Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 10067

  1   Le jeudi 13 janvier 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Je souhaiterais formuler mes meilleurs vœux de bonne année à l'attention de

  7   tout le monde. Donc nous reprenons notre travail.

  8   J'ai été informé que les parties souhaitaient soulever certaines questions.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

 10   Je suis désolé de commencer à vous parler des correspondants de guerre,

 11   mais étant donné que Jeremy Bowen, le prochain témoin, est un correspondant

 12   de guerre à la retraite, nous souhaiterions indiquer pour le compte rendu

 13   d'audience que nous ne souhaiterions pas qu'il témoignage. Et nous savons

 14   que vous avez d'ores et déjà rejeté ce point de vue, mais nous voulions

 15   tout simplement que cela soit consigné au compte rendu d'audience.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson. Nous ne sommes

 17   absolument pas surpris par votre demande, puisqu'elle correspond à ce que

 18   vous avez déjà dit précédemment.

 19   Mais la Chambre a déjà indiqué précédemment qu'il y a une jurisprudence qui

 20   est très, très claire en la matière à propos des correspondants de guerre

 21   qui peuvent déroger à leur privilège, s'ils choisissent de le faire

 22   d'ailleurs. Par conséquent, nous ne faisons pas droit à votre demande eu

 23   égard à M. Bowen pour la même raison qui avait été invoquée précédemment.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur le

 25   Président. Et je pense, de toute façon, que ce sera le dernier

 26   correspondant de guerre en l'espèce, donc je ne répéterai pas ce que j'ai

 27   déjà avancé.

 28   Il y a deux autres questions eu égard à sa déclaration consolidée au titre


Page 10068

  1   de l'article 92 ter. Je pense qu'il faudrait peut-être que cela ne soit pas

  2   traité en présence du témoin, si cela vous ne pose pas de problème.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie, Monsieur Robinson.

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Eu égard aux paragraphes 53 à 61, il s'agit

  5   de Gorazde et des événements qui se sont survenus dans cette enclave, et

  6   nous avançons que cela ne fait pas partie de l'acte d'accusation et, par

  7   conséquent, ces paragraphes devraient être expurgés parce qu'en fait, ils

  8   n'ont pas été considérés par la Chambre de première instance et ne doivent

  9   donc pas faire l'objet de moyens à décharge pour la présentation des moyens

 10   à décharge.

 11   Si vous décidez, par contre, d'inclure les documents relatifs à Gorazde,

 12   notamment pour ce qui est du paragraphe 53, le témoin fait référence à une

 13   conversation avec une personne dont le nom n'est pas donné qui lui a

 14   chuchoté quelque chose à propos de :

 15   "L'expulsion des Musulmans, dirigée par le commandant de la Brigade

 16   de Rogatica, Rajko Kusic. Il indique, en fait, que la zone est complément

 17   nettoyée."

 18   Je ne pense pas que ce type d'élément de preuve par ouï-dire devrait être

 19   considéré comme recevable, bien que nous comprenions qu'en matière

 20   d'élément ouï-dire, il y a la question de la valeur probante, puisque de

 21   toute façon nous ne pouvons pas poser de question à ce sujet. Cela ne peut

 22   absolument être mis à l'épreuve. Donc si vous décidiez d'inclure les

 23   renseignements eu égard à Gorazde, nous vous demandons d'exclure au moins

 24   le paragraphe 53.

 25   Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton ou Monsieur Tieger.

 27   Madame Edgerton.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.


Page 10069

  1   Alors, pour ce qui est de ce que mon estimé confrère vient de dire à propos

  2   de Gorazde, vous vous souviendrez certainement que c'est un argument que

  3   nous avions déjà entendu le 5 octobre 2010, et pour être précis, il s'agit

  4   de la déposition du général Rose. Et à ce moment-là, vous aviez tranché et

  5   décidé que les éléments de preuve relatifs à Gorazde - il s'agissait

  6   également de Bihac, en octobre, ce qui n'est pas pertinent maintenant -

  7   vous aviez décidé, disais-je, que c'était des événements qui fournissaient

  8   autant d'éléments de contexte qui pouvaient être repris pour plusieurs

  9   questions figurant à l'acte d'accusation, tels que le commandement et le

 10   contrôle, le contrôle véritable, l'intention, et cetera. Et vous aviez

 11   décidé que les questions qui étaient posées et les moyens de preuve offerts

 12   par rapport à la déclaration 92 ter avaient une pertinence.

 13   Alors, je pourrais tout à fait réitérer les arguments qui avaient été

 14   avancés à l'époque, si vous souhaitiez décider de reconsidérer cette

 15   décision. Sinon, je me contenterais de dire ce qui suit : les éléments de

 16   preuve présentés par la déclaration de ce témoin, et je pense à ses

 17   observations personnelles à propos de la situation humanitaire à Gorazde

 18   ainsi qu'un clip vidéo sur le même sujet, sont pertinents pour ce qui est

 19   des sujets suivants : siège, manque total de tout, attaque qui était

 20   utilisée par les dirigeants serbes de Bosnie pour chacune des enclaves de

 21   l'est, et cela est culminé en quelque sorte avec la prise de Srebrenica en

 22   1995. Pour cette raison, donc, j'avance que cela a une pertinence.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, pour ce qui est de

 26   l'exclusion des paragraphes relatifs à Gorazde, la Chambre de première

 27   instance signale qu'elle ne va pas dégager de conclusion à propos des

 28   événements à Gorazde en 1992, en tant que tels. Toutefois, la Chambre


Page 10070

  1   prendra en considération les constatations à propos de l'existence de cette

  2   entreprise criminelle commune visant l'expulsion des non-Serbes dans des

  3   zones qui étaient revendiquées par les Serbes en Bosnie-Herzégovine, tel

  4   que cela est allégué par l'acte d'accusation, ainsi qu'à propos des

  5   événements précis qui se sont déroulés dans ces municipalités et qui font

  6   l'objet des chefs d'accusation de l'acte d'accusation, en ce sens que ces

  7   événements s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque généralisée et

  8   systématique contre une population civile.

  9   Pour ces raisons, les opérations menées à bien dans la zone de

 10   Gorazde en 1992, dans les municipalités qui figurent dans l'acte

 11   d'accusation par exemple, telles que Rogatica, peuvent être considérées

 12   comme pertinentes. Après avoir examiné les paragraphes pertinents qui

 13   contiennent également des éléments de preuve relatifs à Rogatica, la

 14   Chambre ne considère pas les exclure.

 15   Pour ce qui est du paragraphe 53, certes, ce paragraphe fait

 16   référence à certains éléments de preuve par ouï-dire, mais la Chambre ne

 17   considère pas qu'il y ait une base permettant d'exclure ces éléments de

 18   preuve. Et en matière d'éléments de preuve par ouï-dire anonymes, il s'agit

 19   du poids qui sera, en dernière instance, attribué par la Chambre dans le

 20   cadre de sa considération générale des éléments de preuve présentés en

 21   l'espèce.

 22   Voilà telle est la décision de la Chambre, et il y a plusieurs autres

 23   questions que nous devons traiter avant d'entendre la déposition de M.

 24   Bowen.

 25   Pour ce qui est, dans un premier temps, de la demande présentée par

 26   l'Accusation qui demande la possibilité de répondre à la réponse

 27   supplémentaire présentée par l'accusé, l'accusé qui répondait lui-même à

 28   une demande de constat judiciaire des conversations interceptées, qui a été


Page 10071

  1   déposée le 10 janvier, la Chambre fait droit à cette requête et demande à

  2   l'Accusation de répondre au plus tard vendredi 14 janvier, à savoir demain

  3   en fin de journée.

  4   Deuxièmement, la Chambre a été informée de la notification de l'Accusation

  5   en application de l'article 92 ter, il s'agit du Témoin KDZ450. La Chambre

  6   est un tant soit peu surprise de constater qu'il y a trois déclarations

  7   séparées qui figurent pour les éléments de preuve 92 ter de ce témoin sans

  8   pour autant qu'aucune explication ne soit fournie à propos des raisons de

  9   ces trois déclarations séparées.

 10   Comme les parties le savent pertinemment, la Chambre avait demandé que

 11   lorsque nous avons un témoin 92 ter, il ne faut présenter qu'un compte

 12   rendu d'audience ou qu'une déclaration, ce qui fait qu'il faut pouvoir

 13   présenter une déclaration consolidée si l'Accusation n'est pas en mesure de

 14   choisir parmi les différentes déclarations.

 15   Par conséquent, Monsieur Tieger, avant que la Chambre ne statue à ce sujet,

 16   j'aimerais entendre vos raisons pour présenter ces trois déclarations pour

 17   ce témoin, que nous vous demandions d'ailleurs de présenter ensuite une

 18   déclaration consolidée ou non, pour que cela ne lèse pas les intérêts de

 19   l'accusé.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 21   Je ne sais pas si vous souhaitez que nous nous exprimions maintenant ou un

 22   peu plus tard pendant l'audience. Il vous appartient d'en décider. Mais

 23   lorsque nous vous présenterons nos arguments, je pense qu'il serait

 24   beaucoup plus facile de présenter ces arguments en audience à huis clos

 25   partiel.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne pas le faire maintenant.

 27   Nous pouvons de suite passer à huis clos partiel.

 28   Pouvons-nous passer à huis clos partiel, je vous prie.


Page 10072

  1   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

  2   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 10073

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17   deux langues. Donc je ferai de mon mieux au vu des contraintes de temps. De

 18   toute façon, cette personne doit arriver en début de semaine prochaine.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Il y a également quelques autres questions que nous devons régler

 21   maintenant que nous sommes à huis clos partiel. Premièrement, nous sommes

 22   saisis d'une demande présentée par l'Accusation. Il s'agit d'une demande

 23   d'injonction de comparution de M. Zecevic pour qu'il puisse faire sa

 24   déposition par vidéoconférence. J'aimerais savoir ce que la Défense en

 25   pense.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Nous sommes tout à fait opposés. Nous

 27   attendons des documents que nous avions demandés à l'Accusation. Mais nous

 28   comprenons que vous souhaitiez que nous réagissions très rapidement, donc


Page 10074

  1   si nous recevons ces documents cette semaine, nous serons en mesure de

  2   répondre lundi prochain.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

  4   Je me demande également si l'Accusation serait en mesure de nous fournir

  5   des documents relatifs à l'état de santé dudit témoin.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends tout à

  7   fait la demande présentée par la Chambre. Mais si vous prenez en

  8   considération la requête, vous comprendrez quelles sont les difficultés,

  9   assez inhabituelles d'ailleurs, posées par ce cas. En règle générale, ce

 10   type de document est présenté en consultation et grâce à la coopération du

 11   témoin, d'où notre problème en l'espèce. Alors, bien entendu, nous allons

 12   prendre en considération la demande de la Chambre. Comme la Chambre l'aura

 13   remarqué, nous avons essayé de présenter autant de renseignements que faire

 14   se peut, et nous allons, bien entendu, examiner à nouveau tous les

 15   documents de contexte afin de fournir à la Chambre les informations dont

 16   elle a besoin dès que nous les aurons identifiées, ces informations. Donc

 17   j'interviendrai à nouveau à ce sujet dès que j'aurai ces renseignements, et

 18   nous commencerons à déployer des efforts immédiatement.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends tout à fait votre

 20   situation. Mais au vu du problème, nous avons une option, nous pourrions

 21   peut-être envisager de scinder la question en deux. Dans un premier temps,

 22   nous pourrions régler la question de l'injonction de comparution et ensuite

 23   nous pourrions traiter le problème de la vidéoconférence.

 24   M. TIEGER : [interprétation] C'est justement ce à quoi je pensais alors que

 25   je m'adressais à vous. Donc je comprends très bien cette suggestion.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson, vous avez dit que

 27   vous étiez opposé à la requête, mais seulement pour ce qui est de la

 28   vidéoconférence ?


Page 10075

  1   M. ROBINSON : [interprétation] Non, en fait, nous avons opposé une demande

  2   d'injonction de comparution, parce que ce n'est pas très habituel, mais en

  3   général nous ne voulons pas nous immiscer dans ce genre de chose. Nous

  4   avons fait une petite recherche et nous n'avons pas trouvé un seul exemple

  5   dans les tribunaux où un expert a dû comparaître après une injonction de

  6   comparution parce qu'évidemment, contrairement à un témoin qui témoigne sur

  7   les faits, un expert a comme obligation de présenter des éléments de

  8   preuve. Voilà ce que nous souhaiterions dire à propos de cette demande

  9   d'injonction d'un témoin expert.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous entendrons votre réponse d'ici

 11   lundi, si j'ai bien compris, comme vous l'avez indiqué.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] C'est ce que je vais m'efforcer de faire.

 13   Nous avons demandé à l'Accusation un exemplaire de l'accord contractuel

 14   conclu entre l'expert et l'Accusation ou le Tribunal. Si nous le recevons,

 15   nous pourrons répondre d'ici lundi.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Robinson, comment est-ce

 18   que cela est réglé en droit national américain ?

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Je n'en suis pas absolument sûr, mais si le

 20   besoin d'une demande d'injonction se fait sentir, en général, cet expert

 21   est remplacé par un autre expert, par opposition à un témoin qui témoigne

 22   sur les faits et qui est le seul à pouvoir témoigner sur les faits en

 23   question, donc je pense que l'on va au cas par cas. Mais aux Etats-Unis,

 24   alors qu'en général nous forçons les gens à faire certaines choses, je

 25   pense que pour ce qui est d'un témoin expert, ce n'est pas ce que nous

 26   faisons.

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je ne voulais surtout pas préjuger

 28   mon point de vue. Je voulais savoir par intérêt quelle était la différence


Page 10076

  1   pour les Etats-Unis entre les témoins experts et les témoins qui témoignent

  2   sur les faits. Bien entendu, lorsqu'il s'agit d'un expert [comme

  3   interprété], la situation n'est pas la même que pour un témoin expert. Mais

  4   je vous le disais tout simplement sans préjuger absolument de quoi que ce

  5   soit. Je voulais tout simplement réfléchir à la situation.

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 10077

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins que vous n'ayez d'autres


Page 10078

  1   questions administratives avant que nous n'entendions les éléments de

  2   preuve de ce témoin, je pense que nous pourrons faire entrer maintenant le

  3   témoin.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Pour faire accélérer les choses, je pense

  5   que pendant la prochaine pause, le témoin pourrait peut-être rester dans la

  6   salle d'attente qui est juste à côté de ce prétoire plutôt que d'attendre

  7   dans une salle d'attente extrêmement lointaine.

  8   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, faire la

 12   déclaration solennelle.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   LE TÉMOIN : JEREMY BOWEN [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, c'est à vous.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

 22   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez, s'il vous plaît, nous

 23   dire votre nom.

 24   R.  Je suis Jeremy Francis John Bowen.

 25   Q.  Monsieur Bowen, vous souvenez-vous avoir fait une déclaration devant

 26   les représentants du bureau du Procureur de ce Tribunal en mars 2002 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et le 18 août 2009, avez-vous signé une autre déclaration pour le


Page 10079

  1   bureau du Procureur qui consolidait des éléments de la déclaration de 2002

  2   avec les éléments supplémentaires ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Avez-vous eu en main ces deux documents pour vous préparer aujourd'hui

  5   pour votre déposition, plus particulièrement la déclaration de 2009 ?

  6   R.  Oui, ils sont d'ailleurs devant moi sur le bureau.

  7   Q.  Avant de venir témoigner aujourd'hui, avez-vous eu l'occasion de revoir

  8   certaines vidéos portant sur vos programmes qui ont été diffusés et qui

  9   portent sur les sujets abordés dans votre déclaration ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Avez-vous remarqué qu'il y a des erreurs ?

 12   R.  Oui, tout à fait. Et je tiens à dire qu'il y a une erreur dans l'une

 13   des vidéos qui ont été présentées, la vidéo portant sur une tentative

 14   avortée d'évacuation d'enfants de Sarajevo, opération au cours de laquelle

 15   deux enfants ont trouvé la mort.

 16   Dans ce passage, je me suis trompé sur l'emplacement où se trouvaient les

 17   tireurs. Je me suis trompé. Je pense que c'est parce que j'étais nouveau

 18   dans la ville à l'époque et je n'avais pas eu les bonnes informations.

 19   Cela dit, je tiens à faire remarquer qu'à mon avis, cela n'a pas

 20   grand-chose à voir avec le fond du rapport. Ça n'altère pas le fond du

 21   rapport. En effet, les enfants ont bel et bien été tués après qu'ils aient

 22   passé le dernier point de contrôle en Bosnie. La seule chose sur laquelle

 23   je me suis trompé dans cette vidéo, le point où j'ai fait une erreur, c'est

 24   l'emplacement où se trouvaient les tireurs. Ce sont des choses qui peuvent

 25   arriver. Mais ce qui est essentiel, c'est que les enfants ont été tués, on

 26   leur a tiré dessus, ils ont été tués. Or, lorsque l'autocar avait quitté

 27   Sarajevo, il n'avait pas encore été attaqué -- je me reprends. Lorsque

 28   l'autocar avait quitté le territoire contrôlé par le gouvernement à


Page 10080

  1   Sarajevo, il n'avait pas encore été attaqué. Ça, c'est très clair dans la

  2   vidéo.

  3   Q.  Très bien. Prenons votre déclaration de 2009. D'après vous, c'est un

  4   incident que vous avez abordé au paragraphe 37, n'est-ce pas, de cette

  5   déclaration ?

  6   R.  Oui, oui.

  7   Voilà. C'est les deux enfants, Vedrana Glavas et Roki Sulejmanovic.

  8   Il s'agit bien de cet incident au paragraphe 37 de ma déclaration. Je

  9   n'étais pas avec les enfants lorsqu'ils ont été évacués, mais j'ai fait un

 10   rapport sur l'incident après leur évacuation puisque j'ai parlé de

 11   l'incident au cours duquel ils ont trouvé la mort. Donc l'autocar est

 12   revenu sur le territoire contrôlé par le gouvernement à Sarajevo, et c'est

 13   à ce moment-là que j'ai -- quelques jours après ce retour, l'équipe de la

 14   BBC était en contact avec la famille d'un des enfants, Vedrana Glavas. Je

 15   suis allé avec la famille, ensuite j'ai parlé avec la mère et la grand-mère

 16   aux obsèques, et j'ai fait ce rapport sur le pilonnage. Je l'ai fait lors

 17   des obsèques.

 18   Q.  Donc il y a une erreur dans cette vidéo, vous venez d'en parler, mais

 19   d'après vous, cela n'a pas d'impact sur les éléments de preuve dont vous

 20   parlez au paragraphe 37 ?

 21   R.  Absolument pas.

 22   Q.  Avez-vous d'autres modifications à faire, soit la vidéo, soit la

 23   déclaration de 2009 ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Si je vous reposais les mêmes questions que celles que l'on vous a

 26   posées pour compiler le document 2009, y répondriez-vous de la même façon ?

 27   R.  Oui.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier


Page 10081

  1   de la pièce 22660 de la liste 65 ter, qui correspond à cette déclaration de

  2   2009.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote P2068.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Très bien. Merci.

  6   Je vais lire très rapidement un résumé rapide de procédure.

  7   Jeremy Bowen a travaillé en tant que correspondant pour la BBC depuis 1987.

  8   Il a ainsi couvert les guerres en ex-Yougoslavie, en commençant par la

  9   guerre en Croatie, avant d'être muté à Sarajevo et d'y rester de juillet

 10   1992 jusqu'à la fin du conflit. M. Bowen décrit les mauvaises conditions de

 11   vie des civils suite au siège des Serbes de Bosnie de la ville de Sarajevo,

 12   y compris la peur générée par les tirs embusqués, le fait qu'il n'y ait pas

 13   d'électricité ni d'eau, que la situation médicale soit difficile et que les

 14   pilonnages soient permanents. Il a fait remarquer qu'il n'y avait aucun

 15   endroit où l'on pouvait être à l'abri des campagnes de bombardements et de

 16   tirs embusqués, campagnes lancées contre les civils.

 17   M. Bowen a parlé aux soldats des Serbes de Bosnie qui assiégeaient la

 18   ville, qui ont confirmé qu'ils tiraient bel et bien sur la ville. Il a

 19   observé aussi quelles étaient les structures militaires organisées et se

 20   rappelle d'une interview où l'accusé, le Dr Karadzic, a décrit "les forces

 21   de police et l'armée des Serbes de Bosnie comme étant extrêmement

 22   disciplinées."

 23   M. Bowen a déclaré qu'en tant que journaliste, il était intéressé par les

 24   rumeurs selon lesquelles les Musulmans de Bosnie avaient pilonné leur

 25   propre peuple, mais il n'a jamais obtenu le moindre élément de preuve

 26   prouvant que ceci ait été vrai. Lors d'autres conflits qu'il a couverts, M.

 27   Bowen a bel et bien observé parfois qu'il y avait eu des mises en scène,

 28   mais il déclare qu'il n'a jamais observé ce type de comportement à


Page 10082

  1   Sarajevo.

  2   M. Bowen a aussi couvert d'autres endroits à part Sarajevo. En août 1992,

  3   il a accompagné un convoi d'UNHCR à Gorazde, où il a assisté à la vision de

  4   personnes misérables qui n'avaient ni vivres ni fournitures médicales. Il a

  5   aussi parlé des impacts du pilonnage.

  6   En juillet 1995, M. Bowen a couvert aussi les événements de Srebrenica et

  7   se rappelle que l'on a bien vu qu'aucun homme n'a pu quitter l'enclave, et

  8   ce, par le biais d'images qui avaient été prises par la télévision de Pale,

  9   et donc il a pris comme hypothèse que ces hommes avaient soit été détenus,

 10   soit été tués.

 11   C'est la fin de cette synthèse, Messieurs, Madame les Juges.

 12   Q.  Maintenant, Monsieur Bowen, d'autres questions. Tout d'abord, quelle

 13   était votre fonction en tant que correspondant de guerre en Bosnie-

 14   Herzégovine ?

 15   R.  Eh bien, j'ai énormément couvert de zones de guerre. Pas seulement

 16   l'ex-Yougoslavie, mais ailleurs, dans 14 guerres différentes. Donc ce qui

 17   m'intéresse surtout, c'est le malheur des populations civiles. Bien sûr, la

 18   stratégie est intéressante, la politique aussi, mais je pense que quand on

 19   est reporter, quand on est journaliste, ce qui est important, c'est

 20   d'essayer de faire comprendre aux gens quelle est la situation exacte pour

 21   les civils, pour faire comprendre aux gens quelle est la souffrance endurée

 22   par ces personnes, et c'est ce que j'essayais de faire lorsque j'étais en

 23   ex-Yougoslavie. J'essayais, bien sûr, d'être impartial dans la mesure du

 24   possible. Mes quartiers, principalement, étaient dans la ville de Sarajevo

 25   pendant l'essentiel de la guerre. Parfois j'ai aussi été cantonné à

 26   Kiseljak et avec les soldats britanniques, mais je voulais aussi obtenir

 27   des informations pour savoir ce qui se passait du côté des Serbes. Mais

 28   c'était difficile car il était difficile d'avoir accès à ces populations.


Page 10083

  1   Q.  Très bien.

  2   Pourriez-vous d'abord nous décrire quel accès vous aviez au

  3   territoire détenu par les Musulmans au cours du conflit ?

  4   R.  D'habitude, l'accès était assez bon jusqu'à la fin de la guerre. Mais

  5   il est vrai que vers la fin de la guerre, les deux dernières années, il est

  6   devenu plus difficile de travailler à Sarajevo parce que les gens étaient

  7   noyés dans leurs propres problèmes, ils se sentaient isolés du monde ainsi,

  8   et il y avait un certain ressentiment contre les correspondants étrangers.

  9   Il y avait un ressentiment contre tous les étrangers d'ailleurs. Donc pas

 10   uniquement les soldats, mais aussi les journalistes, puisque c'est nous qui

 11   étions les étrangers les plus visibles, en fait, en ville. Donc il y avait

 12   parfois des endroits de la ville qui étaient difficiles à atteindre; par

 13   exemple, tout ce qui était autour des casernes de Bistrica, et puis quand

 14   Caco aussi était responsable de la zone où il n'était pas possible d'aller.

 15   Les gens étaient assez hostiles. Parfois on vous confisquait vos caméras,

 16   vos gilets pare-balles. Mais d'habitude, dans cette zone contrôlée pour le

 17   gouvernement musulman, nous étions assez libres de nous déplacer. Nous

 18   avions accès d'ailleurs aux dirigeants politiques qui nous donnaient des

 19   interviews de temps en temps, donc on était assez libres.

 20   Du côté serbe, c'était beaucoup plus difficile. Nous étions autorisés

 21   à aller jusqu'à Pale, certes, mais il y avait une procédure à suivre. Il

 22   fallait, de toute façon, les prévenir à l'avance par le biais de téléphone

 23   satellite. Parfois on n'arrivait pas à avoir notre personne au bout du fil.

 24   Donc parfois le déplacement était possible, mais parfois nous arrivions à

 25   traverser l'aéroport avec nos laissez-passer des Nations Unies et nous

 26   pouvions aller ainsi jusqu'à la caserne de Lukavica, où nous pouvions

 27   rencontrer l'officier de liaison du commandant de secteur pour les forces

 28   des Serbes de Bosnie qui étaient basées à Lukavica. Donc on arrivait, on


Page 10084

  1   pouvait frapper à sa porte, on pouvait arriver ensuite à Pale. Neuf fois

  2   sur dix, on arrivait à aller à Pale. Ensuite, une fois qu'on avait été à

  3   Pale, on allait au centre de presse. Nous avions des contacts là-bas. Donc

  4   on essayait d'obtenir des autorisations pour pouvoir faire les reportages

  5   qui nous intéressaient; par exemple, aller à Grbavica, dans la partie

  6   centrale de la ville contrôlée par les Serbes. Parfois nous allions aussi à

  7   l'hôtel où M. Karadzic avait son quartier général.

  8   Ça, c'était possible. Ce qui n'était pas possible, en revanche,

  9   c'était juste de se déplacer tranquillement. Par exemple, si vous vouliez

 10   organiser un voyage en Bosnie orientale, c'était presque impossible. Aller

 11   à Rogatica était extrêmement difficile. Il était impossible de passer le

 12   premier point de contrôle, et il y en avait beaucoup le long de la route.

 13   Donc, d'habitude, comme je le dis, on pouvait toujours aller à Pale,

 14   c'était assez facile, du moment qu'on passait par l'officier de liaison à

 15   la caserne de Lukavica, mais je tiens à dire que, quand même, il était

 16   beaucoup plus facile de travailler avec le gouvernement des Bosniens plutôt

 17   qu'avec le côté serbe de Bosnie, car ils entravaient nos activités.

 18   Q.  Est-ce que cela vous empêchait de couvrir le conflit ?

 19   R.  Cela me décevait surtout, parce qu'en tant que journaliste, en tant que

 20   reporter, je veux utiliser mes propres yeux, mes propres oreilles dans la

 21   mesure du possible. Or, pour utiliser ses propres yeux et ses propres

 22   oreilles, pour parler aux gens, pour voir les choses, il faut se rendre sur

 23   place. C'est essentiel. Ce qui est important dans le journalisme, c'est de

 24   bien faire la différence entre soi-même et l'histoire. Donc c'était assez

 25   frustrant et assez décevant de ne pas arriver à accomplir cette mission au

 26   côté serbe de Bosnie. C'est plus facile de l'autre côté, du côté des

 27   Musulmans. Je pense que je suis quand même arrivé à couvrir pas mal

 28   d'histoires du côté serbe. Par exemple, j'ai pu me rendre en Bosnie


Page 10085

  1   orientale, j'ai pu aller dans le corridor de Brcko, nous avons réussi

  2   d'ailleurs à y préparer un programme d'une heure pour la BBC. Mais j'ai

  3   passé des mois et des mois à Sarajevo pendant la guerre, mais je n'ai

  4   réussi à aller qu'une seule fois à Grbavica, qui était le quartier serbe de

  5   la ville. J'ai demandé à de nombreuses reprises d'y aller, mais je n'ai eu

  6   l'autorisation qu'une seule fois de m'y rendre, et je m'y suis rendu, bien

  7   sûr. Et j'y ai appris beaucoup de choses, c'était très instructif de se

  8   rendre sur place. Mais la plupart du temps, il était impossible de se

  9   rendre dans ce type d'endroits.

 10   Q.  Très bien. Passons à certaines des histoires, certains des reportages

 11   que vous avez faits. Et pour ce faire, nous allons tout d'abord étudier

 12   certains paragraphes de votre déposition écrite.

 13   Tout d'abord, le paragraphe 8 de cette déclaration de 2009. Vous dites ici,

 14   Le nettoyage ethnique était une caractéristique essentielle de ces guerres

 15   dans les Balkans. Que vouliez-vous dire ici lorsque vous employez le terme

 16   "nettoyage ethnique" ?

 17   R.  Eh bien, je veux dire l'expulsion par la force ou par la terreur de

 18   parties de population afin que la communauté où ils habitaient devienne une

 19   communauté monoethnique; par exemple, des Serbes qui auraient chassé des

 20   Musulmans d'un certain endroit. Et ça, on l'a vu à de nombreuses reprises.

 21   Donc le nettoyage ethnique était une pratique qui a été utilisée par toutes

 22   les parties au conflit, non seulement dans la guerre en Bosnie-Herzégovine,

 23   mais dans tous les conflits qu'il y a eu dans l'ex-Yougoslavie. C'était un

 24   thème de guerre. Comment gagner la guerre ? Gagner la guerre en causant des

 25   dégâts à l'ennemi, en tuant des gens, en détruisant les propriétés. Et là

 26   aussi, ici, dans ce cas bien précis, on gagne la guerre en arrivant à un

 27   déplacement de population -- enfin, j'avais l'impression, en tout cas,

 28   qu'ils pensaient qu'il serait plus facile de tenir un territoire si on en


Page 10086

  1   avait chassé, voire tuer, les personnes que vous considéreriez comme votre

  2   ennemi.

  3   Q.  A ce même paragraphe 8, vous dites que toutes les parties chassaient

  4   les civils de leurs maisons, mais les Serbes de Bosnie le faisaient encore

  5   plus que les autres. Paragraphe 9, vous dites que la communauté qui a le

  6   plus souffert de cela était la communauté des Musulmans de Bosnie. Donc

  7   pouvez-vous nous dire sur quoi vous vous êtes basé pour affirmer cela ?

  8   R.  J'ai passé énormément de temps sur place. J'ai parlé à de nombreuses

  9   personnes. J'ai parlé à un grand nombre de gens qui travaillaient aussi

 10   pour les organisations internationales, l'UNHCR, la Croix-Rouge

 11   internationale, toutes ces organisations internationales qui étaient

 12   actives. J'étais en contact avec ces personnes. Je ne me suis pas seulement

 13   entretenu avec eux, mais j'étais en contact avec eux. Alors, c'était ce

 14   qu'ils me rapportaient. Ils me disaient, Ecoutez, d'après ce qu'on voit, au

 15   vu des chiffres, tout le monde se livre à cet exercice, mais les Serbes

 16   semblent s'y livrer en plus grand nombre que les Musulmans, et les

 17   Musulmans sont ceux qui souffrent le plus. En effet, au début de la guerre,

 18   en Bosnie orientale, il y avait beaucoup de Musulmans dans les villages. A

 19   la fin de la guerre, il n'y en avait plus, surtout dans les endroits où il

 20   y avait eu énormément de nettoyage ethnique et où les gens avaient été

 21   expulsés en masse. Donc je pense que c'était absolument évident à l'époque.

 22   Q.  Vous dites que vous vous êtes entretenu avec un grand nombre de

 23   personnes, mais est-ce que vous avez aussi parlé à des personnes

 24   appartenant à la communauté musulmane ?

 25   R.  Oui, oui. J'ai parlé aussi à ces gens qui venaient juste d'être chassés

 26   de chez eux, qui venaient juste d'être obligés à traverser la ligne de

 27   front. J'ai aussi parlé à des gens qui étaient sur le point d'être chassés

 28   de chez eux. Plus tard dans la guerre, d'ailleurs. En utilisant des


Page 10087

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 10088

  1   équipements de vision nocturne, j'ai pu filmé des civils -- enfin, mon

  2   caméraman a pu filmer des civils, des femmes, des enfants, des vieillards

  3   qui venaient juste d'arriver, venant juste d'avoir traversé et d'avoir été

  4   poussés, d'avoir été expulsés pour devoir traverser la frontière sur la

  5   route allant à Travnik en Bosnie centrale. J'ai vu cela. Evidemment, j'ai

  6   parlé aussi à tous ces gens. Je ne parle pas le serbo-croate, mais j'avais

  7   un interprète, donc j'ai pu avoir des conversations assez longues avec des

  8   gens qui m'ont raconté quelle était leur histoire, ce qui venait de leur

  9   arriver, et pas ce qui venait de leur arriver dans les jours précédents,

 10   mais dans les heures précédentes. Donc ils me parlaient de ce qui venait

 11   juste de leur arriver. Les choses étaient très fraîches encore dans leur

 12   mémoire.

 13   En tant que journaliste, puisque je suis assez chevronné quand même, j'ai

 14   beaucoup parlé à des gens qui ont beaucoup souffert dans des situations

 15   difficiles, comme des catastrophes naturelles ou des guerres, et cetera.

 16   Donc, même si on ne parle pas la même langue, on peut vraiment comprendre

 17   quelle est l'attitude des gens en regardant quelle est leur attitude

 18   corporelle, et cetera. Je me rendais compte qu'ils n'inventaient rien quand

 19   même. Ils n'inventaient rien; ils me racontaient ce qui leur était

 20   véritablement arrivé, et il y avait des histoires épouvantables où ils me

 21   racontaient les sévices cruels qui leur avaient été infligés.

 22   Q.  Très bien. Maintenant, vous avez parlé de films pris par votre

 23   caméraman, et je vais vous montrer certaines de ces séquences. Trois

 24   d'entre elles.

 25   Tout d'abord, pourrions-nous avoir la pièce 65 ter 40349E. Les comptes

 26   rendus -- je veux juste m'assurer que les personnes dans les cabines ont

 27   bien obtenu ces documents.

 28   Allons-y.


Page 10089

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Le journaliste : Au départ, ils ressemblent à des écoliers européens

  5   tout à fait normaux. Mais leurs familles ont souffert bien plus que

  6   quiconque en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.

  7   On voit ici une entreprise charitable musulmane de Travnik qui les nourrit.

  8   Leurs parents, qui sont ceux qui ont survécu, les ont amenés ici pour

  9   échapper au massacre dans leur ville natale de Bosanski Petrovac, en Bosnie

 10   centrale. Cette femme a dit qu'elle avait marché 30 miles au travers de la

 11   forêt avec sa famille avant d'arriver pour échapper aux tueries. C'était il

 12   y a une semaine. Le père de Mme Bolic et sa fille ont été tués, et elle

 13   porte encore le bébé de neuf mois de sa fille qui a été tuée.

 14   Mme Bolic : Donc deux soldats serbes sont rentrés dans notre maison et ont

 15   frappé mon père. Il est tombé et il est mort. Ma fille était dans le

 16   jardin. Deux soldats serbes l'ont appelée et l'ont tuée avec une

 17   mitraillette.

 18   Le journaliste : Les réfugiés, qui sont tous Musulmans, ont échappé de

 19   Travnik et racontent tous la même histoire : ils parlent de représailles

 20   pour la mort de 16 soldats serbes dont les corps ont été ramenés à Bosanski

 21   Petrovac sur le front. Ils disent que leurs voisins serbes, dont ils

 22   connaissent les noms, ont tué des gens de façon aléatoire. Ils ne savent

 23   pas exactement combien sont morts. Mais ils disent qu'il y en a au moins

 24   60.

 25   Jeudi dernier, après trois jours de terreur, on leur a donné une demi-heure

 26   pour partir. Donc ils ont dû abandonner leurs propriétés aux autorités

 27   serbes. Ils ont dû payer aussi un canonnier serbe pour qu'il les laisse

 28   partir. Sur la route du départ, leurs bus ont été attaqués. Le fils de 18


Page 10090

  1   ans de cette femme a été tué d'une balle dans la tête alors qu'il était à

  2   côté d'elle. Ils disent aussi que les meurtres de Bosanski Petrovac sont

  3   arrivés après quatre mois de meurtre et d'intimidation. Les réfugiés

  4   parlent d'autres massacres. Cet homme dit que 5 000 Musulmans ont été tués

  5   dans cinq villages en juillet.

  6   L'homme : Il y avait des corps partout dans les champs. Parfois leurs corps

  7   étaient déjà dévorés par les animaux. Les gens ont essayé d'enterrer leurs

  8   parents. Ils ont séparé une femme. Elle avait quatre enfants qu'elle a

  9   laissés derrière elle. Ils l'ont prise, elle, et dix autres personnes. Ils

 10   l'ont emmenée dans une ferme et ils y ont mis le feu et ont tué tout le

 11   monde. Dans la maison d'Ekrim Duratovic, par exemple, ils ont pris 15

 12   personnes et les ont tous tuées et ont laissé leurs cadavres devant la

 13   maison.

 14   Le journaliste : Même dans la sécurité relative de Travnik, qui est une

 15   ville musulmane, les problèmes ne sont pas finis. Les réfugiés musulmans

 16   qui se sont enfuis pour échapper aux persécutions serbes ont été accueillis

 17   de façon très hostile par les Croates locaux. Un certain nombre de villes

 18   croates autour de cet endroit refusent d'accueillir plus de réfugiés

 19   musulmans parce qu'ils ne veulent pas modifier l'équilibre ethnique de

 20   leurs populations. Les Nations Unies ne peuvent pas tout faire. Il y a 6

 21   000 réfugiés qui sont arrivés au cours des cinq derniers jours, et les

 22   Nations Unies ont peur que 50 000 autres réfugiés puissent arriver d'ici

 23   Noël."

 24   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 25    Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que la cabine française vient

 27   de terminer son travail.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, merci. C'est le cas.


Page 10091

  1   Alors, juste une petite question.

  2   Q.  Pouvez-vous tirer au clair, à l'intention des Juges de la Chambre,

  3   Monsieur Bowen, un aspect technique. L'enregistrement vidéo qui nous a été

  4   passé tout à l'heure recoupe d'autres voix. Est-ce que vous savez de quoi

  5   il s'agit ?

  6   R.  Oui, je sais. Malheureusement, la version que la BBC vous a donnée,

  7   cela englobe également la voix du metteur en scène de studio, et vous avez

  8   pu entendre ce metteur en scène donner des instructions techniques à

  9   l'équipe de production pour ce qui est des endroits à couper ou à mettre,

 10   et tout cela se trouve regroupé sur l'enregistrement vidéo. C'est dommage.

 11   Du point de vue technique, je crois que ce n'est pas le cas dans les autres

 12   clips vidéo. Je crois que c'est le cas seulement de celui-ci. Je crois que

 13   c'est quelqu'un qui a détourné l'attention de tous ceux qui écoutaient,

 14   mais je crois que vous avez compris.

 15   Q.  Merci.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant aux

 17   deuxième et troisième vidéos avant que je ne pose mes questions à venir.

 18   Alors, l'enregistrement suivant est le 65 ter 40349F.

 19   Je suis en train d'observer les collègues des cabines pour voir s'ils ont

 20   pu retrouver la transcription adéquate de la vidéo.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Le journaliste : Il nous a fallu plus d'un mois de négociations pour

 24   faire sortir 1 500 prisonniers. Trente-cinq autocars les ont amenés vers le

 25   camp de transit à Karlovac, à proximité de Zagreb, où ils sont arrivés tard

 26   hier soir. Pratiquement tous sont des hommes. Quelques-uns d'entre eux

 27   amenaient leurs familles, mais beaucoup d'entre eux ont dû les laisser

 28   derrière. La Croix-Rouge et les Nations Unies, qui ont négocié leur


Page 10092

  1   libération et qui ont organisé le convoi, nient qu'ils sont en train de le

  2   faire au profit des Serbes de Bosnie parce que cela consisterait à être du

  3   nettoyage ethnique de la république de ces Musulmans. Les prisonniers

  4   disent qu'ils ont pratiquement tout perdu. Bon nombre seraient morts s'ils

  5   étaient restés dans les camps pendant l'hiver.

  6   Ce matin, certains d'entre eux se sont réunis avec leurs familles. La

  7   Croix-Rouge a donné à manger à ces gens pendant un mois avant et ils ont

  8   gagné du poids. Mais ils ne sont pas prêts d'oublier ce qu'ils ont souffert

  9   et ce qu'ils ont vécu.

 10   L'intervenant 1 : Ils ont coupé des parts de corps ou ils ont tracé des

 11   choses avec des couteaux sur le corps. Ce ne sont pas des choses que les

 12   hommes normaux peuvent faire.

 13   L'intervenant 2 : Les conditions étaient très mauvaises. Nous étions en

 14   train de dormir sur le sol. On n'avait pas assez à manger. On sortait des

 15   gens pour les battre ou les tuer.

 16   L'intervenant 3 : J'ai vu un corps où il y avait un fil de passé par la

 17   langue de cet homme et cela avait relié deux autres corps. Ils ont tous été

 18   reliés par des fils en passant par leurs langues. Aucune de ces personnes

 19   n'a été tuée par balle. Ils ont tous eu des blessures d'infligées qui

 20   semblaient avoir été portées par des objets contondants lourds.

 21   Le journaliste : Ceci est considéré comme étant un camp de transit.

 22   Les gens sont censés aller plus loin, mais ils n'ont aucune idée de ce

 23   qu'ils allaient faire. Les Croates disaient qu'ils ne pourraient pas rester

 24   ici mais qu'aucun autre pays ne leur avait proposé un abri.

 25   Jeremy Bowen, pour BBC News, à Karlovac."

 26   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 28   Le troisième clip est le 65 ter 43349G [comme interprété].


Page 10093

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Le journaliste : Jusqu'au moment où les réfugiés musulmans ont traversé la

  4   route de Galic, ils ont perdu presque tout sauf leur vie. Et au dernier

  5   tronçon, à l'extérieur du territoire serbe, ils se trouvaient quand même

  6   être en danger. On a dû se servir des instruments de vision de nuit pour

  7   pouvoir les filmer, parce que les Serbes tiraient sur les réfugiés au cas

  8   où il y aurait des lumières. Cette femme n'y tient plus; les Serbes ont

  9   tiré son mari et ses deux fils la semaine passée. A côté d'elle, il y a une

 10   jeune mère épuisée qui a porté son enfant pour traverser les montagnes.

 11   Nous avons de la famille en Allemagne et en France.

 12   La jeune femme : Il est difficile d'être vivant et encore plus d'être mère.

 13   Il est difficile d'être mère ou fils ou mari. Tout est difficile.

 14   Le journaliste : Une fois qu'ils ont traversé le no-man's land, ils ont été

 15   récupérés par les combattants musulmans et croates qui contrôlaient cette

 16   partie de la Bosnie. Ils ont dû prendre soin d'eux-mêmes pour ce qui est

 17   d'être installés dans des baraquements nauséabonds. Les corridors étaient

 18   pleins et bondés. Il n'y avait plus de place à Travnik pour les réfugiés.

 19   Il n'y avait personne pour donner des couvertures, de quoi à manger ou

 20   boire. Tout ce qu'ils avaient sur eux a été apporté depuis les montagnes.

 21   Il y a des organisations d'aide qui ont essayé d'aider, mais ça ne

 22   suffisait pas. Il y avait trop de réfugiés, des milliers qui arrivaient

 23   tous les jours. La plupart des réfugiés étaient des femmes et des enfants.

 24   Il y avait aussi plusieurs hommes âgés. Ils ont dit que les autres ont été

 25   emmenés par les Serbes à la pointe du fusil pour être chassés à l'extérieur

 26   des lignes de front.

 27   L'intervenant : Les réfugiés disaient, Allez-vous-en, allez-vous-en, vous

 28   allez tous être tués. Ils ont été emmenés vers des autocars et ils ont été


Page 10094

  1   emmenés. Nous n'avons aucune idée de leur emplacement.

  2   Le journaliste : Le fils adolescent de cette femme l'a été également. Elle

  3   ne pensait pas que les Serbes le laisseraient passer, mais elle a réussi à

  4   les convaincre.

  5   L'intervenant : L'autre s'est retourné pour dire, Merci, maman. Merci pour

  6   m'avoir tué.

  7   Le journaliste : Des réfugiés ont été emmenés vers Travnik.

  8   Un réfugié : Tout le temps, il n'y a que ça qu'on nous donnait.

  9   Le journaliste : Alors, pour ces gens, c'était difficile de s'en aller

 10   aussi bien que de rester. Ziad Ramic a envoyé sa mère vers un cousin en

 11   Allemagne. Il est resté pour se battre.

 12   Ziad Ramic : Nous sommes venus de Prijedor, et trop de gens ont été tués

 13   là-bas. Il faut faire quelque chose pour y remédier.

 14   Le journaliste : Son jeune frère, Enis, a dit à leur mère de ne pas

 15   pleurer. Il a rejoint les rangs de l'armée de Bosnie. Ils ont rejoint l'un

 16   l'autre. Maintenant, la guerre a dépossédé cette femme des deux.

 17   Jeremy Bowen, BBC News, Travnik."

 18   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Monsieur Bowen, dans votre témoignage antérieur, vous avez mentionné le

 21   fait que votre caméraman avait utilisé des instruments de tournage pendant

 22   la nuit -- de vision nocturne. Alors, sur les trois rapports que nous avons

 23   déjà vus, est-ce que cela a englobé également l'utilisation de ces

 24   équipements de filmage nocturne ?

 25   R.  Oui, c'est là où vous avez pu voir la vidéo un peu verdâtre. La

 26   technologie s'est depuis améliorée, mais ce genre d'image vous est donné

 27   quand vous utilisez des instruments de vision nocturne.

 28   Q.  Pendant que vous avez couvert le conflit en Bosnie-Herzégovine, est-ce


Page 10095

  1   que vous avez vu des scènes de ce type du côté des Serbes de Bosnie ?

  2   R.  Non, non. Je n'ai jamais rien vu de ce type du côté des Serbes de

  3   Bosnie.

  4   Q.  Merci.

  5   R.  Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelque chose. Les Serbes

  6   de Bosnie -- ou plutôt, les représentants officiels des Serbes de Bosnie

  7   m'ont raconté que ce type de choses s'était produit, mais je n'ai vu de mes

  8   yeux aucune chose de ce genre de leur côté.

  9   Q.  Merci.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je demande le

 11   versement au dossier de ces trois documents 65 ter, à savoir le 40349 E, F

 12   et G, en tant que pièces à conviction de l'Accusation.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera versé au dossier en tant que

 15   pièces à conviction P2069 à P2071 respectivement.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 17   Q.  Monsieur Bowen, est-ce que vous avez -- vous souvenez-vous, plutôt, du

 18   fait d'avoir évoqué cette question de nettoyage ethnique en présence du Dr

 19   Karadzic ?

 20   R.  Oui, je m'en souviens. Une fois -- cette question a souvent été évoquée

 21   dans les interviews, parce que ça a été un sujet critique dont les gens ont

 22   beaucoup parlé à l'époque. Certains réfugiés étaient arrivés vers des pays

 23   de l'Europe de l'Est. Et, entre autres, cela n'a pas seulement été une

 24   question humanitaire mais aussi une question politique. Auparavant, pendant

 25   la guerre, lors d'une réunion que le Dr Karadzic a eue avec les

 26   représentants de la communauté internationale, MM. Vance et Owen, la

 27   question a été évoquée.

 28   Q.  Est-ce que vous avez fait un rapport à ce sujet ?


Page 10096

  1   R.  Oui, en effet. J'y étais.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais qu'on passe au 65 ter 40350B.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Le journaliste : Les deux négociateurs sont arrivés par hélicoptère pour

  6   parler des questions liées au nettoyage ethnique, pratique que bon nombre

  7   de personnes considéraient que c'était une question à devoir avoir été

  8   réglée bien avant. Lord Owen et Cyrus Vance ont voyagé par Banja Luka, la

  9   capitale de la partie du nord de Bosnie contrôlée par les Serbes.

 10   Radovan Karadzic : Ceci est une église catholique, ici.

 11   Le journaliste : Ils ont été accueillis par Radovan Karadzic, le leader des

 12   Serbes de Bosnie. Peut-être parce qu'ils étaient essentiellement serbes,

 13   c'était la seule ville qui n'a pas été nettoyée de ses Musulmans. M.

 14   Karadzic a nié qu'il y ait eu des nettoyages ethniques à avoir été

 15   effectués.

 16   Radovan Karadzic : Je suis fier de cette ville. C'est une ville où il y a

 17   une prédominance serbe, et il n'y a aucun problème à avoir quelque 30 000

 18   Musulmans et quelque 30 000 Croates à y vivre.

 19   Le journaliste : Mais quelques jours avant, lors d'une interview avec les

 20   chefs de l'église, M. Vance a dit que ça n'a pas été confirmé. Et Lord Owen

 21   a essayé d'être positif.

 22   Lord Owen : Je crois bien qu'il n'est pas évitable de voir ce processus se

 23   produire à Banja Luka, comme on a pu le voir à l'extérieur de cette ville,

 24   parce que cela est d'une importance fondamentale, et ce n'est dans

 25   l'intérêt de personne.

 26   Le journaliste : Mais il admet qu'il est impossible d'assurer un

 27   monitoring, parce que les forces serbes peuvent y faire plus ou moins ce

 28   qu'elles veulent. Un leader musulman a dit aux Nations Unies qu'il faudrait


Page 10097

  1   les contenir.

  2   L'intervenant : Si les forces internationales ne veulent pas prendre part à

  3   la protection de la population musulmane, il y aura beaucoup de victimes

  4   ici. Quand je dis victimes, cela signifie beaucoup de morts. Des milliers

  5   et des milliers de morts.

  6   Le journaliste : Dans un camp de transit à 30 kilomètres à l'extérieur de

  7   Banja Luka, des Musulmans de Bosnie attendent d'être ramenés chez eux ou

  8   d'être évacués vers la Croatie. Les gens qui sont des Serbes de la ligne

  9   dure considèrent que c'est un succès pour ce qui est de la politique du

 10   nettoyage ethnique. Et tout ce que la communauté internationale peut

 11   assurer à leur intention, c'est d'assurer leur sécurité ou les amener vers

 12   un endroit plus sûr.

 13   Jeremy Bowen, BBC News, à Trnopolje."

 14   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce rapport, Monsieur Bowen ?

 17   R.  Oui, et je m'excuse d'avoir mal prononcé certains noms ici. Mais cela

 18   s'était produit au tout début, lorsque je venais à peine de prendre

 19   connaissance de la région et de la langue de ces gens.

 20   Q.  Dans ce rapport, Lord Owen est en train de faire référence à des

 21   processus qui ont été remarqués à l'extérieur de Banja Luka. Comment avez-

 22   vous compris de quoi il parlait ?

 23   R.  Il était en train de faire référence à des nettoyages ethniques. Ce

 24   rapport a été envoyé en automne 1992, fin de l'été et début de l'automne,

 25   et à ce moment-là, les choses étaient claires. Enfin, on savait ce qui se

 26   passait, parce que les gens n'arrêtaient pas d'en parler, et il y a eu des

 27   rapports de présentés à cet effet. Par conséquent, le fait des nettoyages

 28   ethniques, dès ce moment-là, avait constitué une chose qui était considérée


Page 10098

  1   comme un fait non contesté.

  2   Q.  Dans ce rapport, on voit que le Dr Karadzic dit qu'il n'y a aucun

  3   problème pour ce qui est de la présence de 30 000 Musulmans et de 30 000

  4   Croates. Vous souvenez-vous qu'il ait dit cela ?

  5   R.  Oui, je m'en souviens. Il me semble qu'il a dit cela dans une interview

  6   avec moi ou avec moi et quelques autres journalistes aussi.

  7   Et au fur et à mesure que le temps passait à Banja Luka, les sites

  8   religieux de Catholiques ou de Musulmans, dans certains cas, ont été soit

  9   détruits, soit endommagés ou fermés. Je me souviens que dans l'année

 10   précédente, c'est-à-dire en 1991, j'avais été à Banja Luka parce que je

 11   m'étais dirigé vers la Croatie pour reporter ce qui s'y passait pendant la

 12   guerre. Et étant donné que je suis catholique moi-même, peut-être pas un

 13   très bon catholique, mais toujours est-il que j'ai estimé nécessaire

 14   d'aller jusqu'à l'église et me rendre compte de ce qu'il en était. Et je

 15   m'étais dit que j'allais me rendre notamment à un endroit dangereux le

 16   lendemain. Donc il se trouvait là une église catholique qui était ouverte.

 17   Et plus tard, en 1993 ou 1994 -- il me semble que c'était 1994, lorsque je

 18   suis retourné à Banja Luka, j'ai marché autour et j'ai vu cette église,

 19   mais à ce moment-là, elle était déjà fermée et il y avait des graffitis

 20   dessus, alors qu'en 1991, c'était ouvert et il y avait un service à

 21   l'intérieur.

 22   Q.  Merci.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que ce soit versé au dossier,

 24   Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce

 27   P2072.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation]


Page 10099

  1   Q.  Nous avons parlé de ce que vous aviez qualifié de nettoyage ethnique,

  2   Monsieur Bowen, alors laissez-moi vous demander ce qui  suit : ces

  3   activités ou ce type de comportement, les avez-vous constatés dans quelque

  4   autre partie du territoire pendant la guerre ou est-ce que ça ne s'est

  5   passé qu'au début du conflit ?

  6   R.  J'ai vu cela pendant toute la durée de la guerre, mais la nature de ce

  7   processus a évolué. En 1994, il m'a été donné la possibilité de traverser

  8   le territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie, et c'était un voyage assez

  9   long. Nous sommes allés de Belgrade à Pale, et pour arriver à Pale, nous

 10   sommes passés par la Bosnie de l'Est, par Brcko et par ce qui a été convenu

 11   d'appeler le corridor, et dans d'autres secteurs, dans la partie centrale

 12   du pays qui était contrôlée par les Serbes, jusqu'aux frontières de la

 13   Krajina de l'époque qui étaient toujours des territoires contrôlés par les

 14   Serbes en Croatie, et c'est là que j'ai pu voir, notamment à Bijeljina, que

 15   le processus avait changé. Les gens n'ayant plus été chassés de chez eux

 16   pendant la nuit ou avec des mises en garde peu de temps avant, comme décrit

 17   par la population de Travnik en 1992, ceux qui étaient venus de Prijedor,

 18   de Bosanski Petrovac, et ainsi de suite. Je parle donc de 1992. Ce que j'ai

 19   vu en 1994, c'est que la façon de procéder était déjà institutionnalisée et

 20   que cela était fait de façon tout à fait ouverte, non dissimulée par les

 21   responsables des Serbes de Bosnie. C'était des activités qui se déroulaient

 22   pratiquement au quotidien, c'était un fait de la vie de tous les jours. Et

 23   ceux qui étaient restés de la population des Musulmans de Bosnie ont déjà

 24   été nettoyés. Je l'ai dit et j'ai fait un reportage à ce sujet.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous passe un

 26   clip vidéo qui porte la référence 65 ter 40350A.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]


Page 10100

  1   "Le journaliste : Nous nous sommes rapprochés du corridor en passant

  2   par Bijeljina. C'était la première des villes en Bosnie que les Serbes

  3   avaient capturées. Il n'y a plus de guerre depuis longtemps ici. Cela avait

  4   été une localité un peu perdue, mais d'après les critères de Bosnie, c'est

  5   devenu une ville tout à fait développée. Le business qui s'y est développé

  6   se faisait par le biais de cette ville. Il y avait un commerce très

  7   développé de symboles nationalistes et il y a même eu un centre commercial.

  8   Mon guide était Vojkan Djurkovic, qui était l'un des citoyens les plus en

  9   vue de Bijeljina. C'était l'un des 60 combattants qui s'étaient emparés de

 10   la ville pour les Serbes au début de la guerre. Vojkan était tout à fait

 11   fier de ses lunettes italiennes très chères. Pour ces gens-là, ça allait

 12   très bien pour ce qui est de la République des Serbes de Bosnie. Dans son

 13   bureau, Vojkan avait rassemblé quelques-uns des derniers Musulmans qui

 14   étaient restés à Bijeljina. Il avait dit que c'était des amis à lui. Vojkan

 15   était président de la commission régionale pour assurer le libre

 16   déplacement de la population civile. Cela signifie qu'il était chargé du

 17   nettoyage ethnique. Un rapport préparé à l'intention des Nations Unies dit

 18   qu'il était à la tête de certains hommes armés qui avaient terrorisé la

 19   communauté musulmane là-bas. Vojkan a nié la chose de façon tout à fait

 20   réjouie.

 21   Vojkan Djurkovic : Eh bien, je suis content de voir qu'une équipe de

 22   la télévision est venue ici. Je ne suis pas un bandit, je ne suis pas un

 23   voleur et je ne suis pas un nettoyeur ethnique. Est-ce que je vous ai

 24   dépossédé de quoi que ce soit ?"

 25   Le journaliste : Il a tourné le nettoyage ethnique en procédure

 26   officielle pour faire de Bijeljina une ville ethniquement pure pour les

 27   Serbes, ce qui fait que les Musulmans étaient désespérés dans leur volonté

 28   de s'en aller.


Page 10101

  1   Vojkan Djurkovic : Ils doivent remercier l'Etat serbe de les avoir

  2   autorisés à aller où ils voulaient, d'avoir respecté leurs droits de

  3   l'homme et leur liberté de mouvement en tant que civils.

  4   L'intervenant 1 : J'ai tout perdu. Un réfugié est entré dans ma

  5   maison et il ne m'a plus laissé m'approcher de là. Il ne m'a même pas

  6   laissé prendre mes vêtements.

  7   Intervenant 2 : Moi, j'ai tout perdu. Un réfugié a pris ma maison et

  8   mes vêtements.

  9   Intervenant 3 : C'est très dangereux là-bas. Il y a eu des passages à

 10   tabac. Il y a eu des irruptions dans les maisons, beaucoup de choses se

 11   sont passées, et je suis passé par tout cela.

 12   Intervenant 4 : C'est un endroit très dangereux. Il y a eu des

 13   passages à tabac, et cetera, des tirs et des infractions.

 14   "Le journaliste : Lorsque l'autorisation leur parvenait de s'en aller,

 15   Vojkan s'assurait que nous soyons là-bas. Il donnait suffisamment de temps

 16   aux gens pour dire au revoir à leurs familles, prendre certains des biens

 17   qui ne leur avaient pas été déjà volés. Les déportations ne se faisaient

 18   pas à la pointe du fusil. Les Serbes comme Vojkan étaient tout à fait

 19   déterminés à faire partir la totalité de Musulmans de leur ville. Et cela a

 20   continué à constituer du nettoyage ethnique. Des autocars les emmenaient

 21   jusqu'à la frontière la plus proche. Ils devaient traverser à pied les

 22   quelques dernières centaines de mètres par le "no man's land". Et les

 23   soldats du gouvernement de Bosnie les attendaient là-bas, de l'autre côté.

 24   Vojkan Djurkovic a insisté sur le fait qu'il leur rendait service. Il se

 25   considérait comme étant un intervenant social. Il était assuré que très

 26   prochainement il recevrait le prix Nobel de la paix.

 27   Vojkan Djurkovic : Et pourquoi je m'attends à un prix Nobel ? Parce

 28   que, en comparaison avec la partie à l'opposé, j'ai sauvé des milliers de


Page 10102

  1   gens. Je ne vais pas m'aventurer à discuter d'options politiques pour les

  2   raisons pour lesquelles ils sont allés là-bas. Ils sont partis en tant que

  3   touristes depuis Bijeljina à Tuzla ou vers Berlin ou ailleurs.

  4   Le journaliste : Les rues de Bijeljina, comme dans toutes les autres

  5   villes serbes, se présentaient de la même façon. Ceux qui avaient jusqu'à

  6   60 ans pouvaient être des conscrits. Et les cours aux écoles et à

  7   l'université ont été annulés."

  8   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Monsieur Bowen, vous nous avez dit que lors de ce voyage vous

 11   aviez quitté Belgrade pour aller, via Pale, jusqu'à Bijeljina. Est-ce que

 12   vous vous souvenez quelles ont été les approbations qu'il vous a fallu

 13   demander pour faire ce type de voyage ?

 14   R.  Le producteur de notre télévision s'est occupé des négociations et des

 15   arrangements. C'est lui qui a organisé ce type d'arrangements. Mais pour

 16   l'essentiel, je sais de quoi il s'agissait. Je crois avoir déjà dit que

 17   nous sommes allés de Belgrade en voiture, que nous avons traversé la

 18   frontière pour accéder à l'entité des Serbes de Bosnie. Et ce que j'ai

 19   remarqué à la frontière, c'est qu'il était très facile de traverser la

 20   frontière. Il n'y avait pas véritablement une frontière entre la Serbie

 21   elle-même et la partie de la Bosnie-Herzégovine contrôlée par les Serbes.

 22   C'était plutôt facile, il y avait beaucoup de circulation dans les deux

 23   sens, et je dirais qu'il y avait des inspections et contrôles réduits au

 24   minimum.

 25   Nous sommes allés jusqu'à Pale parce qu'il fallait nous procurer la

 26   documentation pertinente à cet effet au niveau du bureau chargé de la

 27   presse situé à Pale. C'est là que nous avons aussi récupéré un homme, une

 28   espèce de gardien, qui faisait partie du bureau chargé de la presse et qui


Page 10103

  1   était chargé de nous escorter pour nous faciliter les passages et qui a été

  2   notre interprète qui portait la documentation. Donc c'est cet

  3   accompagnateur qui nous accompagnait partout.

  4   Q.  Mais comme vous dites, votre ange gardien, était-ce un civil ou était-

  5   ce quelqu'un portant l'uniforme ?

  6   R.  Non, c'était un civil. Je crois qu'avant la guerre, il avait travaillé

  7   comme journaliste.

  8   Q.  Comment avez-vous eu vent de cette personne qui est mentionnée dans le

  9   clip de tout à l'heure comme étant Vojkan Djurkovic ? Comment êtes-vous

 10   entré en contact avec ?

 11   R.  L'équipe chargée de la production avait effectué des recherches et

 12   s'était procurée un rapport des Nations Unies que j'avais évoqué dans mon

 13   reportage, et ils ont demandé à lui rendre visite. Nous avons tenu à nous

 14   entretenir avec lui puisqu'il était mentionné dans ce rapport, et dans

 15   l'intérêt d'un reportage équitable et bien équilibré, nous voulions lui

 16   faire voir ce qui était dit à son propos dans ces rapports des Nations

 17   Unies. Comme je vous l'ai dit, il était très gai, il se réjouissait de

 18   répondre à nos questions pour nous donner sa version de ce qui s'était

 19   passé. Donc ça a été une réunion qui a été arrangée à l'avance. Il y avait

 20   un rendez-vous de pris avec cet homme et nous nous sommes entretenus avec

 21   lui pendant plusieurs jours, deux ou trois jours, me semble-t-il. Ensuite,

 22   lorsque les gens ont fini par quitter les lieux, il a laissé savoir que

 23   c'était des gens qui allaient s'en aller, il nous a fait savoir que cela se

 24   ferait, et on nous a dit qu'on pouvait y aller pour filmer. On était là-

 25   bas, on a vu les gens descendre de l'autocar pour descendre vers la vallée

 26   et traverser la ligne de front vers la partie adverse.

 27   Q.  Dernière question pour vous. J'aimerais que vous vous penchiez

 28   maintenant sur le paragraphe 11 de votre déclaration écrite. A ce sujet,


Page 10104

  1   voici ma question : est-ce que ce rapport fait référence au représentant

  2   officiel qui y est évoqué, c'est-à-dire le Serbe de Bosnie local qui a été

  3   impliqué dans le transport des Musulmans ? Est-ce que c'est à lui que vous

  4   avez fait référence ?

  5   R.  Oui, j'ai fait référence à ce moment-là à Vojkan Djurkovic.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Je voudrais que ce 65 ter 40350A

  7   soit versé au dossier.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Bowen, est-ce que vous vous

  9   souvenez de la date à laquelle ce rapport a été diffusé ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que ça a été diffusé en 1994. Je sais

 11   qu'on y lit 1993 dans le paragraphe en question, mais je suis assez certain

 12   du fait que c'était plutôt en 1994 et non pas en 1993 que ça a été diffusé.

 13   Je peux me charger de revérifier si vous considérez la chose nécessaire,

 14   mais je pense bien qu'il s'agissait non pas de 1993 comme écrit ici, mais

 15   de 1994.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 17   Madame Edgerton, je remarque qu'au prétoire électronique on ne donne pas la

 18   date de la diffusion de ces clips vidéo. Est-ce qu'il y a un moyen d'avoir,

 19   à l'avenir, pour chacune de ces vidéos quand est-ce qu'elle a été diffusée

 20   ?

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pense que ce peut être le cas.

 22   Sincèrement, maintenant que vous posez la question, je m'y intéresse moi-

 23   même à présent, parce que je vois qu'au paragraphe 9, il est fait référence

 24   à ce voyage de 1994.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que la bonne date est 1994. Il se

 26   peut que j'aie fait un lapsus. Je ne le sais trop.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, merci. Mais ce n'était pas

 28   l'objectif de ma question. Y a-t-il, d'une façon générale, un moyen pour ce


Page 10105

  1   qui est d'identifier les dates de diffusion de ces différentes vidéos au

  2   prétoire électronique ? C'est à cela que j'ai fait référence.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est bien compris.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  6   Q.  Monsieur Bowen, maintenant, s'agissant de Sarajevo, vous en avez parlé

  7   longuement, et j'attire votre attention sur le paragraphe 20 du document --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais attendez. Il faut que nous

  9   accordions une cote, une référence à cette vidéo de tout à l'heure.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, excusez-moi.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce P2073.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Toutes mes excuses.

 13   Q.  Au paragraphe 20, vous dites que les Serbes de Bosnie se sont servis

 14   d'un état de siège pour exercer des pressions sur la partie adverse pendant

 15   toute la guerre. Est-ce que vous pouvez nous préciser ce que vous vouliez

 16   dire au juste par là ?

 17   R.  Comme je l'ai dit dans la phrase d'après, j'ai considéré que d'établir

 18   un siège, ça a été une arme utilisée pendant la guerre tout comme des

 19   balles ou tout comme des obus. Cela a été une façon de maintenir une

 20   pression à l'égard d'une grande partie de la population qui était notamment

 21   loyale à l'égard du gouvernement bosnien. Cela a également constitué une

 22   modalité qui permettait de faire en sorte que des pressions politiques

 23   soient exercées. Ça a servi de levier en quelque sorte pour ce qui est de

 24   leurs relations avec la communauté internationale, celle qui était

 25   notamment impliquée dans les tentatives d'apporter de l'aide. Je crois que

 26   cela leur a été utile; ils n'ont plus essayé ou ils n'ont plus pu s'emparer

 27   des territoires. Après 1992, à quelques exceptions près, les lignes de

 28   front ont été plus ou moins déjà fermement établies. Ils ont, de temps à


Page 10106

  1   autre, procédé à des pressions, des activités militaires ailleurs. Et

  2   lorsque ailleurs il y avait des activités militaires, à Sarajevo il y avait

  3   augmentation des pilonnages. Il y a également eu des périodes autres où,

  4   d'après des critères qui sont ceux de temps de guerre, la situation était

  5   plutôt calme. Donc il y a eu de longues périodes de ce type en 1994.

  6   C'était une espèce de nœud coulissant qu'on avait placé autour des cous des

  7   gens et qu'on pouvait serrer à gré. C'est ce qui m'a constamment frappé

  8   lorsque je me trouvais là-bas pendant ces années de guerre.

  9   Q.  Merci.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que l'heure est venue de faire une

 11   première pause ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, en effet. Nous allons faire une

 13   pause d'une demi-heure et nous allons reprendre à 11 heures.

 14   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 15   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Oui, je reviens sur l'une des questions soulevées lors du huis clos partiel

 19   un peu plus tôt. Je pense que je peux parler d'un des aspects de la

 20   question si nous passons à huis clos partiel. M. Robinson avait indiqué

 21   qu'il avait besoin de renseignements pour pouvoir répondre à la date

 22   indiquée, et nous lui avons fourni lesdits renseignements pendant la pause.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] C'est tout à fait exact, et vous aurez la

 25   réponse lundi. Elle sera déposée lundi.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation]

 28   Q.  Toujours à propos de Sarajevo, Monsieur Bowen, pourriez-vous nous dire


Page 10107

  1   si vous avez fait état des conditions de vie de la population civile à

  2   Sarajevo lorsque vous vous y êtes trouvé ?

  3   R.  Oui, je l'ai fait à plusieurs reprises. Comme je vous l'ai déjà dit

  4   lors de ma déposition, en tant que journaliste j'ai toujours pensé que le

  5   calvaire de la population civile devait véritablement être pris en

  6   considération. C'est une partie très importante du reportage.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais diffuser l'un de vos reportages,

  8   la pièce de la liste 65 ter 40349C.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Le journaliste : Il est très facile de comprendre pourquoi les gens

 12   veulent partir. Dans cette ville, les tireurs embusqués ne sont jamais très

 13   loin. Celui-ci dit qu'il défend la population de Sarajevo en ciblant les

 14   tireurs embusqués serbes. Ce qui d'ailleurs ne donne pas particulièrement

 15   de résultat. Les civils doivent risquer leurs vies pour vaquer aux tâches

 16   les plus simples. Ils en sont absolument malades. Beaucoup de civils

 17   voudraient partir de Sarajevo, mais ils ne peuvent pas le faire. L'endroit

 18   a été complètement fermé, il n'y a aucun moyen de s'échapper. Les enfants

 19   n'ont nulle part où aller et ont été placés dans une banque qui avait été

 20   endommagée par les bombardements. Ils sont des réfugiés dans leur propre

 21   ville, expulsés des banlieues qui sont maintenant contrôlées par les

 22   Serbes. On a l'impression qu'ils sont pleins de vie, mais ils ne font que

 23   parler de la mort.

 24   L'intervenant 1 : Il y a beaucoup de gens, de personnes innocentes qui sont

 25   mortes pendant cette guerre. Beaucoup de mes amis sont morts, mes très bons

 26   amis.

 27   Le journaliste: Personne ne s'attend ici à ce que la guerre soit courte.

 28   Ils ne mourront pas de faim tant que les Nations Unies continuent à


Page 10108

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 10109

  1   apporter des vivres, mais la seule chose sûre qu'ils peuvent faire, c'est

  2   de rester dans leurs sous-sols, en pensant à une vie différente, en

  3   continuant à nourrir l'espoir qu'ils seront sauvés par les troupes

  4   étrangères. Des échanges très lourds d'artillerie et de tirs de char, de

  5   mortiers et de mitrailleuses les ont dérangés à nouveau la nuit dernière.

  6   Tout le monde s'attend à ce que soit la même chose aujourd'hui.

  7   Jeremy Bowen, BBC News."

  8   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Monsieur Bowen, premièrement, j'aimerais savoir si vous êtes en mesure

 11   de nous donner la date de ce reportage ?

 12   R.  Juillet 1992, me semble-t-il. C'était, en fait, ma première mission

 13   dans cette ville. C'était en juillet/août 1992. C'était la première fois

 14   que j'étais en Bosnie, parce que je suis allé également à Gorazde à ce

 15   moment-là, puis dans la partie serbe un peu. Mais je pense que c'était le

 16   mois de juillet 1992.

 17   Ce qui me frappe lorsque je regarde ce reportage, bien que beaucoup

 18   d'années se soient écoulées et que je repense à cette guerre, c'est que

 19   c'était une tranche de vie. J'ai montré la façon dont les gens vivaient.

 20   Dans d'autres reportages, je donne plus de détails à propos des dangers que

 21   les gens couraient lorsqu'ils allaient chercher de l'eau, lorsqu'ils

 22   faisaient la queue pour aller chercher à manger, et même en dépit des

 23   bombardements, les gens ne voulaient pas partir de la queue parce qu'ils ne

 24   voulaient pas perdre leur place dans la queue.

 25   Et puis, j'aimerais également vous dire que si l'on pense aux événements

 26   dans cette ville, les gens ont dû vivre constamment comme cela dans cette

 27   ville; ils ont dû esquiver les balles, ont vécu dans des conditions

 28   absolument lamentables. Et n'oubliez pas qu'à l'époque, il n'y avait pas


Page 10110

  1   d'internet, il n'y avait pas de téléphone mobile. Les gens se sentaient

  2   particulièrement isolés. Moi, je me sentais isolé. Moi, j'y ai passé six

  3   semaines seulement, puis ensuite je sortais de Sarajevo. Et pourtant, je me

  4   sentais complètement isolé. Nous avions en plus un téléphone satellitaire.

  5   C'était le tout début de ce genre de technologie à l'époque.

  6   Et j'aimerais également vous dire que pour ce qui est des reportages des

  7   journaux télévisés et de la presse écrite, et je ne parle pas seulement de

  8   nous, ces nouvelles n'intéressaient plus personne avec l'évolution de la

  9   guerre, donc nos rédacteurs n'étaient plus particulièrement intéressés. Les

 10   gens ont de moins en moins vu cela. Il y avait de plus en plus de gens à

 11   Sarajevo qui essayaient de se nourrir et d'obtenir de l'eau. Il faut savoir

 12   que pour ce qui est du temps d'audience, on avait de moins en moins de

 13   temps d'audience pour montrer cela et de temps d'écoute. Il fallait que les

 14   événements soient encore plus violents, pour ne pas dire grotesques, par

 15   exemple, pour pouvoir être diffusés. Ça, c'est un commentaire très triste

 16   qui correspond, malheureusement, à la réalité.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que cela pourrait être la pièce

 18   suivante ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P2074.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais juste vous dire que lorsque je suis

 24   allé là-bas en 1995, à la fin, ce qui m'a frappé, c'était que les

 25   conditions de vie étaient pires. Bien entendu qu'il y avait eu des largages

 26   aériens qui étaient opérés, mais pour ce qui était des conditions de vie

 27   personnelles des gens, elles étaient encore plus désastreuses qu'au début

 28   de la guerre en 1992, ce que vous venez de voir maintenant. Là, on avait


Page 10111

  1   l'impression que les gens avaient encore un lien avec leurs vies passées.

  2   C'était cauchemardesque, mais ils pensaient que ce cauchemar, qui était

  3   bien véritable, allait bientôt toucher à sa fin. On avait l'impression que

  4   c'était des gens qui avaient connu la paix et qui connaissaient une

  5   situation absolument aberrante, mais après le premier hiver, qui a été

  6   extrêmement rigoureux, ce sentiment s'est évaporé. En 1995, les gens

  7   étaient obnubilés par leur survie, à l'exception de quelques personnes qui

  8   souhaitaient travailler pour des organisations internationales et gagner

  9   des sous ou étaient impliqués dans des activités criminelles et avaient

 10   également des sous à la suite de ces activités. Mais la grande majorité de

 11   la population, en 1995, se trouvait dans une situation absolument

 12   désespérée et désespérante.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Eh bien, j'aimerais enchaîner à la suite de

 14   votre toute dernière explication et passer à un autre de vos reportages,

 15   qui ne date pas de l'année 1995, mais qui date, d'après ce que j'ai cru

 16   comprendre, de l'année 1993. Pièce de la liste 65 ter 40350D.

 17   Je demande une minute de patience, Monsieur le Président, parce que

 18   j'ai l'impression qu'en dépit de tous nos efforts, il y a visiblement un

 19   reportage qui fait défaut.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Le journaliste : La plupart des gens ici n'ont jamais entendu parler et se

 23   fichent royalement des pourparlers de Genève. Ils ont d'autres chats à

 24   fouetter. Ils vivent dans un néant sinistre sans radio ou télévision,

 25   complètement coupés du monde extérieur. D'après ce qu'ils croient, ce monde

 26   n'est plus du tout intéressé par leur sort. Lorsque la guerre a commencé,

 27   ce genre de tir aurait envoyé les gens directement dans leur cave, mais de

 28   nos jours, cela est différent. Ils savent qu'ils doivent se protéger,


Page 10112

  1   comment le faire, quand attendre et quand ils doivent courir. C'est

  2   toujours aussi terrifiant, et cela peut être tout aussi fatal lorsque l'on

  3   va, par exemple, chercher de l'eau, mais cela fait partie de leur triste

  4   réalité quotidienne."

  5   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Monsieur Bowen, ai-je eu raison de mentionner l'année "1993" pour ce

  8   reportage ?

  9   R.  Oui. Pour autant que je m'en souvienne, oui.

 10   Q.  Est-ce qu'il y a un lien entre l'extrait que nous venons de voir et les

 11   précisions que vous avez apportées à l'intention de la Chambre de première

 12   instance à propos de l'année 1995 ?

 13   R.  Oui, c'était déjà comme ça, mais c'est encore plus grave en 1995, car à

 14   ce moment-là, la population était véritablement coincée dans cette vie

 15   épouvantable qui était la leur, les tirs des tireurs embusqués faisaient

 16   partie de leur quotidien. Vous voyez qu'ils ont mis des récipients à divers

 17   endroits pour empêcher que les balles pénètrent, mais parfois à certains

 18   endroits ça n'était pas possible. Donc les gens devaient courir, vraiment,

 19   pour sauver leur peau. Je l'ai fait moi-même. Nous, nous étions, en tant

 20   que journalistes, dans une position très privilégiée à Sarajevo, parce que

 21   nous avions des gilets pare-balles, nous avions des Land Rover blindés,

 22   nous avions de l'argent, et cetera, et cetera. Mais même avec tout cela,

 23   nous nous rendions véritablement compte de ce que la situation était. On

 24   pouvait également nous tirer dessus. Et je dois dire que parfois j'ai eu

 25   très chaud.

 26   Moi, j'ai vu, par exemple, des gens se faire tirer dessus près de

 27   l'hôtel Holiday Inn, où je logeais, il y avait un espace ouvert pour la

 28   zone contrôlée par les Serbes, et c'était une position de tireurs embusqués


Page 10113

  1   très connue, ils étaient très actifs. Maintenant, c'est devenu le parking

  2   de l'hôtel Holiday Inn, en temps de paix. Donc ils avaient une vue dégagée,

  3   là, et les gens couraient. Une fois, j'étais en train de déjeuner, et j'ai

  4   pu voir en regardant par la fenêtre - une grande fenêtre de l'hôtel, je

  5   pouvais voir de côté - et j'ai vu qu'il y avait de nombreux tirs, puis il y

  6   avait un homme qui courait, et lui, il a été touché à la jambe, on pouvait

  7   voir les balles, il est tombé. Et on a vu les balles qui atterrissaient

  8   auprès de son corps, par terre. Donc je suis allé avec un de mes collègues

  9   dans le Land Rover blindé pour voir si on pourrait le ramasser, et au

 10   moment où nous sommes arrivés dans le garage, lorsque nous sommes sortis,

 11   nous avons vu qu'il était parti. Il y avait une flaque de sang. A l'époque,

 12   je me suis dit qu'il avait été gravement blessé et qu'il fallait s'en

 13   occuper.

 14   Mais ça, je l'ai vu, je l'ai vu de visu, c'était un endroit qui était

 15   une position de tireurs embusqués. A différents moments de la guerre, la

 16   FORPRONU avait placé un véhicule de transport de troupes avec une

 17   mitrailleuse qui était dirigée vers la ligne de front, là où les tireurs

 18   embusqués étaient très actifs. Moi, je n'étais pas là quand ça s'est passé,

 19   mais c'est ce qu'on m'a raconté. Donc c'était évident, on savait tous d'où

 20   venaient les tirs des tireurs embusqués. D'ailleurs, si vous penchiez la

 21   tête un peu de côté, vous pouvez voir l'immeuble. C'est un immeuble

 22   d'habitation de quatre à cinq étages, c'était l'extrémité de la ligne de

 23   front, et là, ils avaient une vue dégagée.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que cela pourrait être la prochaine

 25   pièce à être versée au dossier, Monsieur le Président, le document 40350D.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P2075.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation]


Page 10114

  1   Q.  Vous venez juste de parler de tireurs embusqués, Monsieur Bowen. Au

  2   paragraphe 17 de votre déclaration écrite, vous dites que :

  3   "A Sarajevo, il y avait de nombreuses positions de tireurs embusqués où les

  4   gens pouvaient être touchés à tout moment."

  5   Et vous faites référence à un endroit qui se trouve juste à l'extérieur du

  6   bâtiment de la présidence. Vous le voyez ?

  7   R.  Oui.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais vous montrer un autre extrait

  9   d'un de vos reportages qui a un lien avec ce paragraphe, et j'aimerais vous

 10   poser quelques questions. Pièce 65 ter ou document 65 ter 40349H. Merci.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Le journaliste : Les Nations Unies demandent aux deux camps d'arrêter les

 14   tirs sur l'aéroport avant qu'elles ne fassent venir davantage de vivres. Le

 15   général Philippe Morillon, le commandant adjoint des Nations Unies en ex-

 16   Yougoslavie, a rendu visite aux dirigeants musulmans aujourd'hui pour leur

 17   demander ceci. Demain, il franchira les lignes pour obtenir la même

 18   garantie de la part des Serbes. Si le général avait regardé par la fenêtre

 19   pendant cette réunion, il aurait pu voir les tireurs embusqués. Ils

 20   supposent que le tireur est Serbe. Evidemment, cela sera réfuté. Cette

 21   femme n'est pas très intéressée par la politique dans les Balkans. Comme

 22   toutes les autres, elle veut juste rentrer saine et sauve chez sa famille.

 23   Ça, ce sont les calculs qui sont faits par tout le monde, au quotidien. La

 24   seule chose qu'ils puissent faire, c'est espérer que tout se passera bien

 25   et courir très vite. Ses amis lui disent d'essayer encore une fois."

 26   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 27   Mme EDGERTON : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Bowen, est-ce que c'est l'endroit auquel vous faites référence


Page 10115

  1   au paragraphe 17, à l'extérieur du bâtiment de la présidence ?

  2   R.  Oui. Si vous sortez du bâtiment de la présidence, sur la gauche, il y a

  3   cette mosquée, et là, vous voyez qu'il y a une vue très dégagée vers les

  4   positions serbes. Et sur la droite, ils avaient mis, d'après ce dont je me

  5   souviens, des containers et des écrans également, mais il n'y en a pas sur

  6   la gauche. A ce moment-là, je pense que c'était 1992 ou 1993, probablement.

  7   C'était toujours un endroit très dangereux, parce que les tirs étaient

  8   constants. Moi, j'ai vu des cadavres qui gisaient là, dans des marres de

  9   sang.

 10   Q.  Lorsque vous dites que "ce sont les calculs que tout le monde doit

 11   faire ici, au quotidien". Que décrivez-vous?

 12   R.  Eh bien, ce que j'entends par là c'est que les tirs embusqués faisaient

 13   partie de leur quotidien, il y en avait beaucoup, en général dans des

 14   endroits connus. Au fil du temps, les autorités du gouvernement de Bosnie

 15   ont mis des espèces de paravents pour protéger les gens du gros des tirs,

 16   mais il y avait quand même encore et toujours des victimes. Et d'ailleurs,

 17   il y avait une pratique qui était un peu sinistre pour les caméramans et

 18   les équipes de télévision, ils se mettaient là, non pas tellement parce

 19   qu'ils voulaient filmer les gens morts, mais ils voulaient filmer les gens

 20   qui esquivaient les balles. Donc ça, c'était vraiment l'image, s'il en fut,

 21   qui est sortie de Sarajevo pendant la guerre, à cause de toutes ces

 22   activités de tireurs embusqués, justement.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 24   Est-ce que cela pourrait être, je vous prie, la pièce suivante de

 25   l'Accusation, 40350H [comme interprété].

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2076, Monsieur le

 27   Président.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation]


Page 10116

  1   Q.  Est-ce que vous pourriez passer au paragraphe 24 de votre déclaration.

  2   Là vous dites que :

  3   "N'importe qui pouvait être tué par des pilonnages, à n'importe quel

  4   endroit à Sarajevo."

  5   Vous voyez cela ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous avez fait des reportages sur ces pilonnages ?

  8   R.  Oui, tout à fait. Tous les matins, il y avait la conférence de presse

  9   des Nations Unies au QG de la FORPRONU. Ils commençaient par un décompte

 10   des tirs effectués par les observateurs militaires des Nations Unies, ils

 11   présentaient le nombre des tirs de la veille, et très, très, très souvent,

 12   cela dépassait 1 000. Moi, j'ai fait des reportages sur les conséquences de

 13   ces pilonnages, j'ai vu moi-même certaines choses, et je dois dire que

 14   parfois je me suis trouvé au mauvais moment au mauvais endroit, et j'ai eu

 15   très peur pour ma vie. On ne pouvait pas dire, oui, s'il va y avoir un

 16   pilonnage, il aura lieu ici, à l'endroit A ou à l'endroit B. Non, ce n'est

 17   pas comme ça que les choses se passaient. De toute façon, il y avait des

 18   cratères un peu partout, des cratères laissés par les mortiers, c'était

 19   essentiellement des mortiers d'ailleurs. Il faut savoir que les cratères

 20   faits par les mortiers sont assez caractéristiques. On les voyait dans

 21   différents endroits sur les trottoirs, on voyait les victimes qui sortaient

 22   des hôpitaux. S'il y avait un pilonnage, il était très dangereux de sortir

 23   dans les rues, mais si vous vouliez faire un reportage, il suffisait de se

 24   rendre à l'hôpital de Kosevo et de voir les victimes. Je dois dire que

 25   c'était toujours un peu la même chose, il y avait une salve, vous alliez à

 26   l'hôpital 20 minutes après, les victimes commençaient à arriver. Quand on

 27   est journaliste pour la télévision, il faut bien avoir des films ou des

 28   photos pour présenter votre reportage, et ça, c'était une façon d'obtenir


Page 10117

  1   ces films.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais vous présenter deux de vos

  3   reportages à ce sujet. Le premier est le numéro 40349J de la liste 65 ter.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Le journaliste : Ziad Kujundzic est encore en vie parce qu'il avait décidé

  7   d'écouter le journal de 4 heures vendredi après-midi dernier. Son fils

  8   Muris a quitté la cave de leur maison avec lui et est allé en haut pour le

  9   rejoindre. Pendant qu'ils regardaient les nouvelles, leur maison a été

 10   touchée par une salve de char. Ce matin, M. Kujundzic enterre son épouse,

 11   sa fille, deux de ses petits-enfants, et un ami qui était venu chez eux

 12   pour apporter de l'aspirine.

 13   M. Kujundzic : Le petit, il était d'abord en vie puis il est mort à

 14   l'hôpital.

 15   L'intervenant : En fait, ils ont d'abord trouvé son petit-fils et il était

 16   encore en vie lorsqu'il est arrivé à l'hôpital. Mais sa petite-fille elle

 17   est morte sur le coup.

 18   Le journaliste : Si vous empruntez une rue au mauvais moment de la journée

 19   à Sarajevo, cela peut être fatal pour vous. La semaine dernière, un groupe

 20   d'hommes qui se trouvait du côté serbe de la ligne est parti pour livrer du

 21   pain et des sardines sur le front. La situation ne semblait pas

 22   particulièrement agitée, mais un tireur embusqué les a vus et leur a tiré

 23   dessus et a touché l'une de ces personnes à la tête. Le tireur embusqué a

 24   continué à tirer. Ils ont dû traîner son corps, ils n'avaient pas de corde,

 25   donc ils ont utilisé un tuyau d'arrosage à la place. En quatre mois

 26   seulement, les tirs embusqués et le pilonnage sont devenus partie du

 27   quotidien de ces êtres humains, cela fait partie de la routine journalière

 28   des deux côtés des lignes. Les gens ici sont obligés d'exister en dépit de


Page 10118

  1   cela. Il n'y a pas un seul endroit ou un seul moment où les citoyens de

  2   Sarajevo se sentent en sécurité. Certains quartiers de la ville sont plus

  3   dangereux que d'autres, mais le pilonnage se fait de façon aléatoire et tue

  4   tous les jours des personnes."

  5   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Q.  Monsieur Bowen, il y a peu de temps vous avez dit à propos des

  8   pilonnages que ces pilonnages "pouvaient intervenir n'importe où". Est-ce

  9   bien ce dont vous parlez dans ce reportage ?

 10   R.  Oui, tout à fait, j'espère que oui en tout cas. J'avais l'impression

 11   que ça pouvait arriver n'importe où, parce que moi aussi j'étais très

 12   inquiet à propos de ma propre sécurité. Je savais que nous étions très

 13   vulnérables, et que lorsqu'on se déplaçait dans Sarajevo on était

 14   vulnérables, on ne savait jamais d'où ça allait venir. Mais quand il y

 15   avait une accalmie ou s'il faisait beau, les gens faisaient sortir leurs

 16   enfants pour qu'ils jouent, parce que c'est très difficile de garder des

 17   enfants enfermés dans une maison ou bien dans une cave. Au cours du premier

 18   été de la guerre, les gens ont eu tendance à laisser leurs enfants sortir

 19   pour jouer. Donc tout à coup, il faisait très beau, puis tout à coup ça

 20   arrivait, alors qu'il faisait extrêmement beau, les tirs arrivaient, puis

 21   les rues se vidaient, puis il y avait des victimes. Lors des périodes où il

 22   y avait beaucoup de pilonnages, les gens, tout simplement, ne sortaient

 23   pas. Lorsqu'on roulait dans les rues, les rues étaient totalement vides. Il

 24   n'y avait absolument personne en ville.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Très bien.

 26   Passons au reportage suivant à propos des pilonnages, et ensuite nous

 27   verrons si nous allons les verser au dossier.

 28   Pourrions-nous avoir la pièce 40349R.


Page 10119

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Le journaliste : Personne n'a dit à Svetlana Glavas et à sa mère

  4   Ruza que la fille de Svetlana était envoyée en Allemagne. Aucune des

  5   autorités n'a même dit qu'elle avait été tuée. C'est un voisin qui a

  6   entendu cela à la radio. Ce matin, alors qu'ils allaient aux obsèques, ils

  7   ont dit que Vedrana avait habité dans ce foyer parce qu'ils ne pouvaient

  8   pas s'en occuper correctement. Elles ont dit qu'elles aimaient Vedrana,

  9   bien sûr, et que la grand-mère avait gardé l'une des poupées de Svetlana

 10   pour elle. Vedrana avait 2 ans et demi, et ils allaient la voir le plus

 11   souvent possible.

 12   L'intervenant : Elle avait commencé à marcher. Elle ne pouvait pas encore

 13   parler, mais elle savait jouer avec une balle.

 14   Le journaliste : Svetlana et Ruza avaient eu l'intention d'aller à pied

 15   jusqu'au cimetière avec leurs voisins, mais c'est à 2 miles de là où ils

 16   habitent. Donc avec nos collègues de l'agence Reuters, nous les avons pris

 17   à bord de notre véhicule. Lorsqu'ils sont arrivés, ils ont dit que Vedrana

 18   avait déjà été enterrée, parce que le cimetière était pilonné par les

 19   Serbes. C'était une mauvaise nouvelle, mais les choses ont empiré. Encore

 20   plus d'obus sont tombés. L'un des obus est tombé alors que les garçons et

 21   les filles du foyer de Vedrana étaient arrivés avec leurs fleurs. Ils ont

 22   posé les fleurs sur les tombes de Vedrana et du jeune petit garçon que le

 23   sniper avait assassiné. Il était temps de partir. Alors que la famille

 24   partait, les tireurs avaient bien ajusté leurs tirs.

 25   Ruza Glavas, la grand-mère, a été atteinte au bras. Les reporters ici

 26   essayent d'arrêter l'hémorragie.

 27   L'intervenant : Tourniquet, tourniquet. Essayez d'atteindre la fille de

 28   cette femme.


Page 10120

  1   Le journaliste : Un autre obus a explosé alors qu'on la transportait vers

  2   la voiture. Les docteurs ont dit qu'ils arriveraient sans doute à sauver le

  3   bras de Ruza, mais qu'elle ne pourrait plus s'en servir. Elle a essayé de

  4   dire à sa fille qu'elle allait bien. Svetlana, malheureusement, est

  5   handicapée et dépend de sa mère. Au moins six obus de mortier ont atterri

  6   sur le cimetière ou aux alentours du cimetière. Il y a eu deux tirs

  7   directs, juste lorsque les obsèques des enfants allaient commencer.

  8   Parfois, les tirs ne sont pas très précis, mais c'est un endroit qui est

  9   attaqué presque tous les jours. Il est évident que les tireurs serbes

 10   ciblent ce cimetière afin de tuer des civils. Il est difficile de trouver

 11   des gens qui croient aux réfutations des dirigeants des Serbes de Bosnie.

 12   Les obus ont atterri près des civils pendant toute la journée. Les forces

 13   du gouvernement musulman se battent sur tous les fronts autour de Sarajevo.

 14   Ils déclarent qu'ils ont réussi à récupérer du terrain du côté du nord de

 15   la ville. Tout allait bien jusque dans la soirée. Mais comme d'habitude, il

 16   y a eu de nombreuses victimes.

 17   Jeremy Bowen, BBC News."

 18   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Q.  Monsieur Bowen, tout d'abord, nous avons ce film sur le pilonnage des

 21   obsèques, s'agit-il bien de ce dont vous parlez au paragraphe 37 de votre

 22   déclaration écrite ?

 23   R.  Oui, tout à fait.

 24   Q.  Avez-vous des commentaires supplémentaires à ajouter à propos de la

 25   séquence que nous venons de voir ?

 26   R.  Oui, j'aimerais donner un petit peu des éléments de contexte. A ce

 27   moment-là, j'étais quand même assez chevronné, et presque 20 ans plus tard,

 28   sachez que je suis très chevronné. J'ai l'habitude des conflits et j'ai vu


Page 10121

  1   énormément de choses épouvantables. Mais chaque fois que je revois cette

  2   séquence, je trouve que c'est une séquence épouvantable, c'est une

  3   véritable torture, c'était un jour épouvantable pour ces gens-là.

  4   Pourquoi suis-je certain -- pourquoi est-ce que je pense que c'était les

  5   Serbes qui les avaient tirés à cette occasion ? Il y a plusieurs raisons.

  6   Tout d'abord -- ça avait déjà arrivé de toute façon, donc on m'avait déjà

  7   dit -- et c'est arrivé ensuite par la suite, ça a été vérifié aussi par

  8   différentes personnes au sein des Nations Unies, et il y avait même des

  9   militaires qui ont déclaré qu'ils savaient exactement d'où venaient les

 10   tirs, d'où venaient ces obus. Puisque le cimetière était un endroit assez

 11   ouvert, tout le monde savait où il était de plus, évidemment. Par la suite,

 12   des gens ont déclaré que ça avait été mis en scène, que c'était les

 13   Musulmans qui se tiraient dessus, en fait, parce qu'ils savaient très bien

 14   qu'il y aurait des médias qui pourraient capturer toutes ces images. Moi,

 15   je n'y crois pas une seconde. Tout d'abord, les pilonnages ont commencé

 16   avant notre arrivée sur place. Une chose qui m'a traversé l'esprit

 17   d'ailleurs à ce moment-là lorsque les fossoyeurs m'ont dit qu'il y avait

 18   déjà eu des pilonnages, puisque nous, on obtenait beaucoup d'informations

 19   de la part des fossoyeurs qui étaient là sur place tout le temps quand

 20   même, ce qui a traversé mon esprit, c'est dommage qu'on ait raté les tirs

 21   et j'ai presque pensé ça. Or, les obus ont recommencé et il y a un obus

 22   d'ailleurs qui est tombé à quelques mètres de la mère et de la grand-mère,

 23   et fort heureusement personne n'a été tué à ce moment-là.

 24   Mais j'ai trouvé que c'était vraiment une torture épouvantable de ces gens.

 25   Terroriser des enfants aussi, c'était épouvantable. Comme je l'ai déjà dit,

 26   les fossoyeurs nous ont dit que c'était arrivé à de nombreuses reprises. On

 27   le voyait d'ailleurs dans le cimetière, les tombes de guerre étaient très

 28   sommaires avec uniquement des croix en bois ou des pierres tombales qui


Page 10122

  1   étaient en bois, mais les tombes anciennes étaient des tombes en pierre, et

  2   là on voyait bien qu'il y avait énormément d'éclats d'obus qui les avaient

  3   endommagées. Donc ce n'était pas arrivé le jour uniquement où on était là,

  4   ça arrivait souvent.

  5   Donc même mort on n'était pas en sûreté, si je puis dire. On pouvait

  6   encore se faire tirer dessus alors qu'on était déjà mort. Donc c'était

  7   vraiment une cible habituelle, utilisée même lorsqu'il n'y avait de médias

  8   dans le coin, donc je ne crois pas une seconde que tout ceci avait été mis

  9   en scène uniquement pour les médias occidentaux. Non, ça faisait juste

 10   partie du quotidien de ces gens. Je ne sais même pas si les gens de l'autre

 11   côté savaient qu'il y avait ces obsèques-là ce jour-là puisque nous avons

 12   dû vraiment rechercher les heures de cet enterrement, à quel moment

 13   l'enterrement allait avoir lieu, on a déjà envoyé des gens au cimetière

 14   parler aux fossoyeurs, et cetera, pour savoir quand l'enterrement aurait

 15   lieu parce qu'on voulait être là.

 16   Donc c'est vrai que je suis peut-être un reporter chevronné, que j'ai

 17   vu beaucoup de choses épouvantables, mais encore une fois, chaque fois que

 18   je vois ces images, je continue à être vraiment très en colère lorsque je

 19   vois cela. Et je maintiens mes propos à propos de ce reportage, je

 20   considère que c'est un reportage tout à fait honnête.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, verser au

 22   dossier ces deux séquences, les pièces 40349J et 40349R au dossier. Donc un

 23   passage très court de la pièce 40349R a déjà été versé au dossier sous la

 24   cote P1933.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si c'est le cas, je pense que nous

 26   pourrions peut-être réutiliser cette cote et l'étendre à la totalité des

 27   clips ? Je vais demander au greffier quelle est la pratique habituelle.

 28   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]


Page 10123

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, nous allons admettre ces pièces de

  2   façon séparée avec une cote bien précise.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Ce seront les cotes P2077 et P2078

  4   respectivement.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation]

  7   Q.  Passons à autre chose, passons à une autre partie de votre déposition

  8   écrite. Vous dites qu'en août 1992 vous vous êtes rendu aux enclaves

  9   orientales, vous êtes allé à Gorazde. Paragraphe 53 de votre déclaration

 10   écrite. Vous dites aussi que vous avez essayé de vous rendre à Cerska en

 11   février 1993. Paragraphes 62 à 67. Et vous avez aussi couvert les

 12   événements de Srebrenica en 1995. Commençons par Gorazde, donc paragraphes

 13   53 à 61 de votre déclaration écrite, vous y êtes allé à l'été 1992.

 14   Tout d'abord, pourquoi vous êtes-vous rendu sur place ?

 15   R.  J'avais de bons contacts avec le HCR. Leur coordinateur principal, M.

 16   Hollingworth a dit qu'il allait essayer d'aller à Gorazde. Il nous a

 17   demandé si nous voulions venir avec lui, et une des raisons pour sa demande

 18   c'est que nous étions un des seuls médias qui ait un blindé, un Land Rover

 19   blindé à sa disposition, parce que la route risquait d'être dangereuse.

 20   Moi, je voulais y aller parce qu'il s'agit quand même d'une ville

 21   importante qui avait été isolée depuis le début de la guerre. C'est-à-dire

 22   que personne de l'extérieur n'avait réussi à atteindre Gorazde depuis le

 23   début du conflit, donc on parle d'une période de plusieurs mois qui va

 24   depuis le printemps jusqu'à la fin de l'été. Je voulais savoir quelle était

 25   la situation dans laquelle vivait la population, puisque la partie serbe

 26   avait donné quelques garanties au HCR en disant qu'on aurait droit de

 27   passer. Donc je voulais savoir ce que j'allais voir. Je pensais que ça

 28   allait être du bon matériel permettant de faire un reportage intéressant.


Page 10124

  1   Q.  A Gorazde, avez-vous parlé de la situation humanitaire là-bas ?

  2   R.  Oui. Mais la visite a été très courte puisqu'on y a passé une journée.

  3   On y est rentré et sorti immédiatement, pratiquement immédiatement. Disons

  4   qu'on est rentré dans la ville au matin, mais c'était vers 9 heures, 10

  5   heures du matin, peut-être 11 heures parce qu'il faisait plein jour, et on

  6   est reparti en fin d'après-midi. Donc on n'y ait pas passé beaucoup de

  7   temps. Disons qu'on y a passé trois ou quatre heures, pas plus. Mais j'ai

  8   bel et bien vu la situation dans laquelle vivaient les gens.

  9   Lorsqu'on est entré dans Gorazde, les gens -- les rues étaient totalement

 10   désertes. Le HCR avait négocié un cessez-le-feu local, mais il y avait eu

 11   des pilonnages, en approchant de la ville on entendait encore les

 12   pilonnages.

 13   Donc que s'est-il passé, je viens de me souvenir. On a pris la grand-route,

 14   on est rentré par la grand-route. Les gens ont commencé à sortir de leurs

 15   maisons. On était en plein été, mais pourtant ils étaient encore très

 16   blancs. Ils n'avaient pas bronzé. Ils avaient été pilonnés depuis le début

 17   en fait, ils avaient l'air totalement désespérés.

 18   Donc lorsqu'ils se sont rendu compte que les troupes des Nations Unies, les

 19   Français et les Ukrainiens étaient arrivés, là ils étaient plus gais tout

 20   d'un coup, très émus, certes. Mais les gens étaient contents de voir l'aide

 21   humanitaire. Ils pensaient que les personnels des Nations Unies allaient

 22   rester. Ils nous ont amené à boire. C'était un peu comme les images que

 23   l'on voit de la libération en Normandie en France lorsque les Américains

 24   arrivent avec les soldats qui jettent des paquets de cigarettes, les gens

 25   qui viennent avec des boissons et qui les donnaient aux soldats. Enfin

 26   c'était un peu ça qui se passait.

 27   Donc on a déchargé les vivres qu'on avait apportés, il y avait un

 28   bâtiment qui était utilisé comme un hôpital au centre de la ville, nous


Page 10125

  1   nous y sommes rendus avec mon caméraman, et là j'ai vu, je dois dire, les

  2   scènes pratiquement les plus horribles que j'avais vues jusqu'à présent et

  3   d'ailleurs je n'ai pas encore vues. Par exemple, le pire c'était un enfant,

  4   un petit garçon ou une petite fille - je ne sais plus si c'était un petit

  5   garçon ou une petite fille, je ne sais plus - à qui on enlevait des éclats

  6   d'obus, et ce, sans anesthésie, à vif. C'était atroce, c'était

  7   épouvantable. Evidemment l'enfant hurlait de douleur. J'ai interviewé le

  8   docteur après, il avait donc sa blouse blanche, il était très pâle, et

  9   voyait son cœur qui battait, on le voyait. Son cœur battait tellement fort

 10   que ça se voyait sur sa blouse parce qu'il me dit : J'ai l'impression

 11   d'être un boucher, je travaille comme un boucher. Enlever ces fragments

 12   d'obus à vif sur ce petit bébé qui a moins de 2 ans, 18 mois peut-être.

 13   C'était atroce, atroce.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Une minute.

 15   J'aimerais maintenant que l'on visionne votre reportage sur Gorazde

 16   et j'aurai quelques questions à vous poser à ce propos, il s'agit de la

 17   pièce 65 ter 45372B.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Le journaliste : C'est la troisième tentative des Nations Unies pour

 21   atteindre Gorazde. La dernière fois, ils sont tombés dans une embuscade,

 22   donc ils s'attendent au pire.

 23   L'intervenant : En fait, si on est pilonné, on va avancer, on va

 24   avancer le plus vite possible et on va essayer de s'abriter, et c'est comme

 25   ça qu'on va fonctionner.

 26   Le journaliste : Nous sommes arrivés à Gorazde sains et saufs, en nous

 27   déplaçant avec prudence dans la banlieue incendiée et vide autour de la

 28   ville. A à peu près 500 mètres de la dernière position serbe, le blindé de


Page 10126

  1   tête est arrivé à passer et a mis un terme à un siège qui durait depuis 146

  2   jours. Les Nations Unies ont essayé d'avertir les gens qu'il y avait un

  3   convoi en route. Car ils avaient peur que les défendeurs de Gorazde leur

  4   tirent dessus. Mais en fait nous avons été accueillis avec émotion. La

  5   plupart des gens ne pouvaient pas faire grand-chose de plus que de pleurer.

  6   L'intervenant : Voyez, voyez, je ne peux pas parler.

  7   Le journaliste : Depuis que la guerre a commencé, les gens ici ont été

  8   totalement isolés du monde extérieur, mais ils voulaient nous montrer que

  9   malgré tout cela ils restent humains, ils essaient encore d'avoir leur

 10   propre dignité. Ça a été très difficile. Ils disent que les pilonnages ont

 11   eu lieu tous les jours. Jusqu'à ce qu'ils voient les soldats des Nations

 12   Unies, la plupart d'entre eux avaient eu tellement peur qu'ils n'étaient

 13   jamais sortis de leurs maisons. Depuis que nous sommes arrivés à Gorazde,

 14   les gens ont commencé à sortir des caves, à sortir de leurs abris.

 15   L'arrivée du convoi des Nations Unies est la première bonne nouvelle qu'ils

 16   ont eue depuis le début du siège. Les Serbes autour de Gorazde ont convenu

 17   d'arrêter le pilonnage pour laisser passer le convoi, mais il y a quand

 18   même des blessés qui arrivent à cause des combats terrestres qui ont lieu

 19   aux alentours de la ville.

 20   A l'hôpital, il y a de plus en plus de victimes de guerre. Il s'agit

 21   de civils la plupart du temps qui ont été atteints juste avant que le

 22   cessez-le-feu ne commence. Ce garçon de 15 ans a été frappé par un

 23   shrapnel. Ici ils essaient de sauver la petite Ana Djebo, une petite fille

 24   de 3 ans qui des blessures épouvantables, mais les médecins n'ont pas

 25   d'anesthésie. Ils utilisent l'alcool pour nettoyer la blessure et un peu de

 26   morphine pour essayer de soulager la douleur. Mais ça ne suffit pas.

 27   L'infirmière doit donc tenir Ana pendant que les médecins l'opèrent. Ils

 28   utilisent la lumière qui vient de la caméra parce qu'ils n'ont pas assez de


Page 10127

  1   lumière.

  2   Si Ana survit, il faudra lui dire que ses parents sont morts puisque

  3   ses parents ont été tués par le mortier qui l'a blessée. Le médecin d'Ana a

  4   beaucoup de mal. Il transpire énormément, pas parce qu'il fait chaud, mais

  5   parce que c'est trop épouvantable de devoir opérer dans ces conditions.

  6   Dans le lit d'à côté, il y a un homme à qui on enlève des fragments d'obus

  7   de son épaule, et ce, sans anesthésie. Les familles sont là et ne peuvent

  8   rien faire d'autre que de regarder. Les médecins ont dit qu'ils ont fait

  9   des centaines d'opérations de la sorte. Il n'y a pas beaucoup

 10   d'anesthésiants et on les réserve aux amputations. Donc les patients

 11   restent conscients pendant toute l'opération. On ne peut pas transfuser de

 12   sang aux amputés, on ne peut pas leur donner les soins dont ils ont besoin.

 13   La plupart d'entre eux donc meurent. Dans la ville, on décharge les vivres

 14   et les médicaments. Mais ces vivres et ces médicaments ne dureront pas

 15   longtemps. Les travailleurs doivent décharger les choses le plus rapidement

 16   possible au cas où ils seraient attaqués. Si ce cessez-le-feu tient, la

 17   mission aura été un succès. Mais la mission a commencé à mal se passer

 18   lorsque nous sommes rentrés à Sarajevo. Des mines ont été découvertes dans

 19   un endroit dans la forêt qui aurait été parfait pour y tendre une

 20   embuscade, et le convoi a dû s'arrêter.

 21   L'intervenant : Oui, c'est dangereux ici. Si je voulais garer la voiture,

 22   je ne le ferai certainement pas ici.

 23   Le journaliste : Les sapeurs français ont déblayé la route. Ils ont atteint

 24   le convoi après qu'il ait été abandonné pendant une nuit et un jour. Les

 25   Nations Unies doivent prendre les démineurs avec eux et peut-être aussi

 26   plus de blindés s'ils veulent atteindre à nouveau Gorazde. Personne ne sait

 27   qui a posé les mines, mais c'était visiblement pour tuer du personnel des

 28   Nations Unies. On a fait exploser les mines sans que personne ne soit


Page 10128

  1   blessé. Il y a eu des combats environ une heure et demie et les choses

  2   auraient pu tourner plus mal. Plus tard, les Serbes ont dit que les troupes

  3   des Nations Unies sont passées juste pendant une attaque surprise des

  4   Musulmans qui avaient utilisé le convoi pour se couvrir, comme abri. Donc

  5   ça a été leur pire revers du style depuis le début du siège. Ils ont montré

  6   les corps de huit combattants serbes morts. Ils ne laisseront sans doute

  7   pas passer d'autres convois bien que les gens de Gorazde aient besoin

  8   d'aide humanitaire. Mais ce dont ils ont vraiment besoin c'est de paix, et

  9   cela ils n'en auront pas. Les pilonnages ont recommencé juste après notre

 10   départ.

 11   Jeremy Bowen, BBC News, Gorazde."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Q.  Monsieur Bowen, dans ce reportage, vous dites qu'à votre connaissance

 15   c'était la troisième fois que les Nations Unies essayaient d'atteindre

 16   Gorazde, la troisième tentative, et vous avez parlé d'un siège qui aurait

 17   duré 146 jours, vous avez aussi parlé des Serbes qui se trouvaient autour

 18   de Gorazde et qui à ce moment-là avaient accepté de laisser passer le

 19   convoi. Donc avez-vous vu la même situation plus tard dans la guerre en ce

 20   qui concerne les enclaves orientales ?

 21   R.  Oui, oui, bien sûr, mais j'ai une chose à ajouter avant de répondre.

 22   J'ai dit que nous sommes rentrés à Gorazde pendant la matinée. Mais je

 23   pense que nous ne sommes pas rentrés aux petites heures du matin, nous

 24   sommes rentrés plutôt en fin de matinée. Je voulais être précis.

 25   Oui, ce schéma par lequel on entourait les enclaves, on les encerclait, on

 26   les assiégeait, ceci a été répété jusqu'à la fin de la guerre. Les

 27   défenseurs de Gorazde sont devenus plus organisés, bien sûr, avec le temps,

 28   et les Serbes n'ont jamais réussi à capturer Gorazde, et cela m'a été


Page 10129

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 10130

  1   confirmé d'ailleurs par les soldats des Nations Unies qui se trouvaient sur

  2   place, des gens des forces spéciales qui m'ont dit qu'il y avait eu des

  3   combats extrêmement violents auxquels ils ont assisté, je pense qu'il y a

  4   énormément de documents qui portent là-dessus maintenant. Mais Gorazde

  5   était bien organisée, ils ont réussi à tenir jusqu'au bout. Srebrenica

  6   c'est autre chose, ça a été une autre chose en 1995, mais donc il y avait

  7   toujours ce schéma qui est toujours le même, c'est-à-dire on encercle, on

  8   exerce une pression militaire, on essaie de rentrer en force pour capturer

  9   le territoire et pour percer au travers des enclaves qui avaient été

 10   déclarées des zones protégées des Nations Unies. Ça, c'est vraiment un

 11   schéma qui s'est répétée en ce qui concernait les enclaves pendant toute la

 12   guerre.

 13   Q.  Donc vous avez parlé aussi du fait que vous aviez essayé de rentrer

 14   dans Cerska en février 1993. La situation était-elle identique en ce qui

 15   concerne Cerska ?

 16   R.  Nous savions qu'il y avait une enclave à Cerska. Nous savions qu'ils

 17   n'avaient pas reçu grand-chose en ce qui concerne l'aide humanitaire. Le

 18   HCR et Larry Hollingworth, le type que l'on voit avec la barbe blanche dans

 19   le reportage précédent, voulaient atteindre Cerska, comme ils avaient déjà

 20   atteint Gorazde. C'était l'hiver, il faisait extrêmement froid, ils n'ont

 21   pas réussi à faire passer le convoi, alors qu'il m'avait pourtant dit, On a

 22   tous les papiers, on a les autorisations, on a eu des promesses, qu'il

 23   convient et tout, on devrait y arriver. Et nous étions escortés par, la

 24   Légion étrangère française à cette époque-là, mais on est restés coincés à

 25   Zvornik pendant deux nuits, voire trois nuits. Je ne sais plus très bien si

 26   c'est deux ou trois.

 27   Et de façon très ironique, on s'est rendus compte à ce moment-là que

 28   Cerska est tombée aux mains des forces serbes, et c'est les forces serbes


Page 10131

  1   qui nous ont emmenés voir les conséquences de tout ça. Ils nous ont dit,

  2   par exemple, qu'ils avaient déterré des corps qui étaient, en fait, des

  3   corps de Serbes morts. Ils nous ont montré aussi des pièces de métal et ont

  4   dit que les Serbes avaient été enchaînés à ces pièces de métal. Moi,

  5   j'avais l'impression que c'était un grillage et rien d'autre, ou un poteau

  6   de grillage, mais enfin bon. Donc on était assez sceptiques. Mais l'ironie,

  7   en fait, c'est que le HCR voulait rentrer dans l'enclave et n'a pu rentrer

  8   dans l'enclave que quand celle-ci est tombée aux mains des Serbes et des

  9   militaires.

 10   Q.  Parlons de la chute de Cerska. Savez-vous ce qui est arrivé en fin de

 11   compte à la population civile qui habitait dans Cerska ? Que leur est-il

 12   arrivé ?

 13   R.  Je ne suis pas très au courant. Je ne le sais pas dans les détails. Je

 14   pense que ceux qui ont réussi à survivre ont dû quitter la région.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais maintenant vous montrer une autre

 16   vidéo, la pièce 65 ter 40349T, qui, si je ne m'abuse, remonte au mois

 17   d'avril 1993. J'aurai quelques questions à vous poser ensuite.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous souhaitez verser au dossier la

 19   pièce précédente ?

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] J'allais le faire tout ensemble. Mais oui,

 21   Monsieur le Président, effectivement. 45372B.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela deviendra la pièce P2079.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Le journaliste : Toute tentative d'évacuation des civils de Srebrenica

 26   jusqu'à présent s'est terminée dans le chaos. Des gens désespérés se sont

 27   précipités vers les camions des Nations Unies. Les plus faibles ont été

 28   tués dans la mêlée. Mais le HCR semble penser qu'il y a une meilleure


Page 10132

  1   méthode. Le HCR a dit qu'il avait 60 camions qui attendaient, le plan étant

  2   d'en amener 20 dans la ville chaque jour, en partie chargés de nourriture.

  3   Lorsqu'ils repartiront, ils évacueront entre 1 000 et 1 500 personnes. Le

  4   HCR espère pouvoir sauver quelque 15 000 personnes, un peu moins que la

  5   moitié de la population de la ville. Le HCR nie le fait qu'ils sont en

  6   train d'aider la politique serbe de nettoyage ethnique.

  7   L'intervenant : Les gens que nous évacuons de Srebrenica ont déjà fait

  8   l'objet de nettoyage ethnique parce qu'ils viennent de zones qui sont

  9   tombées sous le contrôle serbe. Ce ne sont pas des gens de Srebrenica. Ce

 10   sont des réfugiés qui sont arrivés…

 11   Le journaliste : Des villages alentour…

 12   L'intervenant : Des villages et aussi de Konjevic Polje, des zones qui sont

 13   tombées sous le contrôle serbe il y a 15 jours.

 14   Le journaliste : Les Serbes, qui entourent Srebrenica et qui contrôlent les

 15   entrées et venues, semblent accélérer leurs offensives dans la zone. Les

 16   travailleurs internationaux pensent que la chute de la ville n'est qu'une

 17   question de temps et que la population civile doit absolument être évacuée

 18   avant que cela ne se passe. Les 48 heures suivantes, d'après le HCR, seront

 19   absolument cruciales."

 20   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 21   Mme EDGERTON : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce reportage, Monsieur Bowen ?

 23   R.  Oui, absolument.

 24   Q.  Est-ce que cela vous permet de mieux vous souvenir du sort de la

 25   population civile de Cerska ?

 26   R.  Oui, oui, parce que vous avez la déclaration du responsable des Nations

 27   Unies, la personne qui avait cette chemise, cette cravate et cette veste

 28   élégante, qui avait dit qu'il y en avait beaucoup qui étaient allés à


Page 10133

  1   Srebrenica, qui étaient passés par les champs et par les collines, et qui

  2   sont arrivés ainsi.

  3   Q.  Est-ce que vous savez -- il y a ce film avec les civils qui arrivent

  4   dans des camions; d'où il vient ?

  5   R.  Nous l'avons reçu d'une agence. Je ne me souviens plus de son origine

  6   précise. Moi, je n'étais pas moi-même à Srebrenica, donc je dois dire que

  7   je n'ai pas participé au film fait sur Srebrenica. Il était très difficile

  8   d'arriver dans Srebrenica. Je pense qu'il n'y a qu'un journaliste qui a

  9   réussi à le faire pendant la guerre, un seul. Mais je dirais que pendant

 10   cette période, il y avait quand même pas mal d'entrées, d'allées et de

 11   venues avec le HCR. Il y a des photos qui ont été faites, comme vous l'avez

 12   vu, et ce qui est important de savoir, c'est qu'à Srebrenica, il y avait

 13   une grosse population. Il y avait environ 30 000 civils.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que cela pourrait être la prochaine

 15   pièce de l'Accusation, 40349T ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2080, Monsieur le

 18   Président.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Bowen, j'aimerais maintenant vous dire que dans votre

 21   déclaration écrite vous faites référence à la chute de l'enclave de

 22   Srebrenica en 1995, bien que vous ayez présenté votre reportage depuis

 23   Sarajevo. J'aimerais maintenant vous -- il s'agit du paragraphe 68 de votre

 24   déclaration écrite. Et j'aimerais maintenant vous diffuser certains de ces

 25   reportages, le premier qui sera le document de la liste 65 ter 45372C.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Le journaliste : Les forces de maintien de la paix néerlandaises, qui, de


Page 10134

  1   fait, sont des prisonniers, n'ont pu que regarder les soldats serbes de

  2   Bosnie, ce qu'ils faisaient pour les caméras, et qui distribuaient du

  3   chocolat. Le général Ratko Mladic, commandant en chef de l'armée serbe de

  4   Bosnie, s'est adressé à la foule. N'ayez pas peur, leur a-t-il dit, les bus

  5   vont vous emmener sur le territoire musulman, d'abord les femmes et les

  6   enfants. Personne ne va vous faire de mal. Une foule de femmes et d'hommes

  7   âgés l'ont remercié, alors qu'il se déplaçait. Aujourd'hui, il s'agit de

  8   nettoyage ethnique. Quelque 30 000 personnes, quasiment toutes musulmanes,

  9   sont prises au piège dans l'enclave. Ce soir, les photos ne montrent aucun

 10   homme musulman en âge de porter les armes. Les Nations Unies disent que

 11   tous les hommes ayant plus de 16 ans sont en train d'être interrogés,

 12   soupçonnés d'être criminels de guerre. Des actions ont été organisées

 13   contre les terroristes musulmans et continuent. C'est ce que Radovan

 14   Karadzic a indiqué. Les menaces de la communauté internationale n'ont aucun

 15   sens pour nous. Si l'OTAN attaque, nous devons nous défendre. Il dit que si

 16   les Musulmans à Zepa et Gorazde et autres lieux sûrs en Bosnie orientale,

 17   il ne faut pas qu'ils abandonnent leurs armes, les Serbes doivent attaquer.

 18   Pour ce qui est des autres qui quittent Srebrenica, il a indiqué, en fait,

 19   que personne n'était absolument forcé de partir. Radovan Karadzic, le chef

 20   des Serbes de Bosnie, était dans le studio. Et comme il le dit, c'est le

 21   dernier des exemples de la supériorité du peuple serbe. Il dit que les

 22   menaces de la communauté internationale ne veulent rien dire pour eux. Il

 23   faut qu'on se défende, et qu'à Sarajevo et à Srebrenica, ils doivent

 24   quitter les lieux. Et s'agissant des gens qui ont quitté Srebrenica, il a

 25   déclaré que personne ne les obligeait à partir."

 26   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 27   Mme EDGERTON : [interprétation]

 28   Q.  Alors, est-ce que vous le reconnaissez, Monsieur Bowen ?


Page 10135

  1   R.  Oui, c'est un reportage. Nous avons perdu une partie du son. C'était un

  2   reportage de Pale, et c'est des images qui nous ont été véhiculées par la

  3   télévision de Pale. J'étais à Sarajevo lorsque Srebrenica est tombée et,

  4   techniquement parlant, nous avons pu suivre les rediffusions de la

  5   télévision de Pale et suivre la façon dont ils ont diffusé. Nous l'avons

  6   fait d'ailleurs. Et comme je l'ai déjà indiqué, cela explique l'origine des

  7   prises de vue qu'on vient de voir. Ça se trouve au début du clip qu'on a

  8   vu.

  9   Q.  Vous nous avez dit que sur les images ici on ne voyait de jeunes

 10   hommes. Est-ce que vous y attribuez une importance   quelconque ?

 11   R.  Bien sûr que j'y attribue de l'importance, parce que cela voulait dire

 12   qu'on les avait emmenés quelque part, soit en tant que prisonniers de

 13   guerre ou ils ont fait l'objet d'une procédure autre. Mais ils ont laissé

 14   entendre que ces gens ont été interrogés. J'ai demandé à essayer de trouver

 15   des traces qui indiqueraient ce que je supposais. Sur ces images, on ne

 16   pouvait pas voir d'hommes en âge de combattre, donc j'ai considéré que cela

 17   était suffisamment important pour être mentionné dans mon rapport.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais qu'on nous passe maintenant la

 20   pièce suivante, 45372E.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous donner la

 22   date de ce rapport, Monsieur Bowen ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je ne peux pas vous donner cette date

 24   exacte. Je crois que c'était en juillet 1995. En été 1995. Je ne me

 25   souviens pas de la date de la chute de l'enclave de Srebrenica, mais ce

 26   reportage a dû être fait quelques jours après la chute proprement dite,

 27   parce qu'il a fallu une journée ou deux pour que les images soient

 28   envoyées.


Page 10136

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc je suis plutôt sûr que cela doit être une

  3   date dans le mois de juillet 1995.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Le journaliste : Deux mille cinq cents réfugiés se trouvent être

  7   rassemblés à l'aéroport de Tuzla. Ils sont déshydratés et épuisés. Les

  8   Nations Unies n'ont plus de place pour eux et ne peuvent leur proposer

  9   qu'une assistance de base. Ce qui nous préoccupe toutefois, c'est que dans

 10   les journées à venir, il va falloir trouver des aliments et abris pour

 11   quelque 40 000 autres, une fois que les Serbes auront complété leur

 12   nettoyage ethnique dans ce qu'ils ont considéré devoir constituer une zone

 13   sûre de Srebrenica. Ce sont tous pratiquement des femmes et des enfants.

 14   Leurs maris, frères et pères sont laissés derrière, et ce, pour être

 15   interrogés en tant que suspects de crimes de guerre."

 16   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 17   Mme EDGERTON : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce reportage ?

 19   R.  Oui. Je n'en suis pas tout à fait certain, mais il me semble que cela

 20   date de l'époque où nous avons été à Tuzla pour essayer de voir ces

 21   réfugiés.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que ce soit versé au dossier.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce seront les pièces P2081 et P2082.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous allons verser au dossier des

 27   vidéos faites par d'autres à des endroits où M. Bowen n'était pas présent,

 28   mais là on a des interprétations de ce qu'il a vu ou ce qu'il nous a


Page 10137

  1   montré. Ce que je voudrais savoir, donc, c'est l'identité de ceux qui ont

  2   pris ces vues. Est-ce que nous sommes en train de verser au dossier des

  3   interprétations faites par M. Bowen ou des vidéos faites par lui-même ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous ai pas très bien suivi,

  5   Monsieur Karadzic.

  6   Vous ne contestez pas le fait que ce soit là des reportages faits par

  7   M. Bowen, mais vous voulez savoir qui est-ce qui a pris ces vues; vous ai-

  8   je bien compris ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai cru comprendre que M. Bowen était en train

 10   de nous dire qu'il avait obtenu des vues de la part d'autres agences et il

 11   les a agrémentées de commentaires à lui pour les envoyer à des fins de

 12   diffusion. Donc je voudrais que Mme le Procureur tire la chose au clair

 13   afin que je n'aie pas à dépenser sur mon temps là-dessus. Et ensuite, je

 14   vais avoir éventuellement des observations ou objections à formuler pour ce

 15   qui est de leur versement au dossier.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Je n'ai pas, en réalité, parfaitement bien

 18   compris, Monsieur le Président. Parce que lorsqu'il s'agit du premier clip,

 19   le P2081, M. Bowen a dit clairement qu'ils ont repris des vues prises par

 20   la télévision de Pale. Pour le deuxième clip, M. Bowen a dit qu'ils étaient

 21   allés à Tuzla et que c'était un film qu'ils avaient tourné eux-mêmes.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre.

 23   Est-ce que vous pouvez ajouter autre chose, Monsieur Bowen ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je crois me souvenir que nous avons été

 25   dans ce tunnel qu'on a pu voir sur les images et que des gens étaient en

 26   train de passer par ce tunnel. Et nous sommes allés à Tuzla parce que nous

 27   avions considéré importante la possibilité d'obtenir des témoignages de

 28   première main de gens qui étaient venus de Srebrenica, parce que, vous


Page 10138

  1   savez, géographiquement parlant, il n'y a pas une distance très grande

  2   entre Srebrenica et Tuzla. Les gens ont parcouru cette distance à pied.

  3   Alors, pour ce qui est de l'origine de ces images, j'ai considéré que les

  4   choses étaient tout à fait claires pour ce qui est de l'origine de ces

  5   prises de vues. Comme j'ai déjà dit, le matériel en provenance de la

  6   télévision des Serbes de Bosnie, nous l'avions enregistré directement pour

  7   rebalancer vers nos bureaux de télévision à Sarajevo.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Bowen.

  9   Alors, je ne vois pas où est le problème pour ce qui est d'un versement au

 10   dossier de ces images. Est-ce que vous avez d'autres questions à évoquer,

 11   Monsieur Karadzic ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a des vues de 1993 qui ont été reprises

 13   auprès d'une autre agence. J'aimerais savoir véritablement à quoi M. Bowen

 14   a assisté, quels sont ses documents, et non pas quels sont les commentaires

 15   qu'il a faits sur des vues prises par autrui.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est un point que vous devrez explorer

 17   à l'occasion de votre contre-interrogatoire.

 18   Madame Edgerton, veuillez continuer.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Monsieur Bowen, suite à vos reportages relatifs à la chute de

 21   Srebrenica, auriez-vous fourni des reportages au-delà de celui-ci pour ce

 22   qui est des enclaves situées à l'est ?

 23   R.  Il me semble avoir fait aussi un reportage au sujet de Zepa. Enfin,

 24   vous savez, l'obtention des informations se passait difficilement. Nous

 25   n'avons pas eu la possibilité de voyager. Nous avions formulé deux demandes

 26   auprès de la chancellerie des Serbes de Bosnie pour pouvoir nous déplacer

 27   et fournir des rapports de première main, mais nous n'avons pas obtenu des

 28   réponses positives. Les informations nous parvenaient de la part d'amateurs


Page 10139

  1   radio situés à Sarajevo. Nous avons également disposé de déclarations en

  2   provenance du gouvernement de Sarajevo. Haris Silajdzic venait souvent à la

  3   station de télévision, il s'entretenait avec nous, et à l'époque de

  4   Srebrenica, il est venu à la télévision pour exprimer sa très grande

  5   préoccupation au sujet de ce qui était en train de se produire. Et nous

  6   obtenions également des informations de la part de la FORPRONU, parce que

  7   là-bas il y avait des membres du Bataillon néerlandais des Nations Unies

  8   qui nous communiquaient des informations. Je suis certain du fait que

  9   certaines des informations nous avaient été véhiculées par des gens de la

 10   FORPRONU situés à Sarajevo qui avaient exprimé la plus grande des

 11   préoccupations au sujet de ce qui était en train de se produire là-bas.

 12   Devant les caméras, ils n'ont peut-être pas parlé de façon si franche et

 13   ouverte, mais au-delà des sections filmées, ils ont exprimé des

 14   préoccupations très fortes par le fait de ne pas avoir pu protéger la

 15   population de Srebrenica. Ils étaient très préoccupés également de ce qui

 16   était en train de se passer au sujet des hommes qui étaient en âge de

 17   combattre.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Vous avez dit, me semble-t-il, dans une

 19   première phrase de ce 65 ter 45372, au sujet de ce que vous avez dit tout à

 20   l'heure concernant Zepa. Alors, à cet effet, j'aimerais qu'on nous passe

 21   cette vidéo.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Le journaliste : La prise de Zepa est le dernier des triomphes

 25   militaires du général Mladic. Il y a quelques jours, la télévision des

 26   Serbes de Bosnie a montré des images de ce qui était censé être des

 27   négociations de reddition pour illustrer que les Serbes avaient pris

 28   l'enclave. Les Nations Unies ont indiqué que cela a été fait à la date où


Page 10140

  1   le Tribunal de La Haye a accusé Radovan Karadzic, le leader des Serbes de

  2   Bosnie, pour génocide et crimes de guerre. Ces deux hommes sont censés être

  3   responsables d'atrocités commises à l'encontre de civils et pour ce qui est

  4   de la prise d'otages parmi le personnel des Nations Unies. Mais

  5   indépendamment de cela, les Nations Unies ont continué à négocier avec eux

  6   aux fins de sauver les civils de Zepa.

  7   L'intervenant : Nous allons obtenir une décision de la part des Nations

  8   Unies à New York, j'en suis certain. Entre-temps, nous avons pris position

  9   pour dire qu'il valait mieux continuer le dialogue plutôt que de les couper

 10   du reste du monde.

 11   Le journaliste : Haris Siladzic, le premier ministre de Bosnie, a demandé

 12   aux gouvernements occidentaux d'en faire plus au sujet des crimes de

 13   guerre.

 14   Haris Silajdzic : Un génocide est en train de se produire en Bosnie-

 15   Herzégovine. Le problème, c'est que les gouvernements occidentaux ne

 16   veulent pas reconnaître ce fait et ne pas évoquer de génocide en

 17   application des conventions de Genève, parce que cela impliquerait

 18   certaines responsabilités, certaines obligations à leur égard eux aussi.

 19   Le journaliste : Pour éviter la répétition de scènes de ce type, celles qui

 20   ont suivi notamment la chute de Srebrenica pour ce qui est donc de protéger

 21   les réfugiés de Zepa, les Nations Unies ont des éléments de preuve

 22   documentés pour ce qui est des attaques contre les réfugiés de Srebrenica

 23   par les soldats serbes, et cela va être véhiculé vers le Tribunal pénal

 24   international.

 25   L'intervenant : Un certain nombre de personnes interviewées nous dit

 26   avoir vu entre six ou dix cadavres de personnes exécutées avec des gorges

 27   coupées. Les gens qui ont été évacués dans des convois ont fait également

 28   des déclarations au sujet des jeunes femmes qui ont été, par la force,


Page 10141

  1   emmenées par des soldats serbes.

  2   Le journaliste : A Zenica, en Bosnie centrale, les Nations Unies sont

  3   en train de prévoir des approvisionnements pour éviter une catastrophe

  4   humanitaire. Ils espèrent être prêts pour ce qui semble être tout à fait

  5   certain, à savoir un afflux énorme de réfugiés de Zepa. Et compte tenu de

  6   la présence de troupes françaises au côté de Britanniques au mont Igman sur

  7   la hauteur de Sarajevo, la sécurité se trouve être améliorée. Les Bosniens

  8   s'attendent à ce que les soldats étrangers en fassent de même pour eux. Une

  9   fois que Zepa est tombée, suivant des enclaves est celle de Bihac. Il est

 10   probable que les Nations Unies trancheront sur ce qu'il conviendra de

 11   faire, et c'est là que l'on verra un test de volonté des Nations Unies, au

 12   sens véritable du terme.

 13   Jeremy Bowen, BBC News, Sarajevo."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce rapport ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  S'agissant de ces reportages, rapports et autres que nous avons déjà eu

 19   l'occasion de voir dans le courant de votre témoignage aujourd'hui, pouvez-

 20   vous nous donner une idée des secteurs couverts pour ces diffusions de la

 21   BBC ?

 22   R.  Eh bien, ça s'est passé avant qu'il y ait diffusion par satellite, tel

 23   que cela est le cas fréquemment aujourd'hui. Notre public était pour

 24   l'essentiel celui qui suivait les nouvelles de la BBC sur le plan national.

 25   Je crois qu'en 1995, BBC World était à ses débuts. Je dois vérifier la

 26   chose, ils en étaient en langes pour ce qui est de l'année 1995. On a pu

 27   voir cela à des stations de télévision locales. Il est possible que des

 28   stations de télévision aient pu reprendre des émissions par satellite pour


Page 10142

  1   pouvoir les rediffuser elles-mêmes, mais ça n'a pas pu être fait suivant un

  2   mode régulier. Nos reportages et les reportages des autres postes de

  3   télévision ont été enregistrés par différentes stations de télévision pour

  4   des fins de rediffusions par la suite. Pendant l'année 1991, pendant la

  5   guerre en Croatie, je me souviens d'avoir visiter Borovo Selo, où des

  6   Serbes s'étaient battus contre des Croates qui les avaient encerclés. Ils

  7   étaient très suspicieux à notre égard, parce qu'ils avaient vu ce que

  8   j'avais filmé et ce qui avait été rediffusé par la télévision serbe. Ils ne

  9   comprenaient pas l'anglais, mais ils n'ont pas aimé les images qui ont été

 10   diffusées. Au bout de quelques jours, j'ai pu gagner leur confiance, une

 11   fois qu'ils ont vu un reportage autre qui a été rediffusé et qui leur a

 12   beaucoup plus plu. C'était le modèle qui était en place pendant toute la

 13   guerre en Bosnie, parce qu'il y avait des reportages de la BBC, de la CNN,

 14   et autres qui étaient rediffusés localement, ça et là, pas tous les soirs.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 16   J'aimerais que cette pièce soit également versée au dossier, à savoir le 65

 17   ter 45372F.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Monsieur Bowen, est-ce que vous

 19   vous souvenez ou est-ce que vous reconnaissez l'endroit où M. Karadzic

 20   était en train de prendre ce verre d'alcool ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas sur les lieux lorsque cela a

 22   été filmé.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que cela a été filmé par la

 24   télévision serbe ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons repris ces images. On les a filmées

 26   dans notre programme et on les a rajoutées aux reportages en provenance de

 27   Srebrenica. Nous avions filmé leurs nouvelles tous les soirs, parce que

 28   nous voulions nous procurer des images intéressantes. A 99,9 % je suis


Page 10143

  1   certain de la provenance à partir de cette source, parce que le Dr Karadzic

  2   a souvent été filmé pour la télévision serbe de Bosnie. Ils avaient des

  3   équipes de télévision qui le suivait à toutes sortes d'événements publics

  4   de ce type, et c'est partant de là qu'on obtenait ce matériel filmé, parce

  5   que nous n'avions pas accès au lieu où il se déplaçait et qui était

  6   contrôlé par les Serbes de Bosnie.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   Ce sera versé au dossier cela deviendra la pièce P2083.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 10   Dernier volet, Monsieur Bowen.

 11   Dans votre déclaration écrite, paragraphes 70 et 71, vous faites référence

 12   à des réunions avec les dirigeants des Serbes de Bosnie, et en particulier

 13   une réunion avec le Dr Karadzic et le général Mladic à Genève. A cet effet,

 14   je voudrais qu'on nous passe le 65 ter 40349U, s'il vous plaît.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Le journaliste : Ce soir, le leader des Musulmans, Alija Izetbegovic, a

 18   montré sa fatigue après une première réunion avec les Serbes de Bosnie

 19   depuis le début de la guerre. Il y en aura plus à dire demain.

 20   Etes-vous encore optimiste ?

 21   Alija Izetbegovic : Les négociations vont commencer demain. Peut-être. Je

 22   me dois d'être optimiste.

 23   Le journaliste : A un kilomètre d'ici, le leader des Serbes de Bosnie,

 24   Radovan Karadzic, est en train de passer la soirée avec ses conseillers les

 25   plus proches pour ce qui est de dresser une carte.

 26   Radovan Karadzic : Ceci est un début, ce n'est pas une carte finale, il

 27   nous faut corriger les choses…

 28   Le journaliste : Ils sont en train de se pencher sur une carte de la


Page 10144

  1   Bosnie, de façon à la décentraliser. C'est considéré comme étant vital pour

  2   ce qui est des négociations. Aucune des parties en présence ne l'a accepté.

  3   M. Karadzic a dit que les Musulmans ne l'accepteraient jamais.

  4   Radovan Karadzic : Ils sont en train d'espérer l'intervention militaire.

  5   Ils espèrent que la communauté internationale viendra les aider à établir

  6   un Etat islamique en plein milieu de l'Europe. C'est ce que M. Izetbegovic

  7   est en train de penser.

  8   Le journaliste : Le généralement Ratko Mladic, le commandant des militaires

  9   serbes, a montré quels étaient les crimes commis par les Musulmans et les

 10   Croates à l'égard de civils serbes. Il n'y a là ni bonne volonté ni

 11   confiance."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Monsieur Bowen, la vidéo qu'on vient de voir, est-ce que c'est une

 16   vidéo de l'interview effectuée avec le Dr Karadzic à laquelle vous faites

 17   référence aux paragraphes 70 et 71 de votre déclaration écrite ?

 18   R.  Oui, c'est le cas. J'ai arrangé une rencontre avec le Dr Karadzic et le

 19   général Mladic dans une suite qu'ils avaient utilisée à l'hôtel

 20   Intercontinental à Genève. Et cette brève scène filmée avec le président

 21   Izetbegovic, ça a été filmé à l'hôtel Président de Genève, où se trouvait

 22   installée sa délégation. C'est nous qui avons filmé ces vues aux deux

 23   reprises.

 24   Q.  Une fois que vous avez vu les photos qui nous ont été montrées dans ce

 25   reportage vidéo, est-ce que vous avez posé des questions ou fait des

 26   commentaires auprès du Dr Karadzic ?

 27   R.  Oui. Il a montré des images de corps exhumés de fosses variées, qui

 28   étaient plutôt en mauvais état, mais il est clair que la plupart de ces


Page 10145

  1   corps portaient des uniformes verts, avec de grosses bottes. Cela m'avait

  2   l'air d'avoir été des soldats. Il m'a dit : Non, ce sont des fermiers

  3   serbes qui portaient des vêtements verts et de grosses bottes. Il a affirmé

  4   que c'était des civils. Il m'a donné une vidéo similaire sur enregistrement

  5   VHS pour que je puisse l'emporter.

  6   Q.  Est-ce que vous avez prêté foi à ce qu'il vous a dit ?

  7   R.  Eh bien, il était clair que c'était des personnes mortes qu'on voyait.

  8   J'ai considéré que c'était des hommes en âge de combattre, qu'ils étaient

  9   vêtus de ce qui semblait avoir été des uniformes militaires, il m'avait été

 10   difficile de croire que c'était des civils.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 12   Je voudrais demander à ce que ce soit versé au dossier, comme pièce

 13   de l'Accusation.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2084, Monsieur le

 16   Président.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 18   Ceci met un terme à mon interrogatoire au principal.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Edgerton.

 20   Monsieur Karadzic, il est temps pour que vous procédiez au contre-

 21   interrogatoire de ce témoin. Mais étant donné l'heure qu'il est, si vous le

 22   souhaitez, nous pouvoir faire une pause maintenant.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, c'est bon pour moi.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors si c'est bon pour vous, on va

 25   faire une pause.

 26   Nous allons faire une pause pour une demi-heure, et nous allons reprendre à

 27   12 heures 55.

 28   --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.


Page 10146

  1   --- L'audience est reprise à 13 heures 00.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A vous, Monsieur Karadzic.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Bonjour à tous et à toutes.

  5   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.

  7   R.  Bonjour.

  8   Q.  Je commencerai, si vous le voulez bien, par la toute dernière des

  9   vidéos. Je suis reconnaissant à son Excellence M. le Juge Kwon de vous

 10   avoir posé la question de cette rencontre que vous avez eue avec moi. A

 11   quelles fins avez-vous mis ce clip-là dans votre reportage relatif à Zepa ?

 12   R.  Est-ce que vous êtes en train de vous référer, Monsieur, à la situation

 13   où vous avez, sur le terrain, trinqué à la santé de ces gars ?

 14   Q.  Oui.

 15   R.  Nous avons utilisé ce clip parce que nous avons eu besoin de votre

 16   image. Vous étiez dans un environnement rural, et je pense que de façon

 17   visuelle, ça s'enchaînait bien sur ce que le général Mladic a fait

 18   lorsqu'il a trinqué avec des gens avec qui il avait négocié. Je crois que

 19   cela traduisait l'impression générale. Et je pense que cela a été, en même

 20   temps, diffusé par la télévision de Pale.

 21   Q.  Est-ce que vous pensez que c'est équitable à l'égard de vos

 22   spectateurs, et encore moins des Juges de la Chambre, de faire une

 23   association d'idées entre deux événements qui se sont produits à un mois

 24   d'écart et à des endroits très différents ? Parce que vous avez pu le

 25   comprendre partant de ce qu'a diffusé la télévision de Pale. Ça, c'est le

 26   début des moissons, début juillet. Je suis en train de féliciter les gens

 27   pour le début des moissons, et vous avez diffusé cela à la mi-juillet pour

 28   ce qui est des événements de Zepa. Je comprends que vous vouliez parvenir à


Page 10147

  1   un effet, mais ça, on parle d'éléments pénaux en matière de droit. Est-ce

  2   que vous pensez que c'est équitable à l'égard de tout un chacun que de

  3   monter les choses de la sorte ?

  4   R.  Oui, je pense que cela a été équitable. Je ne sais pas s'il s'est

  5   écoulé un mois entre les deux clips vidéo. Je dois vous croire sur parole,

  6   si vous le dites. Mais si vous voulez laisser entendre qu'il y avait

  7   quelque chose de péjoratif à vous montrer en train de trinquer à la santé

  8   des paysans, moi, je n'ai pas de problème à ce sujet. Je ne vois pas où est

  9   la difficulté, et je ne pense pas que les spectateurs aient un problème

 10   avec cela. Je crois que cela a été des images plus intéressantes en train

 11   de vous montrer avec des paysans plutôt que de vous montrer à votre bureau

 12   ou à la table de votre bureau. Et je ne pense pas que cela ait été

 13   inéquitable à votre égard pour ce qui est des fonctions qui étaient les

 14   vôtres à l'époque.

 15   Q.  Moi, je comprends votre souci pour vos spectateurs, vous voulez leur

 16   faire plaisir. Mais vous laissez entendre que le fait de trinquer avait

 17   quelque chose à avoir avec la prise de Zepa. Vous avez établi une

 18   corrélation entre les deux. Est-ce que ceci se trouve être admissible et

 19   être équitable ?

 20   R.  Je ne pense pas être allé trop loin entre les deux. Je ne pense pas

 21   qu'il y a là un message politique. On voit quelqu'un en train de trinquer à

 22   une occasion et à un endroit et quelqu'un d'autre à un autre endroit. Je ne

 23   pense pas qu'il y ait eu volonté d'établir un lien. Je pense que vous

 24   alliez féliciter le général Mladic de la façon dont il avait conduit les

 25   négociations avec ces gens. Les images étaient claires. On vous a montré

 26   avec des paysans, et on a dit que c'était au début de la moisson. Alors, je

 27   n'ai pas eu cette impression partant des images ainsi diffusées. Je n'ai

 28   pas du tout eu l'intention de générer ce type d'impression. Et j'espère que


Page 10148

  1   dans toutes les années où j'ai fait des reportages, j'ai été le plus

  2   équitable possible, parce que je n'avais aucun intérêt à m'efforcer d'être

  3   injuste à l'égard de quiconque.

  4   Q.  Merci. Etant donné que notre temps est limité pour les fins de ce

  5   contre-interrogatoire, je m'efforcerais de poser des questions des plus

  6   précises pour que vous puissiez répondre par des oui ou par des non, bien

  7   entendu, lorsque vous le voudrez bien, afin que je n'aie pas à demander du

  8   temps complémentaire pour mon contre-interrogatoire.

  9   Alors, je voudrais commencer aussi par cet avenant à votre déclaration qui

 10   se rapporte à ces coups de feu tirés en direction des enfants qui se

 11   trouvaient à bord d'un autocar. Vous dites :

 12   "Je ne puis que supposer qu'à l'époque j'aie été mal informé au sujet

 13   du site de l'attaque."

 14   Vous, vous n'étiez pas à bord de cet autocar, n'est-ce pas ?

 15   R.  A l'époque de l'attaque, non, je n'étais pas à bord de l'autocar. Et je

 16   ne pense pas avoir laissé entendre chose pareille dans mon reportage. Je

 17   n'ai pas pu être à bord de cet autocar, parce que l'attaque s'est produite

 18   une fois que l'autocar a quitté le territoire contrôlé par les autorités

 19   bosniennes.

 20   Q.  Je voudrais d'abord que nous nous penchions -- je veux bien croire que

 21   vous avez pu être désinformé, parce que vous êtes d'accord avec moi pour

 22   dire que pendant la guerre, il y a toutes sortes d'astuces, de trucs de

 23   montés, de désinformation pour ternir l'image de la partie adverse; vous

 24   êtes d'accord avec moi pour le dire, ça ?

 25   R.  Je pense que ce type de ruses sont utilisées en temps de guerre, oui.

 26   Mais dans le cas particulier -- du moins, en ce qui me concerne, il n'y a

 27   pas de contestation au sujet de ce qui s'est produit, c'est-à-dire le car

 28   s'est fait tirer dessus une fois qu'il a quitté le territoire contrôlé par


Page 10149

  1   le gouvernement de Bosnie et deux enfants à son bord ont été tués. Les

  2   éclaircissements que j'ai mentionnés en début de matinée, c'est qu'au

  3   niveau du site des tirs, l'information n'a pas été clairement indiquée et

  4   le reportage n'a pas été diffusé. Mais si vous l'aviez vu, vous auriez pu

  5   voir que j'étais debout à côté du bâtiment du journal "Oslobodjenje" à

  6   Sarajevo, et ça n'a pas été le site des tirs puisque c'était un territoire

  7   contrôlé par le gouvernement de Bosnie. Nous avons obtenu des images

  8   claires, en plus des témoignages de la part de gens disant que le car était

  9   parti de là, qu'il avait descendu le long de la route, qu'il avait traversé

 10   un poste de contrôle tenu par les effectifs du gouvernement de Bosnie, et

 11   il y a eu des images montrant ce "check-point". Donc il n'y a aucune ruse à

 12   cet effet du point de vue d'une désinformation du public pour ce qui est du

 13   site occupé par ceux qui ont tiré. C'est ce que j'ai voulu porter à

 14   l'attention des Juges de la Chambre.

 15   Q.  Bon. Je voudrais savoir quelles ont été vos sources d'information. On y

 16   arrivera à ce que vous venez de dire. Alors, vous n'avez pas été présent

 17   directement ? Qui est-ce qui vous a informé, en sus de Silajdzic, que vous

 18   indiquez comme étant votre source à plusieurs endroits, et les civils

 19   mêmes, et ainsi de suite ? Donc d'où avez-vous tiré vos informations que

 20   vous avez par la suite rendues publiques ?

 21   R.  Mais comme vous le saurez très certainement, les journalistes ne

 22   communiquent jamais leurs sources. Mais je peux, en termes très génériques,

 23   non pas parler de personnes individuelles, mais d'endroits où se trouvaient

 24   ces personnes. Avec M. Silajdzic, je faisais référence précisément aux

 25   événements de Srebrenica -- je lui parlais assez régulièrement, d'ailleurs.

 26   Alors, première source d'information, mes yeux, mes propres yeux, qui sont

 27   importants, mais il y avait également une autre source d'information

 28   importante à Sarajevo, les observateurs internationaux, le comité


Page 10150

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 10151

  1   international de la Croix-Rouge, HCR. Nous avions pris langue également

  2   avec des contacts locaux, et dans la mesure où nous le pouvions, lorsque

  3   nous entendions que quelque chose s'était passé, nous essayions d'obtenir

  4   une connaissance directe. Donc là, pour l'incident du bus, j'ai essayé

  5   d'obtenir, de la part des adultes, le récit venant des adultes qui

  6   accompagnaient ces enfants de l'autre côté de la ligne de front. Et eux,

  7   ils m'ont dit qu'ils avaient quitté le territoire contrôlé par le

  8   gouvernement bosnien et qu'ils se déplaçaient sur la route vers Ilidza

  9   lorsque ceci s'est passé.

 10   Q.  Merci. Avez-vous eu la possibilité de vérifier les informations que

 11   vous avez reçues ?

 12   R.  Bien sûr que je les ai vérifiées. En parlant à plusieurs personnes pour

 13   voir si elles avaient toutes le même récit. C'est ainsi que l'on vérifie

 14   les informations. Je suis également allé à la morgue où reposaient les

 15   corps des deux enfants. Je n'ai pas pu entrer dans la morgue, mais mon

 16   caméraman, le caméraman de la BBC, est entré. Ils ne laissaient qu'une

 17   personne entrer. Il a fait des photos de ces corps, et nous avons vérifié

 18   également au niveau des vêtements, par exemple, avec les photos qui avaient

 19   été prises des enfants dans le bus. Et de toute façon, il n'y a absolument

 20   aucun contentieux à ce sujet. Comme je vous l'ai déjà dit, mon problème

 21   c'est que j'ai fait une erreur à propos de la provenance du tir. Mais si

 22   vous regardez le reportage, il est absolument clair que le bus quitte le

 23   territoire sous contrôle du gouvernement bosnien le lendemain -- bien, les

 24   enfants ont été tués le soir. Donc le lendemain matin, j'ai passé beaucoup

 25   de temps à parler aux personnes, soit des personnes de la FORPRONU, du HCR,

 26   donc des internationaux qui avaient reçu des informations. Je pense que

 27   nous avons obtenu le premier élément d'information de la FORPRONU, qui

 28   avait d'ailleurs un bon réseau d'informations de presse. Et puis, il y


Page 10152

  1   avait également une ONG locale qui s'appelait l'Ambassade des enfants, et

  2   c'est eux qui avaient tout organisé. Je leur ai parlé aussi, j'ai obtenu

  3   leur récit également, notamment par exemple les dires de certains des

  4   adultes qui accompagnaient ces enfants qui se sont trouvés dans cette

  5   opération de sauvetage si mal organisée.

  6   Q.  Merci. Nous n'allons pas remettre en question l'incident, à savoir

  7   quelqu'un a tiré sur le bus et deux enfants ont été victimes de cet

  8   incident.

  9   Mais au paragraphe 37, voilà ce que vous dites :

 10   "Je suppose qu'il s'agissait de Serbes qui ont ouvert le feu, étant donné

 11   que le bus venait de la partie contrôlée par le gouvernement des Bosniens."

 12   Pourquoi est-ce que vous avez supposé de la sorte qu'il s'agissait d'

 13   tireurs embusqués serbes ? Sur quelle base vous fondez-vous pour affirmer

 14   cela ?

 15   R.  Parce qu'ils avaient quitté le territoire contrôlé par le gouvernement

 16   bosnien et qu'ils se rapprochaient. Je pense qu'ils étaient dans le no-

 17   man's land et qu'ils étaient tout proche du territoire serbe. C'était un

 18   environnement urbain. Vous savez certainement bien mieux que moi qu'il y

 19   avait des quelques espaces verts, mais ce n'était pas une zone montagneuse

 20   ou une forêt où les gens peuvent se déplacer et se mettre sur une position

 21   à partir de laquelle ils peuvent tirer. Ce que j'entends, c'est qu'ils

 22   avaient quitté le territoire, et de cela, j'en ai été informé par plusieurs

 23   sources. Ils avaient donc quitté le territoire contrôlé par le gouvernement

 24   des Bosniens, et si on utilise un processus d'élimination, on peut dire, en

 25   fait, qu'ils étaient soit sur le territoire contrôlé par les Serbes de

 26   Bosnie ou très proche de ce territoire. Voilà ce que j'ai dit, j'ai dit

 27   qu'il "semblait" -- que les tirs "semblaient venir des positions serbes",

 28   parce que physiquement, matériellement, il aurait été très difficile qu'ils


Page 10153

  1   viennent des positions contrôlées par le gouvernement des Bosniens. Parce

  2   que les tirs -- en fait, l'impact s'est produit au niveau d'un des côtés du

  3   bus. Alors, pour tirer sur le côté d'un bus comme cela, il faut que vous

  4   soyez dans le secteur où se trouve le bus au même moment que le bus. Donc

  5   je l'ai déjà dit, je n'étais pas témoin oculaire de cet incident, mais en

  6   tant que journaliste, je dois vous dire qu'au vu de ce que j'ai vu, au vu

  7   de ce que l'on m'a dit - et cela m'a été dit par plusieurs sources qui

  8   parlaient toutes du même incident - compte tenu de tous ces paramètres,

  9   c'est pour cela que je dis dans ma déclaration de témoin que les balles

 10   semblaient venir de positions serbes.

 11   Q.  Mais est-ce que l'un ou l'autre de vos interlocuteurs ne vous ont

 12   jamais dit que l'enquête avait prouvé que c'était les Serbes qui avaient

 13   tiré ou que c'était le résultat de votre propre évaluation ?

 14   R.  Non, c'est mon évaluation à partir de ce qu'ils m'ont dit. Et je dois

 15   dire que leurs évaluations convergeaient vers la même conclusion

 16   d'ailleurs. Parce que là, je parle de quelques heures après l'incident, et

 17   il n'y avait pas encore eu d'enquête officielle à ce moment-là.

 18   Q.  Et savez-vous ou avez-vous appris si une enquête avait été diligentée

 19   et prouvé que c'était les Serbes qui avaient été responsables ?

 20   R.  Non, je ne l'ai pas fait, je n'ai pas assuré ce suivi. J'aurais peut-

 21   être dû le faire d'ailleurs. Mais souvenez-vous qu'en juillet 1992, il y

 22   avait beaucoup de choses qui se passaient à ce moment-là, et je n'étais pas

 23   là pour faire un documentaire et analyser par le menu cet incident. J'étais

 24   là pour assurer la couverture quotidienne de ces événements. Donc nous

 25   envoyions des éléments d'information à la BBC deux ou trois fois par jour.

 26   Les gens étaient demandeurs de ce type d'information. Donc nous avons filmé

 27   cela, nous avons fait ce reportage, et puis après les événements se sont

 28   tellement précipités que nous sommes passés à autre chose. Je pense que si


Page 10154

  1   la situation s'était calmée, là on aurait peut-être poussé l'enquête. Il y

  2   avait quelque chose d'important qui se passait tous les jours, donc

  3   malheureusement nous ne pouvions pas tout couvrir, et certainement pas

  4   couvrir une enquête de ce style. De toute façon, je m'en tiens à ce que

  5   j'ai déjà avancé, parce que je pense que toutes les informations qui m'ont

  6   été fournies convergent vers cette direction.

  7   Q.  Puisque nous parlons maintenant de votre fonction essentielle,

  8   j'aimerais vous rappeler ce que vous avez dit au paragraphe 6 de votre

  9   déclaration consolidée. Vous dites que vous étiez effectivement sur le

 10   terrain, que vous avez présenté des reportages de nombreux pays. Et vous

 11   dites :

 12   "J'ai essayé dans la mesure du possible d'illustrer ou de montrer comment

 13   la guerre atteignait la population civile plutôt que de présenter des

 14   reportages sur les actes des soldats."

 15   Est-ce bien exact ?

 16   R.  Oui, c'est exact. Car l'une des caractéristiques des guerres au XXe

 17   siècle, et vous pouvez trouver des chiffres à ce sujet -- bon, je n'ai pas

 18   les chiffres à l'esprit, mais si vous prenez les guerres au début du XXe

 19   siècle et à la fin du XIXe siècle, la majorité des personnes qui mouraient

 20   étaient des militaires. Si vous prenez en considération les guerres

 21   actuelles, la majorité des personnes, et cela est valable pour la guerre

 22   qui s'est produite il y a 20 ans dans les Balkans, la majorité ce sont des

 23   civils. Donc je dirais plutôt ils souffrent le plus de ces guerres. Mais

 24   cela est également le miroir qui permet de comprendre comment les guerres

 25   sont menées à bien. Les forces militaires sont en général beaucoup mieux

 26   protégées, et ce sont les civils qui souffrent de ces guerres. Je pense que

 27   c'est une excellente raison qui explique pourquoi ces civils apparaissaient

 28   souvent dans mes reportages.


Page 10155

  1   Q.  Merci. Et justement à ce sujet, Monsieur, donnez-nous une estimation.

  2   Combien de victimes ont péri pendant la guerre en Bosnie?

  3   R.  Ecoutez, je n'ai jamais fait ce calcul. Je sais qu'il y a différentes

  4   estimations qui ont été utilisées à l'époque. Je dirais que, au milieu de

  5   la décennie des années 1990, il était question de quelque 200 000

  6   personnes. Le chiffre a peut-être été révisé, et de toute façon je ne suis

  7   pas une autorité en la matière. Je sais qu'il y a eu plusieurs estimations

  8   qui ont été présentées. Je sais, de par mon exemple ailleurs, et je pense à

  9   l'Irak, qu'il est extrêmement difficile d'évaluer précisément le nombre de

 10   personnes qui périssent pendant la guerre, et ce, si vous prenez une

 11   période assez longue, ou plusieurs années en tout cas.

 12   Q.   Merci. Eh bien, écoutez, j'espère que vous serez d'accord avec moi

 13   pour dire que les Serbes ne sont quand même responsables de ce qui se passe

 14   en Irak. Toutefois, si je vous disais que l'Institut musulman, musulman de

 15   Bosnie, comme il s'appelle, a déterminé qu'il y avait eu 97 000 victimes

 16   pendant cette guerre pour les trois camps, et je vous dirais que les

 17   Bosniens ont livré bataille contre les Serbes, contre les Croates et contre

 18   Abdic, et que, de ce fait, ils ont perdu 40 000 soldats, parce que c'était

 19   le nombre de dispositifs optiques qu'ils avaient utilisés. Donc, je dirais

 20   que le nombre de civils musulmans est trois fois inférieur au nombre de

 21   soldats. Nous avons 30 000 Serbes qui ont été tués. Si vous prenez les

 22   chiffres ensemble avec les Croates, cela nous donne quelque 65 000

 23   personnes dont 40 000 étaient des soldats.

 24   R.  Je ne peux pas répondre à cette question, je ne suis pas un expert en

 25   la matière, comme je l'ai déjà dit, ça, c'est votre interprétation. Je n'ai

 26   pas étudié ces chiffres. D'ailleurs, pendant mes dépositions, je n'ai

 27   jamais parlé du nombre de victimes, je n'ai jamais essayé de jauger le

 28   nombre de personnes mortes. Alors là, je suis désolé, mais je ne peux pas


Page 10156

  1   répondre à votre question.

  2   Q.  Merci. Eh bien, nous allons peut-être revenir à ce paragraphe 6 de

  3   votre déclaration justement. Si - et d'ailleurs c'est très noble de votre

  4   part - si vous vouliez faire des reportages sur la souffrance des civils

  5   par opposition aux actes des soldats, est-ce que vous convenez que vous

  6   auriez peut-être pu condamner la guerre en tant qu'humaniste, mais que vous

  7   ne pouvez pas tirer des conclusions pour déterminer la responsabilité des

  8   différents camps ?

  9   R.  Moi, je suis un journaliste impartial de la BBC. Cette notion de

 10   l'impartialité est, figurez-vous, essentielle au modus operandi de la BBC,

 11   et ce, dans le monde entier. C'est valable pour les Balkans, c'est valable

 12   pour ce que je fais à l'heure actuelle au Moyen-Orient, et je dois en être

 13   conscient constamment. Vous savez, il est parfois très difficile d'être

 14   impartial, mais c'est quelque chose que nous faisons et que nous devons

 15   faire. Il ne m'appartient pas de jeter l'opprobre sur quelconque, essayer

 16   d'être un journaliste impartial ne signifie pas que vous dites : Vous avez

 17   ceci d'un côté, par ailleurs, vous avez cela, et la vérité elle est ici,

 18   non. Si vous voyez un événement, si vous savez que cela s'est passé, il

 19   faut le dire, si ça s'est passé. Lors de ma carrière de reporter, pas

 20   seulement dans les Balkans - bien que les Balkans en soient un excellent

 21   exemple - c'est que parfois, en tant que journaliste, vous dites quelque

 22   chose que l'autre camp n'apprécie absolument pas du tout, et c'est comme

 23   ça, c'est tout, c'est ainsi que les choses se passent.

 24   Personnellement, qu'est-ce que je pense de la guerre; je pense que la

 25   guerre est une chose absolument épouvantable. J'ai vu beaucoup de guerres,

 26   j'ai vu beaucoup de morts. Et ces reportages, ce ne sont pas des reportages

 27   qui présentent mon point de vue personnel. Ces reportages, ils présentent

 28   avant tout la situation des personnes qui se trouvaient sur le terrain.


Page 10157

  1   Q.  Merci. Je suis tout à fait d'accord, la façon dont vous condamnez la

  2   guerre.

  3   Vous avez mentionné que la FORPRONU était souvent une source d'information

  4   pour vous. Est-ce que vous connaissez l'évaluation faite par le commandant

  5   de la FORPRONU qui a indiqué que les médias avaient fait un travail

  6   médiocre et qu'il y avait une grande partialité de la part des médias pour

  7   ce qui était des reportages à propos de la Bosnie, et que cela avait

  8   aggravé la situation ?

  9   R.  Non, je n'étais pas au courant. Il y a eu différents commandants de la

 10   FORPRONU qui ont eu différentes idées sur la façon dont travaillaient et

 11   fonctionnaient les médias. Ils ont droit d'avoir leurs points de vue, si

 12   tels étaient leurs points de vue, eh bien, tels étaient leurs points de

 13   vue. Moi, je ne pense pas que les médias aient aggravé la situation. De

 14   toute façon, nous n'étions pas ce type de protagonistes, là-bas. Nous nous

 15   contentions tout simplement de relayer les événements du mieux que nous le

 16   pouvions, de la façon la plus exacte possible. Moi, je vous parle pour la

 17   BBC, là, je ne vous parle pas des autres agences de presse.

 18   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que la FORPRONU, et d'autres d'ailleurs,

 19   étaient d'avis qu'il y avait certains journalistes qui se contentaient de

 20   rester dans leurs hôtels et qui achetaient, en quelque sorte, de la

 21   propagande musulmane et de la propagande provenant d'autres sources, et se

 22   contentaient de relayer ces éléments d'information comme des informations

 23   provenant d'eux directement ? Est-ce que vous faisiez partie de ces

 24   journalistes ? Est-ce que vous étiez tout simplement à Sarajevo, et que

 25   vous receviez des films filmés par vos équipes ou d'autres agences, que

 26   vous vous contentiez de relayer à la BBC ?

 27   R.  Non, ce n'est absolument pas comme cela que je travaille. Peut-être que

 28   d'autres l'ont fait, peut-être qu'ils existent ces journalistes. Je n'en


Page 10158

  1   sais rien, je ne les connais pas, en tout cas. Comme je vous l'ai dit, moi,

  2   je ne peux pas parler au nom des autres journalistes. Ceux avec qui je

  3   travaillais, mes collaborateurs très proches, ont travaillé très, très dur.

  4   Il y avait quand même une certaine déontologie qui faisait que vous alliez

  5   voir vous-même sur le terrain ce qui se passait. Moi, je n'ai pas tout

  6   simplement été à Sarajevo; je me suis rendu dans de nombreuses régions en

  7   Bosnie-Herzégovine pendant cette guerre. J'ai travaillé d'arrache-pied,

  8   comme je vous l'ai déjà dit ce matin, pour essayer de présenter des

  9   reportages autant que faire se peut pour ce qui était du camp serbe

 10   également, mais malheureusement, ce n'était pas possible, car il y avait

 11   beaucoup de restrictions qui nous étaient imposées par eux. Mais, non, non,

 12   je n'étais pas un journaliste qui se contenait de rester dans son hôtel, et

 13   qui recevait des informations, et puis qui se contentait de les relayer. Ce

 14   n'est pas comme cela que je travaille. Moi, j'ai des normes

 15   professionnelles que je respecte, une certaine fierté professionnelle, et

 16   d'ailleurs je ne travaille jamais comme vous venez de l'indiquer. Et je

 17   pense d'ailleurs, très franchement, que si je l'avais fait, je ne serais

 18   pas encore au service de la BBC de nos jours.

 19   Q.  Merci. Vous aviez une seule équipe qui s'occupait des Serbes et des

 20   Musulmans ou est-ce que vous aviez des équipes différentes ?

 21   R.  Cela dépendait de la situation et cela dépendait de ce qui se passait.

 22   Il y a eu des moments d'activités intenses pendant la guerre où la BBC

 23   avait un certain nombre de journalistes et de caméramans dans plusieurs

 24   endroits. Mais du fait de contraintes budgétaires et des intérêts fluctuant

 25   dans nos reportages ou par rapport à nos reportages, nous avions en règle

 26   générale une équipe le plus clair du temps en Bosnie-Herzégovine, ils se

 27   trouvaient dans différents endroits, d'ailleurs. Il y a certains de mes

 28   collègues qui se sont quasiment spécialisés auprès de l'armée britannique


Page 10159

  1   de la FORPRONU, qui faisaient leurs reportages là-dessus. Moi, je voulais

  2   essayer de comprendre ce qui se passait en Bosnie et en comprenant toutes

  3   les facettes de la situation, donc je n'étais pas particulièrement

  4   intéressé par les soldats britanniques. Ce qui m'intéressait plus, c'était

  5   Sarajevo et d'autres endroits également, autant que je le pouvais, pour

  6   voir ce qui se passait dans les deux camps, et dans tous les camps, dirais-

  7   je, parce que j'ai passé beaucoup de temps avec les Musulmans, les Croates,

  8   et dans la mesure où je le pouvais avec les Serbes également.

  9   Q.  Merci. Avez-vous eu des problèmes lorsqu'il a fallu que vous répondiez

 10   aux exigences de la BBC ? Qu'est-ce que j'entends par exigence, c'est

 11   qu'ils voulaient que vous présentiez des reportages exacts et objectifs à

 12   propos des trois factions belligérantes en Bosnie-Herzégovine. N'avez-vous

 13   jamais eu des problèmes pour ce qui est de cette objectivité, est-ce que

 14   vous avez parfois favorisé en quelque sorte un camp par rapport à l'autre ?

 15   R.  Jamais, je n'ai jamais fait, jamais. En fait, j'ai appris à apprécier

 16   des personnes dans tous les camps. Certes, il y avait une guerre terrible

 17   qui faisait rage, mais je dois dire que pour moi c'était un grand honneur

 18   d'apprendre à connaître non seulement la Bosnie-Herzégovine, mais l'ex-

 19   Yougoslavie. J'ai vraiment apprécié les gens là-bas. J'ai passé beaucoup de

 20   temps avec tout le monde. Mais, vous savez, pour ce qui est des Serbes,

 21   j'ai toujours beaucoup apprécié parler avec eux. J'ai passé du temps avec

 22   eux pour savoir comment ils vivaient. J'ai toujours apprécié trinquer avec

 23   eux, par exemple. Au départ il y avait toujours une certaine méfiance à

 24   notre égard, mais lorsqu'on a su gagner leur confiance, on s'est entendu

 25   très, très bien avec eux. Pour ce qui est de la première partie de votre

 26   question, est-ce que j'ai eu des problèmes à rester objectif, ce qui était

 27   une exigence de la BBC, non, absolument pas. Mais lorsque vous vous trouvez

 28   dans un lieu comme la Bosnie-Herzégovine, en pleine guerre, le problème,


Page 10160

  1   c'est que vous vous trouvez dans une zone de guerre. Donc il y a des

  2   problèmes à essayer d'obtenir des éléments d'information dans un endroit

  3   qui est très dangereux, vous devez donc réfléchir à la façon de sauver

  4   votre peau, la peau de votre équipe également, sans oublier qu'il faut que

  5   vous puissiez comprendre et relayer ce qui se passait sur le terrain.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  7   Alors document 1D2397, c'est un document que j'aimerais vous présenter. Il

  8   s'agit d'un autre rapport qui fait état d'enfants. Nous allons revenir là-

  9   dessus et préciser un peu ce dont vous avez parlé.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, il n'y a pas de son.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous avons un texte, des sous-titres

 15   --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quel est le chiffre, la cote 65 ter

 17   pour cet extrait ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] 45372 quelque chose. J'aimerais juste vous

 19   demander une minute de patience, et je pense que je vais retrouver la cote

 20   exacte.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et pour ce qui est de la cote 1D alors,

 22   quelle est cette cote ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D2397.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] 45372A.

 25   J'ai l'impression que le Dr Karadzic a un problème technique, parce que

 26   nous pourrions probablement diffuser cela en son nom, s'il veut poser des

 27   questions, mais peut-être que le problème technique devrait être réglé par

 28   la régie.


Page 10161

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vois que M. Karadzic semble

  2   opiner du chef, donc c'est ce que nous allons faire.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Journaliste : Le bus est parti pour franchir les lignes de front vers 18

  7   heures 30 hier soir. Les enfants avaient été attachés aux sièges pour

  8   qu'ils ne soient pas ballottés du fait des routes assez accidentées. Les

  9   parents sont des personnes portées disparues ou des réfugiés. L'idée étant

 10   de réunir les familles en Allemagne.

 11   Notre caméraman a pris cette photo du petit Roki Sulejmanovic, qui avait 13

 12   mois, juste avant qu'il ne quitte le bus. Quelques minutes plus tard, Roki

 13   et Vedrana Glavas, qui avait 3 ans, ont été tués par le tireur embusqué.

 14   Ces tirs se sont passés à 200 mètres derrière moi. Il s'agit du tronçon de

 15   route le plus dangereux à Sarajevo, et ils ont choisi l'heure la plus

 16   dangereuse de la journée pour l'emprunter.

 17   Les tireurs embusqués se cachent dans ces immeubles à partir desquels

 18   les Serbes peuvent tuer ou blesser tout le monde tous les jours.

 19   Faire des enfants ce genre de victimes dans une zone de guerre, les

 20   conduire là, c'est criminel, alors que les combats font rage tous les

 21   jours."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur, nous voyons dans un premier temps le bus, ensuite votre

 25   caméraman qui se trouve dans le bus. Puis ensuite, nous voyons le caméraman

 26   qui descend du bus, et nous voyons le bus partir; c'est cela ?

 27   R.  Oui, oui, tout à fait. Le caméraman était dans l'autobus,

 28   effectivement, et il y a un tir, comme vous le voyez, un tir sur le bus qui


Page 10162

  1   passe par le poste de contrôle. Ça c'était le dernier poste de contrôle du

  2   gouvernement bosnien sur cette route, je pense qu'il se trouvait à l'ouest

  3   de la ville.

  4   Q.  Merci. Puis ensuite, vous dites --

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ou plutôt, est-ce que l'on pourrait verser au

  6   dossier cet extrait de reportage.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, cet extrait est présenté sous la

  8   cote 1D2397; c'est cela ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avec le son, je suppose. Oui, cela peut

 11   être versé au dossier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D935, Monsieur le

 13   Président.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   Alors document suivant, 1D2917.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Vous avez le bus qui quitte le territoire placé sous le contrôle de

 18   l'armée musulmane et il arrive dans le "no man's land"; c'est cela ?

 19   R.  Oui. Il était en train de passer par le "no man's land" qui, comme vous

 20   le savez, n'était pas très, très vaste. Oui, oui, parce qu'on voit le bus

 21   partir.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Journaliste : …c'était hier soir --"

 25   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, non, ce n'est pas la peine de

 27   diffuser cela à nouveau.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 10163

  1   Q.  Est-ce que vous pourriez peut-être répondre à cette question : à quelle

  2   distance se trouvaient les lignes de confrontation à Sarajevo les unes par

  3   rapport aux autres, et quelle était la longueur du "no man's land" ? Quelle

  4   était la distance normale entre les lignes ennemies ?

  5   R.  A certains endroits, elles étaient très proches, et à d'autres

  6   endroits, elles étaient beaucoup plus distantes l'une de l'autre. Pendant

  7   cette période, j'ai pu moi-même emprunter cette route de temps à autre pour

  8   aller à Ilidza pour acheter du carburant et pour être ravitaillé, donc j'y

  9   ai été moi-même plusieurs fois. Ce n'était pas très loin, vous quittiez le

 10   dernier poste de contrôle bosnien -- je ne peux pas, maintenant, vous

 11   donner une distance précise et exacte -- mais deux ou trois minutes après,

 12   vous voyiez les soldats serbes de Bosnie. Donc il s'agit du secteur -- le

 13   secteur qui était contrôlé par le gouvernement bosnien n'était

 14   véritablement pas très, très grand, et ce tronçon de route, je dirais que

 15   c'est assez plat comme terrain. Moi, je suis allé à Ilidza depuis le centre

 16   de Sarajevo et je l'ai fait -- je ne sais pas -- c'était deux ou trois

 17   minutes en voiture maximum.

 18   Q.  Merci. Nous reviendrons là-dessus. Votre caméraman, d'après ce qu'on

 19   lui a dit, en tout cas, a décrit le bâtiment "Oslobodjenje" comme étant la

 20   source des tirs. Vous, vous avez apporté une correction en disant que ce

 21   bâtiment n'était pas la source des tirs parce qu'il était placé, ce

 22   bâtiment, sous le contrôle de l'armée des Musulmans de Bosnie, n'est-ce pas

 23   ?

 24   R.  Oui, oui, tout à fait, sous le contrôle de l'armée des Musulmans de

 25   Bosnie, j'ai corrigé cela. J'avais été mal informé. Je n'avais pas été dans

 26   la ville depuis très longtemps, puis au fil des ans, en un ou deux ans,

 27   j'ai bien appris à connaître la ville et sa géographie. Je conduisais moi-

 28   même, je n'avais pas de chauffeur. Là, c'était ma première semaine, donc je


Page 10164

  1   ne connaissais pas encore très bien la ville. Très franchement, c'était un

  2   peu une ineptie que de suggérer qu'il y avait des tireurs serbes dans

  3   l'immeuble "Oslobodjenje", parce qu'il était de toute façon contrôlé par le

  4   gouvernement, et puis qu'il en sortait leur journal, tous les jours. Donc

  5   bien sûr que là, je plaide coupable, absolument. C'est une erreur que j'ai

  6   commise.

  7   Mais puisque vous le mentionnez, ce que je voulais vous dire c'est que la

  8   distance entre ce bâtiment et le poste de contrôle, elle est assez

  9   importante; 300 à 400 mètres. Le bus, il avait déjà fait un peu de chemin

 10   quand on lui a tiré dessus. Si cela s'était passé rapidement, le caméraman,

 11   il aurait toujours été à bord du bus. Il aurait pu relater ce qui s'était

 12   passé ou voir ce qui s'était passé juste après. Il aurait entendu les tirs.

 13   Ça, je le sais. Donc si vous parlez de la distance à partir du bâtiment

 14   "Oslobodjenje", matériellement, physiquement, le tir ne pouvait pas venir

 15   de là. Donc j'ai apporté cette correction au début de ma déposition ce

 16   matin parce que je pensais qu'il fallait que les choses soient rectifiées.

 17   Q.  Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir maintenant la pièce

 19   1D2917. Il s'agit d'un passage de votre livre "Récits de guerre", et c'est

 20   un passage qui parle de la guerre en Bosnie-Herzégovine.

 21   Pourrions-nous avoir la page 163 à l'écran, s'il vous plaît. Ce n'est pas

 22   la page 163 du système électronique, c'est la page 163 du livre. Donc

 23   pourriez-vous juste nous afficher la page qui porte le numéro 163. Je pense

 24   que dans le système électronique cela correspond à peu près à la page 15.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Je vais donner lecture -- ou peut-être vous demander de lire le passage

 27   qui commence par "j'étais convaincu…" Au milieu du deuxième paragraphe.

 28   R.  A partir de "j'étais convaincu…", c'est ça ?


Page 10165

  1   Q.  Tout à fait. Page 163, le deuxième paragraphe.

  2   R.  Oui, je peux lire à partir de "I was convinced…" si vous voulez, mais

  3   je préfèrerais lire depuis le début du paragraphe afin d'avoir tout le

  4   contexte.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais dégoûté par ce qui était arrivé et en

  7   colère contre les personnes qui l'avaient fait."

  8   Ici, je fais référence à l'attaque qui a eu lieu à l'enterrement.

  9   "La mort d'un enfant est toujours un crime en tant que tel, mais --"

 10   Je reprends : 

 11   "J'étais absolument écoeuré par ce qui était arrivé et très en colère

 12   contre les personnes qui avaient fait cela. La mort de ces enfants était un

 13   crime en tant que tel, mais ensuite pilonner leurs obsèques était encore

 14   une horreur. J'allais montrer ma colère à la caméra pour dire que c'était

 15   les Serbes qui avaient commis ce crime de guerre. J'étais convaincu que

 16   c'était les Serbes qui étaient responsables. Il y avait une théorie de

 17   complot qui était énoncée par certains représentants des Nations Unies

 18   selon laquelle le gouvernement musulman avait l'habitude de pilonner leur

 19   propre communauté afin d'attirer la sympathie mondiale et afin de faire en

 20   sorte que les Serbes passent pour les méchants. Mais je n'ai jamais vu

 21   aucune preuve que ceci était vrai. Le cimetière n'était pas seulement parce

 22   qu'il y avaient des caméras; les fossoyeurs ont dit qu'il y avait eu

 23   beaucoup de pilonnage précédemment alors que les caméras n'étaient pas là.

 24   Ensuite, je suppose que du fait de ce que j'avais à la BBC, je me suis dit,

 25   Retiens-toi, retiens-toi…" et cetera, et cetera.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Arrêtez votre lecture, s'il vous plaît.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est votre question ?


Page 10166

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Ma question est la suivante : nous sommes d'accord, n'est-ce pas, pour

  3   dire que ceci est absolument écoeurant, en effet, que cet incident est

  4   épouvantable. Je suis d'accord avec vous. Mais sur quoi vous fondiez-vous

  5   pour dire que c'était les Serbes qui avaient fait le coup ? Pourquoi avez-

  6   vous rejeté d'emblée la théorie du complot des Nations Unies selon laquelle

  7   c'était les Musulmans qui tiraient sur leur propre peuple ? Sur quoi vous

  8   êtes-vous fondé pour vraiment croire que c'était les Serbes qui avaient

  9   fait le coup ? Et pourquoi en fin de compte est-ce que vous avez écrit ce

 10   passage dans votre livre ?

 11   R.  Je reprends avec l'enterrement en tant quel --

 12   Q.  Non, non, on y reviendra, on reviendra aux enterrements plus tard.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, on parle de l'enterrement de

 15   toute façon.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai essayé de répondre à votre question.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Parlons plutôt de l'autocar.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Comment saviez-vous que c'était les Serbes qui ont pilonné l'autocar ?

 20   Comment est-ce que vous avez décidé d'écarter la théorie du complot selon

 21   laquelle ce serait le gouvernement qui serait responsable, ou les

 22   Musulmans, alors que c'était une théorie qui était quand même soutenue par

 23   certains représentants des Nations Unies ?

 24   R.  A cette époque-là, je n'étais pas au courant de cette théorie du

 25   complot. La première fois que je l'ai entendue, c'était de la bouche de

 26   l'aide de camp du général Lewis MacKenzie, qui était commandant du secteur

 27   Sarajevo de la FORPRONU à l'époque, vers la fin de ma première visite à

 28   Sarajevo, vers août 1992. Parce qu'il a m'a amené, m'a tiré et il m'a dit,


Page 10167

  1   Viens, viens par là. Et il m'a dit, Ecoute, il faut que tu saches que nous

  2   sommes persuadés que les Serbes -- non, je m'excuse, que le gouvernement

  3   des Musulmans tire sur son propre peuple. Alors, j'ai dit, Quelles sont les

  4   preuves ? Et il m'a dit, On n'a vraiment de preuve, mais c'est ce qu'on

  5   pense.

  6   Donc pour répondre au début de votre question, comment nous nous

  7   sommes assurés que c'était bien les Serbes qui avaient tiré sur l'autocar,

  8   eh bien, dans ma déposition, j'ai bien dit que la probabilité faisait que

  9   ça ne pouvait être que les Serbes, et c'était basé sur plusieurs choses :

 10   tout d'abord l'emplacement même de l'autocar, deuxièmement -- surtout

 11   l'emplacement de l'autocar, en fait, puisqu'il y avait certains autocars

 12   qui avaient quitté le territoire détenu par les Musulmans. Et pour répondre

 13   à votre question, vous savez que la distance entre le dernier point de

 14   contrôle des Musulmans et le premier poste de contrôle bosno-serbe, il n'y

 15   avait pas une très grande distance entre ces deux postes de contrôle. Donc

 16   il y a beaucoup de circonstances qui suggèrent que ce sont bien les Serbes.

 17   Je n'ai pas vu moi-même les tirs, je n'avais pas les résultats balistiques

 18   à propos de l'origine des tirs, mais au vu de l'endroit d'où est parti

 19   l'autocar quand l'équipe des caméramans a quitté l'autocar, ils sont

 20   arrivés en territoire tenu par les Serbes de Bosnie. S'ils s'étaient tirés

 21   dessus eux-mêmes, et de toute façon ils auraient tiré depuis le bâtiment

 22   "Oslobodjenje", mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Ce n'est pas ce qui

 23   est arrivé.

 24   Donc je n'étais pas sûr à 100 %, c'est sûr, mais au vu de toutes les

 25   probabilités qui existent, de toutes les circonstances qui existent --

 26   j'étais assez prudent d'ailleurs lorsque j'ai fait ma déposition écrite,

 27   mais je considère que les probabilités étaient telles que ce sont les

 28   Serbes qui ont tiré sur cet autocar. Je me répète, je pense que c'est un


Page 10168

  1   crime épouvantable que l'on vise des enfants ainsi, et en plus quand, par

  2   la suite, on pilonne à l'enterrement même de ces enfants qui avaient été

  3   tués ainsi, c'est tomber [imperceptible], c'est épouvantable.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, très bien. Je suis d'accord avec

  5   vous, c'était épouvantable, mais j'aimerais savoir qui sont les auteurs du

  6   crime. Essayons de nous prouver les choses.

  7   Excellence, pensez-vous ce qui est à l'écran suffit ou qu'il

  8   conviendrait aussi de verser au dossier la page qui est à l'écran, la page

  9   163 du livre ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je pense qu'il n'y a pas

 11   d'opposition de la part de l'Accusation.

 12   Donc cette pièce sera admise.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle recevra la cote D936.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   Pourrions-nous maintenant avoir à l'écran la pièce 65 ter 09390-C. Mais je

 16   pense que c'est un document qui porte aussi une cote en P.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De quelle page s'agit-il ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous allons commencer avec la première page du

 19   document -- non, nous allons plutôt commencer par la page numéro 2, qui est

 20   juste après la page de garde, et ensuite je demanderais que l'on affiche le

 21   chapitre 9.

 22   Pourrions-nous avoir la carte dans le bon sens, s'il vous plaît. Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Reconnaissez-vous cette carte, Monsieur Bowen ? S'agit-il de Sarajevo,

 25   et quelles sont ces lignes qu'on voit sur cette carte ? Conviendrez-vous

 26   avec moi que cet incident a eu lieu dans la case de la carte libellée d'un

 27   9, que c'était là justement que se trouve le bâtiment "Oslobodjenje"; vous

 28   êtes d'accord avec moi ? Voyez-vous la grand-route qui va de Sarajevo à


Page 10169

  1   Ilidza ?

  2   R.  J'ai besoin de voir un agrandi de cette case numéro 9. Pourriez-vous

  3   agrandir, s'il vous plaît ? J'aimerais juste -- mais il ne faut pas que je

  4   touche à l'écran, si j'ai bien compris ? Il s'agit d'un écran tactile, je

  5   viens juste de le comprendre.

  6   Q.  Voyez-vous la grand-route qui va de Sarajevo à Ilidza ?

  7   R.  La route est en rouge ?

  8   Q.  Non, non, je ne pense pas. Les lignes en bleu et en rouge sont les

  9   lignes de front.

 10   R.  Pour les lignes en pointillés, je le sais, ça. Mais je -- les lignes

 11   noires, je vois bien qu'il s'agit de chemins de fer, mais de quelle couleur

 12   sont dépeintes les routes sur cette carte ? Donc en noir, j'imagine ?

 13   Q.  Non, non, les routes et les chemins de fer sont en noir. Il y a trois

 14   petits points, puis des numéros. Enfin, vous devez quand même reconnaître

 15   et repérer le bâtiment "Oslobodjenje", qui est juste à côté de la ligne de

 16   front ?

 17   Peut-être si M. Bowen avait un stylo. Ça pourrait lui être plus utile.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas où est la case numéro 9.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je vois des bâtiments, mais ils ne sont

 20   pas repérés de quoi que ce soit. Est-ce que je peux toucher à cet écran

 21   tactile ? Peut-être s'agit-il de ce bâtiment que je viens d'encercler ?

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Absolument pas, absolument pas. C'est plus au sud. Voyez-vous les

 24   lignes qui sont très près de la route ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une minute. Votre réponse n'a pas été

 26   consignée au compte rendu parce que vous parliez en même temps que

 27   l'interprétation de l'accusé.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je reprends, je reprends.


Page 10170

  1   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas très bien à quelles lignes vous

  3   faites allusion, Monsieur Karadzic. Peut-être si vous pouviez, sur la

  4   carte, m'indiquer quelles sont les lignes qui vous intéressent, je pourrais

  5   me repérer.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Ecoutez, concentrez-vous sur le tiers inférieur de la carte. Vous voyez

  8   bien qu'il y a deux lignes qui sont combinées près de la route. A droite,

  9   dans le tiers inférieur à droite, vous pouvez voir des bâtiments qui sont

 10   en forme d'étoile ? Il s'agit des dortoirs du foyer des étudiants. Saviez-

 11   vous où se trouvait  Nedzarici ? Il s'agissait d'un quartier serbe.

 12   R.  Oui, je sais où était Nedzarici. Mais le problème ici c'est que je

 13   n'arrive absolument pas à me repérer sur la carte lorsque vous me parlez de

 14   différents bâtiments. Je n'avais pas ce type de carte en main lorsque

 15   j'étais sur place, et je connaissais la ville parce que je m'y déplaçais,

 16   c'est tout. Je n'ai jamais pu bénéficier de cartes aussi précises que

 17   celle-ci. Moi, je connais la ville, mais je la connais au volant. Donc il

 18   faut être très précis -- je pense que ce qui serait vraiment utile, c'est

 19   que vous puissiez m'assister en me montrant sur la carte ce qui vous

 20   intéresse.

 21   Q.  Bien. Essayons de fonctionner différemment : il y a les lignes à droite

 22   qui encadrent la case numéro 9, n'est-ce pas ? Tout en bas à droite, on

 23   voit un bâtiment en étoile. Ces bâtiments en étoile ce sont les foyers des

 24   étudiants avec leurs dortoirs. Est-ce que vous les voyez ?

 25   R.  Non -- juste à côté des repères orthogonaux de la case numéro 9, je

 26   vois en effet des croix; c'est à cela que vous faites allusion ?

 27   Q.  Oui.

 28   R.  Près d'Alipasino Polje ?


Page 10171

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 10172

  1   Q.  Oui. Ça ressemble à des Y, en fait. Vous ne pouvez pas encercler ça ?

  2   R.  Je suis absolument désolé, j'essaie d'être précis. Or, je ne suis pas

  3   très doué visiblement avec cette carte. J'ai beaucoup de mal. Si quelqu'un

  4   pouvait venir m'aider pour me montrer sur la carte ou encercler sur la

  5   carte où sont ces fameux bâtiments dont parle M. Karadzic, ça pourrait

  6   m'aider.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si c'est très utile de

  8   poursuivre cet exercice, étant donné que le témoin ne semble pas arriver à

  9   se repérer sur la carte.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Bowen, est-ce que vous voyez où se termine le territoire

 13   musulman et où commence le territoire serbe ? C'est là où il y a cette

 14   route noire où sont notés les arrêts de tram. C'est la route qui commence

 15   au milieu de la case numéro 9 et qui, ensuite, fait un virage assez abrupt

 16   pour repartir vers le sud.

 17   R.  C'est celle-ci dont vous parlez ?

 18   Q.  Non, non, c'est plus au sud. Vous, vous montrez Zadar, la route qui va

 19   vers Zadar; moi, je parle de l'endroit qui se trouve près de Nedzarici, au

 20   sud.

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Ecoutez, je ne vois pas du tout l'utilité

 24   de cet exercice, surtout quand on parle des lignes de confrontation, parce

 25   que sur cette carte, on voit les lignes de confrontation de 1995, or

 26   l'incident a eu lieu en 1992. Donc je ne vois pas l'utilité de tout cela.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais avec tout le respect que je vous dois, je

 28   tiens à vous dire que les lignes de confrontation n'ont jamais bougé. Les


Page 10173

  1   seules modifications c'était du côté d'Otes. Sinon, les lignes de

  2   confrontation n'ont pas bougé d'un iota pendant toute la guerre. M. Bowen

  3   l'a confirmé d'ailleurs dans sa déclaration. Il a confirmé que les lignes

  4   n'avaient pratiquement jamais changé du début à la fin de la guerre. Moi,

  5   je vous parle de la section de la route où il y a eu cet incident avec le

  6   bus. On devrait déjà arriver à trouver cette route pour arriver à savoir

  7   comment il a été possible de conclure que c'était les Serbes qui avaient

  8   provoqué l'incident.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] M. Bowen a dit dans sa déposition et aussi

 11   dans le cadre du contre-interrogatoire qu'il n'était pas sur place et qu'il

 12   n'a pas vu les choses de ses propres yeux, donc je ne vois pas du tout le

 13   but de tout cet exercice. Il l'a dit à la page 82, ligne 24, je tiens à le

 14   faire savoir pour le compte rendu.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je crois que vous

 16   avez épuisé ce point. Vous avez déjà posé suffisamment de questions à

 17   propos de cet incident. Je pense que vous feriez mieux de passer à autre

 18   chose, en tout cas c'est mon conseil. Je ne vois vraiment pas le but de ce

 19   que vous faites, comme vous l'a dit d'ailleurs Mme Edgerton.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 21   Mais le témoin, dans son reportage à la BBC, a déclaré et a affirmé avec

 22   détermination que c'était les Serbes qui avaient fait cela dans le "no

 23   man's land". Le "no man's land" ici n'est qu'à 50 mètres de la route.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Bowen, comment se fait-il que vous avez conclu que ça ne

 26   pouvait être que les Serbes qui avaient tiré depuis le "no man's land" ?

 27   D'après vous, ils ont tiré depuis le "no man's land" ou ils ont tiré depuis

 28   le territoire tenu par les Serbes ? D'après vous, d'où ont-ils tiré ?


Page 10174

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Bowen a déjà répondu à la question de

  2   toute façon.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux rajouter une petite chose, si vous me

  4   le permettez.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voyez bien ici que le "no man's land" est

  7   extrêmement étroit. J'essayais d'être équitable lorsque j'ai dit que

  8   j'avais l'impression que ça venait du "no man's land". Mais nous avons

  9   quand même le cliché de ce bus qui passe le dernier point de contrôle

 10   musulman et qui poursuit sa route, et à ce moment-là, on sait que le bus

 11   n'a pas encore été attaqué.

 12   Vous dites qu'il y a très peu de distance entre les deux postes.

 13   D'après moi, ce n'est pas vraiment le "no man's land". C'est tout de suite

 14   le territoire serbe. C'est là que l'attaque a eu lieu. Sinon, l'équipe de

 15   la caméra qui était dans le bus, si les tirs avaient eu lieu tout de suite

 16   dans le "no man's land", ils seraient restés à bord pour filmer. Je les

 17   connais, c'est ce qu'ils auraient fait. Ils ne se seraient pas enfuis.

 18   Or, ici, le "no man's land" est extrêmement étroit, donc le bus avait

 19   déjà traversé le "no man's land" et était en territoire serbe. C'est là que

 20   l'attaque a dû avoir eu lieu. Et quand on voit les images, on voit bien que

 21   l'attaque ne peut pas provenir du territoire musulman. Donc moi, je pensais

 22   que ça venait peut-être du "no man's land" en allant vers le territoire

 23   serbe. Et d'après ce que vous me dites maintenant, je pense que c'était

 24   tout simplement en territoire serbe.

 25   M. KARADZIC : [interprétation] Bien.

 26   Q.  Mais où vous êtes-vous rendu ? Où était la morgue où vous avez vu les

 27   enfants morts ?

 28   R.  Ce n'est pas dans la morgue principale de l'hôpital Kosevo, où l'on a


Page 10175

  1   emmené la plupart des corps. Il s'agissait plutôt d'une morgue de fortune.

  2   Je pense que c'était un entrepôt précédemment. D'après mes souvenirs -

  3   c'était il y a quand même 19 ans, mais d'après mes souvenirs - c'était soit

  4   sur la grande route, soit à côté de la grand-route, en tournant casaque

  5   dans l'autre sens, qui passe par le bâtiment "Oslobodjenje" et qui se

  6   poursuit. Sur la gauche, il y a une petite route, un petit embranchement

  7   avec un entrepôt, et c'est là dans ce petit entrepôt que les corps ont été

  8   emmenés. Je ne sais pas s'ils ont fini à la morgue de Kosevo, mais c'est

  9   vrai qu'à la morgue de Kosevo c'est là que les corps étaient emmenés la

 10   plupart du temps, corps de civils et aussi corps de combattants.

 11   Q.  Très bien. Qui vous a emmené dans cette morgue de fortune ?

 12   R.  J'essaie de me souvenir. Nous avions un "fixer", un local, c'était un

 13   résident, un habitant du coin. C'était une chirurgienne à l'hôpital.

 14   D'ailleurs, c'était une femme. Soit qu'elle a passé quelques coups de fil

 15   et elle a obtenu des informations sur la destination des corps. Nous

 16   voulions aller voir. Elle a aussi posé des questions aux points de

 17   contrôle, et cetera. Enfin, il y avait beaucoup de points de contrôle, donc

 18   elle a juste posé des questions pour essayer de savoir où les corps de ces

 19   enfants pouvaient bien se trouver, et c'est ainsi qu'on les a retrouvés.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir le document à nouveau --

 22   non, il ne sert à rien de verser quoi que ce soit au dossier.

 23   Mais pourrions-nous avoir la pièce 1D2917, page 161 à l'écran. Le document

 24   1D2917 c'est le même document que celui que nous avons vu précédemment,

 25   mais je voudrais voir la page 161, s'il vous plaît, cette fois-ci. Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  "Lorsque notre caméraman a filmé les enfants alors que le bus passait

 28   le dernier poste de contrôle musulman à l'extrémité de la ville, il est


Page 10176

  1   ensuite sorti bu bus. L'autocar est ensuite rentré dans le "no man's land",

  2   où un sniper, sans doute un Serbe, a tiré sur le bus qui venait du

  3   territoire musulman."

  4   Donc vous avez conclu que c'était un Serbe parce que le bus venait du côté

  5   musulman; c'est ça ?

  6   R.  Non, non, pas du tout. J'ai déjà donné beaucoup de détails. Dans mon

  7   livre, entre parenthèses -- puisqu'on a entre parenthèses dans cette

  8   phrase, c'est une version raccourcie, en fait. Mais j'ai déjà parlé de ma

  9   version des événements dans mon reportage et dans le livre. J'ai laissé la

 10   porte ouverte à la possibilité que je ne sais pas tout. Je l'ai dit quand

 11   même que je ne suis pas au courant de tout. Je n'ai jamais essayé de cacher

 12   le fait que je n'étais pas sur place, en effet. C'est tout ce que je peux

 13   dire à propos de cet incident, et c'est tout ce que je peux vous répondre.

 14   Q.  Merci. Paragraphe suivant maintenant :

 15   "Les deux enfants ont été emmenés à la morgue près de l'endroit où le

 16   voyage en autocar avait commencé."

 17   Cette morgue improvisée se trouvait-elle du côté musulman ?

 18   R.  Oui, c'était du côté musulman. J'étais du côté musulman et la morgue

 19   était aussi du côté musulman -- du côté dirigé par les Musulmans.

 20   Q.  Merci. Sachant quels sont les "check-points", les lignes de

 21   démarcation, les postes de contrôle et les tracés de déplacement, est-ce

 22   que vous pouvez expliquer comment des dépouilles mortelles d'enfants tués

 23   par des Serbes, tués donc du côté serbe, avaient pu être emportés vers une

 24   morgue du côté musulman ?

 25   R.  Eh bien, c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai supposé que

 26   l'incident s'était produit au "no man's land", parce que le bus avait fait

 27   demi-tour. De mémoire, je crois qu'il y a eu des images d'autocar que nous

 28   n'avons pas utilisées, après qu'on lui ait tiré dessus, parce que quand on


Page 10177

  1   a tiré dessus, le bus a fait demi-tour et est revenu. Les adultes et le

  2   chauffeur, c'était des gens qui venaient de la partie de la ville passée

  3   sous le contrôle du gouvernement bosnien et c'est la raison pour laquelle

  4   je suppose que leur premier instinct a été de faire demi-tour et de

  5   revenir. C'est un réflexe de fuite, parce que non seulement il y avait deux

  6   enfants morts à bord de ce bus, mais vous avez pu le voir vous-même sur les

  7   images, il y avait une vingtaine d'autres enfants en bas âge, et bon nombre

  8   étaient attachés aux sièges parce qu'autrement ils seraient tombés. Ils ne

  9   pouvaient pas rester assis tout seul. Donc il me semble qu'ils ont fait

 10   demi-tour pour rebrousser chemin, et c'est la raison pour laquelle ces

 11   corps ont été emmenés vers la morgue, et c'est la raison pour laquelle les

 12   funérailles ont été tenues par le gouvernement de Bosnie.

 13   Parce que, comme je l'ai dit, il y a des images de ce bus passant le

 14   dernier poste de contrôle du gouvernement bosnien. C'est ce qui a été

 15   établi. Donc le bus a quitté la zone passée sous leur contrôle, suite à

 16   quoi il y a eu des coups de feu de tirés, et partant des informations

 17   accessibles, les tirs ont commencé aussitôt après le passage du poste de

 18   contrôle. Je n'ai pas pu m'entretenir avec le chauffeur pour lui demander

 19   s'il a fait demi-tour en faisant une lettre U pour revenir ou s'il a fait

 20   une autre manœuvre, mais c'était apparent, c'est ce qui s'est produit,

 21   puisqu'il est retourné vers la ville.

 22   Q.  Je vous remercie.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser au dossier la page 161

 24   ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera rajouté à la pièce à conviction

 26   antérieure, à savoir le D936.

 27   Entre-temps, Monsieur Bowen, il doit y avoir eu un poste de contrôle du

 28   côté serbe aussi, après ce "no man's land" sur la route ?


Page 10178

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y en a eu un. Je ne sais pas s'ils

  2   avaient passé ce poste de contrôle avant l'attaque ou s'ils étaient en

  3   train de se diriger vers ce poste de contrôle. Mais comme on peut le voir

  4   sur la carte, les distances entre les lignes de confrontation n'étaient pas

  5   très grandes, ce qui fait que le bus n'a pas pu aller très loin au moment

  6   du début des coups de feu. Je ne sais pas s'ils ont passé ce poste de

  7   contrôle. Parfois il n'y avait pas de gens à des postes de contrôle. Ça se

  8   trouvait peut-être un peu plus loin.

  9   Mais comme je l'ai déjà dit, je n'étais pas présent au moment de l'incident

 10   et je n'ai fait que des suppositions. Je ne veux pas spéculer outre mesure

 11   à ce sujet.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Alors, les funérailles se sont passées au cimetière Lav ?

 15   R.  Nous, on a fait référence à ce cimentière en l'appelant Lav, Lav

 16   signifiant Lion en B/C/S. C'est un cimetière qui se trouve à proximité de

 17   l'hôpital Kosevo, et on l'appelle ainsi parce qu'il y avait une statue de

 18   lion à son entrée.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on se penche maintenant sur

 21   la pièce 65 ter 09390-C, et je demande à ce qu'on nous montre la section 7.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Sont-ils bons mes souvenirs si je dis que vous avez dit à l'occasion de

 24   la visite rendue à ce cimentière, ou alors peut-être était-ce lors de

 25   l'enterrement, mais je pense que vous êtes allé rendre visite au cimetière

 26   pour porter des fleurs, donc est-ce qu'il y a eu des obus de tombés, est-ce

 27   qu'il y a eu des coups de feu de tirés et y aurait-il eu une personne de

 28   touchée à la tête par balle; n'est-ce pas ?


Page 10179

  1   R.  Non, non. Si vous êtes en train de faire référence aux funérailles de

  2   ces deux enfants morts qui étaient impliqués dans l'incident du bus,

  3   c'était à l'enterrement de ces enfants, et nous avions appris -- on était

  4   arrivé un peu avant l'heure et on nous a dit que l'enterrement avait déjà

  5   été effectué, et comme je l'ai dit dans mon reportage, c'était dû au fait

  6   que les fossoyeurs avaient décidé d'ensevelir les corps avant que les

  7   personnes en deuil n'arrivent en raison de pilonnages.

  8   Parce que lorsque les pilonnages ont commencé, il n'y avait plus de

  9   gens en deuil. Il n'y avait que les fossoyeurs. Vous savez comment cela

 10   fonctionne, ils creusent un trou, ils enterrent, et une fois que nous

 11   sommes arrivés, c'était avant l'heure prévue, mais c'était déjà terminé. Il

 12   y avait des enfants de ce foyer d'enfants qui étaient arrivés, mais ils

 13   étaient venus pour l'enterrement, ce n'était pas pour rendre visite aux

 14   tombes. Alors, personne n'a été touché à la tête. Mais à la vidéo, on a pu

 15   voir la grand-mère d'une fille qui avait une très vilaine blessure au bras

 16   gauche. Je pense que c'était au bras -- oui, au-dessus du coude. Il y avait

 17   un grand trou dû à un éclat d'obus, et mon collègue a essayé de mettre un

 18   bandage, mais le trou était si grand que le bandage qu'il avait est tombé

 19   dans le trou, dans la partie manquante, et on a pu voir cela sur la vidéo.

 20   On a essayé de stopper l'hémorragie. On l'a emportée ensuite vers l'hôpital

 21   qui se trouvait à une minute ou deux de là.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourquoi n'essayons-nous pas

 23   de voir cette page 9 du document.

 24   Quelle était la question que vous aviez posée au sujet de cette

 25   carte, Monsieur Karadzic ? Montrez-nous donc la page 9 de cette carte, s'il

 26   vous plaît.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Certes, mais on a besoin de la section 7

 28   pour que M. Bowen -- enfin, on peut se servir de cette carte. Est-ce qu'on


Page 10180

  1   peut nous zoomer la partie centrale, là où il y a l'inscription

  2   "Cimetière", pour demander à M. Bowen -- zoomez encore, voilà, plus au

  3   nord. C'est bon, parfait.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous voyez ce qui est écrit ici, un, deux, trois,

  6   "Cemetery". On voit catholique, orthodoxe, et en haut à droite, à côté de

  7   l'hôpital de Kosevo, c'est là que se trouve ce cimetière "Lav", n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  Oui, je vois ces trois cimetières. En effet.

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez tracer un petit cercle au niveau de ce

 11   cimetière Lav ?

 12   R.  C'est lequel le cimetière Lav ? Au milieu ou en haut ?

 13   Q.  C'est à côté du mur de l'hôpital même.

 14   R.  Oui, c'est à côté du terrain de sport [Le témoin s'exécute]. Ce

 15   cimetière s'est élargi vers les terrains de sport au fur et à mesure que la

 16   guerre a duré parce qu'il n'y avait plus de place au cimetière.

 17   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez mettre une date ? Pouvez-vous mettre Lav,

 18   L-a-v, et parapher, s'il vous plaît ?

 19   R.  Je vais mettre L pour "Lion", "Lav". La date d'aujourd'hui c'est --

 20   c'est quoi déjà aujourd'hui ? Le 12 --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mettez cela en bas à droite. On est le

 22   13.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] On est le 13 ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, le 13 janvier.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Excusez-moi, "13/01" [Le témoin

 26   s'exécute]. Et mon paraphe.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   Je voudrais que ce soit versé au dossier.


Page 10181

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, un instant.

  2   Madame Edgerton, vous vouliez dire quelque chose ?

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Je me suis rassise parce que le Dr Karadzic

  4   a enchaîné, mais s'il convient de verser cette pièce au dossier, il

  5   convient aussi d'indiquer que le témoin l'a annoté suivant des instructions

  6   émanant du Dr Karadzic pour ce qui est de l'emplacement du cimetière.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais le témoin a confirmé cet

  8   emplacement, n'est-ce pas ? Monsieur Bowen, vous confirmez bien

  9   l'emplacement de ce cimetière Lav ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, comme je vous l'ai dit, je ne me suis pas

 11   servi de cartes lorsque j'étais à Sarajevo. Je pourrais vous y emmener en

 12   voiture. Mais pour autant que je m'en souvienne, à côté des terrains de

 13   sport, il y avait aussi un stade, si mes souvenirs sont bons, et il y avait

 14   un autre cimetière à gauche. Par conséquent, ça doit certainement être ce

 15   cimetière Lav -- je viens de renverser mon verre d'eau. A droite, il me

 16   semble qu'il y avait un hôpital.

 17   Puis-je avoir des mouchoirs en papier ? Parce que j'ai renversé de l'eau et

 18   je m'en excuse.

 19   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends un grésillement aussi.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Alors, nous allons verser cela au

 22   dossier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera la pièce D937, Madame,

 24   Messieurs les Juges.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   Pour ce qui est de cette section, le 65 ter 4340C.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Vous dites aussi qu'il y avait un tireur qui avait tiré, n'est-ce pas ?


Page 10182

  1   R.  Je ne sais pas si je me suis servi du mot de "tireur". Je ne pense pas

  2   avoir utilisé le mot de "gunman" en anglais. Si oui -- enfin on peut se

  3   repencher dessus une fois de plus, mais je pense que ce n'est pas le cas.

  4   Les conclusions que j'ai tirées disant que c'était les Serbes qui étaient

  5   responsables de ceci, que j'avais tirées à l'époque, ça s'est fondé sur le

  6   fait qu'on nous avait indiqué que les Serbes, à titre régulier, avaient

  7   pilonné le cimetière. Je me suis souvent entretenu avec des militaires pour

  8   ce qui est de l'origine éventuelle de ces tirs. Cela venait d'un secteur où

  9   se trouvaient les positions serbes.

 10   Q.  Merci. Donc je vous ai mal compris, parce que j'ai cru comprendre que

 11   vous aviez utilisé des termes laissant entendre que quelqu'un avait été

 12   tiré par balle de fusil.

 13   Est-ce qu'on peut --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, à titre de rectificatif, le terme

 15   utilisé en anglais était "gunners", donc "tireurs de canon", et non pas

 16   "gunman" pour le terme qui est utilisé pour quelqu'un qui tire avec un

 17   fusil.

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'en français, on dit "servants

 19   d'artillerie" pour "gunners."

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   Est-ce qu'on peut nous montrer la pièce P815, ou plutôt, cette carte, mais

 22   j'aimerais qu'on nous montre la totalité de la carte, c'est-à-dire la carte

 23   en entier, pas un fragment de carte.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la page 2.

 25   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Monsieur Bowen, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'ici il y a une

 27   ligne de confrontation qui suit la ligne de confrontation en face, c'est-à-

 28   dire que l'une se trouve suivre l'autre ?


Page 10183

  1   R.  Les lignes de confrontation se suivaient les unes les autres autour de

  2   la ville, oui. Ça peut se voir sur la carte.

  3   Q.  Merci. Pour que les Serbes puissent tirer, ils étaient censés tirer

  4   depuis un territoire contrôlé par eux, c'est-à-dire depuis l'extérieur de

  5   cette ligne rouge, qui est la ligne de confrontation, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, c'est clair.

  7   Q.  Puis on voit une ligne bleue, et on voit des tranchées musulmanes, puis

  8   des territoires tenus par les Musulmans, qui sont tenus sous le contrôle

  9   plein et entier des Musulmans, par les Musulmans, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, à l'intérieur de la ligne bleue, c'était le territoire contrôlé

 11   par eux.

 12   Q.  Alors comment peut-on, sans investigation et sans expertise balistique,

 13   tirer une conclusion disant que c'est plutôt une partie qui a tiré plutôt

 14   que l'autre ?

 15   R.  Eh bien, comme je l'ai déjà dit, j'avais au préalable eu des entretiens

 16   avec diverses personnes pour ce qui est d'apprendre que ce cimetière avait

 17   été pilonné auparavant -- c'était des gens de la FORPRONU qui me l'avaient

 18   dit, et je pense qu'ils m'avaient montré du doigt des positions qui se

 19   trouvaient au nord du cimetière. On a dit que les obus venaient de là-bas.

 20   Alors, il y a aussi une question de motivation qui se pose, et je crois

 21   qu'il importe de le dire.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous attendre un instant.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi n'indiquerions-nous pas cette

 25   position qui vous a été montrée à l'époque, à peu près ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon. C'est à peu près ici. Je ne peux pas

 27   entrer davantage dans le détail, parce que je ne procède pas d'information

 28   plus précise. Mais c'était assez proche, et c'est ce qui découle des


Page 10184

  1   discussions que j'avais eues.

  2   De même, comme je voulais le dire, Madame, Messieurs les Juges, il y

  3   avait une question de motif. On suppose -- l'opinion serbe selon laquelle

  4   les gens du gouvernement de Bosnie avaient pilonné leurs propres gens

  5   visait à engendrer des incidents pour les arranger sur le plan

  6   international afin de jeter un éclairage négatif sur les Serbes.

  7   Mais ce jour-là, il y a eu pilonnage de la part des Serbes lorsqu'il

  8   n'y a pas eu de caméras, et là-bas, les pilonnages se faisaient au

  9   quotidien. Ce cimetière a souvent fait l'objet de pilonnages, même quand

 10   nous ne nous y trouvions. Alors, si on part d'une thèse qui serait celle de

 11   voir le gouvernement bosnien souhaiter donner lieu à un incident au niveau

 12   international, pourquoi le ferait-il quand il n'y a pas de caméras ? Il

 13   s'est passé plus de 20 ans et on sait qu'ils n'ont pas été très bien

 14   organisés, du moins pas en 1992. Depuis lors, on n'a jamais montré

 15   d'information ou d'élément nouveau qui indiquerait que c'était eux qui

 16   l'avaient fait.

 17   Il se peut qu'il y ait eu des secrets confidentiels, mais jamais ce

 18   type de thèse n'a été confirmé par quoi que ce soit. Il s'est passé depuis

 19   20 ans ou presque. Donc il est difficile d'enfouiller des éléments

 20   d'information pendant aussi longtemps. Pendant tout ce temps-là, il n'y a

 21   eu aucune bribe d'information qui dirait qu'il y aurait un pistolet avec de

 22   la fumée sortant de son canon pour indiquer que cela était des pilonnages

 23   venus de la part des Bosniens. On sait comment les choses se sont passées

 24   au niveau d'Abu Ghraib et comment les Américains n'ont pas pu garder secret

 25   cela pendant plus de 12 mois.

 26   Donc, à mon avis, les informations n'ont pas été toujours complètes,

 27   ça a été des choses que l'on avait apprises de façon indirecte, et qu'il y

 28   avait cette espèce de flou qui enveloppait les événements. Mais pendant


Page 10185

  1   toutes ces années, depuis les accords de Dayton à nos jours, il n'est

  2   apparu aucun élément de preuve concret qui indiquerait ou qui confirmerait

  3   l'affirmation suivant laquelle le gouvernement de Bosnie aurait fait

  4   pilonner ses propres gens pour manipuler avec les médias. Donc je ne pense

  5   pas que ça tienne debout.

  6   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Vous avez retenu que ce cimetière se trouvait en face du stade et juste

  8   à côté de l'hôpital de Kosevo. J'aimerais maintenant qu'on voie un peu la

  9   corrélation qui existe entre les uns et les autres de ces sites.

 10   R.  Je pense que ça se trouvait à peu près ici par rapport à la ligne rouge

 11   -- c'est le point le plus proche de la ligne rouge, qui se trouve être à un

 12   kilomètre à peu près, si l'on en juge d'après l'échelle qui se trouve au

 13   bas de la carte. Et dans l'autre direction, il s'agit probablement de 2

 14   kilomètres, toujours en se référant à la carte de l'échelle. Et je vous

 15   rappelle que les Serbes avaient occupé les postes en surélévation.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais que vous mettiez une date et

 17   votre paragraphe en bas à droite.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez bien dit que c'était le 13

 19   aujourd'hui, non ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, on est le 13 janvier.

 21   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce soit versé au dossier.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Vous a-t-on informé d'un azimut déterminé pour ce qui est de l'origine

 25   du tir et vous a-t-on informé de l'angle d'arrivée de cet obus ? Vous a-t-

 26   on fourni quelque élément balistique que ce soit sur ce sujet ?

 27   R.  Non, non, pas du point de vue technique. Je savais que l'obus y était

 28   tombé, parce que j'y étais quand l'obus a explosé. Je ne parle pas du côté


Page 10186

  1   nord, je parle du côté sud. J'y ai passé pas mal de temps et j'ai fait des

  2   reportages en grand nombre depuis là, et ça a été diffusé. Je me trouvais

  3   aux côtés des Serbes de Bosnie qui s'y trouvaient. Je me suis entretenu

  4   avec eux au sujet des pilonnages de la ville et ils m'ont confirmé qu'ils

  5   avaient pilonné. J'ai vu des douilles vides d'obus. Ils nous ont même

  6   laissé filmer à partir -- enfin, tout le long du canon d'une arme lourde,

  7   une mitrailleuse d'un calibre de 50-millimètres. Ils avaient aussi disposé

  8   d'un canon antiaérien dont ils se servaient en rabaissant le canon vers le

  9   contrebas de la colline et ils s'en sont servis comme d'une arme

 10   d'infanterie.

 11   Je me suis entretenu avec les soldats. Dans le reportage, je n'ai pas

 12   fait référence à des incidents concrets. Mais je me suis, en principe,

 13   entretenu avec les soldats serbes qui avaient pilonné la ville, et j'ai vu

 14   des douilles d'obus vides, je les ai filmées, ça a été diffusé. De mon

 15   avis, cela avait été l'un des avantages, des gros avantages militaires du

 16   côté des Serbes, le fait que du côté nord et du côté sud, ils avaient

 17   occupé des postes en surélévation, chose qui leur a, en termes pratiques,

 18   permis, à partir de ces positions serbes situées au nord et au sud, de

 19   tirer sur la ville. Et lorsque je me trouvais à l'hôtel Holiday Inn, il y a

 20   eu un touché de l'hôtel par un obus serbe, je n'ai pas disposé

 21   d'informations balistiques concrètes, tel que vous l'évoquez dans votre

 22   question, mais je sais que c'était un modèle de comportement, et c'est

 23   ainsi que le siège s'était déroulé.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, on a terminé pour la journée

 25   d'aujourd'hui. Cette carte sera versée au dossier en tant que pièce D938.

 26   Mais avant que de lever l'audience, Monsieur Tieger, est-ce que vous

 27   avez pu contacter le témoin --

 28   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Mais je voudrais demander un


Page 10187

  1   passage à huis clos partiel.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais en l'absence de ce témoin.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Oui, cela me semble approprié. Il ne s'agit

  4   pas de ce témoin-ci, et comme nous sommes en audience publique…

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Monsieur Bowen, je vous remercie.

  6   Nous allons continuer demain à 9 heures du matin. Et vous pouvez vous

  7   retirer.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et entre-temps, nous allons passer à

 10   huis clos partiel pour quelques instants.

 11   [Audience à huis clos partiel]

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 10188

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Page 10188 expurgée. Audience à huis clos partiel.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 


Page 10189

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   [Audience publique]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour la

  7   journée d'aujourd'hui, et nous allons reprendre demain matin.

  8   --- L'audience est levée à 14 heures 37 et reprendra le vendredi 14 janvier

  9   2011, à 9 heures 00.

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28