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1 Le vendredi 3 juin 2011
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Maître Robinson, apparemment, vous deviez parler de quelque chose.
7 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.
8 Merci beaucoup de nous donner -- et de prendre la parole en l'absence
9 du témoin.
10 Il s'agit de la 50ième requête pour les violations en matière de
11 communication des pièces et une requête pour une septième suspension
12 d'audience.
13 Suite aux trois comptes rendus d'audience que nous avons reçus hier,
14 nous voudrions en fait suspendre le contre-interrogatoire du Dr Treanor et
15 nommer une personne qui assurerait le contrôle de tout le processus de
16 communication pour s'assurer que tous les documents, qui pourraient être à
17 décharge, nous sont communiqués, et de reprendre le procès dès que ceci
18 pourrait être possible.
19 Les faits sont les suivants : Le Dr Treanor a, dans sa déposition
20 d'hier, parlé des versions A et B ou des options A et B d'un document, et a
21 mentionné que le Dr Karadzic avait été très actif pour s'assurer que les
22 instructions soient appliquées. Il a utilisé un dénommé Jovan Cizmovic qui
23 devait se rendre dans des différentes municipalités pour s'assurer que ces
24 instructions étaient appliquées en pratique. Ces instructions ont été
25 mentionnées aux pages 14 027 et 14 035 du compte rendu d'audience du 1er
26 juin. Vous savez que les versions A et B de ce document sont au cœur de la
27 thèse de l'Accusation, puisqu'ils avancent qu'il y avait un plan visant à
28 expulser les Musulmans des municipalités bien avant le début de la guerre
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1 civile et le désordre qui s'en ait suivi. C'est donc -- ceci est très
2 important dans cette affaire, après les dépositions d'hier. Nous avons
3 demandé hier, par lettre écrite, si le Procureur avait interrogé M.
4 Cizmovic et de nous communiquer les comptes rendus de ces interrogatoires.
5 Hier, après-midi, pour la première fois, nous avons reçu la transcription
6 de ces entretiens avec M. Cizmovic qui ont été réalisés par des collègues
7 de M. Treanor, des collègues du bureau du Procureur, la première en 2002 et
8 une autre en 2009, en février, alors que M. Treanor était encore un employé
9 du bureau du Procureur. Dans ces entretiens, il y a des éléments qui sont
10 extrêmement disculpant.
11 Dans le premier entretien de 2002, M. Cizmovic - il s'agit du deuxième
12 compte rendu d'audience, à la page 7 - il mentionne qu'il n'avait jamais
13 entendu parler de ce document dans ses versions A et B. Il n'avait rien
14 entendu à ce sujet en 1991 et 1992, et que c'était la première fois qu'il
15 prenait connaissance d'un exemplaire de ce document lorsqu'on lui avait
16 présenté en 2002. Il a également expliqué, dans le troisième compte rendu
17 de cet entretien, aux pages 4 et 5, il avait été nommé en tant que
18 conseiller juridique puisqu'il était avocat de profession à Banja Luka et
19 que son rôle était de se pencher sur le référendum qui allait être organisé
20 compte tenu de la situation en Bosnie. Il a catégoriquement nié qu'il avait
21 quoi que ce soit à voir avec ces différents allers-retours entre les
22 différentes municipalités pour faire appliquer les versions A et B et les
23 instructions qui en faisaient partie.
24 Mais ce qui est encore pire, étant donné que l'entretien en 2009 les
25 enquêteurs de l'Accusation ont, en fait, eu le même type de dialogue avec
26 M. Cizmovic que M. Tieger a eu avec le Dr Treanor, ils lui ont demandé
27 comment les instructions des versions A et B avaient été appliquées en
28 pratique. C'est à deux heures, deux minutes dans l'enregistrement, et il
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1 dit, M. Cizmovic :
2 "Je ne me suis pas rendu dans ces municipalités et je n'ai aucune idée des
3 variantes A et B."
4 Par conséquent, ces éléments, à caractère disculpant, sont très clairs.
5 Cela contredit la déposition du Dr Treanor qui mentionnait que le Dr
6 Karadzic diffusait ces plans visant à expulser les Musulmans dès 1991, et
7 nous pensons que ceci constitue une violation claire de l'article 68.
8 Si vous étiez juge président dans une affaire de narcotrafic et qu'un
9 officier de police déposait qu'ils avaient surveillé ou qu'ils avaient
10 procédé à une filature d'une personne et qu'ils avaient conclu que cette
11 personne avait livré de la drogue à l'accusé, et qu'ensuite ils avaient eu
12 un entretien avec une personne qui avait dit que cette drogue n'avait pas
13 été livrée mais qu'il s'agissait, en fait, du lait qui avait été livré à
14 cette personne, mais que ça n'avait jamais été communiqué à l'accusé, je
15 pense qu'en fait, on devrait considérer que le procès n'a pas été équitable
16 parce que ceci, vraiment, est au centre, comme je le disais, de ce procès
17 et de notre thèse.
18 Le Dr Karadzic a, par conséquent, subi un préjudice, et cela change
19 totalement l'approche qu'il aurait dû ou pu adopter dans le cadre de la
20 déposition du Dr Treanor.
21 Comme nous l'avons vu hier, l'approche du Dr Karadzic était d'essayer
22 d'obtenir ou de se concentrer sur les aspects positifs du rapport du Dr
23 Treanor. Le Dr Treanor ne savait pas que ses collègues avaient procédé à un
24 interrogatoire de M. Cizmovic et il a, en fait, nié le fait qui avait été
25 avancé par le Dr Treanor durant sa déposition. Nous pensons, par
26 conséquent, que son travail n'est pas suffisamment fiable et que ceci n'est
27 pas à la hauteur d'un historien. Je pense, selon moi, qu'il était en fait
28 au courant de cela, et si tel était le cas, cela remet en question la
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1 fonction même de son rôle ici en tant que témoin, et on ne peut pas penser
2 que le Dr Treanor devait en fait décider de sa crédibilité et ne pas
3 communiquer à l'équipe de la Défense ses informations et présenter dans ses
4 conclusions le fait que M. Cizmovic était engagé dans ces activités.
5 Par conséquent, nous pensons que ceci aurait changé la manière dont
6 nous aurions décidé de gérer la déposition du Dr Treanor et, par
7 conséquent, ceci a causé préjudice à la Défense.
8 En fait, le Dr Karadzic n'a pas encore eu la possibilité de prendre
9 connaissance de ces documents et d'écouter les sept heures
10 d'enregistrement. Par conséquent, nous demandons une suspension d'audience
11 dès aujourd'hui de façon à ce que nous ayons le temps de nous pencher sur
12 ces documents qui seraient potentiellement disculpant, et ensuite nous
13 pourrons reprendre le contre-interrogatoire.
14 Mais je pense que ceci n'est pas un incident isolé. Cela fait partie
15 d'un cadre beaucoup plus important qu'il faut vraiment gérer.
16 Il y a eu beaucoup de violations du type de l'article 68 et qui
17 émanent de la décision de l'Accusation de ne transmettre que des éléments
18 qui sont inculpant et de ne distribuer des éléments, de ne communiquer des
19 éléments à décharge que durant le cours du procès, et vous aviez donné la
20 date butoir du 31 mars pour ces communications volontaires en vertu de
21 l'article 68. Ce processus semblait être venu à son terme. Ils avaient donc
22 identifié tous les documents à décharge et ils nous les avaient transmis.
23 Mais, en fait, le mois dernier, nous avons eu un incident similaire.
24 Nous avions demandé s'ils avaient interrogé des témoins qui étaient
25 décédés. Nous pensions que peut-être l'on pourrait présenter plus tard une
26 requête en vertu de l'article 92 quater, et nous avons été vraiment étonnés
27 parce qu'en fait ils avaient interrogé un dénommé Vlado Lizdek, qui était
28 commandant général d'une brigade qui se trouvait au nord-est de Sarajevo,
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1 c'est-à-dire à l'endroit d'où aurait été tiré l'obus en direction du marché
2 de Markale, le premier incident de Markale en 1994. Ce commandant était
3 responsable de cette batterie d'artillerie, et il a dit au bureau du
4 Procureur que non seulement il n'avait pas tiré d'obus en direction du
5 marché de Markale ce jour-là, mais ensuite il avait réalisé une enquête et
6 il avait déterminé qu'il n'y avait eu aucun obus tiré à ce moment-là, et on
7 nous a caché ces informations. Nous avons entendu tout l'incident de
8 Markale. Le commandant du bataillon a été interrogé par le bureau du
9 Procureur et a donné ces éléments qui étaient disculpatoires [phon]. En
10 fait, il n'y avait pas eu de communications en vertu de l'article 68
11 simplement parce que nous avions demandé de l'information concernant des
12 interrogatoires de témoins qui étaient décédés.
13 La même chose s'est passée encore une fois en mai avec un
14 interrogatoire d'un gardien de la prison de Vogosca, Branko Vlaco. Nous
15 avons demandé des informations concernant des témoins potentiels et
16 concernant un dénommé Richard Gray, qui était donc un observateur des
17 Nations Unies. Il y a eu un interrogatoire avec cette personne, donc le
18 gardien de Vogosca.
19 Il a entendu, dans la déposition de deux témoins, qu'Eset Muracevic
20 et un dénommé Music avaient été maltraités et que les actes de maltraitance
21 de ces témoins avaient été proférés par M. Vlaco à Vogosca. Il avait dit
22 qu'il n'y avait eu aucune maltraitance dans cette prison, qu'il n'avait
23 jamais maltraité qui que ce soit, et ceci, en fait, ne nous a pas été
24 communiqué.
25 Nous pensons, par conséquent, qu'il s'agit d'un problème systémique
26 au sein du bureau du Procureur, qu'ils n'ont pas identifié tous les
27 documents auxquels nous avons droit d'avoir accès. Nous considérons, par
28 conséquent, que ce procès ne peut pas se dérouler justement. Il s'agirait
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1 d'un procès non équitable, même avec tous les efforts que nous pourrions
2 consentir, si nous ne disposons pas de tous les éléments disculpatoires. Un
3 incident, par exemple, d'un obus, serait le sujet d'un procès à part
4 entière, alors qu'ici nous avons des centaines d'incidents de ce type, et
5 le Procureur, selon nous, n'est pas en mesure de s'acquitter de ses
6 obligations de communication disculpatoire sans une certaine supervision.
7 C'est la raison pour laquelle nous voudrions que quelqu'un soit nommé pour
8 surveiller quelqu'un qui aurait un certain statut tel que Lord Bonomy de
9 façon à pouvoir superviser le processus de communication des informations
10 disculpatoires par l'Accusation de façon à s'assurer que celles-ci sont
11 entièrement communiquées, et de cette manière, nous pourrons reprendre le
12 procès en étant convaincu que nous aurons toutes les conditions remplies
13 pour qu'un procès équitable puisse avoir lieu.
14 je souhaiterais dire que je pense que M. Tieger et son équipe sont tout à
15 fait intègres et qu'ils travaillent d'arrache-pied, mais qu'ils ne sont pas
16 en mesure de gérer le volume d'information, c'est aussi simple que cela.
17 Nous en avons eu des preuves régulièrement. Ce n'est pas en fait de leur
18 faute, mais nous devons nous assurer qu'un mécanisme est en place pour
19 garantir un procès équitable.
20 C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de suspendre le procès,
21 de façon à ce que l'on puisse nous préparer et que l'on puisse voir quelle
22 approche adoptée pour le contre-interrogatoire du Dr Treanor, et de nommer
23 une personne qui permettra de garantir ce mécanisme de supervision des
24 documents -- la communication des documents disculpatoires.
25 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci, Maître Robinson.
26 Monsieur Tieger.
27 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Je vais m'efforcer de démêler cet écheveau de questions soulevées. Je vais
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1 sérier les problèmes pour ramener sur terre cette requête qui vient d'être
2 présentée.
3 D'abord dissocions deux choses. D'un côté, il y a la problématique plus
4 vaste suivante, celle évoquée par Me Robinson en deuxième partie,
5 effectivement reprise dans une requête pendante qui a été faite en bonne et
6 due forme par écrit. Il faudrait, si c'est fait par écrit que nous
7 puissions répondre, nous sommes en train de répondre à une requête qui
8 reprend au fond, qui englobe des arguments similaires, en ce moment même.
9 Je ne pense pas que ce soit la bonne manière de s'y prendre quand on veut
10 présenter ce genre d'argument comme ceci vient d'être fait. Je le répète,
11 nous sommes en train de répondre à la requête déposée par la Défense qui
12 reprenait et qui reprend ces arguments qui viennent d'être avancés.
13 Deuxième chose, Me Robinson a saisi l'occasion pour présenter ce qui est, à
14 son avis, les faits des éléments soi-disant à décharge qui ont été
15 communiqués. Il s'est servi en partie d'analogie, avec d'autres affaires,
16 d'autres procès. Je peux vous garantir une chose, moi je pourrais faire des
17 analogies aussi qui vont placer cette problématique dans d'autres
18 contextes, quand on voit, par exemple, des procès de criminalité organisés,
19 ou de racisme collectif, on voit l'effet de telles déclarations faites par
20 des protagonistes du procès et ceci vous remettrait, vous recadrait les
21 choses convenablement. Mais nous ne sommes pas ici dans une enceinte où il
22 faut faire ce genre de chose. Si nous sommes ici, c'est pour autre chose.
23 Je suis tout à fait prêt à parler de l'effet que peut avoir la déclaration
24 de M. Cizmovic, mais en temps et en heure au vu de l'ensemble des éléments
25 du dossier.
26 Mais pour moi, c'est autre chose que la question de communication. Me
27 Robinson a décidé ici pratiquement de faire une plaidoirie lorsqu'il vient
28 de parler. Donc c'était en guise d'introduction, avant d'arriver au cœur
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1 même du sujet. Soyons pragmatiques. Que doit faire la Chambre, face à ces
2 circonstances.
3 Hier, Me Robinson m'avertit qu'il voulait soulever la question devant
4 vous, et il a parlé de la longueur du compte rendu, du temps qu'il faudrait
5 pour examiner ce document. Deux choses à dire à ce propos, c'est trompeur
6 en partie, n'est-ce pas, parce que ces entretiens contiennent des questions
7 et des réponses, tout cela est traduit, et cela n'a pas été traduit
8 simultanément. Ce qui veut dire que en fait il y a moins de mots que ce qui
9 se retrouve dans le compte rendu et moins de sujets. On pourrait essayer de
10 préparer un compte rendu ou un procès-verbal mais on m'a dit que le procès-
11 verbal de l'interrogatoire devrait être disponible à la fin de la journée
12 d'aujourd'hui, et ce procès-verbal sera soumis à la Défense.
13 Mais quel est le vrai problème, que faire s'agissant des
14 circonstances entourant la déposition de M. Treanor. La portée de son
15 témoignage, va bien plus loin, que le seul facteur évoqué par Me Robinson.
16 Il dispose maintenant du procès-verbal ou du texte d'un entretien qui porte
17 sur les questions soulevées par les variantes A et B, mais de façon
18 synthétique. Il a bien cerné le problème. Il a parlé de ce procès-verbal
19 qui sera fourni cet après-midi, et ceci permettra à la Défense de passer en
20 revue l'essentiel du document pour voir si ceci pourrait avoir des
21 répercussions analogues.
22 Vu les circonstances, je pense que l'horaire, le programme des
23 audiences nous sert, parce que normalement M. Karadzic aurait dû terminer
24 aujourd'hui son contre-interrogatoire.
25 Mais vu les circonstances, voici ce que je propose comme solution
26 pragmatique pour régler le problème. Nous pouvons reprendre la déposition
27 de M. Treanor aujourd'hui, ce qui donnera à la Défense plus de temps que
28 qu'est-ce qui avait été prévu au départ, même s'il a demandé plus de temps,
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1 même si dans son contre-interrogatoire il adopte une démarche qui, à mon
2 avis, n'est pas une bonne utilisation qu'il a reçue, parce que la Défense a
3 eu amplement le temps d'examiner tous les documents concernés. Quand nous
4 reprendrons, lundi, il pourra poser les questions qu'il veut à M. Treanor,
5 des questions qui pourraient découler de l'examen des documents.
6 Je vous le rappelle, une fois de plus, Me Robinson a présenté toute
7 sorte d'arguments. M. Treanor a dit très clairement sur quoi il s'est basé
8 sur les sources qui sont à l'origine de ces rapports. Il a dit dans quelle
9 mesure son rapport est une synthèse, une distillation des documents source
10 qui au départ étaient surtout produits par les participants aux événements
11 de l'époque, par le SDS, par le SRS, la Défense a peut-être voulu savoir
12 quelle est l'importance éventuelle qu'on peut attacher à ces entretiens ou
13 à cet entretien. Mais une chose doit être claire, ceci ne touche pas au
14 cœur même du travail universitaire, au travail de recherche effectué par M.
15 Treanor ni à son analyse.
16 On va de toute façon appeler à la barre M. Cizmovic, et c'est avec
17 joie que nous nous attendons à sa déposition --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige. Ce n'est pas le SRS mais la RF.
19 M. TIEGER : [interprétation] -- mais vu les circonstances, et parce que
20 vous savez qu'une suspension, c'est une mesure exceptionnelle, il faut
21 essayer d'être à la hauteur de la situation, et de la régler avec la
22 meilleure efficacité possible, de la façon la plus pragmatique possible. Je
23 pense que ce que nous proposons ici est un juste équilibre, et une solution
24 assez efficace aux circonstances auxquelles nous faisons face.
25 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que, Maître Robinson, vous
26 voulez réagir, uniquement sur la question de savoir vos préoccupations
27 pourraient en partie être réglées par cette idée que vient d'émettre
28 l'Accusation, poursuit la déposition de M. Treanor, mais elle continuerait
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1 lundi, vous auriez le week-end pour examiner ces documents précis
2 concernant M. Treanor ?
3 M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Je vous le disais auparavant. Je n'en ai pas discuté encore avec M.
5 Karadzic, parce que nous venons de recevoir ces informations et j'ai
6 réfléchi à vos implications de ceci hier, mais je pense que nous aurons une
7 démarche, vu l'attitude tout à fait différente pour le contre-
8 interrogatoire. Parce qu'ici se pose la question de la crédibilité, et il
9 faut revoir, du tout au tout, notre position dans ce contre-interrogatoire.
10 Parce que si c'est moi qui le faisais, si j'avais ces informations, vous
11 savez, je ne ferais pas à la moulinette, hein. Effectivement, M. Karadzic
12 voudrait peut-être avoir des réponses qui lui sont favorables, c'était une
13 marche à lui, mais il nous faut du temps pour tout étudier, vu ces
14 éléments.
15 Je ne peux pas m'empêcher d'émettre un commentaire sur ce que M.
16 Tieger n'a pas dit; c'est quand même une violation de l'article 68, c'est
17 manifeste, et ce n'est pas à nous à endosser la responsabilité. Parce que
18 c'est une violation grave opérée par l'Accusation qu'ils ne semblent pas,
19 mon Dieu, à faire preuve de beaucoup de contrition. Alors, maintenant, il
20 dit : Voilà, qu'il se débrouille M. Karadzic mais, non, ce n'est pas juste.
21 On ne serait pas dans cette situation si on avait eu ces informations même
22 avant le début du procès. Je pense que si on poursuivait de la sorte, ce
23 serait vraiment inéquitable.
24 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger.
25 M. TIEGER : [interprétation] Quelques mots simplement.
26 Nous ne disons pas que c'est la Défense qui doit endosser le poids d'une
27 violation éventuelle. --
28 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je le comprends. J'ai bien compris.
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1 Mais ça ne diminue pas l'impact nécessairement de ce que disait Me
2 Robinson, j'ai bien compris ce que vous disiez.
3 M. TIEGER : [interprétation] La dernière chose que j'aimerais dire est
4 celle-ci : ça présuppose beaucoup de choses. Il y a beaucoup d'hypothèses
5 mais c'est contradictoire aux informations reçues, à savoir que quelque
6 part ce serait des informations qu'on aurait dû reprendre dans l'analyse
7 que M. Treanor aurait dû reprendre et qu'il n'aurait pas repris. Mais si la
8 Défense veut en parler dans son contre-interrogatoire, qu'elle le fasse.
9 N'oublions pas non plus la réalité ceci découle de conversations de
10 l'accusé avec M. Cizmovic. Alors, maintenant, laisser entendre, faire
11 croire que quelque part l'accusé ne savait rien de ce qui s'est dit au
12 cours de cette conversation, et dire qu'en l'absence de ces entretiens, il
13 a tout à fait accepté cette position présentée, et qui s'est contenté de
14 demander uniquement à M. Treanor les informations qui lui servaient dans sa
15 défense, moi, je trouve qu'avancer une telle chose, à mon humble avis,
16 n'est pas tout à fait fondée.
17 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je ne vais pas inviter Me Robinson à
18 répondre, parce que je me doute ce qui va dire, et ce serait de nouveau,
19 une réponse hypothétique.
20 Je ne vais pas maintenant discuter de ceci, ni résoudre ceci sur le siège,
21 ça ne se règle pas en espace de quelques minutes. Ce que je propose c'est
22 que nous faisions une pause jusqu'à 10 heures, et si c'est possible de
23 reprendre les débats, nous le ferons; et sinon, nous vous informerons.
24 Merci.
25 --- L'audience est suspendue à 9 heures 28.
26 --- L'audience est reprise à 10 heures 05.
27 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Me Robinson, ce matin, a soulevé une
28 série de questions et qui, après analyse, s'avèrent importantes, et le
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1 moins que l'on puisse dire c'est que nous sommes déconcertés, en tant que
2 Juges de cette Chambre; cependant, nous pouvons répartir nos choix suite à
3 ces arguments en deux catégories. Tout d'abord, nous avons la déposition du
4 Dr Treanor, et deuxièmement, les points plus fondamentaux soulevés par Me
5 Robinson. Notre Chambre a unanimement fait les observations et les
6 suggestions suivantes, et nous invitons les parties à répondre le moment
7 voulu.
8 En ce qui concerne la déposition du Dr Treanor, nous ne voyons pas comment
9 sa déposition pourrait continuer aujourd'hui. Tout du moins, il faudra au
10 moins procéder à une analyse des documents qui ont été mentionnés par Me
11 Robinson et il faudra analyser les comptes rendus et selon M. Tieger ces
12 comptes rendus seront disponibles ce soir. Cela signifie qu'il faudra au
13 moins le week-end pour passer en revue ces transcriptions.
14 Quant à l'aspect plus général soulevé par Me Robinson, nous ne souhaitons
15 pas rendre une décision orale aujourd'hui. Cela devrait faire l'objet d'une
16 requête écrite, de la même manière que les autres requêtes concernant la
17 violation des obligations en matière de communication des pièces ont été
18 faites par le passé, compte tenu qu'il faudra donner la possibilité à
19 l'Accusation de procéder à une réponse complète et de peser son opinion. De
20 plus, le Juge Président habituel, à savoir le Juge Kwon, n'est pas parmi
21 nous, et il est important et nous nous devons de l'inclure dans nos
22 discussions. Cela signifie que nous devons savoir comment procéder pour
23 l'heure.
24 Voilà ce que nous suggérons : Nous proposons de suspendre la déposition du
25 Dr Treanor jusqu'à nouvel ordre, ou du moins pour aujourd'hui, si possible,
26 et j'aimerais savoir ce qu'en pensent les parties. Nous aimerions donc
27 faire comparaître M. Neskovic de façon à ne pas perdre plus de temps, et
28 ceci donc pour son interrogatoire principal, et nous terminerons
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1 l'interrogatoire principal de ce nouveau témoin lundi, quelles que soient
2 les décisions prises sur la déposition du Dr Treanor. Je crois savoir que
3 les salles d'audience sont disponibles aujourd'hui, y compris, je pense, la
4 salle d'audience numéro I.
5 Je crois que l'Accusation sera en mesure de procéder à l'interrogatoire
6 principal de M. Neskovic, qui est donc le témoin suivant sur la liste, et
7 ensuite il faudra un contre-interrogatoire mais pas aujourd'hui.
8 Maître Robinson.
9 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.
10 Nous pouvons entendre bien sûr la déposition de quelqu'un, nous n'avons pas
11 d'autre suggestion sur le principe, mais nous ne savons pas si, dans le
12 cadre de cette déposition -- cette nouvelle déposition, il y a des
13 documents disculpatoires qui n'ont pas été communiqués ou pas.
14 Donc ceci est, bien sûr, lié à une décision visant à une suspension
15 de ce procès conformément aux Règles de communication des pièces
16 disculpatoires en vertu de l'article 68.
17 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que ceci est possible dans
18 une pratique, Monsieur Tieger.
19 M. TIEGER : [interprétation] Tout d'abord, s'agissant des questions de
20 transport, je ne pense pas que le témoin ait déjà été emmené jusqu'au
21 Tribunal, et deuxièmement, il peut être utile aux Juges de la Chambre de
22 savoir que c'est un témoin qui sera entendu en application des dispositions
23 d l'article 92 ter du Règlement et donc auquel un nombre très limité de
24 questions sera posé pendant l'interrogatoire principal. Bien entendu, cela
25 fait déjà quelque temps que la Défense est en possession des documents qui
26 devaient lui être communiqués dans le cadre de l'application de l'article
27 92 ter.
28 Donc du point de vue de l'horaire, je pense qu'entre le début et la fin de
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1 l'interrogatoire principal, il ne se passera pas un temps très long, et je
2 tenais à ce que les Juges de la Chambre le sachent au cas où ceci pourrait
3 avoir une incidence sur leur réflexion. Je ne pense pas que
4 l'interrogatoire principal durera plus de 15 à 20 minutes au maximum.
5 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Peut-être n'ai-je pas bien entendu.
6 J'ai cru entendre un certain moment que l'audition durant l'interrogatoire
7 principal durerait à peu près deux heures. Peut-être ai-je mal entendu ou
8 peut-être m'a-t-on donné des informations erronées. Donc l'interrogatoire
9 principal ne durera pas du tout une durée aussi longue ?
10 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je ne le pense
11 certainement pas.
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Dans ce cas, ceci nous amène à
13 parler d'un point subsidiaire.
14 A supposer que nous commencions l'audience de M. Neskovic aujourd'hui, je
15 demande si la Défense est en mesure de commencer son contre-interrogatoire
16 aujourd'hui ?
17 M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président, désolé.
18 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Non, c'était une question dont je
19 crois pouvoir dire que je connaissais déjà la réponse, mais elle devait
20 être posée.
21 Je vais consulter mes collègues.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] D'un point de vue pragmatique, même
24 s'il est regrettable de perdre la moindre minute de temps de travail dans
25 le prétoire, nous ne pensons pas qu'il soit valable de faire venir M.
26 Neskovic aujourd'hui pour une durée aussi brève avant de suspendre
27 l'audience jusqu'à lundi. Il est probablement préférable pour le témoin de
28 présenter toute sa déposition en une seule journée, en même temps, ce qui
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1 nous amène à la position de décider de suspendre l'audience jusqu'à 9
2 heures du matin lundi, date à laquelle nous entamerons l'audition de M.
3 Neskovic.
4 Nous réfléchirons à nouveau à la situation, eu égard à M. Treanor cet
5 après-midi. Mais tel que les choses se présentent aujourd'hui, le Dr
6 Treanor ne recommencera certainement pas à témoigner avant la fin de la
7 déposition de M. Neskovic. Je suis au regret si cela doit créer des
8 désagréments à M. Treanor, et je suppose que ce sera le cas mais, en ce
9 moment, nous n'avons pas d'autre possibilité dans la pratique.
10 Quand est-ce que M. Treanor - parce que peut-être que je me trompe - mais
11 je suppose que M. Treanor est arrivé à bord d'un avion provenant des Etats-
12 Unis jusqu'ici, n'est-ce pas ?
13 M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que vous savez quand son
15 voyage de retour était prévu ?
16 M. TIEGER : [interprétation] Non. Il faudra que je vérifie.
17 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Quoi qu'il en soit, il aura besoin
18 d'être présent ici lundi, quelle que soit la solution que nous adoptions, à
19 moins que l'une ou l'autre des parties ait une proposition à faire, je ne
20 pense pas que nous ayons d'autre possibilité que de suspendre pour
21 aujourd'hui.
22 Maître Robinson.
23 M. ROBINSON : [interprétation] Non, je ne pense pas. Nous nous en rendons
24 bien compte, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Tieger, avez-vous quelque
26 chose à dire sur les conclusions de la Chambre ?
27 M. TIEGER : [interprétation] Je prévoyais qu'il y aurait une décision de la
28 Chambre sur ce sujet, et je la comprends. Il me semble qu'une possibilité
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1 consisterait à terminer l'audition de M. Treanor lundi, et je pense que le
2 week-end sera plus que suffisant pour se préparer à cette possibilité, pour
3 que comme l'a indiqué la Chambre que la transcription soit disponible.
4 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je suis quelque peut l'hottage du
5 sort eu égard à déterminer quoi que ce soit à ce sujet. J'aimerais entendre
6 Me Robinson.
7 M. ROBINSON : [interprétation] Pouvons-nous disposer de quelques instants
8 pour interroger le Dr Karadzic, je vous prie ?
9 [Le conseil de la Défense se concerte]
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellence.
11 Merci de votre compréhension.
12 Je souhaite dire que la Défense a véritablement d'un peu de temps
13 supplémentaire pour interroger le Dr Treanor. Nous pouvons contre-
14 interroger Neskovic lundi, mais nous ne serons pas prêts à cela avant
15 mardi. Donc même pour l'audition de Neskovic, puisque la Défense a reçu
16 cinq heures pour interroger Neskovic, étant donné qu'il y aura d'abord
17 l'interrogatoire principal, il faut envisager que l'audition de M. Neskovic
18 va s'étendre jusqu'à mardi. Nous ne pouvons pas terminer l'audition du Dr
19 Treanor mardi, parce que nous avons reçu un jour entier sur réserve de la
20 décision en suspens de la Chambre de première instance, et nous espérons
21 nous voir octroyer un délai plus important que cela. En effet, le Dr
22 Treanor est l'un des témoins les plus importants, il est très difficile de
23 distinguer entre son rapport et le mémoire préalable au procès. Trois
24 documents existent en rapport avec le Dr Treanor, qui me concernent, avec
25 plus de 2 000 paragraphes et plus de 1 000 notes en bas de page. Donc il
26 est à craindre que la présente procédure puisse être mise en danger si nous
27 terminons trop hâtivement l'audition du Dr Treanor.
28 Je peux être prêt pour l'audition de M. Neskovic lundi, mais il est
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1 manifeste que son témoignage va s'étendre sur la journée de mardi. Mais je
2 ne suis pas prêt pour l'audition de Hanson. Ne perdons pas cela de vue.
3 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais très
4 rapidement du point de vue de l'impact et des horaires, je ne voudrais pas
5 entrer dans une discussion trop détaillée, mais je pense qu'il est
6 important de régler deux points.
7 Premièrement, nous parlons d'une déclaration de témoin qui est en cours de
8 révision. Comme nous le savons, le Dr Treanor ne s'appuie pas véritablement
9 sur les déclarations de témoins, en tout cas son analyse ne repose pas sur
10 ces déclarations.
11 Numéro 2, deuxièmement, le contre-interrogatoire va -- devait sans doute se
12 préparer sur la base de la position de l'accusé, en tout cas c'est ce que
13 je suppose, à savoir sa contestation des versions A et B, du document
14 contenant ces deux versions. L'argument de Me Robinson au sujet de l'impact
15 de la nécessité de telle et telle durée reposait sur le fait qu'en dehors
16 de cet entretien, la position du Dr Treanor au sujet des versions A et B
17 serait acceptée. Si tel était le cas, il s'ensuivait évidemment que les
18 positions qui avaient été prises par la Défense. Manifestement, la Défense
19 devait être prête à contester cet aspect de la déposition du Dr Treanor, ce
20 qui n'a pas changé entre-temps.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Il me semble que la meilleure
23 solution dans cette situation qui n'est pas très satisfaisante c'est qu'il
24 faut prendre une décision. Je vais la prendre maintenant.
25 Nous allons faire la suspension de la déposition de M. Treanor
26 vendredi et lundi, parce que nous allons entendre M. Neskovic lundi matin.
27 Lorsque sa déposition se terminera lundi ou mardi, je demanderais, dans
28 l'intervalle, aux parties - et surtout à la Défense - de faire tous les
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1 efforts possibles pour essayer de pouvoir terminer la déposition de M.
2 Treanor dans les meilleurs délais.
3 Nous avons divisé les arguments de Me Robinson en deux parties. Je
4 pense qu'il faut avoir de bons arguments présentés par écrit par les
5 parties avant de statuer sur l'un ou l'autre volet. Mais pour ce qui est de
6 la suspension du procès avec quelqu'un qui serait chargé de veiller à la
7 bonne communication, ça, c'e0st une décision à prendre à plus long terme.
8 On essaiera de faire au plus vite, mais s'il se fait que le témoin doit
9 être rappelé, à ce moment-là, il faudra régler la question en temps et en
10 heure.
11 Mais, pour le moment, nous allons suspendre l'audience et nous la
12 reprendrons avec l'audition de M. Neskovic lundi matin.
13 L'audience est levée.
14 --- L'audience est levée à 10 heures 22 et reprendra le lundi 6 juin 2011,
15 à 9 heures 00.
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