tard par des éléments du gouvernement

 10   britannique que j'avais été un des membres fondateurs du club de ceux qui

 11   disaient qu'il fallait faire quelque chose; de ceux qui appelaient à

 12   l'intervention internationale.

 13   Q.  Que vivaient les civils dans la ville, vous l'avez vu au fil du

 14   temps, et ce reportage que vous faites ici est-il fidèle à la réalité de

 15   ces civils ?

 16   R.  Oui, je suis sûr qu'il est fidèle à la réalité et conforme à

 17   celle-ci. Nous n'avons pas bricolé, nous n'avons pas manipulé la bande son.

 18   Vous avez vu la femme qui a des tressaillements de peur lorsqu'elle entend

 19   le tir des tireurs embusqués. C'était le pire hiver de la guerre, celui-là

 20   de 1992 à 1993, et je pense que ce reportage vous montre bien les

 21   souffrances infligées à des innocents.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de cette séquence

 23   qui portait le numéro de la liste 65 ter 40348D.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce P1999.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation]

 26   Q.  Au fil du temps, quand vous étiez à Sarajevo, est-ce que se sont

 27   manifestés les effets psychologiques qu'aurait pu avoir cet état prolongé

 28   sur la population civile ?

Page 9777

  1   R.  Ici je ne vous donne qu'une anecdote, mais je peux vous dire que jamais

  2   je n'ai vu l'angoisse se graver sur autant de visages. Les gens

  3   maigrissaient. Les gens avaient des cheveux gris qui leur poussaient à vue

  4   d'œil. Pour nous c'était facile. Parce qu'on restait là quatre ou six

  5   semaines et on repartait. Mais ces gens-là étaient assiégés, n'avaient

  6   aucune issue, ils étaient piégés dans ce qui semblait être une guerre

  7   interminable. Ce merveilleux docteur qui a été mon interprète par ailleurs,

  8   je pense que son père s'est suicidé à cette époque-là.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Voyons une séquence que vous avez vue et

 10   dont vous avez parlé lorsque vous avez témoigné dans le procès Dragomir

 11   Milosevic, c'est le numéro 40425A de la liste 65 ter, il s'agit du 22

 12   novembre 1994, c'est très court. Mais est-ce que les interprètes ont la

 13   transcription.

 14   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Je répète le numéro, 40425A.

 16   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Martin Bell : Dans les rues, sa force de protection des Nations

 21   Unies effectivement protégeait. Un véhicule transporteur de troupes

 22   marchant se déplaçant à pas d'homme protège les personnes des tirs de

 23   tireurs embusqués."

 24   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 25   Mme EDGERTON : [interprétation]

 26   Q.  Vous avez dit que c'était une image typique, symbolique, iconique de la

 27   guerre. Pourquoi ?

 28   R.  Parce que de façon très simple, elle montre la peur que connaissaient

Page 9778

  1   les gens qui se disaient - ici on n'est pas loin du tout de l'Holiday Inn -

  2   les gens se disaient que la seule façon de ne pas risquer sa vie c'était de

  3   s'abriter derrière ce transporteur de troupes français. J'avoue ici dans

  4   mon commentaire que quand je parle de la force de protection qui fait quand

  5   même un peu de protection, vous sous-entendez ma frustration, je trouve

  6   qu'on aurait dû agir plus vite et davantage.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande que ceci devienne la pièce à

  8   charge suivante, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce P2000.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 11   Q.  Monsieur Bell, quittons Sarajevo quelques instants si vous voulez bien

 12   pour revenir à un de vos premiers reportages en Bosnie il remonte au mois

 13   d'avril 1992, vous relatez la situation qu'il y avait à Zvornik à la fin de

 14   la premier semaine du mois d'avril.

 15   Est-ce que vous vous souvenez dans quelle circonstance vous êtes arrivé à

 16   Zvornik ?

 17   R.  Oui. Nous venions de Belgrade, j'avais interviewé Zeljko Raznatovic,

 18   surnommé Arkan, à Belgrade. Nous sommes arrivés à Zvornik, à cette époque

 19   manifestement Zvornik était en train de tomber, de sombrer dans la guerre,

 20   qui était pratiquement inévitable. Mais je me souviens que j'avais fait un

 21   reportage à propos de Zvornik, une ville auparavant mixte, qui était

 22   vraiment au bord de la guerre.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous maintenant voir le document

 24   40517B de la liste 65 ter.

 25   Q.  Nous attendons que les cabines d'interprétation trouvent la

 26   transcription, et je vous demande déjà ceci, Monsieur Bell : Qu'est-ce qui

 27   vous a donné l'impression que vous venez de relater, vous disiez que

 28   Zvornik était à deux doigts de cette guerre qui était inévitable ?

Page 9779

  1   R.  Parce que quand on était dans Zvornik, on a appris que les Serbes

  2   étaient partis, et qu'il y avait eu division au sein des forces de police,

  3   je pense qu'il y a une scène filmée dans un café où les gens, des hommes.

  4   Ce sont des Musulmans parlent du fait que la guerre est imminente.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on maintenant voir ces images de la

  6   séquence vidéo, 40517B.

  7   Mme EDGERTON : [aucune interprétation]

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Martin Bell : Aujourd'hui il a été dit qu'il y avait eu des combats

 11   violents dans cette ancienne ville de Mostar opposant les Serbes et les

 12   Croates. Partout ailleurs les combats opposent les Serbes aux Musulmans.

 13   Même si Sarajevo était plus tranquille aujourd'hui, apparemment la texture

 14   ethnique et politique de toute la république s'effrite jour après jour. Un

 15   exemple, Zvornik à la frontière avec la Serbie. Avant c'était une ville

 16   mixte où il y avait des Serbes et des Musulmans, et en l'espace de trois

 17   jours 80 % des Serbes ont pris la fuite. La police a été -- qui était

 18   séparée -- les lignes de front s'établissent, tout comme ce fut le cas en

 19   Croatie il y a neuf mois. Des siècles de coexistence pacifique entre

 20   Musulmans et Serbes dans cette ville s'arrêtent tragiquement et

 21   brutalement. La guerre ici, pourrait commencer n'importe lequel jour. On

 22   dit, Voilà, c'est comme si les murs de la prison commençaient à se

 23   refermer. Des bus entiers partent, les hommes --

 24   L'INTERPRÈTE : C'est très rapide précisent les interprètes.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "-- par exemple, Arkan lui-même n'est pas impressionné par la situation.

 28   "Arkan : Le pire c'est que les Communistes sont de retour, ils commencent

Page 9780

  1   petit à petit à reprendre le pouvoir à Sarajevo. On voit des images de

  2   Tito, on voit les drapeaux rouges. On demande la délégation des parties

  3   communistes. On chante des chants communistes, et je pense que ça c'est

  4   vraiment pas juste, c'est mauvais, il ne faut pas revenir 50 ans en

  5   arrière.

  6   "Martin Bell : Zvornik même faisait partie de la Yougoslavie de Tito, mais

  7   c'était un rêve qui est mort aujourd'hui, et la Bosnie es de retour

  8   aujourd'hui, alors qu'il y a un mois, elle était au bord de la guerre.

  9   "Martin Bell, Bosnie."

 10   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce bien de ce reportage que vous parliez ?

 13   R.  Oui, tout à fait.

 14   Q.  Permettez-moi de poser quelques questions à ce propos. Vous parlez dans

 15   ce reportage de la présence des hommes d'Arkan, je me demande comment vous

 16   les avez reconnus, comment saviez-vous que c'était des hommes d'Arkan.

 17   R.  Mais je le connaissais bien les hommes d'Arkan après la guerre en

 18   Croatie. Je m'étais rendu à leur QG. J'avais même fait un reportage sur le

 19   baptême de ces volontaires dans la grande cathédrale de Dalj. Puis il était

 20   propriétaire d'un magasin de glace à Belgrade, et là, j'avais fait une

 21   interview avec lui. Il portait souvent ces passe-montagnes, donc je n'ai eu

 22   aucun mal à reconnaître ces hommes.

 23   Q.  Vous parlez aussi d'un incident survenu à Bijeljina, vous venez de dire

 24   que :

 25   "Apparemment il y a eu 41 extrémistes dit Musulmans dans une action menée

 26   près de Bijeljina."

 27   Est-ce que vous vous souvenez des informations que vous avez obtenues et de

 28   la façon dont vous les avez obtenues à propos de Bijeljina ?

Page 9781

  1   R.  Ce reportage a été monté à Belgrade. A Belgrade, j'ai appris qu'il y

  2   avait une attaque à Bijeljina, et cette attaque a donné une des images qui

  3   restent une des images iconiques de la guerre c'était en première de

  4   couverture du magazine "Times." Mais je n'ai aucune raison de douter de

  5   l'exactitude de la précision de ces chiffres et de ce reportage.

  6   Q.  Quelle était cette image dont vous parlez qui ait fait la couverture du

  7   "Times" ?

  8   R.  C'était un des hommes d'Arkan qui avait le pied posé sur le corps d'un

  9   des Musulmans de Bijeljina.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de cette

 11   transcription.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera la pièce 2001. P2001.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Nous allons passer à une autre séquence. On

 14   est plus qu'à une minute de la pause d'après l'indicateur du temps que j'ai

 15   à mon ordinateur, n'est-ce pas, le moment de la pause.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si.

 17   Nous allons faire une pause d'une demi-heure et nous reprendrons à 11

 18   heures.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Madame Edgerton.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.

 23   Q.  Monsieur Bell, à la suite de ce reportage, est-ce que vous êtes reparti

 24   pour Zvornik après ?

 25   R.  Oui, je pense que j'y suis retourné le 10 avril 1992. J'ai essayé de

 26   préparer un reportage sur les lignes de front entourant Sarajevo, mais je

 27   n'ai pas pu y parvenir, l'accès m'a été interdit, et je me suis dit

 28   qu'après ce qui s'était passé à Zvornik, voyons ce qui s'y passait. Je

Page 9782

  1   voulais aller dans Zvornik même puisqu'on ne savait pas ce qui s'y était

  2   passé. Donc c'est pour ça que j'y suis allé, et j'ai réussi, je pense, à

  3   trouver des images assez remarquables ce jour-là.

  4   Q.  Quelles étaient ces images ?

  5   R.  Tout d'abord, c'étaient des images des combats à Zvornik, et c'est

  6   Dragan Hercegovic [phon], mon caméraman serbe, un brave homme. La femme

  7   caméraman, Katherine Gisler [phon], était aussi avec nous. Nous avons été

  8   témoins de la fuite des réfugiés musulmans qui quittaient la zone de

  9   Zvornik en masse.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Diffusons ce reportage dont vous venez de

 11   parler. C'est le numéro de la liste 65 ter 40517C.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Les irréguliers serbes sont en action ce matin à Zvornik, une ville

 15   qui avant avait une population mixte et était paisible. Elle ne l'est plus

 16   aujourd'hui. Ce ne sont pas des hommes de l'armée yougoslave, mais les

 17   hommes de [inaudible] disciplinés des ministres serbes sous le commandement

 18   d'Arkan. Ils nettoient la ville des derniers nids de résistance musulmane.

 19   Les autorités bosniennes, surtout les Musulmans, sont chassées de la ville.

 20   On compte au moins 300 morts. C'est peut-être un chiffre exagéré, mais il y

 21   a sans nul doute des pertes considérables. Les Serbes font maintenant en

 22   Serbie ce qu'ils ont fait l'année dernière en Croatie. Ils disent que c'est

 23   de la légitime défense, mais c'est pour accroître leur contrôle dans des

 24   zones qui étaient auparavant mélangées. En fait, ils veulent une Grande-

 25   Serbie.

 26   "Ici nous sommes dans un village à 2, 3 kilomètres au sud de Zvornik.

 27   C'est une catastrophe humaine --

 28   Quelqu'un intervient :

Page 9783

  1   "Tout ceci est en train de se passer, ça se passe depuis deux, trois

  2   jours. C'est terrible ce qui se passe. C'est en train de se passer sous vos

  3   yeux. Vous entendez maintenant les obus qui tombent."

  4   C'était une dame qui parlait.

  5   "Martin Bell : Nous pouvons maintenant voir les réfugiés qui attendent des

  6   secours. Le barrage d'artillerie se rapproche vers nous dans les villages

  7   du côté musulman de Zvornik.

  8   "Ce qui se passe" - dit la dame - "c'est que nous n'avons pas d'armes et

  9   qu'ils tirent sur nous.

 10   "Martin Bell : Il supplie le monde de les aider face aux Serbes et à

 11   l'armée fédérale. L'homme crie 'Que le monde vienne nous aider le plus vite

 12   possible,' des gens applaudissent parce que ici nous avons le premier signe

 13   par notre présence que quelqu'un s'occupe d'eux. Difficile de savoir

 14   combien il y a de pertes, mais ici vous avez des gens en files indiennes se

 15   trouvant sur un sentier de montage, de longues colonnes aussi sur des

 16   chemins plus larges, peut-être 20 000 personnes, la plupart marchent. Je

 17   suis -- je marche depuis -- cette personne marche depuis deux jours, a

 18   parcouru environ 25 kilomètres, il y en a encore 20 à parcourir dans cette

 19   vallée de larmes. On cherche la sécurité, mais il n'y a pas de nourriture,

 20   pas de médicaments.

 21   "Un homme intervient : Ils ont tué tout le monde. Il y a des gens des

 22   forces serbes qui entourent le cou des gens d'un fil de fer, puis ils les

 23   étranglent.

 24   "Martin Bell : C'est un déplacement tragique de personnes, des

 25   milliers qui sont chassés de chez eux tout simplement parce qu'ils sont

 26   Musulmans, qu'ils sont plus faibles et que les Serbes sont plus forts et

 27   qu'on est en train de redessiner la carte ethnique de la Bosnie. Les

 28   réfugiés cherchent de l'aide auprès de la Communauté européenne, des

Page 9784

  1   Nations Unies et du Commissaire chargé des réfugiés. Mais pas un signe ne

  2   vient d'eux."

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   Mme EDGERTON : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Bell, permettez-moi de vous poser quelques questions sur ce

  6   reportage.

  7   Vous avez parlé de ce caméraman qui était un homme très brave, avez-vous

  8   dit, et qui a filmé la première partie de cette séquence ? Est-ce que vous

  9   savez où ces images ont été tournées ?

 10   R.  Oui. A Zvornik. Ça c'était la mairie, je pense. Il est certain que

 11   c'était Arkan qui saluait le drapeau.

 12   Q.  Vous parlez aussi de 300 victimes. Quelles sont les informations que

 13   vous avez reçues à cet égard; vous en souvenez-vous ?

 14   R.  C'est Dragan Hercegovic, qui me l'a dit, parce que, lui, il est rentré

 15   à Belgrade et il a envoyé ses images de là. Mais ces images ont été vues à

 16   Belgrade, Arkan en a été scandalisé, il a contesté ces chiffres, et ce, sur

 17   quoi j'ai fait un nouveau reportage le lendemain, surtout pour empêcher que

 18   Dragan soit victime de représailles, et là, j'ai mis un point

 19   d'interrogation sur ces chiffres que j'avais donnés la veille.

 20   Q.  Mais comment avez-vous appris qu'Arkan était scandalisé et contestait

 21   ces chiffres ?

 22   R.  Parce que Dragan Hercegovic m'a téléphoné ce soir-là, et je lui ai dit

 23   que je ferais l'impossible pour l'aider.

 24   Q.  Vous dites que vous avez fait un nouveau reportage pour éviter qu'il ne

 25   soit victime de représailles, à quel genre de représailles pensez-vous ?

 26   R.  Mais je parlais de menaces, d'intimidation. Il aurait pu être passé à

 27   tabac, ils auraient pu le tuer. Ce qui fait que le lendemain, j'ai envoyé

 28   un reportage dans lequel j'ai dit que les Serbes dénient catégoriquement

Page 9785

  1   qu'il y aurait eu un massacre de Musulmans.

  2   Q.  Dans ce reportage où vous avez dit qu'on était en train de redessiner

  3   la carte ethnique de la Bosnie, que vouliez-vous dire exactement ?

  4   R.  On était au début de la guerre. Je pense que c'étaient les premières

  5   preuves visuelles qu'on a obtenues de ce qu'on a finalement appelé

  6   nettoyage ethnique. C'étaient des quantités énormes de personnes qui

  7   étaient concernées ici, et ce reportage a eu un effet considérable, et l'a

  8   toujours d'ailleurs, Madame et Messieurs les Juges.

  9   En début d'année, j'ai reçu une lettre d'un homme qui vit au Canada et qui

 10   était ce petit bébé habillé de vert transporté dans les bras de cet homme

 11   dans cette longue file de milliers de personnes, et il m'a dit que c'était

 12   son oncle cet homme-là, qui a été tué plus tard pendant la guerre, et il

 13   était reconnaissant du fait même que ces images existaient parce que

 14   c'était la seule preuve qu'eux avaient dans sa famille de ce qui s'était

 15   passé à l'époque. Donc je lui ai écrit et je lui ai souhaité une meilleure

 16   continuation de sa vie que ce qu'elle avait été au début.

 17   Q.  Est-ce que vous avez porté à l'attention de quelqu'un ce qui s'était

 18   passé, ce que vous montrez dans ce reportage ?

 19   R.  Oui. Nous sommes partis en toute vitesse de Tuzla à Ilidza, et j'étais

 20   en train de faire le montage de ce reportage au premier étage dans la pièce

 21   que nous occupions lorsque j'ai vu une voiture officielle s'arrêter. Je

 22   suis descendu en vitesse, je suis descendu à la réception, à l'accueil de

 23   l'hôtel, c'était Colm Doyle qui était arrivé, le représentant de Lord

 24   Carrington. Avant même qu'il ne prenne sa chambre à l'hôtel, je lui ai dit

 25   ce qui s'était passé et je lui ai dit qu'il devait avertir M. Karadzic de

 26   ce qui s'était passé.

 27   Q.  Savez-vous s'il l'a fait ?

 28   R.  Je pense que oui, M. Karadzic a été averti. Mais en toute équité, je

Page 9786

  1   dois dire que je voulais simplement que M. Karadzic sache ce qui était en

  2   train de se passer. Parce que, d'après nos informations, les combats

  3   étaient le fait des paramilitaires d'Arkan, et il est certain qu'il ne

  4   s'est jamais trouvé sous le commandement de l'accusé.

  5   Q.  Comment le savez-vous ?

  6   R.  Parce que je connaissais Arkan. Lui ses ordres il ne les prenait de

  7   personne, il ne recevait d'ordres de personne. Ses rapports étaient très

  8   tendus avec la JNA même. Ceci étant, il n'aurait pas pu franchir des

  9   barrages routiers s'il n'y avait pas eu quelque part de la collusion parce

 10   que ces hommes sont quand même passés. Mais je le connaissais ce type, très

 11   bien d'ailleurs. Il disait de moi que j'étais son ami, c'est un peu

 12   exagéré. Mais je le connaissais très bien. Je savais aussi comment son

 13   cerveau fonctionnait.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 15   Je demande le versement du document 40517C.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce P2002.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation]

 18   Q.  Vous parliez d'une nouvelle interview -- ou plutôt, d'un nouveau

 19   reportage que vous avez effectué afin de protéger la vie de votre

 20   caméraman, d'éviter qu'il ne soit victime de représailles. Est-ce que dans

 21   ce reportage il y avait une interview avec M. Karadzic ?

 22   R.  Oui. Mais je ne me souviens plus du lieu de l'interview, car je pense

 23   qu'à cette date-là il était déjà parti à Pale. Donc ça doit avoir été

 24   tourné à ce moment-là. Mais il n'était plus à Sarajevo à l'époque.

 25   Q.  Est-ce que, par hasard, vous vous souvenez de ce que vous avez dû faire

 26   pour avoir cette interview ?

 27   R.  C'est peut-être par les hommes de l'agence de Sarajevo, par l'équipe de

 28   Sarajevo. Je ne sais plus, ça fait 18 ans de cela, c'est peut-être moi-même

Page 9787

  1   qui ai organisé cela. Mais je n'avais pas besoin d'un porte-parole de son

  2   côté pour expliquer ce qui se passait dans ces moments, ces premiers temps

  3   des plus difficiles de la guerre où tout pouvait se passer.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Passons au document 40517D de la liste 65

  5   ter, qui se rapporte à ce que vous venez d'évoquer. 40517D.

  6   Apparemment, il y a une des cabines qui n'a pas de copie. Nous allons

  7   veiller à ce que cette copie soit imprimée et à ce que la cabine en

  8   dispose.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Martin Bell : D'après les estimations, les combats se produisent dans 17

 12   parties de la Bosnie et fluctuent de jour en jour. Aujourd'hui, le point

 13   chaud c'est Visegrad. On entend la voix d'un extrémiste musulman qui a pris

 14   un barrage sur la Drina et menace de le faire sauter. S'il le fait, ça va

 15   causer des dégâts incalculables à la vallée en contrebas, notamment la

 16   ville de Zvornik, capturée par les forces serbes au cours des deux derniers

 17   jours. Les Serbes insistent pour dire que les réfugiés et les pertes se

 18   trouvent de leur côté aussi, même si ceci ne fait pas l'objet d'autant

 19   d'attention, et ils nient toute allégation de massacres de civils. Ce qui

 20   est certain c'est que chaque jour il y a des milliers de réfugiés serbes,

 21   croates et musulmans qui sont chassés de chez eux dans des communautés

 22   mixtes et cherchent un endroit plus sûr. Le dirigeant des Serbes parle ici

 23   de la Bosnie alors qu'elle est en train de se diviser en trois.

 24   "Karadzic : Dans la partie serbe de Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas de

 25   guerre, il n'y a pas de pagaille, il n'y a pas de chaos,  d'anarchie. Il y

 26   a l'ordre public et la loi, c'est un Etat qui fonctionne. Dans la partie

 27   musulmane de Bosnie, là oui c'est le chaos. Dans la partie croate, c'est la

 28   guerre.

Page 9788

  1   "Martin Bell : Dans cette nouvelle réalité dangereuse aujourd'hui, ce sont

  2   les civils de toutes communautés qui souffrent, et leurs dirigeants

  3   politiques, loin de vouloir la négociation, ne veulent pas se parler.

  4   "Martin Bell, BBC News."

  5   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  6   Mme EDGERTON : [interprétation]

  7   Q.  Ici nous entendons M. Karadzic qui dit ceci, "dans la partie serbe de

  8   la Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas de guerre, pas de pagaille, pas

  9   d'anarchie, pas de chaos." Comment avez-vous compris ces propos quand il

 10   parlait de la partie serbe de l'ancienne république ?

 11   R.  Je suppose qu'il parlait de ce qu'on appellerait le terroir serbe,

 12   plutôt que des villes où la population était mixte comme à Zvornik,

 13   Visegrad et Foca. Il parlait vraiment du cœur même du terroir serbe.

 14   Q.  Saviez-vous ce qui se passait dans ces parties de l'ancienne république

 15   où il y avait effectivement une population mixte; comme à Zvornik, Visegrad

 16   ou ailleurs ?

 17   R.  Non, je n'avais pas ces informations. J'ai toujours hésité à faire des

 18   reportages sur des atrocités, parce qu'elles ne peuvent qu'aggraver la

 19   situation, et si ceci s'avère ne pas être fondé, c'est vraiment être

 20   irresponsable que de faire de tels reportages. Je vous ai dit que dans le

 21   programme "Panorama" on interviewait beaucoup de victimes, parce qu'on

 22   était tout au début là et tout ce qu'on avait c'étaient des rumeurs sur ce

 23   qui se passait. Lorsque j'ai découvert ce qui s'était véritablement passé,

 24   à savoir qu'on avait délibérément pris pour cible, tué des gens qu'on avait

 25   emmenés par bus entiers de leurs communautés, puis qu'on tirait et qu'on

 26   criblait de balles ces bus, ça c'était après, au début ce qu'on racontait

 27   était fragmentaire et incomplet, mais ce n'était pas faux.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

Page 9789

  1   Je demande le versement du document 40517D.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2003.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation]

  5   Q.  Vous avez parlé de cette équipe de l'agence de Sarajevo dans ce dernier

  6   reportage.

  7   R.  J'étais en partie responsable de cette innovation. Parce qu'au début

  8   les combats étaient vraiment très chaotiques au moment où s'instauraient et

  9   s'installaient les lignes de front, et il y avait deux agences de presse,

 10   WTN, World Télévision News, et VIZ News, qui est devenue Reuters, et il y

 11   avait une rivalité entre ces deux agences et en général on envoyait par

 12   Eurovision, tout comme nous d'ailleurs, des images à la communauté

 13   internationale. Mais il y avait tous les jours un gagnant et un perdant, et

 14   ils étaient poussés à mon avis par des impératifs commerciaux, ils étaient

 15   poussés à prendre des risques ridicules. J'ai donc proposé que ces agences,

 16   nous et les autres agences nationales, se rencontrent et on s'est dit que

 17   si quelqu'un tournait des images on les mettrait à la disposition de tous.

 18   Ça n'a pas particulièrement plu aux agences de presse londoniennes.

 19   Il y en a un qui a appelé un caméraman à Sarajevo et il a dit, Mais si vous

 20   perdez cet instinct de tuer, le "the killer instincts, tant pis." Mais

 21   quand même, lorsque est arrivée la date du 22 avril, cette agence -- ce

 22   pool d'agences -- ce syndicat, si vous voulez, cette association d'agences

 23   de presse est restée en place et a continué de fonctionner jusqu'à l'été

 24   1995, où Reuters y a mis fin. A mon avis, ce fut une expérience qui a sauvé

 25   des vies et qui fut constructive.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Autre diffusion d'une séquence qui fait

 27   partie de votre déclaration consolidée, il s'agit du document 40348G de la

 28   liste 65 ter.

Page 9790

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Martin Bell : A Sarajevo, on ne fait pas qu'entendre parler des

  4   horreurs, on les vit au jour le jour. Ce bombardement de la vieille ville

  5   est particulièrement violent. Un obus d'artillerie est tombé sur une file

  6   de personnes qui attendaient devant la brasserie pour aller chercher de

  7   l'eau. Huit tués, 18 blessés grave. Parmi les morts, trois d'une même

  8   famille, la mère et le père ont été tués sur le coup et la fille a succombé

  9   à ses blessures plus tard à l'hôpital."

 10   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  C'est un des reportages que vous avez faits pour le programme

 13   "Panorama" en janvier 1993. Mais je vous demande ceci : Est-ce que ce sont

 14   des images tournées qui viennent de ce groupe d'agences à Sarajevo ?

 15   R.  Je pense que oui. Je n'en suis pas sûr avec le recul, mais le caméraman

 16   est allé très vite sur les lieux, et la plupart des caméramans restaient

 17   dans ces parages, donc sans doute que oui, ça venait de ce groupe

 18   d'agences.

 19   Q.  Mais comment est-ce que les caméramans pouvaient se retrouver sur les

 20   lieux, comme vous dites, au centre de la ville aussi rapidement si, par

 21   exemple, il fallait filmer les conséquences d'un incident ?

 22   R.  Mais c'est leur travail. La plupart des combats importants se situaient

 23   surtout entre la Bascarsija, la vieille ville, et l'hôtel Holiday Inn. On

 24   savait lorsqu'il allait y avoir une recrudescence des combats, parce qu'il

 25   y a eu beaucoup de cessez-le-feu et on savait que ça se passait quand il y

 26   avait un invité d'honneur étranger qui visitait la présidence. La

 27   présidence a été, par exemple, attaquée lorsque M. Akashi était venu à

 28   Sarajevo. Donc on pouvait pratiquement prévoir la poussée de fièvre.

Page 9791

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce document 40348G peut-il être versé au

  2   dossier, Monsieur le Président ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2004.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Bell, en début de journée vous avez relevé que, au vu de vos

  7   observations et de vos souvenirs de la guerre à Sarajevo et autour de

  8   Sarajevo, au cours de l'été 1995, la guerre était aussi intense qu'elle ne

  9   l'a été au cours de l'été 1992; vous vous en souvenez ?

 10   R.  Oui.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais vous diffuser maintenant deux

 12   reportages que vous avez effectués, l'un en 1992 et l'autre en 1995, après

 13   quoi je vous demanderai des commentaires.

 14   Le premier c'est le numéro de la liste 65 ter 40372C, la date est celle du

 15   22 juin 1992.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Martin Bell : Depuis deux jours que les Nations Unies se sont

 19   retirées de l'aéroport, la ville fait l'objet de bombardements quasi

 20   incessants. Les deux côtés tirent, parce qu'elle n'est pas sans défense, et

 21   nous l'avons vu aujourd'hui les Serbes, en effet, transportent à pied leur

 22   mortier pour tirer dans Sarajevo et sur la vieille ville. Nous l'avons vu

 23   aujourd'hui à l'heure du déjeuner, un obus est tombé directement au milieu

 24   d'une rue commerçante. Etant donné qu'il y a beaucoup de gens dehors à ce

 25   moment de la journée, il y a beaucoup de victimes. C'est la deuxième fois

 26   qu'il y a ce genre d'attaque, et ça accroît la pression qui demande une

 27   intervention armée de l'extérieur. Mais rien d'autre ne marche. Ici vous

 28   avez la même rue un peu plus tard, on a enlevé les morts et les blessés,

Page 9792

  1   mais les obus de mortier ne cessent de pleuvoir. C'est un euphémisme que de

  2   dire que la vie quotidienne de ces gens est intolérable. On est à l'abri

  3   nulle part et à aucun moment. Cette maison a été touchée pour la troisième

  4   fois hier soir. La dame qui se trouvait à l'intérieur a perdu son fils dans

  5   la guerre et elle a failli perdre ses petits-enfants si elle ne s'était pas

  6   sauvée dans la cave quelques minutes auparavant. Il y a 52 000 enfants

  7   ainsi piégés dans cet enfer.

  8   "Elle va rester là où elle est. Elle ne peut aller nulle part.

  9   "Martin Bell : Ici on essaie de survivre, c'est tout. Il n'y a ni espoir ni

 10   échappatoire, ni volonté de se rendre.

 11   "Nous sommes tous unis pour lutter pour la liberté de notre Etat, même les

 12   enfants."

 13   "Martin Bell : Les survivants et les rescapés se rassemblent ici. S'il y a

 14   une accalmie, elle n'est que de courte durée. Auparavant, il y a toujours

 15   eu l'espoir d'une médiation. Que ce soit les observateurs de la Communauté

 16   européenne qui étaient ici ou par les Nations Unies. Maintenant ils sont

 17   partis, et les Nations Unies ont suspendu toute activité tant qu'il n'y

 18   aurait pas 48 heures sans combat. Quarante-huit heures ? Mais ici à peine

 19   cinq minutes se passent sans qu'il n'y ait des combats."

 20   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 21   Mme EDGERTON : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Bell, est-ce que vous souhaitez formuler quelque commentaire

 23   après avoir visionné ce film qui date du 22 juin 1992 ?

 24   R.  Je pense que nous voyons l'impuissance de cette population et nous

 25   voyons à quel point la communauté internationale les a abandonnés. Je suis

 26   choqué de voir cela maintenant avec recul lorsque je me rappelle que les

 27   Nations Unies ont arrêté leurs activités pendant 48 heures. Mais ils

 28   auraient dû les intensifier, au contraire. Je pense que c'est un scandale

Page 9793

  1   qu'on ait laissé cette guerre s'enliser pendant trois ans et demi. J'ai

  2   beaucoup réfléchi à cela, et je pense que les démocraties occidentales

  3   doivent assumer une partie de la responsabilité, elles ne se sont pas

  4   suffisamment intéressées au sort de la population, elles n'ont pas compris

  5   à quel point tout un chacun était mis en danger par cet incendie qui a sévi

  6   au sein de l'Europe.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle mesure il y a eu diffusion

  8   des reportages comme les vôtres en Europe ou au-delà ?

  9   R.  Il y a une très grande diffusion. C'était un endroit tellement

 10   dangereux que beaucoup d'agences de presse n'envoyaient pas leur personnel

 11   sur place. Mais nous avions nos antennes par satellite d'abord à Ilidza,

 12   puis sur le bâtiment de la télévision et nous envoyions nos reportages de

 13   là-bas partout en Europe, généralement dans le cadre des échanges selon le

 14   système Euro Vision. Beaucoup de mes reportages ont été utilisés par des

 15   agences analogues à la BBC, la Corporation canadienne, australienne, et la

 16   NBC a beaucoup utilisé mes reportages au départ, donc il y a eu beaucoup de

 17   contrats par la BBC et l'ABC aux Etats-Unis. Donc cela a été

 18   considérablement diffusé au-delà du Royaume-Uni.

 19   Q.  Dans le cadre des contacts avec l'accusé, est-ce que vous avez jamais

 20   eu l'occasion d'en parler de la situation à Sarajevo ?

 21   R.  Je pense que l'accusé était au courant de ces reportages. Je ne sais

 22   pas si c'est l'un de mes reportages qu'il a vu pendant le journal

 23   d'information diffusé à 6 heures par la BBC, qui lui a déplu, et je pense

 24   qu'il a téléphoné. Donc, en fait, d'une certaine manière, je pense pouvoir

 25   dire que les informations étaient largement diffusées et que c'était

 26   quelque chose qui était largement connu par l'opinion, et lui, il savait

 27   quelle était la nature de nos reportages.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons, s'il vous plaît,

Page 9794

  1   verser cet extrait au dossier, 40372C ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2005.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons visionner à présent

  5   la pièce 40511A ? Il s'agit du reportage de M. Bell, qui date du mois de

  6   juin 1995.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Martin Bell : Les Nations Unies ont perdu tout contact avec les Serbes de

 10   Bosnie; cependant, les Serbes souhaitent relancer les contacts avec le

 11   Groupe de contact, dont ils ont rejeté le plan de paix, sur les otages et

 12   sur les garanties concernant la sécurité. Ceci peut être une tentative de

 13   revenir à la conférence, et de mettre fin à leur isolement.

 14   "Les Serbes ne se portent pas bien sur le champ de bataille. Ils ont

 15   demandé aux volontaires de garder une ligne près de Brcko, leur offensive a

 16   échouée et aussi ils font vraiment --" "-- ils étranglent la capitale. Pour

 17   la population, c'est vraiment le retour des pires moments. Les Serbes ont

 18   coupé l'eau et l'électricité. La population revient à des moments

 19   difficiles d'antan. Il leur faut vraiment se débrouiller."

 20   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 21   Mme EDGERTON : [interprétation]

 22   Q.  Donc, Monsieur Bell, qu'est-ce qui s'est passé, pourquoi les pires

 23   moments reviennent en juin 1995 ?

 24   R.  Parce qu'il n'y a pas de cessez-le-feu, en été 1995 -- en mai 1995, les

 25   combats s'intensifient, et ce n'est pas uniquement à cause de la pression

 26   qu'exercent les Serbes, mais c'est parce que les forces du gouvernement de

 27   Sarajevo cherchent à percer le siège de Sarajevo. Donc, en fait, vous avez

 28   des offensives, et il y a eu des jours où nous étions certains qu'il y

Page 9795

  1   avait davantage de tirs sortant de la ville que de tirs entrants. Il y a

  2   eu, en particulier, une offensive qui a été lancée par les forces

  3   bosniennes, le long des pentes, une petite route dont on se servait pour

  4   aller à la caserne serbe de Lukavica, et puis vers Pale. Ils ont été

  5   repoussés, mais il y a eu quelques attaques qu'ils ont lancées, donc les

  6   forces gouvernementales et qui ont été des attaques suicidaires. Et nous

  7   savions cela grâce au nombre d'annonces sur les décès que publiait leur

  8   quotidien "Oslobodjenje."

  9   Q.  Vous avez parlé d'un retour au pire moment, et quelle est la période à

 10   laquelle vous vous référez à ce moment-là ?

 11   R.  Mais je pensais au premier été de la guerre, qui a été atroce, à ce

 12   moment-là, certaines des pires atrocités ont été commises, le niveau

 13   d'intensité de combat, de tir sur la ville. Bien sûr, cela a continué avec

 14   l'avancée de l'hiver, vous avez vu le reportage j'ai montré comment les

 15   gens portaient de l'eau en essuyant des tirs j'ai montré cela pendant le

 16   programme "Panorama." Mais il y a eu toujours des hauts et des bas pendant

 17   les trois années et demie de guerre. Il y a eu des cessez-le-feu, il y a eu

 18   un accord de paix Jimmy Carter, et il y a eu des accalmies de décembre à

 19   mars, disons, en hiver, pour se rééquiper, réapprovisionner, pour se

 20   préparer pour l'offensive à venir, et c'est ce qui s'est passé au printemps

 21   1995.

 22   Q.  Dans ce reportage, il est dit également que les forces des Serbes de

 23   Bosnie étranglent la capitale. Alors que vouliez-vous dire par là ?

 24   R.  Bien, ils ont coupé le gaz, ils n'ont pas permis aux convois de HCR de

 25   rentrer à l'intérieur de la ville, et cela a signifié qu'ils voulaient

 26   étrangler la ville.

 27   Q.  Les événements qui se produisaient à ce moment-là ailleurs en Bosnie

 28   est-ce qu'ils ont eu un impact sur les événements de Sarajevo, d'après vous

Page 9796

  1   ?

  2   R.  Je pense que j'ai relevé cela quelque part que les événements de

  3   Sarajevo effectivement indiquaient la situation générale, à savoir -- mais

  4   peut-être que c'était juste un espoir de mon côté, parce que, en fait, on a

  5   pu se déplacer de moins en moins donc avec l'avancée de la guerre. Mais

  6   nous savions qu'il y a eu des changements considérables dans les villes de

  7   Grahovo et Glamoc qui sont tombées, donc c'était vers la frontière croate.

  8   Nous savions que la situation était devenue très complexe dans la zone de

  9   Bihac, où je n'avais pas accès, mais il y avait cinq forces en présence.

 10   Donc d'abord les Serbes ont été repoussés, puis ils ont repris du terrain.

 11   Et puis en fait la seule chose que nous pouvions savoir c'était en

 12   regardant la télévision. Dans mon libre, je dis que c'est "une vision de

 13   soldat." Parce que généralement c'était des soldats qui filmaient cela.

 14   Mais pour nous, Sarajevo était au cœur des choses, parce que pendant de

 15   très longs moments, nous n'avons pas pu sortir de la ville, et en été 1995,

 16   surtout après la chute de Srebrenica, nous n'avons pas pu en rendre compte

 17   des événements de Srebrenica pendant de longues semaines.

 18   Q.  Je vous remercie.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement de cette vidéo, du

 20   document 40511A.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2006.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 24   Monsieur Bell, pour terminer je voudrais que l'on voie l'un de vos

 25   reportages qui ont été montrés dans le programme "Panorama" en 1993,

 26   40348E.

 27   C'était la dernière transcription distribuée, j'indique à mes collègues.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 9797

  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Martin Bell : Ce n'était qu'il y a un an, avant la guerre, Sarajevo était

  3   fière de cette diversité. Des mosquées, des églises et des synagogues

  4   vestiges de deux grands empires d'antan. Maintenant c'est une ville

  5   détruite. Mais il n'y a pas que la ville qui est détruite, c'est un mode de

  6   vie. A la place de la devise : Vivre et laisser vivre, il y en a une

  7   nouvelle : Tuer ou se faire tuer. Les cimetières s'emparent de la ville.

  8   D'abord un parc a été transformé en cimetière, puis un autre. Maintenant

  9   les morts sont enterrés au terrain de foot, et les snipers serbes et les

 10   mortiers peuvent l'atteindre facilement. Le gouvernement bosnien reconnaît

 11   avoir perdu 2 300 de ces combattants qui défendaient la ville, les Serbes

 12   en ont perdu au moins autant. Eux, aussi, ont des cimetières qui

 13   s'étendent. Il n'y a pas de gagnant ici."

 14   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 15   Mme EDGERTON : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous souhaitez formuler un commentaire au sujet de ce

 17   dernier extrait, Monsieur Bell ?

 18   R.  Oui. Oui. Je pourrais même l'appeler, une lamentation au sujet de la

 19   guerre. C'était ma conclusion pour le programme "Panorama." Vous voyez la

 20   mort d'une ville et vous voyez cette avancée des cimetières et la

 21   multiplication des tombes, et j'ai toujours pensé que cette terrible guerre

 22   aurait pu être évitée. Surtout, ce que vous voyez ici, ce sont des tombes

 23   musulmanes. Si vous allez, par exemple, dans la ville Sokolac, ville serbe,

 24   eux aussi, ils ont un cimetière avec des milliers de leurs soldats tombés.

 25   Peut-être que je suis un petit peu trop ému ici. J'essayais de ne pas

 26   mettre trop d'émotions dans mes reportages, mais à l'époque je pensais que

 27   c'était un terrible gaspillage de vies humaines, Madame Edgerton.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] J'en ai terminé avec mon interrogatoire

Page 9798

  1   principal.

  2   Je demande que les pièces associées qui n'ont pas encore été versées au

  3   dossier pendant l'interrogatoire principal de M. Bell soient versées au

  4   dossier à leur tour.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons tout d'abord nous occuper de

  6   la pièce que nous venons d'examiner, donc nous allons attribuer une cote à

  7   ce document.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2007.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les transcriptions ne correspondaient

 11   pas toujours aux extraits vidéo d'après ce que l'on m'a dit. Je demanderai

 12   au juriste de la Chambre de prendre contact avec vous pour tirer cela au

 13   clair.

 14   Y a-t-il des objections de la part de la Défense ?

 15   Donc, les pièces associées qui n'ont pas encore été versées au dossier le

 16   seront. Le Greffier d'audience leur attribuera des cotes et il distribuera

 17   la liste aux parties.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Je présente encore une fois mes excuses à

 19   toutes et à tous à cause du petit problème de transcription.

 20   J'en ai terminé. Je vous remercie.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez contre-

 22   interroger M. Bell. Je vous donne la parole.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellence. Bonjour à toutes et à

 24   tous.

 25   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 26   Q.  [interprétation] Pour commencer, je tiens à vous remercier d'avoir

 27   accepté de rencontrer l'équipe de la Défense, et j'espère que cela me

 28   permettra d'abréger mon contre-interrogatoire et de faire en sorte qu'il se

Page 9799

  1   déroule sans encombre.

  2   Il me semble que votre présence ici se prête au mieux, compte tenu de

  3   l'expérience que vous avez des guerres et du reportage de guerre, que vous

  4   êtes très bien placé pour parler de la nature de notre guerre; êtes-vous

  5   d'accord avec cela ?

  6   R.  Cela est tout à fait possible, Monsieur.

  7   Q.  Merci. Vous avez travaillé comme reporteur dans le cadre de toute une

  8   série de guerres qui, parfois se ressemblent, parfois sont tout à fait

  9   différentes. Dans certaines de ces guerres, nous voyons des armées

 10   professionnelles à l'œuvre, dans d'autres, des groupes paramilitaires,

 11   voire même des civils. Est-il exact de dire que la guerre civile en Bosnie

 12   ressemble le plus à celle que vous avez pu voir au Salvador ?

 13   R.  Monsieur Karadzic, je pense qu'effectivement vous avez raison de dire

 14   cela. C'est une guerre qui ressemblait davantage aux guerres civiles

 15   qu'elle ne ressemblait à ce que les experts militaires appellent guerre

 16   industrielle qui combattent des unités régulières. Mais je continuerais en

 17   fait et je dirais que la guerre de Bosnie-Herzégovine ne ressemble à aucune

 18   que j'ai vue, de par sa férocité, d'une part, de par la difficulté que l'on

 19   a eu à la terminer, et parce qu'il était très difficile d'opérer une

 20   distinction entre les soldats et les civils. Pendant des périodes

 21   prolongées, j'ai eu la sensation que les conventions de Genève n'existaient

 22   guerre, parce qu'il semblait en fait que les dispositions de ces

 23   conventions ne s'appliquaient pas à cette guerre.

 24   Q.  Merci. J'ai remarqué une formule que vous employez. Vous avez dit d'une

 25   part qu'il était difficile de distinguer les civils des militaires, et

 26   d'autre part, de manière très perspicace, vous remarquez que les civils

 27   étaient pris au piège, ils se sont trouvés pris au piège à cette guerre.

 28   Alors j'aimerais savoir si vous avez vu qu'un grand nombre de combattants,

Page 9800

  1   de part et d'autres, et surtout du côté musulman, du côté de la Fédération

  2   d'aujourd'hui, a combattu en civil ?

  3   R.  Je pense que c'était effectivement le cas, sans aucun doute pendant les

  4   premières semaines de la guerre. Mis à part la JNA, il n'y avait pas de

  5   forces armées régulières où que ce soit, à moins de parler de la Défense

  6   territoriale. Plus les lignes de front se sont stabilisées autour de

  7   Sarajevo, nous avons remarqué que des groupes d'hommes armés étaient

  8   surtout en civil. Mais au fur et à mesure, des deux côtés, ceux qui se

  9   profilent ce sont des forces qui ressemblent plus à des forces régulières.

 10   Mais je dois dire qu'il y avait des criminels armés également, et vu

 11   l'anarchie qui s'est installée ils en ont profité.

 12   Q.  Je vous remercie. Je souhaite approfondir le sujet des civils pris au

 13   piège du conflit, le fait de limiter la liberté de déplacement des civils.

 14   On les a empêchés de se mettre en sécurité. Est-ce que cela n'a pas accru

 15   leur souffrance, leurs difficultés ? Est-ce qu'on ne peut pas dire que les

 16   infrastructures militaires installées dans des zones civiles ont également

 17   contribué à ce que les civils rencontrent beaucoup de difficulté ?

 18   R.  Docteur Karadzic, il y a eu beaucoup de civils qui ont pris la fuite

 19   pour se mettre à l'abri. Ça, c'était le cas par exemple près de Zvornik.

 20   Nous avons vu les images. S'agissant de Sarajevo, bien entendu, c'était une

 21   ville en guerre. Il y avait là des casernes militaires utilisées par les

 22   casques bleus des Nations Unies. De toute façon, toute ville qui se

 23   retrouve en guerre est une ville militarisée. Néanmoins, même compte tenu

 24   de cette situation-là, je ne vois pas comment on pourrait justifier -- de

 25   toute façon, les civils seraient, oui, pris au piège, pris entre deux feux

 26   dans ce type de situation, mais je ne vois pas comment on pourrait

 27   justifier, de quelque côté que ce soit, le fait de prendre des civils pour

 28   cible.

Page 9801

  1    Q.  Merci. Nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Nous n'allons

  2   absolument pas chercher de justification. La seule chose que nous allons

  3   chercher c'est de comprendre; vous, vous êtes un témoin précieux qui nous

  4   aidera à comprendre.

  5   Alors vous avez mis en exergue une autre caractéristique de cette guerre,

  6   qui différencie celle-ci des autres que vous avez vues, à savoir une

  7   motivation historique plus touffue que dans d'autres guerres. Alors est-ce

  8   que vous pensiez au conflit ethnique ou plutôt aux éléments de guerre

  9   civile que l'on retrouve pendant la Première Guerre mondiale, et surtout

 10   pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

 11   R.  Oui, Docteur Karadzic. Ce que je pense, c'est que l'histoire des

 12   populations de Bosnie est très complexe. Je ne souhaite pas critiquer les

 13   Serbes, nullement, je les admire pour cela plutôt, mais vous avez une

 14   manière de percevoir votre histoire, de vivre votre histoire comme nul

 15   autre peuple sur cette terre. En fait, vous remontez à 1389. Quand je suis

 16   arrivé sur place pour la première fois en mars 1992, j'étais bien au

 17   courant de la complexité de l'histoire, de cet endroit en particulier en

 18   temps de guerre, parce que j'avais déjà travaillé en Croatie pendant la

 19   guerre de Croatie. Je savais également ce qui s'était passé dans les camps

 20   de concentration en Croatie, à Jasenovac. J'étais au courant du martyr de

 21   votre peuple. Et je ne pense pas que j'aurais pu travailler pendant trois

 22   ans et demi, en tant que reporter en Bosnie, sans avoir bien étudié votre

 23   histoire avant de commencer et en découvrant encore davantage au fur et à

 24   mesure, et je ne le dis qu'avec le plus grand respect.

 25   Q.  Merci. Alors ai-je raison de dire que je crois que vous avez eu

 26   l'occasion de voir vous-même également, que certaines peurs que nourrissait

 27   la population en Bosnie, et je connais le mieux la peur des Serbes étaient

 28   des peurs fondées, des peurs authentiques et qu'elles se nourrissaient de

Page 9802

  1   souvenirs de la Seconde Guerre mondiale qui n'est pas si loin que cela ?

  2   R.  Oui, Docteur Karadzic, tout à fait, oui. J'ai toujours eu cela à

  3   l'esprit, gardé cela à l'esprit. J'ai fini par me dire que la tentative de

  4   Tito de créer une république fondée sur la fraternité et l'unité, même si

  5   en Bosnie ce projet a été plus avancé que nulle part ailleurs, je pense que

  6   j'ai raison de dire qu'il y a eu beaucoup de mariages mixtes en Bosnie

  7   qu'ailleurs, et bien que ce projet était peut-être voué à l'échec

  8   simplement vu la mémoire terrible des événements qui se sont produits

  9   pendant la Seconde Guerre mondiale. 

 10   Q.  Merci. Vous estimiez qu'après les événements de Slovénie et de Croatie,

 11   la guerre semblait inévitable en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, Docteur Karadzic. J'ai réitéré à plusieurs reprises comme l'a fait

 13   Lord Carrington qu'à partir du moment où la Communauté européenne avait

 14   accepté de reconnaître la Croatie, la guerre de Bosnie-Herzégovine est

 15   devenue inévitable. Lord Carrington a mis en garde que la poudrière de

 16   Bosnie risquait de sauter à partir de cette petite étincelle; cependant, la

 17   Communauté européenne a néanmoins accepté cette reconnaissance. Je dois

 18   dire que je reproche effectivement aux populations et aux armées de Bosnie

 19   cette guerre, mais je pense que les démocraties occidentales et en

 20   particulier mon propre gouvernement doivent assumer une certaine

 21   responsabilité à cela. En fait, après mon départ de Bosnie, j'ai fait de la

 22   politique aux Royaumes Unis, brièvement j'ai été député au parlement, et

 23   c'est cela qui a été une des choses qui m'a poussé à le faire. Je me suis

 24   dit, si les hommes politiques ne peuvent faire rien de plus, et peut-être

 25   que, moi-même, je pourrais faire mieux. Peut-être que je pouvais en faire

 26   un peu plus en étant député.

 27   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous avez eu le sentiment, et je crois que

 28   vous en avez déjà parlé, que le reste de l'Europe et les alliés de toujours

Page 9803

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 9804

  1   de la Serbie, l'Angleterre et la France ont cédé aux pressions venant de

  2   pays tiers, pressions favorables à la reconnaissance de la Croatie et de la

  3   Bosnie lorsque ces deux pays ont reconnu la Croatie et la Bosnie ?

  4   R.  Oui, Docteur Karadzic. C'est là que réside la controverse principale.

  5   Mais je remarque que les concessions faites par les Britanniques vis-à-vis

  6   des Allemands, eu égard à la reconnaissance de la Croatie, parce que ce

  7   sont les Allemands, par le truchement de Hans-Dietrich Genscher, qui était

  8   -- qui exerçait le plus de pression en faveur de cette reconnaissance. Donc

  9   cette concession des Britanniques a coïncidé avec une concession faite par

 10   les Allemands vis-à-vis des Britanniques au sujet des clauses du traité de

 11   Maastricht, concessions réciproques qui se sont faites au bout de deux

 12   semaines. En effet, le traité de Maastricht faisait l'objet d'une forte

 13   controverse à l'époque au sein du gouvernement conservateur britannique,

 14   qui subissait la pression des Euro sceptiques. A la suite de cette réunion,

 15   John Major qui est un homme tout à fait acceptable, premier ministre à

 16   l'époque est retourné devant la Chambre des communes pour annoncer ces

 17   concessions et a annoncé que le jeu, le match et le set avaient été

 18   remportés. Je pense que cette décision a eu des conséquences à très long

 19   terme.

 20   Q.  Je vous remercie. Durant notre rencontre, je vous ai présenté notre

 21   théorie selon laquelle la Yougoslavie de 1918 a été créée par nos alliés.

 22   Je veux parler de la Grande-Bretagne et de la France, ainsi que de l'Italie

 23   et aussi dans une certaine mesure a été créée avec l'idée que la Croatie et

 24   la Slovénie seraient retirées à la pression allemande. Puis plus tard, la

 25   Slovénie est de toute façon tombée sous la pression allemande, de même que

 26   l'ensemble de la Yougoslavie, à une date encore ultérieure. Est-ce que vous

 27   conviendriez que, lorsque l'Allemagne était la plus faible, la Yougoslavie

 28   a été créée ?

Page 9805

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez, Monsieur

  2   Bell, je me demandais quelle pouvait être la pertinence de cette série de

  3   questions récentes. Je vous ai donné une certaine marge de manœuvre afin de

  4   comprendre le contexte dans lequel se situe le conflit, mais je ne vois

  5   aucun intérêt à rentrer dans les détails. Donc pourriez-vous être bref,

  6   Monsieur Karadzic sur ce point.

  7   Ceci étant dit, Monsieur Bell, pourriez-vous répondre la question ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que je sois qualifié pour

  9   proposer des conjectures, au sujet de ce qui s'était passé en 1918.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je préfère m'exprimer sur des événements

 12   survenus plus récemment.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, votre Excellence. C'était ma dernière

 14   question sur l'histoire mais nous nous demandons vraiment dans quelle

 15   mesure nous sommes aptes à décider de notre propre sort car après tout nous

 16   faisons partie d'une vie politique plus vaste que nous.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Conviendrez-vous, Monsieur Bell, que la guerre de courte durée qui a eu

 19   lieu en Croatie a également pu créer des craintes tout à fait authentiques

 20   chez les gens du peuple en Bosnie-Herzégovine ?

 21   R.  Je me souviens que cette guerre n'a pas été si courte que cela. Elle a

 22   commencé en juin et s'est terminée aux environs du mois de février de

 23   l'année suivante, et elle a coûté des milliers de vies humaines. Mais, bien

 24   entendu, elle a déstabilisé toute la région.

 25   Q.  Je vous remercie. S'agissant de la crainte, est-ce que vous pensiez que

 26   cette guerre a généré des craintes chez les gens un peu partout dans la

 27   région et qu'elle a pu susciter d'autres sentiments, comme par exemple, de

 28   la défiance par rapport à son voisin ou une aspiration à se défendre soi-

Page 9806

  1   même, et cetera ?

  2   R.  Oui, je crois qu'il était clair à l'époque que la Yougoslavie était en

  3   train de se démanteler, et que tous ces peuples avaient des raisons de

  4   ressentir une certaine angoisse.

  5   Q.  Merci. En dehors des spécificités historiques et du poids de

  6   l'histoire, vous avez remarqué qu'en Bosnie-Herzégovine, des communautés se

  7   battaient les unes contre les autres -- la Défense territoriale, la police

  8   participait également au combat, et que ces aspects des choses allait

  9   jusqu'au fait que des particuliers se battaient contre des particuliers, et

 10   y compris des gens qui avaient été témoins au mariage de la famille de

 11   quelqu'un d'autre se battait contre eux ?

 12   R.  Oui, Docteur Karadzic, ceci est certainement exact. Mais comme nous le

 13   comprenons tous deux, il ne s'agissait pas d'une séparation complète entre

 14   les populations pendant la guerre. Je veux dire, il y avait des dizaines de

 15   milliers de Serbes à l'intérieur de Sarajevo qui y sont restés pendant les

 16   trois ans et demi de la guerre. Nous ne parlons donc pas de communautés

 17   totalement séparées l'une de l'autre -- étanches.

 18   Q.  Merci. Il me semble que vous connaissiez la doctrine de Tito relative à

 19   l'armement de la population; qui a débouché sur la création de la Défense

 20   populaire généralisée, théorie qui a été mise sur place en vue de faire

 21   face à des attaques surprises contre la Yougoslavie à partir de l'est, et

 22   il me semble que vous savez que des quantités d'armes importantes ont été

 23   distribuées dans les diverses municipalités, et même dans de grandes

 24   entreprises et dans de grandes sociétés, tout cela dans le cadre de la

 25   Défense populaire généralisée, et votre théorie consistait, n'est-ce pas, à

 26   penser que la Bosnie disposait d'un nombre d'armes important et n'avait pas

 27   besoin d'importer des armes ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

Page 9807

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Il y a deux questions relativement

  2   différentes l'une de l'autre dans cette question, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je suis d'accord.

  4   Monsieur Bell, vais-je demander au témoin [comme interprété] de scinder sa

  5   question en deux questions, ou avez-vous la capacité de répondre en même

  6   temps aux deux parties de cette question grâce au compte rendu d'audience ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais répondre rapidement.

  8   Je connais la Défense territoriale. Je connais également l'existence

  9   d'arsenaux en Bosnie, et je sais en particulier que la région de la Bosnie

 10   centrale grâce à la présence d'usines spécialisées. A Vitez, et à Bugojno,

 11   étaient le centre de la fabrication d'armement et de dynamite. Ceci n'est

 12   pas contesté, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Monsieur Karadzic, je vous demanderais d'éviter de poser des questions

 15   doubles ou multiples.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. J'essaie de gagner du temps,

 17   mais apparemment, je le fais à mon propre détriment.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Aurais-je raison de dire que vous avez pu distinguer entre différentes

 20   périodes eu égard à la présence de l'armée populaire yougoslave en Bosnie-

 21   Herzégovine, et au rôle qui a été le sien, périodes différentes entre le

 22   moment où elle était présente et le moment où elle n'était plus présente ?

 23   R.  Oui. C'était une époque emprunte de confusion, mais la transition s'est

 24   faite rapidement.

 25   Q.  Je vous remercie. Conviendriez-vous que jusqu'au 20 mai, date du

 26   retrait de l'armée populaire yougoslave, JNA, la Défense territoriale était

 27   en place, et que cette Défense territoriale se composait de groupes auto-

 28   orgaisés, qui n'avaient aucun commandement ou contrôle central ?

Page 9808

  1   R.  Oui, je suis d'accord avec cela, les groupes étaient organisés à

  2   l'initiative des trois peuples présents en Bosnie, mais le gros des armes

  3   était à la disposition des Serbes.

  4   Q.  Je vous remercie.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous diffusions une

  6   vidéo qui va nous être utile pour illustrer le sujet dont nous traitons. Il

  7   s'agit du document 1D02885, et j'espère qu'il existe une transcription

  8   écrite. Non, il n'y en a pas ?

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Ce que je dis c'est qu'il y a des paramilitaires dans la ville qui ne sont

 12   sous le contrôle de personnes. Alors il faut qu'ils soient placés sous le

 13   contrôle de quelqu'un, car dans le cas contraire, ils risquent fort de

 14   détruire la ville."

 15   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce que ceci correspond à votre position étant donné ce que vous

 18   saviez ? C'est vous qui avez tourné ces images, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je me rappelle avoir tourné ces images. Je crois que j'étais à Ilidza,

 20   et j'accepte tout à fait ce que le colonel Doyle dit à ce moment des

 21   événements.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 24   vidéo.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, la vidéo est admise.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et devient la pièce D916, Monsieur le

 28   Président, Madame, Messieurs les Juges.

Page 9809

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Convenez-vous que jusqu'au 20 mai et même par la suite, il était très

  4   difficilement possible de se mettre au courant de ce qui se passait sur le

  5   terrain, et encore moins d'exercer un contrôle sur ce qui se passait sur le

  6   terrain à Zvornik ? Autrement dit, il était difficile d'être informé et

  7   encore plus difficile d'exercer le moindre contrôle ?

  8   R.  Docteur Karadzic, cette date marque les débuts des événements. Il

  9   n'existait pas d'armée serbe de Bosnie à l'époque. Le gouvernement

 10   bosniaque ne possédait pas sa propre armée organisée, pas plus que les

 11   Croates. Donc cette époque fait partie de l'anarchie régnant dans les

 12   premiers jours de la guerre.

 13   Q.  Merci. Vous étiez stationné à l'Holiday Inn, et d'après vous, il se

 14   trouvait à l'Holiday Inn un grand nombre d'équipes des plus grandes

 15   compagnies de télévision, n'est-ce pas, plus de 50 équipes en fait ?

 16   R.  Cela me surprenait qu'il y en ait eu plus de 50, Docteur Karadzic. Il y

 17   en a quelques-unes qui ne sont venues sur place que très peu de temps, mais

 18   les équipes, qui sont restées sur place pendant toute la durée des

 19   événements, ont été l'agence de Sarajevo, CNN, nous-mêmes, et les Allemands

 20   et les Français. Pour ma part, je n'étais pas basé à l'Holiday Inn jusqu'à

 21   la fin du mois de juin 1992, car comme vous le savez, il a été

 22   partiellement détruit à l'issue d'incidents survenus avant.

 23   Q.  A cette époque-là, nous nous rencontrions dans la partie serbe de la

 24   ville à Ilidza, n'est-ce pas ? Vous rappelez-vous que nous avions nous-

 25   mêmes un bureau dans ce même hôtel et que nous y organisions des

 26   conférences de presse ?

 27   R.  Oui, je m'en souviens parfaitement bien, en effet.

 28   Q.  Je vous remercie. Vous rappelez-vous une attaque des Bérets vers

Page 9810

  1   musulmans, qui sont même allés jusqu'à tirer dans la direction de l'hôtel

  2   où vous vous trouviez, ils ne tiraient sans doute pas délibérément sur

  3   vous, mais en tout cas ils ont lancé une attaque sur la partie serbe

  4   d'Ilidza ? Je crois que cela s'est passé, si je ne me trompe, en avril

  5   1992.

  6   R.  Oui, je me rappelle parfaitement cette attaque. En fait, une balle est

  7   passée à très courte distance de ma tête et s'est fichée dans le mur

  8   derrière moi, je l'ai ramassée, je l'ai mise dans ma poche et je l'ai

  9   gardée en tant que mascotte. Un ami à moi, un caméraman d'une autre agence

 10   de presse, a été grièvement blessé durant cette attaque.

 11   Q.  Merci. J'ai remarqué que vous avez pris note et apprécié le rapport que

 12   nous avions vis-à-vis de vous, notamment en ce qui concerne la capacité qui

 13   vous était donnée par nous de vous rendre sur différents territoires tenus

 14   par les Serbes et de rencontrer les protagonistes les plus importants,

 15   comme vous les appelez, n'est-ce pas ?

 16   R.  Ceci fut pour moi une expérience tout à fait rare, et j'ai beaucoup

 17   apprécié cette hospitalité et cette disponibilité, Monsieur. Je regrette

 18   beaucoup que pendant les 15 derniers mois de la guerre nous n'ayons pas pu

 19   vous rencontrer, pas plus que les membres de votre environnement à votre

 20   quartier général.

 21   Q.  Je vous remercie. Est-il exact que, pendant les deux premières années

 22   de la guerre, vous avez eu la possibilité de vous déplacer dans toute la

 23   Republika Srpska sans aucune escorte de notre part, simplement en raison du

 24   fait que vous aviez une accréditation ?

 25   R.  Oui, ceci est vrai. Si j'essayais de me rendre sur les lignes de front

 26   où se menaient des combats, il y a eu simplement une occasion où vous

 27   m'avez fourni une escorte, qui s'est avérée d'ailleurs très utile. Mais,

 28   non, lorsque je me rendais en Republika Srpska à cette époque-là, le plus

Page 9811

  1   grand danger que je courais était en fait la traversée de la piste de

  2   l'aéroport, qui semblait être à cette époque-là une zone de tirs à volonté.

  3   Mais dès que j'arrivais à Lukavica, j'étais en sécurité.

  4   Q.  Merci. Convenez-vous qu'en créant un Etat, des institutions étatiques

  5   sur lesquelles un contrôle était exercé, la Republika Srpska, qui au départ

  6   était un projet tout à fait inédit et qui a existé au début sans aucune

  7   institution et sans aucune infrastructure, s'est mise à rétablir l'état de

  8   droit et à faire régner l'ordre, n'est-ce pas ?

  9   R.  Docteur Karadzic, il y avait un état de droit dans le cœur de votre

 10   terre, je veux parler de Banja Luka, de Pale et de la plaine de Romanija.

 11   Mais je ne m'attendais pas à voir exister l'état de droit dans une zone de

 12   guerre ou sur des lignes de front où se mènent des combats.

 13   Q.  Je vous remercie. C'est en partant de ce point de vue que je me posais

 14   la question de savoir si vous aviez remarqué que dans les pires journées

 15   des deux mois qui ont précédé le mois de juin, donc dans cette période où

 16   les pires des crimes ont été commis et même plus tard, un certain contrôle

 17   avait été mis en place et que le nombre des crimes s'était tout de même

 18   réduit; est-ce que ceci a fait partie de vos observations ?

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons besoin d'une référence.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce qui vient d'être dit est très vague et

 22   très général.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux essayer de répondre, cela pourrait

 24   être utile peut-être.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous le pouvez.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux dire, c'est de notoriété publique que

 27   certains des crimes les pires qui soient, à savoir notamment des meurtres

 28   délibérés, ont été commis dans les premières semaines de la guerre; pas

Page 9812

  1   seulement pendant ces premières semaines, mais certains des pires crimes

  2   ont été commis à ce moment-là.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous commenter la dernière

  4   partie de cette question ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] La question consiste à me demander si j'ai

  6   observé cela ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans une zone limitée de Sarajevo. Mais nous

  9   n'avons découvert aucun de ces crimes atroces pendant des semaines ou des

 10   mois, parce qu'ils ont été dissimulés et ont été commis loin de la vue d'un

 11   quelconque journaliste ou d'un représentant des Nations Unies, ou de qui

 12   que ce soit d'autre. C'était une époque d'anarchie.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  En fait, ce que vous avez observé c'est que la JNA a joué un rôle

 18   constructif à Sarajevo et qu'on ne peut pas lui reprocher ce qui s'est

 19   passé au début à Sarajevo alors qu'elle était encore présente, n'est-ce pas

 20   ?

 21   R.  Lorsque la guerre a commencé, je me rappelle qu'il existait un projet

 22   de créer des patrouilles mixtes entre les uns et les autres. Je connaissais

 23   le général Kukanjac. Je ne sais pas exactement dans quelle mesure les armes

 24   lourdes sous sa responsabilité ont peut-être participé à tous ces

 25   événements à un moment ou à un autre. Moi j'étais dans les premiers jours

 26   du conflit sur les grandes artères où on voyait arriver des pièces

 27   d'artillerie et où on assistait à des tirs qui visaient la ville, donc je

 28   ne sais pas exactement d'où tout cela venait.

Page 9813

  1   Q.  Merci. Lorsque vous parlez de la possibilité qu'il y avait à éviter la

  2   guerre en question, est-ce que vous pensiez à l'offre qui a été faite par

  3   la Communauté européenne concernant la reconstruction de la Bosnie en trois

  4   républiques distinctes sur le plan ethnique, autrement dit à ce texte qui

  5   est mieux connu sous le nom d'accord de Lisbonne ou de plan Cutileiro, ou

  6   de projet Carrington/Cutileiro; c'est bien cela ?

  7   R.  Ce que j'avais à l'esprit avant tout c'est ce qui aurait pu se passer

  8   si la Croatie n'avait pas été unilatéralement reconnue aussi tôt, mais oui,

  9   je me rappelle la Conférence de Lisbonne comme ayant représenté un moment

 10   d'espoir, et j'aurais aimé que cette conférence réussisse parce qu'elle

 11   l'aurait permis de sauver un très grand nombre de vies humaines.

 12   Q.  Merci.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais maintenant le document 1D2881,

 14   grâce au prétoire électronique peut-être. C'est une séquence vidéo qui va

 15   nous aider à établir ce dont nous parlons en ce moment.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Les Serbes sont sur la défense civile ici. Mais ils tiennent la ligne de

 19   front vers l'est de la ville dans le secteur du centre-ville qui a été un

 20   quartier général sûr aussi bien pour les observateurs de la Communauté

 21   européenne que pour la presse étrangère. C'est une matinée froide. On voit

 22   le barillet d'un fusil. De nombreux canons des deux côtés. C'est une

 23   enclave principalement tenue par les Serbes, et il semble que les Musulmans

 24   aient remporté un succès relatif dans le centre-ville tard hier. Les Serbes

 25   leur ont opposé une forte résistance. Nous sommes au cœur des combats,

 26   bataille de mouvement dans laquelle les Serbes essaient d'améliorer leur

 27   position en avançant d'un arbre à un autre à travers la zone boisée du

 28   parc. Le danger est présent aussi manifestement pour les photographes. Un

Page 9814

  1   ancien caméraman de "VIZ News," Rob Seliers [phon], qui a tourné ces

  2   images, a été le premier pris à payer pour tout cela. Il a été emmené à

  3   l'hôpital militaire et ensuite envoyé à Belgrade où il est maintenant en

  4   sécurité. C'était jusqu'à ce moment-là la seule participation au combat de

  5   la part de l'armée fédérale. A 11 heures, est arrivée l'heure limite, et

  6   les combats sont tout aussi féroces que précédemment. Il n'y a pas

  7   d'amélioration, pas de pourparlers de paix, seulement les Serbes et les

  8   Musulmans qui se battent les uns contre les autres, il y a les soldats de

  9   la paix qui sont en danger aussi. On trouve parmi eux un envoyé spécial de

 10   Lord David Owen qui devrait venir ici demain. Il nous faut réfléchir sur le

 11   point de savoir s'il convient à ce moment précis d'organiser cette

 12   importante visite. La situation est très grave. Nous ne sommes pas sûrs de

 13   ce que nous allons faire. Les Serbes ont tenu leur position et le prix à

 14   payer a été que les deux parties sont toujours en train de compter les

 15   victimes. Un des soldats m'a dit que trois de ces camarades sont tombés

 16   alors qu'ils se battaient à ses côtés, deux de mes cousins, ainsi que mon

 17   meilleur ami, et je ne sais pas quoi dire. Mais c'est très difficile."

 18   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cet endroit comme étant le poste de

 22   commandement du 2e District militaire au centre de Sarajevo qui a été

 23   attaqué déjà avant le mois de mai par des groupes paramilitaires, les

 24   Bérets vers, entre autres ? Est-ce que c'est bien ce secteur que l'on voit

 25   ?

 26   R.  Je reconnais ce secteur comme étant le quartier de l'hôtel où j'étais

 27   basé. Bien entendu, je me rappelle cette scène parfaitement bien.

 28   Q.  Convenez-vous que ceci prouve quelle était la férocité des combats, à

Page 9815

  1   ce moment-là, au moment où la JNA avait déjà décidé de se retirer et où les

  2   combats ont fait rage avec participation de la JNA, entre autres ?

  3   R.  Si j'ai rendu compte du fait que la JNA n'a pas participé à cela, en

  4   dehors de l'évacuation du caméraman, c'est vrai. La férocité des combats ne

  5   fait aucun doute et je crois que les images de cette vidéo le démontrent de

  6   façon non équivoque.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais maintenant la diffusion du

  9   document 1D2883.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] La transcription correspondant à la vidéo

 13   que nous venons de voir est largement incomplète et comporte un grand

 14   nombre d'imprécisions. Cette transcription est en anglais donc on le

 15   constate aisément en suivant le son original de la vidéo.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le problème c'est que nous avons des

 17   images accompagnées de son en anglais mais qui ne peut pas être

 18   complètement traduit en B/C/S. L'accusé s'occupe de cela mais qu'est-ce que

 19   vous proposez, Madame Edgerton ?

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pensais aussi à la traduction de cette

 21   transcription en français, parce qu'il importe que les Juges de la Chambre

 22   aient une transcription exacte et précise de ce qui est dit sur la vidéo.

 23   Je demanderais donc que si ce document doit être utilisé il se fasse une

 24   révision de la transcription écrite.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Y a-t-il possibilité pour la

 26   Défense de fournir une transcription de cette séquence vidéo, Monsieur

 27   Karadzic ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est certain qu'après le versement au dossier

Page 9816

  1   de ce document nous fournirons une traduction en anglais de ce qui est dit.

  2   Mais nous n'avons pas pu le faire jusqu'à présent. Nous espérions que le

  3   son original pouvait être entendu et interprété car le son était bon. Quoi

  4   qu'il en soit, nous allons effecteur une transcription que nous soumettrons

  5   à la Chambre.

  6   Je demande le versement au dossier de cette séquence vidéo.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Cette vidéo est admise. Mais pour

  9   le moment la Chambre se contentera de l'enregistrer aux fins

 10   d'identification jusqu'au moment où il sera fourni la transcription

 11   complète en anglais.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient donc la pièce D917

 13   enregistrée aux fins d'identification, Monsieur le Président, Madame,

 14   Messieurs les Juges.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Puis-je ajouter un point, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aurais peut-être dû me lever plus tôt.

 19   Mais il serait tout de même utile d'avoir une date au moins approximative

 20   eu égard aux événements que l'on voit sur ces images. Je crois que ce

 21   serait utile à l'ensemble d'entre nous.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous donner la date, Monsieur, si cela

 23   peut aider la Chambre.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Absolument.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais présent. Ces images datent du 22 avril

 26   1992.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fantastique. Merci, Monsieur Bell.

 28   Je vois l'heure, Monsieur Karadzic. Il est donc l'heure de faire la pause.

Page 9817

  1   Nous allons suspendre une demi-heure et reprendrons nos débats à 13 heures.

  2   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est à vous.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   Je demanderais l'affichage du document 1D2883.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Bell, j'aimerais que nous voyons d'un peu plus près, à quoi

  9   ressemblaient ces premiers jours pendant lesquels existait encore l'espoir

 10   d'un rétablissement de la paix.

 11   Heureusement, vous étiez sur place à cette époque-là, vous avez donc

 12   vu tout ce qui s'est passé.

 13    [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Une bataille au canon a eu lieu dans les environs de cet hôtel ainsi que

 16   dans le parc toute la matinée. Bataille très intense. On nous dit

 17   maintenant, et nous sommes avertis en même temps que les observateurs de la

 18   Communauté européenne que cet endroit a été pris pour cible par des tirs de

 19   mortier entrant, qui frapperont d'ici peu. Ça c'est difficile à dire, je

 20   suis désolé, mais tout ces bruits autour de moi sont assez gênants. Les

 21   Musulmans sont dans une position géographique très difficile. Les Serbes

 22   tenaient une hauteur et leur armée les a encerclés. Mais par ailleurs, les

 23   Musulmans ont combattu très fermement, hier."

 24   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que ce qu'on voie sur ces images, c'est l'hôtel à Ilidza, et

 28   est-ce que de l'endroit où vous parliez, vous vous trouvez sur le

Page 9818

  1   territoire serbe ?

  2   R.  Oui, c'est bien l'hôtel à Ilidza, et je suis bien en territoire serbe.

  3    Q.  D'après l'appréciation que vous faites des événements, les jeux

  4   étaient à peu près égaux, n'est-ce pas ? A ce moment-là; c'est ce qu'on

  5   constate à la fin de ce reportage ?

  6   R.  Oui, c'était l'impression que j'avais.

  7   Q.  Donc il ne fait aucun doute, n'est-ce pas, que dans cette partie serbe

  8   d'Ilidza, c'est le groupe musulman constitué par les Bérets verts qui

  9   attaquaient à partir d'Ilidza aussi, n'est-ce pas ?

 10   R.  A l'époque, je ne savais pas qu'il s'agissait des Bérets verts, mais il

 11   est certain que les Serbes subissaient l'attaque lancée par la partie

 12   adverse.

 13   Q.  Merci. Ces images ont également été tournées autour du 22 avril, n'est-

 14   ce pas ?

 15   R.  Oui, je crois qu'il est possible qu'elles aient été tournées le matin

 16   du lendemain, à savoir le jour où cette fameuse balle a failli me toucher,

 17   et c'est fiché dans le mur derrière ma tête.

 18   Q.  Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 20   vidéo.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'elle a le même numéro 65 ter

 22   que la vidéo précédente, Monsieur Karadzic ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela ne devrait pas être le cas. Je crois que

 24   non, car normalement ce sont des images filmées le lendemain, pendant que

 25   les combats se poursuivaient.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. J'ai fait une

 27   petite erreur au sujet du numéro. Mais je me disais que peut-être nous

 28   devrions également enregistrer cette vidéo aux seules fins d'identification

Page 9819

  1   pour le moment, Madame Edgerton, en attendant que soit fournie une

  2   transcription; est-ce qu'on a besoin d'une transcription ?

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, je

  4   pense à la traduction en français, si les Juges de la Chambre doivent tenir

  5   compte de cette pièce.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette vidéo peut être enregistrée aux fins

  7   d'identification tant que nous n'aurons pas reçu la transcription.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous admettrons

  9   définitivement cette pièce lorsque la traduction aura été réalisée. Donc

 10   pour l'instant, nous l'enregistrons aux fins d'identification, en attente

 11   de traduction.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette vidéo devient la pièce D918,

 13   enregistrée aux fins d'identification, Monsieur le Président, Madame,

 14   Messieurs les Juges.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque j'ai parlé de traduction, je

 17   pensais à une transcription de la bande son de cette vidéo, et pas

 18   nécessairement de traduction.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bell, convenez-vous du fait que les

 22   groupes armés musulmans se sentaient relativement confiants à cette époque,

 23   et qu'ils n'ont pas hésité à attaquer, y compris la JNA ?

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, dans la première

 25   partie de cette question, on fait appel à des conjectures de la part du

 26   témoin.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Pourriez-vous reformuler votre

 28   question, Monsieur Karadzic ?

Page 9820

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Bell, convenez-vous que depuis le début, il existait de

  4   nombreux groupes musulmans armés en ville ?

  5   R.  Il est certain qu'il existait des groupes de Musulmans armés, et il

  6   existait aussi des groupes de Serbes armés, qui me paraissaient tout à fait

  7   improvisés.

  8   Q.  Merci. Convenez-vous qu'on s'attendait depuis le début, à ce que la JNA

  9   s'interpose entre les parties qui combattaient l'une contre l'autre, pour

 10   empêcher que n'éclate le conflit ?

 11   R.  C'est ce que j'ai pensé au début, oui.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent la diffusion d'une autre

 13   vidéo.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Vous voyez un cliché devant vous à l'écran; connaissez-vous l'homme que

 16   l'on voie sur ce cliché ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre de qui il s'agit ?

 19   R.  Il me semble qu'il s'agit du général Kukanjac.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je demande à présent la diffusion des

 21   images.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Martin Bell : 'Cette armée reste en Bosnie-Herzégovine, a-t-il dit, nous

 25   nous retirerons de certaines régions, en particulier, celles qui sont les

 26   plus fortement attaquées, mais nous continuerons à être l'armée du peuple

 27   qui nous abrite et nous respecte.' A l'extérieur, ils montrent des indices

 28   des attaques récentes, et en particulier une voiture détruire. C'est un

Page 9821

  1   général qui est en colère. Les mortiers, les roquettes, les mitrailleuses,

  2   il énumère la liste des armes utilisées et montrent des indices des objets

  3   qui sont la preuve de l'attaque. Si nous sommes attaqués, nous répliquerons

  4   physiquement. Ce qu'il a dit, c'est qu'une déclaration de guerre avait été

  5   lancée par les Croates et les Musulmans de Bosnie, sous la direction du

  6   président Alija Izetbegovic. L'armée se déplaçait aujourd'hui en direction

  7   des lignes serbes, en emmenant avec elle beaucoup de monde.

  8   "Martin Bell, BBC News.

  9   "Martin Bell : On voit des blindés des Nations Unies qui protègent le

 10   président Alija Izetbegovic, en ce moment. C'est l'accord qui a été conclu,

 11   tout est en train de se démanteler. Les soldats fuient à toute vitesse le

 12   président Izetbegovic, et présent, peut-être pas en tant qu'otage mais en

 13   tout cas en tant qu'invité réticent.

 14   "Je viens participer à des négociations à la FORPRONU.

 15   "Martin Bell : L'armée considérée comme une armée d'occupation, et on voit

 16   ici deux hommes qui prennent chacun un chemin différent. Mais les Musulmans

 17   de Bosnie déclarent que la bagarre a commencé au moment où un convoi des

 18   Nations Unies a été arrêté. 'Nous avons un accord,' déclare le président à

 19   partir de l'intérieur du blindé. Mais l'armée réplique tant que des

 20   véhicules de l'armée sont pris en otage, il n'y aura pas de paix.

 21   "Une dizaine de soldats ont été blessés au moment où le convoi de

 22   l'armée a été arrêt, tard hier soir par des Musulmans de Bosnie. Plusieurs

 23   soldats ont été enlevés. Deux colonels entre autres font partie des morts.

 24   On a tiré sur eux à l'intérieur de l'ambulance. Le général Kukanjac déclare

 25   que 'rien de ce genre ne se produira à nouveau, parce que si nous ne

 26   réglons pas la situation maintenant, nous agirons différemment.' A partir

 27   de la Croatie en direction de la Bosnie et vers la Serbie, l'ancienne

 28   armée, l'armée populaire yougoslave de l'ex-Yougoslavie a pris des

Page 9822

  1   positions de batterie. Ce qui ressemble à une embuscade a été tendue contre

  2   un convoi avec capture d'une centaine de soldats et nous avons maintenant

  3   14 tués."

  4   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Cette interprétation simultanée a été

  6   faite au mépris des règles du Tribunal, puisque aucune transcription écrite

  7   n'a été fournie.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolée,

 10   mais j'aimerais prendre la parole sur un point.

 11   Je suis assise ici en compagnie de M. Reid, et je vois tout à fait

 12   clairement qu'une partie de cette vidéo au moins a été intégrée aux pièces

 13   à conviction associées à la déclaration consolidée de M. Bell. Je me

 14   demandais s'il était possible que nous recevions des informations au sujet

 15   des codes horaires ou des numéros ERN de ces images vidéo, comme nous

 16   l'avons fait lors de notre notification précédente, afin d'éviter aux Juges

 17   de la Chambre un fardeau exagéré en raison de doublon dans les pièces à

 18   conviction.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puisque nous parlons de cela, je

 20   voudrais parler de la transcription.

 21   La vidéo que nous venons de voir fait partie des pièces à conviction

 22   associées. Mais est-ce qu'il existe une transcription de ces pièces

 23   associées ou en tout cas, quel est le statut de ces pièces à conviction ?

 24   Je ne les trouve pas dans le prétoire électronique, tout ce que je vois,

 25   c'est une feuille volante d'une page. Alors je suppose que nous devrions

 26   enregistrer ces éléments à titre d'identification pour respecter notre

 27   propre règle, mais est-ce qu'il en existe une transcription ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Comme on vient de m'en informer, ces

Page 9823

  1   éléments sont joints en tant que traductions à la feuille volante qui

  2   constitue l'original. Mais en effet, Monsieur le Président, je vais

  3   vérifier ceci dans l'intérêt des Juges de la Chambre, parce qu'étant donné

  4   l'expérience vécue ce matin, j'ai le regret de dire que ce n'est peut-être

  5   pas le cas de tous les éléments concernés. Nous allons donc vérifier, c'est

  6   certain.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  8   Oui, c'était une traduction. Je vous remercie. Nous l'avons. Enfin, nous

  9   pouvons la retrouver, je pense. Elle est ici. Très bien. Merci.

 10   Pourriez-vous répondre à la question posée par Mme Edgerton, Monsieur

 11   Karadzic ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je crois que, dans la liste que nous avons

 13   fournie, il existe le descriptif de chacune de ces séquences vidéo ainsi

 14   que l'origine de ces images pour chaque séquence.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, êtes-vous en mesure de

 16   confirmer cela ?

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, mais il n'y a pas de références de

 18   code horaire, Monsieur le Président. On a la date, le jour.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Bell a eu l'amabilité de nous dire que les

 20   images tournées à Ilidza ont été tournées les 22 et 23 avril. Pour le

 21   reste, nous communiquerons à l'Accusation les éléments d'information

 22   relatifs aux heures. Ah, vous pensiez au minutage des images vidéo, c'est

 23   ça ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Je pensais qu'on parlait de

 26   l'heure à laquelle étaient survenus les événements. Nous transmettrons

 27   cette information, mais je crois qu'il conviendrait d'accepter en tant que

 28   pièce à conviction les images que nous avons montrées. Simplement, nous

Page 9824

  1   communiquerons le code horaire exact de ces extraits de vidéo.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je propose que nous poursuivions et le

  3   problème des doublons peut être résolu en temps utile en dehors du

  4   prétoire, entre les parties, avec l'aide du greffe.

  5   Veuillez procéder.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande à présent l'affichage grâce

  7   au prétoire électronique du document 1D2806.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais entre-temps, est-ce que vous

  9   demandez le versement au dossier de la séquence vidéo où on voyait le

 10   général Kukanjac ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, absolument.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Je souhaitais vous demander la chose suivante, Monsieur Bell : vous

 14   avez vu que l'état-major de la JNA a été attaqué pendant un certain temps

 15   et que la JNA s'apprêtait à se retirer de Sarajevo, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, c'est exact.

 17   Q.  Etes-vous d'accord avec ce qu'a dit Kukanjac, à savoir qu'en passant

 18   par la Slovénie, la Bosnie et la Croatie, la JNA était dans certains lieux

 19   considérée comme une armée ennemie et a subi des attaques ?

 20   R.  Il est certain que la JNA a pris des coups lorsque l'accord relatif à

 21   l'échange de M. Kukanjac et d'un certain nombre de soldats contre le semi-

 22   captif qu'était Alija Izetbegovic a été rompu, et je ne pense pas qu'il y

 23   ait le moindre doute quant au fait que certains de ces soldats, en

 24   particulier ceux qui se trouvaient à bord de l'ambulance, ont été tués de

 25   sang-froid à ce moment-là.

 26   Q.  Merci. Mais vous rappelez-vous que déjà avant, le QG de la JNA avait

 27   subi des attaques et que le foyer de la JNA avait également été attaqué la

 28   veille, ce qui avait provoqué la mort de plusieurs soldats ?

Page 9825

  1   R.  Oui. C'est la raison pour laquelle le général Kukanjac nous a montré ce

  2   qu'il appelait ses souvenirs.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage du document

  4   1D2806 à présent. C'est un document qui a déjà été admis en tant que pièce

  5   à conviction, une vidéo dans laquelle on voit une conversation entre le

  6   général Kukanjac et le général Mandzic en date du 21 avril 1992.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais avant cela, je crois comprendre que

  8   le document 65 ter de la séquence vidéo précédente était 1D2884. J'ai

  9   besoin d'une confirmation.

 10   Cette vidéo sera admise au dossier et enregistrée aux fins d'identification

 11   uniquement pour le moment.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle devient la pièce D919 enregistrée

 13   aux fins d'identification, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 14   Juges.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On nous indique que le document dont

 17   vous avez demandé la diffusion à l'instant n'est pas téléchargé dans le

 18   prétoire électronique.

 19   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que nous aune traduction. C'est une

 21   conversation interceptée entre le général Kukanjac et le général Mandzic.

 22   Il n'y a pas de traduction, malheureusement. En tout cas, cette

 23   conversation a eu lieu en date du 21 avril, et le deux hommes discutent de

 24   ce qui est en train de se passer en ville. Ils parlent des attaques qui se

 25   déroulent sur les deux rives de la Miljacka.

 26   Je demande maintenant l'affichage de la page suivante. Page suivante à

 27   l'écran, je vous prie.

 28   C'est moi qui vais lire les propos de Kukanjac, je cite :

Page 9826

  1   "J'ai appelé Koljevic et Karadzic, et voilà, tous ces dirigeants musulmans,

  2   les Musulmans tirent à partir de Hum, ils tirent de Crni Vrh, de Marin

  3   Dvor, depuis Zlatiste. Ceux qui sont à Vraca, ils ont fait irruption en

  4   ville."

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Donc à Vraca se trouvent les Serbes, et dans les autres lieux se

  7   trouvent les Musulmans, n'est-ce pas ? Vous avez le souvenir de cela ? Est-

  8   ce que vous vous rappelez tous ces lieux dont je viens de citer les noms :

  9   Hum, c'est la colline où se trouve le répéteur de télévision, et puis Crni

 10   Vrh, Marin Dvor, Zlatiste - tous ces lieux étaient tenus par les Musulmans

 11   - est-ce que vous en avez le souvenir ?

 12   R.  C'est une question que vous m'adressez à moi ?

 13   Q.  Oui.

 14   R.  Je remarque qu'il y a eu des combats très, très durs à Sarajevo ce

 15   jour-là. Quant à l'emplacement exact des positions, je ne les connaissais

 16   pas, puisque j'étais pris en plein cœur de la ville.

 17   Q.  Merci. Mais vous avez eu connaissance de cet échange de feu et de ces

 18   combats tout à fait chaotiques dont parlent les deux hommes dans leur

 19   conversation, n'est-ce pas ?

 20   R.  Tout à fait, oui. J'ai été au courant puisque j'ai été pris en plein

 21   milieu de tout cela.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors je vais citer un autre passage que vous

 23   pouvez voir à l'écran. Mais je demande l'affichage de la page suivante sur

 24   les écrans. Je vais lire la phrase en question. C'est Kukanjac qui parle.

 25   La page suivante encore par rapport à celle qui est à l'écran actuellement.

 26   Donc c'est la dernière phrase du propos de Kukanjac, je cite :

 27   "La fameuse directive est en train de se réaliser mais c'est celle

 28   d'Izetbegovic."

Page 9827

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faut montrer le haut de la page. Voilà.

  2   Dernière phrase dans la première case, je cite :

  3   "La fameuse directive est en train de se réaliser mais c'est celle

  4   d'Izetbegovic."

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous avez donc entendu dire qu'il existait une directive mais vous

  7   n'étiez pas tout à fait sûr de son existence. Vous rappelez-vous que le 12

  8   avril, une directive relative à l'attaque de la JNA a été émise, et qu'elle

  9   l'a été émise une deuxième fois à la fin du mois d'avril ?

 10   R.  Le 12 avril je décrivais la bataille pour la prise de Kupres, et je

 11   n'avais pas connaissance de l'existence d'une quelconque directive, à ce

 12   moment-là. Bien sûr, il aurait été utile que je l'aie su, mais je n'avais

 13   pas connaissance de l'existence de cette directive pas plus que de cette

 14   conversation.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 17   écoute, avec enregistrement aux fins d'identification ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette écoute n'a pas été admise, en tant

 19   que pièce à conviction, contrairement à ce qui a été indiqué, il y a

 20   quelques instants.

 21   Madame Edgerton, que vouliez-vous dire --

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pense tout simplement qu'un nombre

 23   d'éléments insuffisants ont été fournis au sujet de cette écoute pour

 24   qu'elle puisse être versée au dossier par le biais de ce témoin, Monsieur

 25   le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a été incapable de confirmer

 27   quoi que ce soit au sujet de cette conversation, et s'agissant de la

 28   situation générale, ce qu'il en a dit le concernait personnellement. Donc

Page 9828

  1   je ne pense pas que nous puissions admettre cette écoute en tant que pièce

  2   à conviction. Nous n'allons pas le faire par le truchement de ce témoin.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, mais la conversation entre ces deux

  4   généraux confirme ce que M. Bell a remarqué, à savoir que des combats

  5   féroces et équilibrés se menaient à ce moment-là.

  6   Bien. Je demande maintenant l'affichage du document 1D01258. C'est le texte

  7   de la directive. Il s'accompagne d'une traduction. Donc c'est le texte de

  8   la directive qui va voir le jour deux jours après leur conversation. C'est

  9   la deuxième directive émise durant le mois d'avril au sujet de l'attaque de

 10   la JNA.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Alors, je vous prierais, de vous pencher sur la traduction anglaise.

 13   Dans cette directive on définit quelles sont les forces ennemies, à savoir

 14   on évoque la JNA d'une part et les unités des forces de la Défense

 15   territoriale serbe dans les quartiers serbes ainsi que dans les provinces

 16   autonomes serbes.

 17   Je demande la page suivante en anglais à l'écran.

 18   Au point 4, nous lisons, je cite :

 19   "Je décide par la présente…"

 20   Paragraphe 4 : "J'ai décidé…"

 21   Nous voyons ensuite :

 22   "L'ordre de mobilisation générale qui est destinée à toute la Défense

 23   territoriale ainsi qu'au commandement conjoint de cette opération contre

 24   l'ennemi."

 25   Nous lisons, je cite :

 26   "S'emparer immédiatement des dépôts d'armes et de munition, et isoler les

 27   casernes, s'emparer des casernes et placer les membres de la JNA en

 28   détention sur le territoire de Bosnie-Herzégovine."

Page 9829

  1   Maintenant paragraphe 5, les missions à accomplir.

  2   Je vous demande, Monsieur Bell : en vous fondant sur votre expérience et

  3   sur ce que vous savez, si les événements qui ont débuté le 23 avril

  4   correspondent à ce que vous avez pu voir décrits dans cette directive ?

  5   R.  Evidemment, je n'avais pas connaissance de l'existence de cette

  6   directive à l'époque qui a été émise le jour où Lord Carrington a réussi à

  7   élaborer un cessez-le-feu. Mais cela me surprendrait étant donné la

  8   férocité des combats pendant les deux journées précédentes qu'il n'y ait eu

  9   aucune tentative visant à s'emparer des armements et à coordonner les

 10   forces combattantes.

 11   Q.  Merci. Il est exact que cette directive n'était pas connue puisqu'en

 12   première page nous voyons la mention "Secret militaire, strictement

 13   confidentiel," donc c'est un texte qui a été dissimulé au public et qui

 14   était adressé aux forces armées musulmanes.

 15   Je vous prierais, Monsieur, de bien vouloir prendre connaissance de ce

 16   qu'on peut lire au paragraphe 6, qui concerne : "L'appui aux forces et aux

 17   opérations de combat."

 18   Affichage de la page suivante, je vous prie, en anglais, comme en

 19   serbe. Page suivante en serbe encore. Donc numéro 7 : "Commandement et

 20   liaison." Il faut aller une page plus loin en serbe sur l'écran.

 21   Alors ce que vous voyez sous vos yeux en ce moment présente-t-il à

 22   votre avis l'aspect d'un ordre général destiné à toutes les unités dans le

 23   cadre d'information de bonne qualité et d'un commandement de bonne qualité,

 24   ainsi que d'une coordination de bonne qualité ?

 25   R.  Bien entendu, je n'avais accès à aucun des documents émis par l'une ou

 26   l'autre des forces combattantes. Ce document présent à mes yeux l'aspect

 27   d'un document destiné à essayer de mettre en place une force combattante

 28   bien coordonnée.

Page 9830

  1   Q.  Merci. Nous voyons au point 7, la page serbe, je vous demande de

  2   tourner la page :

  3   "Système de commandement au niveau local : Puis au niveau de la

  4   municipalité, de la république," et cetera, "les états-majors de la Défense

  5   territoriale."

  6   Cela s'adresse à tous les états-majors au niveau municipal et régional et

  7   c'est Hasan Efendic le commandant qui est le signataire du document.

  8   Est-ce que vous pouvez vous rappeler, s'il vous plaît, les journées du 2 et

  9   3 mai ? Donc cela se situe dix jours à peu près après cette directive. Est-

 10   ce que vous trouvez qu'il y a un lien logique entre la directive et les

 11   événements des premières journées du mois de mai ?

 12   R.  Sans aucun doute, il y a eu des combats très intenses à Sarajevo le 2

 13   mai, me semble-t-il. Je pense que c'est ce jour-là que le tramway a cessé

 14   de circuler, et cela a continué toute la journée. Vu où je me trouvais je

 15   n'avais aucun moyen de savoir comment tout cela avait commencé, mais je

 16   pense que l'attaque sur le foyer de l'armée, le Dom Armija, a fait partie

 17   des événements. Je le sais parce qu'on nous a menacés lorsque nous avons

 18   essayé d'apporter nos caméras près de l'endroit.

 19   Q.  Merci. Mais vous saviez, n'est-ce pas, qu'il y avait eu un accord entre

 20   la JNA et Izetbegovic sur le fait que la JNA allait se replier, se retirer

 21   de Bosnie-Herzégovine, et c'était un accord passé à Skopje dès la fin du

 22   mois d'avril. Entre Blagoje Adzic et Izetbegovic; vous êtes au courant de

 23   cela, cet accord portant sur le retrait de la JNA de Bosnie ?

 24   R.  Oui, et je savais qu'on avait proposé d'échanger Kukanjac contre

 25   Izetbegovic.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser ce document au dossier

 28   ?

Page 9831

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Il s'agit de la pièce D222, qui est déjà au

  3   dossier.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais une décision a été adoptée le

  5   30 septembre dernier. Par cette décision, nous avons rejeté le versement de

  6   cette pièce. C'est au colonel Doyle que nous avons montré cette pièce, Colm

  7   Doyle, qui n'a pas pu formuler de commentaires à ce moment-là. Donc quelle

  8   est votre réponse compte tenu de la réponse du témoin ?

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] J'ai lu les commentaires du colonel Doyle

 10   au sujet de ce document, et je pense que maintenant c'est un cas de figure

 11   complètement différent, donc je n'ai pas d'objection.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D920.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Un autre extrait vidéo, s'il vous plaît,

 15   1D2882.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Nous

 17   n'allons pas attribuer une nouvelle cote, nous allons en fait reprendre la

 18   cote qui avait initialement été attribuée. Donc ce sera la pièce versée au

 19   dossier sous la cote D222.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous visionner l'extrait vidéo 1D2882,

 21   s'il vous plaît ?

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Comme vous l'avez dit vous-même, il vous a été possible de

 24   remarquer que j'ai souvent réitéré des propositions de paix, de solutions

 25   de paix, et même pour votre télévision je l'ai souvent redit.

 26   R.  Oui. Docteur Karadzic, il y a eu beaucoup de cessez-le-feu. Très

 27   régulièrement il y a eu des cessez-le-feu, mais peu d'entres eux ont duré.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

Page 9832

  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Lord Carrington se rend à sous pli scellé à bord d'un avion

  3   portugais de l'armée de l'air portugaise. Il se rend dans une mission qui

  4   est des plus difficiles. Il va essayer de mettre fin au combat dans une

  5   ville qui avait complètement plongé dans les combats depuis deux jours. Il

  6   va essayer de faire redémarrer le procès de paix. Il a rencontré séparément

  7   chacune des parties au conflit dans un restaurant à l'aéroport, qui est

  8   sous le contrôle de l'armée fédérale, qui est le seul endroit sûr de

  9   Sarajevo pour y négocier. Peut-être que la première partie à un cessez-le-

 10   feu a été la chose la plus facile à obtenir, et puis elle est la plus

 11   difficile à mettre en œuvre. Le leader des Serbes de Bosnie s'est engagé à

 12   respecter cela.

 13   "Radovan Karadzic : Et bien, nous sommes prêts à nous réunir autour d'une

 14   table de négociation pour que la paix règne dans ce pays."

 15   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Donc vous étiez prêt. Vous vous souvenez de ce reportage ? Vous vous

 18   souvenez du moment où le ministre des Affaires étrangères portugais et Lord

 19   Carrington sont arrivés ?

 20   R.  Oui, et vous étiez là avec M. Koljevic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de la pièce.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Cet extrait fait partie intégrante de la

 23   pièce 65 ter 40526B, à savoir d'une pièce associée qui correspond au

 24   paragraphe 61 de la déclaration consolidée de M. Bell.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Donc nous n'avons pas

 26   à verser ce document séparément.

 27   Je vous remercie, Madame Edgerton.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] A présent, je demande l'affichage de la pièce

Page 9833

  1   65 ter 30 655. Il s'agit d'une conversation interceptée du 4 avril 1992

  2   entre moi-même et le Pr Koljevic, donc deux jours avant que la guerre

  3   n'éclate.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Bell, à ce moment-là, vous étiez à Kupres. Mais d'après vos

  6   souvenirs, M. Izetbegovic n'a-t-il pas proclamé une mobilisation générale

  7   en Bosnie dans la soirée du 4 avril ?

  8   R.  J'étais à bord d'un hélicoptère de la JNA. C'est celui-là qui m'a

  9   emmené à Kupres le 12 avril. Le 4, je n'étais pas encore en Bosnie, Docteur

 10   Karadzic.

 11   Q.  Hm-hm. D'accord. Je voudrais maintenant que l'on voit cette

 12   conversation interceptée. Je parle au Pr Koljevic. Il était membre de la

 13   présidence, un collègue de M. Izetbegovic.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher ce document,

 15   s'il vous plaît ? Nous en avons une traduction également. Donc la date est

 16   celle du 4 avril, et j'aurais besoin de la page suivante s'il vous plaît,

 17   dans les deux langues.

 18   Voyons les trois premières entrées, trois premières cases.

 19   Donc je demande ce qui s'est passé à la présidence. Le Pr Koljevic

 20   m'explique, il me dit que la partie musulmane avait demandé que la Défense

 21   territoriale soit mobilisée, et je réponds. Koljevic dit :

 22   "J'ai dit qu'il fallait qu'il y ait une différence si nous sommes

 23   favorables à la paix, donc il faut combattre sur le plan politique. Et je

 24   leur ai dit que sur le plan politique cette mesure est négative et que nous

 25   nous retrouvons au conflit, et ils continuent leur combat politique."

 26   Je vais essayer de vous expliquer. Nous avions déjà accepté l'accord

 27   de Lisbonne, or deux jours avant de l'accepter M. Izetbegovic mobilise

 28   toute la police et la Défense territoriale. Alors êtes-vous d'accord pour

Page 9834

  1   dire que cela a dû effrayer les Serbes ?

  2   R.  Je comprends en fait pourquoi vous avez des raisons de souhaiter

  3   présenter ce document ici au procès. J'aimerais mieux ne commenter que les

  4   événements et les déclarations qui ont été faites et les combats qui ont

  5   été menés pendant que j'étais présent dans votre pays.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, dans ce cas-là, je suppose que la

  8   Chambre n'acceptera pas le versement de ce document. Nous le ferons à un

  9   autre moment.

 10   Je demande la pièce 30 174 à présent. C'est un entretien que j'ai avec

 11   Radovan Pejic, qui travaille dans la police, qui est à Vrace. Donc, c'est

 12   le 23 avril, moment où vous êtes sur place, et c'est le moment où des

 13   combats très intenses se produisent, les combats dont nous avons parlé.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Aidez-nous, s'il vous plaît, au sujet de cette vidéo.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avez-vous besoin que

 17   l'on affiche la version en B/C/S ? Parce que si vous avez un exemplaire, un

 18   exemplaire papier, nous pourrions agrandir la version anglaise pour M.

 19   Bell.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis d'accord. Je n'ai pas besoin de voir à

 21   l'écran la version serbe.

 22   L'INTERPRÈTE : La cabine d'interprétation indique qu'elle n'a pas de copie

 23   papier.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Donc ce sont ces journées décisives, je demande s'il s'agit bien de

 26   Vraca. Vous vous rappellerez que Vraca est une localité serbe en face de

 27   l'Holiday Inn, qui surplombe Grbavica ?

 28   R.  Oui.

Page 9835

  1   Q.  La police serbe avait son siège là-bas; vous vous souvenez ?

  2   Je vous demande maintenant d'examiner cette conversation, ligne 5 à compter

  3   du haut de la page, M. Pejic dit :

  4   "Nous sommes en position car d'après certaines indications, ils continuent

  5   à s'organiser en bas, à Grbavica."

  6   Mais vous vous souviendrez qu'il y avait, à l'époque, à la fois des Serbes

  7   et des Musulmans armés à Grbavica.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que nous pouvons tourner la page en

 11   anglais.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Pejic m'informe ici du fait qu'il y a eu des attaques et que la police

 14   serbe se prépare à réagir en cas d'une nouvelle attaque, et moi, je dis :

 15   "Et bien, aujourd'hui, normalement, on va signer un cessez-le-feu, donc on

 16   ne devrait commencer nulle part, nous, et eux, il ne faudrait pas qu'ils le

 17   fassent."

 18   Est-ce que cela correspond à ce que vous en savez des efforts que j'ai

 19   déployés pour essayer de préserver le cessez-le-feu ?

 20   R.  Oui, cela correspond au souvenir que j'ai de la situation à l'époque.

 21   Après deux jours de combat intense, une journée de combat dans la ville et

 22   une autre à Ilidza, la situation était beaucoup plus calme le jour de

 23   l'arrivée du Lord Carrington, lorsqu'il a essayé de négocier un cessez-le-

 24   feu.

 25   Q.  Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis à la page suivante, M. Pejic m'informe

 27   aussi du fait que leur QG a été bombardé.

 28   Voilà, là où il est question de fenêtres qui ont été brisées. Il y a eu des

Page 9836

  1   dégâts dus aux obus.

  2   Est-ce qu'on peut verser au dossier ce document ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Une cote MFI, s'il vous plaît.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais nous avons une traduction.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins que l'un des participants ait

  8   déposé, nous n'accordons aucune cote aux fins d'identification en attendant

  9   que la question soit résolue.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D920 MFI.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous parlons maintenant de tous les efforts qui

 12   ont été déployés pour que la paix revienne. Je vous rappelle votre

 13   déclaration de 1995, 1996. Je vais en donner lecture :

 14   "En avril, mai, je suis allé pour la première fois à Pale. Devant l'hôtel

 15   Panorama de Pale, nous avons filmé Karadzic qui a dit : 'Si nous

 16   n'espérions pas qu'une solution politique est possible, nous aurions déjà

 17   libérée Sarajevo. Nous l'aurions prise car nous pouvons le faire'."

 18   Fin de citation.

 19   "Et puis, au matin de Pâques, du dimanche de Pâques, le 25 avril, Karadzic

 20   nous a emmenés sur les lignes de front à Trebevic. Il nous a invités à

 21   rencontrer ses forces. Nous les avons vus. Ils étaient en uniforme. Ils

 22   étaient en ancien uniforme de la JNA, pour la plupart. C'était un moment de

 23   cessez-le-feu et il voulait nous montrer que ses hommes observaient le

 24   cessez-le-feu. Nous avions la sensation que Karadzic jouissait d'une

 25   certaine popularité parmi ses hommes. Il a dit qu'il pouvait prendre

 26   Sarajevo à tout moment, mais c'était du panache."

 27   Dites-vous :

 28   "En fait, il a dit qu'ils auraient pu raser Sarajevo comme ils l'ont fait

Page 9837

  1   de Vukovar mais ils ne l'ont pas fait car ils pensaient que c'était leur

  2   ville."

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  A plusieurs reprises, vous avez répété cela. Vous avez confirmé que

  5   nous estimions que Sarajevo était notre ville et que donc, il n'y a pas eu

  6   à Sarajevo de destruction comme ailleurs, comme à Mostar ou à Vukovar; est-

  7   ce bien cela ?

  8   R.  Oui, c'est exact. Oui, c'était une ville partagée. Vous y avez vécu

  9   tous ensemble.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas si la déclaration de M. Bell de

 12   1995 ou de 1996 est déjà versée au dossier ou est-ce que nous devons la

 13   proposer pour versement.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas qu'on l'aie déjà versée

 15   au dossier. C'est uniquement sa déclaration consolidée qui a été versée au

 16   dossier. En fait, je m'entends d'avoir entendu cette déclaration dans un

 17   extrait vidéo.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser cette déclaration

 19   également, s'il vous plaît, puisqu'à l'époque, M. Bell se souvenait mieux

 20   de ces événements ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel était le numéro 65 ter ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous allons vous trouver ça dans un instant.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Nous ne l'avons pas téléchargé dans le

 24   système, donc il n'y a pas de numéro 65 ter pour ce qui nous concerne.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudrait tout d'abord ajouter ce

 26   document sur la liste 65 ter.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je comprends que cette déclaration déplaise au

 28   bureau du Procureur, mais c'est une déclaration qui a été donnée tout de

Page 9838

  1   suite après les événements.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a confirmé le contenu de la

  3   déclaration. Nous avons entendu votre voix également dans l'extrait vidéo,

  4   et cela figure déjà au compte rendu d'audience.

  5   Oui, Madame Edgerton.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Je peux, en fait, vous donner le numéro 65

  7   ter même si la pièce n'avait pas été téléchargée. Elle l'est maintenant. Il

  8   s'agit de la pièce 09981, et elle correspond au paragraphe 43 de la

  9   déclaration consolidée de M. Bell.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous ne soulevez pas d'objection quant

 11   au versement du document ?

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, pas du tout.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser cela au

 14   dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D921.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] A cette différence près qu'en 1996, lorsqu'il

 18   s'exprime, M. Bell parle du panache, mais ça n'a pas une importance

 19   cruciale.

 20   Pendant que nous parlons encore du cessez-le-feu et de ces efforts qui ont

 21   été déployés pour rétablir la paix, j'aimerais que l'on voit un extrait

 22   vidéo très bref, 1D2886.

 23   L'INTERPRÈTE : Les cabines n'ont pas ces transcriptions; note de la cabine.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D2886.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Martin Bell : Les Serbes poursuivent leur offensive diplomatique de

 28   paix. M. Karadzic a dit qu'il enverrait devant la cour martiale chacun de

Page 9839

  1   ses hommes qui violeraient le cessez-le-feu. Il fera tout pour la paix.

  2   Nous verrons aujourd'hui si ses ordres sont exécutés."

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que cela correspond à ce que vous avez appris à l'époque ?

  7   R.  Oui. Je ne dois pas me lancer dans des conjectures, Monsieur Karadzic.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, merci.

  9   Est-ce que l'on peut verser cela au dossier ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En appliquant la même règle, nous allons

 11   attribuer une cote provisoire ou est-ce que cela fait partie d'un autre

 12   document ?

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Avançons, je vais vous apporter une réponse

 14   dans quelques instants, il me faudra quelques minutes pour vérifier.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 16   Alors laissons cela de côté pour l'instant et avançons.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Comme vous avez pu remarquer vous-même, nous n'étions pas vraiment très

 20   habile à amener une guerre médiatique, n'est-ce pas, nous étions toujours

 21   ouverts aux contacts, en revanche ?

 22   R.  Monsieur Karadzic, je dirais que plutôt, vous et votre vice-président,

 23   vous étiez plutôt bons dans l'exercice de cette guerre médiatique. Vous

 24   étiez disponibles, vous expliquiez clairement votre cause. C'est uniquement

 25   plus tard, plus tard lorsque -- que nous vous avons perdu de vue, à un

 26   moment donné.

 27   Q.  Mais, par exemple, saviez-vous que nous avions mis sur pied un système

 28   judiciaire militaire à accélérer pour traduire devant les tribunaux ceux

Page 9840

  1   qui s'étaient rendus coupables de crime contre les Musulmans et les Croates

  2   ? Donc il y a des choses que nous avons faites, nous n'en avons pas

  3   suffisamment parlé.

  4   R.  Ça, je ne le savais pas. Mais cela aurait été très utile de le savoir à

  5   l'époque.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce dernier extrait vidéo, la pièce 1D2886,

  7   correspond en fait à une partie de la pièce 40526C, sur la liste 65 ter qui

  8   constitue une pièce associée, et qui est relative au paragraphe 75 de la

  9   déclaration consolidée de M. Bell.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Donc nous n'avons pas

 11   à verser cela séparément.

 12   Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qu'à un moment donné, on a beaucoup parlé

 16   des prisonniers de guerre, pendant cet été-là, donc des prisonniers de

 17   guerre entre les mains de la partie serbe.

 18   R.  Je me souviens qu'on a beaucoup parlé des prisonniers de guerre des

 19   deux côtés, Monsieur Karadzic.

 20   Q.  Merci. Vous souvenez-vous qu'à Manjaca, la prison destinée aux

 21   prisonniers de guerre avait été créée par la JNA, déjà au moment de la

 22   guerre en Croatie ?

 23   R.  Pendant la guerre en Croatie, j'étais en Croatie, bien entendu, je

 24   n'étais pas en Bosnie.

 25   Q.  Acceptez-vous que dans le cadre des attaques menées sur la JNA, disons

 26   à Samac et en Bosnie occidentale, jusqu'au 20 mai y compris, la JNA avait

 27   des prisonniers de guerre qu'elle prenait en charge à Manjaca ?

 28   R.  Je ne connais pas suffisamment bien ce sujet pour pouvoir en parler,

Page 9841

  1   Docteur Karadzic.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je souhaite que l'on visionne à présent un

  4   extrait vidéo, 1D2887. Il sera question de prisonniers de guerre, 1D2887.

  5   L'INTERPRÈTE : Les interprètes notent qu'ils n'ont pas reçu cette

  6   transcription.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Karadzic : Oui, on accepterait cela. Cela nous permettrait de laisser ces

 10   prisonniers de guerre.

 11   "Question : Donc le HCR des Nations Unies pourrait avoir accès ici ?

 12   "Karadzic : Oui, tout à fait. Nous allons coopérer là-dessus.

 13   "Question : Donc il y avait des gens qui se rendaient sur place demain, les

 14   personnes placées en détention pourraient être visitées par eux ?

 15   "Karadzic : Oui, tout à fait. Nous sommes prêts à procéder à un échange de

 16   tous les prisonniers de guerre, selon le principe un pour un. Et nous

 17   sommes ouverts à toute aide internationale, sur tous les plans.

 18   "Question : Mais si on proposait que les camps soient supervisés par une

 19   commission indépendante des Nations Unies.

 20   "Karadzic : Oui, tout à fait, on accepterait cela.

 21   "Question : Ceux qui se sont livrés à des actes interdits, ils devaient

 22   être poursuivis ?

 23   "Karadzic : Absolument, tout à fait. Nous allons lancer des enquêtes de

 24   notre côté pour pouvoir nous assurer s'il y a eu des crimes ou pas.

 25   "Question : S'il y a des comportements qui ne sont pas compatibles avec les

 26   dispositions des conventions relatives à la guerre; est-ce que vous seriez

 27   prêt à juger pour crime de guerre des auteurs de cet acte ?

 28    "Karadzic : Absolument, nous sommes prêts à offrir toute aide sur ce plan.

Page 9842

  1   "Question : Docteur Karadzic, vous êtes tout à fait explicite en disant que

  2   vous ouvrez vos camps à l'accès des Nations Unies, et vous êtes prêt à

  3   traduire devant la justice les coupables.

  4   "Karadzic : Nous allons arrêter ceux qui ne respectent pas la loi, comme

  5   nous l'avons déjà fait.

  6   "Question : Quel est le motif qui vous pousse à être d'accord avec cette

  7   décision des Nations Unies; est-ce que c'est la menace d'une intervention

  8   militaire internationale ou de frappes aériennes contre votre peuple ?

  9   "Karadzic : Non, l'intervention militaire est une expression qui n'a pas

 10   grand sens désormais. Cela ne résoudrait rien, cela ne ferait que rendre la

 11   guerre encore pire et cela la ferait durer plus longtemps. Nous coopérons

 12   simplement avec les Nations Unies parce que nous avons raison et nous

 13   souhaitons que les choses se règlent de la façon la plus appropriée. Nous

 14   pensons que les Nations Unies sont très utiles pour nous pour les Serbes en

 15   Croatie et pour les Serbes en Bosnie-Herzégovine."

 16   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que nous sommes parvenus à vous informer au sujet de l'ordre que

 20   j'ai donné le 13 juin, et qui a été renouvelé le 19 août, il portait sur le

 21   respect de la loi internationale humanitaire et du droit de la guerre. Est-

 22   ce que vous savez qu'avant cette interview et avant l'intervention des

 23   Nations Unies et de la Croix-Rouge, cet ordre a été donné ?

 24   R.  Je vous serais reconnaissant de connaître la date de l'interview dont

 25   nous venons de voir les images; savons-nous quel jour cette interview a eu

 26   lieu ?

 27   Q.  Je crois que l'interview a eu lieu en septembre 1992, nous n'avons pas

 28   le jour exact, mais ce qui est certain c'est qu'après cette interview il y

Page 9843

  1   a eu libération; est-ce que vous vous rappelez que le 12 décembre, toutes

  2   les prisons destinées aux prisonniers de guerre ont été démantelées, qu'un

  3   très grand nombre de ces prisonniers de guerre ont été transférés dans des

  4   pays étrangers, des pays tiers ?

  5   R.  Ce qui me pose difficulté ici, Docteur Karadzic, c'est que nous parlons

  6   ici d'une période où je n'ai pratiquement pas été présent dans le pays, car

  7   j'avais été blessé.

  8   Q.  J'espérais que Mme Edgerton pourrait nous aider à déterminer la date

  9   car nous avons reçu cette vidéo comme étant en rapport avec votre

 10   déclaration, avec ce dont vous vous apprêtiez à parler dans votre

 11   déposition. C'est ce que j'avais compris.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Non.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est vous qui êtes interviewé,

 14   Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. C'est un document qui nous a été

 16   communiqué par l'Accusation et qui fait partie du document V000-3327-1-A.

 17   Je répète V000-3327-1-A, et nous l'avons reçu du bureau du Procureur. Ce

 18   n'est pas nous qui nous sommes procurés ce document.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Si je pouvais vous apporter mon aide sur ce

 20   point, Monsieur le Président, je le ferai, mais j'en suis incapable. Je

 21   n'ai pas la moindre idée de la date à laquelle cette interview a été

 22   réalisée. Dans nos dossiers, nous n'en avons pas la moindre indication non

 23   plus.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, Monsieur Bell, vous ne vous

 25   rappelez pas avoir entendu cette interview de M. Karadzic à l'époque des

 26   faits ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je ne m'en

 28   souviens pas, mais ceci est probablement dû au fait que j'étais à l'hôpital

Page 9844

  1   à l'époque.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce D101, grâce

  3   au prétoire électronique.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Mais, Monsieur Bell, le 2 mai, vous étiez en Bosnie, n'est-ce pas,

  6   c'est certain ?

  7   R.  Je vous demande un instant. J'ai les éléments d'information sur moi

  8   ici. Alors, ceci correspond à peu près au moment où je suis revenu. Mon

  9   successeur est parti pendant la deuxième semaine de mai à toute vitesse

 10   sous des tirs de mortier, et j'ai eu de grandes difficultés à revenir en

 11   traversant l'aéroport. C'était sans doute le 15 ou le 16 juin. J'ai ici une

 12   note dans mon agenda qui indique que j'ai réalisé un reportage au sujet des

 13   nouveaux combats qui avaient éclaté à Sarajevo le 17, et normalement dans

 14   notre travail nous aimons toucher le sol le plus rapidement possible selon

 15   notre jargon interne, donc il est fort probable que j'ai commencé à tourner

 16   ce reportage dès que je l'ai pu. Donc je doute avoir été présent à la date

 17   du 13 juin.

 18   Q.  Je vous remercie. Toutefois, j'aimerais appeler votre attention sur le

 19   point suivant. Ceci est un ordre renouvelé parce que remarquez la première

 20   phrase, je cite :

 21   "Une nouvelle fois j'ordonne par la présente…"

 22   Il y a quatre paragraphes dans ce texte qui concernent le respect du droit

 23   humanitaire. Il y a une référence à un premier ordre qui a été émis en juin

 24   1992 et qui concernait le traitement des prisonniers de guerre. C'est la

 25   raison pour laquelle il y a quelques instants -- parce que ceci a été fait

 26   en dehors de l'intervention de qui que ce soit. C'est la raison pour

 27   laquelle il y a quelques instants j'ai dit que nous n'avions pas été

 28   suffisamment actifs ou pas suffisamment doués dans nos rapports avec les

Page 9845

  1   médias. Toutefois, ces ordres ont dû recevoir une grande publicité et vous

  2   auriez dû en avoir connaissance; n'êtes-vous pas d'accord là-dessus ?

  3   R.  Docteur Karadzic, absolument. Il aurait été très utile pour moi à

  4   l'époque d'en avoir connaissance. Au moment où je suis revenu à peu près le

  5   15 ou le 16 juin, j'aurais trouvé utile d'avoir connaissance de l'existence

  6   de cet ordre et de nombreuses autres choses que vous étiez en train de

  7   faire. Je pense que cet ordre est admirable.

  8   Q.  Je vous remercie. Je suis conscient du fait que nous avons nous-mêmes

  9   contribué à l'échec de nos rapports avec les médias.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais l'affichage de la page suivante à

 11   présent dans les deux versions linguistiques. Et je cite le passage qui

 12   m'intéresse, je cite :

 13   "La position générale est la suivante. L'armée et la police sont tenues de

 14   diligenter des investigations vigoureuses dans leurs zones de

 15   responsabilité respectives."

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Conviendrez-vous qu'après la prise des municipalités serbes de la

 18   Krajina, la police musulmane a découvert des documents et des éléments

 19   d'enquête relatifs à chacun des incidents qui ont fait des victimes

 20   musulmanes et croates avant la fin de la guerre en 1995, et qu'au jour

 21   d'aujourd'hui, des procédures sont en cours en Bosnie-Herzégovine qui

 22   reposent sur nos dossiers, sur les dossiers que nous avions élaboré à

 23   l'époque des faits ?

 24   R.  Encore une fois, je n'étais pas au courant de cela. J'aurais beaucoup

 25   aimé avoir été au courant. Mais je n'ai aucun doute, Docteur Karadzic, que

 26   ceci impose de vous accorder un crédit.

 27   Q.  Je vous remercie.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pièce D95 à l'affichage, je vous prie.

Page 9846

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Vous rappelez-vous que notre position consistait à dire que les

  3   villages musulmans et les villages croates devraient remettre les armes

  4   qu'ils renfermaient, que les combats devaient cesser et que nous

  5   garantirions un traitement correct à tous ces villageois ainsi qu'une

  6   pleine et entière sécurité pour eux ?

  7   Il y a un télégramme ici que j'ai envoyé, le 14 juillet, aux municipalités

  8   de Podrinje située, rappelons-le, dans la partie orientale de la Bosnie, et

  9   vous-même, vous étiez rendu compte que ce territoire n'était pas sous le

 10   contrôle des autorités centrales. Je vous demanderais de concentrer votre

 11   attention sur ce télégramme à présent.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais une référence à l'appui de la

 15   dernière affirmation du Dr Karadzic eu égard à ce que M. Belle aurait dit.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas qu'il est fait référence

 17   à une déclaration précédente de M. Bell.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais il vient de dire, je cite :

 19   "Vous-même, vous étiez rendu compte" - et il parle de Podrinje - "que ce

 20   territoire n'était pas sous le contrôle des autorités centrales."

 21   Donc j'aimerais une référence à l'appui de ces dires.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que ce n'était pas une

 23   question posée au témoin pour lui demander s'il s'était rendu compte à

 24   l'époque de la réalité de la situation ? Est-ce que ce n'était pas une

 25   question plutôt qu'une reprise d'une quelconque déclaration du témoin ?

 26   L'anglais n'est pas ma langue maternelle ?

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne pratique pas très bien non plus ces

 28   derniers jours, Monsieur le Président.

Page 9847

  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Bell, pouvez-vous répondre

  2   à la question ? Est-ce que vous vous étiez rendu compte que ce territoire

  3   n'était pas sous le contrôle des autorités centrales ? Je veux dire la

  4   partie orientale de la Bosnie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que certaines parties l'étaient, et

  6   d'autres pas. L'une des municipalités dans ce secteur c'est Han Pijesak qui

  7   a été du début à la fin des événements infortuns [comme interprété] des

  8   Bosno-Serbes. Mais vous savez l'anglais est bien ma langue maternelle et

  9   j'en arrive à me perdre quelque peu dans les circonvolutions de ces

 10   dernières minutes motivées par des considérations judiciaires. Je ne suis

 11   plus tout à fait sûr de comprendre les questions qui me sont posées.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Il n'y a rien de si obscur que des

 13   circonvolutions judiciaires.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est votre question, Monsieur

 15   Karadzic, au sujet de ce document ?

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Voici la question que j'aimerais vous poser : Savez-vous que les choses

 18   se sont réellement passées ainsi dans la Romanija et aux environs de Han

 19   Pijesak ainsi que dans les environs de Rogatica qu'il y avait des villages

 20   qui ont bien rendu leurs armes et qui sont demeurés en sécurité jusqu'à la

 21   fin de la guerre ?

 22   R.  Je suis très heureux d'entendre cela, Docteur Karadzic. Je pense que le

 23   dossier de toute cette affaire permet de penser que ce qui s'est passé est

 24   autre chose, à Foca, par exemple, ou peut-être est-ce à Foca où vous avez

 25   eu à faire à une résistance.

 26   Q.  Je vous parle des villages situés non loin de la Drina, autrement dit,

 27   des villages qui avaient rendu les armes. Durant l'interview que nous

 28   venons de réentendre, il était déclaré que nous ne pouvions pas trouver un

Page 9848

  1   seul village serbe sur territoire musulman qui était toujours en sécurité

  2   en 1995, alors que nous avions pu trouver de nombreux petites villes,

  3   petits hameaux et villages habités par des Musulmans sur le territoire

  4   serbe, tels que Janja, Bosanski Dubocac, Bosanski Kobas, et d'autres

  5   villages, qui ont rendu leurs armes et qui sont restés en sécurité sur

  6   territoire serbe jusqu'en 1995.

  7   R.  Je suis très heureux d'entendre cela. Pour différentes raisons

  8   logistiques et en raison de la férocité des combats qui faisaient rage à

  9   Sarajevo et dans les environs, nous n'avons pas pu retourner dans la vallée

 10   de la Drina pendant assez longtemps. Je me rappelle, ça c'est certain, un

 11   village serbe en Bosnie centrale, non loin de la ligne de séparation entre

 12   les Musulmans et les Croates, qui avait totalement été déserté par les

 13   Serbes, qui avaient pris la fuite. Ceci étaye de façon générale la thèse

 14   que vous venez de présenter ici.

 15   Q.  Je vous remercie. J'essaie de retrouver votre déclaration écrite, ou

 16   peut-être est-ce quelque chose que vous auriez dit pendant nos discussions,

 17   vous et moi, lorsque vous avez dit que Karadzic ou les autorités centrales

 18   n'exerçaient pas un contrôle suffisant en Bosnie orientale. Mais j'aimerais

 19   vous lire quelque chose que vous avez dit pendant votre interview de moi,

 20   je cite :

 21   "Karadzic avait le sens d'une [inaudible] historique. Ce n'était pas un

 22   homme qui nourrissait de la haine dans son cœur. Il aurait été très

 23   surprenant, en tout cas, j'aurais été très surpris de voir le Dr Karadzic

 24   ordonner des tirs."

 25   Est-ce que c'était bien votre position ?

 26   R.  Je pense que la phrase au sujet de la haine au fond du cœur provenait

 27   d'une interview de Nermin Tulic à Sarajevo, qui était un acteur

 28   shakespearien de grand talent, et qui avait suivi les leçons du Dr

Page 9849

  1   Koljevic. Il a perdu ses deux jambes lors d'une attaque au mortier, et ce

  2   qu'il m'a dit plus tard, c'est que c'était pire qu'un cancer. Il a dit

  3   qu'il avait de la haine au fond du cœur par rapport à ceux qui lui avaient

  4   fait cela. Quant à la situation dans la vallée de la Drina, il est certain

  5   que dans les premiers jours toutes les forces militaires régulières qui,

  6   plus tard, devaient s'engager dans la guerre, étaient en train de

  7   s'organiser et que les commandements centraux et le contrôle central était

  8   extrêmement fragmentaire, pour autant qu'il ait existé.

  9   Je me permettrais d'ajouter, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 10   Juges, que ma position au sujet de cette guerre depuis ses premiers jours

 11   c'est que c'était une guerre opposant des habitants, une guerre dont il

 12   fallait faire reportage à partir du cœur de la population. J'étais là-bas

 13   au milieu des gens depuis le début jusqu'à la fin, et savoir si l'un ou

 14   l'autre des dirigeants nourrissait de la haine au fond de son cœur, c'est à

 15   eux qu'il convient d'en décider. Moi, ce qui m'intéressait c'était les

 16   effets de cette guerre depuis le début jusqu'à la fin.

 17   Q.  Merci. Vous rappelez-vous que nous avons parlé de la situation après la

 18   visite d'ITN à Trno Polje en Republika Srpska et que ceci nous a rafraîchit

 19   la mémoire ?

 20   R.  Oui, je m'en souviens. Mais je suis tout à fait au courant également de

 21   l'incident et des effets qu'il a pu avoir.

 22   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous vous rappelez que c'est moi qui ai

 23   proposé à l'équipe de venir ? Je leur ai même proposé l'avion du

 24   gouvernement pour leur transport éventuel, et je leur ai donné toute

 25   liberté d'accès à n'importe quel lieu en Republika Srpska, pour peu qu'ils

 26   aient souhaité s'y rendre ?

 27   R.  Oui, mes amis d'ITN m'ont confirmé cela.

 28   Q.  Merci. Vous rappelez-vous que tous ces journalistes se sont mis à

Page 9850

  1   parler du fait qu'ils n'avaient pas d'éléments suffisants pour un

  2   reportage, qu'ils n'avaient pas tourné suffisamment de matériel, et

  3   qu'ensuite ils ont élaboré une vague histoire qui nous a beaucoup nuit plus

  4   tard ?

  5   R.  Il est certain que cette histoire a fait le tour du monde, et je sais

  6   qu'elle a suscité pas mal de controverse. Au moment où j'étais député, j'ai

  7   plaidé auprès du rédacteur en chef d'ITN pour qu'il n'engage pas de

  8   poursuite contre le magasine qui avait imprimé ces allégations. Quant à

  9   l'exactitude de ce reportage, n'ayant pas été sur les lieux, je n'ai pas la

 10   capacité de réellement faire le moindre commentaire à ce sujet.

 11   Q.  Mais vous rappelez-vous que Penny Marshall ou un autre représentant

 12   d'ITN vous a dit qu'il n'avait rien à montrer, rien à publier, et qu'ils

 13   ont élaboré une histoire à partir des quelques rares éléments dont ils

 14   disposaient ?

 15   R.  Je ne me rappelle pas qui m'a dit cela, mais ce n'était pas exactement

 16   cela que l'on m'a dit. C'est seulement quand les gens d'ITN sont rentrés à

 17   leur hôtel et qu'ils ont examiné les images tournées et les notes mises sur

 18   le papier qu'ils se sont rendu compte du matériel dont ils disposaient.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous croyez - et nous pourrons le démontrer ici -

 20   est-ce que vous croyez que l'équipe a pénétré dans une enceinte entourée

 21   d'une clôture en barbelé et que c'est dans ces conditions qu'ils ont filmé

 22   les images des réfugiés de Trno Polje comme étant dans un prétendu camp, ou

 23   comme étant des réfugiés prisonniers encerclés par du fil de fer barbelé et

 24   que c'est donc grâce à un jeu de caméras qu'ils ont fait cette illusion de

 25   prisonniers en détention ? Est-ce que c'est bien l'action dû à ce magasine,

 26   dont le titre est : "Le marxisme vivant," qui s'est efforcé de réfuter le

 27   reportage d'ITN ?

 28   R.  L'article de Thomas --

Page 9851

  1   L'INTERPRÈTE : Le patronyme n'a pas été saisi par l'interprète.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] -- dans le magasine, "Living Marxism,"

  3   "Marxisme vivant," était sans aucun doute une tentative de réfutation du

  4   reportage d'ITN. Je pense que c'est à vous qu'il appartient de démontrer la

  5   réalité de votre thèse. Si j'avais été présent sur les lieux, je pourrais

  6   vous être utile, et si j'avais été l'auteur de ce reportage, il ne fait

  7   aucun doute que vous m'auriez mis à mal sur ma chaise de témoin. Mais je ne

  8   peux réellement proposer aucune conjecture au sujet de ces renseignements

  9   de deuxième main et de quelque chose qui s'est passé alors que j'étais

 10   absent.

 11   Q.  Encore une fois, je suis au bord de l'autocritique lorsque je dis que

 12   nous n'avons pas été très talentueux dans nos relations publiques, mais

 13   j'espère que vous savez que nous étions complètement ouverts vis-à-vis des

 14   médias internationaux et que c'est précisément dans ces conditions que

 15   s'est produite la libération de la plupart des prisonniers de guerre à la

 16   fin du mois de décembre.

 17   Je demande à présent l'affichage du document 1D2888. C'est une

 18   séquence vidéo.

 19   Vous conviendrez que nous étions tout à fait ouverts vis-à-vis de la

 20   Croix-Rouge mais également vis-à-vis des médias étrangers et des

 21   journalistes étrangers qui pouvaient se rendre n'importe où en Republika

 22   Srpska, à part, bien sûr, sur les lignes de front.

 23   R.  Et ce, jusqu'en août 1994, bien sûr. Mais lorsque des incidents de ce

 24   genre se produisaient, je veux parler de ce reportage d'ITN, je pense que

 25   vous avez commencé à avoir tendance à vous renfermer et à dire toute la

 26   presse étrangère est contre nous, ce qui, malheureusement, a eu des

 27   conséquences regrettables, parce que je n'étais ni votre défenseur ni

 28   opposé à vous. Je souhaitais simplement me rendre à l'endroit où certaines

Page 9852

  1   choses s'étaient passées pour en être le témoin. Je n'aimais cela dit4

  2   aucune protestation contre les conditions d'accès que j'ai pu obtenir

  3   jusqu'au mois d'août 1994.

  4   Q.  Dans votre ouvrage, celui dont vous êtes l'auteur, en page 100. Vous

  5   dites :

  6   "Les Serbes ont été pris par une espionite extrême et aux barrages routiers

  7   tenus par eux les journalistes apparaissaient comme doublement suspects en

  8   tant qu'étrangers. Par conséquent, ils étaient perçus comme historiquement

  9   antiserbes et en train de voyager vers l'autre partie des lignes."

 10   Est-ce que vous convenez que ces fouilles et ces soupçons n'étaient en

 11   aucun cas un signe d'insolence de notre part ? C'était comme vous le dites,

 12   le produit de la peur et de la crainte que des espions puissent être au

 13   travail, des espions, de façon générale.

 14   R.  Je n'ai absolument aucun sentiment négatif par rapport à tout cela.

 15   Dans une zone de guerre je m'attends à être arrêté et je m'attends à être

 16   fouillé. Mais ce qui m'a surpris un petit peu un jour c'est au niveau d'un

 17   barrage routier tenu par vous, que nous ayons été arrêtés, et tout a pu

 18   traverser, mon producteur italien avait sur lieu un petit nounours en

 19   peluche, qui a été coupé en deux par une baïonnette pour vérifier qu'il ne

 20   se cachait rien à l'intérieur. Je pense que les fouilles, en particulier à

 21   Rogatica, étaient sans doute un peu exagérées. Mais sur le principe, je

 22   m'attends tout à fait à être arrêté dans ces conditions, et je m'attendais

 23   à être fouillé. Docteur Karadzic, après toutes ces années, je n'ai plus

 24   aucune rancune par rapport à tout cela.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] En tant que psychiatre, je souhaitais

 26   distinguer entre l'insolence d'une part et une dureté excessive ainsi que

 27   la crainte d'autre part, autrement dit, des convictions, des perceptions

 28   qui peuvent être générées par la crainte.

Page 9853

  1   Je demande la diffusion de la vidéo, qui montre la visite de Lord Ashdown,

  2   qui n'était pas lord à l'époque, à Sarajevo, dans l'une des prisons de

  3   Sarajevo. Il avait également visité Manjaca, mais je n'ai pas montré les

  4   images de cette visite.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "Martin Bell : Les forces bosno-serbes l'ont mis au défit de venir pour

  8   voir comment les choses se passaient d'après leur perspectif, et M. Ashdown

  9   a relevé le défi, les choses ont commencé par un voyage d'une heure à bord

 10   d'un hélicoptère qui était extrêmement déplaisant. Pour éviter les tirs

 11   provenant du sol, l'avion a dû voler de plus en plus haut. Et la

 12   destination était Pale, ancienne station de sports d'hiver située non loin

 13   de Sarajevo, où les Bosno-Serbes avaient leur QG militaire. M. Ashdown a

 14   rencontré l'homme qu'il l'avait invite et a discuté avec lui de son

 15   programme, je veux parler du dirigeant bosno-Serbe, Radovan Karadzic.

 16   "Karadzic : Si j'étais à Sarajevo, il n'y aurait pas un seul combat là-bas.

 17   "Martin Bell : M. Ashdown a pu se déplacer librement et voir les

 18   prisonniers, des Musulmans qui déclarent que leur vie n'est pas trop dure

 19   ici et qu'il ne sont pas battus."

 20   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous avez connaissance de cette prison, la prison de Kula,

 24   non loin de Sarajevo, qui a été utilisée comme prison longtemps avant la

 25   guerre déjà ?

 26   R.  J'ai entendu parler de ce lieu, mais je ne m'y suis pas rendu en

 27   personne.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous avons un peu de temps

Page 9854

  1   supplémentaire ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est l'heure de lever l'audience pour

  3   aujourd'hui.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que la vidéo peut être versée au dossier

  5   ?

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Je remarque s'agissant du compte rendu

  7   d'audience, qu'il y est indiqué que Martin Bell est le journaliste qui

  8   interroge sur les images, or ce n'est pas le cas.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire qui était le journaliste qui

 10   parle sur ces images, si cela peut vous avez aider, Monsieur le Président,

 11   Madame, Messieurs les Juges. C'est un autre correspondant dont le nom est

 12   Justin Webb.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Mais ceci étant dit, vous n'avez

 14   pas d'objection du côté de l'Accusation ?

 15   Dans ce cas, le document est admis.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et devient la pièce D922, Monsieur le

 17   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Bell, nous allons suspendre

 19   pour aujourd'hui et reprendrons nos travaux demain matin à 9 heures.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   --- L'audience est levée à 14 heures 29 et reprendra le mercredi 15

 22   décembre 2010, à 9 heures 00.

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28