Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 14 janvier 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 19.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Veuillez nous excuser

  7   pour ce retard.

  8   Monsieur Karadzic, est à vous.

  9   LE TÉMOIN : JEREMY BOWEN [Reprise]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Excellence.

 12   Bonjour à tous. Bonjour, Monsieur Bowen.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 14   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Hier, nous avons parlé de l'incident impliquant des

 16   enfants. J'ai une question à vous poser. On parle d'un autocar que nous

 17   avons vu d'ailleurs qui passait par le point de contrôle, s'agit-il du même

 18   autocar que celui qui transportait les enfants ou est-ce que cette séquence

 19   a uniquement été filmée pour illustrer l'événement, et rien d'autre ? On le

 20   vérifier en regardant, par exemple, les plaques d'immatriculation puisque

 21   le dossier de la police doit comporter la plaque d'immatriculation de

 22   l'autocar. Votre caméraman vous a-t-il dit qu'il s'agissait exactement du

 23   même autocar ou qu'il s'agissait de n'importe quel autocar, qu'il aurait

 24   filmé juste pour illustrer le propos ?

 25   R.  Quand on voit les rushs, c'est-à-dire les bandes originales sur

 26   lesquelles les images sont enregistrées, on voit bien si toutes les

 27   séquences ont été filmées en même temps. Il suffit de regarder les rushs

 28   avec l'horodatage sur les rushs. Donc je n'ai absolument aucun doute quant


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  1   à la véracité des images.

  2   Q.  Merci. Est-il possible de savoir une bonne fois pour toute quelles sont

  3   les séquences qui ont été filmées en votre présence par rapport à celles

  4   qui ont été filmées en votre absence, soit filmées par votre caméraman ou

  5   par une autre agence, et j'aimerais savoir quelle est la proportion des

  6   séquences où vous étiez présent par rapport aux séquences où vous étiez

  7   absent ? Pouvez-vous nous donner le nombre de séquences auxquelles vous

  8   avez véritablement assisté lorsque les images étaient enregistrées ?

  9   R.  Vous parlez de l'histoire qui concerne les enfants dans l'autocar et

 10   aux obsèques ou alors en général ?

 11   Q.  En général.

 12   R.  Ecoutez -- voici comment les choses marchent à la télévision : nous

 13   avions des alliances avec d'autres diffuseurs et nous partageons, bien sûr,

 14   des documents, donc il était très habituel d'utiliser différents documents

 15   ou différentes séquences venant de différentes sources pour un seul

 16   reportage. A Sarajevo, c'était aussi le cas, puisqu'il y a eu un pool

 17   d'agences, si je puis dire, entre les différentes agences des chaînes télé.

 18   Et c'était, en fait, pour minimiser les risques, puisqu'il ne sert à rien

 19   d'avoir deux personnes, deux caméramans en train de filmer le même endroit

 20   dangereux, de risquer deux vies plutôt qu'une. Cela dit, étant donné que la

 21   région était assez petite, au cours de la guerre à Sarajevo, je dois dire

 22   que j'étais présent presque à 100 %, à chaque fois que nous filmions quoi

 23   que ce soit, même si les images ensuite que nous utilisions n'étaient pas

 24   toujours des images que nous avions filmées nous-mêmes, et si parfois il y

 25   avait aussi plus d'une caméra sur place, donc plus d'une seule agence. Et

 26   quand je n'étais pas présent, nous faisions très attention à la provenance

 27   des vidéos, donc nous vérifiions nos sources.

 28   Par exemple, vous vous souvenez dans d'une des pièces, l'une des vidéos, où


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  1   on voit des images de Serbes qui ont été abattus par des snipers -- enfin,

  2   qui essuient des tirs venant de snipers qui sont du côté musulman. Ça, ce

  3   sont des images que nous n'avons pas eues directement. Donc je crois

  4   qu'elles sont d'abord arrivées à Londres et on nous les a décrites par

  5   téléphone. Donc je n'étais pas là quand ces images ont été filmées. Mais

  6   dans les détails, les gens à Londres ont été convaincus que ces images

  7   étaient bien des images de personnes d'appartenance serbe en train

  8   d'essuyer des tirs, que c'était bien ce que ces images étaient censées

  9   être. Donc, en ce qui concerne -- il est vrai que les sources sont

 10   absolument essentielles et très importantes en télévision, et nous faisions

 11   toujours très attention à n'utiliser que des images qui peuvent être

 12   vérifiées et qui sont fiables.

 13   Q.  J'attends l'interprétation. Je suis désolé.

 14   Donc voici ce qui m'intéresse : nous avons donc des images. Mais comment

 15   fabrique-t-on, comment forme-t-on les textes qui vont aller avec ces images

 16   si les images ne sont pas les vôtres, ce sont des images que vous tirez

 17   d'une autre source ? Donc comment est-ce qu'on arrive à compiler tout cela

 18   pour faire des nouvelles fiables ? Fiables au sens pénal, bien sûr ?

 19   R.  Eh bien, j'espère que c'est fiable dans tous les sens du terme

 20   d'ailleurs. Nous essayons d'être extrêmement précis. Il y a parfois, bien

 21   sûr, des erreurs qui sont faites. Vous savez, nous travaillons sous la

 22   pression du temps, nous sommes pressés par le temps, nous avons toujours

 23   des dates limites à satisfaire. Nous essayons. Vous savez, nous ne faisons

 24   pas les choses à l'improviste, surtout par exemple en ce qui concerne les

 25   histoires dans l'ex-Yougoslavie, on parle d'histoires de vie et de mort

 26   ici. Donc je pense vraiment que nos images sont fiables, que nos nouvelles

 27   sont fiables, nos reportages sont fiables.

 28   Alors, qu'en est-il du texte ? Eh bien, le texte c'est moi qui l'écris, je


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  1   reçois des informations de différentes sources, et certaines d'entre elles,

  2   nous en avons parlé d'ailleurs hier, et puis on adapte les textes à

  3   l'image. En ce qui concerne les reportages télés, ce n'est pas du tout

  4   comme pour écrire un article dans un quotidien, bien sûr. Ce n'est pas

  5   comme la presse écrite. Il faut utiliser des mots qui vont bien illustrer

  6   ce que l'on voit à l'écran, avec le son d'ailleurs que l'on entend. Donc,

  7   si j'écrivais pour un quotidien, je décrirais tout ce que j'ai vu et tout

  8   ce qui est arrivé, alors qu'en télévision on n'a pas besoin d'utiliser

  9   autant de mots pour tout décrire puisqu'on voit les choses. Il faut bien

 10   choisir ces mots, cela dit, qui ajoutent vraiment une valeur ajoutée. Et

 11   vous savez qu'on écrit peu de mots; c'est trois mots à la seconde, rien de

 12   plus. Donc, dans un reportage de deux minutes, il n'y a pas beaucoup de

 13   mots, alors qu'un reporter écrirait plutôt 800 mots au moins sur une même

 14   histoire. Moi, je m'en sors avec 200, voire 300, pas plus.

 15   Q.  Merci de cette réponse détaillée. Je vais essayer de vous poser des

 16   questions maintenant auxquelles vous pourriez répondre par oui ou par non,

 17   si possible.

 18   Je pense que vous avez dit que les Serbes n'avaient pas besoin de savoir

 19   qu'il y avait un enterrement en cours. Cela veut-il dire que vous ne pensez

 20   pas que les Serbes avaient eu l'intention de tirer sur les gens qui

 21   assistaient à cet enterrement, parce qu'il y avait des gens là sur place

 22   qu'ils n'avaient pas vus ? On n'était pas en contact visuel avec ces gens-

 23   là.

 24   R.  Je ne peux pas répondre avec un oui ou un non.

 25   Non, je ne pense pas que ce soit une scène qui a été mise en scène par le

 26   gouvernement bosnien pour les caméras de télévision parce que, vous savez,

 27   les obus tombaient fréquemment lorsque les caméras de télévision n'étaient

 28   pas là à cet endroit-là. Donc ma question est la suivante : pourquoi donc


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  1   mettre en scène ce type d'événement et pilonner le cimetière pour les

  2   caméras alors que les caméras n'étaient même pas encore présentes ? Parce

  3   que ce que j'essaie de vous dire, c'est que du côté musulman, ils savaient

  4   très bien à quelle heure l'enterrement aurait lieu ou ils savaient très

  5   bien ce qui se passait dans ce cimetière, donc s'ils avaient vraiment voulu

  6   mettre en scène quelque chose, ils auraient -- ils savaient quand les gens

  7   allaient être sur place. Mais le cimetière a été pilonné parfois lorsque

  8   des caméras de télévision étaient sur place, mais aussi quand les caméras

  9   de télévision n'étaient pas sur place, et très souvent elles n'étaient pas

 10   sur place. Ça se voit d'ailleurs au vu des dégâts qui ont été infligés aux

 11   tombes.

 12   Q.  Très bien. C'est ce que vous dites, Monsieur Bowen. Vous ne savez pas.

 13   Moi, je ne sais pas non plus. Mais cela dit, la séquence vidéo que

 14   l'Accusation vous a montrée sous la cote P01993 a été présentée ici et,

 15   soi-disant, elle a été aussi admise pour illustrer une affirmation de la

 16   part de l'Accusation qui est que les Serbes tiraient un obus, ensuite

 17   auraient attendu quelques minutes pour que les gens arrivent, et ensuite

 18   auraient tiré un deuxième obus. Alors, les enfants ont-ils été tués par cet

 19   obus qui a atteint l'autocar ou par le deuxième obus ? Enfin, comment sont-

 20   ils morts ? Quel est l'obus qui a véritablement tué les enfants ?

 21   R.  Vous parlez des enfants dans l'autocar ? Parce qu'eux, on leur a tiré

 22   dessus, avec des balles.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une minute.

 24   Madame Edgerton.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] J'ai des problèmes de cote. Il ne s'agit

 26   pas de la pièce P1993.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, en effet.

 28   Mme EDGERTON : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le P1993 ferait partie du P2078. En

  2   tout cas, c'est ce qu'on nous dit. Est-ce que cela vous suffit, Madame

  3   Edgerton ?

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, je suis un petit peu perdue. Est-ce

  5   qu'on parle du 1993 ou du 1933 ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 1933.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Ah, bien. Au compte rendu, il y avait une

  8   erreur, donc je ne comprenais plus très bien.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Attendez. Là, moi aussi, je suis perdu. Est-ce

 11   que nous sommes en train de parler de la séquence qui parlait de l'autocar,

 12   de l'attaque de l'autocar ? On parle de cette séquence ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, on ne parle pas d'un pilonnage --

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Alors, on parle du pilonnage de

 15   l'enterrement ou de l'autocar ? Je ne m'y retrouve plus.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  On parle de l'enterrement. Les documents sur la séquence à propos de

 18   l'enterrement ont été utilisés pour prouver que les Serbes fonctionnaient

 19   de la façon suivante : ils tiraient d'abord leur premier obus, ils

 20   attendaient quelques minutes, et ensuite ils attendaient que les secours

 21   arrivent pour tirer à nouveau un deuxième obus sur les secours afin

 22   d'augmenter le nombre des victimes. Est-ce que c'était le cas en ce qui

 23   concerne cet enterrement ?

 24   R.  Ecoutez, je n'ai jamais dit ça, moi. Je n'ai jamais dit ça ni dans la

 25   transcription qui accompagnait la séquence vidéo ni lors de mes propos en

 26   prétoire hier. C'est vous qui le dites. Moi, je ne l'ai jamais dit.

 27   Q.  Bien. J'aurais une question à vous poser. Vous avez dit que vous aviez

 28   entendu dire que le côté musulman était engagé dans un processus où ils


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  1   tiraient sur leur propre peuple afin d'inspirer la sympathie des

  2   représentants de la communauté internationale, et c'est le général

  3   MacKenzie qui vous l'aurait dit ? Ou du moins, un associé du général

  4   MacKenzie. Pourriez-vous nous donner le nom de cette personne, cette

  5   personne qui travaillait avec le général MacKenzie et qui vous aurait

  6   relaté ces propos ?

  7   R.  Non, je ne peux pas vous dire de qui il s'agit. Tout d'abord, je ne

  8   révèle pas mes sources, et ensuite je ne me souviens pas de son nom. Cela

  9   dit, c'est une information que j'ai entendue vers la fin de mon séjour à

 10   Sarajevo. Donc c'était après cet incident concernant les enterrements,

 11   lorsque j'étais en train de partir. C'est là, en effet, l'une des personnes

 12   qui travaillait avec le général MacKenzie qui s'est entretenue avec moi et

 13   qui m'a tenu ces propos.

 14   Q.  Merci. Mais vous en parlez au paragraphe 39 de votre déclaration

 15   consolidée et vous exprimez un certain doute en disant :

 16   "Je n'ai jamais vu de preuve à l'appui."

 17   Et c'est pour cela que vous n'y croyez pas.

 18   Mais j'aimerais vous montrer deux documents, très brièvement, pour vous

 19   montrer que ce n'était pas que des rumeurs, mais que c'est des doutes

 20   sérieux et graves qu'avaient les représentants des Nations Unies.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir à l'écran, s'il vous

 22   plaît, la pièce D681.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un rapport envoyé au général

 25   Rose depuis le secteur Sarajevo les 26 et 27 octobre 1994. Pourrions-nous

 26   avoir la page suivante, s'il vous plaît.

 27   Ici, il s'agit de la description d'un incident qui a eu lieu autour de

 28   Bratstvo et du pont de Jedinstvo, où huit personnes ont été blessées.


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  1   Pourriez-vous regarder le dernier alinéa, où il est écrit :

  2   "Tous les éléments de preuve venant -- corroboration par les officiels de

  3   Bosnie indiquent que les tirs venaient du territoire détenu par les

  4   Bosniens…"

  5   Et cetera, et cetera.

  6   Donc est-ce que c'est convaincant, Monsieur Bowen ? Vous avez des

  7   doutes à propos de ce rapport ?

  8   R.  Comment puis-je vous parler de ce rapport ? Je le vois pour la

  9   première fois, je n'étais pas là de toute façon. Bon, je peux dire comme

 10   vous : il semble, en effet, que ce soit un document original, mais je

 11   n'étais pas là, moi. Donc, en tant que journaliste, je peux vous dire une

 12   seule chose : si le côté bosnien voulait, en effet, faire ce genre de

 13   choses parfaitement interdites, pourquoi est-ce que le gouvernement bosnien

 14   le corroborerait ? C'est assez bizarre. Il y a des rapports que les tirs

 15   viendraient de leur propre territoire et ils corroboreraient ça eux-mêmes.

 16   Moi, je trouve que s'ils étaient logiques, ils essaieraient plutôt de le

 17   réfuter, de le nier. C'est la première chose qui me vient à l'esprit. Mais

 18   bon, je n'étais pas là, donc je ne vais pas faire de commentaires.

 19   Q.  Oui, vous n'étiez pas là. Il y a de nombreux endroits où vous

 20   n'étiez pas, et pourtant vous avez votre opinion à propos de beaucoup de

 21   choses. Vous avez tiré un grand nombre de conclusions à propos de choses

 22   qui se sont passées dans un endroit où vous n'étiez pas. Donc, ici, c'est

 23   la conclusion de la FORPRONU, ce n'est pas la conclusion du gouvernement

 24   des Musulmans de Bosnie.

 25   Pourrions-nous maintenant avoir le document D680 à l'écran.

 26   Je vais vous montrer encore un rapport. Il y en a un grand nombre de ce

 27   type d'ailleurs qui traitent, de façon extrêmement responsable et sérieuse,

 28   de toutes les entourloupes, si je puis dire, qui ont été effectuées par le


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  1   côté musulman au cours de la guerre.

  2   Bon. Passons à la troisième page.

  3   Mais il faut d'abord identifier le document. Il s'agit donc d'un rapport

  4   technique des Nations Unies à propos de pilonnage rue Livanjska le 9

  5   septembre 1994.

  6   Troisième page, s'il vous plaît. On n'a pas besoin de la version en serbe.

  7   Mais étudiez de près la première et la dernière phrases de la

  8   conclusion. On peut regarder la totalité du document d'ailleurs, mais je

  9   pense qu'on perdrait du temps. Pouvez-vous lire à haute voix ces deux

 10   phrases ?

 11   R.  De quelles phrases parlez-vous ? Les deux dernières; c'est cela ?

 12   Q.  Non. La première ou la dernière, ou la conclusion en entier.

 13   R.  "Conclusion : Il est possible de conclure que les régions les plus

 14   soupçonnées sont sous le contrôle de la BiH."

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça ne sert à rien de tout lire à haute

 16   voix.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] De toute façon, j'ai déjà lu à voix basse. Je

 18   vais faire mes commentaires.

 19   M. KARADZIC : [interprétation] 

 20   Q.  Non, encore une conclusion. Ici, on voit que cet obus, que personne

 21   n'avait touché d'ailleurs, venait bel et bien du côté musulman. Il y avait

 22   un autre obus qui avait été déplacé et pour lequel les Serbes étaient

 23   soupçonnés d'avoir tiré, alors que celui qui n'a pas été déplacé du tout

 24   avait clairement été tiré par le côté musulman. Vous connaissiez ces

 25   rapports ?

 26   R.  Non, je ne connais pas ces rapports. Si je les avais connus à l'époque,

 27   ça m'aurait intéressé. J'aurais certainement enquêté là-dessus pour faire

 28   un reportage.


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  1   Mais de mon temps, je n'ai jamais vu le moindre document de la sorte.

  2   Mais ça, c'était vraiment quelque chose qui aurait pu passer au journal,

  3   c'est sûr. Je ne sais pas combien de rapports de ce type il existe, mais en

  4   tout cas, j'aurais bien aimé avoir ce type de rapport à propos des

  5   reportages que j'ai faits sur les incidents que j'ai couverts. Mais il n'y

  6   en avait pas à l'époque. C'est important quand même, c'est qu'il y avait un

  7   siège en cours, la ville était assiégée, la ville était en guerre. Donc il

  8   y avait des tirs entrants serbes dans la ville de façon régulière. Comme je

  9   l'ai dit, ça, je l'ai vu. J'ai vu les obus, j'ai vu les douilles aussi.

 10   Mais j'aurais été très intéressé si j'avais pu avoir entre les mains ce

 11   type de rapport et faire l'enquête pour en faire un reportage.

 12   Q.  Très bien. On y reviendra. Vous verrez qui a tiré sur la ville et qui a

 13   pilonné la ville. C'est un sujet en soi.

 14   Mais savez-vous qu'en ce qui concerne le premier incident, celui du

 15   27 mai dans la file de gens qui attendaient pour avoir du pain dans la rue

 16   Vase Miskina, les représentants des Nations Unies soupçonnaient fortement

 17   que c'était le côté musulman qui était en train de mettre en scène ces

 18   incidents ? Et si vous l'aviez su, est-ce que vous auriez rédigé

 19   différemment votre paragraphe 39, sans doute ? Parce que les Nations Unies

 20   ont toujours averti leurs représentants pour leur dire qu'il fallait faire

 21   très, très attention à tout ce qui était mis en scène, où l'on faisait

 22   venir des cadavres, et cetera, et cetera. D'après vous, c'est ce que vous

 23   avez entendu et que vous avez qualifié de rumeurs, mais ça fait quand même

 24   partie de rapports officiels. Donc, si vous aviez eu tout cela, si vous

 25   aviez su tout cela, est-ce que vous auriez modifié la façon dont vous avez

 26   résumé votre paragraphe 39 ?

 27   R.  Ecoutez, au paragraphe 39, j'ai dit que j'ai entendu ces rumeurs de la

 28   bouche d'un aide du général MacKenzie, mais que je n'ai jamais eu aucune


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  1   preuve. Mais si j'avais eu entre les mains le type de documents que vous me

  2   montrez, j'aurais peut-être modifié ma façon de penser. Mais je n'avais pas

  3   ces documents qui portaient sur les incidents sur lesquels je faisais des

  4   reportages et qui donnaient un autre son de cloche. Enfin, tout ceci est

  5   hypothétique de toute façon, et je ne peux pas vous donner de bonne réponse

  6   à une question totalement hypothétique. Je préfère m'en tenir aux faits.

  7   Q.  Oui, mais qu'en est-il de ces rapports, les reportages que vous avez

  8   faits sur les incidents auxquels vous n'avez pas assisté ? En vous basant

  9   sur les images, vous avez ensuite rédigé le texte ? Qu'est-ce qu'on est

 10   censé penser de ces reportages qui ont été fabriqués de cette façon-là ?

 11   R.  Ecoutez, c'est un peu différent. Ici, je suis dans un prétoire 18 ans

 12   après les faits, en essayant d'analyser un rapport sur un incident auquel

 13   je n'ai pas assisté, pour écrire l'histoire à propos d'un incident qui

 14   aurait eu lieu exactement dans le quartier de la ville où je me trouvais.

 15   Je n'étais peut-être pas là précisément pour le voir de mes propres yeux au

 16   moment exact où les choses sont arrivées, mais c'est un endroit que je

 17   connaissais, j'ai pu y aller après les faits. J'ai pu m'entretenir avec les

 18   personnes qui y avaient assisté, j'ai pu absorber un peu le contexte de

 19   l'événement. Donc on ne peut pas comparer les deux.

 20   Q.  Bien. Mais vous savez qu'il y avait quand même des mises en scène par

 21   les forces musulmanes. Leur but était de provoquer une intervention

 22   internationale ou alors de faire en sorte que les Serbes soient chassés.

 23   Vous saviez quand même qu'il y avait ce jeu politique en cours de la part

 24   de l'armée musulmane ?

 25   R.  Comme je le répète, vers la fin de mon premier séjour à Sarajevo, cet

 26   aide du général MacKenzie s'est entretenu avec moi, à voix basse

 27   d'ailleurs. Il m'a pris pour que nous parlions tranquillement dans un coin

 28   et il a plus ou moins dit à voix basse, comme s'il me parlait d'un grand


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  1   secret. Mais j'étais assez intrigué, bien sûr, et donc j'ai essayé de

  2   rechercher des preuves de ses propos. Et après différents incidents, des

  3   incidents assez controversés, on voyait souvent des soldats qui faisaient

  4   leur analyse de cratère et, en revanche, une fois l'analyse de cratère

  5   faite, souvent les résultats n'étaient pas publiés. Donc il se peut qu'ils

  6   aient trouvé des choses qui corroboraient plus ou moins les allégations que

  7   vous faites, peut-être, je n'en sais rien.

  8   Q.  Bien. Moi, je parle de façon plus large. Je ne parle pas uniquement de

  9   tirer sur sa propre communauté, mais d'autres types de jeux auxquels ils se

 10   livraient afin de chasser les Serbes.

 11   Passons à un autre rapport, le numéro 1D2928. Il s'agit du vôtre.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Le journaliste : La guerre s'approche des forces de protection des Nations

 15   Unies. Quatre soldats ukrainiens ont été blessés lorsque leur batterie de

 16   radar a été attaquée. Ils ont essuyé des tirs parce que les forces de

 17   Bosnie avaient installé des canons à 30 mètres de leur position. Leur but

 18   était de les utiliser comme bouclier, mais ça a raté."

 19   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Oui, c'est justement l'une de ces ruses qu'ils ont utilisées, en

 22   déplaçant leurs véhicules près des installations de la FORPRONU et en

 23   tirant ensuite du côté serbe ?

 24   R.  Oui, enfin tout est clair dans le script qui va avec le reportage. Ils

 25   ont essuyé des tirs parce que les forces musulmanes avaient mis des canons

 26   à 30 mètres de leur position. Si leur plan c'était de les utiliser comme

 27   bouclier, ça a raté. C'est ce que j'ai dit de toute façon.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous étiez au courant de la façon dont les


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  1   différentes forces étaient déployées dans Sarajevo ? Est-ce que vous aviez

  2   une bonne idée du plan d'ensemble du déploiement des forces ?

  3   R.  Non, je ne connaissais pas vraiment pas le plan d'ensemble. Aucun

  4   journaliste sur place ne le savait. Les journalistes sont à l'extérieur de

  5   l'événement, ils ne sont pas dans l'événement. Enfin, ils ne sont pas au

  6   courant des délibérations secrètes du gouvernement des Musulmans de Bosnie.

  7   Je ne savais pas non plus quel était -- je n'étais pas au courant de ce que

  8   vous faisiez à Pale, vous-même, et je ne savais pas non plus ce que

  9   discutait de façon secrète la FORPRONU.

 10   Moi, j'étais en dehors de tout cela. J'étais reporter, et lorsqu'on

 11   est journaliste, il faut utiliser ses yeux, ses oreilles, parler aux gens,

 12   essayer de trouver le plus d'information possible. Mais on n'est pas à

 13   l'intérieur.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons encore l'un de vos reportages, 1D2931.

 15   Est-ce que l'on peut verser au dossier le précédent, je vous prie ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D939, Monsieur le

 18   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous montre le

 20   1D2931.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Le journaliste : Les membres de la Défense territoriale bosnienne se

 24   rapportaient à la ligne du front et les gens à côté des maisons desquelles

 25   ils passaient levaient des panneaux disant, Que dieu vous protège.

 26   Jeremy Bowen, NBC News, Sarajevo."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.


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  1   Q.  Est-ce que vous avez été ici ou est-ce que c'est votre caméraman qui

  2   vous a rapporté la chose ?

  3   R.  A vrai dire, je ne m'en souviens pas. Ce clip est trop bref pour que je

  4   puisse m'en souvenir. Il faudrait que j'en vois un peu plus. Vous m'avez

  5   montré huit secondes de quelque chose que j'ai filmé il y a 19 ans.

  6   Vraiment, je ne sais pas, c'est la première fois que je revois ceci depuis

  7   lors.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut réentendre la

  9   référence ? "1D2931" avez-vous dit, n'est-ce pas ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellence, c'est cela.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, vous étiez là sur les lieux, on le voit dans le reste du

 13   clip, mais --

 14   R.  Excusez-moi de vous interrompre. Je n'ai pas vu ce qu'on nous a montré

 15   du départ. Alors, est-ce qu'on me voit dans cette  vidéo ?

 16   Q.  Je crois qu'on vous voit sur des cadres précédents. Mais c'est, de

 17   toute manière, un reportage fait par vous.

 18   Laissez-moi vous poser la question suivante, Monsieur Bowen : si vous étiez

 19   resté à l'hôtel et si nous avions tiré sur ces soldats en vêtements civils,

 20   si vous aviez vu qu'on leur tirait dessus, comment informeriez-vous le

 21   public ? Vous auriez dit que nous avons tiré sur des civils en ville,

 22   n'est-ce pas ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Je ne pense pas que le

 24   témoin ait eu communication exacte du message, parce que la transcription

 25   que je possède est différente de ce que nous avons au compte rendu. Je vais

 26   donner lecture de ce que j'ai :

 27   "Deux membres de la Défense territoriale bosnienne se déplaçaient vers la

 28   ligne de front. Les civils à côté des maisons desquelles ils passaient ont


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  1   levé des panneaux où il était écrit, Dieu vous garde, Dieu vous protège."

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, quelle est votre question,

  4   Monsieur Karadzic ?

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Ma question est celle de savoir : si ces jeunes personnes avaient été

  7   tuées dans la rue, qu'auriez-vous rapporté ? Que les Serbes avaient tiré

  8   sur des civils ?

  9   R.  Eh bien, je n'aurais dit ni un ni l'autre. J'aurais rapporté qu'il

 10   s'était s'agit de jeunes combattants qui se déplaçaient vers la ligne de

 11   front et qui étaient tombés sous des tirs. J'aurais rapporté ce qui s'était

 12   passé. Si un obus a été tombé parmi eux et si, par un miracle quelconque,

 13   le caméraman aurait pu être rescapé de cette explosion avec ces prises de

 14   vue, j'aurais dit que c'était des combattants qui avaient été exposés à des

 15   tirs et qui sont morts. Et si c'était des civils qui avaient été tués,

 16   j'aurais dit que des civils qui étaient en train de les encourager sur leur

 17   chemin ont été également tués. C'est ce que je ferais. Il me semble que les

 18   choses sont assez simples. Mais là, nous sommes en train de parler

 19   d'hypothèse parce que l'incident en tant que tel n'est pas survenu.

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, j'avais eu

 21   l'intention de vous interrompre un peu plus tôt avant la réponse du témoin

 22   qui a apporté une réponse d'ailleurs qui est la seule possible s'agissant

 23   d'une question hypothétique comme la vôtre. Alors, ça ne nous aide pas

 24   beaucoup. Il serait beaucoup plus utile de vous pencher sur des choses ou

 25   des questions où nous avons des faits découlant du témoignage de ce témoin

 26   sans pour autant procéder à des exercices hypothétiques, parce que le

 27   témoin ne peut vous apporter que des réponses toutes aussi hypothétiques.

 28   Il se peut que c'est la bonne réponse concernant ce qu'il aurait fait dans


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  1   ce cas de figure, mais à condition que ces éléments se soient produits.

  2   Mais ça n'aide personne.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis d'accord, Excellence. Mais je n'ai pas

  4   terminé mon exercice.

  5   Je voulais attirer l'attention de ce témoin sur le paragraphe numéro 24 de

  6   sa déclaration.

  7   On y voit que l'on considère que c'est des civils qui sont pris dans une

  8   sorte de piège et qu'on pouvait être tué n'importe où.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors, Monsieur Bowen, c'est une autre chose que d'avoir assisté ou vu

 11   un homme portant un fusil se faire tuer. Et on ne vous aurait pas montré le

 12   fusil, on aurait emporté le fusil, et vous, vous auriez tiré une conclusion

 13   qui est celle de dire que ces des civils qui ont été tués et c'est de ça

 14   qu'il s'agit.

 15   Je vous renvoie au paragraphe 24 qui laisse entendre qu'on tire sur des

 16   civils. Alors, moi, je vous demande : est-ce que ces jeunes gaillards sont

 17   une cible légitime ou pas ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, il n'appartient pas

 19   au témoin d'apporter une réponse à ce type de questions.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Bowen, est-ce que les Musulmans avaient une armée organisée

 22   dans Sarajevo pendant que vous vous y êtes trouvé ?

 23   R.  Lorsque je suis allé pour la première fois là-bas en 1992, il y avait

 24   une Défense territoriale qui était quelque peu organisée de façon

 25   chaotique, à mon avis. Ils n'avaient pas d'uniformes appropriés. Une

 26   organisation était mise sur pied, mais c'était une espèce d'organisation de

 27   milice, je dirais. Et en 1993, lorsque le général Delic est venu à la tête

 28   de ces troupes, c'est devenu assez bien organisé, et au fur et à mesure que


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  1   la guerre a avancé, elles se trouvaient à être de mieux en mieux

  2   organisées. D'un point de vue militaire, ils allaient de mieux en mieux.

  3   Mais au tout début, en 1992, c'était tout à fait chaotique. Par exemple,

  4   ils s'appuyaient sur des individus charismatiques, dont bon nombre se

  5   trouvaient à être issus de cercle assez douteux, afin qu'eux organisent

  6   leur défense. Et ensuite, on a vu qu'ils étaient mieux armés, qu'ils

  7   avaient de vrais uniformes, qu'ils avaient de véritables bottes et qu'ils

  8   réagissaient en tant que formation militaire.

  9   Q.  Merci. Monsieur Bowen, est-ce que vous saviez que la partie musulmane,

 10   dès printemps 1991, avait commencé à organiser une Ligue patriotique et que

 11   ces Bérets verts étaient une espèce de formation d'élite au sein de la

 12   Ligue patriotique ? Est-ce que vous saviez qu'ils avaient, au début de la

 13   guerre, quelque 120 000 à 150 000 hommes au sein de leur unité, vêtus de

 14   vêtements civils certes, mais des hommes organisés quand même ? Est-ce que

 15   vous le saviez ?

 16   R.  Cent cinquante mille -- je n'ai jamais entendu prononcé tel chiffre. Je

 17   savais que toutes les parties avaient pressenti le début d'une guerre et

 18   que toutes ces parties s'étaient préparées. En 1991, je ne suis pas allé en

 19   Bosnie, exception faite d'une visite, et c'était quand j'allais en Croatie.

 20   Je ne suis que passé par Banja Luka. En 1991, j'informais de la guerre en

 21   Croatie, et mon prédécesseur le faisait aussi.

 22   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Excusez-moi.

 23   Est-ce que vous avez entendu parler de ces Bérets verts du  tout ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, non. Les Bérets verts, non, je n'en

 25   ai pas entendu parler. Lorsque je suis arrivé là-bas en 1992, il a beaucoup

 26   été question de la TO, c'est-à-dire de la Défense territoriale, et d'après

 27   ce que j'ai pu comprendre, c'était, pour l'essentiel, des forces de milice

 28   -- quelque chose qui n'était pas organisé de façon conventionnelle dans un


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  1   sens militaire du terme. J'ai connu quelqu'un qui avait dit qu'il avait

  2   fait partie des "forces spéciales" du gouvernement de Bosnie, mais vous

  3   savez, c'était un jeune gars qui avait fait une académie militaire. Ce

  4   n'était pas des forces spéciales dans le sens où cela serait entendu au

  5   sein de l'armée américaine ou britannique ou dans l'armée fédérale

  6   yougoslave. Alors, ces Bérets verts, non, je ne pense pas en avoir entendu

  7   parler. Et d'après ce que j'ai pu voir et savoir en 1992, il n'en est pas

  8   été question.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux y aller ?

 10   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Oui.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Alors, est-ce que vous êtes d'accord, Monsieur, pour dire que toute la

 13   Défense territoriale de Sarajevo, en début août 1992, à Sarajevo, avait

 14   quelque 500 différentes unités, comme le dit Sefer Halilovic, qui ont été

 15  réunies pour constituer un 1er Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Donc

 16   saviez-vous qu'à partir du mois d'août déjà, il existait un corps, un 1er

 17   Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine, avec 15 brigades sises dans la

 18   ville même ?

 19   R.  J'ai appris qu'ils essayaient de s'organiser, parce qu'ils n'ont pas

 20   beaucoup apprécié -- des gars qui portaient des combinaisons noires et qui

 21   allaient et venaient dans le cadre de leur Défense territoriale. Peut-être

 22   faisaient-ils partie de ces quelque 500 différentes unités, mais ce que je

 23   sais, c'est qu'ils s'étaient efforcés de se procurer des uniformes

 24   appropriés pour s'organiser de façon adéquate. Je n'ai pas étudié

 25   l'évolution de l'organisation de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais je

 26   dois reconnaître que s'ils avaient eu 500 unités différentes aux fins de

 27   défendre une grande ville seulement, ceci me laisserait entendre que peut-

 28   être cela était-il exact, mais que c'était définitivement chaotique. Il est


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  1   certain qu'ils ont essayé de s'organiser et -- à la fin de l'année

  2   suivante, parce que j'ai passé un certain temps à m'entretenir avec le

  3   général Delic dans son QG, ils se trouvaient être assez bien organisés à ce

  4   moment-là. Je suppose qu'antérieurement, le processus était en langes.

  5   Q.  Merci. Est-ce que vous acceptez l'affirmation au terme de laquelle

  6   l'armée musulmane disposait de trois fois plus d'hommes que le Corps de

  7   Sarajevo-Romanija lui-même ? Et je vous demanderais de répondre de façon

  8   plus brève. Est-ce que vous acceptez l'affirmation au terme de laquelle les

  9   effectifs, les hommes de cette armée de Bosnie-Herzégovine, en 1992,

 10   étaient trois fois plus nombreux que les effectifs de ce Corps de Sarajevo-

 11   Romanija ?

 12   R.  Quand vous parlez du Corps de Sarajevo-Romanija, je pense que vous

 13   parlez des unités des Serbes de Bosnie. Je n'ai aucune idée du nombre des

 14   effectifs. J'ai été frappé par le fait, à l'occasion des visites aux

 15   positions à l'extérieur de Sarajevo, qu'il n'y avait pas tant de positions

 16   ou de places fortifiées, si vous vous penchez sur celles qui se trouvaient

 17   aux alentours de la ville.

 18   S'agissant maintenant de ce que j'ai appris concernant les unités des

 19   Serbes de Bosnie, je dirais qu'en 1993, je me suis trouvé à proximité de

 20   Han Pijesak, et on est tombé sur une unité des Serbes de Bosnie qui se

 21   trouvait être très bien organisée. Il me semble que c'était des unités de

 22   montagne qui étaient fort bien équipées pour la guerre en temps d'hiver.

 23   C'était des gens qui se comportaient en tant que soldats. C'était un

 24   calibre tout à fait autre de ce que j'avais pu voir à Sarajevo, qu'ils

 25   étaient des bonhommes qui étaient recrutés dans le cru, des bonhommes

 26   recrutés localement. Et des deux côtés, au fur et à mesure que la guerre a

 27   évolué, les gens se sont faits de plus en plus organisés, et il y a des

 28   commandants qui se sont mis -- enfin, qui ont fait leurs preuves. Donc il y


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  1   a eu des forces, des effectifs faisant face les uns aux autres. Mais le

  2   détail, je le crains fort, je n'en ai pas eu connaissance.

  3   Q.  Vous avez pu voir les endroits où les obus sont tombés, puis vous avez

  4   inspecté les endroits à partir desquels on avait tiré. Est-ce que vous avez

  5   aussi visité les endroits où sont tombés les obus musulmans et les endroits

  6   à partir desquels les Musulmans avaient tiré ? Est-ce que vous savez

  7   quelles étaient les pièces d'artillerie et les armes dont avait disposé

  8   l'armée des Musulmans de Bosnie à Sarajevo même ?

  9   R.  Je ne le sais pas. Il est évident qu'ils avaient quelque chose. Et au

 10   fur et à mesure que le temps a passé, ils s'en sont procurés davantage. Ils

 11   ont réussi à se procurer des armes. Je suis en train d'essayer de m'en

 12   souvenir. J'ai inspecté des positions de l'armée de Bosnie autour de

 13   Sarajevo, aux lignes de confrontation. J'ai pu le faire à plusieurs

 14   reprises. Et au fur et à mesure que la guerre faisait rage, on avait de

 15   plus en plus d'hésitation à nous laisser passer, mais je sais que je suis

 16   allé voir des positions de ce type, et j'ai vu une position avec un canon

 17   sans recul non loin de l'hôtel Holiday Inn, et on a entendu des échanges de

 18   tirs. La guerre faisait rage, et j'étais en train de faire des reportages

 19   de guerre. Mais comme je l'ai dit, la façon dont mes reportages ont été

 20   faits se concentrait sur les effets sur les civils, parce que les civils

 21   sont ceux qui ont souffert le plus, qui ont souffert de façon

 22   disproportionnée dans cette guerre.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Nous allons nous pencher sur plusieurs

 24   de ces reportages.

 25   Maintenant je voudrais qu'on nous montre le 1D02920. Au paragraphe 24,

 26   notamment, dans votre déclaration, vous dites que :

 27   "Les civils n'ont pas été pris en étau entre les tirs des deux armées

 28   faisant face l'une à l'autre."


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  1   Alors, voyons un peu comment vous avez rapporté les événements.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Le journaliste : Le convoi des Nations Unies a finalement atteint

  5   Sarajevo pendant une brève trêve. Ils ont aussitôt appris pourquoi un

  6   représentant officiel des Nations Unies avait appelé cela guerre

  7   généralisée. Les obus et les grenades commençaient de façon aveugle sur les

  8   logements des gens. Il était clair qu'on ne faisait que tirer. Et il n'y a

  9   pas eu rien de laisser entendre qu'il y aurait un cessez-le-feu."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 11   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Vous avez dit que les civils avaient été pris au piège pour ce qui est

 13   de tirs croisés entre deux armées belligérantes, et vous avez dit aussi que

 14   c'était une guerre généralisée, d'après les termes utilisés par un

 15   représentant officiel des Nations Unies ?

 16   R.  J'avais cité un représentant officiel des Nations Unies qui avait parlé

 17   de ce qui s'était passé ce jour-là, mais je ne sais pas vous dire qui

 18   c'était au juste. J'aurais peut-être pu être plus précis du point de vue

 19   des termes utilisés parce que j'avais parlé de tirs croisés entre deux

 20   armées. J'aurais dû dire que cela était le cas pendant "la majeure partie

 21   du temps". Mais moi, j'étais en train de penser à des corps gisant dans les

 22   rues, de personnes tuées par des tireurs embusqués, des corps d'enfants,

 23   des gens tués par des obus. Il n'y avait pas de positions militaires

 24   autour. Ça, c'était l'une des choses que j'avais coutume de faire avec mes

 25   collègues pour essayer de me faire une idée indépendante du niveau des

 26   pertes, et il y a eu des visites d'effectuées à la morgue. Vous avez pu,

 27   là-bas, vous faire une idée des choses, parce que là, les corps étaient

 28   dans les vêtements que les gens portaient lorsqu'ils ont été tués,


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  1   seulement, les vêtements étaient couverts de sang ou de boue. Ils n'étaient

  2   pas nettoyés du tout, et on pouvait voir là-bas qui se trouvaient être

  3   combattants en uniforme, portant des bottes, ou est-ce que c'était des gens

  4   tout à fait jeunes, ou est-ce qu'il s'agissait encore de gens qui n'étaient

  5   pas du tout des combattants, des femmes, des enfants, des personnes âgées.

  6   Donc on parlait de modèle de comportement --

  7   Q.  Merci. Essayez d'être plus bref. Parce que vous dites dans votre phrase

  8   que :

  9   "Entre 1992 et 1995, ils ont été exposés à des campagnes organisées de

 10   pilonnage de la part des Serbes de Bosnie qui avaient encerclé la ville."

 11   Et moi -- ça, vous l'avez affirmé. Moi, ce que je veux démontrer, c'est que

 12   ce type d'attitude était comme si vous aviez rédigé un acte d'accusation,

 13   et tout ce que vous avez dit à la BBC était différent.

 14   Est-ce qu'on peut voir le clip que j'ai demandé à nous   montrer ? On peut

 15   peut-être demander le versement au dossier de la totalité à la fin ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais avant cela, est-ce que vous pouvez

 17   répondre -- ah oui -- non, mais ça, c'était un extrait de la déclaration.

 18   Je pensais au départ que c'était les tout derniers propos repris au

 19   paragraphe 24.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas dénué de fondement. Je

 21   le maintiens à 100 %. Il y avait eu une campagne organisée de pilonnage et

 22   de tirs de tireurs embusqués de la part des forces des Serbes de Bosnie qui

 23   entouraient la ville. Je crois que c'est ainsi que l'on avait exercé des

 24   pressions à l'égard du gouvernement bosnien. Et je crois aussi que cela

 25   avait visé à exercer des pressions pour ce qui est des prises de position

 26   internationale. Il s'agissait donc de disséminer la terreur parmi la

 27   population et d'intimider celle-ci. J'ai vu des gens se faire tuer, j'ai vu

 28   des personnes tuées dans leurs propres maisons, j'ai vu des enfants morts -


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  1   - et je voudrais pouvoir terminer ma phrase.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, essayez de ne pas

  3   interrompre le témoin.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens d'un reportage que j'ai fait au

  5   sujet d'un groupe d'enfants qui ont été tués lorsqu'ils sont allés jouer à

  6   un toboggan. Il n'y avait aucune espèce de position militaire à proximité.

  7   Aucun parent sensé n'aurait laissé ses enfants aller vers un toboggan s'ils

  8   savaient qu'il y avait là une position militaire à proximité. C'était une

  9   journée tout à fait tranquille, et un obus est tombé là et les a tués. Et

 10   c'est sur des choses de ce genre que j'ai fondé les phrases que j'ai

 11   consignées.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, je crois qu'on n'avait pas parlé

 13   d'un clip antérieur, qui était plutôt court, le 1D2931. Est-ce qu'il y a

 14   des objections pour ce qui est de son versement au dossier ?

 15   Ce sera alors versé au dossier.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D940 et D941,

 17   respectivement.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Bowen, je vais devoir demander du temps complémentaire si vous

 20   répondez de façon aussi longue.

 21   Alors, vous avez dit qu'un obus était tombé parmi des enfants. Est-ce que

 22   vous avez eu des preuves qui démontreraient que c'était un obus serbe ? Sur

 23   quoi basez-vous ceci ? Vous basez ceci sur des sentiments qui sont les

 24   vôtres ? Mais avez-vous des éléments de preuve qui démontreraient que cet

 25   obus était un obus venu du côté des Serbes ?

 26   R.  Eh bien --

 27   Q.  Nous n'avons aucune raison d'aller plus en large. Oui ou non ? Avez-

 28   vous des éléments de preuve ou pas ?


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  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous ne pouvez pas

  2   limiter le témoin dans ses réponses. Si vous posez une question ouverte de

  3   ce genre, ceci peut conduire à toute une série d'explications et vous devez

  4   tout simplement vivre avec. Si le témoin peut répondre de façon brève, il

  5   le fera, mais il faut aussi qu'il réponde d'une façon qui fournit le

  6   meilleur d'un témoignage de sa part.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Juge Morrison.

  8   Monsieur Bowen.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je crois que les Serbes avaient

 10   assiégé la ville et que c'est leurs obus qui ont tué des tas de gens qui se

 11   trouvaient là-bas. Ça se fonde sur le fait que j'y ai passé des mois.

 12   Parfois on a même pu voir des flammes dans les canons à partir desquels les

 13   obus étaient tirés, et on a vu où ces obus sont tombés. J'ai circulé et

 14   j'ai vu des douilles vides. J'ai parlé avec des gens qui m'ont parlé de la

 15   façon dont ils avaient tiré sur la ville. J'ai vu des corps de civils

 16   morts, avec des balles dans leurs têtes, et cetera.

 17   Donc je me souviens de ce reportage concret pour ce qui est de ces

 18   enfants au niveau du toboggan -- je n'ai pas maintenant la transcription de

 19   ce que j'ai dit à l'époque, parce que ça s'est passé il y a 18 ou 19 ans.

 20   Je ne me souviens donc pas des mots que j'avais utilisés, mais je suis

 21   certain que cela a été précis et que cela s'était basé sur les informations

 22   dont je disposais à l'époque.

 23   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 24   Q.  Je ne peux pas maintenant m'aventurer plus en avant pour ce qui est des

 25   informations et de leur origine, parce que ça prend trop de temps. Ça

 26   demanderait une enquête, Monsieur Bowen.

 27   Dites-moi, est-ce que les Musulmans ont tiré depuis la ville, peut-être

 28   même plus que les Serbes qui tiraient vers la ville ? Est-ce que la


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  1   question est assez simple pour vous.

  2   R.  Les Musulmans ont tiré depuis la ville. Bien sûr qu'ils avaient tiré;

  3   ils étaient en guerre. Et les Serbe, d'abord, possédaient une puissance de

  4   tirs plus grande et se trouvaient sur des positions plus élevées, donc ça

  5   les plaçait dans un avantage militaire certain.

  6   Q.  Donc vous croyez que les Musulmans n'avaient pas leurs propres

  7   positions sur les collines et qu'ils n'avaient pas de pièces d'artillerie

  8   ou de mortiers sur les collines autour de Sarajevo, n'est-ce pas ?

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic --

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit cela.

 11   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Le témoin n'a simplement pas dit

 12   cela. Vous êtes en train de lui attribuer des propos qu'il n'a pas

 13   prononcés. Cela ne nous aide pas.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 15   Excellence, il me reste quand même un grand nombre de zones d'ombre.

 16   Comment se fait-il que M. Bowen dit que tout projectile venant des collines

 17   en surplomb de la ville provienne forcément de l'arsenal serbe plutôt que

 18   de l'arsenal musulman ?

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Bowen, lorsque vous voyez des douilles, est-ce que vous pouvez

 21   reconnaître et savoir si ce qui a été ciblé est une cible légitime ou une

 22   cible civile ?

 23   R.  Je ne le vois pas en utilisant la douille elle-même, mais je tire cette

 24   conclusion en voyant où est tombée la douille. Vous voyez, par exemple, un

 25   obus tiré par un char est tombé dans l'appartement de la famille de mon

 26   traducteur. Alors, ça, ce n'était certainement pas une position militaire,

 27   et ça n'a pas été tiré depuis l'intérieur de la ville. Moi, je pouvais voir

 28   où atterrissaient les obus, et lorsque je m'y rendais, je pouvais voir


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  1   ensuite d'où ces projectiles avaient été tirés.

  2   Q.  Mais est-ce que les Musulmans avaient des chars en ville, et avez-vous

  3   fait des reportages à ce propos ?

  4   R.  Je n'ai jamais vu de chars en mouvement. J'ai vu quelques chars en

  5   panne, cassés. Ils avaient peut-être des chars. Peut-être. Je ne sais pas.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

  7   Pouvons-nous maintenant avoir la pièce 1D2933.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  En attendant que cela vienne à l'écran, sachez que votre collègue,

 10   Martin Bell, a déclaré, et cela se voit dans son reportage d'ailleurs,

 11   qu'il y avait bel et bien des jours où les Musulmans tiraient un plus grand

 12   nombre de projectiles sur les Serbes dans la ville que ceux que tiraient

 13   les Serbes sur le côté adverse. C'est ce qui est écrit dans son reportage.

 14   Pouvons-nous avoir la vidéo.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce une question ?

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous êtes au courant de cela --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il faut d'abord que nous

 20   regardions la vidéo et qu'ensuite il y aura la question. C'est bien ainsi

 21   que vous aviez l'intention de procéder, Monsieur Karadzic ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait.

 23   Pouvons-nous avoir la vidéo maintenant.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Le journaliste : Les Musulmans dirigent un grand nombre de leurs

 27   tirs sur les positions serbes qui se trouvent en surplomb de Sarajevo, mais

 28   qui ne sont pas impossibles à capturer."


Page 10217

  1   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le clip est très court, donc je ne

  4   comprends pas très bien le contexte.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux sans doute essayer de vous aider.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

  7   Votre question, Monsieur Karadzic.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Donc vous étiez au courant, et vous avez même fait un reportage là-

 10   dessus, vous avez bel et bien dit que les positions serbes qui étaient

 11   autour de Sarajevo étaient soumises à des tirs nourris venant de la ville

 12   elle-même. Alors, comment se fait-il que M. Martin Bell a confirmé cela et

 13   que vous ayez aussi dit dans vos propres reportages que très souvent il y

 14   avait plus de tirs sortant de la ville que de tirs entrants ?

 15   R.  Je vais répondre en différentes étapes. Premièrement, je n'ai pas lu le

 16   témoignage de Martin Bell, je n'ai pas lu sa déposition non plus, je ne

 17   sais pas ce qu'il vous a dit dans le prétoire. Mais je tiens à vous dire

 18   que je n'ai jamais dit que les Musulmans n'avaient aucune arme et ne

 19   tiraient pas. Il y avait une guerre en cours, bien sûr, et le côté

 20   musulman, bien sûr, utilisait ses armes dans la mesure du possible, le plus

 21   possible d'ailleurs. Ce que j'essayais de dire, en fait, c'est qu'en effet,

 22   ils essuyaient des tirs nourris par moments, parfois certes; je n'étais pas

 23   partout à tous les moments, mais je dis qu'ils avaient quand même des

 24   positions qui étaient difficiles à prendre, imprenables -- qu'ils étaient

 25   en surplomb. Ils auraient certes -- on aurait pu lancer un assaut contre

 26   leurs positions, un assaut le long des collines, ç'aurait été possible.

 27   Bon, ils essuyaient des tirs, c'est vrai, mais ils pouvaient continuer à

 28   faire ce qu'ils faisaient et à résister. Mais il est vrai qu'il y avait une


Page 10218

  1   guerre en cours et que les deux camps tiraient. Bien sûr, je n'ai jamais

  2   dit à aucun moment quoi que ce soit qui contredise ce fait.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

  4   Pourrions-nous maintenant avoir la pièce 1D2924. Il s'agit d'un autre

  5   reportage que vous avez fait.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Le journaliste : Les commandos serbes ont attaqué vers 4 heures 30

  9   ce matin. Ils ont combattu pour arriver dans un quartier appelé Skenderija

 10   qui est près du bâtiment abritant la présidence musulmane. Après à peu près

 11   une heure de lourd combat, ils se sont soit retirés ou ils ont été

 12   repoussés. On ne sait pas vraiment ce qui s'est passé."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Donc il y a des combats mais dans le centre même de Sarajevo ici,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Tout à fait, tout à fait à côté de la présidence. C'est bien d'ailleurs

 18   ce que j'ai dit dans le reportage. D'ailleurs, dans la bande son, on entend

 19   les tirs entrants.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   Pouvons-nous -- je vais peut-être le versement de celui-ci maintenant ou

 22   peut-être plus tard, je ne sais pas. Maintenant ou plus tard ? Est-ce qu'on

 23   admet tout en séquences ou alors dans leur ensemble ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je préfère que nous admettions les

 25   choses une par une.

 26   Quelle est votre position, Madame Edgerton ?

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Ecoutez, les clips sont tellement courts,

 28   on n'a pas de contexte. On a des séquences qui durent quelques secondes. On


Page 10219

  1   ne sait pas ce qui se passe, où ça se passe, quand ça se passe, on n'est

  2   absolument au courant de rien. Donc c'est difficile pour le témoin de faire

  3   des commentaires intelligents sur ces séquences, mais c'est difficile pour

  4   tout le monde aussi dans le prétoire de comprendre l'utilité des séquences

  5   vidéo qui nous sont montrées tellement elles sont courtes.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, j'entends bien, et je suis plus ou

  7   moins d'accord avec vous d'ailleurs. Maintenant que le témoin a quand même

  8   réussi à nous donner des éléments de contexte, nous pouvons admettre ces

  9   deux clips.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ils recevront le cotes D942 et D943.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 13   Passons maintenant à la pièce 1D02926. On n'a pas le temps de montrer des

 14   reportages dans leur ensemble. On n'a pas assez de temps, c'est désolant.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Le journaliste : Personne ici ne s'attend à une guerre courte. Ils

 18   ne vont pas mourir de faim tant que les Nations Unies peuvent apporter des

 19   vivres, mais le seul endroit où ils peuvent être en sécurité, c'est dans

 20   leurs caves, à penser à une autre vie, en espérant qu'ils seront sauvés par

 21   les troupes étrangères.

 22   Il y a eu des échanges d'artillerie et de tirs de char très nourris. Les

 23   mortiers et les mitrailleuses les ont à nouveau dérangés pendant la nuit

 24   dernière, et on s'attend à ce que cette nuit ne soit pas différente.

 25   Jeremy Bowen, BBC News, Sarajevo."

 26   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Bowen, vous parlez donc d'échanges très nourris de tirs


Page 10220

  1   d'artillerie et de tirs de char ?

  2   R.  Oui.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Pourrions-nous verser la pièce au dossier ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il me semble que nous l'avons vue hier.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Nous l'avons vue dans la totalité de la

  7   séquence hier. Et j'essaie de retrouver la référence au compte rendu

  8   d'ailleurs.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Poursuivons.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais intervenir, s'il vous plaît.

 11   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'on est journaliste, il est assez

 14   difficile de savoir qui tire et d'où viennent les tirs, mais on a quand

 15   même des indices en ce qui concerne les tirs venant d'un char, par exemple.

 16   Le son d'un tir entrant est très différent d'un tir sortant. Donc, si vous

 17   êtes en train d'essayer de dire que les deux camps échangeaient des tirs à

 18   partir de char, là, sachez que je n'ai entendu que des tirs entrants. Je

 19   n'ai pas entendu le son caractéristique d'un tir sortant venant d'un canon

 20   de char. Ça, j'en suis certain. Et je l'ai à nouveau entendu en écoutant la

 21   bande-son.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Mais dans ce reportage, quand même, vous avez dit qu'il y avait des

 24   combats très sévères en cours à Sarajevo, y compris des échanges de tirs

 25   d'artillerie et de tirs de char ? Vous l'avez écrit quand même ? C'est ce

 26   que vous avez dit.

 27   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit, mais ce que je voulais dire, c'est que les

 28   échanges de tirs étaient généralisés. C'était difficile de savoir ce qui se


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  1   passait à tout moment. J'étais dans ma chambre d'hôtel, en train d'écouter,

  2   parce qu'on entendait, il y avait énormément de bruit. Je me souviens que

  3   ce jour-là, ça faisait énormément de bruit. Donc il y avait des échanges de

  4   tirs, échanges de tirs d'artillerie et de tirs de char. J'essayais de

  5   donner un peu de contexte à la bande-son.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P2074 que nous avons

  7   montrée hier.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Pouvons-nous avoir un autre clip

 10   maintenant avant la pause, le 1D02930. Ou peut-être en voir deux

 11   d'ailleurs, parce qu'ils sont extrêmement courts.

 12   Le 1D02927. 2927.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Le journaliste : Les combats de la nuit dernière ont été les plus

 16   sévères depuis sept semaines. Les objectifs militaires sont difficiles à

 17   évaluer, mais il semble que les Musulmans, qui tiennent le centre de la

 18   ville, ont attaqué les positions serbes. Les Croates ont ensuite été

 19   attirés dans les combats, mais on ne sait pas très bien de quel côté ils se

 20   sont mis. Les chars, l'artillerie lourde et les mortiers ont tiré des

 21   centaines de projectiles au cours de cette bataille qui n'a pas été très

 22   déterminante."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Dans votre reportage, vous dites quand même qu'il y a une égalité des

 26   armes des deux côtés, que les deux côtés sont à égalité et que les

 27   Musulmans viennent de lancer une offensive ?

 28   R.  Oui, oui.


Page 10222

  1   Q.  Merci.

  2   R.  Je voudrais clarifier les choses.

  3   Je n'essaie pas de dire ici qu'il y a égalité des armes, absolument pas, je

  4   n'ai jamais essayé de dire ça. Mais il est vrai qu'ils étaient capables de

  5   lancer des offensives. Mais l'ennui c'est qu'ils ne pouvaient pas perdurer

  6   dans leur offensive. Ils étaient assez bons à lancer l'offensive au cours

  7   d'une nuit, par exemple. La difficulté pour eux c'était de tenir le

  8   territoire capturé et d'arriver à le tenir longtemps. J'avais des contacts

  9   avec des combattants qui me disaient que le problème c'est qu'ils

 10   arrivaient à capturer l'objectif, mais qu'après il n'y avait pas de relève,

 11   ils n'étaient pas ravitaillés, et donc ils devaient se retirer parce qu'il

 12   y avait trop de victimes. Et c'était toujours comme ça que cela se passait.

 13   Mais ils arrivaient, bien sûr, à mettre sur pied des offensives, et en

 14   1995, ils devinrent de plus en plus ambitieux, c'est vrai. En 1992, ils

 15   étaient moins ambitieux parce qu'ils étaient moins organisés.

 16   Q.  Merci. Maintenant nous allons voir une autre vidéo, la 1D2930, qui est

 17   l'illustration parfaite de nos propos, et qui peut sans doute pouvoir

 18   expliquer la nouvelle politique militaire en cours à Sarajevo.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Le journaliste : Les combats ont perduré toute la nuit aux alentours

 22   de Sarajevo et dans Sarajevo. Au cours des derniers jours, nous avons

 23   assisté aux combats les plus violents de toute la guerre. Au cours de la

 24   nuit, il a beaucoup plu sur la ville. D'habitude, c'est la seule chose qui

 25   arrête les tueries, mais cela n'a pas duré au cours de la nuit. Il semble

 26   que les forces du gouvernement de Bosnie lancent contre les Serbes le reste

 27   de leurs forces. A l'aube, il a été clair qu'ils obtenaient des résultats,

 28   puisque pendant plus d'une heure ce matin, il y a plus de 15 explosions


Page 10223

  1   extrêmement puissantes à la minute."

  2   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'une nouvelle

  5   preuve qu'à l'époque vous compreniez très bien qu'il y avait bel et bien

  6   guerre en cours et que cette nuit-là les forces musulmanes avaient lancé

  7   une offensive, une offensive pendant la nuit, et qu'à l'aube, comme vous

  8   dites, ils recevaient monnaie de leur pièce, si je puis dire ?

  9   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit dans le reportage.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

 11   Pouvons-nous verser cette pièce au dossier et parler maintenant de la

 12   stratégie militaire en vigueur dans la ville. Pouvons-nous admettre tout

 13   d'abord ces deux séquences ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D944 et le D945.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de lever la séance pour la pause,

 17   nous devrions passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 19   [Audience à huis clos partiel]

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 10224

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et nous allons faire une pause d'une

  5   demi-heure et nous reprendrons à 11 heures.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, reprenez.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Bowen, vous avez dit que ce qui vous intéressait c'était la

 12   souffrance des civils, et je respecte parfaitement ce point de vue. Mais

 13   vous parliez des civils serbes aussi bien que des civils musulmans, c'est-

 14   à-dire de tous les civils des deux côtés de la ligne de front ?

 15   R.  Bien sûr.

 16   Q.  Bien. Saviez-vous qu'il y avait entre 60 et 70 000 Serbes qui

 17   habitaient dans le Sarajevo détenu ou contrôlé par les Musulmans?

 18   R.  Oui, je sais qu'il y avait des Serbes qui sont restés dans la ville,

 19   parce que j'étais ami avec certains d'entre eux.

 20   Mais le problème que nous avions en essayant de couvrir les deux

 21   camps, c'est qu'il était très difficile d'avoir accès au côté serbe.

 22   C'était très difficile d'obtenir des autorisations pour se rendre là où

 23   nous voulions nous rendre. Par exemple, je n'ai pu me rendre à Grbavica

 24   qu'une seule fois au cours de toute la guerre, bien que j'aie demandé à de

 25   nombreuses reprises au centre de presse de Pale de pouvoir m'y rendre. Si

 26   nous avions pu être aussi libres de votre côté que du côté musulman, nous

 27   aurions bien mieux couvert la guerre des deux côtés.

 28   Q.  Merci. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le paragraphe


Page 10225

  1   27 de votre déclaration, où vous parlez de ce point justement. Mais au

  2   fait, une petite distinction quand même; vous dites que les Serbes avaient

  3   une vie légèrement plus facile que les autres parce qu'ils avaient meilleur

  4   accès aux vivres, et de plus, ils pouvaient sortir ?

  5   R.  En effet. Parfois j'allais à Lukavica, et en tout cas quand j'allais à

  6   Pale, on pouvait acheter de la nourriture pour rapporter à Sarajevo pour

  7   nous-mêmes. On pouvait bien manger dans un restaurant, on pouvait avoir de

  8   la bière, on pouvait obtenir de la bonne nourriture. C'était presque des

  9   vacances quand on allait à Pale pour nous. C'était toujours très agréable

 10   de se rendre à Pale. Par exemple, une fois, lorsque je m'y suis rendu à

 11   Jahorina, j'ai pu assister au championnat de ski des militaires bosno-

 12   serbes, donc les remontées mécaniques fonctionnaient. Il est vrai que je me

 13   suis rendu une seule fois à Grbavica, et c'est vrai que je me suis rendu

 14   qu'une seule fois. Mais ce dont je me suis rendu compte cette fois-là,

 15   c'est qu'il n'y avait pas grand monde qui y habitait. La plupart des gens

 16   étaient partis. Il y avait deux vieux couples qui n'avaient pas voulu

 17   quitter leurs maisons, mais ce n'était plus vivant. Il n'y avait pas

 18   d'enfants, pas de jeunes. Ça apparaît être plutôt une ville fantôme avec

 19   des positions militaires ici et là et quelques vieillards qui n'avaient pas

 20   voulu partir. Il y avait aussi, à l'arrière de Grbavica, une zone assez

 21   importante bosno-serbe, où les gens pouvaient se rendre et poursuivre leur

 22   vie de façon plus normale que la vie qui était celle des personnes

 23   assiégées dans Sarajevo.

 24   Q.  Merci. Je voulais vous demander si vous étiez au courant des conditions

 25   de vie des Serbes à Ilidza, Nedzarici, Ilijas, ceux qui étaient encerclés

 26   sur les trois quarts de leurs positions, ainsi que ceux de Grbavica. Ils

 27   ont quand même énormément souffert aussi comme les 70 000 Serbes qui

 28   étaient sous le contrôle musulman ?


Page 10226

  1   R.  Je crois qu'il y avait des souffrances des deux côtés, bien sûr.

  2   Evidemment, c'était à l'intérieur de la ligne de confrontation que la

  3   souffrance était la pire. Il y avait, bien sûr, des Serbes dans Sarajevo

  4   qui avaient du mal à cause de leur appartenance ethnique. Mais il y en

  5   avait d'autres que j'ai rencontrés qui m'ont dit qu'ils étaient

  6   multiculturels, qu'ils voulaient rester là, qu'ils ne voulaient pas quitter

  7   la ville, qu'ils ne voulaient pas vivre en Republika Srpska.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Passons au clip 1D2929. Il s'agit d'un

  9   reportage qui a été admis, mais je voudrais vous le montrer pour vous

 10   rafraîchir la mémoire.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Le journaliste : Si l'on emprunte la mauvaise rue au mauvais moment à

 14   Sarajevo, on peut mourir. La semaine dernière, un groupe d'hommes du côté

 15   serbe de la ligne ont décidé d'aller livrer du pain et des sardines au

 16   front. Tout était calme, pourtant un sniper les a vus et a tiré dans la

 17   tête d'un des hommes. Ce sniper a continué à tirer. Ils voulaient traîner

 18   le corps pour l'évacuer, mais ils n'avaient pas de corde, donc ils ont

 19   utilisé un tuyau d'arrosage.

 20   En quatre mois, les gens se sont habitués au pilonnage et aux tirs

 21   embusqués, et c'est devenu la routine des deux côtés de la ligne. Les gens

 22   doivent exister malgré tout."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Il semble qu'à l'époque, vous aviez une approche assez équilibrée dans

 26   vos reportages, puisque vous disiez qu'il y avait souffrance des deux côtés

 27   de la ligne, et vous nous l'avez confirmé d'ailleurs. Mais je voulais

 28   rafraîchir votre mémoire avec ce clip, je voulais que vous confirmiez que


Page 10227

  1   vous étiez bien persuadé qu'il y avait bien une guerre en cours à Sarajevo,

  2   où les populations civiles souffraient des deux côtés, n'est-ce pas, les

  3   populations des deux côtés de la ligne de front souffraient ?

  4   R.  Oui, mais la souffrance n'était pas égale des deux côtés. Ça, je ne

  5   suis pas d'accord. Je pense que l'on souffrait plus à l'intérieur des

  6   lignes de confrontation que du côté des Serbes de Bosnie. Juste avant cette

  7   séquence, on a vu un homme, Kujundzic, qui avait perdu toute sa famille,

  8   qui enterrait toute sa famille et il écoutait la radio, et c'est à ce

  9   moment-là que l'obus est arrivé et a éclaté. Donc, ici, c'est vrai, on

 10   parle d'un homme qui a essuyé un tir alors qu'il essayait de ravitailler

 11   les soldats serbes et leur position sur le côté. Mais de l'autre côté, on a

 12   aussi entendu quelqu'un parler d'une famille entière qui s'abritait des

 13   pilonnages et qui, malheureusement, a quand même été tuée par un obus.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   Document suivant, le 1D2933.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Ce M. Kujundzic, s'agissait-il d'un Serbe à votre connaissance ?

 18   D'après vous, est-ce un nom et prénom serbe ?

 19   R.  Ecoutez, je n'en sais rien. Je ne connais pas son ethnicité. Tout ce

 20   que je sais, c'est qu'il était à l'intérieur de la ville, à l'intérieur --

 21   dans ce cimetière du Lion, on l'a rencontré par hasard d'ailleurs. On

 22   allait à l'hôpital, on l'a vu, j'ai vu qu'il y avait énormément de

 23   terrassement en cours et qu'il y avait énormément de tombes qui étaient en

 24   train d'être creusées avec beaucoup de gens qui creusaient ces tombes.

 25   Donc, par le biais de mon traducteur, j'ai pu m'entretenir avec cette

 26   personne et il m'a raconté son histoire que j'ai incorporée au reportage

 27   que nous avons vu hier d'ailleurs.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous voir la vidéo.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   "Le journaliste : De l'autre côté de la ville, près d'un millier de

  3   personnes, principalement des mères et des enfants, sont devenus réfugiés

  4   ce matin. La plupart d'entre eux sont Serbes. Avant la guerre, ils

  5   habitaient très heureux et cohabitaient avec les Musulmans et les Croates.

  6   L'intervenant : C'est horrible, c'est horrible. Il faut que je m'en aille.

  7   C'est ma ville, je suis né ici, mon enfant est né ici, mon père est né ici.

  8   Il faut que je quitte tout.

  9   Le journaliste : En fait, la seule chose que partagent tous les habitants

 10   de l'ex-Yougoslavie, c'est la misère.

 11   Jeremy Bowen, BBC News, Sarajevo."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   Puis-je demander le versement de cette pièce.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Bowen --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quelle était votre question,

 18   Monsieur Karadzic, à propos de ce document ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'allais lui poser la question.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Bowen, vous êtes d'accord avec moi pour dire que les gens qui

 22   sont nés à Sarajevo, qui habitaient Sarajevo, les 157 000 Serbes, les 23

 23   000 Yougoslaves, dont au moins 20 000 étaient Serbes, parce que la plupart

 24   des Musulmans et des Croates ne se déclaraient pas Yougoslaves à l'époque,

 25   toutes ces personnes, ces 165 000 plus 23 000, ils voulaient rester, ils

 26   n'avaient pas le droit de rester, c'est pour ça d'ailleurs qu'ils pleurent

 27   et qu'ils se plaignent. Ils sont réfugiés dans leur propre ville, comme

 28   vous l'avez dit vous-même, mais vous êtes sûr que l'essentiel d'entre eux


Page 10229

  1   voulait vraiment rester ? Saviez-vous qu'il était interdit aux Serbes de

  2   quitter Sarajevo ?

  3   R.  Mais je crois que le reportage est très clair. On voit bien ce qui se

  4   passe à ce moment-là. Moi, j'étais toujours très heureux de pouvoir faire

  5   ce type de reportage parce qu'il était évident que les Serbes, non plus,

  6   n'avaient pas la vie facile. Et plus la guerre avançait et plus la vie

  7   devenait dure pour eux dans la ville. Je ne le conteste absolument pas.

  8   D'ailleurs, dans aucun de mes reportages j'ai suggéré qu'il y avait d'un

  9   côté les anges et de l'autre côté les démons, absolument pas. Ce que je

 10   voulais dire, c'est qu'il y avait une guerre en cours et que la situation

 11   était la suivante, c'était les civils qui ont le plus souffert, les civils

 12   que j'ai rencontrés qui ont le plus souffert, c'était les civils assiégés

 13   dans Sarajevo par rapport à ceux qui étaient à l'extérieur de Sarajevo.

 14   Bien sûr, j'ai vu d'autres souffrances au cours de la guerre dans d'autres

 15   quartiers assiégés, mais la situation était une situation de guerre, les

 16   conditions étaient difficiles, et j'avais l'impression que l'essentiel des

 17   souffrances se retrouvait dans ce cadre-là, c'est-à-dire dans les gens qui

 18   se trouvaient à l'intérieur de Sarajevo.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Pourrions-nous voir maintenant le 1D291D. Avant cela, je demande le

 21   versement au dossier du document précédent, s'il vous plaît.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le 1D2933 sera versé au dossier et aura

 23   la cote D946.

 24   Ainsi que le document précédent qui est le 1D2929, et le document que

 25   nous avons vu hier, qui a été admis sous la cote P2077.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez tout à fait raison.

 27   Le document suivant est le 1D2919. Bien, merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  En d'autres termes, vous-même, vous avez été le témoin de la souffrance

  2   des Serbes à Sarajevo. Ils vivaient dans des caves, où ils se mettaient à

  3   l'abri des pilonnages; c'est exact ?

  4   R.  Je crois que pour ce qui est du pilonnage dans les zones urbaines,

  5   c'est que le pilonnage ne fait pas la distinction et quel que soit

  6   l'endroit où vous vous trouvez, quelle que soit votre appartenance, que

  7   vous soyez Serbe, Croate, Bosniaque, Français, ou Anglais, si vous êtes au

  8   mauvais moment, au mauvais endroit, vous êtes touché et tué. Bien sûr, s'il

  9   y a un pilonnage, vous vous mettez à l'abri.

 10   Q.  Merci. Il y a quelque chose qui n'a pas été consigné dans ma question.

 11   Les Serbes du côté serbe de Sarajevo, je souhaite que ceci soit inclus.

 12   R.  Pardonnez-moi, mais je n'ai pas répondu à cette partie-là de votre

 13   question. Je n'y ai donc pas répondu. Comme je vous l'ai dit, il était très

 14   difficile de se rendre dans le quartier serbe de Sarajevo, je me suis rendu

 15   une seule fois à Grbavica, donc il est très difficile de juger comment les

 16   choses se déroulaient sur place, et à propos des quartiers qui étaient

 17   contrôlés par le gouvernement de Bosnie que je connaissais bien, je ne

 18   pouvais juger que de cette partie-là que je connaissais bien.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Je souhaite que nous regardions la séquence vidéo suivante, et vous allez

 21   nous dire où vous avez filmé cela, de quel côté de la ligne de front.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   "Le journaliste : Tout élément à propos du cessez-le-feu dans cette guerre

 24   doit être traité avec la plus grande prudence. Il faut faire beaucoup plus

 25   que cela pour convaincre les civils de Sarajevo de sortir de leurs caves.

 26   Ces femmes sont Serbes, et ont été sous terre depuis plus de deux mois. A

 27   quelques rues de là, les Musulmans vivent exactement de la même façon. Les

 28   combats ont repris aujourd'hui et ont tué près de 11 personnes. Le


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  1   dirigeant des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, peut-être sur ordre du

  2   gouvernement de Belgrade assiégé, a dit qu'il était temps de faire cesser

  3   tout cela."

  4   Radovan Karadzic : Nous avons annoncé un cessez-le-feu unilatéral à partir

  5   de lundi, le 15 juin 1992, à 18 heures. Nous demandons également une pause,

  6   que 800 officiers des forces du maintien de la paix contrôlent les

  7   positions serbes de ce cessez-le-feu.

  8   Le journaliste : Aujourd'hui, à Sarajevo, des soldats armés serbes

  9   patrouillent le territoire. Pour la première fois, leur dirigeant a dit

 10   qu'ils allaient laisser entrer les observateurs des Nations Unies et

 11   visiter leurs positions.

 12   S'ils obéissent à ses ordres, ils rendront la tâche des forces de maintien

 13   des Nations Unies beaucoup plus facile. Si les Musulmans et les Croates

 14   cessent leurs attaques également, les Nations Unies tenteront de rouvrir

 15   l'aéroport de façon à faire entrer de l'aide dont tout un chacun a

 16   énormément besoin."

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 19   Il s'agissait là du 1D2919.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Bowen, savez-vous que ce n'était pas la première offre de

 22   cessez-le-feu unilatérale ? D'autres propositions avaient été faites avant

 23   cette date-là, mais vous n'étiez pas là ? Le 22 avril, il y a eu une

 24   conférence organisée par les Serbes sur le cessez-le-feu et sur la non-

 25   reconnaissance du fait accompli. Savez-vous que ce n'était pas la première

 26   fois que nous avons fait une telle proposition unilatérale à propos du

 27   cessez-le-feu, ce n'était ni la première ni la dernière fois, cela étant

 28   dit ? Il y a eu de nombreuses tentatives de ce genre de notre côté pour


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  1   essayer de faire intervenir un cessez-le-feu.

  2   R.  Ecoutez, j'essaie -- je regarde, en fait, le compte rendu. Je ne pense

  3   pas que j'aie dit qu'il s'agissait là de la première offre.

  4   Je souhaite préciser également que le 15 juin, j'étais à Londres. Et ceci a

  5   été compilé à l'aide d'images fournies par l'agence à Londres. Je n'étais

  6   pas dans les Balkans à ce moment-là. Je crois que je n'étais pas à Sarajevo

  7   avant le mois de juillet, et je suis arrivé par avion dès que les vols ont

  8   repris. Donc je n'étais pas dans la ville à ce moment-là. Donc je suppose,

  9   en fait, qu'il s'agissait ici d'images fournies par notre réseau.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi, si je vous interromps.

 11   Est-ce que l'écran que vous avez sous les yeux vous indique que c'était le

 12   12 juin que ceci a été diffusé ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais il dit dans sa déclaration du 12

 14   juin, que nous proposons cela --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'était le 15.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, bon, le 15. Lorsque j'ai entendu le fait

 17   qu'il fasse mention d'une date dans cette séquence vidéo, il a parlé du

 18   mois de juin, je n'étais pas là. Avant qu'il nous montre cette séquence

 19   vidéo, le Dr Karadzic m'a demandé où je me trouvais.

 20   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Peut-être que je peux vous expliquer ceci. Le 12 juillet, nous avons

 22   tenu une conférence de presse, et la proposition qui a été faite c'était

 23   d'introduire un cessez-le-feu à la date du 15 juin. Nous étions censés à ce

 24   moment-là faire intervenir le cessez-le-feu et faire cesser tous les

 25   combats; c'est la différence au niveau des dates qui peut s'expliquer

 26   ainsi.

 27   Maintenant, je ne vais donc pas vous poser de questions à propos du 18

 28   juin. Il y a eu une offensive musulmane à grande échelle qui a été lancée à


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  1   Sarajevo.

  2   Pouvons-nous maintenant regarder le 1D2921. Et avant cela, je demande à ce

  3   que ce document soit versé au dossier, s'il vous plaît.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D947, Madame, Messieurs

  6   les Juges.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Pour votre information, Monsieur Bowen, ce n'était pas le gouvernement

  9   de Serbie qui a donné les ordres. Ils n'étaient pas en mesure de me donner

 10   quelque ordre que ce soit. Il y avait beaucoup de tensions à cet égard.

 11   C'était une proposition authentique émanant de nous.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous posez une question ou

 14   est-ce que vous faites une déclaration, parce que ceci n'est pas

 15   acceptable. Souhaitez-vous commenter cela, Monsieur Bowen ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite remercier le Dr Karadzic de

 17   m'avoir fourni cette information.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Le journaliste : Aujourd'hui --"

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'était que pour satisfaire la curiosité de

 24   M. Bowen. Donc plus besoin de se poser de question à ce sujet.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne perdons pas de temps. Réessayons,

 26   s'il vous plaît.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]


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  1   "Le journaliste : Aujourd'hui, les Nations Unies ont emmené un convoi de

  2   nourriture à Grbavica, un quartier de Sarajevo maintenant contrôlé par les

  3   Serbes. Mais les Bosniaques, en fait, n'ont aucune sympathie pour les

  4   Nations Unies qui souhaitent apporter un soutien militaire au lieu

  5   d'accuser les forces du maintien de la paix et de faire une contrebande

  6   d'armes en direction des Serbes et les empêcher de traverser les lignes.

  7   C'est quelque chose qui est perçu comme une réalité à Sarajevo, par

  8   conséquent, il était très important de passer par la grande porte, même si

  9   les positions présidentielles se trouvaient dans un quartier à l'intérieur

 10   de Sarajevo. Malheureusement, ils ont échoué à deux reprises.

 11   Le journaliste : Pour finir, la nourriture est passée, mais par la petite

 12   porte, par le territoire serbe. Les civils ont apprécié cela, mais ce

 13   convoi avait une portée symbolique et montrait que les factions

 14   belligérantes et les Nations Unies étaient aussi loin l'une de l'autre que

 15   jamais. Le commandant des Nations Unies a dit que les rapports avec les

 16   Bosniaques n'étaient vraiment pas bons du tout à ce moment-là."

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Bowen, cette séquence vidéo confirme que du côté musulman ils

 20   n'autorisaient pas le transport de nourriture sur la partie du territoire

 21   serbe. Savez-vous que les Musulmans ont tous reçu, en revanche, de la

 22   nourriture qui avait été transportée sur le territoire serbe, et eux, à

 23   leur tour, ne nous ont pas permis de réceptionner un seul convoi ?

 24   R.  Oui. Eh bien, ce n'est pas quelque chose que j'indique dans cette

 25   séquence vidéo, mais c'est ce que j'ai dit dans mon reportage. J'ai dit que

 26   le gouvernement musulman rendait la tâche difficile pour les Nations Unies

 27   et rendait la vie difficile pour les Nations Unies.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.


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  1   Est-ce que nous pouvons demander le versement de ce document, s'il

  2   vous plaît.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D948, Madame, Messieurs

  5   les Juges.

  6   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Sans vouloir attaquer ce que vous dites de quelque manière que ce soit,

  8   je souhaitais simplement être précis. Je souhaite parler de vos reportages.

  9   Savez-vous si les installations de l'armée de Bosnie-Herzégovine se

 10   trouvaient dans la ville de Sarajevo ? Et était-ce important pour vous pour

 11   vous permettre d'établir si, oui ou non, leurs cibles étaient légitimes ?

 12   R.  Je crois que la politique de ciblage de l'ABiH porte sur ce sur quoi

 13   ils tirent, et non pas depuis où ils tirent. Alors, en circulant en voiture

 14   à Sarajevo à ce moment-là, je dois dire qu'on avait l'habitude de voir très

 15   peu d'armes, très peu d'armes personnelles, il y avait des AK-47. Et sans

 16   aucun doute, il y avait des positions de l'ABiH où ils avaient des armes

 17   plus lourdes, mais tout ceci était caché parce qu'à part quelques mortiers

 18   que j'ai vus sur la ligne de front, je n'ai certainement jamais vu sur des

 19   positions -- je ne dis pas que ces armes n'étaient pas là, mais je n'ai

 20   jamais vu sur des positions, à des endroits en évidence, dans les zones

 21   peuplées de la ville.

 22   Après la Bosnie, je me suis rendu au Moyen-Orient, et ceci m'a

 23   frappé, c'est quelque chose que j'ai dit dans un de mes reportages, les

 24   arrêts de bus dans la ville de Jérusalem lorsque les réservistes rentraient

 25   chez eux, le soir, on voyait davantage d'armes automatiques que de

 26   personnes qui marchaient dans la rue dans la ville de Sarajevo pendant la

 27   guerre.

 28   Q.  Merci. Je souhaite regarder le paragraphe 33 maintenant dans votre


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  1   déclaration, où vous dites qu'il y avait certains quartiers de la ville qui

  2   étaient davantage pilonnés que d'autres.

  3   Ensuite, vous dites autre chose. Vous dites quelque chose que la Défense ne

  4   peut pas accepter. Vous dites :

  5   "Les forces serbes savaient où se trouvaient tous les éléments. Ils

  6   pouvaient simplement les pilonner."

  7   Avez-vous entendu parler de mortiers mobiles à bord de voitures, de

  8   camions, qui encerclaient Sarajevo et tiraient sur les positions serbes ?

  9   R.  Je n'ai jamais entendu parler de positions mobiles sur des voitures ou

 10   des camions.

 11   Q.  Eh bien, c'est un fait communément établi ici.

 12   Et au paragraphe 52, vous dites :

 13   "C'était un des faits les plus simples d'une guerre compliquée.

 14   J'avais l'impression qu'une grande partie de la diplomatie avait plutôt

 15   trait à la fiction et au désir, qui n'étaient pas des réalités. A mon sens,

 16   les puissances occidentales n'étaient pas bien informées de ce qui se

 17   passait."

 18   Pensez-vous qu'à Sarajevo il n'y avait pas de services de Renseignements,

 19   du côté militaire et civil, de tous les pays, y compris l'Albanie, et est-

 20   ce que vous pensez vraiment que les gouvernements ne savaient pas ce qui

 21   s'y passait ?

 22   R.  Eh bien, moi, je me suis fondé sur des conversations que j'ai

 23   eues avec des ministres du gouvernement britannique. Il y en a un qui est

 24   venu à Sarajevo, et j'étais abasourdi par son ignorance. Sans nul doute,

 25   les services de Renseignement fonctionnaient, mais une des leçons que j'ai

 26   apprises en tant que correspondant étranger, surtout au cours des dernières

 27   années, c'est que les services de Renseignement ne sont pas infaillibles,

 28   et quelquefois se trompent, et n'ont pas énormément d'informations.


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  1   J'avais vraiment le sentiment -- c'était un sentiment très fort,

  2   prenez le cas de la conférence de Londres de 1992. Après m'être entretenu

  3   avec certaines personnes qui avaient organisé cette conférence, je savais

  4   qu'elle allait échouer, parce qu'elle était fondée sur de l'ignorance et

  5   des desiderata qui ne correspondaient pas à la réalité.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 1D2936, s'il vous plaît, est-ce que nous

  7   pouvons voir ce document, s'il vous plaît. C'est un autre de vos

  8   reportages.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Autour des différentes positions dans la ville, ils sont en train de

 12   contenir le secteur de percées militaires des Bosniens.

 13   Le journaliste : Ils préféraient utiliser le terme 'd'encerclement

 14   stratégique'.

 15   Ils ont des positions tactiques avantageuses à l'intérieur et autour

 16   de la ville."

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Bowen, nous parlons maintenant de quelque chose que vous avez

 20   abordé dans un de vos reportages, nous allons voir dans lequel. En réalité,

 21   c'est quelque chose que nous avons vu il y a quelques instants. Vous nous

 22   avez dit qu'il était difficile d'évaluer les cibles militaires, quelles

 23   étaient les cibles militaires à Sarajevo, et c'est quelque chose que vous

 24   avez indiqué dans votre reportage :

 25   "Ceci est difficile à évaluer."

 26   2927.

 27   Je vais vous poser cette question-ci, Monsieur Bowen : êtes-vous d'accord

 28   pour dire que c'était un petit peu excessif de votre part que de n'être pas


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  1   d'accord avec les Nations Unies et la façon dont ils ont qualifié la

  2   situation militaire à Sarajevo ? Ils ont dit, et ça, c'était la position

  3   officielle, que ce n'était pas un siège, mais plutôt le fait de contenir le

  4   1er Corps dans sa totalité de l'ABiH pour empêcher une percée; n'est-ce pas

  5   exact ?

  6   R.  Non, c'était un siège. Pour des raisons politiques, cette année-là en

  7   particulier, ils ont essayé de modifier les termes utilisés. Il y avait un

  8   porte-parole canadien, Barry Frewer, qui était un homme sympathique, qui a

  9   perdu son poste parce qu'il avait essayé d'utiliser une formulation qui

 10   n'avait aucun sens, et qui a fait l'objet de ridicule. Donc ils ont laissé

 11   tomber tout ceci par la suite, et lui en a été la victime. Moi, je me suis

 12   fondé sur le fait qu'il s'agissait d'un siège, non pas en me basant sur des

 13   déclarations qui avaient été faites par les représentants officiels, mais

 14   en me fondant sur le fait qu'il y avait des milliers de personnes qui

 15   étaient coincées à Sarajevo, qui ne pouvaient pas sortir, et qui étaient à

 16   la merci des personnes qui les attaquaient, et que la guerre se poursuivait

 17   et qu'il y avait des combats en cours. Il y avait une guerre. La ville

 18   était encerclée et elle avait été assiégée.

 19   Q.  Et qui vivait dans les territoires contrôlés par les Serbes, Monsieur

 20   Bowen ?

 21   R.  Sur l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine ou autour de la

 22   ville ?

 23   Q.  Vous pouvez vous exprimer ainsi, mais nous parlons maintenant de

 24   Sarajevo. Les Serbes contrôlaient-ils un quelconque quartier musulman de

 25   Sarajevo, est-ce qu'ils ne contrôlaient que les quartiers qui étaient

 26   majoritairement habités par des Serbes, des quartiers de la ville de

 27   Sarajevo, à l'extérieur des banlieues ?

 28   R.  Je crois qu'il y avait des quartiers qui étaient majoritairement


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  1   habités par les Serbes. Il y avait un nombre important de personnes qui ont

  2   perdu leurs maisons à l'extérieur de Sarajevo, et qui étaient Musulmans, et

  3   qui ont dû s'installer dans le centre lorsque la vie était devenue

  4   impossible; toutes les personnes, par exemple, qui se trouvaient à l'hôtel

  5   Europa, tous les Musulmans qui avaient été déplacés, qui avaient dû quitter

  6   les quartiers contrôlés par les Serbes à Sarajevo.

  7   Q.  Monsieur Bowen, nous pouvons aisément prouver, sur la base du

  8   recensement, que les territoires habités par les Serbes étaient

  9   majoritairement serbes, plus de 80 à 90 % serbes. Est-ce que c'est quelque

 10   chose que vous savez ou est-ce que vous pouvez nous prouver le contraire ?

 11   A Sarajevo, les forces serbes contrôlaient certains quartiers. Est-ce exact

 12   ou non ?

 13   R.  Il va falloir que je vous prenne au mot. Je n'ai pas accès au

 14   recensement que vous venez de citer.

 15   Q.  Merci. Donc, à un moment donné dans votre déclaration, vous dites que

 16   les Serbes ne souhaitaient pas ou ne pouvaient pas prendre le contrôle de

 17   nouveaux quartiers de la ville. Il va falloir que je retrouve ce passage-

 18   là, et je vais réussir à mettre la main dessus.

 19   Nous parlons maintenant de questions politiques au plan militaire dans la

 20   zone de Sarajevo. Les Musulmans souhaitaient-ils prendre le contrôle de

 21   quartiers détenus par les Serbes, et si oui, quel était l'intérêt des

 22   offensives qu'ils lançaient ?

 23   R.  Quelquefois leur objectif n'était pas tout à fait clair lorsqu'ils

 24   lançaient une offensive. D'un point de vue militaire, eh bien, moi, je

 25   l'avais analysé ainsi, pour que le côté serbe prenne le contrôle de la

 26   ville, ceci aurait été extrêmement ambitieux, il y aurait eu des combats de

 27   corps à corps dans la ville, qui est quelque chose de difficile, et il faut

 28   beaucoup d'hommes pour cela. Et mon analyse de la situation à l'époque


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  1   était celle-ci, votre côté était bien équipé en termes de puissance de feu

  2   et d'armes lourdes, mais vous n'étiez pas en mesure ou estimiez ne pas être

  3   en mesure d'organiser une attaque sur le terrain qui vous aurait permis de

  4   prendre le contrôle de la ville. Peut-être que cette conclusion -- moi, je

  5   n'étais pas dans le secret des discussions, mais vous avez peut-être estimé

  6   que cela n'était pas nécessaire et que ce n'était pas quelque chose que

  7   vous souhaitiez faire. Mais moi, je ne peux pas commenter cela, parce que

  8   je ne suis pas qualifié pour aborder cette question-là.

  9   Q.  Merci. Savez-vous que lorsque nous n'avons pu attaquer Otes, nous avons

 10   décidé de prendre le contrôle d'Otes ? Lorsque nous avons décidé de prendre

 11   le contrôle d'Otes, nous l'avons fait; cela est un quartier près d'Ilidza.

 12   Et nous avons pris le contrôle de ce que nous souhaitions prendre. Notre

 13   politique militaire à Sarajevo était de contenir les forces en attendant

 14   une solution politique. Savez-vous que nous avons pris le contrôle d'Otes ?

 15   R.  Je sais que vous avez pris Otes. J'ai même connu certaines personnes

 16   qui ont pris part au combat du côté du gouvernement de Bosnie. J'ai essayé

 17   de vous le dire lors de ma dernière réponse, le fait d'assiéger la ville

 18   était quelque chose qui, bien évidemment, pour vous, n'était pas une

 19   tactique qui convenait à l'époque. En tout cas, c'est ce que je pense

 20   maintenant et c'est ce que je pensais à l'époque.

 21   Q.  Merci. Nous allons maintenant établir la différence entre deux choses

 22   distinctes. Je parle du fait de contenir 70 à 80 000 Musulmans du 1er Corps

 23   est un objectif légitime de l'armée serbe, alors que maintenir des civils

 24   dans la ville de Sarajevo ne faisait pas partie de notre politique. C'est

 25   nous qui maintenions les civils à Sarajevo. Etes-vous d'accord pour dire

 26   que c'est le gouvernement musulman qui a empêché la libre circulation des

 27   civils ? Ce n'était pas les Serbes qui n'avaient de cesse de demander à ce

 28   que les gens puissent être autorisés à partir. Nous avons même organisé un


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  1   groupe de Slovènes, une organisation de Slovènes, de Juifs. Nous étions

  2   toujours à la disposition des personnes pour que ces personnes puissent

  3   être évacuées, alors que le gouvernement musulman menait un siège interne

  4   par rapport aux civils.

  5   R.  Eh bien, si vous avez organisé ce siège interne, je n'étais pas au

  6   courant de cela.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   Puis-je avoir le 1D2913. C'est un document des Nations Unies. 1D2913 dans

  9   le prétoire électronique pendant quelques instants.

 10   Non, ce n'est pas quelque chose qui doit être diffusé, c'est un document.

 11   Peut-être que ceci ne doit pas être diffusé.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Il n'avait pas encore

 14   été téléchargé.

 15   Dans l'intervalle, nous pouvons verser au dossier la séquence vidéo

 16   précédente. Le 1D2936 sera versé sous la cote D --

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Je vous remercie. Est-ce que ceci peut ne pas être diffusé à l'extérieur et

 19   simplement à l'intention des personnes dans le prétoire.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Veuillez regarder ceci. Il s'agit d'un rapport qui est daté du 17 août

 22   1994, et évoque des représentants officiels de haut rang des Nations Unies

 23   à Sarajevo. Et, tout en bas, vous constatez qu'il s'agit d'une réunion avec

 24   ce général dans le secteur de Sarajevo.

 25   Est-ce que maintenant nous pouvons regarder la page suivante, s'il vous

 26   plaît. Ne citons pas de noms, ni les participants, ni les noms des

 27   personnes évoquées ici.

 28   Veuillez regarder le numéro 2, s'il vous plaît, de ce rapport :


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  1   "Le gouvernement de Bosnie semble présenter à la communauté

  2   internationale la propagande eu égard aux violations commises par le côté

  3   serbe, et omet de tenir compte des mêmes violations commises par eux.

  4   "Par exemple, la population civile est confrontée à des obstacles

  5   administratifs très importants ne leur permettant pas de quitter Sarajevo.

  6   Les représentants officiels de la police et de l'armée sont très puissants

  7   et contribuent de façon significative à cette politique."

  8   Est-ce que vous pensez que ces officiers de haut rang des Nations

  9   Unies disent juste ?

 10   R.  J'essaie simplement de lire le document pour l'instant.

 11   Je crois que c'est un document qui émane de représentants des Nations Unies

 12   de haut rang, de représentants officiels qui donnent leur avis et leurs

 13   analyses à l'époque, oui. C'est bien ce dont il s'agit ici.

 14   Q.  Est-ce que vous aviez pris connaissance de ce document à l'époque ? Si

 15   vous aviez pris connaissance de ce document, est-ce que vous vous seriez

 16   rendu compte du fait que le siège imposé aux civils était en fait imposé

 17   par la partie musulmane alors que l'encerclement qui était à caractère

 18   militaire avait été imposé par le côté serbe ?

 19   R.  Je crois que les deux s'alimentaient l'un l'autre. Je sais que les gens

 20   ne pouvaient pas -- j'essaie -- pardonnez moi, j'hésite parce que j'essaie

 21   -- cela fait un certain temps que j'ai réfléchi à ces questions-là et que

 22   j'en ai parlé. J'essaie en fait de revenir un petit peu en arrière et de me

 23   remettre dans ma peau à ce moment-là.

 24   J'essaie, je crois que ceci aurait constitué un récit fort

 25   intéressant, bien sûr.

 26   Q.  Merci.

 27   R.  Je ne disposais pas du document, donc je ne peux pas le commenter. En

 28   tout cas, pas à l'époque, j'aurais été heureux d'avoir ce document.


Page 10244

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Est-ce que ce document peut être versé au dossier, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, sous pli scellé.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 950, sous pli scellé.

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président.

  6   Mais je crois qu'il n'y a aucune restriction à imposer à ce document,

  7   et ceci a été déposé en fait comme requête remplaçant notre 30e requête, et

  8   il n'y a pas eu de violation de communication et c'est l'annexe A. Je ne

  9   pense pas qu'il soit utile en fait de le verser sous pli scellé.

 10   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] En réalité, lorsque vous avez vu M. Reid se

 12   rapprocher de moi, il venait de recevoir des informations à cet égard,

 13   c'était des informations mises à jour. Donc mon confrère a tout à fait

 14   raison.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   Ce sera versé au dossier de façon publique.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   Est-ce qu'on peut se pencher à présent sur le 1D2922. C'est également un

 19   reportage à vous daté de l'époque.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous vous souviendrez que pour ce qui est de ce rapport que vous avez

 22   commenté et daté du 15 juin, j'avais convié les Nations Unies à venir

 23   surveiller les positions de l'artillerie serbe autour de Sarajevo, n'est-ce

 24   pas ?

 25   R.  Je ne savais pas que cela avait été le résultat de cette proposition

 26   avancée le 15 juin.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en remercie.

 28   Mais est-ce qu'on peut nous le montrer, le 1D2922, maintenant.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   "Le journaliste : Cette batterie serbe occupe l'une des positions où les

  3   Nations Unies peuvent placer leurs observateurs de façon permanente.

  4   Il se peut qu'il y ait dissimulation, peu probable, parce que nous

  5   surveillons ce qui se passe à ces positions, mais ça ne signifie pas que

  6   nous contrôlons la totalité des pièces d'artillerie placées autour de

  7   Sarajevo."

  8   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Cet officier des Nations Unies loue la coopération qu'il a avec les

 11   commandants locaux. Nous avons proposé qu'ils observent la totalité de nos

 12   positions. Ils n'ont pas eu suffisamment de personnel pour ce faire.

 13   Saviez-vous que c'est leur manque de personnel qui fait qu'ils n'ont pas pu

 14   leur faire surveiller et nous avons dû regrouper nos armes à neuf, dix, ou

 15   11 groupes de positions de tir --

 16   R.  Ce n'est pas tout à fait ce que cet homme nous a dit dans ce clip. Mon

 17   impression pour ce qui est des activités des observateurs militaires des

 18   Nations Unies, c'est qu'il y avait eu certaines positions pour lesquelles

 19   ils ont pu affirmer ce qui s'y passait partant de ce qu'ils ont pu y voir.

 20   Ils avaient un matériel assez primitif pour ce qui est du monitoring des

 21   choses, mais ce que je dirais, c'est qu'il y avait des endroits où ils ne

 22   pouvaient pas affirmer quoi que ce soit puisqu'ils n'y étaient pas

 23   présents.

 24   Q.  Monsieur Bowen, ici, nous sommes en été 1992. Savez-vous que suite à

 25   cela, nous leur avons permis ou fourni la possibilité de surveiller les

 26   positions de nos pièces d'artillerie parce qu'on les avait regroupées à

 27   neuf endroits afin qu'eux puissent observer l'utilisation de la totalité de

 28   nos pièces d'artillerie ? C'est ce qu'on a appelé collecte de pièces


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  1   d'artillerie à des postes surveillés par les Nations Unies.

  2   R.  Je n'ai pas été au courant de cela. Je n'ai pas été au courant de cela

  3   jusqu'à présent, à savoir du regroupement de positions de tir. C'est une

  4   information qui n'est pas parvenue à la communauté des journalistes en été

  5   1992.

  6   Q.  Merci. J'accepte bien cette critique de nos relations publiques. Il est

  7   exact que nous n'avons pas su présenter notre cause de façon appropriée.

  8   Mais quelle que soit la formation militaire qui soit la vôtre, Monsieur

  9   Bowen, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ce regroupement des

 10   armes lourdes avait mis en péril notre défense et qu'il aurait été

 11   préférable qu'eux disposent de plus d'effectifs pour surveiller la totalité

 12   des positions plutôt que de nous faire regrouper nos armes à neuf postes ?

 13   R.  Eh bien, je ne peux pas véritablement répondre à cette question, parce

 14   que je ne sais pas si vous avez disposé d'autres armes qui ne s'étaient pas

 15   trouvées à des postes non surveillés par ces observateurs militaires. Ce

 16   qu'ils ont voulu dire, c'est qu'ils savaient ce qui se passait là où ils se

 17   trouvaient, mais ils ne savaient pas ce qui se trouvait aux autres

 18   endroits.

 19   Q.  Merci. Mais est-ce que vous acceptez le fait qu'il ne dépendait que

 20   d'eux que de décider d'observer ou d'assurer le monitoring de certains

 21   postes, et qu'un manque d'effectifs de leur côté en avait été la cause et

 22   non pas l'absence de notre volonté de nous y soumettre ?

 23   R.  Je n'en ai aucune idée, je ne sais pas combien d'effectifs ils avaient

 24   eu là-bas. Il est certain que les observateurs militaires des Nations Unies

 25   qui sont intervenus dans le secteur Sarajevo où je me suis trouvé étaient

 26   plutôt satisfaits de la coopération qu'ils avaient eue, mais ils disaient

 27   constamment que leur problème c'est qu'ils ne pouvaient pas être partout en

 28   même temps, à savoir qu'ils ne pouvaient surveiller ou assurer le


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  1   monitoring d'une petite partie du champ de guerre, et non pas se faire une

  2   idée d'ensemble.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Est-ce qu'on peut demander le versement au dossier de ce document.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Avant que cela ne se fasse, peut-être

  6   serait-il utile de dire que ceci constitue encore un bref extrait d'un film

  7   assez long qui est la pièce D942 et, peut-être administrativement,

  8   pourrions-nous établir un lien entre les deux. Non, non, ce n'est pas le

  9   même film. Je voulais dire qu'il s'agit du même reportage qui a été

 10   diffusé.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le 2923, non, c'est le D2942 qui se

 12   trouvait également à être assez court.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Cet extrait, et il me semble qu'il s'agit

 14   du D2922, ça été extrait du même reportage qui a fait l'objet de la pièce

 15   D2923, qui se trouve à être actuellement la pièce D942.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Avec cette explication, peut-être

 17   pourrions-nous verser ce 2922 de façon distincte; est-ce que c'est bien

 18   votre suggestion ? Merci.

 19   Donc ce sera versé au dossier pour constituer la pièce D951.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   Nous allons revenir une fois de plus vers Sarajevo pour certains aspects.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Je voudrais maintenant, puisqu'on n'a pas enlevé la partie relative à

 24   Gorazde, dans votre paragraphe 55, vous indiquez que vous êtes arrivé à

 25   Gorazde, que les rues s'y trouvaient à être vides et ainsi de suite. Est-ce

 26   que vous pouvez vous pencher sur ce paragraphe de votre déclaration ? Le

 27   paragraphe 55.

 28   R.  Je m'en souviens, oui.


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  1   Q.  Merci. Est-ce que c'est bien au paragraphe 60 que vous dites que vous

  2   n'êtes pas resté longtemps et que vous n'avez pas vu beaucoup de choses

  3   dans cette ville, mais que vous avez vu pas mal de dégâts dus à des tirs

  4   d'artillerie ? Alors, est-ce que vous laissez entendre par ces paragraphes

  5   que les Serbes s'étaient attaqués à Gorazde à des civils non armés dans une

  6   ville non armée, ou est-ce que vous aviez conscience du fait qu'à Gorazde

  7   il y avait une armée musulmane de stationnée qui a été la première à

  8   commencer chacun des combats relatif au secteur de Gorazde ?

  9   R.  Ce que je suis en train de dire ici, c'est qu'il y avait une guerre là-

 10   bas et que des combats faisaient rage, bien sûr. Je pense l'avoir

 11   clairement dit dans mon reportage qui a été présenté hier aux Juges de la

 12   Chambre. Et j'ai aussi indiqué qu'il y avait là-bas beaucoup de civils, et

 13   qui, du fait de la guerre, se trouvaient être assiégés dans la ville.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   Est-ce qu'on peut nous montrer le 1D2925 maintenant. Je ne sais pas

 16   si nous l'avons déjà vu hier mais il faudrait qu'on nous le précise à

 17   présent.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous savez nous dire, Monsieur Bowen, combien de Serbes il y

 20   avait à résider à Gorazde en début 1992 et ce qu'il est advenu de ces gens-

 21   là ?

 22   R.  Non, je ne le sais pas.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, penchons-nous sur ce reportage à présent.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Le journaliste : Le convoi des Nations Unies se trouvait à 10 kilomètres à

 27   peine de Gorazde lorsqu'il est tombé dans une embuscade. La guérilla

 28   musulmane s'est attaquée aux forces régulières des Serbes en Bosnie de


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  1   l'est, mais il n'est pas évident qui est-ce qui a lancé l'attaque. Un

  2   blindé de transports de troupes des Nations Unies est tombé sur des mines.

  3   Et puis, il leur a été tiré dessus à l'armée d'infanterie suite à quoi

  4   l'expédition a rebroussé chemin."

  5   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  6   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Alors, ceci confirme ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous étiez

  8   conscient du fait à l'époque que la guérilla musulmane, comme vous l'avez

  9   qualifiée, a constamment attaqué l'armée serbe dans le secteur de Gorazde,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, ce n'est pas tout à fait clair pour ce qui est de ce bref passage

 12   pour ce qui concerne l'emplacement de l'incident, le site de l'incident. Je

 13   pense que c'est une tentative antérieure d'accéder à Gorazde qui a donc

 14   précédé la tentative réussie dont j'ai fait partie moi-même.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   Peut-on voir maintenant, comment, s'agissant de la situation de

 17   Gorazde, celle-ci est vue par les hauts gradés des Nations Unies.

 18   J'aimerais qu'on nous montre le D686 afin que le témoin voie comment Sir

 19   Michael Rose, général des troupes des Nations Unies, avait qualifié tout

 20   ceci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  En attendant qu'on nous passe cette pièce, Monsieur Bowen, pourquoi

 23   n'avez-vous pas montré ces gros dégâts, ces immenses dégâts, que vous aviez

 24   pu constater lors de votre arrivée à Gorazde ?

 25   R.  Je pense avoir précisé que j'ai vu des dégâts à l'intérieur de Gorazde,

 26   et non pas sur la route de Gorazde. La route que nous avons empruntée pour

 27   accéder à la ville c'était encore un secteur rural, qui n'était pas

 28   endommagé. Mais il y avait beaucoup de dégâts dans la ville même que nous


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  1   avions filmés. Nous avions très peu de temps à notre disposition là-bas, et

  2   pendant ce temps limité j'ai essayé de faire le plus possible de vues afin

  3   d'illustrer la situation telle qu'elle se présentait dans Gorazde.

  4   Q.  Merci. Je dois vous dire que vous avez montré hier rien qu'une fenêtre

  5   cassée, une fenêtre brisée, à partir de laquelle votre caméraman a filmé la

  6   rue. Mais voyons un peu ce que le général Rose a dit.

  7   Comment vous avez fait la distinction entre les maisons serbes qui ont été

  8   détruites et incendiées et les maisons musulmanes endommagées ?

  9   R.  Bien, je pense que vous pouvez faire la distinction entre les maisons

 10   qui avaient été pilonnées de celles qui avaient été endommagées par des

 11   individus. Mais je ne pouvais pas faire cette distinction, me faire une

 12   idée de la propriété des individus.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Le journaliste : Pendant qu'il est arrivé en hélicoptère après les

 16   combats, Rose a été interrogé au sujet des informations obtenues par les

 17   satellites américains disant que pratiquement toutes les maisons de Gorazde

 18   étaient détruites.

 19   Il a dit que pratiquement la totalité des maisons avaient été

 20   détruites, mais que la quasi-totalité des dégâts étaient occasionnés deux

 21   ans avant, lorsque le gouvernement musulman avait chassé les Serbes de

 22   cette ville, alors qu'il y avait 12 500 Serbes à résider là alors qu'ils

 23   ont tous été chassés de là. Alors, la façon de distinguer les dégâts

 24   occasionnés à l'occasion des combats et des dégâts occasionnés par des obus

 25   et des nettoyages ethniques est difficile, mais lorsqu'il n'y a pas de

 26   fenêtres et de portes, et lorsqu'il n'y a pas de traces de balles, ce sont

 27   des maisons qui sont endommagées suite au nettoyage ethnique, alors que

 28   celles qui portent des traces de combat, il y a des gens qui sont encore


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  1   dedans parce que ces gens-là ne savent pas où aller. Ça, on ne le voit pas

  2   sur les vues de satellites. Mais les dégâts de Gorazde étaient très variés.

  3   Ce qu'il fallait remarquer, c'était les politiques qui étaient mises en

  4   place par les deux parties pour ce qui était de communiquer au reste de

  5   l'opinion pour ce qui est de savoir ce qu'il s'était passé, mais cela se

  6   basait sur des informations tout à fait déformées."

  7   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'excuse, mais j'étais en train d'attendre

  9   l'interprétation.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Alors, est-ce que vous étiez au courant de ce reportage qui a été

 12   diffusé par la BBC ? Mais je ne sais pas qui l'a fait. Peut-être M. Bell.

 13   Mais aviez-vous eu connaissance du sort de ces 12 500 Serbes qui avaient

 14   résidé dans Gorazde auparavant et est-ce que vous avez eu vent de ces

 15   destructions dont ils ont été victimes au tout début de la guerre ?

 16   R.  Je pense que j'ai dit hier que les nettoyages ethniques ont été l'œuvre

 17   de la totalité des parties qui étaient prenantes aux guerres qui sont se

 18   déroulées en Ex-Yougoslavie.

 19   S'agissant maintenant pour ce qui est des différents types de dégâts,

 20   je pense avoir dit dans mes réponses antérieures qu'on pouvait faire la

 21   distinction pour ce qui est des maisons qui ont été démolies ou endommagées

 22   à l'occasion de combats de celles qui ont été endommagées suite à des

 23   pilonnages.

 24   Q.  Monsieur Bowen, la Défense n'accepte pas qu'on place un signe d'égalité

 25   pour ce qui est des souffrances entre les civils serbes et les civils

 26   musulmans, et nous allons montrer tout à l'heure ce que vous qualifiez par

 27   nettoyage ethnique. Mais j'estime que vous auriez peut-être eu des

 28   conclusions différentes si vous aviez su à l'époque ce que vous venez


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  1   d'apprendre maintenant.

  2   Et je ne voudrais pas que la question se fasse trop complexe : est-ce que

  3   vous savez où sont allés les Serbes qui ont fui Gorazde ? Est-ce que vous

  4   acceptez le fait qu'ils sont partis tout de suite de l'autre côté de la

  5   ligne de front, donc qu'ils sont partis vers un voisinage immédiat de cette

  6   ligne de confrontation ?

  7   R.  Je ne savais pas où ces gens étaient allés, mais je veux bien accepter

  8   ce que vous en dites, à savoir qu'ils sont allés à proximité de là.

  9   Q.  Si nous revenons à présent vers votre affinité pour cette notion de

 10   "siège", comment pouvez-vous concilier cette notion et votre affinité à

 11   l'égard de ce terme, si l'on sait que les Serbes de Gorazde n'ont fui que

 12   de l'autre côté de la ligne de démarcation et ont créé des lignes de

 13   résistance à l'égard des forces musulmanes ? Est-ce que c'est là un siège

 14   ou est-ce que c'est là une ligne de défense vis-à-vis de ces lignes

 15   musulmanes autour de Gorazde ?

 16   R.  Moi, j'ai utilisé le mot de "siège" lorsque j'ai parlé de Gorazde,

 17   parce que quand j'y suis allé en août 1992, c'était le mot utilisé par les

 18   gens de la FORPRONU et de l'UNHCR au sein du convoi. Moi, j'étais en train

 19   de faire des reportages au sujet de ce qu'ils faisaient, et eux, de façon

 20   certaine, ont considéré que ce qu'ils faisaient était, en fait, une percée

 21   opérée dans le siège qui était établi autour de Gorazde. Donc c'était le

 22   mot utilisé par les gens qui avaient organisé ce convoi, et leur intention

 23   était donc d'opérer une percée au sein de ce qu'ils considéraient comme

 24   étant un siège.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   Est-ce qu'on peut demander le versement au dossier de ce clip vidéo ? Il

 27   s'agit du 1D2925. Il s'agit de ces attaques musulmanes contre l'armée serbe

 28   dans les environs de Gorazde.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction D952.

  3   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  4   Q.  Est-ce que vous saviez que Gorazde n'avait pas de frontières d'arrêtées

  5   pour ce qui est de la zone protégée, et ces limites n'ont jamais été

  6   définies par l'accord établi, comme cela était, au contraire, le cas de

  7   Zepa et de Srebrenica ?

  8   R.  Je n'arrive pas à me souvenir du fait qu'il y avait eu une distinction

  9   de faite pour ce qui est de ces zones protégées, si c'est bien à cela que

 10   vous faites référence.

 11   Q.  Ce que je voulais vous dire, c'est qu'en application du droit de guerre

 12   international et d'après les accords internationaux, lorsqu'on met en place

 13   une zone protégée, les parties belligérantes conviennent des frontières,

 14   des limites et des régimes à respecter. La partie musulmane n'a pas accepté

 15   que ce soit fait pour Gorazde. Ça a été fait pour Zepa et Srebrenica, mais

 16   elle ne l'a pas respecté puisqu'elle s'est attaquée à nous.

 17   Alors, je vais vous donner lecture d'un passage du document antérieur qui a

 18   déjà été versé au dossier. Peut-être peut-on le ramener sur nos écrans, il

 19   s'agit du D950. Ce qui nous intéresse, c'est la page 2. Et sans pour autant

 20   la diffuser vers l'extérieur.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On nous a confirmé que c'était un

 22   document public, n'est-ce pas ? Ça a été versé en tant que document public.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je suis peut-être prudent par excès.

 24   Alors, D950, page 2, paragraphe 4.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous avez rapporté qu'il y a eu nettoyage ethnique dans Rogatica,

 27   n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, je pense que c'est bien le cas.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant ce paragraphe 4.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons besoin de passer du système

  4   du prétoire électronique vers le système Sanction.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Oui, paragraphe 4, s'il vous plaît. Le général dont il s'agit ici croit

  7   bien que cela faisait partie intégrante d'un accord entre les parties

  8   impliquées. Alors, moi, ce que je voudrais vous demander : est-ce que vous

  9   considérez que ces opinions des hauts responsables des Nations Unies

 10   doivent forcément être prises en considération ?

 11   R.  Je prends en considération et je respecte ses informations, mais les

 12   informations qui m'ont été rendues disponibles, partant des conversations

 13   avec les Musulmans qui avaient résidé à Rogatica et qui sont arrivés à

 14   Sarajevo, eh bien, ces gens m'ont dit qu'ils avaient souffert beaucoup là-

 15   bas, qu'ils ont subi des vols par effraction, qu'ils ont été expulsés de

 16   là-bas, et ils ont parlé de viols. Je me suis entretenu avec une jeune

 17   femme qui m'a raconté qu'elle avait été violée là-bas à l'époque.

 18   Q.  Merci. Et vous y avez prêté foi, n'est-ce pas ?

 19   R.  J'ai transmis ce que ces gens ont affirmé. C'est ce que j'ai fait. Je

 20   n'en ai pas été témoin oculaire. C'est des gens qui me semblaient être tout

 21   à fait persuasifs comme témoins, puisque j'ai eu de longues conversations

 22   avec, et je pense qu'ils ont eu vraiment de mal à le faire, à moins qu'ils

 23   n'aient été des acteurs tout à fait bons, qu'ils auraient menti. Mais comme

 24   il s'agissait de personnes âgées de 16, 17 ans, je pense qu'ils n'auraient

 25   pas été capables de ce type de supercherie. C'était mon opinion, et c'est

 26   ce que j'ai mis dans mon rapport.

 27   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez du fait qu'il y a eu des

 28   allégations de faites portant sur 80 000 femmes musulmanes violées et que


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  1   cela avait été reproché à la politique serbe de façon officielle, et cela

  2   ne s'est ramené qu'à 18 cas de viols; c'est un chiffre qui aurait pu très

  3   bien se produire même en temps de paix ? Est-ce que vous êtes d'accord avec

  4   moi pour dire qu'au début on a affirmé qu'il y en avait eu plus de 80 000,

  5   alors qu'à la fin il n'a pas été même mention de 1 000 cas seulement de ce

  6   genre ?

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Ceci est tout à fait inapproprié, et c'est

 10   le comble.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis d'accord.

 12   Passez à un sujet suivant, Monsieur Karadzic.

 13   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Nous allons parler maintenant du nettoyage ethnique.

 15   Hier, vous avez dit, en page 20, lignes 3 à 6 du compte rendu, que :

 16   "Le nettoyage ethnique -- par nettoyage ethnique, vous aviez entendu

 17   des expulsions par la force, voire des actes de terrorisation de la

 18   population pour qu'elle soit chassée afin que la communauté où ils

 19   résidaient auparavant ne soit réduite qu'à une peau de chagrin. Par

 20   exemple, les Serbes ont chassé des Musulmans, et nous avons vu qu'il y en a

 21   eu beaucoup des cas de ce genre. Les nettoyages ethniques étaient une

 22   pratique utilisée par la totalité des parties au conflit dans la guerre de

 23   Bosnie, et toutes les parties belligérantes dans les guerres de l'ex-

 24   Yougoslavie se sont servies de cette modalité dans leur façon d'agir. C'est

 25   ce qui l'emportait pour ce qui est des caractéristiques de cette guerre.

 26   Alors, vous savez comment on gagne une guerre ? On gagne une guerre en lui

 27   portant des dégâts, en tuant l'ennemi, en détruisant ses biens, et dans ce

 28   cas concret, par des déplacements de population."


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  1   Alors, moi, j'espère que vous aviez dit "en tuant des gens" que vous

  2   entendiez personnel ou effectif militaire, et non pas la population civile,

  3   n'est-ce pas ? Est-ce que j'ai bien compris que vous n'aviez pas parlé de

  4   population civile, mais que vous entendiez par là le fait de tuer des

  5   militaires ?

  6   R.  Ce que j'ai voulu dire, c'est ce que j'ai dit hier, et c'est ce que

  7   j'avais à l'esprit, et je l'ai déjà affirmé bien des fois auparavant, à

  8   savoir que malheureusement, dans les guerres de nos jours, les guerres

  9   modernes, ce qui l'emporte, c'est le cas où la plupart des victimes sont

 10   des civils.

 11   Q.  Bon. Alors, quand vous parlez de "biens", vous n'avez pas entendu des

 12   biens individuels, mais des biens appartenant à l'armée de l'ennemi ? Donc

 13   ce n'est pas ce qui est arrivé dans la réalité des faits, mais ce sont les

 14   intentions des uns et des autres qui comptaient.

 15   R.  Non. Moi, j'entendais par là tous types de biens, tous types de

 16   propriétés. Et je sais, autant qu'un journaliste peut le savoir, je sais

 17   qu'il y a des parties variées du droit international qui s'appliquent à

 18   cela, c'est-à-dire aux bombardements et au concept d'individus à protéger

 19   dans ce type de circonstances.

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous faites une distinction entre échange de

 21   position, déplacement de population et nettoyage ethnique ? Parce que dans

 22   ce passage du compte rendu d'hier, vous indiquez qu'il y a eu "déplacement

 23   des populations". Alors, est-ce que vous faites distinction entre

 24   déplacement des populations et la notion de nettoyage ethnique ?

 25   R.  Oui, je pense que j'ai utilisé ces mots parce que vous m'avez dit de

 26   donner une définition, et j'ai essayé de vous donner ma définition.

 27   Mais je vais répéter une chose. D'après ce que j'ai vu, d'après ce

 28   que j'ai entendu, ce que j'ai lu, d'après les recherches que j'ai faites,


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  1   je suis persuadé que tous les camps se livraient au nettoyage ethnique.

  2   Mais en pratique, c'est le côté serbe qui l'a le plus employé.

  3   Q.  Nous y reviendrons. Saviez-vous que nous -- quand je dis nous, je parle

  4   des camps belligérants, nous avons signé un certain nombre d'accords,

  5   parfois sous l'égide du HCR, parfois sous l'égide de Lord Carrington ou de

  6   l'ambassadeur Cutileiro, lors de la Conférence de Londres, pour autoriser

  7   des transports de populations civiles qui voulaient être déplacées d'un

  8   endroit à un autre ? Donc le premier accord a été signé le 22 mai 1992. Ça

  9   a été répété en juillet à Londres aussi, au cours de la conférence

 10   Carrington. En août, à nouveau, ceci a été répété. Et donc les deux camps

 11   devaient permettre le déplacement de la population et devaient fournir des

 12   escortes armées afin d'éviter que lors des déplacements, ces gens ne

 13   connaissent un sort funeste. Etiez-vous au courant de cela ?

 14   R.  Je ne me souviens pas des détails des accords qui ont été signés lors

 15   de ces conférences. Il faudrait que je m'y réfère plus précisément.

 16   Q.  Bien. Mais saviez-vous, Monsieur Bowen, que le quotidien "Jerusalem

 17   Post" a écrit qu'il y avait plus de réfugiés serbes que l'ensemble des

 18   réfugiés musulmans et croates ? Or, Israël n'avait aucun intérêt dans ce

 19   conflit des Balkans, aucun intérêt politique. Mais c'est le "Jerusalem

 20   Post" qui a publié cette information, qui n'a pas été reprise d'ailleurs

 21   par les médias occidentaux. Saviez-vous qu'en tout il y avait plus de

 22   réfugiés serbes que de réfugiés musulmans et croates en totalité ?

 23   R.  Non, je n'étais pas au courant de cet article de "Jerusalem Post".

 24   Q.  Mais conviendrez-vous avec moi pour dire qu'au cours de la guerre en

 25   Yougoslavie, le premier exode qui a eu lieu en automne 1991, c'était en

 26   Slavonie occidentale, et le dernier exode a eu lieu en 1995 en Krajina, et

 27   que ces deux grands exodes concernaient les Serbes ? Dans l'intervalle, en

 28   Bosnie-Herzégovine, pratiquement tous les Serbes qui le pouvaient se sont


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  1   échappés de la Fédération de Bosnie-Herzégovine; le saviez-vous ?

  2   R.  J'étais au courant en ce qui concerne la Slavonie occidentale, puisque

  3   j'ai couvert cette partie de la guerre. Je sais aussi ce qui s'est passé en

  4   Krajina. J'ai traversé la Krajina en 1994.

  5   Q.  Merci. Saviez-vous que les deux tiers des Serbes de Sarajevo ont quitté

  6   Sarajevo, et lorsque les accords de Dayton ont été signés et que l'embargo

  7   a été levé, pratiquement tous ceux qui étaient encore en ville ont

  8   finalement quitté la ville, et à l'heure actuelle, il n'en reste plus que

  9   20 000, alors qu'au départ ils étaient plus de 200 000 ?

 10   R.  Oui, oui, je sais cela, bien sûr, mais je ne peux pas vous parler de

 11   chiffres parce que je ne connais pas les chiffres précisément. Mais je

 12   crois que j'ai plus ou moins bien compris quels étaient les déplacements de

 13   population qui ont eu lieu après les accords de Dayton. Je suis au courant

 14   aussi de l'équilibre qui règne à l'heure actuelle en Bosnie-Herzégovine.

 15   Q.  Savez-vous que le côté serbe fournissait toujours des autocars et des

 16   escortes armées, alors que le côté musulman ne le faisait jamais ? Lorsque

 17   les Serbes voulaient quitter la région ou s'enfuir, ils devaient compter

 18   sur les Croates. Ils ne pouvaient rien apporter avec eux, à part des sacs

 19   en plastique. Ils ne pouvaient emporter que ce qu'ils pouvaient porter à la

 20   main. Etes-vous au courant des accords qui ont été signés sous l'égide du

 21   HCR et savez-vous que les Serbes ont toujours honoré leurs engagements, ils

 22   ont toujours fourni des autocars et des escortes armées aux civils, alors

 23   que lorsque les Serbes voulaient s'enfuir ou quitter la région, il fallait

 24   qu'ils se débrouillent, il fallait qu'ils s'échappent le plus rapidement

 25   possible pour atteindre les territoires croates ?

 26   R.  Je pense qu'il faut faire une différence qui démontre d'un côté le

 27   nettoyage ethnique sous la menace d'une arme, où l'on utilise la terreur et

 28   la peur pour chasser les gens, ce qui faisait l'objet de mes reportages au


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  1   début de la guerre, et ensuite les mouvements, les déplacements de

  2   population organisés sous l'égide des Nations Unies. C'est complètement

  3   différent, sinon on mélange les torchons et les serviettes, ce n'est pas du

  4   tout la même chose. Je pense que l'un, certes, était la conséquence de

  5   l'autre. Mais en ce qui concerne les dispositions qui ont été prises, moi,

  6   je ne peux vous faire de remarques que sur ceux auxquels j'ai assistés et

  7   que j'ai repris dans mes reportages.

  8   Q.  Mais vous êtes allé à Mostar. Vous êtes passé par Konjic et Jablanica.

  9   Savez-vous que 6 500 Serbes habitaient à Konjic, et à Mostar, et que dans

 10   la vallée de la Neretva il y avait 44 000 Serbes qui habitaient, savez-vous

 11   ce qui est arrivé à ces gens, savez-vous quelle a été leur destin ? Oui ou

 12   non. Etes-vous au courant de ce qui leur est arrivé ?

 13   R.  Je ne connaissais pas les chiffres. Je sais, en effet, qu'il y avait

 14   des Serbes dans cette région, et je sais qu'il y a eu du nettoyage ethnique

 15   en cours, comme je vous l'ai déjà dit, je sais très bien que le nettoyage

 16   ethnique a été utilisé par tous les camps.

 17   Q.  Voici ce que la Défense vous affirme : les Serbes respectaient toujours

 18   leurs engagements lors du déplacement temporaire de la population, mais les

 19   Serbes ont été chassés de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, ou y ont

 20   trouvé la mort, mis à part les quelques occasions où les Croates sont venus

 21   nous prêter main-forte. Avez-vous trouvé le moindre village dans la

 22   Fédération de Bosnie-Herzégovine qui serait resté intact ? Un seul village

 23   serbe, bien sûr, qui serait resté intact ? Est-ce que vous pouvez nous

 24   donner d'un seul village dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine qui

 25   serait resté intact ?

 26   R.  Je n'étais pas là avant la guerre, donc je ne sais pas quelle était la

 27   situation qui prévalait avant la guerre, je ne sais pas qui habitait où.

 28   Mais, moi, j'ai fait des reportages sur les déplacements de populations qui


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  1   existaient lorsque j'étais sur place; ceux qui sont arrivés à Travnik, par

  2   exemple. En tant que reporteur, en tant que journaliste, je n'ai fait de

  3   reportages que sur ce que j'ai vu, sur à quoi j'ai assisté, bien sûr, j'ai

  4   essayé aussi de comprendre le contexte. Mais je pense avoir répondu à vos

  5   questions portant sur le nettoyage ethnique et son envergure de cette

  6   politique.

  7   Q.  On essaie de par les chiffres quand même. Saviez-vous qu'il y avait des

  8   municipalités en Republika Srpska où les Musulmans n'ont pas été inquiétés

  9   du tout ? A Janja, par exemple, dans un village, les Musulmans sont restés

 10   jusqu'à la fin de la guerre, ils y sont restés jusqu'à la fin de la guerre

 11   ?

 12   R.  Non, je ne savais pas. Comme je vous l'ai déjà dit, moi, j'ai relaté

 13   les incidents de nettoyage ethnique qui ont eu lieu lors de ma présence sur

 14   le territoire.

 15   Q.  Dans votre rapport, 65 ter 4049E, vous dites qu'un réfugié vous a dit

 16   qu'ils avaient dû payer un pot-de-vin à un soldat serbe à Bosanski Petrovac

 17   afin d'être autorisé à partir. C'était quoi ce pot-de-vin ? Ils l'ont payé

 18   pour qu'il les autorise à rester ou les autorise à partir ? Peut-être

 19   faudrait-il que nous nous repenchions sur cette séquence vidéo pour vous

 20   rafraîchir la mémoire.

 21   R.  Allez-y. Allez-y. Je ne pense pas qu'on ait discuté du prix à payer

 22   pour ce pot-de-vin.

 23   Q.  On ne parle pas du prix, on parle du but. Dans quel but est-ce qu'ils

 24   ont essayé de corrompre ce soldat ? Ils ont payé pour pouvoir rester à

 25   Petrovac ou pour pouvoir quitter Petrovac ?

 26   R.  Je pense que le reportage, le message du reportage, c'est qu'ils ont

 27   payé pour pouvoir quitter le territoire, sains et saufs. Sains et saufs,

 28   pas sans prendre quelques coups au passage, mais au moins sains et saufs.


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  1   Les réfugiés de ce centre de réfugiés à Travnik ont témoigné en masse pour

  2   dire qu'ils avaient été très maltraités par les forces serbes. Si vous vous

  3   souvenez, on en a parlé hier d'ailleurs, ils ont été passés à tabac en

  4   guise de représailles pour la mort de quelques combattants serbes.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez qu'on voie la séquence vidéo

  6   ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, j'aimerais qu'on voie la séquence

  8   vidéo. Le témoin a déjà confirmé qu'ils avaient payé pour partir.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors, comment peut-on concilier cela avec l'affirmation qu'ils étaient

 11   chassés par la menace des armes ?

 12   R.  Mais c'est ce que disaient la plupart des gens. Moi, j'ai interviewé

 13   une personne qui a dit qu'il avait dû payer un pot-de-vin sans doute pour

 14   pouvoir partir sans qu'on continue à l'inquiéter. Mais, dans ce reportage,

 15   si vous vous en souvenez, il y a eu un grand nombre de personnes qui ont

 16   témoigné avoir assisté aux meurtres de membres de leurs familles sous leurs

 17   yeux. Une femme, par exemple, qui parlait de sa fille qui avait été tuée

 18   sous ses yeux, d'une balle.

 19   Q.  Mais savez-vous qu'en Republika Srpska il n'y a pas un seul endroit où

 20   les Croates et les Musulmans n'ont pas pu rester au cours de la guerre ?

 21   Savez-vous qu'en Republika Srpska il n'y a pas de région qui soit

 22   constituée d'une seule communauté ethnique, bien qu'un grand nombre de

 23   personnes soit parti pendant la guerre pour un grand nombre de raisons ?

 24   Savez-vous qu'en Republika Srpska il n'y a aucune zone qui, avant la

 25   guerre, était mixte ethniquement qui soit devenue totalement monoethnique

 26   après la guerre ?

 27   R.  Je ne peux pas faire de commentaire là-dessus, sur la distribution des

 28   peuples. Ce que je sais, c'est qu'en Bosnie-Herzégovine, pour l'essentiel,


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  1   les populations étaient mixtes et maintenant les populations sont

  2   regroupées par ethnicité suite au nettoyage ethnique et suite très

  3   certainement aussi au déplacement de populations après la guerre.

  4   Q.  Monsieur Bowen, en tant que journaliste, avez-vous enquêté sur le fait

  5   qu'il y a des Musulmans et des Croates qui sont restés tranquillement en

  6   Republika Srpska pendant toute la guerre, qui ont conservé leurs emplois,

  7   qui ont participé, qui ont rejoint les rangs de la police et de l'armée, et

  8   que de l'autre côté il y avait aussi des Musulmans et des Croates qui ont

  9   décidé de demander aux municipalités de partir, et qui voulaient partir de

 10   leur propre chef ? Est-ce que vous vous êtes penché sur ce problème, là-

 11   dessus ? Comment se fait-il qu'il y ait des Croates et des Musulmans qui

 12   ont décidé de rester en Republika Srpska alors que d'autres ont essayé de

 13   partir ? Quelle était la différence entre les deux groupes ?

 14   R.  Il y avait peut-être des Musulmans et des Croates dans l'armée, dans la

 15   VRS, mais je ne les ai jamais rencontrés en tout cas. Tout ce que je me

 16   souviens, c'est d'avoir vu, après avoir traversé Brcko et être aller à

 17   l'ouest en Bosnie-Herzégovine, on tombait dans une espèce de campagne où il

 18   n'y absolument rien, plus rien. Les champs n'étaient pas cultivés, les

 19   maisons avaient été abandonnées, enfin, de toute façon les maisons avaient

 20   été incendiées, n'avaient plus de toits, il n'y avait plus de fenêtres, les

 21   villages étaient abandonnés et on était dans un désert, il n'y avait plus

 22   personne.

 23   Q.  Mais avez-vous traversé un village musulman dans cet endroit-là ? Qui

 24   habitait là ?

 25   R.  Mais lorsqu'on a traversé au volant, il n'y avait personne qui y

 26   habitait. Je ne me rappelle pas avoir traversé le moindre village musulman

 27   habité lors de ce déplacement.

 28   Q.  Mais ces des villages chrétiens. Il n'y avait pas le moindre village


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  1   musulman là-bas, mais nous y reviendrons.

  2   Pourrions-nous avoir la pièce 1D2941, et nous allons voir ce qu'un

  3   Catholique dit de tout cela.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je vois qu'il est l'heure de faire

  5   la pause.

  6   Jusqu'à présent, vous avez utilisé quatre heures et 15 minutes, ce

  7   qui signifie qu'il vous reste trois quarts d'heure pour en terminer avec

  8   votre contre-interrogatoire.

  9   En l'absence du témoin, j'aurais un point à traiter, donc nous allons

 10   demander au témoin de quitter le prétoire pour la pause.

 11   Nous reprendrons à 13 heures.

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourrions-nous maintenant passer en --

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je intervenir ? Puis-je vous demander 45

 15   minutes supplémentaires. Nous devons rentrer dans les détails à propos d'un

 16   grand nombre d'affirmations qui ont été énoncées de but en blanc par ce

 17   témoin. Il a fait un grand nombre de déclarations assez cavalières, et je

 18   voudrais aller au fond des choses. Je ne demande pas grand-chose, je vous

 19   demande trois quarts d'heure supplémentaires.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous auriez pu être plus efficace, mais

 21   je vais consulter mes collègues.

 22   Mme Edgerton, de combien de temps avez-vous besoin pour vos questions

 23   supplémentaires ?

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Environ dix minutes, pas plus.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous vous donnons 30

 27   minutes supplémentaires, ce qui signifie que nous ne pourrons pas entendre

 28   le témoin suivant aujourd'hui.


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  1   Nous allons reprendre à 13 heures et en début de séance, en l'absence

  2   du témoin, nous aborderons ce point administratif.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

  5   --- L'audience est reprise à 13 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel

  7   pendant quelques instants.

  8   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci repose sur la requête aux fins de

 10   l'injonction à comparaître de M. Zecevic, Monsieur Tieger.

 11   J'ai remarqué, en fait, la déclaration de M. Robinson, qui s'oppose à

 12   cette injonction étant donné que Zecevic est un témoin expert. A un moment

 13   donné, l'Accusation a précisé qu'elle allait présenter son témoignage --

 14   son témoignage en tant que témoignage donné par un témoin expert, mais sur

 15   la liste des témoins de ce mois-ci, et dans la requête, aucune référence

 16   n'est faite à l'article 94 bis à l'égard de ce témoin. Je me demande si M.

 17   Zecevic est cité en tant que témoin expert ou témoin de fait, ou les deux à

 18   la fois. Je vous demande de bien vouloir nous précisez cela. Ceci pourrait

 19   être utile à la fois pour la Défense et les Juges de la Chambre, nous

 20   permettant donc de trouver une solution à cette question-là.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président.

 22   Je crois que votre dernière définition est exacte. Et dans ce sens-

 23   là, j'aimerais vérifié avec Mme Gaynor [comme interprété] pour voir si ma

 24   manière de comprendre ceci et si la façon dont ce témoignage doit être fait

 25   est exacte. Mais aux fins de cette requête, je crois que les Juges de la

 26   Chambre ont une compréhension exacte de la situation et je crois que ce que

 27   les Juges de la Chambre souhaitent savoir, c'est s'il va y avoir une

 28   requête spécifique liée à l'article 94 bis.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

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  8  (expurgé)

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 10  (expurgé)

 11   [Audience publique]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous aurez jusqu'à 14

 13   heures 15.

 14   Oui, Madame Edgerton.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] De façon à ce qu'on ne me juge pas par

 16   rapport aux estimations de temps que j'ai données, j'aurais besoin de cinq

 17   minutes supplémentaires par rapport à mon estimation initiale, Monsieur le

 18   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous aurez 15 minutes. Merci.

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas de problème. Je vous remercie,

 22   Monsieur Bowen.

 23   Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre votre contre-interrogatoire.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   Puis-je demander l'affichage du 1D24 -- en réalité, 2941.

 26   Vous avez parlé de Banja Luka et de ces villes, et je souhaite

 27   maintenant entendre ce qu'a dit un bon catholique et un bon Croate au sujet

 28   du statut des Croates à Banja Luka en octobre de l'année 1993.


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  1   1D2941. Il y a même une traduction.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passons sur le prétoire électronique.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je voir la traduction également, s'il vous

  4   plaît. Pourrions-nous avoir la version serbe également.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Là, il s'agit du 4 octobre 1993. Jadranko Prlic, en qualité de premier

  7   ministre d'Herceg-Bosna, a visité Banja Luka, et voici ce qu'il dit :

  8   "Je souhaite visiter Banja Luka et me convaincre que le peuple croate vit

  9   ici, et c'est un souhait que j'ai réalisé aujourd'hui parce que les

 10   conditions politiques à cet égard ont été créées. Les Serbes et les Croates

 11   dans ces zones ne se sont pas fait la guerre. La majorité des Croates sont

 12   restés à Banja Luka, ce qui est une conséquence d'une attitude positive de

 13   la Republika Srpska. Par conséquent, le départ des Croates de ces zones

 14   devrait être empêché et leur déplacement respectif également. Et le fait

 15   qu'ils quittent leurs appartements également, ceci devrait être régi par la

 16   loi…"

 17   Savez-vous que la plupart des Croates à Banja Luka sont restés pendant

 18   toute la durée de ces événements ?

 19   R.  Lorsque j'ai parlé des Croates, j'ai simplement cité leur église qui

 20   avait été fermée et recouverte de graffitis. L'impression que j'avais de

 21   Banja Luka c'est que la population qui avait le plus souffert était la

 22   population musulmane parce que ceci a été précisé dans les documents. Un

 23   nombre important de mosquées avaient été détruites.

 24   Q.  Merci. Etiez-vous au courant de cette visite du 4 octobre 1993 ? Un an

 25   et demi après le début de la guerre, Jadranko Prlic s'est rendu à Banja

 26   Luka et a mis en place une coopération économique. Etiez-vous au courant à

 27   l'époque et saviez-vous combien de Croates sont restés à Banja Luka ? Si

 28   vous aviez su cela, est-ce que cela aurait été important pour vous ?


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  1   J'accepte, néanmoins, que certaines critiques à notre égard indiquaient que

  2   nous n'étions pas très bons lorsqu'il s'agissait d'informer l'opinion

  3   publique.

  4   R.  La seule fois où j'ai rencontré Jadranko Prlic, c'est lorsque j'ai

  5   témoigné devant ce Tribunal. Mais je n'étais pas au courant de cette

  6   visite-là.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   Est-ce que ceci peut être versé au dossier ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous connaissez la position de la

 10   Chambre. Une déclaration émanant d'une tierce personne n'est pas quelque

 11   chose qui est établi -- le fait que la déclaration a été faite confirme la

 12   véracité de cette dernière.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit là, en fait, d'éléments d'actualité

 14   qui émanent des médias, dans "Srpski Glas" daté du 4. Peut-être que j'ai

 15   omis de dire que "Glas Srpski" est un quotidien qui a fourni cet élément-là

 16   d'information --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Raison de plus s'il s'agissait d'un

 18   article émanant des médias. Poursuivons.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Saviez-vous, Monsieur Bowen, que certaines municipalités avaient

 22   demandé à recevoir un nombre important de documents pour les Musulmans qui

 23   souhaitaient quitter la municipalité ? Banja Luka était la municipalité la

 24   plus libérale, dans le sens où elle n'exigeait que 15 documents lorsqu'il

 25   s'agissait de partir.

 26   R.  Je ne savais pas qu'il y avait un nombre aussi important de documents.

 27   Je sais qu'à Travnik ils ont dû remettre leurs biens et signé cela. Je le

 28   sais parce qu'il y avait un représentant officiel qui nous avait présenté


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  1   ce document qui était estampillé de façon officielle, et ceci a été

  2   consigné dans le récit qui en a été fait.

  3   Q.  Eh bien, est-ce quelque chose qui a donné lieu à ce type de réaction ?

  4   Est-ce que les gens préféraient partir plutôt que de rester ? Parce que si

  5   on vous demande toute une série de documents, est-ce qu'il est plus facile

  6   de rester ou de partir ?

  7   R.  Je ne peux pas répondre à cette question-là. Les gens auxquels j'ai

  8   parlé disaient de façon unanime qu'ils avaient été terrorisés et obligés de

  9   partir -- contraints par la force de partir de chez eux, et ces personnes

 10   étaient passées à tabac et tuées.

 11   Q.  Pourquoi alors, Monsieur Bowen, leur aurait-on demandé de rassembler

 12   des documents, et ils passaient des mois à rassembler ces documents de

 13   façon à pouvoir partir ? Pourquoi cela se produirait-il s'ils étaient

 14   chassés de chez eux ? Ces deux éléments sont incompatibles, Monsieur Bowen.

 15   Je ne veux pas parler d'individus en particulier. Je parle ici du

 16   comportement des organes étatiques. Savez-vous que les organes étatiques

 17   rendaient ceci plus difficile pour les Croates et les Musulmans, il était

 18   difficile pour eux de quitter la Republika Srpska ?

 19   R.  Je ne peux ni confirmer ni infirmer ce que vous venez de dire. J'ai

 20   remarqué, dans ce que j'ai écrit et dans mes témoignages, que le caractère

 21   du nettoyage ethnique a changé au fil de l'évolution de la guerre. Il y

 22   avait des gens qui arrivaient avec des fusils au début de la guerre, et

 23   ensuite il y a eu ce processus davantage bureaucratique que nous avons

 24   constaté et que nous avons consigné lorsque nous avons relaté les

 25   événements de Bijeljina.

 26   Q.  Etes-vous d'accord, Monsieur Bowen, que nous avions besoin de temps

 27   pour créer un Etat fondé sur l'état de droit, et nous n'avions pas un tel

 28   Etat en mai, juin, juillet, voire peut-être même pas en septembre 1992 ?


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  1   Notre Etat était un projet nouveau, donc il nous fallait du temps, il

  2   fallait du temps pour créer un Etat fondé sur un état de droit.

  3   R.  Je ne peux ni être d'accord ni ne pas être d'accord, Docteur Karadzic,

  4   avec ce que vous venez de dire. Je ne suis pas en mesure de commenter les

  5   conditions dans lesquelles s'exerçait l'administration pour vous à

  6   l'époque. C'est une question qui vous est propre.

  7   Q.  Merci. Savez-vous qu'aucun de ces certificats qui étaient exigés par

  8   les municipalités -- en réalité, ces demandes de remise de biens, savez-

  9   vous que j'avais déjà annulé cela en août 1992 et que ceci n'a jamais été

 10   appliqué ?

 11   R.  Je pense que ce moment-là porte sur le mois de juillet et août 1992 à

 12   Travnik. Je n'étais pas là au moment où vous avez promulgué cet édit. Non,

 13   pardonnez-moi. Pour le compte rendu d'audience, c'était au mois de

 14   septembre ou octobre que ce reportage a été diffusé sur Travnik. Cela

 15   n'était pas dans la courant de l'été, mais au début de l'automne.

 16   Q.  Mais ces réfugiés ont parlé de ce qu'il leur était arrivé avant le mois

 17   d'août, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non, ils parlaient de ce qui s'était passé au cours des deux derniers

 19   jours.

 20   Q.  Merci. Mais vous ne saviez pas que j'avais annulé cette décision qui

 21   avait force de loi ?

 22   R.  Je ne le savais pas -- je n'étais pas au courant de cet ordre que vous

 23   avez envoyé. Mais d'après ce que j'ai compris, les personnes de Prijedor

 24   n'étaient pas au courant non plus, ou les personnes à Bosanski Petrovac.

 25   Q.  Eh bien, ils ne le savaient pas pendant les deux premiers mois parce

 26   qu'il n'y avait pas de communication, mais ils ont découvert cela par la

 27   suite, et ceci a été annulé. Est-ce que vous acceptez cela, que ceci a été

 28   annulé et que ceci n'a jamais été appliqué nulle part ?


Page 10271

  1   R.  Je ne peux pas accepter cela, parce que la première fois que j'entends

  2   parler de cette annulation c'est dans ce prétoire.

  3   Q.  Merci. En parlant de Gorazde - retournons à cela pendant quelques

  4   instants - vous avez confirmé que les Serbes étaient furieux parce que les

  5   Musulmans s'étaient servis des convois comme bouclier humain et avaient

  6   attaqué les positions serbes, tuant huit soldats, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, c'est ce qu'ils pensaient. On nous a emmenés voir les corps des

  8   soldats qui venaient d'être tués. Ce qui était exact compte tenu de l'état

  9   des corps.

 10   Q.  Merci. Connaissez-vous notre position officielle, à savoir après chaque

 11   passage de convoi, les attaques musulmanes s'intensifiaient et que ceci

 12   nous faisait penser que les convois fournissaient des armes et des

 13   munitions aux Musulmans ?

 14   R.  Je ne connaissais pas cette position officielle, non.

 15   Q.  Merci. Veillons à établir un lien entre ceci et Cerska, maintenant.

 16   Savez-vous que nous avons envoyé un message à Cerska et à tous ces autres

 17   villages, à savoir qu'ils ne devaient pas se battre parce que les villages

 18   allaient appartenir aux unités constitutives musulmanes ?

 19   R.  Non, je n'étais pas au courant de ce message.

 20   Q.  Savez-vous que pendant toute une année entière, entre le printemps de

 21   l'année 1992 et l'année 1993, ils ont tiré sur nos troupes dans le dos, ils

 22   ont pausé des embuscades à nos civils, ils ont tué des civils à bord

 23   d'autocars, ils ont tué des bus entiers de personnes, des voitures entières

 24   de personnes ? Savez-vous qu'ils n'ont eu de cesse de nous harceler et que

 25   nous avons subi des pertes très importantes ?

 26   R.  Je savais qu'il y avait des combats sur le pourtour de l'enclave, mais

 27   je n'avais pas les détails de tout ce qui se passait avec la précision que

 28   vous venez d'avancer.


Page 10272

  1   Q.  Merci. Je parle de ce que vous avez dit vous-même, à savoir qu'un

  2   convoi en direction de Cerska avait fait l'objet d'un accord, mais que ce

  3   convoi a ensuite été arrêté à Zvornik, et qu'après on vous a informé du

  4   fait que les Serbes avaient pris le contrôle de Cerska. Savez-vous que des

  5   Musulmans, à l'instar de ce qui s'était passé à Gorazde, avaient prétexté

  6   de l'arrivée du convoi à Cerska, et que c'est pour cela que vous avez été

  7   arrêté ?

  8   R.  Personne n'a évoqué cela à l'époque -- ne me l'a dit. Je n'étais pas au

  9   courant. Nous étions déjà à une certaine distance de Cerska, et lorsque

 10   nous avons arrêté à cet endroit-là, les personnes du convoi - je devrais

 11   dire - avaient beaucoup de message du côté serbe disant, Oui, dans quelques

 12   instants, vous allez pouvoir avancer. Donc on nous rassurait, et c'est la

 13   raison pour laquelle ils ont attendu là pour leur supérieur hiérarchique

 14   pendant quelques jours, parce qu'ils espéraient pouvoir résoudre les

 15   problèmes. Mais personne ne m'a parlé de ces événements que vous décrivez

 16   maintenant.

 17   Q.  Merci. Savez-vous qu'une campagne dans les médias a été lancée à grande

 18   échelle, à savoir que nous avions commis un massacre effroyable de civils à

 19   Cerska et que ceci s'est poursuivi jusqu'à l'arrivée de Morillon à Cerska,

 20   avec des équipes de journalistes ? Vous souvenez-vous de cette campagne de

 21   Cerska, qui est identique à la campagne de Srebrenica en 1995, où tous les

 22   médias disaient que nous avions massacré la population à Cerska ?

 23   R.  Je ne me souviens de ces allégations à propos de Cerska. Je me souviens

 24   des événements de Srebrenica.

 25   Q.  Nous allons y venir à Srebrenica. Merci. Convenez-vous que dans cette

 26   zone-là, après la libération de Cerska et Kamenica, plus de 50 fosses

 27   communes ont été retrouvées, que ces fosses contenaient de cinq à 50

 28   cadavres de Serbes et que le général Morillon a assisté aux funérailles ?


Page 10273

  1   R.  Eh bien, on nous a emmenés à des enfouissements de ce qui était appelé

  2   par un officier serbe une fosse commune, où les Serbes avaient été

  3   massacrés. C'est ce qu'il alléguait. Je n'ai pas été en mesure -- si je me

  4   souviens bien, je suis quasiment sûr qu'il s'agissait de cadavres en

  5   uniforme que l'on désenfouissait [phon]. Les Nations Unies et les membres

  6   de l'armée qui nous accompagnaient, avec des hommes de la Légion étrangère

  7   française, ont laissé entendre que ces personnes ont peut-être été tuées au

  8   cours des combats qui se sont déroulés dans ce secteur-là, mais je n'ai pas

  9   de détails au sujet des conditions et de la manière dont ils sont décédés.

 10   Mais il est vrai que j'ai vu une fosse commune, où il y avait huit à dix

 11   corps peut-être.

 12   Q.  Merci. Savez-vous combien de prisonniers serbes avaient été emmenés par

 13   les Musulmans au cours de cette année-là à Cerska et nous ont été remis ?

 14   R.  Non, je ne sais pas.

 15   Q.  Est-ce que cela vous aiderait si je vous disais qu'il n'y en avait pas

 16   un seul ? Ils ont tous été tués, massacrés. Même s'ils portaient un

 17   uniforme, ils n'auraient pas dû être tués ou massacrés, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non, les prisonniers ne doivent pas être tués ou massacrés. Mais je ne

 19   sais pas ce qui est advenu des prisonniers à Cerska, parce que je ne m'y

 20   trouvais pas moi-même.

 21   Q.  Eh bien, vous n'étiez pas à beaucoup d'endroits, Monsieur Bowen, et

 22   vous témoignez comme si vous aviez été dans beaucoup d'endroits. Cerska,

 23   Bratunac, et dans d'autres endroits, vous témoignez comme si vous y étiez.

 24   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que plus de 3 200 civils ont été

 25   tués, ou plutôt, des Serbes, et qu'il s'agissait surtout de civils ? Nous

 26   avons leurs noms et prénoms, et nous allons donner les noms et prénoms de

 27   ces personnes. Néanmoins, convenez-vous qu'avant 1995, plus de 3 200 Serbes

 28   avaient été tués à cet endroit-là ?


Page 10274

  1   R.  Ce n'est pas quelque chose que je peux accepter. Je ne connais pas ces

  2   chiffres.

  3   Q.  Eh bien, Monsieur Bowen, la précision et l'impartialité constituent la

  4   bible de la BBC, qui mérite le respect que nous leur devons ? 

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a dit qu'il ne connaissait pas

  6   ce chiffre. Inutile de poursuivre avec ce type de questions. Veuillez

  7   poursuivre.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Regardons maintenant le cas de Srebrenica.

 11   Au paragraphe 68, vous dites que vous étiez à Sarajevo lorsque

 12   Srebrenica est tombée aux mains des Serbes de Bosnie en 1995. Vous avez

 13   surveillé la télévision de Pale. Et puis :

 14   "Ensuite, le CICR a évacué les hommes et les femmes. Je faisais des

 15   reportages quotidiens sur les événements, d'après ce qu'il était possible

 16   de conclure à Sarajevo à ce moment-là. La première chose que j'ai remarquée

 17   à propos de l'image de Srebrenica, c'est qu'il n'y avait pas d'hommes nulle

 18   part. J'ai deviné donc qu'ils avaient été emmenés pour être détenus, voire

 19   peut-être même tués. Dans mon reportage destiné à la BBC, j'ai cité qu'il

 20   n'y avait pas d'hommes dans ces images que j'ai vues."

 21   Tout d'abord, est-ce que vous acceptez cela, que des civils de

 22   Srebrenica avaient été évacués à Potocari par les Nations Unies, qu'ils

 23   n'ont pas été chassés par les Serbes ?

 24   R.  Je parle dans ma déclaration du CICR, peut-être que c'était les Nations

 25   Unies -- oui, je pense qu'ils étaient là et ils intervenaient au niveau des

 26   femmes et des enfants. Egalement quelque chose que je n'ai pas dit dans ma

 27   déclaration, c'était un reportage, en fait, qui a été présenté comme

 28   élément de preuve hier, j'ai dit que nous avons filmé un nombre assez


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  1   important de civils, des hommes et des femmes pour l'essentiel, qui

  2   entraient dans Tuzla et qui traversaient à pied, de façon désorganisée, et

  3   qui venaient de Srebrenica.

  4   Q.  Vous prétendez que les réfugiés sont allés à pied de Srebrenica à

  5   Tuzla, qu'ils ont fui à pied; c'est exact ?

  6   R.  C'est ce qu'ils nous disaient, en tout cas.

  7   Q.  Voici la question que je vous pose : de leurs maisons à Potocari, ils

  8   sont partis de leur plein gré, et ensuite de Potocari à Kladanj, ils sont

  9   allés par différents moyens de transport, et ensuite d'autres personnes

 10   sont allées à pied de Srebrenica à Tuzla. Comment se fait-il que vous

 11   n'ayez jamais pensé à cela, qu'il y avait peut-être autre chose qui était

 12   en train de se passer là et qui impliquait des Musulmans ? Pourquoi n'avez-

 13   vous jamais songé au fait qu'ils ont peut-être décidé de lancer une percée

 14   armée en direction de Tuzla ? Savez-vous qu'il y avait une colonne de 15

 15   000 hommes qui tentaient d'opérer une percée sur Tuzla ?

 16   R.  J'ai entendu différents récits sur cette période. Je ne suis pas en

 17   mesure de vous dire ce qui est juste de ce qui ne l'est pas, et les

 18   circonstances dans lesquelles ces personnes tentaient de sortir de

 19   Srebrenica, je ne peux pas.

 20   Q.  Bien, Monsieur Bowen, on s'attendrait à cela de votre part, vous parlez

 21   de beaucoup de choses que la Défense ne peut pas accepter, qu'elle

 22   conteste, il s'agit de faits notoirement connus; 15 000 hommes, en réalité,

 23   ont tenté d'opérer une percée, ces hommes étaient armés, et ils étaient à

 24   pied.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, écoutez, vous êtes un

 26   petit peu polémique. Vous posez simplement des questions au témoin. Le

 27   témoin a déjà dit qu'il ne sait pas, il n'est pas au courant de ce récit-

 28   là.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   Pour moi, il devrait le savoir étant donné que c'est un journaliste

  3   chevronné, il est en train de faire des reportages.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Alors, Monsieur, en page 65 du compte rendu, vous avez dit hier, je ne

  6   sais s'il s'agissait d'un reportage à vous, mais que j'aurais, à la

  7   télévision de Pale, parlé de la supériorité du peuple serbe. Est-ce que

  8   vous savez que je considère que les Musulmans sont également des Serbes du

  9   point de vue ethnique et que jamais je n'aurais considéré qu'un peuple se

 10   trouverait à être en position de supériorité par rapport à un autre ? Est-

 11   ce que vous pouvez nous précisez si vous avez gardé le souvenir du fait que

 12   j'aurais dit un "peuple en situation de supériorité" ou une "armée en

 13   position de supériorité" par rapport à l'autre ?

 14   R.  On m'a donné une traduction à l'époque. Comme je vous l'ai déjà dit, je

 15   ne parle pas le serbe. Je me souviens du fait que vous m'ayez dit à

 16   l'occasion d'une interview, il me semble que c'était encore pendant la

 17   guerre, que vous pensiez que les Musulmans avaient à l'origine été des

 18   Serbes et qu'ils avaient changé de religion entre-temps.

 19   Q.  Mais en changeant de religion, ils n'ont pas changé leur origine

 20   ethnique. J'ai dit dans l'original, j'ai parlé de "la supériorité de

 21   l'armement serbe". Est-ce que vous acceptez le fait que parler de

 22   l'armement et d'un peuple c'est une chose différente et que je n'aurais

 23   jamais fait ce type de déclaration raciste ?

 24   R.  Bien, si les choses m'ont été mal traduites, ça été mal traduit.

 25   Malheureusement, j'ai dû me fier au service des traducteurs qui se sont

 26   chargés d'interpréter à mon profit à partir de cette langue.

 27   Q.  Merci. Je ne puis donc regretter que vous n'ayez pas vérifié cela comme

 28   bon nombre d'autres choses, Monsieur Bowen.


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  1   R.  Ça, je peux répondre. Je revérifie beaucoup de choses et très souvent,

  2   c'est de façon très assidue que je re-parcours les traductions avec les

  3   interprètes, mais je crois qu'on peut entendre dans l'enregistrement ce qui

  4   est dit en serbe, donc il ne fait pas l'ombre d'un doute que les Juges de

  5   la Chambre pourront entendre ce qui a été dit et se pencher dessus.

  6   Q.  Merci. Au paragraphe 69, vous dites que :

  7   "Il était notoirement connu le fait que les enclaves en Bosnie-

  8   Herzégovine de l'est avaient été organisées et qu'elles possédaient des

  9   armes, ainsi que le fait que ces enclaves se battaient parce que autrement,

 10   elles auraient été balayées par les Serbes de Bosnie, donc il me semble

 11   évident et crédible le fait que les forces du gouvernement de Bosnie se

 12   battraient et une fois encerclées, elles avaient toutes les raisons de

 13   croire qu'elles se battaient pour leur survie."

 14   Monsieur Bowen, vous êtes la seule personne informée qui a affirmé chose

 15   pareille. Est-ce que vous saviez que ces enclaves étaient censées avoir été

 16   démilitarisées, et le secrétaire général des Nations Unies a déclaré que ça

 17   n'a pas été démilitarisé, mais que c'était des places fortes armées de

 18   l'armée musulmane, des militaires musulmans ?

 19   R.  Ça, il est clair que ces zones n'ont pas été démilitarisées.

 20   Q.  Est-ce que vous savez que lorsque l'on déclare une zone comme étant

 21   protégée avec l'accord des parties belligérantes, cette zone ne peut alors

 22   être militarisée et elle ne peut faire l'objet de point d'origine d'attaque

 23   en direction des autres parties, tout comme les autres ne peuvent pas

 24   s'attaquer à cette zone ?

 25   R.  Bien, je sais qu'il existe des règles s'agissant des zones de sécurité,

 26   mais des attaques se sont produites dans les deux sens et il y a eu des

 27   combats qui se sont produits. Ça, ça ne fait pas l'ombre d'un doute.

 28   Q.  Etes-vous au courant d'une attaque, ne serait-ce qu'une attaque ou


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  1   offensive serbe, qui n'aurait pas constitué une contre-offensive ?

  2   R.  Je pense que toutes les parties dans toutes les portions de guerre des

  3   Balkans qui ont fait l'objet de reportage de ma part depuis la Croatie en

  4   1991 jusqu'au Kosovo en 1999, personne n'a jamais affirmé avoir été le

  5   premier à tirer. Tous ont affirmé avoir riposté ou s'être défendu. C'est le

  6   refrain que j'ai entendu bien des fois.

  7   Q.  Mais attendez, Monsieur Bowen, on sait ce que les unités de Naser Oric

  8   ont fait à l'égard des villages serbes environnants, alors j'en reviens à

  9   la question du siège.

 10   Est-ce un siège si les Serbes autour de Srebrenica protègent leurs

 11   villages, ou est-ce que c'est une protection de leurs propres villages,

 12   parce que toutes les nuits et tous les jours ces villages étaient attaqués

 13   depuis les zones protégées ?

 14   R.  Ce que je veux dire c'est que la tactique militaire utilisée par les

 15   forces serbes autour de Srebrenica, d'après ce que j'ai compris, ça avait

 16   une conséquence qui est celle d'avoir établi un siège autour de l'enclave.

 17   L'enclave a vu des frontières définies qu'ils ont défendues, si j'ai bien

 18   compris, mais je ne suis jamais allé à Srebrenica moi-même. Il s'agissait

 19   d'une région plutôt rurale où il y avait bien des agglomérations, et la

 20   situation évoluait d'un jour à l'autre. Et de là à avoir un fichier

 21   concernant la façon dont les batailles se sont produites là-bas, je n'en ai

 22   pas.

 23   Q.  Alors, contrairement à l'accord, si je vous disais qu'ils ne faisaient

 24   qu'élargir la zone protégée et qu'ils attaquaient et tuaient les Serbes,

 25   est-ce que ça vous semble acceptable, parce qu'ils ont élargi les zones

 26   pour rejoindre Srebrenica et Zepa pour faire une jonction des deux et ils

 27   ont à cet effet sans cesse attaqué les Serbes autour ?

 28   R.  Bien, c'est un point de vue sur ce qui s'est passé là-bas. Moi, j'en ai


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  1   entendu d'autres concernant ce qui s'y passait, et j'ai entendu parler de

  2   ce qui s'y produisait à un moment donné. Il me semble que les aléas du sort

  3   des militaires ont évolué dans un sens et dans l'autre pendant la guerre de

  4   Bosnie.

  5   Q.  Merci. Paragraphe 69, vous dites :

  6   "Il est clair qu'il y a place à l'isolement avec des limitations qui ont

  7   fait en sorte de limiter l'efficacité au combat d'une partie."

  8   Alors, Monsieur Bowen, c'est justement en raison de ceci que nous

  9   avons inspecté les convois, et c'est la raison pour laquelle nous avons

 10   adopté une attitude restrictive parce qu'ils n'arrêtaient pas de renouveler

 11   leurs aptitudes au combat par l'obtention d'armes et de munitions qui

 12   passaient par nos territoires. En application du droit international, il

 13   relevait de notre droit de contrôler les conditions dans lesquelles une

 14   assistance leur serait apportée. Les restrictions visaient notamment à

 15   faire en sorte qu'ils ne puissent pas continuer à se battre, c'était donc

 16   un droit légitime que nous avions exercé, n'est-ce pas ?

 17   R.  Je n'ai pas très bien compris quelle était votre question, Monsieur.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton. Mais je crois que

 19   le témoin a déjà répondu.

 20   Je pense que le temps arrive de conduire à son terme votre contre-

 21   interrogatoire. Non, il y a encore du temps, mais je me référais à la

 22   qualité des questions posées.

 23   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Bowen, vous connaissiez la situation de Sarajevo, bien que

 26   vous n'ayez pas connu toutes les positions telles qu'elles étaient mises en

 27   place. Est-ce que vous avez fait connaissance de ces prétendus généraux de

 28   l'armée musulmane qui s'appelaient Caco, Juka, Celo, qui commandaient des


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  1   brigades dans la ville de Sarajevo ?

  2   R.  Oui, j'ai été au courant de ces noms. A l'époque, c'était des personnes

  3   qui étaient d'une grande notoriété, les gens les admiraient aussi. Il y a

  4   eu beaucoup de controverse au sujet de ces individus, et les trois que vous

  5   avez mentionnés, oui, j'en avais connaissance.

  6   Q.  Savez-vous qu'ils ont été éliminés à partir du moment où ils se sont

  7   retournés contre leur propre police, ils ont tué le fils du ministre de la

  8   police, et ils avaient menacé de s'emparer du pouvoir au sein du 1er Corps

  9   de l'armée ?

 10   R.  La chose dont j'ai été le plus au courant c'était Caco et ses

 11   activités, parce que je connaissais un individu faisant partie de l'une de

 12   ses unités, et je sais que c'était un individu fort controversé. En fin de

 13   compte, les forces gouvernementales se sont retournées contre lui pour

 14   l'éliminer.

 15   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi ils l'ont éliminé ? Est-ce que vous

 16   savez que son unité a tué énormément de Serbes dans Sarajevo ?

 17   R.  J'étais au courant de certaines de ces activités. Il était toutefois

 18   très difficile de faire des reportages à leur sujet parce qu'ils étaient

 19   très hostiles à l'égard des journalistes. La seule fois où j'ai réussi à

 20   accéder à une partie de la ville qu'ils contrôlaient, j'ai vu que

 21   s'agissant de personnes qu'ils considéraient comme étant des fainéants, des

 22   paresseux, ou des "esquiveurs", qui avaient donc évité d'aller se battre,

 23   j'ai vu qu'ils les avaient obligés à aller vers les lignes de front sous la

 24   menace d'armes, et je les ai vu porter des pelles, donc j'imagine qu'on les

 25   envoyait là-bas pour creuser des tranchées. Cet individu-là, qui avait une

 26   très mauvaise réputation, mais il avait aussi une réputation d'une sorte de

 27   Robin Hood parce qu'il faisait irruption dans des entrepôts de denrées

 28   alimentaires pour distribuer de quoi manger à la population locale.


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  1   Ensuite, il a eu une réputation fort mauvaise, lui et ses hommes, pour

  2   l'indiscipline et les comportements violents.

  3   Q.  Merci. Mais vous ne contestez pas le fait qu'il a tué le fils du

  4   ministre et c'est à ce moment-là que le gouvernement s'est retourné contre

  5   lui ? Tant qu'il tuait que des Serbes, ça ne dérangeait pas le gouvernement

  6   du tout ?

  7   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir avec précision. Je ne sais plus qui il

  8   a tué. Je me souviens vaguement qu'il avait fait exécuté une personnalité

  9   importante, mais je ne me souviens pas de faits précis. Il est préférable

 10   de ne pas me perdre en conjectures. Je sais qu'ils s'étaient retournés

 11   contre lui, et ce qui fait que l'autorité dont il avait bénéficiée a pris

 12   fin.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   Je voudrais qu'on se réfère maintenant au 1D2917. C'est une partie de votre

 15   livre. Puis ensuite, la page 141. Pas la page du prétoire électronique, la

 16   page 141 du livre.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il a été liquidé --

 19   R.  Excusez-moi, mais je ne l'ai pas sous les yeux. Est-ce que c'est ce que

 20   j'ai sur l'écran maintenant ?

 21   Q.  Non. Ça c'est une partie de votre déclaration. J'ai demandé votre livre

 22   qui est le 1D2917.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la référence D936.

 24   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il n'a été liquidé

 26   qu'en fin 1993, octobre ou novembre 1993, c'est bien cela ?

 27   R.  Je n'arrive pas à me souvenir de la date de son exécution. Et je ne

 28   suis pas sûr d'avoir été au courant à l'époque non plus.


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Et bien ça fait un moment qu'on écoute

  4   ceci, et je suis de plus en plus convaincue que cette façon de conduire un

  5   interrogatoire ou cette façon de se procurer des éléments de preuve est du

  6   tu quoque, et là je ferais objection.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez répondre à cette

  8   affirmation, Monsieur Karadzic ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai l'intention de montrer quelle a été

 10   l'attitude de la partie serbe à l'égard de Sarajevo et des civils dans

 11   Sarajevo et quelle a été l'attitude de la partie musulmane. Cet homme était

 12   un général, Juka Prazina était général aussi, et Caco était un général.

 13   C'était des criminels de notoriété publique qui ont d'abord tué des Serbes.

 14   Et quand il n'y a plus eu de Serbes à tuer, ils ont tué des Musulmans.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Alors moi je demande à M. Bowen de se pencher sur ce paragraphe qui dit

 17   : "Gouvernement bosnien…"

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, un instant.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Bowen, peut-être pourriez-

 21   vous nous aider.

 22   Cette façon de contre-interroger lorsqu'il s'agit d'individus, est-ce

 23   que vous en avez des connaissances approfondies à titre personnel ou est-ce

 24   que vous êtes en train de parler à partir d'informations de nature générale

 25   que vous vous étiez procurées à l'époque, et que toutes personnes étaient

 26   censées pouvoir vous fournir si interrogées ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai disposé de certaines informations, et

 28   c'est ce que j'ai véhiculé dans mon livre au sujet de l'une des personnes


Page 10284

  1   qui s'était battue aux côtés de Caco, et c'est ce que j'ai consigné. Je

  2   n'ai jamais rencontré l'individu en tant que tel.

  3   Il est également question d'un "Celo", mais il y a eu plusieurs

  4   individus qui ont porté ce surnom. Moi, l'homme que j'avais vu, c'était un

  5   héros militaire, et puis dans le livre, je dis un an ou deux plus tard qu'à

  6   l'époque il avait commencé à vaquer à des activités de gangster et à se

  7   comporter en tant que tel. C'est tout ce que j'ai su. Je n'ai rien su de

  8   plus précis à leur sujet.

  9   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, si c'est le cas,

 10   compte tenu du temps limité qui est mis à votre disposition, je pense qu'il

 11   y a des modalités plus efficaces et autres pour interroger ce témoin. Et je

 12   crois que vous pourrez aboutir de façon plus efficace à votre objectif en

 13   interrogeant d'autres témoins sur ces points-là, puisque le témoin vous a

 14   indiqué quelles étaient ses limitations en matière d'information.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   Moi, je veux bien passer à autre chose, mais le livre en parle. Il

 17   parle d'une armée privée et autres détails de ce genre.

 18   Alors, j'aimerais qu'on nous montre la page 151. Nous sommes en train de

 19   passer à un sujet autre.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Bowen, vous avez confirmé, et je le sais aussi, la bible de la

 22   BBC c'est l'impartialité et la précision ?

 23   R.  L'exactitude et l'impartialité c'est des choses très importantes, oui.

 24   Q.  Alors, le premier paragraphe de cette page 151, j'aimerais que vous

 25   vous penchiez dessus et que vous nous disiez si vous avez opté de façon

 26   politique et si vous vous êtes prononcé contre la partie serbe ?

 27   R.  Non. Ce qui est écrit c'est que :

 28   "Nous devrions être plus fermes à l'égard des dirigeants des Serbes


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  1   de Bosnie, que les gouvernements occidentaux considéraient eux et leurs

  2   chefs militaires comme étant des représentants légitimes avec qui on devait

  3   avoir affaire."

  4   Mais ce que je voulais dire par là, c'est que j'étais impartial, mais

  5   il est exact de dire que nous aurions dû être plus fermes à l'égard de

  6   leurs activités compte tenu de ce qu'on a vu faire. Et je voulais dire qu'à

  7   la recherche de cette impartialité, nous avons peut-être été trop éloignés

  8   vis-à-vis de la précision ou de l'exactitude et nous n'avons pas, de façon

  9   claire, fait la différence entre ce qui s'était fait au nom du peuple

 10   serbe. Donc il y a une limite à tracer. Il y a toujours une limite très

 11   fine à établir pour aboutir à un équilibre.

 12   Q.  Moi, ce que je place sous un point d'interrogation, Monsieur, c'est la

 13   façon adéquate de témoigner contre moi. Parce que vous dites que les actes

 14   d'accusation sont des éléments de preuve de leur culpabilité, donc ils se

 15   trouvent être coupables. Donc l'acte d'accusation c'est déjà, à votre avis,

 16   un jugement de rendu, n'est-ce pas, Monsieur Bowen ? Ce que je veux

 17   déterminer ici, c'est savoir si votre engagement politique et vos positions

 18   contre les Serbes et vos partis pris contre les Croates, comme cela s'est

 19   avéré auprès du Juge Antonetti, qui en a eu à redire au sujet de vos

 20   positions, est-ce que vous ne pensez pas que cela vous disqualifie comme

 21   témoin ? Est-ce que vous n'avez pas ici écrit que les actes d'accusation

 22   dressés à leur encontre les rendent déjà coupables ?

 23   R.  Je suis d'accord pour dire que cette phrase n'a pas été formulée de la

 24   meilleure des façons. J'aurais dû dire "il conviendrait d'imaginer". Il est

 25   un fait qu'un acte d'accusation n'est pas un jugement de rendu, et étant

 26   donné -- le nombre des actes d'accusation qui ont été dressés à l'époque le

 27   montre. Mais je suis d'accord avec vous pour dire que la phrase aurait dû

 28   être formulée de façon plus précise.


Page 10286

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce paragraphe soit versé au

  2   dossier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera rajouté à la pièce existante qui

  4   porte la référence D936.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   Est-ce qu'on peut nous montrer la page d'après, s'il vous plaît.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Vers le bas de la page, on dit :

  9   "La plupart des Serbes était des gens respectables, hospitaliers, et

 10   très souvent ils me faisaient mal au cœur parce qu'ils ont été conduits

 11   vers la catastrophe dirigée par Milosevic, Radovan Karadzic et autres…"

 12   154, vers le haut de la page :

 13   "Radovan Karadzic et les autres qui ont manipulé avec leur insécurité issue

 14   de l'histoire et qui se sont servis de façon cynique et brutale du

 15   nationalisme pour consolider leur propre pouvoir."

 16   Donc vous estimez que tout ça, je l'ai mis en place pour consolider mon

 17   pouvoir. Mais est-ce que vous saviez qu'en 1990, je n'avais déposé nulle

 18   part ma candidature, je ne voulais pas accéder au pouvoir ?

 19   R.  Je ne sais pas ce que vous faisiez en 1990. Ce que je sais, c'est qu'à

 20   l'époque où j'ai fait des reportages au sujet de ce qui s'y passait, vous

 21   étiez un leader. Et il est clair que le nationalisme dans l'ex-Yougoslavie

 22   toute entière avait été utilisé, et on avait abusé de ce nationalisme -- je

 23   vous l'ai déjà dit dans une phrase - ça n'a pas été très bien rédigé - mais

 24   cette phrase-ci est absolument vraie. J'imagine que l'insécurité issue du

 25   contexte historique a été utilisée et manipulée, ce qui fait que le

 26   nationalisme avait été, sans ambages, utilisé comme pour véhiculer une

 27   prise de pouvoir et une conservation du pouvoir.

 28   Q.  Monsieur Bowen, est-ce que vous savez que les Musulmans avait planifié


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  1   et informé leurs alliés occidentaux, et notamment les Croates, qu'ils

  2   avaient envisagé, tout comme les Américains, d'expulser la totalité des

  3   Serbes de la Bosnie-Herzégovine ?

  4   R.  Eh bien, je pense que j'ai voulu dire que toutes les parties avaient

  5   recours au nationalisme. C'était l'une des causes principales de la guerre

  6   en Yougoslavie. C'est cette ambiance de nationalisme qui a voilé la

  7   capacité de discernement du peuple, et l'exploitation des peurs de cette

  8   population a été l'arme utilisée par les leaders. Izetbegovic et Tudjman

  9   ont fait pareil, et j'ajouterais qu'ils sont responsables et coupables de

 10   ce type de comportement.

 11   Q.  Mais j'espère que vous allez le dire dans votre deuxième édition du

 12   livre, parce que dans la première édition vous ne faites qu'accuser les

 13   Serbes.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et j'aimerais que cette page soit également

 15   rajoutée comme élément de preuve -- ces deux pages, donc. Et j'aimerais

 16   qu'on nous montre la page suivant qui m'intéresse, à savoir la page 169.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ce sera fait.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 169, s'il vous plaît.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Penchons-nous maintenant sur vos positions politiques, qui me font

 21   douter de votre qualité de témoin approprié.

 22   Vous dites ici : "J'avais des doutes très profonds." Vous avez donc

 23   douté des motifs qui ont animé le gouvernement britannique.

 24   "Je considérais qu'il y avait une façon très simple de mettre un

 25   terme aux souffrances à Sarajevo, à savoir opérer une percée de l'étau en

 26   s'attaquant aux Serbes dans les collines et montagnes. Mais le gouvernement

 27   de John Major avait demandé à ce qu'on soit plus prudent."

 28   Et un peu plus bas :


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  1   "Douglas Hurd, le ministre des Affaires étrangères, a rejeté les

  2   affirmations des journalistes comme moi en nous qualifiant de club appelé

  3   'Il faut faire quelque chose'."

  4   Alors, vous pensez que ces banlieues serbes, il fallait les bombarder pour

  5   les donner aux Musulmans et expulser les Serbes. Votre gouvernement a été

  6   plus prudent, et vous avez formulé des observations à l'encontre de votre

  7   propre gouvernement. Qu'en dites-vous ici ?

  8   R.  Je pense que vous êtes en train d'interpréter à travers mes mots. Ce

  9   n'est pas ce que j'ai dit. Vous êtes en train de les arracher de leur

 10   contexte. Bien sûr que j'avais mes propres convictions, mais comme je l'ai

 11   dit, je n'ai pas placé cela dans mes reportages. Et j'espère que cela

 12   apparaît de façon claire à partir des vidéos qui ont été versées au dossier

 13   ici. Pour finir, quand j'ai écrit ce livre, j'ai effectivement dit que ça

 14   s'était produit en 1995. Ils ont décidé d'y aller et il y a eu des frappes

 15   aériennes. Cela fait que cette position de mise en échec avait été brisée.

 16   J'avais eu des suspicions au sujet des motifs du gouvernement

 17   britannique, et moi, en tant que journaliste, je suis payé pour avoir des

 18   suspicions pour ce qui est des motifs de quelqu'un. C'est ce que nous

 19   faisons. Si je dis qu'une chose n'est pas vraie, c'est que je le pense.

 20   Alors, vous allez, à la lecture de ces paragraphes, voir ce que

 21   j'avais à l'idée. J'ai parlé des évacuations médicales. J'ai estimé que le

 22   gouvernement britannique avait utilisé des cas hautement repris par les

 23   médias en 1993, notamment pour procéder à une accélération de ces

 24   démarches, notamment pour ce qui est du cas d'Irma Hadzimuratovic, et cela

 25   a été la seule façon de faire quelque chose. Je pense qu'il y avait

 26   d'autres journalistes à avoir réclamé une prise de mesures pour mettre un

 27   terme aux souffrances des gens à Sarajevo. Et je crois que le gouvernement

 28   britannique avait ensuite donné l'impression d'y aller de façon plus


Page 10289

  1   engagée.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce que cette page soit versée

  3   au dossier, la 169.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Alors, vous étiez en faveur d'une démarche plus rapide. Est-ce que vous

  8   n'auriez pas considéré qu'il aurait été plus facile d'alléger les

  9   souffrances de Sarajevo en confiant la gestion de Sarajevo aux Nations

 10   Unies plutôt que de bombarder les Serbes et permettre à une partie au

 11   conflit de l'emporter ? Est-ce que vous ne saviez pas que nous avions

 12   réclamé nous-mêmes une gestion internationale à confier à la communauté

 13   internationale s'agissant de Sarajevo ?

 14   R.  Je n'étais pas au courant de cette offre. En 1995, il y a eu des

 15   frappes aériennes contre les positions serbes, ce qui a été suivi du

 16   processus politique qui a abouti aux accords de Dayton. Donc ce que j'écris

 17   ici, c'est que tout ceci aurait pu intervenir au moins un ou deux ans

 18   avant, s'ils en avaient eu envie, et cela aurait permis d'épargner un grand

 19   nombre de vies. Mais je ne suis certainement pas en train de dire dans ce

 20   paragraphe que ce qu'ils auraient dû faire, comme vous sembliez le suggérer

 21   il y a quelques paragraphes, c'est qu'ils auraient dû utiliser la force

 22   militaire pour remettre Sarajevo au gouvernement musulman. Ce n'est

 23   absolument pas ce que j'ai dit.

 24   Q.  Bien. Mais il s'agit quand même d'affirmations qui sont très

 25   politiques. Vous êtes très politique, vous avez une opinion politique ici,

 26   que vous exprimez ? Vous n'êtes pas neutre. Vous êtes définitivement anti-

 27   Serbe.

 28   R.  Cela a été écrit dix ans après les faits. Tout ce que je dis dans cette


Page 10290

  1   courte ligne, c'est que je n'ai pas relaté mes propres opinions. J'ai

  2   relaté ce que j'ai vu en tant que journaliste. Mais je suis quand même un

  3   être pensant. Bien sûr, j'ai mes propres idées, j'ai mes propres opinions,

  4   mais je ne suis certainement pas un militant politique. Et on ne peut pas

  5   dire que ces quelques lignes suggèrent que je suis un militaire politique,

  6   c'est exagéré.

  7   Q.  Merci. Je ne pensais pas avoir à avoir recours à ceci, mais puisque

  8   c'est le cas, nous allons aller au fond de votre position politique pour

  9   savoir exactement ce qu'il en est.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir le document à l'écran,

 11   s'il vous plaît.

 12   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi le numéro.

 13   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la pièce 1D2915.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Reconnaissez-vous ce texte ? Je pense que vous l'avez lu. Il date

 17   d'avril 2009 et il porte sur le fait que vous ayez enfreint les règles

 18   portant sur la précision qui ont lieu en Israël.

 19   R.  Ça va être un peu long peut-être de vous expliquer ce qui s'est passé,

 20   il faut que je donne un peu le contexte. Je suis ravi que vous ayez soulevé

 21   ce problème d'ailleurs. Je vais m'expliquer.

 22   Le poste que j'occupe depuis 2005 est celui de rédacteur en chef du poste

 23   du Moyen-Orient pour la BBC, et je suis sous le feu, bien sûr, d'un grand

 24   nombre de complaintes, de plaintes, de réclamations officielles et

 25   officieuses de toutes ces personnes qui sont partie prenante au conflit qui

 26   a eu lieu au Moyen-Orient à l'heure actuelle, et qui soutiennent différents

 27   camps. Donc, depuis toujours, il y a une procédure de réclamation en cours,

 28   et la BBC a une procédure d'ailleurs pour traiter de ces réclamations. Je


Page 10291

  1   tiens à dire que c'est assez compliqué, mais en tout cas c'est le BBC Trust

  2   qui s'en occupe principalement. Et là, ils m'ont acquitté d'un grand nombre

  3   de charges qui m'étaient attribuées, et il n'y a que deux petits points qui

  4   ont été retenus contre moi. Je ne vais pas dire exactement ce qu'a dit la

  5   BBC Trust, mais voici que m'ont dit personnellement les dirigeants de la

  6   BBC.

  7   Mon supérieur immédiat de la BBC a réitéré sa confiance en moi. Il n'a pas

  8   essayé de me censurer du tout. En fait, en privé, ils ont continué à

  9   soutenir mes reportages. Je tiens à dire que ces réclamations avaient été

 10   faites par des lobbyistes professionnels. Dans un cas d'ailleurs, il

 11   s'agissait d'une organisation d'extrême droite extrêmement agressive aux

 12   Etats-Unis, qui n'a rien à voir d'ailleurs avec la BBC, et ils ont demandé

 13   qu'il y ait un panel pour se prononcer sur certains points en Moyen-Orient.

 14   Ça n'avait pas beaucoup de sens ce qu'ils demandaient, en fait.

 15   Donc ils disent, par exemple, que je n'étais pas précis parce que je

 16   n'avais pas nommé ma source. Mais si j'avais nommé ma source, d'après eux,

 17   la déclaration aurait été précise.

 18   En fait, la conclusion, le jugement du BBC Trust est erroné. Il y a

 19   eu des regrets d'ailleurs qui ont été exprimés à ce propos. Il y a eu

 20   énormément d'opposition aussi contre cela, et je n'accepte pas le jugement

 21   de BBC Trust d'ailleurs. Donc, certes, on voit ici qu'il y a des

 22   conclusions qui ont été prononcées contre moi, mais je suis encore employé

 23   par la BBC et je suis toujours le rédacteur chargé du poste du Moyen-

 24   Orient. Je continue à faire mes reportages comme je l'ai toujours fait, et

 25   j'ai toujours eu la confiance pleine et entière de mes employeurs, en privé

 26   comme en public.

 27   J'espère que cela donne un peu d'explication par rapport à cette

 28   décision prise par BBC Trust.


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  1   Q.  Mais est-ce que ça arrive souvent ce genre de chose ? Est-ce que

  2   la BBC exprime ce type de jugement souvent, jugement par lequel il censure

  3   son rédacteur ?

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Je tiens à dire que le témoin a dit

  5   qu'il n'a absolument pas été censuré d'aucune façon que ce soit. Donc M.

  6   Karadzic est en train de déformer les propos de M. Bowen.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Avez-vous été sanctionné ? Avez-vous reçu une réprimande ? Avez-vous

  9   été censuré d'une façon ou d'une autre ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Est-ce que BBC Trust aurait dit quoi que ce soit ?

 12   R.  Oui. Vous avez le rapport de BBC Trust qui est là à l'écran, mais vous

 13   feriez mieux de vous reporter au rapport complet, puisque le rapport

 14   complet montre bien comment certaines réclamations qui sont engagées contre

 15   moi sont rejetées. Il y a uniquement deux petits points sur lesquels j'ai

 16   été trouvé plus ou moins coupable. Mais comme on le dit -- on dit aussi la

 17   direction de la BBC ne m'a pas censuré, n'a pas exprimé son insatisfaction

 18   et, en revanche, les expressions de soutien -- certes qu'ils se sont

 19   exprimés plutôt en privé qu'en public, parce que c'est la façon dont la BBC

 20   travaille de toute façon. La BBC Trust c'est l'entité qui réglemente la

 21   BBC. Mais j'ai toute confiance dans la direction de la BBC. J'ai travaillé

 22   avec eux depuis 26 ans, j'ai énormément d'expérience, et ils ont confiance

 23   en moi en tant que rédacteur pour le poste du Moyen-Orient à la BBC. S'ils

 24   n'avaient pas confiance en moi, d'ailleurs je n'aurais pas le poste, c'est

 25   évident.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez encore trois minutes, Monsieur

 27   Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous accepter cette  pièce ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle recevra la cote D953.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Bowen, nous attendons l'affichage du document suivant, mais je

  8   suis un peu inquiet.

  9   Puisque vous semblez ne pas accepter les points de vue d'officiels,

 10   de représentants des Nations Unies. Vous critiquez votre propre

 11   gouvernement à cause de l'attitude que vous avez envers les Serbes. Vous ne

 12   semblez pas non plus avoir énormément confiance dans cette entité qui

 13   s'appelle la BBC Trust. Peut-être le titre est-il suffisant quand même :

 14   "Jeremy a atteint le --"

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez. Monsieur Karadzic, passez à

 16   autre chose.

 17   Passez à votre prochain document, qui sera le dernier j'espère.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir la pièce 1D2932.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Vous parlez de la nature de la guerre civile en Bosnie-Herzégovine dans

 21   ce document.

 22   R.  Mais je regarde encore ce document sur le Moyen-Orient. C'est toujours

 23   un document qui parle du Moyen-Orient.

 24   Q.  Non, passons à la vidéo puisque nous n'avons plus le temps maintenant

 25   de parler de cet autre problème. Nous n'avons plus le temps de traiter de

 26   cette décision de la BBC Trust selon laquelle cette BBC Trust avait conclu

 27   que vous aviez enfreint les instructions qui vous avaient été données.

 28   Regardons la vidéo.


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais ce ne sont absolument pas des

  2   conclusions. Le témoin vient justement de le dire. M. Karadzic est encore

  3   en train de déformer les propos de M. Bowen.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] En effet, dans ce document, il est

  6   bien dit que la BBC Trust avait déclaré que M. Bowen était parfaitement

  7   impartial.

  8   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  9   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, pourrions-nous avoir le document

 12   précédent. Nous allons vous montrer à nouveau cet ancien document une fois

 13   que nous aurons vu la vidéo pour montrer que ceci a bel et bien été

 14   enfreint, que des règlements ont bel et bien été enfreints. Quant à savoir

 15   s'il sera condamné ou non, nous ne le savons pas, mais il est vrai que le

 16   trust a rendu une décision qui traite de deux points, deux points mineurs,

 17   d'après M. Bowen, certes. Néanmoins, il s'agit quand même d'une violation

 18   du principe d'impartialité. Enfin, la vidéo.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   "Le journaliste : Lorsque je suis arrivé pour couvrir la guerre dans ce

 21   qu'on appelle maintenant l'Ex-Yougoslavie il y a un an, alors que tout

 22   commençait, les gens avaient tendance à parler des atrocités qui avaient

 23   été perpétrées contre leurs grands-parents au cours de la Deuxième Guerre

 24   mondiale, ou voire encore il y a plus longtemps, du temps de l'Empire

 25   ottoman. Mais la différence maintenant c'est que les gens parlent des

 26   atrocités qui ont été perpétrées la semaine dernière. Ce qui est triste,

 27   c'est qu'une nouvelle génération est en train d'apprendre à haïr l'autre,

 28   et a appris comment tuer l'autre aussi, tuant parfois des gens avec qui ils


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  1   jouaient lorsqu'ils étaient petits, lorsqu'ils étaient enfants. En tant que

  2   journaliste, plus on passe de temps ici, plus on est pessimiste. Je crois

  3   que tous les journalistes qui font des reportages sur la guerre à Sarajevo

  4   considèrent que les choses ne vont qu'empirer et qu'il n'y a rien à faire,

  5   que le monde ne peut rien faire."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Bowen, dans ce clip, on voit bien que vous êtes parfaitement

  9   au courant du contexte de la guerre, du contexte historique et social de la

 10   guerre. Or, dans ce livre, vous m'accusez et vous accusez Milosevic en

 11   disant que cette pleine guerre a été provoquée par nous, que nous la

 12   voulions. Alors, vous confirmez ce que vous avez dit dans cette séquence ?

 13   R.  Oui, bien sûr, je maintiens ce qu'il y a dans cette séquence qui date

 14   de 1992. Mais dans le livre aussi j'en parlais, je faisais référence à la

 15   manipulation de l'insécurité des Serbes au vu de leur histoire. L'histoire

 16   joue énormément un rôle important dans la psyché des gens, dans leur vision

 17   du monde. Ils ne s'en rendent pas compte, certes, mais j'étais en train de

 18   dire à ce moment-là que des leaders qui étaient nationalistes avaient

 19   tendance à manipuler l'histoire.

 20   Q.  Mais d'après vous, Milosevic et Karadzic ont tout manipulé de 1941 à

 21   1945 lorsque 700 000 Serbes ont été tués, 100 000 Juifs ont été tués, et

 22   cetera, et cetera ? C'était nous qui nous nous lancions dans des

 23   manipulations ?

 24   R.  Eh bien --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'avez pas à répondre à cette

 26   question.

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais c'est justement ce que dit M.

 28   Bowen d'ailleurs. Il dit que l'histoire ne fait que se répéter, et il donne


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  1   son opinion. Quant à savoir si c'est une opinion précise ou non, nous en

  2   déciderons plus tard, mais tout ce qu'il dit, c'est que l'histoire fait

  3   partie de la condition humaine et que nous sommes ce que notre histoire a

  4   fait de nous.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, en ce qui concerne le

  6   jugement du BBC Trust, je pense que nous avons entendu suffisamment à ce

  7   propos. Donc une dernière question, et ensuite je donnerai la parole à Mme

  8   Edgerton.

  9   M. KARADZIC : [interprétation] Une dernière question.

 10   Q.  Regardez le deuxième paragraphe :

 11   "Une autre réclamation --"

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Taisez-vous, Monsieur Karadzic.

 13   Passez à autre chose, sinon je donne la parole à Mme Edgerton.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. J'aimerais demander à M. Bowen

 15   -- enfin, j'ai toujours été prudent, presque un peu effrayé, lorsqu'on

 16   traite mal les Serbes et les Juifs parce que ça veut dire que la guerre est

 17   proche.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Etes-vous au courant de choses que nous ne savons pas ? Est-ce

 20   qu'il va y avoir la Troisième Guerre mondiale, Monsieur   Bowen ?

 21   R.  J'espère que non.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons maintenant admettre

 24   cette dernière séquence vidéo. Ce sera la pièce D954.

 25   Madame Edgerton.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais quand même avoir besoin de 15

 27   minutes; je ne vois pas comment raccourcir les choses.

 28   Nouvel interrogatoire par Mme Edgerton :


Page 10297

  1   Q.  [interprétation] Monsieur Bowen, M. Karadzic vous a posé des questions

  2   en pages 84 et 85 de ce compte rendu sur Cerska et sur ce que vous avez vu

  3   là-bas. Il a déclaré, Il a fait rapport de sa position officielle selon

  4   laquelle, après chaque convoi, les attaques militaires s'intensifiaient,

  5   qui ont fait qu'ils ont commencé à soupçonner que les convois apportaient

  6   des munitions. Il vous a posé des questions à propos d'un message qui

  7   aurait été à Cerska et aux autres villages disant qu'ils ne devraient pas

  8   se battre parce que leurs villages appartiendraient très certainement à une

  9   unité constitutive musulmane. Vous vous souvenez de ces questions ?

 10   R.  Oui.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais vous montrer quelques documents

 12   portant sur Cerska. Pièce 3979 de la liste 65 ter. Il s'agit d'un document

 13   qui émane du commandement du Corps de la Drina de la VRS, 24 novembre 1992,

 14   envoyé au commandement de la Brigade d'infanterie légère de Zvornik.

 15   Lorsque la version en anglais s'affichera, veuillez me le faire savoir.

 16   R.  C'est affiché.

 17   Q.  Monsieur Bowen, premier paragraphe de ce document, il est écrit, et je

 18   donne lecture :

 19   "Suite à la directive de l'état-major principal de l'armée de la Republika

 20   Srpska, strictement confidentiel numéro 02/5 du 19 novembre 1992 et d'une

 21   évaluation de la situation, j'ai décidé :

 22   "Premièrement : lancer une attaque en utilisant l'essentiel des troupes et

 23   les équipements principaux pour infliger le plus de pertes à l'ennemi, pour

 24   les épuiser, pour les briser et pour les obliger à se rendre, et pour

 25   obliger la population locale musulmane à quitter les régions de Cerska,

 26   Zepa, Srebrenica et Gorazde."

 27   Ça, c'est le paragraphe 1 dont je viens de vous donner lecture.

 28   Passons maintenant à la page suivante, s'il vous plaît, en bas de la page


Page 10298

  1   suivante en anglais, paragraphe 2.3(c). Il est écrit, et je donne lecture -

  2   - c'est tout en bas de l'écran, vous le voyez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Donc on parle ici des préparatifs du moral et de psychologie :

  5   "Avant d'initier toute opération, informer les membres des unités du but

  6   très important de cette opération et souligner que les résultats de toutes

  7   les actions, qu'elles soient mineures ou majeures, sont essentielles pour

  8   la survie du peuple serbe, c'est-à-dire la création d'un Etat serbe dans

  9   ces régions."

 10   Ceci est signé par le colonel Milenko Zivanovic, qui a apposé aussi son

 11   cachet, et qui était commandant de cette brigade.

 12   J'aimerais savoir si vous voyez une relation quelconque entre ce dont vous

 13   avez fait rapport et votre tentative d'essayer d'entrer dans Cerska alors

 14   que Cerska était en train d'être pris en 1993 ?

 15   R.  Quelle est la date du document ?

 16   Q.  Le 24 novembre 1992.

 17   R.  Très bien, oui, ça clarifie énormément de choses. Nous n'avions pas

 18   connaissance de ce type de documents à l'époque, mais maintenant je

 19   comprends beaucoup plus; il y avait visiblement un projet militaire en

 20   cours pour créer un Etat serbe.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Très bien.

 22   Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir une cote P pour ce document ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote P2085.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Pourrions-nous maintenant avoir la pièce

 26   1209 de la liste 65 ter.

 27   Q.  Document en date du 3 mars 1993, émanant de Mme Sadako Ogata, il s'agit

 28   d'une lettre du Haut-commissionnaire pour les réfugiés des Nations Unies au


Page 10299

  1   Dr Karadzic. Voyez-vous le premier paragraphe ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Il est écrit :

  4   "La situation dans Cerska est épouvantable. Un grand nombre de civils sont

  5   bloqués dans des zones qui sont attaquées par les militaires. Le nombre des

  6   victimes est extrêmement élevé. Il est donc essentiel que les victimes

  7   reçoivent immédiatement de l'aide."

  8   Avez-vous des commentaires à faire sur ce document, Monsieur Bowen ?

  9   R.  C'est à peu près au même moment que lorsque j'étais avec ce convoi du

 10   HCR protégé par les légionnaires français, pour essayer d'atteindre Cerska,

 11   et on a été arrêtés d'ailleurs en route. C'est un petit peu avant que ce

 12   document ne soit rédigé. On était à la tête d'un convoi de vivres assez

 13   important qui a été bloqué, et nous avons dû rebrousser chemin d'ailleurs.

 14   Par la suite, nous avons appris que lorsqu'on nous a obligés à rebrousser

 15   chemin, c'est exactement au moment où Cerska est tombé aux mains des

 16   Serbes.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Très bien.

 18   Pourrions-nous avoir une cote pour ce document ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la oote P2086.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation]

 22   Q.  Ensuite, page 71 du compte rendu d'aujourd'hui, voici ce qu'a dit le Dr

 23   Karadzic, lignes 4 à 6. Il a dit :

 24   "Saviez-vous qu'il y avait un grand nombre de petits villages ou de petits

 25   hameaux, comme Janja, où des Musulmans ont pu rester et habiter jusqu'à la

 26   fin de la guerre ?"

 27   Vous avez répondu, lignes 7 et 8 :

 28   "Non, je n'étais pas au courant de ça. J'ai fait des reportages sur les


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  1   incidents de nettoyage ethnique qui ont eu lieu alors que j'étais dans la

  2   région."

  3   Vous vous souvenez de cela ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Voulez-vous savoir ce qui est arrivé à Janja, Monsieur Bowen ?

  6   R.  Oui, en effet.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Pourrions-nous avoir la pièce 01292 de la

  8   liste 65 ter à l'écran. Mais il convient de passer à huis clos partiel.

  9   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 10   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre] 

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 12   partiel.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation]

 14   Q.  Faites-moi savoir lorsque les documents sont à l'écran, Monsieur Bowen.

 15   Il s'agit de la pièce 01292.

 16   Voyez-vous ce document ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Il s'agit d'un document envoyé au Dr Karadzic en septembre 1994. Il est

 19   écrit, je donne lecture :

 20   "Déjà au cours de ce mois, plus de 1 300 membres des communautés

 21   minoritaires des régions de Bijeljina et de Janja ont été chassés de leurs

 22   maisons par vos représentants et envoyés vers Tuzla. Des départs identiques

 23   se poursuivent depuis la région de Banja Luka vers la Croatie, près de 1

 24   000 personnes au cours des dernières semaines. Les expulsions de la région

 25   de Bijeljina sont associées à la confiscation de sommes importantes

 26   d'argent (semblerait par une personne appelée Vojkan) et ces expulsions se

 27   font dans des circonstances qui créent énormément de souffrance et qui

 28   parfois menacent les vies des personnes vulnérables et âgées."


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  1   Donc, au vu de ce document, avez-vous des commentaires à faire par rapport

  2   aux commentaires qu'a faits le Dr Karadzic sur la situation des Musulmans à

  3   Janja ?

  4   R.  Il semble que la situation soit bien différente que celle qu'il m'avait

  5   dépeinte. Ce qui m'intéresse aussi, c'est la référence à ce dénommé Vojkan.

  6   Q.  Vous avez parlé de Vojkan lors de votre interrogatoire principal hier.

  7   Voyez-vous une relation ou un lien entre ce document qui est à l'écran et

  8   ce que vous avez dit hier ?

  9   R.  Oui, c'est à peu près à ce moment-là que nous étions en train de filmer

 10   ce documentaire, aux alentours de septembre 1994. Et c'était ce Vojkan

 11   Djurkovic que nous avons filmé alors qu'il était en train de présider cette

 12   procédure institutionnalisée de nettoyage ethnique. Je n'étais pas au

 13   courant de cette lettre-ci puisque c'est une lettre privée. Je ne savais

 14   pas que cette lettre existait à l'époque, mais en tout cas, il y avait

 15   visiblement une relation entre ce qui est écrit là et ce que j'ai pu filmer

 16   dans mon reportage.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Très bien.

 18   Pourrions-nous avoir, s'il vous plaît, la pièce suivante.

 19   Malheureusement, il faut que ce document reste sous pli scellé.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P2087 sous pli

 21   scellé.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Maintenant restons à huis clos partiel. On

 23   n'a plus besoin de rester à huis clos partiel.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Audience publique.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 26   [Audience publique]

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais avoir maintenant le vidéo clip

 28   40578. Pour mes collègues, je tiens à dire à mes collègues qu'il s'agit de


Page 10302

  1   la transcription qui vient juste d'être donnée dans les cabines

  2   d'interprète. Il s'agit de la troisième page, et cela commence à

  3   l'horodatage "00:49:41 et va jusqu'à 00:52:30".

  4   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais donc passer outre cela et aborder

  6   un autre point, Monsieur le Président, parce que là peut-être que je pousse

  7   le bouchon peut-être un petit peu trop loin.

  8   Je souhaite maintenant voir le numéro 65 ter 23081, s'il vous plaît.

  9   Il s'agit là d'un document interne qui émane des services de Sûreté de

 10   l'Etat serbe, remis à Frenki Simatovic le 9 avril 1994 par un groupe de

 11   renseignement informant M. Simatovic d'événements qui se sont produits dans

 12   le secteur qui les intéresse.

 13   Q.  Voyez-vous ce document, la page à l'écran actuellement ?

 14   R.  Oui. Je tente d'en faire la lecture.

 15   Q.  Merci. Je souhaiterais que nous regardions la page 5, s'il vous plaît,

 16   la page 5 de ce document qui comporte six pages.

 17   Ce dernier paragraphe fait état de la situation à Bijeljina en 1994

 18   également, quelques mois plus tôt que votre reportage dans cette région, et

 19   fait état de la situation à cet endroit-là :

 20   "A Bijeljina, le départ des familles musulmanes, échangées grâce à la

 21   commission d'Etat --"

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] un instant, s'il vous plaît.

 23   Troisième page.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation]

 25   Q.  "… par l'échange de la commission étatique dirigée par Djurkovic,

 26   alias Puskar ou Vojka, se poursuit toujours. Cependant, le problème qui se

 27   pose, c'est que la personne en question prend 200 à 500 marks allemands par

 28   tête de personne qui part."


Page 10303

  1   Et donc le texte se poursuit dans la même veine. Et si je peux vous

  2   demander de regarder vers le milieu du paragraphe, juste en dessous, je

  3   remarque à la phrase qui commence :

  4   "Cependant, pendant toute cette durée-là, il y a des informations qui

  5   précisent que Puskar a agit sur les ordres du président Karadzic."

  6   Un peu plus bas, on peut lire que ces informations ne seraient pas

  7   significatives si ceci ne s'appliquait pas pour une période de temps aussi

  8   longue à Bijeljina et Janja, et ceci, bien sûr, a été remis à la Croix-

  9   Rouge internationale ainsi qu'aux Musulmans de Tuzla, Sarajevo et à Genève.

 10   Est-ce que vous voyez cela ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que vous pourriez le commenter ?

 13   R.  Eh bien --

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président.

 15   Je m'y oppose parce que ceci ne relève pas du champ des questions

 16   posées pendant le contre-interrogatoire à propos de cette personne. Je

 17   crois que ceci, en fait, découle de l'interrogatoire principal. Je ne pense

 18   pas qu'il s'agisse ici de questions supplémentaires à proprement parler.

 19   Peut-être que, dans ce cas, il pourrait y avoir des questions

 20   supplémentaires dans le cadre d'un contre-interrogatoire.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, pourriez-vous nous

 22   aider et dire si ceci émane du contre-interrogatoire ?

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] En fait, l'extrait que je viens de lire

 24   parle du processus que l'on peut se poser, qui est la durée du temps à

 25   Bijeljina et Janja, Madame, Messieurs les Juges.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne me suis pas

 27   opposé plus tôt au rapport qui a été fait avec Janja, mais il y avait des

 28   éléments fournis par ce témoin à propos de Janja. Il s'agissait simplement


Page 10304

  1   d'une question posée par le Dr Karadzic et le témoin a dit qu'il ne savait

  2   pas. Donc, si nous allons au-delà de ce domaine-là, bien que nous sommes

  3   allés au-delà, je ne me suis pas opposé à ce moment-là, mais maintenant je

  4   pense que ceci doit faire l'objet d'une objection.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai tendance à être d'accord avec

  7   l'observation qui vient d'être faite par M. le Juge Robinson [comme

  8   interprété]. Il s'agit d'un document qui pourrait être versé comme il se

  9   doit par le truchement de ce témoin. Et dans le temps, vous aurez

 10   l'occasion de verser au dossier ce document plus tard.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] J'entends bien, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, M. Edgerton [comme interprété].

 13   Mme EDGERTON : [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc ceci met un terme à votre

 15   témoignage, Monsieur Bowen. Je vous remercie d'être venu à La Haye pour

 16   témoigner, et je vous souhaite un bon voyage de retour.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Merci, Monsieur le

 18   Président.

 19   [Le témoin se retire]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Cinq secondes à huis clos partiel, quelque

 22   chose que nous souhaitons confirmer, s'il vous plaît.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons donc retourner huis clos

 24   partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 10305

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprenons lundi à 9 heures.

  6   Bon week-end.

  7   --- L'audience est levée à 14 heures 36 et reprendra le lundi 17 janvier

  8   2011, à 9 heures 00.

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